République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 30 novembre 2001 à 21h
55e législature - 1re année - 2e session - 7e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 21h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance : MM. Gérard Ramseyer et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Carlo Lamprecht, président du Conseil d'Etat, Micheline Calmy-Rey, Guy-Olivier Segond, Martine Brunschwig Graf et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Blaise Bourrit, Marie-Françoise de Tassigny, Erica Deuber Ziegler et Ivan Slatkine, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux sur cet objet. Le Bureau vous propose de bloquer, comme le règlement l'autorise, la liste des intervenants déjà au nombre de dix: six plutôt à gauche et quatre plutôt à droite. Je vous soumets donc cette proposition.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Pierre Schifferli (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC vous propose de rejeter cette résolution. Nous avons entendu avec intérêt les excellents exposés de MM. Halpérin, Mettan, Kunz et Koechlin et nous approuvons tout ce qu'ils ont dit.
Avons-nous été élus pour nous occuper de questions historiques et politiques qui remontent à plus de vingt-cinq ans et qui se sont passées dans des pays étrangers? (Brouhaha.)Si, véritablement, votre intérêt se porte sur les affaires internationales, alors pourquoi ne pas nous occuper des dictatures actuelles quelles qu'elles soient?
La vérité historique devrait se situer au-dessus des passions sectaires. La seule partie intéressante et qui me paraît acceptable dans ce rapport de la commission des Droits de l'Homme me semble celle figurant en page 4, au premier paragraphe: «La commission va donc entrer dans ce débat-là pour conclure de proposer, par voie résolutionnaire, que M. Kissinger fasse éventuellement l'objet de poursuites. Elle obtiendra ainsi que le Conseil parlementaire genevois se distingue par une démarche qui sera nécessairement perçue soit comme une absurdité soit comme un combat idéologique d'arrière-garde.»
Mesdames et Messieurs, le mur de Berlin est tombé... Souvent, les ennemis d'autrefois se sont réconciliés. Nous ne devons pas appeler à la vengeance, mais plutôt à la réconciliation entre les ennemis d'hier. Et le type de démarche qui nous est suggérée aujourd'hui va exactement dans le sens contraire.
Le groupe UDC n'a pas beaucoup de sympathie pour certains aspects de la politique américaine, notamment lorsque M. Busch nous explique qu'il n'y a pas de place pour les neutres: il est évident que nous ne pouvons absolument pas accepter cela !
De même, nous avons entendu des critiques sur M. Kissinger... M. Kissinger était un grand diplomate, mais il est vrai que, d'un point de vue historique, les avis peuvent tout à fait diverger.
Nous estimons également de notre côté que M. Kissinger pourrait faire l'objet de poursuites, mais une telle démarche devrait incomber au tribunal de l'Histoire, et il n'appartient pas à notre Conseil de s'ériger en tribunal populaire.
M. Kissinger a signé en janvier 1973, avec M. Lê Duc Tho, les accords de paix de Paris sur le Viêt-nam. Il a reçu le Prix Nobel pour cela, alors que la guerre n'était pas terminée. Il a négocié des accords catastrophiques, ce qui explique que ces accords ont valu à M. Lê Duc Tho beaucoup de médailles. Celui-ci a refusé le Prix Nobel, mais il a eu beaucoup d'autres médailles décernées par l'Union soviétique et le régime nord-vietnamien...
En effet, la construction de ces accords a permis aux troupes nord-vietnamiennes, deux ans plus tard, d'envahir le Viêt-nam du Sud avec une quinzaine de divisions blindées, des chars d'assaut et de l'artillerie lourde...
Résultat de cette opération: un million de Vietnamiens dans des camps de rééducation - en fait des camps de concentration - trois millions de Vietnamiens exilés comme boat people...
Sa responsabilité historique est là ! Il a trahi ses alliés; il a de même trahi le gouvernement de la République khmère en abandonnant le Cambodge aux sanguinaires Khmers rouges de Pol Pot.
Nous estimons donc que beaucoup de critiques sur la politique de M. Kissinger sont absolument justifiées, pour d'autres raisons évidemment, mais que ce n'est toutefois pas à nous de le juger.
Les peuples peuvent le juger, l'Histoire le jugera.
Le groupe UDC vous demande donc de rejeter cette résolution de la manière la plus ferme: nous n'avons pas à nous ériger en juges internationaux ! Des tribunaux ont été créés à cet effet, et ce n'est pas à nous de nous arroger ce pouvoir !
M. Christian Brunier (S). Il y a trois ans à peu près, ici même, la quasi-unanimité de ce parlement a décidé, par le biais d'une motion, de créer un auditorium à l'université à la mémoire d'Alexei Jaccard et des disparus politiques du monde entier, quelle que soit la couleur de la dictature. Cette décision a été très vite soutenue par le département de l'instruction publique dirigé par une libérale, Martine Brunschwig Graf, pour rendre hommage non seulement à cet étudiant genevois disparu mais aussi à l'ensemble des disparus politiques et pour condamner les méthodes utilisées par les dictatures.
Aujourd'hui, Monsieur Halpérin, vous qui êtes - et j'en suis convaincu - un défenseur acharné des droits de l'homme, je pense que vous avez dérapé sur un terme: vous avez parlé de l'assassinat «probable» de M. Alexei Jaccard... Or, en utilisant le mot «probable», vous crédibilisez ce que cherchent les dictatures, c'est-à-dire d'éliminer toute trace, aussi bien au niveau physique qu'au niveau des documents, des disparus politiques qui sont enlevés à leur famille et qui sont exécutés. En ne laissant pas de traces, les dictatures essayent de bénéficier de la présomption d'innocence, mais ce sont tout de même des dictatures ! Si je peux comprendre le point de vue du juriste,je pense qu'en tant que politique vous avez dérapé. Les politiques ne doivent pas tolérer les enlèvements politiques, et nous devons condamner ces dictatures: c'est un vrai acte politique que de les condamner !
Vous avez ensuite remis en cause l'utilité des résolutions au niveau du parlement genevois.
Bien sûr, nous sommes un petit canton, dans un petit pays, mais nous sommes dans une cité internationale. Et, je vous le rappelle - vous y aviez été sensible à l'époque, puisque le groupe libéral avait voté cette résolution qui provenait de nos rangs - nous avons condamné la dictature birmane, à la demande - j'insiste, à la demande - des gens qui souffraient, des opposants birmans, en partie de notre camp et en partie du vôtre, mais qui sont unis aujourd'hui contre la dictature. Quand ils sont venus à Genève, ils nous ont dit que s'ils étaient à Zurich ou à Berne ils ne demanderaient pas une telle résolution, mais qu'ils la demandaient au parlement genevois en raison du rayonnement de Genève dans le monde et parce qu'au niveau du combat pour les droits de l'homme cette résolution ne tomberait pas dans l'oubli: elle serait une arme pour eux.
Nous avons donc rédigé une résolution qui, loin d'être condamnée, a été votée à l'unanimité par l'ensemble des partis, y compris le parti libéral. Nous sommes d'ailleurs invités prochainement au Conseil des Etats pour la défendre.
Cela prouve que les résolutions peuvent servir à quelque chose. C'est comme le militant d'Amnesty International qui, en écrivant une lettre tout seul, chez lui, pense faire une action anodine et se donner bonne conscience. Pourtant, lorsqu'il y a des dizaines, des milliers, des centaines de milliers de personnes qui le font, cela donne de la valeur et du poids à la démarche. D'ailleurs, lorsque Amnesty International fait une campagne, cela aide certaines personnes à sortir de prison, qu'elles soient de droite ou de gauche.
Par ailleurs, certains ont évoqué Bernard Bertossa à l'appui de leur argumentation, disant que cette résolution ne tiendrait pas la route. Je suis très content de constater que Bernard Bertossa devient un peu le maître à penser de la droite... (Rires.)Je n'ai pourtant pas l'impression que vous ayez toujours aussi bien considéré Bernard Bertossa. Je rappelle que, dernièrement, des gens du parti libéral reprochaient à Bernard Bertossa de s'occuper un peu trop des affaires internationales au détriment des affaires locales, de s'occuper un peu trop des crimes économiques et pas assez des affaires genevoises... Eh bien, je suis content que vous fassiez allusion à Bernard Bertossa !
Mais que dit-il, en réalité? Il dit que, juridiquement, cette résolution n'est peut-être pas acceptable mais que, politiquement - et aujourd'hui nous faisons un geste politique - c'est une façon de dire non, non à toute violation des droits de l'homme et, bien sûr, à tout enlèvement politique !
M. Kunz, pour sa part, nous a dit qu'il ne fallait pas tirer sur une ambulance, que M. Kissinger est un monsieur qui a plein d'ennuis aujourd'hui... Excusez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, mais M. Kissinger est un monsieur qui fait des conférences à 100000 dollars ! Un monsieur qui fait deux heures de conférence à ce prix, je ne peux pas le considérer comme une ambulance ! Par contre, lui, il ne s'est pas gêné pour tirer sur les ambulances !
M. Kunz a dit ensuite - et là il a discrédité sur tous les militants qui défendent les droits de l'homme, qu'ils soient de droite ou de gauche du reste puisque, heureusement, des personnes de divers courants politiques se battent sincèrement pour les droits de l'homme - que nous étions en train d'instrumentaliser les droits de l'homme pour un combat politique...
Cette argumentation, Mesdames et Messieurs les députés, est utilisée par toutes les dictatures ! Dans n'importe quel pays, que ce soit en ex-Union soviétique, que ce soit dans les dictatures de droite - les pays d'Amérique du sud, entre autres - les gouvernements ont toujours accusé les milieux défendant les droits de l'homme de se servir des droits de l'homme pour leur combat politique. Alors, il ne faut pas tomber dans ce travers.
Aujourd'hui, nous devons faire un geste politique, et je crois qu'un des rôles des politiques, c'est de dire à certains salauds qui dirigent ce monde qu'ils le sont, ce que le monde juridique et le monde diplomatique ne peuvent pas toujours faire. Je vous invite donc vraiment à voter cette résolution. (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais revenir à l'origine de cette résolution qui était simplement de déclarer M. Kissinger persona non grata,et c'est vrai qu'à cette époque, Monsieur Halpérin, vous aviez dit de lui que c'était un grand homme d'Etat, un défenseur de la paix... Aujourd'hui, on voit qu'il n'est pas si grand que cela et qu'il ne défend pas tant la paix que cela !
Ce que je veux dire par là, c'est que cette résolution s'est transformée avec le temps et qu'aujourd'hui on ne demande plus que cette personne soit déclarée persona non grata.
Les invites de cette résolution sont pratiquement satisfaites à ce jour et pas mal de documents ont été publiés à ce sujet. Je ne vois donc pas pourquoi ceux qui acceptent les considérants et qui admettent que les invites sont pratiquement satisfaites restent sur leur position et ne veulent pas voter cette résolution.
Une chose m'interpelle, Monsieur Halpérin, quand vous dites qu'il n'est pas de notre responsabilité de nous mêler des affaires des autres, notamment des Etats-Unis...
Ce qui se passe aujourd'hui dans le monde contredit cette position. En effet, que nous disent les Etats-Unis? De nous mêler de tout ce qui se passe ailleurs, notamment face au terrorisme. Ils nous critiquent et nous enjoignent même de prendre position contre le terrorisme.
Alors, je suis d'accord, mais il faut savoir ce qu'est le terrorisme. M. Ben Laden est effectivement un terroriste. Il n'a pas posé de bombes lui-même, mais il a commandité les actions du mois de septembre. Et, sans même l'avoir jugé, les Etats-Unis le considèrent comme étant coupable. Même plus, ils considèrent que toute personne gravitant autour de ce monsieur, où qu'elle soit, sera jugée par un tribunal militaire américain. Cela va donc très loin.
Quand il s'agit de certaines personnes, nous sommes tous unanimes, mais quand il s'agit d'un homme d'Etat - en l'occurrence d'un secrétaire d'Etat américain, par ailleurs président de la commission nationale de sécurité - là les mêmes arguments ne sont plus valables !
Que s'est-il passé à l'époque, Monsieur Halpérin? Il s'avère aujourd'hui que M. Kissinger s'est comporté comme un terroriste en pratiquant ce que l'on appelle le terrorisme d'Etat. A chaque fois que ses fonctionnaires lui disaient que l'appui à telle ou telle dictature représentait la mort de milliers de personnes, il répondait invariablement que les intérêts des Etats-Unis passaient avant toute considération ! Il admettait donc que les Etats-Unis devaient s'impliquer et soutenir ces juntes militaires !
Moi, je considère que c'est, en quelque sorte, une forme de terrorisme. Donc, à ce titre, puisqu'aujourd'hui nous sommes tous d'accord pour condamner le terrorisme d'où qu'il vienne, je crois que M. Kissinger doit être jugé pour s'être comporté comme un terroriste.
Par conséquent, je pense que cette résolution a toute sa raison d'être et je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de la voter.
M. Albert Rodrik (S). Je ne me suis jamais fait, dans cette enceinte, marchand de certitudes et je ne commencerai pas à propos d'un sujet aussi délicat...
Je me contenterai donc de vous demander à tous de répondre en conscience à une question avant de voter: estimez-vous qu'un quotient intellectuel particulièrement élevé et un degré de cynisme peu banal constituent un brevet d'impunité et peuvent devenir objet d'admiration, quel que soit l'usage pour lequel on les utilise? Si, en conscience, vous répondez oui à cette question, vous refuserez cette résolution. Si vous répondez non à cette question, vous voterez cette résolution.
Moi, Mesdames et Messieurs les députés, je suis né l'année de Guernica, et je voterai cette résolution ! (Applaudissements.)
M. Robert Iselin (UDC). Quel silence pour traiter la résolution 412 !
Lorsqu'un conseiller d'Etat s'adresse au parlement, en dépit de la dignité de la charge qu'il occupe, on parle, on blague, on se promène... Pour M. Pinochet, personnage éminemment antipathique, c'est vrai, on se tait, on entendrait voler une mouche...
Tous les arguments pour et contre la résolution 412 ont pratiquement été avancés - on a beaucoup parlé d'histoire, de crimes, de ci et de ça - je ne les reprendrai pas, sauf l'opinion de mon collègue Kunz que je redonnerai sous une autre forme.
Je n'ai pas une grande sympathie pour M. Voltaire: ma sympathie irait plutôt à Rousseau...
Pourtant, on ne peut contester à M. Arouet une certaine perspicacité et passablement d'intelligence. Il n'aimait pas beaucoup Genève et parlait volontiers de «la parvulissime et pédante République»... Parvulissime, probablement, comme l'a rappelé M. Koechlin, s'il pense à la taille géographique - et je pense que c'est ce qu'il a fait - mais pas dans le monde des idées, puisque la République a été un phare d'idées généreuses et modernes depuis quatre cent cinquante ans.
Donnons tort aussi à M. Voltaire en ne justifiant pas pour notre cité le qualificatif de «pédante République» ! Ne nous mêlons pas de ce qui ne regarde pas le parlement de ce canton ! Il y a d'autres problèmes peut-être moins importants sur le plan international mais beaucoup plus importants et majeurs en ce qui nous concerne directement.
Je vous invite donc à rejeter la résolution 412.
M. Antonio Hodgers (Ve). Je me suis déjà exprimé: je serai donc bref...
J'aimerais juste faire le point des motifs de refus que j'ai entendus ce soir sur ce sujet.
Le premier intervenant, le rapporteur de minorité, nous a dit que si nous votions cette résolution nous étions contre les droits de l'homme, le suivant que ce n'était pas l'endroit, que c'est de l'histoire ancienne, qu'elle n'a plus de pertinence et qu'elle ne sert donc à rien, et le dernier, M. Schifferli - cela n'a pas été dit, mais cela est sous-jacent quand on sait que celui-ci est directeur de la Fondation pro-Pinochet de Suisse, et cela depuis 1999, même s'il n'ose pas avouer ses pensées ici - que ce qui s'est passé au Chili est très bien. D'ailleurs, cette nouvelle filiale suisse s'engage à diffuser l'oeuvre et les principes des forces armées et de l'ordre et, donc, revendique l'héritage historique de Pinochet...
Je ne reviendrai pas sur mes arguments, si ce n'est, comme M. Rodrik l'a fait, pour essayer de synthétiser finalement la question qui est posée par cette résolution. Il ne s'agit pas de juger, j'aimerais que cela soit clair dans les esprits, étant donné que bon nombre d'entre vous ont dit que nous nous érigions en tribunal. Il ne s'agit donc pas de juger: si vous aviez pris la peine de lire les invites soigneusement, vous auriez vu qu'il s'agit de demander justice, ce qui est différent ! Ce n'est pas nous qui allons faire le tribunal de l'Histoire, ce n'est pas nous qui allons rendre la justice non plus ! Nous demandons simplement justice et demander justice fait partie de notre rôle politique. C'est la première chose qu'il est très important de comprendre dans ce texte, parce que, comme je l'ai déjà dit, beaucoup d'entre vous nous ont reproché de vouloir juger, ce qui n'est pas du tout le cas.
Deuxième chose, on peut résumer cette résolution à cette question: après un siècle - comme tant d'autres d'ailleurs - de barbarie où la raison d'Etat a souvent conduit au terrorisme et où ceux qui ont représenté la raison d'Etat ont toujours vécu impunis, ne faut-il pas aujourd'hui passer à un siècle où la justice sera au-dessus de ces actes terroristes, raison d'Etat ou non? Depuis 1998, que vous le vouliez ou non, avec l'affaire Pinochet cette question est d'actualité dans le monde entier. Et le développement des tribunaux pénaux internationaux, comme celui pour l'ex-Yougoslavie ou encore le Rwanda, est parfaitement le reflet de cette dynamique.
Cette résolution ne vise qu'à soutenir cette dynamique. Il n'y a pas d'autre arrière-pensée: le débat idéologique autour des événements de 1973 dans la Guerre froide est clos, et cette résolution n'a véritablement d'autre but que d'appuyer ce processus. Je vous le demande encore une fois: il faut voter cette résolution. Si vous avez des scrupules quant à sa forme mais pas quant au fond, vous pouvez toujours vous abstenir...
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Après le discours en première partie de l'honorable député Koechlin, qui encourageait ce Grand Conseil à considérer ses attributions par le petit bout de la lorgnette, par le seul crible de la séparation des pouvoirs, j'aimerais quant à moi, au contraire, briser une lance en faveur de la responsabilité collective, en faveur d'autres actes politiques que les débats dinosaures qui nous amènent à discuter de dépassements de crédits obsolètes ou de plans de canalisations...
A Genève, le code de procédure pénale nous appelle, chacune et chacun, à concourir au contraire à la tâche du ministère public, non en jugeant mais en dénonçant les crimes et les délits comme membres responsables d'une autorité politique, sans que ceci ne fasse de nous ni des procureurs ni des juges d'instruction.
Alors, dans la proposition de nos collègues, pouvons-nous dénier la possibilité qu'une pareille empreinte dans la justice nous échappe alors qu'il s'agit d'un problème au niveau de la planète?
Vous l'avez entendu: les socialistes répondent non ! Ils vous invitent à voter cette proposition. C'est le destin exceptionnel de Genève dont parlait tout à l'heure M. Segond qui nous y appelle.
M. Christian Luscher (L). Je fais partie de ceux qui pensent que le parlement s'est à proprement parler couvert de ridicule dans ces publications payantes antérieures dans des domaines qui ne le concernaient pas... Elles ne coûtaient certes pas 100000 dollars la publication: il n'empêche qu'elles ont été faites aux frais du contribuable, et cela ne me semble pas acceptable ! Quoi qu'il en soit, ceux qui se sont prêtés à cet exercice ont déjà reçu la sanction que le peuple genevois a décidé de leur infliger, il y a bientôt deux mois...
J'aimerais faire deux remarques sur la résolution qui vous est proposée.
La première, c'est qu'elle me paraît dangereuse en termes de séparation des pouvoirs. Les débats ont démontré que les résolutionnaires - je dis bien les résolutionnaires - tentent aujourd'hui de s'ériger en juges.
Quel est le risque, Mesdames et Messieurs? Le risque, c'est qu'un cinglant retour de manivelle vienne nous frapper bientôt. Et quand je dis «vienne nous frapper bientôt», j'utilise en réalité à tort le futur, puisque vous savez mieux que moi que, lors de la dernière législature, un juge d'instruction est venu se mêler ou, plutôt, mettre son nez dans vos affaires et j'ai pu constater que ce parlement avait eu une réaction assez vive en disant qu'un juge d'instruction ne devait pas avoir accès à des travaux du parlement... Eh bien, si l'on veut avoir ce genre d'attitude face à des juges, il faut laisser les juges faire leur travail en leur expliquant que le parlement doit faire le sien !
Pour ma part, je crois en l'authenticité et en la sincérité des arguments de M. Hodgers lorsqu'il nous dit que le but final de sa résolution est de soutenir le droit international. Il s'agit de toute évidence d'une cause qu'il a plaidée avec authenticité et sincérité; il s'agit d'une cause qui est juste, d'une cause qui est noble... Il n'en demeure pas moins que c'est une cause qui doit être traitée de façon objective et de façon neutre.
Or, lorsque je lis le titre de la résolution, je constate qu'il s'agit d'une demande adressée aux autorités judiciaires d'étudier la responsabilité de M. Henry Kissinger ainsi que d'autres personnes dans les crimes commis par le régime de M. Pinochet... Il s'agit à mon sens d'une résolution tendancieuse, d'une résolution monoface, et ce n'est pas de cette façon que l'on sauve ou que l'on protège de manière crédible les droits de l'homme.
En effet, je pense, Mesdames et Messieurs, que les droits de l'homme sont une cause universelle. Personne ici ne peut s'en attribuer le monopole et, d'ailleurs, pour répondre à une remarque qui a été faite, je dirai que j'ai été, en ce qui me concerne, particulièrement heureux d'entendre M. Halpérin parler «d'assassinat probable». En effet, parmi les piliers de la Convention européenne des droits de l'homme, figure la présomption d'innocence et, tant qu'une personne n'a pas été jugée, elle est présumée innocente.
Je le répète, Mesdames et Messieurs les députés, personne ici n'a le monopole des droits de l'homme et, pour reprendre le raisonnement de M. Rodrik tout à l'heure, si vous pensez que les droits de l'homme sont une cause universelle qu'il faut défendre de manière crédible, eh bien, vous voterez contre cette résolution, et, dans le cas contraire, vous voterez pour.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Tout comme un de mes collègues, je me souviens aussi du temps où, à l'université, nous faisions signer un grand nombre de pétitions en faveur de notre collègue étudiant Alexei Jaccard, afin d'attirer l'attention des autorités, à l'époque bien sourdes sur le sort de notre compatriote disparu.
C'était aussi l'époque où, avec d'autres, nous nous rendions régulièrement en Amérique du sud, dont la plupart des pays étaient aux mains de dictateurs peu scrupuleux des droits de l'homme. Une de nos tâches était notamment de ramener des documents sur les paysans sans terre et aussi sur les prêtres torturés qui osaient s'interposer entre les dictateurs et les hommes demandant le droit à la parole. Nous prenions des risques, c'est vrai: ils avaient valeur de symbole, surtout pour garder le lien et l'écoute.
Tout cela ne m'a pas laissé indifférent. C'est pour cela que ce soir je m'élève contre certains arguments, notamment ceux qui veulent opposer quantité à qualité. Par exemple, on dit qu'au Chili il y a eu trois mille personnes victimes de la dictature, ailleurs trente mille, ou un million... Je pense, pour ma part, que dès qu'une seule personne est victime de la dictature elle a droit à toute notre attention, et c'est un banquier qui vous le dit, donc quelqu'un qui a l'habitude des chiffres et qui espère, comme d'autres personnes de ce parlement et de ce canton, avoir également un coeur...
Je ne suis pas d'accord non plus sur l'argument consistant à dire que le parlement est trop petit pour s'occuper du monde. Ce n'est pas notre taille qui nous en empêche, et c'est notre rôle ! D'ailleurs, Henry Dunant n'a pas eu à rougir de la petitesse de Genève pour fonder le CICR. Je suis parfaitement d'accord avec l'idée d'un acte symbolique, mais je reste réaliste, et pas utopiste. Au même titre que ce n'est pas la quantité des victimes qui doit nous faire réagir, mais le principe même des violations des droits de l'homme, au même titre, pour qu'un geste politique soit reconnu, il doit être percutant et stratégique. Malheureusement, cette résolution ne l'est pas ! Son effet ne serait en fait qu'un coup d'épée dans l'eau.
Le parlement, souvenez-vous, a su trouver des majorités pour des gestes symboliques lorsqu'ils étaient réalistes. Vous avez cité des exemples tout à l'heure qui le prouvent. Alors, ne venez pas, en dernière minute, nous donner une leçon de bonne conscience, car ce ne serait qu'un aveu de votre part: ce serait avouer que, malheureusement, cette résolution n'est pas convaincante.
Alors, oui au principe du respect des droits de l'homme, mais avec un texte qui soit beaucoup plus percutant.
M. Pierre Vanek (AdG). Je crois que l'essentiel a été dit dans ce débat, je serai donc bref.
A l'instant, notre collègue Alain-Dominique Mauris avance comme argument pour ne pas voter cette résolution - après avoir dit beaucoup de choses intelligentes - qu'elle n'est pas assez stratégique et notamment pas assez percutante...
Dans la première partie du débat, Antonio Hodgers expliquait et se plaignait du fait qu'en quelque sorte les auteurs de la résolution avaient mis de l'eau dans leur vin, avaient gommé son caractère percutant pour essayer de gagner une majorité autour de celle-ci. Ils sont donc entrés en matière sur certains arguments, que nous avons d'ailleurs entendus à nouveau dans cette salle. Par exemple, le fait qu'il ne fallait pas condamner M. Kissinger, voire M. Pinochet, qui n'a pas été définitivement jugé, mais qu'il fallait simplement demander qu'ils soient jugés, etc., etc.
On a entendu beaucoup de très mauvais arguments pour refuser cette résolution.
Monsieur Halpérin, vous êtes intervenu, tout au début du débat, avec votre brio habituel, pour dire que la commission a évoqué dans la résolution la possibilité d'introduire la notion de crimes contre l'humanité dans le droit fédéral mais qu'elle n'a pas vérifié si cela avait été fait ou pas... En quelque sorte, que le travail n'a pas été sérieux...
Ce n'est précisément pas très sérieux, Monsieur Halpérin ! Si vraiment vous aviez à coeur de connaître l'état de la législation fédérale sur ce point, depuis que la commission s'est prononcée sur ce point, vous auriez pu vous renseigner et nous communiquer cette information dans le débat !
On a entendu toutes sortes de gens répéter qu'il ne fallait pas, dans ce parlement, s'ériger en juges... Il leur a été répondu - et à juste titre - que ce n'est pas le propos de la résolution. Elle propose précisément de lutter contre le droit du plus fort que s'arrogent les grandes puissances et en particulier les Etats-Unis - pas seulement il y a vingt-cinq ans, Monsieur Schifferli, vous qui parliez tout à l'heure du manque de soutien des Etats-Unis, sur la fin, à tel régime fantoche en Asie du Sud-Est. La question n'est pas de juger, la question est de savoir si, effectivement, on veut prendre position pour dire qu'aujourd'hui il faut que règne à l'échelle internationale un état de droit.
Nous avons entendu M. Schifferli, suite à l'intervention de M. Hodgers, dire qu'il approuvait globalement tous les propos des orateurs de droite...
On nous a dit ensuite que cette résolution était politique. M. Luscher a fait un grand discours tout à l'heure en disant que personne n'avait le monopole de la défense des droits de l'homme. Eh bien, certes, personne n'en a le monopole. Par contre, on ne peut pas dire non plus que la défense des droits de l'homme est simplement dans l'atmosphère et qu'elle est répartie également dans cette salle comme l'est l'oxygène... Il y a un certain nombre de moments tests sur ce genre de questions pour savoir qui est effectivement du côté de la défense des droits de l'homme et qui ne l'est pas. Un des moments tests... (Commentaires.)...modeste certes, sera celui du vote de cette résolution, quelque maladroite qu'elle puisse être. Il faut savoir si on est du côté des plus forts, du côté du droit des plus forts que représente M. Henry Kissinger, ou si on est simplement du côté du droit et, en particulier, du droit des peuples et de la majeure partie des gens de la planète.
C'est le sens de la question qui vous est posée, et on verra bien, à l'issue du débat - c'est pour cela que je ne serai pas plus long - de quel côté est le coeur dont certains orateurs ont fait état et de quel côté est la défense des droits de l'homme.
Pour voir cela de manière très claire, je vous demande, Monsieur le président, de faire procéder à un appel nominal sur cette résolution.
Le président. L'appel nominal est-il soutenu? (Appuyé.)Bien, en attendant, je vous donne la parole, Monsieur Hausser...
M. Dominique Hausser (S). J'ai entendu parler d'«anti-américanisme primaire», d'«ingérence dans les affaires internationales»... J'ai entendu toute une série d'arguments pour ou contre cette résolution...
Nous sommes en face, Mesdames et Messieurs les députés, d'une situation criminelle qui n'est probablement pas la première... (Exclamations.)Monsieur le président, je suis bien d'accord de m'exprimer deux minutes, mais j'aimerais bien le faire dans un silence relatif !
Le président. Le sujet est important... Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, un peu de calme !
M. Dominique Hausser. Comme d'habitude, il faut répondre oui ou non. Certes, le texte qui est proposé n'est pas parfait, mais il faut trancher - ce n'est pas nouveau dans une démocratie. On peut discuter un certain nombre de virgules, mais le texte de cette résolution est clair: il s'oppose aux crimes contre l'humanité et demande principalement aux autorités fédérales d'inscrire dans le code pénal le fait que les crimes contre l'humanité ou la complicité de tels crimes doivent être jugés.
J'ai aussi entendu comparer des chiffres, qu'au Chili trois mille personnes seulement étaient concernées, alors qu'en Argentine il s'agissait de trente mille personnes et, au Cambodge, de trois millions...
Nous sommes en train de terminer la discussion sur ce sujet, la commission a mis beaucoup de temps avant de se prononcer, et le sophisme exprimé par Guy Mettan s'est ajouté à tout cela... M. Schifferli s'est aussi exprimé, lui dont nous savons pertinemment qu'il est membre de la Fondation Pinochet, qu'il est membre de la Ligue anticommuniste qui, vraisemblablement, n'est pas neutre dans un certain nombre de crimes - pour dire qu'il fallait refuser cette résolution.
Mesdames et Messieurs, nous sommes beaucoup dans ce parlement à avoir vécu douloureusement, en 1973, l'arrêt de l'instauration d'un régime démocratique au Chili par l'assassinat non seulement de M. Allende mais aussi de beaucoup de ses amis et d'un grand nombre d'habitants du Chili.
Mesdames et Messieurs, je crois que nous devons, en tant que Genève internationale, continuer à faire notre travail pour la promotion de la paix et voter cette résolution de manière - même si c'est modeste - à éviter, autant que faire se peut, des désastres aussi dramatiques, des crimes aussi... (L'orateur hésite.)
Une voix. Odieux !
M. Dominique Hausser. ...odieux - merci, cela m'évitera d'utiliser un autre terme de bistrot... - comme nous avons pu en voir il y a vingt ans, et comme nous en voyons encore aujourd'hui. C'est en fin de compte grâce à ce type d'intervention que nous réussirons à les enrayer !
Le président. Je ne pense pas que Mme de Tassigny ait demandé la parole, elle est absente... Je demanderai aux radicaux de faire attention de ne pas appuyer sur les boutons par inadvertance.
Je vous donne la parole, Monsieur Halpérin, ce sera la dernière intervention sur ce point.
M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité. Je suis suffisamment critique d'ordinaire sur la qualité de nos débats pour que vous m'autorisiez à dire que j'ai été ce soir sensible au sérieux, à la concentration et à l'intérêt puissant qui se sont révélés dans cette assemblée sur un sujet qui, à beaucoup d'égards, pouvait être considéré comme extérieur à nos préoccupations habituelles.
Je pense que la qualité de nos silences et la qualité de nos interventions sont le reflet de la conscience que nous partageons sur le devoir de mémoire et sur le rôle qu'il nous incombe d'assumer lorsqu'il s'agit de préparer l'avenir. Et quelques-uns d'entre vous l'ont dit tout à l'heure: on prépare l'avenir en connaissant le passé et, à cet égard, l'exercice que nous avons fait ce soir n'est certainement pas inutile.
Vous l'avez dit, je l'ai dit aussi, je crois, tout à l'heure, nous sommes un certain nombre à nous rappeler les larmes de chagrin, de révolte, de rage, que nous avons versées autour du gouvernement Allende, autour du Chili massacré et autour d'Alexei Jaccard et d'autres. C'était cela le devoir à évoquer, et c'est cela qui nous rassemblait dans la concentration.
Il faut aussi que nous nous rappelions, parce que j'ai l'impression parfois que dans ce parlement cela nous échappe un peu, à quel point l'histoire des hommes est essentiellement tragique et sanglante, à quel point nous avons de la peine, nous autres, ici même, à émerger de cette tragédie constante, des rapports de force, du manque de respect que nous nous devons les uns aux autres, même individuellement et même au sein de cette enceinte, sans lequel il n'y a pas de droits de l'homme. En effet, les droits de l'homme collectifs ne sont jamais que la projection de l'idée que nous nous faisons - si nous nous la faisons... - des droits individuels au respect que nous pouvons exiger les uns des autres, respect de notre dignité d'hommes.
Et c'est au nom de ce respect de la dignité humaine que nous voulons nous engager autrement sur ce millénaire qui commence.
J'aurai le privilège, jeudi prochain, d'être à Paris pour participer à l'organisation du Barreau qui va devoir faire vivre la nouvelle Cour pénale internationale, qui s'est créée par le Traité de Rome, il y a deux ou trois ans, et qui va instaurer une justice internationale permanente pour lutter contre les crimes contre l'humanité.
Cela, c'est encore un progrès que nous faisons dans le sens de la justice et contre le sens des rapports de force. Mais il faut mesurer que ces progrès ont été obtenus grâce à l'action inlassable des gens qui se sont donné la peine non seulement de dénoncer les crimes mais de le faire d'une manière crédible, d'une manière audible.
Ce que j'ai reproché à quelques-uns des intervenants, à quelques-uns des textes qui nous ont été successivement proposés, c'est de sortir du débat sur la dignité humaine ou sur sa violation, du débat sur la torture des enfants ou le massacre des animaux - qui sont aussi des formes de la dignité humaine - pour entrer dans un débat politique d'une autre nature.
La question, contrairement à ce que certains d'entre vous ont dit dans ces derniers instants du débat, n'est pas de savoir si les coups d'Etat sont acceptables ou inacceptables, ou de savoir si tel coup d'Etat est plus inacceptable qu'un autre. La question est de savoir comment nous nous positionnons par rapport à la violence dans les rapports internationaux et dans les rapports internes.
La question est de savoir comment nous nous positionnons face à des coups d'Etat de toute nature, qu'ils soient de gauche ou de droite.
La question est de savoir comment nous nous positionnons, nous autres qui nous pensons intellectuels et parfois de gauche, dans notre propre responsabilité dans l'avènement des Khmers rouges, par exemple.
Ce sont ces questions que nous devons nous poser en permanence si nous voulons faire avancer la cause des droits de l'homme. Et lorsque nous bottons en touche, en considérant que, s'il y a violation des droits de l'homme quelque part, c'est parce qu'ailleurs il s'est trouvé des manipulateurs pour la vouloir et la rendre possible, peut-être ne nous trompons-nous pas... Mais nous n'en sommes pas sûrs, et comme l'un d'entre nous l'a rappelé tout à l'heure, il n'y a pas de grandeur, il n'y a pas de respect des droits de l'homme à lancer des accusations pas tout à fait au petit bonheur la chance mais au motif, simplement, d'une diversion politique !
Et quand j'entendais M. Brunier dire tout à l'heure que nous devions faire attention à ce que Genève reste une chambre d'écho pour une amélioration des rapports entre les hommes et une amélioration de l'évolution de la démocratie à travers la planète, eh bien, nous devons nous rendre compte que la démocratie est encore minoritaire à travers la planète, qu'il y a bien des motifs et bien des causes à cela que nous pourrions examiner à l'occasion d'autres débats - mais nous ne pouvons pas les tenir tous en gerbe - et que si nous voulons faire cet effort, ce n'est pas en criant dans le vide ou d'une manière qui nous fera passer aux yeux d'une partie au moins de la population du monde non pas pour le lieu où se rassemble l'espérance humaine mais où se rassembleraient simplement des cris occasionnels de dégoût ou de colère, que nous devons le faire. Nous devons être constructifs: nous devons nous battre pour les droits de l'homme ! Et pour cela, il nous faut rester crédibles. Nous sommes le parlement de Genève et nous n'avons pas le droit de nous déconsidérer sur les sujets des droits de l'homme par des propos approximatifs, même s'ils sont bien intentionnés. Car, ne l'oubliez pas, Mesdames et Messieurs, de très nombreuses violations des droits de l'homme sont commises au nom des meilleures intentions du monde, et nous ne sommes pas là pour favoriser les bonnes intentions, mais pour prôner le respect des règles de procédure, le respect des règles formelles qui assurent le respect des hommes par les hommes et sans lesquelles il n'y a plus de droits pour aucun d'entre nous. (Applaudissements.)
Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons donc passer au vote sur cette résolution. L'appel nominal a été demandé et soutenu, je passe donc la parole à notre secrétaire pour y procéder.
Mise aux voix, cette résolution est rejetée par 51 non contre 41 oui et 1 abstention.
Ont voté non(51):
Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), Claude Aubert (L), Gabriel Barrillier (R), Florian Barro (L), Luc Barthassat (PDC), Caroline Bartl (UDC), Jacques Baud (UDC), Jacques Baudit (PDC), Janine Berberat (L), Claude Blanc (PDC), Thomas Büchi (R), Gilbert Catelain (UDC), René Desbaillets (L), Gilles Desplanches (L), Jean-Claude Dessuet (L), Hubert Dethurens (PDC), John Dupraz (R), Jean-Claude Egger (PDC), Jacques Follonier (R), Pierre Froidevaux (R), Yvan Galeotto (UDC), Renaud Gautier (L), Philippe Glatz (PDC), Jean-Michel Gros (L), Janine Hagmann (L), Michel Halpérin (L), Hugues Hiltpold (R), Robert Iselin (UDC), Jacques Jeannerat (R), René Koechlin (L), Pierre Kunz (R), Bernard Lescaze (R), Georges Letellier (UDC), Christian Luscher (L), Claude Marcet (UDC), Blaise Matthey (L), Alain-Dominique Mauris (L), Guy Mettan (PDC), Alain Meylan (L), Jean-Marc Odier (R), Jacques Pagan (UDC), Pascal Pétroz (PDC), Patrice Plojoux (L), Pierre-Louis Portier (PDC), André Reymond (UDC), Jean Rémy Roulet (L), Stéphanie Ruegsegger (PDC), Pierre Schifferli (UDC), Patrick Schmied (PDC), Olivier Vaucher (L), Pierre Weiss (L).
Ont voté oui(41):
Esther Alder (Ve), Thierry Apothéloz (S), Christian Bavarel (Ve), Charles Beer (S), Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), Loly Bolay (S), Christian Brunier (S), Alain Charbonnier (S), Anita Cuénod (AdG), Jeannine de Haller (AdG), Antoine Droin (S), René Ecuyer (AdG), Alain Etienne (S), Laurence Fehlmann Rielle (S), Christian Ferrazino (AdG), Anita Frei (Ve), Morgane Gauthier (Ve), Alexandra Gobet Winiger (S), Mireille Gossauer-Zurcher (S), Christian Grobet (AdG), Mariane Grobet-Wellner (S), Jocelyne Haller (AdG), Dominique Hausser (S), André Hediger (AdG), David Hiler (Ve), Antonio Hodgers (Ve), Sami Kanaan (S), Sylvia Leuenberger (Ve), Ueli Leuenberger (Ve), Anne Mahrer (Ve), Souhail Mouhanna (AdG), Rémy Pagani (AdG), Véronique Pürro (S), Albert Rodrik (S), Maria Roth-Bernasconi (S), Françoise Schenk-Gottret (S), Carlo Sommaruga (S), Jean Spielmann (AdG), Pierre Vanek (AdG), Alberto Velasco (S), Ariane Wisard (Ve).
S'est abstenu(1):
Louis Serex (R)
Etaient excusés à la séance(4):
Blaise Bourrit (L), Marie-Françoise de Tassigny (R), Erica Deuber Ziegler (AdG), Ivan Slatkine (L).
Etaient absents au moment du vote(2):
Michèle Künzler (Ve), Mark Muller (L).
Présidence:
M. Bernard Annen, président
Préconsultation
M. Jean-Michel Gros (L). Il n'est évidemment pas question pour le groupe libéral de contester le renvoi en commission de ce projet. Nous avons sans nul doute besoin d'une loi d'application de la loi fédérale sur les casinos.
Ce que nous souhaiterions, c'est que la commission tienne compte des événements qui se sont produits depuis le dépôt de ce projet.
Le casino de Genève devra fermer... Comme aiment à le proclamer beaucoup de nos adolescents: c'est la honte ! Oui, Mesdames et Messieurs, chers collègues, c'est la honte, parce que Genève n'a pas été à la hauteur de l'enjeu. Et maintenant que nous avons sinon la chance au moins l'avantage de compter parmi nous deux représentants de l'exécutif de la Ville de Genève, il est temps de témoigner de notre déception, et le terme est faible.
Le dossier du casino de Genève est jugé par la commission fédérale comme étant de «faible qualité» et «indigne d'une telle capitale»... Je ne fais que citer la presse, n'ayant pas connaissance de la lettre officielle du Conseil fédéral, mais quand on connaît le langage châtié des commissions fédérales, une telle qualification nous fait souci.
Quoi qu'il en soit, la décision prise aura certainement un effet désastreux pour la Genève touristique. Le choix de Meyrin, même si comme ancien magistrat communal je ne peux que souhaiter bon vent à cette nouvelle implantation riche de promesses fiscales...
M. Claude Blanc. Merci !
M. Jean-Michel Gros. ...apparaît un peu ridicule, lorsqu'il s'agit de transformer une discothèque appréciée en une maison de jeu.
Cet échec total incombe en premier lieu à la Ville de Genève, et il était utile de l'affirmer. Sa volonté absolue de ne vouloir qu'un casino municipal avec des recettes uniquement municipales a conduit à la mise au chômage de soixante-cinq employés. J'espère qu'une solution à leur sujet sera trouvée.
Mais, Mesdames et Messieurs, nous sommes au Grand Conseil et nous sommes en droit de dire ici que le Conseil d'Etat, lui non plus, n'a pas été à la hauteur...
Dans ses prises de position, il n'a fait que soutenir des solutions étatiques, alors que l'on s'est bien rendu compte, mais un peu tard - mais un peu tard... - que la commission fédérale a systématiquement donné la préférence à des projets conduits par des professionnels des maisons de jeu. Le Conseil d'Etat a même jugé utile, en 1997, de participer à la création de la Romande des jeux, sorte de nébuleuse para-étatique davantage destinée à accueillir en son conseil des politiciens à la retraite qu'à remplir son rôle...
Le résultat est là, lui aussi: il est désolant ! Pas un seul casino de la Romande des jeux n'a été accepté par la commission fédérale !
Au vu de ce triste bilan, la commission devra se poser la question du maintien du canton de Genève dans cette organisation. Par exemple, on parle, à l'article 6, de coordination intercantonale en matière de politique des jeux, voire même de péréquation des bénéfices... On devra bien se demander si la Romande des jeux est bien l'organe le plus efficace pour remplir cette mission !
C'est en tout cas dans cet esprit très critique que les libéraux étudieront ce projet en commission. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous demande un tout petit peu de calme, de manière à ce que l'on puisse entendre les orateurs !
Vous avez la parole, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Contrairement à vous, Monsieur Gros, je ne suis pas un admirateur des casinos et des bandits-manchots...
Cela étant dit, il est vrai qu'il y avait - il y a encore pour quelque temps... - un casino à Genève, pour lequel la Ville de Genève s'est beaucoup engagée. En effet, vous semblez oublier, Monsieur Gros, dans votre hâte à critiquer la Ville de Genève, que ce casino était exploité sous les auspices d'un hôtelier privé qui était en état de faillite et que la Ville de Genève a précisément réussi à sortir ce casino de l'ornière, dans des conditions ô combien difficiles, et à le faire fonctionner.
Mais que s'est-il passé? Vous avez bien fait, dans la seconde partie de votre intervention, de relever que les différents projets qui ont été préparés en Suisse romande par les pouvoirs publics répondaient à un objectif très précis, à savoir que le produit des jeux serve à des causes d'utilité publique, contrairement à ce qui se fait dans un pays qui nous est voisin, et qu'il y ait un contrôle strict sur l'utilisation de l'argent. Eh bien, le Conseil fédéral a infligé à la Suisse romande un camouflet ignoble. Parce que la Suisse alémanique n'a pas voulu entendre la voix des cantons suisses romands qui était parfaitement claire: ils voulaient effectivement un type de casinos totalement différents des casinos des affairistes suisses alémaniques qui estiment que l'argent du jeu doit profiter aux milieux privés, avec tous les problèmes que cela peut poser en matière de blanchiment d'argent et d'autres questions de ce genre.
Par voie de conséquence, ce n'est pas du tout, comme vous essayez de le prétendre, un échec pour la Ville de Genève... C'est un échec pour l'ensemble de la Suisse romande !
Il est vrai qu'on peut regretter que Genève n'ait pas été unie dans cette affaire face à Berne, en ce sens que le Conseil d'Etat n'a pas appuyé le projet du seul casino qui existait à Genève - le casino de la Ville de Genève - quand bien même la Ville de Genève a fait un effort important pour qu'une partie du produit du bénéfice des jeux du casino de Genève soit rétrocédée au canton pour des activités culturelles, sociales et caritatives.
Vous avez raison sur un autre point encore, Monsieur Gros... C'est vrai, qui eût pensé que la commission fédérale retiendrait des critères différents, alors que l'une des plus grandes préoccupations du Conseil fédéral au début des années 90, lorsqu'il s'était agi de mettre sur pied un concept pour les casinos, portait sur le contrôle des casinos, en raison justement des activités mafieuses qui sont souvent liées aux casinos dans d'autres pays? On pouvait donc justement penser légitimement que la Berne fédérale souhaitait avoir des casinos strictement contrôlés par les pouvoirs publics.
Or, j'ai le sentiment que les choses ont changé avec le changement de conseiller fédéral chargé du dossier des casinos. M. Koller, je crois, avait une vision rigoureuse de la chose, et son successeur, Mme Metzler, empreinte des principes du libéralisme, a effectivement souhaité donner cette affaire au secteur privé, avec le paradoxe que ce sont finalement des sociétés françaises qui vont venir exploiter les casinos en Suisse...
Eh bien, vous me permettrez de dire que pour moi la politique qui a été voulue par le Conseil fédéral ou, du moins, par la commission fédérale et les gens qui ont été placés...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. ...est une politique qui fait fausse route, et je pense que nous devons plutôt critiquer la politique du Conseil fédéral dans ce domaine. Le dossier de la Ville de Genève était parfaitement correct ! (Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Hediger, s'il vous plaît ! Votre première intervention, faites-la au micro, s'il vous plaît ! (Rires.)
Madame Fehlmann, vous avez la parole.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Avant de parler du Casino de Genève, j'aimerais quand même souligner le fait que la loi fédérale sur les maisons de jeu exige maintenant que les cantons qui accordent une concession de type A ou B mettent en place une palette de mesures destinées à prévenir les problèmes de dépendance du jeu excessif et à soutenir les personnes dépendantes.
Je relèverai au passage que des enquêtes épidémiologiques estiment qu'environ 3% de la population vivant en Suisse serait dépendante du jeu. Ces mesures d'accompagnement, qui sont la contrepartie de la libéralisation autorisée par la loi, peuvent prendre différentes formes, notamment des campagnes de sensibilisation de la population en général, des programmes thérapeutiques ainsi que des programmes de formation du personnel qui travaille dans les casinos.
A cet égard, Genève s'est dotée d'une association qui remplit en partie les missions décrites et qui existe depuis environ deux ans, qui s'appelle «Rien ne va plus»... Ironie du sort, son existence est effectivement menacée depuis l'annonce de la fermeture du Casino de Genève, puisque son fonctionnement est lié, précisément, aux revenus du casino.
Je relèverai encore que le Conseil municipal de la Ville de Genève a instauré une commission d'enquête pour analyser ce qui s'est passé dans le cadre du dossier du casino et pour éclaircir les faits qui ont conduit à la fermeture du casino que nous déplorons tous. Mais, même si le dossier de Genève comportait quelques faiblesses, on peut imaginer que la Confédération préférait une gestion privée du casino. Et, à cet égard, je ne suis pas sûre que la leçon de morale de M. Gros vienne tout à fait à propos.
Pour en venir au problème de la fermeture du casino, je pense qu'il faut, dans le cadre de ce projet de loi, attirer l'attention sur l'article 2, alinéa 2, du projet qui mentionne notamment que le Conseil d'Etat peut subordonner l'octroi d'une concession à au moins deux conditions, à savoir l'affectation de l'essentiel du bénéfice des jeux à des projets d'intérêt général et la participation financière à un programme cantonal ou intercantonal de prévention et de traitement du jeu pathologique.
Je crois qu'il faut vraiment attribuer une grande importance à cet aspect et, à mon sens, il faudrait que ces conditions soient obligatoires.
Je pense donc que les commissaires socialistes auront à coeur d'examiner ce projet de loi avec toute l'attention qu'il mérite.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il est exact de dire que la décision fédérale au sujet des casinos nous a paru, par plusieurs aspects, particulièrement renversante...
C'est un point de vue qui est en tout cas partagé par les cantons romands qui ne comprennent pas le vrai fondement des décisions prises.
J'aimerais vous rappeler, Monsieur le député Gros, qui pourfendez la Romande des jeux, ce qui a motivé les cantons romands à imaginer la Romande des jeux - qui n'est pas du tout une «nébuleuse» comme vous l'avez dit ! C'est le fonctionnement exemplaire de la Loterie romande, qui a été conçue par un organisme romand, qui la dirige. Elle a fait ses preuves et elle est considérée comme la meilleure loterie du pays. Elle rend des services inestimables à tous les cantons, en particulier à tous ceux qui en ont besoin sur le plan des subsides, et c'est donc cette idée qui a été calquée pour servir à la Romande des jeux.
Je vous précise, Monsieur Gros, que M. Olivier Vodoz était un fervent supporter de cette notion de la Romande des jeux, parce que, précisément, elle visait des objectifs d'utilité publique et qu'il y avait une coordination romande.
Cela étant, je n'ai pas de critique à formuler sur le projet de la Ville de Genève. Je dois simplement dire que, lorsque la commission fédérale est venue à la salle des Fiefs, elle a été accueillie par trois conseillers d'Etat: M. Cramer, Mme Calmy-Rey et moi qui présidais la délégation. Et, lors de ce contact, nous avons été surpris - désagréablement surpris - par les critiques extrêmement vives que cette commission émettait par rapport au projet de la Ville de Genève. Et nous avons informé la Ville de Genève de ces prémisses qui n'étaient pas particulièrement enthousiasmantes.
Je reviens maintenant au projet de loi dont nous avons débattu pour dire que règne une «incertitude certaine» sur la pérennité de la Romande des jeux, qui a tenu une séance hier matin et qui se reverra avant la fin de l'année.
Mais le projet de loi doit être renvoyé en commission. C'est une décision qui s'impose. Car il s'agit de savoir en particulier comment percevoir l'impôt cantonal sur les casinos B, car je rappelle qu'à Genève cet impôt correspond à ce qui reste du droit des pauvres.
Et puis, enfin, dans la mesure où le canton de Genève aura un casino B à Meyrin, il est important de modifier l'article 445 de la loi générale sur les contributions publiques, comme le prévoit ce projet de loi, afin de préciser clairement que le taux applicable correspond au maximum admis par la loi fédérale, soit 40% de l'impôt fédéral perçu. Déjà à ce titre, il est nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission, mais - je le confirme - sans acrimonie.
La décision fédérale, telle qu'elle a été prise et, surtout, telle qu'elle n'a pas été motivée - car la motivation de la décision fédérale est pour l'instant curieusement lacunaire - est une décision qui nous paraît surprenante. Je n'ai pas d'autre commentaire à faire à propos de cette décision, et surtout pas sur le projet de la Ville de Genève qui méritait autre chose qu'un intérêt à peine poli.
Le président. Merci ! Je profite d'avoir la parole pour demander à notre collègue Jeannerat de regagner sa place. Le règlement ne permet pas aux députés d'être à la tribune. Ce n'est pas grave, mais vous pouvez demander à votre ancien collègue de venir boire un verre avec vous à la buvette.
Ce projet est renvoyé à la commission législative.
Premier débat
M. Christian Luscher (L), rapporteur ad interim. En un mot, je dirai qu'il s'agit simplement de procéder à un toilettage de la loi genevoise sur la juridiction des prud'hommes, en ce sens que le code des obligations a été modifié pour permettre aux parties de porter les litiges devant la Cour d'appel des prud'hommes à partir d'une valeur litigieuse de 30000 F. Il s'agissait donc tout simplement d'adapter la loi genevoise à ce chiffre.
Je précise que le rapport a été voté à l'unanimité des commissaires de la commission judiciaire. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
La Loi 8505 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Premier débat
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Je n'ai rien à ajouter à mon rapport si ce n'est que, la communauté tarifaire intégrale étant en vigueur depuis le 1 erjuillet 2001, il n'est que temps de voter ce projet de loi !
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). C'est tout d'abord sur le concept même que la commission des transports s'était prononcée. Ainsi, le Conseil d'Etat a pu poursuivre ses travaux et donner à Unireso sa base légale. Puis la commission a ensuite approuvé le projet de loi que nous traitons aujourd'hui.
Accompagnée de la mise en oeuvre de plusieurs lignes, la communauté tarifaire présente, pour les trois années à venir, un coût que la commission, moins deux abstentions libérales, a considéré comme parfaitement supportable.
Enfin, nous attendons avec impatience son extension vers le canton de Vaud et la France voisine, mais, pour le moment, approuvons déjà Unireso dans sa première étape !
M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical votera bien entendu ce projet de loi qui est un grand progrès pour les transports publics et pour les usagers. Il est effectivement très intéressant pour eux de pouvoir bénéficier de plusieurs modes de transport avec un seul billet. C'est logique, c'est un système incitatif: nous voterons donc ce projet de loi.
Il faut simplement dire que ce projet coûte 5 millions de plus, par rapport à la subvention qui est accordée aux transports publics. Nous ne rechignerons pas à les accorder, mais nous aimerions quand même attirer l'attention de ce parlement sur le fait que les CFF nous ont dit avoir effectivement travaillé sur huit communautés intégrales tarifaires et qu'en général le prix du billet s'élève à une moyenne de 2,40 F en Suisse et qu'il est de 1,80 F à Genève. Dans les 5 millions, 1650000 ou 1670000 F sont prévus pour repousser l'augmentation des abonnements, soit le manque à gagner.
Si nous devions donner notre avis au sujet des tarifs, nous dirions volontiers qu'il faut poursuivre cet effort au niveau des abonnements, même s'il faut compenser le manque à gagner. Par contre, en ce qui concerne le prix du billet, qui est actuellement à 1,80 F, il y aurait lieu, à notre sens, de prévoir une augmentation: sauf erreur, c'est déjà dans les projets du département pour les trajets entiers mais pas pour les enfants. En effet, le billet pour enfant, que l'on croit à 50% du billet pour adulte, ne l'est en pratique pas: il est à 1,80 F pour l'adulte et à 1,50 F pour l'enfant...
Globalement, nous sommes tout à fait d'accord avec ce projet de loi, mais, à l'avenir, nous imaginons qu'il serait normal de pouvoir augmenter le prix du billet pour les adultes.
La Loi 8520 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Troisième débat
M. Dominique Hausser (S), rapporteur. Je rappelle brièvement que ce projet de loi est là tout simplement pour mettre en conformité les Transports publics genevois avec la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, de manière à assurer non seulement la transparence des coûts et la transparence des comptes, mais également la transparence des flux financiers.
Le débat que nous avons eu il y a quelques semaines a été douloureux et, si un certain nombre de députés pensent que nous devons encore avoir des discussions à ce sujet en commission des finances, il est évident que nous ne nous y opposerons pas, même si, à notre avis, ces discussions ne sont pas nécessaires étant donné le changement de législature qui est intervenu.
M. Jean-Marc Odier (R). Nous avons déjà eu le premier et le deuxième débat sur ce sujet - une longue discussion - il y a quelques semaines. Vous vous souvenez que nous avons argumenté qu'il n'était pas opportun et pas normal de traiter un projet de loi aussi important que celui-ci sans entendre les transports publics.
Monsieur Hausser, vous parliez d'une unanimité en commission: or, vous n'étiez que quelques députés...
M. Dominique Hausser. Ça, c'est la faute des absents !
Le président. Monsieur le rapporteur, s'il vous plaît, laissez votre collègue s'exprimer !
M. Jean-Marc Odier. Par loyauté, vous auriez au moins dû parler de majorité de circonstance !
Depuis, nous avons eu la possibilité d'entendre les transports publics qui sont vraiment défavorables à ce projet de loi. Le groupe radical s'opposera donc à ce projet de loi et ne le votera pas.
M. Claude Blanc (PDC). Il est évident que ce projet de loi avait été adopté à la hussarde par la commission des finances en l'absence de presque tous les députés de l'Entente, qui étaient retenus ailleurs et il est évident aussi - et je rejoins en cela M. Odier - que la courtoisie la plus élémentaire aurait commandé de ne pas procéder à un vote dans ces conditions. D'autant plus que l'on savait que les TPG étaient opposés à ce projet de loi.
Il y a eu un premier débat au Grand Conseil sur ce projet et on s'est rendu compte qu'il n'était pas praticable et que le Conseil d'Etat avait en réserve un autre projet de loi qui avait été repoussé par la majorité de gauche, il y a une année. Il faudra peut-être, si on veut résoudre le problème des biens des TPG, reprendre ce projet et le mettre sur la table.
Alors, je rejoins l'avis de ceux qui ont demandé que ce projet de loi soit renvoyé en commission des finances, parce que, franchement, il n'est pas praticable en l'état actuel des choses.
Le président. Vous avez raison, Monsieur Blanc, mais je vous rappelle que le président de la commission des finances fait partie de votre groupe ! (Exclamations.)Je passe maintenant la parole au rapporteur.
M. Dominique Hausser (S), rapporteur. Je crois que M. Blanc a raison: il est nécessaire d'entendre les représentants des TPG en commission, ce qui évitera à certains des intervenants, comme je l'ai entendu, de parler pour eux et de dire probablement et très vraisemblablement le contraire de ce que veulent dire les TPG.
M. Christian Grobet (AdG). Je ne fais pas partie de la commission des finances, je ne sais donc pas comment les choses se sont passées... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)Non, je n'y étais pas ! Je suis navré, Monsieur Blanc, je ne fais pas partie de la commission des finances !
Par contre, j'ai eu l'occasion de parler avec M. Stucki et j'ai cru comprendre, précisément, que les TPG se ralliaient à ce projet de loi. Maintenant, à partir du moment où il y a un doute à ce sujet et des contestations, je pense que la première des choses à faire, c'est effectivement - comme certains l'ont demandé il y a trois semaines ou un mois - d'entendre les représentants des TPG.
Nous souscrivons à cette proposition et nous demandons formellement, Monsieur le président, le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances, pour qu'elle entende les représentants des TPG et que ceux-ci disent clairement aux commissaires ce qu'il en est.
Mis aux voix, le renvoi du projet à la commission des finances est adopté.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Débat
M. Gilles Desplanches (L). Il est utile de rappeler le but de la motion 1371, qui demandait au Conseil d'Etat de l'ancienne majorité d'établir un bilan sous l'angle des trois piliers du développement durable, à savoir social, économique et environnemental, pour savoir si la journée «sans ma voiture» dans la conception actuelle correspondait bien à sa vocation liée au développement durable et si l'enquête de satisfaction émise par la Ville de Genève était objective, en rappelant que le parlement, sous l'ancienne majorité, avait rejeté une pétition de quatre mille cent citoyens qui demandaient la mise en place d'une politique de transports sauvegardant le trafic de proximité.
A la lecture du rapport, on constate que la diminution de la circulation s'est située entre 8 et 11% malgré la gratuité du transport en commun et une campagne très forte pour réduire le trafic privé. Cet exemple montre que l'objectif environnemental est atteint, tout du moins momentanément.
Il n'en va pas de même des ressources économiques et des exigences sociales ! L'acceptabilité d'une telle politique n'a pas été abordée et, pourtant, c'est bien là le véritable enjeu du 22 septembre.
Concernant le bilan présenté par la Ville, on constate que celui-ci est très subjectif.
S'agissant du volet économique, seuls quatre-vingts commerçants ont été interrogés dans tout le périmètre concerné et 69% d'entre eux ont répondu avoir eu moins de clients. Le bilan ne dit pas quels types de commerces ont fait l'objet de ce questionnaire, ni où ils se trouvent, ni leur importance. Une fois de plus, le volet économique passe à la trappe.
Le bilan repose sur une enquête réalisée auprès de cinq cents personnes. Il n'a pas été posé de question par rapport au nombre de clients, ni sur les sommes encaissées, pour faire une comparaison valable avec un autre vendredi. La catégorie socio-professionnelle pas plus que le lieu de résidence n'ont été pris en compte dans cette enquête. Les catégories d'âge ont été évaluées d'une façon surprenante: en effet, les moins de 20 ans sont deux fois plus nombreux dans l'enquête qu'à Genève même... (Brouhaha.)Je sais que ça n'intéresse pas M. Dupraz, mais il pourrait quand même écouter, ce serait assez sympa...
Le président. Faites un petit effort, s'il vous plaît, Monsieur Dupraz !
M. Gilles Desplanches. Les plus de 64 ans sont presque ignorés, alors que les 20 à 30 ans sont sous-représentés. Selon l'observatoire universitaire de la mobilité, les personnes interrogées ne sont pas représentatives de la structure de la population genevoise. Quant aux coûts, ils semblent impossibles à chiffrer vu les efforts consentis pour offrir l'attractivité.
En conclusion, le rapport du Conseil d'Etat met en évidence l'impossibilité d'évaluer sous l'angle du développement durable la journée «sans ma voiture», et ceci principalement en raison du volet économique largement sous-estimé dans le bilan présenté par la Ville, comme de l'angle social vu le peu de représentativité des citoyens interrogés.
A l'avenir, il serait souhaitable que les actions sensibles soient pour le moins évaluées par un organisme neutre avant publication: cela évitera que certains ne confondent information et promotion.
Monsieur le président, nous pensons que ce rapport doit être renvoyé au Conseil d'Etat.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien prendra donc acte de ce rapport.
Nous faisons deux constats à la lecture de ce rapport: d'abord, qu'il est difficile de faire un bilan de cette journée «sans ma voiture» et, ensuite, qu'il est difficile d'en tirer des conclusions probantes, car nous avons peu d'éléments quantifiables pour tirer un bilan sérieux de cette journée. Les seuls éléments probants sont, d'une part, l'insatisfaction des commerçants et, d'autre part, le coût de la journée.
Au niveau de l'insatisfaction des commerçants on peut également avoir des doutes sur le sondage qui a été effectué, puisqu'il est aussi partial que partiel... On ne sait pas quels commerçants ont été interviewés, on ne sait pas de quels types de commerces il s'agit, on ne sait pas dans quels secteurs ils se trouvent... On ne sait pas grand-chose ! Il est donc difficile d'en tirer la moindre conclusion.
Pour ce qui est du coût, ce que l'on sait, c'est qu'une seule journée a coûté plus de 300000 F à la collectivité. C'est à peu près le seul bilan que l'on puisse faire de cette journée.
Quant aux sondages auprès de la population, ils sont aussi légers que les sondages qui ont été effectués auprès des commerçants, puisqu'on ne sait même pas où ces sondages ont été effectués et qu'on ne sait pas non plus ce que pensent les gens qui ne sont pas venus en ville pour la journée «sans ma voiture». Il aurait pourtant été intéressant de savoir pourquoi ces personnes ne se sont pas rendues en ville ce jour-là.
Donc, en fait, on ne peut tirer aucune conclusion de la journée «sans ma voiture». Les effets de cette journée sont à peu près nuls, mais ce que l'on sait, c'est qu'on ne peut en tout cas pas faire un bilan objectif de cette journée pour promouvoir une opération de plus grande envergure.
M. Albert Rodrik (S). Je vais commencer par un mea culpa... (Exclamations.)Nous avions mal accueilli cette motion ! Nous l'avions accueillie avec goguenardise: oui, parfaitement ! Nous l'avions prise de haut, nous l'avions persiflée... Eh bien, je présente mes excuses.
Non pas grâce aux motionnaires, mais grâce au Conseil d'Etat on en tire un certain nombre de choses. Oh, ce ne sont pas des révélations, ce n'est pas la nouvelle Bible et ça n'a pas le mérite d'une étude scientifique universitaire bien sérieuse, gründlich !
Mais quand même - quand même ! - qu'est-ce que cela signifie? Que nous avons l'obligation les uns et les autres de ne pas partir dans le décor de l'extrémisme: ni dire que c'est la panacée universelle, ni peindre le diable sur la muraille en disant que c'est la mort du commerce au centre-ville.
Nous avons tout de même appris une chose, c'est que le commerce représente beaucoup de monde, beaucoup d'intérêts divers, beaucoup de situations particulières... Et si nous ne vous entendons pas dire, à propos de cette journée sans voiture, que si le pneu avant du véhicule automobile privé ne mord pas sur le paillasson du commerçant du centre-ville, c'est la faillite, en échange nous éviterons de dire que c'est sans conséquence et que c'est merveilleux... Voilà !
Alors, une fois qu'on a admis cela et qu'on fait l'armistice sur cette affaire, on va, grâce à ce rapport du Conseil d'Etat - non pas le lui renvoyer, parce qu'il contribue à l'avancement des idées et peut-être à la fin des guerres civiles - on va poser les problèmes dans leur relativité totale.
Oui, cela pose des problèmes, mais ce n'est pas la catastrophe organisée !
Ensuite, il faut des journées pareilles pour apprendre aux gens, petit à petit, que la voiture est un instrument au service de l'homme et non pas l'inverse. Rien que pour cela, ce rapport est utile: nous souhaitons que de plus en plus de communes avec la Ville de Genève - l'abominable Ville de Genève ! - ensemble - ensemble ! - continuent ce travail de persuasion, d'adhésion au fait que l'on peut vivre sans son véhicule, qu'aucun «terroriste» ne va empêcher quelqu'un de prendre sa bagnole mais, inversement, qu'aucun «terroriste» ne nous convaincra que le véhicule automobile privé, c'est l'alpha et l'oméga de l'existence et que le nirvana, c'est d'avoir un volant entre les mains...
Alors, je remercie le Conseil d'Etat pour avoir relativisé le problème et limité l'excès dans ce domaine. Nous pouvons vivre avec des journées sans voiture, nous pouvons demander à nos concitoyens de réfléchir avant de prendre leur véhicule, et les commerçants du centre-ville ne mourront pas si le tuyau d'échappement des voitures n'arrive pas sur leur paillasson !
Merci, Mesdames et Messieurs les députés, et merci au Conseil d'Etat ! Nous prenons acte de ce rapport. Et nous attendons la prochaine, Monsieur Ferrazino ! (Applaudissements.)
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi du rapport au Conseil d'Etat. Je mets aux voix cette proposition...
Mis aux voix, le renvoi du rapport au Conseil d'Etat est adopté.
Débat
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion met en lumière les difficultés que rencontre la commune du Grand-Saconnex lors des événements importants qui se déroulent à Palexpo.
Nous avons déjà eu le loisir de parler de ces difficultés lors de la motion précédente - la motion 1414 - qui a été débattue lors de la précédente session et nous avons dit, et nous le répétons aujourd'hui: il faut mettre l'accent sur les transports en commun, mener une politique beaucoup plus dissuasive et, surtout, faire en sorte, avec les CFF, de développer les billets combinés afin que les Confédérés, au lieu de se rendre en voiture à Genève, puissent le faire au moyen des transports en commun, c'est-à-dire les trains.
En effet, la commune du Grand-Saconnex a le sentiment aujourd'hui d'être un peu la poubelle du canton: lorsqu'il y a des manifestations importantes, comme Telecom, le Salon de l'auto ou la Foire de Genève, les habitants de la commune ont de la peine à sortir de chez eux car les trottoirs sont encombrés par les voitures qui sont garées n'importe comment et, surtout - ce qui est plus grave - les véhicules qui doivent se déplacer en urgence, notamment les pompiers, ne peuvent pas circuler normalement, ce qui rend leur tâche difficile.
Alors, bien sûr, personne ne conteste ici, surtout pas au Grand-Saconnex, que Palexpo est un équipement très important pour le canton sur le plan économique et fiscal, mais ces manifestations ne doivent pas se faire au détriment de la commune. C'est pourquoi, sans rouvrir le débat que nous avons déjà eu ici lors de la précédente session, je vous demande tout simplement, au nom du groupe socialiste, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, ce dont je vous remercie.
M. Jean-Marc Odier (R). Cette motion n'est en effet pas inintéressante, mais nous avons déjà traité ce problème - vous l'avez dit, Madame Bolay - lors de la dernière session.
Pour ma part, je pense qu'il faudrait traiter cette motion à la commission des transports. Je fais donc une demande formelle de renvoyer cette motion à cette commission.
Il est vrai que les habitants du Grand-Saconnex souffrent énormément du problème des parkings sauvages lors des grandes expositions qui se déroulent à Palexpo. C'est tout à fait juste, mais il est illusoire de croire que l'on arrivera à résoudre le problème du déplacement des visiteurs en ayant recours uniquement aux transports publics lors des manifestations de Palexpo.
Les auteurs de la motion omettent tout de même de dire que tout le secteur de l'aéroport doit être organisé pour que l'on puisse y accéder avec des moyens de transport individuels. Il y a des gens qui viennent de France ou d'ailleurs, qui utilisent l'autoroute et qui n'ont pas de transports publics à leur disposition, et il faut bien que ces visiteurs puissent avoir accès à ce secteur. Mais il est indéniable aussi qu'il faut arriver à améliorer la situation du côté du village du Grand-Saconnex, en libérant tous les chemins qui sont actuellement utilisés par les visiteurs. Ces derniers doivent pouvoir trouver un parking du côté de l'aéroport, mais c'est un sujet dont il faut discuter.
Il sera donc certainement intéressant d'étudier cette motion à la commission des transports, afin d'entendre les autorités communales et le département pour savoir ce qu'ils pensent faire à ce sujet.
M. Christian Luscher (L). Nous - le groupe libéral - soutenons ce qui vient d'être dit par M. Odier. Nous pensons qu'il faut effectivement renvoyer ce dossier épineux à la commission des transports.
Nous notons qu'il existe un certain paradoxe dans ce qui nous a été expliqué, comme on dit chez nous, de l'autre côté de la barre, en ce sens qu'on ne peut pas se plaindre des parkings sauvages en voulant, dans le même temps, éviter que de nouveaux parkings ne soient construits. La réponse au parking sauvage est, en tout cas partiellement, le parking apprivoisé !
Tout cela doit être discuté en commission des transports, à laquelle nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette affaire, ce dont nous vous remercions.
Mme Anita Frei (Ve). Année après année, de foires en expos et en salons, le Grand-Saconnex subit les nuisances croissantes provoquées par les visiteurs indélicats des manifestations de Palexpo, dont les véhicules envahissent les moindres recoins de la commune.
Cette réalité est choquante, elle est même scandaleuse, quand on pense que le site de Palexpo est l'un des mieux desservis par les transports en commun de Genève: il est extrêmement bien desservi par les trains, par les bus, avec des fréquences accrues lors des grandes manifestations.
Contrairement à ce qui vient d'être dit, les places de parking ne manquent pas non plus: elles se comptent par centaines dans le secteur, tout ça pour quelques jours de manifestation par année.
Dans ces conditions, il est indispensable de soulager durablement les gens du Grand-Saconnex de ces envahissements périodiques en mettant en place toutes les mesures nécessaires de persuasion et, surtout, de dissuasion, et ceci très rapidement.
C'est pourquoi, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Le président. Madame la députée, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission qui prime votre demande. Mesdames et Messieurs les députés, que celles et ceux qui acceptent cette proposition de renvoi en commission veuillent bien le faire en levant la main.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des transports.
Débat
Mme Anita Frei (Ve). C'est dans le cadre de ses travaux autour de la motion sur le tunnel du Mont-Blanc que la commission des affaires communales, régionales et internationales a décidé de présenter à votre attention cette proposition de motion qui invite le Conseil d'Etat à intervenir auprès des autorités fédérales pour que l'axe ferroviaire Vallorbe-Lausanne-Martigny-Brig-Simplon puisse être ouvert au plus vite au ferroutage, au niveau européen.
Les événements récents au Gothard l'ont à nouveau tragiquement montré: le transit des poids lourds à travers les Alpes, que les Verts de tout l'Arc alpin dénoncent depuis longtemps, atteint un seuil intolérable et même criminel. Il y a aujourd'hui une véritable urgence à réduire drastiquement le passage des camions dans les vallées alpines, pour la santé et le bien-être des populations riveraines, pour la sécurité des routiers et des autres usagers de la route, pour le délicat équilibre des Alpes.
Les mesures à prendre sont multiples. La plus importante et la plus efficace est, sans nul doute, de faire payer les transports à leur coût réel, c'est-à-dire à des conditions de travail et de salaire décentes pour les routiers, avec un prix du carburant qui intègre tous les coûts environnementaux, sociaux et économiques, un prix qui dissuade, par exemple, les négociants de faire laver leurs pommes de terre en Italie, parce que l'eau y est moins chère, et de les faire revenir ensuite en Allemagne...
Une autre mesure consiste à proposer une alternative au passage des poids lourds à travers les Alpes. Une de ces alternatives est le ferroutage, soit le chargement des poids lourds sur les trains. Cette mesure doit être encouragée sur l'ensemble de l'Arc alpin. Les infrastructures ferroviaires de base existent, au Simplon notamment. Toutefois, quelques tunnels doivent être agrandis pour permettre le transfert sur rail de camions et containers qui sont aux normes européennes, donc plutôt baraqués...
La motion demande que le calendrier prévu pour ces travaux soit avancé, afin d'offrir au plus vite cet axe ferroviaire au transit Nord-Sud.
Le ferroutage n'est certes pas la solution à tous les problèmes que pose le trafic des poids lourds à travers les Alpes, loin de là. Mais c'est en tout cas une solution plus efficace, plus durable et plus respectueuse de l'environnement et des personnes que celle qui consiste à vouloir construire un second tultube au Gothard.
C'est pourquoi nous vous invitons à faire bon accueil à cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Jean Spielmann (AdG). Il s'agit effectivement d'un projet important pour notre région bien sûr, mais aussi pour l'ensemble du trafic des marchandises.
Certains veulent mettre en concurrence l'axe Vallorbe-Simplon avec la perspective de réaliser d'autres axes. Aujourd'hui, le seul axe qui existe et qui permettrait d'aller de Lyon à Turin, avec une altitude maximum de 625 m à travers toutes les Alpes, du Nord au Sud, est cette fameuse ligne qui passe effectivement par le Simplon, qui peut aller sur Vallorbe, mais qui implique, entre Martigny et Vallorbe, de faire un nombre considérable d'investissements pour mettre les tunnels au gabarit.
Il y aurait d'autres moyens... Par exemple, la réanimation de la ligne du Sud-Léman, ligne qui existe déjà et qu'il suffirait de revitaliser et de remettre en route avec du matériel moderne, peu bruyant, permettant dans un délai très rapide de mettre en place un trafic de chemin de fer entre Lyon et Turin sans aucun problème d'altitude ni de gabarit.
Partant de là, le Grand Conseil, à plusieurs reprises, s'est préoccupé des liaisons ferroviaires avec nos voisins français et, notamment, de la ligne dite des Carpates pour relier Genève à Paris, en réduisant le kilométrage, et permettre parallèlement de rejoindre directement les deux villes du pays de l'Ain, Bourg et Bellegarde, alors que, pour le moment, il faut faire un détour considérable. On a réussi à se mettre d'accord à l'unanimité du Grand Conseil pour la liaison la Praille-Eaux-Vives. Mais, aujourd'hui, il faut continuer dans cette direction !
Je crois savoir, Monsieur le président du département des transports, que, dans le cadre des discussions que nous avons eues et dans le cadre de la région, le travail a été partagé entre Genève et le Valais. Les Genevois devant discuter et convaincre les Français d'accepter une telle réalisation jusqu'à Evian et les Valaisans, de leur côté, faisant l'effort d'essayer d'aller jusqu'à Evian aussi.
Il reste juste un petit problème: l'opposition principale qui vient du maire d'Evian... J'imagine qu'on a aussi pensé qu'il faudrait traverser Evian... Mais là, je vous fais confiance !
Partant de là, on peut agir vite, et agir vite signifie qu'il faut agir même avec une voie unique. Il sera en effet très difficile de réaliser une voie de chemin de fer double notamment du côté de Meillerie, mais, avec les moyens techniques actuels, une voie unique comportant du matériel moderne permet d'ouvrir des perspectives nouvelles dans le domaine du transport, pas seulement des personnes mais aussi des marchandises. Toutes les grandes compagnies de camions, de Fiat à Daimler-Benz, sont en train d'investir et de mettre sur le marché du matériel roulant ultra-silencieux, léger, performant, pendulaire, qui permet d'aller vite. On pourrait ainsi, avec seulement onze trains par jour - sur un sillon comme celui-là, ce n'est pas énorme, pour autant qu'ils ne provoquent pas trop de nuisances aux riverains - quasiment remplacer le trafic lourd du tunnel du Mont-Blanc.
Je pense donc que cette motion mérite un examen attentif. Nous devrons travailler en collaboration avec les autres cantons suisses pour ne pas retarder la liaison Vallorbe-Martigny jusqu'au Simplon et, en même temps, faire avancer les choses, pour qu'une fois la liaison La Praille-Eaux-Vives réalisée on puisse faire le complément indispensable permettant d'aller en direction de la vallée de Chamonix, en direction du Sud Léman, permettant aussi, par exemple, de relier Sion à Genève en gagnant presque une trentaine de kilomètres, sans engorger la ligne du Nord Léman, je veux parler bien sûr de la ligne Genève-Lausanne-Martigny.
Il y a donc là un potentiel de développement qui serait profitable à toute la région, qui permettrait de résoudre le problème des camions, y compris au tunnel du Mont-Blanc, et d'affecter l'axe existant à du trafic beaucoup plus léger. Mesdames et Messieurs les députés, il y a là une opportunité à saisir.
Il serait intéressant - et je pense que les motionnaires seront d'accord - que la commission des transports, dans le cadre du programme qu'elle est en train de mettre en route pour les axes ferroviaires prioritaires et les réalisations que nous devons faire, puisse faire un programme de réalisations et demander ensuite au Conseil d'Etat de concrétiser, par étapes, les équipements ferroviaires complémentaires nécessaires à l'ensemble de notre région.
Je vous remercie et j'espère que, comme cela a été le cas pour les autres dossiers, ce dossier fera l'unanimité du Grand Conseil ou, en tout cas, qu'une grande partie de ce Grand Conseil le votera, parce qu'il s'agit là vraiment de notre avenir et de l'avenir de toute la région. Il est donc important que ce dossier soit traité avec diligence.
Le président. Monsieur Spielmann, vous faites une demande formelle de renvoi en commission des transports?
M. Jean Spielmann. Je pense effectivement qu'il serait intelligent d'examiner cet objet à la commission des transports, afin d'établir des priorités.
Le président. Bien ! Monsieur Dethurens, vous avez demandé la parole...
M. Hubert Dethurens (PDC). Oui, Monsieur le président, mais c'était pour intervenir sur la motion précédente ! Je crois que vous n'étiez pas tellement attentif... (Rires.)
Le président. Il y a un quart d'heure que ce point est terminé... Ce n'est pas grave ! Monsieur Portier, je vous passe la parole...
M. Pierre-Louis Portier (PDC). J'ai bien entendu M. Spielmann et je crois que l'on ne peut qu'approuver ses propos. En effet, il serait tout à fait intéressant de compléter cette motion en ayant une discussion sur le problème du Tonkin.
Cependant, je tiens à rappeler à ce Grand Conseil que ce qui a animé les membres de la commission des affaires communales, régionales et internationales - je vous rappelle que cette motion est issue des travaux sur le passage des camions sous le tunnel du Mont-Blanc - c'est le besoin impératif de sécurité dans tous les tunnels. Evidemment, la douloureuse actualité du tunnel du Gothard nous l'a rappelé.
OK, donc, pour le renvoi de cette motion à la commission des transports, mais alors, s'il vous plaît, que cette motion ne s'y enlise pas, de façon à ce que le Conseil d'Etat puisse très rapidement s'en saisir et intervenir auprès des autorités fédérales.
Voilà le message que je tenais à faire passer ce soir.
Le président. La parole n'est plus demandée... Oui, Monsieur Spielmann... Il faut appuyer sur le bouton... Encore un petit effort ! Voilà !
M. Jean Spielmann (AdG). J'ai bien entendu ce qui vient d'être dit. Si le Conseil d'Etat est prêt à accepter la motion en l'état, je serai d'accord, mais je rappelle qu'il y a un problème de concurrence avec nos voisins vaudois pour que l'axe Simplon-Brig passe par Lausanne-Vallorbe et non par le Sud Léman. Le Sud Léman peut être réalisé très vite, puisque les lignes existent déjà et qu'il suffit de les revitaliser, mais il est clair que cela fera concurrence aussi bien à Lausanne, à tout le canton de Vaud qu'à Vallorbe.
Alors, la question qui se pose est la suivante: sommes-nous prêts à accélérer les réalisations Vaud-Brig-Simplon sans tenir compte de l'ensemble du périmètre? Et puis, deuxième question: est-il vraiment judicieux et dissuasif de faire passer les camions de Vallorbe à Milan pour éviter le tunnel du Mont-Blanc? Ne vaudrait-il pas mieux rester plus proche du tracé actuel, Lyon-Tunnel du Mont-Blanc-Turin, en passant par l'axe dont je parlais tout à l'heure, pour être beaucoup plus complémentaire et concurrentiel avec le tunnel du Mont-Blanc? Cela donnerait une alternative au passage en altitude des camions. Car, certes, le problème des tunnels se pose, mais, en outre, il n'est pas vraiment intelligent de monter des poids lourds en charge à plus de 1000 m d'altitude, qui passent ensuite sous les tunnels une fois qu'ils ont bien chauffé...
Il faudrait donc tenir compte de ces divers éléments, c'est pourquoi je suggérais le renvoi en commission. Toutefois, si le Conseil d'Etat nous confirme qu'il va répondre à ces deux objectifs et fixer des priorités, je suis d'accord d'y renoncer. Mais s'il revient avec une proposition traitée à Berne et portant sur la seule réalisation du trajet Vallorbe-Martigny-Brig, je ne suis pas sûr que Genève sera gagnante.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Ce projet de motion peut faire apparaître un conflit... Il y a, comme l'a signalé M. Spielmann, un manque de capacité de l'axe ferroviaire Lausanne-Saint-Maurice. Il pourrait donc y avoir conflit entre la desserte fret et la desserte voyageurs, avec une diminution quantitative et qualitative de la desserte voyageurs, ce qui prétériterait Genève. Tout ceci demande donc une étude, parce qu'il est possible d'éviter que Genève ne soit prétéritée sur le plan du trafic voyageurs si la ligne du Sud Léman est remise en exploitation rapidement.
Alors, je suis évidemment d'accord d'accepter cette motion au nom du Conseil d'Etat. Je pense qu'elle devra être discutée en délégation du Conseil d'Etat AET, parce qu'il faut élucider le problème de ce conflit d'intérêt entre trafic voyageurs et trafic de fret. Ensuite, le Conseil d'Etat fera un rapport à la commission des transports, mais après avoir déblayé le terrain...
Je fais donc parfaitement bon accueil à cette motion et je suis prêt à l'accepter au nom du Conseil d'Etat.
Mme Anita Frei (Ve). Je maintiens ma demande de renvoi de cette motion au Conseil d'Etat dans la mesure où plusieurs motions sont déjà en attente auprès de celui-ci et qui touchent les problèmes évoqués par M. Spielmann. Je pense que c'est l'occasion pour la délégation transports de répondre à toutes ces motions, quitte à apporter les résultats de sa réflexion en commission des transports.
Le président. Monsieur Spielmann, vous maintenez votre demande de renvoi en commission? (Dénégations de M. Spielmann.)Si, si, vous l'avez faite ! Du reste, M. Portier vous a soutenu dans cette demande.
Monsieur Portier, vous maintenez votre demande de renvoi en commission? Non? Alors, nous allons voter sur cette motion...
Mise aux voix, la Motion 1417 est adoptée.
Débat
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Quand bien même les statistiques ne démontrent nullement une augmentation notoire de la criminalité dans notre canton, une frange de notre population ressent une forme d'insécurité. Celle-ci est certainement due à des faits et à des événements que nous ne connaissions pas, du moins il y a quelques années. Ces faits sont en particulier ceux issus de la petite délinquance, des affrontements entre bandes ou, encore, du vandalisme que nous avons déjà souvent évoqué dans cette enceinte.
A ce sentiment d'insécurité s'ajoutent des réformes dans le fonctionnement des postes de gendarmerie, nécessaires puisque nous devons faire face au manque de personnel dans ce corps: fermeture de certains postes la nuit, regroupement dans quelques autres. Bref, beaucoup de gens ont un sentiment d'abandon, ceci malgré la mise en place d'autres moyens ou des changements positifs dans la manière d'afficher une rassurante présence policière. Je pense aux importants engagements par les communes d'agents de sécurité municipaux et au bon travail d'îlotage effectué par la gendarmerie.
Reste que ces différents moyens doivent être encore complétés. Ils doivent, entre autres choses, être complétés par une structure de police permettant l'accueil du public vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour des problèmes liés au quotidien. Il faut en effet faciliter les relations entre la population genevoise et sa police. On ne peut pas, par exemple, demander aux quelques gendarmes présents dans les quelques postes ouverts la nuit dans notre canton d'être en tout temps disponibles pour répondre à tous les petits soucis du public, alors qu'ils arrivent parfois difficilement à répondre à toutes les urgences.
Or, pour celui qui vient d'être victime d'un vol, il est important de pouvoir tout de suite faire enregistrer sa plainte. Une femme victime de violences conjugales doit pouvoir trouver immédiatement non seulement un refuge mais également une écoute. Une personne affolée doit immédiatement être rassurée, informée ou encore réconfortée.
Il nous apparaît donc important et possible, dans un petit canton comme Genève, de regrouper des forces compétentes: gendarmes, personnel administratif ou encore travailleurs sociaux, pouvant tous faire bénéficier nos concitoyens de leurs compétences professionnelles et, ainsi, les aider à résoudre leurs problèmes liés au quotidien.
Mais nous tenons à être tout à fait clairs sur un point: il ne s'agit nullement d'accélérer ou de favoriser le démantèlement des postes péri-urbains... Bien au contraire ! Nous voulons regrouper dans un même lieu, bien centralisé, tous les services que notre population doit pouvoir obtenir facilement dans un poste de gendarmerie, afin de décharger nos gendarmes en uniforme formés pour des tâches plus délicates et complexes et devant souvent être exécutées dans l'urgence.
Lorsque seulement cinq ou six hommes sont présents dans un poste, il est de notre devoir de leur faciliter la tâche en leur permettant d'intervenir sans tarder dans les cas d'accidents, de cambriolages ou d'agressions, ou simplement de patrouiller, en les déchargeant des tâches administratives telles que les dépôts de plainte, les problèmes de stationnement ou autres petits soucis.
Notre proposition se veut donc un complément à l'actuel dispositif. Elle vise en partie les mêmes buts que le projet de loi 8567 présenté récemment par l'Alliance de gauche, mais nécessite des moyens moins importants en personnel et, surtout, permet l'action de personnes d'autres professions, ce qui est important pour le public et ce qui permet également de répondre aux problèmes de sous-effectifs dans la gendarmerie.
Nous vous invitons donc à faire bon accueil à cette motion et, dans l'immédiat, à la renvoyer en commission.
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Cette motion déposée par le groupe démocrate-chrétien rejoint effectivement une autre proposition qui avait été déposée par l'Alliance de gauche, ou encore des préoccupations que nous avions développées en 1998, lorsque nous disions redouter des dispositifs à deux vitesses.
En son temps, lors du dépôt de cette motion par le groupe démocrate-chrétien, les socialistes avaient proposé que ces textes soient étudiés par la commission des finances... Pourquoi? Parce que, au-delà de la volonté soit de créer un poste ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, soit de doubler les effectifs à certains endroits, la commission qui s'occupera de cette motion devra au préalable résoudre deux questions essentielles, si nous voulons qu'un dispositif ou l'autre, ou peut-être un troisième, puisse être actif.
Deux problèmes frappent assez gravement la police à l'heure actuelle, et le groupe démocrate-chrétien est bien placé, avec M. le chef de la police, pour savoir quels sont ces problèmes. Ces deux problèmes sont les suivants. Il y a tout d'abord le problème très important de l'image de la gendarmerie en uniforme, image par rapport à laquelle les gendarmes ont du mal à s'identifier actuellement. Il suffit de lire leur journal syndical de l'UPCP de la fin de l'été pour se rendre compte du manque de considération dont ils font l'objet et dont ils se plaignent dans l'exécution de leurs tâches.
S'il est légitime que Genève, qui est une ville de paix, exige de ses gendarmes qu'ils ne se comportent pas comme des cow-boys, on peut s'étonner que ceux-ci se sentent dénigrés ou déconsidérés lors de leurs interventions. Et ceci explique peut-être la difficulté de recrutement, au-delà des exigences que l'on peut légitimement avoir dans une ville comme Genève. C'est un premier problème qu'il faudrait résoudre.
Le deuxième problème est le problème de l'évaluation de la fonction. En effet, s'il est difficile de recruter, on peut aussi se préoccuper de l'hémorragie que connaît le corps de police, point qui concerne les deux secteurs du corps de police. Il y a des gendarmes qui passent chez les agents municipaux et il y a des inspecteurs qui passent à la Police fédérale. Et cela tient - c'est aussi un problème de reconnaissance - à la définition de la fonction.
C'est pour cela que les socialistes avaient proposé - ils n'ont pas été suivis, mais ce n'est pas très grave - que la commission des finances se penche sur ces deux aspects. Maintenant, la commission judiciaire a reçu la première proposition, ce n'est pas un problème, elle recevra la deuxième après...
Mais, Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait voter mille postes, on pourrait voter un poste ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on pourrait prendre la décision de «permanentiser» les postes: aussi longtemps que le recrutement ne sera pas attractif, aussi longtemps qu'on n'aura pas résolu le problème des gens qui sont en place - leur problème d'image - aussi longtemps qu'on ne se sera pas intéressé au problème du statut de ce secteur de la fonction publique, tant que les postes ne seront pas pourvus effectivement, cela sera absolument inutile !
Je demande donc vraiment aux commissaires de la commission judiciaire, de tous les partis, de prendre en compte, au-delà de l'aspect technique de la question, les deux aspects que je viens de développer.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'arrêterai la séance à la fin de ce débat... Il ne tient qu'à vous de le faire durer ou non !
M. Alain-Dominique Mauris (L). On l'a vu dans les derniers sondages, la sécurité est effectivement un sujet qui préoccupe grandement l'ensemble de la population et, ce soir, la motion du groupe démocrate-chrétien retient notre attention et notre soutien.
A plusieurs reprises, des interpellations urgentes ont été adressées au chef du département de justice et police, notamment en ce qui concerne la fermeture des postes de police, et M. Ramseyer avait pris son bâton de pèlerin - si je puis m'exprimer ainsi - pour venir nous expliquer quels étaient les enjeux de cette nouvelle organisation.
Force est de constater qu'aujourd'hui le système doit être amélioré et qu'il faut poursuivre la réorganisation. En effet, on entend des témoignages de personnes qui, après avoir été agressées ou après avoir subi des vols pendant la nuit, ne savent pas où s'adresser. Quand elles téléphonent au poste de police, on leur répond que, malheureusement, il n'y a que deux agents au poste et qu'ils ne peuvent pas se déplacer, ou que la brigade d'intervention est surchargée... Il y a là parfois, effectivement, de quoi s'inquiéter.
Cette motion va certainement permettre de répondre à ces nombreuses questions.
Je tiens aussi à relever les propos de mon collègue Portier concernant ce qui se passe aujourd'hui avec les communes et les privés. De plus en plus, les privés ont recours à des services de protection privée et les communes augmentent les effectifs des agents de sécurité municipaux.
On se rend donc compte qu'il y a bien là un problème d'effectif aussi, que tous ces engagements engendrent des coûts et qu'il vaudrait la peine de se pencher sur ce problème pour savoir si la répartition financière est vraiment la meilleure et s'il ne faudrait pas allouer plus d'argent, plus de moyens à notre police cantonale.
Nous soutenons le renvoi de cette motion à la commission judiciaire qui, elle, va s'occuper en premier de l'organisation de ces tâches.
M. Jean-Marc Odier (R). Le parlement est conscient qu'il y a un problème à la police et un certain malaise au niveau de la sécurité, au niveau du fonctionnement qui n'est pas idéal.
Nous avons déjà vu un projet de loi déposé par l'Alliance de gauche et, maintenant, nous voici saisis d'une motion. Je crains que, si le constat de ce parlement est le même pour ce qui est des problèmes à résoudre, les moyens pour les résoudre, eux, ne sont pas identiques.
C'est pour cette raison qu'on ne peut pas renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat et qu'il est nécessaire que la commission judiciaire l'étudie, afin, notamment, que l'on puisse auditionner des gendarmes pour leur demander ce qui se passe et ce qu'ils ressentent.
Mme Gobet-Winiger a parlé d'un problème de recrutement. C'est un peu vrai, mais je crois savoir aussi que les gendarmes sont un peu amers par rapport à leur façon de travailler et par rapport au peu de rigueur de la justice. Il n'y a donc pas qu'un seul problème et il est certainement utile de renvoyer cette motion en commission pour étudier tout cela.
La proposition du groupe PDC est intéressante dans la mesure où l'on pourrait récupérer des gendarmes qui sont actuellement dans des postes susceptibles d'être fermés la nuit, pour recentraliser une structure qui fonctionnerait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui devrait agir en priorité pour les urgences et qui informerait et réorienterait les cas moins urgents vers d'autres postes ouverts le jour. Je le répète, c'est une proposition intéressante.
Cependant, je lis dans l'exposé des motifs : «Fonctionnant avec une équipe polyvalente, équipée pour pouvoir apporter une première prise en charge des personnes s'adressant à elle, on pourrait par exemple imaginer de prévoir la mise en place d'une salle particulière pour les victimes d'infraction...». Ce paragraphe répond probablement à une inquiétude, mais il me semble vague et c'est une raison supplémentaire pour qu'on essaye de clarifier les choses et d'obtenir un maximum d'informations.
C'est pourquoi le groupe radical soutiendra le renvoi de cette motion en commission.
M. Thierry Apothéloz (S). Cette motion a effectivement le mérite de lancer la réflexion par rapport à un des thèmes généraux qui nous tiennent à coeur. Inutile de vous le cacher: l'insécurité est un problème important que nous devrons traiter au cours de cette législature.
En effet - et M. Odier l'a relevé - le thème de l'insécurité, selon les différents bords auxquels nous pouvons appartenir, sera traité de manière différente, soit par un renforcement policier, soit - et je l'espère aussi - par un renforcement de la prévention et de l'action des travailleurs sociaux.
Enfin, je souhaiterais effectivement suggérer à mes collègues une troisième piste: le travail auprès et avec la population, à l'instar de ce qui peut exister dans certaines villes françaises et qui est en train de se développer sur le canton. Je veux parler ici du diagnostic local de sécurité, voire même du contrat local de sécurité.
L'exposé des motifs nous indique la volonté des motionnaires de créer une salle polyvalente pour recevoir les victimes d'infraction... Je souhaiterais d'ores et déjà dire à mes collègues que, effectivement, les victimes d'infraction, les adolescents qui ont subi des viols, des attouchements sexuels, méritent qu'on les entende, ce qui implique que nos policiers soient extrêmement bien formés pour cela. Ce type de formation représente un coût et cette motion nous permettra d'en parler.
C'est pour cette raison que le groupe socialiste appuiera son renvoi à la commission judiciaire.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC va soutenir la motion présentée.
Nous la trouvons un peu tiède, car il ne s'agit pas simplement d'un sentiment d'insécurité: l'augmentation de l'insécurité est effective. Je prendrai un seul exemple: le nombre de viols ces quatre dernières années a triplé (16 en 1997, 50 en 2000).
Cet état de fait n'est pas dû à des circonstances hasardeuses, mais à un manque de priorités qui ont été fixées au niveau financier.
On a parlé d'hémorragie des effectifs: c'est vrai. Beaucoup de policiers vont effectivement dans des polices communales ou dans la police fédérale pour différents motifs. Ce n'est pas l'objet aujourd'hui de discuter des raisons pour lesquelles les gendarmes quittent la gendarmerie. Mais il y a effectivement, d'une part, une surcharge de travail et, surtout, un manque de soutien politique et judiciaire, de nombreuses personnes étant remises à la rue, sitôt après avoir été interpellées...
Le groupe UDC va donc profiter de cette motion pour en discuter plus largement dans le cadre de la commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission judiciaire.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève cette séance et vous donne rendez-vous lundi à 16h40 à la cathédrale.
La séance est levée à 23h10.