République et canton de Genève

Grand Conseil

No 8/II

Jeudi 17 février 2000,

nuit

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : Mmes et MM. Carlo Lamprecht, Martine Brunschwig Graf, Micheline Calmy-Rey et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Gérard Ramseyer et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Nicolas Brunschwig, Bénédict Fontanet et David Hiler, députés.

3. Correspondance.

La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence:

C 1088
Les étudiants, les enseignants et le personnel administratif et technique de l'école d'ingénieurs de Genève nous adressent un courrier nous transmettant une résolution signée de plus de 10 000 signatures, intitulée «Soutien de la population pour la grève des étudiants et des enseignants de l'école d'ingénieurs de Genève». ( )C1088

Il en est pris acte. Ce courrier a été déposé sur la place des députés et figurera au Mémorial. 

Mme Erica Deuber Ziegler (AG). Madame la présidente, nous souhaitons que ce courrier soit lu demain, au moment où nous aborderons le point correspondant de l'ordre du jour.

La présidente. Il en sera fait ainsi, Madame la députée.

4. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

La présidente. Nous avons reçu la proposition de motion suivante :

M 1326
de Mmes et MM. Louiza Mottaz (Ve), Esther Alder (Ve), Roger Beer (R), Janine Berberat (L), Dolorès Loly Bolay (AG), Juliette Buffat (L), Marie-Françoise de Tassigny (R), Gilles Godinat (AG), Cécile Guendouz (AG), Mireille Gossauer-Zurcher (S), Pierre Marti (DC), Catherine Passaplan (DC), Véronique Pürro (S), Albert Rodrik (S) et Jean Rémy Roulet (L) pour des soins de qualité dans les établissements médico-sociaux (EMS). ( )M1326

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine session. 

c) de propositions de résolutions;

La présidente. Nous avons également reçu la proposition de résolution suivante :

R 418
de Mme et MM. Roger Beer (R), Thomas Büchi (R), Marie-Françoise de Tassigny (R), Hervé Dessimoz (R), Daniel Ducommun (R), John Dupraz (R), Pierre Froidevaux (R), Bernard Lescaze (R), Jean-Louis Mory (R), Jean-Marc Odier (R), Louis Serex (R), Charles Seydoux (R), Walter Spinucci (R) et Pierre-Pascal Visseur (R) demandant la mise sur pied d'une table ronde au sujet de la réorganisation de la Poste. ( )  R418

M. John Dupraz (R). Madame la présidente, je demande, au nom du groupe radical, que cette résolution soit traitée en même temps que le point 38 de l'ordre du jour, soit le projet de loi 8189.

La présidente. Y a-t-il des oppositions à cette proposition ? Je compte une opposition... Bien, il en sera fait ainsi.

M. Pierre Vanek (AG). Madame la présidente, j'ai bien entendu qu'il était question d'une résolution concernant une table ronde sur la Poste et qu'elle serait traitée avec le point 38. J'ai entendu cela avec intérêt, mais mon intérêt serait plus soutenu si nous avions copie de cette résolution. Avant de nous prononcer sur une demande d'inscrire tel ou tel objet à l'ordre du jour, il est de coutume que nous ayons le document en mains. Alors, je suis pour qu'on traite cette résolution, qui permettra sans aucun doute des débats intéressants, mais pourrait-elle au moins nous être distribuée ?

La présidente. Monsieur le député, nous allons immédiatement faire distribuer ce texte. Il est vrai que, normalement, avant de prendre une telle décision, les textes doivent être sur les tables des députés, surtout lorsque c'est un nouveau sujet. En l'occurrence, le sujet de la Poste a déjà été traité et on pouvait donc plus facilement accepter la proposition de M. Dupraz. Cela dit, le texte de la résolution va être photocopié et distribué sur vos places sans délai.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

  Suite du débat sur les objets suivants :

RD 355-A
5. a) Rapport de la commission d'enquête parlementaire «Banque cantonale de Genève» chargée d'étudier les affaires «Stäubli» et Sécheron de la BCG. ( -) RD355
 Mémorial 1998 : Voir la motion 1234, pages 5040 et 5061.
 Mémorial 2000 : Rapport, 1092.
Rapport de majorité de Mme Christine Sayegh (S), commission d'enquête «Banque cantonale de Genève»
Rapport de minorité de M. Christian Grobet (AG), commission d'enquête «Banque cantonale de Genève»
M 1319
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Bernard Annen, Charles Beer, Claude Blanc, Jean-Pierre Gardiol, Philippe Glatz, Janine Hagmann, Georges Krebs, Chaïm Nissim, Jean-Marc Odier, Marie-Françoise de Tassigny, Walter Spinucci, Alberto Velasco et Christine Sayegh pour la définition des attentes du Conseil d'Etat dans le rôle et la gestion des priorités de la Banque cantonale de Genève. ( ) M1319
 Mémorial 2000 : Développée, 1092.
PL 8181
c) Projet de loi de M. Christian Grobet modifiant la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et d'évaluation des politiques publiques (D 1 10). ( ) PL8181
 Mémorial 2000 : Projet, 1092.

Suite du débat

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je vais tout d'abord, au nom du groupe radical, traiter du rapport et de la motion élaborée par la commission d'enquête.

Jusqu'à l'avant-dernière séance, cette commission, malgré le côté délicat et les difficultés liées au secret bancaire, sous la houlette de sa très compétente et remarquable présidente, a travaillé dans un esprit positif et constructif. On pourra toujours ironiser ou minimiser le résultat de ses travaux. Néanmoins, cette commission, idoine, avait entre autres l'objectif d'évaluer si les anciennes casseroles de la banque avaient des incidences sur sa gestion actuelle. Peut-être cette démarche aurait-elle pu être évitée si une certaine opacité des informations de la Banque cantonale avait été écartée et n'avait été propice à l'émergence de nombreux fantasmes du grand public alimentés par la presse.

Après analyse des faits et des faiblesses éventuelles du management, à l'instar peut-être d'autres banques à une certaine époque d'euphorie, les commissaires ont jugé indispensable de rédiger une motion dont l'objectif fondamental est de demander au Conseil d'Etat de confirmer la vocation de la Banque cantonale d'être une banque au service des collectivités publiques.

Cette motion est d'autant plus d'actualité que la mission de cette banque doit, à nos yeux, constituer un rempart devant les phénomènes de globalisation que prônent quelques grandes banques. La Banque cantonale doit poursuivre un soutien appuyé aux PME et restaurer un esprit de confiance, indispensable pour le développement économique de Genève. On peut juste s'interroger sur le bien-fondé de l'invite consistant à évaluer les administrateurs désignés au sein du conseil d'administration. Cette analyse de la compétence devrait être l'unique responsabilité des organes ou collectivités qui désignent leurs représentants parmi des personnalités capables. Cela paraît l'évidence.

Il faut par ailleurs relever qu'un commissaire, en la personne d'un maître à penser de la gauche, dont la présence a été presque fantomatique, a jugé bon in fine de se désolidariser de l'esprit de consensus, concrétisant ainsi son esprit critique et partisan, et nous propose le projet de loi modifiant la surveillance de la gestion de la banque. Il est inutile de vous préciser que le groupe radical ne soutiendra pas cette loi ; en revanche il prend acte du rapport, il souhaite adresser la motion au Conseil d'Etat pour un traitement rapide et, surtout, il attend de l'exécutif une implication claire et percutante vis-à-vis de la banque !

Mme Janine Hagmann (L). Le moins qu'on puisse dire du travail de la commission, c'est qu'il n'a pas commencé sous les meilleurs auspices possible : climat politique tendu, révélations fracassantes dans la presse, tout ce qui entourait à ce moment-là la BCG avait une connotation politique immédiate.

Le groupe libéral considère, nous l'avons dit à plusieurs reprises, que la mainmise de l'Etat sur une banque cantonale est une erreur. Si l'on veut que la BCG puisse croître et prospérer, ce ne sont pas de nouvelles pesanteurs bureaucratiques qu'il faut lui imposer, mais exactement le contraire, tout en fixant dans la loi la mission qu'elle a déjà, à savoir celle de soutien à l'économie locale et plus particulièrement à l'économie genevoise.

En face de nous, au contraire, la députation de l'Alliance de gauche croit ou fait semblant de croire que seules des surveillances étatiques renforcées permettraient à une banque cantonale de remplir sa mission. C'est une illusion dangereuse, car une banque n'est pas une machine à fournir de l'argent à des amis politiques. C'est une entreprise qui doit assurer sa rentabilité et verser des dividendes à ses actionnaires, quels qu'ils soient. C'est dire que des critères politiques dans l'octroi de crédits ou de prêts seraient la pire des folies que ce parlement puisse imposer à la BCG, qui a déjà connu suffisamment de difficultés comme cela. Or, c'est précisément ce que veut faire l'Alliance de gauche et nous n'accepterons jamais que, pour satisfaire la passion politique de certains, on enlève à la BCG la capacité de travailler avec un minimum de souplesse, dans une conjoncture très concurrentielle et difficile où ses adversaires ne lui font aucun cadeau.

Les travaux de la commission, je tiens à le souligner, se sont heureusement déroulés dans un climat très serein et je crois que nous pouvons être unanimes à remercier sa présidente, Mme Sayegh, qui a fait de l'excellent travail. Nous ne sommes, nous libéraux, pas entièrement d'accord avec plusieurs points du rapport dont elle est l'auteur ou, tout au moins, il y a des choses que nous aurions exprimées différemment. Mais le groupe libéral s'est néanmoins refusé à faire un rapport de minorité, car cela aurait été un mauvais service rendu à une commission qui a finalement bien travaillé.

Nous nous sommes occupés des problèmes que la BCG a connus avec deux débiteurs en particulier. Nous avons procédé à des auditions, y compris bien sûr à celle des représentants de la banque, comme cela figure dans le rapport. Nous avons pu constater que, pendant les années de haute conjoncture, la BCG, comme toutes les banques, a eu la main trop généreuse. Elle ne s'est pas aperçue, mais comme toutes les autres banques, des risques liés à certaines opérations immobilières. Là où les grandes banques ont choisi d'exécuter les débiteurs et de les mettre en faillite, la BCG a fait le choix de la confiance. Elle a cherché à accompagner ses clients plutôt que de les mettre sur la paille. Certains - beaucoup - se sont montrés dignes de cette confiance ; d'autres, moins et, dans un cas, la BCG a même dû en référer à la justice pénale. De tels incidents sont regrettables et tout doit être entrepris pour qu'ils ne se renouvellent pas.

Nous avons le sentiment que c'est par le renforcement de la direction de la banque et surtout par la nomination d'administrateurs qualifiés dans son conseil que l'Etat peut apporter sa contribution. Pour le reste, en ce qui concerne les risques, cela est de la compétence de la Commission fédérale des banques, à qui nous n'allons certainement pas apprendre son métier. De l'avis du groupe libéral, moins ce parlement et le gouvernement iront interférer dans la vie quotidienne de la BCG, moins nous nous mêlerons de prendre des décisions à sa place ou de les influencer, mieux elle se portera !

Pour toutes ces raisons, le groupe libéral vous invite à soutenir le rapport de majorité et à ne donner aucune suite aux tentatives d'imposer des contrôles tatillons supplémentaires et une fin du secret bancaire à une banque qui a surtout besoin de liberté et de tranquillité. Il est évident que nous vous recommandons aussi de soutenir la motion pour un traitement rapide.

M. Charles Seydoux (R). Le débat politique qui nous occupe ce soir, au sujet de la banque cantonale, me donne l'impression désagréable que la majorité de ce parlement juge que cet établissement a un fonctionnement critiquable à tous points de vue.

Je dois rappeler que la création de la Banque cantonale de Genève a coïncidé avec la plus grave crise économique de l'après-guerre, laquelle s'est traduite par un chambardement du paysage bancaire qui a entraîné le regroupement et la disparition de nombreux établissements de crédit de notre pays. Il est vrai que cette banque n'est malheureusement pas aussi performante que nous le souhaiterions tous. Néanmoins, nous devons admettre que c'est un des piliers des nombreuses PME genevoises.

La crise a provoqué une perte de confiance générale des établissements de crédit de notre canton, lesquels ont dénoncé de nombreux prêts de fonctionnement, en raison, soi-disant, d'un rating négatif. Dans cette situation, je tiens à relever très fort la position de notre banque genevoise - qui, je vous le rappelle, nous appartient - laquelle a accepté dans de nombreux cas de reprendre les lignes de crédit que ses concurrents avaient supprimées, permettant de ce fait la pérennité de fonctionnement des entreprises en manque de liquidités temporaire.

Prenons garde que les attaques incessantes que nous faisons subir à cette banque ne nuisent à sa réputation et ne fassent fuir les investisseurs privés. Une société de services a besoin de garder la confiance de ses clients pour fonctionner normalement. Aujourd'hui, cet établissement est sur la sellette, principalement pour des raisons liées à des dossiers malheureux qui sont l'héritage d'une période de surchauffe et d'inflation. Je pense qu'il est important de conserver notre confiance aux dirigeants, qui doivent faire face chaque jour à une concurrence toujours plus féroce, laquelle est provoquée par des mots que beaucoup d'entre nous n'aiment guère dans ce canton, comme restructuration, globalisation, mondialisation, etc.

Je tiens à vous rappeler que la banque cantonale est l'un des derniers remparts subsistant en face des grands établissements privés de ce pays. A ce sujet, je vous rappelle notre séance extraordinaire fin 1999, qui, dans un autre domaine relatif aux services à la population, a traité des conséquences liées à toute la problématique de la déréglementation actuelle.

Les statistiques qui nous ont été fournies attestent que cet établissement est la première banque des PME genevoises ; nous devons lui donner les moyens de subsister et surtout lui laisser une marge de manoeuvre lui permettant de rester concurrentielle et de continuer à servir notre République. Enfin, il me paraît tout à fait excessif de vouloir mettre cette institution sous tutelle, comme le propose l'auteur du projet de loi 8181. Ce projet introduirait une restriction de fonctionnement supplémentaire qui me paraît disproportionnée et superflue.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter le rapport de la commission d'enquête ainsi que la motion 1319 qui le complète, à les renvoyer tous deux au Conseil d'Etat et à refuser d'entrer en matière sur le projet de loi 8181.

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Certes, notre commission d'enquête n'avait pas de base légale, certes, il aurait fallu pour cela s'inspirer de ce qui a été fait en Valais concernant la Banque valaisanne ; tel n'a malheureusement pas été le cas. Cependant, nos travaux, au sein de cette commission, nous ont permis d'éclaircir plusieurs zones d'ombre, même si nous déplorons que l'ensemble de nos questions soit resté sans réponse.

La motion 1234, à l'origine de la création de la commission d'enquête, a eu comme conséquence directe, d'une part, de pousser la direction de la banque à créer le comité d'assainissement et, d'autre part, de pousser le Conseil d'Etat à rétablir les contacts avec la direction de la banque, contacts qui avaient été interrompus, je vous le rappelle, pendant près d'un an et demi. Cela dit, il est certain que c'est surtout le manque de transparence et d'information qui a poussé l'Alliance de gauche à déposer cette motion 1234. Et c'est d'ailleurs ce manque d'information et de transparence qui a jeté le discrédit sur la Banque cantonale et cela est bien dommage. La direction de la banque reconnaît par ailleurs les erreurs d'appréciation des risques, voire les imprudences qui ont été commises. Mais il a fallu la création de cette commission d'enquête pour s'entendre dire cela !

La direction de la banque dit, dans la lettre que tous les députés ont reçue le 14 janvier dernier, que la banque est une entreprise particulière, qu'elle est principalement fondée sur la confiance. Mais, parlons-en de cette confiance ! Comment peut-on avoir confiance lorsque, légitimement, nous posons des questions et qu'elles restent sans réponse ? Comment faire confiance lorsque les informations que nous demandons ne viennent pas et qu'ensuite on apprend par la presse que des sommes mirobolantes et indécentes ont été prêtées à certains à des taux ridiculement bas ? Et lorsque nous interrogeons la banque, au sein de la commission, on nous rétorque que ce taux peut choquer mais qu'il était conforme à ce que les débiteurs pouvaient payer ! Mesdames et Messieurs les députés, combien de petites PMI et PME ont pu bénéficier de ce traitement de faveur ? Comment réagir lorsque, après avoir posé la question de savoir si, d'une manière ou d'une autre, les contribuables genevois ont épongé les pertes occasionnées par des aventuriers, on apprend par les journaux que la Banque cantonale aurait perdu 1,5 milliard et lorsque aujourd'hui cette même banque vient demander au Conseil d'Etat une rallonge de son capital-actions de 300 millions ?

La direction de la banque nous a dit à plusieurs reprises que le métier de banquier est un métier à risques. C'est certain. Les grandes banques ont, paraît-il, fait une perte de 9 milliards due aux années folles. Cela, on le sait aussi, puisque cela s'est traduit par des milliers de pertes d'emplois et, surtout, par le refus d'ouvrir des crédits aux petites et moyennes entreprises, avec les conséquences qu'on imagine pour ces dernières. Le métier de banquier est un métier à risque, dit M. Fues, mais est-il bien nécessaire de prendre des risques aussi inconsidérés, surtout lorsqu'on est une banque publique et qu'on joue avec l'argent des collectivités publiques ?

Les grandes banques ont, pour certaines, réussi à assainir leur situation et ont, dans la foulée, sanctionné les responsables de ces pertes. En ce qui concerne la Banque cantonale, cette affaire est bien sûr du ressort du Conseil d'Etat.

Pour conclure, je dirai ceci : l'Alliance de gauche tient à la Banque cantonale, parce que l'économie genevoise a besoin de la Banque cantonale, parce que le rôle que celle-ci joue en faveur des PMI et PME est considérable et qu'elle est peut-être l'une des rares banques à jouer ce rôle, même si nous estimons qu'elle doit développer davantage sa politique de proximité en faveur des PMI et PME. Cependant, et comme nous l'avons déjà dit, nous estimons que le dispositif de contrôle de la banque doit être amélioré et surtout renforcé, raison pour laquelle je vous invite à voter le projet de loi annexé au rapport de minorité de Christian Grobet.

M. Chaïm Nissim (Ve). Cela a déjà été dit par plusieurs de mes préopinants et je ne vais pas y revenir : notre commission n'a pas eu la tâche facile. Notre travail était délicat et nous avons exploré des chemins étroits et escarpés. Nous avons voulu enquêter sur deux mauvaises affaires, mais notre enquête en même temps devait rester politique et pas juridique. Nous avons voulu proposer des pistes pour rétablir la confiance, mais en même temps nous devions soutenir une banque dont nous avons tous besoin, comme l'ont dit plusieurs personnes avant moi. Nous avons fait ce travail de notre mieux et là j'aimerais répondre à notre collègue Grobet, qui ironisait tout à l'heure en disant que notre motion était lamentable et que nous enfoncions des portes ouvertes : nous avons fait de notre mieux, Monsieur Grobet ! Nous avons essayé de travailler tous ensemble, parce que nous avons considéré que cette banque appartenait aussi à nos collègues de l'Entente et qu'aucun parti n'avait une vision suffisamment privilégiée pour avoir raison à lui tout seul. Nous avons essayé tous ensemble d'élaborer une stratégie, et c'est évidemment beaucoup plus difficile de l'élaborer tous ensemble que tout seuls.

Je disais tout à l'heure qu'il s'agissait de rétablir la confiance. Là, nous avons eu un gros problème et je dois reconnaître que la banque ne nous a pas aidés. En effet, si on veut rétablir la confiance, il faut commencer par donner des éléments d'information, il faut commencer par être transparents. Or, la banque a, tout au long de notre enquête, continué ses cachotteries. Elle n'a consenti à informer le public sur ses difficultés qu'après la parution de l'article de Xavier Pellegrini dans «L'Hebdo». Une fois que tout était connu dans le grand public, la banque a tout à coup reconnu qu'elle avait besoin d'une rallonge de capital de 300 millions, qu'elle avait plus de pertes que prévu, chose qu'elle nous cachait jusque-là. En l'occurrence, il est très difficile pour nous d'accepter cela, d'autant plus que je me suis laissé dire par un membre du conseil d'administration - qui ne fait pas partie des Verts mais qui est un membre de l'Entente - qu'il s'était amusé, dans l'article de l'«Hebdo», à souligner tout ce qu'il ne savait pas, lui, membre du conseil d'administration : pour finir, il s'est avéré que ce qui était souligné, ce qu'il ne savait pas représentait grosso modo la moitié de l'article. Cela est quand même assez inquiétant... (Commentaires.) Il n'y avait pas de raison qu'il le sache ? Eh bien, si, Monsieur Marti ! Je crois justement que, si on veut une politique de transparence, il faut commencer par reconnaître les problèmes qui se posent, sinon on ne peut que construire sur du sable !

Revenons à cette augmentation de capital de 300 millions. Nous, les Verts, sommes d'accord, comme d'autres l'ont déjà dit, de participer à cette augmentation de capital, mais nous poserons aussi des conditions. Nous avons réfléchi à quelles seront ces conditions et nous en voyons quatre, qui sont, en gros, résumées dans la motion - motion qui dit non pas rien, mais pas mal de choses.

1. Une charte éthique. C'est une vieille revendication, ce n'est évidemment qu'un symbole, mais un symbole important. Cette charte avait été demandée en 1993, lors de la fusion, par Andreas November. Elle n'avait pas été acceptée et il faudra cette fois-ci en rédiger une.

2. La transparence. Il est très important qu'on dise la vérité aux administrateurs et au Conseil d'Etat. Evidemment, le Conseil d'Etat doit lui aussi demander la vérité, c'est une autre paire de manches !

3. Un meilleur contrôle sur les administrateurs. C'est une chose que nous demandons dans notre motion, une chose difficile, mais il va falloir y arriver. On ne peut pas désigner n'importe qui comme administrateur, y compris des gens qui ne comprennent rien au fonctionnement d'une banque, hélas !

4. Il va falloir se poser la question - et cela n'a été dit par aucun des préopinants - d'un renouvellement éventuel au sein de la direction.

Dernière remarque, à l'intention du rapporteur de minorité, M. Grobet. Vous proposez un contrôle accru et que l'ICF soit l'organe de contrôle. A cet égard, nous devrons nous poser deux questions lorsque nous aurons renvoyé votre projet de loi en commission. La première : est-ce la mission de l'ICF de contrôler une banque cantonale ? Je n'en suis pas sûr, mais nous en discuterons en commission. Deuxième question : quelle est la compatibilité de cette proposition avec le droit existant, cantonal et fédéral ? Il va falloir examiner cela aussi, ce qui risque de ne pas être simple.

M. Bernard Annen (L). Tout d'abord, j'aimerais me joindre à ceux qui ont remercié et félicité la présidente de la commission d'enquête et rapporteure de majorité aujourd'hui, tant le travail a été difficile, délicat, et tant elle a fait preuve, à notre avis, de la plus grande diligence dans le traitement de ce dossier. C'était un travail important, elle a mis ses services à contribution et cela doit être relevé. Dans le rapport, chaque mot, chaque phrase a été pesée. Etaient ressorties un certain nombre de considérations des uns et des autres lors de la lecture du rapport, mais finalement elle a trouvé les mots justes et un consensus a été trouvé en fin de travaux. Je crois qu'on peut dire un grand merci à Mme Sayegh pour la qualité de son rapport.

Mesdames et Messieurs, rien dans l'enquête menée par la commission parlementaire, mais absolument rien, n'a permis à l'un ou l'autre des commissaires - excepté peut-être M. Grobet, qu'on n'a pas vu souvent ! - d'avoir la plus petite des convictions, d'avoir le plus petit soupçon quant à des malversations des dirigeants actuels de la BCG. Cela, naturellement, est insupportable à nos adversaires qui, tout au long de nos travaux, ont tout tenté afin de démontrer le contraire. S'il y avait eu la moindre fissure suspecte, l'Alliance de gauche l'aurait montée en épingle, pour la seule satisfaction de ne pas avoir eu tort de demander la création de cette commission d'enquête.

Mesdames et Messieurs, force est de constater que la montagne a accouché d'une souris ! Rien de plus que ce que l'on savait déjà depuis la fusion consacrée par la loi de 1993 n'a été dénoncé. C'est vrai, en 1993, l'on savait déjà que la Banque hypothécaire et la Caisse d'épargne avaient été prises, comme toutes les autres banques, dans la tourmente des années 80. Les grandes banques suisses, à elles seules, ont perdu - cela a été dit tout à l'heure par Mme Bolay et mes chiffres doivent être exacts, puisqu'ils sont sensiblement les mêmes que les siens - ont perdu plus de 8 milliards, uniquement sur la place de Genève ! Elles aussi ont des responsabilités vis-à-vis de leurs épargnants, il faut s'en souvenir. Elles aussi ont pris des risques qualifiés aujourd'hui d'inconsidérés. C'est vrai, actuellement, personne n'adopterait la politique d'investissement de cette époque. Mais, dans ces années d'emballement du marché de l'immobilier et, qui plus est, de surcapacité monétaire des banques, ne l'oublions pas, la politique bancaire était, pour l'ensemble des établissements de crédits, la course aux prêts faciles. Cette tendance était générale et pas du tout unique à la Banque cantonale, nous le savons tous.

Alors, pourquoi ce harcèlement de cette banque et de ses dirigeants, harcèlement qui ne peut que nuire à l'image de notre Banque cantonale ? A l'heure de la concentration et de la rationalisation, qui paraissent à d'aucuns extrêmes, le créneau de la proximité et du soutien à l'économie locale doit être préservé. Qui d'autre que la Banque cantonale est le mieux placé pour remplir cette mission ? Nous devons lui faire confiance, cela a été dit, et ce n'est pas en présentant un projet de loi comme celui de M. Grobet que nous allons y contribuer.

Celui-ci, Mesdames et Messieurs, demande, dans les faits, ni plus ni moins que de supprimer purement et simplement le secret bancaire. Pour faire passer ce projet de loi - j'ai pu le lire dans la «Tribune de Genève» hier - l'Alliance de gauche conditionne son acceptation de l'augmentation du capital de la BCG au vote de son projet de loi par notre Conseil ! Quel amalgame ! Quel véritable chantage ! Mais il est vrai que l'Alliance de gauche nous y habitue depuis un certain temps...

En l'occurrence, quel risque ce parti veut nous faire prendre de rater le soutien à l'économie genevoise et son corollaire, qui reste la lutte contre le chômage ! Il faut savoir, Mesdames et Messieurs, que la demande d'augmentation du capital présentée par la banque n'est pas ce que vous soupçonnez, à savoir une demande pour rembourser ces prêts auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, mais que la banque n'a qu'un seul but, c'est de consolider ses fonds propres, seul moyen d'accorder des prêts notamment - et cela a été dit également par Mme Bolay - aux petites et moyennes entreprises. En effet, il vous faut savoir que chaque franc prêté impose 8% d'augmentation des fonds propres. Autrement dit, si la banque prête un million, il lui faut 80 000 F de fonds propres supplémentaires. C'est dire à quel point la démarche de l'Alliance de gauche met en péril le volant de la croissance de notre économie cantonale... (Exclamations.) Eh oui, c'est ainsi, Monsieur Spielmann !

N'est-ce pas, Mesdames et Messieurs, de notre responsabilité de fournir à la Banque cantonale les moyens nécessaires et suffisants pour qu'elle puisse atteindre les objectifs que la population peut légitimement attendre d'elle ? L'un de ces moyens est l'augmentation du capital et nous y souscrivons. Un autre, et non des moindres, est la crédibilité ; or sans confiance il n'y aura pas de crédibilité. Alors, cessez, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, vos procès d'intention ! Ils ne servent que vos objectifs politiciens, pas tellement recommandables par ailleurs, et desservent totalement l'intérêt général de ce canton.

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Comme M. Annen a monté les tours, il va falloir lui répondre ! Genève est l'une des places financières du monde pourvue du plus grand nombre de banques. Elles sont de tous types et réputées pour leur très grande compétence. La seule justification d'une banque cantonale, celle que la gauche a toujours voulue et qu'elle a défendue, c'est d'être au service de la communauté, c'est-à-dire très précisément de fournir un service que les autres banques privées installées sur la place ne fournissent pas nécessairement, de financer des projets que les autres banques ne financent pas nécessairement. Or, tout le monde le sait désormais, Monsieur Annen, et vous venez de le proclamer à cor et à cri : nous sommes confrontés aujourd'hui à une banque cantonale placée dans les plus grandes difficultés, parce qu'elle s'est, vous l'avez dit vous-même, comportée comme les autres banques et qu'au surplus elle a été gérée lamentablement, en accumulant, malgré tous les avertissements, les erreurs les plus crasses.

Je crois que le seul et important mérite de notre commission d'enquête BCG, présidée par Mme Sayegh, a été de mettre en lumière, mezza-voce il est vrai, cette mauvaise gestion dans les deux cas que nous avons examinés. Il a fallu toute l'énergie de certains syndicalistes dans le canton de Vaud et de certains journalistes pour porter, dans un premier temps, le problème à la connaissance du public et de la justice, et la volonté obstinée de l'Alliance de gauche, plusieurs fois contrecarrée, pour imposer l'examen de ce Grand Conseil.

Ce que le rapport ne dit pas explicitement mais démontre suffisamment par les faits rapportés, c'est que la Banque cantonale - et, avant elle, avant la fusion, la Caisse d'épargne et la Banque hypothécaire - a trahi d'une certaine façon sa mission initiale. Conduite par des gens sans exigence aucune vis-à-vis de l'intérêt public prépondérant qu'elle est censée servir, des gens dépourvus, dans un certain nombre de cas, de la compétence économique nécessaire et du savoir bancaire certainement - ce qui est, pour ce dernier point, relativement normal pour un avocat d'affaires et pour des représentants de partis politiques qui composent le conseil d'administration de la banque, et je n'exclus pas les représentants de gauche - elle a, au lieu d'assurer son mandat public, tenté de concurrencer les grandes banques privées. Cela l'a conduite à la situation que l'on connaît, dont ses dirigeants se justifient en expliquant, comme vous venez de le faire, Monsieur Annen, que toutes les banques de Suisse et du monde entier ont aussi essuyé des pertes considérables, après les années folles de prêts et d'investissements spéculatifs de la décennie 80.

Mais, précisément, la BCG n'est pas une banque privée qui rend compte à ses seuls actionnaires privés ! Au titre de banque cantonale, elle doit rendre des comptes à la collectivité, en premier lieu au Conseil d'Etat, qui garantit les dépôts des épargnants et est chargé d'une surveillance en vertu de la loi cantonale. Et si cette surveillance, comme l'ont dit mes préopinants, a été transférée par la loi fédérale à la Commission fédérale des banques, le rapport de la commission du Grand Conseil que nous examinons établit bien que cette surveillance de la Commission fédérale des banques n'est pas exclusive et qu'il reste, dans le dispositif légal, une fenêtre pour la surveillance par notre Conseil d'Etat de ce qui concerne le respect de la loi cantonale, donc aussi pour la haute surveillance par notre Grand Conseil, que nous devons concevoir avec sérieux comme une sorte de surveillance de la surveillance.

A réitérées reprises, le comportement des deux banques BCG et CEG, puis de la BCGe au cours des années passées, a été stigmatisé dans ce Grand Conseil. Et je le dis d'autant plus fermement que chaque fois que je suis intervenue sur ces affaires, depuis les années 80, j'ai soulevé une indignation et des cris d'orfraie sur les bancs de droite.

Je voudrais donner trois exemples de ce comportement. Tout d'abord, Monsieur Annen, vous semblez dire que la politique spéculative des années 80, ces années qu'on s'accorde à reconnaître comme des années folles, a été subie, voulue, assumée, consentie par tout le monde. Je peux vous dire, puisque je siégeais dans ce Grand Conseil en 85, qu'il y avait des gens pour la dénoncer et des gens pour la défendre !

Dans une période où Genève a été ravagée par la spéculation foncière, immobilière, son patrimoine urbain altéré ou détruit par des margoulins de tous poils, les locataires assommés par des loyers disproportionnés, ces établissements - la Caisse d'épargne et la Banque hypothécaire - au lieu de défendre les intérêts des Genevois, ont financé un certain nombre des pires prédateurs de cette République, que vous vous accordez aujourd'hui à reconnaître comme des prédateurs. Je pourrais égrener les heures de cette chronique que j'ai suivie de très près.

Rappelez-vous que nous avons évoqué ici la vente de l'Hôtel d'Angleterre, dont même les banques privées avaient refusé d'assurer le financement, tellement le montage financier des acquéreurs était branlant. Ils se servaient d'un prêt accordé par la Caisse d'épargne pour l'achat d'un autre immeuble à Genève, qui devait servir à l'installation d'un EMS et qui avait été surévalué par l'expert de la banque, un architecte entrepreneur désormais en faillite, à 6 millions, alors qu'après coup on lui a reconnu la valeur de 2 millions. Cet immeuble, surévalué au triple de sa valeur réelle, dont le promoteur spéculateur espérait faire un EMS que l'Etat, normalement, aurait subventionné, servait de caution à un autre prêt accordé par une autre banque publique pour l'achat de l'Hôtel d'Angleterre aux environs de 40 millions !

Voilà les montages auxquels nous avons assisté, qui ont été dénoncés, qui ont été au coeur des discussions lors de la fusion et dont on n'a pas voulu tenir compte pour essayer, à ce moment-là, d'exiger des explications des dirigeants de la banque. Tout ce monde, banquiers, architectes, experts, promoteurs, était dans les meilleurs termes du monde et tandis que la machine financière renâclait à travers le monde - c'était la deuxième moitié des années 80 - ne sentait rien venir, copinant et je dirais même, dans certains cas, prévariquant à loisir.

Non seulement donc les banques publiques n'ont pas défendu l'intérêt public, mais elles se sont lancées dans des affaires spéculatives archi-nulles et même dans celles que les grandes banques privées refusaient de faire. Et lorsqu'au contraire une coopérative demandait un prêt, comme on l'a vu récemment avec l'affaire de la Coopérative Jean-Jaquet, la banque se permettait de refuser d'entrer en matière...

Deuxième exemple, on en a déjà longuement parlé : l'acquisition d'actions de PME, où la BCG, en l'occurrence d'abord la Caisse d'épargne, choisit pour ce faire la JS Holding SA de Jürg Stäubli. Ce personnage, vous le savez tous, s'était signalé en débarquant à Genève comme un Rastignac dans les années 80, en expulsant des squatters par des méthodes musclées, sinon criminelles, et en s'abattant sur tout ce qui était à acheter et à revendre en ville. Il était notoirement connu comme un type bizarre, dangereux et en tout cas hautement suspect. Et c'est lui que la CEG choisit comme cheval pour porter sa nouvelle politique commerciale d'acquisition d'actions de PME. La fusion des deux banques n'a pas réfréné l'ardeur et la dévotion de nos banquiers à l'égard de ce personnage, qui a conduit finalement ses affaires et les PME elles-mêmes à leur perte. Merci pour l'intérêt public !

La BCG, c'est mon troisième exemple, s'est lancée dans la gestion de fonds privés, créant à cet effet une division, toujours pour concurrencer les grandes banques privées dans la captation de la manne de l'évasion fiscale, à l'abri du secret bancaire. Qu'on nous explique ce que cette politique a à voir avec les objectifs que nous entendons défendre et qui sont fixés par la loi au fonctionnement de la BCG ! Ce n'est certes pas de cette manière que l'intérêt genevois doit être compris.

Nous sommes donc ce soir, députés du Grand Conseil, confrontés à une situation paradoxale. La droite libérale, qui gouverne effectivement notre pays, a pour l'un de ses chevaux de bataille actuels la liquidation des banques cantonales, qu'elle considère, je cite, «comme des gouffres à millions et comme des institutions archaïques». Je me réfère non seulement aux attaques que nous avons entendues de la part de nos propres banques privées à Genève, mais surtout aux déclarations explicites de Lukas Mühlemann, président directeur général du Crédit suisse, parues le 8 janvier dernier dans le «Sonntags Blick». Nous sommes dans cette situation paradoxale où la droite suisse combat l'existence des banques publiques, que la gauche défend, et où à Genève la droite a refusé de constituer une commission d'enquête, a refusé de revenir sur le passé, a couvert et entend probablement couvrir encore des erreurs multiples de la BCG, voire des abus, ainsi que, bien sûr, la médiocrité intellectuelle des dirigeants qui ont mené cette politique. Et c'est bien là que le problème principal réside, pas dans l'institution elle-même, ni dans ses objectifs visant l'économie locale et régionale, l'aide aux PME, aux bâtisseurs de logements - ce discours-là, Monsieur Annen, je peux l'entendre et je le soutiens.

Le Conseil d'Etat a «laissé couler» depuis la fusion, refusant d'entrer en matière, alors que la législation le lui permettait. De législature en législature, il a maintenu à la tête de la banque, en pleine connaissance de cause, des politiciens dont le comportement professionnel et personnel était critiqué abondamment dans le public. Il n'a pas exercé son devoir de surveillance, nous n'avons pas exercé le nôtre, surveillance de la surveillance, et nous nous retrouvons dans cette situation. C'est la raison pour laquelle, tout en participant avec un grand intérêt aux travaux de cette commission, les députés de l'Alliance de gauche, s'ils n'ont pas entendu combattre la miniproposition visant à ce que le Conseil d'Etat prenne au sérieux sa fonction de surveillance, sont convaincus que les structures actuelles ne sont pas propres à permettre cette surveillance.

Nous en avons eu la preuve, notamment après que nos travaux se furent terminés, avec l'explosion des affaires de la filiale de Lyon de la Banque cantonale, avec les articles parus dans la presse, avec les aveux de la BCG. Il faut rédiger la charte éthique dont parlait notre collègue Nissim, pour que les objectifs d'une banque publique que nous partageons tous puissent être réellement mis en oeuvre, pour éviter que ne se recréent, dans le laxisme de la vague économique et financière dominante, des pratiques désavouées par le public et par la plupart des politiciens sérieux de cette enceinte, mais contre lesquelles on ne peut plus rien faire lorsqu'on les donne comme légitimes, parce que légitimées par le champ financier dominant.

C'est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne et, je crois, en ce qui concerne l'AdG, nous demandons la tête des dirigeants actuels de la BCG. Nous nous abstiendrons lors du vote de la motion issue de la commission et nous vous invitons à soutenir le projet de loi issu de notre position de minorité.

M. Bernard Clerc (AdG). L'essentiel a été dit et je voudrais ici simplement revenir sur la lettre du 14 janvier que nous a adressée la Banque cantonale et sur un point qui me paraît fondamental. La BCG nous dit : «Pas de banque sans confiance». Malheureusement, la politique menée par les organes dirigeants de la banque, depuis sa création en 1994, est allée exactement à fin contraire, puisque cette politique a consisté à minimiser les risques et à dévier en touche. C'est-à-dire que toute question posée à la banque cantonale était suspecte de manoeuvre politicienne ne visant qu'à la déstabiliser.

Lorsqu'on dit que la banque a minimisé les risques, les chiffres sont là pour le prouver. En effet, à la création de la banque, les risques étaient évalués à environ 600 millions ; ensuite, on est passé progressivement à un milliard et aujourd'hui tout le monde reconnaît que c'est au minimum 1,5 milliard de pertes qui ont été enregistrées ou qui sont probables. Et cela alors que le marché immobilier se redresse dans le canton.

Ce ne sont donc pas là des fantasmes du grand public, Madame de Tassigny. Ce ne sont pas des fantasmes de l'Alliance de gauche. C'est la réalité économique de cette banque. Et, pour rétablir la confiance, il faut dire la réalité, et surtout ne pas la dire sous la contrainte des articles de presse, car là on est sur la défensive et on augmente effectivement les risques. Il faut expliquer les causes de cette réalité, y compris admettre les erreurs du passé et, bien sûr, tirer les conséquences en matière de management. A cet égard, certains de ceux qui ont pris des risques inconsidérés ou qui les ont couverts sont toujours à des postes dirigeants et cela n'est pas admissible.

Je suis d'accord avec Mme Hagmann, lorsqu'elle nous dit que la banque n'est pas une machine à fournir de l'argent à des amis politiques. Ah oui, ah sans doute ! Mais alors, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, lorsqu'on dit cela, je crois que c'est de votre côté qu'il faut regarder. Que nous sachions, ce n'est pas du côté de l'Alliance de gauche qu'on a reçu des dons de M. Gaon pour des campagnes électorales ! Au lieu de politique politicienne, moi je parlerais plutôt de copinage s'agissant de la banque cantonale.

Ceci m'amène au projet de loi, qui n'est pas un projet de loi de Christian Grobet, comme disent certains qui, une fois de plus, se focalisent sur le député de notre fraction, rapporteur de minorité... (Exclamations et commentaires.) C'est en l'état un projet de loi de l'Alliance de gauche, qui demande un contrôle accru de la Banque cantonale, parce que celle-ci bénéficie - je suis étonné qu'on ne l'ait pas encore dit ce soir et je tiens quand même à vous le rappeler - d'une garantie de l'Etat qui se chiffre aujourd'hui à plus de 4 milliards ! Et nous n'aurions rien à dire ? Nous ferions confiance aveuglément aux dirigeants actuels qui l'ont conduite dans la situation où elle est ? Nous ferions confiance à la commission fédérale des banques, dont on sait qu'elle ne fait qu'éplucher les rapports de la fiduciaire et qu'elle n'intervient que lorsque la situation est vraiment dramatique ? Non, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agira d'établir un véritable contrôle de la part des collectivités publiques sur cette banque cantonale, parce qu'effectivement cette banque n'appartient à aucun parti de cette enceinte et qu'elle appartient au peuple de Genève : c'est lui qui l'a voulue, c'est lui qui la finance et c'est à lui qu'il convient de rendre des comptes ! (Applaudissements.)

Mme Salika Wenger (AdG). Bien des choses viennent d'être dites dans cette salle à propos de la BCG. J'aimerais souligner que l'une des plus importantes est l'absence de contrôle digne de ce nom, bien que ce matin, dans la «Tribune», M. Fues ait déclaré que le contrôle lui paraissait largement suffisant.

A propos des procès d'intention, Monsieur Annen, dont vous parliez tout à l'heure, on peut se demander comment il est possible que le Tribunal de grande instance de Lyon, présidé par le juge Muller, déclare à propos de la BCG, le 2 octobre 1998, au moment du jugement de M. Mengez, un escroc notoirement en contact avec le milieu lyonnais, je cite : «Cet établissement, en toute connaissance de cause, a mis en place un mécanisme permettant de faire travailler de l'argent de provenance douteuse. Ses responsables se sont efforcés, durant l'enquête, de dissimuler par le mensonge leur complicité objective avec les réseaux criminels, qui peuvent ainsi, profitant de l'opacité des frontières, donner aux revenus de leurs activités occultes une apparence légale.» Je tiens ce document à votre disposition, Monsieur Annen !

Quant au rapport des contrôleurs externes, qui, je le dis en passant, sont les mêmes en France qu'à Genève, ceux-ci déclarent à la même époque : «Nous certifions que les comptes annuels sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du résultat de l'exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la banque à la fin de cet exercice.» On se demande quel type de contrôle, ils exercent !

D'autre part, on parle aussi de notre Banque cantonale dans une revue française très spécifiquement destinée aux investisseurs. On peut y lire des critiques très sévères à propos de notre banque, par la voix de M. Bernard Monod, qui a été le directeur général des filiales françaises de la BCG : «Un système de grande ampleur permet à cette banque d'introduire en France, pour le compte de professionnels indépendants, des sommes d'origine très douteuse. Concrètement, les intermédiaires ouvrent des comptes bancaires en Suisse dans cet établissement au nom d'hommes d'affaires ou de financiers français. Plus tard, leur argent leur revient sous la forme de prêts fictifs grâce aux filiales de la BCG installées à Lyon et à Annecy. Au cours des trois années, les sommes engagées dans ce type de transferts atteindraient plus de 500 millions. On a estimé qu'un tel dispositif servait essentiellement à des opérations d'évasion fiscale - ce qui n'est déjà pas très glorieux ! - mais au regard des personnalités impliquées dans ce réseau ainsi que des montants en jeu, les experts penchent davantage pour une structure de blanchiment.» Il s'agit là encore d'un document que je tiens à votre disposition, Monsieur Annen, qui est distribué à des gens de la finance. Que croyez-vous que l'on puisse penser de cette banque en France, Monsieur Annen ?

Que la BCG ait envie de jouer dans la cour des grands, cela n'a rien de répréhensible en soi, mais qu'elle choisisse les pires branches de cette activité, voilà qui aurait dû alerter les soi-disant contrôleurs de cet établissement et peut-être la direction.

Nous ne voulons pas être les fossoyeurs de la BCG ; nous entendons simplement qu'elle remplisse son rôle de moteur de l'économie genevoise et qu'elle ne se perde pas dans l'enfer des spéculations et autres activités à risques. C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter le projet de loi de l'Alliance de gauche. Enfin, je demanderai l'appel nominal au moment du vote !

M. Jean Spielmann (AdG). Beaucoup a déjà été dit sur la Banque cantonale, mais je pense qu'il vaut la peine de rappeler ici les batailles qui ont été conduites pour la mettre en place.

On a d'abord lancé une initiative populaire, malheureusement refusée de justesse en 1947, et à l'époque les argumentations qui visaient à empêcher la création de cette banque portaient sur le fait qu'il existait déjà à Genève la Caisse d'épargne et la Caisse hypothécaire. Ensuite, un député socialiste, Alex Burtin, est intervenu à deux reprises, en déposant un projet de loi en 1964, puis en 1968, visant cette fois-ci la fusion des deux établissements. Il n'y a pas eu de suite, suite au refus d'entrer en matière de la part de l'ensemble des partis composant l'Entente.

En revanche, en 1993, on vote la fusion et la création de la Banque cantonale, que l'Entente avait toujours refusée. Pourquoi ? A mon avis, pour trois raisons principales. La première découlait certainement d'un constat politiquement défendable : il convenait de mettre en place une banque qui puisse venir en aide aux entreprises de ce canton, puisque les grandes banques avaient pris d'autres orientations et prenaient trop peu de risques pour aider les PME genevoises. Je rappelle qu'à l'époque, et je le dis aussi bien à Mme de Tassigny qu'à M. Seydoux, les banques faisaient 20% de bénéfice par année, même si elles ont ensuite connu des difficultés - certains ont avancé le chiffre de 8 milliards de pertes. En 1993, l'UBS avait vu exploser tous ses bénéfices, jamais elle n'avait gagné autant et, paradoxalement, plus la crise était sévère pour une grande partie de la population et des entreprises, plus nos grandes banques gagnaient de l'argent. Et cela parce qu'elles avaient changé d'attitude, parce qu'elles avaient pris une orientation qui n'était pas celle que nous souhaitions voir prendre, quant à nous, à la future Banque cantonale. C'est peut-être ce qui explique que les bancs d'en face ont dit : «Allons-y, créons cette Banque cantonale.»

Je vois encore d'autres arguments qui ont joué en faveur de la création de la banque. Dans son rapport de majorité à l'époque, M. Lachat parlait de deux motivations pour la création de la banque cantonale : soit une fusion raison, soit une fusion sauvetage. La fusion raison découlait du fait que les deux établissements avaient déjà changé leurs activités, que la Caisse hypothécaire était devenue la Banque hypothécaire, qu'elle n'était plus seulement la banque des communes pour les hypothèques, mais qu'elle avait aussi d'autres activités. La fusion sauvetage tenait au fait qu'on s'était rendu compte que l'une des deux banques avait des difficultés et qu'il fallait trouver une solution. Que ce soit fusion sauvetage ou fusion raison, à l'époque, nous étions convaincus que cette Banque cantonale était nécessaire. Nous avons donc approuvé l'idée de la fusion et de la création d'une banque cantonale, en proposant cependant toute une série d'amendements, de modifications à la loi que vous retrouverez dans le Mémorial. Je me souviens d'avoir moi-même présenté plusieurs amendements.

J'ai parlé tout à l'heure de fusion sauvetage, mais nous savions que ce n'était pas tout à fait le cas. En effet, les chiffres des risques, des clients douteux donnés dans les rapports, cela a été dit tout à l'heure, étaient de 600 millions, ce qui ne représentait que 6% pour la Banque hypothécaire et 5% pour la Caisse d'épargne. On se rend compte aujourd'hui, où l'on est passé de 600 millions à 1,5 milliard, que ces 5% et 6% ne recouvraient certainement pas toute la réalité. Certains ici en avaient probablement conscience et cela les a probablement incités à voter pour la création d'une Banque cantonale, mais dans le pur esprit libéral décrit tout à l'heure par M. Annen et Mme Hagmann : une banque doit faire des affaires et peu importe ce qu'elle fait, n'y mettons pas notre nez ! C'est dire qu'à cette époque la fusion se situait entre la raison et le sauvetage.

Il y avait aussi une volonté de voir se poursuivre ses activités et un des gros problèmes que nous avons rencontrés au sein de l'Alliance de gauche - la banque n'était pas notre cible, au contraire, nous appelons de nos voeux depuis cinquante ans la création d'une banque cantonale - c'était qu'elle fonctionne, qu'elle n'ait pas de difficulté et qu'elle ne parte pas à l'aventure. Dans ce sens, au moment où l'on parle de recapitalisation - nous avons déjà dit que nous étions favorables à une recapitalisation - le problème reste celui des structures de l'institution. Pour ma part, je ne crois pas qu'il s'agit d'un problème de personnes ; on n'assurera pas l'avenir de la banque en le réduisant à des problèmes de personnes. En revanche, je crois qu'il s'agit d'un problème de structures et à cet égard le rapport de la commission est intéressant. L'enquête a apporté quelques lumières sur les activités de la banque, à propos desquelles on peut se poser une série de questions. A partir du moment où la banque achète une entreprise sans faire d'audit, à partir du moment où elle la donne à gérer à son personnel sans qu'il y ait un industriel ou quelqu'un qui connaisse le fonctionnement de l'industrie, il n'est pas étonnant que des problèmes se posent. Je ne dis pas que la banque ne doit pas s'occuper de certains domaines, mais elle doit au moins, au niveau des structures, être préparée et connaître les domaines, les activités dans lesquelles elle s'engage avant d'aller de l'avant. En l'occurrence, ce n'est pas un problème de personnes, c'est un problème d'institution, de structures, de capacités. De même, à partir du moment où la banque fait de la gestion de fortune, elle doit là aussi avoir des gens capables. Je ne dis pas qu'il y a eu incapacité partout, je constate simplement que les résultats obtenus démontrent que, dans l'institution, des structures manquaient ou ne fonctionnaient pas bien.

Dernier objet de mon intervention : il a été dit que la banque, dans le fond, devait agir comme n'importe quelle autre banque et qu'il ne fallait pas intervenir. Je me permets quand même de rappeler qu'en cas de fiasco - fiasco que personne n'espère et dont on est d'ailleurs loin, car il y a encore des perspectives d'avancement et, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous trouverons une majorité ici pour recapitaliser - mais si, par malheur, fiasco il devait y avoir, ce sont 4 milliards qui devraient être payés par l'Etat. Il n'est donc pas complètement indifférent, pour les épargnants de la Banque cantonale, pour l'Etat, pour les communes, de savoir comment l'argent qu'ils ont placé dans cette banque est géré. Jusqu'ici, quand on pose des questions, la banque répond par la méthode Coué ; quand des journalistes publient une bribe d'information, elle répond par des mensonges. En l'occurrence, il faut que la banque, au niveau de l'institution et des structures, mette en place une politique d'information suffisamment transparente pour établir cette confiance qu'elle appelle de ses voeux dans la lettre qu'elle nous a adressée à tous.

Concernant les modifications de structures de l'institution, il faudra effectivement, au moment où nous parlerons de la recapitalisation, parler aussi de la répartition, de l'évolution et des buts de cette banque. Il faudra reprendre probablement quelques-unes des idées que nous avions émises au moment de la fusion et que vous aviez refusées, c'est-à-dire les idées concernant le contrôle, l'éthique, la finalité de la banque, sa forme institutionnelle et sa capacité d'intervenir dans un marché ouvert et dans d'autres domaines que les hypothèques des communes ou l'épargne des personnes. Nous devons avoir des garanties, pas seulement pour nous - car, au fond, peu importe que l'Alliance de gauche soit rassurée - mais pour rassurer, à travers nous, la population, les clients de la banque et l'Etat qui garantit quand même les dépôts. C'est ainsi que, les uns et les autres, nous réussirons à faire de cette Banque cantonale l'instrument que nous appelons de nos voeux depuis cinquante ans. Mais cessez de lui faire du tort !

M. Olivier Vaucher (L). Mon intervention se limitera au seul projet de loi 8181.

Tout d'abord, j'examinerai le champ d'application de la loi sur la surveillance. Ce projet de loi part du postulat pour le moins erroné que la BCGe est une institution cantonale de droit public, soumise à la surveillance interne de la gestion administrative et financière de l'Etat, exercée par l'inspection cantonale des finances, selon la loi sur la surveillance.

Or, je répète ce que d'aucuns connaissent déjà : la BCGe est un établissement autonome de droit public, constitué sous forme d'une société anonyme.

La création, par notre propre Conseil, d'une personne morale autonome montre bien ce que nous avons voulu, c'est-à-dire donner à cet établissement un statut indépendant de l'administration, dont l'ampleur a été fixée par la loi spéciale qui lui a donné naissance. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que sa surveillance dépend en priorité de la loi fondatrice, et non pas des dispositions qui concernent la surveillance générale inhérente à la hiérarchie administrative. D'ailleurs, des avis de droit confirment ce que je viens d'évoquer.

D'autre part, la BCGe n'est pas davantage une institution privée dans laquelle l'Etat possède une participation financière majoritaire, ou une représentation majoritaire au sein de ses organes supérieurs, ni un organisme privé bénéficiant d'une aide financière de l'Etat.

De ce qui précède, il faut tirer une première conclusion : sous l'angle de son statut juridique, la BCGe n'entre pas dans le nombre des institutions soumises à la surveillance interne hiérarchique de la gestion administrative et financière de l'Etat, exercée par l'ICF, selon la loi sur la surveillance.

Maintenant, je souhaite examiner le champ d'application de la loi portant règlement du Grand Conseil et la compétence d'examen et de surveillance de la commission de contrôle de gestion.

Il est, à cet égard, intéressant de relever que nous avons adopté, je vous le rappelle, le 26 mars dernier, donc bien dans le cadre de la majorité parlementaire actuelle, si je ne m'abuse, une modification de la loi portant règlement du Grand Conseil qui, depuis lors, prévoit clairement, au sujet des attributions de la commission de contrôle de gestion, que la BCGe n'est expressément pas soumise à l'examen et à la surveillance de cette dernière commission, nommée par nous-mêmes, je vous le rappelle.

Ainsi, le législateur que nous sommes a clairement et volontairement renoncé à attribuer à cette commission, qui contrôle la gestion du Conseil d'Etat lui-même, la compétence de contrôler la Banque cantonale. A fortiori, on ne pourrait pas concevoir que l'ICF, autorité de rang subordonné à la commission de contrôle de gestion, exerce un tel contrôle sur la Banque cantonale.

De là, je tirerai la deuxième conclusion suivante : sous l'angle de la compétence des autorités cantonales en matière de surveillance de la BCGe, il ressort de notre volonté affirmée et récente qu'il faut expressément exclure la BCGe de l'examen et de la surveillance de la commission de contrôle de gestion, et par conséquent de toute autre autorité cantonale qui lui est subordonnée.

J'analyserai enfin le non-respect du secret professionnel et bancaire et la violation du droit fédéral.

Les pouvoirs d'investigation du canton, dans le cadre de la surveillance résiduelle qu'il exerce au sujet du respect du droit cantonal par la BCGe, sont limités par le secret bancaire ainsi que par la protection des données et toute norme fédérale primant le droit cantonal, comme il en est ressorti des travaux de la commission d'enquête.

Ainsi, en dehors de la surveillance prévue par la loi, le banquier demeure tenu au secret professionnel, comme l'ont confirmé les avis de droit requis.

Or, comme je vous l'ai relaté précédemment, aucune norme cantonale ou même fédérale n'oblige la BCGe à une surveillance pouvant contrevenir au secret bancaire.

Ainsi, si par hypothèse ce projet de loi venait à être accepté, il ne fait nul doute, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un recours viendrait s'y opposer, arguant de la contrariété avec l'ordre juridique cantonal et de la violation de la force dérogatoire du droit fédéral.

C'est ainsi, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on peut conclure que ce projet de loi 8181 est contraire tant au droit cantonal en vigueur qu'au droit fédéral, et c'est pour cela que je vous invite à le rejeter. Et si, par hasard, il était renvoyé en commission, je demanderai à celle-ci, instamment, de s'appuyer sur un avis de droit analysant le bien-fondé de ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Depuis quelques années, la Banque cantonale fait beaucoup parler d'elle et certainement trop. En préambule et au risque de me livrer à des répétitions, j'aimerais relever ici l'excellente présidence de cette chère Mme Sayegh..., qui dès l'instant où on lui lance des fleurs va se mettre à écouter ! Certains préopinants l'ont dit et nous sommes tous d'accord là-dessus : vous avez fait en sorte, Madame, que nos débats, qui auraient pu déraper à chaque séance, demeurent sereins et tout à fait objectifs. Je vous en remercie d'autant plus que j'avais le souvenir d'une autre commission d'enquête sur l'OMC, où les débats avaient dérapé au point que les trois quarts des commissaires avaient boycotté les séances.

Mesdames et Messieurs les députés, l'histoire de la Banque cantonale commence avec la fusion de deux autres établissements et les deux problèmes qui ont motivé la constitution de cette commission d'enquête concernaient, l'un la Caisse d'épargne et l'autre la Banque hypothécaire. Prenons d'abord celui de la Caisse d'épargne : l'affaire Stäubli. Cela nous a été dit par les représentants de la banque, lorsque nous les avons reçus en commission : à l'époque, Stäubli était un homme actif sur le plan industriel et présent dans un certain nombre d'entreprises. La Caisse d'épargne lui a fait confiance. Ce n'est sans doute pas la meilleure chose qu'elle ait faite, mais il faut dire à sa décharge qu'à l'époque, comme aujourd'hui encore, M. Stäubli bénéficiait de la caution d'un homme unanimement reconnu comme un homme compétent et honnête en Suisse, soit l'ancien directeur général de Migros, M. Pierre Arnold. La caution morale et en partie financière de M. Pierre Arnold a très probablement joué un rôle dans la confiance qui a été accordée à M. Stäubli. En l'occurrence, c'était une erreur, mais qui n'en commet pas, surtout dans un milieu aussi volatile que le milieu bancaire, à une époque, cela a déjà été dit mais il faut le souligner, où les affaires s'emballaient les unes les autres ?

L'affaire Gaon, elle, concernait la Banque hypothécaire. Dans cette affaire, la banque n'est pas entièrement responsable de ce qui s'est passé, il faut bien le rappeler. Quand nous avons reçu les représentants de la banque, nous avons entendu certains faits relatifs à la manière dont avait été emmanchée l'affaire de Sécheron et donc l'affaire Gaon. M. Schmid, qui était membre du conseil de direction de la Banque cantonale et qui avait siégé anciennement à la Banque hypothécaire, nous a dit ceci à propos de Sécheron - car il faut maintenant dire les choses clairement : «Il y a eu un précédent, qui est le cas des Charmilles et qui ne devrait plus se reproduire, où seule une petite partie de l'industrie a pu subsister. ABB avait décidé de partir quelles que soient les conditions. Différents acheteurs se sont annoncés. Il fallait bien voir où il pouvait y avoir un avenir pour 800 emplois dans l'industrie.»

Voilà la motivation du conseil d'administration de la Banque hypothécaire de l'époque. Vous me direz qu'aujourd'hui cela a changé, mais ce n'est pas sûr. Et ceux qui disent aujourd'hui qu'on devrait soutenir l'industrie et favoriser les emplois devraient se rappeler qu'à cette époque le conseil d'administration de la Banque hypothécaire poursuivait les mêmes objectifs.

M. Schmid poursuivait : «Il semblait intéressant que Sécheron se construise derrière la gare. Avec les tergiversations du gouvernement, il en est résulté une friche industrielle. Sécheron n'est pas dans ses murs, c'est l'élément d'instabilité de l'entreprise le plus grand. Cela démontre que l'intérêt pour l'emploi industriel n'est pas pris en compte dans notre canton. Les pouvoirs publics, en changeant constamment d'exigences - M. Grobet est particulièrement bien placé pour savoir de quoi il s'agit, car il était au coeur du problème à l'époque ! - ont provoqué cette situation. Ils continuent à prétendre que ce prêt bien placé aurait pu donner des emplois dans l'industrie légère et des logements.»

Je cite encore : «M. Schmid espère qu'on arrivera à maintenir Sécheron à Genève. Il rend attentif au fait que cette politique a péjoré la position de Genève.» Cette politique, c'est celle du Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, qui était à l'époque multicolore, vous vous en souvenez, et dans lequel un certain député d'aujourd'hui jouait un rôle primordial, non pas pour décider, mais pour mettre les bâtons dans les roues chaque fois que cela était nécessaire... (Exclamations.)

«On s'est rendu compte qu'il était impossible d'empêcher de vendre, mais c'est dommage qu'on n'ait pas profité de cette occasion pour faire quelque chose de différent. La faute incombe au gouvernement genevois.» Voilà ce que nous a dit M. Schmid, alors membre du conseil de direction de la Banque cantonale, en ce qui concerne l'affaire Sécheron et par conséquent l'affaire Gaon. Quinze jours après, Mesdames et Messieurs, M. Schmid était débarqué du conseil d'administration de la Banque cantonale ! Je ne sais pas s'il y a un rapport de cause à effet, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que ce sont là de petites vengeances internes de la gauche. Mesdames et Messieurs, je vous laisse la responsabilité de cette grandeur d'âme !

Maintenant, arrivons-en au projet de loi du député Grobet. J'ai entendu à plusieurs reprises que le contrôle de la banque était superficiel et insuffisant. J'ai entendu que le contrôle interne était aux ordres de la direction. Je peux bien l'admettre à la rigueur. Le contrôle externe, lui, ne l'est pas. Ce contrôle externe est encore contrôlé - troisième contrôle - par la Commission fédérale des banques. Or, sur la Commission fédérale des banques, j'ai entendu des choses que je n'hésite pas à qualifier de calomnies. Il est faux de dire que le contrôle de la Commission fédérale des banques est superficiel. On nous a bien expliqué, y compris à M. Grobet, que la Commission fédérale des banques était très attentive à ce qui se passait dans les établissements dont elle avait la charge. Elle a avoué qu'elle s'était fait prendre une fois avec la banque régionale de Thoune et que, depuis, on ne l'y reprendrait plus, parce qu'elle sait maintenant comment déceler les problèmes qui peuvent se poser.

Evidemment, il est facile de dire que ce sont tous des pourris, des incapables, des vendus, y compris à la Commission fédérale des banques. On peut raconter cela dans ce parlement, puis tenter de convaincre une opinion qu'on aura chauffée au préalable, mais enfin, si on en est à dire que même la Commission fédérale des banques est une bande d'incapables et de superficiels, il n'y a plus qu'à tirer l'échelle et la place financière suisse en tirera les conséquences !

J'en reviens au projet de loi. Ce projet de loi est tout à fait radical - excusez-moi, chers amis radicaux - puisqu'il dit, en ce qui concerne le contrôle par l'inspection cantonale des finances : «La Banque cantonale ne peut pas invoquer le secret bancaire ni le secret professionnel dans le cadre des demandes de renseignements de l'inspection cantonale des finances.» Tout à l'heure, M. Grobet, ou quelqu'un d'autre, a expliqué que ces rapports de l'inspection cantonale des finances demeureraient confidentiels. Mon oeil ! On sait comment les rapports de l'inspection cantonale des finances demeurent confidentiels : ils ne sont pas encore publiés qu'ils paraissent déjà dans la presse ! Je me réfère à une affaire dont tout le monde a bien ri, celle de l'école d'infirmières du Bon Secours le printemps dernier : un simple projet de rapport avait été rédigé et le jour où ce projet de rapport a été transmis au Conseil d'Etat, il paraissait dans la presse. Alors, si c'est cela, la confidentialité de l'inspection cantonale des finances, on va bien rire !

D'autant plus que la phrase suivante du projet de loi dit : «Celle-ci présente un rapport annuel sur les contrôles opérés au sein de la banque.» A qui sont adressés ces rapports annuels ? A la commission des finances et à la commission de contrôle de gestion ! Et vous voudriez en garantir la confidentialité ? Mesdames et Messieurs les députés, si vous votez ce projet de loi tel qu'il est là, le lendemain il y aura la queue aux guichets de la BCG pour retirer les fonds. En effet, quel client de la Banque cantonale acceptera que l'inspection cantonale des finances puisse délier les employés de la banque du secret professionnel et que ceux-ci puissent donner des renseignements le concernant ? Qui acceptera cela ? Mesdames et Messieurs, pendant que vous y étiez, vous auriez dû prévoir que l'administration fiscale fasse ces contrôles ! Ainsi, on aurait bouclé la boucle ! (Rires et applaudissements.)

Quant à moi, je prétends que si le Grand Conseil, par malheur, votait ce projet de loi, il signerait l'arrêt de mort de la Banque cantonale, parce que le lendemain du vote les gens se précipiteraient aux guichets pour récupérer leurs fonds. Resterait à l'Etat à allonger les 4 milliards de garantie, une fois la banque en faillite, par votre faute. En effet, vous prétendez que vous voulez sauvegarder la banque, que vous voulez rétablir la confiance, mais en réalité vous voulez démolir la banque, parce que les gens qui la dirigent ne vous conviennent pas, parce que vous n'avez pas obtenu, dans le nouveau conseil d'administration, les places que vous cherchiez. Tout vous est bon pour démolir cette banque, même au risque de la mettre en faillite. Cela vous serait égal que l'Etat soit obligé d'allonger 4 milliards pour faire face à la faillite. En cela, vous êtes malhonnêtes, bien plus malhonnêtes que ceux que vous accusez de l'être ! (Protestations et applaudissements mêlés.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il reste trois orateurs inscrits en dehors des rapporteurs. Je propose de clore la liste des intervenants.

M. Bernard Annen (L). Bien entendu, notre collègue Olivier Vaucher a eu raison de faire la démonstration qu'il a faite, mais il n'apprendra rien à M. Grobet. Vous avez démontré, cher collègue, qu'il n'y avait aucune base légale, mais M. Grobet est justement en train de nous en proposer une et c'est là que la chatte a mal aux pieds !

Mesdames et Messieurs, j'ai repris la parole, parce que j'ai été interpellé à de nombreuses reprises concernant certaines de mes affirmations, affirmations qui ont donc fait mouche et qui contenaient certainement une part de réalité que vous avez de la peine à admettre, comme vient de l'exposer très justement M. Blanc.

Il est difficile de vous suivre quand vous imaginez le monde des affaires comme devant être un monde idyllique. Vous raisonnez comme si dans ce monde-là, et dans les autres par ailleurs, il n'y avait pas d'escroquerie possible. L'escroquerie existe dans tous les domaines et dans tous les secteurs de l'économie, y compris dans les Etats auxquels vous vous référez régulièrement. On le voit tous les jours, que ce soit en Allemagne ou ailleurs. Comment voulez-vous que, dans ce monde impitoyable, il n'y ait pas d'escroquerie ? Ce que je vous reproche le plus, c'est de prendre un cas précis pour dénoncer un dysfonctionnement, et d'avancer des arguments qui, à mon avis, ne visent qu'une chose, c'est la mort de la Banque cantonale.

Mesdames et Messieurs, posez la question à un épargnant, quel qu'il soit, à un actionnaire, quel qu'il soit, petit ou grand : que veulent-ils ? Ils veulent un maximum de rentabilité. C'est cela que veut l'actionnaire, mais aussi le petit épargnant. Et pour rentabiliser au maximum les fonds du petit épargnant, il est évident qu'il faut prendre un certain nombre de risques.

Par ailleurs, vous ne pouvez pas tenir un double langage, lorsque vous parlez des PME, du soutien à un certain nombre d'entreprises et d'investissements inconsidérés. Je reprendrai ici l'exemple du journal «La Suisse». Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous vouliez qu'on investisse, vous vouliez mettre à contribution la Banque cantonale et seulement la Banque cantonale. A l'époque, vous étiez certainement de bonne foi, car vous ne saviez pas que le déficit, que le trou portait sur des millions. Imaginons que ces millions aient été financés par la Banque cantonale : aujourd'hui, tout le monde dirait que c'était un investissement à haut risque. C'est dire qu'on ne peut pas avoir un double langage.

Il est vrai, Madame Wenger - je m'adresse à vous, car vous m'avez un peu surpris tout à l'heure - que le monde bancaire connaît une concurrence invraisemblable. Or, aujourd'hui, les concurrents de la Banque cantonale se réjouissent évidemment de ce déballage devant tout le monde ; ils se réjouissent, puisque cela va prétériter l'ensemble des opérations de notre banque. Et c'est là que vous prenez une énorme responsabilité, Madame. Ce que vous avez dit est de la pure diffamation... (L'orateur est interpellé. Brouhaha.)

La présidente. Madame Wenger, veuillez laisser parler M. Annen !

M. Bernard Annen. Les propos que Mme Wenger a tenus relèvent de la diffamation. Il est vrai que ce n'est pas elle qui les a écrits, il est vrai que ces propos ne sont pas les siens, mais je lui reproche de les véhiculer, de se faire utiliser par ceux qui lui ont donné ces documents. En fait, ces propos relèvent de la justice pénale, Madame. Aussi, transmettez cela au procureur général et, si vous avez raison dans ce que vous avancez, à ce moment-là, la justice pénale fera son travail et seulement son travail. Voilà la raison de mon intervention. Vous savez que j'ai beaucoup de respect pour vous, Madame, mais en l'occurrence j'ai été très étonné des propos que vous avez tenus tout à l'heure, lorsque vous avez lu cette prose qui vise finalement un seul et unique objectif, celui de couler la Banque cantonale.

L'Alliance de gauche nous dit qu'elle veut une Banque cantonale, mais laquelle ? Reconnaissez que vous voulez une Banque cantonale d'Etat ! Dites-le ! A ce moment-là, peut-être aurez-vous affaire à des gens aussi propres que vous pensez l'être. Quant à moi, je n'en suis malheureusement pas convaincu, parce que l'expérience a montré que des Etats que vous connaissez bien et qui avaient des banques d'Etat rencontrent aujourd'hui exactement les mêmes problèmes. C'est dire qu'à un moment donné il faut rester un peu humbles devant les soucis qu'une banque comme la nôtre peut avoir.

Mesdames et Messieurs, je crois qu'aujourd'hui nous devons, les uns et les autres, défendre cette banque, pour les raisons qui ont d'ailleurs été évoquées d'un côté de cette salle et de l'autre. De grâce, ne faites pas le procès des banques aujourd'hui à travers la Banque cantonale. C'est un faux débat, c'est un faux procès et vous en prenez l'entière responsabilité !

M. Michel Balestra (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, mes bien chers frères, mes bien chères soeurs, à la suite de ce débat, les thèmes principaux de l'Ecclésiaste me reviennent : rien de nouveau sous le soleil ; vanités des vanités, tout est vanité... Peut-être mon témoignage est-il aussi une forme de vanité, peut-être n'a-t-il rien de bien nouveau, mais je tiens également à l'apporter.

Je suis sans doute l'un des derniers députés à avoir fait partie de la commission de fusion de la Banque cantonale de Genève, avec Mme Sayegh et M. Dessimoz, président. Ceux-ci seront témoins et pourront dire avec moi que ce soir, dans le rapport de la commission ad hoc, il n'y a rien de nouveau sous le soleil et que ces risques avaient été identifiés. C'est là la dure réalité d'un débat qui devrait se baser essentiellement sur ce rapport de la commission ad hoc, chargée d'apporter au Grand Conseil des éléments pragmatiques sur les questions qui lui avaient été posées. Mais cette réalité est un peu morne, un peu grise et on préfère évidemment revenir à un débat un peu plus romantique. En effet, ce serait bien triste de se contenter de dire : Mesdames et Messieurs les députés, les risques importants que nous avons identifiés et sur lesquels nous avons rapporté avaient déjà été signalés à la commission de fusion et ont déjà été provisionnés.

En l'état, pour rendre ce débat romantique, il faut non pas mentir, mais accommoder la chronologie, les dates, les chiffres, notamment ceux des intérêts. En l'occurrence, quand le débiteur, en fin de course, ne peut plus payer un centime à son créancier, il est évidemment inutile de facturer des intérêts élevés, mais il est faux de dire que le débiteur en question a bénéficié dès le départ d'intérêts aussi bas. C'est ridicule, ce n'était pas le cas. Par ailleurs, on peut se poser la question de savoir s'il faut abandonner la créance pour être débarrassé d'un problème, ou s'il faut poursuivre, aller jusqu'au bout, même jusqu'au pénal. Quant à moi, je pense que c'est une attitude courageuse, que c'est bien d'aller jusqu'au bout, car il n'y a pas de raison que quelqu'un qui a nous a trompés ne doive pas payer. Mais, dans le débat que nous avons entendu ce soir, la chronologie des faits, les dates n'ont pas été respectées.

L'élément fondamental, qui a été rappelé par M. Annen, est la confusion qui est faite entre ce rapport de la commission ad hoc et la demande de la Banque cantonale d'une augmentation de son capital. M. Annen a rappelé très justement que, pour ses crédits commerciaux, une banque a besoin de 8% de fonds propres. Alors, ou la Banque cantonale continue avec son volume actuel, sa marge actuelle, ses bénéfices actuels. Ou elle décide d'augmenter le volume de ses prêts et pour ce faire elle doit augmenter ses fonds propres ; il s'agit là d'une règle.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez fait ce soir et je fais certainement le même débat que tous les soirs où nous avons parlé de la Banque cantonale genevoise. C'est un débat Banque cantonale genevoise traditionnel. Pourtant, le rapport de la commission ad hoc contient des détails qui auraient normalement dû apporter quelques éléments nouveaux à nous mettre sous la dent. Mais je n'ai rien entendu de nouveau, absolument rien ! Si je reprenais les Mémoriaux du Grand Conseil depuis le moment où nous avons voté la loi de fusion, je suis convaincu que je pourrais ressortir les mêmes arguments, les mêmes noms et les mêmes sommes, huit, neuf ou dix fois. Franchement, nous devrions nous poser la question de savoir si ce n'est pas le moment d'arrêter !

A titre personnel, j'ai confiance dans la Banque cantonale genevoise nouvelle. Nous avons bien fait de doter Genève de cet instrument déterminant. Et, là, j'aurais une maxime à citer, qu'il convient de ne pas oublier : «Fais attention à l'objectif que tu choisis, tu risques de l'atteindre !» Ce soir, certains ont identifié un objectif, mais en ont poursuivi un autre, me semble-t-il, et s'ils continuent, ils risquent de l'atteindre.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter la motion, qui est raisonnable, qui reprend des thèmes importants qui avaient été évoqués par les écologistes, par le parti socialiste et qui sont aujourd'hui largement acceptés. Je vous demande en revanche de refuser le projet de loi. Enfin, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, si vous poursuivez vraiment l'objectif que vous prétendez poursuivre, c'est-à-dire l'aide aux PME, je vous demande d'accorder le moment venu un volant de manoeuvre supplémentaire à la banque, lui permettant d'accompagner la reprise, et de cesser les mauvaises querelles dans l'intérêt de Genève et des Genevois.

M. Charles Beer (S). Il est incontestable que les banques, à la fin des années 1990 et en ce début 2000, ont un rôle excessivement compliqué, que la banque est pour le moins un métier à risques, où l'ensemble des investisseurs exigent le maximum de rendement pour le minimum de risques, ces différents objectifs se mariant quelquefois fort mal entre eux. Nous devons également remarquer que, pour les banques publiques, cette responsabilité est particulièrement difficile à assumer. J'en veux pour preuve ce qui s'est passé en France et dans d'autres pays d'Europe. Ainsi, régulièrement, le pouvoir politique s'est acoquiné, quels que soient les moyens de contrôle, de manière extrêmement douteuse avec le monde bancaire. Et ce n'est pas l'exemple du Crédit lyonnais en France qui viendra contredire mes propos.

Qu'avons-nous constaté, dans la commission d'enquête sur la Banque cantonale et les affaires Gaon et Stäubli ? En premier lieu, que la commission n'avait pratiquement aucun moyen d'action, aucun moyen d'investigation. L'Alliance de gauche et en tout cas Christian Grobet, qui était un des membres éminents de ce parlement à avoir demandé la commission d'enquête, ne s'y est d'ailleurs pas trompé et s'est rapidement rendu compte qu'il n'allait rien tirer des travaux de ladite commission, si ce n'est des impressions. En l'occurrence, ces impressions, Mesdames et Messieurs les députés, sont catastrophiques, il faut le dire. L'impression que nous avons eue est mauvaise, l'impression générale que nous avons eue à propos des affaires Gaon et Stäubli est horrifiante. Avons-nous des preuves, avons-nous un certain nombre d'éléments graves à divulguer ? De ce côté, c'est la déception pour un certain nombre d'entre nous, car nous n'avons rien ramené, encore une fois, si ce n'est une addition d'impressions extrêmement désastreuses.

Cela dit, les décisions que nous reprochons à la banque, particulièrement dans les affaires Stäubli et Gaon, n'auraient sans aucun doute pas pris une orientation différente si le Conseil d'Etat avait mis son nez dans les affaires des années 80. Bien au contraire. Dans le bain des années 80, je crois savoir que c'est plutôt le Conseil d'Etat qui demandait à M. Gaon d'investir massivement et à la Banque cantonale de le soutenir. Je ne pense donc pas, et j'y reviendrai tout à l'heure dans mes conclusions, que le tout contrôle au politique, le tout contrôle à l'exécutif permette d'assainir la gestion de la banque cantonale. Voilà pour ce qui est des impressions. Ces quelque vingt séances de commission n'ont amené qu'un lot de déconvenues, de désillusions assez importantes.

Finalement, nous nous sommes pourtant entendus sur un certain nombre de points relativement marquants et qui apparaissent dans la motion, en dehors de l'alternative proposée par le projet de loi, qui consiste à confier le contrôle à l'inspection cantonale des finances. Si cette divergence est apparue, c'est qu'au centre du débat réside une seule question, une question centrale : qui veut tuer la Banque cantonale ? Personne, mais tout le monde pense pourtant que c'est l'autre qui veut tuer la Banque cantonale. Ici, je relève qu'à l'époque où cette banque a été créée la commission de fusion avait rendu un seul rapport et qu'il y avait eu, sauf erreur de ma part, unanimité. Quant à moi, je suis persuadé qu'il y a toujours unanimité pour conserver une banque cantonale digne de ce nom.

Qu'attendons-nous d'une banque publique, si elle ne doit pas intervenir pour M. Gaon, pour la «Suisse», ou pour telle ou telle entreprise que nous estimons plus ou moins proche de nos centres d'intérêts et de la conception que nous avons des affaires publiques ? Et bien, nous attendons toutes et tous qu'elle apporte un soutien actif aux petites et moyennes entreprises et industries, un soutien très fort aux épargnants également, qui doivent avoir une confiance totale en la banque pour investir. Nous attendons que la Banque cantonale défende bien entendu l'emploi, qu'elle défende la qualité de l'emploi, qu'elle défende la proximité dans le sens notamment de l'insertion dans les quartiers, et qu'elle assure, bien sûr, une rentabilisation des capitaux investis. A cet égard, j'aimerais rappeler que le parlement n'a pas été l'acteur ou l'investisseur le moins discret, puisqu'il a demandé à réitérées reprises, par des motions successives, d'augmenter la rentabilisation des sommes qu'il avait investies dans la Banque cantonale. En même temps, nous demandons donc - je reviens à la question par laquelle j'avais abordé mon intervention - le maximum de rentabilité pour le minimum de risques.

S'agissant des risques, nous sommes tous d'accord pour dire que dans les années 80 les risques pris ont été catastrophiques, mais nous ne savons pas aujourd'hui quels risques sont pris par la Banque cantonale. Comment investit-elle l'argent, quels types de risques est-elle en train de prendre, à travers quels types d'opérations ? Il faut bien dire que nous n'avons pas confiance et que la transparence n'est pas de mise. La motion, et c'est pourquoi je la défends par rapport au projet de loi, a une vertu, c'est qu'elle ne prétend pas pouvoir tout régler en deux coups de cuillère à pot. Elle dit que les choses sont complexes et elle demande au Conseil d'Etat d'assumer la responsabilité qui est la sienne. Le Conseil d'Etat doit veiller à ce que les opérations ne soient pas spéculatives et ne mènent pas à des banqueroutes graves au point de nous amener, le cas échéant, à réinvestir massivement dans la Banque cantonale. Le Conseil d'Etat a une responsabilité, Madame la présidente du département des finances, c'est de rétablir la confiance dans la banque. Nous sommes conscients que la motion n'atteint pas cet objectif et que c'est votre réponse, la réponse du Conseil d'Etat qui sera de nature à rétablir la confiance. Le Conseil d'Etat peut, selon moi, répondre rapidement aux objectifs proposés par la motion, mais il doit accompagner sa réponse d'un électrochoc. En effet, quand il y a une crise de confiance, un certain nombre d'électrochocs, prouvant que quelque chose a changé, peuvent rétablir la confiance.

Je ne crois pas pour ma part au projet de loi de l'Alliance de gauche pour la raison suivante. Il propose un nouveau moyen de contrôle, c'est l'inspection cantonale des finances. Nous savons que les compétences de l'inspection cantonale des finances sont évidentes, mais son rôle par rapport au Conseil d'Etat l'est également et elle n'a pas forcément toujours le loisir de se comporter à sa guise. Par ailleurs, en France, dans l'affaire du Crédit lyonnais notamment, on a pu constater que, malgré tous les contrôles parlementaires sur la gestion et malgré la surveillance de la Cour des comptes, on n'a pas évité la débâcle. Nous ne pouvons donc laisser croire qu'un contrôle supplémentaire par l'ICF serait de nature à rétablir la confiance.

En revanche, il s'agit de rappeler que le parlement a des moyens et que le Conseil d'Etat refuse de les utiliser spontanément. Nous pensons, pour notre part, que le Conseil d'Etat doit prendre ses responsabilités, se déterminer, répondre très clairement et dans un temps record, si possible, à cette motion, en accompagnant sa réponse d'un certain nombre d'électrochocs qui entraînent changement, transparence et confiance !

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Les propos, tout à l'heure, de M. Balestra et sa formule assez simple étaient représentatifs de la manière d'appréhender cette question qu'ont les partis de l'Entente ce soir. Pour M. Balestra, rien de nouveau sous le soleil ! Il revient à ce point crucial de la création de la Banque cantonale pour préciser, je reprends ses propos, que les risques avaient été identifiés. Non, Monsieur Balestra, vous savez que les risques n'avaient pas été identifiés, ou du moins qu'ils n'avaient pas été identifiés correctement.

Puisque vous étiez membre de la commission qui a examiné le projet de loi du Conseil d'Etat pour la création de la banque, vous devez avoir en mémoire le rapport de M. David Lachat, dont une partie était précisément consacrée à la réponse de la banque aux préoccupations exprimées par un certain nombre de députés, principalement sur les bancs de la gauche, et par un ou deux conseillers d'Etat. Ces préoccupations étaient : quel est exactement le montant des pertes potentielles de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire ? Le rapport de M. Lachat donnait des chiffres très détaillés, le nombre des dossiers, les montants en jeu, au million près, etc. En additionnant les provisions créées par la Caisse d'épargne et la Banque hypothécaire, on arrivait approximativement à 600 millions de francs. J'entends encore le président actuel de la Banque cantonale, qui à l'époque représentait la Banque hypothécaire, et le directeur général de la banque certifier à une délégation du Conseil d'Etat, dont j'étais membre, que ces 600 millions de provisions étaient de nature à couvrir l'intégralité des risques. Or, aujourd'hui, il s'avère que les pertes sont de 1,5 milliard au minimum, c'est-à-dire presque trois fois plus que ce qui avait été dit il n'y a pas si longtemps, il y a sept ans ! Il est donc faux de dire que les risques étaient identifiés.

D'autre part, on a entendu ce soir certains députés répéter la même litanie, à savoir que la banque avait été victime, je cite, de l'inflation et de la spéculation. Il est vrai que la banque a été prise dans ce tourbillon, mais elle a aussi commis un certain nombre d'erreurs. Il faut du reste mettre au crédit de la direction de la banque que, lorsqu'elle a été entendue par la commission, certains membres de la direction et un ou deux administrateurs ont reconnu qu'effectivement il y avait eu de très graves erreurs. M. Blanc a, lui aussi, reconnu tout à l'heure qu'il y avait eu des erreurs. Je ne vais pas entrer dans les détails ou décrire certaines opérations ; le seul montage de l'opération Stäubli prendrait dix minutes. Mais pour ceux qui se sont donné la peine d'écouter et de tâcher de comprendre les explications générales qu'on nous a données en commission, il est tout simplement stupéfiant que des professionnels aient pu imaginer de tels montages et commettre des erreurs pareilles.

Je n'insisterai pas sur cet aspect des choses, car nous ne voulons pas ressasser le passé plus que nécessaire ; par contre, je ne peux pas accepter la manière dont certains députés banalisent complètement ce qui est arrivé à la Banque cantonale, en prétendant que c'est simplement dû au phénomène d'inflation et de spéculation dans lequel les banques ont été prises.

M. Spielmann a eu raison de rappeler qu'un certain nombre de banques ont réalisé à cette période des bénéfices astronomiques. Lorsqu'on discute avec des banquiers professionnels, ils reconnaissent que toutes les banques, même celles qui ont été menées de manière tout à fait pépère, sans prendre le moindre risque, ont enregistré de très bons résultats. Seules les banques qui ont pris des risques insensés ont connu des problèmes. Et puisqu'on a parlé des pertes des grandes banques, j'aimerais relever qu'entre 8 milliards de pertes pour les quatre grandes banques suisses et 1,6 milliard pour la Banque cantonale...

M. Bernard Annen. A Genève !

M. Christian Grobet, rapporteur de minorité. Oui, à Genève, précisément, Monsieur ! Et vous faites bien de le rappeler, parce que l'écart à Genève entre 1,6 milliard et 8 milliards illustre bien la totale disproportion des pertes de la Banque cantonale par rapport aux quatre grandes banques suisses, qui avaient pourtant des reins autrement solides. Encore qu'une d'entre elles, la Banque populaire, ait disparu dans toutes ces affaires...

Deuxième remarque. Toujours sur la défensive - et on peut comprendre pourquoi - les députés de droite essaient de travestir nos propos. Monsieur Annen, vous avez déclaré, à fort juste titre, qu'après les travaux de la commission la montagne avait accouché d'une souris. Mais pour cause ! En effet, la commission n'avait aucun moyen d'investigation et vous, en particulier, ne désiriez pas créer une véritable commission d'enquête, comme nous l'avions proposé et comme le demandait un projet de loi déposé par les Verts, qui dort dans je ne sais quelle commission. Celui-ci aurait permis de créer une commission avec des moyens d'enquête, telle la commission d'enquête en Valais. Vous n'en vouliez pas et on comprend pourquoi !

Par ailleurs, quand vous dites, Monsieur, que nous n'avons pas pu concrétiser nos soupçons de malversation, j'aimerais répondre ceci. Je sais être critique, mais il y a en tout cas une chose que je ne fais pas, Monsieur, c'est soupçonner des personnes de malversation quand il n'y a pas de faits sur la table ! C'est un minimum de correction. A aucun moment, les députés de l'Alliance de gauche dans cette commission n'ont soupçonné les dirigeants de la banque d'avoir commis des malversations. Nous leur reprochons d'avoir fait des erreurs, pas des malversations.

De même, Monsieur Blanc, nous n'avons jamais dit que la Commission fédérale des banques était composée de pourris et de vendus, pour reprendre les termes que vous avez osé employer tout à l'heure. Nous avons simplement relevé ce que la Commission fédérale des banques nous avait très clairement expliqué, et vous étiez présent, à savoir qu'elle faisait des contrôles très superficiels, qu'en général elle ne se rendait pas dans les banques pour procéder à des contrôles, qu'elle procédait à ces contrôles uniquement quand elle constatait, sur la base d'un rapport d'un organe de contrôle, des problèmes de bilan.

Maintenant, pour revenir à notre projet de loi, nous ne prétendons pas que ce projet soit la meilleure formule. Nous avons tenté en commission, à plusieurs reprises, de trouver une solution pour mettre en place un organe de contrôle indépendant de la banque, parce que nous persistons à croire qu'un meilleur contrôle de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire, puis de la Banque cantonale aurait été bénéfique. Non seulement toute une série d'erreurs ont été commises depuis la création de la Banque cantonale, mais aujourd'hui des opérations sont engagées à propos desquelles, comme M. Beer, nous nous demandons si les risques sont maîtrisés ou non. Nous disons donc simplement qu'un véritable contrôle sur la gestion de la banque est nécessaire. M. Nissim parlait de meilleur contrôle sur les administrateurs : il voulait sans doute dire qu'il s'agirait de mieux les choisir. A ce sujet, je vous rappelle, Monsieur Nissim, que le conseil d'administration a été renouvelé il y a deux ans. J'ose espérer que chaque parti a présenté des administrateurs à la hauteur de la tâche qui les attendait... (Commentaires.) Je ne sais pas, c'est peut-être le cas chez vous !

Quoi qu'il en soit, il est significatif qu'un administrateur ait dit à M. Nissim qu'il n'avait pas connaissance de la moitié de ce qui a été publié dans l'«Hebdo». En l'occurrence, ce qui a été publié dans l'«Hebdo» n'est que le sommet de l'iceberg, Monsieur Nissim, vous vous en doutez. Cet administrateur n'avait donc connaissance que de la moitié de peu de choses - car ce qui a été publié dans l'«Hebdo» relevait du secret de polichinelle - et ce n'est pas étonnant quand on sait comment fonctionne le conseil d'administration. Du reste, Mme Calmy-Rey nous en parlera peut-être tout à l'heure.

Dans ce conseil d'administration, l'information est absolument minimaliste. Les membres du conseil d'administration n'ont aucun moyen de procéder à des investigations et d'obtenir des rapports. Voilà pourquoi je dis que ce n'est pas un problème de personnes, voilà pourquoi nous n'avons pas proposé, contrairement à d'autres ici, de remplacer tel ou tel membre du conseil d'administration. En effet, vous pouvez désigner d'excellents administrateurs : ils seront confrontés au même problème. Le pouvoir à la Banque cantonale est actuellement entre les mains du conseil de direction, de quelques personnes, et le conseil d'administration ne peut pas jouer son rôle. Il ne pourra le jouer que s'il peut s'appuyer sur un organe de contrôle qui puisse vérifier telle ou telle opération, faire un rapport sur tel dossier, afin d'en discuter en séance.

Mais quand on arrive au conseil d'administration les mains vides, on ne peut rien faire. C'est pourquoi nous avons posé le problème non pas au niveau des personnes - car nous refusons de faire ici le procès des personnes, même de celles qui ont fait des erreurs - mais au niveau institutionnel. Nous ne prétendons pas que la solution que nous préconisons aujourd'hui en matière d'organe de contrôle indépendant soit la meilleure. Il y en a d'autres, nous en avons parlé en commission. Nous avons proposé celle-ci, parce que nous pensons que l'inspection cantonale des finances aurait les qualifications professionnelles...

La présidente. Monsieur Grobet, je vous demanderai de conclure, vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Christian Grobet, rapporteur de minorité. Il y a d'autres solutions que celle que nous proposons, mais il est indispensable de trouver le moyen de mettre sur pied un véritable organe de contrôle indépendant. C'est la seule garantie qu'à l'avenir on ne refasse pas les erreurs du passé. C'est la seule garantie que la transparence que vous prétendez souhaiter s'installe dans cette banque, de façon que le conseil d'administration et le Conseil d'Etat sachent ce qui s'y passe.

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse de majorité. Je ne sais pas si la frustration qui se dégage tient aux possibilités de notre commission, ou à la mauvaise définition du mandat qui nous a été confié. En effet, quant à la commission d'enquête, ses pouvoirs sont parlementaires et non judiciaires et c'est bien là toute la limite. Même la commission d'enquête valaisanne, qui a une base légale beaucoup plus large puisqu'elle peut enquêter sur tout fait grave dénoncé dans l'administration, n'aurait pas eu le succès qu'elle a eu - et son président nous l'a dit - s'il n'y avait pas eu des indices d'infraction pénale. C'est parce que le dossier a été transmis au procureur général qu'il est devenu public et qu'on a connu l'entièreté de ce dossier.

Ce ne sont donc pas les limites de l'enquête parlementaire qui sont en cause. Nous pouvons voter les bases légales que nous souhaitons, les commissions que nous souhaitons : nous sommes limités à notre rôle de parlementaires. Nous aurions pu effectivement instituer une base légale, vouloir créer une véritable commission d'enquête, suspendre les travaux sur la motion, plancher pendant une année sur une base légale et reprendre nos travaux maintenant. Mais, sachant qu'on nous reproche déjà d'avoir travaillé un peu trop longtemps, puisque nos travaux ont duré une année, il aurait été utopique de vouloir en parallèle créer une telle commission d'enquête. En outre, je ne pense pas que les résultats auraient été beaucoup plus importants, puisque le mandat que nous avions concernait uniquement les relations entre la BCG et deux dossiers. C'est bien pourquoi nombre de gens se sont plaints de ne pas avoir été auditionnés : ils avançaient des points, des faits qui étaient en dehors de ce mandat et, comme nous ne sommes pas des juges d'instruction, nous n'aurions pu que les écouter et non pas rapporter des faits que nous n'aurions pu vérifier.

Ensuite, s'agissant du contrôle de gestion, je pense que nous, Grand Conseil, aurions pu être un peu plus actif. Quand nous recevions le rapport du Conseil d'Etat, nous aurions peut-être pu poser des questions. Nous savons à d'autres moments être un peu plus virulents. Donc, je crois que reporter uniquement la faute sur les autres, ce n'est pas non plus sortir grandis de cette enquête.

Le problème, en fait, est de savoir si l'on souhaite une banque de proximité ou une grande banque. Nous l'avons dit et la définition constitutionnelle est claire : nous voulons une banque de proximité. En l'occurrence, nous avons abouti à une motion qui, enfin, fait réaliser à la population, au parlement et à l'exécutif qu'il faut définir non seulement les limites d'un tel établissement, mais également les caractéristiques de ses activités. Si nous n'avons pas réussi à faire un procès et que nous sommes arrivés à une motion, c'est que nous avons respecté notre rôle parlementaire, et on ne peut que s'en féliciter !

Mme Micheline Calmy-Rey. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la vocation du banquier est celle d'exercer le commerce d'argent, commerce qui consiste à offrir aux déposants la sécurité et aux emprunteurs une avance de fonds. Cette vocation est celle de la Banque cantonale, dont la fonction principale consiste à effectuer des opérations de crédit et à recevoir du public des dépôts de fonds à vue et à terme.

La commission d'enquête a raison d'interroger le Conseil d'Etat sur sa vision du rôle de la Banque cantonale et sur l'opportunité de la diversification de ses activités dans les invites de la motion qu'elle nous soumet ce soir. La banque, en effet, et tout particulièrement la Banque cantonale, apparaît comme une entreprise exerçant une fonction sociale particulière. Au travers de son activité de crédit, elle influence le développement économique local. Ce développement ne peut bien évidemment s'analyser seulement en termes globaux et suppose un certain nombre de choix. Mais, en même temps, la Banque cantonale est bien une entreprise. Elle se doit de produire et de rentabiliser ses investissements. Elle travaille avec les lois du marché et elle en subit les conséquences. Elle joue le jeu économique qui caractérise notre société et se trouve, de ce fait, prise dans ce que certains pourraient considérer comme une contradiction, une contradiction entre une fonction d'intérêt général et les nécessités d'une entreprise.

Mais il n'y a à mon sens pas contradiction entre ces objectifs : la banque doit gagner de l'argent afin d'assurer sa pérennité et son rôle économique local. D'ailleurs, plusieurs parmi vous ont parlé de rentabilité insuffisante. C'est donc que vous estimez devoir mettre en évidence des risques jugés excessifs et parfois incompréhensibles, en regard de critères normaux de rentabilité, notamment dans les affaires Gaon et Stäubli, avec pour résultat un niveau actuel de créances sans rendement très élevé. Dès lors, la banque cherche à diversifier ses placements et à augmenter son volume d'activité, légitimant d'autant la volonté d'un contrôle cantonal plus strict.

La question qui se pose à ce stade est celle de la portée et de la limite de l'intervention des autorités politiques dans la conduite de la banque. C'est d'ailleurs sur ce point qu'intervient l'Alliance de gauche, avec le dépôt d'un projet de loi qui est annexé à son rapport de minorité. La surveillance de la banque se fait par un inspectorat interne tout d'abord. Cet inspectorat interne est rattaché au président du conseil d'administration et au comité de la banque. A mon sens, un inspectorat interne sérieux se devrait d'être rattaché au conseil d'administration lui-même. La surveillance se fait aussi par un organe de révision externe, et cet organe de révision externe a tout de même une certaine capacité de contrôle de gestion. Enfin, la volonté du Grand Conseil et du Conseil d'Etat de l'époque avait été de transférer l'intégralité de la surveillance de la banque à la Commission fédérale des banques.

Par lettre du 20 novembre 1998, cette commission écrivait au Conseil d'Etat, je cite, «qu'il convient que le Conseil d'Etat s'en réfère à ses représentants élus au conseil d'administration et que, sur la base des rapports de révision et de ses propres réflexions, il n'y a pas matière à contacter le Conseil d'Etat et qu'elle le ferait en cas de doute sérieux». Le Conseil d'Etat n'a, à ce jour, pas été contacté par la Commission fédérale des banques.

Dès 1998, nous sommes cependant intervenus avec insistance auprès de la banque pour obtenir des précisions quant à sa situation et pour réclamer des mesures concrètes. Nous avons demandé un business plan, que nous avons obtenu récemment. Nous avons formulé des demandes complémentaires portant sur les chiffres de ce plan, en particulier sur les risques courus et sur la manière dont la banque entend atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés, car certaines mesures envisagées nécessitent des réflexions complémentaires quant à leur faisabilité et à leurs conséquences et ne sont pas encore totalement intégrées dans le plan. Il faut dire que l'établissement d'un plan à cinq ans relatif aux risques potentiels et au cash-flow garde, au-delà des procédures techniques, une dimension toute subjective et un aspect quasi balzacien : il n'est en fait que la somme d'une série de calculs basés sur les expériences du passé et l'appréciation de l'avenir.

Lors de nos entretiens avec la banque, nous avons également parlé de la relève de son management et de son organe de révision. Enfin, nous avons évoqué l'opportunité d'un audit portant sur son fonctionnement, plus précisément sur l'adéquation de son organisation avec sa stratégie future. La banque a d'ores et déjà décidé cet audit et d'ores et déjà désigné les experts. En tout état de cause, il faut saluer le fait que des mesures soient annoncées et en cours de concrétisation, ce qui démontre un esprit de réalisme qui serait de nature à rassurer.

L'augmentation de capital est nécessaire, de façon à améliorer le ratio des fonds propres. Le Conseil d'Etat a fait savoir au président de la banque qu'il était favorable à l'augmentation de son capital social et qu'il s'engageait à y participer, sous réserve des procédures légales et parlementaires en vigueur.

J'en viens à la solution que propose l'Alliance de gauche. S'il n'y a pas d'obstacle de principe, Monsieur Grobet, à ce que nous légiférions dans le sens que vous proposez, la solution d'un contrôle par l'inspection cantonale des finances présente tout de même un inconvénient majeur : un contrôle par un organe étatique pourrait en effet générer quelques craintes sur la confidentialité des choses et faire fuir les gens, ce qui n'est de toute évidence par le but d'un contrôle. Je vous rappelle à ce propos que la création d'une banque cantonale n'a pas été chose facile, qu'elle a pris du temps, qu'il s'agissait de s'insérer sur une place financière d'ores et déjà constituée et complexe, et que les opposants à une banque publique avançaient les arguments selon lesquels une banque cantonale manquerait à coup sûr d'indépendance et ne serait qu'une annexe du fisc et de l'administration.

Cela étant dit, la surveillance de la Commission fédérale des banques ne saurait libérer l'autorité politique cantonale de tout devoir de vigilance à l'égard d'une institution dont elle est, d'une part, le principal actionnaire et à laquelle elle accorde, d'autre part, une garantie de plus de 4 milliards de francs.

Des entretiens réguliers ont eu lieu, et ce depuis plus d'un an, entre l'Etat et les organes de la banque, soit le président et les membres du comité de banque ainsi que de la direction. Nous avons encore mis sur pied une première rencontre entre une délégation du Conseil d'Etat et les représentants que l'Etat nomme au sein du conseil d'administration. Nous pensons utile à l'avenir d'élargir ces entretiens à l'organe de révision de la banque et à la Commission fédérale des banques. Enfin, dans la mesure où l'Etat est amené à jouer un rôle important dans la prise de mesures de renforcement de la banque, il convient qu'il puisse disposer de connaissances suffisantes. Nous développons donc les compétences de la direction générale des finances de l'Etat au sujet de la détection et de la mesure des risques bancaires.

Mesdames et Messieurs les députés, si la Banque cantonale a effectivement besoin de nouveaux capitaux, ce dont elle a le plus besoin aujourd'hui, c'est de sérénité dans la conduite de ses affaires. L'agitation et les interprétations causent des dégâts : dégradation du rating de la banque, donc renchérissement du coût de l'argent ; perte de confiance des épargnants et des investisseurs et démotivation du personnel. J'ai vécu cette situation très concrètement après l'annonce des mesures portant sur l'augmentation du capital. Notre banque vit des difficultés, il est vrai, mais quelles qu'en soient les causes, il convient aujourd'hui de ne pas la fragiliser, car nous avons besoin de cette banque. Elle a un rôle particulier à jouer dans le développement de l'économie locale.

C'est la raison pour laquelle je souhaite, en conclusion, remercier la commission d'enquête pour la façon dont elle a accompli son travail et pour l'esprit qui l'a animée. (Applaudissements.)

La présidente. Nous allons maintenant passer au vote. Madame Wenger, vous aviez demandé l'appel nominal... Vous retirez cette proposition ? Bien.

RD 355

Mis aux voix, ce rapport est adopté et renvoyé au Conseil d'Etat.

M 1319

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1319)pour la définition des attentes du Conseil d'Etat dans le rôle et la gestion des priorités de la Banque Cantonale de Genève

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

le rôle indispensable d'une banque publique dans le développement de l'économie locale, en raison notamment du désengagement des banques commerciales ;

la loi sur la Banque Cantonale de Genève (D 2 05) du 24 juin 1993 et en particulier l'alinéa 1 de l'article 2 : "; La banque a pour but principal de contribuer au développement économique du canton et de la région " ;

les risques financiers importants liés aux activités bancaires en général et aux activités des banques publiques en particulier ;

les débats récurrents au sein de ce Grand Conseil sur les activités et la gestion de la Banque Cantonale de Genève ;

le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la Banque cantonale de Genève et les affaires Stäubli et Gaon (M 1234-A)

à présenter sa vision du rôle de la BCGe, banque publique, pour la décennie à venir ;

à exposer sa position d'une part sur la gestion des différentes priorités de la BCGe, à savoir :

contribuer au développement économique du canton et de la région notamment par son action en faveur des PME 

assurer le rôle d'une banque de proximité

assumer ses responsabilités en terme de crédibilité vis-à-vis de ses actionnaires ;

et concernant l'opportunité de la diversification de ses activités :

à déterminer les critères qui permettent de fixer les limites des risques et les limites éthiques des activités de la BCGe ;

à proposer les moyens à mettre en oeuvre pour éviter le mélange de la défense des intérêts partisans et des intérêts de la banque, et donc l'atteinte à sa crédibilité ;

à déterminer les moyens qui lui permettent de s'assurer que l'évolution et le développement de la BCGe sont bien en adéquation avec les orientations fixées par les autorités politiques ;

à maintenir un lien d'information et d'évaluation direct et régulier avec les administrateurs désignés au sein du Conseil d'administration de la banque et à inciter les autres actionnaires publics à en faire de même.

Préconsultation

PL 8181

La présidente. Le Bureau propose de renvoyer le projet de loi 8181à la commission législative. Monsieur Halpérin, vous avez la parole.

M. Michel Halpérin (L). Madame la présidente, si ce projet de loi doit être renvoyé en commission, je propose qu'il le soit à la commission de contrôle de gestion.

Mme Micheline Calmy-Rey. La commission de contrôle de gestion n'autorise pas les conseillers d'Etat à assister à ses travaux. Je souhaiterais tout de même pouvoir être présente...

Une voix. Nous ferons une exception !

Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Bien, dans ce cas, je suis d'accord. Autrement, j'aurais proposé la commission des finances.

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Pour notre part, nous sommes d'accord avec le renvoi en commission de contrôle de gestion, parce que ce sont effectivement des problèmes de gestion et que nous sommes prêts, comme je l'ai dit tout à l'heure, à chercher une autre solution que celle préconisée dans notre projet de loi.

Cela dit, j'aimerais insister une nouvelle fois sur l'importance de ce projet et dire que je n'arrive pas à comprendre comment des députés peuvent être hostiles à un meilleur contrôle... (Protestations.) J'ai le droit de reprendre la parole...

La présidente. Monsieur Grobet, nous avions décidé de clore le débat. Je crois que ce sont des arguments que vous pourrez développer en commission !

M. Michel Halpérin (L). Je saisis au vol la proposition de M. Grobet : je vous propose la discussion immédiate sur ce projet de loi ! (Exclamations et rires.)

M. Claude Blanc (PDC). Une fois de plus, quand il s'agit de créer la zizanie et de brouiller les débats, M. Grobet est expert ! Nous étions en train de discuter pour savoir dans quelle commission renvoyer ce projet et M. Grobet revient à la charge, en disant qu'il ne comprend pas les députés qui pensent superflu d'avoir un meilleur contrôle. La question, Monsieur, n'est pas là ! Vous le savez bien, mais vous cherchez toutes les occasions pour semer la zizanie, vous cherchez toutes les occasions pour jeter la suspicion sur la banque... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

En ce moment, il est question de savoir à quelle commission nous renverrons ce dossier. Je propose qu'il soit renvoyé à la commission de gestion et en tout cas pas à la commission législative. En effet, si on le renvoie à la commission législative, que préside M. Grobet avec beaucoup d'impartialité et beaucoup de précision, on n'est pas sorti de l'auberge !

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de discussion immédiate. J'aimerais que les prochains intervenants se prononcent exclusivement sur la discussion immédiate.

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse de majorité. Nous appuyons le renvoi du projet à la commission de contrôle de gestion, puisque Mme Calmy-Rey pourra assister aux travaux. Si nous n'avons pas opté pour la commission législative, c'est surtout parce qu'elle est composée de neuf membres et pas de quinze. Cela dit, M. Grobet avait accepté de ne pas présider cette commission, si elle traitait son projet de loi : cela, je souhaitais quand même le dire !

Ensuite, comme le vote sur le renvoi en commission a priorité, je demande qu'on y procède d'abord.

M. Albert Rodrik (S). Je me demande si, après ces heures de discussion, nous devons céder à cette petite provocation. Nous étions en train de voter l'envoi en commission. Ne pouvons-nous pas résumer nos propos en un envoi en commission ? Faites-nous cette grâce, Monsieur Halpérin, et qu'on en termine ! (Brouhaha.)

M. Christian Ferrazino (AdG). Que M. Halpérin fasse de la provocation, c'est normal, c'est son rôle ! Il essaie de trouver ses marques dans l'opposition : vous avez quelques difficultés, Monsieur, vous y arrivez parfois, avec plus ou moins de talent selon les cas. Ce soir, c'était une bien mauvaise démonstration !

Cela dit, Madame la présidente, votre rôle est d'appliquer le règlement et de ne pas alimenter la provocation de M. Halpérin. Vous devriez lui rappeler que la discussion immédiate vient après le renvoi en commission, puisque le renvoi en commission prime toute autre demande. Nous allons donc d'abord voter le renvoi en commission et, si ce renvoi est refusé, nous ferons alors la discussion immédiate.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que je suis nouvelle à cette place, mais je lis, à l'article 130 du règlement : «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil décide de passer à la discussion immédiate.» C'est donc le Grand Conseil qui décide d'abord la discussion immédiate ou non... (Exclamations et brouhaha.)

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Madame la présidente, ceux qui ont le règlement sous les yeux vous confirmeront certainement que la proposition de renvoi prime toute autre proposition et doit être discutée en priorité... (Protestations.) Mais parfaitement ! C'est appliqué systématiquement et vous le savez ! Il est clair que si personne ne demande le renvoi en commission, on passe à la discussion immédiate. En revanche, à partir du moment où il y a une demande de renvoi en commission, elle est prioritaire.

M. Claude Blanc (PDC). Je m'excuse d'intervenir à nouveau, mais le règlement du Grand Conseil, comme l'a très bien dit la présidente - qui vient d'ailleurs de réussir avec succès son examen de passage pour l'année prochaine - prévoit qu'un projet en préconsultation est automatiquement renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil décide la discussion immédiate.

En préconsultation, il n'y a donc pas besoin de voter pour renvoyer un projet en commission. Messieurs les juristes de la couronne... d'épines, il faudra retourner à l'université, car vous avez mal compris le règlement : le projet doit aller en commission, à moins que le Grand Conseil en décide autrement !

M. René Koechlin (L). Je confirme ce que vient de dire M. Blanc. M. Grobet confond les motions et les projets de lois. Quand il est question d'une motion, il faut demander formellement le renvoi en commission et le voter. Mais quand il s'agit d'un projet de loi, il est automatiquement renvoyé en commission, sauf si la discussion immédiate est demandée et acceptée au vote.

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote de la discussion immédiate !

La proposition de discussion immédiate est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

La proposition de discussion immédiate est rejetée par 49 non contre 45 oui.

La présidente. La discussion immédiate étant rejetée, j'en déduis que le projet est renvoyé à la commission de contrôle de gestion, puisque tout le monde semblait d'accord. Il en sera fait ainsi.

Ce projet est renvoyé à la commission de contrôle de gestion.

La séance est levée à 22 h 50.