République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 février 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 5e session - 9e séance -autres séances de la session
No 9/II
Vendredi 16 février 2001,
nuit
La séance est ouverte à 20 h 30.
Assistent à la séance : Mme et MM. Carlo Lamprecht, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Micheline Calmy-Rey, Guy-Olivier Segond et Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Jean-Pierre Gardiol, Alexandra Gobet, Yvonne Humbert et Pierre Meyll, députés.
3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
M. Luc Gilly (AG). Madame la présidente, j'aimerais, avant de reprendre le débat sur le restoroute de Bardonnex, qu'on donne lecture de la lettre d'Attac-Genève et de l'Association suisse des amis du Monde diplomatique qui vous a été adressée. Cela mettra un peu de baume au débat terre à terre que nous avons ce soir !
La présidente. Si je comprends bien, cette lettre n'a rien à voir avec le débat sur le restoroute que nous allons reprendre maintenant...
M. Luc Gilly. Non, mais j'en demande la lecture. Elle a été adressée le 10 février au Grand Conseil, à Berne et au canton des Grisons et il me semble que c'est encore d'actualité...
La présidente. Cette demande étant appuyée, M. le secrétaire va procéder à cette lecture...
M. Olivier Vaucher (L). Madame la présidente, je vous serais reconnaissant de bien vouloir, comme vous me l'aviez promis hier, faire lire la résolution de la commune de Bardonnex, comme celle-ci le souhaitait.
Mme Myriam Sormanni-Lonfat(HP). Je demande la lecture de la lettre que j'ai adressée le jeudi 13 février à la présidence du Grand Conseil, ainsi qu'aux députés. (C1307)
La présidente. Cette demande est-elle appuyée ?... Bien, Monsieur le secrétaire, veuillez lire ces lettres.
attac 1
2
3
bardonnex 1
2
. .
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Suite du premier débat
M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais tout d'abord répondre à M. Koechlin, suite à son intervention de tout à l'heure. Chaque fois que la gauche et les Verts osent critiquer tant soit peu un projet, vous vous enflammez immédiatement, Monsieur Koechlin, mais c'est normal : vous faites partie des milieux de la construction qui sont favorables à bétonner notre canton d'un bout à l'autre ! Vous avez évoqué quelques projets où nous nous sommes non pas opposés fondamentalement, mais où nous avons proposé des variantes. Evidemment, vous avez oublié - mais cela vous a été rappelé tout à l'heure - un projet qui tenait tout particulièrement à coeur à la droite, à savoir la traversée de la rade, où nous avons été abreuvés pendant des années de vos insultes, où vous nous avez flanqué en pleine figure tout ce que vous pouviez, nous accusant de combattre l'intérêt de Genève... (Brouhaha. Commentaires de M. Dupraz.) Mais le peuple a tranché, Monsieur Dupraz, ne vous en déplaise !
M. Koechlin a également cité la place des Nations, le parking de la place Neuve... Or, je vous le dis, Monsieur Koechlin, car j'ai aussi beaucoup de respect à votre égard : vous avez fait preuve de beaucoup d'impudence. En effet, quand le peuple tranche - c'est une leçon que j'ai apprise comme jeune politicien - il a toujours raison ! Il nous donne tort à vous comme à nous, chacun à notre tour : ayons donc l'humilité d'accepter le verdict populaire ! Aujourd'hui, vous nous reprochez le fait que le peuple ait rejeté le parking de la place Neuve, l'aménagement grotesque de la place des Nations et d'autres projets, comme le parking de l'Alhambra ou la traversée de la rade... Mais vous aussi, vous contestez des projets, cher Monsieur : n'oubliez pas votre référendum contre le parking du Port-Noir, n'oubliez pas le référendum que vous allez très certainement lancer contre le Musée d'ethnographie, n'oubliez pas les blocages que vous provoquez sur tous les projets de transports publics, sur tous les projets de création de zones piétonnes, où nous sommes une des villes les plus à la traîne en Europe. En l'occurrence, vous n'avez vraiment pas de leçon à nous donner !
Je rappellerai ici que nous sommes pour des réalisations réalistes, qui s'intègrent dans une politique de développement durable... (L'orateur est interpellé.) Attendez, Monsieur Dupraz, j'aurai l'occasion de vous répondre tout à l'heure ! Vous le savez, Monsieur Koechlin, nous n'avons en rien bloqué la situation à Genève ; Genève est une des villes où on a le plus construit en Suisse ces dernières années, probablement trop, compte tenu de ce qui s'est passé en matière de spéculation immobilière. Nous savons, quant à nous, que les citoyennes et les citoyens de ce canton ne sont pas d'accord que l'on bétonne le canton de Chancy jusqu'à Hermance et que l'on sacrifie les espaces verts de notre canton quand ce n'est pas indispensable.
Dans le cas présent, la question est de savoir si cette plate-forme autoroutière peut être réalisée en zone à bâtir ou non. Monsieur Dethurens, quand vous dites - je ne crois pas trahir vos propos - que les préoccupations écologiques que nous évoquons sont dépassées, vous m'effrayez. En effet, aujourd'hui notre planète continue dans une voie qui la conduit à sa perte. Si nous ne comprenons pas que nous devons respecter un certain nombre de principes environnementaux, demain l'humanité est finie ! Ce qui est en train de se passer est dramatique et c'est le moment où jamais de comprendre que les principes de la protection de l'environnement doivent être appliqués, si nous voulons laisser aux générations futures une planète qui soit encore vivable. A cet égard, un des actes fondamentaux de notre pays a été l'adoption - non sans mal il faut bien le dire, car du côté de la droite on n'était pas très enthousiaste - d'une loi fédérale sur l'aménagement du territoire qui, bien qu'un peu minimaliste, fixe au moins un principe fondamental, à savoir qu'il y a des zones à bâtir et qu'à moins de ne pas pouvoir faire autrement on essaie de ne pas toucher à la zone agricole.
Cela m'amène à rappeler les débats que nous avons eus dans ce Grand Conseil il y a vingt ans sur l'autoroute de contournement. Je constate qu'aujourd'hui, sur les bancs d'en face, on se montre plus rétrogrades qu'il y a vingt ans et je trouve cela épouvantable compte tenu de l'évolution que l'on constate au détriment de l'environnement. Je rappellerai que dans ce Conseil, et je suis heureux que M. Dupraz soit là, car j'avais peur tout à l'heure d'intervenir à un moment où il n'était pas là... (Exclamations et brouhaha.) En effet, lui se souviendra qu'en 1979 les agriculteurs des partis de l'Entente sont intervenus, au moment où le Grand Conseil a voté le tracé de l'autoroute, pour dire que cela devait être la dernière grosse emprise sur la zone agricole. Vous vous souviendrez, Monsieur Dupraz, que les députés agriculteurs avaient déposé une motion disant que l'autoroute ne devait pas être le prétexte à une urbanisation le long de cette autoroute. Vous vous souviendrez également, Monsieur Dupraz, et c'était tout à votre honneur, que vous avez approché, après le vote populaire, celui qui avait repris le département des travaux publics, pour lui demander de modifier la branche de l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates, d'abandonner l'évitement par le sud d'Arare et de prévoir le passage par le vallon des Vaulx.
Il a fallu dix ans, Monsieur, vous vous en souvenez, pour que votre idée, que vous défendiez devant le département des travaux publics en tant que représentant de la Chambre d'agriculture, soit concrétisée. Cette idée visait à sauver six hectares de terre agricole et une zone de grande qualité : je constate qu'aujourd'hui on est prêt à sacrifier quatre hectares et demi de zone agricole pour créer ce relais autoroutier ! C'est dire que l'effort qui a été fait à l'époque pour passer par le vallon des Vaulx, et qui a coûté beaucoup d'argent, est tout simplement réduit à néant par ce projet-ci.
Ici, j'aimerais dire à M. Barthassat qu'en tant que représentant de la commune de Bardonnex il a un sacré culot ! En effet, quand je dirigeais le département des travaux publics, qui donc est venu me harceler... (Exclamations.) ...pour minimaliser les emprises de l'autoroute sur le territoire de la commune de Bardonnex ? C'étaient les autorités communales de Bardonnex, plus une association de citoyens. Je les avais soutenus à l'époque, en faisant front à la Confédération quant à la taille du parking que celle-ci voulait réaliser sur l'aire douanière de Bardonnex et qui était, à mon avis, totalement surdimensionné. Je dois dire qu'aujourd'hui, après tous les combats que vous avez menés dans l'intérêt des citoyennes et des citoyens de votre commune, vous ne manquez pas d'audace en demandant le contraire de ce que vous demandiez il y a vingt ans ! Et pourquoi demandez-vous le contraire ? Parce que la commune risque de toucher quelques retombées fiscales ! En l'espèce, baser l'aménagement du territoire sur un tel critère, déclasser du terrain parce qu'une commune va toucher quelques recettes fiscales supplémentaires, signifie la mort de l'aménagement du territoire ! (Applaudissements.) Votre intervention, Monsieur, est lamentable, aussi lamentable que le vote de tout à l'heure concernant la multinationale Reuters... (Chahut.)
La présidente. Monsieur Grobet, s'il vous plaît, il vous faut conclure !
M. Christian Grobet. ...sachant que Reuters avait largement les moyens de s'installer dans une zone à bâtir et que c'est une des communes les plus riches du canton qui souhaitait voir cette société s'installer sur son territoire pour bénéficier de retombées fiscales ! Tous les habitants de cette région peuvent d'ailleurs constater à quel point cette réalisation est épouvantable au niveau de l'aménagement du territoire... (Protestations, chahut.)
La présidente. Monsieur Grobet, je vous demande de conclure !
M. Christian Grobet. Je m'arrête là, Madame la présidente, et je m'inscris pour un deuxième tour de parole tout à l'heure ! (Applaudissements et brouhaha.)
M. Nicolas Brunschwig (L). Madame la présidente, il y a un règlement du Grand Conseil que nous vous demandons d'appliquer ! M. Grobet parlera plusieurs fois s'il le veut, mais il n'y a aucune raison qu'il parle quinze minutes, alors que tous les autres députés parlent dix minutes ! Aussi, soit vous présidez, soit vous laissez votre vice-président présider, qui le fera certainement beaucoup mieux ! (Huées.)
La présidente. Monsieur Brunschwig, M. Grobet n'a pas parlé quinze minutes, il a parlé onze minutes trente. Deuxièmement, vous faisiez tellement de bruit que M. Grobet était obligé de crier et qu'il ne m'entendait pas ! (Exclamations et brouhaha.) Je passe la parole à M. Vaucher !
M. Olivier Vaucher (L). Madame la présidente, permettez-moi en préambule de vous rappeler votre devoir : en tant que présidente, vous devez garder la plus grande neutralité et ne pas être partisane... (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés d'en face, j'aimerais tout d'abord vous rappeler, notamment à Mme Bugnon, à M. Etienne, à Mme Frei et à M. Grobet, que vous parlez tous, de façon assez sournoise, d'une surface de 44 000 m2, alors que le projet de loi tel qui nous était soumis et sur lequel vous avez refusé d'entrer en matière, projet que la commission avait demandé au département de revoir avec la société propriétaire, porte sur 20 000 m2. Cessez donc, s'il vous plaît, de parler de 44 000 m2, alors que vous avez refusé d'entrer en matière sur 20 000 m2 !
Cela dit, la non-entrée en matière sur un projet de loi est une chose particulièrement rare, qui devient très grave lorsqu'il s'agit d'un projet de loi qui a été ratifié non seulement par la commune - dois-je vous rappeler la résolution qui a été lue tout à l'heure, lecture que j'ai dû d'ailleurs vous arracher ? - mais aussi par le Conseil d'Etat, tant précédent qu'actuel. Ce projet a fait l'objet d'un concours dont le lauréat a été largement félicité par les instances que je viens d'évoquer. De plus, je rappelle la pratique constante en Suisse relative à la construction d'aires autoroutières de ravitaillement selon laquelle un déclassement de zone n'est pas nécessaire, la procédure s'opérant par voie dérogatoire et celle-ci étant expressément prévue par le droit fédéral. J'aimerais souligner que cette pratique - M. Grobet s'en souviendra fort bien - a été largement suivie par l'ancien président du département des travaux publics, M. Grobet ici présent, lorsqu'il a procédé à l'autorisation pour la COOP !
Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de m'arrêter sur la société retenue pour réaliser ce projet... (Exclamations et brouhaha.) Forte des engagements pris par le Conseil d'Etat, elle a engagé à ce jour plus d'un million et demi pour le projet architectural qui, comme l'a relevé le rapporteur de minorité, est d'une très haute qualité. Dois-je vous rappeler que notre commission a pu constater que ce site était le seul possible pour réaliser cette aire ? La société Elf, décriée par la gauche, est un de nos plus gros contribuables, puisqu'elle figure parmi les dix premiers contribuables du canton de Genève. De plus, par cette aire, elle crée trente-deux nouveaux emplois. Bien sûr, il est notoire que, sur les bancs d'en face, l'emploi n'est pas votre plus grande priorité, vous l'avez déjà prouvé à maintes reprises... Dois-je rappeler encore que le projet Elf a fait l'objet d'une étude d'impact qui a reçu l'approbation de l'autorité fédérale et que l'enquête publique n'a provoqué que des préavis positifs, y compris celui de la Chambre genevoise d'agriculture, et n'a fait l'objet que d'un seul recours, déposé par un propriétaire éloigné de quelque 200 à 300 mètres ?
A cet égard, je relèverai que si le projet ne pouvait être réalisé sur notre territoire et en particulier sur la commune de Bardonnex, il se réaliserait assurément sur France, à quelques centaines de mètres, et que la gêne pour les voisins, en particulier les voisins du chemin des Ravières, serait donc quasiment identique.
J'aimerais aussi évoquer le titre du projet lauréat : «Genève, porte de la Suisse», avec tout ce qu'il a de porteur, puisque tout notre patrimoine agricole et rural y sera présenté. Je note en passant que le rapport de majorité - qui est un rapport, si je ne me trompe pas, de la fraction des Verts - ne pipe mot de cet aspect, de cet équipement de l'aire autoroutière. De plus, un nouveau projet nous a été soumis, fortement réduit en surface, impliquant donc des études et des coûts complémentaires, et c'est sur ce projet que la majorité de gauche a refusé d'entrer en matière. Comme l'a relevé M. le député Hausser dans la presse - alors qu'il s'oppose à ce projet, c'est assez étonnant ! - la réalisation du restoroute de Bardonnex ne coûterait pas un seul sou à la collectivité, puisqu'il est construit par des privés sur un terrain mis à disposition par un droit de superficie, et pire - ou mieux, cela dépend du côté où on se place ! - il rapporterait même un million aux caisses publiques.
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, au vu de tout ce que je viens d'évoquer, ce refus est purement inacceptable. Dois-je rappeler que celui-ci nous coûterait la bagatelle de quelque deux millions de francs de dédommagement ? Pensez-vous vraiment que nous pouvons nous permettre d'agir ainsi ? J'en doute et vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, non seulement d'entrer en matière, mais de voter ce projet de loi pour montrer notre intérêt à la société promotrice, notre intérêt aux fruits de l'agriculture, notre intérêt à un de nos plus grands contribuables, à la création de dizaines d'emplois et, enfin, à la promotion du tourisme !
M. Roger Beer (R). Beaucoup de choses ont été dites sur ce restoroute de Bardonnex et si je suis satisfait de ce débat, je suis en même temps un peu étonné. D'habitude, nous nous empoignons sur des projets qui nécessitent des engagements financiers de l'Etat - je pense au projet à Battelle qui va nous coûter 90 millions, on ne sait pas exactement pourquoi... Or, ce soir nous nous battons, nous nous disputons depuis bientôt trois heures... (Exclamations.) ...sur un projet qui ne va quasiment rien nous coûter !
J'aimerais revenir sur l'opposition entre l'Alternative majoritaire et l'Entente. On a entendu les arguments de l'Entente en faveur de ce restoroute. Je peux le dire d'emblée : le groupe radical est pour ce restoroute... (Rires.) Bon, ce n'est pas un scoop, mais que voulez-vous, on ne se refait pas ! On a entendu les représentants de l'Alternative, que ce soit l'extrême-gauche, les socialistes, les Verts, démolir le projet. Malheureusement, Mesdames et Messieurs, je n'ai pas entendu, de votre part, de proposition concrète, réaliste et positive par rapport au développement de Genève. Tout en prônant un développement durable, nous devons accepter un certain développement de Genève.
J'aimerais revenir sur l'intervention de M. Grobet. M. Grobet a une longue histoire dans ce Grand Conseil, au Conseil d'Etat, à Genève, et il nous refait l'histoire. Monsieur Grobet, vous avez bâti votre carrière politique sur l'opposition : vous vous êtes opposé à l'autoroute de contournement, cela vous a fait conseiller d'Etat, puis vous avez construit cette autoroute, brillamment d'ailleurs; j'ai déjà eu l'occasion de le souligner et même de vous féliciter pour cet ouvrage qui a coûté un milliard ! Aussi, quand vous accusez les gens de droite de bétonner Genève d'un bout à l'autre, je vous réponds que, finalement, le seul qui ait réussi cet exploit, c'est vous, avec cette autoroute ! D'ailleurs, je me souviens qu'en 1993 - c'était ma deuxième législature - vous l'avez inaugurée de façon somptueuse. Je crois que cela a coûté un million... Vous avez couru devant tout le monde, puis, malheureusement, vous vous êtes planté à l'élection au Conseil d'Etat, mais cela, c'est une autre histoire !
Monsieur Grobet, si je me permets de vous taquiner, c'est parce que vous avez participé à la construction de cet ouvrage qui a coûté un milliard et qui traverse Genève ! A l'époque, cette autoroute était trop grande. Aujourd'hui, par moments, elle est déjà saturée, et heureusement puisque c'est un trafic que M. Ferrazino, conseiller administratif de la Ville, n'aura pas besoin de faire sortir de la ville : ces voitures sont déjà à l'extérieur.
J'en viens au restoroute. Je ne comprends pas, Monsieur Etienne, que vous dénigriez l'emplacement de ce restoroute. Vous prenez la défense du monde agricole, mais, rassurez-vous, le monde agricole est relativement bien représenté chez les radicaux, qui défendent bien sûr la zone agricole, mais pas à tous crins et n'importe quand. Faire de la politique, c'est avoir des projets d'avenir et le rôle du Grand Conseil, c'est arbitrer en fonction des intérêts en présence. Or, vous êtes en train de défendre des intérêts mineurs. Je ne connais pas bien M. Hottelier, même s'il habite ma commune. Il s'agite un peu et je le trouve sympathique, mais il représente peu de chose par rapport à la nécessité de ce restoroute, au bord d'une autoroute de contournement qui a coûté un milliard et sur laquelle je ne sais combien de milliers de voitures passent.
Par ailleurs, le lieu n'est pas un lieu génial, vous l'avez dit vous-même et M. Koechlin l'a dit de façon plus théâtrale. M. Barthassat qui est agriculteur, qui connaît la terre, sait qu'elle n'est pas géniale là-bas. En l'occurrence, j'ai l'impression que vous n'êtes même pas allé sur place : ce coin est nul, ce n'est pas là-bas qu'on va développer quoi que ce soit. Le restoroute va donc amener une plus-value extrêmement importante. Bien sûr, je comprends que les deux villas craignent quelques nuisances, mais le restoroute n'entraînera pas plus de nuisances que l'autoroute et la plate-forme douanière. Et c'est là où je ne comprends pas votre discours, Mesdames et Messieurs de l'Alternative. Vraiment, cela me dépasse ! Il n'y aura pas une voiture de plus à cause de ce restoroute.
S'agissant des retombées fiscales, Monsieur Grobet, c'est vrai qu'elles ne sont pas primordiales, mais vous ne pouvez pas nier que c'est important pour les petites communes. Vous ne pouvez pas nier que cela créera des emplois dans la commune et qu'il est important que les emplois ne soient pas tous en Ville de Genève, où il n'y a plus de place.
Quant à vous, Monsieur Krebs... Il n'est pas là... Alors, Monsieur Etienne... (Rires.) ...vous vous moquez des produits agricoles, alors que cette plate-forme pourrait également être un présentoir des produits agricoles. Je ne sais pas si vous avez suivi votre magistrat, M. Cramer : il est chef du département de l'agriculture et je l'ai toujours vu en première page devant les produits agricoles, lors de la Foire de Genève ! Pour une fois, il sera au restoroute !
Mesdames et Messieurs, ce soir, vous êtes majoritaires et nous sommes vraisemblablement partis pour aller dans le mur et perdre. Mais, contrairement à ce que vous imaginez, ce restoroute n'est pas une affaire qui se résume à défendre trois familles et cinquante opposants, peu importe qui est derrière : cela doit être l'affaire des Genevois et le débat n'est pas terminé. Nous devrons discuter, au sein de l'Entente, pour trouver une solution qui nous évite d'aller dans le mur. Même si nous étions plus nombreux que vous ce soir et que le projet soit voté, vous nous joueriez l'opposition à la couleur des rideaux, à la couleur de la pompe à essence et je ne sais quoi. Aussi, il nous faudra trouver une solution qui permette à la population de s'exprimer. Le débat va donc continuer. Ce soir, nous allons voter ce projet, vous voterez contre, mais vos arguments ne m'ont vraiment pas convaincu et je me réjouis de la suite ! (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Nous vivons un grand soir : cinq ans après la traversée de la rade, la droite a enfin retrouvé un projet ! (Exclamations.) Un projet qui la fait vibrer et qui n'est pas rien, puisque, d'après ce que j'ai entendu, cela va être un des grands lieux du tourisme européen !
Une voix. Après Montélimar !
M. Christian Brunier. Après Montélimar ! Mesdames et Messieurs, au début de l'histoire de ce dossier, nous étions tous d'accord sur le principe de réaliser éventuellement, je dis bien éventuellement, une station-service sur le réseau autoroutier genevois. La différence, à l'époque déjà, entre vous et nous, c'était que nous mettions un certain nombre de conditions quant à l'implantation de cette station sur un territoire cantonal hyper restreint - je le rappelle, car vous avez l'air de l'oublier, c'est votre côté un peu impérialiste... - et déjà très urbanisé. Les socialistes avaient été, avec la gauche, le moteur d'un premier projet, celui de Blandonnet, qui n'a pas été réalisé, puisque M. Joye est arrivé au gouvernement et l'a jeté.
M. Joye a lancé immédiatement un projet pharaonique, dans une zone agricole, une belle zone verte, on l'a entendu ce soir... (Protestations.) ...de 46 000 m2. Mesdames et Messieurs, nous avons été un certain nombre à aller sur place et cette zone n'a rien à voir avec la description que vous en avez faite : la zone caillouteuse que vous décrivez n'existe pas et vous le savez très bien ! (Brouhaha.) Dès que M. Joye a énoncé les principes de son projet, le parti socialiste et la gauche genevoise ont pris une position très nette et ont refusé ce projet pharaonique. M. Joye, malgré les oppositions, s'est entêté et a fait des promesses inacceptables à la société Elf. D'ailleurs, en commission, M. Moutinot nous a fait part des échanges de courriers entre M. Joye, alors conseiller d'Etat, et la société Elf, qui nous ont révoltés et inquiétés. En effet, ces échanges ressemblaient davantage à une correspondance amicale qu'à une correspondance officielle. Ce ton complaisant est totalement inacceptable de la part d'un conseiller d'Etat. Ces engagements abusifs et irréfléchis par rapport à cette compagnie pétrolière vont coûter aujourd'hui près d'un million et demi à la collectivité publique ! (Chahut.) M. Joye et le gouvernement monocolore portent une sacrée responsabilité dans cette perte d'un million et demi, parce qu'ils ont abusé de promesses qui ne peuvent être tenues !
Dès l'arrivée de M. Moutinot au département et de la majorité de gauche au parlement, nous avons naturellement réaffirmé notre opposition à ce projet qui détruisait une zone agricole importante pour le canton. Nous avons aussi parallèlement renoncé, du moins au niveau du parti socialiste, à l'implantation à Blandonnet, qui aurait pu être une alternative, mais vu le changement de configuration de cette zone ceci n'était bien entendu plus possible... (Mugissements dans la salle.) Madame la présidente, pouvez-vous calmer l'assemblée ?
Nous avons donc cherché d'autres solutions. En commission, le parti socialiste a ainsi proposé de réaliser le restoroute sur la plate-forme douanière de Bardonnex, qui est complètement disproportionnée, d'autant plus qu'avec la ratification des bilatérales et, j'espère, le vote pour une adhésion à l'Union européenne, cette plate-forme douanière ne servira plus à rien. A notre avis, c'est la seule solution pour implanter une station-service à Genève.
En conclusion, il y avait trois possibilités. L'une était de réaliser cette station-service à Blandonnet, mais on sait que cette zone a changé depuis et que cette solution n'est plus possible. La deuxième possibilité était d'implanter le restoroute sur la plate-forme douanière, mais la position, inacceptable, de la douane nous empêche de réaliser ce projet sur cette zone, qui est immense et qui ne sert à rien. Enfin, il y a votre projet de réaliser ce restoroute dans une zone agricole et de verdure, et de sacrifier la nature et l'environnement à des intérêts économiques. Face à cela, nous avons, quant à nous, tout simplement décidé de ne pas faire de restoroute à Genève, de ne pas faire de station-service... (Brouhaha.) Je crois que ce n'est pas un drame pour Genève et je vous invite à enterrer définitivement ce projet qui est un mauvais projet ! (Applaudissements.)
M. Dominique Hausser (S). Je crois que le débat que nous vivons ce soir ressemble plus à une discussion de la camora de Naples ou de la mafia de Sicile ! (Chahut. La présidente agite la cloche.) Mon Dieu, que de salades pour bétonner, pour empester, pour nous casser les oreilles de manière permanente... Je crois que Monsieur Prix devrait faire l'effort de contrôler le prix de certaines chaussures à Genève !
Une voix. Dumas est socialiste, débrouille-toi !
M. Dominique Hausser. Oui, il est socialiste de nom, il est de la gauche caviar et il fait partie des nombreux politiciens qui sont mis en examen, parce qu'ils n'ont pas respecté le rôle qui devait être le leur... Et nous nous trouvons effectivement dans une situation extrêmement désagréable !
Mesdames et Messieurs, en 1995, le gouvernement était prêt à négocier, sous forme de dérogation, un projet avec une société dont le directeur des affaires dites générales est aujourd'hui en situation difficile, après quelques années de fuite... Ce point me semble quand même assez important pour ne pas discuter de manière purement locale, pour ne pas accepter, sous prétexte de développer quelques emplois, une potentielle activité économique pour le canton... (Brouhaha. Claquements de pupitre.)
La présidente. Monsieur Serex, Monsieur Vaucher, s'il vous plaît !
M. Dominique Hausser. ...pour ne pas accepter le massacre d'un espace vert supplémentaire qui n'a aucune raison d'être !
Mesdames et Messieurs, vous prétendez que la gauche s'oppose à tout développement de Genève. Je peux vous dire que c'est faux : nous savons parfaitement choisir. Croyez-vous que, sans la gauche, l'extension de Palexpo existerait ? (Exclamations.) La réponse est non ! Or, Mesdames et Messieurs, cette extension a une envergure beaucoup plus importante pour l'avenir de la Genève internationale qu'une vulgaire station-service à la frontière !
M. John Dupraz (R). Une panne de train m'a empêché de suivre le début des débats... (Exclamations et rires.)
Une voix. Vive l'automobile !
M. John Dupraz. Non, moi je suis un écolo praticien ! Je prends les transports publics qui, en l'occurrence, étaient en panne durant une heure et demie à Fribourg. C'est pourquoi je n'ai pas pu participer au début de ce débat, et je le regrette !
Cela dit, j'ai écouté avec intérêt l'intervention de M. Grobet notamment. M. Grobet, tout comme moi, a beaucoup de défauts...(Exclamations et rires.) mais il a eu une grande qualité lorsqu'il était conseiller d'Etat. Je vous rappelle que c'était la haute conjoncture, qu'un certain nombre de gens dans ce canton auraient même bétonné le Jet d'eau et qu'il a su faire preuve de rigueur et imposer des restrictions. Cette rigueur, pour beaucoup, était d'ailleurs excessive et certains, à l'époque, m'accusaient même d'être son complice, en disant que la Chambre d'agriculture et son président Dupraz s'opposaient à tout déclassement et ne voulaient rien faire ! C'était de bonne guerre. Comme disait ma grand-mère, on ne jette des pierres qu'aux arbres qui portent des fruits !
A cette époque difficile, si M. Grobet était un opposant acharné de l'autoroute en sa qualité de député, la Chambre d'agriculture elle-même avait déclaré que c'était la dernière concession qu'on pouvait faire quant à l'empiétement sur la zone agricole. Lorsque M. Grobet est arrivé au pouvoir au Conseil d'Etat, je l'ai approché au sujet de l'évitement de Plan-les-Ouates - évitement que nous avions voté mais que je n'avais pas soutenu, car j'étais pour le tracé du vallon des Vaulx, qui a finalement été réalisé. Je lui ai fait aimablement remarquer qu'à mon sens on avait fait une erreur. Il m'a répondu : «C'est vrai, on était absorbé par la presqu'île de Loëx et ce qu'on a décidé là n'est peut-être pas très bien. Allez, on recommence tout, on repart de zéro, on réalise le vallon des Vaulx !»
A l'époque, nous étions les deux seuls contre tous, puis nous avons travaillé et convaincu ce parlement et l'autorité fédérale. Aujourd'hui, je prends pratiquement tous les jours cette bretelle d'autoroute pour aller en ville, bretelle qu'on pourrait appeler la bretelle Grobet-Dupraz ou Dupraz-Grobet... (Exclamations.) Il faut reconnaître que cette réalisation est bien intégrée dans le site et que, si M. Grobet était un ardent opposant en sa qualité de député - il avait rédigé le rapport de minorité contre l'autoroute - il l'a réalisée avec maestria, en maîtrisant notamment les oppositions. A ce jour, je n'ai encore jamais entendu un habitant se plaindre des perturbations que pourrait causer l'autoroute, je n'ai encore vu aucune organisation de protection de la nature soutenir qu'elle ne s'intègre pas dans le paysage. A cet égard, je voudrais rendre hommage à M. Matthey, l'ancien chef du Service des forêts, du paysage, de la chasse et de la pêche à l'époque, qui a fait un travail remarquable pour l'intégration de cette autoroute.
Bien. J'en viens au projet de restoroute. Il est vrai que, si on s'en tenait rigoureusement à des considérations de principe, à savoir aucun empiétement sur la zone agricole, il faudrait refuser cette réalisation. Mais, Monsieur Grobet, en ce qui concerne la renaturation de l'Aire à Lully, qui empiète sur vingt à quarante hectares de zone agricole, je ne vous ai pas entendu ! Or, c'est là un empiétement que j'ai aussi de la peine à comprendre, d'autant que l'on veut renaturer une rivière où il n'y a pas d'eau les trois quarts de l'année !
En fait, la construction de ce restoroute est imposée par sa destination et n'est pas soumise à la législation cantonale, en droit. Et si je pense que M. Moutinot a été raisonnable de déposer ce projet de loi, je regrette, Mesdames et Messieurs, qu'en commission vous ne soyez pas entrés en matière et que la gauche majoritaire n'ait pas suivi son magistrat sur un projet peut-être plus restreint. Il est quand même dommage que, pour des questions de dogme, on refuse ce restoroute, qui pourrait être la porte de Genève et de la Suisse, où nous pourrions présenter nos produits, les produits agricoles, les produits de l'industrie genevoise, dont nous pourrions faire un lieu de communication et d'échange. J'ai de la peine à admettre ce refus, parce que même la Chambre d'agriculture a accepté le projet, à condition que les produits agricoles soient présentés.
Enfin, je suis assez catastrophé, Madame la présidente, par les interventions de votre ancien président de parti et de votre président actuel : je dois dire que vous méritez mieux que cela ! Il est regrettable qu'on soit incapable de dialoguer et de trouver une solution de compromis. J'ai connu un temps où le parti socialiste appuyait ses magistrats. Je constate que, maintenant, il se confine dans un rôle d'opposition systématique et destructeur. Si vraiment on continue dans cette voie, on va faire de Genève un village gaulois où il n'y aura bientôt plus que deux ou trois paysans, vieux barbons comme moi !
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet est raisonnable et nous le voterons. Je regrette qu'en commission la gauche ait fait preuve d'absolutisme et de dogmatisme, contre l'avis de son propre magistrat.
M. René Koechlin (L). Au préalable, je voudrais apporter une rectification à ce qu'a déclaré tout à l'heure M. Grobet, dont la mauvaise foi, en l'occurrence, n'a d'égal que sa verve et les décibels qui émanent de son discours... (Commentaires.) Voulez-vous que nous nous confrontions avec un décibelomètre ?
Contrairement à ce qu'il a déclaré tout à l'heure, le parking de l'Alhambra a fait l'objet d'un vote populaire et a été plébiscité par le souverain !
M. Christian Grobet. L'Alhambra ? Vous êtes amnésique !
M. René Koechlin. Oui, parfaitement ! Il s'agissait d'un contre-projet cantonal qui a été voté par le peuple ; et c'est la Ville qui n'a pas donné suite ! C'est vous qui êtes amnésique !
Deuxièmement, nous n'avons pas lancé un référendum contre le parking de Genève-Plage, mais contre les amendements pendables proposés par les Verts et soutenus par la gauche. Voilà pour la rectification !
M. Grobet, ensuite, a évoqué les principes de protection de l'environnement. Nous adhérons tous à ces principes, naturellement, tant qu'on en reste aux principes, évidemment ! En l'occurrence, ce sont de grands principes en regard d'une bien modeste aire autoroutière, et c'est une modeste aire autoroutière en regard de la grande, de l'immense autoroute de contournement que nous avons réalisée dans ce canton et dont M. Grobet, à son corps défendant il est vrai, a dirigé les travaux alors qu'il était chef du département des travaux publics. Cet ouvrage résultait, lui aussi, d'un vote populaire, vous vous en souvenez, vous ne le contestez pas ? C'était un référendum et le peuple a donné raison au Grand Conseil.
Le peuple est souverain, c'est une évidence. Alors, soumettons-lui ce projet et nous verrons bien ! Mais vous savez qu'en le refusant ce soir vous échapperez à ce verdict, puisque, lorsque l'on refuse un projet, il n'est tout simplement pas soumis au peuple. Le tour est joué : on refuse le projet et le peuple n'a pas à se prononcer ! Belle leçon de démocratie ! Mais rassurez-vous, nous reviendrons devant ce Grand Conseil avec un nouveau projet de loi. Dans un an, alors que nous aurons, comme il se doit, repris la majorité, nous le voterons ; vous lancerez alors un référendum et là, enfin, le peuple pourra se prononcer et tout rentrera dans l'ordre. Mais, Mesdames et Messieurs, à ce moment-là il sera probablement et même certainement trop tard, parce que nos voisins français auront réalisé l'aire autoroutière que ce soir vous refusez. Ils l'auront réalisée à quelques encablures du site que vous voulez protéger, de sorte que, du point de vue de la sauvegarde de l'environnement, vous n'aurez rien gagné, sinon peut-être un projet qui architecturalement parlant sera moins bon, et nous n'aurons alors que les yeux pour pleurer !
Enfin, Madame la présidente, permettez-moi de montrer à ce Grand Conseil que, dans bien des cas, l'automobile et l'agriculture sont conciliables ! (M. Koechlin montre deux pages de journal où figurent côte à côte une automobile et une vache. Rires et exclamations.)
La présidente. Bien ! Monsieur le député Grobet, par souci d'équité, si vous êtes d'accord, vous ne prendrez la parole que durant huit minutes et demie, ainsi la droite sera contente...
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais tout d'abord dire à M. Koechlin que nous avons tous des pertes de mémoire. Vous êtes donc parfaitement excusable, Monsieur, d'avoir oublié que l'initiative cantonale de M. de Tolédo et des commerçants du centre-ville demandant la construction d'un parking à l'Alhambra a été massivement rejetée par le peuple, ad acta.
Ensuite, j'ai été très sensible aux propos de M. Dupraz. Je ne l'en remercierai pas, mais je dirai qu'il a été une des personnes qui a le plus soutenu le chef du département des travaux publics à l'époque pour réaliser l'autoroute de contournement.
Par contre, je remercierai de tout coeur M. Beer. En effet, je m'identifiais peut-être un peu abusivement à l'inspecteur Colombo, mais il est vrai que, depuis environ vingt-trois ans, je me demandais comment j'avais réussi ce tour de force d'être élu au Conseil d'Etat avec cent vingt-deux voix d'avance sur M. Werner! Je vous remercie, Monsieur Beer, de me l'avoir enfin fait découvrir, je dois dire que je n'y avais pas pensé : c'est grâce à une cinglante défaite en votation populaire que j'ai réussi à être élu au Conseil d'Etat ! En effet, en tant que modeste représentant de mon parti à l'époque, je faisais partie de celles et ceux qui étaient opposés au projet d'autoroute, parce que nous considérions qu'il était mal intégré. Cela étant, Monsieur Koechlin, il est évident que j'ai toujours été respectueux de la décision populaire. C'est un fondement de notre démocratie, je l'ai dit tout à l'heure, le peuple a toujours raison. Dès lors, une fois élu au Conseil d'Etat, je n'y suis bien entendu pas allé à la retirette : je me suis fait un point d'honneur à réaliser cette autoroute dans des délais extrêmement rapides. Nous avons ainsi réussi, avec toute une équipe, à réaliser un ouvrage qui était bien intégré et qui était fort différent de celui qui avait été soumis en votation populaire.
Pour le reste, je suis resté fidèle à ce que le Grand Conseil a voulu en 1979, à savoir limiter les emprises agricoles. Aussi, quand la question a été posée au Conseil d'Etat s'agissant de réaliser le relais autoroutier, j'ai bien évidemment cherché un site en zone à bâtir. Ce site a été trouvé à Blandonnet, il a été retenu par le Conseil d'Etat et nous avons pris les dispositions pour qu'il puisse accueillir un relais autoroutier. On a réalisé le passage sous voie de la ligne de chemin de fer, on a prévu l'hôtel à l'arrière de la zone de Blandonnet et, contrairement à ce que Mme Bugnon a déclaré tout à l'heure - mais elle est tout à fait excusable, compte tenu du nombre de contrevérités qui ont été avancées au sujet de ce dossier - l'autorité fédérale n'a jamais refusé cette implantation. Au contraire, l'autorité fédérale a accepté le site de Blandonnet, avec les accès, et c'est sur la base de l'approbation du Conseil fédéral que le projet a été mis au point et accepté par le Conseil d'Etat.
Ici, puisque certains aiment bien parler de blocages, cela ne me gêne pas du tout de dire, n'étant plus au Conseil d'Etat, que c'est mon ancien collègue M. Jean-Philippe Maitre qui est intervenu pour demander que ce projet soit bloqué pendant cinq ans. En effet, il était prévu au départ que l'hôtel serait un hôtel deux étoiles pour les touristes de passage qui n'ont pas l'habitude de fréquenter les palaces genevois à quatre étoiles. Mais les palaces genevois se sont mobilisés contre cet hôtel deux étoiles et M. Maitre a obtenu que la majorité du Conseil d'Etat décide de bloquer le dossier pendant cinq ans. Aussi, lorsque M. Dessimoz parle de blocages, il faut savoir que, oui effectivement, la droite a bloqué ce projet !
Finalement, celui-ci était prêt à être réalisé, il n'y avait pas de problème, mais M. Joye est arrivé au Conseil d'Etat et il n'a pas voulu le réaliser sur ce site, qui ne lui paraissait pas assez prestigieux. Il a voulu le réaliser à Versoix, ce qui a été refusé par l'autorité fédérale, parce qu'il n'y avait pas la distance nécessaire par rapport à la station-service de Rolle, et c'est ce qui l'a amené ensuite à choisir le site de Bardonnex.
Pour ma part, je regrette profondément que le site de Blandonnet ait été abandonné. Il était le plus rentable économiquement, au niveau de l'emplacement de la station-service, au niveau de l'hôtel qui pouvait fonctionner toute l'année et qui était relié à la fois à l'autoroute et à la route de Pré-Bois. Je regrette de devoir le dire au nouveau Conseil d'Etat, parce que personnellement j'étais favorable, et l'Alliance de gauche est favorable, à la réalisation d'un restoroute, mais dans une zone à bâtir. Je regrette notamment que le Conseil d'Etat ait prévu des voies d'accès et de sortie de l'autoroute qui, aujourd'hui, empêchent toute réalisation à Blandonnet, et qu'il l'ait fait d'une manière illégale, puisque la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur les routes n'a pas été respectée et que les projets d'accès n'ont pas été soumis à l'approbation de ce Grand Conseil. J'estime que, là, une grave faute politique a été commise, car c'était une solution de rechange.
A cet égard, Monsieur Koechlin, quand vous dites que nous n'avons pas proposé de projet, c'est faux et vous le savez, puisque nous avons déposé, il y a déjà trois ans, un projet de loi visant à réaliser le relais autoroutier à Blandonnet. Alors, ne dites pas que nous n'avons pas fait de proposition. Nous avons fait une proposition concrète qui était parfaitement réalisable... (Commentaires.) Il est vrai qu'entre-temps l'Office fédéral des routes a rendu sa décision. Mais, par expérience, je sais que les responsables de l'office sont très compréhensifs : quand on leur demande d'accepter quelque chose, ils l'acceptent, et si on leur demande ensuite de refuser, ils le font également... (Exclamations.) Parfaitement ! Et je sais très bien comment la décision a été prise, à Berne, de refuser la réalisation du restoroute à Blandonnet, qui entre parenthèses, pour parler fiscalité, Monsieur Beer, se trouve sur la commune de Vernier ! J'ai compris que, bien que vous soyez le responsable des espaces verts de la Ville de Genève, votre préoccupation n'est en tout cas pas de préserver les espaces verts dans le canton, ce qui est assez paradoxal ! (Brouhaha.) Mais, à part cela, je constate que vous avez surtout besoin d'une leçon de géographie ! En effet, en tant que directeur à la Ville de Genève, vous devriez quand même savoir que l'autoroute de contournement ne passe pas sur le territoire de la Ville et qu'il n'y aurait donc jamais eu de retombées fiscales pour la Ville de Genève ! Là, je vous donne un zéro de géographie ! Les éventuelles retombées fiscales auraient été pour la commune de Vernier, qui est une des plus défavorisées du canton sur le plan fiscal. Voilà ce qu'il en est de la fiscalité, mais malheureusement ce projet a été refusé.
Pour ma part, je dis simplement que les choses évoluent. Il y a dix ans, il aurait été impensable, par exemple, de prévoir l'extension de Palexpo par-dessus l'autoroute, elle aurait été refusée par Berne. Aujourd'hui, Monsieur Moutinot, je sais que l'autorité fédérale aurait accepté le restoroute à Vernier si le canton avait vraiment voulu le faire à cet endroit-là. Et je dis que le Conseil d'Etat a fait une faute politique en renonçant au site de Vernier, comme nous l'avions demandé et comme le Conseil d'Etat l'avait décidé il y a quinze ans, parce que la seule solution qui reste aujourd'hui, c'est celle de Bardonnex. Je regrette que nous nous trouvions devant ce dilemme, mais, pour nous, la solution de Bardonnex n'est pas acceptable. Il faudrait effectivement trouver une solution dans le secteur de l'aéroport.
En l'occurrence, puisque vous parlez de gros sous et qu'il n'y a que cela qui vous intéresse, Mesdames et Messieurs, je vais vous dire ce qui rapporte : ce n'est pas le restaurant, ce n'est pas l'hôtel - qui ne marchera pas, parce qu'il sera mal placé - mais c'est la pompe à essence. Il suffit de deux pompes à essence... (Commentaires.) Mais oui, Monsieur Vaucher, parce que les redevances sont payées sur les litres de benzine vendue ! Si vous voulez faire du fric, puisque cela semble votre préoccupation première, eh bien installez ces deux pompes de part et d'autre de l'autoroute, à côté de l'aéroport. Je vous assure que c'est là où cela marchera le mieux ! (Applaudissements.)
M. Pierre Marti (PDC). J'ai été très heureux d'entendre une leçon de politique, un rappel de nos responsabilités en tant que députés, surtout sur des points aussi essentiels que l'aménagement équilibré de notre territoire, la préservation de la zone agricole dans notre canton, sur ce territoire hyper restreint, comme cela a été dit. Mais alors, je n'arrive pas bien à comprendre le discours des députées et députés de l'Alternative, qui nous disent tout à la fois qu'il ne faut pas toucher la zone agricole, qu'il faudrait construire un certain nombre de logements...
Mme Fabienne Bugnon, rapporteuse de majorité. Quel mélange !
M. Pierre Marti. Ce n'est pas un mélange, Madame, je regrette ! Pour notre part, nous voulons véritablement un aménagement équilibré de tout notre canton, pas seulement de la zone de Bardonnex, mais de tout notre territoire. Lorsqu'il s'est agi de construire des HLM dans le périmètre de Soubeyran, ce n'est pas l'Entente qui s'y est opposée ; c'est bien vous, Mesdames et Messieurs d'en face, qui avez lancé un référendum qui a abouti. Or, c'est bien de cela que l'on parle : il s'agit d'avoir, comme l'a dit très justement M. Grobet, une vision globale de notre territoire. Cette vision globale, vous voulez bien l'avoir quand elle vous arrange, mais vous ne voulez pas l'avoir systématiquement. Lorsqu'il s'agit de construire des logements ou des aménagements qui sont absolument nécessaires, vous avez un langage différent. Faut-il préserver absolument la zone agricole ? Quelle est votre cohérence dans les différents votes cantonaux et municipaux, notamment ceux concernant la Ville de Genève ? Je pose la question, j'espère avoir une réponse !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il reste encore cinq orateurs. Je vous propose de clore la liste des inscriptions !
M. Michel Ducret (R). On fait ce soir trop d'histoire et pas assez de lendemain ! La question qui se pose dépasse largement le seul problème du restoroute de Bardonnex. Aucun projet isolé ne vaut pour lui-même et, au travers de l'aménagement du territoire, la question est de savoir quel avenir nous souhaitons pour Genève et pour nous tous.
La majorité ne nous propose finalement comme alternative que l'élevage de moustiques dans les vallons renaturés de l'Aire et du Foron, avec peut-être en prime le retour de la malaria ! C'est une politique qui, en vérité, cache l'exportation. L'exportation des nuisances vers la couronne voisine avec l'alibi régionaliste, vers Vaud pour les plus aisés, vers la France voisine pour les moins favorisés, avec en prime pour Genève, à long terme, l'exportation des revenus fiscaux et, peu à peu, celle des emplois qui se créent sur les équipements que les Genevois ont déjà consentis et payés. Une exportation, finalement, de ce qui fait la vie des femmes et des hommes de ce canton. C'est un refus, une absence de responsabilité vis-à-vis de toute la région.
Pour le groupe radical, ce ne sont certainement pas des lendemains qui nous chantent. L'attention à l'environnement est certes respectable, mais elle doit être aussi respectueuse des êtres humains qui font partie de ce biotope, avec leurs besoins, tous leurs besoins et même les déplacements et les inconvénients qui y sont liés ! Cette politique d'exportation de notre propre avenir ne conduit, Mesdames et Messieurs, nulle part. Elle n'est qu'arrogance, prétention vis-à-vis de nos voisins, elle est irresponsable. Cette affaire de restoroute, qui ne serait rien si elle ne s'inscrivait dans un tel contexte de négativisme, devient ainsi emblématique, et donc émotionnelle et dépourvue de toute rationalité.
A vouloir trop complaire aux quelques habitants du coin qui ne sont pas contents et aux grenouilles qui pourraient peupler le pré voisin, on verse dans une forme de populisme, certes qui n'est pas teinté de racisme et donc moins méprisant que celui que pratiquent certains partis de droite ailleurs, mais un populisme tout de même qui, sous couvert d'une attitude plus noble, n'est pas une attitude politique qui soit noble : ce n'est que de la courte vue, c'est ce qui est dramatique pour les gens de Genève et c'est les gens de Genève que nous prétendons défendre !
M. Philippe Glatz (PDC). Beaucoup de choses ont été dites ce soir et parmi elles beaucoup de choses très excessives. Or, tout ce qui est excessif peut aussi devenir insignifiant... M. Hausser a cité la camora de Naples, la mafia de Sicile... Par ailleurs, de graves fautes politiques auraient été commises dans cette affaire...
M. Brunier, quant à lui, nous rappelait plus modestement que refuser une station-service ne serait pas un drame pour Genève : en fait, Mesdames et Messieurs, nous sommes simplement en train de parler de la possibilité d'instaurer un relais autoroutier à Bardonnex !
Puis, j'ai entendu M. Grobet nous dire qu'il aurait préféré que le projet se réalise à Blandonnet, qu'il ne pouvait accepter qu'une grave faute politique ait été commise dans le passé et que, par conséquent, aujourd'hui il convenait de ne plus rien faire du tout. Est-ce la bonne attitude ? Sous prétexte que des fautes politiques ont peut-être été commises dans le passé, faut-il qu'aujourd'hui nous soyons bloqués ?
En fait, j'ai peur que les oppositions au projet ne reposent sur pas grand-chose. Essayons de les examiner. J'ai lu attentivement le rapport de Mme Bugnon, mais celui-ci ne nous explique pas vraiment dans le détail en quoi ce projet est négatif. Il dit simplement que le projet est contesté par les riverains réunis au sein de l'association ARIA et par le WWF, oppositions disponibles au DAEL. Ce rapport dit aussi que, s'agissant du site de Blandonnet tant souhaité par M. Grobet, «la difficulté réside de manière évidente dans l'exiguïté du terrain». Une réalisatiom est donc impossible à Blandonnet ! Puis, ce rapport nous indique qu'il y a encore eu quelques auditions. Il fait part de la position du Conseil d'Etat, expliquant que le Conseil d'Etat a fait tous les efforts possibles pour essayer d'harmoniser les positions, mais que ses efforts n'ont servi à rien. Par conséquent, la majorité de la commission de l'aménagement vous recommande donc, Mesdames et Messieurs, de suivre ses conclusions et de rejeter ce projet purement et simplement.
C'est un peu léger, Madame Bugnon ! Et je crois que M. Dupraz a raison quand il parle de dogme, quand il dit qu'aujourd'hui on est incapable de dialoguer, que dans cette République on est incapable d'envisager quoi que ce soit pour l'avenir. Pour ma part, Mesdames et Messieurs, je crains que, dans quelques années, nos enfants, paraphrasant Coluche, disent en parlant de nous : «Oui, mon père était député, ma mère ne travaillait pas non plus !»
M. René Koechlin (L). Je serai extrêmement bref, le temps de nous rafraîchir la mémoire à M. Grobet et à moi-même. D'aimables collègues m'ont fait remarquer qu'en ce qui concerne l'Alhambra l'initiative pour un parking de six cents places avait été rejetée par le peuple, mais qu'en revanche le contre-projet proposé par le Conseil d'Etat et voté par ce Grand Conseil avait été, lui, plébiscité par le souverain; il prévoyait un parking comportant un peu moins de trois cents places. Voilà la réalité, pour apporter toute la lumière sur les contrevérités que nous avons proférées tout à l'heure, M. Grobet et moi-même.
M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur de minorité. Je voudrais d'abord intervenir sur les derniers propos de M. Grobet - je reviendrai ensuite sur les premiers... M. Grobet - qui n'est plus là... - m'a reproché d'avoir relevé que Blandonnet avait été victime de blocages. Personnellement, je déteste les blocages et il le sait, puisque depuis douze ans je les combats dans ce parlement. Par contre, ce que M. Grobet a dit sur les dessous de l'affaire de Blandonnet me navre et m'interpelle. J'ai le sentiment que les actions actuellement développées contre le dossier de Bardonnex relèvent de la même logique. Je le regrette, car l'on ne construit rien sur des règlements de comptes, ni sur le passé.
A M. Hausser je dirai que ses mauvaises manières portent atteinte à l'image que j'ai du parti socialiste. Prendre prétexte des affaires Sirven et Dumas pour démolir ce projet est inadmissible. Inscrire le propos dans la ligne de ceux qui ont été tenus à propos de la Suisse lors de l'affaire des fonds en déshérence, est tout à fait déplorable. Derrière la société Elf, qui est mise en cause dans un dossier qui sera traité par la justice... (Commentaires de Mme Wenger.) ...il y a des dizaines de milliers de personnes, Madame, tout à fait honorables, honnêtes, et il n'y a pas de raison d'en ricaner comme vous le faites ! Dans cette société, il y a des travailleurs, des personnes sérieuses, et ce n'est pas pour quelques affaires malsaines que vous devez mettre en péril le nom d'une société, qui au demeurant apporte des emplois et des choses extrêmement positives dans le monde d'aujourd'hui. Pour ma part, je respecte ces apports, comme beaucoup d'autres personnes les respectent.
Quant à vous, Monsieur Brunier, vous avez parlé du projet de Bardonnex comme étant celui de M. Joye. Cela, je ne l'accepte pas ! C'est le dossier du Conseil d'Etat de l'ancienne législature, et non le dossier de M. Joye comme vous l'avez dit. De même, dans la présente législature, la majorité que vous représentez a le droit de s'opposer à ce projet, mais elle doit en assumer les conséquences. Aussi, ne venez pas dire que la politique de M. Joye va coûter deux millions à l'Etat de Genève : c'est votre politique. Vous décidez, parce que votre ego vous y pousse, de refuser ce projet, cela coûtera de l'argent et vous assumerez cette décision !
J'ai quelques remarques à faire maintenant sur le débat initial. Certains ont parlé de la plate-forme de Valleiry comme étant une alternative à la plate-forme autoroutière de Bardonnex. Certes, c'est le cas pour les gens qui descendent sur Lyon, en direction de Marseille. Mais que faites-vous des personnes qui vont en direction du tunnel du Fréjus, ou qui reprendront la direction du tunnel du Mont-Blanc dès l'automne prochain ? Pour eux, il n'y a rien du tout, mais tout le monde s'en fout ! On cite Valleiry pour dire qu'il existe quelque chose de l'autre côté de la frontière, mais on oublie que c'est vingt kilomètres plus loin à l'ouest.
D'autre part, la plate-forme est un lieu de repos bien sûr, mais aussi un lieu de contact. Ceux qui voyagent à travers l'Europe savent que, sur les plates-formes autoroutières, on trouve aussi des offices du tourisme, des points de contact qui permettent aux voyageurs de se renseigner sur les possibilités d'hébergement, d'effectuer des réservations... Lorsque je vous entends, j'ai le sentiment qu'à Genève, c'est : circulez, il n'y a rien à voir ! Monsieur Etienne, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, la halte de Genève n'est pas une invention des partis de la minorité que nous représentons : la halte de Genève est une réalité historique. Je pars donc du principe que c'est un devoir pour la Genève internationale de créer cette plate-forme, lieu de contact avec les gens qui voyageront du nord au sud.
M. Grobet - qui n'est toujours pas là... - a dit qu'il fallait avoir l'humilité d'accepter le verdict populaire. Je lui donne raison à 100%. Et, en l'occurrence, il n'a pas le droit de s'approprier le savoir, ou de préjuger des attentes du peuple de Genève à propos de la circulation routière, à propos de la construction de cette plate-forme, de sa nécessité, de son intérêt, parce que justement le débat populaire n'a pas eu lieu, contrairement à ce qu'on dit.
Compte tenu de la controverse, j'ai d'ailleurs dit récemment dans la presse qu'il serait judicieux de lancer une initiative populaire. Je pars du principe que c'est vraiment la seule voie pour permettre au peuple de dire ce qu'il pense. Je demande ce soir à tous les gens de bonne composition d'envisager de déposer une motion du parlement qui appellerait le Conseil d'Etat à prévoir un vote populaire, pour savoir si Genève souhaite ou non cette plate-forme autoroutière et afin que cette décision n'appartienne pas seulement à ce Grand Conseil.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. Quelques réflexions sur les différentes interventions. Je n'ai pas entendu tout ce qu'a dit M. Glatz, mais il a émis des critiques assez virulentes sur mon rapport. Que ce rapport ne lui plaise pas, cela m'est égal, mais il ignore sans doute une chose, puisqu'il ne siège pas à la commission d'aménagement, c'est qu'il s'agissait de rédiger un rapport sur une modification de limites de zones et non sur la construction du restoroute! Cela dit, il est tout excusé, puisqu'il ne connaît pas le fonctionnement de la commission d'aménagement.
Je relèverai aussi une chose erronée dans le mémoire rédigé par Mes Jacquemoud et Stanislas qui a été lu tout à l'heure. Dans ce mémoire, il est dit que le projet de Blandonnet avait suivi la même procédure que celui de Bardonnex, c'est-à-dire une procédure par voie dérogatoire. Mais, entre les deux projets, il y a quand même une différence de taille, c'est qu'à Bardonnex il s'agit d'une zone agricole, qui demande donc un déclassement, alors qu'à Blandonnet il s'agit d'une zone à bâtir.
Ensuite, je remercierai M. Etienne de son intervention, car il est vrai que les pressions médiatiques ont été très fortes, les pressions par courrier aussi. Il y avait longtemps que je n'avais pas reçu autant de courriers négatifs. Quant à l'affirmation, en pleine page d'un quotidien, selon laquelle, si les conclusions du rapport sont adoptées, il en coûtera probablement un million à l'Etat, soit le dédommagement que demandera la société pétrolière Elf en cas de refus, elle est un peu facile. Elle résulte d'un simple copier-coller du mémoire qui nous a été donné et il faudrait quand même se renseigner sur les prétentions que Elf peut avoir. Quant à moi, je pense que ces prétentions, qui découlent de la promesse d'un magistrat, sont irréalistes et que le Conseil d'Etat, qui va prendre la parole en fin de débat, pourra nous le confirmer.
Enfin, j'ai trouvé choquant que M. Beer nous dise que M. Hottelier représente peu de chose. D'abord, il représente sa propre personne. Ensuite, trois familles et cinquante personnes, peu importe qui sont ces gens, peu importe qui est derrière, ceux qui nous importent, Monsieur Beer, ce sont les générations futures auxquelles nous aimerions laisser ce terrain!
Je terminerai en répondant à M. Vaucher, qui disait que la Chambre d'agriculture soutenait le projet. Je n'ai pas souvenir, Monsieur Vaucher - mais peut-être ma mémoire me fait-elle défaut - d'avoir entendu la Chambre d'agriculture dans ce dossier en commission d'aménagement. Vous devez donc avoir des informations dont nous ne disposons pas !
Enfin, s'agissant de la qualité du terrain, M. Barthassat, la «Tribune», tout le monde a dit que c'était un terrain caillouteux, une très mauvaise terre. Je ne m'y connais pas très bien en terre agricole, mais je me rappelle que le propriétaire, il y a quelques années, nous avait dit qu'il s'agissait d'une de ses meilleures terres. Alors, je ne sais pas qui il faut croire, mais il y a beaucoup de désinformation dans ce dossier ! (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, en entendant certains d'entre vous et en particulier M. Koechlin, j'ai craint que le débat de ce soir ne porte sur le salut de la République... En entendant M. Brunier, j'ai cru qu'il nous annonçait le Grand Soir...
Il faut raison garder : ce projet n'a de toute évidence pas l'importance de la halle 6, ni l'importance de Sciences III, ni celle de l'acquisition des terrains de Battelle. C'est un projet d'aménagement d'une certaine importance, qu'il convient d'examiner rationnellement et tranquillement. Je vais vous faire part de la manière dont le Conseil d'Etat l'a abordé, quelles décisions il a prises et, par conséquent, quelles recommandations il forme à l'intention du Grand Conseil.
Comme il a été rappelé, plusieurs des candidats au Conseil d'Etat en 1997 avaient indiqué qu'ils étaient prêts à rediscuter, à revoir ce projet. Nous n'avons jamais signé que nous le stopperions net. Nous avons donc tenu cet engagement en réexaminant ce dossier. Le deuxième paramètre était le concours qui avait été lancé, suivant les règles en usage en matière de concours, et qui avait désigné une société lauréate. Nous avions enfin la ferme volonté de ne pas agir par voie dérogatoire, dans ce dossier comme dans aucun autre, et nous avons considéré qu'un dossier de cette importance justifiait pleinement qu'il vous soit transmis par le biais d'un projet de loi de déclassement, pour permettre au parlement de déterminer son point de vue et, cas échéant, à la population, par le biais d'un référendum, de se prononcer.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous a transmis le projet de loi de déclassement, en vous recommandant initialement son acceptation. Lorsqu'il s'est avéré, en commission, que l'emprise sur la zone agricole était telle que ce projet allait à l'échec - M. Dethurens a rappelé tout à l'heure qu'effectivement il est un peu gourmand de zone agricole - nous avons essayé de le redimensionner, de sorte à le faire passer devant vous. D'une part, nous avons demandé au lauréat du concours de bien vouloir redimensionner son projet, ce que, non sans quelques difficultés, il a fait. D'autre part, nous avons demandé aux douanes fédérales s'il n'était pas possible qu'elles renoncent à une partie de leur gigantesque plate-forme autoroutière, pour précisément y installer le restoroute. La réponse des douanes fédérales a été catégoriquement négative. Toutefois, le Conseil d'Etat a persisté à penser que réaliser un restoroute à Bardonnex était une bonne idée, dans le cadre d'un projet redimensionné n'ayant une emprise sur la zone agricole que de 20 000 m2 et non plus de 40 000 m2.
En effet, dans la pesée des intérêts qu'il convient de faire pour ce projet, il y a en sa faveur des intérêts économiques, des intérêts fiscaux, des intérêts pour l'emploi, des intérêts touristiques et des intérêts pour l'agriculture - on a parlé de vitrine de l'agriculture genevoise. Ce sont des intérêts à prendre en compte. De l'autre côté de la balance, il y a des intérêts environnementaux, des nuisances pour l'environnement, qui doivent également être pris en compte. C'est la raison pour laquelle un projet de cette nature doit avoir une dimension modeste et ne doit, en aucune manière, être une cathédrale...
M. Claude Blanc. Comme le Bachet-de-Pesay ?
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Nous n'allons pas, Monsieur Blanc, laisser, comme cathédrales du XXIe siècle, des stations-service! Je pense que nous pouvons laisser de meilleurs témoignages à nos descendants...
J'aimerais maintenant répondre au sujet de Blandonnet. J'ignore, Monsieur Grobet, comment on obtient telle ou telle décision de l'Office fédéral des routes, mais j'ai quant à moi vu une décision, que je n'ai pas sollicitée, que je n'ai pas suggérée, catégoriquement négative. Quant à la construction des deux demi-jonctions autoroutières, il y a une divergence entre vous et moi sur la procédure à suivre. J'ai suivi celle que recommandait l'Office fédéral des routes pour deux ouvrages qui étaient notamment réclamés par les communes de Vernier et de Meyrin et qui correspondaient à la politique de transfert modal que nous suivons pour sortir les voitures de l'agglomération.
Une dernière remarque un peu désagréable, Monsieur Spinucci, mais vous m'en excuserez. J'ai trouvé très étonnant que vous fassiez en quelque sorte des catégories entre conseillers d'Etat et que vous imaginiez qu'un conseiller d'Etat socialiste ne pouvait être un bon conseiller d'Etat que s'il oubliait d'être socialiste! Ce n'est pas ainsi que je fonctionne. La totalité de ce que je vous ai dit aujourd'hui sur ce dossier reflète les discussions du Conseil d'Etat, qui vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter l'entrée en matière de ce projet de loi qui, cela fait, devra retourner en commission pour être redimensionné.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.
6. a) Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur : Mme Stéphanie Ruegsegger
La Commission de l'économie s'est réunie à trois reprises sous la présidence de Mme Loly Bolay pour discuter du projet de loi 8189 instituant la Commission cantonale de partenariat avec La Poste et la résolution 418 demandant la mise sur pied d'une table ronde au sujet de la réorganisation de La Poste. Les procès-verbaux ont été tenus avec précision et compétence par M. Jean-Luc Constant.
Les commissaires ont consacré le début de leurs travaux à faire le point de la situation concernant la poste de Saint-Jean. Une solution concernant cet office se faisait alors jour, par le biais d'une ouverture à mi-temps de l'établissement.
Au niveau des objets étudiés par la commission, il est rapidement apparu que la problématique soulevée par le projet de loi relevait davantage de la compétence fédérale. Par ailleurs, la solution proposée ne convainquait pas l'ensemble des commissaires, en raison notamment de sa lourdeur et de son inadéquation à la situation. Si c'est une même inquiétude qui sous-tendait la résolution, celle-ci pouvait être modifiée en reprenant une partie des buts du projet de loi, et être adressée directement aux autorités fédérales.
Si d'aucuns, au sein de l'Alliance de Gauche, redoutaient le peu de cas fait à Berne des résolutions émanant de notre canton, la majorité de la commission était d'avis qu'une action conjointe du Parlement genevois unanime et d'autres autorités politiques genevoises aurait plus d'impact qu'un projet de loi au sujet duquel les commissaires étaient partagés.
Mise aux voix, l'entrée en matière du projet de loi 8189 était rejetée par 5 non (2 DC, 1 R, 2 L), 3 oui (3 AdG) et 5 abstentions (3 S, 2 Ve).
Revenant sur la proposition conjointe d'un député vert et d'un député socialiste suggérant de modifier la résolution en la complétant avec des considérations contenues dans le projet de loi, le groupe radical annonçait qu'il était prêt à entrer en matière sur une telle proposition et à retirer sa résolution.
Un nouveau texte fut par conséquent soumis à la commission, qui l'adoptait par 5 oui (1 AdG, 1 S, 1 Ve, 2 DC) et 3 abstentions (3 L).
Projet de loi(8189)
instituant la Commission cantonale de partenariat avec La Poste
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 But
Il est institué une commission dénommée « Commission cantonale de partenariat avec La Poste » (ci-après la Commission) ayant notamment pour but de :
Art. 2 Organisation
1 Le Conseil d'Etat nomme les membres de la Commission qui est formée de :
2 Les membres de la Commission sont nommés pour une période de quatre ans. Ils sont rééligibles au terme de leur mandat.
3 La commission élit son Président et les membres de son bureau formé de cinq membres. Elle décide pour le surplus de son mode de fonctionnement.
4 La Commission est soumise à la loi concernant les membres des commissions officielles (A.2.20). Ses membres touchent des jetons de présence. Son secrétariat dépend de la Chancellerie.
Art. 3 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le … (à préciser)
Proposition de résolution(418)
demandant la mise sur pied d'une table ronde au sujet de la réorganisation de La Poste
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
les nombreux débats suscités à la suite de l'annonce de la fermeture de l'office postal du Beulet ;
l'inquiétude de la population face au projet Optima de La Poste ;
l'absence d'information des collaborateurs, des usagers, des communes et de l'Etat ;
la nécessité de maintenir le service public de La Poste sur tout le territoire du canton ;
invite le Conseil d'Etat
à mettre sur pied, sous l'autorité du Conseil d'Etat, une table ronde réunissant le canton, les communes, La Poste et les usagers pour assurer le maintien du service public postal en milieu urbain et rural à Genève.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: M. Rémy Pagani
La Commission de l'économie n'a consacré que trois séances au projet de loi 8189 et à la résolution 418 qui se voulaient deux moyens de réagir face au plan dits de « restructuration » (mais en fait de démontage à grande échelle) du réseau des offices de poste mis en avant il y a déjà une année par M. Reto Braun (ex directeur général de La Poste) sous l'appellation de projet Optima.
Les commissaires ont même refusé d'auditionner qui que ce soit, sous prétexte que M. Braun avait quitté La Poste son projet sous le bras et que le problème leur paraissait ainsi avoir disparu. Pourtant - contrairement à cette vision naïvement optimiste - le projet présenté jeudi dernier par le directeur général de La Poste, M. Ulrich Gygi, ressemble dans ses grandes lignes à celui défendu par M. Braun, en en reprenant l'esprit et les lignes directrices fondamentales.
On peut donc légitimement et rétrospectivement déplorer le peu de considération de la Commission de l'économie quant aux préoccupations de l'Alliance de Gauche, dont le mouvement déclenché autour de la poste de Saint-Jean avait pourtant montré qu'elles étaient très largement partagées, et regretter le refus de député-e-s d'entrer en matière quant aux mesures proposées dans ce projet de loi pour que Genève se mette simplement en état de défendre le service postal sur son territoire, de manière conséquente et systématique, face à des autorités fédérales et postales en rupture avec la logique même de service public.
En refusant d'entrer en matière sur le projet de loi que nous proposions, la minorité de droite et les commissaires unanimement abstentionnistes des Verts et du PS n'ont pas compris (ou pour d'autres feignent sans doute de ne pas comprendre) que la volonté de démantèlement des services publics est une tendance lourde des milieux économiques suisses relayés majoritairement au Parlement fédéral. Un choix politique qui impose aux collectivités publiques communales et cantonales - si elles veulent répondre aux attentes des citoyen-ne-s - une résistance déterminée pour sauvegarder le service public, en matière postale notamment.
Le plan que les responsables de La Poste veulent imposer aujourd'hui vise à supprimer, dans les cinq prochaines années, entre 700 et 900 bureaux de poste de village en Suisse, pour cause d'« insuffisance de rentabilité », et à transformer 670 à 870 bureaux supplémentaires en filiales de postes plus importantes ou en agences exploitées par les communes ou des commerces. De plus, ce plan prévoit la suppression de 500 emplois fixes à La Poste, sans compter les résiliations de contrats d'auxiliaire.
Dans un deuxième temps, il est question de supprimer 80 bureaux de poste dans les villes et de réduire les heures d'ouverture de 1500 autres bureaux, à savoir tous ceux qui ne figureront pas parmi les 50 à 100 super-bureaux de poste appelés à fournir toute la gamme des prestations.
Enfin, pour les milieux économiques du canton de Genève, une véritable catastrophe est annoncée, la Douane-Poste située à Montbrillant et à Cointrin (trafic postal aérien) risque d'être déplacée à Bâle et à Zurich. Ainsi, après les habitants de Saint-Jean, ces milieux se mobilisent pour dénoncer les pertes de temps, les frais supplémentaires, l'obligation d'utiliser des intermédiaires, sans omettre les risques accrus de vols et de dommages dus à l'allongement des distances que les marchandises devraient parcourir (pierres précieuses, bijoux, montres notamment).
De manière générale, cette restructuration aboutira à un recul grave des prestations à la population par la liquidation d'un réseau de services publics de proximité, liquidation qui constitue en même temps un bradage du patrimoine de la collectivité. Elle durcira le rapport entre la direction et les salarié-e-s et générera une insécurité d'emploi accrue parmi ces derniers. La notion même de service public est ainsi de plus en plus vidée de son sens et La Poste, comme les CFF, ne se distinguera bientôt en rien d'une entreprise privée axée sur le profit. A ce moment-là, il n'y aura - objectivement - guère de raison de ne pas passer à la privatisation intégrale, comme on le propose aujourd'hui pour les télécoms.
Les personnes âgées seront tout particulièrement touchées par ces tendances au démantèlement, de même que les habitant-e-s des régions périphériques du pays.
Il est, par ailleurs, inacceptable que les communes, en particulier les communes financièrement les plus faibles, soient désormais appelées à prendre en charge elles-mêmes le loyer des locaux et les frais de personnel, en échange d'une somme forfaitaire versée par La Poste. Comme l'a indiqué avec arrogance M. Gygi à la SonntagsZeitung : « nous n'accepterons des agences que si cela rapporte pour nous » ! Avec l'aplomb d'un dirigeant d'entreprise privée, il a confirmé cette position lors de l'émission « Droit de Cité » diffusée par la TSR le dimanche 21 janvier 2001.
Malheureusement, il faut constater que l'adoption de la nouvelle loi sur le personnel fédéral a accentué toutes ces tendances à la dérégulation et à l'« autonomisation », dans un sens capitaliste, des entreprises fédérales, en supprimant un cadre unitaire pour la fonction publique, en ouvrant sur la possibilité de licenciements économiques massifs et en subordonnant aux exigences du marché la fixation des conditions de travail du personnel dans toutes les entreprises.
Il est impensable que le syndicat de la communication, le principal syndicat de la branche, puisse longtemps donner son aval à une telle restructuration qui va accentuer toutes les pressions sur les emplois, les salaires et les conditions de travail du personnel, tout en ouvrant la porte à des pressions renforcées de la hiérarchie sur les employé-e-s pour qu'ils/elles acceptent des postes moins bien payés ou impliquant des déplacements importants. Une telle position, qui entérine par ailleurs une importante dégradation des prestations à la population, tendrait en effet à jeter le discrédit sur le syndicalisme en général. Ce d'autant plus que même si ce syndicat pensait avoir, pour l'instant, préservé l'emploi, des centaines de postes de travail non remplacés (départs à la retraite) seront irrémédiablement perdus.
Depuis le rejet de notre projet de loi par la Commission de l'économie, en juin de l'an passé, La Poste a donc remis sur le métier son projet de restructuration. Il est navrant de constater que le Conseil d'Etat lui-même s'est laissé berner dans cette affaire. En effet, dans la lettre qu'il vient d'adresser à la direction générale de La Poste (voir annexe), il constate que les responsables de cet établissement « avaient donné la garantie que toute décision serait prise après négociation avec les différents partenaires économiques politiques et sociaux ».
Or La Poste - une fois de plus, ça devient une habitude - n'a pas respecté ses engagements ! Pour remédier à cet état de fait, le Conseil d'Etat propose en urgence pour l'essentiel ce que nous proposions il y a un an déjà, soit « la constitution de groupes ad hoc composés des différents partenaires concernés », mais ceci avec près d'un an de retard, de manière ad hoc, et sans que les instances mises en place bénéficient de la légitimité de la base légale explicite que nous proposons et d'une représentativité clairement établie.
Ainsi, si nous nous réjouissons qu'enfin le Conseil d'Etat se rallie largement à notre proposition, nous vous invitons bien sûr aussi, Mesdames et Messieurs les député-e-s, à en faire de même et à voter (enfin !) le présent projet de loi qui instituera une Commission cantonale de partenariat avec La Poste qui aura, on le voit bien, beaucoup de grain à moudre.
EXPOSÉ DES MOTIFS DU PL 8189
Mesdames et
La fermeture de l'office postal de Saint-Jean a provoqué un vent d'indignation non seulement dans ce quartier, mais encore dans tout le canton et au-delà. Le plan de restructuration de La Poste, qui préconise la fermeture de nombreux offices postaux, notamment dans les centres urbains, a exacerbé les esprits.
Face à ces projets de démantèlement d'un service public fondamental, le présent projet de loi propose de créer une commission officielle formée de représentants des différents milieux intéressés, afin d'analyser la situation, les besoins du canton et les intentions de La Poste et, à partir de là, de définir une stratégie et d'engager les démarches nécessaires pour sauvegarder les intérêts du canton et de sa population.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.
Premier débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais un peu de silence, s'il vous plaît ! Il est extrêmement difficile de travailler dans ces conditions... Avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport, Madame Ruegsegger ?
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Oui, Madame la présidente. J'aimerais insister sur un point qui ne ressort absolument pas du rapport de minorité de M. Pagani. Je rappelle que la majorité de la commission a refusé d'entrer en matière sur le projet de loi, non pas par manque de considération envers les problèmes liés à la poste, mais bien parce qu'elle considérait que le projet de loi apportait de mauvaises réponses à un vrai problème. Nous avons estimé que la résolution, telle que proposée par un représentant de la majorité parlementaire en commission, était une bien meilleure réponse, qui aurait davantage d'impact que le projet de loi.
Je voudrais également m'étonner que le rapport de M. Pagani reflète si peu les travaux de la commission - j'ai l'impression que nous n'avons pas assisté aux mêmes travaux - et commente en fait des événements qui sont, pour la plupart, postérieurs au vote de la commission.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. S'agissant du refus d'entrer en matière sur le projet de loi de l'Alliance de gauche, je crois que Mme Ruegsegger oublie une chose essentielle, à savoir que la commission était alors persuadée que le projet Optima - projet très radical visant la suppression de nombreuses postes dans notre pays, notamment la poste de Saint-Jean - avait été abandonné.
Pour notre part, nous avions compris que les processus économiques en cours, soit la scission entre les télécom et la poste, ainsi que la frénésie du Conseil fédéral à vouloir tout privatiser dans ce pays, mèneraient à la situation actuelle. Nous avions compris qu'on ne pourrait pas échapper à la restructuration nécessaire de la Poste, sachant que la Poste a toujours été déficitaire et que c'est grâce aux télécommunications qu'elle a pu maintenir son efficacité durant ces trente ou quarante dernières années.
Nous étions donc certains que le projet Optima rénové reviendrait sur le tapis et c'est pourquoi nous avions proposé ce projet de loi qui, je le rappelle, demandait simplement de : a) dresser un inventaire des services postaux desservant le canton et des besoins de la population dans ce domaine ; b) prendre position sur les projets de réorganisation des services postaux et examiner les mesures qui pourraient être envisagées pour améliorer la qualité des prestations de la Poste dans ce canton ; c) recueillir l'avis de la population à ce sujet ; enfin, d) négocier avec la direction de la Poste toute question relevant du fonctionnement de celle-ci dans le canton. Or, c'est cela que la majorité de la commission a refusé, pour voter une résolution croupion qui, on le sait, finira dans la poubelle des autorités fédérales...
Cela dit, quelle n'a pas été notre surprise quand nous sommes tombés sur la lettre qu'a adressée le Conseil d'Etat à M. Ulrich Gygi, lettre signée par M. Carlo Lamprecht. Nous avons été fort surpris de voir le Conseil d'Etat reprendre tout à coup nos préoccupations, reprendre avec énergie nos motivations et demander à la Poste de pouvoir négocier le maintien de la douane-poste. Sa disparition créerait en effet un déséquilibre grave pour toute la région genevoise, et là les milieux économiques se sont enfin mobilisés. Je rappelle que notre économie est principalement basée sur la production de petits objets à forte valeur ajoutée, montres, bijoux et autres produits, ce qui nécessite d'avoir une Poste efficace qui puisse livrer partout dans le monde les produits que nous manufacturons.
En l'occurrence, c'est au moment où les milieux économiques ont été touchés que M. Carlo Lamprecht a enfin pris le taureau par les cornes et s'est quasiment saisi de notre projet de loi, puisqu'à la fin de sa lettre il informe les autorités fédérales qu'il va «constituer deux groupes ad hoc composés des différents partenaires concernés pour traiter de ces deux questions». A notre sens, Monsieur le président, deux groupes ad hoc ne suffisent pas. Ces groupes doivent non seulement être représentatifs de la population et des milieux économiques, comme nous le disions dans le projet de loi, mais ils doivent augmenter la pression pour défendre les intérêts de l'ensemble du canton, que ce soit les personnes âgées qui habitent Gy ou Saint-Jean, les milieux économiques actifs au centre-ville, ou les milieux économiques installés au Petit-Lancy. C'est pour cette raison que le deuxième volet de notre projet de loi visait à instaurer une commission suffisamment représentative pour appuyer, de manière ferme et efficace, les démarches du Conseil d'Etat et nos positions dans les négociations futures, car nous n'allons pas nous laisser faire ! C'était en tout cas l'esprit du projet de loi, c'est la volonté de l'Alliance de gauche, et c'est maintenant la volonté du Conseil d'Etat telle qu'elle s'exprime dans la missive adressée au directeur général de la Poste.
Ainsi donc, notre projet de loi et les deux volets qui le constituent nous semblent parfaitement adaptés à la situation et aux difficultés à venir. C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce que la commission a décidé, d'entrer en matière sur ce projet de loi et de le voter.
M. Pierre Vanek (AdG). Je serai bref ! J'ai été surpris par l'intervention de Mme Ruegsegger et je lui trouve un certain culot de reprocher à Rémy Pagani de ne pas avoir rendu compte de l'ensemble des travaux de la commission. Madame, c'est votre rapport de majorité qui ne donne pratiquement aucun renseignement sur les travaux de la commission, ni dates, ni arguments, si ce n'est celui consistant à dire, à propos du projet de loi que nous défendons, «qu'au niveau des objets étudiés par la commission, il est rapidement apparu que la problématique soulevée par le projet de loi relevait davantage de la compétence fédérale». En l'occurrence, vous considérez que le canton a les mains liées et qu'il n'aurait pas à s'occuper de la problématique de la Poste.
Or, en janvier de l'an passé, nous nous sommes réunis ici, tous partis confondus - sauf Mesdames et Messieurs les libéraux - en séance extraordinaire du Grand Conseil pour nous opposer précisément à une politique dont on peut estimer en effet qu'elle est du ressort de la Confédération, mais qui est une politique de démontage à grande échelle du service public postal. Le symbole, la pointe émergée de l'iceberg en était la fermeture du bureau de poste de Saint-Jean, qui a fait des vagues à travers l'ensemble du pays et qui a même amené M. Leuenberger sur le terrain ici. C'est dans la foulée que ce projet de loi a été déposé.
Madame, vous dites dans votre rapport que ce projet de loi est inadéquat et qu'il relève de compétences fédérales. Eh bien, je dis ici très calmement que la commission que nous proposons aurait dû être instituée il y a une année, que nous avons pris un an de retard parce que des députés et des députées ont arsouillé pendant une année en commission de l'économie, au lieu d'aller de l'avant sur ce sujet. Aujourd'hui, nous sommes exactement dans la même situation que l'année passée, face à une autorité fédérale, à une direction de la Poste qui envisagent, certes en prenant quelques gants supplémentaires, un démontage du service postal public. L'Alliance de gauche demandait, il y a une année, que les services de ce canton, les élus de ce canton se préoccupent, avec les milieux intéressés, de faire une chose à laquelle, Madame Ruegsegger, vous ne pouvez pas vous opposer, une chose qui est éminemment raisonnable et infiniment nécessaire, à savoir dresser l'inventaire des services postaux desservant le canton et des besoins en la matière de la population au sens large, y compris ceux de l'économie. Je vois que M. Roulet se félicite que j'évoque les milieux économiques : s'il se reporte à la séance extraordinaire du 14 janvier 2000, il verra que nous nous préoccupions déjà du tissu économique local à ce moment-là.
En l'occurrence, il faut que ce canton mette en place une commission composée de travailleurs de la Poste, de représentants des associations d'habitants, des milieux économiques... La liste que nous avons proposée n'est pas forcément la meilleure, mais apparemment la commission de l'économie n'a pas voulu l'améliorer puisqu'elle n'est pas entrée en matière. Si elle avait dit qu'à son avis il fallait un représentant de telle organisation plutôt que de telle autre, nous serions bien sûr entrés en discussion sur ce point. Aujourd'hui, il est tard, une année a été perdue, mais il faut dresser cet inventaire des services postaux et prendre position sur la base de cette information, non pas au coup par coup, parce qu'il y a une émotion autour du bureau de poste de Saint-Jean ou de telle commune rurale, mais en ayant une conception d'ensemble de la desserte nécessaire du territoire genevois et de l'impact négatif que pourrait avoir l'offensive de démantèlement de la Poste qui est en cours.
La tâche de cette commission serait, point c), de recueillir l'avis de la population à ce sujet. Madame Ruegsegger, ne voulez-vous pas qu'on écoute nos concitoyens sur cette question-là ? Pensez-vous que c'est inutile ? Nous, nous pensons qu'il est utile de les écouter, qu'il ne convient pas d'attendre passivement qu'ils se mettent en mouvement et qu'ils manifestent dans la rue comme l'ont fait les habitants de Saint-Jean, y compris les personnes âgées qui manifestaient pour la première fois dans la rue. Nous ne devrions pas avoir à réunir des séances extraordinaires du Grand Conseil pour enfin entendre ce que disent les habitants sur telle ou telle poste : ce devrait être le pain quotidien de l'Etat que d'écouter les citoyens. C'est pourquoi nous avons proposé un instrument à cette fin.
Un des mandats de cette commission dont nous devrions voter la mise en place serait de négocier avec la direction de la Poste toutes les questions relevant du fonctionnement de celle-ci dans le canton. Voter ce projet, c'est nous donner une légitimité légale, fût-elle cantonale, pour ouvrir un dialogue avec la Poste qui soit marqué d'un certain poids du côté du canton. Le Conseil d'Etat nous a avoué, en début d'année, qu'il était extrêmement déçu, qu'il se sentait floué, la Poste n'ayant, pour la deuxième fois, pas respecté les engagements qu'elle avait pris. S'agissant des engagements au sujet de Saint-Jean, Monsieur Lamprecht, vous nous avez dit que la Poste n'avait pas tenu parole. Au début de cette année, vous nous disiez que la Poste s'était engagée à consulter les autorités locales et elle ne l'a pas fait. Maintenant, il faut donc agir et ne plus attendre de manière passive, comme nous l'avons fait pendant une année, aveuglés, pour certains, par je ne sais quoi, peut-être par le changement de directeur de la Poste alors que le pedigree de M. Gygi était bien connu, ou par Dieu sait quel intérêt.
Aujourd'hui, il s'agit donc d'agir enfin dans ce dossier et de dire que nos concitoyens et nos concitoyennes ne sont pas d'accord avec le démantèlement de la Poste. Je vous assure que c'est une certitude que je tiens, non pas de convictions idéologiques que j'aurais sur cette question, mais de discussions au quotidien, ces dernières semaines, avec des citoyens, puisque je récolte des signatures pour le référendum contre la loi sur le marché de l'électricité, qui est aussi une loi de démontage d'un service public...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur Vanek...
M. Pierre Vanek. Je vous assure, et je conclus là-dessus, que les Genevoises et les Genevois sont fortement opposés au démantèlement de la Poste et du service public en général. Nous devons, pour leur donner un outil de lutte dans cette affaire, voter ce projet de loi de l'Alliance de gauche et créer cette commission de concertation, de partenariat avec la Poste.
M. John Dupraz (R). La Poste est, dans les communautés villageoises et en milieu urbain, un signe d'identification pour la population, au même titre que le sont la mairie, l'école, la salle des fêtes, le terrain de jeu, l'église ou le temple... Aussi, je dois dire que je suis abasourdi de voir l'acharnement des autorités postales et des socialistes - là, je ne comprends plus - à savoir M. Leuenberger, le responsable politique, et M. Gygi, à mettre en pièces le service public.
Dans les documents que j'ai pu lire, on parle d'un déficit de fonctionnement de 500 millions. L'on est prêt à sacrifier le tiers des bureaux postaux de ce pays pour économiser 100 millions, c'est-à-dire que l'on ne résout pas le problème de rentabilité de ce service public et que si la Poste et M. Leuenberger poursuivent leur raisonnement, il faudra fermer les trois quarts des bureaux de poste pour atteindre le seuil de rentabilité.
Il y a un peu plus d'une année, lorsque nous avions proposé notre résolution, les radicaux estimaient qu'il fallait mettre autour d'une table les gens concernés - sous l'autorité du Conseil d'Etat car celui-ci a des entrées que les communes n'ont pas - pour trouver des solutions. Au niveau de la Confédération, je pense que la Poste est aussi un élément de la cohésion nationale. Je citerai, à titre de comparaison, la politique agraire, où on a décidé de maintenir une agriculture dans les régions décentralisées, dans les régions de montagne, par le biais des aides et des paiements directs. Or, en ce qui concerne la Poste, on fait exactement le contraire, à savoir qu'on veut absolument économiser, qu'on est prêt à fermer les bureaux de poste dans les régions décentralisées où ils sont le moins rentables, au titre de l'équilibre financier de la Poste, équilibre qui n'est pas atteint malgré les mesures proposées.
Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut savoir quelle société on veut. Veut-on une société basée sur le profit immédiat, au détriment de toute considération sociale et de protection de l'environnement ? Ou bien veut-on une société équilibrée, où l'on prend en compte des paramètres sociaux et environnementaux, en contrepartie des règles du marché ? Les radicaux estiment que la Poste est un service public qui doit couvrir tout le pays, non seulement Genève et les régions rurales de ce canton, mais aussi les régions décentralisées de notre pays. Nous estimons que grâce à cette résolution, en mettant en place cette table ronde, nous atteindrons cet objectif.
Maintenant, s'agissant de vos remarques, Monsieur Pagani, ce que je regrette chez vous, c'est votre entêtement. Nous poursuivons le même objectif, mais votre projet de loi est beaucoup plus rigide que ne l'est la résolution sur la table ronde; celle-ci est à géométrie variable, car elle permet de réunir les gens concernés, telle commune plutôt qu'une autre, alors que votre projet de loi propose une structure figée, une espèce de monument monolithique, sans aucune souplesse par rapport au problème à traiter.
Encore une fois, je dois dire qu'il serait regrettable qu'au nom de la rentabilité on ferme des bureaux de poste qui, pour certains, ont été exigés par la Poste il y a très peu de temps. Dans ma commune, lorsque nous avons reconstruit l'école il y a vingt ans - ce n'est quand même pas si vieux - la Poste avait des exigences telles que nous n'avons pas pu toutes les remplir. Depuis, un local a été mis à la disposition de la Poste, qui est apprécié par la population de la commune. Or, au nom de la rentabilité, on va le fermer et mettre en place un système de «poste voyageuse», tournante, de poste à domicile, alors que le bureau de poste, dans les communautés villageoises et urbaines, joue un rôle essentiel. C'est là où les gens se rencontrent - comme les mamans se rencontrent à la sortie de l'école lorsqu'elles attendent leurs enfants - c'est là où les personnes âgées vont recevoir leur AVS, c'est là où les gens vont faire leurs paiements. De plus, fermer ces bureaux de poste est un non-sens par rapport à l'objectif recherché, puisque l'équilibre budgétaire de la Poste n'est toujours pas atteint.
Je considère donc qu'il faut lutter contre cet objectif de rentabilité à tout prix visé par la Poste et trouver les moyens nécessaires pour maintenir le service public tel qu'il est. Ceci évidemment n'exclut pas des rationalisations entre communes ; il pourrait y avoir un buraliste postal pour deux ou trois villages, ou pour deux ou trois quartiers urbains, on peut trouver des solutions comme cela a été fait au Beulet, dans le quartier de Saint-Jean.
Mesdames et Messieurs, suite au rapport de la commission de l'économie, il faut nous en tenir à la résolution issue des travaux de la commission. Le groupe radical la soutiendra et je demanderai à l'Alliance de gauche de faire preuve de raison et de se rallier à cette solution, qui est suffisante, pragmatique et efficace pour atteindre l'objectif que nous poursuivons, vous et nous !
M. Alberto Velasco (S). Monsieur Dupraz, les socialistes sont effectivement en train de mettre en place ces réformes de la Poste que vous décriez. Mais ces réformes, voyez-vous, ont été votées par le parlement fédéral et par une majorité dont vous faites partie, Monsieur Dupraz...
M. John Dupraz. Nous n'avons jamais dit qu'il fallait fermer les bureaux de poste !
La présidente. Monsieur Dupraz, veuillez laisser parler M. Velasco, s'il vous plaît !
M. Alberto Velasco. L'article 18 de la loi fédérale consacre que la Poste doit s'autofinancer. Le directeur actuel de la Poste et le conseiller fédéral de tutelle doivent appliquer la loi, mais cette loi a été votée par un parlement à majorité de droite. Chacun a donc sa part de responsabilité ; n'essayons pas de diluer les responsabilités, Monsieur Dupraz, vous en avez une part comme les autres.
Cela dit, le projet de loi de l'Alliance de gauche, bien que j'y adhère moralement, pose un problème, à savoir que la commission prévue se substitue au Conseil d'Etat. C'est en effet la tâche du Conseil d'Etat de s'adresser à Berne, de négocier et d'obliger la Poste à remplir sa fonction de service public, de régie fédérale. C'est le Conseil d'Etat qui doit intervenir et non une commission, dont je ne vois pas comment elle pourrait infléchir les autorités fédérales. Quant à nous, parlement, associations de quartier ou autres, nous devons pousser le Conseil d'Etat à aller dans ce sens, comme nous l'avons fait à l'époque avec la Ville de Genève.
Enfin, j'aimerais attirer l'attention du Conseil d'Etat sur un point. Aujourd'hui, la Communauté européenne, Monsieur le président du Conseil d'Etat, fait marche arrière concernant la Poste. Elle avait édicté des directives de libéralisation mais revient maintenant en arrière et arrête ce processus. Je vous engage donc, Monsieur le président, à prendre exemple sur ce qui se passe en Europe et à agir auprès de la Confédération pour arrêter le processus en cours, qui me semble tout à fait mal emmanché.
En conclusion, pour les raisons que je viens de dire, le groupe socialiste, comme il l'a fait en commission, votera la résolution 438 et s'abstiendra sur le projet de l'Alliance de gauche.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Evidemment, les préoccupations de MM. Vanek et Pagani sont partagées par tous. Comme je l'ai dit dans ma première intervention, le refus de la majorité de la commission d'entrer en matière sur le projet de loi ne signifiait absolument pas que nous ne nous préoccupions pas de la situation. Simplement, et M. Velasco l'a rappelé, la solution proposée par le projet de loi, qui demande que l'on négocie «avec la direction de la Poste toute question relevant du fonctionnement de celle-ci dans le canton», est une solution lourde et inefficace. Le projet de résolution, lui, ne tombera pas dans les poubelles des autorités fédérales. Il est vrai, Monsieur Pagani, que de nombreux projets passent directement à la poubelle, mais c'est parce que nous usons et abusons de cette méthode.
Là, en l'occurrence, cette résolution sera certainement accueillie avec beaucoup d'attention par Berne. Je vous rappelle qu'elle demande que l'on intervienne auprès des autorités fédérales «afin qu'un droit d'information préalable et d'intervention en faveur de la Conférence des directeurs cantonaux concernés soit inclus lors de toutes les révisions législatives à venir touchant les grands services publics, notamment celui de la Poste». Cette solution est plus souple dans son application et en même temps plus contraignante que celle proposée par votre projet de loi. C'est donc la sagesse que de voter cette résolution et de rejeter le projet de loi.
M. Pierre Vanek (AdG). Que ne faut-il pas entendre ! Madame Ruegsegger, soyez un peu sérieuse, ayons un débat d'une certaine tenue ! (Protestations.) Mesdames et Messieurs, vous êtes témoins : Mme Ruegsegger dit que la résolution est beaucoup plus contraignante que la loi qui, par hypothèse, serait votée par ce parlement ! Tout le monde dans cette salle, y compris les huissiers, y compris le public, sait pertinemment qu'une résolution du Grand Conseil n'est pas contraignante, en aucune manière, que c'est une simple expression d'opinion ! Nous avions été nombreux déjà à exprimer notre opinion le 14 janvier 2000, certes sans les libéraux qui babollent dans leur coin et qui avaient eu l'élégance de ne pas venir ce soir-là. D'ailleurs, cela prouvait bien leur désintérêt concernant ce problème. Ce soir, nous avons abordé cette question en fin de soirée et quelques-uns d'entre eux sont restés... Quoi qu'il en soit, c'est une évidence que la résolution n'a rien de contraignant. C'est, comme l'année dernière, une simple manifestation d'opinion dans laquelle on demande que les autorités fédérales informent au préalable les cantons touchés, soit exactement ce que la Poste et l'autorité fédérale avaient dit qu'elles feraient et qu'elle ne font pas. Donc, cette résolution, c'est vraiment pisser dans un violon !
Par contre, notre projet de loi, lui, est accusé de tous les maux. Instituer une commission de concertation, ciel, quelle lourdeur bureaucratique ! Pourtant, on fait cela dans bien des domaines, Messieurs les socialistes : il y a bien d'autres commissions, comme le Conseil économique et social et autres, que vous avez soutenues à l'époque... (Exclamations.) En l'occurrence, nous demandons qu'on institue une commission en essayant de la rendre représentative.
Bien sûr, on peut discuter de sa représentativité. On peut trouver qu'il n'est pas utile de consulter l'AVIVO et ses 18 000 membres, parce que l'affaire de la Poste ne les concerne pas... Ou que, par exemple, le représentant de la Chambre de commerce et d'industrie, comme il n'en a rien à foutre, n'a pas à siéger dans cette commission... Ou encore que la Ville de Genève ne s'occupant pas de ces questions de Poste, un représentant désigné par le Conseil administratif n'a rien à faire dans cette commission... De même, on peut juger que les travailleurs, les syndiqués du secteur ne sont pas concernés, ni les associations de quartier et d'habitants, puisqu'il n'y a pas eu, n'est-ce pas, de mobilisation à Genève sur cette question de la Poste !
Bref, on peut discuter de tout cela, mais dire que le propos de cette commission instituée par notre projet de loi n'est pas utile, c'est une grosse connerie ! (Exclamations.) C'est une grosse connerie, puisque vous-mêmes demandez qu'il y ait une discussion avec les cantons concernant le démantèlement de la Poste - car c'est de cela qu'il s'agit, même si, par pudeur, vous n'employez pas ces termes. Pour notre part, nous voulons que les cantons, que notre canton en particulier soit armé pour une telle négociation. Jusqu'à maintenant, M. Lamprecht, qui est là et qui est adorable... (Exclamations.) ...a fait preuve de beaucoup de bonne volonté, mais il n'était manifestement pas armé pour négocier avec la Poste, parce qu'il n'avait pas de mandat clair du parlement et qu'il ne se fondait pas sur une enquête précise concernant les besoins en matière de service postal.
Pour répondre à M. Velasco, je dirai que dresser cet inventaire est absolument indispensable. Madame Ruegsegger, vous dites que notre projet de loi demande simplement de négocier avec la direction de la Poste : ce n'est pas vrai, vous déformez les faits. Parmi les buts de cette commission, au point a), figure celui de dresser un inventaire précis des besoins du canton en matière postale. Aucun rapport à ce sujet ne nous a été présenté par le Conseil d'Etat depuis une année, Monsieur Velasco, alors que c'était un boulot qu'il aurait pu faire. S'il en avait eu la volonté politique, il aurait pu le faire, mais manifestement il n'en a pas eu la volonté politique, ou alors il était préoccupé par d'autres questions. Nous voulons donc l'assister, afin qu'il fasse ce boulot avec les secteurs réellement concernés.
Mesdames et Messieurs, nous ne retirerons pas notre projet de loi au profit de la résolution, qui s'en inspire par ailleurs. Nous voulons bien voter votre résolution comme énième manifestation d'opinion, mais nous voulons aussi qu'un travail réel soit fait sur ce dossier, travail qui n'a pas été fait depuis une année et qui demande une structure, que nous proposons. Nous demanderons donc l'appel nominal sur ce projet de loi ! (Brouhaha.)
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Je conclus aisément, Madame la présidente, puisque notre collègue M. John Dupraz a dit largement ce que j'aurais pu dire sur la défense du service public, sur le refus de la marchandisation de celui-ci, sur le fait que les 100 millions gagnés par la Poste en regard de la suppression du tiers des bureaux de poste dans ce pays sont vraiment inacceptables. Il a parfaitement raison. Je lui demande donc d'être conséquent jusqu'au bout et de donner à Genève les moyens de lutter contre ce processus qu'il décrit avec beaucoup de pertinence.
M. Claude Blanc (PDC). Ce débat est évidemment extrêmement passionné. J'entends bien M. Vanek quand il dit qu'il n'y a que son projet de loi qui soit capable de faire avancer les choses. Mais si les multiples résolutions que notre parlement a déjà eu l'occasion d'envoyer à Berne n'ont pas eu l'effet escompté, je me demande ce qu'aura comme effet sur la Poste une loi cantonale qui n'est applicable qu'à Genève... En fait, cette loi que vous voulez nous faire voter est surtout un moyen d'agitation. Vous voulez créer une cellule d'agitation par le biais d'une loi. D'habitude, vous êtes capable de créer des cellules d'agitation sans loi, mais aujourd'hui vous demandez à la puissance publique de donner à celle-ci une légitimité publique.
Ce que vous proposez est faux, d'autant qu'aujourd'hui le problème n'est plus le même qu'il y a une année, lorsque ce projet a été déposé. Ce n'est plus tant un problème Ville de Genève. Le problème Ville de Genève au Beulet a été résolu, à satisfaction de tous, et aucun autre bureau de poste de la Ville de Genève n'est menacé. Maintenant, ce sont les petites communes qui sont dans le collimateur. La Poste se base en effet sur un certain nombre de paramètres, notamment le nombre et le montant des opérations financières, pour déterminer si un bureau de poste doit être conservé ou pas. En Ville de Genève, les bureaux de poste qui existent actuellement ne risquent pas grand-chose, pas plus que les deux bureaux de poste que nous avons dans ma commune, à Meyrin : ces deux bureaux sont largement rentables et par conséquent nous n'avons aucun souci à ce sujet. En revanche, ceux qui ont du souci à se faire, ce sont les petites communes, celles précisément à qui, dans votre machin, vous donnez un siège, un seul siège pour les représenter toutes, alors qu'elles ont des problèmes spécifiques à défendre.
Je crois savoir que le Conseil d'Etat ne vous a pas attendu pour convoquer ces communes, pour leur demander de se grouper en vue de défendre leurs intérêts spécifiques, la situation se présentant différemment dans chaque village. Il y a une quinzaine de jours, j'ai rencontré certains magistrats communaux au bistrot d'en face, où j'attendais une séance de commission. Je leur ai demandé d'où ils venaient et ils m'ont dit qu'ils avaient été convoqués par M. Lamprecht pour constituer un groupe de travail réunissant tous les magistrats concernés par les fermetures annoncées, de façon à faire valeur leurs droits, chacun les siens car ils sont tous différents.
Je crois que c'est là la vraie voie : les magistrats communaux représentant les villages qui vont être privés de poste doivent être en première ligne, avec l'appui du Conseil d'Etat. A cet égard, votre machin n'a pas la portée que vous voulez bien lui accorder, sinon une portée agitatrice. Or, ce n'est pas par l'agitation que vous arriverez à trouver une solution, c'est par un travail en profondeur, mené par les magistrats communaux directement responsables, avec l'appui ferme et décidé du Conseil d'Etat. C'est ainsi que nous aurons le plus de chances d'y arriver. D'autant plus que nous ne sommes pas les seuls : le problème se pose dans toute la Suisse, dans tous les autres cantons. Il y a d'ailleurs des cantons, comme le Valais, le Jura ou Neuchâtel, qui sont bien plus lourdement atteints que nous. Et ce sont toujours les petites communes qui trinquent : c'est donc au niveau des petites communes qu'il faudra agir d'une manière générale, dans toute la Suisse.
Encore une fois, votre truc passe à côté d'une grande partie du sujet, parce qu'il n'atteint pas les personnes qu'il devrait atteindre. Voilà pourquoi ce projet de loi est inutile ; il faut au contraire créer une structure qui permette au Conseil d'Etat d'agir avec efficacité.
M. Carlo Lamprecht. J'ai été très sensible au compliment - je serais «adorable» - de M. le député Pierre Vanek : c'est la première fois qu'on me dit cela dans une enceinte politique, j'en suis très flatté !
Cela dit, j'aimerais préciser ici qu'en dehors du démantèlement des bureaux de poste, nous avons un deuxième problème, celui de la douane-poste. Sur ces deux problèmes bien distincts, ma préoccupation rejoint la vôtre : faire en sorte de trouver les meilleurs interlocuteurs pour parvenir à nos fins.
Par rapport à la douane-poste, nous avons réuni le 17 janvier les milieux économiques concernés par ce problème - qui, Monsieur Pagani, touche l'économie non seulement genevoise mais lémanique - ainsi que le syndicat de la communication, concerné au niveau des postes de travail et qui sait de quoi il parle s'agissant des conséquences de la suppression de la douane-poste. Nous avons aussi écrit à la Conférence des gouvernements de la Suisse occidentale. Mme Jacqueline Maurer, conseillère d'Etat en charge de l'économie du canton de Vaud, s'est jointe à ce groupe de travail, qui devra rencontrer la direction de la Poste. Nous avons déjà eu une première réunion avec M. Hürni, bras droit de M. Gygi qui a mis en place le concept, et nous lui avons fait part fermement de notre position. Le 18 janvier, nous avons rencontré, ici à Genève, le président de la Confédération, M. Leuenberger, pour lui faire part de nos préoccupations. Il nous a dit qu'il ne laisserait pas passer cette affaire de douane-poste, parce que sa suppression créerait véritablement un déséquilibre sur le plan confédéral. En conclusion, nous avons donc constitué ce groupe de travail - qui est plutôt économique, j'en conviens, mais qui comprend également des représentants du personnel de la Poste - pour intervenir sur ce premier problème.
Concernant le deuxième problème, la commission a refusé d'entrer en matière sur le projet de loi, mais pour ma part je n'ai pas attendu que les travaux de commission soient terminés pour agir. En l'occurrence, j'ai réuni les représentants du syndicat de la communication, le président de l'ACG et tous les maires des communes concernées, sauf la Ville de Genève, mais M. Tornare va se joindre à nous pour tout ce qui concerne le réseau de la Ville de Genève. J'en ai parlé avec lui et il m'a donné son approbation. Nous avons donc constitué un groupe de travail qui s'est déjà réuni, qui a rencontré les responsables de la Poste de la Suisse romande. Nous avons déjà eu un échange à ce niveau et nous avons pu voir quelles étaient les vraies intentions de la Poste, quelles étaient aussi les solutions que la Poste proposait. Ce groupe de travail doit maintenant rendre, après s'être concerté, une espèce de thèse de défense, ou plutôt d'attaque, à présenter à Berne pour défendre les bureaux de poste menacés.
Pour faire ce travail, qui est mieux armé que les maires des communes ? Ils connaissent les usagers, les personnes âgées de leur commune, ils savent quels problèmes poserait la fermeture du bureau de poste, ils savent ce qu'ils peuvent éventuellement faire avec la commune voisine et ce qu'ils ne peuvent pas faire. Ce sont des interlocuteurs, des élus comme vous et moi, qui prennent leurs responsabilités et qui doivent être associés ; c'est ce que j'ai voulu faire dans un premier temps. La Ville de Genève va se joindre à ce groupe, car elle sera également touchée et fortement : de nombreux bureaux de poste, et pas un seul comme à Saint-Jean, seront touchés.
Une structure est donc déjà en place, vous pourrez toujours la compléter si vous le voulez, mais je pense que les personnes qui la composent actuellement sont les mieux à même d'intervenir. Nous avons aussi écrit aux députés aux Chambres fédérales et je souhaite que tous puissent agir ensemble. Dans ce sens, il serait bon que le Grand Conseil, à travers une résolution forte, votée à l'unanimité, donne son appui à ce groupe de travail, lui permettant d'avoir le poids nécessaire. Le Conseil d'Etat, les maires des communes, le syndicat de la communication, la Ville de Genève et le Grand Conseil doivent, ensemble, faire valoir leur opposition au démantèlement du service public.
Voilà ce que nous avons fait ces deux derniers mois sur ce sujet. Ces groupes de travail sont en place, je ne sais pas s'il est très utile, pour l'instant, d'y ajouter du monde. Par contre, une ferme résolution de ce Conseil, votée à l'unanimité pour appuyer ces groupes de travail, me semble une excellente chose. (Applaudissements.)
M. Jean Spielmann (AdG). Je suis bien sûr tout à fait d'accord avec les propos de M. Dupraz concernant le rôle social de la Poste, du service public, son analyse sur le problème du marché et de sa suprématie, tout cela est bel et bon... Cela dit, j'assiste depuis maintenant plus d'une dizaine d'années au démantèlement des services publics les uns après les autres, sous prétexte d'améliorer, de rentabiliser, et je dois dire que relativement peu de personnes s'y sont opposées. Sur 246 élus nationaux, moins d'une dizaine se sont opposés aux premiers projets de privatisation des télécom avec séparation de la Poste. S'agissant des derniers projets de privatisation des chemins de fer, j'ai rappelé dans mon interpellation hier que les CFF étaient passés de 41 000 employés à 28 000, qu'on continue à réduire les effectifs, à réduire la sécurité, à réduire l'entretien des trains. Puis, tout d'un coup, on se rend compte qu'on a trop diminué le personnel, qu'on n'arrive plus à assurer le service, alors on va chercher des gens à l'extérieur de nos frontières pour les faire travailler à meilleur marché, tout en continuant à s'acharner sur la réduction des effectifs...
A un moment donné, il faut bien que la population ait connaissance de cette politique. M. Blanc parle d'agitation : je parlerai quant à moi d'une mobilisation nécessaire. En effet, il n'est pas possible de continuer dans cette direction sans que la population se prononce sur ce problème et sur son service public. Il est quand même nécessaire d'en discuter. Sans allonger sur les personnages clés qui sont en train de mettre en route cette politique, je rappellerai que le dernier nommé s'occupait auparavant de finances sous M. Otto Stich, qu'il s'était opposé à la mise en place de la nouvelle comptabilité permettant de voir la réalité des comptes de la Confédération, qu'il s'était obstiné jusqu'au bout à refuser tout changement dans le modèle financier. On a vu le résultat pour les comptes de la Confédération ! Depuis il a été éjecté et il s'acharne maintenant sur le service public de la Poste ! Ce sont là des gens dont il faut dénoncer non seulement l'incompétence, mais aussi l'arrogance et le rôle politique qu'ils entendent jouer.
Dans la bataille politique que nous menons pour le maintien du service public et, en ce moment même, contre la privatisation du service de l'électricité, il y a une réalité qu'il nous faut répéter sans arrêt, à savoir qu'il y a des secteurs d'activité qui échappent aux lois du marché, tels que la Poste, le service de l'électricité, les transports. Ces secteurs ne peuvent pas être soumis aux simples lois du marché, car il en va de l'équilibre économique de notre pays. Je crois qu'en Suisse on a su, comme nulle part ailleurs, maintenir l'équilibre du pays grâce aux services publics, grâce à des prestations qui soient les mêmes pour l'ensemble de la population dans toutes les régions périphériques. Et c'est ce qui nous a permis de bénéficier pendant des années d'une situation économique favorable. Saboter tout cela sans même réussir, comme l'a dit M. Dupraz, à réduire les déficits, c'est vraiment la plus grande des absurdités !
Face à cela, quelle décision prendre ? On peut bien sûr parler avec le syndicat de la communication, mais, pour avoir été longtemps président d'une des sections, je peux dire que ce syndicat a toujours soutenu toutes les réformes, toutes les privatisations. A propos de la dernière, il a encore déclaré que ce qui était en train de se mettre en place n'était pas si mal... C'est dire qu'il y a réellement nécessité de se tourner vers la population et un des moyens, c'est le projet de loi que nous proposons. Il ne s'agit pas là d'agitation, mais de mobilisation.
Cela dit, je suis bien sûr content de voir que le Conseil d'Etat prend ce problème au sérieux, avec d'autres conseillers d'Etat d'autres cantons, notamment ceux qui sont le plus touchés comme le Jura ou le Valais. Il est bien sûr judicieux d'aller dans cette direction. Mais il faudrait aussi que, dans les partis politiques, on cesse l'hypocrisie de se déclarer, ici, pour le service public et de voter, à Berne, toutes les privatisations. Encore une fois, sur 246 élus nationaux, moins d'une poignée s'opposent à ces privatisations.
D'autres problèmes ont été relativement peu évoqués dans ce processus de démantèlement des services postaux, qui concernent plus particulièrement la région frontière qu'est Genève, ce sont ceux liés à nos échanges avec la région. Depuis la mise en place des accords de Schengen et du dispositif européen sur la poste, le courrier ou la fiche de paie d'un frontalier qui travaille à Genève ne passent plus par la poste, directement de Genève à Annemasse, comme c'était le cas il y a quelques années, où des camions postaux acheminaient le courrier et les petits paquets. Aujourd'hui, le courrier passe obligatoirement par Bâle et par Lyon et met une dizaine de jours pour arriver à quelques kilomètres, de l'autre côté de la frontière. Il y a donc aussi une réalité frontalière qu'il faut prendre en compte. Si on veut développer la région, il faut aussi lui assurer les moyens de fonctionner : la poste, les transports, les services publics sont indispensables à une société pour fonctionner normalement.
La commission que nous proposons aujourd'hui est un instrument adéquat, nécessaire pour débattre avec la population du maintien du service public, à travers les contacts avec les communes, avec le Conseil d'Etat, avec les élus, avec les milieux économiques et les milieux syndicaux. Rien ne doit nous empêcher de renforcer au maximum la mobilisation contre ceux qui, dans ce pays, sont malheureusement prêts à continuer sur la voie du démantèlement des services publics. Pour notre part, notre combat est clair depuis le début. Cette proposition que nous faisons aujourd'hui fait partie d'un arsenal nécessaire, indispensable pour nous battre en faveur du service public.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je crois que l'intervention de M. Lamprecht était très significative, après celle de M. Dupraz qui, lui, parce qu'il est en campagne électorale... (Exclamations.) ...expliquait combien il s'était opposé, à Berne, à cette privatisation, alors que concrètement il n'a pas levé le petit doigt !
J'aimerais revenir sur l'intervention de M. Lamprecht. Il nous annonce que deux groupes seront mis en place et c'est bien là tout le problème : un groupe s'occupera de la douane-poste et l'autre des démantèlements que vont subir d'abord les petites communes et ensuite la Ville de Genève - car il est certain que les bureaux de poste en Ville de Genève vont aussi subir cette restructuration. Or, Mesdames et Messieurs, sans vous faire l'injure de vous expliquer ce qu'est une négociation puisqu'une majorité d'entre nous la pratiquons tous les jours, je rappellerai qu'au début de toute négociation on définit un cadre et des principes. Dans la proposition qui nous est faite par M. Lamprecht, un principe est déjà défini, c'est celui de la non-transparence et surtout de la séparation de la problématique de la douane-poste et de celle de l'ensemble des bureaux de poste de notre canton. Pour nous, la véritable transparence et la véritable justice sociale implique qu'il y ait une seule commission. En effet, à la fin de la négociation il s'agira en définitive de jouer les épiciers, les marchands de tapis : pour garder la douane-poste, importante, vitale pour l'économie, céderons-nous, par exemple, les petites postes de Gy ou d'autres communes ? Ou allons-nous demander aux petites communes d'assumer l'ensemble des prestations ? M. Dupraz l'a expliqué : la Poste exige une rentabilité absolue de chaque bureau de poste. Cela veut dire que les petites communes devront cracher au bassinet pour assurer l'équilibre financier de leur petite poste communale, ou qu'elles en seront nécessairement privées.
Il arrivera un moment où le Conseil d'Etat devra faire la part des choses et nul doute que les petites communes seront alors défavorisées, parce qu'elles seront absentes, parce qu'elles feront partie de l'autre groupe ad hoc désigné. Elles ne pourront jamais faire valoir leurs droits en termes de justice sociale. Nous voulons donc imposer, par notre projet de loi, un cadre commun à l'ensemble des négociations qui vont avoir lieu, afin que soient mises au même niveau, dans le même cadre de négociations, la douane-poste et la plus petite poste du canton, afin que chacun puisse faire valoir ses droits dans un cadre commun. C'est le principe même de toute négociation. Je m'excuse de vous le dire, Monsieur Lamprecht, mais en créant deux groupes ad hoc, vous pipez le jeu dès le départ, vous vous réservez la possibilité de sacrifier plusieurs postes communales au maintien de la douane-poste.
M. Christian Grobet (AdG). J'ai écouté avec attention M. Lamprecht. Je ne doute pas de votre bonne volonté, Monsieur le conseiller d'Etat, mais je suis obligé de faire le constat suivant. Nous nous sommes réunis en assemblée extraordinaire il y a une année et depuis, que s'est-il passé ? Au niveau de l'Etat, j'ai le regret de vous dire que je n'ai rien vu du tout, en tout cas dans les médias.
Par contre, n'en déplaise à M. Blanc, ce qu'il qualifie d'agitation et qui était en fait une mobilisation des habitants a permis l'année dernière de sauver une poste de quartier. Monsieur Blanc, lorsque vous dites, j'allais dire naïvement mais vous avez une telle expérience politique que le terme est totalement inadéquat, lorsque vous dites non sans cynisme que ne seront touchées que les petites communes, vous feignez d'ignorer ce que la Poste a concocté. Quant à moi, je constate qu'après une année de palabres dans des commissions dont personne ne connaît la composition effective ni comment elles travaillent, un rapport de M. Leuenberger et du nouveau directeur général de la Poste est tombé il y a quelques jours, qui est clair et net. A cet égard, M. Dupraz a rappelé que les économies recherchées sont de 500 millions et que les mesures dans les petites communes ne sont que la première tranche. Nous en sommes tous conscients. La tranche suivante touchera les postes en ville, c'est sûr.
Dans ce contexte, que nous propose-t-on ce soir ? Je dirai que, comme modèle d'hypocrisie, on ne fait pas mieux et que cette résolution est en fait déshonorante pour le Conseil d'Etat. En effet, le Grand Conseil est invité à demander au Conseil d'Etat «d'intervenir auprès des autorités fédérales afin qu'un droit d'information préalable et d'intervention, etc.» soit accordé ! Faut-il déposer une résolution pour demander au Conseil d'Etat d'intervenir ? Mais enfin, le Conseil d'Etat n'est-il pas capable d'intervenir de lui-même, faut-il que le Grand Conseil vienne le lui demander ? C'est quand même extrêmement étonnant, mais connaissant les signataires de la résolution je sais que certains, sur les bancs d'en face, ont l'habitude de tenir ce double discours, de feindre de se préoccuper du démantèlement des services publics, alors que leurs représentants à Berne sont les premiers à souhaiter ce démantèlement et à le voter. Ce sont les auteurs du démantèlement qui nous font face actuellement.
Par contre, j'avoue être plus déçu de voir une partie de la gauche voter aujourd'hui cette résolution sans consistance. Je comprends que vous soyez gênés, Mesdames et Messieurs les socialistes, de la politique menée par le groupe socialiste aux Chambres fédérales, qui a effectivement voté le démantèlement de la Poste, des CFF, des compagnies électriques. Je comprends cette gêne, mais n'est-ce pas aussi gênant de tenir un double discours, de prétendre être contre ce démantèlement sans voter les mesures concrètes visant à mobiliser les gens ? Vous avez pourtant des élus actifs dans vos rangs. C'est M. Lamprecht qui m'y a fait penser en disant tout le bien qu'il pensait des magistrats communaux : effectivement, il y a un magistrat de la Ville de Genève auquel j'entends rendre hommage, c'est M. Manuel Tornare, qui s'est beaucoup dépensé. Si vous entrez en matière sur notre projet de loi, le fait est que le délégué de la Ville de Genève serait la personne la plus adéquate pour présider cette commission. Je ne sais pas si cela sera suffisant pour nous rallier nos amis socialistes, encore que ce ne soit pas le but de cette proposition.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais souligner que la Ville de Genève et les habitants du quartier de Saint-Jean ont donné l'exemple de ce qu'il faut faire, à savoir que les autorités doivent travailler avec les habitants des quartiers, avec les associations, que les gens doivent se manifester. Seule cette voix-là sera entendue à Berne. Une résolution adressée au Conseil d'Etat pour lui rappeler ce qu'il aurait dû faire il y a déjà une année, n'aura aucun effet du tout !
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Christian, tu as très bien dit ce que j'allais dire, aussi je ferai très court !
Pour répondre à M. Blanc qui parle d'agitation, je dirai que, si le mouvement citoyen de Saint-Jean n'avait pas agité la République, on n'en serait pas là aujourd'hui. Quant à sa deuxième remarque sur le fait que ce projet de loi ne serait valable que dans le canton de Genève, ce n'est pas important : cela ne peut qu'inciter les autres cantons à faire comme nous et à se débrouiller.
Mesdames et Messieurs, la résolution est relativement creuse, alors que le projet de loi est beaucoup plus pertinent. Je vous recommande de le voter.
La présidente. On me demande la lecture de la pétition 1338. Le bureau propose de faire figurer ce texte au Mémorial, mais de ne pas le lire maintenant... Monsieur Vanek, êtes-vous d'accord avec cette proposition ? Bien, nous procéderons ainsi.
Secrétariat du Grand Conseil
Date de dépôt: 7 février 2001Messagerie
Pétitionpour le maintien de la poste de la Plaine
Mesdames etMessieurs les députés,
Les 473 signatures représentent une prise de position qui, dans sa simplicité est d'une éloquence extrême. Les habitants et riverains de notre village souhaitent le maintien de notre bureau de Poste, non pas uniquement pour des raisons sentimentales, mais surtout pour des raisons pratiques et pragmatiques. Les industries et commerces locaux y trouvent de prestations indispensables sur leur lieu d'établissement. Pour des frontaliers c'est un service au guichet et des cases postales utiles. Pour les nombreux résidents de notre commune la Poste est une institution quotidienne de voisinage dont l'utilité fait la preuve par sa fréquentation. Une présence postale personnelle et compétente n'est pas un luxe pour nous. De plus, par sa situation au centre du village et adjacente à l'école, notre bureau postale assure ses fonctions postales et bancaires pour la plupart entre nous et fait partie de notre vie. Un conseilleur national valaisan a bien dit ces derniers jours que "la poste est au coeur de nos villages".
Les alternatives proposées par la direction des Postes nous ne semblent point convaincantes et ne remplaceront jamais les prestations d'un buraliste compétent et les connaissances du terrain d' un bon facteur. Au niveau des emplois, on prétend que ceux des postiers de la région seront déplacés dans d'autres services. Or le buraliste, tout comme le maire, le cantonnier, le cheminot et l'instituteur compte dans la communauté comme un personnage dont la fonction mérite un certain suivi et respect. II est douteux que l'administration postale, penchée sur ses feuilles de calcul, tienne suffisamment compte de cet aspect des choses. Un ancien directeur de la régie l'exprime ainsi: "La Poste a perdu la confiance de ses clients et démotivée son personnel." Faisons en sort de lui donner tort !
Le discours de la notion du service public réellement au service de la population (au lieu de se comporter comme une entreprise aux bénéfices faramineux pour ses actionnaires) a été suffisamment exposé ailleurs, mais mérite d'être rappelé, car ce débat est loin d'être clos.
Pour ces raisons nous vous demandons de tout mettre en oeuvre envers les autorités fédérales afin de maintenir notre Poste, tout comme les autres offices en sursis, et ainsi d'assurer l'identité et la qualité de notre village.
En conclusion nous comptons sur vous de donner suite à notre pétition et la transmettre aux instances compétentes. Vous remerciant d'avance de l'attention que vous voudrez bien porter à la présente, nous restons à votre disposition pour des plus amples renseignements.
PL 8189-A
La présidente. Nous passons au vote d'entrée en matière sur le projet de loi 8189. L'appel nominal a été demandé. (Appuyé.)
Celles et ceux qui l'acceptent répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Ce projet est rejeté en premier débat par 38 non contre 18 oui et 19 abstentions.
Ont voté non (38) :
Esther Alder (Ve)
Bernard Annen (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Roger Beer (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Fabienne Bugnon (Ve)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Jacques Fritz (L)
Pierre Froidevaux (R)
Philippe Glatz (DC)
Nelly Guichard (DC)
Michel Halpérin (L)
René Koechlin (L)
Bernard Lescaze (R)
Alain-Dominique Mauris (L)
Etienne Membrez (DC)
Jean-Louis Mory (R)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean-Marc Odier (R)
Michel Parrat (DC)
Catherine Passaplan (DC)
Pierre-Louis Portier (DC)
Jean Rémy Roulet (L)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Walter Spinucci (R)
Micheline Spoerri (L)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Ont voté oui (18) :
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Dolorès Loly Bolay (HP)
Bernard Clerc (AG)
Anita Cuénod (AG)
Jeannine de Haller (AG)
Erica Deuber Ziegler (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Christian Grobet (AG)
Cécile Guendouz (AG)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Myriam Sormanni-Lonfat (HP)
Jean Spielmann (AG)
Pierre Vanek (AG)
Se sont abstenus (19) :
Charles Beer (S)
Christian Brunier (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Alain Charbonnier (S)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Régis de Battista (S)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Mariane Grobet-Wellner (S)
Dominique Hausser (S)
Antonio Hodgers (Ve)
Jacques-Eric Richard (S)
Albert Rodrik (S)
Christine Sayegh (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Alberto Velasco (S)
Etaient excusés à la séance (5) :
Michel Balestra (L)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Alexandra Gobet (S)
Yvonne Humbert (L)
Pierre Meyll (AG)
Etaient absents au moment du vote (19) :
Jacques Béné (L)
Anne Briol (Ve)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Juliette Buffat (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Henri Duvillard (DC)
Anita Frei (Ve)
Morgane Gauthier (Ve)
Janine Hagmann (L)
David Hiler (Ve)
Georges Krebs (Ve)
Armand Lombard (L)
Pierre Marti (DC)
Louiza Mottaz (Ve)
Véronique Pürro (S)
Louis Serex (R)
Olivier Vaucher (L)
Salika Wenger (AG)
Présidence :
Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente
R 438
Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée aux Autorités fédérales.
Elle est ainsi conçue :
Résolution
(438)demandant aux autorités fédérales d'associer la Conférence des directeurs cantonaux aux travaux de révision législative touchant les grands services publics, notamment celui de La Poste
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
à intervenir auprès des autorités fédérales afin qu'un droit d'information préalable et d'intervention en faveur de la Conférence des directeurs cantonaux concernés soit inclus lors de toutes les révisions législatives à venir touchant les grands services publics, notamment celui de La Poste.
R 418
M. Daniel Ducommun (R). Madame la présidente, au nom du groupe radical, je vous informe que nous retirons la résolution 418-A.
La présidente. Je vous remercie. Il est pris acte de ce retrait.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La fermeture de Zone Bleue aura des implications sociales inacceptables et indignes de la Genève Internationale et ouverte.
Qu'à l'heure où les Genevois vont devoir se prononcer sur le droit de vote et d'égibilité des étrangers, il y a là contradiction avec la volonté d'assimilation des étrangers qui caractérise Genève.
Que si la Ville de Genève reprend cette garderie, rien ne l'empêche de continuer à l'exploiter grâce à des contrats temporaires passés avec des chômeurs.
Je me permets donc, Mesdames et Messieurs les députés, de vous demander de bien vouloir accepter l'urgence de cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat qui se chargera d'entreprendre des négociations avec la Ville de Genève, ce qui permettra d'éviter le licenciement de la directrice, Mme Zoller, pour fin avril.
Débat
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). La garderie Zone Bleue faisait partie du paquet concocté par le SECO, l'ancien OFIAMT, qui a décidé de la fermer. Je pense qu'il faudrait maintenir cette garderie ouverte pour les raisons que j'ai indiquées dans le texte. Jusqu'à l'année dernière, au mois de décembre, cette garderie était ouverte... (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, si tout le monde s'en va, ce n'est plus la peine que je continue !
Je disais que, jusqu'au mois de décembre 2000, cette garderie était ouverte toute la journée et quatre soirs par semaine jusqu'à 21 h 30. Elle accueille les tout-petits et les enfants jusqu'à l'âge de 10 ans et elle a une grande utilité sociale, étant donné qu'elle reçoit les enfants de femmes immigrées ou réfugiées, qui peuvent ainsi suivre des cours d'alphabétisation sans aucun souci de garde pour leurs enfants. A l'heure où on parle tant d'intégration, à l'heure des votations du 4 mars, je crois que chercher à apprendre la langue du pays est un premier pas vers l'intégration. Il me semble donc difficile de ne pas approuver cette idée que la garderie reste ouverte.
A l'origine, j'avais imaginé que le Conseil d'Etat demande à Berne qu'elle puisse rester ouverte. Il semblerait qu'on se dirige vers une solution où la Ville de Genève reprendrait cette garderie. Parmi le personnel, un seul poste est fixe, c'est celui de la directrice, Mme Zoller. Toutes les autres personnes sont des chômeurs et des chômeuses. Il faudrait que cette garderie puisse continuer à fonctionner sur le même modèle, de façon à fournir un travail qui les revaloriserait à des chômeurs et des chômeuses, et qu'elle soit ouverte aux mêmes conditions qu'avant.
Je demande donc que le Conseil d'Etat fasse des démarches auprès de la Ville de Genève. Ensuite, le Conseil municipal ou je ne sais qui décidera, car effectivement ce n'est pas nous qui allons décider. Il me semble qu'on ne peut qu'accepter cette proposition de motion : je vous demande de l'accepter sans débat et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat. En effet, la directrice a reçu son congé pour fin avril, nous sommes déjà mi-février et on ne peut donc pas s'amuser à traîner. Ensuite, si le Conseil d'Etat est d'accord de discuter avec la Ville, ce sera leur problème.
M. Albert Rodrik (S). Même si nous ne sommes plus très nombreux, je voudrais souligner que la crèche-garderie de l'UOG est une institution intéressante par les services qu'elle rend et par son type de fonctionnement, et qui a à sa tête une professionnelle qualifiée. Quels que soient les termes dans lesquels cette motion nous est arrivée, nous devons la soutenir. Normalement, nous aurions dû l'envoyer à la commission de l'économie qui traite la motion concernant Textura, mais vu les délais, comme Mme Sormanni l'a signalé, il faut que le Conseil d'Etat s'en saisisse et se concerte avec la Ville de Genève. En effet, si on n'agit pas vite, cette garderie risque de disparaître alors que c'est une prestation dont on a besoin.
M. Bernard Lescaze (R). Cette motion concerne sans doute un sujet intéressant, mais je crois que ce Grand Conseil n'a que trop tendance à développer des sujets qui ne sont pas totalement de sa compétence, et ceci surtout tard dans la soirée... Les crèches relèvent des compétences communales. Il me paraît donc que la motionnaire pourrait s'adresser directement au département des affaires sociales de la Ville, voire à la délégation de la petite enfance, ou même, si elle tenait à une intervention parlementaire, la faire au Conseil municipal de la Ville. En parler ici n'a aucune raison d'être. De plus, je regrette infiniment, Madame la députée, mais je constate qu'à la fin de votre texte vous parlez d'un cas personnel, qui est certainement touchant mais qui concerne des questions d'engagement ou de non-engagement de personnes sur lesquelles nous n'avons pas à nous prononcer.
Je considère pour ma part que ce texte est totalement hors de propos dans notre enceinte. Le mieux que nous puissions faire, c'est d'accepter son renvoi à une commission. Mais je répète qu'il n'est pas normal de nous soumettre ce genre de texte ce soir. Il existe une commune de Genève, qui dispose d'une certaine autonomie communale ; si vous proposez que les crèches soient cantonalisées, dites-le, sinon traitons les sujets qui sont de notre compétence !
Mme Janine Berberat (L). Je rejoindrai les propos de M. Lescaze. Nous avons travaillé en commission des affaires sociales sur les crèches et les communes ont vraiment souhaité que les crèches soient de la compétence communale parce qu'il s'agit d'un domaine de proximité. Je ne sais pas pourquoi la Ville de Genève veut renoncer à cette crèche, je ne connais pas le dossier, mais je ne vois pas pourquoi aujourd'hui nous devrions donner l'ordre au Conseil d'Etat de reprendre cette institution.
Aussi, soit nous refusons cette motion, ce que je trouverais regrettable vis-à-vis de Mme Sormanni, soit nous l'envoyons à la commission des affaires sociales. En l'état, nous ne pouvons pas l'envoyer directement au Conseil d'Etat. Je demanderai donc à Mme Sormanni, soit de retirer momentanément cette motion et de faire une autre démarche, soit d'accepter que ce texte soit renvoyé à la commission des affaires sociales.
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Je ne peux pas souscrire à ta proposition, Janine, mais j'apprécie la délicatesse dont tu fais preuve... (Commentaires.) Cela vous dérange que je l'appelle Janine, mais c'est une copine ! Contrairement à ce que dit Bernard Lescaze, il ne s'agit pas du tout de prendre le pouvoir sur la Ville, ce n'est pas cela. Le problème est qu'on n'a plus beaucoup de temps. Cela fait plus d'un mois que j'essaie de me renseigner, que je n'arrive pas à obtenir des renseignements, parce qu'on fait barrage. Et vous savez pourquoi : on veut m'empêcher de travailler ! Donc, maintenant, il n'y a plus de temps à perdre, alors votons : si nous sommes plus nombreux à gauche, cette motion va passer, sinon ma foi tant pis !
Sans avoir la garantie qu'elle sera étudiée immédiatement, il n'est pas possible de la renvoyer en commission. Fin avril, c'est tout de suite. Le Conseil d'Etat peut très bien demander à la Ville d'entrer en matière, d'autant que le Conseil municipal va tenir une séance avant nous - en mars, nous ne siégeons que les 22 et 23. Alors, soyez réalistes et ne parlez pas de lèse-majesté simplement parce qu'on donne un petit ordre à la Ville. Je sais bien que vous siégez aussi à la Ville, Monsieur Lescaze, et je n'ai pas voulu vous blesser en proposant cela. Quant à vous, Madame Berberat, je m'excuse mais je ne peux pas accepter votre proposition, parce que le temps presse. J'ai travaillé sur ce sujet, j'ai rédigé cette motion et, ce soir, je suis enchantée d'avoir entendu Albert Rodrik dire qu'il s'agit d'une institution sociale et qu'on ne peut pas faire autrement. Peu importe le contentieux que nous avons, il a réagi de façon intelligente. Alors, votons et on verra bien !
Mme Magdalena Filipowski (AdG). Les femmes qui suivent les cours d'alphabétisation à l'UOG viennent de tout le canton, et pas seulement de la Ville de Genève, même si la crèche se trouve sur le territoire de la Ville. Aussi, je trouve que cette crèche relève, si ce n'est des compétences cantonales, en tout cas de l'intérêt cantonal. Il est donc tout à fait judicieux que ce soient les autorités cantonales qui, sur cette question, demandent à la Ville de Genève d'entrer en matière.
La présidente. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission des affaires sociales, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires sociales est rejeté.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion
(1389)Reprise de la garderie Zone Bleue par la Ville de Genève
La séance est levée à 23 h 20.