République et canton de Genève

Grand Conseil

R 422
16. a) Proposition de résolution de Mmes et MM. Jean Rémy Roulet, Janine Berberat, Bernard Annen, Florian Barro, Geneviève Mottet-Durand, Janine Hagmann, Pierre Marti, Christian Brunier, Marie-Françoise de Tassigny, Micheline Spoerri, Roger Beer, Fabienne Bugnon, Vérène Nicollier, Pierre-Alain Cristin, Catherine Passaplan, Stéphanie Ruegsegger, Jacques Béné, David Hiler et Michel Halpérin : «Oui aux accords bilatéraux le 21 mai 2000». ( )R422
M 1341
b) Proposition de motion de MM. Christian Grobet, Christian Ferrazino, Pierre Vanek et Rémy Pagani sur les accords bilatéraux avec l'Union européenne : quels sont les conventions collectives et les contrats-types en force dans le canton ? ( )M1341
M 1342
c) Proposition de motion de Mmes et MM. Alain Etienne, Pierre-Alain Cristin, Albert Rodrik, Alberto Velasco, Françoise Schenk-Gottret, Alain Charbonnier, Christian Brunier et Myriam Sormanni-Lonfat concernant les mesures d'accompagnement aux bilatérales dans le domaine des transports. ( )M1342

Proposition de résolution(422)« Oui aux accords bilatéraux le 21 mai 2000 »

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

EXPOSÉ DES MOTIFS

En effet, ces accords constituent une chance à saisir pour notre pays et notre région. Bien négociés, ils sont globalement favorables à la Suisse et nous permettront de normaliser nos relations avec notre partenaire commercial le plus important.

Ils représentent également une chance pour les jeunes qui pourront étudier et travailler dans les pays de l'Union européenne beaucoup plus facilement qu'aujourd'hui. Les chercheurs verront également leur collaboration au niveau européen s'améliorer.

Les mesures d'accompagnement proposées par le Conseil fédéral éviteront tout dumping social et salarial pour les travailleurs suisses.

De plus, notre souveraineté n'est pas remise en cause par ces accords : nous gardons toute liberté de décider de la forme à donner à nos liens futurs avec notre voisin.

L'enjeu est de taille ; notre avenir se joue le 21 mai prochain ; nous devons nous mobiliser et dire un oui franc et massif aux accords bilatéraux.

Proposition de motion(1341)sur les accords bilatéraux avec l'Union européenne : quels sont les conventions collectives et les contrats-types en force dans le canton ?

EXPOSÉ DES MOTIFS

Dans son communiqué de presse du 15 mars, face aux craintes exprimées par rapport aux effets des accords bilatéraux, le Conseil d'Etat a notamment affirmé que:

« La mise en oeuvre de la libre circulation des personnes fait l'objet de toute une série de mesures d'accompagnement destinées à préserver le marché suisse de l'emploi de tout risque de dumping salarial ».

Il importe que le Conseil d'Etat qui affirme vouloir « intensifier le travail d'information » en la matière justifie les assurances qu'il a avancées dans son communiqué de presse et fournisse rapidement un inventaire précis des seules mesures retenues dans ce domaine par l'Assemblée fédérale, à savoir les conventions collectives ayant force obligatoire et les contrats-type, dont l'adoption exige, dans un cas comme dans l'autre, l'accord des partenaires sociaux.

Proposition de motion(1342)concernant les mesures d'accompagnement aux bilatérales dans le domaine des transports

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 21 mai prochain, le peuple suisse va se prononcer sur les accords bilatéraux. Ces accords sont très importants pour Genève et sa région notamment en ce qui concerne la politique sectorielle des transports.

Suite à cette votation, le développement de l'espace urbain transfrontalier va avoir effectivement des incidences sur l'aménagement du territoire et les équipements. Il est donc urgent pour notre canton d'étudier en concertation avec les instances transfrontalières actuelles ainsi qu'avec les milieux politiques, économiques et associatifs les mesures à prendre afin d'anticiper les effets des accords bilatéraux sur la région franco-genevoise.

Ces instances transfrontalières doivent tout mettre en oeuvre pour permettre une gestion coordonnée de l'espace franco-genevois et intégrer la planification des mesures d'accompagnement liées à l'entrée en vigueur des accords bilatéraux.

Au vu de ce qui précède, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de bien vouloir adopter cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Puisque tout le monde hésite, j'ouvre les feux...

Nous sommes devant une échéance, qui, comme le disent certains journalistes, peut impliquer l'avenir de notre pays. Il s'agit en l'occurrence d'adopter le 21 mai sept accords bilatéraux, qui à mon sens - mais nous en discuterons plus tard - sont uniquement commerciaux et qui visent à améliorer la pénétration de l'économie suisse dans le marché européen sans avoir les inconvénients économiques, c'est-à-dire toute l'infrastructure et les conditions imposées par l'Europe dite «sociale».

On nous dit aujourd'hui que ces accords bilatéraux n'auront d'autre conséquence que de permettre à notre population de pouvoir résider dans les pays européens. Or, tel n'est pas le cas pour plusieurs raisons, et je vais m'en expliquer.

En effet, ces accords rendront possible le dumping salarial. Nous nous trouvons déjà dans un système dit «capitaliste» qui met la main-d'oeuvre en concurrence au niveau national. Il est évident que ces accords permettront au patronat suisse de mettre en concurrence la main-d'oeuvre européenne et la main-d'oeuvre suisse. J'en veux pour preuve que s'il avait fallu prendre des mesures d'accompagnement précises pour empêcher un tel dumping salarial, le gouvernement fédéral ainsi que les chambres auraient, comme cela se fait déjà aujourd'hui, prévu que les contrôles se fassent en amont.

Cela signifie concrètement qu'un patron suisse peut proposer un contrat de travail à un travailleur qui vient de l'Union européenne. Ce travailleur le signe et l'envoie au contrôle de l'habitant, comme cela se fait déjà aujourd'hui. Le contrôle de l'habitant, c'est-à-dire l'Etat, examine s'il n'y a pas dumping salarial et, ensuite, l'autorisation est délivrée. Il n'y a donc plus de contingentement - nous y avons d'ailleurs toujours été opposés - et, de ce fait, le dumping salarial n'est pas possible.

Mais que nous proposent les mesures d'accompagnement aujourd'hui ? De laisser aux syndicats et aux partenaires sociaux la tâche, pour ce qui est de la majorité des employés - je parlerai après des mesures d'accompagnement en ce qui concerne le personnel détaché - d'effectuer ce contrôle en aval, c'est-à-dire au moment où le travailleur a conclu le contrat de travail avec son employeur et où il doit se défendre contre la sous-enchère salariale ! Il est bien évident que les syndicats combattront, comme ils le font régulièrement et depuis très longtemps, cette mise en concurrence abusive du patronat, mais ils n'auront pas les moyens de contrôler l'ensemble du marché du travail, comme il est contrôlé aujourd'hui. C'est d'autant plus évident que quand ils demanderont l'application des conventions collectives, l'extension des conventions collectives et la mise en place de contrats-types de travail, ils ne pourront le faire que si le dumping salarial - la sous-enchère salariale - est manifestement abusive et répétée... Et encore, quand le juge déterminera quel salaire doit être fixé pour lutter contre ce dumping salarial, il ne pourra le faire qu'en respectant les salaires des autres branches de l'économie.

Aujourd'hui, un employé de banque gagne 5 500 F, demain le banquier fera venir de la main-d'oeuvre de l'Union européenne pour le même travail pour un salaire de 4 000 ou 4 500 F... Alors vous pouvez imaginer quelle sera la difficulté pour les syndicats de démontrer que le salaire proposé par le banquier est d'une part manifestement abusif et d'autre part que c'est un fait qui se répète ! Je vous laisse le soin... Non, je ne vous le laisse pas, ce sera à nous syndicalistes de démontrer qu'il y a des abus, mais il est déjà difficile aujourd'hui de prétendre qu'une diminution de 500 F est abusive.

J'en viens maintenant aux travailleurs détachés. Monsieur Annen, vous nous avez fait une excellente démonstration hier. Je vais essayer de donner une explication par rapport à Orgexpo, puisque c'est notamment à Orgexpo que les travailleurs détachés vont arriver. Monsieur Annen, vous nous avez dit pour justifier le recours déposé par Orgexpo que ce n'était pas à elle de contrôler la main-d'oeuvre... C'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur Annen ? Eh bien, c'est tout à fait faux !

Le problème est le suivant : on nous dit qu'il y a une loi très précise imposant un contrôle de l'autorité pour les travailleurs détachés au-delà de huit jours - les huit premiers jours ils ne le seront pas, et ils pourront donc travailler à n'importe quelles conditions salariales - et pour trois mois. Ils pourront alors venir travailler dans la mesure où les conditions de travail sont respectées, et ce sera à l'Etat d'effectuer ce contrôle. Or, la loi fédérale dit, notamment dans les mesures d'accompagnement, Monsieur Annen - nous avons repris le texte de loi pour l'imposer à Orgexpo - je cite : «Si les travaux sont exécutés par des sous-traitants ayant leur domicile et leur siège à l'étranger, l'entrepreneur contractant tel que l'entrepreneur total, général ou principal, doit obliger contractuellement le sous-traitant à respecter la présente loi.»

Monsieur Annen, vous nous avez dit hier que les mesures d'accompagnement devaient être respectées par l'entrepreneur général, mais lorsque vous vous trouvez devant le cas d'un entrepreneur général, comme l'est Orgexpo, qui doit faire respecter la loi, comme cela est stipulé dans les mesures d'accompagnement, vous vous dépêchez en tant que libéral de soutenir le libéral qui est à la tête d'Orgexpo... Et alors vous nous expliquez que ce n'est plus à l'entrepreneur général de faire respecter les mesures d'accompagnement, notamment pour les travailleurs détachés...

Monsieur Annen, voilà les rapports de travail que nous avons dans ce pays ! Vous vous dites de bonne foi, mais vous voulez faire croire que ces mesures d'accompagnement sont réellement efficaces ! Vous savez pourtant les uns et les autres, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, que ces mesures ne seront pas efficaces et n'empêcheront pas le dumping salarial et que nous ne pourrons rien faire, du moins dans un premier temps, jusqu'à ce que les travailleurs s'organisent pour résister au diktat patronal ! 

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Oui aux bilatérales ! Je pensais que notre collègue, M. Roulet, prendrait la parole le premier pour réaffirmer un principe auquel le groupe socialiste adhère.

Mais en matière de transports, soyons attentifs ! Les débats relatifs à la prochaine votation vont donner l'occasion de mettre au point et de planifier les mesures d'accompagnement qui seront inéluctables à Genève.

En effet, les différentes études faites par le département de l'aménagement et le département de justice et police - ou bien sur mandat de ces deux départements - montrent une croissance du trafic individuel dans la région suburbaine genevoise et aux confins du canton. L'entrée en vigueur des accords bilatéraux va accentuer le phénomène. L'étude faite par l'Institut européen de l'université de Genève sur les conséquences des accords bilatéraux sectoriels entre la Suisse et l'Union européenne sur la région franco-genevoise va aider à la réflexion.

Aux pages 40 et suivantes, au chapitre consacré à l'accord sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route, il nous est tout d'abord fait une présentation générale de l'accord.

On rappelle deux mesures d'accompagnement au niveau fédéral. En premier lieu, le Parlement suisse a demandé que soit expressément précisée dans la loi la levée des discriminations à l'encontre des transporteurs suisses en Suisse. Et il a maintenu, contre l'avis du Conseil fédéral, l'interdiction de circuler la nuit et le dimanche. En deuxième lieu, la Suisse a introduit la RPLP différenciée en fonction des normes d'émissions. De plus, pour renforcer le transfert de la route au rail, le Parlement a accepté d'allouer un montant de plus de 2 milliards de francs pour les onze prochaines années sous forme de contribution d'exploitation pour le trafic combiné, destiné notamment à l'amélioration des liaisons ferroviaires avec la France et l'Allemagne.

Dans la région franco-genevoise, l'impact de la libre circulation des camions dépendra en grande partie de la réouverture du tunnel du Mont-Blanc au trafic des poids lourds, car celui-ci sert d'aspirateur pour l'autoroute de contournement de Genève et celle de Bellegarde à Annemasse.

Les accords bilatéraux auront également des effets sur le transport de graviers et de matériaux de construction. Les transporteurs genevois ne seront plus discriminés par rapport à leurs concurrents français. Les mesures d'accompagnement pour Genève consistent d'abord en une participation accrue à la réhabilitation de la ligne ferroviaire des Carpates, en l'amélioration de la desserte avec le reste de la Suisse et en la liaison entre Cornavin et Annemasse. Il en résultera une relance du marché de la construction dans ces domaines sur le territoire genevois et en France voisine. Les voyageurs auront de meilleures dessertes avec la Suisse et la France.

Les suggestions émises par le rapport de l'Institut européen de l'université de Genève sont diverses : développement des transports en commun, construction de structures d'isolation phonique, itinéraires destinés aux camions de 40 tonnes, intensification du contrôle du respect des prescriptions routières, étude de l'impact des mesures visant à limiter ou à interdire le trafic poids lourds à travers le tunnel du Mont-Blanc.

Les auteurs de la motion ajoutent à l'intention du Conseil d'Etat les invites suivantes :

- Il faut tout d'abord doter les institutions transfrontalières existantes ou à créer et leur donner des moyens humains et financiers nécessaires;

- corriger le déficit certain de représentativité démocratique dont elles souffrent;

- proposer les modifications constitutionnelles ou légales qui pourraient s'avérer nécessaires.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons d'adopter cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Mme Salika Wenger (AdG). Parmi tous les délires paranoïaques qui ont cours ces temps à propos des bilatérales, le mythe selon lequel trois cents millions d'européens viendraient se presser demain aux frontières de la Suisse me paraît un tout petit peu excessif... Surtout pour profiter de nos avantages sociaux et de nos salaires incroyablement élevés ! Ça a de quoi faire sourire ! En effet, comment peut-on imaginer que les Allemands qui travaillent trente-deux heures par semaine viendraient travailler quarante heures pour le même prix ! C'est difficile à croire !

Comment peut-on penser que les femmes européennes viendraient faire leurs enfants en Suisse alors que, chez elles, elles bénéficient toutes d'une assurance-maternité, voire paternité... (Exclamations et applaudissements.) Les Français viendraient-ils payer ici une assurance-maladie de base prohibitive en laissant tomber leur sécurité sociale centralisée ? Je n'y crois pas une seconde ! On pourrait évidemment multiplier les exemples.

Depuis toujours sur nos bancs nous avons combattu les frontières et les nationalismes de tout poil. Depuis toujours, il nous a semblé que l'union faisait la force et qu'il n'y a rien à gagner dans l'isolement territorial. Certes les raisons qui nous poussent à voter oui à ces bilatérales ne sont certainement pas les mêmes que sur les bancs d'en face... Mais, ce n'est pas très important aujourd'hui : il va de la survie de la Suisse d'entériner des échéances qui existent déjà ! En effet, 79% de nos importations nous viennent de l'Europe et 63% de nos exportations vont vers l'Europe. Les échanges existent donc déjà.

Certains de mes collègues s'inquiètent du fait que la situation des travailleurs suisses se péjore... Je leur répondrai que le gouvernement fédéral n'a pas eu besoin d'attendre les bilatérales pour que la situation soit réellement dramatique.

D'autre part, bien qu'effectivement je défende un syndicat, certains syndicats suisses ont quand même déjà accepté la précarisation et la flexibilisation. Pour moi, la situation des travailleurs suisses et celle des travailleurs européens sont équivalentes.

Il me reste encore à espérer que ce oui aux accords bilatéraux - un oui que nous souhaitons bien entendu franc et massif - soit un oui à l'Europe des peuples et à l'Europe des travailleurs. (Applaudissements.)

M. Charles Beer (S). Je souhaite tout d'abord dire au nom du groupe socialiste que notre adhésion à ces accords bilatéraux est une adhésion sans réserve, même si nous remarquons qu'il s'agit d'un premier pas vers ce que nous souhaitons, c'est-à-dire l'adhésion de la Suisse à la communauté européenne. Nous avons quelques raisons fondamentales d'adhérer à cette politique prudente aujourd'hui que constitue l'approche par les bilatérales, parce que cette démarche s'inscrit dans la logique que nous défendons, à savoir l'adhésion à l'Europe.

Première raison. Il s'agit d'abord pour nous de savoir très clairement dépasser les Nations. Nous sortons d'un siècle durant lequel les guerres nationales ont démontré toute leur efficacité, et, tout syndicaliste que je suis, je dois accepter de prendre en compte - je le souhaite également à mes collègues - une capacité d'intégration et une approche politique globale un tout petit peu plus élevées que les seuls intérêts catégoriels que je défends - que vous défendez, que nous défendons - pour effectuer un certain nombre de démarches politiques fondamentales.

Deuxième raison qui nous fait adhérer directement à cette démarche européenne : c'est le fait que nous souhaitons la mobilité. Mme Salika Wenger a parfaitement traduit cette mobilité : il ne s'agit pas ici tout à coup de défendre la frilosité helvétique qui souhaite rester enfermée dans les montagnes suisses... Je rappellerai à ce propos à M. Rémy Pagani un fameux slogan de «Lausanne bouge» : «Rasez les Alpes qu'on voie la mer !». Nous pensons donc qu'il convient aujourd'hui d'adhérer au principe de la mobilité. Cette mobilité profitera également aux Suisses et pas seulement aux Européens. Nous y tenons.

Et, en tant que socialistes, nous tenons à dire que cette démarche s'inscrit dans une notion doctrinaire qu'il me plaît de rappeler : l'internationalisme prolétarien ! (Réactions dans la salle.) Aujourd'hui, nous ne devons pas défendre des intérêts particuliers comme le député Pagani l'a fait avec certains accents pour évoquer et dénoncer la mise en concurrence entre la main-d'oeuvre suisse et la main-d'oeuvre européenne... Non, il ne s'agit pas de cela ! Vous le savez fort bien, parce qu'un bon nombre d'Européens et autres ressortissants d'autres pays qui n'appartiennent pas à la communauté européenne habitent en Suisse. Alors, il faut arrêter de jouer sur les ambiguïtés ! Il ne s'agit pas ici de défendre le passeport suisse avec des accents aux relents quelque peu douteux !

J'ajoute - Mme Wenger l'a dit, mais je me plais à reprendre quelques passages de son intervention qui, je l'avoue, m'a beaucoup impressionné - que s'il était possible de susciter un vaste courant de population vers la Suisse, cela se saurait depuis longtemps ! Depuis 1958, l'ensemble des travailleurs grecs, par exemple, ont la possibilité de travailler en Allemagne. Il faut quand même en tenir compte. La libre circulation des travailleurs et des travailleuses est connue dans la communauté européenne, qui s'est élargie et qui est constituée de pays riches et de pays pauvres depuis plus de quarante ans. Il faut donc savoir faire preuve de réalisme.

Dernier élément des principes fondamentaux : la politique économique. Nous pensons en effet que pour redistribuer il faut continuer à pouvoir également exporter valablement pour que, d'une manière générale, nos entreprises puissent s'insérer dans le tissu européen sans entraves et évidemment sans barrières douanières et tracasseries quelconques.

Je tiens à répondre principalement sur un point à M. Pagani, qui nous a fait l'exercice intitulé : «La solitude du coureur de fond»... J'apprécie le livre d'Alan Sillitoe, mais aujourd'hui le portrait dépasse la caricature !

M. Pagani ne représente pas ici le mouvement syndical. L'intégralité du monde syndical est favorable au oui aux bilatérales et au oui aux mesures d'accompagnement. Je parle de l'ensemble des forces nationales, des groupements syndicaux nationaux dont le SSP/VPOD, pour lequel je crois savoir qu'il travaille...

J'ajoute également qu'au niveau genevois la communauté genevoise d'action syndicale regroupant tous les syndicats genevois a dit oui unanimement aux accords bilatéraux, à une exception près : le SSP/VPOD, lequel que je sache ne combat pas ces accords ! Il laisse la liberté de vote ou appelle à l'abstention... C'est dire que votre démarche est aujourd'hui - cela peut vous arriver aussi - la démarche d'un isolé. Alors vous ne pouvez pas représenter des travailleurs et des travailleuses malgré eux, malgré leurs organisations, malgré la démocratie interne de celles-ci.

Enfin, et ce sera ma conclusion, je trouve certains accents particulièrement désagréables. On ne peut pas dire oui à l'Europe et combattre les bilatérales, non au nationalisme et soutenir la croix suisse au moment où un certain nombre d'accords internationaux sont en jeu. En faisant cela, vous rejoignez celles et ceux qui disent non à l'Europe, oui à la Suisse, oui à la seule souveraineté nationale et quelquefois je me demande si dans cette démarche des extrêmes et des isolés - en l'occurrence dans ce cas précis - vous ne représentez pas pour l'extrême droite ce que le bouton est à la boutonnière ! (Applaudissements et bravos.) 

M. Claude Blanc. En tout cas, la conclusion était bonne !

M. Bernard Annen (L). Après ce qui a été dit, je devrais presque me rasseoir... (Applaudissements et exclamations.) Cela vous ferait gagner du temps... Mais je ne peux pas m'empêcher de vous répondre sur un point au moins, Monsieur Pagani, pour ne pas laisser un doute s'installer, suite à un argument qui me paraît tout à fait fallacieux.

En effet, Monsieur Pagani, vous prenez l'exemple d'Orgexpo et de Palexpo. Vous faites un amalgame pour troubler les gens ! Vous avez fait allusion aux mesures d'accompagnement concernant les chantiers au sens large du terme, mais il existe également d'autres accords, des accords bilatéraux entre la Suisse et d'autres pays européens... Vous ne pouvez pas tout mélanger ! Vous dites qu'Orgexpo fait de la sous-traitance... Ce n'est absolument pas vrai ! En l'espèce, Orgexpo n'est pas l'entrepreneur : il est locataire de surface, ce qui est tout de même assez différent !

Monsieur Pagani, vous devez quand même savoir que et l'Etat et les partenaires sociaux sont d'accord avec vous sur le fond, mais ce qui me gêne c'est que vous utilisez cet argument avec lequel tout de monde est d'accord pour vous opposer aux bilatérales... C'est votre droit le plus strict d'y être opposé, mais vous n'avez pas le droit d'utiliser ces accords entre partenaires sociaux en disant qu'ils ne sont pas applicables.

Je suis très étonné aujourd'hui car j'ai entendu deux discours différents : je croyais que l'Alliance de gauche était contre les bilatérales, mais j'ai bien l'impression que Mme Wenger a donné l'avis général de l'Alliance de gauche. Finalement, Monsieur Pagani, vous êtes seul et j'éprouve de la compassion à votre égard...

Néanmoins, je ne peux pas vous laisser dire tout et n'importe quoi, même si vous nous habituez régulièrement au n'importe quoi dans cette enceinte...

Monsieur Pagani, sachez que les partenaires sociaux feront tout pour appliquer les normes sociales de ce canton, dans tous les domaines ! Il existe des accords entre l'Allemagne et la France, à l'intérieur de l'Union européenne, pour que les travailleurs en déplacement obtiennent les garanties sociales du lieu où ils vont travailler. C'est dire, Monsieur Pagani, que ce soit dans l'Europe ou hors de l'Europe, que ces normes sont applicables pour tout le monde ! Ce n'est donc pas la peine de donner toujours les mêmes arguments qui ne sont finalement que des arguties...

Vous devez soutenir ces accords bilatéraux ! Il en va de l'intérêt des travailleurs ! Si vous n'en voulez pas, c'est votre responsabilité ! 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il reste six intervenants. Je vous propose d'interrompre nos travaux maintenant et de les reprendre à 20 h 30. Pour l'organisation de vos travaux parlementaires, j'aimerais vous donner le programme de 20 h 30 : nous finirons le débat sur les bilatérales; puis nous prendrons la résolution 421, relative aux procédures de naturalisation; puis le rapport de la commission des finances, projet de loi 8166-A modifiant la loi sur la police - plus précisément les heures supplémentaires; puis le rapport de la commission des travaux, projet de loi 8191-A sur la liaison la Praille-Eaux-Vives et, enfin, la motion 1344 sur les ressortissants du Kosovo.

Je vous souhaite un bon appétit !

 

La séance est levée à 19 h.