République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 56e séance -autres séances de la session
No 56/XI
Jeudi 30 novembre 2000,
nuit
La séance est ouverte à 20 h 45.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Michel Balestra, Dolorès Loly Bolay, Anne Briol, Thomas Büchi, Juliette Buffat, Hervé Dessimoz, John Dupraz, Philippe Glatz, Alexandra Gobet, Pierre Meyll et Véronique Pürro, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Mme Alix Francotte Conus est assermentée. (Applaudissements.)
M. Yves Aeschlimann est assermenté. (Applaudissements.)
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La Commission de l'enseignement supérieur a examiné le projet de loi 8267 lors de ses séances des 14 septembre, 28 septembre, 5 octobre et 2 novembre 2000 sous la présidence de la soussignée.
M. Eric Baier, secrétaire-adjoint du Département de l'instruction publique, a assisté la commission dans ses travaux et MM. Jean-Luc Constant et Christophe Vuilleumier, procès-verbalistes, ont assuré la prise de note des séances. Qu'ils soient tous les trois remerciés.
1. Rappel
En date du 9 décembre 1999, la Conférence universitaire suisse a adopté le texte définitif du projet de concordat intercantonal de coordination universitaire. Elle a invité les cantons universitaires à y adhérer d'ici au 31 octobre 2000.
Ce concordat rendra possible une politique universitaire nationale coordonnée dans le domaine des hautes écoles et instituera les nouvelles structures qui permettront sa mise en oeuvre. Cantons et Confédération se sont accordés sur le principe selon lequel la politique universitaire est une tâche commune. Afin de pouvoir réaliser le concept retenu, il est demandé aux cantons universitaires, par la voie de l'adhésion au présent concordat :
d'adhérer aux objectifs de la politique universitaire nationale coordonnée énumérés à l'article premier du concordat ;
de créer, avec la Confédération, un nouvel organe commun, qui sera une Conférence universitaire suisse d'un type nouveau ;
d'instituer, avec la Confédération, un organe indépendant d'accréditation et d'assurance qualité.
L'entrée en vigueur du concordat est prévue pour le 1er janvier 2001. Le Parlement du canton de Berne a d'ores et déjà accepté l'adhésion au présent concordat.
2. Auditions
Audition de M. Maurice Bourquin, recteur de l'université (14.09.00)
Le recteur de l'Université de Genève se réfère à la motion qui a été déposée aux Chambres fédérales pour demander la rédaction d'un article constitutionnel réglant les compétences de la Confédération en matière de politique universitaire d'ici à 2008 au plus tard. Cette échéance est très importante pour l'articulation des discussions en cours. Pour le court terme, la présente année est une année de transition. La loi d'aide aux universités du 9 décembre 1999 (LAU) est certes déjà entrée en vigueur, mais la convention et le concordat n'ont pas encore été signés. Pour l'avenir, il est prévu un renforcement de l'engagement des cantons dans la politique universitaire suisse. Quant aux organes mentionnés dans le concordat, la CUS (le Conseil de la Conférence universitaire suisse : art.4 du concordat) et l'OAAQ (l'Organe indépendant d'accréditation et d'assurance de la qualité : art. 7 du concordat), il est prévu qu'ils puissent prendre des décisions contraignantes pour la Confédération, les cantons et pour les écoles polytechniques (cf. énumération des compétences à l'article 5 du concordat). Les universités souhaitent pour leur part que les écoles polytechniques soient mieux intégrées dans la politique universitaire suisse, de façon à améliorer la collaboration et le travail de réseau, étant précisé que l'accord intercantonal universitaire est un accord qui n'implique que les étudiants des universités. Les étudiants des écoles polytechniques n'y sont pas mentionnés. On peut par ailleurs espérer, dans une nouvelle organisation des hautes écoles suisses, que les cantons universitaires auront plus de poids pour discuter avec les écoles polytechniques. Interrogé sur les avantages de ce concordat pour l'Université de Genève, le recteur précise que le concordat soulève beaucoup de questions au sein de l'Université de Genève. Ceci dit, il est prévu que la convention de coopération règle les questions de détail. L'article 5 de cette convention énumère les compétences de la Conférence universitaire suisse. La CUS pourra par exemple octroyer des contributions liées à des projets. C'est un avantage pour l'Université de Genève qui développe des projets susceptibles de bénéficier de contributions de la CUS (par exemple le projet triangulaire UniL, UniGE, EPFL). Celle-ci pourra également reconnaître des institutions ou des filières d'études. Ce pourrait aussi être un avantage pour l'Université de Genève dans l'optique d'une reconnaissance sur le plan international. La CUS pourra aussi édicter des directives sur l'évaluation de l'enseignement et de la recherche. Il ne s'agit donc pas d'évaluer directement l'enseignement et la recherche, mais d'édicter des directives sur cette évaluation. Ce pourrait aussi être un avantage pour Genève, comme pourrait l'être la compétence de la CUS d'édicter des directives relatives à la valorisation des connaissances acquises par la recherche.
Audition groupée Conseil Académique / Conseil de l'Université (28.09.00)
Les interventions groupées des deux conseils constituent une « acceptation du bout des lèvres du contenu du concordat ». Le problème qui se pose est celui du contrôle démocratique. Le Conseil de l'université en a débattu la veille et la conclusion ne peut être qu'une acceptation du concordat. Il est cependant nécessaire de connaître cet instrument que représente le concordat et trois séries de remarques doivent être formulées :
La rhétorique qui déclare que la Suisse est un petit pays et qu'il est donc nécessaire d'unifier les ressources oublie que la Suisse est la quinzième puissance mondiale. Il y a donc des réserves à émettre face à cet argument. On se demande ensuite si le financement cantonal qui représente 50 % des dépenses universitaires sera uniquement dédié aux dépenses de fonctionnement et les 20 % de la Confédération dévolus aux innovations ? Il faut se demander encore si les pôles que sont les relations internationales et les sciences de la vie par exemple et qui s'inscrivent naturellement dans la tradition genevoise, seront garantis par le concordat. Il est donc important que le canton garde sa voix dans le discours.
Il n'est pas assuré que les décisions prises à Berne soient meilleures que celles arrêtées à Genève.
Les attributions des deux conseils devront être redéfinies puisque l'instance demeurera à Berne. On donne en exemple les règlements d'études et on ajoute que pour la mise en oeuvre du concordat, c'est l'ensemble du monde universitaire qu'il faut « reprofiler ». Les deux conseils regrettent que la souveraineté genevoise parte à Berne.
Un député demande si le « faire-ensemble » comporte plus de désavantages que d'avantages.
Le groupe auditionné répond qu'il est impossible de refuser un tel texte, car cela serait alimenter les stéréotypes qui ont cours au sujet de la République et canton de Genève.
Le directeur IUHEI de son côté, en sa qualité d'ancien parlementaire fédéral qui a voté le texte de la LAU le 9 octobre 1999, n'a jamais entendu parler du versant concordataire au moment du vote. Il pense que le Parlement genevois ne doit pas se laisser retirer sa liberté de choix, il n'a pas à accepter ce concordat comme « un ours ficelé à l'intérieur d'un sac ».
Il explique que ce concordat est la clé de voûte qui instaure une université fédérale souhaitée depuis 150 ans et rappelle que cette formule existe déjà sous la forme des écoles polytechniques. Il se dit pourtant gêné par le fait que la Confédération sous-traitera notamment les accréditations. Il évoque à cet égard l'article 7 du concordat et la mission donnée au Groupement de la Science et de la Recherche, de redéfinir la géométrie de l'université. L'auditionné déclare encore que d'ici mai 2001, l'université n'aura plus rien à dire. Il pense que l'Université de Genève était fort bien placée au niveau de l'excellence des projets par rapport à l'Université de Zurich. Il augure que les quatre pôles genevois fondront à deux et qu'un discours lénifiant enterrera les deux autres.
En conclusion, les interventions groupées des deux conseils mettent en évidence qu'il serait pénalisant de refuser le concordat, mais que certaines garanties doivent être obtenues telle une représentation de Genève au plus haut niveau. Les deux groupes auditionnés craignent que le poids qui va peser sur l'université soit considérable en fonction du grand nombre d'instances superposées au-dessus d'elle. Le préavis final est d'adhérer au concordat.
Audition de la Conférence universitaire des associations d'étudiants (28.09.00)
De leur côté, les étudiants rejettent le concordat comme ils avaient rejeté la LAU.
Un étudiant représentant la CUAE déclare que cette dernière est défavorable à l'adoption du concordat puisque cela signifie une diminution du principe démocratique. Il ajoute cependant que son association demeure favorable à l'établissement d'une véritable politique universitaire fédérale excluant l'intervention des cantons. Ce concordat représente donc une solution boiteuse.
Un second étudiant représentant la CUAE déclare n'avoir que peu d'espoirs quant à l'accroissement des prérogatives au niveau cantonal. Il signale ainsi que le déplacement des centres décisionnels de Genève à Berne diminuera la compréhension et l'implication des étudiants. Il se déclare en outre étonné que les étudiants soient mis au même rang que l'économie au sein du concordat.
Audition de Mme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf (05.10.00)
La question politique qui est posée aux députés au travers de l'adhésion ou non du canton de Genève au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999 doit être située dans la perspective de la procédure aujourd'hui ouverte de révision de l'article constitutionnel fédéral sur l'enseignement supérieur. Les cantons universitaires se trouvent à la « croisée des chemins ». Veulent-ils participer activement à la politique universitaire suisse, ou veulent-ils n'être que des spectateurs ? Si l'on veut consolider la participation des cantons universitaires dans la politique universitaire suisse, c'est la voie concordataire qu'il faut emprunter, si l'on veut transférer toute compétence à la Confédération, dès lors c'est un autre chantier qu'il faut ouvrir ? Pour la présidente du DIP, le choix est clair. Les cantons universitaires ont déployé un énorme travail depuis les années 1995/1997 au moins, pour jeter les bases d'un système de coordination de la politique universitaire suisse, l'Université de Genève n'a pas ménagé ses efforts non plus, il faut aujourd'hui récolter les fruits de ces efforts.
Il est pratiquement inconcevable que le paysage universitaire suisse se coordonne et que Genève, qui assume la charge de la deuxième université suisse, n'en fasse pas partie. Dans cette hypothèse négative, on verrait très rapidement les responsables de l'instruction publique et de l'Université de Genève se trouver complètement isolés sur le plan suisse et être très vite « exclus » de la vie universitaire suisse.
La commission a déjà pris conscience lors de précédentes auditions du fait qu'une partie de la question qui lui est posée, comme elle est traitée de façon exhaustive dans une loi fédérale, dépasse le seul périmètre de compétence du Grand Conseil genevois.
Il faut rappeler en effet que le nouveau paysage universitaire suisse a été constitué par le Parlement fédéral lorsqu'il a adopté, le 8 octobre 1999, la loi fédérale sur l'aide aux universités et la coopération dans le domaine des hautes écoles (LAU). Dans la mesure même où le Parlement fédéral légiférait en premier sur la coopération universitaire, il fixait la voie à suivre de manière « quasi impérative » pour les parlements cantonaux. Le Parlement fédéral a eu l'occasion d'organiser de très nombreux et très larges « Hearings »des milieux universitaires concernés. Ce fut le cas les 26 et 27 janvier 1999, ainsi que les 15,16 et 17 février 1999. A cette occasion, c'est le concept même de l'Organe indépendant d'accréditation et d'assurance qualité qui a été profondément remodelé pour tenir compte des remarques des recteurs suisses. A cette occasion également, ce sont Mmes Verena Meyer et Heidi Diggelmann, respectivement présidente du Conseil suisse de la science et du Fonds national suisse de la recherche scientifique qui ont été longuement auditionnées. Il est bien évidemment un peu surprenant, voire surréaliste, que les personnes de l'université entendues le 28.09.00 fassent tranquillement abstraction de la genèse très largement consensuelle du système proposé par la loi fédérale et le concordat. Il faut le reconnaître, seuls les étudiants s'y sont toujours opposés et l'ont fait savoir, car ils préféraient une fédéralisation de l'université suisse.
Et maintenant voici quelques informations sur l'état des procédures d'adhésion au 2 octobre 2000 : les Parlements des cantons de Berne (17.05.00) et des cantons de Fribourg (19.09.00) ont déjà pris une décision parlementaire positive et définitive. Zurich dispose d'un vote unanime de la commission parlementaire, et la suite ne fait pas de doute, le Grand Conseil vaudois est saisi d'un préavis positif d'adhésion.
Lors des débats de ce Grand Conseil sur l'adhésion du canton de Genève à l'Accord intercantonal universitaire du 20 février 1997 qui ont eu lieu le 6 juin 1997, mais également lors des débats quatre ans précédemment sur le même accord dans une version antérieure, il est toujours apparu cette crainte que les représentants genevois dans les commissions concordataires ne défendent pas assez les intérêts vitaux de l'Université de Genève. Eh bien, c'est le contraire qui s'est produit pendant toute cette période : les recettes brutes de financement, grâce à cet Accord,. ont passé de 23 millions en 1998 à 30 millions en 2001. Le gain net est de 7 millions .Les discussions sur le mode de décision de la Conférence universitaire suisse (art 6 du concordat) ont vu les thèses genevoises largement reprises par tous les partenaires.
La présidente du DIP a également répondu à de nombreuses questions concernant l'organe indépendant d'accréditation et d'assurance qualité. Cette procédure d'accréditation est simplement la « mise en oeuvre » d'un système qui a fait largement ses preuves à l'étranger et qui consiste à recourir à des experts. Certains craignent que cet organe soit une « usine à gaz » bureaucratique. Ce grief est infondé, il n'y aura pas plus de cinq personnes dans le Conseil scientifique avec des mandats de consultants, un directeur et son état-major administratif. Cette procédure d'accréditation a largement fait ses preuves en médecine, comme le montre le rapport d'évaluation de la Faculté de médecine de Genève 1999 qui était l'annexe IX du projet de loi 8267.
La présidente du DIP conclut en affirmant que la meilleure défense de l'Université de Genève et de la qualité de ses prestations en matière de formation et de recherche consiste à relever ce défi de l'avenir et à adhérer au concordat.
3. Discussion générale
3.1 Craintes d'un « possible désaisissement du Grand Conseil » sur les affaires universitaires
Lors de la séance du 5 octobre en particulier, les députés des partis de gauche de la commission ont insisté sur les craintes fondées qu'ils ressentaient d'une diminution du pouvoir du Grand Conseil sur l'avenir de l'Université de Genève en cas d'adhésion au concordat. Ces craintes se sont articulées autour de trois thèmes que ce rapport doit restituer :
3.1.1 Craintes concernant la suppression de filières
L'art.5, 1er alinéa lettre d) du concordat prévoit que la CUS aura la compétence de « reconnaître des institutions ou des filières d'études ». Il est bien évident que ce droit peut aboutir à des évaluations négatives, c'est-à-dire à la non-reconnaissance de filières actuelles. Serait-il possible que des filières existantes à Genève, considérées comme légitimes par ce Grand Conseil soient évaluées par la CUS comme ne pouvant pas faire l'objet d'une accréditation ? La réponse est affirmative. Une telle décision devrait cependant être prise à la majorité qualifiée de la CUS au sens de l'article 6, alinéa 2 du concordat (c'est-à-dire deux tiers des voix plus décompte sur la moitié des étudiants immatriculés). Il est clair que les procédures d'accréditation font surgir des gagnants et des perdants, mais elles se déroulent dans un contexte d'objectivité et d'évaluation par les pairs que tous les partenaires peuvent connaître et contrôler. La volonté d'excellence de l'Université de Genève sera mise à l'épreuve.
3.1.2. Craintes concernant une diminution de la démocratie participative
Les Conseils auditionnés ont fait valoir qu'ils craignaient une perte du droit de participation des étudiants et du corps intermédiaire reconnu par la loi sur l'Université de Genève. Cette crainte est notamment liée à l'application de l'article 5, alinéa 1 lettre a) du concordat qui autorise la CUS « à édicter des directives sur la durée normale des études et la reconnaissance des acquis et des qualifications qui lient toutes les parties concernées ». Les Conseils pensent que les règlements d'études des facultés et écoles devront obligatoirement tenir compte de ces directives, et perdront donc leur autonomie d'organisation. Il s'agit en fait plus d'un déplacement de l'autonomie. Il a été répondu aux étudiants qu'en contrepartie d'une légère perte de pouvoir réglementaire, le concordat augmentait très nettement l'autonomie des universités, en particulier par la possibilité d'organiser les voies de formation sous la forme de crédits capitalisables et de demander les accréditations correspondatnes.
3.1.3 Craintes concernant l'absence de contrôle parlementaire
Un député de l'Alliance de Gauche a proposé que le texte de la loi genevoise d'adhésion soit complétée par un alinéa qui aurait la teneur suivante :
« Les décisions au sens de l'article 6 du concordat sont soumises par le Conseil d'Etat au contrôle préalable de la Commission de l'enseignement supérieur du Grand Conseil ».
Cela signifiait que le représentant genevois à la CUS devait informer au préalable la Commission de l'enseignement supérieur de l'ordre du jour de la CUS et des décisions à prendre. Il a été relevé qu'un tel amendement était incompatible avec la constitution genevoise. Il reflétait cependant la crainte que des décisions de caractère quasi-législatif contraignant puissent être prises par l'organe concordataire. Il n'est cependant pas prévu dans les compétences de la CUS énumérées limitativement à l'article 5 du concordat que des règles de niveau normatif législatif soient prises par la CUS.
3.2. Limites de la concurrence qui doit s'instaurer entre les universités suisses
A la base de l'article 1, alinéa 2,lettre b) LAU et de l'article 1, alinéa 2, lettre b) du concordat, on trouve cette idée que la qualité de l'enseignement supérieur sera largement améliorée par la compétition entre les universités. Il s'agit de montrer que l'égalité des chances des différentes filières de formation devant l'allocation des ressources postule la compétition.
Cette conception est défendue par le Groupement de la science et de la recherche qui voit que sur la longue période, les filières d'enseignement ou « chaires professorales » ont été créées au départ pour répondre à une demande d'étudiants, mais que par la suite, cette demande de formation s'étant déplacée dans d'autres secteurs, l'allocation des ressources n'a pas suivi.
La commission s'est penchée sur cette question de la concurrence entre les hautes écoles et universités suisses et de ses possibles effets pervers, lors de sa visite à la Faculté des sciences le 11 mai 2000. Elle tient à mentionner ici cette discussion :
La question qui se pose ici est celle de savoir si le financement d'une filière doit nécessairement suivre le flux des étudiants. Prenons l'exemple de la Faculté des sciences qui a récemment été visitée par notre commission.
La comparaison des années 1989 et 1999 montre une augmentation globale de l'effectif des étudiants de 73 unités. En réalité, la Faculté des sciences est consciente d'une baisse des étudiants débutants à partir de 1993. Le pic de 376 étudiants débutants a été atteint en 1993, pour baisser depuis à 314 étudiants débutants en 1999. Dans le cas de la Faculté des sciences, la baisse du nombre des étudiants débutants n'est pas un phénomène lié à l'attractivité de cette filière de formation, mais dépend de flux démographiques liés à la classe d'âge. Il est donc dangereux de bâtir toute une politique universitaire d'allocation des ressources sur un indicateur exogène, non significatif de la qualité de l'enseignement.
Une autre question doit être posée à propos de l'allocation des ressources aux branches des sciences dites de base dans le paysage universitaire helvétique. La Faculté des sciences est consciente de la compétition marquée qui va s'instaurer à l'avenir avec les Ecoles polytechniques fédérales, en particulier celle de Lausanne. Il faut se souvenir en particulier que les étudiants à l'EPFL ne coûtent rien à leur canton d'origine, alors que la contribution forfaitaire pour un étudiant en sciences à Genève est de 22'000 CHF.
Il n'y a donc pas et de loin égalité des chances entre ces deux filières que sont l'EPFL et la Faculté des sciences de Genève. La tendance à lier l'allocation des ressources et les flux des étudiants va encore accentuer l'inégalité. Est-ce que le secrétaire d'Etat est conscient de ces graves distorsions de la concurrence ? L'impression qui domine est que la compétition encouragée vise surtout à induire un processus de transformation accéléré dont on ne maîtrise pas vraiment les conséquences.
C'est pourquoi la commission demande que l'Université de Genève introduise dans sa future convention d'objectifs avec l'Etat de Genève une disposition qui lui permette de faire le point annuellement sur cette question centrale des conséquences de la compétition entre universités pour l'Université de Genève. Il s'agirait là d'une mesure d'accompagnement de l'adhésion au concordat qui devra être concrétisée ultérieurement dans la convention d'objectifs.
3.3 Contenu de la convention de coopération du 31.08.2000 (Annexe 2)
Le texte de la convention de coopération signé par les autorités universitaires suisses le 31 août 2000 a été distribué et commenté à la commission. Il est rappelé ci-dessous quel est le contenu de la convention de coopération qui sera le texte constitutif de la Conférence universitaire suisse au sens de l'article 4 du concordat.
La convention constitue la CUS : La signature de la convention de coopération constituera la CUS, laquelle devrait entrer en fonction le 1er janvier 2001.
La convention précise la composition de la CUS : C'est dans la convention (art. 5) que l'on trouve la mention que « les directeurs de l'instruction publique des cantons universitaires » sont les représentants à la CUS de chacun des cantons parties.
La convention précise le rôle de la CUS en qualité d'autorité de surveillance de l'organe d'accréditation et d'assurance qualité (art. 6, al. 5).
La convention fixe les compétences déléguées à la Conférence des recteurs des universités suisses et le mode de décision de cette dernière pour ces tâches déléguées.
La convention fixe des modalités de financement des organes mentionnés ci-dessus.
La convention institue l'organe d'accréditation et la composition de l'organe d'accréditation et d'assurance qualité.
La convention délègue des tâches académiques à la Conférence des recteurs des universités suisses.
4. Décisions de la commission
La commission a voté l'entrée en matière de ce projet de loi à 10 voix pour (3 AdG, 2 S, 1 Ve, 2 L,. 1 R, 1 DC) et une voix contre(R).
La commission a accepté l'article premier par quatre voix (2 L, 1 R, 1 DC), six abstentions (3 AdG, 2 S, 1 Ve) et une voix contre (R).
La commission a accepté l'article deux par quatre voix (2 L, 1 R, 1 DC), six abstentions (3 AdG, 2 S, 1 Ve) et une voix contre (R).
Vote d'ensemble du projet de loi 8267 : 4 voix pour (2 L, 1 R, 1 DC), 1 voix contre (R) et 6 abstentions (3 AdG, 2 S, 1 Ve).
Au vu de ces motifs, la majorité de la commission vous propose d'accepter ce projet de loi ainsi conçu :
Projet de loi(8267-I)
autorisant le Conseil d'Etat à adhérer au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1 Adhésion
Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat intercantonal de coordination universitaire, adopté par la conférence universitaire suisse, le 9 décembre 1999, dont le texte est annexé à la présente loi.
Art. 2 Exécution et autorisation
1 Le Conseil d'Etat ainsi que le département de l'instruction publique dans l'exercice des compétences que lui confèrent les lois et règlements sur l'université sont chargés de l'exécution du concordat.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à signer la convention de coopération mentionnée à l'article 4, alinéa 1 du concordat et à instituer avec la Confédération l'organe indépendant d'accréditation et d'assurance de la qualité mentionné à l'article 7, alinéa 2 du concordat.
ANNEXE 3
30
31
32
33RAPPORT DE LA MINORITÉ
Comme on le sait, les concordats ne sont pas susceptibles d'amendements au Grand Conseil. Donc, seule la loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à tel ou tel concordat est soumise au vote du Parlement. C'est dire que la marge de manoeuvre est étroite, notamment lorsqu'il s'agit de sujets particulièrement techniques comme l'objet du présent concordat intercantonal.
Ce dernier est issu des travaux de la Conférence universitaire suisse qui l'a adopté le 9 décembre 1999, soit deux mois après que le Parlement fédéral ait, lui, voté la nouvelle loi sur l'aide aux universités et la coopération dans le domaine des hautes écoles (LAU).
Le but, tant de la nouvelle loi sur l'aide aux universités, que du concordat intercantonal de coordination universitaire, est d'aboutir à une politique universitaire nationale coordonnée. Seule une telle politique permettra en effet à la Suisse de rester au premier plan de la recherche ou de l'enseignement académique. La structure fédérale complexe du pays, comme la lenteur des décisions, n'a pas permis la création d'une base constitutionnelle claire en matière universitaire. C'est pourquoi, dans l'attente d'une telle base constitutionnelle qui devrait être mise en chantier pour entrer en vigueur au 1er janvier 2008, il a paru nécessaire de doubler la loi sur l'aide aux universités par un concordat intercantonal.
Il y a donc la création d'une double base légale au plan formel, fédérale d'une part, c'est la loi sur l'aide aux universités, et intercantonale, d'autre part, c'est le concordat qui délègue aux gouvernements, tant fédéral que cantonaux, la compétence de créer des organes communs et de leur attribuer des compétences. Toutefois, cette organisation est parachevée par la mise en place contractuelle de la Conférence universitaire suisse, organe commun décisionnel, par le biais d'une convention de coopération passée entre le Conseil fédéral d'une part, et les gouvernements des cantons signataires du concordat d'autre part.
Certes, les députés genevois ont eu sous les yeux non seulement le texte de la loi fédérale et le projet de concordat intercantonal, mais également un projet assez avancé de textes concernant la convention de coopération. Malheureusement, il faut bien préciser qu'une partie des institutions prévues par le concordat comme par la convention de coopération, ne seront pas mises en place en raison des réticences des cantons universitaires. Il s'agit notamment de l'organe d'accréditation.
Ce seul point mérite qu'on s'y arrête dans la mesure où l'accréditation de certaines filières, l'assurance qualité, voire l'évaluation des enseignements et de la recherche, paraissent vitales pour une véritable politique universitaire coordonnée. On doit regretter l'abandon, que l'on espère momentané, de cet organe indépendant. En revanche, il est évident que si l'on se montre soucieux de fédéralisme et si l'on veut conserver aux universités cantonales une large autonomie, ce qui ne signifie cependant pas autarcie, il convient d'accepter la construction juridique bizarre qui est proposée et qui, seule, permettra d'éviter que la Confédération ne prenne la haute main sur les universités suisses.
Alors même que dans plusieurs universités, par exemple à Bâle et à Genève, tant les organes représentatifs des enseignants que des étudiants, se montrent réticents à l'adoption d'un tel concordat, chacun d'entre eux conclut que Genève (ou Bâle) ne saurait demeurer à l'écart du processus enclenché et qu'il convient donc, finalement, d'adhérer au concordat proposé.
Le rapporteur de minorité vous invite cependant, Mesdames et Messieurs les députés, à peser avec soin l'opportunité pour Genève de se distancer formellement d'un tel concordat. Il convient, ici, de constater qu'il est effectivement bien tard pour refuser purement et simplement l'adhésion genevoise. Il aurait fallu que les autorités universitaires adoptent, dans les cantons universitaires, une ligne politique cohérente. En réalité, face à la menace d'une intervention fédérale plus lourde, ces mêmes autorités ont préféré la formule plus floue du fédéralisme coopératif, en espérant que l'avenir leur donnerait raison.
Le Grand Conseil, en tant qu'autorité de contrôle démocratique, se voit donc contraint de suivre la même voie. Il convient, cependant, de limiter strictement dans le temps, l'adhésion au concordat proposé. En effet, la durée de l'actuelle loi d'aide aux universités expire formellement au 31 décembre 2007. Les Chambres fédérales l'ont voulu ainsi, afin d'accélérer la mise en oeuvre d'une base constitutionnelle. Il nous paraît qu'à défaut de rejeter le concordat intercantonal proposé, le canton de Genève se doit de n'adhérer à ce dernier que pour une durée limitée au 31 décembre 2007, ce qui signifie qu'il doit envoyer à temps sa résiliation, conformément aux dispositions de l'art. 14 du concordat.
Cette adhésion pour une durée déterminée, qui sera proposée sous la forme d'un amendement, offre l'avantage de pousser à la création d'une nouvelle base constitutionnelle. Par ailleurs, elle permet de garantir que le concordat ne continuera pas, malgré la disparition de la nouvelle loi d'aide aux universités. Il faut d'ailleurs convenir que si celle-ci n'était pas prorogée alors même que la base constitutionnelle projetée n'entrait pas en vigueur, l'ensemble du système deviendrait bancal.
1. On sait que les cantons universitaires ont mis en place, depuis 1997, un accord intercantonal qui devrait leur permettre de coordonner leur politique universitaire, tout en intégrant les cantons non-universitaires. Mais les universités souhaitent vivement que les écoles polytechniques fédérales soient mieux intégrées dans la politique universitaire suisse, de façon à ce que la collaboration et le travail de réseau puissent être améliorés. Le moyen de les y associer est précisément le concordat et la convention de coopération.
Grâce à la mise en oeuvre de ceux-ci, la Conférence universitaire suisse, qui rassemblera dans un même organe les chefs de Département de l'instruction publique de différents cantons universitaires, ainsi que deux représentants des cantons non-universitaires, de même que les représentants de la Confédération et des écoles polytechniques, permettra de prendre des décisions contraignantes aussi bien pour la Confédération, les cantons, que les écoles polytechniques.
Un argument doit être immédiatement écarté. Le subventionnement par la Confédération des universités cantonales est réglé par une ordonnance fédérale. Le nombre d'étudiants et les activités de recherches sont les deux critères déterminants de cette attribution. Les subventions fédérales sont fondées à 70 % sur le nombre d'étudiants et à 30 % sur celui des activités de recherches ce qui, il faut le reconnaître, défavorise quelque peu l'Université de Genève qui s'est toujours efforcée d'attribuer 50 % de son financement à la recherche et 50 % à l'enseignement.
2. Avec la mise en oeuvre du concordat, l'un des organes essentiels de la nouvelle politique universitaire suisse sera la Conférence universitaire suisse. Celle-ci, selon l'art. 5 du concordat, reçoit des compétences pour édicter des directives sur la durée normale des études et la reconnaissance des acquis et des qualifications (art. 5, al. 1 lit a)). Ces directives sont importantes. Elles devront permettre à la Conférence universitaire suisse, qui se fondera sans doute sur les travaux de la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS), de se profiler en matière de négociations européennes.
Il faut en effet savoir que l'harmonisation européenne ne va pas du tout dans le sens de ce qui se fait actuellement dans les universités suisses, puisqu'elle prévoit la règle du trois, cinq, huit (trois ans pour le premier diplôme universitaire, cinq pour accéder au suivant et huit ans pour obtenir un doctorat à partir de l'entrée à l'université). Cette compétence peut conduire à une uniformisation des études, comme à la reconnaissance générale de l'équivalence des diplômes.
L'art. 5, al. 1 lit c) lui accorde la compétence d'évaluer périodiquement l'attribution des pôles de recherche nationaux, dans l'optique de la répartition des tâches entre les universités, sur le plan national. Si l'on peut penser que cela entraînera une concentration des compétences utiles, dans certains domaines pointus, elle peut inversement avoir comme effet négatif la désaffection de tous les endroits non-sélectionnés par les meilleurs spécialistes.
Il convient, dans les domaines où la recherche scientifique n'a pas besoin de grands moyens financiers, en l'occurrence les sciences humaines, de maintenir une grande diversité. De ce point de vue, le processus de contrôle démocratique de la Conférence universitaire suisse laisse singulièrement à désirer.
De même, l'art. 5, al. 1 lit d) accorde à la Conférence universitaire suisse la possibilité de reconnaître des institutions ou des filières d'études. L'art. 5, al. 1 lit e), celle d'édicter des directives sur l'évaluation de l'enseignement et de la recherche, alors que l'art. 5, al. 1 lit f), lui permet d'édicter des directives relatives à la valorisation des connaissances acquises par la recherche. Il s'agit là de compétences importantes qui lui sont dévolues, notamment par la convention de coopération qui, seule, permet de mettre en oeuvre le concordat.
Pour obtenir ces décisions, il faudra que la Conférence universitaire suisse se prononce à la majorité qualifiée des deux tiers des voix de l'ensemble de ses membres. Telle est du moins la disposition de l'art. 6, al. 2. Mais cette majorité qualifiée ne suffira pas, puisqu'il faudra encore que les membres qui les ont approuvées représentent plus de la moitié des étudiants immatriculés dans les hautes écoles universitaires. C'est dire clairement que si les représentants des écoles polytechniques, de l'Université de Zurich et de l'Université de Genève ne sont pas d'accord, aucune directive ne peut entrer en vigueur. Il s'agit bien là d'un droit de veto accordé, même sous une forme dissimulée.
La Conférence universitaire suisse reçoit aussi la possibilité d'octroyer des contributions liées à des projets. Pour ce faire, la majorité simple des voix suffit, pour autant que les membres qui contribuent financièrement aux projets soient d'accord. C'est dire que les mécanismes de décision de la Conférence universitaire suisse sont raffinés, mais plus propres au blocage de certains projets qu'à leur encouragement.
3. La non-adhésion du canton de Genève au concordat impliquerait un certain nombre de désavantages pour l'Université de Genève. Il convient de le reconnaître. En effet, les compétences d'exécution relatives à l'octroi de contribution liées à des projets, les compétences de répartition des tâches, comme la création de réseaux et de centres de compétence dans le domaine des hautes écoles ou la reconnaissance des institutions et des filières, sont proprement attribuées à la Conférence universitaire suisse. Genève ne pourrait donc participer aux décisions de cette dernière, dans ces domaines. Elle se trouverait donc souvent contrainte d'en accepter le résultat, sans pouvoir peser sur ce dernier. C'est évidemment là un inconvénient majeur d'un refus éventuel d'adhérer au concordat.
Il convient cependant de minimiser les conséquences d'une non-adhésion, en matière notamment de reconnaissance des acquis et des qualifications, de la durée normale des études ou de l'octroi des subventions de base, conformément à la loi sur l'aide aux universités.
La reconnaissance des filières d'études ou des institutions est l'une des attributions principales de la Conférence universitaire suisse. Comme le souligne une note du secrétaire adjoint du Département de l'instruction publique : « Un canton non-signataire du concordat ne pourra participer à l'élaboration de cette politique commune d'accréditation ». Toutefois, ce danger peut être minimisé dans la mesure où l'organe d'accréditation prévu par le concordat, ne serait pas repris dans la convention de coopération, contrairement au texte qui a été soumis aux députés. En effet, les universités semblent se méfier de la création d'un tel organe et préférer, pour le moment, l'évaluation tant des filières que des enseignements ou de la recherche, faite selon leurs propres critères. Dans ce domaine, à une institution nouvelle aux procédures lourdes, on préfère le bricolage.
4. L'absence de contrôle démocratique sur les institutions créées par le concordat est évidemment un grief important. En effet, les nouveaux organes créés par le concordat ne rendent guère de comptes politiques, ni au Grand Conseil, ni à d'autres parlements. Il est répondu à ce grief qu'il ne s'agit que d'un concordat pour une durée limitée, puisque la nouvelle base constitutionnelle fédérale devrait entrer en vigueur après 2007. Il convient donc de limiter l'adhésion genevoise au concordat à cette période.
Contrairement à ce qui est affirmé, les délégations de compétences octroyées par les parlements cantonaux aux exécutifs ne sont pas transparentes, ni clairement délimitées. Certes, à lire le texte même du concordat, elles le paraissent, mais en réalité, on sait bien qu'un concordat ou une convention de coopération connaissent une vie propre et qu'il est vain de tout prévoir. Par ailleurs, la nécessité d'adapter l'université suisse aux exigences européennes entraînera certainement tant la CUS que la CRUS à aller plus loin, sans en référer forcément à leurs parlements respectifs.
5. Il est d'ailleurs évident que le projet de concordat a soulevé beaucoup d'interrogations à l'intérieur même de l'Université de Genève. Ces interrogations sont légitimes, d'autant plus que c'est bien la convention de coopération qui règle les questions de détail, et encore, qui détermine les modalités selon lesquelles les détails devront plus tard se régler. Or, chacun sait que le diable se cache dans les détails.
Il est également significatif que l'Université de Genève ne semble pas regretter la disparition de l'organe d'accréditation qui devait, d'une part donner des accréditations de filière, d'autre part, procéder à des évaluations, enfin, promouvoir une assurance qualité.
Dans la commission parlementaire, on a regretté que le Fonds national (FNRS), qui alloue d'importants crédits de recherche aux universités, ne soit pas davantage concerné tant par la convention de coopération que par le concordat. Tout se passe comme si on avait décidé de maintenir les organes dirigeants du Fonds national à l'écart du processus d'élaboration d'une politique universitaire nationale coordonnée.
La commission avait procédé à l'audition de nombreux représentants du Conseil académique, du Conseil de l'université. Ceux-ci ont tous émis les réserves les plus sérieuses quant au concordat, tout en constatant finalement qu'ils ne pouvaient pas y échapper. Pourtant, force est de remarquer que les craintes émises par les représentants de l'université quant à leur perte d'autonomie ne sont pas fondées, puisque c'est bel et bien le concordat qui renforce l'autonomie actuelle des universités. En revanche, on doit se demander s'il s'agit là d'un bien pour le développement futur des universités suisses et si, d'une certaine manière, les grandes orientations ne devraient pas être décidées au niveau fédéral.
On ne saurait en tout cas voir dans ces textes, et notamment dans les articles du concordat, la clé de voûte qui institue une université fédérale souhaitée depuis 150 ans, et garantie par la Constitution de 1848.
6. D'un point de vue politique, on doit bien constater que le régime concordataire n'est pas, dans une démocratie, le plus propre à faire respecter le contrôle démocratique. Si Genève adhère à ce concordat, les choix de la collectivité concernant l'université seront-ils respectés ? Il s'agit-là d'une question importante à laquelle il est difficile de répondre d'une manière claire, dans la mesure où les choix de la collectivité concernent souvent des enseignements de base qui ne seront pas touchés par le concordat.
Toutefois, il est évident que l'avenir de l'Université de Genève ne se déterminera plus seulement sur les bords du Rhône, mais aussi sur ceux de l'Aar ou de la Limmat. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ?
Il y a aussi, en adoptant le concordat même pour une durée limitée, une sorte de pari à faire. Dans une heureuse formule, l'un des auditionnés déclarait que : « Le temps de l'autarcie cantonale universitaire était terminé, mais non celui de son autonomie ». Toutefois il est vrai que le soutien que Genève a trouvé auprès des cantons et des universités de Zurich et de Berne en faveur d'une stratégie claire de prise en compte des intérêts des cantons universitaires, offre une garantie sur l'avenir. C'est du moins ce que la présidente du Département de l'instruction publique a tenu à dire.
Très clairement, celle-ci a montré que la question politique posée au travers de l'adhésion ou non de Genève au concordat intercantonal de coordination universitaire doit se situer dans la perspective de la procédure de révision de l'article constitutionnel fédéral sur l'enseignement supérieur.
Il appartient maintenant au canton de faire la preuve par l'acte. Ceux qui sont favorables au fédéralisme coopératif doivent s'engager dans la voie du concordat. Genève, qui est la deuxième université suisse, ne saurait, pour la présidente du département, laisser échapper sa place dans le paysage universitaire suisse en train de se coordonner. C'est durant l'automne 1999 que les principales directions ont été prises. Il convient maintenant, simplement, de les mettre en forme.
Après la pesée des intérêts en présence, il faut conclure. Normalement, un rapport de minorité, surtout au vu des incertitudes apportées par le concordat et la convention de coopération signée, il faut le rappeler, exclusivement entre les représentants des gouvernements, devrait aboutir au refus d'autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat. Il est vrai que ce dernier contient des idées intéressantes, même si son évolution demeure difficile à prévoir. Elle dépendra beaucoup de la composition de la Conférence universitaire suisse et des orientations de celle-ci, déterminées en partie par la Conférence des recteurs des universités suisses.
Un réflexe de repli, voire d'isolement, n'est jamais bon. Par ailleurs, il convient de tout mettre en oeuvre pour que les dispositions concernant l'évaluation et le contrôle de qualité soient accentuées au cours des années qui viennent, malgré la timidité manifestée à l'heure actuelle en ce domaine par les autorités universitaires.
Dans ces conditions, le rapporteur de minorité, Mesdames et Messieurs les députés, vous invite principalement à autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999, pour une durée limitée.
Cette limitation dans la durée serait la même que celle qui est fixée à la loi fédérale d'aide aux universités (LAU), soit au 31 décembre 2007, si bien que le rapporteur vous propose l'amendement suivant à l'art. 1 de la loi autorisant l'adhésion, art. 1 qui serait désormais libellé de la façon suivante :
Cette modification nous paraît importante dans la mesure où elle permettra de vérifier les avantages et les inconvénients du concordat et de la convention de coopération. Elle permettra aussi, sans doute, d'accentuer les pressions en faveur d'une adoption rapide d'un article constitutionnel fédéral. Enfin, elle devrait permettre, le cas échéant, un ajustement plus facile des dispositions qui auront soulevé des difficultés lors de la nécessaire révision du concordat et de la convention de coopération, si jamais ceux-ci devaient, d'une manière ou d'une autre, être prorogés malgré l'adoption en 2007 d'une nouvelle norme constitutionnelle.
Il n'y a que des avantages à prévoir cette adhésion pour une durée limitée. Si jamais, pour une raison quelconque, Genève devait continuer à adhérer au concordat, il suffirait d'un simple vote du Grand Conseil. Il est toujours plus facile de continuer son adhésion que de la résilier.
Subsidiairement, Mesdames et Messieurs les députés, en raison des mêmes incertitudes relevées tout au long de ce rapport de minorité, comme d'ailleurs dans celui de majorité, si l'amendement proposé n'était pas accepté, il faudrait alors que Genève n'adhère pas au concordat, de façon à marquer ses distances avec une politique universitaire nationale coordonnée, dont on pourrait légitimement supposer qu'elle n'accorde plus aux cantons universitaires toute l'autonomie qu'ils souhaitent. En cas d'une adhésion pour une durée indéterminée, le contrôle démocratique, en l'occurrence le contrôle parlementaire, serait par trop affaibli.
Art. 1 - Adhésion
1 Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat intercantonal de coordination universitaire, adopté par la Conférence universitaire suisse le 9 décembre 1999, dont le texte est annexé à la présente loi.
2 L'adhésion est valable jusqu'au 31 décembre 2007.
Premier débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande, s'il vous plaît, un peu de silence, de façon à pouvoir travailler dans des conditions un peu plus agréables ! Madame Hagmann, je vous passe la parole.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je requiers en effet votre attention, d'autant qu'il n'est pas tout à fait habituel de voir face à face à la table des rapporteurs M. Lescaze et moi-même, car nous sommes bien souvent d'accord. Ce soir, nous défendons chacun notre rapport, mais il est vrai que sur les problèmes concernant l'université, M. Lescaze a généralement des positions très tranchées !
Cela dit, nos points de vue ne sont pas aussi éloignés qu'il y paraît. Je tiens d'abord à relever le travail dense et concentré de la commission, qui a tenu à ce que les rapporteurs puissent déposer leurs rapports dans les délais, afin que la présidente Martine Brunschwig Graf puisse, le 14 décembre comme cela a été convenu, signer, au nom du canton de Genève, la convention qui lui permettra d'adhérer, aux côtés des autres cantons universitaires, à ce concordat universitaire. Il est vrai que Mme Brunschwig Graf la signera avec la réserve du délai référendaire, comme il se doit, mais j'espère vraiment que, ce soir, nous allons quitter cette salle en ayant trouvé une solution, pour que Genève puisse être à la hauteur de la situation. Je rappelle qu'à ce jour, sur les huit cantons universitaires reconnus par la Confédération - le Tessin ne l'est pas encore - sept ont déjà autorisé leur Conseil d'Etat à signer cette convention - il ne manque que Genève - et qu'il suffit que cinq cantons soient d'accord pour que le concordat soit mis en oeuvre à partir du 1er janvier 2001.
Qu'est-ce qu'un concordat ? C'est en fait un accord écrit, à caractère de compromis. Il est évident que, dans toute convention, dans toute transaction, chaque partie concernée doit mettre du sien. Depuis 1995, plusieurs acteurs travaillent à élaborer une politique universitaire coordonnée et ont abouti au concordat visé par le projet de loi que nous vous soumettons ce soir. Seulement, il y a un petit hic : vous, députés, vous ne pouvez dire que oui ou non à ce texte, vous n'avez pas le droit de l'amender. Vous ne pouvez qu'autoriser notre conseillère d'Etat à le signer, ou au contraire le lui interdire. En l'occurrence, la commission de l'enseignement supérieur a vraiment bien réfléchi et a émis certaines craintes. Ces craintes ont toutes été relevées - je l'ai fait au plus près de ma conscience - dans le rapport qui vous est soumis. Mais le département nous a aussi apporté une réponse circonstanciée, qui nous permet d'être rassurés.
La question à nous poser ce soir est donc : devons-nous être frileux, craintifs, rester dans notre coin, sans même imaginer les avantages d'un regroupement, d'un «faire ensemble» ? Ou devons-nous montrer un esprit d'ouverture et participer à la création d'une université fédérale, souhaitée depuis cent cinquante ans, je le rappelle ? On retrouve là, évidemment, le débat de fond souvent entendu dans cette enceinte : le canton de Genève veut-il participer activement à la politique universitaire suisse, ou n'être qu'un spectateur ? J'aimerais rappeler ici que l'université de Genève est la deuxième université de Suisse et que la Suisse doit rester un pays de premier plan, tant du point de vue de la qualité de l'enseignement que de celle de la recherche scientifique. Car il est bien connu que sans pétrole on est obligé d'avoir des idées !
J'ai lu attentivement le rapport de minorité, qui propose un amendement - je reviendrai sur cet amendement plus tard, lorsque M. Lescaze l'aura développé - et je voudrais dire à M. Lescaze qu'entre nos deux rapports il y a peut-être plus une différence d'état d'esprit qu'une différence de fond. Pour ma part, j'ai vu les choses d'une façon très positive, en faisant confiance, en pariant sur l'avenir, qui sera déterminé par les orientations de la Conférence universitaire suisse. Je vois quelque part le verre à demi plein, il me semble que vous le voyez à demi vide, Monsieur Lescaze. Mais sur le fond nous nous rejoignons.
Je me pose d'ailleurs la question : était-ce nécessaire de rédiger un rapport de minorité qui aurait pu être évité par la présentation, ici dans cette enceinte, de votre amendement ? Il est vrai que personne n'a imaginé cet amendement en commission. Il est vrai aussi qu'entre la prise de position négative de votre remplaçant en commission, Monsieur Lescaze, le jour où vous étiez absent, et le rapport de minorité, un énorme chemin a été parcouru. C'est pourquoi, comme je l'ai déjà dit, j'ai bon espoir d'arriver ce soir à un consensus entre nos deux rapports.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Effectivement, mon rapport de minorité conclut principalement à l'acceptation du concordat, moyennant le vote de l'amendement proposé, et subsidiairement à son refus. Comme il vient d'être justement rappelé, la solution n'était pas évidente. Lors des auditions de la commission, un certain nombre de groupes - des professeurs, des directeurs d'instituts universitaires, des assistants, des étudiants - sont tous venus déclarer qu'ils avaient les plus grandes craintes à propos de ce concordat, pour conclure finalement que, malgré tout, il fallait en être. C'est vrai et c'est notamment ce point de vue là qui a conduit une partie de ma réflexion. Je ne pouvais en effet admettre qu'un ancien parlementaire qui avait voté oui à la loi d'aide aux universités, que le même homme qui était directeur d'un institut universitaire et qui avait participé à l'élaboration du concordat et de la convention de coopération, vienne, après avoir dit deux fois oui, nous recommander de dire non. Cela me paraissait être une attitude absurde et je ne pouvais pas le suivre.
Je rappelle que la politique universitaire coordonnée est quelque chose d'extrêmement délicat, puisque nous avons d'une part une loi fédérale sur l'aide aux universités, d'autre part un concordat qui lie les cantons entre eux et enfin une convention de coopération qui lie la Confédération, les écoles polytechniques notamment, et les cantons, y compris les cantons non universitaires. Plusieurs des articles qui se trouvent dans la loi se retrouvent dans le concordat et dans la convention de coopération. En l'occurrence, une partie des objections concernait les droits démocratiques des parlements, car, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, à partir du moment où nous entrons dans ce concordat, le développement de celui-ci échappe totalement au parlement.
Nous nous trouvions donc devant un dilemme peu facile à résoudre : d'une part, il s'agissait de s'efforcer de sauvegarder quelques droits démocratiques dans un concordat dont on sait qu'il est forcément évolutif, surtout dans un domaine aussi délicat que l'université, et d'autre part de maintenir la pleine marge de manoeuvre des gouvernements et des recteurs, tant au sein de la Conférence des recteurs suisses qu'au sein de la fameuse Conférence universitaire suisse, où le canton de Genève sera représenté par sa conseillère d'Etat. Je le reconnais bien volontiers, ma religion n'était pas faite et ce n'est qu'après réflexion que j'ai trouvé le moyen juridique de concilier ces deux positions. En me servant du fait que la loi fédérale sur l'aide aux universités est une loi limitée dans le temps parce qu'il manque une base constitutionnelle - les autorités fédérales ont déclaré que cette base constitutionnelle devrait être élaborée pour 2007, puisque la loi d'aide aux universités a pour échéance le 31 décembre 2007 - je vous propose donc cet amendement, à savoir d'autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat pleinement, entièrement, jusqu'au 31 décembre 2007.
Ce mécanisme permettra en tout cas, dans six ans, d'avoir un débat pour savoir ce qu'est devenu le concordat, car je suis persuadé qu'aussi bien le concordat que la convention de coopération connaîtront une grande évolution, sinon dans la lettre, du moins dans l'esprit. Je rappelle que ce concordat n'est pas fait en priorité pour les gouvernements cantonaux, mais avant tout pour aider les universités, même si les universités découvrent tout d'un coup d'autres inconvénients aux mécanismes mis en place. Le procédé que je vous propose est donc un procédé à la fois élégant, pratique, qui ne retire rien de la marge de manoeuvre du gouvernement, mais qui permet malgré tout, et c'est l'important, de ménager l'avenir.
Tout à l'heure, comme une sorte de reproche, Mme le rapporteur de majorité a laissé entendre que je ne faisais peut-être pas assez confiance : permettez-moi de dire ici que je fais très confiance. Mais je constate que les gens proches des milieux universitaires genevois que nous avons entendus étaient, à l'exception du rectorat, plutôt réticents et que, d'autre part, le concordat, comme la convention de coopération, contient des mécanismes de vote qui montrent qu'en tout cas une partie des parties contractantes se méfient des autres. En effet, sinon, on n'aurait pas imaginé ces procédures de vote qui permettent en fait aux deux plus grandes universités suisses - Genève et Zurich - et à l'école polytechnique fédérale de Zurich, de bénéficier d'un véritable droit de veto dans les décisions les plus importantes. Ce mécanisme que je croyais avoir été inventé par les Suisses allemands est en réalité un mécanisme qui a été inventé par un juriste de Genève, ce n'est donc pas moi qui suis le plus méfiant !
Cela étant dit, ce concordat, comme la convention de coopération, prévoit notamment des choses extrêmement intéressantes - un organe d'accréditation, une assurance qualité - et pour le développement de l'université telle que nous la visons pour le XXIe siècle, cela paraît essentiel.
Une dernière remarque : si vous êtes favorables au fédéralisme, c'est-à-dire au maintien de la plus grande autonomie possible des universités cantonales, vous devez voter le concordat avec l'amendement. Et si vous voulez l'université fédérale qui est souhaitée depuis cent cinquante ans, vous devez alors aussi voter le concordat et la convention avec l'amendement, parce que c'est le meilleur moyen de pouvoir contrôler qu'on ira dans ce sens et qu'il n'y aura pas de frein. Dans les deux cas, vous le voyez, nous devons donc encourager le Grand Conseil à voter l'adhésion, à autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat, mais pour une durée limitée au 31 décembre 2007.
M. Albert Rodrik (S). Pour commencer, précisons d'emblée que le groupe socialiste se retrouve dans le rapport de minorité, qui n'a de minorité que l'apparence et le titre et qui dégage bien les grandes lignes politiques de la réflexion à laquelle nous nous sommes livrés en commission. Nous voterons donc l'amendement. Cet amendement, qui correspond d'ailleurs à l'échéance fixée par les Chambres fédérales, est aussi la mesure de notre inquiétude, parce qu'avoir un article constitutionnel fédéral de portée générale sur les universités alors que nous vivons encore à l'ère de l'enseignement supérieur comme compétence cantonale, n'est pas une mince affaire et demandera beaucoup d'attention et beaucoup de vigilance de notre part. C'est une double raison de voter cet amendement.
Revenons aux textes qui nous occupent maintenant. C'est peu dire qu'ils ne sont pas objets d'enthousiasme. Au sein de l'Alternative, l'accueil a été plutôt frais ; nous n'avons pas senti de passion fatale du côté de nos collègues de l'Entente ; le monde universitaire nous a désarçonnés lors de son audition, la CUAE y était complètement opposée. Voilà pour un petit panorama de la situation.
Mesdames et Messieurs, devant l'expression «pensée unique», on sourit, on parle de lieu commun et de logorrhée, mais je me suis creusé la tête en prévision de ce débat et je n'ai pas trouvé d'autres mots pour désigner cette espèce d'ouate dans laquelle on veut envelopper les universités suisses, ce culte «managerial» de l'avenir «kleiberien» des hautes écoles suisses ! D'ailleurs, ceci n'est pas propre à nos universités. En ce moment, la division de l'assurance-invalidité de l'Office fédéral des assurances sociales fait faire à toutes les institutions qui s'occupent d'invalidité le même genre d'exercice bureaucratique - je vais éviter un épithète de plus - qu'on appelle «management de qualité» où, avec l'argent du contribuable destiné aux invalides, on remplit des papiers et on nourrit de nouveaux aigrefins qui s'instituent experts en management de qualité ! Il existe certainement aussi du management de qualité au sein des caisses maladie, qui doivent savoir ce que c'est que la qualité du management ! C'est dire que c'est l'esprit prévalant et que nous ne sommes pas en terrain inconnu.
Mesdames et Messieurs, nous avons dû nous livrer à un petit exercice. Nous avons dû constater que tout ce que nous n'aimons pas dans ce concordat et dont je viens de vous parler, était malheureusement déjà dans la loi sur l'aide aux universités, qui, elle, est en vigueur. Nous nous sommes dit aussi qu'on ne pouvait pas laisser l'université de Genève en dehors d'une évolution vers laquelle allaient l'ensemble des universités suisses, et c'est bien parce que nous ne pouvons pas prendre cette responsabilité que nous allons avaler cette pilule de travers. Cela veut dire que certains s'abstiendront et que certains accepteront le projet, mais cela veut dire aussi que nous avons une certaine dose de confiance en Mme la cheffe du département de l'instruction publique, qui s'engage personnellement en siégeant à la CUS, puisque, contrairement aux mandarins universitaires, les hommes et les femmes politiques se soumettent, tous les quatre ans au moins, au jugement du suffrage universel. Et c'est bien pour cela qu'en fin de compte, un peu contraints et forcés, nous passerons par ces fourches caudines.
Permettez-moi de dire un mot sur les concordats, Mesdames et Messieurs. On les dénigre : pour ma part, je suis très favorable aux concordats comme instruments du fédéralisme et de la vie confédérale, mais il n'est pas fatal que, pendant les mois ou parfois les années pendant lesquels on négocie un concordat, on ne puisse tenir informées les commissions compétentes du Grand Conseil qui, un matin, doivent découvrir les textes comme on déchiffre la pierre de Rosette ! C'est cela qui frustre les gens. Je ne dis pas, Madame la conseillère d'Etat, que vous ne l'avez pas fait du tout, mais c'est un peu la fatalité de ces concordats, que les gouvernants négocient sur le long terme et qu'un jour les parlements doivent avaler tout rond comme des pilules. Si on veut que cet instrument, dernier instrument de la vie intercantonale, subsiste, il faudrait peut-être lui donner une chance de ne pas être un sujet permanent de frustration, un sujet pour lequel les parlements auraient toujours besoin d'un petit Alka-Seltzer !
Mesdames et Messieurs les députés, je me résume : au sein du groupe socialiste, certains voteront ce projet, d'autres s'abstiendront, mais nous ne sommes pas dupes de cette idée pernicieuse qui veut faire des universités quelque chose qui n'est pas leur vocation. Qu'on me comprenne bien : je ne dis pas que les universités doivent être étrangères aux principes fondamentaux de la gestion d'entreprise. Si c'était le cas, elles crèveraient rapidement. Il ne s'agit pas de cela, mais de reconnaître que les universités -c'est M. de La Palice qui parle - sont fort différentes d'une entreprise ordinaire qui vend et qui achète des produits banals ! Je répète que nous comptons sur la responsabilité politique du Conseil d'Etat et sur cette échéance pour ne pas nous réveiller, à terme et à cause de mécanismes byzantins et d'une loi imprégnée d'un esprit qui n'est pas le nôtre, avec une université qui ne serait plus la nôtre !
M. Gilles Godinat (AdG). Quelques mots après le discours enflammé de notre collègue Rodrik, avec lequel je suis d'accord pour l'essentiel. Notre groupe, suite aux réflexions suscitées par ce projet, tient à exprimer ici plusieurs inquiétudes et, pour le dire d'emblée, soutiendra l'amendement Lescaze.
Les inquiétudes apparues dans notre groupe sont les suivantes : la première tient à la contradiction qu'il y a dans la politique universitaire suisse à vouloir mettre les universités dans un système de coopération et en même temps dans un système de concurrence. La politique définie en ces termes ne nous paraît pas claire.
Autre problème : la difficulté de cerner les enjeux de l'organe d'accréditation. Nous redoutons, pour notre part, qu'on entérine simplement les centres de compétences existant aujourd'hui et qu'il n'y ait pas de promotion de l'innovation, des recherches qui pourraient aujourd'hui paraître farfelues, mais qui pourraient aboutir à des découvertes audacieuses et parfois révolutionnaires. Cela pourrait créer, autre inquiétude, des rentes de situation et, plutôt que de favoriser la mobilité et la créativité, favoriser au contraire une certaine inertie, ô paradoxe !
Un troisième point nous paraît problématique, c'est évidemment le système du concordat lui-même. Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet, mes collègues l'ont déjà évoqué, mais les concordats sont-ils vraiment les meilleurs instruments que nous possédions pour mettre en place des systèmes de contrôle dans une matière aussi délicate que la politique universitaire ? A cet égard, il est vrai que les auditions nous ont un peu déstabilisés : entendre des gens qui ont des compétences au niveau national nous dire à quel point nous pouvions perdre notre autonomie cantonale dans ce dossier n'était franchement pas fait pour nous rassurer. Par ailleurs, le fait qu'à l'université de Lausanne, parmi les différents scénarios étudiés par le rectorat pour l'avenir de l'université lausannoise, le scénario de la privatisation ait été étudié - c'était le cinquième des différents scénarios - ne peut que nous inquiéter fondamentalement.
A part cela, un autre problème se pose. On accorde actuellement, dans la politique universitaire suisse, un poids énorme aux pôles de recherche concernant les neurosciences, la biotechnologie, la génomique, etc. Les rapports financiers, les investissements consentis sont tels qu'il y a un déséquilibre potentiel énorme entre ces centres de recherche et d'autres recherches. Or, nous souhaitons qu'il y ait un équilibre entre le développement des recherches fondamentales, que nous soutenons, et les recherches dans les domaines des sciences humaines. Aujourd'hui, hélas, celles-ci paraissent être un peu le parent pauvre de la politique universitaire telle qu'on nous la présente et telle qu'on la voit se dessiner.
Voilà en quelques mots nos inquiétudes. D'autres collègues apporteront sans doute d'autres éléments, mais en ce qui nous concerne nous ne sommes pas de farouches défenseurs de ce concordat, c'est le moins qu'on puisse dire !
Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). J'aimerais ajouter un ou deux propos à ceux que viennent de tenir mes préopinants. Un beau livre vient de paraître à Genève, qui s'intitule «Homère chez Calvin». C'est un hommage rendu à un universitaire qui a illustré les humanités genevoises : Olivier Reverdin, que vous connaissez tous. Je me suis demandé si Homère aurait trouvé refuge chez Calvin et aurait pu, quatre cents ans après, donner naissance à la carrière d'Olivier Reverdin, s'il y avait eu à l'époque un concordat postulant que, pour des raisons d'économie, les humanités grecques seraient cantonnées à Bâle et quitteraient Genève. C'est en fait, grossièrement parlant, un de nos principaux soucis.
Mon collègue Gilles Godinat a parlé de statu quo et du fait que le concordat et les accréditations vont certainement entériner ce qui se dessine en ce moment. Mais quid des développements futurs et des initiatives qui pourraient être prises ici et là, en accord avec des situations locales, en accord, particulièrement pour Genève, avec sa situation internationale, son héritage humaniste, la situation des sciences humaines qui sont aujourd'hui appelées à se renouveler, dans un effort de concurrence vis-à-vis des sciences exactes qui semblent devenir le pôle d'excellence de Genève ? Qu'arrivera-t-il si les instances d'accréditation de ces filières à financer par la Confédération ne sont pas défendues politiquement par notre parlement, mais reposeront sur les seules épaules de notre déléguée, qui sera la ou le chef de l'instruction publique ? Pour l'instant, nous nous félicitons que Mme Brunschwig Graf ait honorablement défendu la position de Genève à l'occasion des discussions, mais cette situation n'est pas éternelle et n'offre pas de garanties. C'est la raison pour laquelle l'amendement Lescaze est évidemment le bienvenu.
J'aimerais remercier ici Mme Hagmann pour son rapport, qui fait largement part de nos appréhensions. C'est un rapport de majorité pour le moins prudent en ce qui concerne toutes les réticences qui ont été exprimées, et je l'en remercie.
Enfin, je dirai un mot sur l'ambiguïté dans laquelle nous nous trouvons face non seulement à l'outil qu'est le concordat, mais en même temps à la situation générale de la Suisse. Nous avons vu combien il a été et reste difficile de discuter de l'attribution à Lausanne d'une filière qui avait droit de cité à Genève, à savoir l'architecture. Ou combien est difficile aujourd'hui l'attribution de la pharmacie par Lausanne à Genève et quelles oppositions cela soulève. Vous me direz que c'est normal, que cela fait partie de tout mouvement à l'intérieur de la politique universitaire. Mais quand on considère l'état d'esprit si différent qui règne en Suisse romande et en Suisse alémanique - nous l'avons vu le week-end dernier - et les positions qui risquent de s'affronter lors des choix de développement des études universitaires à l'avenir, il est particulièrement important que nos autorités universitaires et nos représentants politiques à la Conférence universitaire suisse défendent la spécificité de Genève et de la Suisse romande.
A l'inverse, je dois dire aussi que ce qui résultera peut-être de ce mauvais instrument qu'est le concordat, c'est un coup de fouet politique aux eaux dormantes, aux parties endormies de notre université, car il y en a quelques-unes, et que ce coup de fouet galvanisera peut-être la politique interne de l'université, puisqu'il s'agit bel et bien pour nous aujourd'hui de défendre la démocratie en matière universitaire qui est celle de notre canton, mais aussi la démocratie interne à l'université. A cet égard, je trouve extrêmement sage que l'amendement Lescaze nous offre la possibilité de procéder à une évaluation dans un délai raisonnable.
M. Armand Lombard (L). Après ces différentes présentations du projet qui nous est soumis, j'aimerais me montrer un peu moins craintif, un peu moins réticent, même si les réticences qui sont apparues ne sont pas fondamentales ni trop profondes. Sans commencer un acte de foi et un discours de propagande en faveur de la CUS, je dirai que je trouve dans ce projet trois éléments positifs.
Ce projet est d'abord une tentative de créer une politique universitaire nationale et coordonnée. Ceci me paraît extrêmement nécessaire aujourd'hui où nous ne pouvons plus travailler au niveau d'une uni ou d'une faculté et de quelques professeurs, mais où nous devons travailler sur de larges élans, sur de larges propositions qui permettent à un ensemble de professeurs de mettre leurs compétences à disposition d'une piste à suivre, en toute indépendance bien entendu et sans ordonnances, dont la Suisse n'est d'ailleurs pas tellement friande et qui ne marchent jamais parce que la presse sait les mettre en pièces s'il le faut. Je vois là un élan extrêmement nécessaire dans un système universitaire que certains ont pu trouver parfois un peu empâté, un peu lent au démarrage.
Ce projet est aussi un signe d'un fédéralisme coopératif qu'il faut tenter de temps en temps de mettre en action. On a trop peu l'habitude chez nous - et vos critiques sur les concordats en sont la meilleure expression - de définir ensemble des projets, de les conduire ensemble et de tâcher d'avoir une confiance suffisante dans les autres, de comprendre qu'ils ne sont pas forcément en train de tirer la couverture à eux, mais qu'ils sont également les promoteurs d'un projet.
Je crois que mon collègue Godinat craignait que l'innovation puisse être mise sous un chapeau, qu'il n'y ait plus d'innovation. Je crois au contraire que si les choses tournent bien, l'innovation sera stimulée. Le projet ne met pas, à mon avis, en concurrence, il crée une émulation, une envie de faire, de faire avec, et dans la discussion qu'on peut avoir, même avec un professeur zurichois, on peut trouver de nouvelles innovations.
Pour ma part, je vois donc dans ce système quelque chose de positif. Les autonomies seront différentes, certaines seront bien entendu un peu restreintes, parce que ce qui se décidera à un niveau coordonné national disparaîtra peut-être au centre d'une université. Par contre, on verra d'autres autonomies, des autonomies entre les recteurs - on crée un lieu officiel de réunion des recteurs - entre les départements de l'instruction publique, qui vont pouvoir parler véritablement entre eux, et puis au sein de cette CUS, qui est un lieu d'échange et un autre type de parlement que le nôtre ou que le parlement fédéral, mais qui est aussi un endroit où peut se faire la démocratie. Celle-ci ne passe pas uniquement par les politiques. La démocratie, c'est là où on parle, où on échange, où on crée quelque chose de neuf. Pour ma part, je vois dans cette loi fédérale sur les universités et dans ce concordat quelque chose qui porte, pas encore des fruits, mais de bonnes fleurs.
Quant aux peurs patriotiques, on ne va pas y revenir, c'est trop triste de revenir sur des choses aussi chagrines. Ce qui est proposé ici - cela est suffisamment dit dans tous les papiers qu'on peut lire - ce n'est pas l'université fédérale de je ne sais qui l'a souhaitée il y a cent cinquante ans, mais c'est un réseau d'universités. C'est différent. Si on change les mots, on change aussi la façon de voir : un réseau d'universités, c'est quelque chose de fort ; une université fédérale, cela fait peur.
S'agissant de la domination des écoles polytechniques, je dirai qu'il faut se hâter de mettre en place ce réseau universitaire, avant d'avoir encore plus peur des écoles polytechniques qui, c'est vrai, se développent avec une capacité d'innovation remarquable.
Quant à la pensée unique, pour reprendre l'expression de M. Rodrik, de ce côté-là on ne risque rien du moment qu'on parle d'invention, de diversité, la diversité des différentes universités, des différentes pensées. Par ailleurs, il ne faut quand même pas craindre la pensée unique à ce point-là : il suffit d'écouter pendant dix minutes les débats de ce parlement pour se rendre compte qu'il n'y a pas de pensée unique.
Enfin, je crois que les contrôles démocratiques - qui ne sont jamais parfaits - s'instaurent en l'occurrence à d'autres niveaux : le parlement fédéral, effectivement, devient plus important, les instances de la CUS deviennent plus importantes. Mais je ne pense pas qu'au niveau genevois il y ait des craintes à avoir : si on veut développer les démocraties au niveau genevois, il y a largement de quoi faire à l'intérieur de l'université. S'agissant des étudiants, je pense bien sûr qu'il y a un niveau démocratique genevois où les étudiants doivent pouvoir s'exprimer. Mais il faut savoir que les étudiants ont aussi un intérêt plus large qui est de savoir comment vivent les autres étudiants, comment coopérer avec des étudiants de Zurich, de Pittsburgh, d'Oslo ou d'où vous voulez. La démocratie n'est pas limitée simplement à la rue de Candolle.
Pour terminer, une petite note qui n'a peut-être pas une relation directe avec ce projet, mais qui concerne votre crainte souvent exprimée, votre peur des concordats. Il y a maintenant des exemples où on cherche à mieux travailler ces concordats, peut-être pas dans le cas de la CUS qui est un peu en retard de ce côté-là, mais les concordats maintenant se travaillent, par exemple au niveau de la commission interparlementaire romande, qui n'arrête pas de se réunir pour trouver une forme de concordat qui préserve un contrôle démocratique, un contrôle parlementaire. Dans celui-ci, on ne l'a pas tout à fait, mais la voie des concordats n'est pas pour autant une voie perdue. C'est une voie qu'il faut développer et qui se développe et, plutôt que de groumer sur ce qui est mal, on peut utiliser son temps à créer quelque chose de bien ! C'est bien pour cette raison que notre groupe soutiendra ce projet et l'amendement de M. Lescaze.
Mme Nelly Guichard (PDC). Nous non plus ne sommes pas très enthousiastes devant cette obligation de participer à ce concordat, à cette sorte d'organe faîtier des universités suisses, qui nous fait craindre aussi une perte de contrôle parlementaire, une perte, pour notre université, d'autonomie cantonale par rapport aux initiatives en matière de recherche. Nous éprouvons toutes les craintes qui ont été dites dans ce parlement, mais nous savons néanmoins que l'université de Genève ne peut pas se payer le luxe du repli sur elle-même. Il en va de son avenir. Faisons donc confiance à cette structure ! Dans un premier temps, nous faisons évidemment confiance à notre conseillère d'Etat pour nous représenter auprès de la CUS et nous espérons également que les universités prendront le relais pour se faire entendre.
Nous accepterons l'amendement présenté par M. Bernard Lescaze, tout en regrettant qu'il n'ait pas pris la peine d'être présent à la séance de commission où nous avons voté... (Exclamations.) ...pour présenter son amendement à ce moment-là. Cela nous aurait certainement épargné la situation quelque peu ridicule d'avoir, ce soir, un rapport de majorité et un rapport de minorité pour tous dire la même chose, d'une même voix !
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. J'avais espéré quitter cette table sur un consensus : apparemment, nous sommes maintenant en mode majeur et j'en suis très heureuse. Nous accepterons l'amendement de M. Lescaze qui, bien qu'il ait été présenté après la fin des travaux de la commission, a un côté positif, à savoir qu'il permettra une évaluation. Je rappellerai ici à Mme la présidente que la convention doit être dénoncée trois ans avant l'échéance. L'amendement demandant que notre adhésion au concordat cesse en 2007, cela veut dire qu'il faudra y réfléchir dès 2004.
Enfin, je vais terminer sur une note positive. Le groupe libéral, M. Lombard l'a bien dit, tient à ce que l'université et les huit cantons universitaires adhèrent à un but commun ; tant pis ou tant mieux si, pour l'atteindre, une petite partie de leurs compétences doit être déléguée à un organe commun.
Mme Martine Brunschwig Graf. Je vais essayer de faire dans la brièveté et dans la synthèse, avec peut-être un trait d'humour pour commencer : je n'ai pas compris, dans l'intervention de Mme Deuber Ziegler, si la déclaration qu'elle a faite était un appel à ce que je me représente l'an prochain, pour plus de sécurité dans la base concordataire !
Cela dit, je rappellerai ici un certain nombre d'éléments qui me paraissent importants. Pendant que nous débattons dans ce parlement se discute un article constitutionnel sur l'enseignement supérieur au niveau fédéral. De même, alors que nous abordions à peine ces questions, une loi sur l'aide aux universités, comme l'ont rappelé les deux rapporteurs, était déjà votée au parlement fédéral. Cela veut dire clairement qu'aujourd'hui le débat politique est de savoir si les cantons, ensemble, sont capables de développer une politique de coordination, ou si nous pensons opportun de laisser au parlement fédéral, à la population suisse, en définitive à des organes constitutionnels fédéraux, le soin de régler les problèmes que nous ne sommes pas capables de régler ensemble. C'est en ces termes que se pose le débat politique d'aujourd'hui.
Vous pourrez discuter éternellement sur le fait de savoir si un concordat vous plaît ou non, si la forme concordataire est adéquate ou non. Pour ma part, le fait est que je passe désormais la plupart de mon temps à Berne pour savoir de quelle manière le rôle des cantons peut être préservé. Sachez, Mesdames et Messieurs les députés, que, si des deuils ne m'avaient pas retenue ici aujourd'hui, j'aurais dû être à Berne, devant une commission du Conseil national, pour défendre les intérêts cantonaux face à un autre article constitutionnel qui, lui, a trait à l'école obligatoire. C'est dire qu'il est un peu dérisoire de savoir si la forme concordataire nous intéresse ou non, à l'heure où à Berne, avec les pouvoirs qui leur sont conférés, les élus - qui sont aussi nos élus - défendent des positions qui jusqu'à présent, dans le cas de l'école obligatoire, n'ont vu l'opposition que d'un seul libéral, présent par tolérance dans la commission.
Je tiens donc à souligner que la cohérence commande de soutenir ce concordat. Est-il bon ? est-il mauvais ? Pour ceux qui sont jaloux de leurs prérogatives, il n'y a jamais de bon concordat, dès lors que l'on doit céder un peu de ses prérogatives cantonales. Il n'y a jamais de concordat parfait, mais il y a des concordats où sont négociés et préservés les intérêts majeurs de ceux qui y adhèrent. Et si nous avons obtenu, grâce au soutien d'un juriste genevois et avec l'appui de mes collègues zurichois, bâlois et bernois, des voix qualifiées pour un certain nombre de décisions, c'est bien parce que nous souhaitions préserver les intérêts des grandes universités dans les problématiques qui leur sont propres, et leur permettre de garantir l'intégralité de l'offre universitaire. Par ailleurs, contrairement à l'interprétation que vous faites, il n'y a pas de menace sur les projets de recherche, puisque ceux-ci sont traités par le Fonds national de la recherche scientifique et par le Conseil de la science et de la technologie. Le budget de l'université de Genève, pour ne parler que de celui-là, est financé pour son cinquième, c'est-à-dire 100 millions, par des fonds de cette provenance, qui ne sont en rien touchés ni concernés par le débat qui nous occupe aujourd'hui.
Il n'est pas question non plus de supprimer des facultés ou des enseignements de sciences humaines. Je dirai même que le débat sur la place universitaire suisse donne davantage d'importance, dans la durée, aux sciences humaines. Il ne s'agit donc pas de peindre le diable sur la muraille et de prétendre que tout est menacé, cela n'est pas vrai.
Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'il y a, sur le plan fédéral, des tentations de pouvoir contre lesquelles il faut savoir lutter. Pour être capable de lutter, il n'y a pas trente-six solutions. Je le répète : ou bien nous arrivons à développer un fédéralisme coopératif, ou bien nous nous soumettons aux diktats des lois fédérales. Il n'y a pas de chemin entre les deux, Mesdames et Messieurs les députés, et vous qui êtes si soucieux du pouvoir du parlement, du pouvoir cantonal, aidez-nous, je vous en prie, dans ces modestes concordats en discussion à l'heure actuelle, sur le plan de la Suisse occidentale, qui touchent six cantons et pour lesquels l'effort de coordination entre les parlements doit encore être considérablement renforcé. Et ne me demandez pas de prévoir un contrôle interparlementaire avec vingt-six cantons ! Je passe déjà les trois quarts de mon temps à mener à bien les trois projets concernant la HES-SO, la HES-santé et social et le concordat des concordats.
Vous l'avez tous dit : vous avez en ma personne une avocate qui défend les intérêts de Genève, le contrôle parlementaire et le fédéralisme coopératif. Au-delà de cela, certaines auditions devraient quand même susciter chez vous un peu d'esprit critique. Des gens se sont laissés aller à certaines considérations, alors que, contrairement à ce que vous imaginez, pour certains ils n'ont participé à rien, à aucune des discussions, ou en tout cas ne s'y sont pas suffisamment intéressés pour y apporter, au moment décisif, des éléments déterminants. Ce sont des gens qui ont laissé parler leur coeur, non par rapport au concordat, mais par rapport aux craintes que j'évoquais plus haut à propos du pouvoir fédéral. Finalement, ils ont conclu, avec sagesse, qu'il était important d'adhérer au concordat, parce qu'ils savent bien qu'au-delà des griefs qu'ils ont développés, la seule façon de pouvoir garder nos prérogatives par rapport aux diktats fédéraux, c'est la voie concordataire.
Je vous demande de voter ce projet, non pas à contrecoeur, mais avec la vigilance qui vous caractérise, dans un esprit de dialogue bien compris avec le département. Je vous ai habitués depuis quelques années à vous informer sur ces problématiques et à vous dire très clairement quels étaient les enjeux. J'ai bien l'intention de poursuivre tant que je serai à la présidence du département. Mais je tiens à vous dire ce soir que j'ai besoin de votre mandat ferme, parce que le pire serait de me retrouver dans une assemblée où j'aurais une demi-voix, ou pas de voix du tout parce que nous n'y serions pas !
La voix de Genève est entendue, elle rencontre souvent l'appui des Zurichois, des Bernois et des Bâlois, il n'y a donc pas là de combat linguistique ou régional, ce n'est pas vrai. S'agissant de nos intérêts, y compris pour le financement des universités, nous avons noué des alliances qui nous ont permis, et vous le savez, d'obtenir plusieurs millions supplémentaires. Il n'y a pas, dans ce domaine, de fossé linguistique, il y a des intérêts à défendre, qui sont parfois mouvants, mais ceux-ci sont mieux défendus dans une alliance entre les cantons que dans les décisions prises par le seul parlement fédéral.
C'est la raison pour laquelle je vous engage à suivre la rapporteur de majorité et à voter l'amendement du rapporteur de minorité. L'un et l'autre ont défendu des valeurs qui vous sont chères et qui me sont chères également, sur lesquelles vous pouvez vous réunir pour trouver une solution qui nous permette de rester vigilants. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter ce projet avec l'amendement, en ayant la conviction qu'ensemble nous pourrons progresser dans le fédéralisme coopératif.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Art. 1
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Lescaze, visant à ajouter un alinéa 2, ainsi libellé :
«2L'adhésion est valable jusqu'au 31 décembre 2007.»
L'alinéa unique actuel devient l'aliéna 1.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8267-I)
autorisant le Conseil d'Etat à adhérer au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1 Adhésion
1 Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat intercantonal de coordination universitaire, adopté par la conférence universitaire suisse, le 9 décembre 1999, dont le texte est annexé à la présente loi.
2 L'adhésion est valable jusqu'au 31 décembre 2007.
Art. 2 Exécution et autorisation
1 Le Conseil d'Etat ainsi que le département de l'instruction publique dans l'exercice des compétences que lui confèrent les lois et règlements sur l'université sont chargés de l'exécution du concordat.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à signer la convention de coopération mentionnée à l'article 4, alinéa 1 du concordat et à instituer avec la Confédération l'organe indépendant d'accréditation et d'assurance de la qualité mentionné à l'article 7, alinéa 2 du concordat.
ANNEXE 1
Concordat intercantonal de coordination universitaire C 1 33
Les cantons parties au présent concordat,
vu l'article 4 de l'Accord intercantonal universitaire, du 20 février 1997, en vue de renforcer la collaboration entre eux et avec la Confédération,
arrêtent:
Art. 2 Définitions
Art. 3 Collaboration entre les hautes écoles universitaires
Chapitre 2 : Organisation
Art. 4 Conférence universitaire suisse
a) de deux représentants de la Confédération ;
b) d'un représentant de chacun des cantons parties :
c) de deux représentants des cantons non universitaires.
Art. 5 Attributions
Art. 6 Décisions
Art. 7 Accréditation et assurance qualité
Art. 8 Coopération avec l'organe commun des directions des hautes écoles universitaires
Art. 9 Collaboration avec les instances nationales du domaine des hautes écoles spécialisées
Art. 10 Consultation
a) les instances dirigeantes des hautes écoles universitaires;
b) le corps professoral, le corps intermédiaire et les étudiants;
c) les organisations de l'économie.
Chapitre 3 : Dispositions finales
Art. 11 Adhésion au concordat
Art. 12 Nombre minimal de cantons signataires
Art. 13 Exécution
Art. 14 Résiliation
Le président: Macheret
Le secrétaire général: Ischi
ANNEXE 2
Convention à filmer, page 21
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Suite du troisième débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux là où nous les avions laissés avant la pause. Nous sommes saisis d'un nouvel amendement déposé par M. Grobet. Il s'agit d'ajouter à la fin du titre de la loi, je lis :
«...et instituant des mesures favorisant les transports publics ainsi que des restrictions de circulation au quai Gustave-Ador et à la rue des Eaux-Vives afin de réduire les nuisances provoquées par le trafic automobile.»
M. Michel Halpérin (L). J'observe que les lignes dont M. Grobet propose l'ajout sont contraires à la réalité. Il propose d'ajouter dans le titre que la loi institue «des mesures favorisant les transports publics» : je n'ai rien vu dans le texte qui vise les transports publics de près ou de loin ! Il ajoute également qu'il s'agit de «réduire les nuisances provoquées par le trafic automobile» : j'aime mieux vous dire que les bouchons que vous êtes en train d'organiser vont accroître les nuisances, et non les diminuer ! Donc, les adjonctions proposées par M. Grobet sont contraires au contenu du texte qui a été voté tout à l'heure !
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8255)
autorisant l'octroi à la Fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement d'un droit de superficie au-dessous du domaine public cantonal, pour la construction d'un parc relais P+R Genève-Plage, dans le port de la Nautique, au quai Gustave-Ador et instituant des mesures favorisant les transports publics ainsi que des restrictions de circulation au quai Gustave-Ador et à la rue des Eaux-Vives afin de réduire les nuisances provoquées par le trafic automobile
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1
Le Conseil d'Etat est autorisé à constituer au profit de la Fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement (ci-après Fondation des parkings), un droit de superficie distinct et permanent, au-dessous du domaine public d'un secteur du lac et du quai de Cologny, en vue de la construction et de l'exploitation d'un parc relais.
Art. 2
L'assiette de ce droit de superficie grevant 2704 m2 de la parcelle du domaine public cantonal n° DP 1816, fe 17 commune de Cologny, 257 m2 de la parcelle n° 201, fe 17 commune de Cologny et 5100 m2 de la parcelle du domaine public cantonal sans n° (Lac), fait l'objet d'un plan de servitude E9173B dressé par le Bureau C. Haller, ingénieurs géomètres officiels, et annexé à la présente loi.
Art. 3
Le conservateur du Registre foncier est autorisé à procéder, aux fins de la constitution dudit droit de superficie, à l'immatriculation dans ses registres, sur la commune de Cologny, de la partie du domaine public délimitée conformément à l'article 2.
Art. 4
1 Le droit de superficie entre en vigueur dès la date de son inscription au Registre foncier, pour se terminer le trente-et-un décembre deux mille soixante (31 décembre 2060).
2 Il peut être renouvelé aux conditions fixées dans l'acte de droit de superficie conclu entre l'Etat de Genève et la Fondation des parkings.
Art. 5
L'acte constitutif de ce droit de superficie, à intervenir entre l'Etat de Genève et la Fondation des parkings, est annexé à la présente loi.
Art. 6
Le Conseil d'Etat est chargé de limiter à une voie entrante le trafic sur le quai de Cologny et le quai Gustave-Ador de la Nautique jusqu'à la rue Pierre-Fatio.
Art. 7
Le Conseil d'Etat est chargé de mettre la rue des Eaux-Vives sous le régime d'une limitation de vitesse à 30 km/h maximum.
M. Michel Halpérin (L). J'ai l'honneur d'annoncer à ce Grand Conseil que le parti libéral se propose de lancer, dès demain, un référendum contre cette loi ! (Applaudissements.)
Mme Nelly Guichard (PDC). J'ai quant à moi le plaisir d'annoncer que nous soutiendrons évidemment ce référendum !
M. Jean-Marc Odier (R). L'intention de la majorité de gauche de bloquer l'entrée de Genève par la route de Cologny est effectivement inacceptable et la population genevoise doit le savoir. Nous soutiendrons donc le référendum ! (Applaudissements.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
La Commission des travaux qui a étudié dans le détail le projet de loi 8179 ouvrant un crédit d'investissement de quelque vingt-cinq millions de francs pour les travaux de transformation et de rénovation de l'ancienne usine Kugler n'a pas voté l'entrée en matière car elle n'a pas pu se mettre d'accord sur l'affectation de ces locaux à l'Office cantonal de la population (OCP). Cette décision est essentiellement motivée par le fait qu'un tiers au moins de la population du canton doit se rendre à l'OCP chaque année. Avec raison, la commission a estimé qu'il n'était pas possible d'envoyer « dans un cul-de-sac » environ 100'000 personnes par année. Il n'existe quasiment aucune place de parking et, c'est paradoxal, le dépôt des lignes de bus et trolleybus des TPG n'offre aucune solution satisfaisante par les transports publics ! Les nuisances causées par le dépôt des TPG rendent impossible la construction de logements dans cette zone.
Afin d'éviter un enlisement de ce dossier qui serait dommageable pour le maintien de la substance du bâtiment et les risques de « squatterisation », il est urgent de trouver une solution quant à l'affectation de ce lieu. L'ancienne usine Kugler est située à la jonction de deux fleuves dans une zone digne d'intérêt du point de vue de la protection de l'environnement, notamment des eaux. Dès lors, dans le sens d'une solution constructive et rapide, nous préconisons de regrouper dans cette ancienne usine l'ensemble des services liés à la protection de l'environnement et qui sont disséminés à plusieurs endroits, certains étant dans des locaux vétustes et peu appropriés.
La décision peut être prise très rapidement puisque ce changement d'affectation n'exige aucune étude supplémentaire puisqu'il s'agit uniquement, le cas échéant, de modifier la distribution intérieure des bureaux.
En vous remerciant de l'attention bienveillante que vous prêterez à ce bref exposé des motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette proposition de motion.
Débat
M. Florian Barro (L). Le dépôt de cette motion fait suite au refus du Grand Conseil de transformer l'usine Kugler à destination de l'office cantonal de la population. L'idée d'y installer les services de l'environnement avait déjà germé dans la tête de certains et c'est forts de ces projets que nous avons déposé cette motion, en vue de ne pas laisser ce patrimoine sans affectation et sans projet précis. Il nous semble en effet essentiel d'aménager à Genève un lieu regroupant toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs travaillant dans le domaine de l'environnement. La situation de ces services est actuellement unique dans l'administration cantonale de par leur dispersion géographique. De plus, Ecotox en tout cas, certains le savent, est logé dans des bâtiments provisoires. Ceci avait d'ailleurs déjà attiré l'attention du Grand Conseil, puisque notre collègue M. Dessimoz avait déposé la motion 1173 qui demandait précisément de trouver une solution à ce problème.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande donc de bien vouloir réserver un accueil favorable à cette motion et de l'envoyer directement au Conseil d'Etat. On pourrait bien sûr l'envoyer en commission, mais je ne pense pas que ce soit souhaitable, puisque le débat a déjà eu lieu en partie en commission des travaux et en partie en plénière, au moment où nous avons traité le crédit grands travaux pour l'affectation des locaux Kugler à l'office cantonal de la population. Je vous propose d'envoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
M. Rémy Pagani (AdG). Cette motion remet heureusement sur le métier la question de l'affectation de l'usine Kugler. En commission, nous avions discuté un certain nombre d'options, je le rappelle, à savoir maintenir le dépôt TPG et prévoir la place nécessaire, notamment pour le jour où les trams seront enfin au Bachet-de-Pesay - ce qui renverra les bus des TPG à la Jonction - et aménager un certain nombre de bureaux dans ce lieu tout en préservant la moitié de l'usine Kugler.
Pour notre part, avant d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat, nous aimerions discuter clairement les options et les choix possibles au sein de la commission des travaux, qui a déjà traité ce sujet de manière précise et pointue. Nous proposons donc le renvoi de la motion à la commission des travaux, plutôt qu'au Conseil d'Etat qui, je le rappelle, devait présenter un crédit d'étude pour cet objet, ce qu'il n'a pas fait. Nous préférons reprendre ces propositions en commission des travaux et faire les choix de base qui orienteront le Conseil d'Etat et M. Moutinot, chargé du département de l'aménagement et de l'équipement, pour la mise sous toit d'un projet d'étude formulé en bonne et due forme, de façon à repartir d'un bon pied dans ce dossier.
M. Alberto Velasco (S). Mesdames et Messieurs, je constate que le Conseil d'Etat avait un bon projet et que ce bon projet a été rejeté parce qu'il était soi-disant trop cher. Or, votre projet est tout aussi cher, puisque vous demandez de reloger dans cette usine d'autres services de l'Etat. Un autre raison pour laquelle vous aviez refusé le premier projet, c'est que l'endroit était inaccessible. Mais les services dont vous parlez seront tout aussi inaccessibles. Ce n'est pas parce que ce sera l'office de l'environnement qu'il sera plus accessible que l'office de la population ! Le projet du Conseil d'Etat permettait de résoudre un problème très important dans cette République, à savoir les conditions inadmissibles auxquelles sont soumis aujourd'hui soit les étrangers qui viennent demander un permis de travail, soit les requérants d'asile, ou autres. Vous avez refusé ce projet et venir maintenant avec cette motion me semble extrêmement opportuniste.
Le Rassemblement pour une politique sociale du logement était d'avis qu'il fallait se réserver la maîtrise de ce site et de ce bâtiment. Nous sommes d'accord avec le Rassemblement et nous n'accepterons en tout cas pas cette motion.
D'autre part, il faut dire qu'il y a bien d'autres options. Puisque l'option services publics n'a pas été acceptée la dernière fois, on pourrait, pourquoi pas, prévoir d'affecter ce lieu à la culture, par exemple. On pourrait aussi, comme Mme Cuénod le disait, aménager une plage comme à Genève-Plage. Enfin, il y a bien d'autres possibilités et loger là-bas des services qui pourraient tout aussi bien être logés ailleurs et dont l'accessibilité sera tout aussi difficile, ne me semble pas du tout adéquat. Quant à nous, nous n'accepterons pas le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Nous réservons notre vote sur le renvoi en commission, en attendant la suite du débat.
M. Claude Blanc (PDC). Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce projet de motion est quelque peu réducteur. Les libéraux défendent un point de vue, mais je rappelle que, lors du précédent débat sur l'affectation de l'usine Kugler, il a été défendu ici divers points de vue, diverses options à propos de cette presqu'île de la Jonction. Les libéraux en choisissent une délibérément, à savoir affecter entièrement le bâtiment à des services de l'Etat, et ils demandent au Conseil d'Etat de n'étudier que cela. Je crois que nous ne pouvons pas accepter cette solution.
Le Grand Conseil a dit l'autre jour au Conseil d'Etat que sa proposition de transformation de l'usine Kugler était une mauvaise proposition et qu'il appartenait aux services de l'Etat d'en étudier plusieurs autres et de nous les présenter. Je rappelle ici que l'option logement a été largement évoquée : il vaudrait donc la peine de l'examiner. Tout en évitant les nuisances entraînées par la partie amont de la presqu'île où sont actuellement situés les bâtiments en dur des TPG, en éliminant ce qu'on appelle les «couverts», toute une série de possibilités pourraient s'ouvrir au sud de cette presqu'île.
Si on vote cette motion, on s'engage dans une voie très étroite ; le Conseil d'Etat se croira obligé d'aller dans cette direction et ce n'est probablement pas ce que la majorité de ce Grand Conseil avait en tête. Je pense donc que cette motion vient trop tôt. Quant à moi, j'attendais que le Conseil d'Etat nous présente plusieurs pistes, de manière que nous puissions voir les avantages et les inconvénients des unes et des autres - ainsi que leur faisabilité, car c'est évidemment très important - et qu'à partir de là on se détermine. Ce soir, nous ne pouvons pas accepter cette motion et partir la tête la première dans une seule direction.
M. David Hiler (Ve). Bien sûr, nous souhaiterions que les services qui se consacrent à la protection de l'environnement soient logés le mieux possible. Cela dit, ce n'est pas pour autant que les problèmes de coûts que nous avions soulevés à propos de l'autre affectation ont disparu. Nous allons donc être cohérents avec nos positions précédentes. A cet égard, tant les arguments de M. Velasco que ceux de M. Blanc sont exacts : nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que l'affectation proposée nous convient, alors que nous avons l'impression que les problèmes seront tout aussi importants dans ce scénario que dans le précédent.
Si l'objectif des motionnaires est de faire connaître une piste, nous voulons bien renvoyer cette motion à la commission des travaux. Mais c'est bien au Conseil d'Etat de prendre l'initiative sur ce dossier et de confirmer ou infirmer l'impression que nous avons, à savoir que le problème de coût évoqué la dernière fois demeure, qu'il s'agisse d'un service ou d'un autre.
Pour ces raisons, si nous pouvons accepter sans difficulté un renvoi à la commission des travaux, nous ne pouvons en aucun cas voter aujourd'hui cette motion, qui vient effectivement trop tôt.
M. Florian Barro (L). Quelques mots par rapport à ce qui vient d'être dit. C'est bien avant le refus du crédit de transformation de l'usine Kugler en faveur de l'office cantonal de la population que M. Cramer a évoqué avec certains députés l'idée d'installer une maison de l'environnement à cet endroit. L'idée n'est donc pas nouvelle, le Conseil d'Etat y a déjà songé et dans la hiérarchie des projets la maison de l'environnement, ou la maison verte, peu importe comment on l'appelle, avait sa place. Le Conseil d'Etat a finalement décidé de proposer l'office cantonal de la population avant la maison de l'environnement. C'était un choix. Nous prenons la balle au bond en disant qu'il est urgent de remettre cet objet sur le tapis. Qu'on renvoie cette motion en commission des travaux pour faire un tour d'horizon complémentaire ne me dérange pas, mais il ne faut pas trop attendre et ne rien faire, comme sur certaines autres friches industrielles qui se dégradent et dont les coûts de réhabilitation augmentent au fur et à mesure de notre attente.
Monsieur Velasco, vous avez vraiment la mémoire courte en parlant de cherté des coûts. Vous m'avez personnellement demandé de vous établir des plans financiers de reconversion de l'usine Kugler en logements, que je vous ai aimablement fournis, en vous démontrant que, quelle que soit l'hypothèse choisie, que ce soit la reconversion en bureaux - pour l'office cantonal de la population ou pour tout autre service de l'Etat - ou que ce soit la reconversion en logements, les coûts financiers étaient sensiblement identiques, légèrement supérieurs pour le logement. La reconversion en logements pouvait se concevoir moyennant des subventions un peu supérieures à ce qui se pratique actuellement. Ne venez donc pas nous reprocher la cherté du projet : vous avez reçu tous les éléments à propos des coûts, je m'y suis attelé personnellement !
Un des arguments qui plaide en faveur de cette maison de l'environnement - et M. Cramer était sensible à cet aspect, quand nous en avons discuté - c'est que l'accessibilité des lieux n'est pas aussi primordiale pour ces services-ci que pour les services de l'office cantonal de la population.
Pour raccourcir les débats, je m'arrête là et je me rallie bien volontiers à une discussion en commission, afin qu'on puisse tout mettre sur la table et sortir rapidement de l'ornière.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical n'est pas favorable à cette motion. Nous restons sur nos positions : le crédit de 25 millions en cause nous a paru et nous paraît extrêmement élevé.
Il n'est peut-être pas possible, dans la situation actuelle, d'aménager des logements à cet endroit, pour diverses raisons, mais cette option mériterait quand même d'être étudiée davantage.
Par ailleurs, la proposition de loger à l'usine Kugler les services de l'administration mentionnés à la page 2 de la motion a quelque chose d'un peu curieux et s'apparente à du gaspillage, puisque ceux qui connaissent le bâtiment de la rue Henri-Fazy, juste en face de l'Hôtel de ville, savent que d'importants travaux sont en cours, notamment pour y loger mieux le service des forêts. Voudrait-on faire deux fois les travaux pour certains services, alors que l'office cantonal de la population - même si nous n'avons pas voulu l'installer à cet endroit - mérite, lui, d'être mieux logé ?
Mesdames et Messieurs, je comprends bien que votre projet de maison verte essaie de rallier une majorité à des travaux, que le seul but de cette motion est en réalité d'engager des travaux pour 25 millions à cet endroit. Mais nous vous disons clairement qu'après avoir payé cette parcelle 7 millions, 25 millions de travaux, c'est trop. Il existe certainement des projets de réaffectation meilleur marché pour ce bâtiment, mais il est vrai que ce ne seront peut-être pas des projets pour l'administration.
Pour notre part, nous trouvons que cette motion devrait être renvoyée au Conseil d'Etat, pour qu'il en fasse quelque chose. Si la commission des travaux veut s'en saisir, libre à elle ! Mais, comme l'ont dit d'autres intervenants, la situation n'est pas mûre pour ce projet et y revenir tout de suite après le vote négatif du Grand Conseil nous paraît un peu maladroit et malheureux. Nous préférerions que le Conseil d'Etat nous fasse des propositions solides et sérieuses, comme la plupart des partis l'ont demandé lors du précédent débat sur l'installation de l'office cantonal de la population.
Dans ces conditions, nous sommes pour le rejet de cette motion, subsidiairement pour son renvoi à la commission des travaux, en espérant que celle-ci pourra en faire quelque chose, mais certainement pas dans le sens souhaité par le parti libéral.
M. Dominique Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cent fois sur le métier... vous connaissez la suite : il faut revenir pour espérer réussir ! Cela dit, Mesdames et Messieurs les libéraux, je suis quand même un peu surpris par cette motion, parce qu'en général vous êtes les premiers à nous reprocher de revenir sur une décision du Grand Conseil, non pas quelques semaines plus tard, mais même quelques mois plus tard. Comme les socialistes, vous avez, en tout cas pour un certain nombre d'entre vous, soutenu la proposition du Conseil d'Etat concernant la réhabilitation de l'usine Kugler il y a quelques semaines, tout en trouvant qu'effectivement ce projet n'était pas très bon marché. Il faut dire qu'en l'occurrence un certain nombre de contraintes étaient posées, en particulier par la CMNS, que M. Lescaze connaît fort bien et qui demandait le maintien de ce bâtiment ou tout au moins d'une partie de ce bâtiment.
D'autre part, ce n'est pas parce qu'on installe des services de l'administration dans l'usine Kugler que l'ensemble de la presqu'île devient indisponible pour, dans un avenir plus ou moins proche, y construire des logements et réhabiliter la zone de verdure qui existe et qui est toujours utilisée par les transports publics.
Nous trouvons donc un peu facile de revenir avec un projet qui propose simplement d'y installer, au lieu de l'office cantonal de la population - qui se trouve dans une situation absolument dramatique - les services de l'environnement - qui sont aussi dans une situation difficile - au prétexte que leurs contacts avec la population sont plus limités.
Lorsque les socialistes ont débattu de cette motion, ils étaient d'avis de la rejeter. En effet, nous considérons que la décision de la majorité de ce parlement, il y a quelques semaines, était claire et que le Conseil d'Etat devrait faire un certain nombre de propositions qui tiennent compte des contraintes du lieu et d'un certain nombre de demandes - tout en sachant qu'une partie de ces demandes ont déjà vingt ans d'âge et que, si elles n'ont pas abouti à des propositions concrètes, c'est qu'il y a bel et bien des difficultés aujourd'hui encore insurmontables.
Le Conseil d'Etat à l'époque, bien qu'il ait oublié le crédit d'étude, a certainement fait sa proposition après avoir mûrement réfléchi et aujourd'hui il est donc un peu facile de revenir avec cette motion. On peut bien sûr la renvoyer en commission des travaux, mais pour quoi faire ? L'amender, mais dans quel sens ? Quant à moi, j'aurais tendance à dire qu'il vaut mieux la rejeter. Il s'agit en tout cas de ne pas la renvoyer telle quelle au Conseil d'Etat et, tout au plus, de l'enterrer à la commission des travaux !
M. Claude Blanc (PDC). Je reprends la balle au bond : M. Hausser a raison quand il demande ce que la commission des travaux va faire de ce texte. Tout bien pesé, je crois qu'il faut rejeter cette motion.
La dernière fois, lorsque nous avons discuté du problème - M. Hausser et M. Lescaze l'ont dit - tous les groupes ont demandé au Conseil d'Etat de présenter d'autres solutions. Attendons donc ces autres solutions et nous verrons ce que nous en ferons. Pour l'instant, je ne vois pas ce que la commission pourra faire de plus, tant que le Conseil d'Etat n'a pas fait une étude approfondie sur le devenir de cette presqu'île. En tant que président de la commission des travaux, je vous demande de ne pas nous renvoyer cette motion, nous ne saurons pas qu'en faire !
M. Rémy Pagani (AdG). Pour nous, cette motion a au moins le mérite de remettre rapidement le sujet sur le métier. C'était d'ailleurs un engagement que nous avions pris lors du débat sur le projet concernant l'office cantonal de la population. Il ne s'agissait pas simplement de rejeter ce projet, mais également de reprendre rapidement les travaux sur ce sujet. Si le conseiller d'Etat Moutinot nous propose un agenda sur lequel nous pouvons tomber d'accord, quant à la présentation des options que nous avons évoquées lors du dernier débat, nous rejetterons bien entendu cette motion. Mais, en l'état, nous estimons que la situation n'est pas claire et c'est pourquoi nous soutenons le renvoi à la commission des travaux, afin d'aiguillonner, si j'ose dire, le Conseil d'Etat dans ce dossier.
M. Alberto Velasco (S). Je souscris tout à fait aux propos de M. Blanc de tout à l'heure : que voulez-vous que nous fassions de cette motion, Monsieur Pagani ? Si cette motion est renvoyée en commission des travaux, nous devrons nous définir par rapport à ce texte. Vous ne pensez quand même pas amender toutes les invites de la motion pour en faire une autre ? Si vous voulez rédiger une autre motion, Monsieur Pagani, faites-le et on en discutera. Mais celle-ci, telle qu'elle est là, propose un projet précis et il faudra se définir par rapport à ce projet. Quant à moi, je préfère que le Conseil d'Etat nous soumette d'autres propositions.
M. Laurent Moutinot. Si cette motion a pour objet de choisir l'adresse de différents services de l'administration, elle traite d'un objet qui n'est pas de votre compétence ! En revanche, si elle doit permettre d'ouvrir un débat sur l'aménagement de la pointe de la Jonction, sur l'affectation de l'ex-usine Kugler, sur sa démolition ou sa non-démolition, elle a alors son sens.
Pour le département, la difficulté de vous faire des propositions vient du fait que la majorité qui a rejeté le projet concernant l'office cantonal de la population n'était pas univoque. D'aucuns parlaient de logements, d'autres de démolition, d'autres encore de conservation et je refuse de gaspiller les deniers de la République en vous présentant une demi-douzaine d'alternatives différentes. Je souhaite par conséquent que le Grand Conseil dise dans quelle direction il veut aller. A cet effet, il me semblerait judicieux d'amender la motion proposée par le groupe libéral, en remplaçant purement et simplement l'invite actuelle par l'invite suivante : «...invite le Conseil d'Etat à proposer un projet d'aménagement de la pointe de la Jonction».
Sur la base de ce texte, que vous voudrez bien renvoyer en commission, nous pourrons savoir dans quelle direction aller. C'est à vous qu'il appartient de définir les grandes orientations et nous exécuterons vos voeux. Mais, sans cette orientation préalable du Grand Conseil, je me refuse à présenter un projet, puis un autre, et encore un autre, qui n'auront jamais de majorité.
S'agissant des besoins de locaux de l'Etat, je saisis l'occasion de ce débat pour signaler que deux grandes administrations sont actuellement dans une situation difficile. C'est d'une part l'office cantonal de la population et d'autre part le service d'écotoxicologie. L'un et l'autre méritent notre soutien, l'un et l'autre méritent que, dans des délais rapides, une solution soit trouvée.
Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, je remets à la présidente du Grand Conseil cet amendement qui remplace la totalité de l'invite. Je vous suggère de l'accepter et de renvoyer cette motion en commission.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je suis obligée, si la demande de renvoi en commission est maintenue, de la faire voter d'abord... Monsieur Blanc ?
M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, une proposition de motion, dès l'instant où elle est renvoyée, est renvoyée et ne peut plus être modifiée. Alors, il faut d'abord changer le libellé... (Commentaires.) Oui ! Pour savoir ce que vous voulez renvoyer en commission ! Nous ne voulons pas renvoyer en commission le texte tel qu'il est là. Nous voulons d'abord le changer, avant de le renvoyer en commission.
La présidente. Tout à fait, Monsieur Blanc, mais une demande de renvoyer cette motion en commission a été faite et c'est ce que je dois faire voter en premier. Il faudra que le Grand Conseil la refuse, s'il ne veut pas que ce texte aille en commission.
M. Rémy Pagani (AdG). Si c'est une question formelle, nous retirons la demande de renvoi en commission ! Ainsi, nous pourrons voter l'amendement, puis nous reproposerons le renvoi en commission, comme le suggérait le Conseil d'Etat. Je retire donc formellement la demande de renvoi en commission !
La présidente. Je vous remercie, Monsieur Pagani, c'est exactement ce que j'attendais !
La demande de renvoi en commission étant retirée, je mets aux voix l'amendement, qui consiste à remplacer l'invite actuelle par l'invite suivante :
«...invite le Conseil d'Etat à proposer un projet d'aménagement de la pointe de la Jonction».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
M. René Koechlin (L). Madame la présidente, maintenant je demande le renvoi en commission, mais en commission d'aménagement évidemment !
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.
Sous la présidence de Mme Louiza Mottaz, la Commission des pétitions a examiné la pétition 1309 et a auditionné le lundi 26 juin 2000 M. Jean-Louis Fazio, pétitionnaire, qui a expliqué que cette situation remonte au mois de décembre 1999, lors de la fermeture des locaux provisoires de l'Armée du Salut.
Beaucoup de gens ont continué à déposer des objets encombrants tels que meubles, frigos, télévisions, etc. qui se sont accumulés sur les lieux sans que personne ne vienne les enlever.
A ces objets se sont ajoutés des sacs poubelles dont les odeurs nauséabondes incommodent les habitants du quartier, notamment un restaurateur installé angle rue du Vuache - rue Voltaire, qui voit ses clients déserter sa terrasse.
Si la Ville de Genève s'occupe de nettoyer les trottoirs, elle s'abstient d'intervenir sur le territoire de l'Etat.
La pétition a été signée par 67 riverains de la rue du Vuache. A la demande de plusieurs commissaires, M. Fazio répond qu'à l'exception d'un nettoyage en mars dernier, rien n'a été fait pour dégager les lieux. M. Fazio nous montre une série de photographies édifiantes qui témoignent de l'ampleur des objets entreposés. Il signale qu'il a fait envoyer cette pétition au Conseil administratif de la Ville de Genève et au Grand Conseil, mais que cette pétition est son dernier recours avant que les habitants ne transportent ces ordures dans la cour de l'Hôtel de Ville.
A la demande d'une députée, le pétitionnaire en vient au parc situé entre le périmètre du Collège Voltaire et la rue du Vuache. Selon lui, le parc est très sale. Les pétitionnaires ont souhaité qu'il puisse être aménagé pour les enfants et les habitants du quartier. Ce n'est actuellement pas possible à cause de sa saleté.
Une discussion s'ensuit pour savoir si ce nettoyage incombe à la Ville de Genève ou à l'Etat. Plusieurs commissaires estiment que les deux protagonistes doivent conclure un arrangement.
En partant vers 17h20, M. Fazio s'insurge une dernière fois contre le laisser-aller général dont les habitants et lui-même font les frais.
Après son départ, la présidente ouvre le discussion. Une députée propose le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat. Au vote, cette proposition est acceptée par 9 oui (3 L, 3 S, 1 R, 2 Ve) et une abstention (AdG).
Une députée dénonce le manque de civisme des citoyens qui abandonnent leur frigo sur la voie publique depuis qu'une somme a été fixée pour leur récupération. Il en est de même pour les télévisions, qui ne font plus partie des déchets levés par les communautés publiques.
La majorité de la commission vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députées et députés, de bien vouloir suivre ses conclusions.
Pétition(1309)
Y-en-a marre : la rue du Vuache n'est pas un dépotoire !
Mesdames etMessieurs les députés,
Les habitantes et les habitants de la rue du Vuache demandent aux autorités de la Ville de Genève et du Canton de Genève, de bien vouloir faire procéder à intervalles réguliers au nettoyage de la rue du Vuache, des abords de l'ancien bâtiment provisoire de l'armée du Salut, ainsi que du parc située entre le périmètre du Collège Voltaire, la rue Voltaire et la rue du Vuache.
D'autre part nous demandons qu'un aménagement agréable et convivial soit effectué sur ce parc aux profit des enfants et des habitants du quartier!
Débat
M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur. Je dois dire que le rapport sur cette pétition n'a plus de sens aujourd'hui. En effet, lors de la séance de commission que nous avons eue en juin, plusieurs commissaires m'avaient demandé d'aller voir sur place quel était l'état de cette rue du Vuache. C'était le début des vacances et j'y suis allé en août : il n'y avait presque plus rien, sauf un tas d'ordure à l'ouest du bâtiment de l'Armée du salut. J'ai téléphoné au pétitionnaire que nous avions auditionné, M. Jean-Louis Fazio, qui m'a dit que, pendant le mois d'août, tout avait été enlevé par le service sécurité et salubrité de l'Etat de Genève. Quand j'ai annoncé cela à la commission des pétitions, les commissaires m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas en tenir compte, car ils n'avaient rien vu, et que je devais rapporter seulement sur ce qui avait été décidé en commission. J'ai recommencé trois fois mon rapport jusqu'à ce qu'il plaise aux commissaires, mais je dois dire qu'aujourd'hui il n'y a plus rien dans cette rue.
Entre-temps, les gens avaient malheureusement recommencé à déposer leurs ordures à cet endroit. J'ai donc développé une interpellation urgente lors de la dernière session, pour demander à M. Ramseyer de mettre des gardes en civil et pas seulement des écriteaux. M. Ramseyer m'a répondu qu'il n'avait pas un effectif suffisant pour mettre des surveillants en civil, mais qu'il allait transmettre cette demande aux services de M. Hediger. M. Hediger m'a indiqué que des écriteaux n'avaient pas force de loi et qu'il allait envoyer des agents municipaux pour contrôler les lieux.
J'y suis passé ce soir, je ne peux pas dire que tout est propre, mais le tas d'ordures a beaucoup diminué. Mon interpellation a donc fait son effet, il y a beaucoup moins d'ordures que pendant l'été et, en tout cas à la rue du Vuache, tout a disparu. Mais comme la commission des pétitions n'a pas constaté elle-même cet état de fait, je suis obligé de vous demander de voter ses conclusions et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
1. Introduction
La Commission des finances a examiné la motion 945 lors de sa séance du 27 septembre 2000 sous la présidence de M. Dominique Hausser.
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Département des finances, et M. Benedikt Cordt-Moeller, directeur général des finances, ont participé à cette réunion. Mme Eliane Monnin a tenu le procès-verbal de cette séance.
2. Motivations des motionnaires
En septembre 1994, face à la crise des finances de la République et canton de Genève, les motionnaires ont décidé de présenter ce projet afin de contenir les dépenses et les investissements de l'Etat.
A l'époque, les motionnaires s'étonnaient que figurent dans la liste des investissements réalisés en 1993 « une multitude d'achats qui ne présentaient aucun intérêt en termes de relance économique et d'emploi ». Ils voulaient que les départements et les régies publiques justifient clairement la nécessité impérieuse de leurs achats.
Ils demandaient en conséquence que des efforts concrets en la matière soient réalisés, afin d'éviter d'accroître l'emprunt et du même coup d'alourdir une dette publique dont le poids était en passe de devenir insupportable pour les générations futures.
3. Débat de la commission
Tout d'abord, les député-e-s de la commission se sont demandé-e-s si cette motion était encore d'actualité tant les efforts accomplis en la matière par les administrations ces dernières années ont été conséquents et efficaces.
Néanmoins, les commissaires ont souligné que les efforts devaient se poursuivre et en aucun cas se relâcher, même si la situation financière de l'Etat s'est nettement améliorée. L'invite de cette motion reste de ce fait actuelle.
Cette motion permettra de plus à Mme Micheline Calmy-Rey d'établir le constat de ce qui a été entrepris par l'Etat dans ce domaine. Il est rappelé notamment qu'un certain nombre de réformes ont été instaurées en matière de normes d'achat, notamment pour le mobilier. Cette optimisation de la politique d'achats s'accompagne d'un contrôle accru de la part de l'Economat cantonal sur les demandes d'achat. La motion 945 peut être considérée comme un soutien à poursuivre cette démarche.
Il est observé que la motion reste « malheureusement d'actualité » et elle le sera toujours. Le phénomène est récurrent et l'effort doit être maintenu au sein de l'Etat et dans les entreprises publiques, notamment sur les achats informatiques et le mobilier. Par contre, il existe encore une marge de manoeuvre à saisir au niveau des services. Deux exemples viennent à l'appui de cette observation.
Concernant les frais de consulting, on constate actuellement des abus de la part d'entreprises qui offrent leurs services à n'importe quel prix en matière de gestion d'entreprise, réorganisation, communication, informatique, etc. L'Etat et les entreprises publiques pourraient essayer de réfléchir à une dynamique pour essayer de faire baisser les prix. En second lieu, si l'organisation des voyages et déplacements des collaborateur-trice-s de l'Etat de Genève était centralisée et négociée globalement auprès des opérateurs de voyage (agences, compagnies d'aviation, CFF, hôtels, etc.), un potentiel d'économies, évalué à plus de 10 % ou 15 %, pourrait être réalisé. Ces deux objets méritent réflexion pour trouver une meilleure organisation. Un amendement est proposé dans ce sens.
4. Votes
Une modification de l'invite est retenue, soit :
- « à déclarer avec effet immédiat, au sein des départements et des régies en dépendant, l'obligation de justifier par leur nécessité impérieuse, toutes les requêtes de prestations de services ainsi que toutes les acquisitions de matériels, appareils, […………] »
La motion ainsi amendée est votée à l'unanimité.
Débat
M. Christian Brunier (S), rapporteur. Lorsque nous avons abordé cette motion en commission des finances, nous nous sommes d'abord posé la question de savoir si elle était encore d'actualité, puisqu'elle avait été déposée en 1994. En y regardant de plus près, nous nous sommes rendu compte que la politique d'achat, la politique d'économie sur les achats restait bien entendu d'actualité. C'est un combat continuel et nous avons donc décidé de l'examiner plus en détail.
La première chose à souligner, ce sont les efforts qui ont été entrepris ces dernières années pour optimiser et rationaliser les achats, particulièrement en matière de mobilier, de matériels divers, de machines et de matériel informatique. La première raison du soutien, unanime, de la commission, c'est que cette motion est l'occasion de plébisciter la politique de rationalisation et d'établir l'inventaire des mesures prises ces dernières années, puisque cet inventaire n'a jamais été fait. Nous considérons qu'il est important de souligner le chemin parcouru par la fonction publique dans ce domaine et de remercier les fonctionnaires, qui ont entrepris des efforts considérables.
La deuxième raison de soutenir cette motion, c'est bien sûr qu'elle est une incitation à poursuivre l'effort, car il existe certainement des secteurs où on peut encore pousser la rationalisation et l'optimisation, sans diminuer le niveau des prestations à la population.
Nous avons identifié deux secteurs où les efforts peuvent être renforcés. Le premier est le secteur des voyages et des déplacements. Aujourd'hui, l'organisation des voyages et des déplacements de la fonction publique est déficiente, puisqu'en fait chaque service organise un peu comme il en a envie les déplacements de ses fonctionnaires. En organisant mieux ces voyages, en rationalisant la démarche, nous pensons qu'il est possible de diminuer facilement les frais de voyages de 10% à 20%, voire de 20% à 30%, l'Etat de Genève pouvant renégocier un certain nombre de contrats auprès des compagnies d'aviation, des hôtels, ou des compagnies ferroviaires.
Le deuxième secteur où il faut absolument améliorer la politique d'achat, ce sont tous les contrats passés avec des entreprises de consulting. L'Etat fait appel, souvent à juste titre, à des sociétés de consulting dans différents domaines où il a besoin d'un certain savoir-faire. Aujourd'hui, ces boîtes de consultants appliquent des prix qui sont inacceptables, puisque très souvent, pour les administrations, ces entreprises facturent, suivant les spécialités, entre 1 500 F et 5 000 F la journée, ce qui est un prix très élevé par rapport à la valeur ajoutée amenée par ces entreprises. Nous devons donc mieux négocier ces contrats, nous devons aussi fédérer les besoins entre l'Etat et les différentes institutions publiques de ce canton, pour négocier de manière beaucoup plus drastique les contrats avec ces boîtes de consultants. Je crois qu'il y a là un effort de rationalisation à faire, pour abaisser les coûts et obtenir des consultants un tarif plus décent.
La commission, à l'unanimité, vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion, amendée par la commission pour qu'elle soit un peu plus d'actualité.
M. Roger Beer (R). J'aimerais remercier M. Brunier d'avoir complété oralement son rapport, car celui-ci est relativement bref. Cette motion a été présentée en 1994 par des collègues radicaux dont certains sont encore avec nous aujourd'hui - je pense à MM. Ducommun et Lescaze - à une époque où la situation financière de l'Etat était extrêmement difficile et où le Grand Conseil se préoccupait beaucoup de faire des économies. Ce souci avait été moyennement pris au sérieux et cette motion - qui faisait partie d'un train de motions dont certaines ont été renvoyées d'office au Conseil d'Etat - a eu la grâce de finir à la commission des finances. Elle devait visiblement déranger, puisque la commission des finances a attendu six ans avant de passer une heure, voire une heure et demie à en discuter, pour conclure finalement qu'elle restait, je reprends vos termes, Monsieur Brunier, «malheureusement d'actualité et qu'elle le sera toujours». Bien sûr, des efforts ont été faits par l'Etat depuis six ans, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, pour faire attention aux dépenses, pour limiter les coûts et, aujourd'hui, le gouvernement et l'administration en récoltent le bénéfice : la conjoncture va mieux, les économies ont été engagées et les frais de fonctionnement sont moins importants.
Cela dit, je m'étonne quand même que la motion ait dû passer six ans en commission pour conclure que la politique d'économie doit continuer, qu'on doit absolument être attentifs aux achats - enfin, tout ce que vous avez très bien expliqué, Monsieur Brunier, mais que vous n'aviez pas écrit - et qu'il faut la renvoyer au Conseil d'Etat. Remarquez, ce qui me console, c'est que le Conseil d'Etat a six mois pour nous répondre : comme dans six mois un certain nombre de députés vont partir, j'espère que nous aurons une réponse avant, pour nous dire que les radicaux, en 1994, avaient sacrément raison !
M. Robert Cramer. J'ignore quels sont les projets des uns et des autres pour les six prochains mois... Je me permets cependant de conjecturer que nous serons à peu près dans la même composition à cette échéance !
Ce que je peux vous dire, en ma qualité de suppléant de Mme Calmy-Rey, c'est que le Conseil d'Etat accepte bien sûr cette motion et qu'elle sera l'occasion de vous faire rapport sur ce qui se fait et sur ce que nous entendons faire. Même si elle a été déposée en 1994, cette motion a toujours un caractère d'actualité, ceci pour deux raisons. La première, c'est que faire des économies, éviter le gaspillage doit être un effort constant ; en période de difficultés économiques comme en période de plus grande prospérité, cela doit être une préoccupation générale et constante du gouvernement, de l'administration et du Grand Conseil, lorsqu'il est amené à se prononcer sur le budget.
Cette motion est d'une actualité d'autant plus grande que, comme vous le savez, Monsieur Beer, nous nous préoccupons actuellement de mettre sur pied, par le bais de la loi, un Agenda 21 cantonal. Genève est le premier canton de Suisse à s'efforcer de le faire. Il ne vous a pas échappé que l'une des sept actions que nous avons retenues dans le cadre de cet Agenda 21, c'est de faire en sorte que l'Etat soit exemplaire dans le domaine de sa consommation, dans le domaine de ses achats. Cette motion nous amènera à vous faire rapport sur nos efforts vers cette exemplarité, parce que vouloir consommer moins d'énergie, vouloir travailler de façon plus rationnelle, cela signifie aussi travailler de façon plus économe, également sur le plan financier. C'est vous dire que le gouvernement accepte cette motion et se propose de vous faire rapport dans les meilleurs délais.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
PL 8346
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 50, al. 3 (nouvelle teneur)
al. 4 et 5 (nouveaux, les al. 4 et 5 anciens devenant les
al. 6 et 7)
3 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
5 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Art. 71, al. 3 et 4 (nouveaux)
3 Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.
4 Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.
Art. 102, al. 4 et 5 (nouveaux)
4 Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.
5 Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 99, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)
al. 4 (nouveau)
2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Art. 163, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)
al. 4 (nouveau)
2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Art. 176, al. 2 (nouvelle teneur)
al. 3 (nouveau), l'al. 3 ancien devenant l'al. 4 (nouvelle teneur)
al. 4 et 5 anciens devenant les al. 5 et 6
2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le monde politique a de la peine à se renouveler et en conséquence la démocratie ne se régénère pas suffisamment. Ainsi, notre démocratie directe s'essouffle et l'abstentionnisme est souvent nettement majoritaire. Le monde politique doit mener son autocritique et tenter de se réformer en profondeur.
Cette réinvention de la politique passe par de nombreux changements. Du développement de la transparence de la gestion publique à la limitation de la durée des mandats, de la réforme des institutions au développement de l'égalité des sexes au sein des fonctions politiques, de l'attribution des droits politiques aux personnes étrangères établies dans notre pays depuis plusieurs années à l'optimisation des processus de décision politique, les chantiers ne manquent pas. Restent à trouver des majorités pour concrétiser ces améliorations.
Actuellement, les hommes continuent à monopoliser les sièges malgré les légères avancées de l'égalité des sexes qui se sont déroulées lors du siècle écoulé et certains élus « s'accrochent » à leur siège même lorsque la démotivation et l'usure du pouvoir sont là.
Quelques rares partis ont décidé d'inscrire dans leurs statuts des limitations de mandat sans dérogation possible. Malheureusement, ces partis qui favorisent le renouvellement politique sont péjorés par leur choix, pourtant juste. Obligés de profiler de nombreuses personnes afin de bénéficier du « personnel » politique suffisant pour respecter ces limites de durée de mandat et permettre ce renouvellement, ces partis manquent souvent de « vedettes » et donc d'audience médiatique, par rapport aux partis qui se contentent de profiler quelques leaders durant plusieurs décennies.
Or cette concentration de pouvoir, durant des décennies, dans les mains de quelques élus et cette non-limitation de durée de mandat « polluent » assurément les institutions. Cette occupation longue durée de sièges condamne les nouveaux, les jeunes et souvent les femmes à attendre désespérément leur tour, créant démotivation et désintéressement de la vie publique. La citoyenneté est une valeur trop importante pour ne pas tenter de mieux la défendre.
C'est pourquoi ce projet de loi propose deux axes de modernisation institutionnelle :
La limitation, sans dérogation possible, des mandats de député-e-s et de conseiller-ère-s d'Etat à 3 mandats consécutifs.
En cas d'égalité des suffrages entre deux candidatures d'une même liste, ce n'est plus l'âge le plus élevé qui serait déterminant, mais le sexe le moins représenté dans l'organe concerné ; puis si l'égalité persiste, la candidature d'âge le plus jeune.
Pour une limitation de la durée des mandats
Douze ans consécutifs est une durée maximale de mandat qui nous semble opportune. Une telle durée permet à un-e député-e d'acquérir une solide expérience et d'agir sur le long terme sans perdre sa motivation. Cette durée permet aussi au monde politique de mettre en place, au sein des partis, des structures préparant ces renouvellements. Au-delà de cette durée, la plupart des gens plongent dans l'habitude, la passivité ou l'ennui. Evidemment, il y a quelques exceptions. Mais la durée des mandats doit être pensée sur une base générale et non s'adapter à de rares exceptions.
Les personnes hostiles à cette limitation arguent généralement que la limitation des mandats prive la politique de certaines personnes de valeur. Nous nous élevons en faux contre cette affirmation. Si une personne de grande valeur arrive au terme de son mandat, elle peut être utile dans d'autres organes, chambres ou institutions. Ces personnes d'expérience peuvent faire bénéficier de leur savoir-faire à d'autres secteurs. Ceci améliorera la mobilité du monde politique. De plus, si une personne en a envie, elle peut se représenter à l'élection de l'organe où elle a atteint sa limite de mandat après une pause d'une législature, 4 ans, qui lui permettra de se régénérer et d'assumer d'autres engagements enrichissants.
La limitation des mandats permet donc :
de renforcer le renouvellement du monde politique et ainsi de dynamiser la démocratie ;
d'éviter la démotivation et la routine des élu-e-s « longue durée » ;
d'accroître la mobilité des politicien-ne-s de valeur.
Article constitutionnel actuel :
Art. 71 Election et durée du mandat
1 Le Grand Conseil est renouvelé intégralement tous les 4 ans.
2 Ses membres sont immédiatement rééligibles.
Article constitutionnel proposé :
Art. 71 Election et durée du mandat (nouvelle teneur)
1 Le Grand Conseil est renouvelé intégralement tous les 4 ans.
2 Ses membres sont immédiatement rééligibles.
3 Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.
4 Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.
Article constitutionnel actuel :
Art. 102 Mode d'élection et durée du mandat
1 Le Conseil d'Etat est élu par le Conseil général en un seul collège, selon le système majoritaire.
2 Le Conseil d'Etat est renouvelé intégralement tous les 4 ans.
3 Les conseillers d'Etat sortant de charge sont immédiatement rééligibles.
Article constitutionnel proposé :
Art. 102 Mode d'élection et durée du mandat (nouvelle teneur)
1 Le Conseil d'Etat est élu par le Conseil général en un seul collège, selon le système majoritaire.
2 Le Conseil d'Etat est renouvelé intégralement tous les 4 ans.
3 Les conseillers d'Etat sortant de charge sont immédiatement rééligibles.
4 Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.
5 Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.
En cas d'égalité entre deux candidatures
Actuellement, lorsque deux candidatures terminent à égalité sur la même liste lors d'une élection, la personne la plus âgée est élue.
Même si les cas d'égalité sont relativement rares, cette disposition désavantage assurément le renouvellement du monde politique.
Pour encourager le changement, favoriser l'égalité des sexes et moderniser nos institutions, nous vous proposons, en cas d'égalité lors d'une élection, de favoriser les candidatures du sexe le moins représenté dans l'organe concerné et, si l'égalité persiste, de privilégier la jeunesse.
Bien que cet axe du projet de loi ne modifie pas sensiblement la structure politique, il est néanmoins fortement symbolique. Il favorise particulièrement le rajeunissement des instances politiques et l'égalité des sexes, et donc les femmes qui sont actuellement fortement sous-représentées dans le monde politique.
Article 50 actuel de la Constitution :
Art. 50(56) Candidats élus
1 Dans toutes les élections à système majoritaire, sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité relative des suffrages, pourvu que cette majorité ne soit pas inférieure au tiers des bulletins valables.
2 Si un second tour de scrutin est nécessaire pour compléter l'élection, il a lieu à la majorité relative.
3 En cas d'égalité de suffrages, le candidat le plus âgé est élu. S'il y a égalité de suffrages entre candidats du même âge, c'est le sort qui décide.
Article 50 proposé :
Art. 50, al. 3 (nouvelle teneur)
1 Dans toutes les élections à système majoritaire, sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité relative des suffrages, pourvu que cette majorité ne soit pas inférieure au tiers des bulletins valables.
2 Si un second tour de scrutin est nécessaire pour compléter l'élection, il a lieu à la majorité relative.
3 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
5 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Article 99 actuel de la loi sur l'exercice des droits politiques :
1 En cas d'absence de liste, les citoyens éligibles qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages sont déclarés élus.
Egalité des suffrages
2 En cas d'égalité des suffrages, le citoyen éligible le plus âgé est élu.
Candidats de même âge
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidats du même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Article 99 proposé :
1 En cas d'absence de liste, les citoyens éligibles qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages sont déclarés élus.
Egalité des suffrages
2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
Candidatures de même sexe
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
Candidatures de même âge
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Article 163 actuel de la loi sur l'exercice des droits politiques :
Art. 163 Elus
1 Lorsque le nombre de sièges auquel chaque liste a droit est connu, les candidats de cette liste qui ont réuni le plus grand nombre de suffrages sont proclamés élus.
2 En cas d'égalité de suffrages entre candidats d'une même liste, le candidat le plus âgé est élu.
3 En cas d'égalité de suffrages entre candidats du même âge, il est procédé à un tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Article 163 proposé :
1 Lorsque le nombre de sièges auquel chaque liste a droit est connu, les candidats de cette liste qui ont réuni le plus grand nombre de suffrages sont proclamés élus.
2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
Article 176 actuel de la loi sur l'exercice des droits politiques :
Art. 176 Détermination du candidat élu en cas d'incompatibilité
1 Si des candidats se trouvent dans un cas d'incompatibilité prévu à l'ar-ticle 175, est élu celui qui obtient le plus grand nombre de suffrages nominatifs.
2 En cas d'égalité des suffrages, le candidat le plus âgé est élu.
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidats du même âge, il est procédé à un tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
4 Les candidats non élus prennent rang parmi les remplaçants éventuels.
5 Si un cas d'incompatibilité se présente en dehors d'une élection générale entre membres du Conseil municipal et un remplaçant éventuel, ce dernier ne peut pas être élu.
Article 176 proposé :
Art. 176 Détermination du candidat élu en cas d'incompatibilité (nouvelle teneur)
1 Si des candidats se trouvent dans un cas d'incompatibilité prévu à l'ar-ticle 175, est élu celui qui obtient le plus grand nombre de suffrages nominatifs.
2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.
3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.
4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.
5 Les candidats non élus prennent rang parmi les remplaçants éventuels.
6 Si un cas d'incompatibilité se présente en dehors d'une élection générale entre membres du Conseil municipal et un remplaçant éventuel, ce dernier ne peut pas être élu.
Considérant que la limitation de la durée des mandats politiques, la promotion de l'égalité et la promotion de la jeunesse peuvent permettre de redynamiser un peu notre démocratie, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, à soutenir ce projet de loi.
Préconsultation
M. Christian Brunier (S). Je crois que nous partageons toutes et tous un même constat, c'est celui que notre démocratie est fatiguée et qu'elle a besoin d'un électrochoc et d'une cure de rajeunissement. Le devoir du monde politique est donc de faire son autocritique et d'essayer d'imaginer des solutions pour redynamiser cette démocratie.
Les remèdes sont multiples et divers. Il y a bien sûr le développement de la démocratie locale, que nous essayons de promouvoir au maximum ; le développement de l'éducation citoyenne ; la réforme des institutions ; l'élargissement de l'électorat, par rapport aux étrangers - un projet va bientôt être soumis au peuple - et par rapport aux plus jeunes aussi. Il y a également le renforcement de l'égalité des sexes, mais aussi la modernisation du statut politique, notamment en empêchant le cumul des mandats et en limitant la durée des mandats politiques.
Le parti socialiste a décidé de soumettre un certain nombre de ces sujets aux débats du parlement. Aujourd'hui, nous vous présentons un projet visant à limiter la durée des mandats politiques à trois législatures consécutives. Qu'apporte cette limitation de la durée des mandats ? Premièrement, un renouvellement du monde politique et un certain vent de fraîcheur pour les institutions. Quelques rares partis ont déjà intégré dans leurs statuts le principe de la limitation de la durée des mandats sans dérogation. Ces partis ont certainement choisi l'innovation et l'audace et si aujourd'hui, dans ce parlement, sur les bancs des Verts et du parti socialiste, il y a un grand nombre de personnes de moins de 40 ans et un grand nombre de femmes, ce n'est certainement pas un hasard. Ces partis ont assurément favorisé l'émergence des jeunes, des nouveaux et des femmes. Il faut donc rendre contagieuse cette limitation de la durée des mandats à trois mandats consécutifs. Cette limitation permet d'éviter une certaine démotivation et une certaine routine au sein de ce parlement. Elle permet aussi d'accroître la mobilité des politiciens et des politiciennes qui, arrivés au terme de ces douze ans, pourront bien sûr faire profiter de leur savoir-faire, de leurs talents, d'autres organes politiques ou d'autres institutions. Et puis, ceux qui n'arrivent pas à se passer de siéger au gouvernement ou au parlement pourront faire une pause de quatre ans pour se ressourcer ou faire d'autres choses.
L'autre aspect de ce projet de loi est éminemment symbolique, mais les symboles comptent ! Actuellement, lorsqu'il y a égalité de suffrages dans une élection, c'est la personne la plus âgée qui est élue : nous proposons dans notre projet de loi que soit élue la personne du sexe le moins représenté dans l'institution politique concernée - actuellement ce sont les femmes et le but est donc de favoriser les femmes... (Commentaires.) Et, en cas d'égalité persistante, il s'agira de favoriser la personne la plus jeune.
Nous vous incitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ces projets en commission pour en débattre, pour discuter ensemble de ces propositions.
Mme Micheline Spoerri (L). Vous prenez beaucoup de risques, Monsieur Brunier, quand vous avancez ces statistiques !
Ce double projet qui appelle de ses voeux un changement de la constitution genevoise appelle, de notre point de vue, deux remarques de fond. En ce qui concerne précisément la limitation du nombre des mandats des élus, l'idée n'est sans doute pas dénuée de fondement, car elle éviterait que certains carriéristes, femmes ou hommes d'ailleurs, ne s'incrustent dans la République aux dépens du bon peuple et de ses intérêts prépondérants.
Cela étant, s'il s'agit, comme vous le dites, de régénérer la démocratie, nous pensons, quant à nous, que c'est précisément en privilégiant le choix et le droit de chacun à pouvoir orienter sa vie librement que nous y parviendrons. Au fond, à vouloir toujours dicter des règles du jeu - qui sont valables aujourd'hui, semble-t-il, chez les socialistes et chez les Verts - vous grignotez lentement et sûrement le sens des responsabilités des individus et c'est en même temps, à notre sens, grignoter gentiment la démocratie.
Outre les craintes que nous inspire cette démarche et que je viens d'évoquer, votre exposé des motifs ne manque pas d'air, si j'ose dire, ne manque pas de prétention. Je lis : «Le monde politique a de la peine à se renouveler et en conséquence la démocratie ne se régénère pas suffisamment.» Monsieur le député, pardonnez-moi de vous dire qu'heureusement ce n'est pas le monde politique qui régénère la démocratie, c'est le peuple !
Maintenant, venons-en aux critères de choix en cas d'égalité de suffrages. Vous revendiquez sans sourciller et sans cesse la défense des personnes âgées. Par contre, vous n'hésitez pas, dans ce cas, à «sortir» ces gens-là des mandats politiques, sous prétexte qu'ils sont moins jeunes que les autres ! Outre ce que cela a d'un peu choquant, permettez-moi de vous dire que cela me paraît aller totalement à contre-courant du profil de la démographie de la société de demain. Je n'ai pas besoin de développer : tout le monde connaît l'espérance de vie actuelle.
Je trouve donc un peu curieux qu'en tant qu'élu socialiste vous teniez ce langage. Quant à nous, nous pensons sincèrement que ce n'est pas le rôle du parlement de distribuer les petits pains aux uns et aux autres, en tout cas pas sur ces critères-là. Chaque âge, pour la femme comme pour l'homme, a ses propres valeurs. Nous considérons qu'il faudra en tenir compte et balayer ces solutions un peu simplistes et réductrices.
Enfin, pour nous réconcilier à un moment donné ou à un autre, je vous concède volontiers, Monsieur, que nous avons une bonne dose d'autocritique à administrer au monde politique. Nous nous réjouissons de le faire en votre compagnie lors des travaux de commission.
M. Roger Beer (R). Ce projet de loi est relativement simple et, quand j'en ai pris connaissance, j'ai trouvé que c'était effectivement une bonne idée. En revanche, je dois vous avouer, Monsieur Brunier, qu'après vous avoir entendu, je n'ai plus rien compris... (Exclamations.) ...cela devenait soudain très compliqué.
Le parti radical a déjà instauré le couperet des douze ans, après lesquels il demande aux députés de faire une pause. Il est évidemment intéressant de voir qu'aujourd'hui, alors que vous êtes dans la majorité, vous proposez d'inscrire ce principe dans la loi et de l'instaurer pour le Grand Conseil et le Conseil d'Etat. Mais, dans notre groupe, nous pensons que cette problématique concerne les partis et que ce sont eux qui doivent édicter les règles.
Cela dit, à titre tout à fait personnel, je ne suis pas opposé à cette règle des douze ans. En effet, cela permet de renouveler les élus et cela permet aussi à certains partis qui ont des gens qui s'incrustent de les forcer à se retirer... (Exclamations.) ...avec les problèmes que cela peut poser. Et de ce côté-là, Monsieur Brunier, c'est plutôt dans vos rangs qu'il y a ce genre de problème !
Quant à votre article concernant l'égalité de suffrages et votre proposition de choisir le sexe le moins représenté, je ne vois pas tellement comment il s'appliquera. Mais enfin, renvoyons ces projets à la commission des droits politiques, nous verrons bien ce que vous réussirez, ou ce que la commission réussira à en tirer !
M. Pierre Marti (PDC). Voilà un projet qui nous est très sympathique ! Passer du droit d'aînesse au droit de jeunesse, cela me plaît beaucoup, je l'avoue, mais c'est accessoire pour un rajeunissement de notre parlement, les cas d'égalité de suffrages étant très rares. Avec le sourire, nous devrons également prendre en compte le problème des sexes. Pour de ce qui est des cas d'égalité des suffrages entre personnes du même sexe et du même âge, les probabilités sont quasiment nulles, mais enfin, il faut bien prévoir l'impossible et vous avez raison : il faut tout prévoir dans un projet de loi.
Pour le second volet de cette loi, qui ne laisse rien au hasard, en ce qui concerne la limitation des mandats, nous sommes un peu moins enthousiastes, car c'est faire fi du droit souverain de l'électeur, qui peut à chaque élection réélire ou renvoyer à la maison les personnes élues, après une certaine période. Un certain nombre de partis ont décidé d'inscrire dans leurs statuts des limitations de mandat sans dérogation possible. Mais on constate, dans l'exposé des motifs, que ces partis jouent l'arroseur arrosé et voudraient que tous les autres en fassent de même.
Permettez-moi de lire un extrait de cet exposé des motifs : «Malheureusement, ces partis qui favorisent le renouvellement politique sont péjorés par leur choix - vous reconnaissez, Mesdames et Messieurs, que c'est votre choix ! - pourtant juste - vous avez raison de vous justifier ! -. Obligés de profiler de nombreuses personnes afin de bénéficier du «personnel» politique suffisant pour respecter ces limites de durée de mandat et permettre ce renouvellement, ces partis manquent souvent de «vedettes» et donc d'audience médiatique, par rapport aux partis qui se contentent de profiler quelques leaders durant plusieurs décennies.» Bravo, et merci pour les députés qui sont dans cette enceinte depuis quelques années !
Vous continuez : «Or cette concentration de pouvoir, durant des décennies, dans les mains de quelques élus et cette non-limitation de durée de mandat «polluent» - polluent, vous avez bien entendu ! - assurément les institutions.» Certaines personnes dans cette enceinte que l'on qualifie quelquefois avec gentillesse de dinosaures apprécieront !
Quoi qu'il en soit, nous discuterons de tout cela en commission.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre constitution est riche de nos diversités, mais il ne faut pas exagérer : la proposition de nos collègues socialistes de déranger le peuple à plusieurs reprises sur des questions qui relèvent, à notre sens, des règles internes aux partis, ne nous semble pas acceptable. Nous ne sommes pas d'avis qu'il soit utile de légiférer pour tout.
Je suis particulièrement à l'aise dans ce débat, puisque les Verts ont été les premiers à prendre la sage décision de limiter la durée des mandats. Ils ont également pris la décision de mettre des quotas dans les listes. C'est donc un principe de renouvellement auquel nous tenons, mais nous n'entendons pas l'imposer aux autres. En relisant l'exposé des motifs, je soulignerai un autre paragraphe que mon collègue Marti. Mesdames et Messieurs, vous dites à un moment : «Actuellement, les hommes continuent à monopoliser les sièges malgré les légères avancées de l'égalité des sexes...» Je suis heureuse de relever une fois de plus que la représentation des Verts compte 70% de femmes. Nous ne nous sentons donc pas tellement concernés par cet article !
Ensuite, vous parlez de «certains élus qui s'accrochent à leurs sièges, même lorsque la démotivation et l'usure du pouvoir sont là». Croyez-en une des plus anciennes de ce parlement, puisque je m'arrêterai au bout de treize ans : je ne me sens ni usée ni démotivée. Je crois que ce sont vraiment des questions très personnelles et relevant, encore une fois, de règles internes. En ce qui nous concerne, nous ne soutiendrons pas ce projet, mais nous n'allons pas nous opposer à son renvoi en commission.
M. Pierre Vanek (AdG). Je rejoins très largement ce que vient de dire Fabienne Bugnon. L'Alliance de gauche n'est pas d'accord d'imposer cette règle dans notre constitution et dans nos dispositions légales. Je suis à l'aise pour le dire, puisque, sans faire dans l'autosatisfaction, c'est notre groupe qui a apporté l'un des renouvellements les plus marqués dans ce Grand Conseil, en y apportant une large fraction politique à la gauche du parti socialiste, comportant des personnes qui étaient tout à fait extérieures à la politique parlementaire et qui s'étaient profilées - c'est une réponse sérieuse à ce qui est écrit dans l'exposé des motifs - non pas dans la perspective d'un parti qui devait renouveler son personnel politique, mais dans la lutte et l'activité sociale, syndicale, associative.
Prenez mon collègue Rémy Pagani derrière moi : c'est un tout jeune député, qui n'a même pas fait une législature, et pourtant il est assez profilé... (Commentaires et exclamations.) On peut certes ne pas aimer son profil, mais il est assez profilé et nous sommes quelques-uns dans ce cas-là. S'agissant de renouvellement, je parle au nom d'un groupe dont quinze élus sur dix-neuf, c'est-à-dire plus des trois quarts, ont fait moins de deux législatures, un groupe qui comporte de tout jeunes députés, comme Rémy Pagani, comme moi, comme mon camarade Christian Grobet... (Exclamations et rires.) ...qui est un jeune député dans cette enceinte et qui n'a pas eu besoin de siéger pendant des années sur les bancs de ce Grand Conseil pour avoir le profil politique nécessaire pour être élu en 1993, au moment de la formation de l'Alliance de gauche !
Sérieusement, je pense, comme Mme Bugnon, qu'il faut un renouvellement des députés, c'est important, mais cela ne peut se faire par des règles administratives. D'une part, nous avons aussi besoin de députés - je pense à certains de nos collègues ici, comme Pierre Meyll, Jean Spielmann, ou d'autres - qui ont une expérience, dans la durée, des travaux de ce parlement. D'autre part, c'est aux partis, aux groupes politiques de gérer ces questions et, en dernière instance, c'est évidemment aux citoyens de décider s'ils estiment que tel «dinosaure» ne doit pas être réélu. Cela passe par la démocratie, et non par des ukases ou des interdits de cette Chambre, qui créerait ainsi une nouvelle catégorie de citoyens - modeste en nombre, je vous l'accorde - qui auraient le droit de vote, mais seraient inéligibles. En l'occurrence, vous m'avez déjà entendu le dire à l'occasion de tel ou tel autre débat : nous sommes contre la séparation du droit de vote et du droit d'éligibilité. (Applaudissements.)
Ces projets sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
PL 8348
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 41 Droits politiques (nouvelle teneur)
Les citoyens, sans distinction de sexe, âgés de 16 ans révolus, ont l'exercice des droits politiques, à moins qu'ils ne se trouvent dans un des cas prévus par l'article 43.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 1 En matière fédérale (nouvelle teneur)
Sont électeurs et électrices en matière fédérale :
Art. 1A En matière cantonale (nouveau)
Sont électeurs et électrices en matière cantonale :
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les jeunes se sentent de plus en plus en marge du fonctionnement de la société. Les années de crise, que nous venons de vivre, ont plongé beaucoup de jeunes dans la crainte, l'incertitude et trop souvent le désespoir.
Or, plusieurs jeunes ont envie de participer activement à la vie de la société et à l'élaboration de l'avenir. Le succès de plusieurs conseils de jeunes au niveau communal ou l'implication de plusieurs jeunes dans la vie associative le prouvent, même si le phénomène n'est pas généralisé.
Dans plusieurs pays et régions, les jeunes revendiquent davantage de droits et ont besoin d'être valorisés. Au niveau national, les socialistes ont présenté, sans succès malheureusement, un projet demandant l'attribution du droit de vote dès 16 ans. Déjà des pays, comme le Brésil ou l'Iran, sont entrés en matière sur des projets de ce genre. Plusieurs Länder allemands étudient de telles possibilités. En Suisse, plusieurs projets de loi concernant cette thématique ont été déposés dans différents parlements cantonaux (Lucerne, Schaffhouse, Berne, Bâle-Ville, etc.).
Prenant en compte ces différentes impulsions internationales et nationales, il serait incompréhensible que Genève reste en dehors de ce débat, notre canton ayant l'habitude de jouer, dans bien des domaines, un rôle de précurseur.
Donner des droits politiques aux jeunes dès 16 ans est une manière de valoriser la jeunesse, mais aussi de la responsabiliser. C'est un moyen de développer la citoyenneté, particulièrement si l'attribution de ce droit est accompagnée d'une sensibilisation dans les écoles et les autres organismes fréquentés par les jeunes de cet âge (par ex. : centres de loisirs, associations de jeunes, etc.). A l'heure où l'opinion publique est de plus en plus désintéressée par la vie politique, l'abaissement de l'âge d'attribution des droits politiques peut être un petit électrochoc vivifiant pour notre démocratie directe. Comme l'attribution des droits politiques aux étrangères et étrangers établis dans notre pays depuis plusieurs années, l'attribution des droits politiques dès 16 ans entre dans l'élargissement du cercle des actrices et acteurs de notre démocratie, afin de développer cette valeur si précieuse qu'est la citoyenneté.
A 16 ans, les jeunes sont confrontés à des choix d'avenir essentiels tels que leur orientation professionnelle. S'ils sont capables d'effectuer des choix si importants, ils sont naturellement aptes à exercer leurs droits politiques, du moins aussi bien que leurs aîné-e-s.
Soyons clair-e-s ! Il n'est pas question pour nous d'abaisser la majorité civile. Notre projet ne concerne que les droits politiques.
Afin de redonner un coup de jeune à notre démocratie et de la revigorer, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, à soutenir ce projet de loi.
Article constitutionnel actuel :
Titre IV Qualité de citoyen
Art. 41(78) Droits politiques
Les citoyens, sans distinction de sexe, âgés de 18 ans révolus, ont l'exercice des droits politiques, à moins qu'ils ne se trouvent dans un des cas prévus par l'article 43.
Article actuel se trouvant dans la loi sur l'exercice des droits politiques
Titre I Dispositions générales
Chapitre I Qualité d'électeur et rôles électoraux
Art. 1(9) En matière fédérale et cantonale
Sont électeurs et électrices en matière fédérale et cantonale :
les citoyens et citoyennes suisses, âgés de 18 ans révolus, domiciliés dans le canton, jouissant de leurs droits politiques et ne les exerçant pas dans un autre canton ;
dans les limites fixées par le droit fédéral, les Suisses et Suissesses de l'étranger, âgés de 18 ans révolus, jouissant de leurs droits politiques et qui en font la demande par l'intermédiaire de la représentation suisse auprès de laquelle ils sont immatriculés.
Préconsultation
M. Pierre-Alain Cristin (S). Le parti socialiste pense que l'abaissement de l'âge de l'exercice des droits civiques à 16 ans est un bon moyen de renforcer le sens civique des jeunes et peut avoir un effet vivifiant pour la démocratie de notre canton. Ce projet se veut avant tout un moyen d'ouverture, de débat et de dialogue. Au vu des nombreux articles de presse et des nombreuses discussions que nous avons pu avoir ici et là, le processus semble en bonne voie. Mais, suite à nos travaux parlementaires, ce projet de loi devra être automatiquement soumis aux électeurs, puisque constitutionnel, et nous pourrons à ce moment-là étendre le débat à tous les citoyens de ce canton.
L'abaissement de l'âge de la majorité civique aurait un effet positif à moyen et long terme, en ce sens qu'il serait un pas important en direction d'une meilleure participation des jeunes aux grands thèmes de société. De plus, le fait d'intégrer les jeunes le plus tôt possible à la vie politique permet un vrai dialogue entre les générations et une meilleure intégration sociale. Il nous paraît donc fondamental que les jeunes apprennent au plus vite les règles élémentaires de la démocratie, qu'ils aient confiance dans ses mécanismes et qu'ils y assurent des responsabilités concrètes. Mais il faut pour cela éveiller leur intérêt et stimuler leur curiosité au plus vite.
En l'occurrence, l'intérêt des jeunes est là, le succès de plusieurs parlements ou conseils de jeunes au niveau communal, cantonal ou fédéral le prouve, comme l'assemblée des délégués de la Fédération suisse des parlements de jeunes, qui a voté le 8 avril de cette année son très net soutien à toute initiative pour l'abaissement des droits civiques à 16 ans en Suisse. Enfin, il existe aussi un parlement des jeunes européens. Tout ceci démontre que les jeunes ont envie de s'impliquer et souvent avec succès et avec des idées, comme le parlement des jeunes de Meyrin qui a lancé les Noctambus.
L'implication des jeunes dans la vie associative, sportive ou musicale nous montre leur volonté de s'investir. La meilleure façon de les intégrer est de leur donner le moyen de s'exprimer. A cet égard, ils sont tout à fait capables de s'exprimer et de prendre des décisions importantes. N'est-ce pas à cet âge qu'ils sont confrontés à des choix d'avenir essentiels tels que leur filière de formation ou de profession ? S'ils sont capables d'effectuer des choix aussi importants, ils sont naturellement aptes à exercer leurs droits civiques. Ils prennent quotidiennement des décisions fondées sur la prise en compte de leurs propres intérêts au sein du corps social. Ils sont soumis au droit pénal des mineurs et le droit civil prévoit de nombreuses situations où les jeunes sont impliqués comme partie contractuelle bien avant leur majorité.
En Suisse comme dans d'autres pays dans le monde, il se dégage de plus en plus une volonté de donner la parole aux jeunes. Alors, saisissons cette chance ! Le Nicaragua, le Brésil l'ont déjà fait. A côté de nous, nos voisins français y avaient pensé lors des dernières municipales de 1994. En Allemagne, plusieurs Länder y réfléchissent. Aux Etats-Unis, plusieurs Etats étudient le sujet. En Suisse, sur le plan national, une motion avait été déposée, mais refusée par le Conseil national le 5 juin de cette année par 79 voix contre 89. Des cantons ont aussi fait une démarche similaire, tels que Zurich, Thurgovie, Bâle-Ville, Schaffhouse, Berne et Lucerne.
Le canton de Genève a souvent été précurseur, innovateur, et a toujours montré un esprit d'ouverture et d'initiative. Alors, montrons aux jeunes que nous sommes attachés à ces valeurs et donnons-leur un signal clair. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous demande de soutenir le renvoi de ces objets en commission des droits politiques.
Mme Nelly Guichard (PDC). Mesdames et Messieurs, laissez-moi vous faire part de mon étonnement de voir la proposition d'abaisser les droits politiques à 16 ans venir de vos rangs, vous qui n'arrêtez pas de demander pour nos jeunes, souvent à juste titre d'ailleurs, des assouplissements, des appuis, des passerelles en tout genre, au motif que le choix de formation se fait de plus en plus tard aujourd'hui, ce qui est une réalité.
Nous avons eu, encore tout récemment - en juin et le 31 août, n'est-ce pas ? - l'occasion de vous entendre dire dans cette enceinte, de façon insistante, que les jeunes ne pouvaient pas faire des choix trop tôt en matière d'orientation scolaire, je veux dire en 7e, mais, pour vous, en 8e et en 9e aussi Là, c'est donc encore trop tôt, mais ici, changement de cap : vous nous proposez d'accorder le droit de vote à 16 ans, prétextant que ces mêmes jeunes qu'il fallait protéger doivent faire des choix essentiels pour leur vie et qu'ils sont donc capables d'affronter d'autres obligations.
Avec un peu de naïveté, vous nous dites, Monsieur Cristin, dans votre exposé des motifs, comme dans votre intervention, que l'Iran, le Brésil, le Nicaragua - c'est d'ailleurs probablement un des seuls droits qu'ils ont là-bas ! - sont déjà entrés en matière sur de tels projets. Mes chers collègues, dans ces pays, comme chez nous il y a cinquante ou cent ans, le jeune de 15 ou 16 ans est un adulte à part entière, qui n'est plus à la charge de sa famille, à l'exception du petit pourcentage de ceux qui poursuivent leur scolarité et entreprennent des études.
Quant à accorder plus tôt des droits politiques pour pallier le désarroi des jeunes, cet argument me paraît particulièrement pauvre et malvenu. A juste titre par contre, vous parlez de parlement de jeunes, de groupements et d'associations. Il est précisément primordial qu'ils trouvent dans ces groupes et dans ces associations le plaisir de se retrouver entre pairs, le plaisir de partager des activités qui les intéressent et moi, je souhaiterais que plus de jeunes s'intéressent à ces parlements de jeunes et aux activités associatives. S'il y avait vraiment un engouement pour ces structures, on pourrait en déduire qu'il y a un réel intérêt pour la chose publique. Or, vous savez pertinemment que ce n'est pas le cas, mis à part quelques rares exceptions. Et ce n'est vraisemblablement pas votre projet de loi qui va remédier à la situation.
Nous discuterons de toute cette problématique en commission des droits politiques, mais notre groupe n'est, a priori, pas favorable à vos projets de lois.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Ce projet de loi pose une question tout à fait juste : les jeunes se sentent de plus en plus en marge du fonctionnement de la société. C'est vrai, c'est une réalité, c'est une question qui devrait être débattue dans ce parlement. Malheureusement, ce projet ne donne pas la bonne réponse.
Pour nous, les Verts, les droits doivent être liés à un certain nombre de devoirs. Nous essayons, quant à nous, de protéger la jeunesse afin qu'elle n'ait justement pas trop de devoirs. Il y a l'âge de l'insouciance et il y a ensuite l'âge des responsabilités. Aujourd'hui, la majorité civique est à 18 ans, le droit de vote lui est lié et il ne nous semble pas utile de changer de principe. Nous vous soutiendrons, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque vous ferez des propositions pour multiplier les expériences citoyennes dans les écoles, dans les cycles d'orientation, et il n'y a pas besoin d'attendre 16 ans pour cela. Il y a quelque temps, le cycle de Bois-Caran a organisé une «Journée OSAR». C'était une journée de simulation de la vie d'un réfugié, du parcours d'un requérant d'asile depuis le moment où il part de son pays jusqu'au moment où il arrive en Suisse, avec tous les risques qu'il court. Cela, c'est de la vraie éducation citoyenne. Les enfants ont effectué des simulations, ils ont dû apprendre à réagir face à la situation de leurs copains, à la situation que ces derniers ont vécue dans leur pays. Ce genre d'expériences, nous sommes prêts à les soutenir.
Par ailleurs, votre projet de loi ne prévoit que la possibilité d'être électeur et électrice. Nous l'avons déjà dit lors du débat sur le droit de vote des étrangers : nous n'accepterons pas que les droits civiques soient séparés, le droit de vote doit forcément être lié au droit d'éligibilité.
Enfin, je terminerai en disant que nous avons fait un tour d'horizon parmi les jeunes que nous connaissons et que nous n'en avons pas trouvé un qui serait intéressé à avoir le droit de vote à 16 ans.
Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, nous sommes donc d'accord de renvoyer ce projet de loi en commission, mais pour l'heure nous sommes bien loin de le soutenir.
La présidente. La parole n'est plus demandée... Madame Spoerri, vous avez la parole !
Mme Micheline Spoerri (L). Merci, Madame la présidente ! Refusé sur le plan national, voilà que le projet socialiste, par les bons soins des députés Christian Brunier et Pierre-Alain Cristin, revient sur le plan cantonal. Quand on n'arrive pas à entrer par la porte, on essaie d'entrer par la fenêtre : c'est un peu l'image que m'inspire, Messieurs, votre démarche.
Comment pouvez-vous imaginer un seul instant qu'il puisse y avoir deux statuts, le premier qui donnerait l'exercice des droits politiques à 16 ans, pendant que le deuxième, sur le plan national, le conférerait à 18 ans ? Cette curieuse cohabitation vous aurait-elle franchement échappé, ou avez-vous vraiment la prétention d'entraîner la Confédération helvétique dans votre sillage ?
Nous ne pensons pas, Mesdames et Messieurs les députés, nous libéraux, que ce soit une bonne idée de conférer les droits politiques à l'âge de 16 ans. Nous sommes même persuadés que ce serait un très mauvais service à rendre aux jeunes de 16 ans. A 16 ans, en effet, on est à peine sorti de l'enfance, on entre dans l'adolescence et, à ce titre, on connaît généralement une remise en cause personnelle importante, ce qui veut dire que l'on a plutôt besoin d'être entouré que d'être largué devant des choix de société. On le voit d'ailleurs malheureusement fort bien dans le cas des enfants forcés de sortir trop vite de leur vie d'enfant et de s'émanciper, en raison d'un manque d'encadrement affectif, en raison d'un manque de ressources financières dans les familles ou les pays où ils vivent ; on voit malheureusement trop d'enfants qui souffrent terriblement de ce soi-disant choix.
Par ailleurs, pour nous et contrairement à ce qui a été dit jusqu'à maintenant, la véritable autonomie ne suppose pas que des droits, mais aussi des devoirs. En l'absence d'un tel équilibre, il nous paraît assez improbable que l'enfant puisse s'épanouir, entrer dans la vie et arriver à s'intégrer. Pour votre part, en vous défendant de vouloir abaisser la majorité civile à 16 ans, vous soulignez bien que, pour vous, l'exercice des droits peut être dissocié de l'exercice de devoirs, ce qui n'est pas la conviction des libéraux.
Enfin, encore une fois, j'ai été un peu choquée que vous qualifiiez votre projet, Messieurs les députés, de «petit électrochoc vivifiant pour notre démocratie». Avez-vous à ce point perdu le sens des réalités pour semer à votre gré des idées aussi bouleversantes ? Les libéraux discuteront bien entendu ce problème d'importance en commission, mais ils sont d'ores et déjà opposés à tous les effets pervers de ce projet de loi.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Le droit de vote à 16 ans, c'est une idée qui se veut dans le vent ! Pourtant, nous constatons déjà que l'abaissement de l'âge de la majorité civique pose quelques problèmes dans son application : une autonomie trop vite acquise pour certains adolescents, des problèmes financiers et des nouvelles responsabilités devant leur formation. Le parlement des jeunes est déjà pour eux une véritable rampe d'essai pour s'investir dans la cité. Il y a un temps pour tout, laissons les jeunes vivre leur jeunesse, elle passe assez vite. Par ailleurs, les jeunes seront-ils intéressés par des sujets comme le concordat sur la pêche dans le lac Léman, ou la troisième voie CFF Genève-Coppet ? Je ne crois pas. Donnons-leur plutôt les moyens de comprendre et d'apprivoiser leur rôle de citoyen.
Les radicaux ne sont donc pas très favorables à cette modification de la constitution, mais voteront le renvoi en commission de ces projets.
M. Pierre Vanek (AdG). Notre groupe ne s'opposera pas à ces projets de lois, ce qui ne signifie pas que nous les soutiendrons chaleureusement.
A titre personnel, je suis sceptique sur le grand progrès que constituerait l'octroi des droits politiques à l'âge de 16 ans. Je suis très à l'aise pour le dire, puisque j'ai commencé à faire de la politique à l'âge de 15 ans, en n'ayant pas ces droits-là, en étant étranger, en étant mineur et en étant, à l'âge de 16 ans, fiché par la police fédérale, dans le fichier des extrémistes, pour mes opinions et mes activités politiques... (Commentaires.) ...qui ont évolué, mais qui sont restées du même bord et, je l'espère, aussi radicalement ! Je crois que les jeunes ont, à partir de 16 ans mais y compris avant, de larges possibilités de s'engager dans l'arène politique, à travers un certain nombre de mouvements sociaux, associatifs, syndicaux et autres, qui leur permettent de s'occuper utilement en attendant d'avoir, à 18 ans, les droits politiques institutionnels : droit de vote et d'éligibilité, droit de lancer et de signer référendums et initiatives. Je ne m'oppose évidemment pas à cet abaissement de l'âge, mais je crois qu'il ne s'agit pas là d'une panacée. Si je m'adressais à une assemblée de jeunes, je ne leur demanderai pas de voter pour moi ou mon groupe, ou de signer tel référendum : je leur conseillerais, en priorité, d'autres formes d'engagements politiques et sociaux.
Je ferai ici une parenthèse : il est intéressant, par rapport à un autre débat que nous avons eu récemment, que personne n'ait proposé dans ce cas-ci d'extension proposée des droits politiques, le type d'aménagement que certains ont tenté d'imposer quand il s'est agi des droits politiques pour les étrangers. Nous discutons ici d'un abaissement de l'âge, mais personne n'a proposé, par exemple, que ces droits soient accordés d'abord à l'échelon communal. C'est une évidence pour tout le monde que les droits pleins et entiers doivent être le cas échéant accordés aux jeunes. Personne n'a proposé de les accorder seulement à l'échelon communal, personne n'a proposé que les jeunes puissent voter et signer des référendums et des initiatives, mais non être élus, sous prétexte qu'il ne serait pas raisonnable qu'un jeune de 16 ans siège sur les bancs de cette assemblée, voire d'un exécutif.
La manière dont vous avez, les uns et les autres, abordé ce débat confirme ce qui est pour moi une évidence, à savoir qu'on ne doit pas saucissonner les droits politiques et que les arguments entendus dans cette enceinte il n'y a pas si longtemps à propos des droits des étrangers - pas de droit d'éligibilité, oui à des droits, mais pas trop pour commencer, etc. - étaient bidon !
Ces projets sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :
Art. 40, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Le budget comporte une somme destinée au versement d'une allocation forfaitaire annuelle, fixée par le bureau du Grand Conseil, à chaque groupe représenté au Grand Conseil qui justifie de l'engagement sous sa propre responsabilité d'un assistant politique non député chargé d'aider ses députés dans leur travail parlementaire.
L'assistant politique est en droit d'obtenir du service du Grand Conseil et des services de l'administration les mêmes renseignements que les députés, sous réserve des procès-verbaux et d'informations émanant des commissions siégeant à huis clos ou d'informations relevant de dossiers soumis au secret de fonction.
Art. 134 Troisième débat (nouvelle teneur)
1 Le troisième débat a lieu immédiatement au terme du deuxième débat.
2 Toutefois, l'assemblée peut, sur proposition d'un député ou du Conseil d'Etat, porter le troisième débat à l'ordre du jour d'une séance ultérieure, dont elle fixe la date à cette occasion.
3 Chaque article ou chaque chapitre est mis séparément en discussion et soumis au vote, puis il est procédé au vote sur l'ensemble.
Lors de la dernière séance du Grand Conseil, le bureau a donné une interprétation contestable de l'article 134 du règlement du Grand Conseil relatif au moment où le troisième débat sur un projet de loi est inscrit à l'ordre du jour.
Afin d'éviter de nouveaux débats à ce sujet et de nouveaux renvois abusifs du troisième débat, les auteurs du présent projet de loi proposent que le troisième débat ait lieu immédiatement au terme du deuxième débat, c'est-à-dire lors de la même séance, comme c'est le cas actuellement sous réserve de quelques cas particuliers. L'assemblée pourra, toutefois, renvoyer le débat à une séance ultérieure si elle l'estime opportun, mais devra fixer la date de cette séance.
Les auteurs du projet de loi profitent de cette occasion pour apporter des précisions au règlement sur deux autres plans. Tout d'abord, si l'on veut donner la possibilité aux assistants parlementaires d'assumer pleinement les tâches pour lesquelles ils sont désignés, il importe qu'ils puissent obtenir les mêmes renseignements que les députés auprès du service du Grand Conseil ou d'autres services de l'Etat, sous réserve d'éléments véritablement confidentiels, tels que les commissions qui siègent à huis clos (commission de contrôle de gestion, commissions d'enquête).
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
La présidente. La parole n'est pas demandée... Excusez-moi, Madame Spoerri, je vous passe la parole..., mais c'est limite !
Mme Micheline Spoerri (L). Madame la présidente, vous êtes un peu sévère avec moi, d'autant que je suis à peu près la seule dans cette enceinte à vous appeler «Madame la présidente» du premier coup ! Vous me rendez mal cette forme de solidarité !
Sans allonger la séance, j'aimerais simplement, avant que nous allions en commission, dire notre réticence devant ce projet de loi et notamment son article 40, à propos de l'assistant politique qui se verrait octroyer, en matière d'information, les mêmes droits que le député. Nous considérons cette proposition comme abusive, dans la mesure où, à notre sens, l'accès à l'information d'un député est associé au fait que ce dernier est élu par le peuple, le corollaire étant qu'il prête serment devant le peuple. Le fait de vouloir donner à l'assistant politique un tel droit - dont il n'a d'ailleurs pas besoin puisqu'il obtient indirectement l'information dans le cadre de sa sphère de travail - nous paraît très discutable.
La deuxième modification - proposée, je suppose, par M. le député Christian Grobet, qui revient avec amertume sur les derniers débats - consiste à inverser le principe actuel de la loi et à rendre systématique la tenue du troisième débat immédiatement après le deuxième. Encore une fois, ceci nous paraît peu raisonnable. Ce n'est sans doute pas une mauvaise chose que, dans des situations particulièrement compliquées, ce parlement puisse laisser... (Brouhaha.) Je ne sais pas si je vais pouvoir arriver au bout de mon discours...
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, un peu de silence, s'il vous plaît. Laissez finir les intervenants, que nous puissions terminer nos travaux !
Mme Micheline Spoerri. Il n'est sans doute pas inutile que nous puissions quelquefois laisser reposer des sujets extrêmement complexes, plutôt que de nous précipiter dans un troisième débat quand nous nous égarons, ce qui, somme toute, n'est pas si rare que cela ! Voilà les réserves que je voulais émettre au nom du groupe libéral en préambule au travail de commission.
M. Bernard Lescaze (R). Le projet de loi qui nous est soumis comporte en fait deux propositions. L'une, relativement anodine, concerne les assistants politiques et leur droit à l'information. Nous pensons qu'une réflexion attentive en commission peut certainement aboutir à une solution proche de celle que proposent les auteurs du projet, encore que le groupe radical rejoigne les interrogations du groupe libéral sur ce point.
Quant à la seconde proposition, concernant le troisième débat, je dois dire qu'à titre personnel, mon groupe n'en ayant pas formellement débattu, j'y suis totalement opposé. Le troisième débat de ce Grand Conseil est issu du règlement du Conseil législatif, établi par Etienne Dumont au siècle dernier. Reporter le troisième débat à une date ultérieure a été considéré à l'époque comme un perfectionnement de la procédure parlementaire dans l'Europe entière. Aujourd'hui, sous prétexte que nous acceptons habituellement que l'exception soit la règle et que le troisième débat suive immédiatement le second, nous accepterions de supprimer cette innovation apportée au Conseil législatif au siècle dernier ? Eh bien, je regrette, cela ne peut pas se faire à la sauvette !
L'idée que le troisième débat doit permettre de donner un temps à la réflexion mérite, notamment pour les débats importants, notamment pour les décisions graves, d'être soutenue. Pour ma part, je lutterai de façon encore plus nette et déterminée, avec de meilleurs arguments que ceux improvisés ce soir, en faveur du maintien de la règle qu'Etienne Dumont a imposée à l'assemblée parlementaire genevoise au siècle dernier et qui jusqu'à présent, quoi qu'en dise l'exposé des motifs, n'a jamais véritablement donné lieu à des abus. En conséquence, je vous invite, lors de l'examen en commission des droits politiques - encore que, sur ce sujet, la commission législative me paraisse mieux outillée - à refuser le projet tel qu'il est présenté.
M. Claude Blanc (PDC). En ce qui concerne les assistants parlementaires, il est vrai que ces collaborateurs des partis devraient avoir accès à plus de renseignements, mais il est vrai aussi que l'article tel qu'il est rédigé est un peu brut et qu'il faudrait y apporter des aménagements. En effet, on ne peut pas traiter ces gens-là comme des députés, tout en ne sachant pas exactement qui ils sont. Les partis désignent leurs collaborateurs, mais le Grand Conseil ne sait pas qui ils sont. Si on veut leur donner, en matière de renseignements, les mêmes droits qu'aux députés, il faudrait pouvoir les identifier d'une manière plus claire, savoir qui ils sont et éventuellement leur faire prêter serment.
Quant à l'article 134, ce n'est pas une surprise, il découle de votre volonté permanente de plier les institutions à l'opportunité politique d'un jour. Mesdames et Messieurs, vous nous avez habitués à cela, vous êtes majoritaires et vous voulez en profiter pour modifier en profondeur des institutions qui ont fait leurs preuves. Je rappellerai quand même que ce droit donné au Conseil d'Etat de ne pas demander le troisième débat, pour permettre au Grand Conseil de réfléchir jusqu'à la prochaine séance, est un facteur d'équilibre essentiel pour le fonctionnement de nos institutions.
Aujourd'hui, ce droit ne vous arrange pas, mais les choses peuvent changer : si aujourd'hui cela ne nous arrange pas, dans une année cela pourrait vous arranger, mais ce sera alors trop tard ! J'espère d'ailleurs que vous n'allez pas, dans une année, revenir sur ce projet sous prétexte que seriez minoritaires ici et majoritaires là-bas ! Les institutions existaient avant nous et nous espérons qu'elles nous enterreront : pour notre part, que nous ayons la majorité ici ou là, nous ne pensons pas que, pour des raisons d'opportunité politique momentanée, on puisse toucher au bon fonctionnement de nos institutions.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
La séance est levée à 23 h 10.