République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 mars 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 6e session - 28e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, premier vice-président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Caroline Bartl, Erica Deuber Ziegler, Alexandra Gobet Winiger, Michel Halpérin, Sami Kanaan, Ivan Slatkine, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, j'aimerais annoncer que nous déposons la motion suivante en urgence:
Proposition de motion de Mme et MM. Guy Mettan, Pierre Weiss, Sylvia Leuenberger, René Ecuyer, Jacques Follonier, Alberto Velasco et Jacques Pagan concernant Léman Bleu Télévision ( M-1446)
Le président. Cette proposition de motion concernant Léman Bleu Télévision, est censée avoir été distribuée... Tout le monde l'a sur sa place ? Bien. Alors, Monsieur le député, il n'y a pas de débat sur l'urgence, mais vous pouvez quand même, en tant qu'initiant, dire quelques mots.
M. Claude Blanc. C'est moi qui devais le faire, Monsieur Weiss!
M. Pierre Weiss. Oh pardon, Monsieur !
Le président. Monsieur Blanc, vous avez la parole.
M. Claude Blanc (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, on est en train de vous distribuer cette proposition de motion concernant Léman Bleu Télévision et les événements qui se sont déroulés ces dernières semaines dans cet établissement. Compte tenu de l'actualité de la question, nous demandons que cette motion soit traitée en urgence, encore aujourd'hui.
Le président. Bien, je fais voter cette proposition. La motion sera traitée, cas échéant, à la séance de 20h30, après les points que nous avons déjà décidé de traiter en urgence.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Correspondance
Le président. Nous avons reçu l'ordonnance suivante du Tribunal fédéral:
Ordonnance du Tribunal fédéral concernant la requête d'effet suspensif et d'autres mesures provisionnelles assortissant le recours de M. GROBET Christian et consorts contre la loi 8658 du 22-02-02 modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (teneur résultant de la loi 8621 du 21-09-01). Le Tribunal fédéral ordonne : La demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles est rejetée ( C-1484)
M. Rémy Pagani(AdG). Monsieur le président, j'aimerais bien que les considérants du Tribunal fédéral soient distribués en tout cas aux chefs de groupe, si c'est possible.
Le président. Monsieur le député, il en sera fait ainsi au cours de la soirée.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons reçu les réponses aux interpellations urgentes écrites 23, 24, 25 et 26: elles figureront au Mémorial.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Interpellée dans le cadre d'une enquête liée à une affaire de cambriolage en même temps que treize autres personnes, la jeune Rafaela n'avait pas d'autorisation de séjour en Suisse.
Après avoir été contrôlée par la police, qui a constaté l'absence de titre de séjour, elle a été refoulée vers son pays d'origine, le Brésil, en compagnie d'une soeur majeure, Vania, sous interdiction d'entrer en Suisse, et d'une voisine de palier, adulte, originaire de Rio de Janeiro, interpellée dans la même affaire. Une autre soeur, également sous interdiction d'entrer en Suisse, et un frère en situation irrégulière, ont été refoulés vers l'Espagne.
C'est une autre soeur résidant au Brésil qui détient l'autorité parentale de Rafaela, orpheline, comme vous le savez, Rafaela l'a indiqué dans sa déclaration à la police. C'est parce que Rafaela se trouvait en compagnie de deux de ses soeurs, majeures, et de son frère au moment de l'interpellation et parce que la détentrice de l'autorité parentale se trouvait au Brésil, qu'elle y a été refoulée. Rafaela a encore une soeur à Genève, Claudia, compagne d'un fonctionnaire international, dont elle a un enfant. Cette personne est en formalité pour obtenir une autorisation de séjour en Suisse. L'office cantonal de la population a préavisé favorablement cette requête au motif qu'il y a un enfant commun et que leur mariage est prévu. La décision finale est toutefois de compétence fédérale, comme vous le savez.
Selon le dossier, Claudia n'a jamais indiqué qu'elle avait une jeune soeur à Genève et n'a jamais entamé de formalités en vue de régulariser son séjour. Actuellement, Claudia n'a pas d'autorisation de séjour en Suisse. Sa présence à Genève est admise jusqu'à décision connue de l'autorité fédérale, sur sa demande. Claudia s'est déplacée au bureau de police de Carl-Vogt, a contresigné la déclaration de Rafaela, prise par la police après son interpellation. Elle n'a pas fait valoir qu'elle voulait prendre sa jeune soeur chez elle, contrairement à ce qu'elle a affirmé plus tard à la télévision.
Le renvoi de Rafaela et de Vania a été effectué par avion sur Rio de Janeiro depuis la Suisse. Les vols vers le Brésil, Madame le député, atterrissent, soit à Rio de Janeiro, soit à Sao Paulo. La police a donné un viatique de 300 F aux deux soeurs pour leur permettre de payer leur voyage en bus jusqu'à destination finale, à savoir Salvador de Bahia. Comme Vania détenait 100 F sur elle, les deux soeurs disposaient donc d'une somme totale de 400F, ce qui équivaut à environ 500 reales brésiliens, sachant que le trajet en bus de Rio de Janeiro à Salvador de Bahia coûte 125 reales par personne et que, par ailleurs, le salaire moyen mensuel au Brésil est d'environ 130 reales.
Il n'y a pas eu de contact entre la police et l'office cantonal de la population au sujet de Rafaela. Comme le département de l'instruction publique ne communique pas le nom des élèves clandestins au département de justice, police et sécurité, la présence de Rafaela à Genève ne pouvait pas être connue de l'OCP; par définition, une consultation du registre informatique des habitants, tenu et mis à jour par l'OCP, ne pouvait donc pas non plus valider le séjour de Rafaela à Genève.
Rafaela n'étant pas impliquée dans l'affaire de cambriolage en cours d'instruction, aucun motif judiciaire ne s'oppose à son retour en Suisse, mais elle doit revenir en Suisse par la voie légale.
Pour ce faire, deux conditions formelles doivent être remplies, préalablement à son retour. Une demande d'autorisation de séjour pour études, permis B, de contention cantonale, celui-ci, doit être déposée en sa faveur par un répondant légal autorisé à séjourner en Suisse, cela pourrait peut-être être le compagnon de sa soeur Claudia, puisque c'est le seul dont nous sachions qu'il est autorisé à séjourner en Suisse. Cette personne doit, en outre, s'engager à prendre en charge les frais liés au séjour de Rafaela à Genève.
Une telle demande a été remplie au consulat suisse à Rio de Janeiro, le 20 mars 2002. Le document a été envoyé par télécopie, le même jour, à l'OCP. La personne qui a été indiquée comme garante des frais de séjour en Suisse sera auditionnée la semaine prochaine par l'OCP. Après instruction de la demande, l'office émettra une assurance d'autorisation d'entrer permettant la délivrance du visa si le dossier est conforme.
Aucune demande d'autorisation de séjour n'a été adressée à l'OCP pour Vania. Selon les informations dont dispose le département de justice, police et sécurité, cette personne se rendrait prochainement en Espagne où des parents l'hébergeraient. Au demeurant, Vania n'est pas autorisée à entrer en Suisse puisqu'elle fait l'objet d'une interdiction d'entrer qu'elle a d'ailleurs déjà enfreinte à une reprise.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, à ce stade les circonstances exactes de la détention de Rafaela doivent encore être éclaircies, comme je l'ai déjà indiqué. Un rapport détaillé a été demandé à la police. Le dossier a également été soumis au commissaire à la déontologie de la police genevoise, M. Olivier Vodoz, qui rendra son rapport à la fin avril 2002. Le dossier sera notamment examiné sous l'angle du traitement et de la protection des mineurs. Enfin, le Conseil d'Etat réexaminera prochainement les procédures liées à la scolarisation d'enfants en situation illégale à Genève qui devraient être redéfinies entre départements et partenaires concernés.
Ces interpellations urgentes sont closes.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. M. Catelain fait le raisonnement suivant: en 1991, il y avait 2,081 personnes par appartement. Si aujourd'hui, en 2001, il y avait toujours 2,081 personnes par appartement, nous aurions grosso modo6200 appartements vacants. Or, comme ils ne sont pas vacants, M. Catelain dit: «C'est donc qu'ils sont occupés par 11 000 clandestins.»
Le raisonnement est inexact, Monsieur Catelain, et vous pouvez demander au Conseil d'Etat d'expliquer comment il se fait que le taux soit différent aujourd'hui et qu'il est plus bas. En l'occurrence, il est plus bas, en raison de plusieurs facteurs. D'une part, l'aide à domicile, qui maintient plus longtemps les personnes âgées dans leur logement, à juste titre - c'est une politique que nous avons voulue - fait que les appartements sont souvent occupés par une seule personne. Il y a ensuite, bien entendu, l'augmentation du nombre de divorces. Et puis, le départ des jeunes de chez leurs parents, le redémarrage économique de la fin des années 90 leur ayant permis d'acquérir ou de louer un appartement.
En Europe occidentale, depuis le milieu du XIXe siècle, on observe une diminution constante du nombre de personnes par appartement. J'imagine qu'un jour ce taux descendra à une seule personne par appartement, et là on ne pourra pas aller plus bas... Mais, à ce jour, il y a une diminution constante et vous ne pouvez pas inférer, partant du taux d'occupation 91, qu'en 2001 il devrait y avoir des appartements vacants et que lesdits appartements vacants ne l'étant pas, ils sont occupés par des clandestins.
En ce qui concerne l'office cantonal du logement, c'est-à-dire l'ensemble du secteur subventionné, je peux vous dire qu'il n'y a pas de titulaire de bail à loyer, s'il est étranger, qui ne soit en règle du point de vue de la police des étrangers, puisque c'est une des conditions d'accès au logement social que d'être contribuable depuis deux ans à Genève.
Bien entendu, vous pouvez poser la question de savoir quel est l'impact des clandestins sur la pénurie de logements, clandestins qui sont d'ailleurs souvent logés dans des conditions extrêmement critiquables, soit du point de vue de la suroccupation, soit du point de vue des prix pratiqués, soit du point de vue du statut. Je ne peux pas être plus précis, étant donné que les clandestins sont, par définition, des personnes dont le contrôle n'existe pas.
Vous avez raison sur un point, Monsieur le député Catelain, c'est que la pénurie est grave. Il faut lutter contre cette pénurie, mais la seule manière de lutter, c'est de mettre à disposition de l'économie immobilière privée et de ses partenaires publics, les terrains à bâtir nécessaires pour pouvoir construire. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente écrite est close.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je ne sais si les trois minutes imparties suffiront à répondre aux dix questions de M. Catelain.
Tout d'abord, il existe une base légale qui nous autorise à accueillir dans nos écoles des enfants dont les parents n'ont pas nécessairement de statut. Cela se fait depuis 1991 sur la base du droit supérieur. Il s'agissait alors de l'article 27 de la Constitution fédérale, qui fonde le droit de tout enfant à bénéficier d'un enseignement de base gratuit. L'article 62 de la nouvelle Constitution fédérale, votée en 1999, confirme ce droit fondamental et je rappelle enfin que la Suisse, dans le cadre de la Convention des droits de l'enfant, s'engage aussi à respecter l'article 28 de la convention qui reconnaît le droit de l'enfant à l'éducation. La plupart des cantons suisses, sur la base de la concertation et des recommandations de la Conférence des directeurs de l'instruction publique, pratiquent de même.
S'agissant du nombre d'enfants clandestins, j'ai déjà eu l'occasion de dire, dans ce Conseil, que nous n'avons pas et ne tenons pas de statistiques dans notre base de données scolaires, puisque ne figure pas cette indication dans le recensement. Ce que nous savons par rapport à ce que nous pouvons observer sur le terrain fait que les chiffres très fantaisistes articulés jusqu'à maintenant ne sont pas de mise.
Sur la question de l'assurance-accident, ces enfants, comme d'autres, sont inscrits et donc, pour les trois ordres d'enseignement, les parents doivent produire une attestation d'assurance; s'ils ne la possèdent pas, ils reçoivent un formulaire à remplir pour qu'ils puissent être affiliés à une assurance-maladie et accident.
Sur la base de quelles prescriptions? Je l'ai rappelé tout à l'heure: dans le cadre de la Convention des droits de l'enfant, sur la base de la Constitution fédérale et sur la base de la loi genevoise sur l'instruction publique aussi. Il n'y a, à ma connaissance, aucune prescription qui nous l'interdit, preuve en est, d'ailleurs, les autres cantons qui pratiquent de même en Suisse et sur les mêmes bases légales.
Le DIP annonce-t-il à l'office cantonal de la population, OCP, les infractions ? Non, et avec l'accord du Conseil d'Etat, depuis 1991, il n'a jamais été question de transmettre les informations détenues par le DIP au titre de l'accueil des enfants à l'office cantonal de la population.
Puisque le débat a été amorcé tout à l'heure sur les mandats d'expulsion, je précise que, lorsque des expulsions doivent se faire qui touchent les parents, les enfants restent jusqu'aux plus prochaines vacances scolaires.
Quel est le coût de la scolarisation, plus de 20 000 F? Je pense, cher Monsieur le député, qu'à partir d'un certain moment on peut estimer que ce type de calcul doit être vu d'une autre façon. Bien sûr que tous les enfants, qu'ils soient de parents clandestins ou non, qui fréquentent nos écoles coûtent à la collectivité. Cependant, il s'agit aussi que cette collectivité se rende compte qu'ignorer qu'il existe des enfants clandestins dans les rues, livrés à eux-mêmes et en proie à toutes sortes d'événements, est plutôt tragique. Cet état d'abandon peut les pousser à se livrer à des actes que la justice doit réprimer.
Tant que les enfants sont sur notre territoire, nous les accueillons dans les écoles, nous le faisons par humanité et aussi par pragmatisme, puisqu'il s'agit aussi, dans ce cadre, de faire une forme de prévention. Pour ma part, je ne regretterai pas le moindre centime dépensé pour ce faire. (Applaudissements.)
S'agissant des dénonciations au pouvoir judiciaire, je pense que la réponse que je vous ai donnée, s'agissant des administrations de l'Etat, est valable aussi pour le pouvoir judiciaire.
Vous vous êtes préoccupé, Monsieur le député, des sanctions administratives que je suis censée prendre contre le directeur du cycle d'orientation des Voirets ou contre d'autres personnes encore, s'agissant d'élèves «briefés de manière unilatérale, à gauche» dans le cadre de la manifestation en faveur de la petite Rafaela.
Au vu des courriers que je reçois ces jours, Mesdames et Messieurs les députés, je ne pense pas, vu les noms qui figurent sur l'en-tête de ces lettres, que la préoccupation, s'agissant des enfants clandestins et de leur sort, soit un apanage de la gauche, bien au contraire. Je crois qu'en l'occurrence - et vous aurez constaté que le cycle des Voirets l'a fait avec beaucoup de dignité - il s'agissait pour les enfants présents, pour les enseignants et pour toutes celles et ceux qui s'en préoccupaient, d'exprimer ce qu'ils ressentaient par rapport à leur camarade d'école.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais été fort inquiète de voir des élèves adolescents se satisfaire, sans autre et sans réaction, du départ brutal d'une de leurs camarades. Quelles que soient les raisons ou les opinions politiques, je suis persuadée qu'à l'âge de ces élèves beaucoup d'entre nous auraient eu la même réaction. Ils se sont tenus dans la dignité. Ils l'ont fait avec correction et quand je les ai informés des quelques limites qu'ils devaient observer dans leurs actions, ils les ont observées de façon tout à fait concertée. Il n'y a donc lieu de réprimander ni le directeur ni les enseignants et encore moins les élèves.
S'agissant de l'interdiction d'entrer probablement prise par l'Office fédéral des étrangers à l'encontre de Rafaela, rien n'indique dans le dossier qu'une telle décision sera prise, au contraire, semble-t-il. Ce que Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat en charge du DJPS, vous a dit, je n'ai pas besoin de le répéter: il s'agit, pour un éventuel retour de Rafaela, que les conditions légales soient remplies. Si elles ne le sont pas, le retour ne se fera pas. C'est la raison pour laquelle des démarches ont été entreprises dans ce sens, et Rafaela ne reviendra pas en Suisse si les conditions légales ne sont pas remplies.
S'agissant de la question 9 sur les conditions de séjour de Claudia et du beau-frère, que vous appelez «virtuel», de Rafaela, Claudia est en formalité pour l'obtention d'une autorisation de séjour pour vivre avec son compagnon, dont elle a, par ailleurs, un enfant.
D'autre part, il convient de relever que, pour une infraction à l'article 23 de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers, il faut que la personne concernée connaisse et couvre la présence en Suisse d'un étranger qui séjourne illégalement. Votre question portait sur la connaissance que pouvait avoir le beau-frère virtuel de Rafaela de sa présence. En l'occurrence, le nom de Rafaela ne figurait pas à l'adresse dudit beau-frère.
Enfin, s'agissant de l'émotion suscitée par cette affaire, le Conseil d'Etat autorise-t-il la police judiciaire à présenter la réalité des faits aux députés et aux medias?
Mesdames et Messieurs les députés, la police judiciaire a une autorité de tutelle. Cette autorité de tutelle est le département de justice et police et sa présidente, Mme Micheline Spoerri. Elle, tout comme moi, estime que la police judiciaire, si elle a des informations à transmettre, doit utiliser les voies de service usuelles. Mais, sur le fond, je rappelle que le Conseil d'Etat n'a jamais refusé de communiquer à qui que ce soit, députés ou medias - à moins qu'il y ait un impératif de protection des données ou de la personnalité, ou d'autres éléments liés aux besoins de l'enquête - des informations que la police judiciaire estimait nécessaires de porter à la connaissance du public. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente écrite est close.
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. J'en aurai probablement pour plus de trois minutes, M. Marcet ayant posé treize questions auxquelles je vais répondre.
Concernant votre première question, Monsieur le député, il appartient à la justice pénale de jeter toute la lumière sur les faits qui ont conduit aux difficultés financières de la BCG. L'Etat de Genève, partie civile, attend le résultat de ces investigations. Il a, par ailleurs, mandaté une grande fiduciaire pour conduire des travaux d'expertise dans la perspective d'une demande en dommages et intérêts. Il n'est pas exclu que d'autres personnes que l'ancien réviseur de la BCG puissent être visées. Le Conseil d'Etat n'a aucune raison d'épargner qui que ce soit, notamment pas les membres du comité de banque ou du conseil d'administration.
S'agissant de votre deuxième question, le Conseil d'Etat a désigné ses représentants au conseil d'administration de la banque cantonale et a désigné M. Michel Mattacchini à la fonction de président du conseil d'administration. Aucun des membres du conseil d'administration qui sera issu de la prochaine assemblée générale désigné par le Conseil d'Etat, n'a siégé au comité de banque de la BCG durant les exercices 1994 à 1999.
Concernant votre troisième question: il n'appartient pas au Conseil d'Etat de dire pourquoi la constitution de partie civile de certains actionnaires de la BCG n'a pas été admise par les juges d'instruction. Je rappelle que l'Etat de Genève a dû défendre sa propre constitution de partie civile, contestée par les inculpés devant la Chambre d'accusation.
Quatrième question: dans le cadre de futures actions en dommages et intérêts, le Conseil d'Etat renforcera le nombre des avocats chargés de défendre les intérêts de l'Etat de Genève.
Cinquième question: je me réfère à la réponse apportée à la première question. De même pour la sixième question.
Septième question: les expertises réalisées lors de la fondation de la BCG sont le fait de Atag Ernst & Young SA et de la Société de révision bancaire, la première ayant par la suite absorbé la seconde. D'éventuelles négligences à ce stade seront appréhendées dans l'action en justice préparée par l'Etat de Genève.
Pour le surplus, la fiduciaire Arthur Andersen avait reçu, à l'époque, c'est-à-dire en 1992, un mandat limité consistant à analyser les méthodes utilisées pour l'évaluation des deux établissements bancaires appelés à fusionner. Le Conseil d'Etat n'a pas connaissance d'autres expertises.
Huitième question: Ernst & Young SA - au moment des faits Atag Ernst & Young SA - a effectivement invité des personnes ayant assumé dans le passé la charge d'administrateur auprès de la Caisse d'épargne de Genève. La Banque hypothécaire du canton de Genève ou BCG a renoncé à la prescription de l'action récursoire que cette fiduciaire se réserve d'exercer contre tous les anciens organes des établissements bancaires visés.
En ce qui me concerne, j'ai accepté cette renonciation sans aucune reconnaissance de responsabilité, afin d'éviter la formalité de l'envoi d'un commandement de payer. Je suis bien consciente que l'action de Ernst & Young SA - au moment des fait Atag Ernst & Young SA - a été menée aussi dans un but d'intimidation, mais elle n'entame pas la détermination du Conseil d'Etat à la poursuite des procédures engagées.
Neuvième question: je ne peux pas répondre à cette question.
Dixième question: dans la mesure où des personnes auraient reçu des avantages indus, il appartient à la justice de les poursuivre. A cet égard, l'Etat de Genève ne dispose pas d'autres informations que celles qui sont portées à sa connaissance dans le cadre de la procédure pénale. C'est le lieu de relever ici que l'Etat de Genève n'a aucun accès direct aux dossiers de la BCG et de la Fondation de valorisation qui sont protégés par le secret bancaire et le secret des affaires, dans les limites de la loi.
Onzième question: les obligations de l'Etat de Genève en rapport avec la BCG sont celles qui résultent, d'une part, de son statut de garant des dépôts d'épargne et de prévoyance et, d'autre part, des dispositions de la loi d'assainissement du 19 mai 2000. L'Etat de Genève n'a conclu aucune convention expresse ou tacite avec la Commission fédérale des banques et le nouvel organe de révision de la banque.
Douzième question: la société Atag Ernst & Young SA, réviseur de la BCG jusqu'à la fin de l'exercice 2000, n'a pas été dissoute. Elle a abandonné le nom de Atag dans sa raison sociale en septembre 2000. En novembre 2001 est parue dans la Feuille d'avis, la FOSC, l'annonce de la radiation d'une succursale d'une autre société du groupe Ernst & Young. En ce qui concerne l'ancien réviseur de la BCG, tous les droits de l'Etat de Genève sont préservés.
Treizième question: il va de soi que, si le Conseil d'Etat est informé de faits relatifs à la BCG que les juges d'instruction ignorent, il les leur transmet.
Cela étant, je vous rappelle que le Grand Conseil représente aussi l'Etat de Genève. Or, une majorité des députés a refusé, lors de la séance du 14 juin 2001, de transmettre au juge d'instruction les procès-verbaux de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur la fusion et ceux de la commission d'enquête relative aux relations de la BCG avec MM. Gaon et Stäubli, autorisant seulement les magistrats à venir en prendre en connaissance dans les bureaux du Grand Conseil.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. S'agissant de l'interpellation de M. Leuenberger, j'aimerais préciser en préambule que, selon la directive de la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail, c'est le fournisseur qui est responsable de l'information. Dans cette circulaire, on peut lire que «quiconque exploite ou entretient des installations de gaz liquéfié doit veiller à ce que la sécurité soit garantie. Les instructions de service nécessaires à cet effet doivent être disponibles dans la langue nationale usuelle dans l'entreprise concernée.» Je cherche M. Leuenberger que je ne vois pas... L'Etat envisage donc, probablement par le biais de la sécurité civile aussi, de rappeler aux fournisseurs et aux utilisateurs, qui sont dans l'obligation d'obtenir une autorisation d'exploitation, leurs devoirs en la matière.
Ceci dit, seules les installations, en fonction de cette législation, ayant fait l'objet d'une requête en autorisation auprès du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, sont évidemment répertoriées. Vu le nombre d'installations en service, l'Etat ne possède pas un contrôle systématique, faute, vous pouvez l'imaginer, de moyens qui devraient être considérables. Par ailleurs, les installations autorisées doivent être montées, je vous le précise, par un spécialiste ayant suivi un cours de formation.
Voilà, Monsieur le député. L'installation d'une cuisine pour un restaurant, par exemple, ce qui était le cas, doit faire l'objet d'une demande d'autorisation, mais évidemment, dans la réalité, n'importe qui peut aller chez un quincaillier pour acheter une bouteille de gaz liquéfié. La tolérance à ce sujet, selon les directives de l'Association des établissements cantonaux d'assurance, est de quatre bouteilles par ménage avec certaines conditions pour le stockage. Il nous est donc actuellement extrêmement difficile d'envisager des mesures réalistes et efficaces pour un contrôle direct de l'utilisateur.
M. Sommaruga nous a aussi interpellés à propos de cette explosion aux Pâquis. Monsieur le député, l'événement s'est produit, je le rappelle, le mercredi 13 mars 2002 à 9h45. Dès cet instant, la gendarmerie a mis en place un dispositif de bouclage, y compris des mesures préventives contre le pillage. Il n'appartient pas à la police, hors flagrant délit, d'assurer la surveillance de biens privés. Ce sont les régies de l'immeuble qui ont mandaté le Centre de services sur domaine privé pour sécuriser et surveiller le bâtiment 11, rue Sismondi. Ainsi, dès 18h, trois agents du service du domaine privé surveillaient en permanence les biens privés. Quant à la police cantonale, elle a maintenu sa mission d'ordre public, respectivement le bouclage du secteur, dans le quartier.
Actuellement, quatre personnes travaillant toutes pour le compte d'une grande maison de construction de la place, mandatée dans le cadre des travaux en cours à la rue Sismondi, ont été arrêtées par les services de police. L'enquête se poursuit afin de déterminer si d'autres personnes sont encore impliquées dans ces vols.
Je réponds enfin sur ce sujet à M. le député Pagani.
Monsieur le député, dans l'heure qui a suivi l'explosion, les habitants étaient déjà pris en charge par la protection civile de la Ville de Genève. Il faut noter que la protection civile de Genève porte le nom de SAPP, Service d'assistance et de protection de la population, ce qui a peut-être créé une certaine confusion.
En effet, la majorité des actions entreprises par le SAPP sont en réalité celles de la protection civile, puisqu'il s'agit d'une seule et même entité. Je souligne également que toutes les mesures prises ont été suivies par la sécurité civile en qualité d'organe de contrôle. Là encore, il ne faut pas confondre sécurité civile et protection civile, la deuxième étant intégrée à la première.
En règle générale, c'est la protection civile - M. le conseiller administratif de la Ville me contredira si je devais m'égarer - de la commune sur laquelle intervient l'événement qui est mobilisée. Lorsque la commune le demande, la sécurité civile peut mobiliser des moyens supplémentaires d'autres communes et les coordonner. Ceci s'est déjà produit dans d'autres sinistres. En revanche, cela n'a pas été le cas aux Pâquis, puisque la Ville n'a pas sollicité l'Etat, dans la mesure où elle était parfaitement à même de gérer l'événement, ce qu'elle a fait.
Selon les renseignements qui nous ont été fournis par le SAPP, sept personnes ont été relogées, le soir de l'explosion, au Centre des Pâquis. Par ailleurs, ce dernier a servi plus de trois cents repas aux intervenants et aux habitants qui en avaient besoin. La protection civile n'a pas reçu d'autres demandes de relogement. Au lendemain de l'événement, les deuxième et troisième jours, deux appartements de secours ont été attribués par la protection civile de la Ville de Genève. Cette mesure a permis de reloger neuf personnes. Ces dernières vont pouvoir, soit retourner chez elles, soit être prises en charge par la Gérance immobilière. Vingt personnes ont été nourries pendant trois jours par la protection civile. Les affirmations selon lesquelles des personnes seraient à la rue ne sont donc, à mon sens, pas fondées. Les habitants des Pâquis momentanément privés d'appartement ont été pris en charge, soit par la protection civile, soit par le service social de la Ville, soit par la Gérance immobilière. En définitive, au regard de l'article 12 de la loi fédérale sur la protection civile, la protection civile de la Ville de Genève est intervenue comme elle le devait et a rempli sa mission. J'espère ainsi vous avoir répondu.
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, le nouveau règlement nous permet, s'il est en force, de pouvoir répondre à une interpellation urgente. Je demande à pouvoir répliquer à cette interpellation urgente.
Le président. Oui, il est en force: vous avez trois minutes pour répliquer, Monsieur Pagani !
M. Rémy Pagani. J'ai bien écouté la réponse, mais je m'étonne tout de même que l'Etat de Genève ne soit pas intervenu de manière efficace et n'ait pas mis des appartements d'urgence à disposition, comme il avait été naturel de le faire il y a une dizaine d'années. Je parle bien d'appartements d'urgence attribués, non seulement par la Ville de Genève qui a fait un excellent travail dans ce domaine, mais par l'Etat. On assiste à une catastrophe d'envergure et je trouve qu'il est un peu facile de dire que c'est à la Ville de s'en s'occuper, sous prétexte que cela se passe dans un quartier de Genève. Qu'en sera-t-il demain d'autres catastrophes ? Je ne suis pas satisfait de la réponse, car l'Etat, à mon avis, n'a rien fait dans ce domaine.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, si chacune des interpellations urgentes entraîne ensuite un débat, il faudra évidemment revoir le règlement qu'avait proposé Mme Reusse-Decrey... Madame Micheline Spoerri, vous avez la parole pour trois minutes également.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le président, je ne veux pas abuser du temps précieux de ce parlement. Donc, je vais rendre à M. Pagani, qui ne m'écoute pas, une réponse écrite. Je lui demande de bien vouloir consulter son collègue député, M. le conseiller administratif Hediger, à des fins de coordination et de bonne compréhension. (Applaudissements.)
Le président. Entre temps, nous avons eu, à la tribune du public, la visite de M. André Castella, maire d'Avusy, mais que nos propos ont déjà fait fuir... ( Applaudissements.)
Ces interpellations urgentes sont closes.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Comme vous le savez, tragiquement, quatre ans après l'accident de Tchernobyl, dans les régions limitrophes, l'incidence du cancer de la thyroïde a augmenté, particulièrement chez l'enfant, alors même que le cancer de la thyroïde est une tumeur très rare chez l'enfant. L'incidence du cancer de la thyroïde a augmenté jusqu'à cent fois dans les régions limitrophes de Tchernobyl.
Une seule étude européenne a été réalisée. Malheureusement, elle n'a jamais porté sur le cancer de la thyroïde, mais sur l'éventuel déclenchement de leucémies et de lymphomes, pour lesquels aucune augmentation n'a pu être mise en évidence.
D'autres études européennes ont été réalisées par la suite, mais tardivement. Je vous rappelle que l'accident de Tchernobyl avait entraîné dans les cinq ans une augmentation des cancers de la thyroïde, localement.
Ces études sont malheureusement soumises à des aléas méthodologiques d'une certaine importance. Le premier tient aux doses d'irradiation reçues en moyenne par les populations d'Europe occidentale, qui ont été faibles au regard de celles de la région de Tchernobyl.
Deuxièmement, la maladie, en l'occurrence le cancer de la thyroïde, en particulier chez l'enfant, représente moins d'un cas par million d'habitants par année, ce qui en fait une détection relativement rare et donc difficile.
Enfin, une augmentation séculaire, pour laquelle aucune explication scientifique plausible n'est à ce jour disponible, existe en matière de cancer de la thyroïde: les taux ont doublé entre la fin du XlXe siècle et le début de celui-ci.
Pour ces raisons, la mesure d'une augmentation effective de la fréquence des cancers thyroïdiens consécutive à l'accident de Tchernobyl à Genève est absolument impossible... Monsieur le président, pourrions-nous avoir un petit peu d'ordre? Je vous remercie.
Le président. Les députés de l'Alliance de gauche, à qui je lirai l'article 162 du règlement tout à l'heure, sont priés de bien vouloir faire silence et d'écouter M. le conseiller d'Etat Unger!
M. Pierre-François Unger. Merci, Monsieur le président. A Genève, Madame, 436 cas de cancer de la thyroïde ont été diagnostiqués en trente ans, entre 1970 et l'an 2000, ce qui correspond à environ 15 cas par année. Vu la rareté de la maladie, il est probable qu'une réelle augmentation, mais qui forcément serait faible, ne pourrait même pas être mise en évidence au niveau d'une étude englobant toute la Suisse parce que les nombres sont trop petits.
En ce qui concerne la surveillance de la radioactivité dans le sol et dans l'environnement en général, les mesures correspondantes relèvent, comme vous le savez, de la compétence de la Confédération et, vous l'avez signalé, ContrAtom s'était bien adressé à la bonne porte, c'est-à-dire à la Confédération.
Par contre, en matière de denrées alimentaires, la compétence est cantonale. Ainsi, le service de la protection de la consommation surveille constamment la radioactivité dans les champignons, les champignons étant un assez bon reflet de ce qui se passe probablement au niveau du terrain. Un effort particulier a été fait en 1999, avec des mesures effectuées également sur des champignons provenant de cueillettes privées de la région genevoise. A une exception près, les teneurs en césium 134 et 137 étaient basses. La valeur de tolérance de l'ordonnance sur les substances étrangères et les composants est de 600 becquerel: les mesures étaient inférieures à 70 becquerel par kilo.
Sur 88 échantillons en provenance des divers pays européens, tous ont été déclarés conformes, à l'exception d'un échantillon de bolets secs provenant de Pologne et rapporté par un particulier, où la radioactivité mesurée s'est élevée à presque 20 000 becquerel par kilo, ce qui représente indiscutablement une vraie contamination.
En l'an 2000, 87 échantillons ont été analysés, 31 en 2001: chaque fois, les taux étaient bas, inférieurs à 100 becquerel.
La situation est donc à ce jour normale, pour autant que ces mesures soient le reflet de la situation réelle. Les résultats sont rassurants mais la surveillance, vous l'aurez compris, reste nécessaire.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Je signale que, selon les termes exacts de l'article 162 E, «le député qui n'est pas satisfait par la réponse peut redéposer une interpellation urgente écrite lors de la prochaine session». C'est donc par effraction que M. Pagani a modifié le règlement... (Brouhaha.)Nous passons à l'interpellation urgente 1216 de Mme von Arx-Vernon.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. La famille iranienne en faveur de laquelle vous intervenez, Madame, est sous obligation de départ après le rejet définitif de sa demande d'asile. Une pétition contre le renvoi de cette famille dans son pays d'origine a effectivement été déposée, le 19 février 2002. Aucune mesure effective de renvoi ne sera prise à l'encontre de cette famille tant que sa situation sera à l'examen de la commission des pétitions. Les instructions dans ce sens ont donc été données à l'office cantonal de la population. Selon les informations dont je dispose, un représentant de l'office cantonal de la population serait entendu par la commission des pétitions le 8 avril prochain. Il donnera, à cette occasion, toutes les précisions nécessaires à la bonne compréhension du dossier. Il expliquera notamment que la jeune fille, qui fréquente l'école de culture générale Henry-Dunant, a la possibilité de solliciter une autorisation de séjour pour études et que la situation médicale de son jeune frère a déjà été prise en compte par l'Office fédéral des réfugiés dans sa décision.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. L'interpellation de M. le député Iselin illustre assez bien la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'a pas souhaité être commanditaire d'un film, en l'occurrence le film sur le passage de la frontière. Il a, au contraire, établi très strictement les règles qu'il comptait suivre et le Grand Conseil aussi, qui a voté le crédit pour le financement du film.
Le Conseil d'Etat n'a jamais eu l'intention, pas plus que les députés d'ailleurs, d'intervenir sur le contenu, de le dicter, de l'évaluer. Il appartient au spectateur de critiquer, de juger ou de s'estimer satisfait du produit qu'il regarde.
Aussi, Monsieur le député, je n'ai pas l'intention d'entrer dans un débat qui consisterait à savoir ce que vous pensez ou ne pensez pas du contenu de ce film. Tel n'est pas l'objet de ce propos.
En revanche, et conformément à un débat qui a eu lieu à la commission de l'éducation et de la culture, la projection du film dans les cycles d'orientation ne devrait se faire que dans le cadre d'un accompagnement pédagogique - ce qui est le cas normalement - et devrait être, si possible, suivie d'un débat, puisqu'il s'agit d'amener les élèves à se forger une opinion, comme le dossier pédagogique sur le rapport Bergier le prévoit. C'est donc ainsi qu'il en sera fait. Le député Iselin s'étant inscrit pour être un partenaire dans ce débat, je transmettrai cette information aux écoles qui souhaiteraient organiser la projection du film.
Pour terminer, il est important, quel que soit le débat dans les écoles, de se souvenir que nous couvrons un sujet délicat qui amène chacun de nous, au travers de sa personnalité et de ses convictions, à s'interroger sur ce que nous aurions fait et où nous nous serions situés, le cas échéant. Ce débat-là est suffisamment difficile pour éviter toute polémique au Grand Conseil.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. En ce qui concerne cette interpellation, la réponse écrite a été distribuée sur vos places.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. A teneur de l'article 13 du règlement concernant la tranquillité publique et l'exercice des libertés publiques, les demandes d'autorisation de manifestation et réunion doivent être adressées, vous le savez, au département avec tous les renseignements à l'appui, au moins quarante-huit heures à l'avance.
C'est dire que, dans certaines circonstances, le temps qui nous est laissé pour intervenir et agir est très court, ce d'autant plus que la procédure qui suit doit être communiquée à bien d'autres services cantonaux et communaux pour préavis.
Dans la pratique, les demandes d'autorisation de manifestation et de réunion sont souvent présentées au département moins de deux semaines avant l'événement. De plus, il manque souvent de nombreux renseignements pertinents.
En général, le DJPS s'efforce de donner une suite positive aux demandes qui lui sont adressées, quitte à ce que le programme présenté soit modifié. J'observe ainsi qu'il entre en matière même si la demande est tardive. Il faut ici préciser que les autorisations sont délivrées, non pas en fonction de l'arrivée de la demande, mais de la date de la manifestation, impliquant un traitement d'urgence. Dans la mesure du possible, je crois pouvoir répondre que nous fournissons une prestation à satisfaction des utilisateurs. Cependant, si vous avez un écho inverse, je suis prête à l'entendre.
Ensuite, vous posez quelques questions au sujet de chiffres. Le secrétariat général du département a traité près de 700 requêtes en 2001. Un pointage opéré sur le dixième de ces dossiers établit que, lorsque ces demandes sont présentées au moins un mois avant la manifestation, l'autorisation est délivrée, dans l'immense majorité des cas, au moins cinq jours avant la tenue de l'événement. Voilà pour les délais sur lesquels vous vous interrogez.
Finalement, les critères qui guident le département et la police en la matière sont déterminés par les exigences constitutionnelles, également ceux régissant les libertés publiques, ainsi que les mesures concrètement dictées, dans chaque cas d'espèce, pour assurer ce qui est notre rôle: la sauvegarde de l'ordre public et de la sécurité. Ils sont aussi ceux qui découlent d'une volonté affirmée de ma part, je vous le confirme, de dire oui autant que possible pour respecter le droit d'expression.
Toutefois, je précise que le département, dans le but de remplir son rôle correctement, n'entre pas en matière sur le fond des manifestations. Je me suis exprimée à ce sujet, notamment lorsqu'il s'est agi de la manifestation du Falun Gong, et nous n'avons pas, à ce stade et à ce titre, de préjugés ou de jugements à porter.
Cette interpellation urgente est close.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je réponds à l'interpellation urgente de M. Letellier suite à la publication du rapport de M. Flückiger. Les emplois temporaires cantonaux augmentent-ils le taux de chômage genevois? Le rapport du professeur Flückiger constate en effet que la pratique des emplois temporaires tend à prolonger la durée du chômage et le Conseil d'Etat en a pris acte. Néanmoins, cela ne constitue pas le seul facteur de différence entre le taux de chômage de Genève et la moyenne suisse.
Y a-t-il des chômeurs qui abusent du système? Je crois pouvoir dire sans me tromper que, pour la majorité des chômeurs, l'absence d'emploi est dramatique et les conséquences très difficiles à accepter, mais, comme partout dans ce bas monde, les abus existent et nous ne pouvons pas les nier.
Je reste persuadé, néanmoins, qu'ils concernent une minorité de demandeurs d'emploi. Tout en incitant mes services à les dénoncer et à prendre les mesures prévues par la loi à cet égard, je me refuse à emprunter le raccourci qui tendrait à généraliser ce phénomène.
Les contrôles exercés par l'OCE sont-ils suffisants? Je rappelle que ce Grand Conseil a longuement traité, il n'y a pas si longtemps, d'une motion qui mettait en cause l'office cantonal de l'emploi, accusé d'excès de zèle, de brimades à l'encontre des chômeurs. Mais les faits sont têtus: les statistiques publiées par la Confédération démontrent que les sanctions prononcées par l'OCE sont nombreuses, certes, mais bien en dessous de celles qui se pratiquent dans les autres cantons de Suisse.
Alors, quelles mesures le Conseil d'Etat entend-il prendre? J'en ai, pour l'essentiel, informé tout d'abord le Conseil d'Etat, le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, puis la commission de l'économie et, enfin, la presse. Tout d'abord, il s'agit de renforcer toutes les mesures d'accompagnement, de formation et de soutien des chômeurs au sein de mes propres services, mais aussi d'avoir davantage de rigueur à l'encontre de ceux qui en abusent. Et l'un ne va pas sans l'autre. Enfin, il s'agit de créer, sous l'égide du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, un groupe de travail destiné à analyser les mesures cantonales et, notamment, les emplois temporaires. Ce groupe sera tripartite, en associant les partenaires sociaux, et interdépartemental, en associant les départements de l'économie, de l'instruction publique et de l'action sociale. Cette réflexion commune me semble des plus importantes, afin d'aboutir à l'élaboration de mesures plus efficaces pour la réinsertion des demandeurs d'emploi sur le marché du travail, et cela dans leur propre intérêt avant tout.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Le 10 janvier 2000, un inspecteur de la police genevoise amené à intervenir, suite à une tentative de vol, a tiré sur un véhicule, tuant le conducteur et blessant grièvement l'autre passager, tous deux soupçonnés d'avoir volé une personne âgée à son domicile.
Le jour même, cet inspecteur a fait l'objet d'un mandat d'amener pour meurtre, délivré par le juge d'instruction. Par ordonnance du 24 février 2000, le juge d'instruction a refusé de l'inculper d'homicide par négligence et de lésions corporelles par négligence et de communiquer la procédure au Parquet, considérant qu'elle était terminée. Dans la mesure où l'inspecteur n'a pas été inculpé, il n'a pas été suspendu de ses fonctions.
Par ordonnance du 19 juin 2000, la Chambre d'accusation a admis partiellement le recours interjeté par les parties civiles et a renvoyé la procédure au juge d'instruction pour qu'il inculpe l'intéressé d'homicide par négligence et de lésions corporelles par négligence et qu'il complète son enquête dans le sens des considérants, concernant, d'une part, l'homicide et les lésions corporelles par dol éventuel et, d'autre part, la mise en danger de la vie d'autrui.
Par note du 22 août 2000, le chef de la police de sûreté, aujourd'hui police judiciaire, a demandé l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de son collaborateur, concernant les faits du 10 janvier 2000.
Par arrêté du 30 août 2000, cette enquête fut confiée par le département à M. André Duvillard, adjoint du commandant de la police du canton de Neuchâtel. Elle a été suspendue jusqu'à droit jugé dans le cadre de la procédure pénale actuellement pendante, relative aux agissements de cet inspecteur. Cette procédure est toujours pendante à l'instruction.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. La sécurité, tout comme la protection environnementale du lac, est du ressort du canton. Pour ce qui concerne les eaux territoriales genevoises en matière de sécurité, c'est la police qui s'est chargée de conduire les opérations de sauvetage.
De plus, toutes les entités intéressées, qu'elles soient françaises ou suisses d'ailleurs, travaillent actuellement à l'élaboration d'un plan multilatéral de secours sur le lac Léman, prévoyant une organisation commune des secours sans remettre en cause les plans de secours propres à chaque partie, notamment le plan ISIS pour notre canton.
Toutes les sociétés de sauvetage du lac, réunies sous l'égide de la Société internationale de sauvetage sur le Léman, sont bien entendu déjà considérées comme les partenaires privilégiés des secours d'Etat.
Les sociétés genevoises, et notamment celles évoquées par vous-même, Monsieur le député, sont, par ailleurs, soutenues financièrement par les communes riveraines du petit lac et par les dons d'habitants de ces communes, qui sont régulièrement sollicités.
L'Etat, par le biais de la sécurité civile cantonale, entretient de bonnes relations avec elles, mais ne peut, comme pour les sapeurs-pompiers communaux par exemple, leur apporter un soutien conséquent, faute de textes législatifs actuellement. A noter que la sécurité civile met à disposition de plusieurs de ces sociétés de sauvetage des moyens d'alarme pour, au moins, pouvoir alarmer les personnes qui s'engagent dans l'opération.
Le projet fédéral de protection de la population et de nouvelles lois sur la protection civile, qui devraient être approuvées par les Chambres cette année encore, auront des incidences certaines sur les législations cantonales d'application de ces lois fédérales, obligeant les cantons à les adapter.
A cette occasion, une intégration des sociétés de sauvetage dans nos textes législatifs confirmerait que l'Etat compte sur ces forces de sauvetage et permettrait de les soutenir de façon correcte dans la globalité de leurs activités d'utilité publique reconnues et d'assurer ainsi leur pérennité. Je peux vous dire que le département prévoit d'approcher les sociétés en question à l'occasion de la révision des textes législatifs.
Cette interpellation urgente est close.
Suite du débat
Le président. Je salue M. le maire d'Avusy, qui est revenu à la tribune du public... Nous l'avions déjà salué tout à l'heure, en son absence...
Nous poursuivons nos travaux sur le point 135 de notre ordre du jour et plus particulièrement sur le projet de loi 8708, maintenant que l'initiative Casatax a été rejetée. Une note a été distribuée aux chefs de groupe et au Bureau concernant les droits d'enregistrement, je vous en lis la conclusion: «Le PL 8708, suite à son adoption par le Grand Conseil, devra être soumis au référendum obligatoire prévu par l'article 53A de la constitution de la République et canton de Genève.»
Le contre-projet, s'il est adopté ce soir, devra donc être soumis au vote populaire, mais avant d'en débattre, selon notre règlement, nous devons d'abord formellement voter pour savoir si nous acceptons le principe même de présenter un contre-projet. Je rappelle que la commission avait entamé l'examen d'un contre-projet éventuel en même temps qu'elle étudiait l'initiative. Ce soir, formellement, nous devons voter d'abord sur le principe du contre-projet. Si ce principe est adopté, nous débattrons à ce moment-là du contre-projet lui-même. Les rapporteurs souhaitent certainement s'exprimer à ce sujet, je passe la parole à Mme Hagmann...
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Après les deux heures et demie de discussion d'hier soir, il était évident que ce Grand Conseil allait adopter un contre-projet. Il n'y a donc pas à débattre longuement: il faut maintenant que nous puissions vous expliquer en quoi consiste le contre-projet. Autrement dit, sur le principe du contre-projet, je n'ai rien à dire, si ce n'est que je vous demanderai, Monsieur le président, de nous faire voter. Ensuite, il faudra demander la discussion immédiate sur le projet de loi.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, vous avez été très clair dans votre introduction. J'aimerais, pour ma part, en préambule, avant d'entrer dans le débat sur le fond, préciser un point, voire deux.
Le premier concerne les débats d'hier sur l'initiative 115. J'ai effectivement fait un rapport de majorité concluant au rejet de l'initiative 115: j'aimerais que ce point soit bien enregistré, puisqu'il y a eu un peu de confusion dans les interventions préliminaires du président du Grand Conseil hier. Il est clair que Mme Hagmann, qui s'est abstenue sur l'initiative, était dans la minorité en commission et ne pouvait donc pas faire un rapport de majorité sur cette question. De même, hier soir, elle a voté en faveur de l'initiative et elle ne reflétait donc pas l'opinion majoritaire du Grand Conseil, qui en l'occurrence a conclu au rejet de l'initiative. C'est un point de forme, mais je pense utile qu'il soit précisé clairement et qu'il n'engendre aucune contestation ici.
Maintenant, quant au contre-projet, je suis effectivement dans la minorité, comprenant l'Alliance de gauche et les députés du parti socialiste, qui combat ce contre-projet. Je réendosse ainsi en quelque sorte mon rôle de rapporteur de minorité, avec une pointe de surprise de voir en face de moi, comme défenseure du contre-projet, quelqu'un qui, hier, a voté pour l'initiative, quelqu'un dont le groupe argumentait en faveur de l'initiative, poussant le Grand Conseil à l'adopter, ce qui aurait eu pour conséquence d'empêcher le dépôt du contre-projet ! Mais enfin, ce sont là les petites incohérences du groupe libéral, qui a cherché à danser sur plusieurs jambes à la fois... Je ne lui en tiens pas rigueur, mais j'observe avec un certain amusement cette démarche un peu surprenante. Voilà pour le premier point.
Deuxième point: vous avez dit, Monsieur le président, que les chefs de groupe et les membres du Bureau avaient reçu une note indiquant que le contre-projet serait, cas échéant, soumis en votation populaire. C'est la question qui se posait en fin de soirée hier et j'aurais aimé, pour que cela soit clairement établi, sans contestation ultérieure possible, entendre les représentants des initiants sur cette question. J'aimerais les entendre dire qu'ils se rallient à cette interprétation et que nous sommes bien d'accord: il y aura votation populaire sur l'initiative et sur le contre-projet, cas échéant, s'il était adopté.
M. Muller me susurre... (Exclamations.)M. Muller me susurre que les initiants ne seraient pas présents: c'est de nouveau un de ces comportements un peu spéciaux du parti libéral... Je rappelle que M. Muller a été auditionné, dans le cadre des travaux de la commission, comme représentant des initiants ! J'aimerais donc l'entendre sur son adhésion à cette déclaration du Conseil d'Etat - que vous avez, Monsieur le président, citée à juste titre en introduction à nos travaux - ce d'autant que M. Muller n'est pas toujours forcément favorable au fait que les citoyens puissent se prononcer sur tel ou tel objet... J'ai ainsi sous les yeux une interview du journal «24 Heures» du mercredi 4 octobre 2000, que j'ai trouvée, comme beaucoup des documents évoqués hier, sur le site internet de M. Mark Muller. Pour l'anecdote, sachez que M. Mark Muller y est qualifié de Zorro - après Batman et Superman, voici Zorro: tous ces personnages ont la caractéristique d'avancer masqués et c'est vrai que, pour se poser en défenseur des locataires, M. Muller a besoin de masques, de plusieurs masques apparemment...
Pour revenir à des choses sérieuses, dans cette interview, je cite, textuellement, une réponse de M. Mark Muller: «On parvient à trouver des solutions par la négociation, mais dès que la parole est donnée au peuple ces magnifiques compromis volent en éclats. On devrait donc modifier la loi de telle sorte que le peuple ne puisse plus se prononcer sur certains projets.» Ce sont là des choses qui ont été dites, ou du moins reproduites sur le site de M. Mark Muller. Je vous l'accorde, j'ai raccourci la citation et, dans ce document, M. Mark Muller dit beaucoup d'autres choses intéressantes, mais évidemment notre propos n'est pas de discuter de toutes les choses intéressantes qu'au cours de sa carrière il a pu dire... (Exclamations.)S'agissant de l'initiative, M. Mark Muller - je lui rends volontiers cet hommage - a essayé assidûment d'obtenir des compromis; il a pleuré de chaudes larmes, ou presque, lorsque le parti socialiste ne s'est pas rallié au compromis qu'il proposait; il propose ce soir un amendement qui pousse le compromis encore un peu plus loin. Donc, quand je lis, dans cette interview, qu'il est d'avis de faire des compromis pour éviter le vote populaire, j'aimerais, Mesdames et Messieurs, l'entendre sur son ralliement sans réserve à la déclaration du Conseil d'Etat, selon laquelle les citoyennes et les citoyens de ce canton auront le dernier mot sur cette question.
Le président. Je rappelle qu'il ne s'agit pas seulement d'une déclaration du Conseil d'Etat, mais d'un avis de droit du service juridique du département des finances. Par ailleurs, si M. Muller ne souhaite pas prendre la parole, il ne la prendra pas... Par contre, Mme le rapporteur de majorité souhaite intervenir: c'est à vous, Madame !
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, j'aimerais que figure au Mémorial le fait que j'ai été choisie démocratiquement par la commission comme rapporteur pour les travaux que nous avons faits et que je suis à cette table le rapporteur désigné par la commission - tous les P.-V. le précisent, Monsieur Vanek. Je suis intervenue à cette table en ma qualité de rapporteur et ma conclusion hier - je l'ai notée - était: «La commission dans sa majorité a décidé, en examinant les effets positifs et négatifs de l'IN 115, de lui préférer un contre-projet.» Vous ne pouvez donc pas dire, Monsieur Vanek, que j'ai adopté une attitude libérale: j'ai été la représentante de la commission à cette table ! (Applaudissements.)
Le président. Sur le principe du contre-projet, la parole est à M. Grobet...
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je n'entends pas en l'état me prononcer sur le principe: je demande simplement qu'il soit donné lecture de la déclaration du Conseil d'Etat. En effet, vous avez fait tout à l'heure une excellente intervention à ce propos, mais je constate que, dans cette enceinte, il règne tout de même une incertitude - pour autant, il est vrai, qu'on puisse interpréter certains haussements d'épaule et certains sourires... (Commentaires.)Monsieur Blanc, cette question est importante et il ne faudrait pas qu'après les débats de notre assemblée certains, notamment le comité d'initiative - dont l'un des membres éminents ne veut pas s'exprimer, semble-t-il - fasse des déclarations inattendues...
Il est important que la déclaration du Conseil d'Etat soit entendue par notre Conseil dans sa totalité. C'est moi qui ai demandé que notre Conseil soit éclairé et je pense que ce document ne doit pas être vu par les seuls chefs de groupe. Deuxièmement, la lecture de ce document permettra qu'il figure intégralement dans le Mémorial du Grand Conseil: c'est important, s'agissant d'une question juridique controversée.
Le président. Monsieur le député, je vous propose que cet avis de droit de quatre pages figure au Mémorial, que ceux qui le souhaitent, autres que les membres du Bureau ou les chefs de groupe, puissent se le procurer, mais qu'on n'inflige pas à ce Grand Conseil la lecture de ce document. Etant entendu qu'il sera publié au Mémorial, comme vous le demandez.
M. Jean Spielmann (AdG). Il est assez rare qu'on ait un débat d'une telle importance, sur un sujet aussi grave... Je le dis eu égard aux séances précédentes où on a vu les bancs d'en face, et malheureusement aussi la présidence du Grand Conseil, utiliser tous les moyens possibles et imaginables pour empêcher les gens de s'exprimer, voter des clauses d'urgence sur des sujets qui n'avaient aucune urgence, prendre des mesures que je n'avais jamais vues dans ce parlement jusqu'à ce jour, pour empêcher le peuple de se prononcer. Aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où les textes législatifs ne sont pas clairs. L'article 53A de la constitution précisait au départ qu'il s'agissait d'impôts et de taxes, on a supprimé la référence aux taxes dans cet article et, aujourd'hui, on se demande si le contre-projet sera soumis à l'article 53A.
Un avis de droit a été rédigé à ce sujet, fort bien: je trouve que la moindre des choses, c'est qu'il soit distribué aux membres du parlement ! Il est quand même spécieux qu'un document de quatre pages d'une telle importance ne soit pas distribué, alors que la plupart du temps, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on fait des distributions pour moins que cela !
En l'état, le problème est important et je trouve que les bancs d'en face devraient pour le moins se prononcer et dire clairement s'ils souhaitent que le peuple se prononce sur le contre-projet. En effet, aux termes des lois et règlements en vigueur, il reste possible que le comité d'initiative et les bancs qui nous font face trouvent des mesures dilatoires pour que le peuple ne se prononce pas. C'est une chose qu'il n'y ait pas de référendum obligatoire; c'est une autre chose que d'empêcher les citoyens de ce canton de se prononcer éventuellement par voie référendaire sur une loi que nous votons aujourd'hui. La situation est suffisamment extraordinaire pour que les gens prennent des positions claires.
En l'occurrence, je constate une fois de plus que, du côté du parti libéral, on a plutôt peur des droits démocratiques, des droits populaires. On essaie de trouver toutes les manoeuvres possibles et imaginables pour que le peuple ne se prononce pas et je trouve cela inacceptable sur le plan démocratique, inacceptable sur le plan des droits populaires !
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve surprenant que le représentant qualifié des initiants, qui était qualifié pour les représenter et défendre cette initiative devant la commission fiscale du Grand Conseil, ne le soit pas pour accéder à la demande qui lui est faite, c'est-à-dire de se prononcer clairement et de dire qu'il accepte les règles du jeu telles qu'elles sont définies dans ce document ici. Ce serait vite fait, cela lèverait toute ambiguïté, cela répondrait aux interrogations de mes collègues... En l'occurrence, son silence me surprend.
Maintenant, sur le fond de la question, à savoir: devons-nous ou non élaborer un contre-projet à cette initiative? C'est une question évidemment très formelle, puisqu'une large majorité de la commission s'est prononcée non seulement pour le principe d'un contre-projet, mais encore sur un contre-projet rédigé et inclus dans le rapport qui nous a été transmis. J'aimerais, à ce sujet, réitérer ce que j'ai dit hier soir: ce contre-projet n'en est pas un. Il se borne à accommoder les idées des initiants pour les rendre éventuellement applicables, il se borne à mettre en musique ces mêmes idées, une commission du Grand Conseil ayant, au demeurant, fait le travail que les initiants n'ont pas daigné faire eux-mêmes avant de solliciter les signatures de 10 000 citoyennes et citoyens !
Je m'abstiendrai donc sur la question de l'opportunité ou non de présenter un contre-projet. Pour moi, contre-projet ou initiative sortent du même tonneau, remplissent la même mission, sont défendus avec les mêmes arguments, ont sensiblement la même incidence - quoiqu'on pourra préciser ce détail encore - en termes de cadeaux faits aux bénéficiaires de ces mesures. Voilà, Monsieur le président, pour répondre à votre invite initiale, ma position sur le vote qui va suivre. Il est entendu, par contre, que je combattrai au nom de l'Alliance de gauche le projet de loi 8708 servant de contre-projet, tel qu'il est issu des travaux de notre commission.
Le président. Je signale que j'ai demandé au service du Grand Conseil de distribuer l'avis de droit, ainsi tout le monde l'aura...
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Contrairement à mon préopinant, j'aime bien cibler mes réponses... On nous a posé une question précise: désirez-vous, oui ou non, que ce projet de loi 8708 soit soumis au peuple? Alors, deux réponses, Monsieur le président, que j'adresse par votre intermédiaire à M. Spielmann. Un, la commission n'a travaillé que dans ce but. Deux, le parti libéral souhaite ardemment que ce projet soit soumis au peuple.
A ce sujet, vous avez la mémoire un peu courte. Hier soir, au moment où nous avons clos cette séance, à 23h, j'ai fait une des dernières interventions, dans laquelle j'ai souhaité que Mme la présidente Calmy-Rey se prononce le soir même, car j'étais sûre que, s'agissant d'une modification de l'assiette fiscale, nous serions obligés d'aller devant le peuple - ce que nous appelons de tous nos voeux. Est-ce clair, est-ce suffisant? Oui, nous voulons que le projet aille devant le peuple !
M. Claude Blanc (PDC). Ce débat d'arrière-garde a manifestement toutes les allures d'une manoeuvre dilatoire pour retarder les débats jusqu'à 3h du matin, de façon à éviter peut-être qu'il y ait un contre-projet...
Hier, nous avons déjà discuté de l'opportunité du contre-projet et de l'obligation de le soumettre au peuple, si le Grand Conseil l'acceptait. Je répète ici que l'article premier de la loi sur les droits d'enregistrement dit bien que les droits d'enregistrement sont un impôt. La demande du Grand Conseil était, à mon avis, superfétatoire, mais enfin Mme Calmy-Rey s'y est prêtée: ses services ont livré un avis de droit vraiment très fouillé, très circonstancié, qui ne laisse aucun doute. Par conséquent, toutes les questions qui se posent sur l'éventualité de soumettre ou non au peuple le projet de loi 8708 s'il est voté, sont absolument superfétatoires et dénotent la volonté de ceux qui continuent ce débat de le retarder le plus possible. Je pense que Mme Calmy-Rey va dire à peu près la même chose en des termes plus choisis: je la laisse le faire !
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Effectivement, une fois n'est pas coutume: je vais dire à peu près la même chose que M. Blanc ! Je vais même répéter ce que j'ai dit hier soir, à savoir que les droits d'enregistrement sont des impôts, ce que confirme très clairement l'avis de droit de l'administration fiscale cantonale, que vous allez tous recevoir - je suis désolée que vous ne l'ayez pas encore reçu. Deuxièmement, le projet de loi qui vous est proposé prévoit une baisse d'impôt et doit être soumis au peuple en vertu de l'article 53A de la constitution cantonale. Cela ne souffre pas de contestation.
Enfin, pour ce qui concerne le contre-projet, il est meilleur que l'initiative à la fois sur la forme et sur le fond. Sur la forme, l'initiative présentait des difficultés d'exécution que ne connaît pas le contre-projet. Sur le fond, ce dernier plafonne les diminutions d'impôts et prévoit même des diminutions plus grandes si les actes de vente sont moins élevés. Il est donc fondamentalement plus attractif que l'initiative, je l'ai déjà dit. Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter le principe d'un contre-projet, puis de voter la discussion immédiate sur le projet 8708. (Applaudissements.)
Le président. Je mets aux voix le principe du contre-projet. Le vote électronique va débuter...
Mis aux voix, le principe de présenter un contre-projet est adopté par 55 oui contre 24 non et 2 abstentions.
Le président. Nous allons donc pouvoir débattre du projet de loi 8708. Je rends la présidence à M. le président du Grand Conseil...
Présidence de M. Bernard Annen, président
Le président. Nous sommes donc en débat de préconsultation en ce qui concerne le projet de loi 8708. Je passe la parole à Mme Hagmann...
Préconsultation
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, je demande la discussion immédiate...
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
M. Albert Rodrik (S). Quand on parle logement, nous, les socialistes, entendons d'abord protection des locataires et loyers équitables, constructions de HBM et encouragement aux coopératives d'habitation... Dans le débat qui se déroule maintenant, nous ne retrouvons pas nos aspirations en matière de logement. Qu'elle soit vice ou vertu, ce n'est probablement pas dans l'accession à la propriété du logement que se pose le problème social du logement, en tout cas pas pour nous. Ce que nous constatons ce soir, entre l'initiative et le contre-projet, c'est que nous allons distribuer des cadeaux Bonux - prélevés sur une hotte qui est toujours celle des finances genevoises, c'est-à-dire des contribuables - à des citoyens qui n'ont probablement pas besoin de la mansuétude du législateur. C'est de cela qu'il s'agit. A partir de là, si vous voulez vous préoccuper de cet aspect-là de la politique du logement, libre à vous, mais il ne nous concerne pas de très près !
M. Pierre Schifferli (UDC). Nous avons été quelque peu surpris de cette espèce de guerre de religion qui a eu lieu hier soir au sujet du droit de propriété, droit qui est inscrit dans notre Constitution, qui n'est certes pas de droit divin et qui connaît aussi des restrictions dans l'intérêt de la collectivité. Mais enfin, nous sommes attachés à la propriété et, sans dire que tous les Genevois rêvent de devenir propriétaires - certains préfèrent rester locataires, c'est tout à fait leur droit - nous savons qu'il y a une catégorie de la population, une bonne partie de la classe moyenne qui souhaite acquérir son logement, devenir propriétaire d'un appartement ou d'une villa.
Le contre-projet à l'initiative - je rejoins en cela la conseillère d'Etat Calmy-Rey - est certainement mieux ficelé, mieux pensé que l'initiative elle-même. Il s'agit en l'occurrence d'une très légère, d'une modeste réduction - car enfin on se bat pendant des heures pour une réduction de 15 000 F - des droits d'enregistrement, avec un plafonnement. Je ne pense pas que cette légère incitation puisse déboucher, à elle seule, sur une solution à la crise du logement que nous connaissons, c'est vrai, mais dans une situation de crise il faut peut-être adopter une série de mesures qui, ensemble, peuvent contribuer à résoudre le problème. Nous devons aller dans cette direction et c'est à mon avis une démarche parfaitement raisonnable que de réduire les droits d'enregistrement dans cette très modeste mesure. Cela permettra peut-être aussi de libérer un certain nombre de logements sur un marché aujourd'hui asséché. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose donc, au nom du groupe UDC, d'accepter le contre-projet à l'initiative 115.
M. David Hiler (Ve). Le contre-projet présente, Mme Calmy-Rey l'a dit, une nette amélioration par rapport à l'initiative. C'est cette nette amélioration qui nous fait le soutenir. Cependant, il a, à nos yeux - nous y reviendrons ultérieurement - un défaut, à savoir que le plafonnement retenu finalement par la majorité de la commission reste un peu élevé, s'il est question de démocratiser l'accès à la propriété. En effet, lors de l'achat d'un objet immobilier à 2 millions, la question de la démocratisation de l'accès à la propriété n'est pas vraiment posée: on est là manifestement au-delà de l'habituelle maison individuelle, familiale, qui pourrait être invoquée... Nous serons heureux que ce débat soit public et que le peuple puisse se prononcer - ce qui n'a jamais fait aucun doute, à nos yeux du moins - mais nous pensons qu'il serait raisonnable que la majorité de ce parlement se rallie à un montant plus bas que celui des 2 millions prévu par cette loi.
Cela dit, nous ne pensons pas que, dans une politique de démocratisation de l'accès à la propriété, on puisse tenir pour négligeables les réductions de 10 000, 12 000 ou 15 000 F selon les cas, qui pourraient être accordées, loin de là. En effet, pour un objet confortable, un appartement de 100 m2 PPE valant 400 000 F aujourd'hui - je ne parle pas d'un objet neuf, je parle du prix moyen des transactions pour un 4, 4,5 ou 5 pièces - ce qui compte pour l'acheteur ce sont les fonds propres. Or, vous savez comment cela fonctionne: les frais d'enregistrement doivent être ajoutés aux fonds propres, ils ne peuvent pas être pris en charge par la partie crédit. J'aimerais donc, après le grand débat idéologique d'hier, vous rappeler ce que cela représente en termes de chiffres. Pour un 5 pièces raisonnable à 400 000 F, si l'acquéreur est capable, soit par le deuxième pilier, soit par des avances familiales - ce qui arrive souvent pour les jeunes couples - de mettre 25% de fonds propres, ce qui me paraît raisonnable pour partir dans une telle opération, il reste 300 000 F à couvrir. Au taux d'intérêt actuel, avec le pourcent qu'on ajoute toujours pour les frais et les charges, le loyer de cet appartement en tant que tel, le loyer de l'argent, est de 1250 F par mois, auquel s'ajoute, dans le cadre d'un amortissement à 2%, une épargne - car c'est une épargne, une somme qui reste à la personne - de 500 F par mois. A ce tarif-là, un certain nombre de personnes - et j'en ai connues - doivent se poser la question entre acheter un appartement ancien de 100 m2 ou louer un HLM neuf, parce qu'au fond cela va leur coûter la même chose. Aussi, on ne peut pas dire, sans autre forme de procès, que soutenir ce projet, c'est s'éloigner à l'évidence d'une politique sociale du logement. Il y a 30 ou 40% de la population qui n'arrivera jamais à réunir les fonds propres et il ne faut surtout pas pousser cette catégorie à s'engager dans ce genre d'aventure. M. Ferrazino l'a dit en commission et je suis parfaitement d'accord: on ne doit jamais pousser, on doit faciliter. Mais parmi les 70% de la population genevoise ayant, par ses revenus, accès aux logements sociaux selon les barèmes actuels, une partie non négligeable hésite effectivement entre acheter un logement sur la médiane des coûts des transactions et louer un HLM.
Je ne vois donc pas pourquoi on compliquerait la vie des gens s'agissant d'un impôt qui n'a pas de base sociale très évidente, pas d'objectif de redistribution de richesse, et dont le seul «mérite», si c'en est un, est de renchérir constamment les coûts des logements, soit pour la location, soit pour l'accès à la propriété. Nous pensons que ce petit geste, contrairement aux invites de l'initiative «Un toit pour soi», est une première mesure qui peut être prise en faveur de l'accès à la propriété dans notre canton, dans un processus de démocratisation tel que le connaît l'Europe entière, pour des raisons souvent non idéologiques à vrai dire. En effet, la difficulté extrême à trouver des investisseurs qui acceptent aujourd'hui d'investir à raison des besoins est un véritable problème, notamment pour tous les pays du Nord les plus prospères. C'est une petite partie du problème, nous devons l'affronter, étant entendu que, pour nous, l'essentiel est toujours que des constructeurs d'utilité publique assurent les 30 ou 33% de logements sans but lucratif, nécessaires pour répondre à la demande sociale la plus urgente. Nous nous battons pour cela depuis longtemps. Mais nous nous battons aussi aujourd'hui pour l'accès à la propriété, qui est une autre branche d'une bonne politique du logement.
Nous soutiendrons donc le projet de loi qui, par le rabais d'impôt qu'il prévoit, favorise essentiellement les gens qui achètent des logements de valeur modeste. C'est pour cette raison que nous trouvons ce contre-projet bon. Dans ce sens, nous réinterviendrons lourdement pour essayer de convaincre ceux qui ne le sont pas encore que ce projet est plus intéressant avec un plafonnement à 1 million, toute autre approche enlevant beaucoup de crédibilité à cette démarche de démocratisation de l'accès à la propriété.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Comme on l'a déjà dit, le débat idéologique a eu lieu hier soir pendant deux heures et demie: ce soir, on peut donc se contenter d'être factuel ! M. David Hiler, qui a présidé la commission de main de maître, m'a coupé l'herbe sous les pieds, en développant un argumentaire qui nous convient bien. Cela dit, nous avons actuellement une divergence sur la limitation de la réduction. A ce sujet, je rappelle que cette limitation a été adoptée par la majorité de la commission, composée de l'Entente et des Verts, majorité à laquelle nous aurions bien voulu voir se joindre les socialistes, puisque Mme Calmy-Rey, participant aux séances de commission, nous a même donné des arguments pour le contre-projet, a proposé des simulations chiffrées, en disant que cela lui convenait. C'est pour cela que nous vous avons présenté le projet de loi tel quel, parce que nous avions l'accord de la cheffe du département et que toute la commission avait un seul terme à la bouche, celui d'incitatif. Il ne faut absolument pas oublier cet adjectif, qui explique le consensus auquel la commission est arrivée.
Dans les faits, la commission a donc décidé que l'accession à la propriété serait facilitée par la limitation des droits d'enregistrement lors de l'acquisition d'un bien immobilier destiné à son usage propre. Le rabais d'impôt de 15 000 F a été décidé à la majorité de la commission, après bien des marchandages et différentes simulations.
S'agissant des transactions qui ne dépassent pas 2 millions de francs, je voudrais apporter une petite précision pour qu'elle figure dans le Mémorial. Il faut bien comprendre que c'est le prix de vente du logement lui-même qui ne doit pas dépasser 2 millions. Il ne faut pas tenir compte d'autres éléments parfois visés dans les actes de vente, comme les indemnités versées par l'acquéreur pour reprendre des cédules hypothécaires, ou pour obtenir la libération des lieux. Il faut aussi savoir que, dans ces 2 millions, il n'y a pas de prise en charge ou de remboursement de frais d'étude, ni le coût d'aménagement au gré du preneur. En l'occurrence, il nous semble tout de même que nous avons mis des filets de protection autour de ce rabais d'impôt, en prévoyant des vérifications quant au fait que ce soit le propriétaire lui-même qui habite le logement, en précisant qu'il doit y rester trois ans au minimum et que le Conseil d'Etat fixera un règlement sur les modalités de ces vérifications. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose en conséquence de suivre la position de la majorité de la commission et d'adopter le projet de loi sortant des travaux de commission.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Quelques observations, d'abord par rapport à l'intervention de M. Schifferli de l'UDC, qui s'est dit surpris par la longueur des débats, alors qu'il ne s'agirait, selon lui, que d'une modeste réduction des droits, d'une légère incitation, qui ne résoudrait pas grand-chose, mais qui irait tout de même dans le bon sens... Rappelons quand même qu'il s'agit de 25 millions de francs... (L'orateur est interpellé.)Oui, Mme Hagmann veut me faire préciser qu'il s'agit de 24 588 578 F: j'avais arrondi au million supérieur pour gagner du temps, mais si l'on veut être précis, c'est de cette somme-là qu'il s'agit ! En l'occurrence, c'est une somme qu'on prélève sur l'argent du ménage de notre collectivité et qui pourrait être attribuée à autre chose qu'à la catégorie de personnes qui vont bénéficier de ces réductions, c'est-à-dire des gens qui, comme Mme Hagmann vient de le préciser, peuvent se permettre d'acheter des logements jusqu'à 2 millions de francs...
Pour en venir à l'intervention de M. Hiler, il a développé une démonstration intéressante autour d'un 5 pièces «raisonnable» à 400 000 F, avec 25% de fonds propres; il a fait le calcul de la charge qu'un tel achat représentait et des questions que pouvaient se poser certains sur cette option-là. Mais je rappelle que la somme de 400 000 F qu'il évoque représente un cas limite et qu'en l'état le contre-projet nous propose un montant cinq fois supérieur, parce que 2 millions, c'est cinq fois 400 000 F... (Exclamations et applaudissements.)C'est donc une démonstration qui est à la marge du présent projet de loi et qui ne répond pas au problème du plafond à 2 millions.
Mme Hagmann, à l'instant, applaudissait les propos de notre collègue Hiler, en disant que tout cela était bel et bien. Mais je rappelle que, même dans son rapport de majorité sur le contre-projet, censé défendre ce contre-projet, on lit - et c'est l'oreille du loup, ou de la louve libérale qui pointe - que ce plafond à 2 millions est problématique et qu'il devrait être relevé... (L'orateur est interpellé.)Oui, elle aurait mieux aimé - elle le dit et je le répète à haute voix pour que les mémorialistes l'entendent - elle aurait mieux aimé qu'il n'y ait pas de plafond, c'est ce qu'elle nous dit ! Hier, on a eu de grands débats d'idées, on m'a traité d'idéologue, mais je suis un politicien pragmatique, comme chacun sait, et pour tester cette question du plafond à 2 millions, j'ai proposé en commission un amendement à 1 million: je n'ai pas été suivi bien évidemment par les libéraux, ni par les UDC, ni par les démocrates-chrétiens, ni par les radicaux, ni par les Verts d'ailleurs ! Bon, M. Hiler a un alibi, il était en vacances, et aujourd'hui les Verts viennent nous proposer un amendement à 1 million... Mais tout cela relève du souk, Mesdames et Messieurs, souk que Mme Hagmann présente dans son rapport, en disant que la majorité pensait rallier le parti socialiste avec la concession à 2 millions et qu'elle était déçue de ne pas les voir se rallier... De même, M. Muller, qui défendait hier une initiative sans plafond, propose ce soir un amendement à 1,5 million...
Tout cela ne relève donc pas de grands débats idéologiques, mais de marchandages discutables. A mon sens, il serait plus juste que les uns et les autres, dans ce parlement, nous défendions clairement nos idées et qu'une majorité se dégage sur celles-ci. Quant aux nôtres, elles sont claires: nous disons que nous avons mieux à faire avec ces montants, du point de vue du ménage de la collectivité, en termes de logements, en termes d'autres tâches sociales peut-être, en termes même de remboursement de la dette, voire en termes de subventions: puisqu'on pleurniche sur les locataires qui n'entretiendraient pas leur logement, donnons-leur ces 25 millions ! En l'occurrence, il y a mieux à faire avec ces millions que de les distribuer à des gens qui ont les moyens de se payer des immeubles jusqu'à 2 millions. A notre avis, ce n'est pas la politique que ce canton doit mener et nous nous opposons donc à ces propositions.
Mais je dois dire que ce souk, je le répète, me laisse un arrière-goût désagréable. En fait, on assiste ici à des négociations, chacun faisant de la sous-enchère pour rendre un peu plus acceptable une initiative qui ne l'est probablement pas pour la population. De ces marchandages successifs, de ces tentatives d'aller vers un consensus ou un pseudo-consensus, je crois qu'on doit surtout retenir la conscience profonde qu'ont les initiants, qui sont derrière le contre-projet...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur...
M. Pierre Vanek. ...la conscience profonde du fait que ce contre-projet ne répond pas à l'attente de la majorité de la population, et qu'ils courent de gros risques d'échec en votation populaire. J'ai terminé, Monsieur le président, merci !
Le président. Je vous en prie, merci à vous ! Nous devons donner l'exemple à une petite famille, celle de notre collègue Alain Meylan, qui est à la tribune du public: Anne, Quentin et ses deux soeurs ! (Applaudissements.)
M. Mark Muller (L). Le groupe libéral soutiendra le contre-projet issu de la commission fiscale. Nous considérons qu'il présente un certain nombre d'avantages par rapport à l'initiative, en particulier le fait qu'il cible mieux le résultat attendu de la réduction des droits d'enregistrement. Je prendrai quatre exemples, brièvement, pour illustrer cela. Premièrement, toutes les transactions jusqu'à un prix d'acquisition de 500 000 F se verraient en réalité complètement exonérées des droits d'enregistrement. Pour l'acquisition d'un objet à 1 million, la réduction des droits de 15 000 F représente une réduction de moitié, c'est-à-dire que cela correspond exactement à ce que demande l'IN 115 Casatax. Enfin, toute une série de transactions portant sur des objets qu'on peut qualifier de luxueux sont exclues du champ de l'aide qui est là octroyée. Dans cette mesure, le contre-projet est un bon projet et nous le soutiendrons.
Quelques remarques maintenant. Nous contestons absolument l'argument de l'Alliance de gauche - et des socialistes, dont je regrette la position - qui consiste à opposer une politique sociale du logement à une politique visant à favoriser l'accession à la propriété. Nous considérons que favoriser l'accession à la propriété fait partie d'une politique sociale du logement, dans la mesure où une grande partie de la population aspire à devenir propriétaire, voire rêve de devenir propriétaire. Dans cette mesure-là, au sens premier du terme «social», le contre-projet répond donc à certaines aspirations importantes de la société.
Il est vrai que Casatax à elle seule, ou son contre-projet, ne permettra pas à toutes les personnes qui souhaitent devenir propriétaires de réaliser leur rêve, nous en sommes conscients. Mais, si une partie de celles-ci pouvaient devenir propriétaires grâce à ce coup de pouce de 15 000 F, nous en serions heureux et le but serait atteint.
Un mot sur les incidences fiscales de ce contre-projet. En commission, nous sommes partis du principe qu'il fallait essayer, s'agissant de la réduction des recettes fiscales, de respecter une enveloppe de 20 millions. Aujourd'hui, on articule d'autres chiffres; des faits nouveaux sont, semble-t-il, apparus et nous en serions à 24 millions de recettes fiscales en moins. Admettons ! Nous n'avons pas vraiment les moyens de vérifier, mais nous croyons le département des finances sur parole. Cela dit, un élément important manque dans ces estimations: ce sont les retombées favorables pour l'économie, et donc pour les recettes fiscales, d'un abaissement des droits d'enregistrement. Il ne faut pas oublier que le but est d'augmenter le nombre de propriétaires et donc d'augmenter le nombre de transactions. Or, qui dit augmentation du nombre de transactions dit augmentation du volume des droits d'enregistrement perçus. Et de cela, à aucun moment il n'en est tenu compte dans les calculs du département des finances. C'est là une lacune sur laquelle je ne veux pas m'étendre mais qui est réelle.
Autre incidence positive pour l'économie, qui a été montrée dans un certain nombre d'études dont le résumé figure dans le rapport, c'est que le développement de l'accession à la propriété favorise le développement d'un grand nombre d'activités économiques et, partant, des retombées fiscales, notamment en termes de TVA. Il est vrai que c'est une taxe fédérale mais dont, je crois, la collectivité en général profite.
Deux mots enfin sur l'amendement du groupe des Verts, qui proposent de réduire le plafond de 2 à 1 million. Le groupe libéral n'approuvera pas cet amendement, mais en proposera un autre. M. Vanek, qui n'en est pas à un manque d'éthique près, m'a brûlé la politesse, puisqu'il a déjà annoncé la teneur de notre amendement: nous proposons d'abaisser le plafond à 1,5 million. Quelques explications sur cet amendement...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Muller...
M. Mark Muller. Je ferai vite, Monsieur le président. Tout d'abord, nous souhaitons essayer de rester dans l'enveloppe globale des 20 millions et, en réduisant le plafond à 1,5 million, nous y parvenons. Par ailleurs, nous voulons éviter la pratique des dessous de table. C'est le grand problème, vous en êtes conscients, nous l'avons dit dans le rapport: l'introduction d'un plafond est susceptible de favoriser une pratique détestable qui est celle des dessous de table et, en fixant un plafond trop bas, nous encouragerions ce type de pratique. En fixant le plafond à 1,5 million, nous pensons pouvoir prévenir le développement de ce phénomène.
C'est pour ces raisons, pour véritablement démocratiser l'accession à la propriété et cibler les effets du contre-projet sur les acquisitions relativement modestes, que je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter notre amendement.
M. Carlo Sommaruga (S). J'avoue que je suis surpris d'entendre M. Muller parler de politique sociale du logement dans des termes aussi particuliers: il nous parle en effet de réduction des droits d'enregistrement pour des logements qui coûtent 1,5 million... Cela dit, on peut concevoir, dans une politique sociale du logement, des logements de type différent, voire de statut différent, mais naturellement une politique sociale du logement vise à répondre aux besoins les plus urgents de la population. Je rejoins tout à fait M. Hiler quand il parle d'un taux souhaitable de 30 à 35%, s'agissant des logements détenus par des institutions de droit public, voire d'intérêt public, avec, à côté de cela, une partie de logements qui peuvent être en loyers libres, voire en propriété. Mais, actuellement, on est loin du taux de 30% de logements en mains d'institutions de droit public, voire à but d'utilité publique, même si on y intègre les coopératives. En fait, on assiste aujourd'hui à une érosion du parc des logements subventionnés, qui a passé en vingt ans de 25% à 11% environ. Le processus en cours est celui d'une érosion du parc des logements sociaux.
Il faut aussi rappeler qu'il y a environ onze ans le Grand Conseil avait voté une loi pour un plan d'urgence de 3000 HBM. Le délai qui avait été fixé par le Grand Conseil à l'époque est passé et ce plan d'urgence n'est pas encore réalisé. Dès lors, la question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir, dans le cadre d'une politique sociale du logement, où mettre les priorités. Les priorités, à notre sens, doivent aller à la construction de HBM, au logement subventionné, et également au développement des coopératives. En réduisant les droits d'enregistrement, on enlève à l'Etat des moyens importants dans le cadre de la politique du logement social, pour le versement d'allocations logement, pour le versement de subventions à l'exploitation... Je trouve même incroyable que l'on prône la gratuité des droits d'enregistrement pour des aspirants propriétaires, alors que les locataires doivent payer le droit de timbre, même s'il est dérisoire, lors de l'établissement de leur bail !
Lorsqu'on trouve peu compréhensible que les socialistes ne se rallient pas à un accord général sur le contre-projet et qu'on appelle à la rescousse Mme Calmy-Rey, je réponds qu'il faut distinguer deux choses. Le rôle de Mme Calmy-Rey, qui est la grande argentière de cette République, est d'examiner, en tant que responsable de l'exécutif, quelles sont les marges de manoeuvre au niveau de la gestion des finances de ce canton. Le parti socialiste, lui, défend des priorités politiques, notamment vis-à-vis des gens qui ont le moins de ressources dans ce canton. Et, dans ce cadre-là, il soutient entre autres le logement.
Par ailleurs, je ne peux pas laisser sans commentaires le fait que ce contre-projet ne répond pas aux objectifs...
Le président. Un instant, s'il vous plaît... Monsieur Weiss, vous ne pouvez pas rester à la tribune, merci !
M. Carlo Sommaruga. Je disais que ce projet de loi vise théoriquement, selon le voeu des initiants, à démocratiser l'accession à la propriété: en l'occurrence, on ne peut pas parler de démocratisation lorsqu'on parle de plafonds de 2 millions. L'objectif du projet de loi devrait être en principe de favoriser des personnes qui sont aujourd'hui locataires, mais la loi est rédigée de telle manière que le propriétaire d'un appartement valant, par hypothèse, 600 000 ou 700 000 F, bénéficiera également de cette réduction s'il décide d'acheter ultérieurement une villa à 2 millions ! Il faut donc être clair: la loi ne répond pas à l'objectif de démocratiser l'accession à la propriété.
Je tiens aussi à réagir aux propos de M. Mark Muller, qui nous dit que l'accession à la propriété va générer des revenus, un développement du marché du travail, des ressources supplémentaires... En l'occurrence, de deux choses l'une: ou l'on vise à favoriser l'accession à des villas ou des appartements nouveaux, ou l'accession à des villas, voire des appartements existants. Dans le cas d'achat de biens immobiliers existants, il n'y aura pas de travaux particuliers et importants qui vont être générés. Lorsqu'on évoque, dans le rapport, un montant de 400 000 F généré par l'accession à la propriété, on parle de nouveaux objets, et non d'anciens objets.
Par ailleurs, en ce qui concerne les anciens objets, le marché visé est en fait celui où habitent actuellement des locataires. A cet égard, il aurait été opportun de prévoir un droit d'emption des locataires, mais les milieux immobiliers le refusent: pour eux, ce n'est pas au locataire de décider, c'est le propriétaire qui doit décider. En fait, on favorise, à terme, les congés notifiés aux locataires pour la vente des appartements. C'est à nouveau les locataires qui en pâtiront. Dans ce sens, le projet de loi, valant contre-projet tel qu'il se présente, ne répond pas du tout aux préoccupations d'une politique sociale du logement.
Le président. Mesdames et Messieurs, il est temps d'interrompre nos travaux. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants en premier débat, il en reste encore sept...
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Je vous souhaite un bon appétit. Nos travaux reprendront à 20h30.
La séance est levée à 19h.