République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 septembre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 10e session - 44e séance -autres séances de la session
54e législature
No 44/VII
Vendredi 24 septembre 1999,
nuit
La séance est ouverte à 20 h 30.
Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Carlo Lamprecht et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et M. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Micheline Calmy-Rey et Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Briol, Nicolas Brunschwig, Hervé Dessimoz, Erica Deuber Ziegler, John Dupraz, Bernard Lescaze, Armand Lombard, Pierre Marti, Françoise Schenk-Gottret, Louis Serex et Jean-Claude Vaudroz, députés.
3. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois ;
Néant.
b) de propositions de motions ;
Néant.
c) de propositions de résolutions ;
Néant.
d) de demandes d'interpellations ;
Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :
Cosignataires : Gilles Godinat, Bernard Clerc, Pierre Vanek, Luc Gilly, Danielle Oppliger.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur: M. Pierre Froidevaux
A la demande unanime du Bureau du Grand Conseil, la commission ad hoc, présidée par Mme Reusse-Decrey, s'est réunie le 17 septembre 1999 afin de prendre position sur l'IN 109 amputée des lettres b et c, alinéa 4 de l'article 160D. En effet, le traitement de cette initiative a connu quelques accrocs, liés à la difficulté de la rendre compatible tant avec la volonté des initiants qu'avec notre ordre juridique. Ces nombreuses péripéties nous obligent, pour des questions de délais constitutionnels, à nous prononcer déjà dès la rentrée parlementaire d'automne. Ainsi s'explique cette décision de saisir la commission ad hoc avant que lui soit renvoyée formellement, par notre Conseil, cette initiative populaire.
Historique succinct du traitement de cette initiative
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative, appelée ";Genève, République de paix ", codée alors IN 109, par un arrêté du 16 octobre 1996 publié dans la Feuille d'avis officielle du 23 du même mois.
Le 18 décembre 1996, le Conseil d'Etat publiait son rapport au Grand Conseil, rendant attentif celui-ci que la constitutionnalité de cette initiative n'était pas complètement établie. Il proposait l'invalidation dans l'article 160D nouveau aliéna 2, de sa lettre b et dans son aliéna 4, des lettres b et c. De plus, Il nous rendait attentif qu'il existait de nombreuses difficultés d'interprétation, notamment dans le rôle que les initiants voudraient voir jouer à notre République et canton de Genève auprès des institutions internationales, les prérogatives fédérales n'y étant pas clairement définies. Le débat politique qui s'en est suivi n'a pas permis d'obtenir un consensus protégeant la volonté populaire exprimée par la voix des initiants tout en respectant les différents objectifs politiques qui se sont alors exprimés au sein de notre Conseil.
Ceci a abouti à ce que celui-ci déclare totalement irrecevable cette initiative lors de sa séance du 27 juin 1997. Le Tribunal Fédéral (ci-après TF) est saisi, et donne raison au recourants, reprochant à notre Conseil de n'avoir pas suffisamment motivé sa décision de refus d'entrée en matière sur cette initiative.
Le 23 avril 1998, notre Conseil déclare l'initiative entièrement recevable. La majorité de gauche de notre parlement entend traiter cette initiative sur le fond estimant que le TF la considérait lui aussi comme entièrement recevable. Un nouveau recours au TF nous rappelle à l'ordre en estimant que nous nous n'avions pas jusqu'ici suffisamment motivé nos décisions.
Ainsi, le 26 juin 1998, notre Conseil considérait et motivait majoritairement cette initiative comme entièrement recevable. Un nouveau recours contre la décision de notre Conseil est alors interjeté auprès de notre plus haute Cour. Sans attendre sa décision, la majorité de notre Grand Conseil poursuivait ses travaux et se prononçait le 17 décembre en faveur de cette initiative sans contre-projet.
Le 21 avril 1999, le TF rendait public son arrêt, invalidant les lettres b et c de l'alinéa 4 de l'article 160 D. Cette décision a annulé aussi le dernier vote de notre Grand Conseil et imposait la reprise des travaux parlementaires. Nous retournions donc à ";la case départ ".
Le Conseil d'Etat a alors sollicité un avis de droit à la Direction des affaires juridiques de la Chancellerie d'Etat afin de s'assurer du meilleur traitement possible de cette initiative. Celui-ci a conclu, notamment, que la ";commission ad hoc reprenne ses travaux afin de se prononcer sur la prise en considération de cette initiative en en abordant le fond, mais dans la teneur amputée des deux dispositions annulées par le TF et en tenant compte des réserves et précisions émises par le TF ". Ce même avis nous propose différentes solutions afin de respecter les délais légaux du traitement d'une initiative
Cf. annexe
Cette procédure est ainsi conforme à l'esprit du jugement du TF qui a annulé notre décision du 17 décembre 1998 et entérine le fait que nos travaux en commission n'aient, en fait, jamais été interrompus.
Prise de position des initiants
Les initiants, par la voix de leur représentant en commission, M. Luc Gilly, a précisé que son groupement n'entendait pas retirer cette initiative malgré les retranchements du TF et ses réserves sur la compréhension de certains articles.
Les remarques du TF 2
En dehors de l'invalidation des lettres b et c de l'alinéa 4 de l'article 160D, notre plus haute Cour nous recommande une relecture de l'ensemble de l'initiative. Aussi le rapporteur vous invite-t-il à la lecture de l'arrêt qui figure à la fin de son rapport. Le TF y a notamment rappelé que le principe énoncé au début de l'alinéa 1 ";Dans la limite du droit fédéral " s'étend à l'ensemble de l'initiative. Ainsi les moyens décrits dans l'alinéa 2 sont soumis à cette disposition. Ils ne peuvent en aucun cas entraver l'action de notre Confédération ni même constituer un mandat impératif aux représentants politiques de notre canton. En cas d'acceptation par le peuple, le TF rappelle que ";la nouvelle disposition fera encore l'objet d'une concrétisation législative propre à assurer le respect du droit fédéral ".
Débat de commission
Les représentants de l'Alternative, présents en commission, se sont déclarés favorables à l'initiative tronquée selon l'arrêt du TF du 21 avril 1999. Ils ont ainsi souhaité qu'elle soit présentée au peuple sans contre-projet.
Les représentants de l'Entente, soucieux d'une présentation au suffrage populaire d'un texte moins controversé qui puisse obtenir un large soutien pour un sujet d'une telle importance, ont soutenu l'idée d'un contre-projet. En effet, la relecture de certains articles par notre plus haute Cour rend cette initiative constitutionnelle bien peu compréhensible pour l'ensemble de nos concitoyens. Ces nouvelles dispositions de notre Constitution cantonale pourraient devenir source de confusion, donc de dysharmonie entre tous, ce qui serait le comble d'un article constitutionnel s'engageant fermement pour la paix !
Le principe de l'exclusion de l'armée dans un processus de paix est un des fondements de l'initiative. Ceci est en contradiction avec la finalité de notre armée qui ne peut, en cas de conflit, qu'oeuvrer au rétablissement de la paix. Cette assertion est confirmée par notre Histoire. Aujourd'hui encore, comme toujours, des drames violents ensanglantent notre planète. La communauté internationale se mobilise, y compris par la force pour les contenir. Lors du récent conflit dans la République fédérale de Yougoslavie, de nombreux Etats ont mobilisé des forces armées pour rétablir la paix dans la contrée. La majorité des pays belligérants avaient à leur tête un gouvernement de gauche. Certains éminents politiciens socialistes suisses ont aussi appelé, à cette occasion, à l'envoi de troupes confédérées dans cette région. Le rôle humanitaire de notre escadrille d'hélicoptères a été reconnu comme très bénéfique pour alléger les souffrances de ces populations.
Le problème de la violence ou du pacifisme ne se limite donc pas aux habituels clivages politiques : en fait, personne ne détient le monopole ni la clef du pacifisme.
Aussi, la majorité de la commission vous propose-t-elle un nouvel article constitutionnel, contre-projet à l'IN 109, ainsi libellé :
TITRE X E POLITIQUE DE PAIX
Art. 160 D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée en collaboration avec les autorités fédérales.
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant à la prévention de la guerre, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de la personne. A de telles fins, il peut soutenir ou créer des institutions de droit public ou privé ou encore s'y associer. De plus, le canton encourage la mise à disposition des installations et des équipements de l'armée pour des mesures de promotion de la paix internationale.
Cet article a été repris du PL 7909. Son exposé des motifs figure à la page 7487 du Mémorial 1998.
La majorité de la commission a ainsi souhaité que soit inscrit un article constitutionnel qui tienne compte de la volonté des signataires de l'initiative tout en évitant la codification des détails de l'action à mener. En effet, notre ordre juridique nous impose d'avoir une constitution généraliste et de voter des lois plus spécifiques selon l'évolution du droit. Le texte de l'initiative, par son imposant libellé devient un ";catalogue " non conforme à l'esprit de notre Constitution.
Vote final
Aussi, la majorité de notre commission souhaite-t-elle faire partager à l'ensemble de notre Grand Conseil son enthousiasme pour une Genève qui s'ouvre toujours davantage à la compréhension des difficultés dépassant le cadre cantonal. Elle vous encourage ainsi à apporter votre soutien au contre-projet et à refuser l'initiative.
Projet de loimodifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (contre-projet à l'IN 109)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 160D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée en collaboration avec les autorités fédérales.
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant à la prévention de la guerre, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de la personne. A de telles fins, il peut soutenir ou créer des institutions de droit public ou privé, ou encore s'y associer. De plus, le canton encourage la mise à disposition des installations et des équipements de l'armée pour des mesures de promotion de la paix internationale.
ANNEXE
INITIATIVE POPULAIRE
";Genève, République de paix"
Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative constitutionnelle formulée, qui propose le projet de loi suivant, modifiant la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847.
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:
Article unique
Art. 127 (abrogé)
TITRE X E
POLITIQUE DE PAIX
(nouveau, comprenant l'art. 160D)
Art. 160D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée par les autorités cantonales et communales, l'administration et les institutions publiques dans le cadre de leurs attributions.
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme. Il intervient dans ce sens auprès des institutions nationales et internationales compétentes. En particulier, le canton encourage:
a) la réduction des dépenses militaires;
b) la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération;
c) la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire.
3 Le canton oeuvre pour la prévention des conflits et le développement d'une culture de la paix, notamment par:
a) l'encouragement de la recherche pour la paix et le soutien des actions de la société civile pour la solution non violente des conflits;
b) la participation à la création et au financement des activités d'un institut de recherche pour la paix;
c) le développement d'un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique aux niveaux primaire et secondaire;
d) l'accueil des victimes de la violence, dans la mesure des moyens du canton;
e) la promotion du service civil, à travers la diffusion de toute information utile et le développement de projets et d'activités permettant la réalisation de ce service. L'accès volontaire à ceux-ci est ouvert à toute personne établie dans le canton;
f) le renoncement à toute manifestation de promotion de l'institution et des activités militaires dépassant le cadre strict des obligations cantonales et commu-nales en la matière.
4 Le canton met en oeuvre et développe des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population:
il encourage la prise en charge de toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton par des organismes civils;
La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent article.
ANNEXE A FILMER
1
2
3
45678Arrêt du Tribunal fédéral
123456789101112131415161718192021222324252627282930313233343536373839
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: Mme Jeannine de Haller
C'est avec regret que les initiants ont pris connaissance de l'arrêt du Tribunal fédéral qui invalide à l'alinéa 4 les lettres b et c de l'article 160D. Mais ils se réjouissent aussi que l'initiative n'ait de loin pas été invalidée dans sa totalité comme le souhaitait le dernier recourant. Le retrait des lettres b et c ne saurait à lui seul remettre en question l'entièreté du contenu de l'IN 109, "; Genève, République de Paix ".
La nécessité pour Genève d'inscrire dans sa Constitution un article en faveur d'une culture de paix garde plus que jamais sa pertinence. Il s'agit donc d'enrichir la Constitution genevoise, mais surtout que cette initiative et son contenu puissent être mis en pratique.
Le débat parlementaire, la malveillance de l'ancienne majorité de droite et les batailles juridiques qui en ont découlé n'ont que trop duré. Déposé voici plus de trois ans (le 28 août 1996 !), l'initiative 109 soit être remise le plus vite possible devant le peuple pour que celui-ci exprime par son vote un geste positif et un changement, certes modeste, dans la recherche de la paix.
C'est aux citoyennes et aux citoyens de décider, tel est le désir de la minorité de la commission.
Contre-projet à l'IN 109
La minorité de la commission refuse ce projet de loi constitutionnelle (contre-projet à l'IN 109). Nous l'avons déjà dit dans ce parlement, ce projet - qui se voudrait rassembleur -, dilue et vide complètement de son sens les objectifs concrets de l'initiative. Au lieu d'être citoyenne, elle devient trop institutionnelle, en remettant à la Confédération et à l'armée des pouvoirs que nous ne voulons pas !
Conclusion
Nous refusons donc ce contre-projet généraliste, mauvaise copie de l'initiative et laissons les citoyennes et les citoyens s'exprimer par vote dès que possible.
Débat
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de majorité. Je suis heureux de constater qu'il y a tout de même une quinzaine de députés qui sont intéressés à ce travail parlementaire, qui est soumis à une votation cantonale et qui représente un grand enjeu, puisqu'il s'agit de définir un article constitutionnel qui permet... (Le président agite la cloche.) Eh oui, je sais bien qu'il y a un perturbateur dans la salle... Bien que nous ne soyons que quinze, M. Hausser se croit obligé de se manifester... C'est une manière d'exprimer son opposition à la paix, puisqu'il manifeste au moment où j'allais évoquer l'article constitutionnel, sur la paix précisément !
Le rapport de majorité, tel qu'il vous a été envoyé par messagerie et tel qu'il figure sur votre bureau, comprend une petite erreur en page 3. Il faut savoir, en fait, que, malgré ce que notre distinguée présidente nous avait dit en commission, ce n'est pas le Bureau du Grand Conseil qui a sollicité un avis de droit pour savoir comment on allait traiter cette initiative mais bien le Conseil d'Etat. Je voulais apporter cette précision.
Nous nous sommes réunis vendredi dernier, et j'ai effectivement dû rédiger ce rapport très rapidement - dans l'après-midi - ce qui explique les quelques fautes de syntaxe. Je transmettrai les corrections qui, de toutes façons, ne changeront pas le sens du texte.
Tout d'abord, je rappelle que nous avions pris en considération cette initiative le 17 décembre 1998. Or, un recours au Tribunal fédéral contre notre décision prise le 27 juin 1997 était pendant. Le Tribunal fédéral s'étant opposé à cette décision, estimant que cette initiative n'était pas entièrement recevable, a, en fait, annulé notre décision du 27 juin et du 17 décembre. Nous pouvons donc estimer que les travaux en commission n'ont pas été interrompus et que nous nous sommes réunis régulièrement malgré cette procédure un peu particulière imposée par le Bureau hier soir : cet objet a en effet été renvoyé en commission hier soir et il revient aujourd'hui. Malgré cette petite pirouette, donc, ce rapport est bien constitutionnel. Les conclusions données aujourd'hui sont celles de la commission chargée de traiter l'initiative 109 sur le fond.
Les prises de position politiques sont assez claires : un certain nombre de députés entendent soumettre à l'approbation du peuple une initiative, telle que proposée par les initiants et écrite par le GSsA, et d'autres députés - ceux de l'Entente - souhaiteraient un texte beaucoup plus consensuel qui permette de réunir l'ensemble des citoyens sur un article constitutionnel plus clair, sans toutes ces dispositions qui ressemblent à un catalogue et qui rendent notre constitution plus difficile à lire. En effet, la loi qui concrétisera ce nouvel article devra comporter les dispositions telles que prévues par les initiants. Aussi, en tant que rapporteur de majorité, je souhaite que le peuple puisse se déterminer très clairement entre le travail parlementaire effectué et la volonté des initiants, et vous recommande d'adopter le projet de loi, contre-projet à cette initiative, tel qu'il figure à la page 6 de mon rapport.
Mme Jeannine de Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Je voudrais juste redire très clairement quelle est la position de ce qui était la minorité de la commission et qui sera, j'en suis sûre, la majorité ce soir, soit notre soutien total à l'initiative 109, malgré le retrait des lettres b) et c) de l'article 160 D, à l'alinéa 4 et notre opposition totale également au contre-projet formulé par la droite.
M. Luc Gilly (AdG). Je sais que nous devons passer rapidement au vote, mais je voudrais tout de même faire une constatation : après trois années de travaux, nous allons enfin voter ce soir, mais je ne peux que m'étonner de l'intérêt de la droite pour cette initiative... Je les remercie de leur absence, mais je dirai tout de même ce que j'avais à dire !
Je serai très bref. Cette initiative, Monsieur Froidevaux, n'a plus rien à faire devant le parlement. Elle doit être rendue aux citoyennes et aux citoyens. Voici donc bientôt trois ans, voire plus, que le parlement garde celle-ci en otage. Malgré deux tentatives d'invalidation totale, une fois par la majorité de droite de la dernière législature et une fois par le citoyen capitaine Gioria, cette initiative n'a pas été «fusillée» par le Tribunal fédéral !
«Genève, République de paix» garde donc toute son actualité et sa pertinence, parce que la recherche pour la paix doit être un objectif permanent. Seul le député Froidevaux, capitaine sur son vaisseau en train de couler, continue et s'obstine, depuis trois ans, à regarder mon doigt, alors que je lui montre la lune... Et de nous ressortir de son tiroir un contre-projet qui torpille complètement l'intention des initiants ! En retirant les lettres b) et c) de l'alinéa 4 de l'article 160 D, le Tribunal fédéral aurait dû combler de bonheur les ATAA, c'est-à-dire les «amis très attachés à l'armée», mais tel n'est pas le cas. Aussi, comme je le disais au début de cette intervention, l'initiative doit quitter au plus vite le parlement pour être proposée rapidement au peuple.
C'est pourquoi l'Alliance de gauche vous demande de soutenir l'initiative «Genève, République de paix» et de rejeter le contre-projet sans arrière-pensée.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de majorité. Monsieur le président, je renonce pour le moment !
M. Bénédict Fontanet (PDC). Il convient que le réformé Fontanet vienne à l'aide du capitaine Froidevaux... (Rires.)
Une voix. Militaire !
M. Bénédict Fontanet. Les bancs ne sont pas complètement vides, mais paraît-il que chez Lipp, où je n'ai pas eu l'honneur de manger ce soir, il était difficile de se faire servir rapidement, et comme les démocrates-chrétiens ne réussissent pas à réfléchir s'ils n'ont pas l'estomac plein... (Rires.) (L'orateur est interpellé par M. Hiler.) Non, ce n'est pas un lieu que j'affectionne particulièrement, cher Monsieur Hiler !
Pour en revenir à cette excellente initiative, je dois vous dire, Monsieur Gilly, que trois ans pour traiter une initiative me semble un délai tout à fait bref, compte tenu de celles qui ont traîné dans ce parlement pendant une bonne dizaine d'années, dont l'IN 4, vous vous en souviendrez, Monsieur Ferrazino... Ce délai n'est donc pas scandaleux, loin s'en faut ! Votre initiative n'est qu'un catalogue inepte qui n'a pas de contenu. Le contre-projet du capitaine Froidevaux est, quant à lui, un document tout à fait sérieux que nous soutenons et qui est magnifique de concision, d'une part, et de contenu, d'autre part.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, au nom du parti qui est le mien, même si je suis très seul ce soir avec Mme Guichard - en tout bien tout honneur... (Rires.) ...je vous invite à soutenir dans la joie, la bonne humeur et la conviction, l'excellent rapport de M. Froidevaux et le contre-projet qui vous est soumis !
M. Jacques Béné (L). Je voudrais revenir sur l'audition de M. Andreas Gross qui a été effectuée en commission. Cette personne est plutôt proche de vos milieux, Messieurs de la gauche - en tout cas pas des nôtres...
Des voix. Et les dames ?
M. Jacques Béné. Oui, Mesdames et Messieurs de la gauche... Excusez-moi ! Je pense que vous avez tous lu l'article dont M. Gross a accepté la parution, suite à une interview dans «l'Hebdo» du mois d'avril 1999. Je vous en rappelle quelques passages, juste pour vous montrer que même dans vos milieux, Messieurs...
Des voix. Dames !
M. Jacques Béné. ...Mesdames, Messieurs... (Commentaires.) Excusez-moi de généraliser, Mesdames, Messieurs ! Je veux juste vous montrer que M. Andreas Gross, tout en étant très attaché à la neutralité de notre pays et à une république de paix, estime - il l'a dit en commission - que non seulement cette initiative ne correspond pas à son idée de la paix... (L'orateur est interpellé par M. Gilly.) Si, il l'a dit, Monsieur Gilly ! Et c'est aussi une des raisons pour lesquelles il a préféré quitter le GSsA que vous représentez, Monsieur Gilly !
Je reviens donc rapidement sur quelques passages de l'interview de M. Gross, à propos de la neutralité de la Suisse et de l'éventualité d'une adhésion à l'OTAN ou à l'ONU, je cite : «Ne lançons pas un débat que nous ne pouvons pas gagner ! Les discours élitistes offensants ne servent à rien ! Mieux vaut s'inscrire dans la durée et prendre acte que les mentalités changent lentement. Il faut d'abord adhérer à l'ONU, puis convaincre que, si la Suisse décide d'envoyer des soldats suisses à l'étranger dans des missions humanitaires, ces soldats devront être armés. Dans certaines régions de l'ex-URSS et des Balkans, envoyer des soldats sans moyen d'autodéfense est irresponsable !». C'est également notre position, Mesdames et Messieurs !
Je continue... A la question suivante : «Que diriez-vous le jour où il faudra accueillir à Cointrin le corps du premier soldat suisse tué à l'étranger ?», Andreas Gross répond : «C'est le prix de la solidarité : se partager les tâches, c'est aussi accepter de partager les risques.»
Une voix. C'est pour meubler !
M. Jacques Béné. Non, ce n'est pas pour meubler, je suis désolé, c'est préparé ! (Exclamations.) Il y a des choses qu'il faut dire !
Je continue : «Juridiquement, l'intervention de l'OTAN est illégale, mais elle est légitime dans la mesure où elle permet d'éviter le pire. Depuis dix ans, de telles erreurs ont été commises que le recours aux armes pour essayer de détruire la machine de guerre de Milosevic est la moins mauvaise solution, face à un système «fascistoïde» qui n'a plus d'autre valeur que le totalitarisme, et, lorsque toutes les occasions politiques ont été manquées, il faut se résigner à essayer le recours à la violence pour faire la paix.» Et il conclut, en disant : «C'est Milosevic qui a ruiné le Kosovo, pas les frappes de l'OTAN.»
Nous partageons cette analyse de M. Andreas Gross qui est contre l'initiative que vous semblez soutenir ce soir et à laquelle nous nous opposons pour lui préférer le contre-projet présenté par M. Froidevaux.
M. Michel Balestra (L). Le feuilleton de l'initiative 109 semble trouver ce soir sa conclusion. Après de nombreux débats parlementaires sur la conformité au droit supérieur ou non de cette initiative, je crois que nous pouvons affirmer, ce soir, que nous sommes renvoyés dos à dos, puisque personne n'avait totalement raison.
Il n'empêche que l'article 160 D, alinéa 4, lettre b) et l'article 160 D, alinéa 4, lettre c) doivent être retirés du texte de l'initiative. En plus de ce retrait, l'interprétation qu'en donne le Tribunal fédéral la vide de la substance qui était la sienne, lorsqu'elle a été déposée. Car il faut appeler les choses par leur nom : cette initiative «Genève, République paix» était une initiative antimilitariste... Eh bien, le Tribunal fédéral a rappelé que Genève ne saurait échapper au droit constitutionnel fédéral et à ses obligations militaires quelles qu'elles soient.
Alors, maintenant, il y a deux solutions :
La première est de se dire : votons quand même cette initiative, parce que nous en avons la paternité, même si nous savons qu'elle est vidée de sa substance et qu'elle n'a plus aucun sens.
La deuxième : chaque Etat devrait mener, dans la mesure de ses possibilités, une politique de paix ; Genève doit mener une politique de paix et pour donner une chance à cet objectif louable, nous soumettons au peuple l'initiative, avec un préavis négatif de notre parlement, et le contre-projet qui vise strictement à poursuivre cette politique de paix, mais une politique de paix avec une forte volonté de défense.
Mesdames et Messieurs les députés - et les médecins qui sont dans cette salle ne me contrediront pas - quel est l'individu qui, sous prétexte qu'il fait du vélo régulièrement, un petit peu de musculation deux fois par semaine, ne fume pas, ne boit pas trop - et lorsqu'il boit ne boit que du bon alcool : du bon vin de Bordeaux - peut se passer d'une assurance-maladie ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, aucun ! Et un Etat démocratique, même s'il mène une politique de paix ne peut pas se passer de volonté de défense et de l'instrument de sa volonté de défense, c'est-à-dire l'armée.
Voilà, Mesdames et Messieurs, quelle est la position du groupe libéral : soumettre au peuple l'initiative «Genève, République de paix», parce que constitutionnellement nous sommes obligés de le faire, mais de l'assortir d'un contre-projet qui est plus fort, à mon sens, pour défendre une vraie politique de paix, avec une forte volonté de défense.
C'est pourquoi je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de renoncer à l'orgueil de la paternité pour prendre le chemin de la réalpolitik en votant non à l'initiative et en soutenant le contre-projet.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de majorité. Effectivement, je ne suis pas opposé à l'initiative, puisque celle-ci est admise constitutionnellement et qu'elle sera de toute façon soumise au peuple. Nous souhaiterions simplement mieux travailler, et c'est l'enjeu du débat de ce soir.
Je suis, pour la première fois, représentant de l'Entente, rapporteur de majorité, et quelle que fût la majorité dans ce Grand Conseil c'est la première fois que je suis ce rapporteur-ci... Vous vous étiez du reste glosé, lors du dernier débat, de ma relative solitude à présenter ce dossier. Si ce soir je devais être minorisé... (Rires.) C'est possible, j'en conviens ! Mais puisque vous êtes si persuadés que je resterai minoritaire au sein de la population, j'ose faire le pari suivant : aurez-vous le courage... (L'orateur est interpellé par M. Vanek.) Oui, Monsieur Vanek, aurez-vous le courage, vous, de soumettre le contre-projet au peuple, ce qui démontrerait qui est majoritaire et qui est minoritaire dans la population ? (Rires et exclamations.) Je prends les paris ! Et pour faire les choses sérieusement, je demande l'appel nominal, Monsieur le président, pour savoir quels sont les députés qui sont d'accord de prendre ce pari !
M. Pierre Vanek (AdG). Je me suis laissé emporter... Je n'aurais pas dû demander la parole... Ça ne mérite pas de réponse, Monsieur Froidevaux ! Ce n'est pas sérieux. Evidemment, si on vote un contre-projet, c'est qu'on est opposé à l'initiative, et, en l'occurrence, j'y suis favorable... Je suis favorable à cette initiative «Genève, République de paix», je le répète. Je voterai donc oui à l'initiative et je voterai non à votre contre-projet. On verra bien ce que dira le peuple genevois, qui, par ailleurs, a voté une initiative bien autrement ambitieuse puisqu'elle proposait l'abolition de l'armée suisse. Vous devez vous en rappeler... Nous étions majoritaires à ce moment-là !
M. Régis de Battista (S). Je serai très bref, je ne tiens pas à donner d'opportunité à la droite...
Les auteurs de cette initiative ne sont pas du tout déçus que le Tribunal fédéral ait enlevé deux articles au texte initial. Au contraire, ils sont satisfaits qu'un débat se soit instauré sur ce sujet, alors que la droite essaye de le tronquer, mais, grâce aux efforts de la gauche, le Tribunal fédéral a donné des réponses sur cette question. Une initiative est maintenant lancée, nous verrons bien ce qui se passera lors du prochain vote sur ces deux objets dans quelques années. Il est vrai que voter le contre-projet de M. Froidevaux est tout à fait absurde, car son texte est une récupération du texte de l'initiative originale...
Je vous demande donc de le rejeter et de voter le rapport de minorité.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de majorité. Monsieur de Battista, il ne s'agit pas d'une récupération ! Nous avions expliqué que le texte de l'initiative était limitatif et ne permettait pas d'utiliser tous les moyens pour agir de manière adéquate pour préserver la paix ! Nous vous avons proposé un texte beaucoup plus souple qui permet non seulement de contenir tous les éléments de l'initiative - ils y sont tous : vous ne pouvez pas trouver dans le texte constitutionnel que je soumets le moindre élément négatif qui irait contre cette initiative - mais aussi de ne pas se priver des moyens militaires. Nous sommes donc plus complets, et cela correspond bien aux débats qui ont eu lieu le 17 décembre.
Monsieur Vanek, vous êtes sorti du bois ! Vous avez bien dit que votre but était l'abolition de l'armée suisse, en conformité avec l'esprit du GSsA.
M. Pierre Vanek. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Pierre Froidevaux, rapporteur de majorité. Vous avez entendu ?
M. Pierre Vanek (hors micro). Le canton de Genève a voté pour l'abolition de l'armée suisse...
Le président. Monsieur Vanek, s'il vous plaît, vous pouvez demander la parole, mais, pour l'instant, vous ne l'avez pas ! Monsieur Froidevaux, poursuivez !
M. Pierre Froidevaux, rapporteur de majorité. Monsieur le président, je suis extrêmement content qu'il ait précisé sa pensée...
M. Pierre Vanek (hors micro). Monsieur Froidevaux, écoutez ce qu'on vous dit ! Je peux parler fort, même sans micro...
Le président. Monsieur Froidevaux, poursuivez ! Monsieur Vanek, vous n'avez pas la parole !
M. Pierre Froidevaux, rapporteur de majorité. Monsieur Vanek, vous avez un sens aigu du débat démocratique... Vous aimez bien pouvoir vous imposer, même quand les autres essayent de s'exprimer, comme si vous n'aviez pas envie de les entendre ! C'est un problème qui vous est tout personnel, Monsieur Vanek, mais vous l'étalez publiquement. Alors, débrouillez-vous avec votre problème, mais ne perturbez pas le parlement avec vos dispositions particulières !
Monsieur Vanek, je reconnais que le peuple genevois a voté cette initiative, mais alors expliquez-moi comment le même peuple genevois, deux ans plus tard, a soutenu à une large majorité - c'est le seul canton en Suisse - la possibilité d'avoir des casques bleus qui puissent intervenir comme soldats de la paix... Expliquez-le moi ! C'est la dernière votation qui a eu lieu à Genève ; elle exprime ainsi la volonté d'avoir une armée, une armée qui oeuvre pour la paix. Et vous, Monsieur Vanek, vous voulez proposer dans un article constitutionnel ce que le peuple a refusé, et vous le faites avec une majorité véritablement de circonstance, car le peuple ne la suivrait pas !
C'est la raison pour laquelle je vous recommande de proposer au peuple les deux textes, de l'initiative et du contre-projet. Ayez ce courage, Monsieur Vanek, et nous verrons qui a raison !
M. Bénédict Fontanet (PDC). Messieurs les députés des bancs d'en face, vous avez manifestement peur du verdict populaire !
Qu'aurions-nous à perdre de soumettre deux textes au peuple, l'excellent contre-projet élaboré par M. Froidevaux et l'initiative qui n'est, à mon sens, qu'un catalogue de bons principes et qui a à peu près autant d'effet que du bouillon pour les morts, comme le dirait Claude Blanc, mon excellent collègue député... En effet, tout le monde souhaite ce catalogue de mesures - cela figurera dans notre constitution cantonale - mais nous verrons comment les appliquer dans les textes législatifs, qui devraient en principe concrétiser les dispositions constitutionnelles. En tant que juriste, cela ne manquera pas de m'intéresser.
Je demande donc à ceux qui nous font face d'être plus démocrates qu'ils ne semblent l'être en offrant au peuple une véritable alternative, à savoir le projet de l'initiative tel qu'il existe, et le contre-projet élaboré par la commission. Faites donc acte d'un peu de démocratie ! Ouvrez-vous ! Il faut savoir donner le choix ! Puisque vous semblez y être attachés, cela vous permettrait de faire une brillante démonstration des principes auxquels vous prétendez vous référer... (Remarques.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je me permets simplement de vous rappeler l'article 67 de la constitution qui prévoit qu'on ne peut présenter un contre-projet que si l'initiative est refusée. Alors, je ne vois pas comment il est possible de voter pour les deux...
Vous avez la parole, Monsieur Béné.
M. Jacques Béné (L). Monsieur le président, il ne s'agit pas de voter pour les deux... Il s'agit de voter sur les deux : contre l'initiative telle qu'elle nous est présentée et pour le contre-projet, ce qui vient d'être dit par M. Froidevaux et par M. Fontanet.
Je veux revenir sur un point, Mesdames et Messieurs... (Exclamations.)
Une voix. On fait des progrès !
M. Jacques Béné. En effet, M. Gilly et ses acolytes - de Battista et compagnie - nous ont toujours dit en commission qu'il ne s'agissait pas d'un débat pour ou contre l'armée, et la première chose dont vous nous avez parlé, Monsieur Vanek, c'est de l'initiative du GSsA qui date de quelques années pour expliquer le projet d'aujourd'hui et montrer quelle est la volonté du peuple genevois à cet égard !
C'est dans l'optique des casques bleus évoquée par M. Froidevaux que nous devons appréhender ce contre-projet. Nous sommes aussi pour la paix - je l'ai dit ; Andreas Gross l'a dit aussi ; il est contre cette initiative, car il estime que ce n'est pas la bonne manière d'aborder le problème. Alors, à partir du moment où nous sommes tous pour la paix, je ne vois pas en quoi ce contre-projet vous dérange ! Bien sûr, je sais que, vous qui êtes sur les bancs d'en face, vous faites souvent preuve d'idéologie totalitaire... (Rires.) ...mais, nous, hier soir, nous avons eu une autre attitude au sujet du problème Pico, alors même que nous aurions très bien pu - M. Pagani l'a dit - nous laisser aller à une idéologie néolibérale, comme vous nous soupçonnez de l'avoir... (Exclamations.)
Des voix. Mais non ! (Le président agite la cloche.)
M. Jacques Béné. En toute bonne foi, même si les arguments que vous avez développés, Monsieur Pagani, ne sont pas forcément les nôtres, nous avons accepté vos conclusions et nous les cautionnons. Alors pourquoi, ce soir, dans un élan de sagesse, n'accepterions-nous pas d'avoir une vraie République de paix, selon le contre-projet qui a été présenté par M. Froidevaux, qui rencontrera certainement l'assentiment d'une majorité de la population et qui évitera qu'un débat stérile ne se déroule à propos de l'initiative qui serait présentée seule au peuple ? Je vous en conjure, pour une fois que nous avons l'occasion de parler vraiment de paix, tâchons de le faire avec sagesse et votons ce contre-projet tel qu'il est présenté !
M. Michel Balestra (L). Mesdames et Messieurs les députés, le président de notre Grand Conseil a raison de nous rappeler que nous ne pouvons pas opposer un contre-projet sans avoir préalablement refusé l'initiative... Mais il n'empêche que l'initiative est proposée devant le peuple avec un préavis négatif du Grand Conseil, le contre-projet, en parallèle, et que les groupes constitués de défense de ceci ou de cela peuvent recommander le double oui, partant du principe que celui qui peut le plus peut le moins.
S'agissant de l'initiative, pourquoi ce parlement doit-il voter contre ? A mon sens, pour deux raisons :
La première a été effleurée par M. Fontanet en bon juriste qu'il est. N'étant pas juriste, je vais essayer d'aller un tout petit peu plus loin... (Exclamations.) L'avantage, lorsqu'on n'est pas juriste, c'est que l'on peut prendre des risques juridiques !
Le Tribunal fédéral a eu une interprétation restrictive de ce qui n'était pas conforme au droit supérieur et large de ce qui l'était. Mais, par contre, l'arrêt qu'il a rendu comporte de telles limites aux différents articles de l'initiative que le travail législatif pour son application sera quasiment impossible.
Or, Mesdames et Messieurs les députés, si un groupe de pression a le droit de dire qu'il faut voter une initiative, un parlement doit donner des conseils réalistes à sa population. Il doit lui dire que l'idée de cette initiative est bonne, puisqu'il s'agit de la paix, mais qu'elle n'est pas formulée dans des termes qui la rende utile et efficace, et que le contre-projet pallierait cet inconvénient. Ainsi, nous serions cohérents. Nous ne mentirions pas à la population genevoise et nous inscririons Genève dans la politique qui est la sienne depuis des générations, c'est-à-dire une politique de la paix.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la première raison pour laquelle vous devez refuser cette initiative, voter le contre-projet et demander à la population de le voter avec vous.
Mais il y a une deuxième raison pour laquelle vous devez refuser cette initiative. Vous êtes ici par délégation de «la suprême autorité du peuple» en les représentant, avec pour mission d'être le législatif de notre canton. Vous n'avez donc pas le droit de faire n'importe quoi ! Lorsque vous êtes entrés dans ce cénacle, vous avez prêté serment et dit, je cite : «Je jure ou je promets solennellement de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience...» - Virgule, Monsieur Vanek ! Mais, vous, vous vous arrêtez aux lumières de la conscience, alors que le serment dit encore : «...de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple ; d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie...» !
Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque nous devons «observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse», l'idée même de fournir un corps d'armée genevois, fût-il destiné à promouvoir la paix dans le monde, fait partie de ces devoirs. Vous avez accepté de prêter serment lorsque vous avez été élus. Pourtant, vous aviez le loisir de refuser en disant que vous vouliez une Genève libre, complètement autonome, et qui ne soit pas subordonnée à la Confédération. Dans ce cas, Monsieur Vanek, vous auriez pu dire que la population de Genève ayant voté majoritairement elle était contre l'armée... Mais, en l'occurrence, pour supprimer l'armée, il faut la majorité du peuple suisse et la majorité des cantons ! Ces deux conditions n'étant pas remplies et puisque nous respectons les devoirs vis-à-vis de l'union à la Confédération, vous comprendrez bien que la volonté de défense de la Suisse est intacte, constitutionnellement parlant ! Mesdames et Messieurs, si vous vouliez une Genève libre qui ne fasse pas partie de la Confédération, il ne fallait pas prêter serment ; il ne fallait pas accepter votre mandat et il fallait que vous soyez majoritaires dans un parlement qui ne réponde pas à la constitution fédérale !
M. Dominique Hausser (S). Quand il y a deux juristes, on dit souvent qu'il y a trois avis... Quand il y a deux députés de deux bords différents, il y a en général deux lectures du même texte !
Des voix. Trois !
M. Dominique Hausser. Deux ! Une de chaque côté !
Une voix. Une mauvaise et une bonne !
M. Dominique Hausser. J'ai lu très attentivement l'arrêt du Tribunal fédéral et je ne l'ai pas compris comme M. Balestra. Le Tribunal fédéral dit clairement que cette initiative est conforme au droit supérieur ; il dit clairement que les moyens proposés sont en lien direct avec le but et qu'il y a donc bel et bien unité de la matière - vous le trouverez en page 10, dans les «aspects généraux» traitant de cette initiative. Le Tribunal fédéral a procédé à une analyse extrêmement fouillée sur chacun des alinéas, ce qui ne laisse aucun flou, contrairement à ce qu'a dit M. Balestra.
Il accepte la quasi-totalité de cette initiative puisque deux lettres seulement sont retirées. Les initiants ont accepté la décision du Tribunal fédéral, mais en retirant ces deux lettres ce dernier dit, en page 37, en particulier pour la lettre c), je cite : «Ces considérations conduisent à l'admission du recours sur ce point et à la suppression de l'art. 160D, al. 4, let. c du texte de l'initiative 109. Cette suppression n'empêche nullement le canton, en vertu de la lettre a) de cette disposition - qui conserve comme telle toute sa raison d'être - d' «encourager», dans la mesure de ses moyens, la prise en charge par des moyens civils de la sécurité des conférences internationales convoquées sur le territoire du canton de Genève.» Alors je crois qu'il est clair que le Tribunal fédéral conclut, même s'il retire la lettre c), que le canton de Genève peut se donner les moyens d'encourager d'autres formes pour assurer la sécurité que le recours à l'armée. Par conséquent, il est évident que nous devons proposer au peuple l'initiative, mais l'initiative seule. En effet, en lisant correctement le mauvais projet de M. Froidevaux, on se rend parfaitement compte qu'à part dans le titre et dans la dernière ligne on parle de sécurité, de politique de sécurité, d'armée et de tout autre chose que de la promotion d'une politique de paix.
M. René Koechlin (L). Ce Grand Conseil parle avec légèreté et dans un esprit un peu infantile d'un sujet extrêmement grave... Il est question, Mesdames et Messieurs, de tout ce qui touche à la sécurité, et, lorsqu'on parle de sécurité, on évoque le risque que courent des citoyens, des citoyens qui sont mis en danger.
Mais, à l'évidence, vous dites tout cela sans vraiment croire qu'elle puisse jamais être menacée, parce que nous avons le privilège dans ce pays d'avoir vécu non seulement des décennies mais pendant des siècles sans que la violence nous envahisse, sans que la violence vienne jusque chez nous, jusque dans notre chair... Et aussi longtemps que l'on n'a pas vécu cela, Mesdames et Messieurs, on parle avec légèreté du sujet de la sécurité et des mesures qu'il conviendrait de prendre pour la garantir. Vous me faites penser un peu à des personnes qui parlant, par exemple, des risques d'incendie se disputent sur les moyens, les uns estimant qu'ils ne sont pas si énormes et qu'il suffit de se doter de seaux d'eau... C'est un peu votre manière de traiter le problème, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face !
M. Claude Blanc. Ils n'ont pas d'eau, ils n'ont que les sots ! (Rires.)
M. René Koechlin. D'autres pensent qu'il faut être un peu plus sérieux et qu'il faut se doter de motopompes et de lances, avec des corps de pompiers. Et tous continuent à se disputer. Evidemment, aussi longtemps que personne ne croit que le danger d'incendie existe, on peut continuer à discuter ; cela reste un débat purement académique. Nous pourrions en rester là. Mais nous ne sommes pas seuls à décider, nous appartenons à la Confédération ; les questions qui touchent à l'armée ne dépendent donc pas du seul canton de Genève mais de la Confédération. Nous sommes donc bien obligés de maintenir l'armée, même si ça déplaît à certains d'entre vous, parce que, pour d'autres, elle constitue une garantie de la sécurité.
Ce qui me dérange, dans ce débat, c'est, comme je l'ai dit pour commencer, qu'on en parle avec légèreté ; parce que, finalement, on ne croit pas vraiment à l'insécurité ; on ne croit pas vraiment à la violence ; ce sont des choses qui paraissent très éloignées ; alors on se contente de lancer des barouds d'honneur concernant les mesures à prendre : on fait de la démagogie, et chacun a la sienne.
Pardonnez-moi de vous répéter, mais je vous rappellerai que, en ce qui me concerne, j'ai vécu la violence de tout près, jusque dans ma chair. Et c'est à ce moment-là que les personnes se révèlent véritablement, et certainement pas dans un débat comme celui de ce soir. J'attends tous ceux qui veulent supprimer l'armée - je les attends... - lorsque la violence sera chez eux et qu'elle les touchera dans leur chair, jusqu'au plus profond d'eux-mêmes... Je les attends à cet instant ! Et je leur rappellerai, si je peux le faire, qu'ils ont plaidé contre tout ce qui pourrait les prémunir contre cette violence-là ! Et c'est tout ; le débat se situe seulement autour de ce genre de circonstances !
Alors, on peut le poursuivre, mais, quelle qu'en soit l'issue et quel que soit le sort et de cette initiative et de ce contre-projet, ça ne changera rien, parce que, si par malheur un jour la violence pénétrait véritablement dans ce canton, dans ce pays, jusque dans nos foyers et qu'elle nous terrasse, à ce moment-là, je vous l'assure, la question se posera en des termes beaucoup plus cruels, beaucoup plus cruciaux, qu'elle ne se pose ce soir dans ce parlement - un peu infantile, malheureusement ! (Applaudissements.)
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de majorité. Après ce témoignage extrêmement prenant de M. René Koechlin, les explications données par M. Béné et M. Balestra, je crois que nous pouvons résumer la position de ceux qui préconisent un contre-projet ainsi :
Nous sommes prêts à défendre le droit de la personne jusqu'aux conditions ultimes, soit jusqu'à notre propre sacrifice. J'aurais souhaité, de la part de ceux qui nous donnent des leçons systématiquement dans ce parlement à propos de droits qui ne seraient pas respectés, qu'ils puissent s'exprimer aujourd'hui avec la même ferveur que les députés de l'Entente. Je reste fortement surpris de constater qu'il m'est fait reproche, à moi, qui ne fais que remplir mes devoirs, d'être officier dans l'armée suisse. Je ne puis que vous reprocher, à vous, qui voulez m'outrager d'avoir rendu et de continuer de rendre ce service à la patrie, de prôner la désobéissance civile et de ne pas vouloir participer à cet effort de sécurité. J'ai même le sentiment, à vous entendre, que vous aimez bien parler de ce que vous ne connaissez pas et que vous voulez justifier ainsi une attitude égoïste en ne voulant pas participer à l'effort commun. Vous me décevez - ce n'est pas la première fois... J'ai l'impression que cela va encore durer deux ans, mais cela n'ira pas au-delà !
Monsieur Hausser, il n'y aura heureusement ni interprétation socialiste ni interprétation de droite : il n'y aura que l'interprétation du Tribunal fédéral. Je vous en rappelle les termes qui sont très clairs : les moyens que vous envisagez ne peuvent qu'être soumis à la Constitution fédérale et pour s'assurer qu'il n'y ait pas de dérapage, la loi d'application qui doit concrétiser l'article constitutionnel aura une valeur de test. Monsieur Hausser, vous ne faites que tromper en pensant que le texte est clair. Le Tribunal fédéral dit qu'on allait respecter au mieux... (L'orateur insiste sur ces deux dernier mots.) ...la pensée, la signature des initiants, tout en attendant de la part de ce parlement une attitude beaucoup plus conforme à l'esprit de notre Constitution et de notre droit supérieur.
C'est la raison pour laquelle je vous confirme qu'il faut refuser cette initiative pour pouvoir concrétiser l'esprit des initiants dans un nouveau texte constitutionnel, bien plus à même de régler l'ensemble des problèmes de notre canton. (L'orateur est interpellé par un député.)
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Comme cela a été dit, nous débattons depuis bientôt trois ans dans ce Grand Conseil de l'initiative «Genève, République de paix»...
Une voix. Trois ans et trois quarts d'heure !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Permettez à la présidente de la commission de dire à quel point les débats ont été de fait bien loin des thèmes traités : que d'agressivité et que d'incompréhension tout au long des travaux de la commission ! Et ce soir s'ajoute encore un sentiment de culpabilité, que l'on essaye de nous donner. Je comprends votre discours, Monsieur Koechlin, et c'est justement pour cela que nous aimerions proposer autre chose. Cette initiative dit qu'il faut encourager activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits. N'est-ce pas ce que vous voulez ? (Exclamations.) Elle dit que le canton soutient toute démarche visant le désarmement global, la coopération, la solidarité entre les peuples. Et c'est ce que veut notre initiative.
J'aimerais revenir sur la vraie question que pose cette initiative et redire l'espoir qu'elle représente pour nous, pour éviter, précisément, d'avoir à entendre des discours de souffrance, tel que celui de M. Koechlin. Notre espoir est de parvenir, enfin, à faire progresser la paix dans le monde, dans la limite de nos possibilités bien sûr. Nous ne sommes pas simplement de doux rêveurs... C'est chose difficile, mais il est temps, Mesdames et Messieurs les députés, de chercher, d'innover et, surtout, de trouver des solutions à la prévention des conflits, car les méthodes utilisées jusqu'à aujourd'hui - vous me l'accorderez - ont démontré qu'elles ne menaient ni à la paix ni à la sécurité que vous invoquez !
Le débat que nous menons ce soir, se mène un peu partout, dans des lieux politiques différents et, surtout, sur fond de changement radical du cadre international des politiques de paix. Pour la Suisse officielle, malheureusement, la réflexion sur la paix et la sécurité semble se résumer à une meilleure collaboration militaire avec nos pays voisins, quasiment à une intégration dans l'OTAN. Pour nous, au contraire, le débat sur la paix et la sécurité est un chantier bien plus vaste que se limiter aux questions militaires. C'est l'ensemble des conceptions traditionnelles en matière de défense et de sécurité qui doivent être remises en cause, et politiquement et matériellement, dans un monde dont l'ordre a été totalement bouleversé ces dix dernières années.
Une voix. Qu'est-ce que vous proposez ?
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Une initiative... (L'oratrice est interpellée.) Non, mais c'est toujours mieux que le contre-projet de M. Froidevaux qui propose de promouvoir la paix avec l'aide de l'armée ! Nous sommes de celles et de ceux qui refusent de réduire la paix à l'absence de guerre. Nous sommes de celles et de ceux pour qui la recherche de la paix - cette initiative représente cet espoir - ne peut que tenir compte, comme autant de conditions du dépassement des conflits, des conditions socioculturelles, c'est-à-dire le respect des droits économiques et sociaux qui doivent être promus, des conditions politiques et juridiques de la paix, c'est-à-dire le respect des droits de l'homme et des libertés politiques fondamentales qui doivent être promus, la prévention des conflits et la mise en place d'instruments permanents et efficaces d'intervention de crise.
Nous sortons en Europe - il a été évoqué tout à l'heure - du conflit du Kosovo, dont nous pouvons tirer des enseignements sur les points que je viens d'évoquer, non sans avoir aussi d'ailleurs à l'esprit un autre conflit, celui du Timor. Pendant dix ans au Kosove, pendant plus de vingt ans au Timor, les droits économiques, sociaux, les droits de la personne humaine, les droits démocratiques et les droits à l'autodétermination des peuples ont été bafoués, au su et au vu de tout le monde, de la communauté internationale, de ses organismes, de ses médias et de ses dirigeants. Et c'est à cela que nous voulons travailler, et c'est à cela que notre initiative veut tenter de répondre ! Ce qui illustre ces deux exemples à l'heure actuelle - mais nous pourrions en évoquer d'autres - c'est, précisément, cette incapacité ou ce refus des principaux acteurs de l'ordre du monde de se doter de moyens et de stratégies propres à prévenir les conflits, non en les étouffant mais en faisant place aux droits fondamentaux.
C'est vrai, la paix est le vieux rêve des congrès de la paix qui se réunirent en Suisse au XIXe. Le vieux rêve d'un monde sans guerre, mais aussi sans injustice et sans oppression. Et pour cela, Monsieur Froidevaux, l'instrument militaire n'est certainement pas le meilleur outil ! Nous devons chercher et créer d'autres instruments de prévention et de formation. Nous n'avons peut-être pas, à Genève, le pouvoir d'en imposer d'autres, mais nous avons au moins la possibilité d'en chercher, d'en trouver et d'en proposer. C'est l'objectif de cette initiative qui propose des pistes concrètes.
Nous soutiendrons donc cette initiative et nous refuserons le contre-projet. (Applaudissements et bravos.)
M. Antonio Hodgers (Ve). Après votre témoignage, - qui m'a ému, je dois le dire - Monsieur Koechlin, j'aimerais apporter mon témoignage. Comme vous, j'ai vécu la violence dans ma chair étant enfant. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me trouve parmi vous aujourd'hui, au lieu de vivre dans mon pays natal, l'Argentine.
Ma réflexion se base sur les faits suivants : comme vous le savez, durant les années 60 à 80 et même avant, tous les pays d'Amérique latine ont subi des dictatures militaires. Le seul pays qui, durant toutes ces années n'en a pas subi et a pu maintenir une démocratie avec un Etat social - pour autant qu'un Etat puisse être social dans un pays du tiers-monde - respectant au moins les droits de la population est le Costa Rica. Pourquoi ? Parce que c'est le seul pays d'Amérique latine qui n'a jamais eu d'armée ! Comme vous pouvez le voir, d'autres réalités existent qui peuvent conduire à des conclusions différentes des vôtres.
Pour en revenir à l'initiative, le groupe des Verts soutient pleinement le rapport et les conclusions de Mme Jeannine de Haller. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur Froidevaux, vous cherchez aujourd'hui à nous convaincre de voter un contre-projet qui ne contient pas le tiers du quart du contenu de l'initiative en l'état, malgré le fait que le Tribunal fédéral ait jugé qu'il fallait supprimer les lettres b) et c) de l'article 4.
Vos proclamations générales sont certes en faveur de la paix, mais, vous savez - c'est l'idée la mieux partagée du monde - aucun homme d'Etat ni politicien n'a jamais, de par le monde, dit qu'il était favorable à la guerre... Les pires dictateurs, les pires crapules de ce monde, ceux qui ont provoqué les guerres se sont toujours référés à la paix dans leurs discours. Il ne suffit donc pas de parler de la paix... L'initiative, elle, propose des mesures concrètes. C'est un de ses grands mérites, et c'est pour cette raison que je la soutiendrai, contrairement à votre contre-projet, Monsieur Froidevaux !
La réduction des dépenses militaires, par exemple, doit être encouragée par le canton. Prononcez-vous sur ce point, et nous pourrons engager un réel débat politique ! Vous avez le droit de ne pas être d'accord, mais vos plaidoyers éludent complètement les propositions de cette initiative.
Par exemple, la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton, en intervenant auprès de la Confédération.
Par exemple, la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles, en relation avec le domaine militaire.
A l'alinéa 4, du texte de l'initiative sur la question de la politique de sécurité de la population, il y a une indication explicite : l'encouragement à la prise en charge de toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton par des organismes civils.
Vous avez tout à fait le droit de ne pas être d'accord avec ces points et de refuser cette initiative, mais vous n'avez pas le droit de «vendre» votre contre-projet comme un «succédané» qui contiendrait toutes ces nobles intentions ! Non, nous devons avoir un réel débat politique sur la question des réductions militaires, je le répète. Êtes-vous favorables à continuer de dépenser des centaines de millions pour l'armement en Suisse, alors que ces sommes pourraient être affectées aux besoins criants d'une partie de la population, à la création d'emplois, aux chômeurs, à des activités socialement utiles, à la formation... mais je ne vais pas en dresser ici une liste exhaustive ?
Vous nous dites que si nous étions de vrais démocrates nous voterions contre l'initiative, pour le contre-projet, pour que le peuple ait véritablement le choix : c'est une farce ! Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur hausse le ton.) ... partisans, par exemple, de l'initiative démagogique du parti libéral «Baissons les impôts» dont le but est de faire des cadeaux considérables à un certain nombre de millionnaires... (Exclamations.) ...vous n'avez pas, que je sache, voté contre votre initiative pour défendre un contre-projet afin de donner le choix au peuple ! (Le président agite la cloche.) Nous nous sommes comportés en adultes. Nous avons estimé que cette initiative était mauvaise et que le peuple aurait le dernier mot. Alors montrez-vous aussi adultes que nous : dites clairement que vous refuserez cette initiative et le peuple tranchera ! (L'orateur est interpellé par M. Balestra.) Oh là là ! Comme je l'ai dit tout à l'heure, Monsieur Balestra, vous êtes en mauvaise compagnie, car dans ce monde il n'y a pas un seul tyran, un seul dictateur, un seul militariste, qui ne soit pas en paroles en faveur de la paix !
Monsieur Froidevaux, vous nous avez fait la leçon - je ne sais plus votre grade, je ne me suis pas attaché à ce détail... - en disant que vous étiez officier ou capitaine et que nous vous reprochions votre participation à l'effort sécuritaire, que nos égoïsmes se déchaînaient... Excusez-moi, Monsieur Froidevaux, mais du côté de ceux qui vous appuient - j'allais dire du gros... (Rires et exclamations.) ...de M. Balestra... Nous avons lu dans les colonnes de la presse, toujours concernant votre initiative de ce week-end, un article d'un ex élu au Conseil national, du parti libéral - M. Carlo Poncet, pour ne pas le nommer - qui disait, pontifiant, que la démocratie représentait la possibilité pour l'égoïsme de s'exprimer... Ce n'est pas du tout notre vision ! Non, Monsieur l'officier ! Nous disons simplement que les sommes destinées à l'entretien de l'armée dans ce pays sont affectées sans égard à la situation réelle... (L'orateur tousse.) ...et qu'elles devraient être affectées à des tâches sociales. Que je sache, ce n'est pas de l'égoïsme ! Par contre, votre défense mordicus de l'armée au nom de votre participation à... - j'allais dire la caste... (L'orateur est interpellé.) ...mais je ne l'ai pas dit ! - ...au groupe des officiers, eh bien, cela, Monsieur Froidevaux, peut être en effet suspecté d'égoïsme ! (M. Balestra apporte des pastilles pour la toux à M. Vanek.) Merci, Monsieur Balestra !
J'ai écouté avec intérêt et respect votre intervention, Monsieur Koechlin, disant que nous n'avions pas vécu l'insécurité et la violence dans notre chair... C'est vrai que c'est dans ce type de situations que les gens se révèlent et non dans les débats parfois un peu frivoles de ce parlement. Vous avez évoqué - à plusieurs reprises déjà - les années que vous avez passées, si j'ai bien compris, dans la France occupée, et je respecte votre expérience. Mais il faut tout de même dire que l'armée française de 40 n'a pas vraiment été un rempart...
Une voix. Qu'est-ce t'en sais, t'étais pas né !
M. Pierre Vanek. J'en sais quelque chose, parce que je connais un peu l'histoire ! ...contre le déferlement du nazisme en Europe, précisément parce qu'un certain nombre de valeurs n'étaient pas défendues au sein de celle-ci, parce que les membres de la caste d'officiers qui la dirigeaient et la «classe politique» française - pour employer une expression que je n'aime pas - pensaient que mieux valait Hitler que le Front populaire ! Et les armes ont été reprises et prises utilement en France par des gens qui avaient tenu auparavant des discours antimilitaristes et pacifistes : il faut aussi le rappeler !
Monsieur Béné, vous mélangez les casques bleus de l'ONU et l'intervention de l'OTAN au Kosove... Pourtant vous devriez savoir que l'intervention de l'OTAN - Organisation du traité Atlantique nord : ce n'est pas l'ONU ! - a été effectuée en violation complète de toutes les règles du droit international... Alors, si vous voulez, parlez d'adhésion à l'ONU, parlez des casques bleus, mais pas contrôlés depuis la Maison blanche : dans le cadre d'une organisation internationale représentative comme l'ONU, mais qui soit un peu plus démocratique qu'elle ne l'est aujourd'hui et, surtout, plus démocratique que l'OTAN et ses états-majors...
M. Jacques Béné. C'est pour ça qu'il y a un contre-projet !
M. Pierre Vanek. Monsieur Béné, vous êtes à côté du sujet ! Il s'agit d'une initiative cantonale !
Monsieur Balestra, vous qui nous avez fait la leçon en disant que nous ne respections pas notre serment si nous ne refusions pas cette initiative. Ce n'est pas très très sérieux ! Nous le respectons au point que nous admettons - sans être d'accord - l'annulation de deux lettres de l'alinéa 4 de cette initiative par le Tribunal fédéral. Nous pratiquons nos droits dans cette République, tels qu'ils sont garantis par la Constitution fédérale, avec, effectivement, la surveillance du Tribunal fédéral, et c'est cette initiative qui sera soumise au vote populaire et non pas votre projet qui n'est que...
Une voix. Que ?
M. Pierre Vanek. ...de l'eau de vaisselle ! J'allais dire du bouillon pour les morts, mais n'évoquons pas les morts dans ce débat...
Une voix. Heureusement que tu as arrêté d'enseigner !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a plus d'une heure que nous débattons sur cette initiative. Le Bureau vous propose de clore la liste des orateurs après les personnes inscrites. Quelqu'un désire-t-il encore s'exprimer ? Prendront donc la parole, M. Froidevaux, M. Halpérin, M. Koechlin et Mme de Haller.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de majorité. Vous dites que nous débattons depuis une heure, mais le débat n'a en réalité commencé qu'au moment où Mme Reusse-Decrey a pris une position claire, suivie de M. Hodgers, puis de M. Vanek. Mais auparavant la discussion était formelle et vous avez eu beaucoup de peine à répondre à nos remarques.
Monsieur Vanek, vous dites que je fais partie de la caste des officiers, je ne puis que vous rappeler qu'au sortir de la Première guerre mondiale les socialistes s'étaient réunis et avaient fait un manifeste qui avait considérablement modifié la structure de l'armée suisse en la rendant parfaitement démocratique. Je vous le dis : l'armée suisse est une armée sans caste ; il n'y a pas d'échelle sociale, et je ne puis pas me prévaloir de faire partie d'une caste. En tant qu'officier, je suis d'abord un soldat, alors, Monsieur Vanek, vous devez parler de ce que vous connaissez, c'est la seule façon d'en parler en bien, car on parle toujours en mal de ce qu'on ne connaît pas !
Votre argumentation vous a conduit, Monsieur Vanek, à un élément fondamental qui est l'un des moteurs de l'initiative : la réduction des dépenses militaires au profit du social. On avait demandé à M. Andreas Gross si un tel transfert était porteur de paix. Il m'avait répondu - en conformité à l'esprit du Conseil national et du Conseil fédéral - que moins on a de moyens plus les armes utilisées sont des armes d'attaque. En effet, la défense coûte très cher et l'attaque est bon marché. Si vous voulez une armée suisse conforme à l'esprit de notre démocratie, c'est-à-dire défensive, nous devons impérativement pouvoir disposer de moyens.
Je vais vous donner des exemples tout simples. Lorsque les épées ont été inventées, on leur a opposé des cuirasses qui sont bien plus chères que l'épée... Lorsque les armes de jet ont été inventées, on a bâti des châteaux... Tout cela pour vous expliquer que la défense a toujours été plus coûteuse que l'attaque. Plus vous réduirez les moyens de l'armée suisse, plus elle se tournera vers des moyens offensifs.
Madame Reusse-Decrey, vous avez exprimé que la politique actuelle, au sens large, ne menait ni à la paix ni à la sécurité. C'est un constat terrible : effectivement, la moitié de la planète est en déséquilibre, et je ne peux que faire le même constat. Mais vous devez aussi reconnaître que nous avons le privilège extraordinaire, en Suisse, avec notre structure, nos institutions, de vivre en paix, au sens large. Tout changement apporté à notre Etat pourrait être un facteur de déséquilibre et, donc, un danger pour nos citoyens, car cela mettrait en péril la défense de leurs droits. En fait, vous laissez sous-entendre que celui qui fait la guerre c'est l'armée, ce qui est faux. C'est bel et bien le déséquilibre éventuel dans une population qui engendre les conflits : entre les riches et les pauvres, dans les droits non respectés par les uns, abolis par d'autres ou les défauts parlementaires. Mais n'attribuez pas aux moyens de rétablir la paix la cause de la guerre ! L'origine de la guerre proviendra toujours d'un déséquilibre que le parlement n'a pas vu venir. Alors, je vous en prie, soyons responsables et ne nous passons du moyen que vous avez qualifié de «mauvais» mais qui représente le moyen ultime de pouvoir rétablir la paix dans des situations terribles, comme l'a évoqué M. Koechlin !
Il n'est nul besoin d'armée pour faire la guerre. Des pays comme l'Algérie montrent qu'il n'est pas nécessaire d'être équipé d'armes lourdes pour pouvoir être affreusement mutilant pour une population. Vous ne pouvez pas continuer à tenir un tel discours, Madame Reusse-Decrey, vous devez reconnaître que l'armée, et notamment l'armée suisse par son caractère démocratique, est la base sécuritaire, une base ultime que je ne souhaite jamais voir réutilisée, mais cette base est nécessaire.
Monsieur Hodgers, vous nous donnez des exemples relatifs à des pays d'Amérique latine, dont la situation a toujours été extrêmement instable. Si certains se sont passés d'armée, il faut signaler que l'armée y est remplacée par une police beaucoup plus forte, ce qui n'est pas du tout souhaitable en Suisse. Nous avons la chance d'avoir cette force ultime en mains démocratiques, nous n'allons pas l'attribuer à la police qui pourrait être une force de pouvoir ! Votre argument n'est pas solide, Monsieur Hodgers ! La situation du Costa Rica n'est certainement pas enviable, car ce pays n'est pas seulement tenu par la police, il l'est par l'armée américaine !
Je suis content de constater que le débat s'installe enfin ; que les vrais sujets sont évoqués, alors qu'en commission nous n'avons pas vraiment eu l'occasion d'en débattre, en dehors de la présence de M. Andreas Gross, beaucoup plus réservé que vous ne l'êtes sur la qualité du texte que vous voulez soumettre au peuple.
M. Michel Halpérin (L). Pour un député qui, comme moi, n'a pas suivi les travaux de la commission, ni la législative ni la ad hoc, sur l'initiative 109, il y a quelque chose d'un peu étrange à suivre le débat de ce soir...
De quoi parlons-nous, au juste ? Si j'écoute avec l'attention dont je suis capable et aussi un peu avec la voix du coeur une partie du discours du côté des initiants, j'y retrouve des accents qui ne me sont pas étrangers, pas plus à moi qu'à M. Froidevaux ou qu'aux autres membres des représentants de l'Entente... C'est un discours d'idéalistes, avec ses limites mais avec sa beauté, avec son appel à la conscience, avec son appel à une illustration constitutionnelle du rôle que Genève voudrait se donner dans le concert des cités et, pourquoi pas, dans le concert des nations. Et il est difficile de n'être pas d'accord avec cela, du moins si l'on sait faire la part du souhaitable et du possible et la part proclamatoire constitutionnelle d'un état d'esprit que nous voudrions être : celui de la population genevoise au sens large, qui est un état d'esprit ouvert au dialogue - d'abord le nôtre - mais il touche assez vite ses limites, et puis, ensuite, par idée un peu arrogante de l'exemple que nous pourrions donner à l'extérieur, la propagation de ce dialogue vers les autres - ceux qui n'ont pas la chance d'être dans une République qui se prétend de paix, dans une république riche, globalement heureuse et à peu près sans histoire, et qui, par conséquent, croit qu'elle maîtrise les éléments qui permettent d'enseigner aux autres comment faire pour désamorcer leurs propres conflits par une forme de dialogue.
Comment ne pas adhérer à cette démarche, donc, avec ce distinguo subtil du souhaitable et du possible, c'est-à-dire de la proclamation d'un idéal vers lequel nous tendons, en sachant que le fait d'affirmer et de proclamer cet idéal n'est pas encore suffisant pour qu'il soit abouti !
Et puis, j'entends une deuxième voix ; une voix qui ne ressemble pas beaucoup à celle de Mme Reusse-Decrey ; une voix qui se veut beaucoup plus tonitruante que pacifique ; une voix qui n'hésite pas à enchaîner comme dans un tricot le discours subliminal au discours idéal. Je ne donnerai pas le nom dans l'immédiat du porteur de cette voix, mais je dois tout de même vous dire que mon écoute tout aussi attentive, l'oreille du coeur en moins cette fois-ci mais celle du cerveau relativement bien ouverte, me fait penser que l'on essaye de broder sur cette toile idéaliste un projet tout à fait différent. C'est un projet de politique politicienne, nationale ou genevoise étriquée, qui consiste à profiter de l'affirmation d'un idéal pour régler son compte à une institution.
Et si c'est ça la démarche, je vous avoue franchement qu'elle m'embarrasse, parce que, si mon choix c'est de soutenir l'idéal au prix d'une mise à mal de l'institution qui jusqu'ici a fait ses preuves, au moins jusqu'à un certain point, alors vous m'obligez à choisir entre l'idéal et l'institution, ce que le contre-projet nous dispense de faire, parce que le contre-projet, Mesdames et Messieurs les députés, se distingue de l'initiative, maintenant réduite à ses justes proportions par le Tribunal fédéral, du seul fait qu'elle ne propose pas un catalogue de moyens que les initiants présentent comme «le» catalogue des moyens par lesquels la confiance internationale, la pacification des conflits interviendrait...
Et ce catalogue - je ne vais pas vous en redonner la lecture, vous l'avez tous appris par coeur, j'imagine - comporte tout de même un certain nombre de curiosités... Franchement, qu'est-ce que notre République de paix a à voir, dans sa définition idéale, avec le problème de la réduction des dépenses militaires ! Je suis personnellement de ceux qui pensent que la réduction des dépenses militaires est un bien, mais je ne suis pas de ceux qui pensent que la réduction des dépenses militaires est un corollaire inévitable et nécessaire d'une politique de paix, parce que, depuis les latins, nous savons que vouloir la paix c'est aussi savoir préparer la guerre ou la défense, comme le disait le rapporteur Froidevaux tout à l'heure.
Un paragraphe suggère la renonciation de l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre... Qui ne l'appellerait de ses voeux depuis 1932 à Genève ? Mais qui serait assez sot pour s'imaginer qu'en cas d'une attaque armée il ne faudrait pas disposer d'une force armée pour en découdre ?
Mesdames et Messieurs les députés de gauche, j'ai eu l'occasion ici même, il y a quelques mois, de vous rendre attentifs au caractère un peu insolent de certaines résolutions par lesquelles, pour prendre un exemple parmi cent, vous faisiez le procès des tyrans de Yougoslavie en les mettant en accusation, en apportant votre témoignage et en prononçant votre sanction dans le même texte. Et je vous ai invités à séparer les fonctions. Depuis lors - on peut dire ce qu'a dit l'un d'entre vous tout à l'heure à propos de l'OTAN - il a tout de même fallu l'intervention de forces armées pour restituer au Kosovo ce que vous appeliez «sa dignité et son droit» ! On peut le regretter ; je suis de ceux qui regrettent moins ce recours à la force que l'abandon des faibles aux mains des forts ! Et je suis persuadé que dans vos rangs il ne se trouve aujourd'hui personne pour contester le bien-fondé d'une troupe des Nations Unies armée et déterminée à tirer sur les prétendues milices hostiles à l'indépendance de cette petite demi-île du Timor et qu'il n'en est pas un pour regretter que l'ONU ait des armes pour pacifier ce mouvement indépendantiste, dont je suis convaincu que vous le soutenez de vos voeux !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas avoir deux discours. On ne peut pas prétendre que la violence s'éradiquera toute seule par l'angélisme de quelques-uns. On peut vouloir la paix, on peut faire mieux que nos ancêtres, les socialistes de 1914 qui ont renoncé à la politique pacifique de Jaurès par nationalisme, mais on peut vouloir proclamer un idéal sans s'efforcer de le saboter immédiatement par une politique locale de médiocre qualité.
C'est la raison pour laquelle j'appelle ceux d'entre vous qui portez votre idéal en bandoulière et qui le portez sincèrement en bandoulière à voter le contre-projet ! Cela ne vous empêchera pas de voter l'initiative aussi, si vous le souhaitez. Mais au moins les jeux seront clairs ! (Applaudissements.)
M. René Koechlin (L). Je n'aurais pas repris la parole si dans son discours tout à l'heure, M. Vanek, n'avait pas escamoté l'histoire en évoquant une période douloureuse du récent passé de l'Europe : celle de la Deuxième guerre mondiale. Oui, c'est bien de cette période dont je parlais tout à l'heure.
Monsieur Vanek, il est vrai que l'armée française en 40 n'a pas été à la hauteur et n'a pas réussi à protéger sa population... C'est vrai ! Mais je vous rappelle que pendant les années 30 le Front populaire auquel participaient très activement les communistes - qui sont les pairs du groupe auquel vous appartenez, si je ne fais erreur - préconisait comme vous et avec vigueur la suppression de l'armée, le désarmement, et j'en passe...
M. Pierre Vanek. C'est ce que j'ai dit !
M. René Koechlin. Ils ont ainsi certainement contribué activement et effectivement à affaiblir non seulement l'armée française mais la volonté de résister dans le pays, notre voisin ! Ce qui est paradoxal - je tiens ici à le souligner, parce que j'y ai assisté - c'est que lorsque les troupes nazies ont occupé la France, les communistes ont été les premiers à prendre les armes - eux qui, quelques années auparavant, préconisaient le désarmement... Ils ont été les premiers à prendre les armes ! Ils ont été les premiers à constituer une armée qu'ils ne seraient jamais parvenu à constituer sans l'aide des armées étrangères, des armées alliées : anglaise et américaine notamment - il convient aussi de le souligner...
On ne peut donc avoir deux discours, car on s'aperçoit que les faits vous entraînent à vous contredire, non seulement dans le discours mais dans les actes. C'est ce qui s'est passé avec vos pairs pendant la période que nous venons d'évoquer.
Mme Jeannine de Haller (AdG), rapporteuse de minorité. De quoi parlons-nous au juste avec cette initiative ? Je me demande si vous, sur les bancs d'en face, vous avez vraiment lu intégralement le texte de cette initiative !
Une voix. Oh oui, plutôt deux fois qu'une !
Mme Jeannine de Haller, rapporteuse de minorité. Vous allez voter pour une initiative qui propose d'aller bien en amont de la problématique de l'armée. Je reprends quelques phrases ou termes employés dans cette initiative.
On dit : «Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques.»
On parle de «mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de la paix».
On parle, aux alinéas 2, 3 et 4, des «moyens qui pourraient être utilisés pour la mise en oeuvre de cette politique de la paix».
On parle de «désarmement global» - c'est vrai - mais on parle aussi du «développement d'une culture de la paix qui serait faite à travers la création et le financement des activités d'un institut de recherche pour la paix».
On parle du «développement d'un programme d'éducation à la paix, dans le cadre de l'instruction publique» - cela concernerait déjà les élèves.
On parle de «promotion du service civil volontaire» et on demande effectivement, dans le dernier alinéa, que «pour garantir la sécurité, les moyens non militaires soient, si possible, mis en oeuvre par des encouragements du canton».
On parle seulement «d'encourager», «d'essayer de mettre en oeuvre», alors, je ne vois pas très bien où vous voulez en venir et sur quelle base vous pouvez affirmer que cette initiative est absolument antimilitariste !
Une voix. On est content !
Mme Jeannine de Haller, rapporteuse de minorité. Je ne dis pas que je suis pour l'armée... (Exclamations.) Non, je dis que cette initiative ne parle pas de cela et cela fait bientôt une heure et demie que vous ne dites que cela...
Une voix. Ça te dérange ?
Mme Jeannine de Haller, rapporteuse de minorité. Ça me dérange, car je trouve que vous êtes d'une mauvaise foi absolument énorme ! (Remarques et rires.)
Une voix. C'est vraiment un argument solide !
Une voix. Y'en a qui manquent pas de souffle !
Mme Jeannine de Haller, rapporteuse de minorité. D'ailleurs, à propos de mauvaise foi, je vais moi aussi faire preuve de mauvaise foi, et je vais lire les propos de M. Gross qui figurent dans le rapport de M. Gilly, je cite : «Il s'agit d'un projet pacifiste et non antimilitariste. Le travail pour la paix est un processus sans fin. Un tel projet ferait progresser le canton et l'ensemble de la Confédération. Développer la paix est un effort permanent et devrait être le discours de tous les politiciens : il s'agit de développer une approche visant un processus qui augmenterait les potentialités de la paix et qui réduirait la violence.» En tant qu'historien et politologue, M. Gross pense que l'initiative 109 est une chance énorme : «Il faut élaborer une philosophie de maintien et de développement de la paix en établissant des critères.» Ce sont les propos de M. Gross, lors de l'audition en commission. (Commentaires.)
Une voix. Lisez le p.-v. !
Mme Jeannine de Haller, rapporteuse de minorité. Par ailleurs, puisque nous arrivons au terme de ce long débat, je demande l'appel nominal sur l'initiative elle-même. (Appuyé.)
M. Gérard Ramseyer. Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Brunschwig Graf. Par souci de simple clarté je rappelle très brièvement ce qui suit :
Le 18 décembre 96, le Conseil d'Etat a dit à ce Conseil que cette initiative n'était que partiellement acceptable. Le Conseil l'a déclaré totalement irrecevable ! Suite à un recours, le Tribunal fédéral a ramené le débat ici, en disant qu'effectivement il devait être repris.
En avril 98, nous étions toujours d'avis que cette initiative n'était que partiellement recevable, mais ce Conseil a décidé qu'elle était entièrement recevable ! Suite à un nouveau recours, le Tribunal fédéral a ramené le débat une nouvelle fois.
Le 26 juin, ce Conseil a une fois encore décidé que l'initiative était totalement recevable, alors que nous étions d'un avis différent. Cette fois-ci, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt qui a enlevé à cette initiative l'essentiel de sa portée.
Le Tribunal fédéral a dit qu'il n'était pas possible de renoncer à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre.
Le Tribunal fédéral a dit qu'il n'était pas possible de renoncer à l'armée pour la sécurité des conférences internationales.
Le Tribunal fédéral a dit qu'il était possible d'intervenir auprès de la Confédération dans différents domaines.
Nous avons évidemment constaté que votre Conseil, les autorités cantonales, ne pouvaient en aucun cas entraver l'action fédérale, et que ce n'était même pas un mandat impératif.
Le Tribunal fédéral a encore rappelé qu'une décision populaire, pour autant qu'elle soit positive, devait faire l'objet d'une concrétisation législative.
Le Conseil d'Etat constate donc qu'il a eu au sujet de cette initiative une position constante, qui a été trois fois soutenue par le Tribunal fédéral. Il va de soi que le Grand Conseil est totalement libre de son vote, mais je tenais à rappeler la position du Conseil d'Etat.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote. Nous voterons donc d'abord sur la prise en considération de l'initiative. Il est clair que si le Grand Conseil accepte l'initiative, les débats sont clos : il ne pourra pas y avoir de contre-projet, et l'initiative sera soumise au peuple telle que. Du résultat de ce vote dépendra la possibilité d'un contre-projet qui n'interviendra que si le Grand Conseil refuse l'initiative. Nous voterons cette prise en considération de l'initiative à l'appel nominal comme cela a été demandé.
Celles et ceux qui acceptent l'initiative répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Cette initiative est adoptée par 46 oui contre 41 non.
Ont voté oui (46) :
Ont voté non (41) :
Personne ne s'est abstenu
Etaient excusés à la séance (11) :
Etait absent au moment du vote (1) :
Présidence :
Le Grand Conseil a été saisi, le 8 octobre 1993, de la motion 878 qui "; invite le Conseil d'Etat
à prendre des mesures d'urgence pour faire dessabler le lit de la rivière dans un premier temps ;
à faire poser des enrochements pour consolider les berges et retenir le bas de la moraine ;
à confier, par souci d'économie, ces travaux à l'armée ou a la protection civile qui recherchent des travaux utiles à la collectivité. "
La motion était motivée comme suit :
"; vu l'érosion très forte des berges de la Versoix ;
vu le glissement de terrain qui emporte progressivement la moraine ;
vu l'ensablement de la rivière, ce qui la pousse de plus en plus à miner les berges ;
vu la menace directe pour deux lignes électriques, à moyenne et haute tension ;
vu la menace pour la route communale de Mâchefer située au sommet de la moraine ..."
En 1995, le service du lac et des cours d'eau, rattaché à l'époque au Département des travaux publics et de l'énergie, a fait consolider le bas de la falaise en plaçant des enrochements, afin d'endiguer l'érosion du terrain et de diminuer l'ensablement de la rivière. S'agissant de travaux très spécifiques, il s'est avéré que l'armée ou la protection civile n'avaient pas les connaissances particulières requises pour leur exécution. Ils ont donc été confiés à une entreprise locale spécialisée. Il a été ainsi répondu à la motion.
Il convient encore d'ajouter que, bien que les travaux entrepris aient visé la protection des biens des riverains, leur coût a été entièrement assumé par l'Etat. Il est cependant important de préciser que les propriétaires riverains auraient dû se protéger eux-mêmes, conformément à la loi sur les eaux, du 5 juillet 1961.
Par ailleurs, les travaux entrepris en 1995 tiennent compte des hautes eaux moyennes du cours d'eau. Depuis cette date, le cours d'eau n'est plus un facteur déterminant dans la dynamique des glissements de terrain qui ont pu se produire ultérieurement.
Notons également que ce glissement de terrain a fait l'objet d'un rapport technique du service cantonal de géologie du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie. Celui-ci recommande aux propriétaires d'entreprendre le captage des eaux provenant du sommet de la falaise en complément des mesures déjà prises.
Le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie a, par ailleurs, demandé que les propriétaires cessent de déverser des déchets depuis la falaise, ce qui a été respecté. Le service a fait abattre les arbres en déséquilibre en bordure du glissement pour éviter qu'ils n'entraînent le sol dans leur chute; cela ne résoudra cependant pas le problème dans sa totalité.
Il ne faut cependant pas oublier que ces berges sont situées dans la zone alluviale d'importance nationale de la Versoix et qu'elles doivent être préservées le plus possible de toute intervention.
Cela étant, sans garantir une stabilisation à long terme du secteur concerné, quelques mesures simples, susceptibles de réduire la progression du glissement, peuvent toutefois être envisagées, à savoir la mise en place de boutures de saule et un drainage, travaux à effectuer sous le pilotage de la commune et dont elle se chargera suite à un glissement de terrain récemment intervenu. A cet égard, le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage fournit à titre gracieux les boutures de saule dont la commune assurera la plantation.
Il est à noter que le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie ont mis en place une étude visant à protéger le vallon de la Versoix. Selon ses résultats, il conviendra d'examiner si de nouvelles mesures doivent encore être prises afin d'améliorer la situation.
Les mesures prises par l'Etat de Genève en 1995 ayant permis de répondre aux attentes de la motion, le Conseil d'Etat vous prie de prendre acte du présent rapport.
Débat
M. Pierre Meyll (AdG). Je remarque que cette motion émane de la commission des travaux à laquelle je ne m'étais pas associé, considérant qu'il s'agissait d'un coup de force et qu'en fait on était en train d'essayer d'enlever à certains riverains les obligations prévues par la loi - loi fédérale sur les zones alluviales - qu'ils devaient assumer pour maintenir les berges en état. Cela concernait le lieu-dit Mâchefer, qui se trouve dans la zone de protection de la Versoix.
Un problème se pose encore, puisqu'il s'y trouve encore un manège et différentes autres activités qui font que toutes les eaux usées ne sont pas récupérées bien qu'un égout ait été mis en place. Cela engendrera des problèmes auxquels il faudra être attentifs au moment du règlement des zones alluviales de la Versoix. Il faut également considérer que le WWF et différents autres organismes de protection de la nature s'étaient opposés à la manière dont était prévue la protection des rives dans cette région.
Je crois que ce problème mérite d'être réexaminé plus globalement, et plus précisément à la fois, pour assurer la protection de manière optimale dans le cadre de la protection et de la sauvegarde des rives de la Versoix.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le président. Avant de poursuivre l'ordre du jour, je vous signale, Mesdames et Messieurs les députés, que deux des classeurs de photos que nous avons fait circuler sont manquants. Je vous prie donc de bien vouloir regarder dans vos pupitres s'ils s'y trouvent. Nous aimerions bien les récupérer pour pouvoir passer les commandes.
Sous la présidence de Mme Alexandra Gobet le 22 février 1999 et de M. Bénédict Fontanet les 1er et 8 mars 1999, les membres de la Commission du logement ont consacré trois séances à l'examen de la motion 1200.
Ont participé à la séance du 22 février 1999 consacrée à l'audition de Mme B et M. A., squatters au 5, rue Guillaume-Tell, et M. C., squatter indépendant : M. Yves Duchemin, secrétaire général adjoint, Mme Margelisch, juriste, et M. André Maury, installateur, représentants des SIG, de même que M. Christian Pasquier, brigade de la police des squatters.
Ils ont également participé à la séance du 1er mars à l'audition de M. Mark Muller et Pierre Félicité Ivanes, de la CGI.
La commission a pu bénéficier de la présence de M. Albert Georges, directeur de l'Office du logement, aux 3 séances.
Les commissaires remercient Mme Nicole Seyfried, procès-verbaliste, pour ses excellents procès-verbaux.
Rappel
Déposée en mars 1998 par trois députés, la motion 1200 invite le Conseil d'Etat :
à présenter au Grand Conseil un rapport qui répertorie le nombre d'appartements occupés illégalement en faisant ressortir le volume et le coût de la consommation d'eau, de gaz et d'électricité ;
à demander aux Services industriels de Genève (SIG) d'établir le montant global des factures qui n'ont pas été payées durant ces dix dernières années ;
à déterminer, de cas en cas, quelle est l'autorité qui a décidé d'offrir gratuitement les prestations et fournitures aux occupants illégaux ;
à informer le Grand Conseil sur la façon dont à l'avenir l'Etat (ou les Services industriels), entend répercuter le coût des prestations et fournitures aux « squatters », soit sur les autres consommateurs, soit sur l'ensemble des contribuables ou s'il entend créer un fonds spécial qui serait alimenté de façon autonome.
Auditions
Audition d'Intersquat. M. A. et Mme B., squatters au 5, rue Guillaume-Tell et M. C., squatter indépendant
Mme Mme B. signale qu'aucun des trois ne représente Intersquat, qui n'est pas une association et par conséquent ne peut avoir de représentants. Il faudrait ainsi auditionner chaque squat séparément.
Mme Mme B., qui squatte au 5, rue Guillaume-Tell, ajoute que dans tous les squats où elle a logé, il y avait des compteurs et qu'elle payait sa consommation d'électricité. Mais le plus important, c'est qu'il y a plusieurs maisons qui ont fait des demandes aux SIG pour obtenir des compteurs, demande qui a été refusée pour des raisons d'illégalité.
Audition des SIG
Yves Duchemin, Mme Nathalie Margelisch et M. André Maury :
Mme Margelisch précise que la procédure actuellement en vigueur date du début 1996. Avant, la politique des SIG consistait à supprimer systématiquement les compteurs dès qu'un squat était signalé et à déposer une plainte. Or très souvent les squatters trouvaient le moyen de rétablir le courant.
Depuis 1996, la politique des SIG a changé et désormais des compteurs sont systématiquement posés aux endroits possibles et un relevé de consommation est envoyé mensuellement. A l'heure actuelle 56 plaintes ont été déposées. Le relevé n'institue aucune relation légale, sachant que l'intitulé de la facture n'est pas nominatif et que seul figure l'étage. Toujours du point de vue légal, un contrat d'abonnement est souscrit pour autant qu'il existe un contrat de confiance. Dès lors on considère qu'il existe un rapport d'usage légal. Cependant, du moment que le propriétaire dépose une plainte, il n'y a pas de rapport d'usage.
M. Duchemin précise que les 300 compteurs relevés comprennent des appartements et des villas. Quant aux plaintes, elles n'ont pas forcément de suite. Pour le moment elles permettent principalement de faire pression sur les squatters pour qu'ils paient.
M. Duchemin poursuit en indiquant que pour la période 1997/98, soit depuis la pose des compteurs, le montant de l'énergie consommée par les squats s'élève à 825 000 F, somme qui comprend également une partie de la consommation des années précédentes. Sur ces 825 000 F, seulement 303 000 F ont été payés et les pertes sont comptabilisées dans la rubrique pertes et profits.
M. Maury répond que la sécurité est principalement abordée sous l'angle de la prévention. L'option choisie est de dire que, plutôt que de fermer les yeux, on fait de la prévention, notamment par le biais de la pose des compteurs. C'est dans la vétusté des bâtiments et des installations que réside le problème. La seule façon de régler le problème à 100 % serait de couper sur rue, ce qui est impossible. C'est pourquoi M. Maury estime que la solution choisie par les SIG est effectivement celle du moindre mal.
Audition de M. Pasquier, brigade des squats
M. Pasquier nous informe que les 56 plaintes déposées par les SIG représentent beaucoup de travail au niveau de l'instruction, qui nécessite l'audition de 500 personnes environ. Les squatters demandent que soient installés des compteurs, alors que 40 à 50 % d'entre eux ne paient pas leur consommation. Il nous précise qu'il y a 130 squats dans 40 % d'immeubles, le reste représentant des villas ou appartements.
A cela s'ajoute tout un aspect de travail social. Aujourd'hui, on compte 50 % de personnes désoeuvrées. Il n'est d'ailleurs pas rare de rencontrer des squatters de 14 à 16 ans. M. Pasquier indique que dans toute la Suisse, en dehors de Genève, il n'existe que 13 à 15 squats. Il tient à préciser que le terme de « vidés » n'est pas approprié. En effet, il y a eu 105 fins d'occupations où les squatters sont partis d'eux-mêmes.
Audition de MM. Mark Muller et Pierre Félicité Ivanes, de la CGI
M. Muller, d'une manière générale, estime que la motion doit être envoyée au Conseil d'Etat pour nous fournir un rapport sur les coûts engendrés pour la collectivité publique, ainsi que les surcoûts lors de rénovations d'immeubles squattés, exemple à la rue Leschot, le surcoût étant de 400 000 F.
La position de la CGI par rapport aux squats est d'affirmer qu'il s'agit d'une atteinte au droit de propriété, principe fondamental de notre société. On ne peut tolérer ce genre d'atteintes.
M. Félicité Ivanes nous explique que les locaux commerciaux ont été construits en fonction des besoins spécifiques d'entreprises, mais que l'on a de moins en moins trouvé preneurs. Ce problème se retrouve au niveau des locaux industriels, dont certains ont été construits à l'étage, ce qui est totalement inadéquat. Ainsi, non seulement il y a suroffre, mais également inadéquation avec les besoins des entreprises. On continue à construire des locaux plus adaptés, tout en ayant des surfaces inexploitées.
M. Muller précise que le rôle de la CGI est de défendre les propriétaires. Lorsque des gens violent le droit, on a de la peine à rester sereins. On pourrait imaginer que ces gens lancent une interpellation de manière plus civilisée qu'en forçant des portes et en criant ensuite à l'incompréhension. Or, il faut du temps aux propriétaires pour réaliser qu'ils n'arriveront pas à louer leurs locaux. A cela s'ajoute le fait que les solutions ne sont pas nombreuses. Par exemple les zones industrielles ont été déclarées impropres au logement. De plus, les propriétaires hésitent à convertir leurs locaux en habitation sachant qu'ils ne pourront pas revenir en arrière et pour certains il s'agit peut-être de besoins financiers.
Discussion de la commission
Les auditions des SIG de Genève, de la Brigade des squatters et de la Chambre immobilière genevoise nous ont permis de répondre aux premières invites. Les commissaires ont appris que 130 squats environ étaient occupés dans le canton répartis pour 40 % en immeubles et le reste en villas ou appartements, le reste de la Suisse n'en comportant que 13 à 15. Pourquoi notre canton est-il arrivé à une telle situation ? Depuis la pose systématique des compteurs, la facture d'énergie s'élève à 825 000 F et seulement 303 000 F ont été payés.
A l'électricité impayée, il faut encore ajouter les frais du personnel des SIG, de la police des squats, le coût supérieur des rénovations des bâtiments après l'occupation des squatters ; c'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés-ées, en conclusion de ses travaux par 7 oui (3 L, 2 R, 2 DC) et 6 abstentions (2 S, 1 Ve, 3 AdG), la commission vous demande de soutenir la motion 1200 en gardant la 4e invite.
Proposition de motion(1200)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
demande au Conseil d'Etat
d'informer le Grand Conseil sur la façon dont à l'avenir l'Etat (ou les Services industriels) entend récupérer le coût des prestations et fournitures aux "squatters", soit sur les autres consommateurs, soit sur l'ensemble des contribuables ou s'il entend créer un fonds spécial qui serait alimenté de façon autonome.
Débat
M. Jean-Louis Mory (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1200 de MM. Bernard Annen et Thomas Büchi sur les squatters nous fait connaître le coût réel des squats. Sur 825 000 F d'électricité facturée par les Services industriels de Genève, les squatters ont payé seulement 303 000 F, soit un manque à gagner de 522 000 F, plus le coût du personnel occupé à cette charge.
On peut ajouter à ce coût la police des squatters... En effet, deux à trois fonctionnaires ne s'occupent que de ces gens.
On peut ajouter encore la dégradation des biens occupés par les squatters.
Une question peut se poser : pourquoi compte-t-on cent trente squats à Genève et seulement treize ou quinze pour le reste de la Suisse ? Il semble que les squatters bénéficient d'un vent favorable ! (L'orateur est interpellé par M. Vaucher.)
Une voix. Tais-toi Vaucher !
M. Jean-Louis Mory, rapporteur. Pensez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que notre canton ne fait pas assez de social pour nos citoyens ?
Le but de la motion qui vous est proposée est de renseigner le Grand Conseil, mais aussi tous les citoyens de ce canton pour connaître le coût des squatters à Genève. Des réponses pourraient nous aider pour notre politique sociale dans le futur. En effet, j'aimerais bien savoir si les squatters sont des pauvres malheureux que la société n'est pas capable d'aider... Malgré tout le social qui est fait à Genève, peut-être que vous ne dépensez encore pas assez d'argent, Monsieur Segond !
Enfin, j'aimerais vraiment que les députés de gauche qui soutiennent ces squatters nous disent jusqu'où nous devons aller...
M. Jacques Béné (L). Je vais compléter les propos de M. Mory.
Nous avons auditionné les Services industriels de Genève en commission. Au 22 février de cette année, cinquante-six plaintes étaient déposées sur les trois cents logements annoncés et référencés aux Services industriels de Genève - il s'agit d'appartements et de villas. Les Services industriels de Genève n'adressent leurs factures qu'à l'adresse où loge le squatter, qui paye s'il le veut bien. Il y a donc un problème évident de contentieux, puisqu'il n'est pas possible d'engager des procédures de recouvrement si une facture n'est pas nominative.
Le service des squats de la police indique parfois quels sont les occupants illicites aux Services industriels de Genève, mais ce n'est pas toujours le cas.
On nous a dit en commission que les factures pouvaient atteindre 2 à 5 000 F par mois, dans un immeuble sans chauffage, car, bien évidemment, les squatters utilisent des radiateurs électriques en les branchant sur le réseau électrique pour se chauffer.
Les créances non recouvrables aux Services industriels de Genève représentent, dans les cas usuels, environ 1% des montants facturés. Comme cela a été relevé par M. Mory, pour les squatters et pour autant qu'on connaisse leur nom, on arrive à 66%... Vous jugerez le rapport par vous-mêmes !
M. Mory a également évoqué le problème du coût de ces squatters : le manque à gagner pour les Services industriels de Genève, auquel il faut rajouter les personnes chargées de s'occuper des problèmes de contentieux mais aussi le service squatters - problème auquel je veux en venir.
Le service squatters nous a dit que le personnel de la brigade engagée pour s'occuper des squats utilisait, tout du moins à l'époque, 30 à 40% de son temps de travail pour gérer les plaintes. Il a en effet procédé, durant les deux dernières années, à plus de cinq cents auditions de personnes susceptibles d'avoir occupé des logements illicitement et dont les factures d'électricité n'ont pas été payées.
Ce service nous a également annoncé et confirmé qu'il y avait environ cent vingt à cent trente lieux squattés sur le canton - environ 40% dans des immeubles et 60% dans des appartements - et j'ai tout de même été interloqué lorsque j'ai appris qu'il y avait dix à douze squats référencés par les différentes polices cantonales pour tout le reste de la Suisse. Je ne sais pas si c'est parce qu'on ne sait pas gérer le problème squatter ou parce qu'on ne sait pas gérer le problème du logement, mais je doute qu'il y ait dans tout le reste de la Suisse dix fois moins de problèmes que dans le canton de Genève...
Le problème des évacuations forcées a également été évoqué. Cela me paraît intéressant, parce qu'on a tendance, à mon avis, à trop les médiatiser. En effet, en 1998, il y a eu cent quinze occupations nouvelles et cent cinq fins d'occupation sans évacuation forcée. Il faut donc se rendre compte que la presse relate toujours les évacuations forcées, comme pour Guillaume-Tell, Arquebuse, Fort-Barreau, etc., mais tait les évacuations qui se passent bien, sans recours à la force publique, dans des situations où des arrangement ont été trouvés avec les propriétaires, avec l'Etat, dans des négociations tripartites.
En 1997, cent soixante-sept occupations ont été annoncées, mais - c'est ce qui est intéressant - il n'y en avait que treize en 1991 ! Or, Mesdames et Messieurs les députés, la crise du logement existe depuis déjà plusieurs années et elle était déjà très forte en 1991, voire plus forte que maintenant. J'ai donc de la peine à comprendre, en tant que député, qu'on ait laissé la situation se dégrader au point d'arriver à cent quinze occupations nouvelles. En tout cas, à l'époque, les taux de vacance étaient plus faibles qu'aujourd'hui, ce qui veut bien dire que la crise du logement était plus forte.
Mesdames et Messieurs les députés, je veux simplement prouver que le problème est social et que nous devons l'examiner avec attention. Ce phénomène a été évoqué par le service squatters : deux ans auparavant - avant leur audition - les squats étaient en grande majorité occupés - 80% - par des étudiants qui voulaient savoir jusqu'où ils pouvaient aller... Aujourd'hui, la situation des squats est complètement différente. Il s'agit d'une population de plus en plus jeune, dont les parents démissionnent de plus en plus. Comme vous le savez certainement, la police des squatters est obligée d'informer les parents si des enfants mineurs occupent illicitement des locaux. Dans la plupart des cas, ces parents répondent à la police qu'au moins leurs enfants se trouvent dans un endroit connu de la police et que c'est tant mieux, car ils ne savent plus quoi en faire à la maison...
Le service squatters nous a également dit qu'il y avait une recrudescence de cas plutôt farfelus, non étudiés - pas suffisamment en tout cas - d'occupations de villas alors même qu'elles bénéficient d'une autorisation de construire en force ou de démolition en force. Lorsque les trax arrivent, la brigade des squatters constate que les locaux sont occupés et que les squatters n'étaient pas au courant. Avant, cela n'arrivait pas. Il n'arrivait pas non plus que les logements de personnes âgées - ces cas nous ont été rapportés - soient squattés durant leur séjour à l'hôpital, où elles ont dû se rendre suite à un problème de santé. Comme je l'ai déjà dit ici, un jour on se fera squatter notre appartement quand on partira en vacances...
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je me demande comment régler le problème des squats. Je pense qu'un jour il faudra bien que notre parlement examine ce problème à fond. Nous allons présenter prochainement une proposition de motion à ce sujet pour apprécier exactement quelle est la nature de ce problème : si c'est un problème culturel, si c'est un problème de logement, si c'est un problème social, si c'est un problème financier ou si c'est un problème de société auquel nous ne sommes pas capables de faire face de la meilleure manière qui soit.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite, comme cela a été le cas en commission, à accepter cette motion qui ne couvre qu'une toute petite partie du problème des squatters. J'espère que ce parlement aura le courage de revenir dessus sans trop le médiatiser et que, d'ici quelque temps, nous aurons l'occasion d'en reparler.
Je vous invite à accepter cette motion, comme M. Mory l'a proposé dans son rapport, en supprimant les trois premières invites mais en conservant la quatrième.
Mme Esther Alder (Ve). Je vous rappelle que cette motion concerne les problèmes de facturation de l'énergie dans les squats. Ainsi les Verts s'en tiendront là.
Nous considérons que toutes les réponses ont été données par les Services industriels de Genève qui nous ont assuré qu'ils faisaient tout le nécessaire en posant systématiquement des compteurs dans tous les immeubles squattés. Nous sommes donc d'avis que le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat est parfaitement inutile, et nous le refuserons.
M. Rémy Pagani (AdG). On veut faire ici et depuis un certain temps - il suffit de voir le nombre d'interpellations à ce sujet - le procès des squatters.
Une voix. Eh oui !
M. Rémy Pagani. Cela me semble un peu facile... C'est tirer sur les lampistes, alors que le problème qui est à l'origine de ce phénomène du squat est bien plus important. Je vais m'en expliquer, puis j'aborderai l'affaire des compteurs.
Il faudrait en effet plutôt faire le procès de la spéculation effrénée, Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.) ...qui a débuté pendant les années 80 et qui continue aujourd'hui, obligeant les locataires à payer des loyers élevés en espèces sonnantes et trébuchantes, parce que les milieux que vous défendez, sur les bancs d'en face, considèrent le logement comme une source de revenus importante ! (Exclamations.) Devrais-je vous rappeler que M. Jurg Stäubli, par exemple, préférait laisser ses immeubles vides pour pouvoir mieux les vendre, les acheter, les revendre pour gagner beaucoup d'argent ?
Une voix. Il a raison !
M. Rémy Pagani. C'est ce procès-là que nous devons faire ! En effet, aujourd'hui... (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.) ...la spéculation continue à sévir, même si vous vous efforcez de nous faire croire que le marché du logement se détend ! Il ne se détend pas, c'est faux ! Il se détend sur les logements de une ou deux pièces, mais pas sur les trois, quatre et cinq pièces. J'ai vu hier encore sur le journal : 2 500 F pour un logement de quatre pièces ! Est-ce raisonnable ? Pas du tout ! Pourtant, les milieux immobiliers continuent à spéculer et à faire pression sur les locataires pour profiter abusivement de la pénurie... C'est cela le véritable problème !
Il y a un autre problème lié aux squatters : le problème social effectivement. (Le président agite la cloche.) Lorsque j'étais étudiant, je me souviens que nous louions de grands appartements à quatre, cinq, six, dix personnes, à 200 F la pièce, ce qui nous permettait de vivre en communauté ! Aujourd'hui, quels sont les appartements où les étudiants peuvent se grouper et payer 100 ou 200 F la pièce pour vivre une expérience communautaire ? Il n'y en a pas ! Car le prix des grands appartements est scandaleusement élevé, de manière usurpée. C'est là que réside l'origine du phénomène squat. Il y a encore dans ce pays des gens qui veulent - comme moi, lorsque j'étais jeune - vivre en communauté, et je trouve important de les soutenir.
Pour ce qui est des compteurs, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas retourner le problème en disant que : c'est la faute des squatters qui ne payent pas l'électricité... Ce n'est pas vrai ! L'histoire montre - je sais de quoi je parle - que chaque squatter envoyait et envoie toujours aux Services industriels de Genève son nom et son adresse pour pouvoir payer son électricité régulièrement. Vous le savez très bien, puisqu'en fait le squatter qui ne paye pas son électricité peut être inculpé de soustraction d'énergie, ce qui peut faire l'objet d'une grave sanction. (Exclamations.) Vous le savez bien ! D'ailleurs, les squatters, lorsque M. Ducor refusait purement et simplement d'accepter l'argent des squatters dû aux Services industriels de Genève pour l'électricité, mettaient volontairement cet argent sur un compte bloqué, ce qui leur a permis de constituer des cagnottes pour racheter leurs appartements, au bout de dix ans. Je me permets de vous le rappeler, puisque vous critiquez ce mode de faire.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, les Services industriels de Genève, grâce à la majorité de gauche qui les constitue, enfin, abordent le problème honnêtement. Face à des citoyens comme vous et moi, ils ont proposé des compteurs et des contrats individuels. Je les remercie d'avoir légitimé l'action des squatters. Un grand progrès a été fait, et je ne vois donc pas l'utilité de soutenir une quelconque motion. Je vous propose au contraire de la rejeter avec vigueur étant donné que le problème est réglé pour tout le monde, y compris pour les dirigeants des Services industriels de Genève.
M. Roger Beer (R). Mesdames et Messieurs les députés, on croit rêver ! On a eu droit à l'historique des squats et à un plaidoyer touchant par le grand défenseur du pauvre opprimé... L'Alliance de gauche et les Verts n'étaient pas présents lors du vote et maintenant vous voulez refuser la motion sous prétexte que tout serait réglé !
Eh bien, moi je pense que cette motion a au moins le mérite de montrer à la population que certaines personnes ne payent pas leurs factures pour toutes sortes de raisons. Pourtant, beaucoup de personnes qui auraient de bonnes raisons pour ne pas les payer travaillent pour y arriver. C'est pour cela que je trouve scandaleux que vous refusiez la discussion en arguant que tout va bien ! Le rapport l'explique du reste très bien : il faut absolument renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Vous serez peut-être plus nombreux que nous - nous en avons l'habitude - mais il est inadmissible que le Conseil d'Etat ne puisse pas répondre à une motion sur un problème de société, où une catégorie de personnes profitent du système pendant que les autres travaillent pour payer normalement !
Bien entendu, nous voterons cette motion.
M. Carlo Lamprecht. Le Conseil d'Etat vous prie d'accepter les conclusions de ce rapport, puisqu'il serait incapable, au stade actuel des choses, de vous donner davantage d'informations. Les auditions vous ont certainement permis de vous faire une idée de ce qui se passe actuellement dans le monde du squat. Vous pourrez toujours y revenir, mais, pour ce soir, le Conseil d'Etat vous demande d'accepter les conclusions de ce rapport.
Le président. Nous passons au vote.
Le résultat est douteux.
Nous allons procéder au vote par assis et levé. (Exclamations.)
Le sautier compte les suffrages.
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 43 non contre 40 oui.
Une voix. On voit qu'on a un président de gauche !
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le Conseil fédéral, en adoptant le projet de loi sur le marché de l'électricité qu'il veut soumettre à l'approbation de l'Assemblée fédérale, a apporté de profondes modifications à l'avant-projet de loi mis en consultation, qui avait déjà fait l'objet l'an passé d'un préavis négatif de notre Parlement.
C'est ainsi qu'il a ramené de 9 à 6 ans le délai pour introduire la « liberté » intégrale dans ce marché, qu'il a supprimé la pause prévue, après une première période de 5 ans, pour décider s'il fallait accélérer ou freiner la libéralisation du marché et qu'il a refusé de prévoir une disposition applicable aux investissements récents non amortissables dans le cadre du délai de libéralisation du marché.
Cette libéralisation à marche forcée aura des effets dévastateurs sur les compagnies d'électricité, tant au niveau des suppressions d'emplois que des pertes financières, voire des faillites qu'elle pourrait entraîner pour les sociétés ayant fortement investi ces dernières années, notamment EOS, pour développer une énergie électrique de substitution à celle d'origine nucléaire, dont l'abandon serait repoussé à une échéance indéterminée, le Conseil fédéral ayant même renoncé à fixer une limite de durée quant à l'exploitation de celles-ci.
La plupart des sociétés électriques suisses sont des collectivités publiques, financées par des fonds publics et des caisses de prévoyance. Il est inacceptable que la pérennité de ces investissements ne soit pas garantie, que des réalisations de l'importance de Cleuson-Dixence (coût des travaux 1,3 milliards de francs), qui viennent d'être inaugurées, soient mises en péril.
Le prétexte d'une adaptation raisonnable aux « contraintes européennes » ne tient pas face à une décision d'Alleingang visant à adopter des rythmes bien plus rapides que chez nos voisins. Il est donc indispensable d'agir pour éviter que soit mise en danger et bardée l'infrastructure de notre seule ressource naturelle, vitale pour l'avenir du pays.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, que vous réserverez un bon accueil à la présente résolution.
ANNEXE
Résolution
(364)
Préavis genevois sur la loi fédérale sur la libéralisation des marchés de l'électricité
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- que le canton de Genève doit répondre à la consultation fédérale sur la nouvelle loi sur la libéralisation des marchés de l'électricité (LME) de manière consistante avec la constitution cantonale, ainsi qu'avec la conception de l'énergie en cours d'élaboration ;
- que le projet fédéral de LME s'oppose clairement aux principes du développement durable ;
- que cette loi mettrait en péril la santé financière des collectivités publiques ;
- que le risque de bradage des biens publics est réel ;
invite le Conseil fédéral
- à retirer son projet de loi mis en consultation en mars 1998 ;
- à en élaborer un nouveau, allant dans le sens proposé par l'exposé des motifs ci-dessous.
Débat
M. Michel Balestra (L). Comme le disait le sage chinois - quand on ne connaît pas le sage, on dit toujours qu'il est chinois ! (Rires.) - si l'homme était incapable de franchir les montagnes, la nature en aurait fait un oiseau... Cette pensée suffirait à justifier notre opposition à cette résolution. Mais je vais tout de même essayer de développer davantage...
La résolution qui nous est proposée ce soir laisse accroire que la libéralisation du marché de l'électricité est une catastrophe, une catastrophe programmée et donne par là un préavis négatif à cette politique. Les auteurs, sans doute de bonne foi, imaginent qu'en dehors de la situation actuelle il n'y a pas d'avenir pour une énergie suisse hydroélectrique renouvelable un peu plus coûteuse que les énergies concurrentes. En fait, les auteurs de cette résolution sont les «punks de l'énergie» en déclarant : «no futur !». Notre groupe qui n'a rien d'un groupe de punks - reconnaissez-le... (Rires.)
Une voix. Quoique !
M. Michel Balestra. ...n'est pas du tout d'accord, vous l'aurez compris, avec les auteurs de cette résolution.
Mesdames et Messieurs les députés, les alliances qui se créent aujourd'hui prouvent que cette mutation structurelle d'un marché trop longtemps protégé donne des idées, stimule l'imagination et montre, ou plutôt dessine les prémices d'un avenir meilleur et radieux. Et en terme de lumière, vous serez d'accord que l'électricité ne peut que constituer les prémices d'un avenir radieux !
Mesdames et Messieurs les députés, nous apprenions étant enfants que la Suisse n'avait pas de richesses dans son sous-sol, mais qu'elle disposait de l'énergie hydroélectrique qui était sa houille blanche. Et cette richesse, contrairement à ce que pensent les auteurs de la résolution, en reste une, car l'avantage déterminant de l'énergie hydroélectrique, c'est que son débit est modulable, alors que celui de l'énergie nucléaire est linéaire. En effet, que le marché soit saturé ou non, une centrale électrique nucléaire continue à produire.
Je suis dès lors convaincu qu'en terme de marché la Suisse a un avantage stratégique déterminant sur ses concurrents. Elle pourra plus encore qu'aujourd'hui importer aux heures creuses de l'énergie bon marché et exporter de l'énergie chère aux heures saturées. Donc, contrairement à la démonstration faite dans la résolution, la libéralisation du marché permettrait de mieux mettre en valeur les spécificités de l'énergie helvétique qui, si elle est plus coûteuse - vous avez raison de le dire - est beaucoup plus utile. Pour prendre l'exemple d'une voiture, à quoi servirait une voiture qui roulerait à 80 km/h en permanence, qu'on ait besoin de se déplacer ou non ? Eh bien, l'énergie suisse peut, elle, être modulée à tout moment.
Alors, vous l'aurez compris, nous arrivons par notre réflexion à vous prouver que nous avons un avenir, contrairement à ce que vous pensez, et que nous devons soutenir la politique de libéralisation de l'électricité, qui est voulue aujourd'hui par la majorité de la classe politique helvétique. La vision des auteurs de la résolution est une vision statique qui ne tient compte que des aspects quantitatifs de l'énergie mais pas des aspects qualitatifs. Nous nous sommes convaincus que la Suisse a une carte à jouer, une carte gagnante. Il ne faut donc pas s'opposer à la libéralisation de l'électricité !
M. Alberto Velasco (S). L'énergie, et en l'occurrence l'électricité, revêt deux aspects qu'il me semble important de relever à ce stade du débat.
Le premier, Monsieur Balestra, c'est que l'énergie tout comme l'eau, vu leur importance dans notre vie quotidienne, ne sont pas des produits de consommation ordinaires que l'on peut dilapider sans conséquences pour les générations futures. A ce titre, ils méritent de notre part de ne pas les considérer d'un point de vue exclusivement mercantile.
Le deuxième aspect, c'est l'obligation faite aujourd'hui aux compagnies, Monsieur Balestra, d'assurer l'approvisionnement de cette énergie, qui représente en soi une certaine qualité de prestations aux citoyens. Or ces deux aspects ne sont pas pris en considération à l'heure de l'établissement du juste prix de ce produit. Les conséquences dues à la vitesse de la libéralisation que l'on essaye d'instaurer chez nous, a contrario de celle appliquée en Europe, est une violence sociale inacceptable qui peut aboutir à la dilapidation d'une partie de notre patrimoine national. C'est une des conséquences de la libéralisation, Monsieur Balestra !
On le constate déjà, Mesdames et Messieurs les députés, EOS, avant même que la loi ne soit votée et, donc, en connaisse le contenu final, procède à des ventes d'actifs et à des contractions du personnel ! A croire que la LME serait peut-être utilisée comme alibi afin de procéder à une restructuration annoncée, tout en faisant croire à des mesures préventives... On demande ainsi à EOS, selon le rythme d'ouverture, d'amortir entre 1,2 et 2 milliards, afin d'assurer la vente de sa production dans un marché compétitif.
Cet exercice de diminution du prix de vente du kilowattheure ne peut se faire sans casse. En effet, ce sont les deux milliards de francs que l'économie électrique verse aux collectivités publiques qui sont en jeu ! Ce sont aussi les quinze mille personnes travaillant dans cette branche qui verront leur nombre diminuer. A cet égard, on évoque une perte de 20%, soit environ trois mille emplois appelés à disparaître. A l'heure actuelle, une centaine de suppressions d'emplois est déjà programmée à EOS.
Mais, il y a aussi la diminution drastique des investissements qui ont une incidence sur la maintenance des ouvrages et installations et la prévention des incidents. La conséquence est une dégradation de la fiabilité de ces équipements. Cela implique à court terme une baisse réelle de prestations, et l'on parle déjà de tarifs différenciés en fonction de la qualité du service désiré. Ainsi, ceux qui auront les moyens - financiers, évidemment - pourront s'acheter des prestations de qualité leur assurant une fiabilité quant à l'approvisionnement. Les autres consommateurs, quant à eux, ne pourront que subir cette dégradation de la prestation.
Voilà, Monsieur Balestra, comment on met en cause indirectement un principe d'une mission du service public : l'approvisionnement de l'énergie en tout temps.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est parce qu'il faut s'opposer à de telles pratiques que le groupe socialiste votera cette résolution.
M. Pierre Vanek (AdG). Je suis un des auteurs de cette résolution, et, si je m'exprime seulement maintenant, c'est que cette résolution me paraît si évidente - et dans la continuité du préavis que nous avons voté sur le projet de loi initial qui a été retiré - que je ne pensais pas avoir à la défendre dans ce parlement.
J'ai écouté avec un grand intérêt et j'ai même applaudi notre collègue, Michel Balestra. En effet - et ce n'est pas tous les jours - un libéral nous a fait un plaidoyer contre le nucléaire et en faveur de l'énergie hydroélectrique ! Cela montre que les antinucléaires ont été convainquants et qu'il y a unanimité d'opinion dans ce Grand Conseil de la gauche à la droite - je ne dirai pas l'extrême-droite... (Remarque de M. Michel Halpérin.) C'est une nuance que je vous accorde volontiers, Monsieur Halpérin ! ...en tout cas sur le fait que le nucléaire est une mauvaise chose ; qu'il faut s'en débarrasser et que des énergies renouvelables, comme notamment l'énergie hydroélectrique, présentent toutes sortes d'avantages, indépendamment du fait que leur développement a été voulu par le souverain, par le biais de l'article 160C de la constitution. Son intervention m'a procuré un grand plaisir.
Par contre, si j'ai applaudi votre plaidoyer, je dois tout de même mettre quelques bémols aux conclusions auxquelles vous arrivez, Monsieur Balestra, en considérant que la libéralisation du marché de l'électricité serait le moyen de promouvoir l'énergie hydroélectrique... Je crois que vous le savez : tout ça c'est du baratin, même si effectivement l'énergie hydroélectrique, qu'on le veuille ou non, a un avenir dans ce pays et que les barrages continueront à être exploités ! Le problème c'est qu'avec la guerre des tarifs et le dumping - on a parlé de dumping salarial hier en matière de travail - qui s'annonce en matière de courant à bas prix, on court le risque que les barrages soient rachetés par de grands groupes transnationaux et de se retrouver - c'est une appréciation tout à fait réaliste - dans cinq, dix ou quinze ans, avec un marché mondial de l'énergie contrôlé par un ou deux monopoles ou oligopoles. Nous serions donc bien loin de la concurrence idéalisée prêchée par les libéraux.
Comme «Le Matin» le relevait dimanche dernier, la menace de l'atome français à bas prix est réelle avec son parc nucléaire surdimensionné créé sans débat démocratique et qui ne répondait même pas à des règles de marché, mais à un programme étatiste, dirigiste, volontariste, d'investissement dans un secteur, pour des raisons d'Etat, dans un secteur piloté par un commissariat à l'énergie atomique qui mariait la bombe atomique française, le cocorico et le développement des centrales françaises ! Vous me l'accorderez, Monsieur Balestra, les conditions dans lesquelles a été créé ce parc n'ont que peu de choses à voir avec le libéralisme...
Les investissements sont faits. Les dirigeants de ce secteur ont la possibilité de faire du dumping et tentent de nous empêcher de faire les investissements nécessaires pour rénover, par exemple, notre centrale hydroélectrique de Chancy/Pougny qui accroîtra de manière considérable notre apport d'énergie. Pas seulement d'énergie hydroélectrique dont vous avez vanté les mérites, Monsieur Balestra, mais aussi d'énergie indigène, énergie qui n'a pas de pertes, en terme de transport, sur des lignes à haute tension sur des centaines de kilomètres.
La libéralisation telle qu'elle est faite et telle que le Conseil fédéral nous la propose aujourd'hui, c'est-à-dire à marche forcée et bien plus vite que ne l'imposerait la directive européenne si nous étions membres de l'Union européenne, va tout à fait a contrario de votre attachement à l'énergie hydroélectrique, Monsieur Balestra. Il faut donc mettre un terme à cette libéralisation !
Par ailleurs, notre serment qui nous lie à la constitution de notre canton - vous l'avez lu tout à l'heure, Monsieur Balestra, lors d'un autre débat - stipule que nous devons : la respecter et tenter de la mettre en oeuvre selon les lumières de nos consciences et de nos intelligences. Or l'article 160C, en son alinéa 3, lettre d), indique que, dans le secteur de l'approvisionnement et la transformation d'énergie, la tarification de l'énergie électrique doit être conforme aux objectifs antinucléaires de celle-ci. Vous le savez bien, Monsieur Balestra ! La libéralisation sauvage qui est en train de s'installer dans ce domaine, tout du moins par ceux qui la prêchent et qui refusent d'y mettre le holà, empêchera gravement - je ne dirai pas de façon inéluctable, parce qu'on peut toujours essayer de se battre - le canton, et la Suisse aussi, de mener une politique de l'énergie digne de ce nom à long terme, comme les nucléocrates français l'ont fait, à leur manière et en vue d'atteindre leurs objectifs, en investissant dans leur parc nucléaire. On ne peut pas mener une politique de l'énergie à court terme. En effet, les barrages que vous avez évoqués sont des installations qui vont durer et qui ont un avenir, quel que soit leur caractère «non rentable» par rapport aux tarifs issus de la libéralisation sauvage... Votre raisonnement est spécieux ! La politique énergétique doit être menée dans le long terme, qui est contradictoire avec les lois du marché.
Le premier projet de loi sur l'ouverture des marchés de l'électricité prévoyait des taxes, des compensations. Tout un débat a eu lieu à ce sujet. Tout cela a été écarté du projet, sous prétexte que cela sera traité à part dans le cadre des taxes sur l'énergie qui sont débattues au Conseil national et au Conseil des Etats - M. Velasco y a fait allusion. Alors, bien sûr, Monsieur Balestra, vous n'êtes en principe pas très partisan des taxes. Moi, je suis opposé à cette libéralisation et je suis favorable à une politique publique de fixation des tarifs. Mais avec votre conception, Monsieur Balestra, vous mettez le doigt... (Le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur Vanek, vous devez conclure !
M. Pierre Vanek. Il y aurait lieu d'introduire des garde-fous quant aux effets désastreux du dumping électrique que j'ai évoqué, car il semble que, pour l'instant, les mesures sont parfaitement insuffisantes. Monsieur Balestra, la menace de l'atome français à bas pris est réelle pour la Suisse, pour l'Allemagne aussi, où EDF, monopole d'Etat, est en train d'acheter des pans entiers de l'industrie électrique allemande. Je lis... (Le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur Vanek, vous avez dépassé votre temps de parole, je vous prie de conclure !
M. Pierre Vanek. «Quarante mille emplois perdus dans l'industrie électrique en Allemagne» : c'est aussi ce qui nous guette en Suisse, si on suit les sirènes de M. Balestra !
M. Olivier Vaucher. Tu peux pas parler dans le micro ?
M. Pierre Vanek. Tu ne m'as pas entendu, Vaucher ! Tu veux que je répète ?
Mme Salika Wenger (AdG). Lorsque nous parlons de développement durable, il ne s'agit pas seulement du concept simpliste qui voudrait que nous considérions la Terre comme un jardin d'Eden mythique, intouchable en ce qui concerne la faune et la flore.
Nos prétentions sont d'un tout autre ordre. Nous ne voulons pas léguer à nos descendants un monde où tout ce qui touche à la vie dépend des fluctuations ô combien imprévisibles du marché. L'eau est l'un de ces éléments, et l'électricité son corollaire. Le Conseil fédéral, toujours pressé d'obtempérer devant les injonctions de la grande finance, a décidé d'accélérer la cadence de la libéralisation du marché de l'électricité en laissant dans l'ombre la résolution d'un certain nombre de problèmes préoccupants, qui sont cités dans cette présente résolution.
Aussi, en plus de vous inviter, Mesdames et Messieurs, à voter cette résolution, nous demandons que le Bureau du Grand Conseil soit chargé de la diffuser aux Grands Conseils de tous les autres cantons ainsi qu'aux conseils municipaux des grandes villes de Suisse, afin que, comme Genève, leurs instances se mobilisent pour résister à cette nouvelle attaque contre les services publics. Je vous remercie.
M. Georges Krebs (Ve). La libéralisation ne doit en effet pas être trop rapide. Il faut que le marché de l'électricité puisse absorber ce changement brutal.
La libéralisation du marché présente un autre inconvénient : les bas prix vont nous donner l'illusion que l'énergie électrique est un bien disponible à profusion, alors que toute consommation d'énergie a un impact important sur l'environnement. Les collectivités publiques sont en majeure partie propriétaires des installations électriques et doivent donc être protégées. C'est pour cela qu'il est absolument nécessaire d'accepter cette motion pour mettre des cautèles à une libéralisation trop rapide du marché.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée à l'Assemblée fédérale.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(403)sur la libéralisation du marché de l'électricité
Qu'il a également refusé de prévoir dans ce projet de loi une disposition protégeant les investissements non amortissables des centrales hydroélectriques, ce qui risque de mettre en péril de telles centrales réalisées récemment, comme les installations, à peine inaugurées, de Cleuson-Dixence, qui visent une meilleure utilisation des énergies renouvelables et vont dans le sens d'un remplacement du recours à l'énergie nucléaire.
Vu les demandes contenues dans la résolution 364 annexée à la présente résolution et adoptée par notre Conseil le 24 avril 1998 qui formule un préavis du canton de Genève quant au projet précédent de loi fédérale sur cette question.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
invite l'Assemblée fédérale
en raison notamment des menaces de dumping d'électricité d'origine nucléaire provenant de l'étranger, à tenir compte du danger que représente la libéralisation du marché de l'électricité pour l'énergie hydroélectrique suisse, qui est notre principale ressource naturelle indigène et qui est vitale pour notre indépendance économique ;
en cas d'adoption du projet de loi sur le marché de l'électricité, à prévoir des mesures minimales de protection comme la prolongation de 3 ans au moins du délai de 6 ans prévu dans le projet de loi portant sur l'ouverture intégrale du marché suisse de l'électricité ; ainsi qu'une pause au bout de 5 ans avant de décider - à ce moment-là - s'il faut poursuivre la libéralisation ou la freiner ; et à prévoir dans la loi une disposition protégeant les investissements dans le domaine des centrales hydroélectriques.
M. Michel Balestra (L). Monsieur le président, je ne sais pas si ne n'ai pas été attentif, mais il me semble qu'il n'a pas été prévu formellement de traiter l'initiative 114. Or, je remarque que le délai pour la renvoyer à la commission législative afin de discuter de sa validité est au 25 septembre. Alors, même si je sais que l'initiative 114, bien qu'elle soit excellente - tout le monde en convient... - risque d'engendrer un débat fleuve, il me semble que nous devons respecter les délais et, pour ce faire, je demande que nous la renvoyions sans débat à la commission législative, de manière que celle-ci puisse se prononcer sur sa validité.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'allais vous proposer de traiter une série de points que nous devons absolument traiter encore ce soir. Il est 22 h 45. Il s'agit des points 82, projet de loi 8092, et 83, projet de loi 8095, que nous pourrions traiter en discussion immédiate. Puis, le point 87, l'initiative 114. Mais, puisque M. Balestra vient d'évoquer l'initiative 114, je vous propose formellement de faire un vote de renvoi en commission ou d'ouvrir le débat, si certains veulent prendre la parole. Vous ouvrez les feux, Monsieur Velasco ! Vous avez la parole.
M. Alberto Velasco (S). On m'a demandé de faire un rapport en toute urgence que j'ai fini à environ 3 h du matin, et je constate que nous n'allons pas le traiter ce soir... Ce rapport concerne le projet de loi 8071-A-I sur les travaux pour un immeuble sis rue des Acacias. Il me semble qu'il serait logique que nous le traitions ce soir, vu qu'on a exigé de moi de présenter ce rapport en une soirée. (Exclamations.)
Une voix. Moi, je suis d'accord !
Le président. Nous allons tout d'abord passer à l'initiative 114.
IN 114
Le Groupement Transports et Economie a lancé l'initiative populaire intitulée "; Pour le libre choix du mode de transport ", qui a abouti.
Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
25 juin 1999
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
25 septembre 1999
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
25 mars 2000
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
25 décembre 2000
5
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
25 décembre 2001
Initiative populairePour le libre choix du mode de transport
Les citoyens et citoyennes soussignés, électeurs et électrices dans la République et canton de Genève, demandent, en vertu des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, que la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) soit modifiée comme suit :
Article unique
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:
Art. 160A Choix du mode de transport (nouveau, l'art. 160A actuel devenant l'art. 160C)
La liberté individuelle du choix du mode de transport est garantie.
Art. 160B Principes (nouveau, l'art. 160B actuel devenant l'art. 160D du titre XC)
1 Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral, de manière à assurer un équilibre entre les divers modes de transport. Il doit répondre aux besoins de mobilité de la population, des entreprises et des visiteurs par une bonne accessibilité de l'agglomération urbaine et de l'ensemble du territoire cantonal.
2 Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral, par les autorités cantonales de manière à assurer la meilleure fluidité possible du trafic privé, ainsi qu'une accessibilité optimale au centre ville en complémentarité avec les transports publics.
3 L'objectif énoncé à l'alinéa 2 est réalisé de la manière suivante :
EXPOSÉ DES MOTIFS
La conception globale de la circulation à Genève (C2000) ainsi que la nouvelle version encore en discussion (C2005) ont pour but de rendre encore plus difficile le trafic privé et cela dans des proportions inacceptables et contraires au principe de complémentarité voté par le peuple en 1975. Pour preuve la diminution du volume du trafic qui est prévue (30 à 50 %) par le biais de mesures contraignantes (rétrécissement de la chaussée, suppression de voies de circulation, etc.).
Ces mesures ont clairement pour but de porter atteinte à la liberté de choix du mode de transport et de décourager les utilisateurs d'un véhicule privé, afin de les contraindre à se rabattre sur les transports publics ! De nombreuses personnes ont un besoin impératif d'un véhicule privé dans le cadre de leurs activités sociales et professionnelles, lesquelles se trouveraient considérablement entravées. Dans de nombreux cas, la voiture représente le mode de transport le plus rapide et le plus approprié, dans la mesure où les transports publics ne couvrent de loin pas tous les besoins.
Dans l'absence d'un cadre constitutionnel fixant les principes à respecter, les conceptions globales de circulation (C2000 et C2005) reflètent trop d'options technocratiques et de pressions partisanes. Elles pourraient aller largement au-delà de l'objectif déclaré. En voulant supprimer, sans mesures d'accompagnement et de substitution appropriées, les trafics pendulaires et de transit, par exemple par la simple création artificielle de discontinuités d'axes et de poches étanches, les mesures envisagées pénaliseront lourdement l'accès même à certains secteurs, notamment en ville, ainsi que la circulation des véhicules privés et professionnels à l'intérieur de certains quartiers.
C'est pourquoi l'initiative vise à donner un cadre constitutionnel - à préciser ultérieurement par la loi - qui permettra notamment d'organiser la hiérarchie du réseau des routes de manière claire et précise, et ceci dans le respect des institutions démocratiques. La garantie du libre choix du mode de transport assurera l'accessibilité à l'ensemble du territoire, à l'agglomération urbaine comme à la campagne, par un équilibre entre les différents modes de transport. On réconciliera ainsi les besoins de mobilité avec les contraintes de la gestion du trafic et de la préservation du cadre de vie.
IN 114-A
Rapport du Conseil d'Etatau Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative 114 "; Pour le libre choix du mode de transport "
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 23 juin 1999, publié dans la Feuille d'avis officielle du 25 juin 1999. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation, qui doit intervenir dans un délai de trois mois suivant la constatation de l'aboutissement de l'initiative, conformément à l'article 119A de la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01). En l'espèce, ce délai arrive à échéance le 25 septembre 1999. Le Grand Conseil doit donc traiter cet objet lors de sa session des 23 et 24 septembre 1999. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.
1. Validité de l'initiative
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative "; Pour le libre choix du mode de transport " (IN 114) ne pose pas de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de l'analyse qui suit.
1.1 Recevabilité formelle
1.1.1 Unité de la matière
Le respect de ce principe, dont le contenu relève du droit fédéral, postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il peut être répondu par "; oui " ou par "; non ".
Dans le présent cas, l'initiative 114 propose de modifier le contenu des titres XB, XC et XD de la Constitution genevoise, par l'adjonction de nouveaux articles 160A et 160B au titre XB, les actuels articles 160A, 160B et 160C devenant respectivement les (nouveaux) articles 160C du titre XB, 160D du titre XC et 160E du titre XD. Sur le fond, le contenu des titres XC et XD de la Constitution genevoise n'est donc pas modifié. La nouvelle teneur des articles 160A et 160B est par ailleurs entièrement rédigée.
Dans ces conditions, il peut être répondu par "; oui " ou par "; non " aux modifications constitutionnelles proposées, qui sont l'objet d'une unique question. L'initiative 114 satisfait dès lors au principe de l'unité de la matière.
1.1.2 Unité de la forme
Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1 de la Constitution genevoise) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.
S'agissant en l'espèce d'une initiative constitutionnelle rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65A de la Constitution genevoise, l'unité de la forme est respectée.
1.1.3 Unité du genre
L'unité du genre, ou unité normative (article 66, alinéa 1 de la Constitution genevoise) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.
Dans le présent cas, l'unité du genre est respectée, puisque l'initiative dont il est question propose exclusivement une révision partielle de la Constitution genevoise, par une modification de ses titres XB, XC et XD et l'adjonction de deux nouveaux articles 160A et 160B.
1.2 Recevabilité matérielle
1.2.1 Conformité au droit
Selon ce principe, une initiative cantonale doit avoir un contenu conforme au droit supérieur, c'est-à-dire compatible avec l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international. Une initiative ne peut cependant être invalidée sous ce rapport que si elle ne se prête à aucune interprétation compatible avec le droit supérieur.
En principe, il ne suffit pas que l'objectif poursuivi par l'initiative soit conforme au droit supérieur, il faut encore que les moyens proposés pour atteindre cet objectif ne soient pas contraires à ce droit. Dans le cas d'une initiative rédigée en termes généraux, il faut prendre en considération la latitude d'appréciation dont dispose le législateur lors de la concrétisation ultérieure du texte. Il appartient alors au législateur de choisir parmi les solutions possibles pour atteindre les objectifs fixés par les initiants celles qui sont conformes au droit fédéral.
En outre, l'initiative doit être interprétée de manière conforme à la Constitution fédérale. L'initiative ne peut être déclarée contraire au droit supérieur que si elle ne se prête pas à une telle interprétation.
A teneur de l'article 37 bis, alinéa 2, 1re phrase, de la Constitution fédérale, "; les cantons conservent le droit de limiter ou d'interdire la circulation des automobiles et des cycles ". Cependant, "; la Confédération peut (...) déclarer totalement ou partiellement ouvertes certaines routes nécessaires au grand transit ". De plus, "; l'utilisation des routes pour le service de la Confédération demeure réservée " (art. 87, al. 2, 2e et 3e phrases, de la Constitution fédérale).
Il apparaît ainsi que les cantons sont compétents, dans une très large mesure, pour définir la politique des déplacements qu'ils estiment nécessaire sur leur territoire, en favorisant les moyens de transport soit privés, soit publics, étant ajouté que l'interdiction pure et simple et à large échelle de l'usage de moyens de transport privés n'est pas compatible avec la liberté personnelle garantie par la Constitution fédérale.
L'entrée en vigueur de la révision de la Constitution fédérale approuvée par le peuple et les cantons le 18 avril 1999 ne changera pas ce qui vient d'être examiné. En effet, selon l'article 82, alinéa 2 de la Constitution fédérale révisée, la Confédération "; exerce la haute surveillance sur les routes d'importance nationale " et "; peut déterminer les routes de transit qui doivent rester ouvertes au trafic ".
De plus, l'article 87 de ladite Constitution dispose que "; la législation sur le transport ferroviaire, les téléphériques, la navigation, l'aviation et la navigation spatiale relève de la compétence de la Confédération ". Les transports automobiles ne sont pas visés. Enfin, l'article 1, alinéa 2, qui traite du "; droit à la vie et liberté personnelle ", garantit expressément le droit à la liberté de mouvement pour tout être humain.
Dans le présent cas, l'initiative 114 traite d'un sujet qui relève bien de la compétence du canton et ne prévoit aucun moyen contraire au droit en tant que tel. De plus, l'article 160B réserve, dans sa nouvelle teneur, les limites du droit fédéral quant aux principes (al. 1) et objectif (al. 2).
Dès lors, l'initiative 114 ne s'avère pas contraire au droit supérieur.
1.2.2 Exécutabilité
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une initiative cantonale doit pouvoir être réalisée dans la pratique, être exécutée, faute de quoi elle doit être considérée comme invalide. Le Tribunal fédéral précise cependant que l'inexécutabilité doit être manifeste, ce qui signifie qu'aucune interprétation soutenable de l'initiative ne permet d'envisager qu'elle puisse être exécutée. A contrario, dans la mesure où une interprétation permet d'envisager, même dans des conditions difficiles, son exécutabilité, la décision sur ce point appartient au peuple et non aux seules autorités.
Dans le cas particulier, l'on ne saurait prétendre que l'initiative 114 est inexécutable. Certes, elle peut poser des problèmes d'interprétation en relation avec son exécutabilité, mais ces problèmes n'empêchent pas qu'elle soit exécutable. En conséquence, l'initiative 114 ne saurait être considérée comme invalide pour cause d'inexécutabilité.
2. Prise en considération de l'initiative
Le Conseil d'Etat, après avoir examiné le contenu de l'initiative 114, tient à s'exprimer sur trois axes distincts, à savoir :
a) sur les propositions contenues au sein de l'initiative ;
b) sur la politique et sur les actions qu'il a menées dans le domaine des déplacements ;
c) sur les actions qu'il entend mener ces prochaines années en la matière, basées sur une approche régionale de la problématique
C'est sur cette base qu'il exprime ensuite ses recommandations au Grand Conseil sur la suite à donner à l'initiative.
2.1 Prise de position en rapport avec le texte proposé au sein de l'initiative 114
2.1.1 Article 160A / Choix du mode de transport
"; La liberté individuelle du choix du mode de transport est garantie "
Le Conseil d'Etat soutient déjà sans équivoque le principe de la liberté individuelle du choix du mode de transport. Comme déjà explicité, ce droit à la liberté de mouvement pour tout être humain est garanti par l'article 10, alinéa 2 de la Constitution fédérale révisée.
Le Conseil d'Etat est convaincu que c'est à l'Etat d'assurer les réelles conditions de ce libre choix, en veillant à ce que chaque mode de transport soit traité sur un pied d'égalité, afin qu'il puisse offrir à chaque usager les conditions de déplacement qui répondent autant que faire se peut à ses besoins et aspirations.
En conséquence, l'Etat doit veiller à ce que chaque mode de transport puisse mettre en valeur les attraits spécifiques de son usage dans les domaines du coût, du confort et de la sécurité. Telle la liberté du commerce, la liberté du choix du mode de transport n'est réelle que dans des conditions où la notion de concurrence n'est pas écartée. L'Etat a donc un rôle déterminant à jouer et c'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat détermine sa politique des déplacements, en mettant en oeuvre des actions favorisant l'attractivité de l'ensemble des moyens de transport.
Le Conseil d'Etat est également convaincu que sa politique des déplacements, même empreinte d'une volonté d'assurer la liberté du choix du mode de transport, se doit de ne pas occulter le fait qu'une partie importante de la population ne dispose que partiellement de cette liberté. Les familles sans voiture (40 % dans les grandes agglomérations suisses), les personnes âgées, les jeunes, les personnes handicapées même temporairement, ou à revenus très modestes, sont les principaux "; captifs " de certains modes de transport. En d'autres termes, ces personnes n'ont pas d'autre choix, pour leurs déplacements, que les transports publics, le vélo ou la marche. Une politique des déplacements qui ignorerait cette réalité ne pourrait prétendre à une réelle liberté de choix du mode de transport.
Le Conseil d'Etat est donc décidé à poursuivre une politique des déplacements au service de tous, dans l'esprit d'une complémentarité équilibrée, sans favoritisme pour un mode de transport ou un autre. Il remplit ainsi sa mission qui consiste à veiller à ce que l'impact de l'utilisation de tel ou tel mode de transport ne soit pas un frein à l'atteinte de ses autres objectifs d'ordre économique, écologique ou social. Il s'assure en définitive que la liberté de choix du mode de transport s'accompagne d'une amélioration durable de la qualité de vie.
2.1.2 Article 160B, alinéa 1 / Principes
"; Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral, de manière à assurer un équilibre entre les divers moyens de transport. Il doit répondre aux besoins de mobilité de la population, des entreprises et des visiteurs par une bonne accessibilité de l'agglomération urbaine et de l'ensemble du territoire cantonal "
L'expression "; dans les limites du droit fédéral " s'inscrit dans le principe fondamental du fédéralisme consacré au plan constitutionnel. Le Canton dispose de l'ensemble des compétences qui ne sont pas expressément dévolues au pouvoir fédéral.
Il convient cependant de rappeler ici les principaux textes législatifs susceptibles d'interférer avec la conception et l'organisation des réseaux cantonaux et communaux, ressortissant des compétences de la Confédération :
la loi sur la circulation routière (LCR) ;
la loi sur l'aménagement du territoire (LAT) ;
la loi sur la protection de l'environnement (LPE) ;
l'ordonnance sur la protection de l'air (OPAIR) ;
l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB).
Ces textes fédéraux ont un impact certain sur l'organisation des réseaux de transport, en particulier dans le domaine de l'environnement. Les libertés et principes fondamentaux garantis par la Constitution fédérale limitent également les prérogatives des autorités cantonales et communales dans le domaine des déplacements.
Le Conseil d'Etat s'attache depuis plusieurs années à rechercher, par sa politique des déplacements, à répondre aux besoins de mobilité de la population, des entreprises et des visiteurs, par une bonne accessibilité de l'agglomération urbaine et de l'ensemble du territoire cantonal.
Il se heurte cependant, dans ses efforts de développement harmonieux, à une progression galopante de la demande de mobilité des personnes et des marchandises, sans pour autant disposer toujours des espaces ou moyens financiers qui seraient nécessaires pour apporter les améliorations qu'il conviendrait de qualifier d'optimum. Ainsi, comme dans la gestion d'autres politiques publiques, le Conseil d'Etat est contraint de faire des choix, d'opérer par priorités et de procéder à une hiérarchisation par type de besoins en termes de déplacement, tout en tenant scrupuleusement compte d'intérêts indissociables même s'ils paraissent pour certains antagoniques : la sauvegarde simultanée de l'économie locale et régionale d'une part et de l'environnement d'autre part.
La mobilité augmente non seulement en termes de déplacement, mais également en termes de prestations. Le niveau de vie de la population suscite en effet une augmentation du nombre de déplacements, notamment dans les domaines des loisirs et des transports de marchandises. La progression de la vitesse et le confort de la plupart des moyens de transport exercent aussi de fortes pressions sur l'aménagement du territoire et l'économie de marché et génèrent par là une forte progression des prestations kilométriques.
Toute l'histoire démontre que l'avenir se situe dans une adéquation optimum de la capacité et de la vitesse des moyens de transport. Sur les longues distances, le Jumbo a supplanté le Concorde. Sur les moyennes distances, les trains à haute performance tels que le TGV constituent de plus en plus une véritable alternative à la voiture, tout comme le train à vocation régionale et les trams doivent le devenir encore davantage pour les transports de masse au sein des agglomérations. L'explication réside dans le fait que la vitesse génère de manière asymptotique des coûts et des nuisances que seuls des moyens de transport de grande capacité sont capables de minimiser durablement pour chaque déplacement individuel.
En cela, la politique actuelle du Conseil d'Etat, qui tend à développer des systèmes de transport à forte productivité afin de valoriser au maximum le potentiel des réseaux existants, répond intégralement aux objectifs fixés aux plans européen, fédéral et cantonal, dans les domaines économiques, environnementaux et sociaux.
C'est en définitive la finalité et l'usage du transport qui sont les éléments déterminants du choix du mode de déplacement.
Le Conseil d'Etat est profondément convaincu qu'il s'agit de la meilleure manière d'assurer, à long terme, l'indispensable et fragile équilibre des prestations entre les différents modes de transport, nécessaire au maintien d'une accessibilité de qualité de l'agglomération pour ses destinataires.
2.1.3 Article 160B, alinéa 2 / Objectif
"; Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral, par les autorités cantonales de manière à assurer la meilleure fluidité possible du trafic privé, ainsi qu'une accessibilité optimale au centre-ville en complémentarité avec les transports publics "
A) La fluidité du trafic
Le Conseil d'Etat attache beaucoup d'importance à la problématique de la fluidité. Il est d'avis que la maîtrise des flux de trafic est indispensable pour assurer durablement la fluidité recherchée. Il observe, sur la base de nombreux exemples, que la construction de nouvelles infrastructures routières n'a en principe qu'un effet passager sur la fluidité. L'évolution du trafic sur les routes cantonales, parallèles au réseau autoroutier, le démontre.
La maîtrise du trafic, qui consiste à prendre des mesures d'accompagnement à la construction de nouveaux ouvrages routiers, est indispensable à l'amélioration de la fluidité. Les mesures d'accompagnement à l'ouverture de l'autoroute de contournement de Genève décidées par le Conseil d'Etat ont permis d'assurer la construction, dans des conditions optimum reconnues par les milieux intéressés, des nouvelles lignes de tram 13 et 16. Ces nouvelles lignes de tram, par leurs qualités, présentent une alternative crédible à l'utilisation de l'automobile pour une part importante des déplacements d'agglomération.
L'utilisation accrue des transports publics a pour effet une diminution du trafic individuel. Cet effet se traduit par une meilleure fluidité qui à son tour permet de renforcer la qualité des prestations des transports publics. L'amélioration de la compétitivité et de l'attractivité des modes de transport alternatifs au véhicule individuel constitue ainsi, par impacts successifs, le principal élément d'amélioration de la fluidité. C'est l'amorce d'une spirale d'effets positifs que le Conseil d'Etat entend continuer à soutenir dans la mise en oeuvre de ses actions.
B) L'accessibilité du centre-ville
Le Conseil d'Etat, dans sa volonté permanente de soutenir l'économie genevoise et l'habitat, est particulièrement attentif à l'évolution de l'accessibilité du centre-ville. Celle-ci est largement conditionnée d'une part par la fluidité du trafic, d'autre part par l'offre en transports publics, la sécurité des piétons et des deux-roues, de même que les possibilités de stationnement des véhicules privés.
La politique du Conseil d'Etat consiste à mettre en place les conditions-cadres de mise en valeur du potentiel de développement des transports dans ce périmètre. Il est d'avis que les transports publics constituent le meilleur levier à sa disposition pour améliorer encore l'accessibilité unanimement recherchée pour celles et ceux qui ont quelque chose à faire au centre, au profit de l'économie et d'une qualité de vie de bon niveau.
Le domaine public n'étant pas extensible à souhait, l'usage de la voiture sur les axes d'évitement du centre favorise les déplacements dits de destination, au profit des visiteurs et clients, des livraisons, des services et des habitants. Le concept CIRCULATION 2000 (C2000) stipule d'ailleurs que le trafic de transit au centre-ville doit diminuer en faveur du trafic de destination. Les mesures de circulation mises en place dès 1993 ont déjà permis de diminuer le trafic de transit d'environ 40'000 véhicules par jour, au bénéfice d'une meilleure accessibilité globale.
La fluidité du trafic privé mise en exergue par les initiants, comme la fluidité au sens global, n'est cependant qu'un des nombreux facteurs susceptibles de favoriser le dynamisme économique du centre-ville.
C) La complémentarité
Le Conseil d'Etat entend bien évidemment continuer à promouvoir la complémentarité des différents modes de transport à disposition. Il est persuadé que la mise en valeur de chacun d'entre eux tend à une valorisation de l'ensemble.
La notion de complémentarité d'un gouvernement se doit d'être équilibrée et de correspondre à "; un juste milieu ", tenant compte des volontés politiques exprimées à tous les niveaux et des approches parfois assez contrastées des différents milieux intéressés.
Le Conseil d'Etat entend donc continuer à soutenir la complémentarité dans la voie qui est la sienne.
2.1.4 Article 160B, alinéa 3 / Moyens
"; L'objectif énoncé à l'alinéa 2 est réalisé de la manière suivante :
a) avant toute mesure restrictive affectant le trafic privé, des mesures de substitution et d'accompagnement adéquates sont mises en place pour améliorer la fluidité du trafic ;
b) la réduction du trafic pendulaire vers le centre-ville et la canalisation du trafic de transit à l'extérieur du centre-ville ne peuvent être décidées qui si des mesures de substitution et d'accompagnement sont préalablement mises en place, notamment par la réalisation d'ouvrages routiers ;
c) le stationnement des véhicules automobiles est organisé de manière à répondre aux besoins propres des divers usagers ".
Exception faite d'éléments marginaux et isolés ou sectoriels introduits pour des raisons de sécurité (modération du trafic), le Conseil d'Etat n'a pas mis en oeuvre des mesures restrictives affectant le trafic privé sans envisager des actions de substitution et d'accompagnement au profit d'ouvrages utiles au-dit trafic. Les mesures d'accompagnement à l'autoroute d'évitement de Genève, aux parcs de stationnement publics et à la modernisation de la signalisation lumineuse, figurent parmi les plus récentes.
C'est plutôt le contraire qui s'est produit, puisque les travaux de grande importance réalisés ces dernières décennies l'ont presque exclusivement été au profit du développement du réseau routier, aujourd'hui presque complètement achevé, longtemps sans véritables mesures d'accompagnement en faveur des autres modes de transport.
Le systématisme très rigoureux assorti d'un conditionnement sans équivoque que les initiants souhaitent inscrire dans la Constitution genevoise au sujet des mesures de sustitution et d'accompagnement fait craindre au Conseil d'Etat des blocages plus réguliers encore sur les actions qu'il se doit d'entreprendre, ayant pour corrolaire le développement d'un attentisme peu approprié dans une période où il doit faire face à de nombreux défis, non seulement dans le domaine des déplacements, mais de l'emploi également.
Enfin, pour ce qui touche au stationnement, le Conseil d'Etat rappelle que sa politique a obtenu l'assentiment de l'ensemble des partis politiques et qu'elle s'avère répondre aux besoins propres des divers usagers. Sous réserve d'adaptations mineures, cette politique sera menée à terme sans qu'il soit pour autant nécessaire de l'inscrire dans la Constitution genevoise.
2.1.5 Conclusion
Quant aux principes et objectifs proposés par les initiants, le Conseil d'Etat émet de sérieuses réserves quant à l'utilité d'inscrire dans la Constitution genevoise des textes génériques et peu précis supplémentaires, qui au demeurant correspondent d'ailleurs parfaitement à l'esprit des actions menées par le gouvernement depuis plusieurs années.
Pour ce qui a trait aux moyens, le Conseil d'Etat émet également de sérieuses réserves, pour d'autres raisons cependant. En effet, si les textes proposés venaient à prendre place dans la Constitution genevoise, le développement durable, complémentaire et équilibré souhaité par le gouvernement dans le cadre de sa politique des déplacements, ne serait plus garanti. Au contraire, sa volonté d'équilibre serait alors compromise.
Sur ce volet des moyens, l'approche des initiants à l'égard des systèmes de transport ne correspond pas aux concepts modernes de gestion urbaine et périurbaine des déplacements. L'absence de référence aux liens étroits que se doivent d'entretenir les transports avec l'aménagement du territoire et l'environnement milite en faveur de cette analyse. Les moyens préconisés penchent assez clairement et unilatéralement en faveur des transports individuels qui ne peuvent, pour le Conseil d'Etat, être appréhendés sans une approche systémique au sein de laquelle chaque mode de transport a son rôle à jouer.
Cette initiative illustre une fois de plus le consensus qui règne quant aux finalités recherchées et les divergences d'approche qui ressurgissent au moment de l'étude des moyens.
Le Conseil d'Etat est d'avis qu'il s'agit davantage de penser à un développement régional des déplacements, coordonné et de qualité, digne de l'entrée dans le siècle prochain, plutôt que de procéder à des revirements à l'évidence dommageables pour le franchissement d'étapes capitales pour le canton.
2.2 Les actions réalisées à ce jour à Genève
Le Conseil d'Etat tient à illustrer ses déclarations par les actes, en décrivant brièvement ceux qu'il a soutenus au cours de ces dernières années.
2.2.1 Les objectifs poursuivis
Les principales aspirations de la population en matière de déplacement sont connues du Conseil d'Etat : un système de transport efficace et bon marché, un air plus pur, moins de nuisances sonores, moins de problèmes de stationnement et une sécurité accrue pour l'ensemble des usagers. Dans le but d'y répondre, le Conseil d'Etat a suivi et suit toujours un plan d'actions basé sur des objectifs par ailleurs clairement fixés dans les textes législatifs cantonaux. En voici les principaux :
loi sur le réseau des transports publics ;
loi sur les Transports publics genevois ;
loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière ;
plan directeur des circulations (C2000, stationnement, modernisation du système de régulation du trafic) ;
plans de mesures OPAIR ;
plan directeur des itinéraires cyclables.
2.2.2 Les moyens mis en oeuvre
Depuis 1990, les principaux moyens mis en oeuvre par le Conseil d'Etat ou soutenus activement par ce dernier pour atteindre ses objectifs ont été :
a) Pour les voitures et les deux-roues motorisés
construction de l'autoroute de contournement de l'agglomération genevoise, accompagnée d'un nouveau plan de circulation au centre-ville (C2000). La construction de cet ouvrage routier capital pour Genève a permis d'augmenter d'environ 20 % le potentiel des prestations kilométriques des transports individuels sur le réseau principal ;
construction de nouveaux parkings visiteurs et habitants (Saint-Antoine, Les Cygnes, Les Arcades), accompagnés d'un système global de fléchage et d'information. Ces nouveaux parkings ont fait progresser l'offre de stationnement public au centre-ville d'environ 20 % ;
amélioration de l'utilisation des places publiques au centre-ville par la modernisation des parcomètres et la modification des durées de stationnement. L'augmentation du nombre de places payantes, les nouvelles zones de stationnement limitées à 30 minutes, la généralisation des zones bleues, sont autant de mesures qui ont augmenté l'accessibilité du centre-ville d'environ 30 %.
Le Conseil d'Etat constate en conséquence que dans le domaine de l'accessibilité au centre-ville, les objectifs de C2000 visant une progression jusqu'à 2002, sont en passe d'être atteints. Les objectifs qui concernent la diminution du trafic de transit et le développement des transports publics sont cependant encore en retrait des prévisions établies et souhaitables.
b) Pour les transports publics
construction des nouvelles lignes de tram 13 et 16 ;
amélioration de la vitesse commerciale des lignes de tram et de bus ;
amélioration des transports ferroviaires régionaux (ligne de la Plaine, projet de 3e voie ferroviaire entre Genève et Coppet).
Le Conseil d'Etat constate cependant nombre de retards par rapport aux prévisions, en raison des difficultés rencontrées lors de l'élaboration des projets souvent remis en cause par de nombreux groupes de pression et en raison de modifications d'orientation politique imposées par le Grand Conseil.
c) Pour les deux-roues légers
aménagement d'itinéraires cyclables cantonaux et municipaux ;
implantation d'installations spécifiques aux carrefours et aux croisements.
Dans ce domaine, un développement important a été enregistré au cours des premières années de la décennie. Le programme établi doit maintenant être poursuivi, raison pour laquelle le Conseil d'Etat a notamment soumis récemment une demande de crédit au Grand Conseil.
Pour ce qui touche aux développements prévus en milieu urbain, il convient de relever que les arbitrages que le Conseil d'Etat est appelé à réaliser entre adeptes du vélo et défenseurs de l'automobile ne sont pas toujours aisés.
d) Pour les piétons
nouvelles traversées protégées par des signalisations lumineuses ;
nouvelles signalisations lumineuses au profit des malvoyants ;
modération du trafic (zones 30 km/h / rues résidentielles / sécurité accrue aux abords des écoles, etc.).
Des progrès très significatifs ont été enregistrés ces dernières années. A quelques rares exceptions près, le consensus est de mise. Le manque actuel de moyens financiers est la cause principale du ralentissement des actions menées dans ce domaine.
e) Pour les pendulaires
amélioration de l'offre en parcs-relais (P + R Bernex, Moillesullaz). Un nouveau P + R est en construction au carrefour de l'Etoile. D'autres développements sont prévus à Sous-Moulin, à Genève-Plage, dans le secteur de Sécheron ainsi qu'au Bachet-de-Pesay.
Le Conseil d'Etat souhaite aller rapidement de l'avant dans ce domaine, qui nécessite une coordination aussi bonne que possible avec la politique de stationnement mise en oeuvre au centre de l'agglomération.
f) Pour les habitants et les commerçants
création de zones bleues avec macarons (stationnement illimité).
Le Conseil d'Etat se réjouit de la rapide évolution de ce dossier qui suscite une large adhésion auprès de la population urbaine et des milieux intéressés.
Pour les habitants, il convient également de citer la construction de parkings qui leur sont exclusivement destinés (Saint-Jean, Onex).
g) En matière de signalisation lumineuse
modernisation des installations pour améliorer la fluidité (carrefours "; intelligents " / phases en fonction du trafic réel) ;
acquisition de systèmes de gestion des transports publics performants pour les carrefours.
La modernisation du système de régulation du trafic répond à des exigences légales (introduction de la phase jaune avant le vert, vitesse commerciale minimum des transports publics fixée à 18 km/h) et techniques de rénovation de matériel totalement suranné. Les performances du nouveau système permettent des améliorations conséquentes pour l'ensemble des moyens de transport. Le bilan économique de ces nouvelles installations est globalement très satisfaisant et le Conseil d'Etat regrette que les contraintes budgétaires freinent la progression de ces actions, primordiales pour la qualité des déplacements, tous modes confondus.
2.2.3 La mise en application des actions entreprises
Le Conseil d'Etat a systématiquement veillé à ce que les objectifs définis répondent de manière équilibrée aux contraintes de l'économie et de l'environnement. Dans le cadre de chaque projet, une amélioration globale pour chaque mode de transport a été recherchée, dans le sens des grands principes de la complémentarité.
La généralisation de la concertation avec les parties concernées (partis politiques, associations d'usagers et groupes d'intérêt) a permis une meilleure prise en compte, chaque fois que cela était possible, des aspirations exprimées.
2.2.4 Conclusion
Avec le premier Trophée européen de la mobilité urbaine primant ce printemps la politique genevoise des déplacements menée par le Conseil d'Etat et soutenue par le Grand Conseil, le gouvernement est encouragé par la reconnaissance des efforts qu'il déploie avec les collectivités locales en faveur d'une mobilité durable.
Il tient en conséquence à persévérer dans la voie d'une approche globale de la mobilité, tenant compte de la nécessité de faciliter les déplacements des personnes et des biens, en assurant un bon développement économique de l'agglomération et du canton, tout en sauvegardant l'environnement et la sécurité.
2.3 Les actions envisagées pour les années à venir à Genève
L'objectif suprême de toute politique des déplacements est d'améliorer les conditions de mobilité. Il s'agit d'une nécessité économique, environnementale et sociale. C'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat tient à poursuivre son action dans une vision équilibrée de la problématique, où la notion de complémentarité a tout son sens. Il tient en conséquence à présenter ci-après brièvement son plan d'action pour les années à venir, ainsi que les mesures complémentaires qu'il compte entreprendre.
2.3.1 Les moyens à mettre en oeuvre
L'approche du Conseil d'Etat est basée sur la réalisation convergente d'actions tenant compte des principaux éléments suivants :
a) amélioration des conditions-cadres au profit de l'économie ;
b) développement de systèmes de transport respectueux de l'environnement ;
c) adéquation des systèmes de transport au développement régional en rapport avec l'aménagement du territoire ;
d) recours à des technologies et techniques de gestion nouvelles sur le plan de l'optimisation de l'usage du parc automobile ;
e) adéquation en termes de compétences et responsabilités politiques avec les collectivités locales ;
f) analyse constante des caractéristiques liées à la mobilité.
S'ajoute à cette énumération la volonté du Conseil d'Etat d'associer plus étroitement les milieux intéressés à l'examen des dossiers stratégiques en matière de déplacement.
A) Amélioration des conditions cadres au profit de l'économie
La facilité de déplacement des personnes et des marchandises est la condition première du développement économique. La préservation et l'amélioration de l'attrait de Genève, dont l'accessibilité est une composante essentielle, sont une priorité du Conseil d'Etat. Sa stratégie consiste donc à assurer des conditions d'accessibilité qui doivent faire de l'agglomération un pôle économique attractif. La politique des déplacements doit contribuer à promouvoir activement l'avenir de Genève en intégrant son accessibilité non seulement aux concepts de développement de l'agglomération, mais aussi à ceux de la région.
Le Conseil d'Etat va continuer d'optimiser l'exploitation des réseaux, afin de tirer parti au maximum des infrastructures de transport existantes, tout en favorisant le développement des nouvelles zones d'urbanisation à proximité des grandes infrastructures de transports publics.
Les efforts déployés par le Conseil d'Etat pour améliorer à moyen terme l'accès de Genève au réseau ferré français à haute performance (Paris à moins de 3 heures) vont dans le sens d'une amélioration des conditions liées aux relations économiques entretenues avec la France. L'attractivité touristique de Genève s'en trouvera par ailleurs renforcée.
Une hiérarchisation du trafic bien ciblée, couplée à la terminaison de l'adaptation des horodateurs de l'hypercentre pour les places de courte durée, contribuera à une accessibilité du centre-ville améliorée.
L'extension des secteurs avec macarons de stationnement habitants-commerçants associée à la construction des parcs-relais planifiés renforcera aussi l'accessibilité.
La réalisation des ouvrages routiers encore planifiés, au moment où les finances de l'Etat seront à même d'en absorber les frais d'investissement, permettra de parachever le réseau routier genevois.
Enfin, les investissements de l'Etat pour améliorer l'exploitation du réseau (régulation du trafic, signalisation, marquage, stationnement public) permettront d'augmenter la qualité des déplacements pour tous les modes de transport, de diminuer les coûts individuels et par-là d'améliorer les prestations, signe d'une meilleure productivité générale. Ces investissements s'élèvent à moins de 8 mios par an, soit une somme inférieure à 10 % du montant des dépenses routières. Il paraît indispensable au Conseil d'Etat d'augmenter rapidement la part de ces derniers en faveur des mesures d'exploitation. En effet, ceux-ci sont très nettement favorables au développement économique de l'agglomération, au profit d'une productivité globale induisant une spirale qualitative qui ne doit pas échapper aux décideurs politiques.
B) Développement de systèmes de transport respectueux de l'environnement
L'accessibilité au centre-ville connaîtra une amélioration par l'extension du réseau des transports publics telle que décidée par le Grand Conseil et l'augmentation de la vitesse commerciale. Le Conseil d'Etat est déterminé à aller de l'avant dans ce sens, les études économiques prospectives menées montrant que l'activité commerçante ne sera pas prétéritée pour autant. Le Conseil d'Etat ne va pas s'étendre sur ce sujet qu'il est bien entendu prêt à reprendre dans le détail lors de l'examen de l'initiative en commission. Les études dont il est question ont d'ailleurs déjà été remises l'hiver passé aux fractions politiques du Grand Conseil, ainsi qu'à la Commission des transports.
La réduction du trafic de transit au centre-ville et dans les quartiers doit être poursuivie, tout en favorisant le développement d'un véritable transfert modal de la périphérie vers le centre.
Il sera ainsi possible de maximiser la sécurité pour l'ensemble des modes de transport, contribuant à un meilleur statut pour les usagers des deux-roues et les piétons avant tout.
Les émissions polluantes connaîtront ainsi une diminution plus substantielle encore, au profit d'une meilleure qualité de vie.
C) Adéquation des systèmes de transport au développement régional en rapport avec l'aménagement du territoire
La planification des systèmes de transport au plan régional doit tenir davantage compte des développements envisagés en matière d'aménagement du territoire. Au surplus, le Conseil d'Etat doit de plus en plus intégrer dans ses réflexions et actions ses partenaires voisins que sont les représentants du canton de Vaud, de la région Rhône-Alpes et des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie.
C'est avec cette double approche que le Conseil d'Etat suit avec beaucoup d'attention les développements de Rail 2000, en particulier pour ce qui touche à la construction de la troisième voie Genève - Coppet, devant permettre une amélioration de la desserte sur le plan régional ainsi qu'avec l'agglomération lausannoise au moyen des convois directs.
C'est également dans cet esprit que le Conseil d'Etat mène les études de comparaison de réseaux qui aboutiront prochainement à la prise de décisions stratégiques capitales pour le développement régional, dans l'option d'un rapprochement de Genève notamment avec l'agglomération annemassienne et l'ensemble du Chablais, grâce à des liaisons par transports collectifs performants.
Une véritable communauté tarifaire à l'échelle franco-valdo-genevoise doit également connaître un développement aussi rapide que possible.
D) Recours à des technologies et techniques de gestion nouvelles en termes d'optimisation de l'usage du parc automobile
La densité de véhicules très élevée observée à Genève en rapport avec le nombre d'habitants et le dimensionnement peu extensible du réseau routier de l'agglomération incitent le Conseil d'Etat à soutenir le développement de nouveaux moyens de déplacement peu polluants, ne provoquant que peu d'encombrement, aussi bien sur la chaussée qu'en stationnement. Ces mesures doivent intervenir en complément d'un usage accru des deux-roues, tous types confondus, en fonction du créneau dans lequel ils sont attractifs.
Les pôles technologiques que sont le CERN, l'EPFL ainsi que les Universités de Lausanne et de Genève, sont un formidable vivier d'innovations technologiques. Plusieurs entreprises régionales maîtrisent par ailleurs les technologies les plus modernes. Le Conseil d'Etat estime en conséquence qu'une synergie accrue entre les pouvoirs publics, l'industrie et les centres de recherche et de formation technologiques doit être recherchée dans le domaine des modes de transport.
Le canton de Genève est par ailleurs particulièrement avancé dans l'utilisation des systèmes ITS (Intelligence Transport Systems). Il fait appel, pour cela, à des technologies développées dans d'autres pays, alors que des développements pourraient également être envisageables au niveau régional.
Le Conseil d'Etat souhaite ainsi collaborer, dans la mesure de ses moyens, au développement de technologies de pointe liées à l'exploitation du système de transport (signalisation routière, programmation de systèmes d'exploitation, développement de systèmes d'information, équipement des véhicules, techniques de conduite, etc.).
Il souhaite aussi encourager l'auto-partage, de même que le co-voiturage qui pourrait connaître un développement intéressant par le lancement d'actions de sensibilisation, voire d'incitation, par exemple avec le concours des milieux économiques de la région. Le principe de l'éco-conduite devrait aussi prendre une place plus large dans le domaine de l'instruction aux futures conductrices et futurs conducteurs.
E) Adéquation en termes de compétences et responsabilités politiques avec les collectivités locales
Le Conseil d'Etat est d'avis qu'une réflexion plus approfondie doit être menée sur les compétences et responsabilités politiques entre l'Etat et les collectivités locales. Une hiérarchisation du réseau devrait accompagner la négociation à entreprendre, de façon à optimiser les résultats en tirant davantage parti des ressources à disposition tout en tenant étroitement compte des sensibilités locales.
F) Analyse constante des caractéristiques liées à la mobilité
Le Conseil d'Etat doit disposer d'informations fiables au niveau des statistiques, des évaluations d'impact, etc. A cet effet, le DJPT travaille, en collaboration avec les instances régionales, à la création d'un observatoire des déplacements, dont l'objectif consiste à analyser l'évolution du système des transports genevois et à procéder à une démarche adaptative. Cette démarche, spécifiquement orientée sur des projets concrets, est conçue pour parvenir, par étapes, à analyser les conditions de déplacement à Genève.
La planification adaptative prévoit des étapes de mise en oeuvre progressive du plan de circulation, liées à des projets de transport spécifiques. Une évaluation-bilan de l'impact de chaque étape, tant sur la mobilité et l'accessibilité que sur l'économie locale et l'environnement, devra systématiquement être envisagée. Cela pourra éventuellement permettre une reformulation de l'étape suivante, en apportant ainsi les correctifs nécessaires.
L'étape "; évaluation-bilan " implique une très bonne connaissance des données en matière de transport (indicateurs). Il est particulièrement important de pouvoir étudier l'évolution, au cours du temps, de différents indicateurs relatifs aux déplacements. Ces données constituent les éléments de base permettant de reformuler le cas échéant l'étape suivante.
L'observatoire des déplacements, outil de gestion et de monitoring à l'échelle régionale, a pour but de collecter les données permettant aux politiques et aux techniciens, mais aussi à la population, de se faire une idée plus précise du système genevois des déplacements et de ses impacts. Le débat démocratique s'en trouvera ainsi enrichi, en étant davantage basé sur des données difficilement contestables et donc largement reconnues.
L'étude de l'évolution d'indicateurs généraux, tels que ceux concernant la mobilité, les aspects socio-économiques ou encore les charges de trafic sur les réseaux principaux, est un outil important pour l'élaboration de tout projet de transport. La mise à jour régulière d'une telle base de données sera absolument indispensable.
Enfin, le Conseil d'Etat a décidé récemment d'associer plus étroitement et en formation restreinte les milieux intéressés à l'examen des dossiers stratégiques dans le domaine des déplacements. C'est ainsi qu'il a constitué un organe exécutif à la Commission consultative de la circulation, dénommé "; Conseil des déplacements ", placé sous l'égide du DJPT.
Le Conseil d'Etat devrait ainsi disposer des outils nécessaires pour éviter les blocages institutionnels hélas rencontrés que trop souvent.
2.4 Conclusion
Le système de transport d'une région ne peut ni s'improviser, ni s'organiser au gré de revirements réguliers.
Le Conseil d'Etat se refuse à entrer dans tout débat idéologique et tient à respecter le rôle qui est le sien, notamment par rapport à ceux du Grand Conseil et de la population. C'est ainsi par exemple qu'il a tenu compte dans sa conception des déplacements du refus populaire sur la Rade qui a généré de nombreuses remises en question et qu'il s'attache à développer le réseau de transports collectifs comme il l'a promis lors de son discours de Saint-Pierre, en décembre 1997.
La politique des déplacements menée par le Conseil d'Etat correspond par ailleurs parfaitement aux axes retenus lors des Etats généraux sur la circulation menés avec les principaux acteurs des milieux intéressés et tient compte du contexte géopolitique genevois pris dans son ensemble ainsi que de la volonté du gouvernement d'offrir à Genève une réelle qualité de vie à laquelle chacun aspire.
La notion de complémentarité que le Conseil d'Etat défend lui paraît être la seule susceptible de permettre à un gouvernement de mener à bien sa politique des déplacements. La différence d'approche des initiants s'explique simplement d'après lui par le rôle différent qu'ils ont à jouer, en tant que groupe de pression.
Pour illustrer ce propos, il est intéressant de relever qu'à l'heure où le Conseil d'Etat exprime sa position par rapport à l'initiative 114, le Conseil fédéral a pris position sur une autre initiative, cette fois fédérale bien sûr,"; visant à réduire de moitié le trafic motorisé afin de maintenir et d'améliorer les espaces vitaux (initiative pour la réduction du trafic) ", réduction qui devrait être réalisée en l'espace de dix ans. Il recommande son rejet, sans lui opposer de contre-projet.
On le voit, le rôle des gouvernements consiste à développer une politique des déplacements à tous les niveaux dans un souci d'équilibre entre volontés en présence.
C'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil, même si l'initiative 114 "; Pour le libre choix du mode de transport " est valable (elle est recevable formellement et matériellement), de la rejeter sans lui opposer de contre-projet.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de renvoyer l'initiative 114 en commission sans débat.
IN 114
Mise aux voix, cette initiative est renvoyée à la commission législative.
IN 114-A
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le président. Bien, maintenant, nous prenons le point 82, Monsieur Valesco... (Rires et exclamations.) ...Monsieur Velasco, pardon ! Il s'agit du toilettage d'une loi issue d'un changement de département. Je vous propose donc de traiter le point 8092.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En date du 26 mai 1994, le Grand Conseil a constitué un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie alimenté, à concurrence de 3 millions de francs au maximum, par les sommes provenant des confiscations ou des dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants ainsi que par celles dues et versées à la caisse de l'Etat après exécution d'accords de partage conclus avec des autorités étrangères.
Ce fonds est affecté pour moitié aux organismes locaux publics et privés travaillant à la prévention de la toxicomanie et dont l'utilité concerne la population genevoise, partie gérée par le Département de l'action sociale et de la santé, tandis que l'autre moitié doit être affectée à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers monde.
A teneur de la loi actuelle, cette deuxième moitié est gérée par le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie. Or, dans le cadre des restructurations intervenues suite à l'entrée en fonction du Conseil d'Etat actuel, la direction des affaires extérieures - qui est de fait en charge de cette partie du fonds drogue - est désormais placée sous la responsabilité du Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures.
C'est la raison pour laquelle un changement purement formel de département vous est proposé à l'article 3, alinéa 2 de la loi portant création dudit fonds.
Au bénéfice de ces explications nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver au présent projet de loi un accueil favorable.
Préconsultation
M. Claude Blanc (PDC). Monsieur le président, comme vous venez si bien de le dire, ce projet n'est qu'un toilettage consécutif à un changement de titulaire de département. Il n'est donc pas utile, à mon avis, d'engager des frais de travail de commission. Je propose donc que nous votions ce projet de loi en discussion immédiate.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8092)modifiant la loi sur la création d'un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie (E 4 70)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur la création d'un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie, du 26 mai 1994, est modifiée comme suit :
Art. 3, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures est chargé de la gestion de l'autre moitié du fonds qui doit être affectée à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers monde.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Un terrible tremblement de terre s'est déroulé dans l'ouest de la Turquie causant la mort et la disparition de plusieurs milliers de personnes et laissant plusieurs centaines de milliers de personnes sans habitation.
Les moyens manquent cruellement tant pour les soins aux blessés que pour l'aide aux sans-abri.
A cet effet, un appel lancé le 17 août 1999 par la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en vue de réunir 10,5 millions de francs a été relayé par la Croix-Rouge suisse.
Le canton de Genève ne pouvant pas rester insensible à tant de souffrances, le Conseil d'Etat vous propose de répondre à cet appel par une contribution de 250 000 F à prélever sur la part 1999 du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Le Conseil d'Etat vous remercie de faire bon accueil au présent projet de loi : même s'il ne peut que rester modeste par rapport à l'immensité des besoins, il n'en est pas moins significatif de notre volonté de solidarité.
Préconsultation
M. Claude Blanc (PDC). Nous sommes déjà bien en retard... Comme je pense que ce projet de loi ne se discute pas, nous pouvons également le voter immédiatement. Je ne vois en effet pas ce qu'une commission pourrait apporter de plus à ce projet de loi !
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8095)accordant une subvention de 250 000 F à la Croix-Rouge suisse pour son action en faveur des victimes du séisme en Turquie
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1
1 Une subvention de 250 000 F est accordée à la Croix-Rouge suisse comme contribution de la République et canton de Genève à l'appel lancé par la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part 1999 du droit des pauvres attribuée à l'Etat (rubrique No 849900.365.99).
Art. 2
Un rapport circonstancié sur l'utilisation de ces fonds sera fourni en temps utile par la Croix-Rouge suisse.
La Commission des travaux, sous la présidence de M. Jean-Pierre Gardiol et Mme Anita Cuénod, s'est réunie les 29 juin 1999, 31 août et 7 septembre 1999, pour examiner le projet de loi 8071, déposé le 3 juin 1999 et renvoyé par le Grand Conseil en Commission des travaux lors de la séance des 24 et 25 juin 1999.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat chargé du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, ainsi que Mme la conseillère d'Etat M. Brunschwig Graf, cheffe du Département de l'instruction publique, ont participé aux travaux de la commission, assistés par les collaborateurs du DAEL : MM. F. Reinhard, directeur des bâtiments, R. Chapel, directeur adjoint de la direction des bâtiments et P. Perroud, service entretien et transformations ainsi que ceux du DIAE : M. M. Freid, directeur adjoint OCSTAT et du DIP : MM. J.-C. Mercier, délégué du conseil CTI, P. Mayenzet, CTI, N. Baumgatner, contrôle de gestion (CATI) et J.-P. Gillieron, telecom CTI.
Introduction
L'acquisition de ce bâtiment, construit il y a 28 ans et situé au 78-82, route des Acacias, s'insère dans le cadre de la politique visant à loger les services de l'Etat dans des locaux lui appartenant. Cela permettra, pour les services logeant dans des bâtiments privés, une économie sur les loyers qui seraient affectés à couvrir les charges financières correspondant à l'achat du bâtiment.
Le projet de loi 8071, déposé par le Conseil d'Etat, prévoit dans le montant du crédit d'investissement, 3 143 800 F pour les travaux et 2 049 000 F pour le mobilier et le déménagement. La commission, ayant estimé que la somme de 2 049 000 F pour l'acquisition de mobilier était excessive, n'est pas rentrée en matière sur ce montant. Néanmoins, elle a estimé que les travaux de rénovation, qui doivent permettre l'occupation de ces locaux, étaient impératifs. Le projet de loi à donc été scindé en deux, le projet de loi 8071-1 traitant des travaux, et le projet de loi 8071-2 traitant du mobilier, équipement et travaux.
A l'heure actuelle, ce bâtiment n'est toujours pas utilisé, et ceci alors que les charges financières devraient d'être compensées par des loyers économisés des différents services prévus dans ces lieux.
D'autre part, la partie dévolue à l'informatique a été réduite de manière à ce que puisse prendre place, dans ce bâtiment, l'Ocstat. La commission n'avait pas voulu que la totalité du CTI soit regroupée à cet endroit.
Visite des locaux
Afin de constater sur les différents lieux, les remarques émises par les différents services concernant l'exiguïté des locaux actuels et un mobilier soit-disant inadapté à une certaine qualité de travail, les commissaires se sont déplacés sur les lieux occupés par occupés par l'Ocstat.
M. Frei, directeur adjoint, conduit la commission dans les deux étages occupés par son service, au 8, rue du 31-Décembre. Il est vrai que ce service est à l'étroit, par contre une partie du mobilier semble récupérable.
Visite de l'immeuble 78-82, route des Acacias
M. Perroud fait visiter les lieux qui sont vides depuis l'achat de l'immeuble par l'Etat de Genève. Trois étages sont configurés en libre et seront subdivisés, selon les plans présentés à la Commission des travaux en juin dernier. Le 6e étage, déjà équipé, serait destiné à la direction du CTI. Le 2e étage sera dévolu à l'Ocstat.
Visite des locaux occupés par le CTI
M. Mercier conduit la commission à l'Hôtel des finances où se situent les locaux du CTI. Avec le projet PC 2000, ils rencontrent des problèmes de surfaces de locaux qui doivent recevoir 78 personnes. La partie « développement » n'ira pas aux Acacias. Les locaux ainsi libérés seront repris par le Département des finances qui les attend impatiemment. Quant au mobilier, une partie est parfaitement utilisable.
Eléments financiers
A) Coûts du projet
travaux préparatoires
25'000
bâtiments
2'976'800
aménagements extérieurs
130'000
frais divers
12'000
ameublement et décoration
0
honoraires
40'000
sous total 1
3'183'800
tva (7,5%)
238'785
sous total 2
3'422'585
fonds décoration
34'226
renchérissement
41'456
Total
3 498 297
Récapitulation de tous les groupes
3'183'800
Travaux préparatoires
25'000
Protections, aménagements provisoires
25'000
Bâtiment
3'016'800
Gros-oeuvre 1
67'000
Installations électriques
994'800
Chauffage, ventilation, conditionnement d'air
320'000
Installations sanitaires
30'000
Aménagements intérieurs 1
995'000
Aménagements intérieurs 2
570'000
Honoraires
40'000
Aménagements extérieurs
130'000
Conduites de racc. aux réseaux
130'000
Frais secondaires et compte d'attente
12'000
Autorisations, taxes
3'000
Echantillons, maquettes, reproductions doc.
9'000
Ameublement et décoration
0
Dépense nouvelle d'investissement
Crédit net proposé : Fr. 3 498 297.-
Charges financières annuelles (1)
Amortissement constant (50 ans à 2%) Fr. 69 965.-
Intérêts passifs moyens (4,25%) Fr. 74 338 .-
Total des charges financières Fr. 144 303 .-
Couverture financière (2)
Total des revenus = Fr. 0.-
(Recettes propres + Economies prévues)
Total des charges financières = Fr. 144 304.-
Coûts induits
(conciergerie, entretien, locaux, énergie, etc.) = Fr. 84 960.-
Total des charges = Fr. 229 264.-
Couverture du projet (insuffisance) = - Fr. 229 264
Discussion et vote
Lors de la discussion, les commissaires tiennent à souligner que lors du vote du projet de loi 7797-II, les montants estimés des travaux à effectuer pour l'aménagement des bureaux, et figurant sous forme de deux variantes, a et b, s'élevaient respectivement à 1 618 000 F et 2 960 000 F. Par souci d'économie, la commission avait incité le département à se rallier à la variante la moins onéreuse. Or , aujourd'hui, on nous présente un projet de loi qui demande un crédit d'investissement pour un montant de 5 749 649 F ! C'est contraire au souci exprimé par la commission.
Afin d'étayer l'argument de l'exiguïté des places de travail, le département nous fournit à titre de comparaison les chiffres suivants :
aujourd'hui, le CTI bénéficie de 7,5 m2 par personne ; aux Acacias, chacun aura 13,5 m2 ;
aujourd'hui, l'Ocstat bénéficie de 14,1 m2 par personne ; aux Acacias, chacun aura 16,5 m2. Ces chiffres démontrent qu'effectivement, ce bâtiment apporte une amélioration des conditions de travail.
Au sujet des coûts des travaux, il semble que le prix du m2 aux Accacias revient à 662 F, alors que lors de l'aménagement du bâtiment des SIG, le prix au m2 est arrivé à 1002 F.
L'estimation d'économie suite à améliorations des installations pourrait se chiffrer à 15 000 F par année ; de plus, ils espèrent une ristourne de la part des SIG pour ce type de travail qui sera entrepris. Cette économie devrait affecter les frais liés au fonctionnement et à l'entretien du bâtiment. Mais nous n'avons pas d'estimation concernant ce poste.
Enfin, pour certains membres de la commission, le vote de ce crédit ne doit pas être l'occasion de loger les 172 membres du CTI.
Soumise au vote, l'entrée en matière du projet est acceptée à l'unanimité (2 L, 2 R, 2 PdC, 3 S, 2 Ve, 2 AdG).
Après une relecture article par article, la majorité de la Commission des travaux s'est déclarée d'accord avec le projet, 11 oui (2 AdG, 2 PdC, 3 S, 1 Ve, 2 L, 1 R) moins 2 abstentions (1 R, 1 Ve) et recommande au Grand Conseil d'accepter le projet de loi 8071-1.
Projet de loi(8071)
ouvrant un crédit d'investissement pour les travaux de rénovationet d'aménagement du bâtiment sis 78-82, route des Acacias
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'investissement
1 Un crédit de 3 498 267 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour les travaux de rénovation, d'aménagement et d'équipement du bâtiment sis 78-82, route des Acacias.
2 Il se décompose de la manière suivante :
travaux
3 143 800 F
équipement, mobilier, déménagement
0 F
honoraires, essais, analyses
40 000 F
TVA (7,5 %)
238 785 F
attribution au fonds de décoration
34 226 F
renchérissement
41 456 F
Total
3 498 267 F
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 1999 sous la rubrique 54.03.00.503.61.
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "; nets-nets " fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et amortissement sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Premier débat
Le président. Monsieur le rapporteur, je vous prie de bien vouloir prendre place à la table des rapporteurs. Vous n'avez rien à ajouter à votre rapport... Vous avez la parole, Monsieur le rapporteur !
Une voix. T'as retourné ta veste, ou quoi ?
Le président. Vous ne voulez pas parler, Monsieur le rapporteur ? Bien, vous avez la parole, Monsieur Barro !
M. Florian Barro (L). Je voudrais faire une brève intervention au sujet de ce projet de loi. C'est le troisième projet concernant des bâtiments qui vont être occupés par l'Etat et, une fois de plus, on nous a fait la démonstration en commission que c'était une bonne chose pour l'Etat d'acheter ces bâtiments, de les occuper et de libérer ainsi des locations plus coûteuses, en tout cas en apparence... Mais, à l'examen détaillé de chaque projet de loi, on s'aperçoit que c'est rarement le cas et, même, jamais le cas !
Pour nous, donc, l'Etat doit être conduit avec beaucoup plus de rigueur en matière d'occupation de ses propres locaux et, surtout, chercher des solutions qui permettent réellement de faire des économies.
En commission, nous avons eu droit à un projet de loi qui, comme vous l'avez vu, était plus important au départ - 5,5 millions - mais qui a été ramené au strict nécessaire sur proposition de différents commissaires, pour mettre rapidement ces locaux à disposition et éviter ainsi de payer des intérêts intercalaires inutiles. Mais il faut savoir que l'Etat et certains de ceux qui ont présenté ce projet n'ont pas fait preuve d'une grande précision dans la façon dont ils voulaient dépenser l'argent qui leur a été confié.
Dans ces conditions, nous, libéraux, demandons formellement à l'Etat, comme les socialistes l'ont demandé sous forme de motion, de nous faire réellement des plans d'investissement avec de réelles économies à la clé, pour l'occupation des locaux qu'il entend utiliser à l'avenir. Certains libéraux voteront ce projet de loi avec une réserve, mais d'autres s'abstiendront, car ce projet est une démonstration qu'on ne va pas vers un régime d'économie, au contraire !
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais abonder dans le sens de M. Barro, car nous nous sommes vraiment trouvés dans une situation difficile en commission.
Je relève, comme beaucoup de mes collègues d'ailleurs, que dans ce cas, comme malheureusement dans beaucoup d'autres, le Conseil d'Etat a fait preuve d'une grande légèreté en venant devant une commission avec un projet qui n'était manifestement pas étudié ; qui avait été préparé par différents services, qui avaient donc introduit dans ce projet de loi tous leurs désirs, même les plus dispendieux... Je suis sûr que le chef du département, pas plus que le Conseil d'Etat, n'ont vérifié la nécessité de ces chiffres faramineux. Il a fallu les membres de la commission des travaux pour dire que c'était trop et qu'on ne pouvait pas aller si loin...
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter dimanche sur une baisse d'impôts... Je ne veux pas refaire le débat, mais, enfin, si on veut justifier les impôts que l'on demande au peuple, il faut absolument que le Conseil d'Etat soit beaucoup plus attentif aux dépenses qu'il nous propose, et que ces dépenses soient étudiées en fonction des moyens que nous avons et que nous voulons y mettre. En effet, cela reste entre nous, mais si le peuple avait pris connaissance du contenu de ce projet de loi, je vous assure que la crédibilité de l'Etat en aurait pris un coup, car lorsque les contribuables s'aperçoivent que les projets sont mal étudiés et trop dispendieux, ils ont l'impression qu'on se moque d'eux.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur Barro, je vous signale que l'Etat dépense actuellement 22 ou 23 millions de locations. Or, vous savez très bien que le premier projet de loi, qui consistait à acheter cet immeuble, comportait toute une série d'économies sur les loyers, qui équilibraient, justement, cette dépense.
Ici, nous sommes saisis d'un projet de loi concernant des travaux, et, en l'occurrence - je suis d'accord avec vous - il vaut mieux occuper ces locaux le plus rapidement possible pour éviter les intérêts intercalaires. Mais je tiens à dire que le projet initial, qui consistait à acheter ce bâtiment, n'était pas mauvais en soi, ni dispendieux, comme le prétend M. Blanc. C'était en réalité un bon projet... (Le président agite la cloche.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je croyais que ce projet de loi était urgent et qu'il ne devait pas faire l'objet de débats... Je vois que ce n'est pas le cas. Nous le traiterons la prochaine fois, à la séance de 14 h !
M. Alberto Velasco, rapporteur. Ce n'est pas fini, Monsieur le président ! (Exclamations.)
La séance est levée à 23 h.