République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 novembre 2001 à 17h
55e législature - 1re année - 1re session - 2e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Carlo Lamprecht, président du Conseil d'Etat, Micheline Calmy-Rey, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. A fait excuser son absence à cette séance: M. Claude Marcet, député.
Procès-verbal des précédentes séances
Le président. Le procès-verbal de la session des 4 et 5 octobre 2001 a été adressé à tous les chefs de groupe. N'ayant fait l'objet d'aucune remarque, il est adopté.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places le texte de la résolution 450. Elle sera traitée après le point 15, il s'agira donc du point 15 bis.
Le point 16 de la séance d'hier: renouvellement des commissions permanentes et ad hoc, sera traité au point 15 ter, mais à 20h30. Vous trouverez la liste des commissions sur vos places.
Le point 11: tirage au sort de la commission de grâce, sera également traité à 20h30.
La motion 1432 - qui figure au point 75 sous le DEEE - sera traitée au point 77 bis, sous le DJPT.
Il a été demandé de traiter en urgence les points 40, 52, 72, 77, 80 et 81 qui seront traités à 20h30, après le point 97 relatif à l'initiative 113.
En outre, le point 31 sera traité avec le point 33, et le point 36 sera traité avec le point 73.
Les objets suivants sont renvoyés en commission sans débat de préconsultation:
- le point 30, PL 8627, est renvoyé à la commission de l'économie ;
- les points 41, 43 et 78, PL 8567, 8633 et 8636, sont renvoyés à la commission judiciaire ;
- le point 42, PL 8569, est renvoyé à la commission des transports ;
- les points 53 et 55, PL 8562 et 8566, sont renvoyés à la commission de la santé ;
- le point 63, PL 8626, est renvoyé à la commission des travaux ;
- le point 68, PL 8629, est renvoyé à la commission des finances ;
- le point 79, PL 8637, est renvoyé à la commission des affaires sociales.
M. John Dupraz (R). Je constate que les interpellations urgentes ne figurent pas à l'ordre du jour et je trouve que cela n'est pas acceptable. C'est en effet l'occasion de débattre des sujets d'actualité et il est regrettable que ce point ait été biffé. Je demande donc qu'elles soient à nouveau inscrites à l'ordre du jour et qu'elles soient traitées aujourd'hui.
Une voix. Et les réponses?
M. John Dupraz. On les aura ce soir ou par écrit... C'est égal!
Le président. Monsieur Dupraz, faites-vous une proposition formelle?
M. John Dupraz. Absolument. Je propose d'inscrire à l'ordre du jour les interpellations urgentes, comme c'est le cas d'habitude.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau et les chefs de groupe ont estimé qu'il n'était pas judicieux d'inscrire à l'ordre du jour les interpellations urgentes. Je rappelle qu'elles se font traditionnellement le jeudi, avec réponse le vendredi. J'ai peine à croire, Monsieur Dupraz, qu'il soit utile de développer des interpellations aujourd'hui, à moins que le Conseil d'Etat ne vienne répondre demain matin... Cela étant, je mets aux voix la proposition de M. Dupraz.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Communications de la présidence
Le président. Des documents sont à votre disposition à la salle des Pas Perdus. Vous trouverez un bulletin d'information du centre des technologies de l'information et une brochure intitulée «Reflets magazine : nouveau concept d'arrêts TPG».
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale sur l'ordonnance d'exécution de la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement ( C 1413)
Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale concernant la révision partielle de la loi sur les Ecoles Polytechniques fédérales (EPF) ( C 1414)
Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale relative à la révision partielle de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR) et de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers (OETV) ( C 1415)
Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale sur les adaptations des ordonnances de l'OFSP sur les stupéfiants et les substances psychotropes ainsi que sur les précurseurs et autres produits chimiques utilisés pour la fabrication de stupéfiants et de substances psychotropes ( C 1416)
Réponse du Grand Conseil au Tribunal fédéral sur le recours de M. Michel ROSSETTI contre la décision du Grand Conseil de déclarer recevable l'initiative cantonale IN 118 « Pour un projet de stade raisonnable » ( C 1417)
Réponse du Grand Conseil au Tribunal administratif sur le recours de la commune de Chêne-Bougeries contre la loi 8361 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries ( C 1418)
Courrier de M. Olivier DARD au sujet des races de chien « Pit-Bulls » et « Rottweiler » et du vide législatif actuel à ce sujet ( C 1419)
Courrier de l'étude Berta, Scherrer et Nerfin qui estime litigieux un paragraphe de la réponse du Grand Conseil au recours déposé par la Masse en faillite de la succession répudiée de feu M. Jean ROCH, contre la loi 8188-A-2 sur la LDTR - loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (voir corresp. 1409 - GC 4-5 oct.) ( C 1420)
Mme Janine Berberat (L). Monsieur le président, je crois que vous avez reçu une pétition de la commune de Troinex. Je ne sais pas quand je dois en demander la lecture. Est-ce au moment de la correspondance ou au moment de l'annonce des pétitions? Quoi qu'il en soit, je demande que cette pétition soit lue.
Une voix. C'est l'Alliance de gauche qui faisait ça avant !
Mme Janine Berberat. Eh bien maintenant, c'est nous !
Le président. C'est très volontiers que nous accepterions votre demande, Madame, mais cette pétition ne nous est pas parvenue.
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer à la commission de contrôle de gestion les pétitions suivantes:
Pétition de M. Mauro Poggia concernant un dysfonctionnement au sein de la police judiciaire ( P-1368)
Pétition de l' Association des clients des banques : Soutenons la BCGe ( P-1372)
D'autre part, vous avez reçu la réponse à la question écrite suivante:
Question écrite de M. Yves Meylan: Verbois et sports motorisés: pourrissement de la situation. ( Q-3110)
Cette réponse figure au point 94, avec le rapport sur la pétition 684.
Il est pris acte de la réponse du Conseil d'Etat et cet objet est retiré de la liste des objets en suspens.
Le président. Je rappelle que l'Alliance de gauche doit nous présenter un candidat à cette élection. Aucune candidature n'étant parvenue à la présidence, cette élection est à nouveau reportée.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Eric Maugué, présenté par le parti socialiste.
Etant seul candidat, M. Eric Mauguéest élu tacitement.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Vincent Fournier, présenté par le parti libéral.
Etant seul candidat, M. Vincent Fournierest élu tacitement.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Sylvie Droin, présentée par le parti libéral.
Etant seule candidate, Mme Sylvie Droinest élue tacitement.
Les prestations de serment de ces magistrats auront lieu ce soir à 20h30.
Débat
M. Michel Halpérin (L). J'ai sous les yeux le texte de la proposition de résolution dont il est question. Celle-ci prévoit que le Grand Conseil, conformément aux articles 150 et suivants de la loi portant règlement du Grand Conseil, décide que la répartition des sièges en commission pour la 55e législature est calculée conformément à l'article 179 alinéa 4 de la même loi, à savoir: pour les commissions de 15 membres : partis libéral 3 membres, socialiste 3, Alliance de gauche 2, démocrate-chrétien 2, radical 2, les Verts 2, Union démocratique du centre 1. Suit une autre proposition de répartition pour les commissions de neuf membres.
Mesdames et Messieurs les députés, l'article 179 de notre règlement prévoit en effet, à son alinéa 4, que la répartition des sièges dans les commissions entre les groupes parlementaires s'effectue selon le même mode de calcul que celui qui est appliqué pour les élections au Grand Conseil. Vous vous souviendrez, par ailleurs, que deux événements se sont produits dans la période récente qui ont affiné cette approche. Au début de la dernière législature, il y a quatre ans, le calcul arithmétique donnait au groupe libéral - qui comptait 23 membres, comme aujourd'hui - 4 sièges dans les commissions de quinze membres et un seul siège au groupe des Verts. Le résultat de ce calcul n'était pas conforme à l'esprit général des élections, puisqu'il favorisait l'Entente au détriment de l'Alternative, alors même que celle-ci était sortie majoritaire des élections. C'est pourquoi le groupe libéral, sans qu'aucune norme ne l'y contraigne, avait spontanément offert son quatrième siège au groupe des Verts qui était passé d'un à deux membres. De la sorte, l'Alternative se retrouvait majoritaire dans les commissions comme en plénière. Cela était logique pour la conduite de nos travaux.
Il se trouve que la répartition qui nous est proposée ici par l'ancienne présidente du Grand Conseil répond à l'arithmétique, mais ne répond ni au souci d'une représentation dans les commissions conforme au résultat effectif des élections, ni à un amendement à notre règlement que nous avons apporté en 1998, précisément en raison des événements que je viens de narrer. Il existe en effet dans notre règlement, à l'article 179, un alinéa 5 qui permet de corriger le résultat du calcul lorsque celui-ci n'est pas conforme à ce que devrait être la situation; lorsque, en quelque sorte, la mathématique contredit l'esprit d'une élection.
Que faut-il constater aujourd'hui? Il faut constater d'abord que l'Entente, si j'y inclus le groupe de l'UDC, dispose de 57 sièges contre 43 à l'Alternative. Or, il y a huit ans, l'Entente avait 56 représentants en plénière et 9 dans les commissions de 15 membres. La proposition qui émane aujourd'hui du Bureau revient à ne donner que 8 sièges à la combinaison des trois partis de l'Entente et de l'UDC. Il y a donc quelque chose qui cloche, puisqu'avec un siège de plus en plénière nous avons un siège de moins en commission. C'est une impossibilité de principe qui se heurte au résultat du calcul mathématique.
Par ailleurs, si l'on se contente de prendre le rapport de forces entre les deux groupes que sont d'une part l'Alternative et d'autre part l'Entente, sans l'UDC, on constate que l'Entente dispose de 47 sièges et que l'Alternative en a 43. Il est donc mathématiquement et électoralement impossible que nous soyons à égalité dans des commissions, puisque nous ne sommes pas à égalité en plénière. Nous n'avons certes pas la majorité absolue, mais nous avons une majorité relative. Cela devrait se répéter aussi dans les commissions: il est essentiel que dans les commissions les choses se passent de cette manière-là.
Lorsque j'ai annoncé, il y a déjà quelques jours, à M. Hiler que j'allais faire cette proposition, et que je l'ai indiqué à nouveau à la séance du Bureau et des chefs de groupe de ce lundi, il a eu l'impression qu'il s'agissait d'une opération destinée à priver les Verts de quelque chose. Ce n'est évidemment pas le propos. (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Ecoutez, Monsieur Hiler, il ne me semble pas qu'il y a quatre ans vous nous ayez dit : «Gardez votre siège, nous ne voulons vous priver de rien !» Vous avez accepté ce que nous avons fait il y a quatre ans et j'essaye simplement de vous expliquer aujourd'hui, en prévision d'une éventuelle mauvaise interprétation, qu'il ne s'agit pas de vous priver d'un siège, vous, plutôt qu'un autre groupe. Il s'agit simplement de restaurer sa véritable portée au vote du Conseil général et le vote de nos électeurs, c'est que l'Entente a 47 sièges, que la droite en a 57 et que, par conséquent, nous devons être majoritaires en commission.
Cette répartition est nécessaire, car sans elle la volonté populaire est violée. Au surplus, cela ne nous empêchera pas de travailler comme par le passé: nous venons de nous mettre d'accord pour que les présidences des commissions tournent comme auparavant. Par conséquent, vous n'avez pas de crainte à avoir à titre personnel. Je n'ai d'ailleurs pas d'objection, et je crois que les gens de l'Entente non plus, à ce que, pour des raisons qui vous seraient propres, vous décidiez, à l'intérieur de l'Alternative, de procéder à une répartition différente des sièges.
Nous estimons cependant que le résultat des urnes doit se refléter dans nos travaux de commission, puisque ceux-ci débouchent sur des rapports et que ces rapports doivent être ensuite discutés dans les séances plénières. Il m'apparaît évidemment inacceptable que nos travaux en plénière soient précédés de travaux, dans les commissions, qui ne les prépareraient pas et qui nous obligeraient, ensuite, à défaire les résultats nécessairement approximatifs du travail des commissions.
Voilà pourquoi le groupe libéral souhaite que la proposition de résolution soit amendée en vue de donner au groupe libéral 4 membres et au groupe des Verts 1 membre dans les commissions à 15. En revanche, et bien que le même raisonnement s'applique aux commissions de neuf membres, en raison de l'extraordinaire difficulté qu'il y a à faire des répartitions fines, nous sommes d'accord de n'amender que la répartition des commissions à 15. C'est dire jusqu'où va notre bonne volonté et c'est vous montrer le visage bienveillant que nous affichons face à la minorité de ce parlement.
M. Antonio Hodgers (Ve). La volonté du Conseil général est claire : il n'y a pas dans ce parlement de majorité sans l'UDC. En indiquant cela, toute l'argumentation de M. Halpérin tombe. En effet, la démarche qui est derrière cet amendement vise simplement à donner à l'Entente une majorité absolue en commission. Cette démarche est inopportune car cette majorité absolue, l'Entente ne l'aura plus en plénière. Pour cette raison, nous ne pouvons pas vous suivre dans cette démarche.
Si nous ne pouvons pas vous suivre, c'est aussi que votre proposition est juridiquement mal fondée puisqu'elle est contraire à notre règlement. L'alinéa 4 de l'article 179, Mesdames et Messieurs les députés, explique que la répartition en commission doit se faire exactement de la même manière que la répartition au sein de cette enceinte. Cette règle mathématique, décrite dans notre loi sur les droits politiques, n'est pas évidente à comprendre. En effet, elle n'est pas proportionnelle. Par exemple, les socialistes ont obtenu 17,9% des voix et ils ont 19 sièges. Nous-mêmes, les Verts, avons obtenu 11,2%, pourtant nous n'avons que 11 sièges. Cette règle favorise les grands groupes. A ce titre, la réflexion que vous faites, Monsieur Halpérin, n'est pas pertinente, car elle n'entre pas dans la logique de cette règle qui est, je le répète, la loi. Nous aurions pu prétendre être plus proches de notre douzième siège que les socialistes de leur dix-neuvième. Nous ne l'avons pas fait, car nous lisons correctement les lois et nous les respectons.
En ce qui concerne la répartition qui s'est faite il y a quatre ans, je reprendrai mot à mot vos propos: vous avez indiqué qu'il serait inacceptable que les travaux en commission soient défaits en plénière en raison d'une majorité inverse en commission. C'est conformément à ce principe-là qu'unanimement les partis sont convenus, à l'époque, qu'une nouvelle répartition était nécessaire, sans quoi les débats en plénière s'en seraient trouvés infiniment compliqués. Je le répète, aujourd'hui nous ne sommes pas dans cette configuration et invoquer l'alinéa 5 de l'article 179 de notre règlement est parfaitement superflu.
Une dernière remarque, Monsieur Halpérin. Vous nous avez dit qu'avec un siège en plus en plénière vous aviez un siège de moins en commission, en comparant vos résultats de 1993 et ceux de 2001. Que devraient dire les Verts aujourd'hui : avec dix sièges nous avions deux députés en commission, avec onze sièges nous passerions à un seul? Paradoxalement, ce sont vos propos qui justifient notre position. Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'amendement de M. Halpérin et de voter telle quelle la résolution.
M. Christian Brunier (S). J'espère que l'on ne perdra pas trop de temps avec cette question, car finalement c'est de la politique politicienne et cela ne fera pas avancer les problèmes qui préoccupent la population genevoise. Honnêtement, qu'il y ait un libéral de plus ou de moins en commission, on verra peu la différence: je vous rappelle qu'avec trois représentants vous aviez de la peine à être présents, alors à quatre vous serez rarement au complet... (Brouhaha.)Par ailleurs, vous remettez en cause au dernier moment la répartition qui semblait convenir à tout le monde. Pendant quelques jours, les groupes semblaient unanimes, et puis nous avons eu un courrier du parti libéral, en dernière minute, à première vue sans grande consultation avec vos amis politiques.
Nous pensons pour notre part que la répartition proposée dans la résolution est conforme dans tous les cas de figure au vote populaire. Premier cas de figure, vous l'avez exposé tout à l'heure, Monsieur Halpérin: on considère que l'UDC fait partie de la grande famille de l'Entente. Dans ce cas, les commissions sont représentatives puisqu'il y a 8 commissaires de droite contre 7 commissaires de gauche. La proportion voulue par le peuple est donc respectée.
Deuxième scénario, c'est celui indiqué par M. Hodgers et qui prend en compte le fait qu'il n'y a pas d'apparentement entre l'Entente et l'UDC. Il faut donc composer à chaque fois une majorité avec ou sans l'UDC. Quoi qu'il en soit, dans ce second cas aussi, la répartition proposée correspond au vote populaire. Dans les deux cas, nous sommes donc conformes à la décision du peuple et c'est ce qui compte.
M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, s'il y a un mérite qu'il faut reconnaître à l'Alternative, c'est celui de la cohérence. Durant la dernière législature, l'Alternative s'est donné les moyens de mener systématiquement la politique qu'elle avait promis de mener avant d'être élue. Cette politique fut manifestement insuffisamment sage, les Genevois l'ont compris et ont corrigé leur vote de 1997 le 7 octobre dernier. Pourtant, personne ne peut dire aujourd'hui qu'il a été trompé par la gauche, contrairement à ce qui s'était passé lors de la législature 1993-1997, lorsque les partis de l'Entente avaient été portés au pouvoir pour faire une politique... ( Commentaires et rires. Le président agite la cloche.)Ma voix est légèrement éraillée, mais je n'ai pas l'intention de railler qui que ce soit, ni dans ce parlement, ni au Conseil d'Etat ! Les partis de l'Entente, disais-je, portés au pouvoir pour faire une politique réformatrice, humaniste et économiquement libérale, ont mis en oeuvre une politique, non pas centriste, mais centralisatrice, non pas sociale, mais socialiste... (Rires.)Mesdames et Messieurs, les partis de l'Entente ont tiré la leçon de ces avatars et, pour s'en prémunir, ils ont élaboré avant les élections une plate-forme de législature. Celle-ci constitue un engagement public, solennel, à l'égard des Genevois. Nous appliquerons donc - libéraux, démocrates-chrétiens et radicaux - cette plate-forme, à laquelle, j'en suis convaincu, nos collègues de l'UDC pourront se rallier largement.
Nous, députés de l'Entente, ne sommes donc pas ici pour chercher le consensus à tout prix, ni pour faire des politesses à l'Alternative et encore moins pour éviter de heurter la susceptibilité des députés d'en face. Toutefois, nous ne sommes pas là non plus, Monsieur Brunier, pour être arrogants, contrairement à vos accusations depuis deux jours, mais pour mener à bien la mission qui nous a été confiée. Pour ce faire, nous voulons disposer des leviers du pouvoir. Notre majorité est claire et elle doit par conséquent se refléter clairement dans les commissions. Ainsi, nous pourrons travailler de manière efficace, bien plus efficace que si la proposition du Bureau est retenue. Les radicaux soutiennent par conséquent la proposition libérale et recommandent à leurs partenaires de l'Entente et à l'UDC de faire de même.
M. Michel Halpérin (L). Je serai très bref parce que l'essentiel de la démonstration a été faite tout à l'heure. Je voudrais simplement rappeler un chiffre et faire une remarque sur la méthode rhétorique choisie par M. Brunier.
Le chiffre, c'est que la droite a 57 sièges au parlement et la gauche 43. Par conséquent la différence est, sauf erreur de ma part, de 14 ou 15%. Cette différence ne peut pas se traduire par une différence d'un siège en commission, c'est mathématiquement impossible et cela n'est pas conforme à la volonté du peuple.
Ensuite, Monsieur Brunier, que vous souhaitiez voir la majorité de ce Conseil interpréter la volonté du peuple autrement qu'elle s'est exprimée, cela n'est pas en soi inacceptable; que, pour y parvenir, vous tentiez - peut-être réussirez-vous - de diviser les rangs de l'Entente, cela entre dans l'ordre des choses; mais que vous vous sentiez obligé, aujourd'hui comme hier, de nous prêter des traits de caractère qui sont probablement le reflet des vôtres, cela je ne peux guère l'accepter. Après tout, c'est vous qui prétendez à l'égalité dans l'infériorité, ce qui est tout de même singulièrement arrogant. Alors, j'aimerais assez que vous changiez de méthode. Il serait plus intéressant d'aborder le fond des problèmes que de recourir à l'injure systématique, si tant est que l'arrogance soit - mais je crois que dans votre esprit elle l'est - un défaut du caractère.
M. John Dupraz (R). Pour ma part, j'assimile ce débat à une querelle byzantine et stérile. Il n'amène rien à nos travaux parlementaires. J'aimerais faire la constatation suivante: pour tous les grands projets que nous avons votés lors de la précédente législature, que ce soit le stade de La Praille, que ce soit la liaison La Praille-Eaux-Vives ou encore la Halle 6, il a fallu trouver des accords entre les différents partis représentés ici, et ces problèmes n'ont pas été résolus dans le cadre de l'affrontement droite-gauche. Si cette législature commence dans un affrontement droite-gauche, nous allons nous enliser dans des querelles infinies. La droite détient la majorité - et j'appartiens à la droite - elle peut donc imposer sa volonté, mais imposer sa volonté systématiquement sans faire de concession, c'est immédiatement diriger l'opposition vers le référendum et l'initiative et paralyser ainsi les travaux du parlement. C'est ce que nous avons fait lorsque nous étions minoritaires dans ce parlement et que les socialistes faisaient preuve d'arrogance, suivant l'extrême gauche plutôt que de rechercher un consensus dans le centre élargi.
J'ai l'impression ce soir que nos amis libéraux, comme la grenouille de La Fontaine, veulent se faire plus gros que le boeuf. Monsieur Halpérin, quand on joue ce jeu-là on finit par éclater... (L'orateur est interpellé.)Pour moi il n'y a pas de risque, je pèse 90 kilos ! Ce que je voudrais dire, c'est qu'on ne trouvera pas de solutions aux problèmes de notre société, que ce soit la circulation et les transports, la santé publique ou l'éducation, en tenant des positions politiques stériles et en s'affrontant. Ce n'est pas le système de fonctionnement de notre République. Notre système vise à la convergence.
Mesdames et Messieurs, ce matin j'entendais à la radio une chanson de Jacques Brel qui disait: «Pour une fois, pour une heure, j'aimerais être beau et con à la fois.» Eh bien, pour ma part, je préfère être beau et con et ne pas jouer ce jeu d'affrontement !
Le président. Pas de jugement de valeur, Monsieur le député !
M. Christian Grobet (AdG). M. Kunz vient de déclarer que, durant la dernière législature, nous nous étions donné les moyens de mener notre politique de majorité. J'aimerais surtout rappeler à M. Kunz que la majorité issue des précédentes élections a sensiblement modifié la façon de travailler au sein de ce Grand Conseil et surtout la façon dont les différentes composantes de ce parlement étaient représentées. Nous avons notamment proposé - et cela a été accepté - que tous les groupes présents au Grand Conseil soient représentés au Bureau, ce qui a permis à certains groupes qui étaient systématiquement évincés de siéger au sein du Bureau. Deuxièmement, nous avons été d'accord de partager les présidences et les vice-présidences de ce Grand Conseil entre l'Entente et l'Alternative: nous avons eu deux présidences et vous en avez eu deux, idem pour les vice-présidences. Je vous rappelle que jusqu'à la dernière législature et aussi loin que je me souvienne - et c'est vraiment loin puisque j'ai siégé dans ce parlement pour la première fois en 1969 - l'Entente a toujours pris... (L'orateur est interpellé.)Oui, c'est presque autant que vous, Monsieur Blanc ! Ces dernières décennies, disais-je, les partis de l'Entente ont toujours pris trois présidences sur quatre et ont exclu systématiquement le parti du Travail. Nous avons aussi accepté, Monsieur Kunz, que les présidences des commissions soient réparties de manière équitable. Je tiens d'ailleurs à remercier l'Entente d'avoir, tout à l'heure, lors de la séance des chefs de groupe, décidé de maintenir le système en vigueur lors de la dernière législature. Alors, Monsieur Kunz, je pense qu'au-delà de la passion que l'on vous connaît vous auriez pu avoir un minimum de bon sens et d'équité pour reconnaître que, lors de la dernière législature, les choses se sont déroulées correctement.
J'en arrive maintenant à la question dont nous débattons. La règle de base est énoncée par l'article 179, alinéa 4, qui fixe une répartition mathématique: on sait le résultat du calcul. Il est vrai qu'un alinéa 5 a été ajouté à cet article pour corriger une répartition qui ne correspondrait pas à la réalité politique. Il s'agit donc d'une exception à la règle générale qui doit, par la force des choses, être interprétée de façon restrictive. Ce que permet l'alinéa 5, c'est de donner la majorité en commission à ceux qui ont la majorité en plénière. Alors, de deux choses l'une, Monsieur Halpérin. Soit les partis de l'Entente forment avec l'UDC une majorité, ainsi que le souhaite M. Kunz, et le résultat du calcul correspond alors à la réalité, puisque cette majorité a 8 sièges sur 15 et que l'Alternative en a 7. Si vous estimez au contraire que l'UDC ne fait pas partie de votre majorité parlementaire - vos listes ne sont d'ailleurs pas apparentées - votre proposition est alors totalement inacceptable, car elle aurait pour conséquence que, sans avoir la majorité absolue en plénière, vous auriez la majorité absolue en commission. Cela n'est conforme ni à la règle de l'alinéa 4, ni à l'esprit de l'alinéa 5 de l'article 179. J'ai démontré ainsi, je crois, que cet alinéa 5 ne s'applique ni dans une hypothèse, ni dans l'autre, et j'espère qu'il ne faudra pas aller plaider jusqu'au Tribunal fédéral pour une question de simple bon sens.
Je vous dirai encore, Monsieur Halpérin, que vous vous faites des idées sur cette majorité que vous déclarez avoir constituée, alors qu'en définitive on ne sait pas comment les différents groupes politiques voteront lorsqu'il s'agira de se prononcer sur des projets. Nous sommes dans une situation absolument différente de celle de la législature précédente et nous devons donc appliquer la règle mathématique telle qu'elle figure à l'alinéa 4 de l'article 179.
M. Dominique Hausser (S). M. Halpérin essaye de comparer, pour déterminer la répartition des sièges en commission, le nombre de sièges de chacun des groupes en plénière. Visiblement, il n'a pas lu attentivement la loi sur les droits politiques qui base son calcul sur les suffrages obtenus. En 1997, effectuée sur cette base, la répartition a donné, de manière très nette, huit sièges à l'Alternative et sept à l'Entente. Ensuite, c'est au sein de l'Alternative que des discussions ont eu lieu, car le calcul attribuait un quatrième siège aux socialistes et il a été convenu entre les socialistes et les Verts que ces derniers bénéficieraient d'un second siège. Alors, Monsieur Halpérin, si aujourd'hui vous comparez le nombre de suffrages au lieu du nombre de sièges, vous vous rendrez compte que l'écart est beaucoup plus petit. Raison pour laquelle on arrive effectivement à une répartition de sept, sept, un, après la première répartition, et finalement à une répartition telle qu'elle est proposée dans la résolution.
M. Pierre Schifferli (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai toujours été fâché avec les mathématiques. Je constate que celles-ci ne font pas toujours très bon ménage avec la démocratie. En effet, l'UDC, avec 0,7% de voix de moins que les Verts, a 50% de sièges en moins en commission. Avec 0,9% de moins que les radicaux, la différence en sièges est la même. Enfin, nous avons 1,32% de voix de moins que les démocrates-chrétiens et nous avons un seul représentant dans les commissions, alors que les Verts, les radicaux et les démocrates-chrétiens en ont deux. En considérant ces chiffres, on pourrait parler de l'arrogance des mathématiques ou de leur susceptibilité. Ces concepts sont nouveaux pour nous, néophytes dans ce Grand Conseil. Peut-être faudrait-il changer le mathématicien de service ou alors le règlement, ou encore son alinéa 4 ou son alinéa 5...
Quoi qu'il en soit, nous parvenons malheureusement à la conclusion que le raisonnement qui nous semble le plus logique - et c'est avec un grand regret que nous le disons - est celui de M. Grobet. C'est pourquoi nous approuverons la résolution qui nous est proposée.
Le président. Je mets aux voix la proposition d'amendement à la résolution 450 dont je vous rappelle la teneur. Il s'agit de faire passer le nombre de sièges en commissions attribués au parti libéral de 3 à 4, et le nombre de ceux attribués aux Verts de 2 à 1.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mise aux voix, la Résolution 450 est adoptée.
Débat
M. Michel Halpérin (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas reprendre ce qui est dans ce rapport que, je suppose, quelques-uns d'entre vous ont eu la patience de lire. Comme ce rapport est le premier du genre et que cette commission a siégé pour la première fois entre octobre 2000 et septembre 2001, il me semble utile pour les nouveaux députés de rappeler ceci. Notre Grand Conseil a créé la commission des Droits de l'Homme en septembre 2000; il s'agit d'une commission permanente qui a pour premier objectif d'examiner en permanence le contenu et l'application de la législation genevoise en matière de droits humains, ainsi que le comportement de l'administration en la matière. Cette commission est également chargée de promouvoir les droits de l'homme et, finalement, elle peut aussi examiner les objets que le Grand Conseil lui envoie, lorsque ceux-ci touchent des problèmes extérieurs à Genève. La commission a pu baliser elle-même le cadre de ses travaux et elle a recueilli autant d'informations qu'il était possible dans un temps relativement bref, pour se créer son propre socle culturel, car la culture des droits de l'homme est à faire, même au sein de ce parlement et même au XXIe siècle.
La commission a ensuite essayé de déterminer, au vu des requêtes qui lui étaient adressées directement par des citoyens, quel type d'attention elle pouvait leur apporter. C'est dans ce contexte que la commission des Droits de l'Homme a accueilli une série de requêtes qu'elle a toutes examinées. Si la commission a examiné ces requêtes, ce n'est pas parce qu'elle a la compétence juridique d'y donner suite, pas non plus parce qu'elle est une rivale titrée de la commission des pétitions, mais simplement pour décider si les problèmes évoqués par les citoyens relèvent ou non de la question des droits de l'homme. Si la réponse à cette question est affirmative, alors la commission doit examiner le problème qui lui est soumis pour savoir si oui ou non la législation genevoise, si oui ou non l'application de cette législation par l'exécutif ou par l'administration, sont conformes aux droits de l'homme.
C'est ainsi que la commission a été saisie par un justiciable qui ne trouvait pas les moyens d'accéder comme il le souhaitait à la justice, notamment pour des raisons financières. La commission des Droits de l'Homme a estimé qu'en effet l'accès aux tribunaux était un problème relatif aux droits de l'homme, qui méritait par conséquent que l'on s'y penche. Elle a ensuite pu constater que le système de l'assistance juridique et des droits de greffe fonctionne, même s'il n'est pas complètement satisfaisant. Elle a donc invité, dans son rapport, le Conseil d'Etat et éventuellement le pouvoir judiciaire, s'il lit les travaux du Grand Conseil, à proposer eux-mêmes les modifications législatives qui permettraient de remédier à l'état de choses pas entièrement satisfaisant que la commission a décelé.
Sur d'autres sujets, notamment politiques, la commission a eu l'occasion d'examiner le fonctionnement des groupes parlementaires. Un député, membre de ce parlement dans la précédente législature, n'était pas satisfait d'avoir été exclu de son groupe et de son parti politique. Il s'est agi de déterminer si les droits de l'homme des électeurs avaient été violés et dans quelle mesure ils étaient susceptibles de l'avoir été. Ici, nous concluons que le règlement n'est pas complètement satisfaisant, parce qu'il ne tient pas suffisamment compte de la volonté des électeurs. Cependant, si le manque de manières et de sensibilité qui avait heurté, à juste titre, le député victime de cet ostracisme relevait de la conscience du groupe auquel il appartenait, il ne relevait pas des droits de l'homme.
D'une manière plus générale, nous avons eu l'occasion de nous pencher sur trois sujets à caractère international. Nous ne l'avons pas fait sans hésitation. Du premier sujet, nous reparlerons plus tard dans cette séance, ou lors d'une séance ultérieure. Il s'agit d'une résolution relative aux reproches susceptibles d'être adressés à l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger. La commission s'est saisie elle-même du deuxième sujet international. Nous nous sommes ainsi renseignés sur la situation actuelle des droits de l'homme en Tunisie, à l'occasion du passage à Genève d'une militante tunisienne, Mme Nasraoui. Enfin, la commission s'est également informée sur la situation des droits de l'homme en Chine sur la base d'une requête - qui n'était pas à proprement parler une pétition - émanant de l'association genevoise de Falun Gong. L'examen auquel nous avons procédé sur ces sujets internationaux est évidemment différent dans les trois cas. Dans le cas de la résolution Kissinger, nous la traiterons séparément puisqu'elle a fait l'objet d'un renvoi distinct par le Grand Conseil. En revanche, la commission s'est informée à demi sur la situation en Tunisie, mais, à sa suite et pour des raisons qui resteront obscures pour moi, ce parlement a décidé de voter une résolution à l'emporte-pièce sur le sujet. Cette façon de travailler n'est pas satisfaisante.
Enfin, en ce qui concerne la Chine, nous nous sommes adressés, après avoir écouté les propos des porte-parole de Falun Gong, à la mission de Chine. Nous avons eu la satisfaction de recevoir une réponse de la mission de Chine, déniant les allégations d'atteinte aux droits de l'homme émises par Falun Gong, mais ouvrant néanmoins le dialogue avec notre parlement sur des questions de cette importance, ce qui, je crois, n'est pas négligeable.
Mesdames et Messieurs, au brouhaha qui m'entoure, je mesure l'intérêt que ce parlement porte aux droits de l'homme... Cela confirme ce que je disais il y a un instant sur la nécessité pour ses membres d'accéder enfin à la culture des droits de l'homme, mais c'est un effort qui, visiblement, mérite d'être encore parachevé !
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). La toute jeune commission des Droits de l'Homme a siégé dix-sept fois depuis novembre - et pas depuis septembre, Monsieur Halpérin - et comme vous pouvez le constater à travers le rapport, elle a effectué un travail sérieux. Les débats ont été passionnés et passionnants. Les décisions concernant le fonctionnement de la commission ont reçu l'approbation de tous ses membres. Concernant la crainte de certains, suite au débat de septembre 2000, de voir cette commission devenir un cimetière de résolutions, j'ai été agréablement surprise, lors de la plénière de septembre 2001, par le fait qu'une résolution émanant de M. Halpérin ait pu être votée immédiatement sans passer par la commission.
La commission des Droits de l'Homme a donc vécu une première année riche en réflexions. Il reste encore beaucoup de questions à traiter et je formule tous mes voeux pour les prochains commissaires, afin qu'ils puissent travailler dans un état d'esprit positif, dans le but de faire avancer les droits de la personne.
M. Antonio Hodgers (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens avant tout à remercier le rapporteur, qui se montre beaucoup plus sage sur cet objet que sur le précédent et qui a produit un excellent rapport, qui vous montre non seulement l'étendue des sujets traités, tant sur le plan international que sur le plan local, mais aussi la diversité des tâches assignées à la commission des Droits de l'Homme. En définitive, cela nous invite à aller de l'avant: cette année a surtout servi à dégager le terrain, mais le travail n'est pas achevé malgré le bon rythme qu'a adopté la commission. A l'avenir, elle devra tâcher d'être plus efficace et je pense qu'elle saura l'être, notamment sous la présidence de l'actuel rapporteur. Je vous prie donc d'accepter de prendre acte de ce rapport.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Préconsultation
Le président. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant pas demandée, ce projet de loi est renvoyé à la commission de l'énergie... Monsieur Velasco, vous voulez la parole? Je vous la donne volontiers, mais c'est un peu tard...
M. Alberto Velasco (S). Le projet de loi qui nous est soumis a une certaine importance, puisqu'il vient à la suite d'une motion traitée par la commission de l'énergie. Cette motion avait été votée à l'unanimité et nous devrions recevoir d'ici peu un rapport sur la question. Comme vous le savez, le barrage de Chancy-Pougny est une installation hydro-électrique qui nécessite une réfection. Malheureusement, étant donné le prix du courant aujourd'hui, cette installation ne peut être modernisée pour des raisons financières. C'est la raison pour laquelle nous avions envoyé une motion au Conseil d'Etat pour demander à des entités publiques de souscrire des contrats, soit directement avec cette installation, soit avec les SIG, afin de permettre cette rénovation.
Si j'examine le projet de loi qui nous est soumis, l'article 1 est aujourd'hui pratiquement satisfait, puisque le Conseil d'Etat a déjà pris toute une série de mesures, notamment en partenariat avec la Confédération, pour voir quelles sont les possibilités de financement. Quant à l'article 2, il indique que la part des charges liées à la modernisation du barrage qui ne pourra être répercutée sur le coût de l'électricité sera prise en charge par l'Etat de Genève. Cet article 2 ne s'appliquerait que dans l'hypothèse où notre motion ne pourrait être satisfaite. Si une nouvelle installation ne pouvait pas voir le jour, cet article 2 deviendrait intéressant. Je dois cependant ajouter que cette installation appartient à la fois aux SIG et à des propriétaires français. Il me semble donc qu'il serait important que les SIG eux-mêmes arrivent à renouveler cette installation. La commission qui étudiera ce projet pourra se rendre compte que les SIG ont déjà provisionné une somme pour pouvoir assumer le coût de ces travaux. Le groupe socialiste vous invite donc à renvoyer ce projet de loi à la commission de l'énergie.
M. John Dupraz (R). Je constate tout d'abord que cette installation est propriété des Services industriels et c'est donc aux Services industriels qu'il appartient d'entreprendre les études et non pas au Conseil d'Etat. Ce que j'aimerais ajouter, c'est que la loi sur la libéralisation du marché de l'électricité prévoit, pour des cas de rénovation de ce type, des prêts à des taux préférentiels, pour permettre aux petites installations de passer le cap de cette libéralisation. Or, les mêmes qui sont opposés à cette loi, c'est-à-dire les socialistes, réclament que ce soit le canton qui finance le coût supplémentaire. Alors, il faudrait savoir ce que vous voulez ! On ne peut pas tout demander à l'Etat de Genève alors que la Confédération, à travers la loi sur le marché de l'électricité, peut intervenir. C'est pourquoi je pense qu'il est nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission, parce qu'en l'état il n'est pas acceptable.
M. Christian Grobet (AdG). Si nous avons déposé ce projet de loi sur la modernisation du barrage de Chancy-Pougny, tout en sachant que la commission de l'énergie était saisie d'une motion qui recueillait une très large majorité en faveur du renvoi au Conseil d'Etat, c'est qu'un certain nombre de problèmes ne peuvent pas trouver de solution avec une motion. Je souhaiterais rappeler que le barrage n'appartient pas aux SIG: il appartient à une société anonyme, dont le capital-actions appartient encore pour 40% à une grande société française, la Navigation du Rhône. Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que rien ne peut se faire sans un accord entre la Suisse et la France. On se trouve exactement dans la même situation que pour la liaison ferroviaire. La Praille-Eaux-Vives: nous avons voté une loi fixant un certain nombre de principes, pour marquer la volonté du Grand Conseil de réaliser cet ouvrage. Ensuite, c'est bel et bien le Conseil d'Etat, Monsieur Dupraz, qui devra intervenir auprès du Conseil fédéral pour que celui-ci, de son côté, entame les négociations avec la France en ce qui concerne la répartition des droits d'eau et tous les problèmes transfrontaliers que posera cette modernisation.
En ce qui concerne la prise en charge de la part non rentable de cette modernisation, elle est également essentielle, parce que le coût sera relativement élevé, trop élevé pour assurer un prix compétitif de l'énergie. Il nous paraît que la solution consisterait en la prise en charge par l'Etat de Genève de la part non rentable de cet investissement. Cela ne peut être décidé que par une loi et nous nous sommes inspirés, Monsieur Dupraz, de ce qui a été discuté à Berne. A ce sujet, la LME, je me permets de vous le dire, n'offre précisément pas les garanties souhaitables dans ce domaine. Quant aux intentions futures du Conseil fédéral, vous constaterez avec moi, Monsieur Dupraz, d'expérience, que Berne proclame souvent des intentions, mais qu'elle n'est pas si généreuse quand il s'agit d'ouvrir les cordons de la bourse. Quoi qu'il en soit, ces problèmes sont relativement complexes, c'est la raison pour laquelle nous pensons qu'ils doivent être examinés en commission. Nous pensons pourtant qu'il est nécessaire de déboucher sur une loi dans ce domaine, comme ce fut le cas en ce qui concerne la liaison ferroviaire La Praille-Eaux-Vives.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Nous aurons l'occasion de prolonger ce débat en commission, dès lors je serai bref. J'entends simplement vous dire ici que le Conseil d'Etat attache une grande importance à la rénovation de Chancy-Pougny. Il y attache une grande importance parce qu'il s'agit de mettre en oeuvre la politique voulue par le parlement lorsqu'il a approuvé, en début d'année 2000, la conception générale de l'énergie. C'est la raison pour laquelle je me suis personnellement investi dans ce dossier, alors que nous sommes actuellement dans un processus de renouvellement de la concession qui dépend de l'autorité fédérale et non pas de l'autorité cantonale, comme c'est habituellement le cas, précisément parce qu'il s'agit d'un ouvrage transfrontalier. J'ai été à deux reprises à Bienne, siège de l'Office fédéral des eaux et de la géologie, avec les collaborateurs et les collaboratrices en charge de ce dossier, avec aussi des représentants de la Société des forces motrices de Chancy-Pougny, pour essayer de faire avancer le plus rapidement possible cette procédure de renouvellement de la concession. J'espère vivement pouvoir vous annoncer, d'ici la fin du premier trimestre de l'année prochaine, qu'une nouvelle concession a été accordée. Dans le même temps, car nous avons obtenu de l'autorité fédérale que les deux choses se déroulent en même temps, nous devrions pouvoir obtenir une autorisation de construire permettant la rénovation, autorisation qui est également de la compétence fédérale. En tous les cas, je devrais pouvoir vous annoncer un calendrier au sujet de cette autorisation de construire.
En ce qui concerne le coût de cette modernisation, il faut savoir que la Société des forces motrices de Chancy-Pougny a déjà, depuis des années, anticipé cette rénovation et qu'elle a constitué des réserves importantes grâce aux ressources de la vente d'électricité, de sorte qu'il n'est pas du tout certain qu'un engagement financier des collectivités publiques soit nécessaire. En définitive, c'est plutôt une aide en ce qui concerne les rapports avec l'administration fédérale qui doit être apportée. De tout cela, Mesdames et Messieurs les députés, nous aurons l'occasion de parler en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.
Premier débat
Mme Micheline Spoerri, rapporteuse. (L). La loi sur la prestation de serment ne précise pas, actuellement, si le serment est prêté sur tel ou tel ouvrage de référence. Le but du présent projet de loi est de remplacer les Saintes Ecritures par la constitution, lors de la cérémonie qui se déroule au temple de Saint-Pierre pour la prestation de serment du Conseil d'Etat. Les discussions de la commission ont essentiellement porté sur les points suivants.
Tout d'abord, nous nous sommes demandé si la constitution, qui est en perpétuel remaniement, est une référence dont la pérennité est comparable à celle de la Bible. Ensuite, nous avons examiné la possibilité de laisser le choix à chaque personne appelée à prêter serment de se référer à l'ouvrage le plus proche de sa conviction personnelle, sans risquer, à un moment ou à un autre, de multiplier les ouvrages de référence, pour satisfaire la tendance pluriculturelle de notre société. Enfin, la dernière question qui a été évoquée était de savoir s'il était opportun de changer la loi actuelle, c'est-à-dire l'utilisation de la Bible, étant donné qu'il s'agit d'une tradition genevoise à laquelle nos concitoyens sont fortement attachés.
Les membres de la commission ont apporté des réponses diverses à ces trois questions. Il me paraît important, Monsieur le président, que chacun puisse s'exprimer ce soir, car il s'agit avant tout d'une conviction personnelle. Il n'en reste pas moins que je représente, en tant que rapporteur, la majorité de cette commission qui a préféré maintenir le statu quo,qui a l'avantage de n'apporter aucune contrainte. Cette majorité vous recommande donc de rejeter ce projet de loi.
M. Antonio Hodgers (Ve). Quelques mots sur le temps qu'il a fallu pour que ce rapport arrive en plénière, soit trois ans. Ce projet de loi avait été renvoyé en commission au tout début de la législature précédente. Il a été traité assez rapidement par la commission des droits politiques et la rapporteuse a mis trois ans pour rédiger son rapport... Je pense que, comme candidate au Conseil d'Etat, elle commence à prendre le rythme des réponses aux motions ! Sur ce plan-là, Madame Spoerri, vous êtes tout à fait dans la moyenne...
Venons-en maintenant au fond. Notre groupe estime, pour répondre à vos questions, Madame Spoerri, que la constitution ne peut pas, en effet, être comparée à la Bible. La véracité de la constitution ne peut pas être contestée, théoriquement du moins, par les membres de cette assemblée. La véracité de la Bible par contre peut l'être, puisque la constitution prévoit précisément la liberté de pensée et de religion. Vous avez donc raison de dire que ces deux textes ne sont pas comparables et ne sont pas hiérarchisables non plus. Leur importance dépend de celle que chacun veut bien leur accorder.
En ce qui concerne le serment, je suis d'accord avec vous, Madame Spoerri, pour dire que ce serment doit permettre à chacun de s'exprimer au plus près de ses convictions. C'est pourquoi la loi sur les prestations de serment prévoit une alternative, tant pour nous que pour les citoyens appelés sous les drapeaux ou pour les nouveaux citoyens suisses, entre la formule «je le jure» ou «je le promets». Comme vous avez pu le constater hier soir, les députés, indifféremment de leur parti politique, utilisent l'une ou l'autre formule. Si ce projet est accepté, le respect des choix religieux de chacun est respecté précisément par la possibilité d'employer ces deux formules.
Pour conclure, je dirai que, s'il est important de préciser dans la loi que le Conseil d'Etat prête serment sur la constitution, c'est surtout parce que le pouvoir du Conseil d'Etat provient de la constitution et non pas des Saintes Ecritures... A ce titre, nos démocraties et la démocratie genevoise en particulier sont, depuis maintenant plusieurs dizaines d'années, attachées à la séparation des pouvoirs temporel et spirituel. Dans ce cadre-là, cette cérémonie qui a lieu tous les quatre ans à la cathédrale est un reste symbolique d'un ancien temps que nous voulons ici modifier. J'ajoute encore que, conformément aux dispositions des statuts de notre parti, les membres de celui-ci ont une totale liberté de vote sur tous les sujets et notamment celui-ci. C'est pourquoi l'une de nos députées s'abstiendra.
M. René Koechlin (L). Nous nous demandons si ce projet de loi ne propose pas un faux débat. En définitive, lorsque le Conseil d'Etat prête serment, il prend un engagement formel et c'est cet engagement qui compte. Cet engagement, le Conseil d'Etat le prend vis-à-vis du peuple de notre canton et de ses citoyens. Alors, le texte sur lequel le serment est prêté revêt à notre avis un caractère tout à fait accessoire. D'ailleurs, nous-mêmes, en tant que députés, prêtons serment et nous n'avons pas besoin d'un texte sur lequel nous engager. En effet, l'engagement que nous prenons en tant que députés, nous le prenons par rapport à ceux qui nous ont élus, par rapport au peuple entier, et cela seul compte.
Je pense qu'il en va de même pour le Conseil d'Etat. On a posé la Bible comme référence pour cette prise d'engagement. Je considère la Bible comme une référence éthique en l'occurrence. Je pense qu'il n'est pas mal que le Conseil d'Etat s'engage relativement à une référence de caractère éthique, moral. A cet égard, je ne pense pas que la constitution remplisse cette même fonction. Elle revêt un caractère, excusez-moi du terme, beaucoup plus trivial. La référence éthique me paraît finalement assez satisfaisante pour qu'on la maintienne, même si, par association, elle est assimilée à une confession. Je vous rappellerai néanmoins que, récemment, deux commissions ont été constituées, l'une par l'UNESCO, l'autre, spontanément, par un certain nombre de chefs d'Etat européens, afin d'examiner la charte des obligations universelles, qui devrait faire pendant à celle des droits de l'homme. Ces deux commissions ont reconnu que les principales confessions pratiquées sur notre planète avaient une éthique semblable, pour ne pas dire identique. Je pense que, dès lors, il suffit d'avoir une de ces références éthiques pour que le Conseil d'Etat s'engage sans équivoque sur une base de cette nature. C'est la raison pour laquelle le groupe libéral vous propose de rejeter ce projet.
Le président. Monsieur Gabriel Barrillier, vous avez la parole...
M. Gabriel Barrillier. C'est une erreur, Monsieur le président !
Le président. Vous renoncez. La parole est donc à M. le député Vanek.
M. Pierre Vanek (AdG). J'aimerais intervenir brièvement sur cette question. J'étais d'accord, Monsieur Koechlin, avec la première partie de votre intervention. L'essentiel du serment réside dans l'engagement qui est pris à cette occasion face au peuple et à la fraction de celui-ci qui nous a élus. C'est aussi un engagement face à l'ensemble des habitant-e-s de ce canton et face à un certain nombre de normes supérieures, on pourrait évoquer à ce sujet la Déclaration universelle des droits de l'homme, par exemple. Ces normes sont, même si nous en avons parfois une interprétation différente, un fondement qui devrait guider notre activité politique.
Je ne peux, par contre, souscrire à la seconde partie de votre intervention. Vous avez indiqué que la constitution apparaissait dans ce contexte comme un peu triviale, sous-entendant qu'il était utile que des éléments éthiques essentiels soient représentés par la Bible, qui les contient comme le ferait selon vous n'importe quel autre livre de n'importe quelle autre religion. Ceci ne me satisfait pas, pour différentes raisons. La première, c'est que la constitution que nous avons juré ou promis hier soir de respecter n'est pas un document trivial: ces propos, dans cette enceinte, sont particulièrement malheureux. La deuxième raison, c'est que précisément, quel que soit notre accord ou notre désaccord avec ce qu'elle contient, elle a été mise en place selon les formes démocratiques qui sont celles de notre République. Troisièmement, prétendre que la Bible devrait être présente lors de la prestation de serment du Conseil d'Etat parce qu'elle sert de référence éthique me paraît introduire une distinction entre le serment du Conseil d'Etat et celui que nous avons prêté ici même hier soir. Pourtant, les deux engagements sont du même ordre. Les députés comme les conseillers d'Etat ont une tâche à accomplir et ils prennent l'engagement solennel de l'accomplir selon certaines règles. Alors, réfléchissez-y, Monsieur Koechlin: si hier soir on avait voulu introduire une Bible dans cette salle, pour «solenniser» en quelque sorte notre serment de députés, cela aurait suscité des hauts cris, parce qu'effectivement on aurait introduit un élément religieux dans ce qui est une cérémonie essentiellement laïque. Vous me direz que la prestation de serment des conseillers d'Etat a lieu à la cathédrale Saint-Pierre, mais je rappelle qu'il s'agit d'une séance du Grand Conseil devant lequel le Conseil d'Etat prête serment. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas alors à l'église: nous sommes dans un bâtiment public qui est prêté ou donné à l'Eglise protestante, mais que la République se garde le droit d'utiliser pour un certain nombre de cérémonies officielles.
Si je me place du point de vue des croyant-e-s - je ne le suis pas, mais je l'ai été - je ne souhaiterais pas que la Bible soit employée comme une sorte d'accessoire disons de folklore, de théâtre, dans une cérémonie qui n'a rien de religieux et qui doit être laïque. Ainsi, c'est aussi par respect pour cette Bible et surtout pour les femmes et les hommes qui y croient que j'affirme qu'elle n'a pas sa place dans cette cérémonie.
Mais effectivement, peut-être que ce qui est proposé - la prestation de serment sur la constitution - est un peu lourd et qu'on pourrait aussi bien prévoir une cérémonie sobre et sans accessoire à l'image de celle qui a lieu pour les député-e-s.
M. Claude Blanc (PDC). Lorsque je lis le texte qui est sorti des travaux de la commission, qui dit que le serment ne peut être prêté sur la profession de foi d'une religion...
M. Pierre Vanek. C'est le projet de loi initial qui dit cela, ce n'est pas celui de la commission ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
M. Claude Blanc. Ecoutez, moi je lis à la page 5 que... (Commentaires.)
Le président. La rapporteuse vous répond dans deux minutes, Monsieur Blanc...
Une voix. C'est à la fin de la page 3 !
M. Claude Blanc. C'est vrai, vous avez raison. Bref, je reviens tout de même sur ce texte, car si vous avez renoncé à l'écrire, vous l'avez beaucoup pensé. Prétendre que la Bible est la profession de foi d'une seule religion, c'est un peu réducteur. Je vous rappelle que la Bible est le fondement des trois grandes religions monothéistes, puisque c'est le fondement du judaïsme, duquel est issu le christianisme, et que les musulmans s'y réfèrent, en fait surtout à la première partie, la Torah. Les musulmans se disent fils d'Abraham et de Moïse, comme nous et comme les juifs. Par conséquent, on peut dire que la Bible est la référence de la très grande majorité de la population du monde.
Ensuite, la Bible est - même si l'on ne pratique pas ou si l'on n'est pas d'une des religions qui se réclament de la Bible - une référence éthique, comme le disait M. Koechlin. Elle est commune à presque toutes les civilisations et surtout à la civilisation occidentale à laquelle nous appartenons et qui est fondée sur une longue tradition judéo-chrétienne, essentiellement chrétienne d'ailleurs, puisque notre civilisation occidentale dépend du christianisme par le biais de la christianisation de l'empire romain. En réalité, on le voit: on ne peut pas affirmer que la Bible n'est que la référence d'une seule religion.
Qu'est-ce qui se trouve dans cette Bible? Beaucoup de choses et vous ne vous êtes peut-être pas donné la peine de la lire. On y trouve, notamment, ce que je considère comme le fondement de toute notre législation, à savoir le Décalogue: «Tu ne voleras pas, tu ne tueras pas...» Le code pénal dérive essentiellement de cet antique commandement qui a donné au peuple juif de l'époque et à tous ceux qui sont venus après lui les règles principales qui permettent la vie en société. Alors, on a peut-être abandonné la Bible en tant que référence religieuse, mais on ne peut pas nier que la grande majorité de nos lois ont une référence biblique implicite, parce qu'elles se réfèrent à un certain nombre de commandements et, notamment, à cette base solide qu'est le Décalogue.
Maintenant, si vous voulez à tout prix supprimer ces accessoires, comme dit M. Vanek... (L'orateur est interpellé.)Je me souviens, Monsieur Vanek, que lors du débat d'entrée en matière il y a quatre ans vous aviez un langage un peu plus musclé...
M. Pierre Vanek. Exactement le même !
Le président. Messieurs, ne vous interpellez pas, s'il vous plaît !
M. Claude Blanc. C'est donc à vous que je dirai, Monsieur le président, que M. Vanek avait un langage beaucoup plus dur. Il disait explicitement qu'il convenait d'éliminer cet accessoire lors des cérémonies officielles. Cela m'avait déjà choqué en son temps. Alors, si l'on veut s'attaquer à la Bible, on peut aussi s'attaquer à d'autres symboles et notamment au fait que le Conseil d'Etat prête serment à Saint-Pierre. Pourquoi ne prêterait-il pas serment là où il est assis aujourd'hui, devant nous? Pourquoi, Mesdames et Messieurs? Cette salle est particulièrement adaptée à une telle cérémonie. Il n'y a pas de raison d'aller prêter serment à Saint-Pierre. Tant qu'on y est, on peut s'attaquer aussi... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)...aux armoiries de la République qui portent, en dessus du blason, le sigle du Christ. Et dans le blason même se trouve la clé de Saint-Pierre. On s'attaquera ensuite au drapeau suisse et à sa croix ou au préambule de notre constitution. On peut s'attaquer à tout ! Cette proposition, c'est le début du commencement de ce que vous cherchez ! Je pense que notre civilisation a suffisamment prouvé que ses références sont solides pour que nous continuions à garder ces références fondamentales, celles qui sont bien antérieures à toutes les constitutions que nous avons pu nous donner et que nous nous donnerons peut-être encore. S'il y a un signe de pérennité, c'est le rappel de ces valeurs-là et il doit être maintenu. ( Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (AdG). Une petite réaction à ce qu'a dit Claude Blanc. D'abord, lorsque nous sommes entrés en matière et au cours des débats en commission, je n'ai jamais tenu - je m'en suis bien gardé et cela n'est pas dans mon esprit - des propos offensants pour telle ou telle religion et je n'ai jamais dit que la Bible était un accessoire...
M. Claude Blanc. Si, tu l'as dit !
M. Pierre Vanek. Monsieur Blanc, écoutez-moi religieusement, s'il vous plaît ! (Rires.)J'ai dit précisément que j'avais suffisamment de respect pour la Bible et ceux qui y croient pour souhaiter justement qu'elle ne soit pas utilisée comme accessoire dans une cérémonie qui est, et cela vous ne pouvez pas le contester, une cérémonie laïque et républicaine. Ne déformez pas mes propos, il y a une constance dans ce que je pense et ce que je dis sur cette question depuis trois ans.
Ensuite, Monsieur Blanc, l'humilité, je crois, est une vertu chrétienne que vous devriez peut-être pratiquer un peu plus. Vous avez dit, à l'instant, que la Bible était la référence des trois grandes religions monothéistes. Je crois connaître une grande religion monothéiste qui a rapport avec un autre livre. Je pense à l'islam et au Coran. Pourtant, vous vous l'annexez en disant que cela rejoint la Bible et qu'en conséquence une majorité de la population du monde se réfère, d'une manière ou d'une autre, à ce livre. Vous devriez étudier de plus près les statistiques sur les religions monothéistes, sans parler des autres religions dont vous ne tenez aucun compte. Ainsi, vous constateriez qu'il y a nombre de gens qui croient en une religion qui n'a pas la Bible pour référence. Ces gens-là, vous les avez balayés dans votre intervention, ainsi que ceux qui ont une conception matérialiste ou rationaliste du monde. Vous les avez balayés avec bien moins de respect que je n'en ai moi-même, Monsieur Blanc, pour ceux qui pratiquent telle ou telle religion.
Vous avez aussi affirmé, à l'appui du maintien de la Bible dans la cérémonie de prestation de serment, que le Décalogue était le fondement de toutes nos lois. Je vous rappelle, Monsieur Blanc, que nous avons prêté serment hier en indiquant que l'autorité dont nous disposions dérivait de la suprême autorité du peuple. Je pense que le fondement de nos lois se trouve donc dans les intentions des citoyennes et des citoyens, et non pas dans un texte religieux, quel qu'il soit et aussi respectable qu'il puisse être. Ce que je recommanderai, s'il faut parler du Décalogue, c'est que dans cette salle on s'inspire plus largement de principes tels que «tu ne tueras point». Non pas que je soupçonne quelqu'un ici de tuer régulièrement, mais lorsque j'ai proposé, lors de notre avant-dernière séance, une résolution concernant la guerre qui se déroule aujourd'hui en Afghanistan, je n'ai pas été soutenu par ceux qui se réclament ce soir du Décalogue et du christianisme. Pourtant, cette guerre, ces bombardements touchent des bâtiments de la Croix-Rouge, frappés de l'emblème dont vous avez mentionné tout à l'heure la présence sur le drapeau suisse. Pourtant, cette guerre est menée au nom du christianisme, par une puissance qui le déshonore ! Cette résolution, malgré le fait qu'elle venait d'un athée, était assez proche de certaines conceptions de l'Evangile. Néanmoins, vous ne l'avez pas soutenue. Cela démontre en définitive qu'il vaudrait peut-être mieux laisser le Décalogue face à la conscience de chacun, plutôt que d'en faire un livre que l'on pose quand le Conseil d'Etat prête serment et que l'on oublie ensuite. Cette idée de la conscience de chacun face à la Bible est certes peut-être un peu plus protestante que catholique, mais en l'occurrence je m'y rallie.
M. Robert Iselin (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je suis bien jeune, en ce qui concerne ma participation à cette honorable assemblée, pour intervenir déjà. Je ne ferai qu'une seule remarque. Il me semble que l'on se trouve devant une attaque peu réfléchie contre les mythes fondateurs de notre pays. En juin de cette année - peut-être en mai - Vaclàv Havel est venu à Berne et a rencontré le président Leuenberger. Il lui a demandé de pouvoir visiter le Grütli. Leuenberger - qui ne partage pas mes opinions mais que je respecte, parce que c'est un homme assez original - a répondu que le Grütli ne l'intéressait pas particulièrement et que la Suisse moderne se trouvait ailleurs. Havel a insisté et ils sont allés au Grütli. Je n'ai malheureusement pas ici le texte qui résume leur entretien sur place, mais une chose m'est restée en mémoire: Leuenberger a remercié Havel de lui avoir redonné une interprétation du Grütli à laquelle il puisse adhérer.
Je pense qu'on est en train de prendre un virage très dangereux en voulant absolument supprimer tous les mythes: très bien, allons tenir les séances du Grand Conseil à Genève-Plage en bikini ! Ce sera à coup sûr plus rigolo, mais ce sera aussi un peu moins digne qu'une cérémonie dans la cathédrale qui a marqué la vie de cette cité depuis plus de mille ans - et c'est quelqu'un qui n'est pas Genevois qui vous parle.
Le président. Merci, Monsieur Iselin. Puis-je vous conseiller de parler bien en face de votre micro? C'est valable pour tout le monde. Sans cela on vous entend très mal...
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.
Premier débat
Le président. Monsieur le rapporteur de majorité ad interim, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Thomas Büchi (R), rapporteur de majorité ad interim. Non, je n'ai rien à ajouter à l'excellent rapport rédigé par mon collègue Bernard Lescaze.
Le président. Monsieur Hiler, vous remplacez Mme Bugnon: avez-vous quelque chose à ajouter?
M. David Hiler (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Le projet qui nous est proposé est une manière de parler d'une révision de la constitution sans la faire. Rien ne s'oppose dans la loi, aujourd'hui, à ce que nous engagions un processus de révision de la constitution, si une majorité d'entre nous estimait que c'est une urgence. Rien n'empêche le peuple, par ailleurs, par voie d'initiative, de demander aujourd'hui une révision de la constitution. Qu'ajoute donc ce projet de loi en dehors du plaisir d'une votation populaire? Car évidemment il en faudra une lorsque nous aurons adopté ce projet de loi, si nous le faisons. Ce projet ajoute la possibilité d'une assemblée constituante différente du Grand Conseil. Fort bien. Qu'est-ce qui nous empêcherait, en lançant une procédure de révision de la constitution, d'inscrire dans la constitution l'existence d'une assemblée constituante ou, comme le propose le professeur Auer, de former une commission ad hoc, nommée par le Grand Conseil? Rien ! Rien ne nous empêche de procéder de la sorte. Alors de deux choses l'une: soit il y a dans ce parlement un certain nombre de forces qui estiment qu'à l'instar d'autres cantons il y a urgence aujourd'hui à réviser la constitution et ces gens doivent déposer un projet dans ce sens; soit personne ne ressent cette nécessité et il est totalement inutile de déranger le peuple en votation pour ce projet de loi, puisqu'il ne nous mène nulle part.
Pour notre part, nous n'estimons pas, aujourd'hui, que réviser la constitution soit une première priorité. Nous admettons que son langage est vieillot, certes. Nous admettons également qu'ici ou là des choses intéressantes pourraient y être ajoutées. Mais enfin, notre constitution, contrairement à celles d'autres cantons, évolue régulièrement. Alors, Mesdames et Messieurs, dans la situation où nous nous trouvons actuellement, envisager de dépenser autant d'énergie que les Vaudois aujourd'hui pour faire une révision qui en définitive ne sera - qu'on le veuille ou non - qu'une remise en forme de ce que notre constitution est actuellement, cela ne plaît guère ni à notre groupe, ni à certains autres membres de la commission. Nous n'estimons pas que cette révision constitue une priorité et déranger le souverain pour lui poser la question de savoir si nous pourrions, éventuellement, modifier la constitution, à l'occasion, n'est pas une priorité non plus. Ce projet de loi est donc inutile et j'invite ce Grand Conseil à le rejeter, en particulier ceux qui aiment à parler d'inflation législative...
M. Jean-Michel Gros (L). Le groupe libéral a pris connaissance avec intérêt du rapport de la commission législative en vue d'une éventuelle révision totale de la constitution. Avec intérêt certes, mais aussi avec une certaine inquiétude, car la voie choisie par la commission nous semble d'une terrible lourdeur, M. Hiler l'a souligné. Le professeur Auer n'a-t-il pas indiqué d'ailleurs que le projet du groupe radical ne nécessiterait pas moins de quatre consultations populaires? Les libéraux estiment que l'on devrait davantage plancher sur une solution plus simple et économe en scrutins. Nous ne sommes pas opposés au principe d'une révision totale, mais nous estimons que, le cas échéant, les députés - et non pas une constituante - auraient plaisir à examiner nos principes fondamentaux plutôt que de débattre des souffleuses à feuilles ou de la mise en accusation de personnalités étrangères ! C'est pourquoi, pas plus qu'aux arguments du projet radical, nous ne pouvons adhérer aux arguments de la rapporteuse Mme Bugnon. Ceux-ci sont empreints d'un conservatisme effrayant et même d'un certain opportunisme. Soyons francs: pour obtenir un consensus populaire, il ne pourra s'agir que d'une mise à jour ou d'un toilettage. Toute tentative d'introduire dans notre constitution des idées qui ont été rejetées à maintes reprises par le peuple se heurterait inévitablement à un refus. Pour avoir participé à la révision de la Constitution fédérale, je peux témoigner de la prudence dont a fait preuve l'Assemblée fédérale.
M. John Dupraz. Elle n'avait pas le choix !
M. Jean-Michel Gros. Placer en catimini, au sein d'une centaine d'articles, le droit de vote et d'éligibilité des étrangers, la suppression de la commune de Genève ou une demi-douzaine de nouveaux droits sociaux conduirait inévitablement à l'échec. Nous pensons cependant que rendre notre constitution plus lisible par un citoyen du troisième millénaire constitue déjà un objectif louable. C'est pourquoi les libéraux ne s'opposeront pas au projet qui nous est présenté, mais vous demandent de le renvoyer à la commission législative. Charge à celle-ci d'étudier attentivement les possibilités plus simples qui s'offrent à nous. On sait qu'un simple projet de loi serait susceptible d'engager une procédure de révision totale. Nous demandons donc à la commission d'étudier plus à fond cette option et, le cas échéant, de nous soumettre un projet plus précis qui fixerait le mandat et les limites d'une telle révision. Cela nous paraît plus conforme au devoir des députés que nous sommes. Nous devons avoir le courage de nous saisir nous-mêmes, si nous estimons qu'une révision est nécessaire.
Le renvoi en commission présente un autre avantage: il permettra de clarifier le texte du projet. En effet, celui-ci est complètement flou. Un exemple se trouve à l'alinéa 2 de l'article 180, qui indique que la constituante serait composée de cent personnes de plus de 16 ans, élues par le peuple. Qui sont ces personnes? Des citoyens jouissant des droits politiques, ou d'autres personnes seront-elles admises? L'abaissement de l'âge d'éligibilité à 16 ans nous autorise à douter de la volonté réelle de la commission. Outre qu'il s'agit déjà d'une modification importante par rapport à la situation actuelle - une sorte de révision anticipée - je rappellerai seulement que la proposition d'abaisser l'âge de la majorité civique a été récemment refusée par ce Grand Conseil. Nous proposons donc de renvoyer ce projet à la commission législative et, si cette proposition ne devait pas être agréée, nous proposerons, en deuxième débat, un amendement à l'alinéa 2 précisant que la constituante est composée de cent citoyens jouissant des droits politiques.
Le président. Mesdames et Messieurs, une proposition de renvoi en commission vient d'être faite. MM. Ferrazino et Brunier s'étaient déjà inscrits. Ils peuvent encore parler sur le fond, mais les prochains orateurs devront s'exprimer sur le renvoi.
M. Christian Ferrazino (AdG). L'argumentaire développé par M. Gros est un peu paradoxal. Vous nous avez rappelé ce qui fait que la proposition radicale est incongrue. Pourtant, nonobstant les problèmes pratiques posés par le «lourd machin» mis en place par le projet radical - sans rien dire des implications financières - vous nous proposez de renvoyer ce projet en commission législative pour affiner les possibilités de revoir la constitution et surtout pour établir dans quelles limites s'effectuera ce travail.
Contrairement à ce que pensent certains ici, notre constitution n'est pas du tout vieillotte ou poussiéreuse puisque nous avons, grâce à l'exercice régulier des droits politiques, la possibilité de l'actualiser. Nous avons aussi un certain nombre de dispositions constitutionnelles dont nous sommes particulièrement fiers. Je pense par exemple au droit au logement, inscrit dans notre constitution suite précisément à une initiative du Rassemblement pour une politique sociale du logement. Il y a aussi l'article 160C sur l'énergie que M. Vanek me rappelle et dont nous sommes particulièrement fiers. Alors, M. Gros s'inquiète qu'une révision globale puisse insérer de nouvelles dispositions constitutionnelles dont il y aurait lieu de se méfier: vous comprendrez que nous pourrions, de notre côté, avoir une autre inquiétude, à savoir que cette révision globale retire un certain nombre de dispositions constitutionnelles qui ont été adoptées par le peuple.
L'expérience politique qui est la nôtre nous a amenés à nous méfier des paquets ficelés et il semble d'ailleurs que nous ne soyons pas les seuls puisque la population nous a suivis sur ce terrain. Nous pensons en l'occurrence que ce projet de loi ne mérite pas un nouveau réexamen en commission législative, car une réflexion assez poussée a déjà eu lieu durant la précédente législature. Aujourd'hui, la question qui se pose à nous est de savoir si l'on souhaite effectivement aller dans la direction que certains cantons ont voulu prendre, peut-être à juste titre parce que, contrairement à Genève, l'exercice des droits populaires n'y est pas aussi étendu. La formation politique à laquelle j'appartiens illustre bien l'étendue de ces droits politiques, puisqu'elle a lancé une initiative constitutionnelle concernant l'assurance-maladie. On voit que, par ce biais-là, il est possible de modifier ou d'actualiser la constitution sur des questions très sensibles. Ce qui nous est proposé, sous couvert de modernité et pour pouvoir s'identifier à nos voisins qui procèdent ainsi, c'est la remise en cause d'un certain nombre de dispositions constitutionnelles, par un procédé qui n'est nullement défini. Et vous m'accorderez, Monsieur Gros, que, quelle que soit la manière employée, une révision totale entraînera la mise en place d'une structure très lourde, qui fera double emploi avec les institutions politiques déjà existantes. C'est pourquoi notre groupe s'opposera au renvoi en commission.
M. Christian Brunier (S). J'ai assisté aux travaux en commission et ce qui m'avait frappé alors, c'est que la discussion portait sur la révision totale de la constitution ou, au contraire, sur l'absence de révision, alors que ce n'était absolument pas l'objectif de ce projet de loi. Ce qui m'a frappé aussi, c'est que tant les libéraux que certains membres de l'Alternative idéalisaient beaucoup cette constitution et semblaient avoir peur du débat populaire. Pourquoi avoir peur du débat populaire? Certes, en révisant totalement la constitution nous pouvons tous perdre un certain nombre d'acquis - à gauche, c'est le droit au logement, c'est certainement l'énergie - mais nous avons aussi beaucoup de choses à gagner ! Je pense qu'il n'est pas pertinent d'idéaliser la constitution, comme M. Ferrazino l'a fait tout à l'heure. Pour ma part, je trouve que certains chapitres de la constitution sont bien faibles. Je pense aux droits populaires, ou à l'égalité des sexes sur laquelle la constitution ne dit rien ou presque. C'est pourquoi il me semble qu'un grand débat de société sur la constitution ne serait pas inutile aujourd'hui. Cependant, je le répète, ce n'est pas l'objectif du projet de loi qui a été présenté par les radicaux. Celui-ci est en effet minimaliste, comme M. Hiler l'a dit. Il donne un peu plus de droits démocratiques et j'aimerais comprendre comment on peut s'opposer à un peu plus de droits démocratiques. En tous les cas, le groupe socialiste soutient ce projet de loi, même si nous pensons qu'il n'est pas révolutionnaire.
Les libéraux prétendent que la procédure est trop lourde: peut-être est-ce le cas, mais je n'ai pas entendu beaucoup d'autres propositions en commission. Si vous estimez aujourd'hui avoir de meilleures idées et pouvoir les exposer en commission, nous pourrions soutenir le renvoi parce qu'il n'y a pas d'urgence à débattre de cette question. Par contre, nous ne soutiendrons jamais la proposition d'une révision totale par les députés. En effet, si demain nous entamons le chantier d'une révision totale, nous n'aurons simplement pas le temps de nous consacrer à la fois aux affaires de la République et à cette révision. Si je suis véritablement favorable à une révision totale de la constitution, je crois qu'elle doit être faite par la société civile, avec les acteurs de tous les milieux de la cité de Genève, et non par ce parlement, qui a un autre rôle à tenir. Nous devons gérer les problèmes courants de la société et ce n'est pas l'enjeu d'une révision de la constitution.
Enfin, j'indiquerai que, dans ce projet de loi, le groupe socialiste a apporté deux éléments relativement révolutionnaires: ce sont les deux éléments que M. Gros ne comprenait pas tout à l'heure. Il est exact que nous ouvrons la constituante aux gens qui ne jouissent pas habituellement des droits politiques, c'est-à-dire aux étrangers, au 40% de la population genevoise qui n'a pas son mot à dire en matière politique. Si nous faisons cette proposition, c'est que nous pensons qu'ils doivent contribuer à cette réflexion en profondeur sur la constitution. Nous ouvrons aussi la constituante aux personnes un peu plus jeunes que la limite de l'éligibilité, parce que l'intérêt d'une révision de la constitution, c'est précisément de lancer un grand débat dans la société, et si les deux catégories que je viens de mentionner ne participent pas à ce débat, alors la révision de la constitution n'a aucun sens. Nous souhaitons, autour de cette révision, mettre en mouvement la société. Sans cela, ce projet est mort-né et sans intérêt, et nous ne voulons en aucun cas entrer en matière.
Nous sommes donc favorables à un retour en commission si vous le souhaitez, sinon nous soutiendrons ce projet de loi.
Le président. Monsieur le rapporteur ad interim, sur le renvoi en commission...
M. David Hiler (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Je pense que le mieux serait de renvoyer ce projet en commission, puisque c'est dans cette direction que nous allons. Les deux rapporteurs ad interim sont d'accord sur le fait que ce travail n'est manifestement pas abouti. Je vous invite donc à voter ce renvoi.
M. John Dupraz (R). Je constate qu'une fois de plus l'Alliance de gauche est le parti le plus conservateur de ce Grand Conseil. Je voudrais indiquer en outre qu'à force de vouloir modifier la constitution par petites touches, on construit un véritable manteau d'Arlequin et que, finalement, la cohérence et la limpidité de ce texte fondamental sont perdantes. Je constate encore que ce Grand Conseil compte 47 nouveaux députés et qu'il y a une nouvelle donne dans la répartition des forces politiques. Le groupe radical approuve donc le renvoi en commission. J'ajouterai, pour conclure, que les propos de M. Brunier nous ont enchantés et nous rappellent ceux des radicaux-socialistes du XIXe siècle ! (Exclamations et rires.)
Mis aux voix, le renvoi du projet à la commission législative est adopté.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des transports sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales sans débat de préconsultation.
Le président. Une communication encore avant de lever la séance: celles et ceux qui ne sont pas encore allés chercher leur ordinateur à la salle des Fiefs sont invités à le faire. En outre, je salue notre ancien collègue Jacques Béné, qui est à la tribune, et l'informe que le groupe libéral serait heureux de le voir dîner avec lui tout à l'heure. (Applaudissements.)Nous reprenons nos travaux à 20h30.
La séance est levée à 19h.