République et canton de Genève

Grand Conseil

No 61/X

Vendredi 3 décembre 1999,

nuit

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Gérard Ramseyer et Carlo Lamprecht, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Béné, Nicolas Brunschwig, John Dupraz, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Mireille Gossauer-Zurcher, Claude Haegi, Chaïm Nissim, Catherine Passaplan et Charles Seydoux, députés.

3. Correspondance et pétitions.

Le président. Je vous informe que la commission ad hoc d'enquête Banque cantonale de Genève accepte, sur demande de la commission de contrôle de gestion, de lui transmettre la pétition suivante :

P 1224
Pétition concernant le soutien aux habitants du 2, rue Jean-Jaquet. ( )P1224

Il en sera fait ainsi. 

4. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

M. Bernard Annen(L). J'annonce le dépôt d'un projet de loi pour la création d'un poste de « nanologue » cantonal ! (Rires et exclamations.)

Le président. Nous avons enregistré ce dépôt, Monsieur !

b) de propositions de motions;

Le président. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :

M 1316
de Mmes et MM. Esther Alder (Ve), Janine Berberat (L), Juliette Buffat (L), Fabienne Bugnon (Ve), Nicole Castioni-Jaquet (S), Pierre-Alain Cristin (S), Anita Cuénod (AG), Jeannine de Haller (AG), Marie-Françoise de Tassigny (R), Hubert Dethurens (DC), Pierre Froidevaux (R), Gilles Godinat (AG), Nelly Guichard (DC), Georges Krebs (Ve), Jean-Marc Odier (R), Albert Rodrik (S) et Olivier Vaucher (L) concernant les mineur(e)s détenu(e)s à Champ-Dollon et Riant-Parc. ( )M1316

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.  

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

PL 7921-A
a) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Choulex (création de zones 4B protégées et d'une zone 5). ( -) PL7921
 Mémorial 1998 : Projet, 6425. Renvoi en commission, 6431.
 Mémorial 1999 : Rapport, 9355. Premier débat, 9364.
Rapport de majorité de M. Walter Spinucci (R), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Alain Etienne (S), commission d'aménagement du canton
M 879-A
b) Proposition de motion de MM. René Koechlin, Hermann Jenni, Maurice Giromini et Philippe Joye invitant le Conseil d'Etat à engager la procédure de déclassement visant à assainir l'affectation du hameau de Bonvard sur la commune de Choulex. ( -) M879
 Mémorial 1993 : Lettre, 5256. Développée, 5722. Renvoi en commission, 5740.
 Mémorial 1999 : Rapport, 9355.
Rapport de majorité de M. Walter Spinucci (R), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Alain Etienne (S), commission d'aménagement du canton

5. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier les objets suivants :

Deuxième débat

PL 7921-A

Titre et préambule

Le président. M. Alain Etienne nous propose un amendement au titre de ce projet de loi, amendement qui consiste à supprimer : « et d'une zone 5 », et à fermer la parenthèse après « protégées ».

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. Comme je vous l'ai expliqué lors du premier débat, il s'agit ici de protéger le patrimoine genevois et de protéger le hameau de Bonvard. Nous ne voyons en conséquence pas la nécessité de déclasser en zone villas le troisième périmètre. Il s'agit donc, par cet amendement, de rayer dans le titre « et d'une zone 5 » et de laisser simplement « création de zones 4B protégées » pour les deux périmètres du hameau de Bonvard. 

M. René Koechlin (L). Contrairement à ce que pense le rapporteur de minorité, il ne s'agit pas seulement de protéger un hameau. D'ailleurs, pour le sauvegarder, le projet de loi propose un déclassement en zone protégée. Il n'y a donc pas de contre-indication. Il s'agit d'une zone différente. Nous ne proposons pas une quatrième zone protégée, mais une cinquième zone villas, qui existe de facto depuis plus de cinquante ans. Il est de notre devoir, si l'on en croit le plan directeur cantonal, de régulariser les situations de ce type. C'est pourquoi je vous demande, Mesdames et Messieurs, de refuser purement et simplement cet amendement.

M. Walter Spinucci (R), rapporteur de majorité. Je vous propose également de refuser cet amendement pour une raison qui a déjà été évoquée : l'égalité de traitement concernant les divers propriétaires, ainsi que l'a suggéré le Tribunal fédéral. 

M. Rémy Pagani (AdG). Nous n'allons pas refaire le débat que nous avons eu avant le souper, même si celui-ci a été quelque peu tassé pour certains. Je tiens cependant à rappeler un certain nombre de choses qui font que la proposition de M. Etienne nous paraît tout à fait acceptable.

Il s'agit pour nous de rendre conforme aux normes légales fédérales le hameau de Bonvard, au plus près des maisons, et de refuser l'extension de la zone villas. Nous proposons donc de soutenir le projet d'amendement de M. Etienne qui vise à barrer simplement la zone 5, puisqu'il n'est plus question de créer cette zone villas. Nous proposons de maintenir en l'état le périmètre sur lequel sont implantées les maisons et les villas, lesquelles relevaient jusque-là d'une ancienne loi et qui ne sont aujourd'hui plus conformes à la zone dans laquelle elles sont implantées. Il nous paraît fort peu judicieux de les placer en zone villas, puisque cela permettrait à d'autres propriétaires de villas bénéficiant de conditions identiques - on a cité passablement d'exemples, notamment une cinquantaine de cas dans notre canton - de réclamer, en s'appuyant sur le projet de loi que nous pourrions adopter si une majorité se déclarait opposée à l'amendement proposé par M. Etienne, de réclamer l'égalité de traitement. Il s'agirait alors de créer passablement de zones villas.

Je vous rappelle que les zones villas existent à profusion dans notre canton. Plus de 60 % des terrains constructibles sont actuellement en zone villas. Il s'agit donc non seulement de maintenir les zones telles qu'elles sont, mais aussi, pour la majorité de ce parlement, de densifier les zones de développement, avec de petits immeubles où l'on peut loger passablement d'habitants, plutôt que de proposer une extension de la zone villas qui, je le rappelle, est mangeuse de terrains, alors que notre canton est fort restreint de ce côté-là. Je vous propose en conséquence de soutenir l'amendement de M. Etienne. 

Le président. Mesdames, Messieurs, il y a beaucoup trop de bruit actuellement. Il y a beaucoup trop de discussions. On entend à peine les orateurs. Je vous demande donc un peu de discipline !

Une voix. C'est tellement peu intéressant !

M. Hervé Dessimoz (R). Je voudrais quand même rappeler que le débat porte sur une zone de construction, dont 80 % de la superficie est déjà construite. Monsieur Etienne, vous avez dit tout à l'heure que la dérogation n'était pas une règle de droit et n'était pas un droit acquis. J'interpelle à cet égard le président du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, M. Moutinot. Nous sommes donc dans une aire de terrains de Genève où les constructions recouvrent environ 75 % de la surface, et l'on propose de rester en zone agricole. M. Etienne a expliqué tout à l'heure que les dérogations ne constituaient pas une règle de droit. Il demande de ne pas légaliser certaines situations, même si elles datent de cinquante ans.

Nous avons récemment vécu un débat présentant une situation juridique similaire, celle de la reconstruction du magasin Jumbo à Meyrin après un incendie. Et vous savez ce que cela nous a valu comme... je dirais affrontements de concepts. Dans le cas de Bonvard, j'aimerais que le président du DAEL nous explique comment il réglerait le problème d'une villa qui viendrait à brûler. Allez-vous appliquer stricto sensu les règles de la zone agricole, ce qui signifie que l'on ne pourrait a priori pas reconstruire ? Ou allez-vous appliquer une politique dérogatoire et donner la possibilité de reconstruire ? Vous seriez alors en contradiction avec l'amendement proposé par M. Etienne. 

M. René Koechlin (L). M. Pagani indique au hasard de son discours qu'il existe à Genève une cinquantaine de cas semblables à celui-ci. Je m'inscris totalement en faux contre cette affirmation. Des cas comme le périmètre de Bonvard, c'est-à-dire de villas faisant l'objet d'un règlement adopté par le Conseil d'Etat en 1945, on ne les compte même pas sur les doigts d'une main dans le canton. Alors, prétendre qu'il y en a une cinquantaine à Genève et que nous allons enregistrer des déclassements à la pelle, c'est inadmissible et nous ne pouvons le tolérer. Vous allez créer, en refusant de déclasser ce périmètre en cinquième zone, une situation juridique intenable. M. Dessimoz vient de vous en présenter l'un des motifs. L'autre aspect, c'est le droit foncier rural, qui oblige toute personne qui voudrait aliéner son bien dans ce périmètre, même en cas de succession, à soumettre l'objet à l'acquisition d'un agriculteur, professionnel, avant de pouvoir procéder à l'aliénation. Ce sont des choses totalement aberrantes ! Or, ce que vous voulez, c'est perpétuer les aberrations en matière d'aménagement du territoire. Qu'on se le dise ! Ceux qui voteront en faveur de cet amendement entendent maintenir des situations absurdes dans notre canton.

Pour aller à votre rencontre, nous acceptons que l'on ne construise pas de façon exagérée dans ce périmètre et que l'on n'applique par exemple pas la loi qui avait été concoctée par votre collègue M. Richardet, laquelle autorise l'application d'un coefficient d'utilisation du sol de 0,4. Pour éviter ce genre de dérapage, nous vous proposons aujourd'hui l'amendement que j'ai mentionné lors du premier débat et qui est le suivant :

« Dans le périmètre de la 5e zone, il ne peut être implanté qu'une maison par parcelle en l'état au moment du déclassement. » 

M. Dominique Hausser (S). Le groupe socialiste appuie bien entendu totalement les amendements proposés par M. Alain Etienne, rapporteur de minorité, dans la mesure où ces amendements reflètent la position exprimée dans le programme du parti socialiste en matière d'aménagement du territoire. Ceci étant, je souhaiterais poser une question à Mme Mottet-Durand et à M. Koechlin, parce que le texte que M. Koechlin vient de citer ne correspond pas à l'amendement que j'ai devant moi. Il est en effet écrit sur ce dernier : « Dans le périmètre de la 5e zone, il ne peut être implanté qu'une maison par pucelle en l'état au moment du déclassement. » Alors, j'aimerais que M. Koechlin ou Mme Mottet-Durand m'expliquent ce qu'ils entendent par « pucelle » ! (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Hausser, veuillez vous adresser à la présidence, s'il vous plaît ! Vos interlocuteurs prendront la parole s'ils le veulent bien.

M. Dominique Hausser. Monsieur le président, je vous prie de relayer ma question aux interpellés ! 

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. J'aimerais juste corriger une chose. On parle de villas, mais je souhaite que l'on parle plutôt de chalets en bois. Ces constructions font aussi partie de l'histoire du lieu.

Déclasser en zone 5, ce serait rompre l'équilibre qui s'est formé au fil des années et rompre la quiétude du lieu. Il s'agit surtout de préserver les hameaux, le hameau de Bonvard en particulier, et le patrimoine de notre canton et non pas de densifier à outrance. 

M. Christian Grobet (AdG). Je suis un peu étonné de la manière avec laquelle M. Koechlin essaye de minimiser le phénomène. Il y a, Monsieur Koechlin, vous le savez aussi bien que moi, des centaines de maisons individuelles qui se trouvent en zone agricole et qui ne sont pas... (Brouhaha.)

M. Rémy Pagani. Silence, on ne vous a pas interrompus !

Le président. S'il vous plaît !

M. Christian Grobet. Je réponds simplement à M. Koechlin, qui a voulu faire la leçon à M. Pagani. Je puis attester ce que M. Koechlin sait, à savoir qu'il y a dans la zone agricole des centaines de maisons d'habitation qui ne sont pas occupées par des agriculteurs, y compris des maisons et des villas situées dans le vignoble et qui n'auraient jamais dû y être construites. Et à part les maisons d'habitation, il y a des centaines d'autres bâtiments qui ne sont pas des bâtiments agricoles et qui se trouvent en zone agricole. C'est donc un phénomène très important.

Pour répondre ensuite à M. Dessimoz - M. Moutinot lui répondra également - il a toujours été admis en pratique que l'on respecterait les règles de la proportionnalité si un bâtiment brûlait et que l'on autoriserait sa reconstruction, à moins qu'il ne se trouve dans un site très particulier. Je peux vous citer un cas où la reconstruction d'une baraque en bois, située en bordure de l'Allondon et qui n'aurait jamais dû être construite à cet endroit-là, n'a pas été autorisée. C'est le seul cas dont j'ai connaissance.

M. Hervé Dessimoz (R). Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole juste après l'intervention de M. Grobet. Cela me permet simplement de lui signaler qu'il ne m'a pas écouté tout à l'heure. Je sais comment les choses se passent en pratique. Lorsque vous étiez président du département, vous avez donné des dérogations pendant douze ans. Je ne vais donc pas vous expliquer comment les choses se passent ! M. Etienne a simplement expliqué que la dérogation n'était pas un droit acquis en permanence. Ce faisant, il a indiqué : «Nous ne voulons pas que ce régime dérogatoire soit «sacralisé.». Au bout du compte, vous considérez donc qu'un régime dérogatoire doit permettre la reconstruction en zone agricole si un sinistre devait y survenir, comme on l'a évoqué tout à l'heure. C'est tout ce que je voulais dire. C'est pour relever le caractère contradictoire d'une affirmation qui prétend qu'il ne faut pas sacraliser la dérogation, alors que la dérogation est une exception. Nous sommes ici dans un périmètre qui n'est pas celui que vous évoquiez tout à l'heure, à savoir un périmètre comprenant des centaines de maisons. Nous nous situons dans un périmètre dont la plus grande partie est déjà construite.

Je voudrais encore dire ceci à M. Etienne. Nous nous sommes rendus sur place et nous avons discuté de la qualité des maisons en question. Ce sont effectivement des maisons particulièrement intéressantes, même sur le plan de l'architecture. A l'article 2 de la loi, il a été précisé que les requêtes en autorisation de construire dans ce périmètre étaient soumises pour préavis à la commission des monuments, de la nature et des sites. Il s'agit bien d'une situation très différente de la situation ordinaire d'une zone de villas, puisqu'il est question de la soumettre à la commission des sites. C'est en fait pour tenir compte d'une part de la proximité des hameaux et d'autre part de la qualité particulière du site. On peut donc relever que l'autorité, le département, qui présente ce projet de loi a pris des précautions pour que l'endroit ne soit pas dénaturé. Enfin, pour répondre à M. Koechlin, je constate que l'article 2 fixe l'indice d'utilisation à 0,2. C'est bien pour tenir compte de l'ensemble des caractéristiques particulières de ce périmètre. C'est la raison pour laquelle, sans vouloir entamer une guerre des tranchées, je pense que votre amendement, Monsieur Etienne, relève certainement d'une logique qui peut être appliquée dans d'autres lieux, mais je vous invite à le retirer dans ce cas spécifique et à l'appliquer dans des lieux où les conditions particulières seraient plus adéquates. 

M. René Koechlin (L). M. Grobet n'a, une fois de plus, pas écouté ce que je disais. Bien sûr que je reconnais les centaines de cas de maisons isolées qui sont construites en zone agricole en dérogation à la loi qui régit cette zone. Mais ce n'est pas du tout le cas en présence duquel nous nous trouvons ce soir. Nous nous situons dans un périmètre qui fait l'objet d'un règlement édicté par le Conseil d'Etat. Ce règlement a permis de construire un certain nombre de villas. Pas une, isolée, mais une série... (L'orateur est interpellé.) Non ! Il y a, Mesdames, Messieurs, pour ceux qui ne se sont pas déplacés sur les lieux, un chalet, un tout petit chalet. C'est la plus petite de toutes les constructions du périmètre. Toutes les autres sont réalisées en dur. Les membres de la commission présents ici, s'ils sont de bonne foi, reconnaîtront qu'il n'y a qu'une seule construction modeste qui s'avère être un chalet. Toutes les autres sont des constructions assez importantes, en béton ou en maçonnerie avec charpentes.

Nous ne sommes donc pas du tout dans les cas de figure que vous évoquez. Nous sommes dans un cas qui est réglementé et qui poserait réellement des problèmes du point de vue du droit si l'un des propriétaires voulait construire, en se référant au règlement en question. Il serait obligé d'aller devant les tribunaux. Je ne sais ce que les tribunaux diraient, mais ce propriétaire serait de toute manière obligé de plaider. Vous l'obligeriez à entamer des procédures et vous le contraindriez de faire face à toutes sortes de complications, alors que notre fonction, à nous parlement, consiste à légiférer et faire en sorte de régulariser les situations dans toute la mesure du possible. C'est ce que nous sommes appelés à faire par le biais de ce projet de loi. C'est pourquoi je vous invite une fois de plus, Mesdames et Messieurs, à ne pas soutenir cet amendement, qui est déplacé.  

Le président. Je prie la presse de bien vouloir éviter de dialoguer avec les députés !

M. Laurent Moutinot. Pour répondre tout d'abord à M. Dessimoz, il est vrai que ne peuvent être délivrées en zone agricole que des autorisations de construire conformes à la zone. Cela doit cependant s'appliquer avec toute la proportionnalité nécessaire et si l'une des maisons construites légalement dans le périmètre concerné venait à brûler, il me semble que l'autorisation de construire devrait être accordée en vertu du principe de la proportionnalité. Ce d'autant que la loi vous propose effectivement de soumettre au préavis de la CMNS toute autorisation de construire afin de garantir le caractère du site.

Comme je vous l'ai dit en premier débat, le Conseil d'Etat estime qu'il convient de déclasser ce périmètre particulier, dans les circonstances particulières qui sont les siennes, en zone villas, ce qui ne saurait être le cas de n'importe quel périmètre bâti, même légalement. C'est la raison pour laquelle je vous invite à rejeter l'amendement du rapporteur de minorité. 

Le président. Mesdames, Messieurs, nous allons passer au vote sur la proposition d'amendement de M. Etienne qui propose de supprimer dans le titre du projet de loi : « et d'une zone 5 ».

La proposition d'amendement est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cet amendement est adopté par 45 oui contre 36 non.

Le titre ainsi amendé et le préambule sont adoptés.

Art. 1

Le président. A l'article 1, M. Etienne présente, vous l'avez devant vous, Mesdames et Messieurs, un amendement supprimant : « et d'une zone 5 », et ajoutant des détails que je qualifierais de forme. Il manque ainsi la lettre A après le numéro du plan 28966 et une date : « modifié le 3 décembre 1999 », soit la date de ce jour, après «...le 21 août 1997».

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Avec l'acceptation de la suppression de la zone 5, l'amendement présenté par Mme Mottet-Durand et M. Koechlin, soit un nouvel alinéa 2, tombe.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.

Art. 2

Le président. L'article 2 n'a en conséquence plus de sens, puisqu'il faisait référence à la zone 5. Sa suppression est proposée par M. Etienne.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. L'article 2 étant supprimé, les articles 3 et 4 deviennent les articles 2 et 3.

Un amendement est proposé pour l'article 2 nouveau. Il consiste à supprimer les termes : «et de la zone 5».

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté.

Art. 3

Le président. Au nouvel article 3, le numéro 28966 sera suivi de la lettre A.

Mis aux voix, l'article 3 ainsi corrigé est adopté.

Troisième débat

M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, je demande le vote par appel nominal. (Appuyé.)

M. René Koechlin (L). Nous proposons en troisième débat un amendement qui vise à bien souligner le ridicule de la situation que tentent d'imposer ceux qui ont voté les amendements de la minorité. Nous suggérons d'ajouter à l'article 1, alinéa 1, à la place des termes « et d'une zone 5 » qui ont été supprimés : « une zone affectée aux nains de jardin ». Le reste demeure inchangé. (Applaudissements.) 

M. Pierre Meyll (AdG). Puisque M. Koechlin propose de parler des nains de jardin, je considère qu'il devrait à ce moment-là être le premier à s'installer, en tant que chef d'orchestre, dans le jardin ! Est-il d'accord ?

Une voix. Oui !

M. Pierre Meyll. Nous voterons alors cet amendement, afin que M. Koechlin puisse se rendre tous les matins dans ce jardin ! 

M. René Koechlin (L). Je voudrais préciser que cette proposition avait pour but d'honorer le président de la fondation cantonale pour la nanologie, qui est parmi nous en la personne de M. Bernard Annen !

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. J'aimerais bien que l'on m'éclaire un petit peu. (Brouhaha.) Je ne suis pas juriste, mais introduire une notion de nains de jardin dans la LAT me paraît un peu étrange ! 

Mme Salika Wenger (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis consternée de voir à quoi peut servir... (Brouhaha.) l'argent du contribuable ! C'est un scandale ! Nous ne sommes pas ici pour jouer, nous ne sommes pas des potaches ! 

Mme Christine Sayegh (S). Je crois que nous devrions vérifier, à la reprise de 20 h 30, la conscience et la volonté de ceux qui font des propositions, avant de procéder à quelques votes que ce soient !

M. Claude Blanc (PDC). Je trouve, tout comme vous, ce débat consternant. Je trouve cependant plus consternant encore de constater depuis des semaines, voire des mois, que le chef du département de l'aménagement est très régulièrement désavoué par son propre parti.

Une voix. C'est juste !

M. Claude Blanc. Je me demande ce que je ferais si j'étais conseiller d'Etat et que mon parti me désavouait régulièrement... (Brouhaha. Le président agite la cloche) sur tout ce que je propose. Aussi, j'appuie la demande de vote nominal afin que M. Moutinot puisse compter ses amis.

Une voix. Bravo Claude !

Le président. Mesdames et Messieurs, avant de passer au vote d'ensemble de ce projet de loi, je vous pose la question relative à l'amendement de M. Koechlin...

Des voix. Non !

M. René Koechlin (L). Cet amendement peut faire sourire, mais il est à la mesure du précédent visant à supprimer la zone villas et qui a été accepté tout à l'heure. Je demande donc qu'on le vote.

M. Christian Brunier (S). Je crois qu'il y a aujourd'hui des gens qui se moquent de la République... (Brouhaha.) Je demande le vote nominal sur cet amendement éminemment important !

Le président. Mesdames, Messieurs, je suis désolé ! Je me réfère à l'article 32 du règlement de notre Grand Conseil : le Bureau est chargé de veiller à la régularité des travaux du Grand Conseil. En l'espèce, le Bureau n'accepte pas cet amendement et décide de procéder directement au vote d'ensemble par appel nominal. (Applaudissements.)

Ce projet est adopté en troisième débat par 44 oui contre 37 non et 1 abstention.

Ont voté oui (44) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber Ziegler (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Luc Gilly (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

Antonio Hodgers (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni (S)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Ont voté non (37) :

Bernard Annen (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Juliette Buffat (L)

Christian de Saussure (L)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Pierre Ducrest (L)

Henri Duvillard (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Philippe Glatz (DC)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Pierre Marti (DC)

Alain-Dominique Mauris (L)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Walter Spinucci (R)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

S'est abstenue (1) :

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Etaient excusés à la séance (10) :

Jacques Béné (L)

Nicolas Brunschwig (L)

John Dupraz (R)

Bénédict Fontanet (DC)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Claude Haegi (L)

Chaïm Nissim (Ve)

Catherine Passaplan (DC)

Charles Seydoux (R)

Etaient absents au moment du vote (7) :

Régis de Battista (S)

Michel Balestra (L)

Thomas Büchi (R)

René Ecuyer (AG)

David Hiler (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Présidence :

M. Daniel Ducommun, président.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7921)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

1 Le plan N° 28966A-513, dressé à la demande de la mairie de la commune de Choulex, en liaison avec le département de l'aménagement, de l'équipement, et du logement le 21 août 1997, modifié le 3 décembre 1999, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Choulex (création de zones 4B protégées au hameau de Bonvard), est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Article 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre des zones 4B protégées, créées par le plan visé à l'article 1.

Article 3

Un exemplaire du plan N° 28966A-513 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

Le président. Avec le vote de ce projet de loi, la motion 879-A devient caduque.

La motion 879-A est caduque.

M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, je suis au regret de vous informer que vous, ou le Bureau, avez très involontairement commis un abus de pouvoir. L'article 32 de notre règlement précise en effet que le Bureau est chargé de veiller à la régularité des travaux du Grand Conseil et de ses commissions. La régularité de nos travaux, c'est le rythme auquel nous fonctionnons. Cela n'autorise pas le bureau à censurer les amendements de qui que ce soit. En conséquence de quoi je vous prie de prendre acte de cette observation que je me permets d'adresser très respectueusement au bureau et de noter qu'en ce qui nous concerne, les nains ne sont pas dans les jardins, mais qu'ils sont nombreux dans cette salle ! (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Halpérin, nous prenons acte de cette déclaration et nous passons, Mesdames, Messieurs, au point 60 de notre ordre du jour.

PL 8151-A
6. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (mesures fiscales visant à favoriser la liquidation totale ou partielle des sociétés immobilières) (D 3 15). ( -) PL8151
Mémorial 1999 : Projet, 7362. Renvoi en commission, 7364.
Rapport de majorité de Mme Stéphanie Ruegsegger (DC), commission fiscale
Rapport de minorité de Mme Marianne Grobet-Wellner (S), commission fiscale

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur: Mme Stéphanie Ruegsegger

La Commission fiscale s'est réunie le 26 octobre 1999 sous la présidence de M. Bénédict Fontanet, en présence de Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat, et de M. Georges Adamina, directeur des affaires fiscales, en vue d'examiner le projet de loi 8151 modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (liquidation partielle ou totale des SI). Le procès-verbal de séance a été tenu par Mme Eliane Monnin ; qu'elle soit ici remerciée pour son excellent travail.

Rappel

Notre Grand Conseil adoptait en 1994 une disposition permettant la liquidation facilitée des sociétés immobilières, faisant ainsi usage d'une disposition fédérale permettant une réduction de l'impôt allant jusqu'à 75 %, lors de liquidation de sociétés immobilières. Ce régime préférentiel expire normalement le 31 décembre 1999.

Afin de poursuivre cette incitation fiscale, les Chambres fédérales prolongeaient le 8 octobre dernier de 4 ans le délai de liquidation facilitée, soit jusqu'au 31 décembre 2003. Lors du même vote, elles mettaient la liquidation partielle des sociétés immobilières d'actionnaires-locataires (SIAL) au bénéfice des mêmes allégements fiscaux.

Sur la base de cette décision et se calquant sur celle-ci, le Conseil d'Etat déposait le 11 octobre dernier un projet de loi prolongeant de 4 ans le régime de liquidation facilitée des sociétés immobilières, étendant également ce régime aux liquidations partielles des SIAL.

Discussion de la commission

Saisie de ce projet, la Commission fiscale décide rapidement d'accepter l'entrée en matière, par 9 oui (2 L, 2 R, 2 DC, 2 S et 1 Ve) et 2 abstentions (2 AdG).

Article 1

En préambule, les représentants de l'Alliance de Gauche regrettent, comme ils avaient déjà eu l'occasion de le mentionner lors du débat de 1994, que le taux de réduction choisi soit le taux maximal autorisé par la Confédération. Toutefois, par souci de cohérence entre l'actuel projet de loi et celui adopté en 1994, aucune proposition visant à réduire ce taux n'est formulée.

A la suite de cette précision, il est rappelé aux commissaires que les 5 années de régime de liquidation facilitée qui viennent de s'écouler ont permis à 1347 sociétés d'entrer en liquidation (réalisées et en cours), apportant dans l'escarcelle de l'Etat quelque 384 millions, à savoir :

90 millions de droits de mutation ;

176 millions au titre des impôts cantonaux et communaux ;

20 millions au titre de l'IFD ;

87 millions au titre des impôts cantonaux et communaux sur les dividendes de la liquidation pour les personnes physiques actionnaires ;

10 millions au titre de l'IFD sur les dividendes de la liquidation pour les personnes physiques actionnaires.

Outre son aspect incitatif, le projet de loi n'est donc pas dénué de tout intérêt financier.

A l'exception de l'Alliance de Gauche, l'ensemble des groupes parlementaires semble s'accorder sur le bien-fondé du projet de loi. Toutefois, une députée socialiste s'enquiert de l'inégalité de traitement qui pourrait exister entre les actionnaires de sociétés ayant distribué des dividendes et qui ont été normalement taxés sur ces montants, et ceux dont les sociétés les ont portés en compte, et qui pourront par conséquent bénéficier du tarif fiscal allégé également sur cette partie.

Un commissaire démocrate-chrétien rappelle que la loi de 1994, tout comme la loi fédérale, ne connaît pas cette distinction. L'introduire aujourd'hui reviendrait à créer une inégalité de traitement entre les sociétés déjà liquidées et celles en voie de l'être. D'autre part, une telle différenciation s'achoppe au droit de la société, qui est libre de distribuer des dividendes ou de constituer des réserves, à des fins de travaux par exemple.

Une commissaire socialiste rappelle que, lors du débat de 1994, un député de l'Alliance de Gauche avait proposé de limiter la réduction de l'impôt pour l'actionnaire-locataire devenant propriétaire, au dividende de l'année de liquidation, afin de ne pas encourager les sociétés à cumuler les dividendes dans le but de profiter de l'imposition allégée sur ces derniers.

Si cet aspect du projet de loi peut paraître effectivement choquant, le Département indique avoir réfléchi à un système limitant ce phénomène, mais avoir finalement renoncé à introduire des limites à la liquidation. En effet, il apparaît que l'introduction de contraintes dans un projet visant à faciliter la liquidation des sociétés immobilières par des avantages fiscaux risquerait de dénaturer le but poursuivi initialement. Par ailleurs, l'existence d'une double imposition, quelle que soit la politique de la société en matière de dividende, et l'importance relativement faible des bénéfices des sociétés immobilières en regard des sociétés commerciales limitent fortement l'ampleur du phénomène soulevé. Enfin, il est relevé que la grande majorité des cas de forte thésaurisation a déjà été liquidée.

Malgré les explications du département sur la pertinence d'une distinction entre sociétés distribuant des dividendes et sociétés les portant en compte, une proposition d'amendement est formulée par une députée socialiste, visant à ajouter la phrase suivante à l'article 1 de la loi :

« La situation est acquise en ce qui concerne le bénéfice non distribué jusqu'au 31 décembre 1999. Pour les exercices suivants, 2000, 2001,2002, et 2003, il conviendrait qu'il ait été distribué pour pouvoir bénéficier de la réduction. »

Avant de procéder au vote, il est sollicité à ce sujet l'avis de la cheffe du département, qui indique souhaiter s'en tenir à la version du Conseil d'Etat.

L'amendement est refusé par 7 oui (3 S, 1 Ve, 3 AdG) contre 7 non (3 L, 2 R, 2 DC) et l'article 1 est adopté dans sa version initiale.

Article 2 (entrée en vigueur de la loi)

L'entrée en vigueur au 1er janvier 2000 est acceptée par 11 oui (3L, 2 R, 2 DC, 3 S, 1 Ve) et 3 abstentions (3 AdG).

Au vote final, la loi est acceptée par 7 oui (3 L, 2 R, 2 DC) contre 7 abstentions (3 AdG, 3 S, 1 Ve).

Si aucun rejet fondamental de la loi n'a été exprimé, le refus de l'amendement à l'article 1 entraîne la rédaction d'un rapport de minorité.

Au vu de ce qui précède, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les conclusions de la majorité.

Projet de loi(8151)

modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (mesures fiscales visant à favoriser la liquidation totale ou partielle des sociétés immobilières) (D 3 15)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article. 1

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :

Art. 42, al. 3 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)

3 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.

5 Lorsque l'actionnaire acquiert d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, en propriété par étage et contre cession de ses droits de participation, la part de l'immeuble dont l'usage est lié aux droits cédés, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par la société est réduit de 75 % si la société a été fondée avent le 1er janvier 1995. En outre, le transfert de l'immeuble à l'actionnaire doit être inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire est réduit dans la même proportion.

Article 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2000.

Article 3 Modification à une autre loi (D 3 30)

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit :

Art. 189, al. 2 (nouvelle teneur) et al. 3 (nouveau)

2 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.

3 Le droit de vente prévu à l'article 33 est également réduit de moitié dans les cas prévus à l'article 42, alinéa 5 de la loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, si le transfert de l'immeuble à l'actionnaire est inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur: Mme Mariane Grobet-Wellner

La proposition du Conseil d'Etat de modification de l'article 42, alinéa 2 et alinéa 5 nouveau de la loi D 3 15 sur l'imposition des personnes morales est consécutive à la récente modification de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (IFD), visant entre autres à concrétiser une motion de Mme Saudan aux Chambres fédérales.

Elle vise l'encouragement de la liquidation totale ou partielle de sociétés immobilières par des allégements fiscaux de 75 % aussi bien au niveau de la personne morale sur le bénéfice de liquidation qu'au niveau de la personne physique - l'actionnaire - sur l'excédent de liquidation.

Les difficultés de liquidation des sociétés immobilières

Il s'est avéré que certaines sociétés immobilières d'actionnaires-locataires ont été dans l'impossibilité de procéder à une liquidation en l'absence de l'unanimité des actionnaires.

La possibilité de procéder à une liquidation partielle de la société immobilière règle ce problème.

La prolongation du délai permet à des actionnaires de bénéficier des mêmes avantages que ceux qui n'ont pas connu ces difficultés de l'unanimité dans leur société.

Egalité de traitement fiscal des sociétés immobilières

L'allégement fiscal de 75 % au niveau de la société immobilière n'est pas ou peu influencé par le moment de la liquidation, étant donné que son bénéfice est déterminé, pour l'essentiel, par la valeur de sortie de l'immeuble telle qu'établie par l'administration fiscale.

L'équité est ainsi préservée entre les sociétés qui ont déjà pu procéder à leur liquidation et celles qui vont pouvoir le faire dans les années à venir.

Inégalité de traitement fiscal des actionnaires-locataires

Tel n'est pas forcement le cas au niveau de la personne physique, l'actionnaire.

L'actionnaire bénéficie également d'un allégement fiscal sur l'excédent de la liquidation. Cet excédent est composé de différents éléments, dont les bénéfices reportés. Après avoir procédé à la constitution saine et normale de réserves et de disposition de liquidités de la société, l'actionnaire d'une société qui distribue ses bénéfices normalement a reçu des dividendes sur lesquels il a été imposé de façon ordinaire.

Le fait d'inclure la distribution de bénéfices reportés et non distribués dans le bénéfice de liquidation, bénéficiant d'un allégement d'imposition de 75 %, crée une inégalité de traitement fiscal totalement injustifiée entre les contribuables-actionnaires.

Proposition d'amendement

Les commissaires minoritaires de la Commission fiscale, tout en soulignant l'existence de cette injustice, ne demandent pas de pouvoir revenir sur cette inégalité de traitement en ce qui concerne le passé, à savoir y compris l'année 1999, pour ne pas créer d'autres inégalités.

Ils se limitent à vous proposer de ne pas les prolonger dans le temps, à savoir de l'an 2000 à l'an 2003, en vous proposant l'amendement suivant :

Art. 42, al. 5 (nouveau)

5 Lorsque l'actionnaire acquiert d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, en propriété par étage et contre cession de ses droits de participation, la part de l'immeuble dont l'usage est lié aux droits cédés, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par la société est réduit de 75 % si la société a été fondée avant le 1er janvier 1995. En outre, le transfert de l'immeuble à l'actionnaire doit être inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire est réduit dans la même proportion. La situation est acquise en ce qui concerne le bénéfice non distribué jusqu'au 31 décembre 1999. Par les exercices suivants, 2000, 2001, 2002 et 2003, il convient qu'il ait été distribué pour bénéficier de la réduction.

Cet amendement a été refusé de justesse par

7 OUI (3 S, 1 Ve, 3 AdG)

7 NON (3 L, 2 R, 2 DC)

L'égalité des voix s'est traduite en minorité pour ceux qui étaient en faveur de cette modification à la proposition du Conseil d'Etat, ayant pour seul but d'atténuer une inégalité injustifiée de traitement entre les contribuables.

Conclusion de la minorité

La prolongation du délai doit être effective au 1er janvier 2000.

Cet amendement n'enlève en rien l'élément incitatif de la loi en ce qui concerne la liquidation de sociétés immobilières. Il préserve les droits acquis de ceux qui n'ont pas pu liquider leur société dans les premiers délais fixés. De plus, il favorise les rentrées fiscales de l'Etat de Genève, en mettant fin à une importante incitation de ne pas distribuer « normalement » les bénéfices.

Le fonctionnement des sociétés immobilières est complexe, notamment au niveau fiscal. La rédactrice de ce rapport de minorité espère avoir été en mesure d'apporter quelques éclaircissements ici quant à la portée et l'importance de l'amendement proposé.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons à voter cet amendement.

Premier débat

Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Je n'ai rien à ajouter à mon rapport en tant que tel, mais je présente un amendement que je vais brièvement expliquer. Je pense que le but de cet amendement ressort clairement de mon rapport. Il s'agit, je le rappelle, de ne pas accorder le rabais de 75 % sur l'impôt dû en ce qui concerne les bénéfices non distribués. Le but est d'extraire de ce rabais d'impôt les bénéfices éventuellement non distribués des années 2000, 2001, 2002 et 2003. Il y a, à ce propos, une erreur de frappe dans mon rapport, à la page 9. Il est marqué « 2004 », mais c'est bien entendu « 2003 » qu'il convient de lire.

Je vous donne lecture de cet amendement à l'article 42, alinéa 2, alinéa qui ne figure pas, en l'état, dans le projet de loi 8151 :

«2 L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit.»

Je présenterai un amendement dans le même sens pour l'alinéa 5 (nouveau) de l'article 42.

La raison de cet amendement est de ne pas créer d'inégalité avec les actionnaires de sociétés qui ont distribué le bénéfice et surtout de ne pas inciter certaines sociétés à attendre le dernier moment pour se liquider dans le but d'obtenir un rabais fiscal sur ces dividendes.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Cet amendement est peut-être plus clair et pourrait paraître plus acceptable que celui qui a été proposé dans le rapport de minorité. J'aimerais cependant rappeler les explications qui nous ont été données en commission sur cet amendement. Car sur le fond des deux amendements, c'est exactement la même chose.

Tout d'abord, cet amendement introduit une inégalité de traitement entre les sociétés qui ont déjà été liquidées et les sociétés qui sont en cours de liquidation. De plus, le département nous a indiqué avoir déjà réfléchi à une solution de ce type, mais y avoir renoncé en raison de la complication inutile qu'introduirait une telle disposition au vu du nombre de cas très réduit qui sont concernés.

Je vous invite par conséquent à suivre la position du département des finances et de sa cheffe et de voter la version du Conseil d'Etat.

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical vous encourage à soutenir le rapport de majorité défendu par Mme Ruegsegger, dont l'ensemble des arguments ont déjà été débattus dans ce Grand Conseil. Il s'agit en fait de proroger une loi, une loi qui a rendu d'énormes services à la population et à l'Etat, puisqu'elle a permis d'engranger par le biais de ces liquidations de sociétés immobilières près de 384 millions. Alors, nous vous recommandons de poursuivre sur la lancée, en rappelant que cette loi est en fait issue d'une motion, la motion Saudan. C'est vous dire à quel point nous ne pouvons que la soutenir !

L'élément fondamental qui est développé par le rapport de minorité consiste à introduire une inégalité de traitement - Mme Ruegsegger vient de vous l'expliquer - entre les sociétés immobilières qui sont déjà liquidées et celles qui sont en voie de liquidation. Cette mesure, proposée par certains dans ce Grand Conseil, est d'autant plus inique que ce sont les sociétés qui ont le plus de difficultés à assurer et à assainir leur situation qui sont ainsi visées par cet amendement.

Nous vous recommandons donc de rejeter cet amendement, comme la majorité de la commission fiscale l'a fait. Nous vous proposons de rejeter avec foi l'amendement proposé par Mme Grobet-Wellner et de suivre le rapport et les conclusions de Mme Ruegsegger. 

Mme Christine Sayegh (S). Ce projet de loi est donc une application de la loi fédérale qui prolonge de quatre ans l'allégement fiscal en matière de liquidation de sociétés immobilières. Il est vrai que grâce à l'amendement Saudan, de Françoise Saudan, notre ancienne collègue, ces liquidations pourront se faire de manière partielle. Car vous savez sûrement tous qu'il faut dans la plupart de ces sociétés immobilières l'unanimité des actionnaires pour les liquider, ce qui n'est pas toujours facile à obtenir.

En l'espèce, l'amendement qui vous est proposé ce soir avait déjà été proposé il y a cinq ans lors de l'élaboration de la première loi d'application de la loi fédérale. Il n'a pas pour but de créer des inégalités, mais a pour but d'inciter à liquider. Si l'on n'incite pas à liquider, c'est-à-dire que l'on permette de reporter les bénéfices pendant quatre ans au lieu de les distribuer, afin d'obtenir 75 % de réduction fiscale sur l'ensemble des bénéfices non distribués pendant quatre ans - c'est effectivement une économie d'impôt tout à fait légale - les sociétés immobilières ne vont pas se liquider très rapidement. L'amendement touche l'actionnaire. Nous estimons que les 75 % de réduction fiscale sur le bénéfice que reçoit l'actionnaire ne doivent s'appliquer qu'au bénéfice de l'année de liquidation et non pas à des bénéfices accumulés pendant quatre ans. C'est donc une incitation à une liquidation et je vous encourage à la suivre. 

M. Bernard Clerc (AdG). Lorsque nous avions discuté du premier projet de loi qui permettait cette liquidation jusqu'en 2001, notre groupe s'était opposé à ce que l'on aille au maximum de la déduction fiscale autorisée, à savoir 75 %. Car s'il y a quelque chose d'inique, Monsieur Froidevaux, c'est bien d'accorder un abattement fiscal de 75 % à des sociétés immobilières qui ont de fait profité d'exemptions fiscales à cause de leur statut.

Sur ce projet qui prolonge, qui proroge en fait la loi antérieure, notre groupe s'est abstenu en commission. En effet, l'on peut effectivement se poser la question de savoir s'il faut des régimes différenciés, dès le moment où la première loi a été adoptée, entre ceux qui ont bénéficié du projet initial et ceux qui bénéficieront de l'extension de ce projet. Cela étant, nous apporterons notre appui à l'amendement déposé par Mme Marianne Grobet-Wellner, parce que nous estimons en tout cas qu'il n'est pas normal qu'un certain nombre d'actionnaires accumulent les dividendes sans les distribuer, afin de bénéficier là encore d'un allégement fiscal supplémentaire.

Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Je crois que M. Froidevaux ne m'a peut-être pas tout à fait bien écoutée ou comprise. Vous parlez d'inégalité entre les actionnaires qui ont déjà liquidé et qui ont donc pu bénéficier de la réduction sur le report par rapport à ceux qui ne pourront plus le faire maintenant. Il n'y a en fait pas d'inégalité, parce que nous ne revenons pas sur l'acquis jusqu'à 1999, quoi que l'on en pense. Nous ne revenons pas là-dessus. C'est-à-dire que celui qui va liquider en l'an 2000 avec des bénéfices reportés jusqu'à et y compris 99, bénéficiera de la même réduction de 75 % que ceux qui ont déjà pu liquider. Par contre, ceux qui ont déjà liquidé ne vont évidemment pas profiter d'une réduction de 75 % sur les bénéfices ultérieurs, puisqu'ils ont déjà liquidé. Il n'y a donc pas d'inégalité. Je pense que vous m'aviez peut-être mal comprise. C'est très technique, j'en conviens. Mais je tenais à préciser que l'inégalité que vous semblez avoir vue dans mon amendement n'existe en fait pas, en tout cas pas en tant que telle.

Nous tenons à obtenir un maximum de liquidations de sociétés immobilières. Je rappelle qu'une bonne partie de ces sociétés n'ont pas pu être liquidées parce qu'il fallait recueillir l'unanimité des actionnaires jusqu'à tout récemment. Si nous nous offrons la possibilité d'obtenir 75 % de rabais sur des bénéfices qu'ils pourront faire dans les quatre ans à venir, plutôt que d'attendre le dernier moment pour liquider, nous introduisons bel et bien une incitation. C'est également dans ce but-là que j'ai proposé cet amendement.

M. Christian Grobet (AdG). Comme M. Bernard Clerc l'a indiqué, lorsque cette loi a été votée voici quatre ans, le groupe de l'Alliance de gauche était extrêmement réticent. Nous ne l'avons du reste pas votée, parce que, comme M. Clerc l'a rappelé, les sociétés immobilières ont pu bénéficier d'un régime fiscal allégé. S'il y a eu inégalité de traitement, c'est effectivement entre les sociétés immobilières et les propriétaires en nom qui ont, eux, payé normalement leurs impôts.

J'aimerais ce soir poser une question à Mme Calmy-Rey. Nous admettons que le problème des sociétés immobilières portant sur la propriété par actions est effectivement un cas particulier, parce qu'il y a eu des minorités de blocage. Maintenant que la loi proposée par Mme Saudan a été votée, il nous paraît légitime, puisque l'on a admis il y a quatre ans ce régime privilégié sur le plan fiscal, que ce régime puisse s'appliquer à ces sociétés immobilières-là, surtout que c'est peut-être pour les sociétés immobilières que ce changement de régime se justifie le mieux. En effet, beaucoup de propriétaires d'appartements par actions souhaiteraient évidemment pouvoir bénéficier du régime de la PPE qui les protège beaucoup mieux. La question que je pose à Mme Calmy-Rey, c'est de savoir combien il y a d'autres sociétés immobilières, notamment propriétaires d'immeubles commerciaux, qui n'ont aujourd'hui pas encore introduit de demandes devant le département des finances. Parce que je ne vois aucune raison de prolonger le régime privilégié pour de telles sociétés immobilières qui avaient tout loisir de déposer leur demande avant le 31 décembre de cette année. Mais j'aimerais savoir si l'on parle finalement de quelques cas particuliers ou s'il reste encore un grand nombre d'immeubles, qui ne sont pas des immeubles de propriété par actions, en main de sociétés immobilières. 

Mme Micheline Calmy-Rey. L'Etat de Genève a pris dès 1995 des mesures qui visent à favoriser la liquidation des sociétés immobilières et ces mesures ont été couronnées de succès. Environ 1 500 sociétés immobilières sont entrées en liquidation depuis le 1er janvier 1995, générant pour les collectivités de très importantes recettes et permettant une meilleure visibilité de la propriété immobilière. Plus de 1 000 sociétés à Genève envisagent encore leur liquidation et l'on ne peut dès lors que se féliciter de la décision prise par les Chambres fédérales de prolonger jusqu'à fin 2003 la période pendant laquelle ces sociétés peuvent encore se liquider au bénéfice d'allégements.

Les dispositions contenues dans le projet de loi sont, en ce qui concerne les impôts cantonaux et communaux, identiques à celles déjà prises pour l'impôt fédéral direct. Ces dispositions prévoient une réduction de 75 % du taux de l'impôt dû par la société immobilière et même une réduction du taux de l'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation qui lui revient. Cet excédent est constitué par les réserves sur immeuble et parfois par les bénéfices d'exploitation de plusieurs années qui n'ont pas été distribués sous forme de dividende à l'actionnaire.

Le projet de loi qui vous est soumis ce soir par le Conseil d'Etat, comme la loi sur l'impôt fédéral direct, prévoit que l'intégralité de l'excédent de liquidation bénéficie d'une réduction de 75 % du taux de l'impôt lorsqu'il est versé à l'actionnaire. La minorité de la commission fiscale constate, s'agissant des sociétés dont le bénéfice a été distribué, que les actionnaires ont payé leur impôt au plein tarif et cette minorité propose pour rétablir l'égalité que l'actionnaire paye à 100 % sur la contrepartie des réserves ouvertes.

Sur le principe, on ne peut que donner raison à la minorité de la commission. Mais toutes les liquidations qui ont été faites jusqu'à aujourd'hui l'ont été sous le régime qui est proposé dans le projet de loi. C'est vrai, la crainte évoquée par Mme Grobet-Wellner et la minorité est que les sociétés encore à liquider ne distribuent plus leurs dividendes dans l'espoir de faire bénéficier leurs actionnaires d'un abattement de 75 % au moment de la liquidation. Nous disons, lorsqu'on sait que la moyenne des liquidations s'élève à 300 000 F, que ces montants peuvent tout de même être dissuasifs, malgré l'abattement, et qu'il faut précisément, pour inciter aux liquidations des sociétés immobilières restantes, être incitatif et ne pas accepter l'amendement qui vous est proposé par la minorité. 

Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Juste deux mots. Si un certain nombre de sociétés immobilières n'ont pas pu être liquidées à ce jour, ce n'est souvent pas pour des raisons économiques, mais par impossibilité. Il suffisait qu'un ou deux actionnaires s'y opposent pour rendre la chose impossible jusqu'à tout récemment. Je pense par contre que certaines sociétés immobilières pourraient être tentées de continuer d'attendre le dernier moment.

Je me répète, je suis désolée, mais je pense que c'est cela qui est important dans cet amendement, à savoir d'ôter cette tentation d'attendre le dernier moment pour liquider, avec l'espoir - ce n'est d'ailleurs pas seulement un espoir, mais c'est une certitude. Il ne faut donc pas parler d'espoir, je me corrige là-dessus, Madame la présidente - avec la certitude pour les sociétés qui procéderont ainsi d'avoir un gain de 75 % d'impôt sur le dividende non distribué.

M. Christian Grobet (AdG). Si j'ai bien compris, il y avait environ 4 500 à 5 000 sociétés immobilières - je n'ai pas très bien entendu le chiffre articulé par Mme Calmy-Rey, mais c'est ce que l'on me souffle ici. J'en déduis donc qu'il y a en tout cas 2 000 sociétés immobilières qui n'ont soit pas liquidé ou soit pas engagé la procédure. C'est donc un nombre important. Si l'on veut être incitatif et pousser celles qui n'ont rien fait jusqu'à présent à déposer une demande, il faudrait qu'elles comprennent que plus elles attendent, moins l'exonération sera importante. C'est la raison pour laquelle nous déposons un amendement qui vise à accorder le rabais de 75% uniquement aux sociétés immobilières ayant le statut de propriétaires de logements par actions - car c'est effectivement le motif principal de la prolongation de quatre ans du régime d'abattement - et aux sociétés immobilières qui ont déposé une requête au département avant le 31 décembre 1999. 

Le président. En attendant l'amendement de M. Grobet, je fais voter l'entrée en matière du projet de loi 8151.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 42

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, pour faciliter votre tâche et celle des députés, j'ai repris dans mon amendement le texte intégral de l'article 42, alinéa 1 tel qu'il existe actuellement, étant donné que le projet de loi 8151 ne mentionne pas l'article 42 alinéa 1. Il ne reproduit en effet que les alinéas modifiés. Je propose donc de modifier le taux de 75 % à 50 % et d'ajouter une phrase accordant la dérogation de 75 % dans les deux cas auxquels j'ai fait allusion :

«1L'impôt sur le bénéfice en capital réalisé lors du transfert d'un immeuble à l'actionnaire par une société immobilière fondée avant le 1er janvier 1995 est réduit de 50 % si la société est dissoute. Ce taux est toutefois porté à 75 % pour les sociétés immobilières ayant le statut de propriété de logement par actions et pour les sociétés ayant déposé leur requête au département avant le 31 décembre 1999. »

Le président. Mesdames et Messieurs, dans les propositions d'amendements de Mme Grobet-Wellner qui vous ont été soumises figurent au verso les dispositions actuelles de la loi sur l'imposition des personnes morales. Cela vous permet de suivre les débats.

Mme Micheline Calmy-Rey. Mesdames et Messieurs, je vous encourage à ne pas voter l'amendement présenté par M. Grobet. Toutes les liquidations qui ont été faites jusqu'à ce jour l'ont été sur la base du projet de loi tel que nous l'avons déposé, selon ces modalités-là. Ce serait introduire, encore une fois avec le même argument que pour l'amendement de Mme Grobet-Wellner, une inégalité de traitement par rapport aux sociétés qui vont se liquider à partir de maintenant. Je vous encourage donc à ne pas voter cet amendement. 

Mis aux voix, l'amendement présenté par M. Grobet est rejeté.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de Mme Grobet-Wellner dont vous avez le texte devant vous et dont je vous redonne lecture. Il concerne l'article 42, alinéa 2 :

«2L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit. »

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous en sommes à l'article 42, alinéa 3. Une proposition d'amendement figure en page 4 du rapport. Je vous en donne lecture : « La situation est acquise en ce qui concerne le bénéfice non distribué jusqu'au 31 décembre 1999. Pour les exercices suivants, 2000, 2001, 2002 et 2003, il conviendrait qu'il ait été distribué pour pouvoir bénéficier de la réduction. »

Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Excusez-moi, Monsieur le président, mais je crois que l'article 42, alinéa 3 n'est, sauf erreur, pas modifié ! Cet amendement a été refusé en commission. Il y a par contre un nouvel alinéa 5. 

Le président. Oui, Madame, vous avez raison ! L'alinéa 3 n'est pas modifié.

Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. La loi actuelle ne contient pas d'alinéa 5. Le Conseil d'Etat propose, dans son projet de loi, d'introduire un nouvel alinéa 5. A ce nouvel alinéa 5, je propose un amendement visant à compléter la proposition du Conseil d'Etat.  

Le président. Je vous donne lecture de l'amendement proposé par Mme Grobet-Wellner à l'alinéa 5 :

«5Lorsque l'actionnaire [...] au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit. »

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 42 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. J'aimerais simplement dire que je regrette bien évidemment le vote de ces deux amendements, mais il importe que la loi puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible, même si c'est dans la version adoptée par ce parlement. Je vous invite donc à voter ce projet de loi. 

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8151)

modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (mesures fiscales visant à favoriser la liquidation totale ou partielle des sociétés immobilières) (D 3 15)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article. 1

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :

Art. 42, al. 2 et 3 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)

2 L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit.

3 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.

5 Lorsque l'actionnaire acquiert d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, en propriété par étage et contre cession de ses droits de participation, la part de l'immeuble dont l'usage est lié aux droits cédés, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par la société est réduit de 75 % si la société a été fondée avant le 1er janvier 1995. En outre, le transfert de l'immeuble à l'actionnaire doit être inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit.

Article 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2000.

Article 3 Modification à une autre loi (D 3 30)

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit :

Art. 189, al. 2 (nouvelle teneur) et al. 3 (nouveau)

2 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.

3 Le droit de vente prévu à l'article 33 est également réduit de moitié dans les cas prévus à l'article 42, alinéa 5 de la loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, si le transfert de l'immeuble à l'actionnaire est inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003. 

PL 7991-A
7. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'usine des Cheneviers (L 1 25). ( -) PL7991
Mémorial 1999 : Projet, 829. Renvoi en commission, 865.
Rapport de M. Alain Etienne (S), commission de l'environnement et de l'agriculture

La Commission de l'environnement et de l'agriculture, sous la présidence de Mme Anne Briol, s'est réunie à quatre reprises, les 2 septembre, 16 septembre, 30 septembre et 7 octobre 1999, afin d'étudier le projet de loi 7791 sur l'usine des Cheneviers, qui lui a été envoyé par le Grand Conseil lors de sa séance du 28 février 1999.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat chargé du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, a participé aux travaux de la commission, assisté de Mme Karine Salibian, secrétaire adjointe, de M. Claude Convers, secrétaire général et en partie de M. Pierre Ammann, directeur de l'usine des Cheneviers.

Présentation par le département du projet de loi

Actuellement, l'usine comprend quatre lignes de traitement des déchets pour une capacité de 400'000 tonnes par an environ. Trois fours sont affectés aux ordures ménagères et déchets industriels et un aux déchets spéciaux. Les principaux usagers du site des Cheneviers, pour les résidus ordinaires, sont les communes (53 %), les industries et chantiers genevois (27 %), les clients et communes d'origine vaudoise (12 %), les clients et communes d'origine française (6 %) et divers (2 %). Pour les déchets spéciaux, les principaux usagers sont les entreprises du secteur industriel et des services du canton de Genève (80 %) et de seize autres cantons (20 %).

Le canton dispose aujourd'hui d'un concept de gestion des déchets, d'un plan de gestion des déchets et d'une loi sur la gestion des déchets. La politique environnementale en matière de déchets consiste en premier lieu à réduire la masse des déchets à la source, afin de limiter le plus possible le recours à l'incinération. Ainsi, les matières à faible pouvoir calorifique ou impropres à la destruction par combustion sont retirées des résidus ménagers ou industriels ordinaires tels que les résidus organiques, la ferraille, le verre. De plus, l'usine sera dotée d'ici fin 1999 des instruments d'épuration des fumées (dénox).

Le département explique que cette diminution voulue au niveau du canton peut être compensée. En effet, le 1er janvier 2000, la loi fédérale prévoit la fermeture des décharges à tous les déchets combustibles (déchets urbains et déchets de chantier). Le potentiel pour la Suisse est estimé à environ un million de tonnes par an. L'accroissement de la quantité des déchets sera également recherché par l'élargissement de la zone d'approvisionnement de l'usine en déchets, soit le bassin lémanique. Cela passe par une collaboration régionale (coordination intercantonale romande, Syndicat mixte intercommunal de gestion des déchets du Faucigny genevois - Sidefage par exemple).

Le département compte également sur l'énergie (calories et électricité) que produit l'usine. L'exploitation des ordures ménagères a produit une recette de 5,6 Mio F en 1996, résultant de la vente d'énergie électrique aux Services industriels de Genève, soit environ 85 Mio de KWh. L'usine est actuellement un service qui s'autofinance. Ce sont les taxes prélevées pour traiter les déchets qui couvrent les frais administratifs.

Comparée à d'autres services de l'Etat, l'usine entretient des rapports avec d'autres autorités dont les communes et la Ville de Genève, les usagers, notamment les industries et les centres de distribution (Migros, Coop...). L'usine doit pouvoir collaborer avec ces partenaires qui doivent pouvoir s'exprimer au sein de l'organisme.

Aujourd'hui, la même autorité gère l'usine et la contrôle (Ecotox). Le département estime que ce projet de loi permet de séparer le contrôleur du contrôlé.

Le projet de loi présente 8 chapitres. Le chapitre I est consacré aux dispositions générales, le chapitre II à la surveillance, le chapitre III à la gestion, le chapitre IV au statut du personnel, le chapitre V à l'exploitation, le chapitre VI à la comptabilité et aux finances, le chapitre VII à la dissolution, le chapitre VIII aux dispositions transitoires et finales.

Dispositions générales : le principe d'un établissement de droit public y est défini.

Surveillance : l'Etat a la surveillance de l'exploitation et de l'impact de ses activités. Le Conseil d'Etat a la surveillance de la gestion et des finances, avec rapport au Grand Conseil.

Organisation : un Conseil d'administration est formé, composé de représentants de l'Etat, des communes, des usagers, des milieux associatifs, du personnel.

Gestion : le projet prévoit une comptabilité conforme à la gestion de l'Etat avec les mêmes normes administratives.

Statut du personnel : le personnel est maintenu au statut de la fonction publique. Les employés resteront affiliés à la CIA.

Auditions

Association des communes genevoises (ACG), représentée par M. Daniel Mouchet, maire de Carouge et M. Michel Hug, secrétaire général

Les représentants de l'ACG tiennent tout d'abord à remercier le chef du DIAEE d'avoir associé étroitement les communes à l'élaboration du présent projet de loi et de celui sur les déchets qui vient d'être voté. Ils informent la commission que le projet de loi 7991 a recueilli un vote positif lors de l'assemblée générale de l'association.

Concernant la composition du Conseil d'administration, l'ACG demande que 2 magistrats soient désignés par le Conseil administratif de la Ville de Genève au lieu de 1 (art. 9, al. 1, let b) et que 3 magistrats soient désignés par l'ACG au lieu de 2 (art. 9, al. 1, let c). Cette requête est basée sur le fait que les flux financiers générés par cette activité de protection de l'environnement sont composés à 50 % par des fonds communaux.

Pour l'ACG, le projet d'autonomisation est important, car il représente l'aboutissement de toute la politique de la gestion des déchets du canton. Ce projet répond ainsi aux préoccupations des communes en ce qui concerne la maîtrise des coûts et la protection de l'environnement et assure un véritable partenariat entre les différentes responsabilités publiques. Il est aussi fait allusion à l'alimentation du fond cantonal de gestion des déchets qui permettra de dynamiser la politique environnementale du canton.

Personnel de l'usine des Cheneviers, représenté par M. Philippe Bochud, conducteur, M. Jean-Pierre Götz, contremaître, M. Jean-Marc Dornier, mécanicien, M. Patrick Parmingle, chef exploitation et représentant du personnel de l'usine des Cheneviers

Le représentant du personnel administratif fait état de certaines préoccupations, mais dit ne pas être opposé à l'autonomisation. Les préoccupations touchent à la représentation du personnel, aux mécanismes salariaux, aux compétences de l'usine en matière de gestion du personnel, aux conditions du transfert du personnel, à la liberté de gestion de la direction, à la responsabilité par rapport aux pertes éventuelles.

Il est précisé que sur un total de 150 employés, la proportion du personnel administratif acquis à l'autonomisation représente une quarantaine de personnes

Les représentants du personnel manuel déclarent être opposés au projet d'autonomisation de l'usine des Cheneviers. Afin de moderniser l'usine, l'accent a été mis sur la recherche de nouveaux marchés permettant de démontrer que l'usine peut être rentable. De nouveaux déchets à très haut pouvoir calorifique (PCI) ont été trouvés, tels que déchets animaliers, pneus et autres, ce qui a eu pour conséquence la détérioration des installations et la dégradation des conditions de travail. L'usine ne peut pas fonctionner correctement lorsque les déchets sont sélectionnés uniquement en fonction du seul critère de productivité alors que la vocation première de l'usine est le traitement des déchets ménagers. Il est fait remarquer aussi que l'arrêt des fours ne se fait plus en prévision d'une révision, mais lorsqu'il y a une obligation de réparer. La rentabilisation va aussi avoir des conséquences sur le budget et les finances de l'Etat. Si les installations sont mises à mal trop rapidement, c'est la collectivité qui devra financer les dégâts.

Le responsable d'exploitation représentant le personnel administratif confirme que, si l'on veut traiter des déchets industriels à haut pouvoir calorifique, il est nécessaire d'adapter les installations. Le vieillissement et l'encrassement des installations sont des phénomènes rencontrés par l'ensemble des incinérateurs suisses. Les modifications ont déjà été faites dans d'autres usines. De plus, ce problème n'est plus comparable à celui rencontré auparavant en raison de la dureté et de la résistance accrues des nouveaux matériaux qu'il faut incinérer en l'absence d'une filière de recyclage.

Syndicat SSP VPOD, représenté par M. Paolo Gilardi et M. Philippe Bochud

Les personnes auditionnées considèrent que l'incinération des déchets est une tâche d'utilité publique notamment parce qu'elle touche à la protection de l'environnement. Il est rappelé que l'usine est située à proximité d'une zone d'intérêt écologique reconnu et que des mesures doivent être prises pour préserver cette zone. Il est rappelé également que la diminution des déchets à incinérer reste l'objectif principal d'une saine politique de gestion des déchets et qu'à ce titre il est difficile d'accepter une augmentation des déchets industriels à haut pouvoir calorifique, laquelle entraîne immanquablement une péjoration des conditions de travail, un encrassement plus important des installations et une augmentation des résidus nocifs pour l'environnement.

Visite de l'usine des Cheneviers

La séance du 7 octobre est consacrée à la visite de l'usine des Cheneviers. Les commissaires se rendent tout d'abord au quai de chargement des ordures de la Jonction. Un employé, M. Alain Vulliamy, donne quelques explications. Les ordures levées par le service de voirie de la Ville de Genève sont amenées jusqu'à cet endroit, ainsi que celles de quelques communes limitrophes et de certaines entreprises privées. Les commissaires peuvent observer les opérations de déchargement. A leur arrivée et à leur départ, les véhicules sont pesés afin de fixer le montant de la taxe. Les camions alignés perpendiculairement au Rhône, déversent leur chargement dans la barge. Chaque barge transporte environ 150 tonnes d'ordures. En une semaine, seize barges sont chargées et poussées jusqu'à l'usine des Cheneviers. Le trajet dure environ une heure dans chaque sens.

En raison des fortes précipitations, le voyage prévu en barge est annulé et les commissaires se rendent en bus jusqu'à l'usine des Cheneviers où ils sont accueillis par le directeur de l'usine, M. Pierre Ammann.

Les commissaires visitent ensuite l'usine. Les deux premiers fours (Cheneviers 1) datant de 1966 ont été démontés en 1997. 1978 vit la construction de Cheneviers 2, comprenant un deuxième four à grilles et un four rotatif. En 1991 fut construit Cheneviers 3, comprenant deux nouveaux fours à grilles. M. Ammann nous informe qu'en 1998, les Cheneviers ont produit 126'000 MWh. L'usine a vendu plus de 95'000 MWh aux SI pour un montant de plus de 6,5 Mio. F alors qu'elle n'a acheté que pour 190'000 francs d'électricité. Concernant les métiers, 150 personnes travaillent aux Cheneviers, issues d'une quarantaine de métiers (marins, laborants, employés de commerce, mécaniciens, serruriers, informaticiens...). La formation du personnel est un aspect très important. En 2002, plus du tiers des collaborateurs partiront à la retraite. Une partie importante du personnel travaille à l'usine depuis sa création, cela représente une perte du savoir-faire d'autant plus que ces personnes ont dû faire l'effort de suivre l'évolution technologique. L'usine forme également des apprentis.

Les commissaires visitent la salle des commandes centralisées. Tout le fonctionnement de l'usine est géré par ordinateur. Ils passent par le quai de déchargement et visitent ensuite la cabine du grutier. Le grutier a un rôle essentiel, car c'est lui qui garantit l'alimentation constante des fours en répartissant dans les fosses les déchets qui proviennent tant des barges que des camions. Le grutier assure l'équilibrage du mélange des déchets. L'usine fonctionne 24 heures sur 24, 365 jours par an. Pour faire fonctionner les installations, six équipes de huit employés travaillent par tranche de huit heures. La visite se termine par la salle où se trouvent les installations de lavage des fumées.

Travaux de la commission

M. Cramer rappelle que ce projet de loi s'inscrit dans la logique du plan de gestion des déchets et de la loi sur la gestion des déchets et forme un tout. L'objectif visé par ces deux outils est de doubler la quantité des déchets à recycler. Le projet d'autonomisation n'est pas un projet de privatisation mais le projet de faire de l'usine une institution de droit public comme les Services industriels. M. Cramer rappelle que dès 2000, selon la loi fédérale, toutes les décharges de déchets combustibles seront fermées. Ce qui signifie que, même si l'on diminue la quantité des déchets à incinérer à Genève, il y a une forte demande extérieure au canton pour apporter des déchets à l'usine des Cheneviers, notamment de la part du canton de Vaud. L'usine des Cheneviers ne sera pas à la recherche de nouveaux marchés sur Genève.

Position des socialistes et de l'Alliance de Gauche

Les socialistes et l'Alliance de Gauche considèrent qu'il ne faut pas entrer en matière sur ce projet de loi car en l'état la rentabilisation dont il est question ici est dangereuse pour la politique environnementale de Genève. En effet, il est paradoxal de chercher à diminuer les déchets à incinérer au niveau du canton, puis de rechercher de nouveaux marchés à l'extérieur du canton pour rentabiliser l'usine. Il est tout aussi paradoxal de rechercher par l'incinération des déchets, la production d'énergie à partir de la matière que l'on cherche à diminuer. Le projet présenté est trop axé sur la rentabilité.

La fermeture des décharges à tous les déchets combustibles d'ici le 1er janvier 2000 n'est pas un critère à retenir, car ces quantités de déchets sont elles aussi amenées à baisser en raison de l'intensification du tri à la source, de la récupération et du recyclage engagés sur l'ensemble du pays. Le canton de Genève est encore trop loin des objectifs fixés pour envisager actuellement une autonomisation. Certes, l'incinération reste le mode de traitement ultime, indispensable lorsque toutes les possibilités offertes par les autres filières ont été épuisées, mais actuellement il n'y a dans le projet de loi aucune garantie que cela se fasse dans ces conditions.

Chercher à élargir la zone d'approvisionnement de l'usine en déchets aura aussi pour conséquence la multiplication des transports. Il est à noter que la création d'une ligne CFF pour les Cheneviers n'est actuellement pas envisageable pour des raisons financières. Le transport des déchets se fait pour l'instant par route et par voie fluviale. Le relais envisagé entre la gare de la Praille et les barges des Cheneviers ne paraît pas une solution convaincante.

La rentabilisation de l'usine semble aussi avoir des conséquences importantes sur la durée des installations. La collectivité ne doit pas faire les frais de cette rentabilisation, notamment en ce qui concerne le traitement des déchets apportés par les entreprises privées. Certes, on peut comprendre le souci des communes qui doivent s'occuper de l'élimination des déchets ménagers et qui ont besoin de cette infrastructure. L'incinération des déchets ménagers est une tâche d'utilité publique. Mais ce n'est pas à la collectivité de financer les dégâts causés par une exploitation intensive, surtout si l'usine a l'obligation de traiter des déchets qui n'ont pas toujours la qualité des déchets à haut pouvoir calorifique recherchés par d'autres.

Les conditions de travail se sont aussi dégradées. Une partie du personnel de l'usine n'adhère pas à ce projet. Il est difficile d'accepter que ce changement se fasse sans le consentement de l'ensemble du personnel. L'usine est aussi à l'image des employés qui se sont investis dans l'entreprise. Il s'agit aujourd'hui de respecter cela. La rentabilité ne doit pas se faire sur le dos des employés.

Il y a, certes, un risque de privatisation si, à plus long terme, il est constaté que l'usine n'est pas rentable. L'autonomisation est un pas que l'on fait en direction de la privatisation.

On peut aussi se demander pourquoi il n'a pas été prévu que des membres du Grand Conseil soient présents dans le Conseil d'administration, alors que pour l'aéroport par exemple, un membre par parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier, en fait partie. On peut se demander pourquoi le Conseil d'Etat n'a pas voulu la représentation du monde politique aux Cheneviers alors qu'il a trouvé normale la présence du monde de l'économie privée.

Position des Verts

Les Verts ne sont pas fondamentalement opposés au principe d'une gestion autonome des Cheneviers, en conséquence ils entrent en matière sur ce projet de loi mais demandent à en modifier le texte. Un contrôle strict doit être mis en place vu l'impact environnemental des activités de l'usine. Il est hors de question que la rentabilité soit l'objectif premier de l'usine. Les Verts trouvent que le projet de loi n'est pas assez contraignant. Il ne donne pas assez de garanties en ce qui concerne les exigences environnementales. Le contrôle démocratique n'est pas suffisant. Le statut des établissements autonomes devrait être harmonisé l'un par rapport à l'autre. Des amendements seront présentés qui porteront sur la valorisation des déchets, l'établissement d'un bilan écologique soumis au Grand Conseil, la mise en place d'un transport par rail, un accord de prestation voté par le Grand Conseil, la représentation politique au sein du Conseil d'administration, les gros investissements soumis au Grand Conseil.

Vote d'entrée en matière

Mise au vote, l'entrée en matière sur le projet de loi 7991 sur l'usine des Cheneviers est refusée par 6 voix contre (3 S, 3 AdG) et 6 voix pour (3 L, 1 DC, 2 Ve). Ce projet de loi présente de graves dangers pour la politique environnementale de Genève. Pour les raisons évoquées, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.

Projet de loi(7991)

sur l'usine des Cheneviers (L 1 25)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1 Principe

1 L'usine des Cheneviers constitue un établissement de droit public appelé "; usine des Cheneviers " (ci-après "; l'usine ").

2 L'établissement est géré et exploité dans les limites de l'article 160B de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai l847, de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 et de la législation applicable en matière de gestion des déchets.

3 L'établissement est autonome et jouit de la personnalité juridique.

Article 2 But

1 L'établissement a pour but le traitement des déchets définis à l'alinéa 2 ainsi que la valorisation dudit traitement, des installations et du savoir-faire de l'établissement. Ces activités sont exercées dans le respect d'une gestion intégrée de l'environnement et conformément au plan cantonal de gestion des déchets.

2 Les déchets consistent en ordures ménagères, en déchets industriels assimilables aux ordures ménagères et en déchets spéciaux.

3 Les déchets sont acheminés à l'usine par voie fluviale, à bord de barges depuis le quai de la Jonction, par la route ou par le chemin de fer.

4 Les transports sont organisés de la manière la plus respectueuse de l'environnement.

Article 3 Siège

Le siège de l'établissement est à l'usine, sur le territoire de la commune d'Aire-la-Ville.

Article 4 Inventaire des bâtiments, installations et équipements de l'établissement

Les terrains, bâtiments, installations et équipements de l'établissement font l'objet d'un inventaire détaillé tenu à jour par la direction.

Article 5 Propriété et droit de superficie

1 Les terrains compris dans le périmètre de l'usine, demeurent, avec leurs accessoires au sens de l'article 644 du code civil suisse, la propriété de l'Etat de Genève et donnent lieu à un droit de superficie dont les conditions sont fixées par le Conseil d'Etat.

2 Les bâtiments et installations seront transférés à l'établissement, selon les modalités à fixer dans une loi spécifique.

Article 6 Dotation

L'établissement est doté, par l'Etat de Genève, d'un capital de 50 millions de francs, dont la rémunération fixée par le Conseil d'Etat ne peut être inférieure au coût moyen de la dette de l'Etat.

Article 7 Conseil d'Etat et Grand Conseil

1 L'établissement est placé sous la haute surveillance et le contrôle du Conseil d'Etat.

2 Le Conseil d'Etat délègue la surveillance et le contrôle de l'établissement au département chargé de l'environnement (ci-après département délégué).

3 Les budgets, les comptes et le tarif des taxes d'élimination des déchets sont soumis à l'approbation du Conseil d'Etat.

4 Le Conseil d'Etat présente chaque année au Grand Conseil un rapport sur la gestion et les comptes de l'établissement.

Article 8 Organes

Les organes de l'établissement sont :

Article 9 Conseil d'administration

1 L'établissement est géré par un conseil d'administration, composé de 15 personnes, soit :

2 Les administrateurs désignés sous lettres a à f doivent être choisis en fonction de leurs compétences ou de leur expérience dans le domaine de la gestion.

3 Les modalités de l'élection des administrateurs désignés par le personnel sont indiquées dans un règlement.

Article 10 Durée du mandat

1 Sous réserve de l'alinéa 2, les administrateurs sont nommés ou élus pour une période de 4 ans, débutant le 1er mars de l'année qui suit le renouvellement du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. Ils sont rééligibles deux fois.

2 Le mandat d'administrateur d'un magistrat représentant le Conseil d'Etat, la Ville de Genève, les communes genevoises ou les Conseils d'Etat des cantons utilisateurs prend fin de plein droit à l'expiration de sa charge publique.

3 Le membre du conseil d'administration qui n'assiste pas à la moitié des séances de ce conseil au cours d'un exercice est réputé démissionnaire de plein droit, sauf motif valable accepté par le Conseil d'Etat et pour les représentants des communes genevoises, par le comité de l'association.

4 En cas de décès, de démission ou de perte d'une condition de nomination ou de révocation, il est pourvu au remplacement de l'administrateur pour la fin de son mandat, sauf si la vacance survient moins de 3 mois avant la fin de celui-ci ou si la condition de représentation n'est plus remplie.

Article 11 Incompatibilité

Les membres du conseil d'administration, quel que soit leur mode de nomination, peuvent être utilisateurs de l'usine, mais ne doivent être, ni directement, ni indirectement, fournisseurs ou chargés de travaux ou de mandats pour celle-ci.

Article 12 Responsabilité

Les membres du conseil d'administration sont personnellement responsables envers l'établissement des dommages qu'ils causent en manquant, consciemment ou par négligence, aux devoirs de leur fonction.

Article 13 Révocation

1 Quel que soit le mode de nomination, le Conseil d'Etat, après consultation du comité de l'association pour les représentants des communes genevoises, peut en tout temps révoquer un membre du conseil d'administration pour justes motifs.

2 Est notamment considéré comme tel le fait que, pendant la durée de ses fonctions, le membre du conseil d'administration s'est rendu coupable d'un acte grave, a manqué à ses devoirs ou est devenu incapable de bien gérer.

Article 14 Président / Vice-président

1 Le président et le vice-président du conseil d'administration sont nommés par le Conseil d'Etat au sein du conseil d'administration. Le vice-président est choisi parmi les représentants des communes genevoises et de la Ville de Genève.

2 Ils sont désignés pour une durée de 4 ans et sont rééligibles au maximum 2 fois.

3 La rémunération du président, du vice-président, des autres membres du conseil d'administration et du conseil de direction est fixée par le conseil d'administration.

4 Le conseil d'administration nomme son secrétaire qu'il choisit en dehors de ses membres.

Article 15 Attributions

1 Le conseil d'administration est le pouvoir supérieur de l'établissement.

2 Sous réserve des compétences du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion de l'établissement et a, notamment, les attributions suivantes :

Article 16 Séances

1 Le conseil d'administration se réunit aussi souvent que l'exige l'intérêt de l'établissement.

2 Il est convoqué par le président ou, à défaut, par le vice-président.

3 Il est aussi convoqué si 3 administrateurs au moins ou le Conseil d'Etat le demandent.

4 La présence de la majorité absolue des administrateurs est nécessaire pour la validité des délibérations. A défaut, une nouvelle séance est convoquée. Le conseil d'administration peut alors délibérer valablement, quel que soit le nombre des administrateurs présents.

5 Les décisions sont prises à la majorité des membres présents, le président ne prenant pas part au vote. En cas d'égalité, le président départage.

6 Les délibérations du conseil d'administration sont constatées par des procès-verbaux, avec mention des membres présents.

Article 17 Conseil de direction

1 Le conseil de direction se compose de 5 membres. Le président et le vice-président du conseil d'administration en font partie de droit. Les 3 autres membres sont choisis en son sein par le conseil d'administration. Un membre au moins est choisi parmi les représentants des utilisateurs privés. Ils sont rééligibles.

2 Le conseil de direction est présidé, en principe, par le président du conseil d'administration.

3 Les membres du conseil d'administration choisis parmi le personnel de l'établissement ne peuvent faire partie du conseil de direction.

4 Le secrétariat du conseil de direction est assuré par le secrétariat du conseil d'administration.

Art. 18 Séances

1 Le conseil de direction se réunit aussi souvent qu'il est nécessaire pour la bonne marche de l'établissement et l'exécution des affaires dont il est chargé.

2 Il est convoqué par le président ou, à défaut, par le vice-président.

3 Il est aussi convoqué si 3 membres au moins le demandent.

4 Il ne peut valablement délibérer que si 3 membres au moins sont présents.

5 Les décisions sont prises à la majorité des membres présents. En cas d'égalité, la voix du président est prépondérante.

6 Les délibérations du conseil de direction sont constatées par des procès-verbaux, avec mention des membres présents.

Article 19 Attributions

Le conseil de direction a les attributions suivantes :

Article 20 Organe de contrôle

1 Sous réserve d'approbation par le Conseil d'Etat, le conseil d'administration nomme, après un appel d'offre approprié, un organe de contrôle, choisi parmi les professionnels de la révision. Le mandat de révision est d'une année, renouvelable.

2 Le rapport de révision est transmis au conseil d'administration et porté à la connaissance de l'inspection cantonale des finances.

Article 21 Direction

1 Le directeur de l'établissement assume la direction de celui-ci selon un cahier des charges adopté par le conseil d'administration. Il exécute les décisions du conseil d'administration et du conseil de direction et assiste à leurs séances avec voix consultative. Il reçoit ses instructions du président du conseil d'administration.

2 La nomination ou la révocation du directeur est soumise à l'approbation du Conseil d'Etat.

Article 22 Statut du personnel

Le statut du personnel est réglé par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux, du 4 décembre 1997, ainsi que par les autres lois et règlements qui lui sont applicables.

Article 23 Caisse de pension

Le personnel transféré à l'établissement est affilié à la Caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA). Le personnel engagé ultérieurement par l'établissement y est également affilié.

Article 24 Accord de prestations

1 L'Etat de Genève, après consultation des divers utilisateurs, fixe pour une durée pluriannuelle, les conditions que doit remplir l'établissement en matière de traitement et de valorisation des déchets mentionnés à l'article 2. Il définit notamment les conditions du droit de superficie mentionné à l'article 5.

2 Il définit les critères d'approvisionnement de l'usine dans le canton et hors canton.

3 Il détermine les objectifs en matière de gestion et de comptabilité environnementales.

4 Il confère à l'établissement une autonomie de gestion accrue et doit veiller à ce que les prestations soient de qualité et au meilleur prix.

5 L'accord de prestations comprend l'autorisation d'exploiter.

Article 25 Locations

L'établissement peut mettre en location, à des tiers, des locaux ou emplacements dont il n'a pas l'usage. Il doit préalablement obtenir l'accord du département délégué.

Article 26 Entretien

L'établissement assure l'entretien et l'adaptation des biens et équipements qui lui sont concédés par le contrat de droit de superficie prévu à l'article 5.

Article 27 Investissements

1 L'établissement décide des investissements dont il assure lui-même le financement, par ses ressources ou par l'emprunt.

2 L'approbation du Conseil d'Etat est requise lorsqu'un investissement excède la capacité financière de l'établissement. Dans ce cas, les communes sont consultées.

Article 28 Emprunts

1 L'établissement peut contracter lui-même et à son propre nom des emprunts destinés au financement des investissements relevant de sa compétence.

2 Le Conseil d'Etat fixe les compétences de l'établissement en matière d'emprunts.

Article 29

1 L'établissement est soumis à la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

2 L'établissement tient une comptabilité adaptée à sa nature et à son étendue. Il adopte comme cadre de référence les normes comptables internationales, ci-après IAS (International Accounting Standards).

Article 30 Rapport de gestion et comptes annuels

1 Conformément à l'article 15, alinéa 2, lettre e, le conseil d'administration établit pour chaque exercice le rapport annuel, lequel comprend les comptes annuels et le rapport de gestion, il y joint le rapport de l'organe de contrôle.

2 Les comptes annuels se composent du compte de résultat, du bilan et de son annexe.

3 L'exercice social est annuel. Il se termine le 31 décembre.

Article 31 Ressources

Les ressources de l'établissement sont :

Article 32 Responsabilité quant aux résultats

L'établissement est responsable de ses résultats. Il conserve la totalité des excédents de produits, dont la moitié sera affectée à une réserve de renouvellement et le solde mis en réserve d'exploitation.

Article 33 Compétences du Conseil d'Etat

1 Les budgets, approuvés par le conseil d'administration, sont transmis au Conseil d'Etat, avant le 15 septembre de chaque année.

2 Les comptes et le rapport de gestion le sont avant le 30 avril suivant l'exercice clôturé.

3 Ces documents sont accompagnés de rapports explicatifs. Le Conseil d'Etat se prononce sur ces documents dans les deux mois.

Article 34 Exonération fiscale

L'établissement est exonéré des impôts cantonaux et communaux.

Article 35 Liquidation des biens

1 La dissolution, le mode de liquidation de l'établissement et la désignation des liquidateurs ne peuvent être décidés que par le Grand Conseil.

2 Le produit net de la liquidation revient à l'Etat de Genève.

Article 36 Transfert des droits et obligations

A l'exception de sa qualité de propriétaire immobilier dans le périmètre de l'usine, l'ensemble des droits et obligations de l'Etat de Genève relatif à l'usine, tels que notamment contrats, tarifs et taxes à percevoir ou à payer, sont transférés de plein droit à l'établissement au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Article 37 Transfert du personnel et droits acquis

1 Le personnel travaillant à l'usine des Cheneviers au sein du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, est transféré de plein droit à l'établissement, avec les droits économiques et les conditions de travail acquis au moment du transfert.

2 Si un membre du personnel s'oppose expressément à son transfert, l'office du personnel de l'Etat s'engage à le replacer aux mêmes conditions financières, au sein de l'administration cantonale ou dans d'autres établissements publics du canton.

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Premier débat

M. Alain Etienne (S), rapporteur. Je vous présente aujourd'hui le rapport de la commission de l'environnement qui a traité le projet de loi sur l'usine des Cheneviers. J'ai essayé de retracer au mieux les travaux de la commission. J'espère ne pas avoir trahi ni les uns, ni les autres. J'invite les députés qui le souhaitent à se référer si nécessaire à l'exposé des motifs du projet de loi présenté par le Conseil d'Etat et je vous renvoie également au rapport annexé du DIAE sur la consultation et qui contient des informations utiles.

Comme vous avez pu le remarquer, l'entrée en matière de ce projet de loi a été refusée. Ceci est dû à des absences certainement involontaires des membres radicaux et d'un membre démocrate-chrétien. Mais cette situation un peu particulière nous permet aujourd'hui de poursuivre le débat sur la pertinence ou non du projet d'autonomisation de l'usine des Cheneviers que nous propose le Conseil d'Etat. L'autonomisation de l'usine des Cheneviers est une question certes délicate, mais intéressante car elle met en évidence la façon dont la collectivité entend régler les problèmes environnementaux qu'elle génère. Les déchets sont à l'image de notre société de consommation.

L'autonomisation qui nous est proposée entre dans le processus de mise en oeuvre de la politique cantonale en matière de gestion des déchets, avec, il faut le rappeler, un concept de gestion des déchets 1998 - 2002, un plan cantonal de gestion des déchets 1998 - 2002, adopté le 14 octobre 1998 par le Conseil d'Etat, et la loi sur la gestion des déchets, PL 7919, que le Grand Conseil a récemment votée. De manière plus générale, elle entre dans la démarche de la restructuration de l'Etat.

Ce projet a également fait l'objet d'une large consultation auprès des milieux économiques, syndicaux, de protection de l'environnement et des consommateurs, ainsi que des communes et du DAEL, dont certaines observations ont été prises en compte dans la version finale.

Les communes approuvent et appuient la volonté de donner à l'usine un statut d'autonomie, notamment parce qu'elles sont parmi les usagers principaux et directement concernés et qu'elles recherchent en premier lieu la maîtrise des coûts.

Pourtant, il est apparu au cours de nos travaux et de la visite sur place que ce projet de loi posait quelques problèmes, notamment en ce qui concerne les risques environnementaux, la multiplication des transports due à la nécessité d'élargir la zone d'apport, et les conditions de travail qui se dégradent suite à la recherche de rentabilité.

Comme il nous a été dit dans l'exposé des motifs, le transport par rail ne semble pas être une alternative envisageable à moyen terme, alors qu'il est admis de privilégier le mode de transport le plus respectueux de l'environnement. De plus, nous avons été sensibilisés par le problème du vieillissement et de l'encrassement des installations.

Nous constatons que ce projet de loi comporte encore trop de contradictions du point de vue social et environnemental et qu'il est surtout traité sous l'angle économique. Alors il faut en convenir, nous ne sommes plus dans une logique de développement durable.

C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les conclusions de la commission, à savoir ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.  

Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Comme l'a dit M. Etienne, le rejet de ce projet de loi n'est pas dû à la volonté d'une majorité de ce Grand Conseil, mais est bien le résultat d'absences malheureuses à la commission de l'environnement et de l'agriculture, puisque les partis de l'Entente et les Verts sont d'accord d'entrer en matière, avec toutefois des amendements que les Verts nous ont déjà annoncés en commission.

On ne balaie en effet pas sans argument valable un projet de loi qui a nécessité cinq ans de travail, au cours desquels toutes les parties ont été entendues et écoutées. Le personnel manuel et administratif était représenté à toutes les séances de travail de la commission qui a traité ce projet de loi et il n'a jamais fait état des remarques que l'on entend aujourd'hui de la part des opposants et principalement des syndicats. S'il est vrai que l'usine des Cheneviers est un lieu où s'exerce une forte concentration de la pollution, il faut rappeler que cette situation a fait l'objet de nombreux redressements dans ses aménagements, dont le dernier en date est le projet Denox. Ces coûts, je le rappelle, seront assumés par les usagers à travers une augmentation des taxes de traitement des déchets et ceci dès le 1er janvier 2000. Les différentes lois et les différents règlements sur les déchets, qu'ils soient fédéraux, cantonaux ou communaux, s'orientent tous vers une protection accrue de l'environnement.

L'usine des Cheneviers, construite à une époque où l'on ne parlait pas encore beaucoup du tri des déchets, est une grosse entreprise. Elle accomplit une tâche de destruction, mais aussi de recyclage et de valorisation des déchets, elle fournit de l'énergie thermique et de l'électricité. Nous savons que les mises en décharge seront interdites dès l'an prochain, ce qui permettra d'utiliser au mieux les installations existantes, sans pour autant multiplier les incinérateurs. A l'inverse de ce que les opposants avancent, l'usine n'est pas là pour réaliser des profits. Elle doit être gérée de manière à réaliser un équilibre entre les contraintes de gestion économique et les contraintes environnementales. Il est du rôle de l'Etat d'assurer un contrôle strict et rigoureux dans le respect de l'environnement et dans la perspective du développement durable. Il n'y a donc aucun danger d'action négative sur l'environnement. Il faut relever également qu'une partie du personnel s'est fortement élevée contre toute proposition qui modifierait le statut du personnel. Celui-ci a été entendu et son statut, comme vous avez pu le remarquer dans ce projet de loi, reste celui de la fonction publique.

Le véritable motif des opposants est donc bien celui de soustraire à la suprématie de l'Etat la gestion de l'usine et de marquer par là la volonté de garder la totale intégrité de l'administration cantonale. Mais cette administration, Mesdames et Messieurs les députés, n'a pas les outils adéquats pour une telle gestion. De même qu'un contrôle rigoureux ne peut pas être assuré par la même entité qui gère l'usine. Qui contesterait aujourd'hui que les Services industriels sont mieux à même de distribuer l'énergie que l'Etat ?

En conclusion, la manière la plus appropriée de gérer cette usine est bien celle proposée par le projet de loi, à savoir de donner à cet établissement un statut de droit public avec la responsabilité des fournisseurs de déchets, dont les quarante-cinq communes qui revendiquent aussi le droit à la parole. Elles ne veulent plus prendre simplement acte et payer.

Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser les conclusions de ce rapport et de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'environnement et de l'agriculture, où nous aurons tout le loisir de l'étudier.

Le président. Il est fait une proposition de renvoi à la commission de l'environnement. Je souhaiterais que l'on se prononce sur cette proposition.

Mme Anne Briol (Ve). Nous avons eu l'occasion de le dire lors du débat de préconsultation, nous l'avons redit en commission : nous ne sommes pas opposés à une autonomisation des Cheneviers, mais pas dans les conditions proposées par le projet de loi.

En commission, nous nous sommes donc prononcés en faveur de l'entrée en matière en précisant au préalable les points que nous souhaitions voir modifier dans ce projet de loi. Nous estimons en particulier, vu l'impact environnemental de cette usine, qu'un contrôle strict de son activité doit être mis en place, ainsi que des exigences environnementales sévères, notamment concernant les transports. Dans le même ordre d'idées, il doit être exigé dans le projet de loi que les déchets pouvant être valorisés soient refusés par l'usine. De plus, nous estimons qu'un meilleur contrôle démocratique doit être instauré, notamment par un accord de prestations voté par le Grand Conseil, par la présence de politiques dans le conseil d'administration ou en soumettant au Grand Conseil les gros investissements. Nous aurions encore beaucoup à dire sur ce projet de loi, mais nous vous invitons à en discuter en commission et nous vous proposons de soutenir ce renvoi en commission.

M. Rémy Pagani (AdG). La proposition de renvoi en commission vient de nous être soumise. J'essayerai donc de m'exprimer sur le fond et sur la proposition de renvoi en commission. J'estime que cette plénière a le droit de savoir, avant de renvoyer le cas échéant ce projet de loi en commission, pourquoi une majorité a refusé d'entrer en matière. Notre groupe désire qu'il y ait un vote sur le fond et que l'ensemble de la population puisse prendre conscience des réels dangers écologiques de cette autonomisation. Je ne citerai qu'un seul exemple... (L'orateur est interpellé.) Justement, Monsieur Vaucher, je veux vous l'expliquer si vous me laissez le temps de m'exprimer ! J'ai ici la liste des prix de l'usine des Cheneviers, les tarifs 1998. Les pneus sans jantes sont facturés 110 F par tonne. Pourtant, l'usine des Cheneviers, pour augmenter le taux de combustion de ses fours, qui, je le rappelle, sont des fours destinés à l'incinération des ordures et non pas des pneus, ni des déchets de voitures, a facturé, pour aller chercher sa clientèle le plus loin possible et faire du dumping à la baisse, les pneus sans jantes 88 F la tonne. C'est effectivement ce genre de pratique, Monsieur Vaucher, qui nous fait douter du véritable sens de l'autonomisation qui nous est proposée.

Il y a donc un problème. Il y a un véritable problème, puisque nous avons à la tête du département concerné par l'usine des Cheneviers un écologiste qui a mis en place une politique des déchets à laquelle nous adhérons. Nous trouvons cependant un peu spécieux qu'il se prive aujourd'hui d'un instrument et qu'il se coupe quasiment la main droite pour soi-disant mettre en place cette politique des déchets. Il devrait au contraire savoir qu'une véritable politique des déchets signifie le maintien de la gestion des déchets dans son département, jusqu'à ce qu'elle soit mise en route, valorisée et sûre. Il devrait maintenir dans son département la gestion des déchets dont il dispose encore actuellement, l'épuration des eaux usées et l'entretien des canalisations. Or, vouloir aujourd'hui fractionner cette entité, placée sous la responsabilité de son département, c'est mettre un terme à la mise en application d'une véritable politique des déchets et de la gestion des déchets. On nous dit d'un côté qu'il faut séparer et trier les déchets dans nos maisons et dans nos cuisines, ce que nous allons faire, on nous demande d'utiliser plusieurs poubelles, ce qui va nous prendre passablement de place dans nos cuisines. D'un autre côté, on va desserrer la bride placée sur le cou de certains qui vont chercher, comme cela s'est passé en 1998 - et il y a d'autres exemples - qui vont chercher le plus loin possible, jusqu'à Milan, des pneus pour augmenter le taux de combustion de l'usine, pour augmenter la production d'électricité, voire la production de chaleur, puisque nous avons voté le projet Cadiom.

Nous estimons qu'il faut tenir compte de trois critères à propos de cette usine. Un critère environnemental, un critère de rentabilité bien évidemment, et un critère, important, qui est celui des conditions salariales. Le département pense-t-il pouvoir en même temps se couper le bras gauche et respecter ces trois critères de la manière la plus cohérente possible, c'est-à-dire préserver l'environnement, maintenir un tant soit peu de rentabilité et surtout préserver les conditions salariales des personnes, dont passablement travaillent, je vous le rappelle, en équipes le jour et la nuit, à raison de trois fois huit heures ? Je trouve que c'est la quadrature du cercle. Il faudra que M. Cramer nous explique comment il veut concrètement procéder en rendant cette usine autonome. Son parti, le parti des Verts, propose évidemment d'entrer en matière, mais il apportera à ce projet toute une série de cautèles pour soit-disant mettre en oeuvre cette politique. Nous attendons de voir. Toujours est-il que la donne est intrinsèquement faussée depuis le départ et je ne crois pas que l'on parviendra à mener, en apportant un certain nombre de cautèles, cette politique des déchets que nous attendons tous, une politique visant à réduire la quantité de déchets produits par notre communauté, mais n'ayant pas pour objectif d'en traiter toujours plus pour rentabiliser l'usine des Cheneviers, laquelle nous a déjà coûté passablement cher.

Voilà pourquoi je vous propose de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi et si possible, si le temps le permet, de revenir dans quelques années avec un véritable projet d'autonomisation, lorsque la politique de gestion des déchets sera effectivement mise en route. Avant cela, je vous propose de renvoyer le tout au Conseil d'Etat en attendant la mise en place d'une réelle politique de gestion des déchets. 

M. Bernard Lescaze (R). La passion que semble soulever sur plusieurs bancs l'examen de ce projet, qui nous revient pourtant de commission avec un refus d'entrer en matière, montre bien que le sujet est en réalité particulièrement important. L'élimination des déchets est en effet certainement l'un des problèmes capitaux du XXIe siècle. C'est déjà l'un des problèmes les plus importants que doivent résoudre nos sociétés postindustrielles.

Il va de soi que le groupe radical est particulièrement favorable, quoi que l'on ait pu en penser, au projet d'autonomisation de l'usine des Cheneviers proposé par le département. Ce projet va dans la bonne voie, dans la bonne direction. Les cris et les chuchotements montrent aujourd'hui bien que la proposition qui est faite de renvoyer ce projet en commission est une bonne proposition. Toutefois, à mon avis, Monsieur le président, à moins que la proposition de renvoi en commission signifie que ce Grand Conseil accepte l'entrée en matière, je vois mal qu'un simple renvoi puisse suffire. Pour ma part, j'aurais proposé qu'il y ait d'abord un vote d'entrée en matière, puis le renvoi en commission en second débat pour l'examen article par article, puisque ceci n'a pas été fait en commission. Ce serait un signe clair de la volonté d'aboutir de ce Grand Conseil. Il ne nous paraît pas, à nous radicaux, particulièrement positif, ni productif de simplement renvoyer ce projet en commission pour l'étudier dans plusieurs années ou pour y apporter de nouvelles cautèles.

J'avoue humblement que je ne m'étais intéressé que moyennement à ce projet. Et puis, en le lisant, j'ai en tout cas trouvé un article que l'on pourrait à mon avis également appliquer à ce Grand Conseil. C'est l'article 10, alinéa 3, relatif au conseil d'administration. Il prévoit que le membre qui n'assiste pas à la moitié des séances de ce conseil est réputé démissionnaire de plein droit. Je pense qu'une telle disposition dans le règlement du Grand Conseil ferait peut-être davantage fleurir les présences sur nos bancs ! Il y a en tout cas là une piste à suivre. (Exclamations.) Je vois, Monsieur le président... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Lescaze, une seconde s'il vous plaît. Mesdames, Messieurs, un peu de silence s'il vous plaît !

M. Bernard Lescaze. Je vois, Monsieur le président, que la pollution, les émissions de bruit, d'odeurs, etc. n'existent pas seulement autour des Cheneviers, mais également à la rue de l'Hôtel-de-Ville ! Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, le groupe radical manifeste son soutien à ce projet du Conseil d'Etat, souhaite son renvoi en commission, mais après le vote d'entrée en matière, et espère que du bon travail pourra être fait en commission. 

M. Christian Brunier (S). La position du parti socialiste était très claire, puisque tant le comité directeur que la fraction ont refusé unanimement l'entrée en matière de ce projet que nous ne trouvons pas bon. Je vous dirai pourquoi.

Il y a, par rapport à un mauvais projet, plusieurs façons de réagir. Il y a la façon proposée par les Verts, consistant à renvoyer ce projet en commission et à le modifier profondément par des amendements. Je crois que la sagesse veut parfois que l'on reparte de zéro. Je vous proposerai donc de faire comme hier soir, c'est-à-dire de laisser tomber un mauvais projet et de demander au Conseil d'Etat de revoir sa copie.

La position du parti socialiste n'est pas une position dogmatique qui s'oppose à toute autonomisation...

Une voix. Mais si, mais si !

M. Christian Brunier. Nous savons fort bien que les autonomisations apportent un certain nombre d'avantages, par exemple l'augmentation de la responsabilité des gens qui gèrent ces établissements et le fait que de plus petites entités sont souvent plus efficaces que des grandes. Mais nous savons aussi que les autonomisations apportent un grand nombre de désavantages, tels que la perte démocratique et le risque, il n'est pas mineur, de privatisation.

Ce projet de loi, nous le refusons aussi parce qu'il est beaucoup axé sur des critères de rentabilité. Nous ne pouvons pas vouloir d'un côté réduire sensiblement les déchets et d'un autre côté vouloir rentabiliser la politique des déchets. C'est quelque part incompatible et contraire à tout développement durable. Ces critères de rentabilité sont d'autant plus dangereux qu'il y a aujourd'hui à Genève un certain nombre de multinationales, spécialisées par exemple dans la gestion des déchets et dans l'exploitation de l'énergie, qui commencent à s'étendre en utilisant des techniques et des tactiques envahissantes. Nous ne voulons pas de ces entreprises sur le terrain genevois...

Une voix. Blocher, c'est Blocher !

M. Christian Brunier. Il y a aussi une tentation que l'on retrouve dans ce projet de loi. C'est la tentation de chercher à tout prix de nouveaux marchés pour être rentable. Ces nouveaux marchés sous-entendent, comme l'a très bien expliqué mon ami Alain Etienne, le déplacement d'un grand nombre de matières, dont des matières dangereuses, et l'accroissement là aussi sensible du risque de nuisances et du risque environnemental. Et puis, finalement, ce projet de loi renferme un danger caché. On traite aujourd'hui les déchets comme n'importe quel produit de consommation, ce qui est très grave car les déchets, comme l'énergie, comme un certain nombre de produits ou de prestations, ne peuvent pas être considérés comme de simples lessives, comme de simples produits de consommation. Des critères environnementaux et stratégiques tout à fait particuliers doivent être pris en compte dans la gestion des déchets.

Enfin, toute réforme, pour qu'elle fonctionne, doit obtenir le soutien du personnel concerné. Le personnel des Cheneviers a défendu de manière tout à fait légitime ses conditions de travail. Mais le personnel a aussi fait preuve d'un acte citoyen important en se préoccupant énormément des aspects environnementaux. Je ne crois pas que l'on puisse conduire un changement, n'importe quel changement, en provoquant le personnel et en le poussant à mettre les pieds contre le mur. Le climat social est aujourd'hui instable à l'usine des Cheneviers et l'on ne réussira aucune réforme contre le personnel. Il faut absolument que le Conseil d'Etat cherche l'adhésion du personnel pour qu'il devienne l'acteur de son propre changement. Cet aspect a été complètement loupé dans ce projet de loi. C'est donc pour des raisons environnementales et pour ces raisons de gestion du personnel que nous refusons ce projet de loi et que nous refusons son retour en commission. Nous demandons au Conseil d'Etat de revoir sa copie.

Une voix. Bravo ! 

M. Alain-Dominique Mauris (L). Y aurait-il un vent si froid qui souffle sur notre parlement pour voir les députés se geler face à toute ouverture ? Nous avons tous réclamé de la part de notre gouvernement une politique dynamique. Maintenant qu'il tente régulièrement des ouvertures, une majorité l'en empêche. Le refus de ce projet en est une illustration de plus.

Les arguments en faveur de l'autonomisation sont clairs et sont cohérents. Les collaborateurs de l'usine des Cheneviers conservent leur statut de la fonction publique et restent affiliés à la CIA. Que demandez-vous de plus ? Lorsqu'on sait que les salaires moyens se situent entre 80 000 et 100 000 F, arrêtez de parler de paupérisation ! Je connais d'autres couches de la population qui, elles, aimeraient bien se situer dans ces critères-là.

Le deuxième point très positif est l'ouverture de l'usine à une collaboration avec ses clients. Ceci permettra à l'usine de disposer d'une gestion de qualité, proche de la réalité environnementale, sociale et économique. Les décisions ne seront plus prises par des technocrates, mais bien par ceux qui ont un intérêt direct au bon fonctionnement de leur usine, en accord avec la politique environnementale. Que craindre à ce propos de la part d'un conseiller d'Etat, émanant des Verts, qui pilote justement cette autodétermination ? Quant aux communes, que faites-vous du vote de l'ACG qui soutient ce projet ? Les communes n'ont décidément que peu de chance devant ce parlement. Lorsque leur cause sert la majorité, elles sont alors écoutées et considérées. Lorsqu'elles ont un autre point de vue, elles ne sont bizarrement plus entendues de la même manière...

M. Bernard Lescaze. Démagogue ! (Exclamations et rires.)

Une voix. Et c'est toi qui dis ça, démagogue ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Mauris, nous allons attendre une petite seconde !

M. Alain-Dominique Mauris. Savez-vous que l'un des seuls domaines où les communes ont une vraie compétence, c'est celui de la gestion des déchets ? S'il est donc un domaine où elles sont directement impliquées, et sans démagogie, Monsieur Lescaze, c'est bien celui-ci. Mais devant les yeux de la majorité, cela n'est pas pris en compte. Quelle injustice de voir ainsi les communes éconduites, de voir leurs nombreuses réflexions sur ce sujet purement et simplement rayées. Hier soir, vous vous exprimiez en faveur des communes. Aujourd'hui, elles vous demandent votre appui et ne trouvent que porte close. A ce propos, il est curieux de constater que M. Mouchet, exécutif socialiste de Carouge et rapporteur convaincu de l'ACG sur ce projet, soit mis en doute par les députés issus de son parti... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et puis que dire du fonctionnement actuel de l'usine, qui se contrôle elle-même ? Trouvez-vous cela acceptable ? Non ! Cela n'est pas cohérent.

Alors, s'il vous plaît, arrêtons de vouloir avancer en marche arrière, arrêtons de geler toute proposition d'ouverture et arrêtons de figer le progrès en agitant de vieux épouvantails ! Mettons certes des garde-fous au projet, mais avançons ! Il est temps de soutenir le Conseil d'Etat dans ce projet et de mettre en place pour le nouveau millénaire un vrai projet pour profiler l'usine des Cheneviers comme l'un des fleurons de notre politique de protection de l'environnement, en phase avec le développement durable. Je vous recommande donc de voter le renvoi de ce projet en commission.

M. Luc Barthassat (PDC). Ce projet de loi soulève les passions et nous nous enfonçons une fois de plus dans des débats sans fin. Ce projet de loi, vu son importance et les années de travail que le département y a consacrées, mérite que l'on s'y penche un peu plus attentivement, et surtout en commission où l'on a du temps, plutôt que de faire ici un bla-bla continuel. Le PDC soutient donc la proposition faite tout à l'heure par M. Lescaze, c'est-à-dire le vote d'entrée en matière et le renvoi en commission. 

M. Robert Cramer. La première chose que je dois faire, c'est bien sûr rendre hommage en votre nom à toutes et à tous au rapporteur, M. Etienne, dont non seulement le rapport est de qualité, mais qui l'a rédigé dans des circonstances difficiles. M. Etienne a eu la courtoisie et la correction de rédiger son rapport rapidement, quand bien même il pouvait peut-être imaginer que le vote en plénière ne serait pas de même nature que celui de son groupe en commission. Il a de surcroît su, alors même que les travaux de commission se sont terminés abruptement par un refus d'entrée en matière, marquer dans son rapport les différents enjeux que pose ce projet de loi.

On peut bien sûr déplorer l'effet d'une majorité due à un certain nombre d'absences. Nous devons débattre aujourd'hui, alors même que nous savons que ce projet de loi sera vraisemblablement renvoyé en commission et que l'amorce de débat que nous avons eue sur le fond ne constitue qu'un premier tour qui sera reporté.

Pour ma part, dans le même temps que je le regrette, parce qu'il prend quelques minutes dans votre ordre du jour et que votre temps est précieux, je m'en félicite, puisque ce débat a permis aux uns et aux autres de s'exprimer sur un sujet que je considère d'importance, qui est celui de notre politique en matière de gestion des déchets. Ce débat a ainsi montré qu'il y avait dans chaque groupe de l'intérêt pour ces questions, soit parce que ce sont des vieux routiniers de ce sujet qui se sont exprimés, soit parce que ce sont des jeunes convertis, tel M. Lescaze, qui, avec la foi du néophyte, ont fait valoir leur point de vue.

Ce qu'il faut peut-être dire ici, ce sont trois choses. La première, c'est que, s'agissant d'un changement de statut de l'usine des Cheneviers, oser prononcer le terme de privatisation est un non-sens. C'est un non-sens car ce dont on parle, c'est de simplement faire passer cette usine des Cheneviers à un statut d'établissement de droit public, c'est-à-dire au statut d'une entreprise possédée à 100 % par l'Etat, contrôlée à 100 % par l'Etat, aussi bien quant à sa gestion que quant à sa politique, dans ses comptes, dans son budget et dans ses investissements. Tout cela est dit dans le projet de loi. Pour le surplus, les collaboratrices et les collaborateurs de l'usine des Cheneviers conservent, comme ils le souhaitaient - ce qui montre bien qu'ils ont été entendus, en tout cas largement sur ce point - conservent donc exclusivement un statut de fonctionnaire. C'est dire que cet établissement demeure entièrement dans la sphère de l'Etat, mais sous une forme différente.

En l'occurrence, plutôt que de parler d'autonomisation, il serait beaucoup plus juste de parler - je sais cependant que certains ici n'aiment pas ce terme - de parler simplement d'une entreprise de réforme de l'Etat, qui permet à notre Etat d'être plus performant et plus efficace. Je crois quand même que c'est ce que les uns et les autres, en tout cas ceux qui croient en cet Etat, doivent souhaiter.

Deuxièmement, en matière de gestion des déchets, j'ai entendu un certain nombre de choses que j'ai jugées surprenantes. Je vous dirai donc simplement que le Conseil d'Etat et le département dont j'ai la charge, et qui doit mener sa politique, entendent appliquer avec la même rigueur et pour toutes les entreprises du canton la même politique en matière de gestion des déchets : celle que vous avez voulue, Mesdames et Messieurs les députés. Que ces entreprises soient dans la sphère de l'Etat ou qu'il s'agisse d'entreprises privées, nous entendons appliquer à toutes ces entreprises le concept cantonal de gestion des déchets, le plan de gestion des déchets, ainsi que la loi que vous avez adoptée sur la gestion des déchets et son règlement d'application qui sont entrés en vigueur au mois d'août de cette année. Et ces règles s'imposent à tout le monde. Elles s'imposent aussi bien aux entreprises qui sont dans la sphère de l'Etat qu'aux entreprises privées. C'est un point qui répond, je l'espère, à l'une ou l'autre de vos préoccupations, Monsieur Pagani, puisque vous indiquez qu'une autonomisation des Cheneviers est peut-être envisageable pour plus tard, le jour où l'on saura comment s'applique cette politique en matière de gestion des déchets. J'entends vous dire qu'elle doit s'appliquer aujourd'hui et maintenant et pour chacun. Alors à partir de là, les préoccupations qui ont été exprimées, portant sur la rentabilisation des Cheneviers ou je ne sais quoi d'autre encore, tout cela s'efface derrière le fait que nous voulons gérer les déchets de façon environnementalement acceptable et conformément à la politique que nous menons. S'agissant enfin des transports, cette loi dit pour la première fois que nous entendons transporter à Genève les déchets en faisant usage des infrastructures de transports publics. C'est là, je crois, une nouveauté importante qui est introduite dans ce projet de loi.

Encore un mot justement sur le transport des déchets. On ne peut pas tout vouloir. On ne peut pas vouloir tout à la fois que nous récupérions mieux à Genève, que nous valorisions mieux, que nous ayons beaucoup moins de déchets genevois amenés à l'usine des Cheneviers, et vouloir dans le même temps éviter de rendre service à nos voisins vaudois, en accueillant une partie des déchets qu'ils produisent. Traiter ces déchets est souhaitable et je dirais même que c'est une pression pour que nous fassions toujours mieux à Genève, parce que nous créons ainsi une capacité réduite aux Cheneviers qui nous contraint de réaliser les objectifs ambitieux de nos plans de gestion des déchets.

Enfin, quant au renvoi en commission, je dois dire que je rejoins certains des avis qui se sont exprimés, notamment sur les bancs du parti radical ou du parti démocrate-chrétien, pour dire qu'il serait souhaitable que le Grand Conseil donne aujourd'hui un signe en prenant une décision au niveau de l'entrée en matière et que, une fois ce signe donné, il renvoie ce projet en commission. Comme tous les projets de lois, ce projet de loi est assurément perfectible, comme tous les projets de lois, ce projet de loi mérite d'être enrichi par les réflexions des députés travaillant en commission. C'est dans cet esprit-là que je vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission pour qu'il en ressorte encore meilleur à l'issue de ses travaux.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons tout d'abord procéder au vote d'entrée en matière. Y a-t-il des oppositions sur cette procédure ?

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, je ne suis pas très féru du règlement de notre Grand Conseil. Toujours est-il que je me demande si notre Grand Conseil peut réglementairement entrer en matière sur un projet de loi, puis renvoyer le tout en commission...

Le président. Oui, Monsieur Pagani, nous pouvons le faire.

M. Rémy Pagani. Je crois qu'il y a préalablement une demande de renvoi en commission à traiter...

Le président. Oui, et c'est la raison pour laquelle je demande à celles et ceux qui ont proposé le renvoi en commission s'ils sont d'accord que l'on utilise l'autre procédure proposée ce soir, à savoir voter d'abord l'entrée en matière. (Le président est interpellé.) Mesdames et Messieurs, le renvoi en commission est formellement demandé. Je dois donc vous faire voter le renvoi en commission de ce projet de loi. 

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission de l'environnement et de l'agriculture est adoptée. 

M 954-B
8. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Hervé Burdet, Roger Beer, Sylvie Châtelain, Jean-Claude Genecand, Max Schneider et Evelyne Strubin concernant la réalisation d'un plan cantonal de gestion des zones naturelles de Genève . ( -) M954
 Mémorial 1994 : Annoncée, 5391. Développée, 5897. Renvoi en commission, 5908.
 Mémorial 1997 : Rapport, 2757. Adoptée, 2765.

Au mois de novembre 1994, le Grand Conseil a été saisi d'une motion concernant la réalisation d'un plan de gestion des zones naturelles de Genève. Les invites de cette motion étaient les suivantes :

«- élaborer un plan cantonal de conservation et de gestion des milieux naturels, assorti d'un calendrier de réalisation. Ce plan devrait permettre de :

- conserver les grandes zones naturelles ;

Lors de sa séance du 18 novembre 1994, le Grand Conseil a décidé de renvoyer cette motion à la Commission de l'environnement et de l'agriculture. Celle-ci, par un rapport déposé le 1er octobre 1996, proposait au Grand Conseil d'adopter le projet de motion après en avoir reformulé les invites. C'est ainsi que le 2 mai 1997 le Grand Conseil a renvoyé au Conseil d'Etat une motion l'invitant à :

- favoriser la conservation des grandes zones naturelles et des espaces agricoles ;

- délimiter, maintenir et protéger ou revitaliser, voire compléter les couloirs naturels ;

- informer la commission régulièrement de la suite des travaux . »

Dès réception de cette motion, le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie et le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ont mandaté conjointement les études nécessaires à l'élaboration de ce nouveau plan régional de conservation et de gestion. Elles font suite à celles du Module cantonal Genève (région test Arve-Lac) qui ont servi d'étude de base à l'élaboration de la Conception Paysage Suisse adoptée depuis par le Conseil fédéral le 19 décembre 1997.

Des études approfondies ont été nécessaires, dans la mesure où le canton est un territoire exigu, qu'aucune de ses frontières politiques ne correspond à des limites biogéographiques, et que ses espaces naturels/agricoles sont soumis à de très grandes pressions.

Compte tenu de la situation spécifique du canton de Genève, les notions de fragmentation des territoires naturels et de réseaux écologiques se sont avérées déterminantes pour la définition des propositions d'action en faveur de la nature.

La totalité du territoire cantonal a été documentée et analysée, ce qui a permis de concevoir la mise en place d'un réseau écologique tant cantonal qu'à l'échelle du bassin franco-valdo-genevois. Un plan d'action a été établi, de même qu'un calendrier des réalisations.

Les objectifs et les actions proposés pour le plan cantonal de conservation et de gestion des milieux naturels sont développés dans un document qui constituera la ligne directrice pour le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, notamment dans le cadre de la renaturation des cours d'eau, les grands couloirs écologiques étant associés aux cours d'eau genevois.

Le plan a été rendu public et présenté à l'ensemble des milieux concernés, sous forme de deux cahiers :

Le concept relatif à la protection et à la revalorisation des milieux naturels au niveau cantonal et la définition de plusieurs options souhaitables en matière de gestion des sites et des paysages. Ce support favorisera les discussions sur les objectifs en matière de nature et de paysage en permettant d'intégrer divers aspects tels que l'agriculture, la gestion des cours d'eau, les voies de communications, les loisirs.

Des propositions de plan d'action dans des domaines encore déficitaires du point de vue de la nature et du paysage, tant sur le plan cantonal que régional. Ces propositions touchent essentiellement trois volets regroupant des thèmes interdépendants : (a) les milieux humides, les marais et rivières ; (b) l'agriculture, les forêts et les espaces extensifs ; (c) l'homme, la voiture et la nature.

Le document élaboré (et publié) est à considérer comme une étude de base au sens de la LAT. Les principes et les propositions d'actions retenus seront intégrés dans le projet de révision du plan directeur cantonal.

Les objectifs du plan cantonal de conservation et de gestion comprennent le développement d'un outil adapté au traitement des données relatives à la protection et la gestion des milieux naturels, des sites et des espèces. L'outil qui a été développé dans ce contexte est complémentaire aux systèmes d'aide à la décision élaborés par les services de l'Etat regroupant l'environnement, en particulier le système d'information pour l'environnement genevois (SiEnG) et le système d'information du territoire genevois (SITG). La mise à jour des informations réunies concernant le patrimoine naturel cantonal et régional (plus de 200 fiches et tableaux) se fera au fur et à mesure de l'avancement dans l'élaboration des données scientifiques de base et de l'évolution des projets. Les principes d'accessibilité du public aux données recueillies sont en cours de définition, étant entendu qu'elles sont réunies dans le but d'orienter les futures décisions politiques en matière de protection et de planification.

Relevons encore que le concept cantonal de la protection de l'environnement, document de synthèse et de recommandations pour une politique environnementale, qui sera présenté à la fin de l'automne 1999, intègre les données de ce document dans sa stratégie et son plan d'action général.

Ayant ainsi répondu aux invites de la motion citée ci-dessus, le Conseil d'Etat vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent rapport.

Débat

M. Alain Etienne (S). Vaste sujet que la gestion de la nature ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, les commentaires sur le précédent objet peuvent se faire à la salle des pas perdus ou à la buvette, mais pas dans cette salle !

M. Alain Etienne. Vaste sujet donc que la gestion de la nature. La réponse à la motion 954 nous donne l'occasion de faire le point. Cette réponse permet aujourd'hui d'éclaircir pas mal de choses et de recentrer les initiatives diverses. Nous avons là aussi le signe d'une véritable volonté politique. Et pourtant, le chemin parcouru paraît long depuis 1992, date à laquelle la Confédération a consulté les cantons dans le cadre de la conception Paysages Suisses.

Les socialistes tiennent à saluer la réponse du Conseil d'Etat à la motion 954, tout en étant encore très prudents, car nous pourrions dire « Enfin ! ». Enfin des lignes directrices pour le DIAE. Le livre vert remonte quand même à 1981. Mais nous avons à présent un document intitulé « Objectifs nature », à moins que je ne me trompe, car cela n'est pas dit clairement dans le rapport. Je tiens à remercier M. Cramer pour avoir fait circuler ce document dans les groupes et pour l'avoir distribué aux députés de la commission de l'environnement, ceci après l'inévitable et nécessaire conférence de presse. Peut-être aurait-il été nécessaire de joindre quelques éléments en annexe de la réponse à la motion. Je ne m'attarderai pas sur le document, si ce n'est pour dire qu'il est bien.

De quoi parlons-nous ? De réaliser un plan cantonal de conservation et de gestion des milieux naturels. Mais qu'est-ce qu'un milieu naturel ? Un milieu naturel est un milieu qui est arrivé à un stade d'équilibre et qui présente une certaine stabilité. Il y a des milieux très intéressants pour la faune et la flore qui sont créés par l'homme ou entretenus par lui, notamment dans les plaines agricoles, et que l'on pourrait appeler milieux semi-naturels. Vous voyez donc l'importance d'une vision globale de la gestion de la nature au niveau du canton et de la difficulté de la mise en oeuvre d'une gestion réfléchie et planifiée.

Je constate que la notion de réseau écologique a fait son petit bout de chemin. Il s'agit maintenant de le mettre en place. La difficulté est plutôt de savoir comment intervenir sur le domaine privé. J'aimerais encore vous parler des zones tampons, des plans de sites pour les réserves naturelles qu'il s'agirait d'initier et des plans de gestion. Mais je ne veux pas rallonger. Ce qui me paraît important aujourd'hui, c'est la planification. Les études de base sont là. Elles sont connues depuis de nombreuses années. Les inventaires sont là. Il s'agit maintenant de planifier la reconstitution de ce réseau de biotopes. De plus, l'outil informatique va nous aider à mieux cerner les problèmes.

Il est fait mention dans le rapport du concept cantonal de la protection de l'environnement qui est en cours d'élaboration. Nous l'attendons avec impatience et nous nous réjouissons d'en prendre connaissance. En fait, il serait préférable de parler d'un concept de la protection de la nature - il faudrait dire gestion - et d'un concept de la protection de l'environnement. Nous avons deux lois fédérales bien distinctes. En parlant de nature dans l'environnement, cela peut amener des confusions et souvent des oublis.

Les socialistes tiennent aussi à saluer la collaboration entre les deux départements. Dès à présent, nous ne pouvons qu'être satisfaits des principes et propositions d'actions qui seront retenus dans le projet de révision du plan directeur cantonal. Nous saluons aussi l'approche transfrontalière qui est faite. La mise en oeuvre de ce réseau transfrontalier est nécessaire pour le bon fonctionnement de notre écosystème, mais il se pose aussi la question de sa mise en oeuvre. Je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour vous demander par exemple des informations concernant l'Observatoire du milieu naturel lémanique créé par le Conseil du Léman.

Il reste encore à répondre à la troisième invite, soit régulièrement informer la commission de la suite des travaux. Mais M. Cramer a déjà donné aux commissaires des assurances à ce sujet.

Le groupe socialiste prend acte de ce rapport et met tous ses espoirs dans la politique engagée par le Conseil d'Etat en matière de gestion de la nature et dans sa capacité à concrétiser sur le terrain ces actions définies dans le document « Objectifs nature ». 

M. Robert Cramer. Monsieur Etienne, avec quelques épines, vous lancez un certain nombre de roses au Conseil d'Etat qui vous a présenté ce rapport. Ce que je souhaite simplement vous dire maintenant, c'est qu'après un stade de rédaction législative - j'ai mis à contribution la commission de l'environnement à un rythme assez effréné - nous entrons dans une période au cours de laquelle nous allons présenter nos différentes planifications. Nous l'avons fait dans le domaine de la gestion des déchets, nous l'avons fait dans le domaine de l'énergie - vous serez bientôt saisi d'un rapport de la commission parlementaire - nous le faisons dans le domaine de la nature, avec ce document « Objectifs nature », dont vous avez vu qu'il se veut précis. Il y a des échéances, il y a des dates, il y a des engagements. Il vous appartiendra aussi de vous assurer que nous tenons ces engagements que nous prenons publiquement.

Le prochain grand élément de planification, ce sera bien sûr le concept de l'environnement. J'espère que lundi, c'est-à-dire dans trois jours, le Conseil de l'environnement sera arrivé au bout de ses travaux et que je pourrai les présenter à la population au début du mois de janvier, au cours d'une de ces inévitables, mais indispensables, conférences de presse, de façon à lancer le départ de l'enquête publique et à ce que le Grand Conseil puisse à son tour en être saisi officiellement, à l'échéance du délai de six mois de consultation. Je vous en saisirai au préalable officieusement avant de vous en saisir officiellement dès l'automne. Aujourd'hui, il ne s'agit plus de faire des rapports, mais il s'agit, comme vous le disiez, de planifier en vue de réaliser.

Le président. Mesdames, Messieurs, le Conseil d'Etat nous propose de prendre acte de ce rapport.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport. 

M 1267-A
9. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Caroline Dallèves-Romaneschi, Mireille Gossauer-Zurcher, Jean-Marc Odier, Louis Serex, Louiza Mottaz, Laurence Fehlmann Rielle, Régis de Battista, Anita Cuénod, Salika Wenger et Danielle Oppliger concernant la sauvegarde du patrimoine arboricole genevois et sensibilisation de la population. ( -) M1267
Mémorial 1999 : Développée, 3337. Adoptée,3343.

Le 1er mars 1999, le Grand Conseil a été saisi de la proposition de motion M 1267 concernant la sauvegarde du patrimoine arboricole genevois et la sensibilisation de la population. Acceptée lors de la séance du Grand Conseil du 20 mai 1999, cette motion invite le Conseil d'Etat :

• « à entreprendre, en collaboration avec les autorités compétentes des communes et notamment le SEVE, toutes mesures utiles visant à mettre en valeur les arbres de ce canton et à susciter une prise de conscience par la population, par exemple en organisant une « Journée des Arbres » ;

• à porter une attention particulière, lors des procédures d'autorisation de construire, au fait que les projets garantissent les conditions nécessaires à une bonne croissance des nouvelles plantations et à la conservation des arbres existants ;

• à inciter les constructeurs, particuliers ou collectivités publiques, à conserver des surfaces importantes de sol perméable dans leurs réalisations ;

• à développer et à diffuser une information sur les différents revêtements du sol existants. »

Dans leurs considérants, les motionnaires relevaient :

• « la richesse et la valeur du patrimoine arboricole genevois ;

• le rôle important joué par les vieux arbres dans la biodiversité végétale et animale ;

• la pression importante que fait peser l'urbanisation sur ces derniers ;

• l'importance de poursuivre et d'intensifier l'oeuvre de sensibilisation de la population à la valeur des arbres. »

En préambule, il est peut-être bon de rappeler que les arbres font partie de l'histoire et de la culture genevoises liées aux grands botanistes qui ont fait la renommée de la Cité aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'intérêt de ce patrimoine a été reconnu depuis longtemps et les arbres du canton sont tous placés sous protection, par le biais du règlement sur la protection des arbres, du 28 décembre 1976, fondé sur la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites et adopté il y a près de 25 ans.

C'est ainsi que Genève, au fil des ans, a mis en place la protection des arbres la plus sévère de Suisse, grâce à des textes assurant de surcroît la conservation du patrimoine, en exigeant la compensation des arbres dont l'abattage est autorisé.

Le règlement sur la protection des arbres vient d'ailleurs d'être modifié, afin d'améliorer encore cette conservation. Parmi les changements les plus significatifs, on citera :

l'extension du but du règlement à la protection, au maintien et au renouvellement de la végétation formant les éléments majeurs du paysage, en particulier les grosses haies sises en zone de construction ;

une plus grande transparence dans l'examen des dossiers par la publication dans la Feuille d'avis officielle des requêtes et des autorisations ;

une meilleure coordination avec les dossiers en autorisation de construire lorsque ceux-ci entraînent des abattages ;

la prise en compte des conditions d'existence des arbres conservés et de ceux à planter, à l'amont des processus d'aménagement ;

la réalisation de mesures compensatoires autres que la replantation d'arbres, en particulier celles favorisant l'environnement urbain comme les toitures vertes ;

un renforcement des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l'exécution correcte des compensations imposées ;

l'affectation des contributions de remplacement au financement d'autres mesures encouragées ou réalisées par le département, conformément aux buts du nouveau règlement.

Il est aussi vrai que le territoire cantonal est limité et que la croissance urbaine, aggravée par la densification des zones de construction, laisse de moins en moins d'espace à la végétation. Cette problématique complexe est très bien exprimée dans les invites de la motion.

a) La première concerne les mesures utiles visant à mettre en valeur les arbres du canton et à susciter une prise de conscience par la population. En 1970, année européenne de la protection de la nature, l'Etat a dressé l'inventaire des arbres du canton, situés en dehors de la forêt. Les résultats de cet ambitieux travail furent publiés dans le livre vert du Département de l'intérieur et de l'agriculture en 1981 et les plans de relevés sont encore utilisés régulièrement par le Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie lors de l'examen des requêtes en autorisation de construire et d'abattage. Par ailleurs, de nombreuses communes, confrontées à des problèmes de gestion de leur patrimoine, ont établi des inventaires qui fournissent les éléments nécessaires à l'entretien et au renouvellement des arbres dont elles sont responsables.

Quant à la « journée des arbres », elle existe sous diverses formes, dont la plus médiatique est organisée par le Service des espaces verts et de l'environnement le jour de la Sainte Catherine, afin de marquer le début de la campagne annuelle de plantation de la Ville de Genève : « A la Sainte Catherine, tout arbre prend racines ». Diverses communes, en collaboration avec le Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage ou des associations, organisent également des journées de plantation d'arbres ou de haies pour sensibiliser la population et surtout les enfants à l'importance de l'élément végétal dans leur environnement. L'Etat n'entend pas se substituer aux initiatives communales dont l'impact local est bien meilleur. Il est prêt, par contre, à apporter son appui aux manifestations dans la mesure de ses moyens, comme il le fait depuis longtemps. Il convient encore de mentionner la « journée de la forêt » mise en place régulièrement par le canton dans le cadre d'actions conduites au niveau national.

b) La deuxième invite demande de veiller à ce que les projets de construction garantissent les conditions nécessaires à une bonne croissance des nouvelles plantations et à la conservation des arbres existants. Comme relevé précédemment, force est de constater que la place laissée aux arbres dans les zones de construction est souvent réduite à la portion congrue. Pour la réalisation de nouveaux complexes, il est quelquefois impossible de conserver valablement toute la végétation des parcelles et seuls les éléments majeurs et de bonne vigueur peuvent être épargnés. La réserve d'un espace vital satisfaisant sera facilitée par la nouvelle disposition du règlement concernant la prise en compte des arbres dans le cadre des plans localisés de quartier. En ce qui concerne les dossiers d'autorisation de construire, un renforcement des directives relatives aux documents à fournir pour l'examen des requêtes, et celles concernant les mesures à prendre lors de travaux à proximité des arbres permettra d'augmenter les exigences.

Cependant, il convient de relever que, parfois, il s'avère préférable d'abattre une végétation condamnée à périr lentement, mais inéluctablement, en provoquant, de surcroît, une mauvaise habitabilité par sa proximité immédiate des constructions. En ce cas, il est essentiel de réserver des espaces propices à l'accueil des compensations exigées et à leur développement harmonieux. Là aussi, le renforcement prévu des directives en matière de plantations compensatoires et de pratique de plantation permettront de mieux assurer l'avenir des arbres. Le Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage est particulièrement attentif à ces problèmes, qui ne sont pas faciles à résoudre, en raison de l'utilisation accrue du sous-sol par les parkings, les canalisations ou les services. La version remaniée du condensé des acquis techniques en matière de conservation, de plantation et de compensation sera distribuée plus largement qu'actuellement, le recueil « Arbres, Directives et Recommandations » étant jusqu'alors réservé aux professionnels de la construction.

Pour le surplus, la coordination des procédures d'autorisation de construire et d'abattage et leur publication conjointe dans la Feuille d'avis officielle offre à tout intéressé la possibilité d'examiner dans le détail l'incidence des projets sur la modification de l'arborisation des lieux.

c) La troisième invite concerne la nécessité de conserver des surfaces importantes de sols perméables lors des constructions. Il est vrai qu'au vu de la nature très imperméable des sols et sous-sols genevois, la restitution de l'eau aux arbres s'avère difficile. Un groupe de travail - rattaché à la cellule de gestion des eaux du Service des contrôles de l'assainissement du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, qui s'occupe tout particulièrement des travaux liés à l'établissement des plans d'évacuation des eaux - étudie actuellement, dans sa globalité, l'importante problématique de la gestion des eaux pluviales. Celle-ci doit être abordée tout en amont de la planification des secteurs urbains, seule manière de permettre l'amélioration des conditions de vie des arbres en ville. Les plans généraux d'évacuation des eaux (PGEE), demandés par la législation fédérale sur la protection des eaux, visent notamment à réduire les effets négatifs de l'urbanisation sur le milieu naturel. A ce titre, ils contribueront au rétablissement d'un cycle plus naturel de l'eau, favorable au développement d'une végétation durable en milieu urbain. L'établissement des PGEE relève des communes, sous la supervision du département. Les premiers plans seront réalisés dès l'an 2000 et les derniers vers l'an 2003. Parallèlement, la mise en place de toitures vertes, aux effets de rétention et d'amélioration climatique reconnus, s'intensifie. Cette verdure extensive suspendue s'impose peu à peu en tant que compensation écologique à la disparition de la végétation du sol. La révision du règlement sur la protection des arbres tient compte de cette nouvelle tendance.

d) Quant à la dernière invite, elle vise au développement et à la diffusion d'informations relatives aux différents revêtements de sol existants. Effectivement, les autorités s'engagent à intensifier la diffusion d'informations sur ce problème réel. Il existe, en effet, sur le marché, toute une série de matériaux poreux destinés à couvrir des surfaces diverses. Tout futur projet d'urbanisation sera, en raison de l'existence des PGEE, confronté à la problématique d'une gestion des eaux pluviales plus proche des cycles naturels. En toute logique, les matériaux poreux, ainsi que les dispositifs permettant le stockage temporaire local de l'eau de pluie, feront l'objet d'une attention soutenue. Toutefois, si ces solutions présentent un intérêt certain, il ne faut pas oublier trois éléments qui limitent leur effet bénéfique :

- leur structure poreuse se colmate facilement avec la poussière et les déchets de feuillage ;

- leur mise en place présuppose la creuse et la construction d'une infrastructure compactée et

- tous ces ouvrages nécessitent un entretien constant afin d'en garantir leur fonction.

A proximité du système racinaire d'un arbre, l'effet peut être pervers et il s'avère préférable d'encourager la conservation ou la plantation des arbres en site propre.

En conclusion, on peut constater que les autorités chargées de la protection des arbres mettent tout en oeuvre afin d'optimaliser cette dernière, dans le sens des invites de la motion.

Le Conseil d'Etat vous remercie dès lors de bien vouloir prendre acte du présent rapport.

Débat

M. René Koechlin (L). J'interviens pour relever ici qu'il se trouve une magnifique unanimité sur les principes, lorsqu'on parle de la sauvegarde du patrimoine arboricole et de la sensibilisation de la population à cette sauvegarde. Mais je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que ce Grand Conseil a voté il y a moins d'une année une loi allant exactement à fin contraire prévoyant un angle de 60° mesuré à partir des limites de propriété et au-delà duquel toute plantation ne peut pousser. Ce qui revient à dire que tous les arbres qui dépassent cette limite seront estropiés, Mesdames et Messieurs ! Si c'est ce que vous appelez « sauvegarde du patrimoine arboricole », bravo ! Il faudrait savoir ce que ce Grand Conseil veut. Sauvegarder le patrimoine arboricole ou l'estropier par des lois pendables ?

Ce que je vous propose, Mesdames et Messieurs, c'est de déposer un projet de loi qui abroge purement et simplement celui qui a été voté par ce même Grand Conseil et par les mêmes personnes qui ont déposé cette motion. Que l'on rectifie l'erreur majeure commise au détriment de la sauvegarde arboricole. 

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Nous nous bornerons ce soir à parler de la motion 1267 concernant la sauvegarde du patrimoine arboricole genevois. Pour notre part, c'est avec une grande satisfaction que nous avons pris connaissance de la réponse du Conseil d'Etat à cette motion. De vraies réponses sont en passe d'être apportées, des réponses concrètes sous forme du nouveau règlement sur la conservation de la végétation arborée. Vingt-quatre ans et quelques conseillers d'Etat après l'adoption de l'ancien règlement, les mentalités semblent pouvoir évoluer dans le bon sens et avec bon sens. En effet, si la végétation dépend de l'homme, il ne faut pas oublier que le contraire est également vrai. Je salue donc ici la bonne volonté du chef du DIAE, mais aussi celle du DAEL. En effet, une collaboration s'installe, qui permet aux services du DIAE de préaviser les autorisations de construire, mais aussi les PLQ. Encore que cette collaboration doive encore être améliorée et approfondie en ce qui concerne le service aux usagers qui désirent consulter les requêtes en autorisation de construire et les plans d'abattage d'arbres, afin qu'ils ne soient pas obligés de passer d'un service à l'autre et d'un département à l'autre.

Nous soulignons le fait que désormais les requêtes en abattage d'arbres seront publiées dans la «Feuille d'avis officielle» et permettront aux associations de s'informer à temps et de faire parvenir leurs observations. Ceci est une nouveauté importante. Il faut s'en féliciter. Il est simplement dommage que l'article 6 du règlement restreigne le nombre de personnes qui peuvent consulter et formuler des observations. Il nous paraîtrait particulièrement important que des associations d'importance locale puissent également faire recours contre des abattages d'arbres, puisque ce sont elles qui sont le plus au courant de ce genre de pratique. Autre sujet de satisfaction, les haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager seront également pris en compte par le nouveau règlement. Les propriétaires sont en effet tenus de prendre toutes précautions utiles pour assurer leur survie. Ce terme de survie nous paraît un peu faible et prête à de dangereuses interprétations. Nous aurions préféré le terme de croissance ou de développement, car c'est cela qu'il faut assurer aux arbres, plutôt que la simple survie. Diverses mesures efficaces sont aussi prises en ce qui concerne les mesures compensatoires. Il était temps. Notons par exemple que pour les centaines d'arbres qui ont été abattus lors de la construction du tunnel de Vernier, lors de la construction de l'autoroute de contournement, il y a environ dix ans, ces abattages d'arbres n'ont pas encore été compensés. Remarquons enfin l'encouragement des toitures vertes qui, sans compenser véritablement la végétation de sol, apportent tout de même leur contribution à nos besoins d'oxygène. Nous attendons également les réalisations des plans généraux d'évacuation des eaux.

Voici donc le nouveau règlement. Bien sûr, un règlement reste un règlement et le tout est de voir comment il sera appliqué. C'est bien de l'édicter, ce sera plus méritoire encore de le faire respecter et appliquer dans l'esprit qui convient. Nous comprenons certes que l'application de toutes ces mesures demande un effort considérable. Des habitudes doivent être modifiées, les bonnes volontés doivent être vigoureusement suscitées. Toutefois, nous constatons avec plaisir que nos magistrats savent parfois faire preuve de dynamisme et d'esprit d'innovation et nous les en remercions !

M. Robert Cramer. Juste un mot ! Madame Dallèves Romaneschi, comme vous le relevez à juste titre, un règlement, c'est bien, mais ce qui est important, c'est la pratique qui va suivre. Cette pratique-là, je m'engage à faire en sorte qu'elle ressemble en tout cas à l'esprit qui nous a animé lorsque nous avons mis en chantier la rénovation de ce règlement et lorsque nous avons pris ensemble, au Conseil d'Etat, la décision d'aller de l'avant et de le promulguer.

J'aimerais aussi dire à M. Koechlin que la question qu'il soulève est importante. Vous mettez le doigt sur une loi qui a été étudiée, je crois, de façon sérieuse par l'administration et qui assurément, parce que je ne saurais en douter, a été examinée de façon approfondie par votre Conseil, puis votée après mûre réflexion. Il s'avère aujourd'hui que cette loi se révélerait inadéquate. Je m'engage en tout cas à regarder ce qu'il en est. S'il s'avère effectivement que cette loi produit les effets que vous dénoncez, le Conseil d'Etat reviendra bien sûr devant vous pour en demander la modification. Je ne crois pas qu'il y a lieu de trop allonger le débat sur ce point. Je viendrai s'il le faut avec quelques explications complémentaires lorsque nous aurons pu faire les investigations nécessaires. 

M. René Koechlin (L). Très explicite, Monsieur le conseiller d'Etat ! Mais si un propriétaire plante un arbre, que ce soit un cèdre, un sapin, un peuplier ou un saule, il le plante ; et si cet arbre dépasse quinze ans plus tard la ligne fixée des 60° à partir de la limite de sa propriété et qu'il la dépasse de façon notoire, un voisin pourrait exiger dudit propriétaire, en vertu de cette loi, qu'il coupe les parties de l'arbre qui dépassent. Ce qui signifie estropier l'arbre ! Imaginez que l'on coupe la pointe d'un peuplier à peu près aux deux tiers ! Le peuplier est estropié. Autant l'abattre ! C'est la même absurdité pour tous les arbres qui se trouveraient dans cette situation. Sur la simple demande d'un voisin, parce que l'arbre porterait ombrage à sa terrasse ou que sais-je, il pourrait exiger qu'on l'estropie. Eh bien, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est contre ce risque, que je considère comme majeur et qui est inhérent à cette loi, que je vous demande de corriger cette dernière et de venir faire une proposition dans ce sens au Grand Conseil. 

M. Alberto Velasco (S). Monsieur Koechlin, vous siégiez aussi au sein de la commission LCI lorsque nous avons travaillé cette loi à laquelle vous faites référence. Je crois que nous étions alors tous d'accord. Cette loi fait en l'occurrence référence à des arbres qui seraient situés près de constructions. En lisant la motion, je constate que la deuxième invite demande à veiller à ce que les projets de construction «garantissent les conditions nécessaires à une bonne croissance des nouvelles plantations et à la conservation des arbres existants». Les constructeurs peuvent donc très bien veiller à l'application de notre projet de loi, c'est-à-dire les fameux 60°, et rien ne se passera. (L'orateur est interpellé.) Mais justement, il faut tenir compte, lorsqu'on construit des habitations, du fait que les arbres poussent. On ne peut pas construire n'importe comment... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Alberto Velasco. On ne peut pas construire n'importe où et n'importe comment. Il faut aussi tenir compte des lois existantes. La motion le prévoit justement, et ceci est expliqué en page 4 du rapport. 

M. Florian Barro (L), rapporteur. Etant le rapporteur de cette loi incriminée par mon collègue René Koechlin, je me permets de préciser que c'est justement pour protéger les vieux chênes comme René Koechlin que cette loi a été conçue, pour éviter justement que l'on ait besoin de les abattre, puisque tous les arbres qui ont été plantés avant l'entrée en vigueur de cette loi sont protégés. Ce sont donc les nouveaux arbres, comme les frêles roseaux, qui ne peuvent pas pousser au-delà de cette limite de 60°. Le propriétaire qui plante ainsi un nouvel arbre en vertu de cette loi a pleinement conscience des risques auxquels il s'expose au moment où il le fait. Cette loi avait aussi pour but d'éviter des litiges entre propriétaires. Tous les anciens arbres sont protégés au sens de l'ancienne loi.

A mon avis, Monsieur Cramer, vous n'avez pas besoin d'expérimenter ce dispositif. C'est uniquement à un effort d'information auprès des propriétaires qu'il convient de veiller, afin de leur expliquer qu'il ne faut pas planter les arbres n'importe où. C'est vrai que ces coupes peuvent être dommageables pour la qualité de la croissance des arbres ou leur variété, mais en l'état, c'est pour éviter des litiges entre propriétaires et des coupes dommageables d'arbres que cette disposition a été conçue. On peut effectivement prendre la chose dans les deux sens. On peut trouver des défauts à cette disposition, mais il est à notre avis plus simple de légiférer dans ce sens-là que d'en rester au statu quo ante. Mais c'est bien volontiers que je continuerai la discussion avec M. René Koechlin autour d'un verre à la buvette. 

M. Pierre Meyll (AdG). J'aimerais juste faire une remarque. Il existe un schéma dans le cadre de la LCI et M. Koechlin a parfaitement raison. Le schéma touche aussi les anciens arbres. Il peut donc être exigé qu'ils soient coupés par un voisin qui serait à cheval sur cette loi. S'il y a donc effectivement une contradiction, je pense que M. Cramer pourra faire une vérification dans la LCI et prévoir éventuellement les dispositions qui devront être prises. 

M. René Koechlin (L). Si je suis le raisonnement de M. Velasco, les propriétaires ne pourront dorénavant plus planter que des bonsaïs ! 

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport. 

R 402
10. Proposition de résolution de Mmes et MM. Pierre Vanek, Danielle Oppliger, Jeannine de Haller, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Bernard Clerc, Salika Wenger, Anita Cuénod, Luc Gilly, Chaïm Nissim, Jean-Pierre Restellini, Anne Briol, Fabienne Bugnon, Esther Alder et Alberto Velasco : «Genève, zone libre de l'AMI». ( )R402

EXPOSÉ DES MOTIFS

Suite à l'échec d'intégrer la question des investissements directs à l'étranger (IDE) dans l'Accord final du cycle de l'Uruguay, des négociations ont été menées, depuis le mois de mai 1995, au sein de l'OCDE, afin d'aboutir sur un accord multilatéral sur les investissements (AMI).

L'OCDE a toujours tenu à ce que les textes provisoires de l'accord restent secrets et avait vraisemblablement l'intention de les rendre publics qu'une fois prêts à la signature. Le fait que l'organisation non gouvernementale Public Citizen s'en soit procuré une copie et l'ait diffusée, a obligé l'OCDE à un minimum de transparence.

Suite à la divulgation du contenu du projet d'AMI, une large campagne internationale contre cet accord s'est mise en place, à laquelle ont participé de nombreuses organisations non gouvernementales, comme le WWF, Public Citizen, Transnational institute, l'Observatoire de la mondialisation, Friends of the earth ou Third world network. En Suisse, près de 80 mouvements politiques, culturels, associatifs et syndicaux, se sont mobilisés et ont récolté près de 13 000 signatures contre l'AMI. Le coeur de cette campagne se trouvait à Genève.

Suite au retrait de la France des négociations, le 20 octobre 1998, l'OCDE a renoncé à poursuivre les négociations lors de consultations informelles sur l'investissement international, qui se sont tenues à Paris le 3 décembre 1998. Toutefois, à l'issue de ces consultations, l'OCDE réaffirmait avec force la nécessité de voir aboutir des règles multilatérales sur l'investissement allant dans le sens de l'AMI.

Actuellement, il est question de transférer l'AMI à l'OMC. La Suisse, lors de la quatrième réunion du Conseil général de l'OMC, a d'ailleurs déclaré « qu'il est urgent et impératif de mettre en place des règles multilatérales sur les investissements ».

Or, le projet d'AMI comprend une série de dispositions extrêmement inquiétantes. Les investisseurs à l'étranger bénéficieraient de droits et de protections extrêmement importants allant à l'encontre de l'intérêt de nombreux pays, notamment parmi les plus pauvres. Les gouvernements seraient soumis à des règles très strictes qui ne manqueront pas d'avoir pour conséquence le démantèlement de nombreux acquis sociaux qui ont été mis en place tout au long de ce siècle. Michel Bonnet, consultant au BIT, a déclaré dans un débat public sur l'esclavage : « je ne peux pas dire que je lutte contre l'esclavage des enfants si je ne lutte pas contre l'AMI »

Le Courrier, 20 février 1998

L'AMI contient une clause rendant les gouvernements responsables d'éventuels troubles intérieurs. Ainsi, un investisseur s'estimant lésé par des manifestations de citoyens, par des grèves ou tout autre procédé de réaction de la société civile, pourrait exiger du gouvernement du pays au sein duquel se seraient déroulés les troubles, des dédommagements, notamment et surtout financiers.

Par la signature de cet accord (de manière autonome ou dans le cadre du prochain cycle de négociations de l'OMC), un pays n'aurait plus l'opportunité de soutenir activement un ou plusieurs secteurs de son économie, tous les investisseurs devant être traités sur un pied d'égalité.

La mise en place de l'AMI aurait des conséquences désastreuses pour les pays en voie de développement. En effet, un grand nombre de ceux-ci, à l'instar de la Colombie, du Nicaragua, du Mexique et de la République Dominicaine, ont élaboré des lois relatives aux investissements étrangers. Celles-ci soumettent lesdits investissements à l'intérêt national et au respect de normes écologiques.

La mise en place d'un accord du type AMI aurait, pour Genève aussi, des conséquences insupportables. Il est essentiel que notre république, comme toute autre instance démocratique, puisse continuer à être libre de légiférer en matière économique. Or les restrictions qui découleraient de l'AMI mettraient de nombreuses barrières à notre liberté de décider de façon souveraine et démocratique.

De nombreuses villes, à l'instar de Seattle, ont compris le danger que représente un tel projet d'accord sur les investissements et se sont déclarées « zones libres de l'AMI et de ses clones ». Par cet acte, elles se sont engagées à ne pas appliquer les règles qui découleraient d'un tel accord.

Au vu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, à réserver un bon accueil à cette résolution.

Débat

M. Bernard Clerc (AdG). Chacun se souvient du round de négociations au sein de l'OCDE concernant l'accord sur les investissements, qui s'est heureusement soldé par un échec. Mais cet échec ne doit pas masquer le fait que le projet n'est évidemment pas abandonné et nous en avons l'illustration ces jours, puisqu'un certain nombre de délégations présentes à Seattle aimeraient mettre la question des investissements à l'ordre du jour des prochaines négociations.

Rappelons brièvement les enjeux en question, qui s'avèrent considérables. Le projet d'accord sur les investissements prévoit que tous les droits iront aux investisseurs et toutes les obligations aux Etats. En effet, les investisseurs pourront contester à peu près n'importe quelle mesure gouvernementale qui remette en cause leurs profits, qu'il s'agisse de mesures fiscales, environnementales, de droit du travail, de protection des consommateurs ou d'aide aux entreprises. Tous les investissements sont concernés, qu'ils soient tangibles ou intangibles, publics ou privés, les investissements dans les usines, les équipements, les patrimoines financiers, les biens immobiliers, la propriété intellectuelle.

L'échec de l'AMI à l'OCDE est le résultat d'une mobilisation à l'échelle internationale. Nous le voyons ces jours, la mobilisation contre la libéralisation prônée par l'OMC se poursuit. Les manifestations sont nombreuses un peu partout dans le monde et pas seulement à Seattle.

Cette résolution est donc très importante pour notre canton. Elle est d'autant plus importante que Genève abrite le siège de l'OMC. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de voter cette résolution. (Applaudissements.) 

M. Alberto Velasco (S). Négocié depuis 1995 dans le plus grand secret au Château de la Muette, le bien nommé siège de l'OCDE à Paris, l'AMI répondait à une seule préoccupation : la protection et le traitement privilégié des investisseurs. En fait de multilatéral, l'examen du texte a révélé une approche complètement unilatérale.

Tous les droits pour les investisseurs, toutes les obligations pour les Etats et en conséquence une perte de souveraineté de ces Etats dans bien des domaines. Destiné à devenir traité, l'accord aurait eu un statut juridique supérieur à celui des Constitutions nationales. Un pays signataire n'aurait pu s'en retirer avant cinq ans et aurait dû rester soumis aux obligations contractées pour une durée de quinze ans après avoir notifié un éventuel retrait. La définition de l'investissement aurait de surcroît été très large. Elle aurait recouvert les ressources naturelles et les terres agricoles, les entreprises de production et de services, les actifs financiers, la propriété intellectuelle et artistique. En imposant en outre la circulation sans contrôle de toutes les transactions sur toutes les Bourses du monde, l'AMI aurait ruiné définitivement tous les projets de maîtrise de la spéculation financière. Si l'AMI avait été signé à l'OCDE, ses clauses se seraient imposées non seulement aux gouvernements, mais également aux collectivités territoriales, régions, départements, communes et donc notre République. L'accord aurait donné aux investisseurs le droit de saisir une cour d'arbitrage de la Chambre de commerce, la CCI, s'ils s'estimaient lésés par la législation ou les décisions d'un Etat ou d'une collectivité locale, si une loi ou un règlement portaient préjudice à leurs profits.

Grâce à une pression internationale des mouvements citoyens, l'AMI n'a pu être signé. Pour la première fois, un traité de libre-échange, conçu au seul profit des sociétés transnationales, a été mis en échec. Enterré à l'OCDE, Dracula surgit ailleurs : ses protagonistes tentent aujourd'hui d'en implanter les clauses dans d'autres enceintes pour contourner les protestations et échapper à la surveillance des mouvements sociaux. C'est ainsi que cet accord AMI est déjà en gestation à l'OMC et vous en connaissez les conséquences par la presse.

Etrange manoeuvre ! Si l'OCDE avait été promu en 1995 forum de négociations pour l'AMI, c'est parce que les pays du tiers-monde n'en avaient pas voulu dans le cadre du GATT, devenu l'OMC ! Aujourd'hui, c'est le retour à la case départ, une nouvelle tentative pour faire reculer les droits sociaux dans les pays du Nord et pour imposer à ceux du Sud les règles sur l'investissement étranger qui les livrent encore plus aux sociétés transnationales et aux spéculateurs. Nous en avons eu un échantillon avec l'affaire des travailleurs de l'entreprise Pico à Palexpo.

S'agissant des pays du Sud, les autorités brésiliennes ont déclaré que l'accord signé avec le FMI le 2 décembre 98 pour l'obtention d'un prêt était original puisque assorti de conditions nouvelles dans l'histoire des prêts du FMI. En effet, l'une des conditions était, Mesdames et Messieurs les députés, l'acceptation des règles et des prescriptions de l'AMI !

Tenant compte de ces considérations et informations, le groupe socialiste votera cette résolution. 

M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Je vous avouerais que, lorsque mon groupe parlementaire m'a demandé de m'exprimer sur ce sujet, je n'étais pas très chaud. Je dirais même que j'étais très tiède, pour une raison très simple, c'est qu'il ne s'agit pas d'un sujet que je maîtrise parfaitement, comme vous pouvez l'imaginer. Et puis, depuis quelques jours, comme vous le savez aussi, nous assistons à une mobilisation planétaire en réaction à ce qui se passe aujourd'hui à Seattle. Des millions, pour ne pas dire des centaines de millions d'individus, de citoyens lambda, sont en train de réaliser que le libre-échange peut aussi être un immense marché de dupes. Alors tout ça m'a requinqué et le citoyen lambda député que je suis s'est rendu compte qu'il avait aussi le droit de s'exprimer à l'occasion de ces moments historiques que nous sommes en train de vivre. Rassurez-vous ! Je n'ai en aucun cas la prétention de vous faire un quelconque cours d'économie politique, encore moins mondiale, puisque, comme je viens de vous le dire, j'en suis parfaitement incapable.

Ceci d'autant plus qu'un long discours à propos de l'AMI est à mon sens totalement superflu. Aujourd'hui, dans tous les milieux et je dirais même sur tous les bancs des parlements européens, nombreux sont ceux qui ont réalisé le risque que l'AMI faisait courir à l'ensemble de nos sociétés démocratiques. Vous savez que ce mauvais AMI a heureusement été démasqué et a soulevé de toutes parts des réactions si vives qu'il est tout simplement mort dans son oeuf. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, cet « alien » a fait un rejeton, qui s'appelle aujourd'hui le nouveau partenariat économique transatlantique et qui reprend dans les grandes lignes le même programme de déréglementation extrême au profit des grands investisseurs. En revanche, il n'est cette fois plus élaboré, comme cela a déjà été dit, au sein de l'OCDE, mais directement, et je vous le donne en mille, à l'OMC !

Alors, même si au sein de cet organisme-là, certains - dont la France qui a rejeté la première, à un niveau national, l'AMI - pensent que la voix des pays du Sud serait peut-être un peu mieux entendue, il n'en reste pas moins qu'il s'agit à nouveau de négociations de couloirs, de couloirs souterrains, sans aucune transparence démocratique et que tout un pan des pouvoirs de décisions concernant les politiques de développement national risque fort de tomber à nouveau dans les mains des entreprises multinationales, qui pourront dès lors encore mieux gérer notre société sans avoir, faut-il le rappeler, été élues pour le faire, selon leurs propres critères purement commerciaux, à mille lieues des principes écologiques les plus élémentaires.

Aussi, cette résolution qui dit simplement, en termes purement déclamatoires, j'en conviens tout à fait : «Mesdames et Messieurs les conseillers fédéraux, nous vous demandons de ne pas non plus faire confiance au nouveau partenariat économique transatlantique», eh bien, figurez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que nous l'avons signée ! 

M. Michel Balestra (L). Ces derniers jours, nous avons effectivement beaucoup parlé des accords de l'OMC et de l'accord sur les investissements. Eh bien, voyez-vous, depuis cinquante ans - pas une année, pas deux ans, mais cinquante ans - que ce processus est en marche, avec les négociations du GATT, l'ensemble de la collectivité internationale y a trouvé son compte. Nous avons même appelé trente de ces cinquante années les Trente Glorieuses et je mets au défi quiconque dans cette salle de venir me prouver que les gens sont plus pauvres aujourd'hui qu'il y a cinquante ans, que ce soit de manière sectorielle ou de manière globale.

On se plaint sans cesse de cette globalisation et on critique en parallèle les accords de l'OMC, accords qui visent effectivement à réglementer cette libéralisation. Ensuite de quoi on se plaint du fait que cette globalisation aurait paupérisé les pays en voie de développement. En parallèle, on refuse l'idée même d'un accord sur les investissements. Eh bien, voyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, les organisations internationales, comme le Fonds monétaire international ou comme la Banque européenne de développement, n'ont pas suffisamment de capitaux pour aider les pays en développement à développer leurs économies. Si on veut que le processus se passe correctement, il faudra que les capitaux investis dans ces pays trouvent une certaine pérennité. Et là où, à mon sens, vous vous trompez, c'est lorsque vous imaginez qu'il n'y a que les transnationales - comme vous m'avez appris que vous les appeliez dans votre vocabulaire moderne, que nous appelons pour notre part les multinationales, mais qui, d'après ce que j'ai compris, sont les mêmes - pour investir des capitaux. Voyez-vous, les plus gros investisseurs en capitaux sont aujourd'hui les fonds de pension et les fonds de pension représentent un investissement ouvrier. Mesdames et Messieurs les députés, qui d'entre vous tolérerait que cet investissement ouvrier ne bénéficie d'aucune garantie en retour ?

Un seul des participants aux négociations de l'AMI, la France en l'occurrence, comme l'a si justement rappelé M. le député Restellini, a fait opposition au projet qui était proposé, parce qu'il ne le trouvait pas bon. Peut-être que ce projet n'est pas bon, je n'ai pas qualité pour le dire, puisque, comme vous le savez certainement, je n'ai pas été appelé, contrairement à vous, pour négocier ! Je ne me rends pas exactement compte de l'ensemble des enjeux, mais vous en parlez avec une telle certitude et une telle sécurité dans le verbe que je pense que vous y étiez... Si toutefois je me trompais, ayez l'amabilité de corriger mes propos ! En l'occurrence, le fait même, Mesdames et Messieurs, que l'opposition d'un seul participant à cette négociation puisse la faire s'arrêter pendant un moment est la preuve que cette négociation est tout à fait démocratique et qu'elle n'est ni télécommandée, ni secrète, comme certains d'entre vous essaient de nous le faire admettre.

Mesdames et Messieurs les députés, vous ne voulez pas de normes sociales ou de normes écologiques dans les accords internationaux du commerce : si ces normes sociales et écologiques étaient acceptées globalement, vous n'auriez certainement plus rien à dire et vous perdriez quelque part votre fonds de commerce. C'est peut-être pour cela que vous descendez dans la rue, nerveux à l'idée de voir aboutir des accords équilibrés à l'OMC. Si un accord équilibré sur les investissements pouvait être signé entre les différentes nations, rendant intéressants les investissements dans les pays actuellement à risques, vous n'auriez même plus le tiers-mondisme pour venir nous donner la leçon !

Vous comprendrez, vu ma propre compréhension du problème qui est légèrement divergente de la vôtre, que je ne pourrai pas souscrire à cette excellente résolution qui, je l'ai compris, vous tient à coeur, mais dont je ne partage pas l'objectif. 

M. Michel Halpérin (L). Vous venez d'entendre la conscience économique de notre groupe. Pour ma part, j'aurais voulu aller à la rencontre de M. le député lambda Restellini, mais je crois qu'épuisé par l'effort, il nous a quittés... Je voudrais le rassurer, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas le seul à n'avoir rien compris. Le député alpha ou bêta Halpérin n'a rien compris non plus, ni vraiment à l'exposé des motifs, ni davantage à l'invite. J'observe simplement dans ma lecture, enfin dans mon effort de lecture, parce qu'à cette heure avancée de la nuit les yeux me tombent, que les auteurs de la résolution déclarent que «le projet d'AMI comprend une série de dispositions extrêmement inquiétantes. Les investisseurs étrangers bénéficieraient de droits et de protections extrêmement importants - il y a donc des extrêmes d'inquiétude et d'importance - allant à l'encontre de l'intérêt de nombreux pays, notamment parmi les plus pauvres». Il suffisait de le dire, encore aurait-il fallu nous expliquer en quoi, mais cela, ce n'était probablement pas dans vos ressources ou alors vous n'étiez peut-être pas autorisés à nous le révéler. Je ne sais donc pas vraiment de quoi l'on parle.

Je lis l'invite et j'ai là encore beaucoup plus de peine, mais c'est probablement à cause de mon emplacement sur l'alphabet grec ! On nous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de déclarer la République et canton de Genève «zone libre de l'AMI et de ses clones». J'ai entendu tout à l'heure sur vos bancs quelques exclamations effarouchées à propos d'une proposition tendant à protéger les nains de jardins et voilà que vous voulez nous déclarer libres, zone libre ! Nous serons le Tanger de l'AMI, l'ancien Tanger, celui que vous avez tant critiqué autrefois ! Qu'est-ce que je découvre et qu'est-ce que j'entends avec ma modeste compréhension des choses ? J'entends et je découvre que l'on s'aperçoit enfin sur vos bancs des grands mérites de la souveraineté. Vous êtes, Mesdames et Messieurs les proposants et résolutionnaires, des souverainistes convaincus. Vous dites avec notre ami le plus cher, votre ami le plus cher, le camarade Blocher, vous dites : « Soyons entre nous, restons à l'abri des mouvements du monde, défendons-nous contre ces forces étrangères qui nous menacent d'uniformité ! » Je vous ai bien entendus, vous venez de protester contre l'AMI, contre l'OMC. La protestation ira naturellement aussi contre l'ONU, puis contre l'Union européenne, et nous resterons enfin entre nous, si bien sur cette petite terre préservée ! 

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais répondre à M. Balestra. Ce matin, j'ai entendu à la radio M. de Pury s'exprimer au sujet de l'OMC. Et M. de Pury n'est pas, que je sache, de gauche, enfin jusqu'à aujourd'hui ! Peut-être compte-t-il changer ! Il disait que ce qui était dommage avec cet organisme, c'était son manque de transparence. Il expliquait qu'un brin de démocratie serait nécessaire à cette institution. Et ce n'est pas moi qui le dis !

Vous semblez dire que le commerce international a enrichi certains pays du Sud. Eh bien, c'est faux ! Les chiffres démontrent, et la CNUCED le démontre, que ces pays se sont appauvris. Il y a toujours un milliard ou plus d'êtres humains qui vivent avec un dollar par jour, malgré l'explosion du commerce international. Quant aux multinationales et aux transnationales, vous savez très bien, Monsieur Balestra, que les multinationales obéissaient auparavant, lorsqu'elles s'implantaient dans un pays, aux lois du pays où elles se trouvaient. C'est pour cela qu'elles s'appelaient multinationales. Aujourd'hui, avec la libéralisation des marchés, elles n'ont vraiment plus besoin d'être multinationales. Elles peuvent être transnationales, car elles dépassent largement les lois, ainsi que les us et coutumes des pays.

M. Jean Spielmann (AdG). En écoutant MM. Balestra et Halpérin, je pense qu'il est quand même utile de rappeler un certain nombre d'éléments précis par rapport à notre façon de voir les choses au niveau international et aussi la manière avec laquelle on peut utiliser le droit international et les relations entre les pays. Il y a effectivement plusieurs façons de voir les choses. Prenons les exemples cités du deuxième pilier et de la rentabilité des capitaux placés par les travailleurs et les entreprises pour préparer leur retraite. Si l'on examine attentivement ce qui se passe dans notre pays avec ces fonds du deuxième pilier - je ne veux pas revenir sur le débat relatif au problème du deuxième pilier que nous avons plusieurs fois dénoncé au niveau de l'orientation - il est clair que si l'on veut assurer une rentabilité financière à ces fonds et qu'on laisse des financiers gérer l'argent du deuxième pilier, on se retrouve immanquablement dans la situation dans laquelle se trouve la Suisse aujourd'hui. A peu près 80 % du montant des cotisations des employés destinées à leur retraite sont gérés dans ce pays par Ebner et Blocher. Les grands financiers gèrent l'argent des travailleurs et conduisent avec l'argent des travailleurs une politique allant contre les intérêts mêmes de ces travailleurs. Le problème n'est pas de savoir s'il faut rentabiliser ou non cet argent. Le problème, c'est de définir la finalité de cette politique sociale et de définir les moyens démocratiques et économiques d'intervention de la population pour conduire de manière différente la gestion des affaires publiques et la gestion de la société en général.

Que nous propose l'AMI, que nous propose l'OMC et quelles sont les orientations générales qui sont prises ? Je crois qu'il est quand même utile de dire ici qu'il y a entre nous des divergences de fond dans ce domaine. D'abord la suprématie du marché. Lorsqu'on place tout au niveau de la suprématie du marché, des questions se posent sur toute une série d'activités humaines qui échappent à notre avis aux règles du marché et qui ne peuvent pas fonctionner simplement avec les règles du marché. Je pense à toutes les exceptions culturelles, je pense à la vie culturelle des pays, je pense à la planification, l'orientation et l'organisation au niveau des grandes multinationales, multinationales qui imposent leur façon de voir. C'est tuer la créativité, c'est tuer la liberté des peuples et c'est surtout poser un grand problème par rapport à l'avenir même de ces populations et de leurs jeunesses. Privilégier la suprématie du marché dans des domaines aussi sensibles pour la vie sociale que sont la santé, la formation, les problèmes d'organisation de la société et de la démocratie, mettre en avant le marché et la seule rentabilité comme élément moteur de la société pose une série de problèmes importants.

J'ai dit dans mon discours de fin de présidence qu'il suffisait de voir les comptes bancaires. J'ai encore souligné tout à l'heure un certain nombre de dossiers que l'on reprendra au moment du rapport sur le budget. Il existe effectivement une orientation sur laquelle nous ne pouvons même pas entrer en matière.

Prenez simplement quelques chiffres ! Premièrement, la Banque nationale nous dit qu'il y a une dizaine d'années 200 millions de personnes dans le monde vivaient avec moins d'un dollar par jour. Aujourd'hui, sous l'impulsion de l'AMI et de l'OMC, l'internationalisation des marchés, empêche les gens de développer démocratiquement leur propre culture, leur propre économie et leur propre politique et il y a plus de 2 milliards de personnes qui vivent avec moins d'un dollar par jour.

Continuer dans cette orientation-là, c'est pour demain le K.-O. politique, économique et social assuré dans le monde. Je suis persuadé que l'on fait fausse route en soumettant toute la vie politique et la vie associative aux règles du marché. Il y a d'autres réalités et d'autres ambitions à prendre en compte. Il faut mettre l'homme au centre des préoccupations, faire une politique totalement différente que celle qui est mise en place par les multinationales, respecter la volonté des peuples de gérer leur propre avenir.

J'ai aussi dit dans ce discours qu'il ne nous était pas possible d'accepter sans réagir que l'on avance à reculons et que l'on retourne au Moyen Age, avec des guerres économiques et des guerres coloniales visant à imposer à des peuples des modes de développement qui n'ont rien à voir avec les réalités sociales, économiques et politiques de leurs pays. Imposer cette vue par le biais de la suprématie du marché, c'est réduire l'ensemble du monde et l'ensemble des sociétés à un marché unique, l'homme à une simple marchandise et la culture à une pub ! Et de cela, nous n'en voulons pas ! Il faut renverser la tendance, mettre l'homme au centre des préoccupations, assurer le développement harmonieux des pays du tiers-monde et ensemble trouver d'autres solutions que celles de la suprématie du marché et de la rentabilité qui nous conduisent dans un cul-de-sac. Les gens commencent à s'en rendre compte. Si l'on examine avec sérieux et attention l'évolution que nous promet le libéralisme, on constate qu'on va dans le mur. Je crois qu'il y a réellement une prise de conscience qui doit être faite. Ce parlement peut l'exprimer et doit l'exprimer à tous les niveaux.

Lorsque nous avons discuté de l'AMI et de l'OMC au sein de l'Assemblée fédérale - c'était lors de la séance extraordinaire qui s'est tenue à Genève - il y a eu une série de débats à l'ordre du jour, notamment sur l'exception culturelle, sur la possibilité d'intervenir dans le domaine politique, économique et financier de manière différente que sous l'impulsion des mécanismes sauvages du marché, dans un monde où il n'y a bientôt plus de pilote dans l'avion et où l'on est à la merci d'une crise qui jetterait tout par terre. Nous ne voulons pas de cette orientation-là et il est politiquement juste de le dire. Ce parlement est là pour exprimer la volonté d'une bonne partie de la population qui en a assez de voir la domination de la violence et ce retour au Moyen Age. Il y a d'autres orientations pour lesquelles nous nous battons ! C'est pour cela que nous voterons cette résolution ! (Applaudissements.)

M. Bernard Clerc (AdG). Je vais être bref. Lorsque j'entends M. Balestra nous expliquer en raccourci que nous avons eu une magnifique croissance au cours de ces cinquante dernières années, croissance due à la libéralisation, permettez-moi d'apporter quelques bémols ! Car ces cinquante ans doivent évidemment être découpés en tranches. L'essentiel des Trente Glorieuses que l'après-guerre a connues résultent d'une part des nécessités de la reconstruction, qui a été l'un des moteurs de la croissance, et de l'accompagnement de cette croissance par le développement de l'Etat social. Comme par hasard, si l'on examine l'évolution économique de ces cinquante dernières années, on constate que c'est à partir des années 85 - 90 que la croissance s'est ralentie partout dans le monde.

On nous dit que l'OMC vise à réglementer cette libéralisation. Eh bien, je vous donne raison ! Elle vise à réglementer. Mais dans quel sens vise-t-elle à réglementer ? Je vais vous le dire : elle vise à édicter des règles sur la manière de déréglementer ! C'est cela la réglementation de l'OMC ! C'est-à-dire fixer des normes pour obliger les parties signataires à déréglementer.

Quant aux propos de M. Halpérin, qui nous accuse en quelque sorte d'être les partenaires de Blocher, laissez-moi sourire, car s'il est un partisan de la libéralisation économique, c'est bien M. Blocher, multimilliardaire qui investit effectivement beaucoup hors des frontières de la Suisse et qui n'en a rien à foutre sur le plan économique de la soi-disant souveraineté nationale !

Voilà ce qu'il me paraissait important de souligner par rapport aux positions qui ont été avancées par le parti libéral. Je vous invite encore une fois à adopter cette résolution. 

M. Michel Balestra (L). Me voilà obligé, Monsieur le président, de répondre à M. Velasco qui m'a dit de manière très honnête et très convaincue que M. de Pury voulait plus de transparence à l'OMC. Eh bien, je partage tout à fait la position de M. de Pury ! Mais reconnaissez, Monsieur Velasco, que demander plus de transparence à l'OMC ne veut pas dire supprimer l'OMC et que M. de Pury était ce matin, comme vous l'avez dit, à la radio et non aux Etats-Unis dans la rue !

Lorsque j'entends ce débat, je suis convaincu que si nous retrouvions le débat consacré à la première Constitution helvétique, débat qui visait la suppression des frontières entre les différents cantons, si nous en reprenions les termes, nous retrouverions certains de vos arguments. Cela n'a pas empêché la Suisse de devenir un pays riche !

Mesdames et Messieurs, j'affirme que les individus sont plus riches aujourd'hui qu'il y a cinquante ans, mais cela dans les pays libéraux, car reconnaissez, Monsieur Clerc, que la croissance au cours de ces cinquante années n'a pas été aussi importante dans les pays de l'Est que dans les pays de l'Ouest ! Peut-être pourriez-vous vous poser la question, avec votre honnêteté intellectuelle habituelle, de savoir pourquoi !

L'investissement dans les pays du Sud n'est pas suffisant. J'affirme ici qu'il n'augmentera pas tant que nous n'aurons pas trouvé une solution pour le rendre plus sûr qu'il ne l'est aujourd'hui.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez raison ! Nous sommes six milliards d'individus sur cette planète, dont deux milliards vivent dans un état de pauvreté. Mais vous prétendez que ces deux milliards vivent dans un état de pauvreté à cause du libéralisme. Or, sur ces deux milliards de personnes, j'affirme qu'il y a un milliard deux cent millions de Chinois, qu'il y a quelques Coréens, qu'il y a quelques Cubains et que ceux-là ne sont pas pauvres à cause du libéralisme !

Une voix. C'est nul !

M. Michel Balestra. Vous serez quand même convaincu, Monsieur Spielmann, que cette réflexion en vaut bien une de votre part !

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil fédéral.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(402)

Genève, zone libre de l'AMI

déclare la République et canton de Genève « zone libre de l'AMI et de ses clones » ;

invite le Conseil fédéral à s'opposer au transfert des négociations de l'AMI à l'OMC dans le cadre du cycle du millénaire.  

I 2020
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Rémy Pagani : «A peine votée par le Grand Conseil, la loi sur la Chambre des relations collectives de travail est tronquée par le règlement d'application édicté par le Conseil d'Etat». ( ) I2020
Mémorial 1999 : Annoncée, 6951. Développée, 7136.

M. Robert Cramer. Carlo Lamprecht). M. Lamprecht, qui m'a prié de bien vouloir excuser son absence, m'a chargé de vous faire connaître la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Pagani.

Monsieur Pagani, vous vous plaignez, dans votre interpellation, de ce que le Conseil d'Etat, en édictant le règlement d'application de la loi sur la Chambre des relations collectives de travail, l'aurait tronquée en stipulant à l'article 2 de ce règlement, dans le chapitre relatif à la conciliation, qu'il y a conflit collectif susceptible d'être examiné par cette juridiction lorsque six salariés au moins sont directement concernés par ce conflit. Il me paraît dès lors utile de vous fournir les compléments d'information suivants, ou en tout cas de me faire le porte-parole de M. Lamprecht pour vous les fournir, compléments qui vous permettront, je l'espère, de vous convaincre qu'il n'en est rien.

La loi sur la Chambre des relations collectives de travail ne précise pas ce qu'il faut entendre par le terme « conflit collectif ». Or, vous conviendrez que lorsque trois employés d'une même entreprise contestent, l'un un décompte d'heures supplémentaires, le deuxième le non-paiement d'un treizième salaire, le troisième un licenciement qu'il considère comme injustifié, dans ce cas-là, il n'y a pas conflit collectif de travail, mais bien trois conflits individuels parallèles. Je vois que vous acquiescez, nous sommes donc d'accord sur ce point et il n'était dès lors pas inutile que le règlement pose certaines limites.

L'article 2 alinéa 1 du règlement fixe ainsi une règle simple en stipulant qu'est un différend d'ordre collectif celui qui touche directement six salariés au moins. Le chiffre de six n'a bien évidemment pas été pris au hasard. (Remarque.) C'est en effet ce chiffre, Madame la présidente du Conseil d'Etat, celui-là même, qui est retenu dans notre législation - qui est à cet égard plus sévère pour les entreprises que les exigences minimales du droit fédéral - pour considérer qu'il y a licenciement collectif et non quelques licenciements individuels simultanés. Retenir le chiffre 6 permet ainsi d'assurer une certaine cohérence interne au droit genevois.

Il est vrai, Monsieur le député, que cette disposition peut poser problème s'agissant des petites entreprises. C'est probablement là que se situe l'objet de votre interpellation. Ce risque n'a pas échappé au Conseil d'Etat et c'est la raison d'être de l'alinéa 2 du même article, que vous avez certainement découvert, et qui permet justement à la Chambre de déroger librement à l'alinéa 1, et donc à l'exigence d'avoir six travailleurs au moins concernés, lorsqu'elle estime qu'un litige contient de réels aspects collectifs. En d'autres termes, lorsqu'un conflit oppose par exemple l'ensemble des quatre employés d'une petite entreprise à sa direction sur une question de principe qui touche effectivement la totalité de ce personnel, la Chambre sera parfaitement habilitée à entrer en matière et nous considérons - je tiens à faire cette déclaration au nom du Conseil d'Etat - qu'il sera de son devoir de le faire dans le respect de l'esprit de cette nouvelle législation.

Le gouvernement n'a ainsi nullement tronqué la loi sur la Chambre des relations collectives de travail, comme vous l'indiquiez dans votre interpellation, mais il y a au contraire apporté les précisions indispensables, tout en y apportant la souplesse nécessaire, pour que celle-ci demeure une instance chargée des conflits collectifs et ne se transforme pas en juridiction des Prud'hommes bis chargée, elle, des litiges individuels. Car c'est bien cela qui aurait été à l'encontre de la répartition des compétences voulue par ce Grand Conseil.

Je ne terminerai pas sans relever que ce règlement critiqué a été soumis par le Conseil d'Etat, avant son approbation, à l'appréciation des partenaires sociaux et d'un spécialiste en matière de droit du travail, en l'occurrence le professeur Gabriel Aubert. Or, cette disposition n'a appelé aucune remarque de ces derniers et en particulier aucune remarque de la Communauté genevoise d'action syndicale, la CGAS. C'est dire que le texte adopté par le Conseil d'Etat n'a pas été considéré comme scandaleux par ces partenaires sociaux et par ces spécialistes et l'on peut dès lors estimer que la nouvelle Chambre des relations collectives de travail, dont les juges viennent d'être désignés, saura assumer avec tout le discernement nécessaire le rôle qui lui a été assigné de travailler à l'apaisement des conflits et à la préservation de la paix du travail dans notre canton. 

Le président. Monsieur Pagani, souhaitez-vous répliquer ?

M. Rémy Pagani. Plus tard !

Cette interpellation est close.

Le président. Nos travaux se terminent ici. Je lève la séance et vous souhaite une heureuse nuit. Nous nous retrouverons les 16 et 17 décembre prochain.

Au revoir, Madame la présidente ! C'est en effet la dernière séance où Mme Brunschwig Graf assumait la charge de présidente du Conseil d'Etat. Merci, Madame ! (Applaudissements.)

La séance est levée à 23 h 10.