République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 9e session - 31e séance
PL 8531
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1
Est déclarée d'utilité publique, au sens de l'article 3 alinéa 1 lettre a) de la loi sur l'expropriation d'utilité publique du 10 juin 1933, l'extension du périmètre foncier affecté à l'école Europe-Charmilles et la réalisation d'équipements publics destinés aux habitants du quartier des Charmilles, plus particulièrement une maison de quartier avec des espaces de jeux, destinée notamment aux enfants et aux jeunes gens du quartier, sur les parcelles 4381 et 4390, feuille 49, section Petit-Saconnex de la Ville de Genève, co-propriété pour moitié de la société en nom collectif BARBIER-MUELLER & Cie, ayant son siège route de Chêne 36 à Genève, et pour l'autre moitié de la société anonyme FAVRE & GUTH, PROMOTIONS ET PARTICIPATIONS SA, ayant son siège quai du Seujet 28 c/o Karl Steiner SA à Genève.
Art. 2
1 L'expropriation des parcelles précitées 4381 et 4390 sera décrétée en faveur de la Ville de Genève, si celle-ci ne peut les acquérir de gré à gré. Toutefois, l'expropriation ne portera que sur la partie hors-sol des immeubles en cause, les constructions souterraines jusqu'au niveau du sol restant propriété des ayants droit actuels. Une copropriété par étages sera constituée à cet effet affectant :
2 Les servitudes en faveur des copropriétaires de la partie en sous-sol, nécessaires pour l'accès aux parkings et pour le fonctionnement de ceux-ci, seront inscrites au Registre foncier.
3 Seront maintenues les servitudes et charges foncières actuellement inscrites au Registre foncier soit :
4 La Ville de Genève est habilitée à saisir le Conseil d'Etat du projet d'expropriation en vertu de l'article 25, alinéa, lettre b) de la loi sur l'expropriation d'utilité publique.
5 Dans le cas où le Conseil d'Etat est saisi d'une demande d'expropriation en vertu de la présente loi, il est tenu, en raison du chantier en cours et de l'urgence qui en résulte, de mener la procédure avec diligence en faisant application de :
Art. 3
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.
En date du 22 février 2001, le Conseil municipal de la Ville de Genève a adopté, dans le cadre de son droit d'initiative en matière d'aménagement du territoire, une résolution visant à modifier le plan de zone applicable au périmètre dit du quartier Europe-Charmilles, dans le but de créer une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public, comprenant les terrains affectés à l'école de l'Europe qui seraient étendus aux parcelles 4381 et 4390 situées en zone de développement industriel en bordure de la rue de Lyon.
La résolution demande que la création de cette nouvelle zone d'équipement public soit assortie d'une déclaration d'utilité publique pour les parcelles 4381 et 4390 afin que la Ville de Genève puisse en devenir propriétaire, sous réserve des constructions souterraines, dans le but de les affecter à de l'équipement public.
Le présent projet de loi a pour objectif de permettre à la Ville de Genève de concrétiser sa volonté en déclarant d'utilité publique l'acquisition de ces deux parcelles, cette procédure relevant de la compétence du Grand Conseil. Cette procédure permettra, si nécessaire, l'acquisition par voie d'expropriation de ces terrains, au cas où une acquisition à l'amiable ne pourrait pas aboutir avec leurs propriétaires actuels.
Afin de justifier cette démarche, les auteurs du projet de loi se réfèrent aux extraits ci-dessous de l'exposé des motifs à l'appui du projet de résolution approuvé par le Conseil municipal de la Ville de Genève.
En 1984, le Conseil d'Etat proposa le déclassement des terrains industriels de l'entreprise Ateliers des Charmilles pour les affecter à une zone de développement 3 destinée au logement.
A la suite d'une étude d'urbanisme effectuée par le canton, le Conseil d'Etat proposa à la Ville de Genève un projet de modification du régime des zones comprenant un déclassement partiel de la zone industrielle en 3e zone de développement (pour la création de logements sociaux), le maintien du terrain de 8'316 m2 en zone industrielle (ceci à la demande expresse de la Ville) tout en réservant une autre surface de 7'553 m2 destinée à un équipement scolaire. (cf. mémorial du Conseil municipal du 20 mai 1987, p. 3979).
Il faut toutefois préciser que le terrain affecté à la construction de l'équipement scolaire n'a pas été prévu dans le déclassement et il est resté en zone industrielle pour favoriser son acquisition par la Ville de Genève, aux meilleures conditions. La zone d'équipement public envisagée n'a toutefois jamais été créée, postérieurement à l'acquisition foncière réalisée par la Ville, de sorte que l'école se trouve toujours située en zone industrielle, ce qui constitue une incongruité par rapport au régime des zones défini par la LALAT, qu'il convient aujourd'hui de corriger.
Notons qu'à l'époque la Ville de Genève s'était plainte du fait que le terrain prévu pour l'école était insuffisant, les normes usuelles pour un groupe scolaire complet de 16 classes prévoyant 10'000 à 12'000 m2 de terrain.
C'est ainsi que le Conseil municipal donna un préavis positif, le 25 juin 1985, à une proposition de modification du régime des zones de construction au lieudit « Les Charmilles », sous réserve que cette modification, lorsqu'elle sera présentée au Grand Conseil, prévoie :
le maintien en zone industrielle d'une bande de terrain le long de la rue de Lyon sur la surface non déclassée d'environ 10'000 m2 au sol permettant :
la création d'activités industrielles et artisanales pour une surface de plancher d'environ 25'000 m2 ;
la création d'une zone de développement 3 permettant de réaliser plus de 500 logements ;
la réservation d'un terrain destiné à un groupe scolaire ;
de préserver l'égalité de traitement, le cas échéant, pour les terrains de Tavaro avec ceux des Charmilles.
Le Grand Conseil fut saisi le 12 septembre 1985 d'un projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction au lieudit « Les Charmilles ». L'exposé des motifs indique que le Conseil d'Etat a retenu un taux d'utilisation du sol de 2,5 pour le périmètre concerné, ce qui permettait de construire 520 logements (cf. mémorial du Grand Conseil 1985, p. 4444 et ss).
Quant aux terrains affectés à une zone de développement industrielle, ce sont ceux situés le long de la rue de Lyon, c'est-à-dire les six parcelles non bâties au sujet desquelles la Ville de Genève est intervenue comme rappelé ci-dessus.
Le plan de zone fut finalement adopté par le Grand Conseil le 28 novembre 1985.
Parallèlement à l'adoption par le Grand Conseil du plan de zone, le Département des travaux publics (ci-après DTP) a élaboré un projet d'aménagement qui fit l'objet de violentes critiques au motif que le nombre de logements retenu était largement insuffisant par rapport au potentiel à bâtir des terrains en cause.
Une polémique s'ensuivit, divers milieux considérant qu'en cette période de crise du logement, il ne fallait pas sous-utiliser les terrains à bâtir en Ville de Genève. D'autres milieux faisaient valoir leurs craintes quant à une urbanisation trop fortement densifiée.
Le Conseil d'Etat demanda alors au DTP de modifier le projet initial et le Conseil municipal fut ainsi saisi, en date du 20 mai 1987, d'un projet de PLQ prévoyant de porter la hauteur des immeubles à 27 mètres à la corniche (alors que la norme est de 21 mètres en 3e zone) afin de créer des logements supplémentaires.
La volonté du Conseil d'Etat de densifier l'avait donc emporté sur les considérations d'urbanisme et de qualité de vie.
Le projet de PLQ fut mal reçu par le Conseil municipal qui, dans sa séance du 8 septembre 1987, refusa de donner un préavis favorable et vota une motion chargeant le Conseil administratif d'utiliser tous les moyens en son pouvoir pour intervenir auprès du Conseil d'Etat afin qu'un nouveau plan d'aménagement des terrains des Charmilles soit présenté. Même au prix d'une densité légèrement supérieure (cf. Mémorial du Conseil municipal du 8 septembre 1987, p. 503).
Malgré cela, le Conseil d'Etat refusa de renoncer à son plan d'aménagement. Néanmoins, à la suite d'une intervention du DTP, le Conseil d'Etat accepta toutefois de diminuer partiellement la hauteur de certains bâtiments ramenant le nombre total de logements à 850.
Le plan localisé de quartier No 27'930 C « Les Charmilles » fut adopté le 21 octobre 1987 par le Conseil d'Etat.
Depuis lors, l'intégralité du projet a été réalisé à l'exception des deux bâtiments industriels projetés le long de la rue de Lyon.
Comme on l'a vu ci-dessus (chiffre 4), la conception urbanistique du quartier des Charmilles fut déjà largement contestée - notamment par la Ville de Genève - alors qu'elle n'était encore exprimée que par des plans d'architectes.
Le résultat peut aujourd'hui être apprécié. La masse imposante et compacte des bâtiments crée un sentiment d'enfermement renforcé par les voies à grand trafic qui la cernent. Si les habitants se déclarent généralement satisfaits de leur logement, ils déplorent souvent l'exiguïté des espaces extérieurs pour une population qui atteint aujourd'hui 2500 habitants, dont 855 enfants.
Ce sentiment d'enfermement ne pourrait qu'être renforcé par la construction de nouveaux bâtiments le long de la rue de Lyon. Par respect pour les habitants des Charmilles, des solutions doivent être recherchées afin d'améliorer les conditions de vie plutôt que de les aggraver.
Il y a lieu de relever que la conception urbanistique du quartier implique la réalisation de vastes garages d'un seul tenant, étant donné la volonté d'éviter le trafic des véhicules et leur stationnement en surface. Les locaux techniques et les parkings en sous-sol sont ainsi destinés à l'ensemble immobilier des Charmilles et ne peuvent pas être décomposés en unités autonomes en correspondance avec les bâtiments destinés à l'habitation et aux activités, en raison des seuls accès possibles depuis les voies publiques, limités à la rue de Lyon et l'avenue d'Aïre.
C'est d'ailleurs pour ce motif que les promoteurs des immeubles des Charmilles ont dû réaliser en priorité l'ensemble de ce garage souterrain, qui forme un tout, avant d'envisager de construire les différents immeubles du périmètre qui n'auraient pu être opérationnels sans ce parking et les locaux techniques communs qui se trouvent en sous-sol.
Pour ce motif, les promoteurs ont engagé, dès 1995 en tout cas, les travaux de construction de la partie du parking souterrain située sur les terrains destinés aux immeubles industriels.
Le chantier a été levé en 1997, sans que les deux immeubles industriels prévus en superstructure ne soient réalisés. Les deux autorisations de construire qui avaient été renouvelées à plusieurs reprises n'ont pas fait l'objet d'une nouvelle demande à leur échéance du 31 juillet 1997, malgré une mise en garde du DAEL.
Les deux autorisations sont donc caduques. Le chantier ayant néanmoins été ouvert en novembre 2000, il a été interrompu, à la suite d'un recours de la Fédération des associations de quartiers et d'habitants (FAQH) par décision du 26 janvier 2001 de la Commission de recours (LCI).
Cette décision a amené le Conseil administratif à faire usage de son droit d'initiative en matière d'aménagement du territoire afin de proposer au Conseil municipal d'approuver le principe du périmètre scolaire, en le déclarant d'utilité publique pour les parcelles 4381 et 4390 et d'une modification du PLQ supprimant l'un des deux immeubles industriels prévus par ledit plan, soit celui situé face à l'école de l'Europe et qui aurait des effets particulièrement néfastes pour cette dernière.
Les faits ont donné raison à la Ville de Genève lorsqu'elle s'est opposée à l'exiguïté du périmètre réservé à l'école (environ 8'000 m2). L'extension du périmètre permettrait d'atteindre une surface d'environ 10'000 m2 de terrain, ce qui donnerait un espace plus important pour les jeux et activités des enfants et adolescents. Un éventuel bâtiment sur un niveau, côté rue de Lyon, permettrait de réaliser une infrastructure sociale indispensable pour les jeunes du quartier, tout en protégeant le site, surtout du bruit venant de la rue de Lyon.
La non-réalisation du bâtiment industriel prévu dans le prolongement de l'école supprimerait surtout le confinement de l'école par une enceinte d'immeubles de plus de 21 mètres de hauteur et maintiendrait ainsi dégagées les deux extrémités du périmètre scolaire.
Quant à la clause d'utilité publique proposée, elle se justifie pleinement vu les circonstances et le faible espace à disposition des jeunes dans un quartier de 2'500 habitants.
Au bénéfice de ces explications, les auteurs du présent projet de loi vous prient, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à ce projet de loi.
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Préconsultation
M. Rémy Pagani (AdG). Voici un projet de loi qui, comme le disait précédemment M. Moutinot, vise à éviter un abus de droit. Comme tout un chacun, nous avons constaté la surdensification du quartier Europe-Charmilles... (L'orateur est interpellé.) Vous demandez à qui la faute, Monsieur Blanc ? Avant que M. Grobet arrive au département, il était question de réaliser 1200 logements sur cette parcelle : M. Grobet a réduit le projet à 850 logements! Je crois donc qu'à ce niveau-là il n'y a pas grand-chose à dire, si ce n'est qu'il nous faut aujourd'hui constater les dégâts.
A cet égard, nous avons, depuis le début de l'année, mené une bataille juridique importante, qui visait à montrer que les promoteurs n'avaient pas l'autorisation de continuer à construire, notamment devant l'école. Je rappelle, concernant l'assiette de l'école, qu'un ou deux blocs étaient prévus pour accueillir les enfants, qu'on en est aujourd'hui à trois et que le projet en cours revenait à ceinturer le préau. Je dis ceinturer, car il faut aller voir sur place - les travaux sont maintenant stoppés devant l'école et continuent à côté - comment ce projet aurait ceinturé et écrasé le préau de l'école. Nous étions donc arrivés à faire valoir les droits de la population et à faire constater la caducité des autorisations de construire, du fait que les promoteurs n'avaient pas renouvelé celles qu'ils avaient obtenues dans un premier temps.
M. Moutinot, je l'en remercie, avait organisé une séance où nous nous étions retrouvés avec l'ensemble des parties, soit la CAP, la CIA et la SPG. Nous avions enterré, si j'ose dire, la hache de guerre, les promoteurs acceptant de stopper les travaux devant l'école, visiblement convaincus par nos arguments tant juridiques qu'urbanistiques. Parallèlement, les travaux pouvaient continuer sur le haut du périmètre. Or, il se trouve que, malgré cet accord, les promoteurs aujourd'hui décident de ne pas vendre à la Ville de Genève et de revenir à la charge pour construire cet immeuble.
Ce serait à notre avis un crime, je pèse mes mots, d'imposer cet urbanisme insensé des années 80 à la population, notamment à la population enfantine de ce quartier qui est assez importante. Nous déposons donc ce projet d'expropriation, comme nous l'avions fait d'ailleurs à Meyrin pour faciliter l'accès des enfants à l'école. Notre but est de faire en sorte que les promoteurs respectent la parole qu'ils nous avaient donnée, que la Ville de Genève puisse acquérir la surface incriminée et que les enfants bénéficient d'un dégagement dans le préau qu'ils utilisent chaque jour.
M. John Dupraz (R). Je dois dire que... (L'orateur est interpellé par M. Brunier.) Oh, écoute, le gringalet, tu dureras certainement moins longtemps que moi, tu es tellement minable...
Après avoir écouté attentivement M. Pagani, nous prenons acte de son projet, mais il faut dire que ce n'est pas nous qui avons élaboré le projet des Charmilles. A ma connaissance, c'est M. Grobet. Alors, Mesdames et Messieurs, au lieu de sauter en l'air en parlant des abus des années 80, il faut vous en prendre à votre collègue de groupe et pas à qui que ce soit d'autre. Vous êtes responsables de ce qui se fait là-bas, je trouve donc un peu facile maintenant de hurler au loup, de dire que c'est un scandale, un crime. Ce quartier est peut-être un peu surdensifié et nous examinerons votre projet de loi en commission. Mais je rappelle que les gens ont des droits et qu'exproprier a un coût. Il faudra payer et vous porterez le chapeau!
M. Dominique Hausser (S). Soit le 25 mai, soit le 25 août 1987, devant la commission du Conseil municipal qui examinait le plan d'aménagement de cette zone, M. Grobet signalait qu'après le vote de modification de zone par le Grand Conseil les architectes avaient proposé un projet s'éloignant passablement des lignes directrices édictées par son département. Au départ, il avait été prévu 1 200 logements, chiffre jugé excessif par le DTP, et un nouveau projet avait été élaboré. La maquette avait été présentée à la commission qui examinait cet objet.
Plusieurs d'entre nous, dans cette salle, participaient au débat du Conseil municipal du 8 septembre 1987 qui avait abouti au refus du plan d'aménagement proposé par le DTP. Le résultat des votes montrait des alliances pour le moins surprenantes, puisqu'il y avait pratiquement plus d'abstentions que de oui ou de non : je crois que le résultat était 4 oui, 4 non et 7 abstentions. C'est dire qu'un certain nombre d'entre nous étaient partagés sur cette proposition du DTP, qui ne correspondait évidemment pas à ce que nous souhaitions dans ce quartier.
Comme l'a expliqué tout à l'heure M. Pagani, nous sommes aujourd'hui obligés de déposer ce projet de loi, pour essayer de faire aboutir les négociations entamées il y a quelques mois. En effet, visiblement, l'un des partenaires, l'un des négociateurs autour de la table envisage de ne pas respecter la parole donnée et c'est pourquoi il est nécessaire de proposer l'expropriation de ce terrain. En l'occurrence, je rappelle que, si l'argumentaire du Conseil d'Etat en 1987 était basé essentiellement sur la pénurie de logements, aujourd'hui les deux derniers bâtiments qui restent à construire sont des bâtiments administratifs qui, évidemment, ne répondront en aucun cas à la pénurie du logement actuelle.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande non seulement de renvoyer ce projet en commission, mais de l'accueillir favorablement, de manière à ce que nous puissions limiter le désastre dans ce quartier. Je le répète : il s'agit là de bâtiments administratifs et non de logements.
M. Olivier Vaucher (L). Je serai très bref. M. Pagani tout à l'heure parlait de crime : je ne sais pas s'il pensait à son projet de loi ou à d'autres faits qu'il a évoqués de manière, une fois de plus, particulièrement erronée! Le projet de loi en question vise un projet, comme certains préopinants l'ont dit, qui avait été autorisé par le département présidé à l'époque par M. Grobet! Des négociations ont abouti au projet face auquel nous nous trouvons aujourd'hui. Aussi, Mesdames et Messieurs, il me semble que présenter ce projet de loi revient à se retourner contre soi-même!
D'autre part, permettez-moi de vous dire que déposer un tel projet de loi pour faire aboutir des soi-disant négociations est plus proche des méthodes dictatoriales que des méthodes dignes de gens qui se réclament de la démocratie. Pour ma part, j'espère qu'avant l'étude de ce projet de loi les parties en cause auront pu trouver un terrain d'entente.
Pour amener des gens à la table de négociations, il me semble qu'il existe des moyens plus directs et plus démocratiques que celui-ci. En tout cas, une chose est certaine, c'est que notre groupe, quelles que soient les discussions en commission, s'opposera à toute forme d'expropriation. En effet, l'expropriation est vraiment le moyen ultime, extrême de parvenir à obtenir quelque chose et le groupe libéral s'oppose bien sûr à toute manipulation de ce type.
La présidente. Je passe la parole à M. Grobet, qui estime avoir été mis en cause... (Protestations.)
M. Christian Grobet (AdG). Mesdames et Messieurs, je n'entends pas assumer des décisions que je n'ai pas prises et chaque fois que, notamment sur les bancs de la droite, vous m'imputerez des décisions qui ont été prises à la majorité du Conseil d'Etat par vos amis politiques, je les contesterai! (Exclamations. Chahut.) Taisez-vous, Monsieur Blanc! Je peux prouver...
La présidente. Monsieur Dupraz et Monsieur Blanc, on se calme et on s'organise, et on se tait! (Invectives.) Cela suffit, Monsieur Dupraz, laissez parler M. Grobet!
M. Christian Grobet. Le département des travaux publics avait à l'époque mis au point un projet portant sur 600 logements, vous le savez. Ce sont les promoteurs qui ont voulu réaliser 1 500, puis 1 200 logements. Je peux vous montrer l'article de la «Tribune de Genève» qui expliquait que M. Wellhauser - et la délégation du logement - s'était saisi du dossier et avait demandé au Conseil d'Etat de fixer à 1 200 le nombre de logements, ramené ensuite à 900 par le Conseil d'Etat. En l'occurrence, c'est une décision qui a été prise par le Conseil d'Etat, par la majorité de droite de ce Conseil!
La présidente. Ce projet de loi est renvoyé... (Protestations.) Je passe la parole à M. Blanc.
Une voix. Oui, il a le droit à la parole!
M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, j'ai en effet encore droit à la parole et je ne vais pas m'en priver!
Si, pour ma part, ce projet de loi me fait bien rigoler, il ne fait pas rigoler les partenaires de cette opération et notamment les partenaires institutionnels, qui ont pris des engagements les uns par rapport aux autres. Les trois caisses de pension ne rigolent pas : un directeur de caisse de pension m'a téléphoné cet après-midi pour me dire son inquiétude. En effet, si, par le vote de ce projet de loi, l'ensemble de l'opération flanche, les caisses de pension devront partager la casse avec les promoteurs que vous prétendez exproprier.
J'en viens à ce que nous dit M. Grobet - qui va ensuite, sans doute, vous redemander la parole, Madame la présidente, parce qu'il aura été mis en cause... En l'occurrence, il a été tout-puissant pendant douze ans et quand il dit que le projet Charmilles était une décision du Conseil d'Etat, je rappellerai - j'étais déjà député en 1985 - que le Conseil d'Etat, la plupart du temps, n'était pas au courant des projets que M. Grobet présentait. Il est vrai que le Conseil d'Etat fonctionnait mal : quand Grobet présentait ses projets, les autres pensaient aux leurs et laissaient passer. Ensuite, nous voyions arriver des projets du Conseil d'Etat qui n'étaient en fait que des projets Grobet.
Pour ce qui est des dates figurant dans l'exposé des motifs du présent projet, elles sont rigolotes, car ce sont toutes des dates de la toute-puissance de Grobet. Il était d'ailleurs tellement puissant que la presse, à l'époque, l'appelait «Son Excellence» : on savait qu'en matière d'aménagement du territoire, en matière d'urbanisme, seule sa parole faisait foi, lui seul avait le pouvoir. C'était bien connu, à tel point, Madame la présidente, qu'au début des années 90, quand cela a commencé à dépasser les bornes, le Conseil d'Etat a proposé au Grand Conseil un projet de loi pour limiter les pouvoirs du chef du département des travaux publics! Cela s'est passé au début des années 90, juste à la fin du règne de Son Excellence!
Pour ma part, je me souviens évidemment de l'époque où ce projet a pris forme. Il y a bien eu une levée de boucliers dans la République, mais c'est Grobet qui patronnait ce projet... Il y a eu notamment un conflit avec le Conseil municipal de la Ville de Genève à qui Grobet voulait imposer ce projet : tout le monde s'en étonnait, tout le monde trouvait le projet surdimensionné, mais en fait, l'oracle ayant parlé, tout le monde s'est incliné, malheureusement.
Aujourd'hui, malheureusement aussi, les partenaires ont pris des engagements les uns vis-à-vis des autres et ce projet ne peut pas être remis en cause unilatéralement, parce que tout le monde va y perdre, y compris l'Etat. J'ai reçu plusieurs coups de téléphone, cet après-midi encore, de responsables des caisses de pension CAP, CIA et CEH, qui me disaient que, si nous laissions passer un tel projet de loi, cela allait leur coûter un paquet. Or, qui va payer cas échéant ? Ce sont évidemment les travailleurs de l'Etat, de la Ville et des communes - que par ailleurs vous prétendez défendre - puisque ce sont leurs caisses de retraite qui vont passer à la caisse.
Nous allons renvoyer ce projet en commission d'aménagement, mais permettez-moi quand même de souligner qu'il n'est que le résultat de la politique impérialiste du conseiller d'Etat de l'époque. Si ce dernier avait été un peu plus raisonnable, son esclave Pagani ne serait pas obligé aujourd'hui de présenter un tel projet!
M. Laurent Moutinot. Pour compléter l'historique de ce dossier, permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, de revenir sur les derniers mois. A partir du moment où il est devenu évident que l'on ne pouvait admettre la construction devant l'école, j'ai réuni l'ensemble des partenaires, c'est-à-dire les promoteurs, la Ville de Genève et les habitants. A cette occasion, nous nous sommes mis d'accord sur deux choses : les travaux pouvaient continuer pour le surplus, mais ils étaient suspendus devant l'école, et une procédure d'arbitrage quant au dédommagement qu'impliquait la suspension de travaux était mise sur pied. Je pensais que le problème était ainsi réglé et que l'indemnité due aux promoteurs serait arbitrée sans autre difficulté, de sorte que la Ville deviendrait propriétaire de ces droits à bâtir qu'elle utiliserait ou non.
J'ai appris récemment que telle n'était pas la vision des promoteurs, alors même que les propos qui avaient été échangés dans les bureaux du département étaient clairs. Dès lors, j'ai dû modifier ma position et faire savoir aux promoteurs que le chantier ne devait pas continuer, indépendamment de cet accord et sur décision de ma part.
Aujourd'hui, je constate que ce projet de loi résulte du fait que l'accord intervenu au milieu du printemps n'est plus respecté, et que c'est l'une des méthodes les plus sûres pour éviter, indépendamment de l'historique du dossier, que cette école ne se trouve cernée par quatre bâtiments. Ce que je dis là, je le dis en accord avec le département de l'instruction publique. En effet, sur le fond, non seulement les habitants du quartier manifestent, à raison, qu'ils ne peuvent pas supporter une densification supplémentaire, mais surtout on ne peut pas imposer aux enfants - qui n'étaient pas là en 1987, au Conseil municipal, ni à d'autres dates au Conseil d'Etat - de se retrouver dans une école qui ressemble à un camp retranché! Ce n'est tout simplement pas tolérable.
Je prends donc, selon mes compétences, les décisions qu'il faut pour éviter cela. Votre Grand Conseil, quant à lui, est saisi, selon ses compétences, d'un projet lui permettant de participer à éviter cette erreur urbanistique majeure. Vous avez, par conséquent, à prendre également position sur ce dossier. Je crois que votre soutien à ce projet de loi aura l'avantage de permettre aux négociations de se poursuivre.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.