République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 avril 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 7e session - 17e séance
RD 318-A et objet(s) lié(s)
Introduction
C'est lors de la séance du 29 avril 1999 que le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil relatif à la création d'un centre intercantonal d'information sur les croyances (RD 318) a été renvoyé à la Commission judiciaire.
Liés à ce rapport du Conseil d'Etat, les projets de loi 7871 modifiant le code de procédure pénale (E 4 20) et 7872 sur la référence à des pratiques religieuses ou au terme « église » à des fins commerciales (C 4 11) avaient déjà été renvoyés à la Commission judiciaire lors de la séance du Grand Conseil du 22 octobre 1998. L'étude plus concrète de ces projets de lois n'a toutefois commencé qu'avec l'étude du rapport 318.
Finalement, ces différents objets ont été étudiés par la Commission judiciaire lors des séances du 4 février, du 30 septembre, des 7 et 14 octobre et du 11 novembre 1999. Ces séances étaient présidées par Mme Fabienne Bugnon, députée et présidente de la Commission judiciaire.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat chargé du Département de justice et police et des transports, assiste aux travaux. Il est accompagné de MM. Bernard Pellegrini et Bernard Duport, secrétaires adjoints.
Enfin, Me François Bellanger, professeur à l'Université et président de la Commission intercantonale sur les dérives sectaires, participe également aux travaux. Qu'ils soient tous remerciés pour leur disponibilité et leur bienveillante collaboration.
Objet du RD 318
C'est à la suite des drames de l'Ordre du Temple Solaire, survenus en octobre 1994 et en décembre 1995, et du dépôt devant le Grand Conseil d'une pétition relative à l'Eglise de scientologie que le Département de justice et police et des transports (ci-après : le département) lance en janvier 1996 un audit sur les dérives sectaires ; cet audit est confié à un groupe spécialisé présidé par Me François Bellanger, professeur à l'Université.
Au terme de ces travaux, en février 1997, le département charge un groupe d'experts de concrétiser une partie des recommandations issues de l'audit. Ce groupe propose plusieurs projets de loi.
Le projet de loi 7871 modifiant le code de procédure pénal tend à améliorer la protection des victimes de dérives sectaires en leur permettant d'être assistées par un membre d'un organisme reconnu, et ceci à tous les stades de l'enquête de police et de l'instruction.
Quant au projet de loi sur la référence et les pratiques religieuses ou au terme « église » à des fins commerciales (PL 7872), il cherche à assurer une stricte séparation entre les activités religieuses ou liées à des croyances et les activités commerciales. Il veut protéger le public contre les références trompeuses des activités religieuses ou cultuelles destinées à promouvoir la vente de produits ou de services.
Ce projet propose d'interdire, sous réserve de dérogation, toute utilisation de la dénomination « église » ou la référence à des pratiques religieuses ou cultuelles pour des activités commerciales. A des conditions bien précises, certaines dérogations peuvent toutefois être accordées.
Enfin, dans le même domaine, un projet de loi plus ancien (PL 7941) modifiant la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical tend à instaurer un contrôle des activités dans le domaine de la santé ; d'une part, ce projet de loi améliore la réglementation sur l'exercice illégal de la médecine et d'autre part, il active la répression de la publicité médicale illicite. Ce projet de loi est étudié par la Commission de la santé.
Finalement, le présent rapport 318 aborde toute la question de la source d'informations véritablement indépendantes sur la question des dérives sectaires. La responsabilité de l'Etat d'intervenir dans le domaine des croyances pour informer la population et prévenir les dérives sectaires impose une source d'information neutre - qui n'existe pas actuellement ! - sur les croyances et les activités des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique.
Pour pallier cette lacune, l'audit sur les dérives sectaires recommande la création d'un centre d'information, indépendant de l'Etat et organisé de telle manière qu'il diffuse des données strictement contrôlées et neutres. Il s'agit également de ne pas s'impliquer dans une controverse quelconque entre partisans et adversaires des groupements.
A l'occasion des premiers états généraux sur les dérives sectaires - qui se sont tenus à Genève le 12 juin 1997 -, les représentants des gouvernements de six cantons romands, de Berne et du Tessin, ont pris la décision d'étudier la possibilité de créer un tel centre au niveau romand. Cette démarche devait s'insérer dans le cadre d'une collaboration des cantons concernés.
Travaux de la commission
En fait, les travaux de la commission sur toute cette problématique commencent par un séminaire qui s'est tenu le 4 février 1999, à la villa Saugy, à Genthod. Ce séminaire d'introduction aux dérives sectaires est organisé par M. Gérard Ramseyer, président du département.
Me François Bellanger expose l'objet des projets de lois et le travail du groupe d'études qu'il a présidé sur la question des dérives sectaires.
L'exposé de Me Bellanger, exposé consacré aux « sectes et dérives sectaires », permet de mieux fixer et de préciser le cadre des travaux de la commission.
L'excellent document qui sert de base à cet exposé constitue l'annexe N° 1. Toute cette problématique sera reprise lors d'un séminaire de la faculté de droit de l'Université de Genève, le jeudi 25 novembre 1999, sous le titre « l'Etat face aux dérives sectaires ».
Enfin, au cours des premières discussions de la commission, où le scepticisme le plus total côtoie d'autres craintes fondamentales, les multiples avis exprimés illustrent toute la complexité que représente l'approche de la problématique liée aux dérives sectaires. Les commissaires décident de procéder à quelques auditions.
Auditions
Audition de M. François Lavergnat, président du Groupement de protection de la famille et de l'individu (GPFI), le 7 octobre 1999.
M. François Lavergnat explique avec passion l'origine de la création de son groupement et l'objectif qu'il s'est fixé avec son engagement. Il entend venir en aide, en collaboration avec d'autres instances et notamment la police, aux victimes d'activités sectaires ainsi qu'aux familles de ces victimes.
Pour étayer son intervention, il distribue aux députés un rapport d'activité de son groupement datant de février 1996 (annexe N° 2). Après un tour d'horizon de différents groupements sujets à des dérives sectaires et pouvant mettre en danger l'intégrité de certaines personnes, M. Lavergnat donne de nombreux exemples d'interventions personnelles. Il illustre ses différentes enquêtes de faits tirés de situations vécues.
Finalement, l'ensemble de son exposé atteste de son intérêt pour la création d'un centre d'information sur les mouvements sectaires.
Audition de Mme Colette Fry, coordinatrice de l'Association du centre genevois de consultation pour victimes d'infractions (LAVI), le 7 octobre 1999.
Précisons d'emblée que Mme Fry a eu des contacts avec le GPFI qui la sollicitait pour une éventuelle collaboration (annexe N° 3).
L'audition de Mme Fry illustre les difficultés et les limites d'une prise en charge des victimes de dérives sectaires. Bien que n'étant pas directement liée à la création d'un centre intercantonal d'information sur les croyances (RD 318), cette audition, comme la précédente, apporte tout de même des éléments concrets en faveur de la nécessité d'un tel centre.
En effet, les exemples d'aides en faveur des victimes LAVI confirment - s'il le fallait encore ! - le besoin d'une intervention bien en amont dans toute cette problématique de dérives sectaires.
Audition de M. le professeur François Bellanger, avocat et président de la Commission intercantonale sur les dérives sectaires, le 14 octobre 1999.
Me Bellanger évoque le lien entre les trois objets étudiés par la commission, à savoir le RD 318 et les deux projets de loi précités (7871 et 7872). Il rappelle que, dans son mandat du Conseil d'Etat, le groupe d'experts avait le souci d'apporter des réponses ponctuelles aux préoccupations ressenties par tous.
Malgré l'accueil favorable réservé aux travaux de ce groupe d'experts, Me Bellanger est conscient des réticences qui persistent au niveau politique. Il désire apporter certaines précisions aux différents objets étudiés.
Au sujet de l'absence d'une définition exacte des infractions concernées par les textes, Me Bellanger rappelle que ces infractions ne sont pas définies, et ceci précisément dans le but de protéger la victime contre toutes les infractions pénales existantes, du moment qu'il s'agit d'une dérive sectaire. C'est-à-dire, dans le contexte de l'utilisation d'une croyance dans le but de nuire. Dans ce cas, une assistance des victimes est préconisée, l'élément déterminant étant la dérive sectaire.
L'audit et d'autres documents montrent également la difficulté éprouvée par les victimes lorsqu'elles doivent se défendre. Pour Me Bellanger, la situation des personnes déstabilisées et privées d'assistance est psychologiquement très difficile.
Si certaines infractions, telle que la violation de l'intégrité corporelle ou sexuelle, peuvent être prises en charge par le centre LAVI, d'autres ne rentrent pas dans son cadre. De l'avis de Me Bellanger, elles devraient toutefois y être inclues en cas de dérives sectaires.
Les difficultés que les députés rencontrent pour traiter les deux projets de loi confirment l'importance de l'information sur ce sujet. La création d'un centre d'information semble incontournable !
Enfin, Me Bellanger donne quelques informations sur le centre d'information sur les croyances (CIC). Il précise que ce centre, issu des travaux de la Commission intercantonale sur les dérives sectaires, a pour tâche de rassembler des informations sur la nature des croyances et leur structure, mais en aucun cas sur leurs membres individuels, ceci en respect de la loi fédérale sur la protection des données individuelles.
Les députés reçoivent les documents issus des différents travaux liés à la création d'un tel centre d'information sur les croyances : exposé des motifs, avant-projet des statuts de la Fondation, etc. (annexe N° 4).
Discussion de la commission
Au terme de ces auditions, forts des multiples échanges sur la problématique des dérives sectaires et suite aux deux projets de loi précités, les commissaires sont passablement embarrassés.
Pourtant, la nécessité de protéger les citoyens contre les abus de certains groupements comme la volonté d'organiser une assistance en faveur des victimes restent le fil conducteur de toutes les discussions. Les députés sont unanimes sur cette approche.
En revanche, les réponses apportées par les projets de loi aux questions posées ne satisfont pas les commissaires. Au fil des échanges, il ressort vraiment que la mise en place d'un centre d'information sur les croyances pourrait constituer une première réponse à la problématique des dérives sectaires.
Dans ce sens, la commission souhaite se prononcer sur le rapport du Conseil d'Etat relatif à la création d'un tel centre intercantonal sur les croyances, ce fameux RD 318. L'idée des commissaires, qui correspond également à l'attente du département et du Conseil d'Etat, sera d'inviter le Conseil d'Etat à mettre rapidement ce centre en place.
En effet, il n'existe pratiquement aucune source d'information véritablement indépendante dans le domaine des croyances ou des dérives sectaires. D'une part, les informations émanant des groupements eux-mêmes ne sont pas objectives. Elles dépeignent généralement les groupements d'une manière extrêmement positive qui ne correspond pas forcément à la réalité. D'autre part, les associations de défense des familles et/ou des victimes diffusent des informations souvent très marquées par leur lutte contre certaines organisations.
En conséquence, les personnes qui sont confrontées personnellement ou par l'intermédiaire d'un membre de leur famille au phénomène sectaire sont souvent très démunies et ne peuvent obtenir une information adéquate. Les autorités administratives se retrouvent souvent dans le même cas !
Pour combler cette lacune, il incombe à l'Etat d'intervenir et de créer un centre d'information indépendant, apte à diffuser une information neutre sur les différents groupements. Cette responsabilité de l'Etat dans ce domaine est clairement reconnue par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Le but de ce centre serait « notamment dans un objectif de prévention, de réunir et de diffuser de manière indépendante et neutre, des informations sur la nature, les croyances et les activités des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique, les entreprises ou organismes qui leur sont liés ainsi que sur les dérives sectaires ».
Pour atteindre cet objectif, le centre devrait récolter des informations, les traiter de manière neutre, et organiser un service destiné à répondre rapidement aux demandes d'information émanant des particuliers, des entreprises ou des autorités.
Par son rôle d'information, ce centre intercantonal d'information sur les croyances se distingue des centres universitaires, notamment de l'Observatoire des religions, créé à Lausanne. En effet, au-delà des travaux de recherche qui doivent être effectués pour acquérir des informations, il s'agit de diffuser l'information vers le public et vers les autorités.
Le centre intercantonal d'information sur les croyances
Suite à ces premières explications, la commission demande des informations sur le centre d'information.
Après les travaux sur ces dérives sectaires et à l'initiative du département, la Commission intercantonale sur les dérives sectaires a reçu mandat d'établir la structure d'un centre intercantonal d'information au public. Un tel centre sur les croyances serait chargé de diffuser une information neutre et contrôlée sur les différents groupements actifs dans ce domaine et sur d'éventuelles dérives.
Il est toutefois précisé que pour conserver sa neutralité, ce centre devra se limiter à l'information et ne pourra pas exercer des activités de soutien et de conseil aux victimes.
Pour la structure, deux solutions sont envisagées : soit une fondation de droit privé, soit une fondation de droit public. Pour une fondation de droit public, il faudra un concordat, ce qui nécessite une approbation du Grand Conseil de chaque canton signataire. Dans le cas d'une fondation de droit privé, seul un acte notarié est requis. Sous réserve d'exigences spécifiques propres à chaque canton, les parlements cantonaux n'interviennent, le cas échéant, qu'en relation avec les crédits nécessaires au financement du centre.
A ce propos, il faut rappeler que tous les cantons représentés au sein de la Commission intercantonale sur les dérives sectaires expriment le souhait de voir naître au plus vite ce centre d'information sur les croyances. Ils expriment également tous un souci, plus ou moins prononcé, quant au coût d'une telle structure, surtout au vu des restrictions budgétaires actuelles.
Actuellement, le coût total d'un tel centre d'informations sur les croyances est évalué à environ Fr. 280'000.- par an. Ce montant relativement important comprend l'engagement de deux employés permanents de niveau universitaire.
C'est donc à l'initiative de la Commission intercantonale sur les dérives sectaires que le Conseil d'Etat a été convaincu de la nécessité de créer au plus vite un tel centre d'information sur les croyances. Le rapport qu'il a présenté et qui a été renvoyé en commission va dans ce sens. Rappelons que la création d'un tel centre correspond également au souhait exprimé par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Les projets de loi 7871 et 7872
Enfin, concernant plus précisément le projet de loi 7871 consacré à l'aide aux victimes, le département partage le souci des députés de coordonner l'assistance aux victimes à travers des centres LAVI. La commission suggère donc de suspendre temporairement l'examen de ce projet afin de permettre au département de revenir avec un texte relatif à l'extension du rôle des centres LAVI.
Dans le même état d'esprit et toujours en accord avec le département, la commission suggère également de suspendre temporairement l'examen du projet de loi 7872 concernant l'usage du terme « église » à des fins commerciales. La difficulté de mettre en oeuvre une réglementation qui touche d'une manière ou d'une autre la définition des croyances constitue un sérieux problème.
Cela étant, le département reste persuadé de la nécessité d'édicter une réglementation de police dans le domaine de l'assistance pouvant être apportée à ces personnes en difficulté sur le plan personnel. Dans cette optique, le département propose de soumettre à la commission un projet qui permette d'atteindre cet objectif tout en écartant une éventuelle réglementation de la question des croyances, réglementation qui ne correspond pas à l'attente des députés.
Finalement, tout en mettant ces deux projets de lois en attente, les députés sont d'accord avec l'ensemble du rapport qui propose la création d'un centre d'information. Pour appuyer cette volonté, les commissaires proposent d'accompagner leurs travaux d'une résolution incitant le Conseil d'Etat à poursuivre ses efforts pour la création de ce centre.
La résolution pour la création d'un centre d'information
Ce centre devrait plutôt avoir la forme juridique d'une fondation de droit privé. Cette structure semble bien adaptée à la collaboration intercantonale et à l'évolution du centre. En particulier, si le service fédéral d'information recommandé par la commission de gestion du Conseil national devait voir le jour, le centre pourrait facilement être intégré à celui-ci.
La création du centre dépend d'un acte du Conseil d'Etat dans la mesure où il s'agit d'une fondation de droit privé. En revanche, son financement fera l'objet d'un projet de loi, soumis au Grand Conseil, en vue de l'octroi d'une subvention.
La surveillance par les autorités cantonales est prévue de manière efficace. Elle s'exercera à plusieurs niveaux :
1. la fondation sera soumise à la surveillance spéciale d'une autorité intercantonale composée d'un conseiller d'Etat par canton soutenant financièrement l'activité de la fondation. 14 des statuts) ;
2. l'autorité intercantonale nommera les 9 membres du conseil de fondation (art. 4 des statuts) ;
3. trois des neuf membres du conseil de fondation sont des conseillers d'Etat en charge de départements dans les domaines de la santé, la justice et l'instruction publique (art. 4 des statuts) ;
4. la fondation présente chaque année son budget, ses comptes, le rapport du réviseur et son rapport de gestion à l'approbation de l'autorité cantonale de surveillance.
Pour améliorer la transparence du fonctionnement de la fondation par rapport au Grand Conseil genevois, la Commission judiciaire suggère que le Conseil d'Etat adresse chaque année au Parlement un rapport sur l'activité du centre. Cette suggestion sera intégrée dans le projet de loi relatif au subventionnement du centre, dans la mesure où les statuts, élaborés au plan intercantonal, ne peuvent être modifiés. Le dépôt du rapport par le Conseil d'Etat garantira le contrôle parlementaire sur le centre.
La récolte, le traitement et la diffusion des informations par le centre devront être effectués avec une grande rigueur (faut-il le préciser !).
Pour ce motif, la Commission intercantonale a opté pour un mode scientifique de collecte des données. Les personnes responsables de ce travail devront avoir une formation universitaire notamment dans le domaine de la sociologie, qui garantisse leur méthodologie. Elles utiliseront notamment les moyens énoncés à l'article 11 des statuts :
a) contacts avec les différents groupements afin d'entendre leurs responsables, d'obtenir leurs statuts ainsi que des explications sur leurs croyances et leur fonctionnement ;
b) recherches sur le terrain, notamment en envoyant une personne au sein des groupements ;
c) recueil des témoignages utiles ;
d) requêtes d'informations auprès des autorités administratives ou judiciaires.
Par ailleurs, l'article 12 des statuts impose l'audition systématique des différents groupements concernés par la collecte d'informations ainsi que des associations de défense des victimes ou des familles.
La recherche d'information portera exclusivement sur le nom des groupements, le contenu de leurs croyances, leurs filiations spirituelles et religieuses, ainsi que l'existence de décisions judiciaires publiées les concernant. Il ne s'agit en aucun cas de tenir des listes de membres. Le but est uniquement de disposer d'une information claire sur la nature des groupements et leurs activités afin de renseigner le public et les autorités. Chaque information diffusée devra reposer sur des faits avérés et vérifiés.
Dans ce sens, le traitement de l'information se fera selon les méthodes universitaires afin de garantir un respect des données et d'éviter des dérives du centre. L'article 11, alinéa 1, lettre e, des statuts prévoit, par exemple, que le développement de la base de données informatiques du centre interviendra dans le respect de la loi fédérale sur la protection des données. Dans la mesure où le centre est organisé comme une personne privée, son fichier est soumis à cette loi, conformément à son article 2, alinéa 1, lettre b.
La diffusion de l'information interviendra sous la responsabilité du conseil de fondation qui assurera un contrôle supplémentaire sur son contenu (art. 4, al. 2, des statuts). Toute personne intéressée, y compris les groupements eux-mêmes, aura accès à l'information. Cette diffusion pourra être effectuée par le biais de documents disponibles dans le centre, d'un site internet, voire de communiqués de presse. Les responsables du centre devraient également être disponibles pour des séances d'information ou de formation.
Enfin, afin d'améliorer l'efficacité du centre et d'éviter des doublons avec des institutions universitaires, l'article 13 des statuts prévoit une collaboration au plan national et international, tant avec les organismes de recherches universitaires qu'avec des services d'information ayant des caractéristiques similaires à celles du centre. Dans la mesure où les pays européens créent des centres d'information conformément à la recommandation 1412/99 du Conseil de l'Europe, la collaboration internationale pourra s'intensifier.
Le siège du centre sera à Genève. Ce choix s'explique par plusieurs motifs. En premier lieu, le canton de Genève est à l'origine de ce projet. En deuxième lieu, par son caractère international, le canton est plus fortement exposé à la présence de très nombreux groupements, ce qui crée une demande d'information accrue. En troisième lieu, pour une période d'essai de trois ans, le canton de Genève devrait assumer une partie importante du financement du centre.
Le centre sera financé par les cantons romands. Le canton de Vaud a d'ores et déjà prévu un crédit de 50'000 FS. Les autres cantons romands, moins touchés par les dérives sectaires, se sont engagés à hauteur de 10'000 FS au moins chacun. Le canton de Genève assumera le solde du financement pour une période de trois ans. Au terme de cette période d'évaluation, en fonction du rôle du centre dans les différents cantons, cette clé de répartition sera revue.
L'idée de cette résolution est donc de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat et d'inviter le Conseil d'Etat à entamer les démarches nécessaires pour créer le centre intercantonal d'information sur les croyances, mais également de soumettre un projet de loi relatif à son financement au Grand Conseil.
Conclusion et vote
Au terme de ces différentes discussions, la proposition de suspendre les travaux sur les projets de lois 7871 et 7872 est acceptée à l'unanimité.
Finalement, les députés décident, à l'unanimité également, d'accepter le RD 318 en en prenant acte, mais en votant une résolution invitant le Conseil d'Etat à entreprendre les démarches concernant la création d'un centre intercantonal d'information sur les croyances.
Alors que la proposition d'une résolution est acceptée par 9 oui, contre 1 non et avec 4 abstentions, le texte définitif fait l'unanimité.
En vertu de ces lignes, les membres de la commission judiciaire vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à :
prendre acte de ce rapport RD 318,
voter la résolution ci-après, invitant le Conseil d'Etat à entreprendre les démarches concernant la création d'un centre intercantonal d'information sur les croyances.
Annexes :
- N° 1 : Sectes et dérives sectaires (F. Bellanger)
- N° 2 : Rapport d'activité 1996 du GPFI (F. Lavergnat)
- N° 3 : Correspondance du centre LAVI
- N° 4 : Exposé des motifs, avant-projet de statuts de la Fondation
« centre d'information sur les croyances (CIC) », etc.
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Débat
M. Roger Beer (R), rapporteur. Beaucoup de temps est passé depuis les objets à l'origine de ce rapport de la commission judiciaire. La résolution est en fait la conséquence des drames de l'ordre du Temple solaire qui sont arrivés en octobre 94 et décembre 95. Je ne vais pas refaire tout l'historique de cette affaire - M. Ramseyer l'a fait bien souvent, accompagné du professeur Bellanger - et des solutions proposées.
Il y a eu le rapport et différents projets de lois. La commission judiciaire a été saisie de ces objets, et, comme vous pouvez le lire dans le rapport, nous avons été extrêmement empruntés par rapport à toute cette problématique. En effet, il était très difficile de légiférer en cette matière... Et autant les députés de gauche que ceux de droite, nous n'arrivions pas à trouver une justification aux projets de lois proposés par le Conseil d'Etat. Pour finir, après plusieurs auditions, la commission s'est ralliée à l'unanimité à la proposition du Conseil d'Etat de créer un Centre intercantonal d'information sur les croyances. Et, aujourd'hui, nous devons simplement donner un signe très clair au Conseil d'Etat que nous acceptons la création de ce centre.
Bien sûr, un projet de loi du Conseil d'Etat sera soumis à notre parlement quant au financement de ce centre. Le fait que Genève va payer la plus grande partie de ce centre, associée à d'autres cantons romands, est lié à la maîtrise qu'elle a de ce dossier et au fait qu'elle a été beaucoup plus touchée par cet événement. L'ensemble de la commission trouvait que la meilleure réaction possible par rapport à tous ces drames humains était de donner la possibilité à l'Etat de créer un centre extrêmement sérieux qui permette d'obtenir des renseignements sur tous les mouvement dits «sectaires», surtout ceux qui présentent des risques de dérive.
Lors des travaux de commission, nous avons bien sûr reçu toutes sortes d'informations à propos de ce centre. Vous trouverez dans les annexes les propositions de ses statuts, la manière dont est formé l'organe de contrôle de ce centre intercantonal, mais le parlement n'a pas grand-chose à dire sur ce point. Nous avons, je le répète, été informés, et l'ensemble de la commission a été tout à fait d'accord avec la proposition qui nous a été faite.
En l'état, nous avons suggéré de geler les deux projets de lois qui étaient proposés par le Conseil d'Etat qui, lui-même, en la personne de M. Gérard Ramseyer, a accepté de les reprendre et de les retravailler, pour éviter précisément les problèmes liés à ces projets de lois.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat relatif à la création d'un centre intercantonal sur les croyances et de renvoyer la résolution au Conseil d'Etat.
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Bien entendu, les commissaires socialistes se rallient au rapporteur et ont accepté la création de ce centre d'information dans le vote final.
Toutefois, nous voulons faire part de notre inquiétude par rapport aux dérives sectaires. Ce centre d'information est un objet important et tout à fait fondamental, mais il est vrai que le problème de fond reste entier, et qu'il faudra rester vigilants. Il y aura toujours des personnes fragilisées ou qui se chercheront un but dans la vie et qui se feront harponner par de telles sectes. Il est également évident qu'il sera toujours aussi difficile qu'une victime accepte de se dévoiler. Il est en effet très dur d'exposer devant d'autres personnes un pan de sa vie qui dérange et qui est inacceptable pour la société.
Nous nous rallions donc - les socialistes - au rapport de M. Beer et, comme lui, nous en prenons acte ; nous renvoyons la résolution au Conseil d'Etat.
M. Bernard Lescaze (R). Ce rapport apporte une conclusion probablement provisoire à un problème qui a beaucoup ému les consciences de notre population. Aujourd'hui, l'émotion est partiellement retombée, et des diverses solutions qui avaient été proposées la commission parlementaire a choisi à l'évidence la plus légère, mais probablement pas la moins coûteuse... Je précise toutefois que le groupe radical suivra les conclusions de la commission : il prendra acte du rapport et votera la résolution.
Mais néanmoins, quelques remarques doivent être faites et des bémols apportés. D'abord, je me tourne vers le représentant du Conseil d'Etat pour lui demander de nous préciser si, de l'avis du gouvernement, les projets de lois 7871, modifiant le code de procédure pénale, et 7872, concernant le terme «église» appliqué à des fins commerciales, sont retirés ou gelés.
Dans notre Grand Conseil et parfois dans nos commissions, les projets qui ne rencontrent pas l'assentiment d'une majorité, au lieu d'être purement et simplement retirés par le Conseil d'Etat, viennent trop souvent encombrer les dossiers de nos commissions qui deviennent de vastes corbeilles à papiers. Et puis, grâce aux moyens informatiques modernes, les gens voient que de nombreux projets de lois sont à l'étude dans les commissions parlementaires ; ils s'imaginent alors que celles-ci ne font pas leur travail en raison de tous ces projets gelés. Je pense que les décisions doivent être nettes. A titre personnel, je regrette infiniment que la commission judiciaire ait décidé de geler ces projets de lois... A mon sens, elle n'aurait pas dû les prendre en considération si elle estimait, comme semble l'avoir dit le rapporteur, que les solutions préconisées par ces projets de lois n'atteignaient pas les objectifs qui leur avaient été fixés.
A ce sujet, je rappelle qu'il avait également été proposé une modification qui aurait imposé à toute association d'être inscrite au registre du commerce. A l'évidence cette proposition était purement et simplement liberticide, et le Grand Conseil l'a tellement attaquée en séance plénière que le Conseil d'Etat l'a immédiatement retirée. J'attends donc la réponse à cette question au représentant du gouvernement.
En ce qui concerne la fondation qui devrait aboutir à ce centre international sur les croyances, j'ai bien compris en lisant les statuts qu'il s'agissait d'une fondation de droit privé, et je pense qu'il s'agit d'une solution plus souple. Mais je suis un peu plus inquiet d'entendre le rapporteur dire que Genève devra assumer la plus grande part des frais de fonctionnement sous le prétexte quelque peu fallacieux que nous aurions été plus touchés que les cantons de Fribourg et du Valais, où se sont en fait déroulés les drames, ou le canton de Vaud, d'où provenaient la plupart des victimes. Mais, passons : Genève a l'habitude de payer pour les autres... J'aimerais pourtant que cela ne soit pas toujours le cas !
Par contre, je suis étonné de constater que ce rapport ne fait aucune allusion au CLIMS c'est-à-dire au centre d'information sur les sectes dirigé par le pasteur Basse - qui a sans doute envoyé son dernier livre à plusieurs d'entre vous - et au fait que cette fondation pourrait en partie faire doublon avec celle-ci. Il serait bon que l'on nous dise si on en a parlé ; pourquoi il n'y a pas eu d'audition faite et pourquoi, à l'époque où l'on fait la chasse aux doublons, on ne s'inquiète guère de créer une structure aussi similaire...
Mais sans doute, me dira-t-on, face à l'importance de la cause il ne faut pas se perdre dans les détails... Malheureusement, je ne pense pas qu'il s'agisse de détails !
Enfin, ma troisième remarque concerne la résolution. Si son invite me paraît extrêmement positive, je suis beaucoup plus inquiet de voir qu'à l'évidence la commission a accepté sans débat un considérant qui me paraît être presque contraire à notre constitution... «Considérant [...] la responsabilité de l'Etat d'intervenir dans le domaine des croyances...» Eh bien, précisément la séparation de l'Eglise et de l'Etat fait que l'Etat n'a pas d'obligation, bien au contraire, d'intervenir dans le domaine des croyances personnelles et privées ! Pour ma part, étant donné que l'invite de la résolution est très pertinente, je vous propose, bien que ceci n'ait pas une grande valeur juridique, de biffer ce considérant sur la responsabilité de l'Etat, parce qu'il me paraît aller exactement dans le sens contraire à la séparation de l'Eglise et de l'Etat votée en 1907 par le peuple genevois.
Cela étant, Mesdames et Messieurs, nous pouvons remercier la commission. Je ne doute pas d'ailleurs que l'excellence du travail et des conclusions auxquelles elle a abouti ne soit due au fait que sa présidente à l'époque, Mme Fabienne Bugnon, était particulièrement impliquée dans ce domaine. La méthode de travail choisie, commençant par un séminaire, me paraît aussi particulièrement positive.
Ceci pour dire que le groupe radical soutient pleinement les conclusions de ce rapport.
M. Jean-Pierre Restellini (Ve). La question posée par notre collègue Lescaze est effectivement pertinente. J'attends donc aussi avec intérêt la réponse du département - de M. Moutinot qui va le représenter. En effet, dans mon esprit, ces deux projets de lois avaient été gelés, mais dans une perspective de glaciation définitive, c'est-à-dire retirés. Je me réjouis donc de savoir si, finalement, le point de vue du Conseil d'Etat est différent.
Sur le fond, nous n'avons pour notre part pas grand-chose à ajouter au rapport de M. Beer ainsi qu'aux différentes interventions.
De toute évidence, la lutte du législateur contre les dérives sectaires, c'est un peu l'éléphant dans le magasin de porcelaine des libertés... Il faut être prudents, parce que de toute évidence les dégâts collatéraux - comme on dit aujourd'hui - arrivent vite. Heureusement, la sagesse et le bon sens ont prévalu de tous côtés et le département a rapidement réagi après avoir pris le pouls de la commission. Que M. Ramseyer en soit virtuellement remercié, puisqu'il n'est pas là !
La résolution qui vous est proposée, bien loin de la dérive étatique que certains craignaient vise au contraire à renforcer la liberté de chacun. Etre libre c'est être en mesure de faire des choix éclairés. Et, de toute évidence, la démarche des gouvernements cantonaux en vue de créer un centre d'information sur les croyances à la disposition de tous va dans la seule bonne direction.
Nous soutenons bien entendu cette résolution.
M. Claude Blanc (PDC). Il va sans dire que, comme les députés démocrates-chrétiens l'ont fait en commission, nous voterons cette résolution.
Permettez-moi, à titre personnel, de dire ici que pour une fois je suis entièrement d'accord par ce qui vient d'être dit par M. Lescaze. En effet, je suis extrêmement sensible à tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une mainmise de l'Etat sur la conscience des gens, sur la liberté d'association et la liberté de religion...
J'avais eu l'occasion, lors du débat de préconsultation sur les deux projets de lois, dont la commission nous dit qu'ils ont été gelés, d'exprimer mes craintes quant à la philosophie qui les animait. J'avais même mis en cause Me Bellanger en évoquant ses origines françaises encore toutes fraîches et en craignant qu'il ne soit ici que l'ambassadeur des radicaux d'avant-guerre, ceux qu'on appelait les radicaux-socialistes de la IIIe République, les disciples du «petit père Combes», à qui on devait en France une mainmise de l'Etat sur les croyances des gens et la vague d'anticléricalisme qui en était issue. En fait, quelles que soient les religions, il y a toujours des excès qui peuvent être faits d'un côté ou de l'autre... Je suis bien placé pour en parler, et je pense que nous devons lutter contre tous ces excès mais nous devons aussi lutter pour la liberté de croyance, la liberté d'association, la liberté de religion.
J'ai dîné récemment avec Me Bellanger que j'avais sérieusement malmené lors des débats du Grand Conseil. Et nous avons eu l'occasion, entre la poire et le fromage, de discuter de manière sereine de ces projets. Me Bellanger a reconnu, lui qui était à la base de ces projets, qu'il lui manquait peut-être une certaine culture genevoise sur le sujet, qu'il avait sa propre culture et qu'il ne pouvait pas assimiler tout ce qui avait été vécu dans notre canton depuis près d'un siècle. C'est un sujet extrêmement sensible, et je suis reconnaissant à M. Lescaze de l'avoir évoqué, car le parti radical était loin d'être innocent... Il vient maintenant à résipiscence, et j'en suis heureux. Je remercie encore M. Lescaze d'avoir évoqué ce problème.
En conclusion, je pense comme lui que ces projets de lois devraient purement et simplement être retirés. Je pense comme lui que le deuxième considérant de la résolution est le germe d'une possible implication de l'Etat, alors qu'il n'est pas de sa responsabilité d'intervenir dans le domaine des croyances. Les croyances ne peuvent pas se substituer à l'Etat et l'Etat ne peut pas se substituer aux croyances ! Alors, vous ferez ce que voudrez ensuite de cette résolution, mais il vaut mieux que les choses soient dites avant, pour éviter tout malentendu après !
M. Bernard Annen (L). Le groupe libéral suivra également le rapporteur. Il n'en reste pas moins qu'il peut suivre M. Lescaze sur sa suggestion de supprimer un des considérants, encore que et pour une fois je me réjouis de contredire M. Lescaze... La séparation de l'Eglise et de l'Etat ne s'est pas faite en 1907, mais en 1906 ! Pour une fois que M. Lescaze est pris en défaut en Histoire, je n'ai pas pu m'empêcher de le dire aujourd'hui... (Rires.)
Revenons sérieux. Oui, nous sommes pour la liberté dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres domaines. Mais nous devons tout de même nous poser un certain nombre de questions. Les dérives doivent être condamnées. Le négationnisme, dans quelque domaine que ce soit, doit aussi être condamné. Et l'escroquerie doit en tout cas être maîtrisée... Et moi, je me pose des questions... Je ne sais pas... La scientologie est-elle une religion ? Dois-je lui laisser sa liberté ? Dois-je, au contraire, la condamner ? Ces jours, nous avons reçu un livre... Qui a payé ce livre ? Ce livre est beau, il est bien relié et pourtant il va à la poubelle...
Mesdames et Messieurs, nous sommes des personnes qui avons la maîtrise de ce que nous pouvons penser, mais d'autres ne l'ont pas : elles se laissent abuser et perdent leurs moyens. C'est sur la base de cette constatation que l'Etat doit se sentir quelque peu responsable et tenter de maîtriser la situation. En ce qui me concerne c'est mon souci.
Je suis aussi un peu inquiet - j'espère que les radicaux ne m'en voudront pas de cette petite parenthèse - de voir qu'un avocat aussi sensible que Me Bellanger puisse à la fois nous donner des leçons - il a du reste raison, et je les suivrai - et défendre M. Stäubli ! (Rires.) Il y a des choses, comme ça, que j'ai effectivement de la peine à suivre...
Mesdames et Messieurs, nous sommes responsables de l'ordre public !
Mesdames et Messieurs les députés, nous devons définir la responsabilité des gens dans l'ordre public !
Nous devons absolument dénoncer les dérives existantes. Nous devons être les protecteurs d'une frange de la population qui n'arrive pas à y résister. Je crois que le projet qui nous est proposé aujourd'hui permettra de définir -même si la frontière entre les deux est difficile à définir - qui a raison et qui a tort en effectuant une analyse objective, ou aussi objective que possible, avec les risques que peut engendrer l'arbitraire. Mais, au moins, une certaine protection pourra être exercée.
C'est la raison pour laquelle nous sommes d'accord de suivre les conclusions du rapporteur, encore que, naturellement, nous émettions quelques réserves au niveau de la liberté de penser des gens.
Mesdames et Messieurs les députés, la seule chose que je sais c'est que je ne sais pas...
Mme Cécile Guendouz (AdG). Je remercie M. Annen pour son esprit nuancé.
Monsieur Lescaze et Monsieur Blanc, à mon avis il est justement de la responsabilité de l'Etat de ne plus ou ne pas laisser détruire des personnes, comme cela a été le cas. Ce sont des personnes qui n'ont pas une assise personnelle suffisante pour avoir un jugement sain, alors elles se laissent abuser.
Par rapport au CLIMS dont nous avons reçu l'ouvrage à la maison, je peux dire qu'il a justement l'air particulièrement pernicieux et tendancieux... Je ne crois pas qu'on puisse se baser dessus pour faire une information objective. Nous sommes bien sûr d'accord par rapport à la liberté d'information... Mais jusqu'où doit-elle aller ? Il me semble que nous portons une certaine responsabilité, car sous ce terme de «liberté d'information» se cache parfois de la lâcheté, car nous avons peur d'intervenir de façon plus autoritaire.
Par conséquent, personnellement je soutiendrai et le rapport et la résolution.
M. Roger Beer (R), rapporteur. J'aimerais juste apporter quelques précisions.
Il n'a en effet jamais été question d'intervenir dans le domaine des croyances au niveau de la liberté de pensée, mais je crois que les commissaires étaient tous d'accord sur le fait qu'il faut intervenir pour prévenir les dérives sectaires. Après les travaux, nous étions également tous d'accord pour dire que la seule solution était effectivement de créer un centre d'information objectif et bien sûr en dehors de tout mouvement de type sectaire. La difficulté de rester objectif est aussi grande chez les personnes qui défendent les victimes des dérives sectaires que chez ceux qui, sans l'avouer, sont pris dans ces mouvements. C'est du reste pourquoi le futur centre a un prix, car nous devons obtenir une information de type universitaire, objective, donc à l'écart de tous ces mouvements. C'est le premier point.
Pour ce qui est du financement de ce centre, dès que nous aurons le projet de loi, nous voterons le budget sur trois ans, avec bilan et, ensuite, le parlement aura tout loisir de procéder à des changements s'il y a lieu.
En ce qui concerne le retrait ou le gel des projets de lois, nous en avons discuté, nous en avons voté l'entrée en matière et nous les avons finalement rejetés. Le Conseil d'Etat nous a alors dit qu'il reprendrait peut-être ces projets de lois dans le cours de la discussion pour essayer de coordonner ou d'améliorer l'assistance aux victimes, notamment à travers les centres LAVI. Nous avons auditionné les représentants de ces centres, et nous avons pensé qu'il serait effectivement relativement aisé d'élargir la compétence de ces centres pour répondre aux victimes de dérives sectaires. C'est donc dans cette idée que le Conseil d'Etat nous a proposé d'étudier un projet de loi qui en fait supprimerait les deux autres projets, ce qui permettrait de répondre à l'attente des députés.
Je le répète, cette proposition n'est en aucun cas une volonté d'exercer une mainmise sur la conscience des gens. Elle correspond à un souci - c'est sur ce point que nous pensons que l'Etat a une certaine responsabilité - d'aider les personnes qui ont souffert de ces dérives sectaires.
Mme Myriam Sormanni (S). Je voudrais tout d'abord répondre à M. Bernard Annen ainsi qu'à Mme Guendouz.
Je ne pense pas que le livre de «L'Etat inquisiteur», que j'avais eu l'occasion de parcourir sans le lire complètement, soit un ouvrage à mettre à la poubelle... Je ne pense pas non plus que ce soit un ouvrage tendancieux... Je suis allée écouter Joël Labruyère, il n'y a pas longtemps dans une conférence. Ce livre a été écrit après une enquête de trois ans et demi.
Je vais vous dire deux ou trois petites choses.
Monsieur Annen, vous posez une question au sujet de la scientologie... Oui, c'est effectivement une religion ! Et je peux vous en parler... (L'oratrice est interpellée.) Vous pouvez me laisser parler ! (Exclamations.) Je peux parler ? ...car j'en ai fait partie pendant sept ans et demi... Je sais donc ce que c'est, merci ! Sans vouloir vous choquer... J'ai aussi été chez Moon, j'ai été dans plein d'endroits, j'ai fait mes expériences, comme tout le monde dans les années 75...
M. Bernard Annen. On voit le résultat !
Mme Myriam Sormanni-Lonfat. On voit le résultat ? Je me porte très bien, merci !
Bon, maintenant, je reprends mon intervention. Il y a de quoi s'interroger lorsque l'on sait que le docteur Abgrall, psychiatre, qui a contribué à l'étude sur les dérives sectaires - séminaire auquel j'ai participé - habite une villa, sise précisément dans le Vercors, là où il y a eu le massacre des membres du Temple solaire... Ce massacre a été déguisé en suicide, mais pour moi c'est plutôt un assassinat. Il a été déclaré suspect N° 1... (L'oratrice est interpellée.) Je m'excuse... Je peux finir ? Il a été déclaré suspect N° 1 et il n'a jamais été inquiété !
Ferait-on la différence entre les sectes dites «légales», telles que les jésuites, les dominicains, les franciscains et l'Opus Dei... (Exclamations.) ...et d'autres comme la scientologie, Hare Krishna, les raëliens et d'autres encore - les antroposophes ? Pourquoi classifier les personnes qui ont telle ou telle croyance - sans y entraîner des enfants ou des mineurs - comme faisant partie d'une secte ou d'une non-secte ? Le respect des minorités est une règle de base d'une société démocratique. Lorsqu'une personne est en état de faiblesse : dépression, deuil, divorce, séparation, perte d'emploi ou autre, elle peut très bien aller jouer, boire, ou faire autre chose... Tous les chemins mènent à Rome, et chacun doit être libre de choisir celui qui lui convient le mieux !
Il serait bien de collaborer avec le pasteur Claude Basset, du CLIMS, afin que l'observatoire des sectes soit réellement efficient, tenant compte de points de vue divergents - et non convergents - afin d'être objectif - et non subjectif.
Voilà ! Je ne suis pas en train de vous dire d'aller dans des sectes... Du reste, je ne me considère pas comme quelqu'un qui a fait partie de sectes, mais je crois que l'on peut quand même s'interroger sérieusement... Je me suis permis d'intervenir parce que je philosophe depuis longtemps et je me pose des questions, et, bien que ne faisant pas partie de la commission judiciaire, j'avais envie d'apporter mon point de vue... Ma foi, si ça n'a pas plu à certains, ce n'est pas de ma faute... Merci !
M. Bernard Lescaze (R). Je ferai quelques brèves remarques sur certains propos.
Sur l'essentiel d'abord. Je m'inquiétais simplement, sans vouloir promouvoir tel ou tel centre d'étude sur les sectes, qu'il n'y ait pas double emploi, dans le souci des deniers de l'Etat.
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat d'intervenir dans le domaine des croyances, vu qu'il s'agit simplement d'un considérant sans valeur juridique, je ne vais pas déposer d'amendement pour le supprimer. Je considère, comme l'a également fait M. Blanc, que la discussion qui vient d'avoir lieu a clarifié le débat. Il n'appartient pas à l'Etat d'intervenir dans les croyances personnelles des gens. Il s'agit simplement de prévenir, par la création d'un centre d'information, les personnes qui pourraient en avoir besoin. Nous sommes parfaitement d'accord sur ce point. Par contre, nous ne serions absolument pas d'accord d'aller plus loin, car nous croyons réellement à la laïcité de l'Etat et à l'importance de sa non-ingérence dans les convictions personnelles de chacun.
A M. Annen, je réponds pour montrer que les historiens connaissent parfois leur métier : la loi constitutionnelle supprimant le budget des cultes et supprimant la loi sur le culte catholique... (Exclamations.) ...c'est-à-dire la loi qui a introduit la séparation de l'Eglise et de l'Etat a été votée par le Conseil général le 15 juin 1907 et est entrée en vigueur le 1er janvier 1908.
M. Bernard Annen. 1906 !
M. Bernard Lescaze. Il s'agit, n'en déplaise au député libéral qui croyait corriger une erreur, d'une des dates les plus importantes de notre histoire genevoise, et j'espère que désormais il la connaîtra !
Pour en revenir à l'objet qui nous préoccupe, la définition d'une secte est très variable, on le sait. Je rappelle - c'est pour cette raison que je demandais la prudence dans les lois qui ont été gelées et qui à mon avis devraient être retirées, car, d'après ce que nous a dit le rapporteur, le Conseil d'Etat préparerait un nouveau projet, alors autant les retirer tout de suite - qu'au siècle dernier l'Armée du salut a été pourchassée dans les rues de Genève et qu'elle a été littéralement persécutée. Pourtant, aujourd'hui, j'imagine que chacune et chacun d'entre vous prend un certain plaisir à mettre sa piécette dans les marmites au temps de Noël. Le point de vue sur l'Armée du salut a donc totalement changé entre le siècle dernier et le nôtre. Cela mériterait malgré tout que nous menions quelques réflexions sur l'Histoire et la manière différente dont les générations considèrent les sectes.
En conclusion - je ne vais pas me répéter - nous adoptons les conclusions de ce rapport, nous en prenons acte et nous souhaitons que le Conseil d'Etat constitue cette fondation. Il nous paraît que l'égrenage des qualités : un historien des religions, un sociologue des religions, un juriste, un théologien, un ceci, un cela, est peut-être un peu trop détaillé, mais, comme nous avons l'habitude de voir que le Conseil d'Etat attribue des qualités parfois étranges à ceux qu'il nomme, nous ne nous en faisons pas... Vous connaissez la phrase de Beaumarchais : «Il fallait un financier, ce fut un danseur qui l'obtint !». Je ne me fais donc aucun souci à ce sujet !
Par contre, j'attends avec intérêt la réponse du représentant du gouvernement sur la question que j'avais posée précédemment.
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Afin d'être très clair, le groupe socialiste vous informe que Mme Sormanni n'est pas membre de la commission judiciaire et qu'il ne partage pas les propos de Mme Sormanni.
M. Claude Blanc (PDC). En préambule, j'ai bien goûté la citation de M. Lescaze... J'espère qu'il ne faisait pas allusion par là à la présidence des TPG... (Rires.)
Cela étant dit, j'ai demandé la parole au moment où vous parliez, Madame Guendouz. En effet, chère Madame, je vous ai bien entendue et je voulais vous le dire... J'ai compris ce que vous vouliez dire, mais j'aimerais quand même apporter une nuance, parce qu'il est dangereux, sous prétexte de vouloir informer et protéger, de demander à l'Etat de se mêler de ces choses-là. En effet, il arrive - et il est malheureusement arrivé souvent dans l'histoire - que quand l'Etat s'en mêle, le remède est pire que le mal... Et on a fait beaucoup de mal au nom de l'Etat lorsqu'il intervient dans ce domaine. Alors, il faut faire très attention. Je le répète, je peux comprendre votre crainte, mais soyons extrêmement prudents quant à la mise en oeuvre de ces principes...
Je pense que Mme Castioni a voulu prendre de la distance, au nom du parti socialiste, par rapport à Mme Sormanni... Moi, ça m'est égal, mais je voudrais quand même vous faire remarquer, Madame Sormanni, qui vous targuez d'avoir fait beaucoup d'études à ce sujet, qu'il y a de quoi être tout à fait choqué par vos propos... Vous dites que les jésuites, les dominicains et les franciscains sont des sectes... Madame Sormanni, cette affirmation montre que vous méritez le bonnet d'âne en matière d'étude sur les religions et que vous n'y avez jamais rien compris ! La seule chose intelligente que vous ayez dite c'est que tous les chemins mènent à Rome... (Rires.) Sur ce point, je ne peux qu'être d'accord avec vous !
Mme Myriam Sormanni (S). J'avais dit que je ne faisais pas partie de la commission judiciaire. Il était donc inutile de le préciser...
Je n'ai pas parlé au nom du parti socialiste. J'ai parlé en tant que citoyenne et, effectivement, j'ai fait partie de différents mouvements...
Je ne pense pas du tout que je mérite le bonnet d'âne, Monsieur Blanc ! Et quand je dis que tous les chemins mènent à Rome, c'est que j'ai une bonne éducation religieuse... Je suis de confession catholique et j'ai pratiqué pendant des années... Alors, si vous étudiiez les religions, vous vous rendriez compte que la religion catholique a pris naissance entre 150 et 350 après Jésus-Christ : c'est une invention des hommes... Je m'excuse ! A l'origine, dans la Bible, il n'y avait que des chrétiens... Je suis désolée ! C'est tout ce que j'avais à dire ! Merci !
Mme Christine Sayegh (S). Je tiens juste à vous dire que le témoignage de Mme Sormanni est tout à fait personnel... (Exclamations.) Il ne s'agit pas d'un commentaire politique sur le sujet qui nous occupe... (L'oratrice est interpellée.) Vous souriez, c'est preuve que ça vous a quand même touché !
M. Laurent Moutinot. Je réponds à la question qui m'a été posée, à savoir quel était le sort des projets de lois 7871 et 7872. Le département rapporteur n'a jamais demandé au Conseil d'Etat l'autorisation de les retirer, raison pour laquelle, ils subsistent encore à ce jour. Quant au degré de glaciation de ces projets - pour reprendre l'expression de M. Restellini - je pense qu'il approche le zéro absolu... Mais je ne peux m'engager plus avant sans une décision formelle du Conseil d'Etat.
Le deuxième problème dont vous avez longuement débattu porte sur le deuxième considérant de la résolution qui dit : «Considérant [...] la responsabilité de l'Etat d'intervenir dans le domaine des croyances pour informer la population et prévenir les dérives sectaires ;». Pour ma part, je partage l'avis de M. Lescaze et de M. Blanc. Je pense que cette formule est dangereuse, parce qu'elle laisse entendre effectivement une capacité d'intervention étatique dans le domaine des croyances. Si l'on comprend cette formule comme vous l'avez fait, Madame la députée Guendouz, elle est parfaitement légitime. J'imagine donc que ceux qui ont rédigé cette formule voulaient exprimer que l'Etat a un devoir d'intervention à l'égard des victimes de dérives sectaires. Et si c'est sa signification, je suis évidemment parfaitement d'accord avec ce considérant. L'ennuyeux c'est que ce n'est pas ce qui est écrit ! Dans ces conditions, je pense que l'on peut sans autre difficulté supprimer cette phrase purement et simplement.
Pour ce qui est de la suite des travaux, Mesdames et Messieurs les députés, je peux vous assurer que le Conseil d'Etat a la ferme volonté de se placer du côté des victimes de toutes les dérives sectaires. Il a constamment la conscience que cette position est juste quand au fond mais qu'elle est en revanche difficile à concrétiser dans la pratique tant il est vrai qu'un certain nombre de mesures ont des côtés liberticides dont nous ne voulons pas. Cela signifie que nous allons poursuivre nos travaux sur la base du vote de la résolution que vous allez voter maintenant, à la fois pour être efficaces en ce qui concerne les victimes mais aussi extrêmement attentifs pour ne pas dériver à notre tour dans des mesures qui pourraient également s'avérer liberticides.
M. Claude Blanc (PDC). M. Lescaze a renoncé à présenter un amendement consistant à supprimer le deuxième considérant, mais je constate que M. Moutinot est partisan de le supprimer... Si le Conseil d'Etat en fait la proposition, je me demande si on ne devrait pas revenir à la proposition initiale de M. Lescaze... Avez-vous déposé votre amendement, Monsieur Lescaze ?
M. Bernard Lescaze. Pas encore !
M. Claude Blanc. Quoi qu'il en soit, on peut se dispenser de le déposer... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Blanc, il n'est pas possible d'amender les considérants, mais...
M. Claude Blanc. Pourquoi ne pourrait-on pas amender un considérant, je vous le demande ? (Commentaires et exclamations.)
Le président. En ce qui me concerne, Mesdames et Messieurs les députés, je suis prêt à accepter toutes vos propositions. Je ne suis jamais entré en matière pour modifier le considérant d'un de vos projets, mais si vous le souhaitez il est possible de mettre cette proposition au vote.
M. Bernard Annen (L). On peut faire ce qu'on veut, bien sûr ! Mais, au fond, il s'agit d'un acte législatif que nous votons ou que nous ne votons pas ! Un considérant est une explication, un argument avancé pour amener les invites et rien d'autre. L'acte législatif doit porter uniquement sur l'invite et c'est tout ! Combien de motions avons-nous votées, alors que nous n'étions pas d'accord avec les considérants ! Ces motions ont tout de même été votées, car ce sont les invites qui sont importantes, rien d'autre ! Alors, je ne comprends pas la démarche de M. Blanc à cet égard.
R 419
Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(419)concernant la création d'un centre intercantonal d'information sur les croyances
Considérant :
le rapport du Conseil d'Etat déposé sur le bureau du Grand Conseil le 10 mars 1999 relatif à la création d'un centre intercantonal d'information sur les croyances;
la responsabilité de l'Etat d'intervenir dans le domaine des croyances pour informer la population et prévenir les dérives sectaires;
le fait que les personnes qui sont confrontées soit personnellement, soit par l'intermédiaire de l'un des membres de leur famille à des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique sont très démunies;
la nécessité de disposer d'une source d'information neutre sur les croyances et les activités de ces groupements;
la volonté exprimée des gouvernements des cantons romands, de Berne et du Tessin d'aller rapidement de l'avant avec la création, sous la forme d'une fondation de droit privé et pour une période d'essai de trois ans, d'un tel centre d'information qui soit apte à diffuser une information neutre et contrôlée sur les différents groupements actifs dans ce domaine et sur d'éventuelles dérives ;
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
RD 318
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La séance est levée à 17 h.