République et canton de Genève

Grand Conseil

No 56/IX

Vendredi 19 novembre 1999,

nuit

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Nicolas Brunschwig, Marie-Françoise de Tassigny, Erica Deuber Ziegler, René Ecuyer, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Claude Haegi, Michel Halpérin, Barbara Polla, Jean-Pierre Restellini, Micheline Spoerri et Pierre-Pascal Visseur, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

M. Pierre Ducrest (L). Monsieur le président, j'annonce le dépôt de la proposition de motion suivante :

M 1313
de MM. Bernard Annen (L), Florian Barro (L), Claude Blanc (DC), Nicolas Brunschwig (L), Thomas Büchi (R), Pierre Ducrest (L) et Bernard Lescaze (R) concernant le financement de la halle 6 et le centre de congrès de Palexpo. ( )M1313

(L'orateur est interpellé.) Nous aussi on a des idées !

Le président. Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. (Le président agite la cloche.) On se calme, s'il vous plaît !

 

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

M 1309
4. Proposition de motion de Mmes et MM. Chaïm Nissim, Christian Brunier, Myriam Sormanni, Antonio Hodgers, Bernard Clerc, Salika Wenger, Dominique Hausser et Rémy Pagani sur la participation suisse au millenium round. ( )M1309

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la réunion interministérielle de Seattle, baptisée « millenium round », qui doit commencer le 27 novembre 99 et durer trois ans

l'importance des décisions qui sont prévues à l'ordre du jour, tant en ce qui concerne le brevetage du vivant que la privatisation de la santé

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur l'ordre du jour de ce millenium round, il n'est que de lire le texte de Susan George, publié en juillet 99 dans le monde diplo, que nous vous joignons ci dessous in extenso :

LE MONDE DIPLOMATIQUE - JUILLET 1999 - Pages 8 et 9

JUSQU'OÙ DÉMANTELER LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS ?

A l'OMC, trois ans pour achever la mondialisation

SOUS l'effet de la mondialisation et de l'affirmation d'un « droit d'ingérence», la souveraineté des Etats subit une érosion dont l'intervention de l'Alliance atlantique au Kosovo est une illustration spectaculaire. Cette évolution, amorcée avec la naissance du droit humanitaire et du droit de la guerre, à partir des conférences de paix de 1899 et 1907, et surtout des conventions de Genève de 1949, s'étend à un nombre croissant de domaines, et notamment à l'économie. Pourtant, alors qu'aucun champ de compétence étatique ne semble à l'abri, l'effritement du principe de souveraineté n'a pas la même signification dans chacun d'eux. Si l'émergence d'un ordre économique supérieur - fondé sur le primat des marchés et gardé par des institutions internationales autant irresponsables que complices, en premier lieu l'OMC - est patente, le social et l'environnement n'y trouvent guère place. La construction d'une justice internationale oublie d'ailleurs largement les « crimes » économiques et financiers, tandis que la Charte des Nations Unies fait l'objet d'une application à géométrie variable.

Par SUSAN GEORGE

Malgré leur victoire contre l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) - grâce au retrait de la France, en octobre 1998, des négociations menées à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - ses adversaires demeurent perplexes. Pourquoi leurs gouvernements étaient-ils tous prêts à signer ce traité léonin et à renoncer ainsi à des pans entiers de leur souveraineté, sans pour autant obtenir le moindre avantage en retour ? Quelle autre explication trouver sinon celle de Marx et Engels pour lesquels « le pouvoir étatique moderne n'est qu'un comité exécutif chargé de gérer les affaires communes de la bourgeoisie (1) » ?

Si cette « bourgeoisie » s'incarne aujourd'hui dans les grandes entreprises industrielles et financières transnationales, elle se fait toujours parfaitement entendre des responsables politiques par le canal de multiples et puissants lobbies. Parmi ces derniers, une place particulière revient à la Chambre de commerce internationale (CCI) qui s'autoproclame « la seule organisation qui parle avec autorité au nom des entreprises de tous les secteurs dans le monde entier » et fait porter ses exigences directement auprès des chefs d'Etat (2).

Pour tout ce qui concerne les tractations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le commissaire européen démissionnaire - mais peu lui chaut - Leon Brittan, parle au nom de tous les gouvernements des Quinze. Ceux-ci ont consenti ce transfert de souveraineté à l'Union européenne, estimant sans doute que les avantages de la coopération l'emportaient sur les inconvénients de la limitation de leur marge de manoeuvre. Coopérer est une chose ; faire d'un ultralibéral, dauphin de Mme Margaret Thatcher, son porte-drapeau en est une autre. Car, avec l'OMC, se profile un véritable concours de dépouillement du pouvoir national, un festival de la dépossession, éloignant toute perspective d'une Europe sociale et politique.

Que veut M. Brittan ? Exactement la même chose que la CCI : un monde entièrement régi par le libre-échange. Les ambitions de l'une et de l'autre pour la prochaine Conférence ministérielle de l'OMC à Seattle, en novembre prochain, sont interchangeables aussi bien sur le fond que dans la forme. Pour le moment, tous les Etats européens épousent ces objectifs, au point de constituer le parfait comité exécutif décrit par les auteurs du Manifeste (3).

En premier lieu, le tandem Brittan-CCI entend libéraliser encore davantage les échanges agricoles, ce qui, dans beaucoup de pays, aura pour effet de mettre en péril le monde rural et, pour les plus pauvres d'entre eux, de leur faire perdre toute maîtrise sur leur sécurité alimentaire.

Le renforcement de l'accord sur la propriété intellectuelle, connu sous le sigle de Trips (Trade-related aspects of intellectual property rights), dont le brevetage du vivant est l'un des fleurons, figure également au programme.

Moins connu que ces deux grands dossiers, l'Accord général sur le commerce des services, dit GATS (General agreement on trade in services), fait aussi partie de l'ordre du jour : il s'agit d' « obtenir des engagements renforcés et plus nombreux de tous les membres de l'OMC concernant l'accès aux marchés et le traitement national (4) ». En particulier sur les volets de la « présence commerciale » et du « mouvement des personnes physiques » qui permettent de fournir ledit service. Où est le mal, dira-t-on ? N'y a-t-il pas là de belles perspectives pour les entreprises les plus performantes qui pourront conquérir de nouveaux marchés dans des pays qui leur étaient jusque-là insuffisamment ouverts ? Certes. Mais les gouvernements se soucient-ils de l'atteinte portée à leur capacité de gouverner ?

Les services qui tomberaient sous la férule de règles de l'OMC ne représentent pas seulement des transactions commerciales portant sur des milliers de milliards de dollars chaque année. Ils englobent quasiment toutes les activités humaines, notamment la distribution, le commerce de gros et de détail ; le bâtiment et les travaux publics, l'architecture, la décoration, l'entretien ; le génie civil et l'ingénierie ; les services financiers, bancaires et d'assurances ; la recherche-développement ; les services immobiliers et le crédit- bail location ; les services de communication, les postes, les télécoms, l'audiovisuel, les technologies de l'information ; le tourisme et les voyages, les hôtels et les restaurants ; les services de l'environnement dont la voirie, l'enlèvement des ordures, l'assainissement, la protection du paysage et l'aménagement urbain ; les services récréatifs, culturels et sportifs, dont les spectacles, les bibliothèques, les archives et les musées ; l'édition, l'imprimerie et la publicité ; les transports par toutes les voies imaginables, y compris spatiales. Sans oublier l'éducation (les enseignements primaire, secondaire, supérieur et la formation permanente) et la santé animale et humaine - soit plus de 160 sous-secteurs et activités (5).

Objectif : privatiser la santé

POUR suivre ces multiples dossiers qui constituent des enjeux gigantesques, les gouvernements européens ont seulement mis au travail, et au mieux, quelques dizaines de fonctionnaires. Ils laissent ainsi toute latitude aux menées ultralibérales d'une Commission qu'ils sont bien incapables de contrôler. Les Etats-Unis, eux, ont déployé plusieurs centaines de fonctionnaires et ils fourbissent leurs armes en faveur d'une libéralisation des services tous azimuts.

La représentante spéciale du président pour le commerce (US Special Trade Representative), Mme Charlotte Barshefsky - celle-là même qui a mené les batailles victorieuses de Washington sur la banane, les organismes génétiquement modifiés et autres boeufs aux hormones - travaille tout naturellement la main dans la main avec les milieux d'affaires américains. Elle les a priés de lui fournir la liste de leurs desiderata pour Seattle, invitation à laquelle la Coalition des industries de services a répondu par un document détaillé de 31 pages (6).

Si les dizaines de secteurs énumérés ci-dessus ne sont pas encore tous dans le collimateur des entreprises américaines, celui de la santé en Europe fait l'objet de convoitises particulières. Les dépenses y explosent « en raison de l'augmentation de la population âgée, tranche démographique qui consomme les services de santé avec le plus d'intensité », affirme la Coalition qui précise : « Nous estimons possible de faire de grands progrès lors des négociations [à l'OMC] pour permettre l'expansion des entreprises américaines sur tous les marchés des soins de santé. »

Hélas, jusqu'à présent, « la santé, dans beaucoup de pays étrangers, a été largement placée sous la responsabilité du secteur étatique », ce qui a évidemment « rendu difficile la pénétration de ces marchés par le secteur privé américain ». Qu'à cela ne tienne : parmi les « barrières » à abattre, la Coalition identifie, entre autres, des « restrictions sur les autorisations accordées aux fournisseurs étrangers » et des « réglementations excessives en matière de confidentialité ».

Mme Barshefsky va faire siens les « objectifs de négociation » de la Coalition : « Encourager l'extension de privatisations, promouvoir la réforme des réglementations dans un sens qui favorise la concurrence, obtenir l'accès aux marchés et le traitement national permettant la fourniture transfrontalière de tous les services de santé » et faire admettre « le droit de propriété [privée] étrangère majoritaire dans les établissements de services de santé ». Pour que tout soit parfaitement verrouillé, la santé doit être explicitement incluse « dans les disciplines de l'OMC concernant les marchés publics », de manière à s'assurer que les firmes américaines puissent répondre à tout appel d'offres émanant d'un établissement public (7). Est-il besoin de faire remarquer que, si un accord sur les services de santé comportant de telles dispositions était signé à l'OMC, autant dire adieu aux systèmes de sécurité sociale en Europe.

Les appétits de la CCI et de M. Brittan vont bien au-delà de cet ordre du jour gargantuesque, mais déjà entériné. La liste des nouveaux sujets qu'ils comptent mettre sur le tapis vert comprend la suppression des tarifs douaniers qui subsistent sur les produits manufacturés industriels ; la « facilitation du commerce » qui permettrait de « moderniser, simplifier et harmoniser les procédures commerciales et douanières obsolètes et bureaucratiques ». En clair, d'exiger moins d'inspections et de contrôles. S'y ajoute un accord sur les marchés publics qui représentent couramment plus de 15 % du produit national brut : ils doivent être ouverts aux fournisseurs du monde entier selon le sacro-saint principe du traitement national. Est également demandé un « cadre légal de règles contraignantes » en matière de concurrence.

Que les amis de l'AMI se rassurent : un accord sur l'investissement n'a pas été oublié. Depuis le fiasco à l'OCDE, M. Brittan clame partout qu'il avait toujours préféré l'OMC comme forum de négociation d'un traité qui doit « fournir un cadre multilatéral de règles administrant l'investissement international de manière à assurer un climat stable et prévisible pour l'investissement partout dans le monde ». Il conviendrait enfin que l'OMC soit compétente en matière d'environnement, car il y a disparité, voire contradiction entre ses règles et le contenu des accords multilatéraux concernant notamment le changement climatique, la protection de la couche d'ozone, la préservation de la biodiversité (lire, pages 6 et 7, l'article de Jean-Paul Maréchal), le transport des déchets toxiques, la protection des espèces en danger, etc. Question simple aux gouvernements : pourquoi signer des accords sur l'environnement si c'est pour les remettre en cause à l'OMC ?

Le soudain intérêt des ultralibéraux pour la nature a de quoi émouvoir quand on sait que les groupes spéciaux (panels) de l'OMC ont jusqu'ici tranché les différends comportant un aspect environnemental ou de santé publique sans égard, pour ces derniers, comme dans l'affaire du boeuf aux hormones. La cerise sur le gâteau environnemental est l'accord en préparation sur les produits forestiers. Il éliminerait toutes les barrières sur le commerce des produits dérivés du bois et tous les obstacles à l'exploitation des forêts. Mme Barshefksy, autrefois lobbyiste pour l'industrie du bois canadienne, se fait aujourd'hui conseiller par les plus grandes transnationales américaines du bois et du papier (8).

Cet ensemble - l'ordre du jour déjà fixé pour Seattle, complété par tous les nouveaux sujets - a été baptisé « Cycle du millénaire » par M. Brittan. Comme si l'affaire était dans le sac, les gouvernements de l'Union européenne étant censés ne rien trouver à redire. Il s'agit de conclure un « engagement unique » ( single undertaking), un « paquet » entièrement ficelé « obligeant toutes les parties à l'Accord à en accepter la totalité, sans possibilité de trier et de choisir ».

Le commissaire en sursis prétend qu'une négociation portant simultanément sur une multitude de sujets ne présente que des avantages, car elle permet le donnant-donnant : « Des questions qui sont difficiles pour certains, mais importantes pour d'autres, ne pourront pas être bloquées isolément et doivent être évaluées en tant qu'éléments du calcul global des avantages que chaque membre peut tirer de la conclusion d'un tel cycle (9) ».

Négociations au pas de charge

Si ce vaste programme est déjà difficilement maîtrisable par les gouvernements des pays développés, son contrôle est totalement hors de portée des pays du Sud. Beaucoup d'entre eux n'ont même pas de représentation permanente auprès de l'OMC, ou en partagent une à plusieurs. Même dans les grands Etats du Sud, le personnel qualifié nécessaire fait défaut pour suivre des négociations complexes et simultanées sur un grand nombre de sujets. La déclaration du premier ministre français, M. Lionel Jospin, selon lequel l'OMC est un forum « plus démocratique que l'OCDE » au prétexte que les pays du Sud en font partie, ne tient aucun compte de ces réalités. Les décisions du « Quad » (Etats-Unis, Canada, Japon, UE) s'imposeront comme d'habitude, Washington - en connivence avec la Commission de Bruxelles - y faisant la loi grâce à son personnel non seulement pléthorique mais également très, très « pro ».

« Ne vous faites pas de souci, nous veillons au grain », répondront sans doute les ministres et fonctionnaires soucieux des prérogatives nationales. Vraiment ? Il faudrait établir un « indice de combativité », de 1 à 10, pour les gouvernements européens qui ne pourront, c'est clair, tout défendre. Fonctionnaires nationaux et élus censés les contrôler, quel mandat donnerez-vous à M. Leon Brittan ? Entre deux maux, lequel devra-t-il choisir en votre nom à Seattle ? Sacrifier la sécurité sociale ou la survie du monde rural ? Accepter le boeuf aux hormones ou la destruction des forêts ? Protéger l'industrie audiovisuelle ou les accords de Lomé, d'ailleurs pratiquement vidés de toute signification par la décision de l'OMC sur la banane ? Dans ce monde mondialisé, il faut savoir ce que l'on veut vraiment.

Et il faut se décider vite, car tout cela doit être bouclé dans les trois ans qui viennent. Pourquoi tant de précipitation ? C'est bien simple : il faut que « les règles multilatérales soient en adéquation avec les réalités et les besoins en constante évolution des entreprises (10) ». Des besoins, cela va sans dire, qui priment sur ceux des citoyens. En avant donc pour janvier 2003 ! Ce processus de donnant- donnant, de « calcul global des avantages réciproques » n'a suscité jusqu'ici aucun débat citoyen, ni même parlementaire. Il y aurait pourtant de quoi, car la société n'a nulle envie d'être gouvernée par le comité exécutif des transnationales. Elle s'oppose massivement à toute extension des pouvoirs de l'OMC et demande que soit entreprise immédiatement, avec sa pleine participation, une évaluation en profondeur de cette organisation (11).

Les citoyens européens devront mener des luttes de longue haleine s'ils veulent que leur continent devienne un jour celui de la cohésion sociale et du respect de l'environnement. Et ce n'est pas en confiant leurs affaires à M. Brittan - qui n'est ici qu'une figure de proue - qu'ils y parviendront. Pour ce qui est de l'OMC et du Cycle du millénaire, il est urgent d'attendre. Ce qui ne souffre pas de délai, en revanche, c'est l'examen de l'impact actuel et prévisible des décisions de cette organisation aux ambitions boulimiques. Faute de quoi ni eux, ni les Parlements qu'ils élisent, ni les gouvernements n'auront plus grand-chose à dire ou à faire.

SUSAN GEORGE.

[Mondialisation] [Libéralisme] [Commerce international]

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LE MONDE DIPLOMATIQUE - JUILLET 1999 - Pages 8 et 9 http://www.monde-diplomatique.fr/1999/07/GEORGE/12221.html

TOUS DROITS RÉSERVÉS © 1999 Le Monde diplomatique. [ ]

De même, sur l'urgente nécessité d'attendre une évaluation critique des effets des rounds de libéralisation précédents avant de se lancer tête baissée dans la négociation d'un nouveau round, les 250 ONG ont fait une déclaration très claire cet été, nous vous rappelons leur communiqué de presse pour mémoire :

12.8.99 Communiqué de presse

L'OMC : les organisations non gouvernementales font pression à Berne. L'Organisation mondiale du commerce OMC est appelée à considérer sa politique et à marquer un temps de réflexion avant d'entamer un nouveau cycle de négociations sur la libéralisation. Elle est également amenée à tenir compte des revendications écologiques, sociales et de la politique du développement. Ainsi le réclame une importante alliance de diverses organisations

(Déclaration de Berne, Pro Natura, Union Suisse des Paysans, Fondation pour la protection des consommateurs).

Celles-ci critiquent en particulier le manque de démocratie et de transparence de la politique adoptée par l'OMC. Les organisations non gouvernementales peuvent compter sur le soutien de la population suisse dans leurs efforts, comme l'indique un sondage représentatif réalisé au nom de la Déclaration de Berne.

Selon ce sondage, 62 % des personnes interrogées souhaitent un temps de réflexion permettant d'examiner les conséquences d'une libéralisation du commerce international. 92 % sont d'avis que les conséquences pour l'environnement doivent être discutées à l'occasion des négociations et non moins de 94 % considèrent qu'il est indispensable d'intégrer les droits de l'homme et du travail dans les discussions sur le commerce international. « Le commerce pour le commerce ne peut être maintenu. Le commerce est constitutif d'un environnement et le commerce a des conséquences sociales », souligne Marianne Hochuli de la Déclaration de Berne.

L'objectif d'un temps de réflexion consiste à trouver des solutions susceptibles de remédier aux défaillances fondamentales de l'institution de l'OMC ainsi que des accords de l'OMC et, en particulier, de leur mise en application. Les quatre organisations en question réclament une évaluation en détail des accords commerciaux d'Uruguay. Elles demandent en outre une prise en considération des fonctions sociales de l'agriculture, une intégration plus efficace des pays en voie de développement dans le commerce international, le respect de la protection de l'environnement et des droits sociaux, et en particulier plus de transparence dans les procédures et les décisions à la fois de l'OMC et du gouvernement suisse. La délégation suisse est tenue à s'engager en faveur de ces exigences à l'occasion de la troisième conférence des ministres de l'OMC qui se tiendra fin novembre à Seattle.

Simonetta Sommaruga de la Fondation pour la protection des consommateurs a précisé que « l'OMC n'est contrôlée par aucun gouvernement et n'est redevable à aucune organisation NU, ce qui met en évidence le manque de démocratie de cette organisation ». Les organisations non gouvernementales joueraient un rôle décisif dans ce processus, car elles seraient en mesure de garantir la représentation des voix directement concernées par le commerce, mais incapables d'intervenir en tant qu'individu.

Pour toute information s'adresser à Marianne Hochuli, Déclaration de Berne, tél. 01/2 777 000

En conclusion, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve). Plusieurs discours parlant peu ou prou de l'OMC ont convergé ces deux derniers jours.

Le premier est de Gilles Godinat, hier soir, qui nous a dit que l'économie multinationale est «destructrice d'emplois». Cette expression m'a beaucoup frappé, mais elle est tout à fait juste.

Le deuxième discours est de John Dupraz, qui nous disait tout à l'heure que le monde est «malade de la libéralisation».

Le troisième discours est de Jean Spielmann, qui nous a parlé hier soir de ce rapport du PNUD qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Le PNUD définit les pauvres comme étant ceux qui dépensent moins de deux dollars par jour...

Une voix. Un dollar !

M. Chaïm Nissim. Deux dollars ! Deux milliards de personnes ont moins de deux dollars par jour et un milliard a moins d'un dollar. Spielmann nous parlait des deux milliards de personnes qui ont moins de deux dollars par jour. Ces deux milliards de personnes n'étaient «que» 200 millions il y a vingt ans... Les choses sont donc bien pires maintenant qu'il y a vingt ans.

Tous ces gens constatent qu'une économie locale, basée sur l'autonomie et sur le terroir, fonctionne souvent mieux qu'une économie multinationale, parce que sur l'économie locale s'exerce un contrôle, qui peut être parlementaire, populaire, qui peut être proche d'elle. Mais, malheureusement, les multinationales échappent à tout contrôle...

L'OMC, par vocation et du fait qu'elle travaille à un niveau international, ne s'est intéressée qu'à l'économie des multinationales. Elle a voulu maximiser les flux des échanges, les flux des marchandises, les flux des capitaux, et elle a complètement oublié l'idée que d'énormes économies se font en termes d'énergie et d'économie, lorsqu'on vit près du lieu de travail et que l'on consomme les produits de la région.

Une voix. Bravo, Chaïm, tu as raison !

M. Chaïm Nissim. En préparant cette motion, nous avons voulu être le porte-parole des deux mille organisations - elles étaient sept cents au départ, elles sont deux mille aujourd'hui - qui demandent un moratoire pour réfléchir sur la manière de fonctionner de l'OMC; une suspension du millenium round pour réfléchir sur la question du contrôle, que j'évoquais au début de mon intervention.

Les manifestants, présents hier à la tribune, demandent que l'on abolisse carrément l'OMC, car pour eux celle-ci est incapable de réformes.

Nous ne sommes pas de cet avis. Nous pensons que l'OMC peut se réformer et bouger dans un sens positif.

Pascal Couchepin, dans un discours publié hier dans la «Tribune de Genève», reconnaissait qu'il y avait des problèmes autour du fonctionnement de l'OMC, et il proposait l'élargissement des négociations. Monsieur Dupraz, vous nous disiez hier que Couchepin était super, car il demandait l'élargissement des négociations... Ce n'est pas super, Monsieur Dupraz ! Ce n'est pas suffisant de demander l'élargissement des négociations ! C'est déjà un petit pas en avant, mais ce n'est pas suffisant ! Il faut d'abord faire une pause, se demander où l'on va et s'interroger sur les structures de contrôle avant de donner un mandat aux négociateurs suisses pour négocier sur tout.

Il y a donc trois positions : la nôtre, contenue dans cette résolution, qui demande une pause de réflexion; celle de Couchepin qui demande un élargissement des négociations et celle des manifestants, qui étaient hier à la tribune, qui demandent carrément de tout stopper.

Dernière remarque. En quoi Genève, un si petit canton, un si «petit Grand Conseil», peut-il se permettre de jouer dans la cour des grands, de donner des conseils ou des recommandations...

M. Bernard Annen. Des leçons !

M. Chaïm Nissim. ...des leçons, voilà ! On ne prétend pas donner des leçons, Monsieur Annen, on veut simplement poser des questions !

En quoi Genève peut-il se permettre de jouer dans la cour des grands ? Pour deux raisons importantes à mon avis. La première, c'est que l'on a la chance d'avoir l'OMC sur notre territoire et que nous sommes la ville hôte. Nous allons demander ce soir de faire une pause de réflexion et nous allons proposer les amendements des jeunesses socialistes. Du reste, si personne ne le fait, je le ferai moi-même.

La deuxième est que Genève est une ville internationale importante et si notre avis est publié sous forme d'encart dans les journaux, il peut avoir un certain poids. Car les gens verront bien que la ville hôte se pose tout de même des questions et demande un temps de réflexion. 

M. Alberto Velasco (S). Nous constatons qu'après s'être attaquée aux produits agricoles et manufacturés l'OMC s'attaque aux services, l'enseignement et la santé ! Quand on voit les répercussions que cette politique de libéralisation a eues sur les produits agricoles : productivité effrénée, aboutissant à une baisse de qualité et à une atteinte au patrimoine environnemental et, par conséquent, à notre qualité de vie, on est en droit de se demander si l'impact sur des activités telles que les services, l'enseignement et la santé, engendrera une baisse de la qualité de ces prestations au détriment des citoyennes et des citoyens.

D'ailleurs, si on prend l'exemple de la Poste, on constate que l'on ne parle plus de prestations mais de produits. Et un produit, contrairement à une prestation, doit être rentabilisé. Dans un marché extrêmement concurrentiel et dérégulé, cette rentabilisation est la programmation d'une détérioration de nos conditions de vie. Mais cela remet en question un principe fondamental : le «principe de précaution» ! Ce principe, qui permettait de se prévaloir en cas de doute sur les effets nocifs d'un produit, est remis en question.

Cela veut tout simplement dire que les rôles seront renversés et que ce ne sera plus aux producteurs de faire la preuve de l'innocuité de leurs produits... Ce sont les consommateurs qui devront prouver que les produits sont nocifs ! C'est, en quelque sorte, faire des règles du marché la loi de la vérité universelle sur laquelle tous nos actes, valeurs et créations doivent se soumettre... Nous nous trouvons, en plus, dans une logique dans laquelle les marchés fonctionneraient à l'intérieur des règles préservant le bien-être des citoyens, mais on assujettit ce bien-être aux nouvelles règles du marché.

Quand on constate l'ampleur et la diversité des protestations que provoque cette ouverture des négociations du Cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce, on est en droit, comme le fait M. Bernard Kassen, de se poser les questions suivantes : «Lorsqu'une règle est absurde, faut-il se contenter de lui ménager des exceptions ?»; «Ne convient-il pas plutôt d'en changer ?»; «Ne convient-il pas aujourd'hui de demander un moratoire sur ces accords, afin d'évaluer les conséquences de leur application jusqu'à nos jours.» Ce sont les questions de bons sens qui viennent à l'esprit à propos du libre-échange.

C'est pour les raisons qui vous ont été exposées que le groupe socialiste votera cette motion.  

M. Christian Brunier (S). Un certain nombre de députés, sur certains bancs, reprochent à la majorité parlementaire de s'occuper davantage des affaires du monde que des affaires locales... Alors, quand on voit le parlement passer plus d'une demi-heure à parler des problèmes des acariens, je pense que celui-ci peut consacrer plus d'une heure aux problèmes de l'OMC !

Comme l'a très bien exprimé M. Nissim, certains problèmes dus à l'OMC touchent la vision du monde et ceci dépasse - c'est vrai - largement les compétences de notre parlement. Mais certaines des actions de l'OMC touchent notre quotidien, que ce soit l'agriculture - M. Dupraz l'a dit plusieurs fois - que ce soit la Poste, avec la libéralisation, que ce soit l'énergie ou la santé, demain. L'impulsion de libéralisation donnée par l'OMC aujourd'hui touche le quotidien des Genevoises et des Genevois.

M. Claude Blanc. Il fallait y penser avant !

M. Christian Brunier. Nous avons déjà souvent débattu de la politique menée par l'OMC, comme nous le rappelle, d'ailleurs, M. Blanc. Mais nous devons aujourd'hui faire preuve d'un peu plus d'imagination et débattre, en dépassant la structure de l'OMC, de l'actualité. Et l'actualité, c'est le congrès du millenium qui aura lieu à Seattle !

Pourquoi faut-il en parler ? Premièrement, parce que ce congrès va être un coup d'accélérateur gigantesque si les peuples de ce monde ne résistent pas. Il va développer un certain nombre de libéralisations dans des domaines cruciaux tels que la santé, par exemple. Je crois qu'aujourd'hui les Etats-Unis veulent vraiment dicter leur loi dans bien des domaines qui nous tiennent à coeur, et nous devons lutter contre ces libéralisations sauvages, sur n'importe quoi et n'importe comment !

Il y a beaucoup «d'archéo-libéraux» dans ce monde - paraît-il qu'il n'y en a pas dans cette salle, puisque, si je ne me trompe pas, la dernière fois les libéraux présents dans cette salle nous ont dit qu'ils étaient des «socio-libéraux» ! - qui nous expliquent que la libéralisation profite à l'ensemble des consommateurs, étant donné qu'elle les fait bénéficier des bienfaits de la concurrence... Alors moi, je prendrai juste un exemple pour vous montrer que cette concurrence est un bel écran de fumée qui fait du mal aux producteurs, mais aussi aux consommateurs !

Prenez, par exemple, le marché de la banane qui a été largement libéralisé dans un passé proche. Aujourd'hui, en raison de cette libéralisation, trois multinationales : Dole, Del Monte et Chiquita, se partagent 80% du marché. Elles imposent à tous les producteurs du Sud des prix dérisoires et offrent aux consommateurs des produits ayant des qualités qui sont fort discutables. Aujourd'hui, ces mêmes groupes, ces producteurs de «bouffe» - ils ne sont rien d'autre ! - imposent les mêmes directives, qu'ils imposent au tiers-monde, à nos paysans locaux, et les choses sont en train de se multiplier dans plein de domaines. C'est donc évidemment une fausse libéralisation... On passe à un monopole privé qui est fort dommageable pour tout le monde !

Et puis, cette motion aborde le rôle de la Suisse dans la négociation de l'OMC. La Suisse, qui joue aujourd'hui le rôle de porte-serviettes des Etats-Unis... (Exclamations.) - qui sont un des pays les plus offensifs sur ce dossier, qui veulent, entre autres, incorporer toute la négociation sur les investissements, qui reprennent grandement le terrifiant Accord multilatéral sur les investissements - est en train de prendre des mots d'ordre !

Tout cela alors qu'il n'y a pas eu de débat sérieux aux Chambres fédérales et alors que la protestation populaire dans des milieux très différents - des milieux de gauche, des milieux environnementaux, des associations tiers-mondistes, des paysans - est très forte. Une pétition a été signée par douze mille Suisses qui demandent un vrai débat démocratique sur ce sujet. Ce débat n'a pas eu lieu et le Conseil fédéral a pris une position qui n'est pas, à mon avis, celle de la majorité du peuple suisse. Alors le parlement genevois doit aujourd'hui démontrer qu'il sait aussi faire de la résistance et manifester son désaccord avec la volonté de son gouvernement ! 

M. John Dupraz (R). Une fois de plus, en entendant le «président gringalet» du parti socialiste, je me demande si je dois rire ou pleurer... (Exclamations.)

Il y a sept ou huit ans, les doctes socialistes de cette assemblée, qui étaient alors députés, me demandaient pourquoi je me battais contre l'OMC; que c'était un projet fantastique qui allait permettre d'exporter... Et maintenant, tout à coup, ils s'aperçoivent des méfaits de cette organisation, ou plutôt de l'accord scélérat qui a été conclu à Marrakech...

Mesdames et Messieurs, la Suisse est un Etat de droit. Nous appartenons à l'OMC, comme la plupart des pays de ce monde, et des engagements ont été pris à Marrakech, notamment de discuter de l'agriculture et des services lors du prochain cycle de négociations. M. Nissim et le président de service du parti socialiste de Genève se demandent pourquoi M. Couchepin, le Conseil fédéral, la Suisse - M. Couchepin parle au nom du Conseil fédéral et des deux conseillers fédéraux socialistes également - veulent élargir le débat... Mais c'est pour préserver des secteurs tels que les services publics ! En effet, si on se rend à la négociation uniquement avec deux objets les débats risquent d'être focalisés sur ces deux objets avec des conséquences difficiles à évaluer à l'heure actuelle. En élargissant le débat, on peut limiter les dégâts, notamment dans le secteur des services, et obtenir des avantages pour notre pays dans d'autres secteurs.

Mesdames et Messieurs, il faut savoir qu'à l'OMC ce sont les Etats qui négocient et pas les gouvernements de province... Alors, quand vous invitez dans votre motion le Conseil d'Etat à s'y opposer : «...par tous les moyens juridiques...», vous me laissez perplexe ! Moi, je veux bien voter votre motion, mais elle ne sert strictement à rien ! Le Conseil d'Etat ne peut s'opposer à rien du tout ! Je le répète, ce sont les Etats qui négocient !

Il a été dit à l'époque que ce nouveau cycle de négociations concernerait l'environnement et les aspects sociaux du commerce international. Actuellement, l'Union européenne a pris des positions très fermes dans ce sens. La Suisse s'est également engagée dans le même sens, mais le problème c'est que les décisions se prennent à l'unanimité à l'OMC - je dis à l'unanimité, mais je dois relativiser : à savoir que les grandes nations s'expriment et que les pays du tiers-monde ont un grand droit jusqu'à présent : celui de se taire... Mais il semble que ces derniers commencent à se réveiller, et j'espère qu'ils vont s'exprimer pour faire face à l'ogre américain qui veut nous imposer ce néolibéralisme pur et sauvage dans tous les secteurs ! (Exclamations.)

On peut considérer à l'heure actuelle qu'à Seattle c'est l'agenda qui va être discuté. Le programme lui-même des négociations ne sera pas encore fixé; il le sera probablement dans les mois qui viennent.

Je le répète, je veux bien voter votre motion, mais elle ne sert strictement à rien, car le Conseil d'Etat ne peut rien faire. Seul le Conseil fédéral peut intervenir. Je regrette que vous vous trompiez d'objectif et de moyen d'intervention. Nous devons agir par les voies fédérales, parce que le Conseil d'Etat n'a pas grand-chose à dire dans cette affaire.  

M. Rémy Pagani (AdG). Je me limiterai à présenter l'amendement à la motion qui vous est présentée ce soir. Cet amendement demande de faire publier la position de notre parlement dans certains journaux de la planète. Pourquoi ?

Une voix. Tout le monde s'en fout !

M. Rémy Pagani. Ceux qui pensent que «tout le monde s'en fout» font peu de cas de l'esprit et du rayonnement de Genève ! Je ne vous citerai qu'un seul exemple : il y a de cela une année, nous avons voté une motion qui interpellait l'ensemble de la planète pour l'incarcération du général Pinochet. Et si Pinochet est toujours en prison... (Rires.) ...c'est entre autres grâce à notre prise de position qui a été publiée dans «Le Monde» et grâce à la mobilisation des peuples et de toutes les forces qui ont tout fait pour cela ! Monsieur Annen, c'est aussi notre rôle d'hommes politiques de prendre nos responsabilités et de faire de la politique, c'est-à-dire de propager des idées en premier - et pas de donner des leçons ! - idées qui sont importantes s'agissant du millenium round.

Je prendrai l'exemple des multinationales. Je m'étonne d'ailleurs que les libéraux rigolent, car les fondateurs du libéralisme et les économistes libéraux s'opposaient, comme nous nous y opposons aujourd'hui, aux multinationales, aux monopoles et à l'accaparement des richesses par une minorité. Je m'étonne donc que les libéraux ne s'y opposent pas aussi fermement et, même, qu'ils en fassent des choux gras.

Je vous propose donc un amendement, que je vous demande de bien vouloir voter. J'espère qu'il va vous être distribué rapidement.  

M. Michel Balestra (L). Mes collègues députés des bancs d'en face n'ont pas de mots assez durs pour dénoncer les excès du libéralisme sauvage.

Les socio-libéraux que je représente n'en pensent pas autant. Vous présentez la mondialisation comme le mal absolu et les pays capitalistes occidentaux et les multinationales comme les responsables de la paupérisation du tiers-monde et de deux milliards d'individus... Alors, vous nous faites une motion pour régler l'ensemble de ces problèmes... En page 3, vous citez Marx et Engels pour lesquels «le pouvoir étatique moderne n'est qu'un comité exécutif chargé de gérer les affaires communes de la bourgeoisie»... Eh bien, Mesdames et Messieurs, Marx et Engels avaient aussi vu dans le capitalisme des éléments suffisants pour le faire imploser, et la seule solution qu'ils trouvaient pour l'avenir de notre collectivité était la dictature du prolétariat... Or, cinquante ans après la mise en place de ces théories, je vous laisse constater ce qui a implosé et ce qui se passe aujourd'hui !

Vous dites que ce qui se passe aujourd'hui n'est pas idéal et pas satisfaisant... Eh bien permettez-moi de vous dire que je partage votre opinion !

A quoi assistons-nous aujourd'hui ! Mesdames et Messieurs les députés, la dictature du prolétariat qu'envisageaient Karl Marx et M. Lénine s'est transformée en dictature des consommateurs. Et les marchés que vous dénoncez comme étant le mal absolu ne sont rien d'autres que l'addition des habitudes de consommation de ces consommateurs. Et figurez-vous que ces consommateurs sont aussi vos électeurs et qu'ils ne sont pas quelque chose d'abstrait qui serait mis en place par l'Amérique triomphante !

Vous dites que les multinationales sont le mal absolu... Je vous rappelle que les consommateurs sont capables de renverser les multinationales. Si ce débat avait eu lieu en 1965, vous nous auriez dit ici que le pouvoir dans la société c'était la technologie de l'information, que 80% de la technologie de l'information étaient dans les mains d'IBM, qui deviendrait un jour «big brother is watching you» et que les Américains pourraient contrôler chacun de nos mouvements, chacun des jours de notre vie... Je vous laisse constater ce qu'IBM est devenu aujourd'hui. Elle s'est fait quasiment mettre par terre par un individu hirsute en tee-shirt qui s'appelle Bill Gates, qui a compris ce que voulait le consommateur et qui a ouvert la technologie de l'information à une si large proportion de la population qu'aujourd'hui Internet est un des supports de communication les meilleur marché et qu'il n'est plus maîtrisable par aucun gouvernement et plus aucune multinationale. Eh bien, Mesdames et Messieurs, à côté de «La Pravda», je tiens à vous dire que c'est un sacré progrès !

Mesdames et Messieurs les députés, l'OMC, que les mêmes détracteurs que ceux du libéralisme n'ont pas de mots assez durs pour qualifier - à côté du FMI et d'autres institutions internationales - est un forum pour négocier des accords équilibrés en termes sociaux et environnementaux, pour accompagner harmonieusement, si c'est possible, l'ouverture des marchés. Même l'Accord multilatéral sur les investissements que vous dénoncez fait partie de l'arsenal qui était prévu pour la régularisation dont les pays industrialisés tentent de se doter pour intéresser des investisseurs à investir dans des zones actuellement à risques et qui sont celles qui en ont le plus besoin. L'objectif était louable, même si les termes de l'accord ne l'étaient pas. L'accord est suspendu par le retrait de la France : vous êtes contents de l'affirmer. Mais je ne suis pas sûr que nous ayons gagné : un accord équilibré aurait certainement permis aux pays en développement d'obtenir des capitaux dans une plus large mesure que ce n'est le cas actuellement. Ça c'est une discussion politique que nous pouvons avoir. Mais rappelez-vous que plus jamais personne ne mettra de l'argent dans les bons russes ! Et pour cause : on vous les rend soixante ans après au cinquantième de leur valeur nominale !

Mesdames et Messieurs les députés, pendant que certains des auteurs de cette motion étaient dans les rues en train de lancer des pavés, le président Clinton, à l'ouverture de la trop fameuse conférence de l'OMC, insistait - vous n'avez peut-être pas pu l'entendre, puisqu'on ne peut pas être dans la rue et écouter le président Clinton... - sur la nécessité d'intégrer des aspects sociaux et écologiques dans les accords internationaux. Je vous rappelle par ailleurs que le président Clinton fait partie des démocrates et non pas des conservateurs américains.

Ce qui était intéressant, c'est que le président Clinton s'exprimait sous le regard entendu et compatissant de votre ami à tous : Fidel Castro, qui prenait des notes... (Exclamations.) Je l'ai vu ! Vous, vous n'avez pas pu le voir, puisque vous étiez dans la rue ! Fidel Castro prenait des notes ! Et Fidel Castro opinait du chef ! Il opinait du chef, parfaitement ! Alors reconnaissez, Mesdames et Messieurs les députés, que, si le «lider Maximo» opine du chef et ne sort pas son fusil mitrailleur, c'est sûrement un signe que ces discussions et ces négociations ont un intérêt.

Si voulez suivre le leader maximo, qui est, sauf erreur de ma part, un des derniers marxistes - théorie économique à laquelle vous vous référez dans votre motion - je vous engage à retirer votre motion que, bien entendu et comme vous l'aurez compris, les libéraux ne voteront pas si vous n'avez pas la prudence de la retirer ! 

Des voix. Bravo !

M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Dupraz, vous nous disiez tout à l'heure que vous vouliez bien voter notre motion mais qu'elle ne servait à rien... Moi je vous dis que si Genève...

M. Claude Blanc. Il n'est pas là !

M. Chaïm Nissim. Oui, mais il va revenir ! Si Genève, siège de l'OMC, publie dans six ou sept journaux les amendements que nous avons proposés tout à l'heure et qui vont bientôt vous être remis - c'est un texte bref qui demande une pause de réflexion - cela fera tout de même réfléchir les gens qui liront ces articles. Nous devons au moins faire cela.

Monsieur Balestra, les Verts sont contre une dictature du prolétariat et contre une dictature du marché ! Vous dites que l'OMC est un forum pour négocier des accords équilibrés... Mais laissez-moi m'écrouler de rire, Monsieur Balestra ! Les Américains se rendent à l'OMC avec un Boeing plein d'avocats, alors que le Gabon, la Nouvelle-Zélande, la Tanzanie et une quinzaine d'autres pays n'ont qu'un avocat pour les représenter ! Comment voulez-vous que les accords soient équilibrés ! Laissez-moi rire ! 

M. Claude Blanc (PDC). Au risque de me répéter, j'aimerais dire que deux députés ici auraient vraiment dû se taire !

Une voix. Perdu l'occasion de se taire !

M. Claude Blanc. Il s'agit des camarades Dupraz et Brunier... (Rires.) ...unis pour une fois dans un même combat, avec une guerre de retard, comme j'ai eu l'occasion de le leur dire plusieurs fois ! Je rappelle à mon excellent ami Dupraz, qui sachant que j'allais lui répondre a gentiment pris la poudre d'escampette, et à Brunier, qui, lui, n'a peur de rien, que lorsqu'il était encore temps le parti socialiste et l'Union suisse des paysans...

M. Christian Brunier. J'étais pas né !

M. Claude Blanc. ...n'ont rien fait ! Pourtant, c'est au moment où les Chambres fédérales ont ratifié les accords OMC - le fameux «Uruguay round» - qu'il fallait agir et qu'il fallait voir où nous mèneraient ces accords...

M. Chaïm Nissim. C'est jamais trop tard, Blanc !

M. Claude Blanc. Nissim, laissez-moi parler, je ne vous ai pas interrompu !

A ce moment-là, j'avais dit à Dupraz qu'il fallait que les paysans soient solidaires des paysans du tiers-monde et qu'ils défendent leurs propres revenus en lançant un référendum contre ces accords. Dupraz m'a répondu que des négociations pourraient avoir lieu, que M. Delamuraz le lui avait promis... Je ne voudrais pas accabler ici M. Delamuraz, puisqu'il a comparu devant un autre tribunal, mais on peut parler de son successeur qui applique avec beaucoup de...

Une voix. Rigueur !

M. Claude Blanc. ...rigueur... - oui, merci ! (Rires.) - ...les accords en question. Les socialistes, eux, pensaient dans leur machiavélisme qu'en libéralisant le marché des produits agricoles on allait pouvoir faire d'une pierre deux coups, c'est-à-dire pouvoir s'attaquer aux céréaliers représentés par Dupraz qu'ils n'aiment pas trop et faire baisser le prix du pain... On savait bien qu'en même temps on ferait crever les paysans du tiers-monde, mais, dès l'instant où on pouvait faire baisser le prix du pain, c'était largement suffisant électoralement parlant, et les socialistes s'en sont contentés. Et c'est vrai que le prix du pain a baissé, mais à quel prix, Monsieur Brunier ? Je vous rends responsable de ce qui se passe, parce que pour des intérêts électoraux immédiats - une baisse de deux sous du prix du pain en Suisse - vous avez pris le risque d'affamer le tiers-monde et les paysans du tiers-monde !

Alors maintenant, vous êtes disqualifié pour critiquer le round suivant de l'OMC ! Au moment où la Suisse aurait pu - aurait dû - annoncer la couleur et s'opposer à des accords qui étaient déjà scélérats, vous n'avez pas levé le petit doigt pour des raisons bassement électoralistes, pas plus vous que Dupraz ! Vous êtes donc tous deux disqualifiés. Je ne peux pas croire à votre sincérité en nous présentant ce projet de motion.

J'aimerais m'attarder quelques instants sur le projet d'amendement que je n'ai pas encore eu le temps de le lire... On me dit qu'il s'agit de publier un texte dans un certain nombre de journaux...

Une voix. «La Planète» !

M. Claude Blanc. ...dont je vous ferai grâce des noms. Je m'aperçois simplement qu'en ce qui concerne les journaux suisses, il n'y a que la «Tribune de Genève», alors qu'il y a à peine une heure on nous incitait à favoriser «Le Courrier». Je pense que vous l'avez oublié... Puis-je faire un sous-amendement, Monsieur Pagani ? (Exclamations.) 

M. Bernard Clerc (AdG). J'ai un peu l'impression qu'on rit beaucoup... Je ne sais pas si c'est consécutif à la pause ou si, dans le fond, un certain nombre de députés dans ce parlement pensent que cela ne sert à rien de débattre de ces questions, parce qu'on ne peut rien faire...

Je ne suis pas de cet avis, et permettez-moi de vous donner quelques chiffres qui donnent tout de même une idée de la dimension du problème que nous abordons à travers cette motion.

Il existe aujourd'hui trente-sept mille sociétés transnationales au niveau mondial... C'est à dessein que je parle de sociétés transnationales et non pas de sociétés multinationales, comme je l'ai entendu à plusieurs reprises ce soir. Ce n'est pas une question de sémantique, c'est que le terme «multinationale» laisse entendre qu'il s'agirait d'organisations qui représenteraient différents pays. Il n'en est évidemment rien. Le mot «transnational» dit bien ce qu'il veut dire : ce sont des sociétés qui dépassent le cadre des Etats et qui, de manière un peu réductrice, «n'en ont rien à foutre» des Etats !

Ces trente-sept mille sociétés transnationales occupent septante-trois millions de salariés... Septante-trois millions de salariés, ça paraît beaucoup : eh bien, c'est extrêmement peu ! C'est 3% de l'emploi mondial - 3% ! Par contre, ces mêmes sociétés contrôlent 25% de la production mondiale, ce qui, évidemment, n'est pas négligeable.

Passons maintenant au commerce, puisque c'est le sujet du débat de ce soir, à travers les accords de l'OMC. Un tiers du commerce mondial s'effectue au sein même de ces sociétés transnationales. On a l'impression, quand on parle de libéralisation des échanges, qu'on vend et qu'on achète à tous crins entre sociétés : ce n'est pas tout à fait exact. Un tiers du commerce se fait à l'intérieur de la même société : on exporte et on importe d'un pays à un autre. Du reste, des études récentes montrent que le fameux développement du commerce mondial dont on parle tant est une mystification : la montée des échanges est, pour l'essentiel, due à l'augmentation des échanges au sein des sociétés transnationales et non pas à l'augmentation des échanges globaux. Et, enfin, un deuxième tiers des échanges concerne les échanges entre sociétés transnationales. Pour résumer, deux tiers du commerce mondial, Mesdames et Messieurs les députés, sont contrôlés par ces sociétés transnationales.

Enfin, dernière série de chiffres. Je sais que je vais vous ennuyer, mais je crois qu'ils sont révélateurs de l'évolution économique de notre monde. Les fusions transfrontalières à l'échelle mondiale, qui concourent donc à cette concentration du capital au sein de ces sociétés transnationales, représentaient 196 milliards de dollars en 1994... Et elles ont représenté 510 milliards de dollars en 1998 ! Ce phénomène de concentration et d'acquisition ne cesse donc de se développer.

Voilà pour cadrer le débat sur l'OMC. Au vu de ces données, il faut bien constater que, lorsqu'on dit que ce sont les Etats qui négocient à l'OMC, c'est formellement vrai, mais c'est pratiquement faux... Ce ne sont pas les Etats qui négocient, ce sont des groupements de sociétés transnationales avec leur flopée d'experts - M. Nissim en a d'ailleurs parlé en partie, mais en parlant plutôt des Etats - qui préparent les dossiers pour les Etats qui se font, en fait, les porte-parole de ces sociétés, selon des intérêts plus ou moins spécifiques.

Alors, je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusion : ce n'est pas avec une motion comme celle-là qu'on va pouvoir contrer ce type de mouvement. Par contre, il est tout aussi vrai qu'une motion comme celle-là peut et doit accompagner des mouvements de citoyens qui se développent aujourd'hui partout dans le monde, de manière transnationale, contre ce type de développement. Et c'est dans ce sens-là principalement que nous devons appuyer cette motion, parce que les citoyens qui refusent cette logique ont raison non pas parce qu'ils pourraient être admirateurs de Fidel Castro ou de je ne sais qui... - il y a longtemps que je n'ai plus de modèle personnel de ce type, Monsieur Balestra ! - mais parce que ce type de développement, qu'on le veuille ou non, nous conduit tout droit à la catastrophe... 

M. Jean-François Courvoisier (S). Pour une fois je suis d'accord avec M. Balestra dans ce sens que nous sommes tous responsables en tant que consommateurs des méfaits de l'OMC. Nous devons tous en être conscients !

Par contre, je ne peux pas approuver son opinion sur les méfaits de Marx et Engels en Union soviétique, parce que la dictature du prolétariat telle qu'elle s'est établie sous la dictature de Staline n'a rien à voir avec la théorie de Marx et Engels. Pour moi, Marx reste le plus grand prophète de tous les temps : le rendre responsable des misères de l'Union soviétique, c'est comme dire que le Christ est responsable de l'Inquisition ou de la Saint-Barthélémy ! Les chrétiens de cette salle ne seraient pas d'accord. Vous faites une erreur complète sur ce point !

Pour moi, c'est le seul espoir de sortir l'humanité du gouffre où elle se dirige actuellement, et c'est une expérience qui n'a jamais été faite : ce n'en était qu'une parodie ! Il faut d'ailleurs penser aussi à l'état dans lequel se trouvait le pays avant la dictature de Staline. Celui-ci était ravagé par la guerre et la révolution et attaqué, à l'Est et à l'Ouest, par les Américains, les Français et les Russes blancs. C'est une situation que personne n'a connue. Et, justement, je ne souhaite pas une telle dictature - d'ailleurs, Lénine a bien dit qu'il souhaitait une dictature du prolétariat, mais sans révolution sanglante. Comme pacifiste, je ne peux pas accepter qu'il faille massacrer et sacrifier trois générations pour arriver à un monde meilleur, qui ne pourrait pas arriver ainsi.

Mais, tout de même, ne rendons pas les plus grands prophètes de notre époque responsables des malheurs d'un pays, et du monde ! 

M. Christian Brunier (S). Beaucoup de choses très passionnantes ont été dites, mais j'aimerais être sûr d'avoir bien compris...

Si j'ai bien compris ce que disait le conseil des anciens députés ici présent - M. Blanc est malheureusement parti au bistro - à l'époque du débat sur le référendum de l'OMC, les socialistes n'avaient fait que des erreurs et les radicaux aussi... C'est tout de même dommage que le PDC n'ait pas résisté à la pression, à l'époque. A première vue, seul M. Blanc résistait, mais, malheureusement, il s'est montré bien silencieux !

La deuxième leçon nous a été donnée par M. Balestra. Si j'ai bien compris encore, grâce à l'OMC, grâce au FMI, un certain nombre de pays du tiers-monde peuvent bénéficier d'un plus grand nombre d'investissements. De là à dire que plus il y a d'investisseurs mieux se porteront les pays du tiers-monde, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas... En effet, Monsieur Balestra, aujourd'hui, en Afrique, il n'y a jamais eu autant d'investisseurs et de capitaux, cela grâce au plan d'ajustement structurel du FMI. Pourtant, Monsieur Balestra, la moyenne d'âge a reculé de dix ans ces dix dernières années. A ce rythme, elle reculera encore de dix ans dans les dix années à venir, et la moyenne d'âge tombera, en raison de la mortalité infantile, à 28 ans !

Je ne suis pas vraiment un admirateur de Fidel Castro, mais j'ai eu l'occasion de le rencontrer lors de son séjour à Genève, avec un certain nombre de députés. Il nous a expliqué pourquoi il opinait du chef en entendant M. Clinton - je crois même que c'était Mme Clinton. Alors, je vais vous en donner la raison, Monsieur Balestra : Fidel Castro opinait du chef, car Mme Clinton - ou M. Clinton, puisqu'il y a ambiguïté... (Rires.) - a expliqué longuement à la tribune de l'OMC que : l'ultralibéralisme rendait les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres... C'était un scoop pour les Américains, un phénomène nouveau. Alors, c'est vrai, Castro opinait du chef pour la simple raison qu'il disait la même chose depuis trente ans... Alors, ne désespérons pas, peut-être que dans trente ans vous direz la même chose, Monsieur Balestra ! (Rires et applaudissements.)

M. Michel Balestra (L). Je n'entends donner de leçon à personne... Nous sommes des hommes politiques et nous avons des idées politiques différentes... Mais lorsque vous m'expliquez que l'ouverture des marchés n'est pas susceptible de faire accéder de nouveaux pays à l'industrialisation et à la richesse, vous faites une erreur historique manifeste. Vous savez bien que certains pays qui émergeaient il y a une vingtaine d'années sont devenus tout à fait stables et industriels aujourd'hui.

Quant aux réflexions philosophiques sur Karl Marx, je suis d'accord qu'il est un des plus grands économistes de notre époque. Mais je dois compléter cette pensée en disant que notre époque a compté trois très grands économistes : Karl Marx, Lord Maynard Keynes et Adam Smith. Manifestement, c'est Adam Smith qui a eu raison, et c'est l'Histoire qui lui a donné raison !

Alors, évidemment, lorsqu'on se met autour d'une table pour essayer de passer des accords de libre-échange, afin de moduler les effets d'une libéralisation et d'une globalisation des marchés, tout n'est pas parfait tout de suite. Mais est-ce en demandant l'arrêt des négociations et la suppression des instances de négociations que des solutions à ce problème seront trouvées ? Je ne le pense pas !

Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas étonné que l'Alliance de gauche, le parti socialiste ou les écologistes, parlent de cette manière de l'OMC et de l'économie libérale. Mais que nos amis radicaux et du PDC s'y mettent aussi, j'en reste assis et tout à fait baba !

Je suis d'accord avec vous que les richesses ne sont pas correctement réparties aujourd'hui, mais elles existent, et, lorsqu'il y a des richesses, un débat politique peut s'instaurer pour qu'elles soient distribuées de manière plus équitable. Par contre, le jour où la pauvreté et la pénurie s'installeront quel débat politique pourra-t-on faire ? La pénurie ne se distribue pas ! Eh bien moi, Mesdames et Messieurs les députés, je préfère un monde qui constitue des richesses et qui négocie pour les répartir de manière équitable qu'un monde où règne la pénurie générale et où il ne reste plus qu'à démolir les murs pour essayer de trouver une solution libérale à un problème socialiste !  

M. Luc Gilly (AdG). En préambule, permettez-moi de constater qu'un tiers seulement des députés des bancs d'en face sont présents. Les deux autres tiers sont à la buvette, alors que nous débattons de la menace la plus grave qui pèse sur cette planète depuis plusieurs années ! Je trouve absolument ahurissant que quelques députés seulement...

M. Bernard Annen. Moi, je suis là !

M. Luc Gilly. J'ai dit «quelques députés», Monsieur Annen !

...essayent d'écouter ou de discuter un tant soit peu de cette menace sociale qui risque d'être plus ravageuse que toutes les guerres que nous ayons jamais connues jusqu'à présent - et je pèse mes mots !

J'aimerais résumer ce qui a été dit ce soir. Pourtant, je ne voulais pas intervenir, mais je voudrais lancer un petit appel. Lorsque l'agriculture, l'alimentation, la santé, l'éducation, les services publics, les énergies ne sont plus considérés que comme des marchandises... Lorsqu'une poignée de grands groupes financiers imposent leurs désirs et leurs lois à six milliards d'habitants et que cette dictature économique et politique échappe à tout contrôle démocratique : il faut dire non ! Il faut dire non, Mesdames et Messieurs les députés ! Hier soir, Spielmann dans son discours d'adieu a fait un discours politique qu'il aurait pu refaire ce soir. Vous l'avez pourtant tous applaudi vivement - je vous ai bien observés - et pas seulement parce qu'il a bien dirigé le parlement... Bonjour l'hypocrisie !

Une voix. Moi, je ne l'ai pas applaudi : c'était trop politique !

M. Luc Gilly. La situation et l'état de la planète s'aggravent comme jamais - je l'ai déjà dit. Tous et toutes ici savez où cela va nous mener... Aussi, en tant que citoyen - je suis en effet citoyen avant d'être député - je ne vous dirai qu'une chose, Mesdames et Messieurs : vous êtes tous invités à descendre dans la rue et à manifester le 27 novembre !

Des mouvements citoyens - M. Clerc en a parlé - tentent de s'opposer à l'OMC et demandent cinq ans de moratoire. Il faut que des discussions aient lieu et que des bilans soient tirés, après cinq ans de désastres annoncés et préparés. Ensuite, des échanges internationaux pourront se faire sur d'autres bases économiques et politiques. C'est peut-être le seul moyen de s'en sortir. Certains disent que cela ne sert à rien de résister et que c'est une fatalité... Personne n'est d'accord, en tout cas dans nos rangs, avec cet argument vraiment fallacieux ! Il n'y a pas de fatalité : tout est préparé, comme Bernard Clerc l'a dit tout à l'heure.

Le 27 - samedi prochain - une quarantaine de villes de la planète vont se mobiliser. Je pense que la résistance citoyenne a tous les droits d'exister en dehors des parlements, et c'est aussi avec ces personnes qu'il faut discuter - comme avec les gens de la Poste tout à l'heure. Aussi je vous lis une phrase de Fernand Cuche parue dans «L'Hebdo» de cette semaine : «Halte aux drogués du profit !». C'est dire en peu de mots ce que beaucoup d'entre nous pensons ici. 

M. Alberto Velasco (S). Le débat est intéressant et relevé, et des chiffres tout à fait significatifs ont été avancés.

Vous dites, Monsieur Balestra, que les investissements profitent aux pays du tiers-monde... On serait tenté de croire que votre raisonnement tient la route, mais ce n'est pas le cas. On peut affirmer que la dette de ces pays a doublé, alors qu'en réalité ils ont payé trois fois leur dette originelle. Il y a donc un réel problème. Ces pays se trouvent aujourd'hui tellement endettés à cause, justement, des investissements qu'ils ne peuvent plus investir et envisager le moindre projet. Alors, comment pouvez-vous dire que ces accords peuvent les favoriser ? Vous le savez, les prêts sont indexés sur des taux d'intérêts qui sont imposés, précisément, par les pays qui prêtent aux pays en voie de développement qui doivent les rembourser ! C'est une perversion : on ne peut donc pas dire que ces accords favorisent ces pays.

Comme vous le dites, on pourrait modifier ces accords dans le cadre de ces négociations. Mais, lorsque des accords complexes ont déjà été conclus, comment voulez-vous les changer ? Par contre, Monsieur Balestra, il est juste de demander un moratoire, vu tout ce qui s'est passé ces dernières années, pour évaluer les effets de ces accords qu'on ne connaît pas vraiment et pour décider s'il faut ou non les modifier.  

M. René Koechlin (L). Tout à l'heure M. Brunier parlait de mortalité infantile dans le tiers-monde, mais il confond ce qui est du ressort de l'OMC et ce qui relève de l'OMS...

Je rappelle à M. Courvoisier, en dépit de sa profession de foi marxiste - à chacun sa profession de foi - marxiste, qui n'est plus léniniste, d'ailleurs, contrairement à ce qu'elle fut il n'y a pas si longtemps - que l'Internationale socialiste ne visait rien d'autre qu'une organisation mondiale autoritaire, voire totalitaire, sous l'égide de la dictature du prolétariat : organisation mondiale totalitaire du commerce ! J'en déduis que chaque fois que des nations ou des organisations, disons, socio-économiques, tentent d'organiser leurs échanges de manière pacifique, par des pourparlers et si possible d'égal à égal, il se trouve des personnes ou des quarterons de contradicteurs pour contester avec virulence le principe même de ces tentatives. Et cela existera toujours...

Supprimez l'OMC, Mesdames et Messieurs ! Il faudra bien en trouver une autre, de ces organisations ! Vous la fonderez, mais vous verrez qu'il y a toujours des personnes pour s'opposer à ses travaux, parce qu'elles considéreront que l'organisation n'agit pas en conformité à leur doctrine. En effet, chacun a sa propre vision des choses et du monde et de l'accord entre les nations et entre les hommes. Et, si les personnes ne se conforment pas totalement à ces doctrines et à ces visions, on les conteste immédiatement, elles et leurs travaux. C'est lamentable ! 

M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Koechlin, nous ne demandons pas la suppression de l'OMC ! Nous sommes totalement conscients qu'il faut régler le commerce mondial et qu'il faut bien une organisation pour cela.

Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur l'amendement que nous avons proposé, car il n'est pas tout à fait lisible; j'ai en effet apporté une correction au crayon. Le titre est : «Appel aux citoyens», et, comme il n'y a pas que des hommes, j'ai rajouté «(nes) du monde» pour bien montrer qu'il y a aussi des citoyennes du monde. Je regrette que ce ne soit pas plus net que cela.  

M. Charles Beer (S). Je vais me livrer à un exercice quelque peu difficile, puisqu'il s'agit pour moi de dire que je vais à la fois soutenir la motion proposée tout en m'en distançant quelque peu. Je vais vous en expliquer les raisons.

Première chose, je partage entièrement la critique qui a été largement développée sur les effets ravageurs de la mondialisation, telle qu'elle sévit aujourd'hui sur notre planète, c'est-à-dire une mondialisation financière, sans règles, qui a été littéralement dopée par le progrès technologique, lequel a engendré une capacité de circulation des finances relativement importante et qui se développe de plus en plus. Or, ces ravages sont aujourd'hui incontestables.

Face à ces ravages, face à la toute-puissance de la finance internationale, il faut établir des règles du jeu. Avant l'OMC, existait le GATT, dont le but était de faire tomber les frontières douanières. Puis, le GATT, qui était un élément de déréglementation, a été remplacé par l'OMC : tentative de réglementation...

Tentative totalement insuffisante, tentative totalement borgne, mais, néanmoins, tentative de réglementation. S'il n'y a pas réglementation du commerce international, s'il n'y a pas de multilatéralisme, il n'existe alors que les relations bilatérales. Dans ces dernières, ce sont les Etats-Unis qui dictent la totalité des règles du jeu, et tout le monde doit bien en être conscient ici. L'OMC est donc un instrument défaillant dans le sens que la réglementation est insuffisante, mais ce n'est pas l'outil d'une tentative de réglementation en tant que tel qui doit être remis en cause.

Deuxième chose. A certains égards, la motion tombe mal, parce que, si la conférence de Seattle fait courir un certain nombre de risques et de dangers, notamment aux services publics, elle n'inscrit pas moins à son ordre du jour la discussion sur les clauses sociales et environnementales. Quand on demande de tout faire pour empêcher cette conférence d'avoir lieu et donc toute discussion sur la clause sociale et environnementale, je suis inquiet.

J'ajoute qu'au niveau suisse la relative nouvelle alliance, même ponctuelle, entre les milieux paysans, défenseurs de l'environnement, tiers-mondistes et syndicats, vise, justement, à donner le poids nécessaire à l'inscription des clauses sociales et environnementales. Ce qui fait que j'éprouve un certain malaise par rapport à l'invite principale de cette motion.

En dehors de cette clause sociale et environnementale, il conviendrait plutôt de chercher à accélérer la constitution d'un tribunal indépendant des différents puissants de ce monde, particulièrement des Etats-Unis, pour établir que les règles soient bel et bien fixées dans le sens de l'intérêt de tous et pas uniquement du plus fort.

Dernier élément à propos de la mondialisation. Je n'en veux pas particulièrement à mon collègue et camarade Rémy Pagani... Il a évoqué à juste titre l'arrestation de Pinochet, mais si cela a été possible, c'est tout simplement grâce à un phénomène extrêmement important : la mondialisation de la justice ! En effet, si on raisonne en terme de souveraineté, seuls les Chiliens seraient à même de l'arrêter et de le juger. Et la contradiction va encore plus loin : c'est tout de même le gouvernement de Tony Blair, par ailleurs vertement critiqué - et critiquable en soi, dont je ne suis pas l'avocat ici - qui a fait arrêter Pinochet...

On ne peut donc pas tout dire et son contraire ! On ne peut pas aligner les contradictions et dans le même temps condamner d'un seul mot, même dans un élan généreux, toute tentative de mondialisation. En effet, on voit que de nouvelles souverainetés populaires sont nécessaires pour faire face au capital; il faut de nouvelles souverainetés juridiques pour juger les tyrans et les multinationales qui abattent une à une les différentes protections sociales des nations.

Je voterai cette motion, parce qu'elle va, malgré tout, dans le sens d'une critique symbolique relativement importante par rapport à la grave déréglementation que nous connaissons.

En conclusion - j'hésitais à le faire, mais je vais néanmoins le faire - je ne sais pas si ça peut figurer au Mémorial,- je vais citer un passage d'un ouvrage relativement récent - quelques années - de Milan Kundera : «Tous les hommes politiques d'aujourd'hui selon Pondevin - un des personnages du livre - sont un peu danseurs et tous les danseurs se mêlent de politique, ce qui toutefois ne devrait pas nous amener à les confondre. Le danseur se distingue de l'homme politique ordinaire en ceci qu'il ne désire pas le pouvoir, mais la gloire. Il ne désire pas imposer au monde telle ou telle organisation sociale : il s'en soucie comme d'une guigne, mais occuper la scène pour faire rayonner son moi. Pour occuper la scène, il faut en repousser les autres, ce qui suppose une technique de combat spécial, le combat que mène le danseur : Pondevin l'appelle le «judo moral». Le danseur jette le gant au monde entier. Qui est capable de se montrer plus moral, plus courageux, plus honnête, plus sincère, plus disposé au sacrifice, plus véridique que lui ? Et il manie toutes les prises qui lui permettent de mettre l'autre dans une situation moralement inférieure.»

Enfin et je terminerai par là, je voterai la motion, mais j'espère que nous ferons autre chose que nous livrer à un exercice qui ressemblerait à de la «danse» ! 

Le président. Chacun a pu largement s'exprimer ce soir. Il y a eu dix-huit interventions. Je propose que l'on entende M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht, et, ensuite, nous passerons au vote de cette motion.

M. Carlo Lamprecht. Mesdames et Messieurs les députés, le débat a été très nourri. Il est vrai que ce millenium round semblait s'ouvrir sous de mauvais auspices, les Américains souhaitant un ordre du jour très condensé pour avancer rapidement dans ces négociations et l'Europe désirant élargir la problématique aux questions sociales et environnementales - M. Beer l'a évoqué.

Cependant, depuis, la situation s'est quelque peu débloquée. Mercredi 27 octobre, à Lausanne, a eu lieu une réunion informelle des représentants des vingt-cinq plus importants membres de l'OMC, présidée par M. le conseiller fédéral Pascal Couchepin. A l'issue de cette séance, les Américains ont en effet concédé l'élargissement du domaine des négociations.

D'autre part, la Suisse a cofinancé à Genève la participation des trente-sept Etats en voie de développement aux réunions préparatoires de la prochaine conférence ministérielle, pour une semaine d'information sur ces problèmes.

Puisque la Suisse a l'occasion de faire entendre sa voix - si faible soit-elle - dans une telle négociation, au sein du concert international, elle va suivre de très près la position de l'Union européenne. En effet, les intérêts de la Suisse concernant la politique agricole, les volets sociaux ou environnementaux, sont relativement semblables à ceux de l'Union européenne. Dans cette optique, je crois qu'il ne serait pas judicieux d'appliquer la politique de la chaise vide. En revanche il est très important qu'une évaluation critique des rounds précédents, notamment de l'Uruguay round, dont l'issue a sans doute mis à mal l'équilibre entre les pays pauvres et les pays riches, soit effectuée. Le but de cette évaluation est d'aboutir à des propositions concrètes pour se donner les moyens d'obtenir un équilibre des intérêts économiques, dans le cadre desquels ceux des pays moins favorisés doivent impérativement être pris en compte.

Une motion a été déposée, des manifestations sont prévues, mais il est important de garder à l'esprit que cette réunion aura lieu, même si la Suisse décidait de ne pas y assister. Pour ma part, je pense que la Suisse doit être présente dans ce millenium round. J'espère que, par ce moyen, elle pourra défendre les intérêts, que vous exprimez ici ce soir de la façon la plus démocratique. 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis de deux invites supplémentaires à la motion originale. Nous allons les voter séparément. Je vous prie de vous prononcer sur le premier amendement de M. Pagani, qui deviendra la deuxième invite, que je vous lis :

«- à demander aux Chambres fédérales d'organiser, dans les plus brefs délais, un débat sur l'OMC et le prochain cycle du Millénaire, ainsi que de traiter rapidement les différentes motions, postulats et interpellations, toujours pendantes, relatives à l'Accord Multilatéral sur l'investissement;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'une deuxième invite supplémentaire qui consiste à faire publier un texte dans certains journaux de la planète : le «Seattle Press», le «Seattle Times», le «Financial Times», le «Washington Post», «Le Monde», le «Guardian», «El Pais», le «Tages Anzeiger» et la «Tribune de Genève»...

M. Bernard Annen (L). Monsieur le président, vous devriez faire respecter notre règlement... Il faut une couverture financière pour tout investissement. J'aimerais savoir ce qu'il en est !

Le président. Monsieur Annen, je suis désolé, nous ne sommes pas saisis d'un projet de loi, mais d'une motion qui invite le Conseil d'Etat à faire certaines démarches. A lui d'assumer cette responsabilité !

M. Bernard Annen. C'est la même chose !  

M. Christian Brunier (S). Monsieur Annen, je vous rappelle que le budget de l'Hospice général comporte une ligne budgétaire d'environ 1,5 million à disposition du Conseil d'Etat et du Grand Conseil... (Exclamations.) Je pense qu'on peut prendre raisonnablement quelques milliers de francs sur cette ligne budgétaire ! (Rires et exclamations.) 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous n'allons tout de même pas faire un round supplémentaire !

Bien, je mets aux voix le deuxième amendement de M. Pagani qui deviendra la troisième invite de cette motion et dont la teneur est la suivante :

«- à publier avant le 30 novembre 1999 le texte suivant dans le Seattle Press, le Seattle Times, le Financial Times, le Washington Post, Le Monde, le Guardian, El Pais, le Tages Anzeiger et la Tribune de Genève :

Appel aux citoyens (nes) du monde

Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toute tentative de renforcement du pouvoir de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans le cadre du nouveau cycle de négociation prévu.

Le Parlement genevois, en tant que représentant démocratique de la population est extrêmement inquiet de la perte de pouvoir des autorités publiques liée à une libéralisation croissante de l'économie mondiale.

L'Accord final du Cycle de l'Uruguay, signé en 1994 à Marrakech, ainsi que la création de l'OMC, ont été présentés à l'époque comme une opportunité d'assurer un bien-être aux populations des pays membres de l'OMC par le développement du commerce. Force est aujourd'hui de constater l'échec de l'OMC sur cette question. Nous assistons au contraire à une concentration du ";bien-être" bénéficiant à une minorité, alors que la pauvreté ne cesse d'augmenter dans les pays les plus pauvres, comme dans les pays de l'OCDE.

L'instabilité croissante des marchés, particulièrement des marchés financiers, l'effondrement d'économies nationales et l'accroissement des inégalités, à la fois entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci, nous impose à tout le moins d'effectuer une pause dans ce processus destructeur et d'effectuer un bilan des politiques menées, particulièrement au sein de l'OMC, du FMI et de la Banque Mondiale.

Par ailleurs, les accords déjà conclus ont déjà dangereusement affaibli la capacité des collectivités à se protéger contre leurs conséquences sociales et environnementales. Une remise en cause de la politique poursuivie en est d'autant plus urgente.

Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toutes nouvelles négociations de libéralisation, particulièrement celles qui visent à introduire de nouveaux secteurs soumis à l'autorité de l'OMC, tels que les investissements, la concurrence ou de nouveaux services (qui imposeraient à terme les privatisations, notamment de la santé et de l'éducation). Elle s'oppose également vigoureusement à l'accord TRIPS sur la propriété intellectuelle (Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights Agreement).

C'est pourquoi le Parlement de la République et canton de Genève s'associe à l'appel lancé par plus de 1'800 ONG de par le monde, pour un moratoire sur toute nouvelle négociation visant à étendre les domaines d'action et le pouvoir de l'OMC. Le Parlement genevois demande également à ce que l'impact politique, social, environnemental et économique des accords existants de l'OMC soit évalué par une institution neutre et extérieure à l'organisation en s'assurant une juste collaboration avec les mouvements représentatifs de la société civile. »

Le président. Le résultat est douteux. (Exclamations et contestation.)

Une voix. Mais, j'y crois pas !

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 41 oui contre 32 non.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, j'ai présenté un amendement consistant à remplacer dans le texte amendé «la République et canton de Genève» par «le Parlement de la République et canton de Genève» ! (Exclamations.)

Le président. Monsieur Velasco, le texte que vous m'avez donné correspond exactement à ce que vous venez de me dire ! Monsieur Velasco, Ce changement a déjà été fait, «la République et canton de Genève» a bien été remplacé par «le Parlement de la République et canton de Genève».

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1309)sur la participation suisse au millenium round

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la réunion interministérielle de Seattle, baptisée "; millenium round ", qui doit commencer le 27 novembre 99 et durer trois ans

l'importance des décisions qui sont prévues à l'ordre du jour, tant en ce qui concerne le brevetage du vivant que la privatisation de la santé

à demander aux Chambres fédérales d'organiser, dans les plus brefs délais, un débat sur l'OMC et le prochain cycle du Millénaire, ainsi que de traiter rapidement les différentes motions, postulats et interpellations, toujours pendantes, relatives à l'Accord Multilatéral sur l'investissement;

à publier, avant le 30 novembre 1999, le texte suivant dans le Seattle Press, le Seattle Times, le Financial Times, le Washington Post, le Monde, le Guardian, El Pais, le Tages Anzeiger et la Tribune de Genève :

APPEL AUX CITOYEN(NE)S DU MONDE

";Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toute tentative de renforcement du pouvoir de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans le cadre du nouveau cycle de négociation prévu.

Le Parlement genevois, en tant que représentant démocratique de la population est extrêmement inquiet de la perte de pouvoir des autorités publiques liée à une libéralisation croissante de l'économie mondiale.

L'Accord final du Cycle de l'Uruguay, signé en 1994 à Marrakech, ainsi que la création de l'OMC, ont été présentés à l'époque comme une opportunité d'assurer un bien-être aux populations des pays membres de l'OMC par le développement du commerce. Force est aujourd'hui de constater l'échec de l'OMC sur cette question. Nous assistons au contraire à une concentration du ";bien-être" bénéficiant à une minorité, alors que la pauvreté ne cesse d'augmenter dans les pays les plus pauvres, comme dans les pays de l'OCDE.

L'instabilité croissante des marchés, particulièrement des marchés financiers, l'effondrement d'économies nationales et l'accroissement des inégalités, à la fois entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci, nous impose à tout le moins d'effectuer une pause dans ce processus destructeur et d'effectuer un bilan des politiques menées, particulièrement au sein de l'OMC, du FMI et de la Banque Mondiale.

Par ailleurs, les accords déjà conclus ont déjà dangereusement affaibli la capacité des collectivités à se protéger contre leurs conséquences sociales et environnementales. Une remise en cause de la politique poursuivie en est d'autant plus urgente.

Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toutes nouvelles négociations de libéralisation, particulièrement celles qui visent à introduire de nouveaux secteurs soumis à l'autorité de l'OMC, tels que les investissements, la concurrence ou de nouveaux services (qui imposeraient à terme les privatisations, notamment de la santé et de l'éducation). Elle s'oppose également vigoureusement à l'accord TRIPS sur la propriété intellectuelle (Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights Agreement).

C'est pourquoi le Parlement de la République et canton de Genève s'associe à l'appel lancé par plus de 1'800 ONG de par le monde, pour un moratoire sur toute nouvelle négociation visant à étendre les domaines d'action et le pouvoir de l'OMC. Le Parlement genevois demande également à ce que l'impact politique, social, environnemental et économique des accords existants de l'OMC soit évalué par une institution neutre et extérieure à l'organisation en s'assurant une juste collaboration avec les mouvements représentatifs de la société civile. "

PL 8018-A
5. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat concernant la constitution de la Fondation de la commune de Choulex pour le logement. ( -) PL8018
Mémorial 1999 : Projet, 1363. Renvoi en commission, 1370.
Rapport de M. Claude Blanc (DC), commission des finances

La Commission des finances a étudié le projet de loi 8018 lors de sa séance du 8 septembre 1999 tenue sous la présidence de M. Dominique Hausser, en présence de Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat chargée du Département des finances.

Ce projet n'appelle pas de remarques particulières. Aussi la commission, à l'unanimité, vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'accepter.

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8018)

concernant la constitution de la Fondation de la commune de Choulex pour le logement

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

Article 1

1 Il est créé sous le nom de "; Fondation immobilière de la commune de Choulex " une fondation de droit public, au sens de la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958.

2 Cette fondation est dotée de la personnalité juridique. Elle est placée sous la surveillance du Conseil municipal de la commune de Choulex.

Article 2

Les statuts de la Fondation de la commune de Choulex pour le logement, tels qu'ils ont été approuvés par délibération du Conseil municipal de la commune de Choulex, du 19 octobre 1998, joints en annexe à la présente loi, sont approuvés.

PL 8020-A
6. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les statuts de la Fondation communale de Céligny. ( -) PL8020
Mémorial 1999 : Projet, 1371. Renvoi en commission, 1379.
Rapport de M. Claude Blanc (DC), commission des finances

La Commission des finances a étudié le projet de loi 8020 lors de sa séance du 8 septembre 1999 tenue sous la présidence de M. Dominique Hausser en présence de Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat chargée du Département des finances.

Ce projet n'appelle qu'une seule remarque : il prévoit expressément que les membres de la Fondation soient de nationalité suisse. Plusieurs membres de la commission trouveraient normal d'y intégrer des résidents de nationalité étrangère, ce qui motivera leur abstention au vote.

C'est donc par 3 voix (2 R, 1 DC) et 6 abstentions (2 AdG, 2 S, 2 Ve) que la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 8020.

Premier débat

M. Bernard Clerc (AdG). M. Blanc l'a noté dans son rapport, nous nous sommes abstenus lors de ce vote, parce que, à l'heure où l'on parle de l'entrée de la Suisse à l'ONU, de l'adhésion à l'Europe, des accords bilatéraux, on trouve encore des petites communes genevoises - d'ailleurs parmi les plus aisées - qui, dans leurs statuts de fondation pour gérer le logement, excluent les étrangers des conseils de fondation. Nous trouvons cela particulièrement minable - c'est le premier mot qui me vient à l'esprit !

C'est donc pour marquer notre opposition que nous nous abstiendrons sur ce projet de loi. 

Le président. Monsieur Etienne, vous avez la parole ! Non ? Monsieur Etienne gesticulait, mais ne demandait pas la parole... (Rires.) Vous avez la parole, Monsieur le conseiller d'Etat.

M. Robert Cramer. Monsieur Clerc, je comprends vos propos, mais je dois tout de même attirer votre attention sur le fait que les statuts des fondations - vous le savez - ne peuvent pas être modifiés par le Grand Conseil : on les accepte ou on les refuse.

Alors, vous devez savoir - et pour cela il suffit de lire le projet de loi qui vous est soumis - que cette proposition de modification ne porte pas essentiellement sur l'article 9 qui parle de la nationalité suisse. En effet, l'article 9 des statuts, dans sa version actuelle, prévoit que les membres du conseil de fondation doivent être de nationalité suisse, obligatoirement domiciliés dans le canton de Genève et de préférence à Céligny, qu'ils sont élus pour quatre ans au début de chaque législature et sont rééligibles - cela a d'ailleurs été joint au projet de loi, de sorte que chacun a pu en prendre connaissance.

Si vous comparez le texte actuel à celui qui vous est proposé, vous verrez que la seule différence est que le nouveau texte comporte une limite d'âge qui est fixée à 70 ans. En d'autres termes, si vous refusez ce projet de loi, vous conserverez à Céligny des statuts d'une fondation dans lesquels il est nécessaire d'être de nationalité suisse pour en être membre, mais vous refuserez essentiellement l'article 2 dans sa nouvelle teneur. Or, l'article 2 actuel ne prévoit absolument rien sur le plan social. Il indique simplement que la fondation a pour but : d'acheter, de vendre, d'échanger les terrains, la gestion des immeubles, la collaboration directe ou indirecte à l'aménagement des quartiers et c'est tout. Le nouveau texte de l'article 2 stipule que : «La fondation a pour but en priorité de : a) mettre à disposition de personnes ou de familles ayant des ressources financières modestes à moyennes des logements dont les loyers sont conformes à leur situation personnelle;». En d'autres termes, ce qu'on vous propose aujourd'hui, c'est de faire de cette fondation communale une fondation à buts sociaux.

M. Rémy Pagani. Pour les Suisses !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Pas du tout, Monsieur Pagani ! Une fondation à buts sociaux dont les membres du conseil de fondation doivent être de nationalité suisse, ce que prévoient les statuts actuels ! Si vous voulez vous opposer à ce que l'on donne un but prioritaire à la fondation qui consiste à aider les personnes à revenu modeste, vous devez refuser ce projet de loi. En revanche, si vous pensez que les personnes à revenu modeste doivent être soutenues il faut l'accepter.  

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Je ne pensais pas m'exprimer sur ce sujet, mais je me décide, car M. le président du département vient de faire une diatribe tout à fait lyrique en soupçonnant M. Clerc et ses amis de ne pas vouloir voter le projet de loi en question. M. Clerc a pourtant modestement indiqué qu'il s'abstiendrait...

Il me semble, Monsieur le président du département, que vous avez appelé les pompiers avant que le feu ne se déclare ! Si vous deviez créer un corps de sécurité civile et que vous appeliez les pompiers avant qu'il y ait le feu, vous me feriez peur... M. Clerc n'a certainement jamais eu l'idée de refuser ce projet, il a simplement indiqué que son abstention était une abstention de principe. Vous avez largement anticipé et exagéré ! 

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le président. Bien nous passons au vote.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Article un...

M. Claude Blanc. Non, Monsieur le président : article unique !

Le président. Oui, merci, Monsieur Claude Blanc, je voulais voir si vous suiviez ! (Rires.)

Le président. Article 2; article 7, article 8, al. 2, article 9, al. 1...

M. Claude Blanc. Non ! Monsieur le président, excusez-moi, mais il faut adopter les statuts de la Fondation communale de Céligny. Il y a un article unique et ensuite les statuts. Nous n'avons pas à nous prononcer sur les articles des statuts !

Le président. Bien, merci, Monsieur Blanc.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Le président. Le deuxième débat est ainsi terminé ! Nous passons au troisième débat.

Une voix. Le troisième débat n'a pas été demandé !

Le président. Si, le troisième débat a été demandé ! Ça fait un moment que M. Cramer me le demande ! (Rires.)

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8020)

modifiant les statuts de la Fondation communale de Céligny

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

Article unique

Les statuts de la Fondation communale de Céligny, du 10 septembre 1971, sont modifiés comme suit :

Art. 2 (nouvelle teneur)

1 La fondation a pour but en priorité de :

2 A cet effet, la fondation procède à :

Art. 7 (nouvelle teneur)

1 La fondation est placée sous la surveillance du Conseil municipal de la commune de Céligny. Le rapport de gestion, le bilan, le compte d'exploitation et le rapport de l'organe de contrôle sont communiqués chaque année au maire et soumis à l'approbation du Conseil municipal de la commune de Céligny, avec préavis de l'exécutif municipal.

2 L'exercice coïncide avec l'année civile.

3 Le Conseil municipal peut demander en tout temps la production des procès-verbaux des séances du conseil de fondation.

Art. 8, al. 2 (nouveau)

Le conseil de fondation ne peut compter plus de 2 membres habitant dans les immeubles de la fondation.

Art. 9, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les membres du conseil de fondation doivent être de nationalité suisse, obligatoirement domiciliés dans le canton de Genève et de préférence à Céligny. Ils sont élus pour une période de 4 ans qui débute le premier janvier de l'année suivant le début de chaque législature communale. Ils sont rééligibles pour deux mandats au maximum. La limite d'âge est fixée à 70 ans.

Art. 9, al. 3 (nouvelle teneur)

3 En cas de décès ou de démission d'un membre du conseil de fondation, il est pourvu à son remplacement, conformément à l'article 8, pour la période restant à courir jusqu'au renouvellement du conseil de fondation, dans les trois mois suivant la vacance.

Art. 11 (abrogé)

Art. 23, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Elle doit être ratifiée ou peut être demandée par le Conseil municipal et doit être approuvée par le Grand Conseil.

PL 7876-A
7. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi instituant le dépôt légal (I 2 36). ( -) PL7876
Mémorial 1998 : Projet, 6100. Renvoi en commission, 6103.
Rapport de M. David Hiler (Ve), commission des finances

Le projet de loi 7876 a été, indirectement, victime des graves difficultés financières de l'Etat de Genève. On s'en rappelle, la Commission des finances a été contrainte d'examiner un projet de loi constitutionnelle et deux projets de budget pour l'année 1999. Il en est évidemment résulté un certain retard dans le traitement des affaires courantes.

Bien que présentant une certaine urgence, le projet de loi 7876, déposé le 22 juin 1998, n'a pu être traité que le 8 septembre 1999, sous la présidence de M. Dominique Hausser (remplaçant M. Lescaze). Jugeant l'exposé des motifs parfaitement clair, la Commission des finances, n'a pas procédé à des auditions.

Rappelons qu'il existe depuis 1969 une loi cantonale instituant le dépôt légal. Elle prévoit qu'un exemplaire de chaque imprimé destiné au public et publié dans le canton doit être remis à la Bibliothèque publique universitaire (BPU). Le dépôt légal représente un outil essentiel pour la conservation du patrimoine culturel genevois. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, « il vise à assurer la préservation de tout ce qui peut servir à étudier ou reconstituer la vie d'une région ou les moeurs de ses habitants. »

Ni la loi, ni son règlement d'application n'ont réglé le problème du financement de l'institution du dépôt légal, qui faisait l'objet d'une simple convention administrative entre l'Etat et la Ville de Genève, dénoncée par cette dernière en 1995.

Le projet de loi 7876 donne un cadre légal à la régie du dépôt légal par la BPU et établit une subvention régulière pour en couvrir les coûts (article 4A). La somme a été fixée à 210 000 F, à la suite d'une expertise. Elle couvre principalement les frais suivants :

la réception, le rassemblement, la recherche, la réclamation et l'achat de documents ;

leur catalogage, indexage et conservation (reliure notamment) ;

leur mise à disposition du public.

Le projet de loi établit clairement que le fonds constitué au titre de la loi sur le dépôt légal est propriété de l'Etat de Genève, qui en a fixé la base légale et assuré le financement.

La Commission des finances a jugé que l'utilité de ce projet de loi ne pouvait être remise en doute. C'est sans débat et à l'unanimité des 12 membres présents qu'elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 7876.

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R). Le rapport de M. Hiler est parfaitement clair : la commission des finances a été unanime... Pourtant, je prends la parole, non pas pour m'opposer à ce projet mais parce que, étant absent à l'époque, j'exprime publiquement ce que j'aurais dit à la commission !

L'article 4B du projet de loi stipule que l'Etat est propriétaire du fonds constitué au titre de la présente loi. Cet article est excellent, parce qu'il réserve la propriété de l'Etat, mais il importe que ces fonds ne soient pas séparés au cas où ces institutions se sépareraient - même si ce n'est pas pensable pour l'instant. D'autant qu'en l'occurrence il s'agit d'une bibliothèque et de livres qui forment un fonds. Certains livres sont parfois édités dans des séries qui, au départ, appartenaient à la bibliothèque sans le fonds légal, puis à la bibliothèque avec le fonds légal - mais sans cette loi, c'est-à-dire toujours à la Ville de Genève - puis ils feront maintenant partie des collections de la Ville de Genève tout en appartenant formellement à l'Etat.

En réalité, je suis parfaitement d'accord que la propriété juridique reste à l'Etat, mais l'utilisation doit rester liée à la bibliothèque que celle-ci soit à la Ville, à l'Etat, à la Confédération ou à une fondation - et c'est bien là que réside le problème : un jour ou l'autre, peut-être, il y aura une fondation intercommunale et intercantonale. Je tiens donc à préciser le sens de cet article, parce qu'il serait particulièrement absurde que des livres appartenant au même fonds soient séparés pour de simples questions de titres de propriété.

A part cela, je remercie M. Hiler pour la brièveté et la concision de son rapport. 

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7876)

modifiant la loi instituant le dépôt légal (I 2 36)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi instituant le dépôt légal, du 19 mai 1967, est modifiée comme suit :

Art. 4A Subvention à la bibliothèque publique et universitaire (nouveau)

1 La bibliothèque publique et universitaire exerce la régie du dépôt légal.

2 La subvention à la bibliothèque publique et universitaire, relative à cette activité, s'élève à 210 000 F dès 1999.

3 Un crédit de fonctionnement de 210 000 F est inscrit dans le budget de l'Etat sous la rubrique n° 64.06.00.352.70.

Art. 4B Propriété du fonds du dépôt légal (nouveau)

L'Etat est propriétaire du fonds constitué au titre de la présente loi.

M 1285-A
8. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et MM. Rémy Pagani, Dolorès Loly Bolay et Pierre Vanek sur le saccage du parc de Palexpo. ( -) M1285
Mémorial 1999 : Développée, 3337. Adoptée, 3342.

En date du 4 mai 1999, le Grand Conseil a été saisi de la proposition de motion 1285 concernant le saccage du parc de Palexpo. Acceptée lors de la séance du 20 mai 1999, cette motion invite le Conseil d'Etat :

« à donner des explications sur l'abattage de chênes centenaires dans le parc de Palexpo et sur l'éventrement de celui-ci par des tracs en faisant, le cas échéant, interrompre les travaux et en indiquant comment les arbres abattus seront remplacés. »

Peut-on vraiment parler de saccage pour l'enlèvement d'arbres dangereux dans un parc ?

Il faut, en effet, souligner que les arbres de la campagne Sarrasin ne sont pas en bon état, ayant souffert de l'implantation d'un volumineux bâtiment qui a perturbé leur équilibre hydrique et d'un chantier de construction qui a fortement compacté le sol de certains secteurs. Ils présentent régulièrement des branches mortes et même lorsqu'ils sont verts, leur système racinaire est atteint de forte pourriture.

Il s'agit donc d'assurer la sécurité des utilisateurs du parc et, lorsque cela est nécessaire, d'abattre certains sujets, qui sont remplacés par des plantations compensatoires. C'est ce que fait régulièrement la Fondation de Palexpo sous la surveillance du Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage. C'est ainsi que, dans le courant de l'hiver 1998-1999, une campagne d'assainissement a fait l'objet d'une autorisation en abattage et élagage d'arbres, délivrée le 22 janvier 1999. Peu de temps après, le 30 du même mois, un gros chêne, non compris dans cette autorisation, tomba sans motif apparent, heureusement sans atteindre le public fréquentant le parc. Une expertise fut demandée pour examiner plus en détail l'état sanitaire et le danger potentiel représenté par la lignée de gros chênes restant encore debout. Ses conclusions firent apparaître qu'il était inévitable d'abattre 8 arbres, les 12 autres nécessitant des soins importants (taille, haubanage et nutrition). Ces abattages et élagages firent l'objet d'une autorisation en bonne et due forme, publiée dans la Feuille d'avis officielle le 16 avril 1999.

Aucune observation ne fut formulée avant l'engagement des travaux sur le site. Vu l'ampleur de l'intervention, le maître d'ouvrage, en l'occurrence la Fondation de Palexpo, informa de manière circonstanciée la population du Grand-Saconnex et les personnes fréquentant le parc.

Malheureusement, cette information coïncida avec le moment où, d'une part, les abattages faisant l'objet de l'autorisation du 22 janvier 1999 débutaient et où, d'autre part, des travaux de remodelage en terrasses de l'extension des surfaces d'exposition en plein air sur le bas de la parcelle étaient entrepris. La confusion qui en résulta, largement relayée par la presse, est certainement à l'origine de la présente motion.

Les compensations exigées pour les deux autorisations délivrées font partie des dossiers administratifs. On relèvera qu'ils auraient pu être consultés auprès du Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage. Les plantations seront effectuées dès l'automne 1999 : l'arborisation du parc sera complétée et 12 nouveaux chênes garniront la lignée qui sera reconstituée au fur et à mesure que les anciens sujets devront être éliminés.

A titre de conclusion, il convient de souligner que l'examen du dossier est illustratif de la pratique de l'administration en matière de conservation d'arbres. L'abattage n'intervient que si l'on ne peut faire autrement : c'est ainsi que la solution retenue a permis de sauvegarder 12 arbres sur 20. Et lorsque l'abattage est inévitable, une compensation est exigée, à la charge du propriétaire.

En espérant avoir ainsi répondu à l'invite de la motion, le Conseil d'Etat vous prie de prendre acte du présent rapport.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Je me suis laissé aller à des propos un peu bizarroïdes tout à l'heure, et je m'en excuse...

Je profiterai de votre attention pour signaler au conseiller d'Etat qui n'est malheureusement pas présent - M. Moutinot - que le rapport du Conseil d'Etat ne répond pas du tout à certains problèmes signalés dans notre motion. Par exemple, la loi qui a été votée par ce parlement le 22 avril 87 précisait, s'agissant de la campagne Sarrasin et notamment du parc d'agrément que l'Etat de Genève construisait pour la population et pour les visiteurs de Palexpo, dans un libellé bien précis, que toute transformation de ce parc devait être soumise à notre Grand Conseil. Mais cela n'a pas été fait.

Je demande donc formellement au président du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, s'il va enfin nous présenter un projet de loi permettant de contrer l'abus de droit qui est pratiqué dans la campagne Sarrasin ces derniers temps. La question est importante, puisqu'un certain nombre d'arbres ont été coupés, des chênes centenaires, qui, paraît-il, étaient en fort mauvais état, mais aussi des arbres qui dérangeaient à certains endroits, parce qu'on voulait y installer des tentes, niveler le terrain et le mettre en terrasses. Nous avons d'ailleurs constaté que ces terrains sont toujours en terrasses et qu'ils n'ont pas été remis en état. Je demande donc également au président du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ou à son substitut... (Exclamations.) ...à son suppléant, pardon. Je suis vraiment très fatigué !

M. Claude Blanc. Un ersatz !

M. Rémy Pagani. Deux jours de séances, c'est un peu long ! Je demande donc à M. Cramer ce qu'il compte faire pour remettre ce terrain en l'état. Ou qu'il me dise si ces terrasses vont rester telles quelles et faire l'objet, à chaque extension de Palexpo, d'accaparement des exposants, ce qui signifie une quasi interdiction pour les habitants du quartier de se promener. Je rappelle que pas mal d'habitants nous ont signalé ne pas pouvoir se rendre dans le parc au moment de Palexpo, car ils étaient agressés par des chiens policiers et des gardes Protectas qui les empêchaient d'accéder à leur espace vert. Pourtant ce parc, comme cela a été voté en 87, devrait toujours rester un parc public.

En conclusion, je m'élève avec vigueur contre cette atteinte inqualifiable à des droits tout de même essentiels comme la préservation des espaces verts. J'ai bien l'intention, par d'autres moyens, de faire respecter les droits de la population qui vit dans des quartiers denses et qui a besoin de ces espaces verts pour se promener...

M. Claude Blanc. Pour faire pisser les chiens !

M. Rémy Pagani. Je continue, bien que cela ne fasse pas plaisir aux députés des bancs d'en face ! ...et se reposer. C'est nécessaire pour les personnes âgées qui ont eu une vie de dur labeur et qui aimeraient bien pouvoir disposer d'emplacements d'agrément de qualité.

M. Roger Beer (R). Je suis étonné d'entendre les propos de M. Pagani qui joue les spécialistes sur ce sujet !

Une voix. C'est un spécialiste ! Il sait tout mieux que tout le monde !

M. Roger Beer. Une fois de plus, vous partez d'un problème qui n'en est pas un, d'une non-information, pour faire un procès, et de surcroît à quelqu'un qui est absent ! En l'occurrence, il s'agit d'abattage d'arbres. C'est vrai qu'Orgexpo aurait dû faire une information, mais toutes les autorisations nécessaires ont été délivrées. Monsieur Pagani, vous profitez de la haine que vous éprouvez contre Palexpo pour remettre en cause des abattages d'arbres qui étaient autorisés.

Une voix. Pagani, t'es nul !

M. Roger Beer. Ce qui est extraordinaire, c'est que les arbres en question étaient en si mauvais état qu'un de ceux qui devaient rester est tombé de lui-même !

Une voix. Il était en aussi mauvais état que toi !

M. Roger Beer. Je voulais vous remercier de votre réponse, Monsieur le conseiller d'Etat : elle est brève, mais bonne ! Pour moi, cette question n'aurait même pas dû être posée.

Monsieur Pagani, les huit chênes qui ont été coupés pour des raisons de sécurité évidentes ont été remplacés par douze chênes ! D'ailleurs, le douzième, qui était offert par les Floralies, a été planté ce matin. Cela me permet de faire un petit peu de pub au passage : allez voir les Floralies, cela vaut le coup !

Une voix. Au lieu de gueuler ! Bravo, Roger !

M. Roger Beer. Je crois que vous oubliez que Genève applique la loi la plus sévère du monde s'agissant de l'abattage des arbres. Cette loi est si sévère qu'il est même parfois difficile de couper des arbres dangereux qui se trouvent dans un parc public où les gens vont promener leur chien - il peut s'agir de vos copains ou de vos électeurs ! (L'orateur est interpellé par M. Christian Grobet.) Parfaitement, Monsieur Grobet, il est parfois difficile d'obtenir les autorisations ! Et vous le savez très bien ! Alors, l'attaque sur l'abattage de ces arbres est vraiment totalement à côté de la plaque ! S'il y a un canton où les arbres sont protégés, où il est difficile de les abattre et où on est obligé de les remplacer, c'est bien Genève !

A ce titre, Monsieur Pagani, je n'ai absolument pas compris l'objet de votre motion ! 

Mme Anne Briol (Ve). J'aimerais quant à moi faire une remarque d'ordre général sur la réponse du Conseil d'Etat. Celui-ci nous informe que les arbres ont été abattus en raison de leur état qui menaçait les promeneurs : c'est une explication que nous pouvons accepter.

Il précise également, je cite : «...les arbres de la campagne Sarrasin ne sont pas en bon état ayant souffert de l'implantation d'un volumineux bâtiment qui a perturbé leur équilibre hydrique et d'un chantier de construction qui a fortement compacté le sol de certains secteurs.» Nous ne pouvons pas nous contenter de prendre acte de cette explication. C'est en effet un problème récurent que l'on retrouve dans de nombreux chantiers. Les arbres sont maintenus, mais le terrain et les racines sont tellement malmenés durant les travaux que, quelques mois ou quelques années plus tard, ces arbres périclitent puis sont condamnées, car, nous explique-t-on, ils sont malades et menacent les promeneurs...

Il est donc nécessaire que des contrôles beaucoup plus stricts soient effectués, lorsque des autorisations de construire sont délivrées et aussi durant les travaux, afin de ne pas être mis devant le fait accompli comme c'est le cas ici.

Une voix. C'est totalement nul !

M. Alain Etienne (S). Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1285 montre bien toute la difficulté de la gestion du patrimoine arboricole. A partir de quand un arbre devient-il dangereux et comment faut-il annoncer à la population qu'il faut se résoudre à l'abattre ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Dès lors que le propriétaire ou l'autorité compétente sont conscients du danger, je reconnais qu'il est difficile de ne pas prendre les mesures qu'il convient. Il s'agit bien évidemment d'assurer en premier lieu la sécurité du public. La réponse à la motion semble nous indiquer que la procédure a été suivie dans les règles avec une expertise, une demande d'autorisation et des compensations. Il nous est donc effectivement difficile de contester la réalité des faits.

Cependant, nous pouvons nous demander si les travaux nécessaires à l'extension des surfaces d'exposition en plein air sur le bas de la parcelle n'ont pas eu raison prématurément des arbres du parc de Palexpo. Il s'agit d'un fâcheux concours de circonstances, vous en conviendrez. Nous pouvons également regretter que la campagne d'information, qui fut initiée pour rassurer la population, n'ait pas été plus efficace et n'ait pas permis d'éviter cette intervention parlementaire. L'allusion qui est faite à la presse montre bien qu'avec quelques explications supplémentaires, notamment sur les compensations, la surprise aurait été moins grande. Bien évidemment, nous savons que les dossiers administratifs peuvent être consultés auprès du service des forêts, de la protection de la nature et du paysage, mais les arbres centenaires du parc de Palexpo méritaient certainement plus de précautions et plus d'anticipation.

Cependant, les socialistes prendront acte de ce rapport, tout en insistant sur la politique de renouvellement du patrimoine arboricole que l'Etat doit poursuivre et, surtout, faire connaître.

M. René Koechlin (L). Je me réjouis d'entendre M. Pagani la prochaine fois que les forains et le cirque Knie s'installeront sur la plaine de Plainpalais ! Je me réjouis de l'entendre prendre la défense des pauvres habitants du quartier qui ne pourront plus utiliser et s'ébattre librement avec leurs enfants et leurs chiens sur cet espace vert qu'il conviendrait de préserver à tout instant ! S'il est cohérent - mais j'en doute - M. Pagani devra intervenir dès l'installation des forains - s'ils ne sont pas déjà installés !

M. Christian Grobet (AdG). Cette motion pose deux problèmes, et je comprends que certains milieux, qui ne sont pas très intéressés par la protection de l'environnement, essayent de banaliser et de travestir les faits.

Votre intervention, Monsieur Koechlin, est caractéristique... (L'orateur est interpellé.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur ! Vous savez aussi bien que moi que la plaine de Plainpalais, dont on peut disserter sur son état, est un espace destiné au centre-ville pour un certain nombre de manifestations qui ont lieu régulièrement. Par contre, le parc Sarrasin est un parc qui a été mis en zone de verdure en vertu d'une loi que M. Pagani a rappelée et que je connais fort bien puisque je siégeais sur les bancs du Conseil d'Etat à l'époque, lorsque cette zone de verdure a été créée.

Il y a d'ailleurs eu un très long débat dans cette enceinte. Alors, quand j'ai entendu M. Blanc, qui ne cessait pas d'interrompre M. Pagani tout à l'heure, j'ai préféré me souvenir des propos de M. Roch qui est un excellent... (L'orateur est interpellé par M. Dupraz.) Ecoutez, Monsieur Dupraz, je vous en prie, après 20 h 30, restez à la buvette ! M. Roch est à l'origine des amendements qui ont été votés par le Grand Conseil, pour créer une zone de verdure à cet endroit afin d'en faire un parc, et d'une condition très précise qui a été prévue dans la loi de 88 : J'aimerais bien, Monsieur Cramer qui devrez répondre à la place de M. Moutinot, que vous vous donniez la peine d'écouter !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Mais, je vous écoute !

M. Christian Grobet. Non, vous êtes en train de discuter ! (Exclamations.) Monsieur Cramer, je connais votre intérêt pour la protection de l'environnement, alors, je vous prie d'être attentif sur cette question !

Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît, adressez-vous à l'assemblée et au président; pas à M. Cramer !

M. Christian Grobet. Je me suis adressé au remplaçant de M. Moutinot ! Je pensais, Monsieur Cramer, qu'étant donné les options que vous avez défendues lors des élections vous auriez une autre attitude que celle de ce soir ! (Exclamations.) J'ai le droit de m'adresser au Conseil d'Etat et, en l'absence de M. Moutinot, de faire abstraction des ricaneurs comme M. Lamprecht et d'autres... Je pensais simplement naïvement que M. Cramer serait intéressé par mes propos !

M. Olivier Vaucher. Quelle insolence !

M. Christian Grobet. C'est vous qui êtes insolent, Monsieur Vaucher, vous et ceux qui ricanent !

Une voix. T'as bu Grobet ?

M. Christian Grobet. Non, contrairement à certains dans cette salle... Je ne m'appelle ni Ducommun ni Dupraz ! (Remarques et rires. Le président agite la cloche.) Je ne m'appelle pas Dupraz, moi ! (L'orateur est interpellé.) Sortez de cette salle, Monsieur Dupraz, et allez cuver votre vin à la buvette !

Monsieur le président, je vous saurais gré de rappeler une fois pour toutes à M. Dupraz les convenances élémentaires à observer dans cette enceinte. S'il n'est pas capable de les respecter après 20 h 30, qu'il sorte de cette salle !

Le président. Monsieur Grobet, les invectives sont croisées ! J'aimerais qu'on se calme. Poursuivez et terminez votre intervention !

M. Christian Grobet. Je demande simplement à ne pas être interrompu !

Lorsque le Grand Conseil a voté la loi créant une zone de verdure pour le parc Sarrasin - à l'époque un certain nombre de députés pensaient qu'Orgexpo aurait tendance à occuper le parc pour des constructions provisoires - une clause très précise a été introduite dans la loi en précisant que toute construction - construction sous-entend «aménagement soumis à autorisation de construire» - devait être soumise à l'autorisation du Grand Conseil. Je constate que les travaux qui ont été effectués dans le parc ont bien fait l'objet d'une autorisation de construire, mais ils devaient toutefois être soumis à l'autorisation du Grand Conseil, ce qui n'a pas été le cas, en l'occurrence. Or, si cette clause a été prévue dans la zone de verdure où se trouve le parc, c'était précisément pour que le Grand Conseil puisse veiller à ce que la loi sur la zone de verdure soit respectée. Ça c'est le premier point.

Nous voulons effectivement savoir si les promesses qui ont été faites, il y a quelques mois, de remettre le terrain dans son état initial seront respectées et que ce parc qui a été défiguré par la création de terrasses artificielles et de talus sera rendu à son état initial, tel qu'il était lorsqu'il a été créé à la fin du siècle dernier.

Je connais bien les arbres de ce parc, puisque je suis un voisin immédiat de ce parc... (Exclamations.) ...et je m'y rends souvent, même si je ne suis pas un spécialiste comme M. Beer. Personnellement, je n'ai pas constaté que les arbres existants avaient des problèmes... Il y en avait peut-être, mais on a tout de même abattu des chênes centenaires d'une grande qualité, qui étaient isolés. C'est précisément quand les arbres sont plantés en respectant certaines règles de distance que l'on obtient des spécimens de très grande qualité. Mais, comme par hasard, ce sont les arbres qui se trouvaient au centre du parc qui ont été abattus... Et, comme par hasard, le plan de replantation n'a pas prévu de les replanter au même endroit... (M. Cramer lève les mains.) Vous levez les mains, Monsieur Cramer, mais vous êtes le premier responsable !

En effet, lorsque vous délivrez des autorisations d'abattage d'arbres, vous devez vérifier que les replantations prévues par la loi soient effectuées convenablement !

Monsieur Beer, vous prétendez que nous avons la loi la plus sévère du monde : vous parlez vraiment de choses que vous ne connaissez pas. (Exclamations.) Vous êtes spécialiste des abattages d'arbres en ville, mais pourtant les plaintes de la population sont fréquentes sur la politique que vous menez en la matière. Vous savez parfaitement qu'entre la lettre de la loi et son application, il y a un fossé particulièrement important. Fort souvent, les abattages d'arbres qui sont faits dans notre canton ne sont pas conditionnés à des replantations sur le site, mais à des versements d'indemnités ! Je ne ferai pas l'injure à M. Cramer de citer un certain nombre d'exemples ! Mais, néanmoins, j'ose espérer, grâce au nouveau règlement que vous avez édicté tout récemment, que la politique de vos prédécesseurs changera. Il faudra dorénavant que l'abattage des arbres soit suivi de replantations à l'endroit où les arbres ont été abattus !

Dans le cas présent, il est clair que l'abattage des arbres a été effectué dans le but de créer un terrain à disposition d'Orgexpo pour des expositions provisoires, et c'est pour cette raison que les arbres n'ont pas été replantés où ils avaient été abattus. Je trouve extrêmement grave que le Conseil d'Etat ou les départements compétents se soient prêtés à défigurer le parc Sarrasin !

M. Roger Beer (R). Aïe, aïe, aïe ! (Rires.) Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur l'arboriculteur Grobet... (Rires.) Je suis sidéré !

Vous prenez un exemple qui vous énerve visiblement, parce que vous habitez à côté et que vous avez l'impression d'avoir été floué, mais je vous dirai que je persiste à penser que la loi genevoise est la plus sévère. Pour demander l'autorisation d'abattre un arbre il faut au moins six semaines, voire trois mois quand c'est un peu compliqué. L'autorisation est ensuite publiée et n'importe qui a le droit de s'y opposer. Et vous savez très bien que certains milieux sont organisés : certains partis politiques, des groupements de protection de la nature, le WWF... Ils ont quasiment des bureaux dans les services concernés pour voir passer les autorisations qui sont délivrées, ce qui leur permet de s'y opposer. Ensuite, il y a discussion. Aucune autorisation n'est délivrée sans que l'arborisation future ait été étudiée.

Dans le cadre de Palexpo, Orgexpo a mandaté un paysagiste qui a étudié le dossier, qui a prévu des plantations dans le cadre de l'élément paysagiste. Mais si, malgré tout, vous avez l'impression que les arbres ont été replantés de façon à laisser la place à la construction d'une neuvième halle, c'est votre problème, Monsieur Grobet ! C'est votre problème ! En tout cas, ce n'est pas du tout l'impression que j'ai eue. Je pense que le Conseil d'Etat qui a daigné vous écouter - j'ai regardé, c'est vrai - vous répondra.

D'autre part, vous avez attaqué la politique menée en la matière par la Ville. Il ne me semble pas que le lieu soit adéquat, mais je veux bien vous répondre... Si vous avez l'impression que la Ville passe son temps à abattre des arbres, je vous signale pour votre information qu'on plante deux fois plus d'arbres qu'on n'en abat. C'est comme ça en tout cas depuis quinze ans, depuis que je suis là. Il est vrai que vous autorisiez - lorsque vous étiez encore celui qui autorisait... - la construction d'immeubles, et tout le monde sait que, la plupart du temps, cela impliquait d'abord de démolir des villas et de couper des arbres. Dans de tels cas, il n'était souvent pas possible de replanter au même endroit. Alors, généralement, avant qu'une autorisation ne soit délivrée le plan prévoyait des plantations alentour. A Genève cela marche très bien, même si cela m'énerve quelquefois, parce que certaines plantations sont des plantations alibis.

En ce qui concerne le service des espaces verts de la Ville, je peux vous dire que nous ne construisons pas d'immeubles, que nous ne coupons pas d'arbres pour ce faire et que lorsque nous sommes amenés à couper des arbres pour des questions de sécurité généralement nous les remplaçons ! Mon rôle consiste à penser à l'arborisation dans un siècle. Comme nous bénéficions aujourd'hui des beaux arbres qui ont été plantés au siècle dernier, je dois faire en sorte que nos arrières petits-enfants - les vôtres aussi - puissent aussi dans un siècle regarder des arbres d'un certain âge et d'une certaine dimension. Alors je dois dire que votre attaque tombe une fois de plus complètement à côté de la plaque, autant que l'invective de M. Pagani !

Je pense que M. Cramer dira quelques mots sur la loi et sur son application.

Mme Christine Sayegh (S). Ce débat me conforte dans le choix du site de la halle 6, puisqu'il n'y aura pas de problème botanique et donc pas d'abattage d'arbres ! (Applaudissements et exclamations.)

M. Robert Cramer. Je suis frappé, depuis que je siège à la place qui est maintenant la mienne dans ce parlement, de voir l'intérêt que suscitent les arbres. Ce n'est pas la première fois que je suis amené à répondre à une motion concernant les arbres et je m'efforce d'ailleurs, généralement, de répondre aux motions que vous votez dans les délais impartis. En tout cas, les arbres suscitent à chaque fois de longs débats. La première fois, je m'étais dit que c'était peut-être imputable à l'heure, la seconde fois à d'autres événements, mais c'est systématique.

Ce qui m'a frappé également dans ce débat, c'est que l'on se trompe complètement d'objet. La motion, qui a été déposée par Mme Bolay, M. Pagani et M. Vanek, ne comportait qu'une seule et unique invite, qui est reproduite au deuxième alinéa de la réponse. Ne posant qu'une seule question, l'invite aurait pu faire l'objet d'une question écrite ou d'une interpellation urgente, mais c'est la motion qui a été choisie : pourquoi pas ? Elle demandait pourquoi il avait fallu abattre quelques arbres dans le parc de Palexpo dans la campagne Sarrasin, et nous avons répondu à cette question.

Par ailleurs - un mois plus tard je crois - la question s'est posée de savoir si les terrassements qui ont été faits dans le parc Sarrasin étaient justifiés ou non. Contrairement à d'autres, moi je n'ai pas le génie universel et je ne sais pas tout sur tout... Il se fait, en outre, que dans ce parlement je suis non pas le substitut mais le suppléant de Mme Calmy-Rey et que je suis les dossiers qu'elle traite en son absence, le suppléant de mon collègue Laurent Moutinot étant Gérard Ramseyer. Alors, je veux bien essayer de faire suivre vos diverses interrogations, mais je ne crois pas que ce soit utile dans la mesure où ces questions ont été posées et que des réponses partielles ont été déjà fournies; les compléments à ces réponses seront données en son temps.

Ce qui m'a semblé intéressant dans la réponse à cette motion, au-delà de la réponse factuelle sur ces quelques arbres, c'est de saisir l'occasion pour rappeler quelle est la politique de ce canton en matière d'abattage d'arbres. Cette politique passe non seulement par une grande transparence, puisqu'il y a publication des autorisations, mais elle passe également par une application extrêmement rigoureuse d'un principe de préservation des arbres. Nous essayons toujours de sauver les arbres, et c'est exactement ce que nous avons fait dans la campagne Sarrasin.

En effet, ce n'est que lorsque nous n'avons pas pu faire autrement que nous avons décidé d'abattre huit arbres, et nous essayons de préserver les douze autres arbres atteints au maximum, mais nous serons peut-être amenés à les abattre si les mesures prises pour les sauvegarder ne se révèlent pas suffisantes. Le principe premier, c'est toujours d'essayer de sauvegarder les arbres quand on le peut, et cela, sans regarder à la dépense. Nous pratiquons même parfois de «l'acharnement thérapeutique». En effet, un arbre est tombé tout seul alors que nous avions l'espoir de le sauver. Nous nous efforçons de sauvegarder douze arbres sur les vingt. Les huit autres ont dû être abattus, mais, comme vous le savez bien, dans un tel cas des arbres sont replantés.

Je trouvais utile de rappeler la politique menée en la matière, principalement à l'intention de ceux dont je sais qu'ils attachent une importance considérable à la sauvegarde de notre patrimoine arboré, comme M. Etienne.

Mme Briol a justement relevé que si les arbres étaient atteints, c'est à cause du manque de précautions nécessaires lors de constructions. Ce point est précisément traité au point 84 de l'ordre du jour, auquel nous n'arriverons pas ce soir. (Brouhaha.) C'est un rapport du Conseil d'Etat à la motion 1267 dans laquelle nous expliquons la politique désormais menée en matière de préservation des arbres. En quoi cette législation et cette réglementation, dont on a rappelé qu'elle était la plus exigeante du monde, ont été rendues plus exigeantes encore, de façon, justement, à mieux préserver les conditions de vie des végétaux.

Je m'arrête là, parce que M. Beer a dit un certain nombre de choses précises, savantes et scientifiques, qui me dispensent d'en dire plus, si ce n'est pour vous inviter toutes et tous, Mesdames et Messieurs les députés, à aller visiter les Floralies ! (Exclamations et applaudissements.)

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

M 1286-A
9. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Roger Beer, Madeleine Bernasconi, Jean-Louis Mory, Marie-Françoise de Tassigny, Pierre-Pascal Visseur, Bernard Lescaze, John Dupraz, Daniel Ducommun, Thomas Büchi, Jean-Marc Odier, Hervé Dessimoz, Pierre Froidevaux, Louis Serex et Walter Spinucci concernant l'obtention facilitée de la nationalité genevoise pour l'an 2000. ( -) M1286
Mémorial 1999 : Développée, 4816. Adoptée, 4820.
Rapport de M. Antonio Hodgers (Ve), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

La Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil s'est réunie le 15 et 22 septembre 1999 sous la présidence de M. Pierre Vanek pour traiter cette motion déposée par le groupe radical en date du 20 mai 1999. Assistent aux séances : M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, président du DIAE, et M. René Kronstein, directeur, administration des communes. Le procès-verbal a été tenu par Mme Nicole Seyfried.

L'objectif de cette motion, considérant les barrières administratives qui séparent encore les Genevois et les Confédérés, est de simplifier l'obtention de la nationalité genevoise pour ces derniers. En effet, ces procédures bureaucratiques sont considérées comme ridicules et onéreuses.

Dès lors, il est proposé que les Confédérés vivant à Genève depuis 2 ans puissent obtenir la nationalité genevoise immédiatement en faisant une demande écrite au Conseil d'Etat et contre payement d'un émolument ne dépassant pas 100 F. Le préavis du Conseil administratif ne serait plus nécessaire et seule l'enquête du Conseil d'Etat suffirait à motiver la décision de ce dernier.

M. Cramer s'est déclaré favorable à cette motion.

Considérant le caractère urgent de cette motion, la commission, tout en acceptant le principe, se propose de discuter des dispositions particulières de cette proposition dans le cadre des débats sur le projet de loi 8066 modifiant la loi sur la nationalité genevoise.

En outre, elle a amendé la motion de la manière suivante :

elle a supprimé « jusqu'en 2001 » à la première invite afin d'attribuer un effet permanent à cette réforme ;

elle a remplacé le terme « facilitée » dans le titre et la première invite par le terme « simplifiée » afin qu'il n'y ait pas de confusion avec la procédure facilitée.

Le titre se lit donc ainsi :

Proposition de motion concernant l'obtention simplifiée de la nationalité genevoise pour l'an 2000

La première invite se lit donc ainsi :

à accorder aux Confédérés l'obtention simplifiée de la nationalité genevoise ;

Dans l'esprit de la commission, la simplification de la procédure peut aller jusqu'à la suppression de l'enquête. Cette marge d'appréciation est laissée au Conseil d'Etat.

Pour les raisons invoquées, la commission a voté cette motion à l'unanimité de ses 12 commissaires présents et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire autant.

Proposition de motion(1286)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

le nombre de Confédérés vivant à Genève ;

l'importance de promouvoir des actions visant à rapprocher les ressortissants suisses ;

la date symbolique de l'an 2000 ;

la nécessité de simplifier la procédure administrative ;

à accorder aux Confédérés l'obtention simplifiée de la nationalité genevoise;

à simplifier la procédure pour les Confédérés résidant à Genève depuis 2 ans.

Débat

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur. A l'origine, le groupe radical avait proposé la simplification de l'obtention de la nationalité genevoise pour les Confédérés comme un acte symbolique pour l'an 2000. De l'avis unanime de la commission, il serait intéressant de maintenir cette simplification dans le futur. Nous avons donc amendé les invites, seulement nous avons oublié d'amender le titre. Par cohérence, il faudrait donc enlever : «pour l'an 2000» du titre de la motion.  

Mme Madeleine Bernasconi (R). Le groupe radical ne pourra que s'incliner devant cette modification. Le groupe radical a proposé cette motion, mais il serait également opportun de revoir les tarifs demandés pour les personnes qui désirent la nationalité suisse. Il est fort dommage que des personnes qui ont travaillé longtemps dans notre canton ou dans notre pays ne puissent pas envisager de demander la nationalité suisse pour des raisons financières. Il me semble que ce geste significatif en faveur des Confédérés qui ont beaucoup apporté au canton de Genève doit être élargi. Merci en tout cas pour cette proposition. 

M. Claude Blanc (PDC). Moi, je veux bien entrer dans les vues de Mme Bernasconi, mais je vois déjà M. Cramer s'agiter sur son siège, parce que je sais, pour avoir étudié avec lui le budget de son département, que si vous voulez vous attaquer d'une manière plus sensible aux indemnités de naturalisation, il faudra que vous vous attaquiez au budget de l'Etat, car c'est un poste important du budget. Il faut savoir que cela représente un nouveau débat sur les recettes de l'Etat. (Brouhaha.) Je m'étonne d'entendre les radicaux aller si loin dans les attaques contre le budget de l'Etat. Il me semble que ce débat devra intervenir dans le cadre du budget.  

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil traite justement d'un projet de loi concernant les frais de procédure de naturalisation. Je vous propose donc de ne pas ouvrir ce débat ce soir, car il interviendra prochainement.

Une voix. Bravo ! 

Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Hodgers, qui consiste à enlever «pour l'an 2000» du titre de la motion, dont l'intitulé devient :

«concernant l'obtention simplifiée de la nationalité genevoise»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1286)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

le nombre de Confédérés vivant à Genève ;

l'importance de promouvoir des actions visant à rapprocher les ressortissants suisses ;

la date symbolique de l'an 2000 ;

la nécessité de simplifier la procédure administrative ;

à accorder aux Confédérés l'obtention simplifiée de la nationalité genevoise;

à simplifier la procédure pour les Confédérés résidant à Genève depuis 2 ans.

M 1288-A
10. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Françoise Schenk-Gottret, Alain Etienne, Fabienne Bugnon, René Longet, Régis de Battista, Pierre Vanek, Rémy Pagani, David Hiler, Anne Briol et Dolorès Loly Bolay concernant les exportations de déblais et de déchets de chantier de Genève vers la France. ( -) M1288
Mémorial 1999 : Développée, 5895. Adoptée, 5901.

Le Grand Conseil a adopté lors de ses séances des 24 et 25 juin 1999 la motion citée en référence qui invite le Conseil d'Etat :

à s'assurer, préalablement à l'exportation de déblais et de déchets de chantiers et conformément à la directive de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) du 7 juillet 1997, que :

ces déchets ne peuvent pas être valorisés en Suisse, ou seulement à des coûts disproportionnés ;

ces déchets ne contiennent pas de matériaux contaminés ni d'autres déchets impropres au stockage définitif dans des décharges contrôlées pour matériaux inertes ;

la décharge située à l'étranger respecte des normes comparables aux dispositions applicables en Suisse pour ce qui est du site, de l'équipement et du fonctionnement ;

à notifier les mouvements transfrontaliers des déblais et des déchets de chantier selon la directive de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) ;

à s'assurer que le règlement européen est appliqué ;

à faire un rapport au Grand Conseil sur l'application et le contrôle des conditions préalables citées.

1. Rappel de la situation

Le canton de Genève produit chaque année 800 000 tonnes de matériaux d'excavation et 300 000 tonnes de gravats provenant de la démolition de bâtiments ou de routes. Les matériaux d'excavation sont, en principe, valorisés pour le remblayage des gravières. Or seuls 500 000 m3 de graviers sont extraits chaque année des gravières genevoises. C'est la raison pour laquelle les exportations de matériaux d'excavation sont indispensables.

Pour les gravats, la situation est différente, étant donné que la majeure partie d'entre eux sont recyclés. Seules 30 000 tonnes doivent être déposées annuellement en décharge pour matériaux inertes. Des volumes suffisants de telles décharges sont encore ouverts à Genève, si bien que le canton n'a pas, en principe, la nécessité de recourir à l'exportation pour ce type de déchets. Toutefois, les volumes de mise en décharge n'étant par définition jamais inépuisables, le Conseil d'Etat ne voit pas d'objection particulière à l'exportation de déchets de démolition, pour autant que le lieu de décharge à l'étranger respecte des normes environnementales comparables à celles appliquées en Suisse et présente un niveau de sécurité équivalent à celui des décharges genevoises.

Le contrôle insuffisant des exportations de déchets de chantier a posé par le passé certains problèmes. Des mélanges de déblais et de gravats ont été trop souvent déversés dans des zones humides sensibles de France voisine. Ces agissements ont été dénoncés par des organisations écologiques locales. C'est la raison pour laquelle l'OFEFP a demandé aux cantons, par lettre circulaire du 7 juillet 1997, de garantir le contrôle des déchets de chantier destinés à l'exportation et d'assurer par des mesures appropriées l'évaluation et la surveillance des décharges recevant ces livraisons.

Il est important de relever qu'à ce jour, aucune base légale donne la compétence à l'OFEFP de contrôler lui-même les exportations de déchets de chantier, alors que tel est le cas pour les déchets spéciaux, les déchets urbains et le bois usagé notamment.

Dès lors, l'OFEFP a estimé plus simple de transférer cette tâche aux cantons en attendant qu'elle soit reprise par la Confédération dans le cadre de la modification en cours de l'ordonnance sur les mouvements de déchets spéciaux.

Or le canton de Genève ne disposait pas davantage de base légale et encore moins de procédures de contrôle des exportations de déchets de chantier.

2. Actions entreprises par l'Etat de Genève pour remédier à la situation

Circulaire du 27 juillet 1998

Envoyée aux milieux professionnels genevois de la construction par le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (DIAE), cette circulaire les informe que les exportations de matériaux d'excavation et de déchets minéraux de chantier doivent être notifiées au pays importateur, conformément au règlement CE n° 259/93 et qu'elles ne peuvent avoir lieu qu'avec l'accord des autorités compétentes dudit pays.

Guide des déchets de chantier

Suite à une séance d'information organisée par le DIAE, au début décembre 1998, à laquelle tous les milieux professionnels concernés ont participé, le guide des déchets de chantier, édité fin 1998, a été envoyé à plus de 2500 entreprises genevoises. Le guide introduit la notion de « déclaration sur l'élimination des déchets avant l'ouverture du chantier » et précise qu'elle devra être remplie pour chaque chantier dès 1999. Le guide rappelle également les termes de la circulaire du département précité du 27 juillet en matière d'exportations.

Loi cantonale sur la gestion des déchets et son règlement d'application

La nouvelle loi, adoptée par votre Conseil le 20 mai 1999, ainsi que son règlement d'application, sont entrés en vigueur le 5 août 1999. Le règlement contient des dispositions concernant les exportations qui distinguent :

Les matériaux d'excavation non pollués (déblais) qui pourront être exportés en France sur un site dûment autorisé par arrêté municipal.

Les autres déchets de chantier, notamment les déchets de chantier minéraux (gravats), qui pourront être exportés en France sur un site autorisé au titre de la réglementation des installations classées, moyennant l'autorisation prévue par le règlement CE n° 259/93 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne et sa communication au département par le requérant.

Ces dispositions réglementaires ont été élaborées en collaboration avec les autorités françaises compétentes de Haute-Savoie.

Déclaration de gestion des déchets de chantier

Le règlement d'application de la nouvelle loi sur la gestion des déchets fait désormais obligation aux maîtres de l'ouvrage de remettre à la Police des constructions du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL) deux déclarations sur la gestion des déchets de chantier : l'une avant l'ouverture du chantier, qui servira de déclaration d'intention et qui donnera des indications sur les filières utilisées et l'autre, en fin de chantier, contenant des données statistiques détaillées concernant les déchets produits par le chantier.

Le processus et les formulaires pour la déclaration de gestion des déchets de chantier ont été élaborés au printemps 1999, avant même que le Grand Conseil n'adopte la loi sur la gestion des déchets, en collaboration étroite avec les associations faîtières de la branche (FMB, SSE, INTERASSAR, AGI). La consultation officielle des milieux de la construction s'est terminée le 25 juin 1999. Cet automne, le DIAE adressera un nouveau courrier à toutes les entreprises de la branche, leur signifiant les nouvelles dispositions légales et réglementaires, l'obligation de remplir la déclaration et les adresses de notification en France voisine.

Ces formulaires sont en outre indispensables pour l'établissement de l'inventaire annuel des déchets produits, réceptionnés ou éliminés sur le territoire cantonal, ainsi que pour le suivi de la mise en oeuvre de la politique de gestion des déchets, arrêté par le Conseil d'Etat le 14 octobre 1998 dans son concept et plan cantonal de gestion des déchets 1998-2002.

3. Conclusion

En arrêtant le nouveau règlement d'application de la loi sur la gestion des déchets et en particulier les dispositions concernant les exportations de déchets de chantier et la déclaration de gestion des déchets de chantier, le Conseil d'Etat a montré qu'il entendait régler désormais de façon exhaustive la question de l'exportation des déchets de chantier. Le système mis en place permettra un contrôle efficace, les éventuels contrevenants pourront être identifiés et poursuivis.

Les travaux préparatoires, qui ont duré deux ans, ont été conduit parallèlement avec la rédaction de l'actuelle loi sur la gestion des déchets qui constitue la base légale nécessaire et son examen par le Grand Conseil. Ils ont fait l'objet d'une large information et on permis d'intensifier la collaboration avec les milieux de la construction, ainsi qu'avec les autorités françaises compétentes, ce qui constitue une garantie supplémentaire de succès.

Dès lors, au vu des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte de ce rapport.

Débat

Mme Anne Briol (Ve). Nous tenons tout d'abord à remercier le Conseil d'Etat pour la réponse rapide qu'il a donnée à cette motion.

Cependant, ce rapport ne calme malheureusement pas les inquiétudes qui nous ont motivés à déposer cette motion, à savoir la mise en péril de sites naturels français par le dépôt de déchets de chantiers provenant notamment de Suisse. Le rapport indique en effet que les matériaux d'excavation non pollués pourront, selon le nouveau règlement, être exportés en France sur un site dûment autorisé par arrêté municipal. Malheureusement, cette procédure, apparemment élaborée avec la préfecture, n'est pas compatible avec les exigences de l'OFEFP, puisqu'il semble que cette directive demande que l'exportation de tous les déchets de chantier soit soumise au même règlement.

De plus, selon cette directive, le département doit lui-même contrôler les sites choisis. Pourtant, la procédure qui a été choisie dans le règlement du Conseil d'Etat donne le contrôle à la préfecture. Non seulement cela est incompatible avec les instructions de Berne mais on sait, en plus - et c'est ce qui nous inquiète - que les préfets ont été très laxistes dans ce domaine, et rien ne laisse supposer que cela va changer à l'avenir.

Nous demandons donc au Conseil d'Etat qu'il traite de nouveau sur ce sujet avec le ministère français de l'environnement et qu'il modifie son règlement, de sorte qu'il soit compatible avec les exigences de l'OFEFP.

M. Alain Etienne (S). Tout d'abord, les socialistes tiennent à remercier le Conseil d'Etat pour la clarification qu'il fait de sa politique en matière de gestion des déchets au niveau transfrontalier. Nous saluons également l'envoi par le DIAE aux milieux professionnels genevois de la circulaire du 27 juillet 1998 et du guide des déchets de chantiers.

Cependant, à la lecture de ce rapport, il nous semble que le problème de fond n'est pas résolu. Vous le savez, et la motion faisait part de ce souci, les exportations de déblais vers la France posent problème, puisque ces matériaux portent préjudice à des zones humides et autres biotopes sensibles.

Or, nous constatons, à lire le règlement qui vient d'être édicté, que les matériaux d'excavation non pollués - termes qui qualifient les déblais - peuvent toujours être exportés en France sur un site dûment autorisé par arrêté municipal. Nous craignons, dans ces conditions, que la situation actuelle ne se poursuive comme par le passé.

Il ne s'agit pas seulement de l'exportation des déchets de démolition mais également des matériaux d'excavation, ceux-là mêmes qui posent des problèmes. Si les déblais genevois continuent à être déversés n'importe où et à mettre en péril des milieux naturels, les directives de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage ne sont alors pas appliquées... Je vous rappelle que la Confédération demande expressément que le traitement des déchets exportés dans un autre pays se fasse dans les normes comparables aux dispositions appliquées en Suisse.

L'autorité cantonale est donc tenue de contrôler si les conditions sont remplies et si l'élimination des déchets respecte l'environnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, il est de la responsabilité de l'Etat de Genève de ne pas accepter que ces déblais soient déversés sur France. La déclaration de gestion des déchets de chantiers ne va pas, à mon sens, régler le problème des matériaux d'excavation non pollués, à partir du moment où les entreprises reçoivent l'autorisation du côté français. Il n'est alors pas possible de parler de poursuivre les contrevenants dans ces conditions.

Je vous rappelle également que la France est elle-même tenue de respecter la norme européenne CE 259/93 qui indique que les matériaux d'excavation sont aussi soumis à un contrôle. Pourquoi avoir fait au niveau de Genève une distinction entre les déblais et les gravats, alors que le Ministère français de l'Environnement et la Direction des douanes ont des divergences avec la Préfecture à ce sujet ? Faire cette distinction dans le règlement d'application porte à confusion. Elle fait croire à nos entreprises que les conditions en matière de protection de l'environnement sont remplies et qu'elles peuvent agir comme par le passé. Affirmer que les dispositions du règlement d'application de la loi cantonale sur la gestion des déchets ont été élaborées en collaboration avec les autorités françaises compétentes de Haute-Savoie, alors que ces mêmes autorités semblent autoriser des remblais contraires au droit, me semble être une contradiction.

En conséquence, le groupe socialiste vous demande de prendre acte partiellement de ce rapport, cela dans l'espoir que le Conseil d'Etat continuera à obtenir du côté français une mise en conformité de sa politique en matière de gestion des déblais. Nous vous demandons de poursuivre vos démarches, afin que le Ministère de l'Environnement français règle ces questions une fois pour toutes. Nous attendons donc une deuxième réponse à cette motion.

Genève a clairement affirmé sa volonté d'appliquer les principes du développement durable en développant un agenda 21 local. La question des mouvements transfrontaliers de nos matériaux d'excavation ne doit pas être traitée du seul point de vue économique. Je vous remercie.

M. Roger Beer (R). Je suis beaucoup moins sévère que mon préopinant sur ce rapport. Il me paraît effectivement donner toutes les réponses par rapport au règlement et à la surveillance des exportations des déchets et des déblais.

La partie de ce rapport sur le recyclage est, par contre, un peu faible. Avant de proposer au Conseil d'Etat de prendre langue avec nos voisins pour discuter avec eux de la façon la meilleure et la plus juste possible de recycler des déchets ou de déposer des déchets en France, je pense, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'il faut voir dans quelle mesure on ne peut pas recycler ces déchets à Genève. Et vous savez très bien à quoi je veux faire allusion. Nous avons des exemples de cas à régler à Genève, où nous pouvons recycler un certain nombre de gravats qui viennent des chantiers et je pense, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'il faut voir comment développer ou en tout cas intensifier le recyclage de ces déchets en Suisse, dans une optique de développement durable aussi, plutôt que d'augmenter les transports et la circulation avec la France voisine. Cela aurait l'avantage d'endiguer un petit peu le développement des gravières in situ sur notre canton et, surtout, de permettre de diminuer globalement la facture écologique.

Je profite de l'occasion que me donne ce rapport, bien évidemment accepté par le groupe radical, pour demander au Conseil d'Etat et en particulier à M. Cramer de regarder de très près cette possibilité de recyclage, avec tout ce que cela implique en matière de législation. 

M. Robert Cramer. Je tiens tout d'abord à remercier ceux qui sont intervenus dans ce débat, car leurs interventions montrent qu'ils se sont très sérieusement intéressés à cet objet.

Avant tout et dans ce domaine, je tiens à dire que nous revenons d'extrêmement loin. Grosso modo, jusqu'à maintenant, la loi en vigueur, c'était la loi de la jungle... Il n'y avait pratiquement aucune sorte d'exigence en matière d'exportation de déblais de chantiers. Au niveau suisse, aucune sorte de contrôle systématique n'était exercé et au niveau français, lorsque la loi n'exigeait pas un contrôle douanier au titre d'une exportation de produits, le contrôle final dépendait de la sévérité des communes qui accueillaient ces déblais...

Je considère qu'avec la nouvelle réglementation que nous sommes en train de mettre en place nous faisons un pas en avant important, parce que nous nous donnons les moyens de contrôler les flux des déblais de chantiers, de savoir ce qu'ils sont, où ils vont, quelle est la qualité de ces déblais et comment ils sont traités.

Dans le même temps, le principe qui nous inspire est extrêmement clair : c'est celui que nous avons mis au point, ensemble, avec l'OFEFP. En effet, ne croyez pas que tel ou tel courrier de l'OFEFP que vous avez pu lire tombe du ciel... Il s'inscrit dans un processus d'échange entre l'autorité cantonale et l'autorité fédérale pour tenter de mettre au point une stratégie qui nous permette, depuis la Suisse, d'arriver à piloter l'usage de nos déchets. Et notre principe de base est extrêmement simple et extrêmement clair : il ne faut pas qu'il y ait de dumping environnemental ! En d'autres termes, les déchets de chantiers produits en Suisse doivent être traités de la même façon, qu'ils soient traités dans un pays étranger ou qu'ils soient traités en Suisse... C'est la politique que nous essayons de mettre sur pied.

Vous nous invitez à travers vos interventions à poursuivre nos démarches dans différentes directions. Tout d'abord, dans la direction du recyclage : vous avez raison, c'est très important. Du reste, c'est sur la question de la valorisation des déchets de façon générale et des déchets de chantiers en particulier, qu'est fondée la politique cantonale et fédérale en matière de gestion de déchets.

Vous nous invitez également à être très attentifs à ce qui se passe avec ces déchets lorsqu'ils passent la frontière. Sur ce point-là aussi, nous allons poursuivre nos démarches. Je ne crois pas, malheureusement, que notre meilleur interlocuteur soit le Ministère français de l'Environnement... J'ai en effet essayé à plusieurs reprises d'avoir des contacts avec le Ministère français de l'Environnement où j'ai la chance de connaître un certain nombre de responsables, donc, des interlocuteurs potentiels, mais je dois malheureusement vous dire que ces contacts se sont révélés extrêmement décevants. Concrètement, si nous voulons gérer la situation transfrontalière, nous devons le faire avec les acteurs de l'autre côté de la frontière, c'est-à-dire avec les autorités préfectorales et communales.

Nous avons reçu un certain nombre d'assurances de la part des préfets. Nous travaillons aussi avec les communes sur tous ces projets assez ambitieux de plans rivières et de gestion des cours d'eau et, évidemment, les choses ne sont pas sans rapport, parce que, vous le savez bien, les déchets de chantiers sont souvent utilisés pour combler des zones humides, pour combler des nants. Nous avons ainsi aujourd'hui le sentiment que les autorités françaises sont de plus en plus conscientes des problèmes environnementaux que peuvent poser les déchets de chantiers.

Nous avons répondu à cette motion dans toute la mesure de nos moyens, aussi je vous propose d'en prendre acte. Cela dit, je m'engage à revenir dans six mois devant la commission de l'environnement pour vous faire rapport sur ce que nous aurons pu obtenir et sur ce que nous n'aurons pas pu obtenir. Je tiens encore à dire que je comprends parfaitement vos inquiétudes, parce que nous sortons d'une situation peu satisfaisante pour entrer dans un système où nous nous efforcerons de contrôler la situation, et je comprends parfaitement bien que l'on se pose des questions et que l'on se demande si nous arriverons à réaliser la volonté que nous exprimons. Donnons-nous rendez-vous dans six mois pour faire un premier bilan de l'action des autorités genevoises et françaises dans ce domaine ! 

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

I 1930
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de Mme Fabienne Bugnon : Fermeture d'une déchetterie communale. Est-ce vraiment la bonne solution pour lutter contre les décharges sauvages ? ( ) I1930
Mémorial 1995 : Annoncée, 987. Développée, 1790. Réponse partielle, 1812.

M. Robert Cramer. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Mme Bugnon, il faut lui en rendre hommage, est patiente : son interpellation a été traitée partiellement le 27 avril 1995 ! Et je ne sais pas quand elle a été déposée... Il y a donc presque cinq ans qu'elle attend. Cette interpellation est victime d'un sort assez étrange. Je voulais employer le terme «malédiction» mais il est tout de même un peu excessif. Non seulement il a fallu attendre cinq ans pour avoir une suite d'une réponse tout à fait partielle de la question, mais en plus elle figure à l'ordre du jour des séances de votre conseil depuis au moins six mois, si ce n'est plus !

C'est l'occasion de se souvenir que Mme Bugnon se préoccupait déjà en 1995 - et elle continue à s'en préoccuper - des questions liées aux déchetteries. A l'époque, Mme Bugnon - je le précise parce que je ne sais pas si chacun a dans l'esprit les termes de son interpellation - posait trois questions importantes :

La première demandait pourquoi les communes genevoises avaient des pratiques différentes en matière de déchetterie.

La seconde demandait s'il ne serait pas possible de créer de nouvelles déchetteries, notamment en ayant recours à des groupements intercommunaux.

La troisième interpellait le Conseil d'Etat pour savoir ce qu'il faisait en matière de lutte contre les décharges sauvages.

La première et la troisième questions avaient reçu réponse, mais la deuxième avait reçu une réponse partielle seulement, mon prédécesseur ayant indiqué qu'il allait donner des précisions sur les pratiques de chacune des communes... Depuis lors, semble-t-il, il n'y a pas eu de réponse sur ce point quand bien même, déjà en 1995 - c'est aussi pour cela que j'ai parlé d'étrange sort lié à cette interpellation - les données étaient déjà existantes ! En effet, le service Info-déchets a établi des statistiques sur les collectes sélectives de déchets ménagers, m'a-t-on dit, depuis 1989 - ce qui n'est pas vrai... En effet, j'ai fait des investigations à ce sujet et j'ai retrouvé des traces beaucoup plus anciennes : jusqu'en 1985 pour les statistiques globales et 1992 pour les statistiques commune par commune ! Nous disposons donc de chiffres précis sur ce point, année après année, dans les publications d'Info-déchets. Je vous remettrai tout à l'heure, Madame Bugnon, non pas les oeuvres complètes d'Info-déchets mais un certain nombre de ces brochures qui vous permettront de remonter jusqu'en 1985.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée de répondre à cette interpellation à laquelle il n'a pas été répondu en temps voulu, pour vous dire qu'en analysant les choses de plus près on s'aperçoit qu'il y a quelques raisons objectives aux différences de traitement et de performances des communes en matière de gestion des déchets. Il y a tout d'abord le fait que le nombre de déchetteries est variable en fonction des communes, ce qui, d'ailleurs, n'est pas forcément imputable à une volonté des communes. Il y a parfois des difficultés à trouver des emplacements; il y a parfois des communes qui décident de centraliser d'autres non. La politique de chaque commune en la matière est donc variable.

Le second point qui peut expliquer les divergences dans les chiffres et les résultats, c'est la politique d'information, et nous y serons particulièrement sensibles ces prochains mois. Enfin, et c'est un phénomène auquel beaucoup de communes sont confrontées : il y a un véritable tourisme en matière de déchets, imputable à mille causes, notamment par le fait que certaines déchetteries sont bien situées aux abords d'une route à grande circulation, par exemple, et que les personnes qui souhaitent se débarrasser de leurs déchets choisissent la commodité, c'est-à-dire une déchetterie qui est sur leur passage plutôt qu'une déchetterie qui se trouve sur leur commune.

Pour le surplus, comme vous le savez, le Conseil d'Etat a décidé le 14 octobre 1998 d'un plan cantonal de gestion des déchets. Sur la base de ce plan, un projet de loi sur la gestion des déchets a été élaboré qui est entré en vigueur au mois d'août de cette année avec son règlement d'application. Cette loi nous permet de faire quelque chose d'important : de gérer avec les communes un fonds cantonal pour la gestion des déchets. Grâce aux ressources tirées de ce fonds, nous pourrons certainement faire beaucoup mieux et en matière d'information et en matière de création de nouvelles déchetteries pour atteindre cet objectif ambitieux qui est le nôtre : doubler la quantité de déchets valorisés dans les deux ans dans notre canton. 

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie le Conseil d'Etat et je me réjouis qu'il nous rapporte dans deux ans sur ce qu'il vient de nous promettre... 

Cette interpellation est close.

P 1240-A
12. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Non à un aéroport au rabais. ( -) P1240Rapport de majorité de Mme Dolorès Loly Bolay (AG), commission des pétitions
Rapport de majorité de Mme Salika Wenger (AG), commission des pétitions
Rapport de minorité de Mme Janine Hagmann (L), commission des pétitions

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur : Mme Salika Wenger

Notre commission a traité cette pétition durant trois séances, le 23 avril, le 10 mai et le 7 juin 1999, sous la présidence bienveillante de M. Louis Serex. Mme Pauline Schaefer en était la procès-verbaliste et nous la remercions pour sa compétence et la patience dont elle a fait preuve au cours de nos travaux.

Audition des pétitionnaires

M. Page, président d'ARAG et M. Christie, président d'ATE-Genève

Cette pétition met l'accent sur un nécessaire contrôle de la politique de développement que la direction de l'AIG tente de mettre en oeuvre. En effet, les pétitionnaires sont inquiets de la publicité que l'AIG a fait paraître dans une revue spécialisée et qui, en substance, dit que les prix pratiqués par cet établissement sont très bas, que les taxes d'atterrissage sont en moyenne de 25 % moins chères qu'ailleurs en Europe. Leur peur est que la pratique de ce type de dumping se fasse au détriment des protections environnementales nécessaires contre le bruit ou les émanations de gaz et au détriment des contribuables du canton. Ils redoutent que la ville du bout du lac devienne la poubelle de Zurich en ce qui concerne le trafic aérien (dixit J.-P. Maitre) et que les riverains aient à souffrir de cet état de fait.

Si l'on incite les compagnies à venir s'installer à Genève alors que l'aéroport ne dispose que d'une seule piste, on peut imaginer que les compagnies aériennes qui proposent des vols à bas prix ne pourront pas obtenir les créneaux « standard » de départ (7h à 9h ou 12h - fin d'après-midi) et seront contraintes de se rabattre sur des heures marginales comme 5h30 du matin.

Il existe bien une surtaxe bruit qui varie selon le type et l'âge de l'avion, mais quand on sait qu'un Boeing 747 est considéré comme un avion non bruyant on peut se poser la question de savoir quelle peut être la qualité de vie des riverains réveillés tous les matins à 5h30, fins de semaines comprises ?

Quant au fonds destiné à lutter contre les pollutions sonores dont est responsable l'AIG, les pétitionnaires avancent que 3 des 51 millions seront affectés à l'insonorisation des bâtiments et 12 autres serviront à amener aux avions l'énergie dont ils ont besoin quand ils sont au sol. Ils admettent que cela représente une notable économie de bruit pour les riverains du Grand-Saconnex et une économie de carburant pour les compagnies aériennes qui n'auront plus à laisser tourner leurs réacteurs d'appoint. Mais est-il normal, ajoutent-ils, que l'AIG utilise ce fond affecté à la lutte contre la pollution pour doter l'aéroport de moyens qui amèneront plus d'avions, plus de bruit, etc. ? Les pétitionnaires ne semblent pas d'accord avec cette méthode.

MM. Page et Christie tiennent à nous rassurer, ils ne sont pas contre l'Aéroport de Genève qui est un vecteur important du développement économique de notre région, mais sa croissance doit être contrôlée.

La gestion des surtaxes pourrait être ajustée de manière plus rentable en prenant en compte l'heure de départ ou d'arrivée des avions. Hambourg, par exemple, exige pour un Boeing 747/300 la somme de 9 214 F pour le créneau 8h-20h, Genève dans le même créneau n'encaisse que 3 194 F. Pour l'année 1997 si l'AIG s'était inspirée de l'exemple hambourgeois elle aurait encaissé 25 millions supplémentaires.

En conclusion, les pétitionnaires affirment que l'aéroport devrait accepter de se conduire comme une véritable entreprise et que les problèmes rencontrés aujourd'hui ne sont que la conséquence d'une gestion qui n'a pas tenu compte de la protection de l'environnement durant vingt ans.

Audition de M. Jean-Pierre Jobin, directeur général de l'Aéroport international de Genève

En vertu d'une règle fondamentale émanant de l'Organisation internationale de l'aviation civile (OACI), il n'existe pas de discrimination entre les différents utilisateurs. Tous les clients doivent être traités de manière égale et ce principe est respecté par l'AIG. La compagnie easyJet a rencontré la direction de l'AIG pour voir dans quelle mesure l'aéroport serait disposé à entrer en matière pour des dispositions tarifaires particulières arguant l'avantage commercial que constitue une augmentation de trafic pour l'aéroport. Cette demande n'a pu être satisfaite car l'aéroport n'est pas autorisé à procéder de la sorte.

En revanche, on avait imaginé attribuer à cette compagnie l'ancienne aérogare datant de 1949 qui aurait servi de terminal à easyJet et lui aurait permis de développer son trafic et c'est dans ce contexte précis que l'AIG avait dans l'idée de négocier un tarif distinct correspondant de fait à une moindre prestation. Ces tractations n'ont pas abouti et la compagnie opère de manière traditionnelle dans l'aérogare principale au plein tarif.

L'AIG est un aéroport public et de fait obligé de s'en tenir aux heures d'ouverture soumises à des restrictions dans le cadre du trafic nocturne. Un tel trafic n'est pas autorisé entre 22h et 6h en ce qui concerne le trafic passager quand au trafic commercial, il est interdit entre 23h et 6h. Peuvent déroger à ces règles : les vols sanitaires transportant des « organes », les « vrais » vols sanitaires véhiculant des personnes blessées ou décédées, des « avions d'Etat » circulant sur décision de Berne, et enfin si les conditions d'engorgement du trafic l'exigent. Ce dernier cas de figure est rare à Genève, car malgré sa piste unique l'aéroport jouit d'une réserve de capacité considérable durant les heures de jour.

L'AIG voit passer 6,5 millions de passagers par an mais pourrait en accueillir entre 12 et 15 millions selon les experts, la capacité de réserve est donc pratiquement de l'ordre de 100 %. Il faut en outre rappeler que les mouvements aériens dépendent d'un certain nombre d'éléments météorologiques par exemple et les espacements des mouvements doivent être pris en compte en ce qui concerne notamment les gros porteurs dont les turbulences de sillage peuvent parfaitement retourner un appareil de moindre importance si l'espacement adéquat n'était pas respecté. Cet exemple vise à démontrer que la capacité ne s'entend qu'en terme de flexibilité.

C'est pourquoi Genève vise à développer le côté qualitatif plus que quantitatif de ses prestations.

La gestion du fond de surtaxe bruit est soumise à l'appréciation d'une commission consultative. Est en cours notamment l'installation, à chaque place de stationnement des avions, d'un système de branchement en électricité et air conditionné, qui permet aux avions d'arrêter leurs réacteurs et de stopper les groupes auxiliaires de puissance. Ce sont 20 millions qui seront puisés dans ledit fond et qui serviront aussi à financer les treize microphones spéciaux qui mesurent le niveau sonore et permettent de relever les trajectoires des avions. Il faut ajouter 40 autres millions dans le cadre des insonorisations, mais M. Jobin estime qu'avec une rentrée de 5 millions par an « on va y arriver ».

Depuis 1993 la stagnation des recettes en matière de taxe bruit s'explique par le fait que les avions sont classifiés selon un système évolutif et dynamique. Une taxe de 800 F maximum est perçue sur les avions les plus anciens, donc considérés comme les plus bruyants. Les taxes n'ont pas évoluées mais les classifications, oui, ce qui explique les différences dans ces redevances.

D'autre part, M. Jobin a expliqué aux commissaires les avantages que rapporte l'installation de la compagnie easyJet à Genève en précisant que si l'accord de rachat de TEA Bâle devait se conclure ce n'est pas moins d'une centaine de postes de travail qui seraient créés à Genève. Mais, pour l'instant, il semble que les pourparlers n'ont pas encore abouti pour des raisons de conflits avec l'administration fédérale à propos d'un montant de TVA de l'ordre de 5 millions.

Quant aux descriptifs des prestations avantageuses de la compagnie easyJet que M. Jobin nous a longuement décrites, je renvoie les députés à n'importe quel dépliant de cette compagnie.

Discussion

L'Entente s'est félicitée de la bonne gestion de l'aéroport et a conclu que celui-ci étant une nécessité pour la ville, qu'il faudra « faire avec », car qui dit aéroport dit aussi avions et que l'on ne peut pas mettre des « bâtons dans les roues » de cette entreprise. Pour ces députés les rabais proposés sont plutôt l'occasion de faire de la publicité dans les journaux, et l'importance de ces rabais est minime. L'Entente s'oppose à ce que l'on dicte des lois qui influencent le fonctionnement de l'AIG, ce qui lui ferait perdre de son autonomie.

Les députés de l'Entente, satisfaits des réponses de M. Jobin, demandent le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

L'Alternative, elle, rappelle les trois points importants de la pétition : les taxes passagers, les taxes d'atterrissage et de bruit, un accès égalitaire aux infrastructures. Ce groupe entend que la politique de développement ne se fasse pas au détriment des précautions environnementales indispensables. Que l'attractivité de l'AIG ne doit pas se faire à n'importe quel prix et ne peut avoir comme seul argument des cadeaux faits aux compagnies et qui devraient par la suite être compensés par un effort supplémentaire des contribuables genevois.

En ce qui concerne l'utilisation faite des fonds constitués par les surtaxes bruit et émissions gazeuses, on peut se poser la question de savoir si leur affectation à une modernisation de l'accueil des avions fait réellement partie de la lutte contre les nuisances engendrées par l'aéroport ?

Le long plaidoyer de M. Jobin en faveur de la compagnie easyJet est des plus suspect et nous devons rappeler que c'est de son propre chef qu'il a porté la majeure partie de son intervention sur cette compagnie, telle n'était pas notre intention. Nos préoccupations étaient plus liées à la qualité de la vie des riverains qu'aux performances économiques de l'AIG ou de l'une ou l'autre des compagnies aériennes qui utilisent l'aéroport.

Nous refusons de « faire avec », et la création hypothétique de quelques emplois ne peut justifier une politique de développement de l'aéroport irréfléchie qui porterait un préjudice grave à l'environnement et aux riverains, nous entendons le faire savoir au Conseil d'Etat, pour que cette situation ne se reproduise pas à l'avenir.

Votes

Proposition de renvoyer au CE

7 oui (3 AdG, 2 S, 2 Ve), contre 6 non (1 DC, 2 R, 3 L) et une abstention (DC).

La proposition de dépôt sur le bureau du Grand Conseil est refusée.

Au vu de ce qui précède, la majorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer la pétition au Conseil d'Etat.

Pétition(1240)

"; Non à un aéroport au rabais "

Mesdames etMessieurs les députés,

Nous avons appris par la presse qu'une compagnie aérienne souhaite s'implanter à Genève, avec comme politique des vols fréquents et à bas prix.

Si la compagnie qui a l'intention de s'établir devait pratiquer une politique de dumping, cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses tant sur le plan social qu'environnemental, à moins que des garanties claires ne soient données.

Nous demandons aux autorités compétentes de notre canton de veiller à ce qu'aucun privilège ne soit accordé:

sur les taxes passagers,

sur les taxes d'atterrissage et de bruit,

à l'accès à des infrastructures plus favorables à un transporteur particulier.

Nous sommes pour la création d'emplois pour autant qu'ils s'inscrivent dans les principes du développement durable et de l'égalité de traitement.

Suite aux problèmes de SWA, nous voulons rendre attentives nos autorités aux dangers que ferait courir l'arrivée d'un nouveau transporteur ne respectant pas ces principes.

Ne prenons pas le risque de voir disparaître les lignes desservant actuellement notre canton au profit de compagnies qui privilégierait le quantitatif sur le qualitatif.

Cette aventure sans lendemain pourrait nous conduire dans une spirale qui nous priverait de la maîtrise des conditions d'exploitation de notre aéroport: sur le plan social, de la sécurité, de la protection de l'environnement et du développement économique.

Cointrin deviendrait un aéroport au rabais délaissé par les compagnies aériennes qui le desservent actuellement en raison d'un traitement de faveur qu'accorderait l'AIG (Aéroport International de Genève) à certaines compagnies.

N.B. : 5 signatures

ARAG, M. Gérald Page, ATE-Genève, M. Derek Christie, ATE-Genève18, rue de Montbrillant, 1201 Genève

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur : Mme Janine Hagmann

L'audition du directeur général de l'Aéroport international de Genève (AIG), à laquelle a procédé la commission, a permis de rétablir un certain nombre de faits présentés de manière déformée par les pétitionnaires.

L'Aéroport international de Genève est un établissement public autonome depuis le 1er janvier 1994, placé sous l'autorité de son conseil d'administration et sous la haute surveillance du Conseil d'Etat. Il est au bénéfice d'une concession fédérale et, de ce fait, également sous la tutelle du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication. Il a l'obligation de respecter les normes internationales fixées par l'Organisation de l'aviation civile internationale, reprises dans la législation fédérale. Il se doit ainsi, par exemple, d'appliquer une stricte égalité de traitement envers toutes les compagnies aériennes qui le desservent, et les redevances aéronautiques doivent être fixées en relation avec les coûts de l'usage des installations aéroportuaires. En vertu de son statut d'aéroport public concessionné, il ne peut refuser l'accès à son infrastructure aux compagnies aériennes disposant des droits de trafic accordés par la Confédération.

Dans ce contexte est arrivée à Genève, en décembre 1997, une nouvelle compagnie aérienne britannique, opérant des vols « low cost - no frill » (littéralement : à bas tarif et sans « chichi »), la compagnie easyJet UK en l'occurrence. Cette compagnie exploite des vols de lignes entre Genève et l'Angleterre, à savoir Londres-Luton (3x/jour) et Liverpool (1x/jour). Elle exploite également des vols entre Zurich et l'Angleterre. Dans le courant de l'été 1998, elle a fait l'acquisition de la compagnie charter suisse TEA, établie à Bâle, et l'a transformée en une compagnie suisse, easyJet Switzerland SA, sur le modèle d'easyJet UK. Le siège de la nouvelle compagnie suisse a été transféré à Genève.

Dès l'été 1999, la compagnie easyJet Switzerland opère des vols de lignes entre Genève et Nice (2x/jour), Genève et Amsterdam (1x/jour) et des vols charters entre Genève et Barcelone (1x/jour), le régime de vol de ligne vers cette destination lui ayant été refusé par le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication en raison de l'opposition de Swissair, fondée sur le monopole qui lui est encore garanti jusqu'en 2008 pour les destinations qu'elle exploite effectivement.

Il est exact qu'en 1998 easyJet a tenté d'obtenir de la direction de l'AIG un régime de faveur en envisageant l'usage de l'ancienne aérogare. Ces tractations n'ont cependant pas abouti et, de ce fait, easyJet s'est acquittée et s'acquitte toujours des pleins tarifs aéroportuaires. Ainsi donc, easyJet est traitée à l'Aéroport international de Genève comme toute autre compagnie aérienne.

Il nous paraît intéressant de relever que le nouveau concept développé par easyJet et appliqué avec succès pour des vols de lignes moyen-courriers, révolutionne le transport aérien et séduit de plus en plus de passagers. EasyJet dispose d'une flotte homogène d'avions du type Boeing B737 flambant neufs d'une capacité de 150 sièges. Ces avions, de dernière génération, sont dispensés des surtaxes bruit et émissions gazeuses. Les très bas tarifs appliqués par la compagnie grâce à un contrôle strict des coûts, à une gestion rigoureuse et à un très haut taux moyen de fréquentation des vols, stimulent les marchés, permettent de voyager à des personnes disposant de petits budgets et attirent même des hommes d'affaires en raison de l'excellente ponctualité des vols.

L'Aéroport international de Genève peut se réjouir du développement des activités d'easyJet et, de ce fait, n'a pas à craindre de devenir « un aéroport au rabais ». Bien au contraire, easyJet Switzerland est aujourd'hui la seule compagnie aérienne de ligne basée à Cointrin et 120 emplois ont été créés à Genève à cette occasion. L'exploitation d'easyJet à Genève ne génère pas seulement des recettes pour l'AIG, mais également pour les prestataires de services établis à Cointrin en assurant l'assistance aéroportuaire, le ravitaillement en carburant, le catering, la maintenance technique, etc.

En conclusion, nous constatons qu'aucun privilège n'a été accordé par l'AIG à easyJet et que les principes d'égalité de traitement ont été strictement respectés. Les demandes des pétitionnaires sont sans fondement.

Enfin, l'arrivée à Cointrin d'une nouvelle compagnie aérienne, exploitant des vols de lignes avec des avions ultra-modernes et selon un concept novateur, doit être saluée avec satisfaction, d'autant plus que l'établissement à Genève du siège de cette compagnie a entraîné la création de 120 emplois.

Au bénéfice des explications qui précèdent, la minorité vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1240 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Débat

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG), rapporteuse de majorité ad interim. Le rapport de majorité éclaire les problèmes qu'il y a à l'aéroport international de Genève.

Je vais tout de même rappeler que cet aéroport, contrairement à d'autres villes européennes se trouve au centre même de la ville et que, par voie de conséquence, c'est une zone - le Grand-Saconnex, la commune de Vernier et la commune de Meyrin - qui s'est extrêmement développée ces dernières années, ce qui a engendré les problèmes que l'on connaît aujourd'hui. En effet, étant donné que l'aéroport se trouve au milieu de la ville, avec une seule piste d'atterrissage, et que l'on accepte de pratiquer le dumping sur la surtaxe de l'aéroport, l'aéroport ne pourra que devenir, comme l'a d'ailleurs dit M. Maitre, la poubelle de Zurich ! C'est-à-dire qu'on encourage des compagnies à venir s'installer à Genève, à développer le trafic des avions, et on les pousse à proposer des vols en dehors des horaires habituels.

Je pose donc au Conseil d'Etat les questions suivantes :

- Quelles sont les garanties que vous avez prises sur le plan environnemental et sur le plan social ?

- Quelles sont les garanties que vous avez demandées concernant les taxes passagers, les taxes d'atterrissage et les nuisances sonores ?

Pour l'instant c'est tout ce que j'ai à dire sur le rapport de Mme Wenger.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de minorité. Pour une fois, il me semble que la lenteur de nos travaux a eu du bon. En l'occurrence, entre le 26 mars - date du dépôt de cette pétition - et le 19 novembre - aujourd'hui - beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, permettant de relativiser certains problèmes. Je vous rappelle que les pétitionnaires de la pétition 1240 avaient saisi l'occasion du désir de s'implanter à Genève d'easyJet pour se poser des questions sur des privilèges éventuels accordés soit sur les taxes soit sur les accès aux infrastructures de Cointrin.

Alors, qu'en est-il ?

1) L'aéroport de Cointrin a l'obligation de respecter les normes internationales fixées par l'organisation de l'aviation civile internationale.

2) Une stricte égalité de traitement est appliquée à toutes les compagnies aériennes qui le desservent.

3) D'autre part, l'accès de Cointrin ne peut être refusé aux compagnies qui disposent des droits de trafic.

Par ailleurs, je rappelle que la position stratégique occupée par les aéroports est un facteur clé dans la décision d'implantation des entreprises. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que les aéroports soient souvent cités en exemple en matière de création d'emploi. J'ai lu l'autre jour que tout million de passagers supplémentaire crée quatre mille emplois directs ou indirects. La mobilité s'est généralisée, vous le savez; c'est pourquoi l'aviation joue un rôle moteur dans l'économie.

Que s'est-il passé à Genève ? EasyJet a déménagé de Bâle à Genève le 5 novembre. Résultat : cent cinquante collaborateurs concernés ! L'AIG se soucie évidemment des préoccupations des pétitionnaires. Madame Bolay, qui remplacez Mme Wenger, vous donnez l'impression que Cointrin ne se soucie pas des problèmes environnementaux... Avez-vous pris connaissance du rapport environnemental de 1999 ? Je vais vous lire un seul paragraphe - il est tard, mais cela me paraît utile - je cite : «Avec quelque 6,5 millions de passagers en 1998, l'AIG génère des activités économiques considérables et par là même des responsabilités en matière d'environnement. L'objectif visé est donc d'offrir des services de qualité tout en respectant le principe du développement durable. Comment y parvenir ? En appliquant le bilan écologique requis par la loi sur l'aéroport, bien sûr, mais aussi en adoptant des mesures de prévention supplémentaires au moyen d'un système de management environnemental.»

Pour moi, cette promesse suffit, et je vous propose donc de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Beaucoup d'entre nous, depuis qu'easyJet a été créé, se sont servis des services de cette compagnie, et nous nous sommes rendu compte qu'easyJet respectait les normes imposées par Cointrin. Cette pétition n'a donc plus de raison d'être.

M. Régis de Battista (S). A la lecture de cette pétition, nous ne pouvons que saluer les intentions des pétitionnaires. En effet, un aéroport international comme Genève doit absolument se développer en tenant compte des critères locaux. Alors peut-être que certains points sont effectivement abordés dans ce rapport, mais il n'empêche que certains habitants de Genève peuvent être inquiets et réagissent par ce type de revendication, afin que notre Grand Conseil puisse à son tour réagir si des dérapages devaient arriver.

C'est important, l'idée de la pétition est de respecter l'environnement, de diminuer le bruit, de respecter la qualité de vie de tous les habitants et, surtout, des riverains. C'est pour cela que dans un sens il est intéressant qu'easyJet vienne à Genève pour stimuler la concurrence, surtout depuis le départ de Swissair à Zurich, mais, par contre, il est dangereux de proposer des avantages sans avoir réfléchi suffisamment et sans se donner les moyens d'effectuer les contrôles nécessaires sur l'utilisation de l'aéroport.

C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je vous propose de renvoyer cette pétition directement au Conseil d'Etat. 

M. Alberto Velasco (S). Je demande la parole suite à l'intervention de Mme Janine Hagmann.

Ce rapport soulève quelques points assez intéressants. J'ai eu l'occasion de remplacer un membre de la commission pour une séance pendant laquelle M. Page a présenté des chiffres significatifs. Il a montré une publicité de l'aéroport de Genève incitant les compagnies d'aviation à venir à Genève. La différence entre les taxes de l'aéroport de Genève et celles de Hambourg est très importante, à tel point que si l'aéroport de Genève s'alignait sur Hambourg il pourrait encaisser 25 millions supplémentaires ! On peut aussi constater que les fonds sont investis pour servir les avions en énergie mais très peu pour l'environnement. On peut donc se demander si la concurrence que fait l'aéroport de Genève à d'autres aéroports ne se fait pas justement au détriment de l'environnement que ce soit pour le bruit, la qualité de l'air et autres nuisances.

Monsieur le président, j'aimerais savoir si la politique qui est menée en la matière est adéquate. La concurrence doit-elle vraiment se faire au détriment de la qualité de vie des riverains de l'aéroport, surtout suite au débat sur la fameuse indemnisation de 60 millions, dont il est ressorti que l'aéroport manquait de moyens financiers ? Alors, si ces moyens manquent réellement, peut-être faudrait-il se résoudre à relever les taxes, même si nous sommes dans un système de libéralisation et de concurrence à outrance ! Il y a tout de même 25 millions à prendre !

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Le groupe des Verts s'était prononcé en commission pour le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, et il n'a pas changé d'avis.

Il n'est pas exact de dire qu'easyJet était le seul sujet de la pétition. EasyJet n'est qu'un accident de parcours qui incite à se poser des questions et à se demander si la direction de l'aéroport de Genève est vraiment prête à tout et à tout sacrifier pour le développement de cet aéroport. Cette question demeure, et nous demandons donc au Conseil d'Etat de réfléchir et de prendre certaines précautions environnementales pour faire en sorte que la qualité de vie des habitants ne soit pas sacrifiée pour ce développement. L'utilisation du fonds prévu pour lutter contre les pollutions sonores a été évoquée. Il semble en effet que ce fonds soit utilisé d'une manière pour le moins discutable, puisqu'il sert plutôt à moderniser l'accueil et à fournir l'énergie dont les avions ont besoin quand ils sont au sol. Est-ce vraiment dans cette direction que l'on doit aller ? Il est temps de donner à l'aéroport ses limites et de donner à la politique de développement un certain sens environnemental.

M. Carlo Lamprecht. Je suis très surpris du procès d'intention que l'on est en train de faire à l'aéroport et à ses dirigeants à travers easyJet.

Alors, puisque vous vous posez tellement de questions sur l'environnement, sur le fonctionnement de l'aéroport, sur les taxes, j'organiserai très volontiers une visite de l'aéroport avec les explications sur tous les sujets qui vous intéressent. C'est la première année qu'un plan environnemental a été fait, et il est très complet. Peut-être n'en avez-vous même pas connaissance. Pourtant, il vous a été remis, en même temps que le rapport financier de l'aéroport. Je vous invite donc à venir à l'aéroport pour vous informer - pour autant que vous attachiez quelque crédit aux explications que l'on vous donnera.

La pétition concerne tout d'abord easyJet. Alors, il faut savoir qu'easyJet Switzerland est une compagnie suisse et qu'à la fin de 1999, cent cinquante emplois seront attribués à Genève avec deux avions. Parlons des avions ! Ce sont des avions neufs, des Boeing 737 qui respectent toutes les normes de l'environnement par rapport à d'autres avions d'autres compagnies - Swissair, Air France - qui sont beaucoup plus vieux et qui n'ont donc pas les mêmes performances sur le plan de la qualité de l'environnement. Pourtant, on s'acharne sur easyJet... On dit que l'aéroport va devenir un aéroport au rabais à cause d'easyJet... Eh bien, easyJet permet aujourd'hui à des gens modestes de prendre l'avion pour rentrer en Espagne ou à Londres, par exemple ! Cela crée un trafic nouveau. 75% des passagers d'easyJet sont de nouveaux utilisateurs de l'avion. C'est une augmentation réelle de passagers qui rapportent 2,5 millions à l'aéroport de Genève rien que pour l'année 1999. Ce sont des recettes importantes.

Aéroport au rabais... Vous avez pu voir une émission récemment à la télévision dans laquelle on parlait des pilotes de Crossair qui venaient chez easyJet, précisément parce qu'ils y sont mieux traités. Alors, il faut cesser de faire le procès d'une compagnie qui choisit Genève, qui peut encore enrichir un réseau, qui nous amène des recettes, qui démocratise l'aviation. En effet, tout le monde ne dispose pas de 550 F pour Genève-Lugano, ce qui est le prix normal, alors qu'easyJet propose un aller-retour Genève-Londres ou Liverpool pour 200 F seulement ! Et pour le même prix on peut se rendre en Espagne. En outre, cette compagnie fait un excellent travail. Discutez avec les personnes qui ont pris les avions d'easyJet, et vous verrez bien quelle est leur impression !

Vous parlez des conséquences pour l'environnement... Rien n'a changé ! Ce n'est pas easyJet qui est responsable des nuisances environnementales de l'aéroport ! Je veux bien que nous traitions du problème de l'environnement dans sa globalité : un rapport a été établi à ce sujet. EasyJet n'a bénéficié jusqu'à aujourd'hui d'aucun rabais particulier par rapport à d'autres compagnies ! Vous le savez, l'aéroport de Genève a instauré une règle - au mois de juin de cette année - pour attirer les compagnies, et il s'y tient pour l'accueil de compagnies nouvelles.

Je ne trouve vraiment pas justifié le procès qui est fait à cette compagnie qui apporte tout de même à l'aéroport international de Genève 4,5% du trafic !

J'ai entendu parler de «dérapage» de l'aéroport, de «non-respect» des horaires... Je crois rêver ! D'où tenez-vous ces informations ? Venez entendre les explications à ce sujet. Je suis prêt à vous en donner, comme cela peut-être que les choses seront claires !

Il faut aussi savoir qu'un aéroport international ne peut pas se maintenir s'il n'a pas un réseau élargi, de nouvelles lignes qui se créent. Et puis il faut savoir si on veut faire de l'aéroport de Genève «La Blécherette» ou si on veut qu'il reste un aéroport international, avec un réseau européen important ! C'est vital pour Genève, pour ses institutions internationales, pour les personnes qui se rendent en Europe et ailleurs. Je ne vois vraiment pas ce qu'on peut objectivement reprocher à easyJet !

Je ne peux pas répondre maintenant à toutes les questions dans le détail, mais, je vous le répète, je suis prêt à organiser avec ceux qui le désirent une visite de l'aéroport, de la compagnie easyJet et à examiner avec vous le plan de l'environnement de l'aéroport de Genève. A ce moment-là vous serez peut-être en mesure de juger et de vous forger une autre opinion sur cette compagnie et sur l'avenir de l'aéroport de Genève. 

M. Rémy Pagani (AdG). J'ai été très surpris d'entendre M. Lamprecht nous inviter à nous rendre à l'aéroport pour montrer l'état des avions d'easyJet... En effet, je trouve que ce serait le comble avec les conditions de travail que cette compagnie offre à son personnel que les avions soient en mauvais état ! (Rires.)

Je vous invite également - je travaille à l'aéroport - le jour où vous viendrez voir M. Lamprecht, il vous montrera le soi-disant beau côté des choses : les beaux avions d'easyJet, etc. - à venir discuter avec le personnel qui travaille dans les conditions qui sont faites à Jet Aviation. Il y a un mois il a fallu faire une grève pour éviter au personnel le travail à l'appel... En effet, pas mal d'employés sont appelés un jour de la semaine pour venir faire des heures à profusion le week-end. Ils «doivent» venir, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas refuser. C'est cela le travail à l'appel, c'est cela la flexibilité ! Je le répète, je vous invite à nous rendre visite, après la visite organisée par M. Lamprecht. Ainsi vous verrez concrètement ce que représente la flexibilité du travail et les conditions de travail qui sont actuellement offertes par Jet Aviation.

Nul n'est besoin de vous rappeler qu'il existe une centrale en Irlande où plus de cinq cents travailleurs vous répondent, si vous voulez vous rendre à Londres à peu de frais : ils ne sont pas payés au mois; ils ne sont pas payés à l'heure; ils sont payés à la tâche : c'est-à-dire au coup de téléphone - 2 F le coup de téléphone ! C'est cela les conditions de travail qui nous sont proposées et dont M. Lamprecht se garde bien de parler ! S'il avait l'honnêteté d'en parler, cela donnerait une toute autre image de ce qu'est la concurrence dans notre aéroport et quelles sont les véritables postes de travail qui ont été créés par ces entreprises. Voilà ce que j'avais envie de dire. Malgré l'heure, j'espère que vous vous souviendrez de ce problème lancinant.

Pour terminer, je trouve un peu facile de dire que les passagers d'easyJet sont tous de nouveaux usagers... Non, ce sont des usagers qui prenaient le train, qui est un transport en commun nettement moins gaspilleur d'énergie et nettement moins polluant ! Aujourd'hui, ils se rabattent sur les avions, parce qu'en écrasant la masse salariale on arrive à sortir des prix de billets d'avions qui sont à mon sens proprement scandaleux ! Voilà ce qu'est la concurrence ! Merci de votre attention. 

M. Carlo Lamprecht. Vous avez effectivement mis le doigt sur un fait qui n'a rien à voir avec l'aéroport international de Genève, puisqu'il s'agit d'une compagnie privée qui est en conflit avec ses employés - que vous avez découvert, comme vous découvrez beaucoup de choses : toutes les semaines vous en découvrez une... Tant mieux pour vous ! Mais je le répète cela n'a rien à voir avec la direction de l'aéroport international de Genève, ni peu ni prou ! Cela n'a rien à voir avec le rapport de la commission. Nous sommes en train de parler d'easyJet et pas d'autre chose !

Pour terminer, je vous dirai qu'easyJet est une compagnie qui opère en tant que compagnie aérienne suisse, munie de toutes les autorisations nécessaires de l'Office fédéral de l'aviation civile et que, dans ce contexte, il n'appartient ni à l'aéroport international de Genève ni à l'Etat d'intervenir en faveur ou en défaveur d'easyJet. L'Office fédéral de l'aviation civile est le seul compétent en la matière ! 

Le président. Nous sommes saisis de deux propositions que je vais opposer.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant de lever la séance, j'aimerais vous informer que nous siégerons le jeudi 2 décembre à 14 h, d'une part parce que notre ordre du jour n'est pas complètement terminé, et, surtout, parce que notre autorité est saisie d'une nouvelle compétence, je veux parler de la nomination des juges prud'hommes. C'est une affaire administrative qui prend pas mal de temps, et nous serons donc obligés de travailler l'après-midi.

Je vous souhaite un excellent week-end.

La séance est levée à 23 h 5.