République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 10e session - 37e séance
P 1316-A
Suite du débat
M. Christian Brunier (S). Avant d'entrer véritablement dans l'argumentation contre cette pétition, j'aimerais faire trois petites remarques sur le débat qu'il y a eu avant la pause.
Premièrement, dans son intervention, Mme Ruegsegger nous a parlé de cohérence et nous a dit que l'attitude de la gauche en commission avait été inacceptable. Mme Ruegsegger est certainement la mieux placée pour juger l'attitude de la gauche en commission puisqu'elle n'a jamais siégé en commission... En matière de cohérence on peut faire mieux!
Deuxièmement, j'aimerais parler un peu de déontologie. Nous avons aujourd'hui à la table des rapporteurs, en tant que rapporteur de minorité, une personne qui a été un des promoteurs de cette pétition, puisqu'il a participé activement à son lancement, qu'il l'a défendue en commission et qu'il est aujourd'hui rapporteur de minorité. Je pense que s'il avait été de gauche, la droite l'aurait condamné violemment. Je crois qu'au niveau de la déontologie il y a des choses qui ne se font pas. Vous l'avez fait, vous l'assumez.
Troisièmement, et ce sera un peu plus humoristique, M. Odier est candidat au Champignac d'or, puisqu'il a osé nous dire qu'il n'était pas contre les zones piétonnes, mais contre le blocage des rues. Il vient donc d'inventer un nouveau concept : la zone piétonne ouverte aux voitures! Je crois que ça valait la peine d'être souligné.
Plus sérieusement, j'en viens à l'argumentation contre cette pétition. Lorsque j'ai lu son titre, j'ai pensé que puisque la gauche défend les petits commerçants depuis de nombreuses années, nous serions sensibles aux invites de ceux-ci. Mais en lisant le contenu de la pétition et surtout en écoutant les pétitionnaires en commission, j'ai pensé qu'ils s'étaient trompés de titre : je crois que la pétition devrait s'appeler honnêtement «pétition contre les zones piétonnes et pour le développement du transport individuel», c'est-à-dire pour une société qui repose uniquement sur la voiture. C'est là le contenu des propos et des écrits des pétitionnaires.
Les pétitionnaires nous disent que les zones piétonnes sont néfastes pour le commerce. Je vous le dis, toutes les villes en Europe aujourd'hui développent les zones piétonnes, puisque celles-ci améliorent la qualité de vie et qu'elles sont éminemment bénéfiques pour le commerce. Les commerçants qui sont situés aujourd'hui dans les zones piétonnes des villes européennes soutiennent le développement de ces zones. Je ne comprends pas pourquoi à Genève une partie des commerçants n'arrivent pas à adhérer à cette idée.
Par ailleurs, les commerçants ont cédé à l'appel de sirènes démagogiques puisqu'en commission la droite a affirmé qu'elle défendait une accessibilité totale, en voiture, à tous les commerces et un parking de proximité. M. Ducrest pourra le confirmer, s'il a le même courage qu'en commission. Monsieur Ducrest, vous savez très bien - puisque vous, à la différence de Mme Ruegsegger, vous venez en commission - vous savez que ce que vous promettez est impossible : les chiffres sont là, les statistiques sont là, et les services de M. Ramseyer nous l'ont dit à plusieurs reprises. Notre territoire est particulièrement exigu, les voitures sont déjà en surnombre et on prévoit encore un doublement du parc automobile dans les dix ans. Si nous suivons votre politique démagogique, nous allons engorger complètement la ville. Nous devons donc prendre aujourd'hui des mesures urgentes pour essayer simplement de maintenir la circulation au taux actuel. Arrêtez avec vos fausses promesses, elles sont mauvaises pour la population, mauvaises pour le commerce.
En outre, les commerçants et la droite ont affirmé en commission que l'accessibilité à la ville en voiture permettrait le succès du commerce. Ceci est totalement faux et vous le savez aussi très bien. Je vous donnerai deux exemples de quartiers où l'accessibilité est presque totale en voiture, au point d'ailleurs qu'on n'arrive plus à circuler. Ce sont les quartiers de Saint-Jean et de Malagnou dans lesquels il n'y a aucune zone piétonne. Ces deux quartiers sont différents sur le plan socio-économique, mais sur le plan de la circulation ils offrent tous deux une grande accessibilité pour les voitures. Or, le commerce, aussi bien à Saint-Jean qu'à Malagnou, se porte mal. Il n'y a donc aucune corrélation entre le trafic automobile et le succès commercial.
Enfin, la droite s'érige en défenseur du petit commerce. Mais dans ce rôle-là vous n'êtes pas crédibles. Pourquoi ? Premièrement, le petit commerce aujourd'hui est en danger parce que le centre-ville a été vidé de ses logements. Or le retour du logement, la mixité entre le logement, le commerce et les activités, qui défend cela aujourd'hui ? C'est la gauche. Avec la LDTR, nous permettons de réintroduire des logements au centre-ville. La LDTR, vous l'avez combattue et vous la combattrez toujours. Si vous voulez défendre le petit commerce, allez jusqu'au bout et défendez la LDTR! Deuxièmement, le petit commerce est aujourd'hui mis en danger par la grande distribution. Or c'est dans ces supermarchés que vous installez vos commerces, que vous installez vos copains; et finalement vous défendez ce macro commerce contre le petit commerce. Troisièmement, vous défendez une politique de concentration, de globalisation de l'économie, et ceci aussi est destructeur pour le petit commerce local. Soyez cohérents, aujourd'hui le petit commerce, c'est la gauche qui le défend et pas la droite. (Applaudissements.)
Mme Dolorès Loly Bolay (HP). J'aimerais réagir à deux interventions. Celle de Mme Ruegsegger qui a parlé de mépris. Je n'accepte pas ce terme puisque la gauche n'a jamais méprisé les petits commerçants, bien au contraire, la politique de la gauche a toujours été de les défendre. Ensuite, et c'est la seule chose que je partage avec vous, je pense que 4100 signatures représentent un mouvement important. Cela dit, ce que demandent ces 4100 artisans n'est pas du tout crédible et ceci pour plusieurs raisons.
Le rapporteur de minorité affirme que les difficultés du petit commerce sont liées aux difficultés d'accès en voiture et aux zones piétonnes. La mort du petit commerce, en réalité, est causée par la politique agressive des grandes surfaces, qui cassent les prix. Aujourd'hui, les habitudes des consommateurs ont changé. Ce n'est en effet pas la même démarche d'aller faire ses courses en fin de semaine en périphérie que d'aller faire ses courses en famille dans des zones piétonnes où il est agréable de se promener. On s'arrête plus volontiers pour consommer un café par exemple.
J'aimerais aussi réagir à ce qui a été dit tout à l'heure par M. Odier sur les zones piétonnes dans les grandes villes. Je ne sais pas, Monsieur Odier, si vous avez déjà voyagé à travers l'Europe. J'ai la chance de le faire et je peux vous citer quelques exemples. Celui de Séville, qui est une magnifique ville d'Espagne, où la municipalité a créé de véritables zones piétonnes. Croyez-moi, c'est un plaisir de se balader dans le quartier de Santa Cruz. Celui de la ville portugaise de Braga, où une immense zone piétonne a été mise en place dans laquelle quantité de personnes se déplacent. Enfin, l'exemple le plus illustre est peut-être celui de la via Veneto à Rome. Dans cette ville, un bras de fer est engagé depuis plusieurs années entre la municipalité et les commerçants. La municipalité a tenu bon et a créé une zone piétonne. Aujourd'hui, les commerçants en demandent d'autres parce qu'ils ont constaté que l'avenir, ce sont les zones piétonnes.
Enfin, j'aimerais vous dire que depuis peu de temps je suis commerçante. Eh bien, moi, je ne demande que des zones piétonnes. La Vieille-Ville est devenue un foutoir, je m'excuse d'employer ce terme ici, mais c'est un foutoir. Les personnes dont l'outil de travail est la voiture, je parle des livreurs, des fournisseurs, ne peuvent pas accéder à la Vieille-Ville parce que les voitures empiètent sur les trottoirs. Voilà le résultat de la politique que vous voulez et que nous ne pouvons pas accepter. Je suis désolée de vous le dire, vous n'avez pas le monopole de la défense des petits commerçants. (Applaudissements.)
Le président Mesdames et Messieurs, il reste encore cinq intervenants, le Bureau vous propose d'arrêter là la liste des orateurs. (Brouhaha.)
Je prends encore note d'une intervention du rapporteur et de M. Roulet et nous pourrons clore ce point.
M. Pierre Ducrest (L). M. Brunier, comme à son habitude, nous abreuve de ses gesticulations et de ses gamineries. Il y a dans ce parlement beaucoup de gens, sur les bancs de gauche, qui nous disent comment faire marcher le petit commerce, comment le petit commerce doit être défendu, ce qu'il faut faire pour lui, etc. Mais tous ces gens-là n'ont jamais tenu de commerce! Sauf Mme Bolay, tout récemment, qui apprendra, à ses dépens, l'effort que représente la gestion d'un petit commerce. Mesdames et Messieurs, ce qui vous agresse dans cette pétition, c'est qu'elle n'a pas été signée par une, dix, ni même cent personnes, mais par 4100 personnes, soit les deux tiers des signatures nécessaires pour un référendum. Cela, vous ne pouvez pas l'accepter parce que ça démontre, contre vos idées, qu'il y a des gens qui se préoccupent du petit commerce. Concernant l'exemple de Séville que vous nous donnez, Madame Bolay, pour ma part, je pense au quartier Triana et à la Calle Betis : là il y a des parkings. Je pourrais aussi citer Barcelone, où il y a des parkings à côté des zones piétonnes, et où les zones piétonnes sont vivantes ainsi que les commerces. Or, ici, on parle du petit commerce, on veut le défendre, mais on veut faire des zones piétonnes sans construire les parkings qui permettent d'y accéder pour aller faire ses achats. Vous n'avez pas prévu cela dans votre programme.
Ce que je disais en commission et que vous avez déformé, Monsieur Brunier, c'est exactement ce que je vous dis maintenant. Je vous dis que pour aller dans les petits commerces, il faut pouvoir se déplacer, il faut pouvoir déposer sa voiture à proximité car si on va dans un petit commerce, c'est qu'on veut acheter quelque chose qu'il faudra ensuite transporter. Il faut donc des parkings de proximité que vous avez refusés, en particulier le parking de la place Neuve. Pour toutes ces raisons, les 4100 signatures de cette pétition ne sont pas à traiter par-dessous la jambe et il convient de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Roberto Broggini (Ve). Je rebondis immédiatement sur les propos de M. Ducrest qui prétend qu'il n'y a pas de parking. J'ai le plaisir de présider la commission ad hoc sur le quartier de Saint-Gervais au Conseil municipal de la Ville de Genève. Je connais donc très bien la situation, notamment dans l'hypercentre sur la rive droite. A Saint-Gervais, il n'y a que des parkings. Il y a le parking de la gare, le parking de la Placette, celui des Cygnes, celui du Sujet, celui du Mont-Blanc, etc. Or que constatons-nous ? Une étude, menée par un bureau d'ingénieur extérieur à Genève et donc plutôt neutre, a montré que, à 15 h, 65% des automobiles dans le quartier de Saint-Gervais sont en situation d'illégalité. Si les petits commerçants, que certains représentent, veulent encourager l'illégalité, il faut le dire! Vous commettez des infractions systématiques, vous vous parquez sur les trottoirs, vous n'utilisez pas les parkings souterrains au prétexte que ceux-ci ne sont pas sûrs. Voilà quelle est la situation.
Lorsque l'on sait que seuls 10% des usagers des commerces du centre-ville s'y rendent en voiture, on se demande si la droite veut faire une caste de privilégiés qui finira par se parquer illégalement sur les bandes cyclables, sur les trottoirs, empêchant les mamans avec les poussettes de passer, empêchant même les piétons clients des commerces de cheminer normalement. Vouloir encourager ces méthodes, je pense que c'est déplorable.
A Zurich, le parlement vient de voter un crédit de 5 milliards pour construire des quais supplémentaires, alors qu'il y en a vingt-deux contre six misérables quais à Genève, quand bien même notre gare est une gare internationale, avec des trains français et suisses. Et on tergiverse pour savoir si on pourra dépenser 480 millions pour relier les Eaux-Vives à Cornavin via la Praille. Voilà où nous en sommes. Alors, développons les transports publics! Nous avons tout à disposition, les réseaux, etc. D'ailleurs, le programme Constellation des TPG est en place, même s'il n'est pas parfait, même s'il faut encore l'améliorer. Le nombre de bus qui passent au centre-ville est tout de même important. Or, la droite a fait un travail de sape pour bloquer la construction des lignes de tramway. Les transports publics permettent l'accès aux commerces, mais vous les combattez! Vous ne voulez pas la mobilité, vous faites preuve simplement d'un égoïsme parfait et un peu électoraliste! (Applaudissements.)
M. Michel Ducret (R). D'abord, j'aimerais faire une petite correction par rapport à l'intervention de M. Brunier. La population de la ville de Genève et du centre en particulier, à l'inverse de tous les centres urbains, n'a pas diminué. Elle a augmenté, au contraire, et ceci depuis de nombreuses années. Cela est dû, effectivement, à la LDTR. C'est absolument vrai. On voit aussi que beaucoup de petits commerces disparaissent et partent vers la périphérie. Cela est dû à des changements d'habitudes auxquels nous ne pouvons rien. Ce n'est pas seulement un problème d'accessibilité, c'est aussi un problème de rythme de vie. Cette fuite du commerce vers la périphérie n'est d'ailleurs pas le fait de petits commerçants, elle est d'abord le fait de grandes coopératives qui ne sont pas vraiment étrangères à votre parti, Monsieur Brunier.
J'aimerais préciser que les excès dans un sens ou dans l'autre existent dans tous les cas, tant dans le langage que dans la réalité. Il est indéniable que partout en Europe les zones piétonnes se développent, mais elles sont accompagnées de parkings. Il y a deux sortes de parkings : les parkings de proximité, et les parkings de dissuasion. Nous avons certes pris, Mesdames et Messieurs, du retard dans le programme des parkings de dissuasion, des parkings d'échange; mais nous avons aussi un déficit par rapport à un programme de parkings de proximité. Ces parkings, prévus par le plan Circulation 2000, ont simplement été rejetés par l'actuelle majorité de ce Conseil. Voilà une réalité, et malheureusement cela entraîne un déséquilibre. En outre, Genève souffre d'un autre problème : le trafic parasite qui traverse notre ville. Et c'est encore vous, la majorité actuelle, qui avez refusé les moyens d'éloigner ce trafic de transit du centre-ville.
Il y a cependant, et M. Broggini l'a relevé à juste titre, un développement nécessaire du transport collectif qui doit être poursuivi. Ce sont des choses qui avancent, peut-être pas aussi vite que certains, et j'en fais partie, pourraient le souhaiter. Ce sont néanmoins des choses qui se font.
Maintenant, il faut aussi voir de quels commerces nous parlons. En changeant le type d'accessibilité, il y a un changement profond du type de commerce. De nombreuses villes ont fait cette expérience, et cela a été très frappant à Grenoble, un peu moins à Strasbourg, deux villes qui ont introduit des zones piétonnes en centre-ville avec un nouveau tramway. On a vu les petits commerçants rester, en tant que petit commerce, mais ils ont changé de nature. En outre, l'activité économique ne se limite pas au petit commerce, il y a aussi des entreprises, des cabinets médicaux, etc. Or ces entreprises ont besoin, parfois plus que les commerces, d'une bonne accessibilité et non seulement d'une accessibilité par les transports collectifs. Il y a donc là aussi un problème. On pourrait parler encore des différences de type d'accessibilité entre le jour et la nuit. Pour les loisirs, vous arriverez beaucoup moins facilement à mettre les gens dans les transports collectifs, ne serait-ce que pour des questions de fréquence horaire : on ne peut pas offrir des transports publics performants 24 heures sur 24 pour des questions de coût et de rapport d'utilisation. Les habitudes de déplacements sont donc beaucoup moins contrôlables en ce qui concerne les loisirs. Enfin, le défi qui attend les villes aujourd'hui, c'est, comme le relevait Mme Bolay, le problème des livraisons. L'ouverture du marché de la livraison de colis multiplie les camionnettes dans les villes. Ce sont là de véritables problèmes auxquels toutes les villes vont devoir répondre.
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député!
M. Michel Ducret. Il y a une chose dont je suis sûr, c'est que ce n'est pas en envoyant des ukases à la partie adverse qu'on avance. Ce n'est pas non plus en bloquant toutes les démarches dans un sens ou dans l'autre qu'on trouvera des solutions. On ne peut pas tout reporter sur le transport collectif et on ne peut pas tout reporter sur la voiture; mais on ne peut pas dénier à l'autre partie les besoins qu'elle doit satisfaire. Il faut donc trouver un équilibre et le maintenir. Ce débat doit être dépassionné et éloigné de l'arène politique afin qu'il soit confié à des gens capables de le gérer. C'est dans cet esprit que j'ai déposé devant le Conseil municipal de la Ville, cette semaine encore, la proposition d'envisager de confier les destinées du centre-ville à un «city manager» qui serait à la fois payé par la Ville et par les commerçants. C'est une possibilité parmi d'autres, mais on ne peut pas continuer à s'envoyer des ukases d'un côté et de l'autre, parce que ce problème ne trouvera pas de solution ainsi. J'aimerais vraiment que cela entre dans la tête de tout le monde : on ne peut pas gérer une ville en ne faisant rien parce qu'on se bloque les uns les autres.
M. Claude Blanc (PDC). Je vous prie de m'excuser d'interrompre ce passionnant débat pour me référer à l'article 9 de la loi portant règlement du Grand Conseil et demander au Bureau comment il interprète l'alinéa 2 de cet article en ce qui concerne les documents déposés dans la salle des Pas Perdus. Vous connaissez ma position sur le Musée d'ethnographie, je suis personnellement partisan du Musée d'ethnographie, mais il n'est pas acceptable que le Bureau agrée de la propagande électorale municipale dans la salle des Pas Perdus et je prie M. le président de bien vouloir, conformément à la loi, faire retirer ces documents.
Le président. Monsieur Blanc je vais suivre votre proposition. Je signale cependant que le Bureau n'a pas été averti. Peut-être la présidente l'a-t-elle été, mais pas le vice-président. Je demande donc au sautier de bien vouloir retirer cette propagande quelle qu'elle soit et d'où qu'elle vienne.
M. Pierre Froidevaux (R). Je souhaiterais rendre le Grand Conseil attentif aux fantasmes qui existent dans cette assemblée. Effectivement, M. Brunier et Mme Bolay, en prétendant défendre le petit commerce, me surprennent profondément. Cette pétition émane précisément des commerçants qui sont tous venus à la commission des transports. Et lorsque je vous ai demandé s'il existait des commerçants qui pouvaient penser autrement que les pétitionnaires, aucun de ceux qui maintenant s'opposent à cette pétition n'a réussi à présenter un seul commerçant, apolitique, qui ne soit pas doctrinaire, pour venir expliquer...
Une voix. Vous n'en avez pas présenté non plus !
M. Pierre Froidevaux. Les pétitionnaires sont tout à fait apolitiques... (Rires.) Cela vous fait peut-être sourire, mais ce sont des faits. Je ne puis que répéter ce qui s'est dit en commission. Les pétitionnaires sont apolitiques, c'est indubitable. Si cela fait sourire la gauche, si ça l'énerve, c'est bien parce que c'est vrai.
L'ensemble des commerçants de Genève demande à ce Grand Conseil une politique concertée pour les transports, qu'ils soient publics ou privés, avec une coordination au niveau des places de parking et il se trouve encore des députés qui sont à ce point entêtés qu'ils refusent cette demande, qu'ils refusent de voir en face la réalité des choses. Je suis ahuri de cette situation, Monsieur Brunier, je suis ahuri, Madame Bolay, ahuri par votre attitude! Sachez, chers collègues, qu'il est extrêmement dommage d'avoir une politique doctrinaire sur un sujet comme celui-ci. Lors des débats en commission, nous avions réussi, de manière informelle, à imaginer des solutions pour Genève. Il s'agissait de développer des périphériques solides sur lesquels la circulation privée pourrait passer et d'avoir, en ville, des zones piétonnes. Il y a eu des concepts développés, des réflexions dans cette commission et ce genre de débat éteint toute possibilité d'un développement pour Genève. C'est à cause de votre aveuglement, que la périphérie se développe et que le bénéfice du développement de ces dernières années est encaissé à l'extérieur du canton. Pour pouvoir recentrer nos activités, pour que Genève vive, il faut respecter la demande des commerçants, il faut inviter le Conseil d'Etat à suivre les recommandations extrêmement simples qui se trouvent dans cette pétition. Ces recommandations n'ont pas la couleur politique que veut y voir la gauche, je vous recommande donc à tous et à toutes de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Jean Rémy Roulet (L). Je donnerai juste quelques chiffres à l'intention de l'Alternative, chiffres qui ont déjà été cités durant les interventions précédentes, mais qu'il est bon de rappeler. 4000 signataires tout d'abord, ce ne sont pas des commerçants qui ont signé, qu'ils soient de gauche ou de droite, Monsieur Brunier, mais ce sont 4000 citoyens, qui pourraient, tout au plus, adhérer à la Fédération romande des consommateurs. 15 000 ont signé le référendum contre le projet de loi 8014 et 10 000 celui contre le projet de loi 8148, qui visaient tous deux à faire de la voie publique une responsabilité communale. On a évité de justesse, au cours d'une séance mémorable du Grand Conseil, un troisième référendum contre la construction du parking de Genève Plage. Si j'additionne ces chiffres, je suis encore incomplet. Il faut en effet préciser que la perte des emplois sur la Ville de Genève dépasse les 13 000 places durant ces quinze dernières années. Comme bilan de la politique du transport, Mesdames et Messieurs, ces résultats sont un peu légers. C'est pourquoi il est tout à fait judicieux de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
J'aimerais, pour terminer, poser une question au super «city manager» qui, en réalité, est déjà parmi nous actuellement et qui gère le plus grand centre commercial du canton, j'ai nommé notre cher collègue Ferrazino. Je lui demanderai quelles sont les mesures que la municipalité entend prendre pour donner un souffle économique à la ville, pour rassurer les pétitionnaires et pour que cette ville retrouve des habitants.
Mme Dolorès Loly Bolay (HP). Je serai très brève. J'aimerais réagir aux propos de M. Froidevaux : votre discours est archaïque et complètement dépassé. Vos réflexions, Monsieur le député, tout comme celles de M. Desplanches, datent des années 80. Je voudrais vous rappeler que nous sommes entrés dans le troisième millénaire. Il n'est plus question aujourd'hui de réfléchir en termes de grandes surfaces. Nous n'en sommes plus là, alors s'il vous plaît, venez nous rejoindre dans le troisième millénaire! (Rires.)
M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne pensais pas intervenir dans ce débat car l'essentiel a été dit par mes collègues de l'Alternative. Mais, puisque M. Roulet souhaite que je prenne la parole, je ne résisterai pas à cette tentation. Monsieur Roulet, contrairement à ce que vous pensez, je ne gère pas un centre commercial... (Rires.) Je sais que c'est votre vision de la Ville de Genève, mais voyez-vous elle ne se résume pas à un centre commercial. C'est un lieu de vie, un lieu où il y a des habitants, un lieu de rencontres, et la ville ne se limite pas à son aspect mercantile. Même si c'est là une préoccupation principale pour certains, nous savons voir au-delà de cet aspect mercantile.
Nous pouvons cependant aussi reconnaître cet aspect-là. Ainsi, tout à l'heure, Mme Ruegsegger citait Saint-Jean... (Commentaires et rires.) ...le quartier de Saint-Jean! Je sais qu'au parti démocrate-chrétien, c'est dans d'autres circonstances que l'on cite Saint-Jean! Vous vous étonniez donc de l'attitude des formations de l'Alternative dans le cas du quartier de Saint-Jean. Eh bien, votre exemple est parfait, parce que, suite à l'ouverture du grand centre commercial Planète Charmilles, je peux vous assurer que bon nombre de petits commerces ont dû fermer boutique dans ce quartier.
Or, ce qui se passe à Saint-Jean se passe également au centre-ville. C'est-à-dire que l'ouverture de grandes surfaces périphériques a pour conséquence précisément de faire une concurrence redoutable et inégale au petit commerce. Alors, je vous dirai, Monsieur Roulet, que la balle est plutôt dans votre camp. Il s'agit aussi que vous ayez une discussion entre commerçants. Essayez d'aller convaincre un de vos collègues, qui vous est assez proche, qui est même candidat à de prochaines élections et qui dirige un grand centre commercial... Vous verrez peut-être qu'il va dans le sens opposé au vôtre. Nous sommes certainement plus proches de vous que vous ne pensez, Monsieur Desplanches, et vous nous donnez un peu l'impression de vous tromper d'ennemi. Vous nous donnez l'impression de mettre votre énergie dans une mauvaise cause. En effet, le débat que nous avons aujourd'hui, vous devriez l'avoir également avec les grandes surfaces. Constatez seulement : vos collègues du Grand Passage, du Bon Génie ont tous ouvert des magasins en périphérie. Vous voyez que même des commerçants situés au centre-ville vont ouvrir des annexes en périphérie. Nous, nous disons que les gens qui se rendent au centre-ville ont la chance de trouver une ville dont l'aménagement devrait inciter précisément, en plus des activités qui s'y déroulent, à développer vos commerces. On peut prendre aujourd'hui, sans se tromper, n'importe quelle ville européenne et remarquer que ce qui n'est pas possible ici est possible ailleurs. Alors, il y a deux tendances : celle que vous représentez qui prétend que ce n'est pas parce que c'est possible partout ailleurs que ça doit l'être à Genève; et puis il y a notre approche, Monsieur Ducret, qui est assez pragmatique et qui consiste à dire que ce qui est possible ailleurs depuis bientôt dix ans devrait commencer à l'être à Genève! (Applaudissements.)
M. Gilles Desplanches (L), rapporteur de minorité. J'aimerais rebondir sur ce qu'a dit M. Ferrazino qui parle en termes d'ennemis. Je voudrais lui rappeler le cas des Eaux-Vives où un plan de circulation a été mis au point durant une année sans que les commerçants ne soient jamais associés à la préparation. Ce qui me paraît important aussi, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de relativiser. Mme Bolay, qui est une nouvelle commerçante, qui n'a pas beaucoup d'expérience, a beaucoup de chance, puisque son commerce est situé à moins de 200 mètres d'un grand parking que vous connaissez bien. Or elle affirme que la sauvegarde du commerce est simplement une question de prix de vente. Mais, Madame Bolay, c'est le service, la qualité professionnelle des commerçants qui doit faire la différence et pas les prix! Depuis 1940, les artisans sont plus chers que les grandes surfaces et pourtant nous subsistons.
Nous, les indépendants, n'avons pas pour objectif de confronter les artisans et les grands centres. Bien au contraire, nous pensons qu'il y a une complémentarité entre les deux formes de commerce. Cette complémentarité se situe à deux niveaux : premièrement, vous avez des grandes enseignes qui se regroupent pour offrir un service dans la globalité; deuxièmement vous avez des spécialistes qui apportent une animation dans les quartiers et qui viennent compléter l'offre des grandes surfaces.
Je voudrais aussi relativiser certaines choses. Quand on parle de concurrence entre les grands centres et les artisans, il faut savoir que si ces grands centres fonctionnent, c'est grâce à la gauche qui empêche les clients d'accéder aux petits commerces alors que les grands centres ont la possibilité d'avoir des parkings. A mon sens, ceux qui soutiennent aujourd'hui les grands centres, ce sont les partis de gauche. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Je reviendrai aussi sur le travail en commission. M. Brunier me reproche mon manque de déontologie. Je dois lui rappeler que j'ai quitté la présidence de la fédération lorsque j'ai été élu député. Je ne me suis pas occupé de cette pétition. Je l'ai lue comme chaque commerçant... (L'orateur est interpellé.) Ma déontologie ne peut pas être mise en cause, ce qui n'est pas le cas de celle de M. Brunier concernant les SIG! Je rappellerai encore que tout ce que M. Brunier a trouvé à nous dire en commission, c'est qu'aux Etats-Unis 20% des achats se font par Internet. Il aurait pu nous parler aussi des drive in. Ceci pour dire qu'au niveau du commerce il ne connaît rien. J'aimerais ajouter, puisqu'on a mentionné cette ville, que Strasbourg dispose de dix-neuf parkings au centre-ville ainsi que de neuf park and ride. Je vous invite à vous connecter sur le site Internet de cette ville pour voir ces aménagements. Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez faire des zones piétonnes intéressantes, si vous voulez être cohérents avec vous-mêmes et innover, eh bien, vous devrez faire comme les autres villes : constituer un conseil regroupant les autorités politiques et les commerçants, créer une zone piétonne accompagnée de mesures de stationnement et enfin diffuser largement l'information. Aujourd'hui vous faites plutôt le contraire.
Enfin, je trouve intéressant que la gauche prétende vouloir privilégier le commerce de détail. Nous allons pouvoir constater cela dans quelques instants puisque je demanderai le vote par appel nominal. On pourra donc voir qui prend réellement la défense du petit commerce et des artisans. (Applaudissements.)
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il a été dit que nous menions une politique de restriction de circulation : c'est faux. Nous avons en dix ans créé 1100 places courte durée dans l'hypercentre de Genève. C'est 29% d'augmentation en dix ans. Nous avons créé 15 500 places à macarons dans les quartiers, cela s'est fait en dix ans et pas en trois jours parce que c'est un effort énorme. J'aimerais dire à Mme Bolay que, si elle n'est pas satisfaite de l'endroit où elle a établi son commerce, elle peut aussi demander aux agents de sécurité de la Ville de Genève pourquoi ils ne sont pas présents sur leur territoire. S'agissant de l'accessibilité, nous avons déplacé le trafic de transit à raison de 22 000 véhicules, réduisant ce trafic de 11%. Enfin, je rejoins totalement les pétitionnaires sur l'avis qu'il n'y a pas de zone piétonne valable sans parking de proximité. Si les communes s'entêtent à imaginer des zones piétonnes sans qu'il soit possible d'y accéder, nous perdons notre temps. Je dis de la même manière que si on s'entête à ne pas consulter les gens, les blocages persisteront et ce même débat aura lieu ici tous les quatre mois.
C'est pourquoi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si cette pétition est renvoyée au Conseil d'Etat, nous en ferons avec plaisir le meilleur usage. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, le rapport qui vous est soumis contient deux propositions : le renvoi au Conseil d'Etat rejeté en commission par sept voix contre sept; le dépôt sur le bureau du Grand Conseil rejeté lui aussi en commission par sept voix contre sept. Je vous propose d'être raisonnables et de voter sur la solution la plus proche des voeux des pétitionnaires, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.
M. Gilles Desplanches, rapporteur de minorité (L). Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat est rejeté par 37 non contre 23 oui.
La pétition P 1316-A est déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Ont voté non (37) :
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Jacques Boesch (AG)
Dolorès Loly Bolay (HP)
Anne Briol (Ve)
Roberto Broggini (Ve)
Christian Brunier (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Alain Charbonnier (S)
Bernard Clerc (AG)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Anita Cuénod (AG)
Régis de Battista (S)
Erica Deuber Ziegler (AG)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Morgane Gauthier (Ve)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Mariane Grobet-Wellner (S)
Cécile Guendouz (AG)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Antonio Hodgers (Ve)
Georges Krebs (Ve)
Véronique Pürro (S)
Jacques-Eric Richard (S)
Albert Rodrik (S)
Christine Sayegh (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Jean Spielmann (AG)
Pierre Vanek (AG)
Alberto Velasco (S)
Ont voté oui (23) :
Florian Barro (L)
Roger Beer (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Gilles Desplanches (L)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Pierre Ducrest (L)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Pierre Froidevaux (R)
Nelly Guichard (DC)
Michel Halpérin (L)
René Koechlin (L)
Bernard Lescaze (R)
Etienne Membrez (DC)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean-Marc Odier (R)
Jean Rémy Roulet (L)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Walter Spinucci (R)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Personne ne s'est abstenu
Etaient excusés à la séance (18) :
Jacques Béné (L)
Nicolas Brunschwig (L)
Juliette Buffat (L)
Hervé Dessimoz (R)
Daniel Ducommun (R)
Anita Frei (Ve)
Jacques Fritz (L)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Janine Hagmann (L)
Yvonne Humbert (L)
Armand Lombard (L)
Pierre Marti (DC)
Pierre Meyll (AG)
Jean-Louis Mory (R)
Danielle Oppliger (AG)
Catherine Passaplan (DC)
Louis Serex (R)
Micheline Spoerri (L)
Etaient absents au moment du vote (21) :
Esther Alder (Ve)
Michel Balestra (L)
Luc Barthassat (DC)
Charles Beer (S)
Thomas Büchi (R)
Fabienne Bugnon (Ve)
Jeannine De Haller (AG)
Marie-Françoise De Tassigny (R)
Henri Duvillard (DC)
René Ecuyer (AG)
Philippe Glatz (DC)
Christian Grobet (AG)
Alain-Dominique Mauris (L)
Louiza Mottaz (Ve)
Rémy Pagani (AG)
Michel Parrat (DC)
Pierre-Louis Portier (DC)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Myriam Sormanni-Lonfat (HP)
Olivier Vaucher (L)
Salika Wenger (AG)
Présidence :
M. Bernard Annen, président.
Présidence de Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente.