République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 mai 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 8e session - 27e séance
M 1283
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
la motion 1167 adoptée par notre Grand Conseil en décembre 1997 qui invitait le Procureur général à ouvrir sans délai des négociations avec l'association Rhino, ainsi qu'à surseoir à toute intervention de police visant à évacuer les immeubles boulevard des Philosophes 24 et boulevard de-la-Tour 12-14;
la motion 1238 adoptée par notre Grand Conseil en décembre 1998 invitant, en premier lieu, le Conseil d'Etat à répertorier les logements vides soustraits du marché locatif afin d'inciter les propriétaires de ces logements à les mettre en location, en second lieu, la Banque cantonale à céder ou à mettre à disposition de coopératives en droit de superficie, les immeubles en état de faillite qu'elle a rachetés, et troisièmement, à recenser les locaux administratifs inoccupés qui étaient d'anciens logements pour en exiger la réaffectation à l'habitat et, enfin, à recenser les locaux administratifs inoccupés susceptibles d'être affectés aux logements pour demander à leur propriétaire de les transformer;
la motion 1260 adoptée par notre Grand Conseil en février 1999 exigeant que l'immeuble rue Guillaume-Tell 5 soit réaffecté à du logement et à surseoir à toute évacuation de celui-ci. Ainsi que de refuser toute autorisation de transformation de locaux qui pourraient répondre aux conditions de l'art. 15, al. 6, de la LDTR (nouvelle teneur);
l'article 15, alinéa 6 nouveau, LDTR adopté par notre Grand Conseil en mars 1999 disposant qu'en cas de pénurie dans une catégorie d'appartements, le département peut ordonner l'affectation en logements des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel, vides depuis plus de 24 mois, qui ont été précédemment affectés au moins une fois au logement, pour autant qu'il n'en résulte pas de frais disproportionnés pour le bailleur;
l'évacuation par la force de l'immeuble rue Guillaume-Tell 5 qui a été menée fin mars par le Procureur général alors que notre Grand Conseil et une majorité de la population désiraient trouver une issue pacifique à cette occupation;
la nouvelle occupation de locaux commerciaux au rue de l'Arquebuse 1-3 qui s'est déroulée avec l'appui de l'ensemble du mouvement des travailleurs de Genève le 1er mai 1999;
que l'immeuble qui a été occupé à la rue de l'Arquebuse appartient au Services industriels qui l'ont laissé volontairement vide depuis 5 ans alors qu'ils pouvaient à moindre frais le rétablir dans sa fonction locative d'origine, à savoir en logement;
invite le Conseil d'Etat
à considérer que, depuis bientôt deux années, notre Grand Conseil a donné plusieurs signes clairs de la politique qu'il entendait voir mener en ce qui concerne l'habitat en ville, tant sur le plan des immeubles d'habitation et des locaux commerciaux vides que de la manière de traiter ceux qui les occupent;
à inviter le Procureur général à tenir compte de cette position du parlement;
en dernier ressort, à refuser toute mise à disposition de forces de police pour l'évacuation de l'immeuble rue de l'Arquebuse 1-3, ainsi que tout autre surface commerciale tant et aussi longtemps qu'un projet permettant la réhabilitation de cet immeuble en logement n'est pas adopté.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis bientôt deux ans, la majorité de notre Grand Conseil dit très clairement dans quels sens elle entend que soit menée la politique de l'habitat en ville et, plus particulièrement, celle concernant la problématique des locaux vides qui parsèment notre cité.
Le Procureur général ainsi que les responsables de la police, et notamment M. Ramseyer, en faisant évacuer l'immeuble rue Guillaume-Tell 5, ont foulé aux pieds cette volonté en faisant fi de la règle de l'opportunité qui prévalait jusqu'alors dans notre République et ce d'autant plus que les occupants d'alors s'apprêtaient à rencontrer le Procureur. En cela, et contrairement à leurs prédécesseurs, ils ont gravement mis en péril l'ordre public. Soulignons que l'immeuble rue Guillaume-Tell 5, évacué par la force à la fin du mois de mars, n'est toujours pas habité.
Compte tenu de cette situation, il appartient à notre assemblée d'inviter le Conseil d'Etat à respecter l'ensemble des choix politiques qui ont été faits par notre Grand Conseil et à le mandater pour qu'il invite le Procureur général à s'y tenir. Et, si par impossible, ce dernier ne s'y conformait pas, à lui refuser la force publique comme l'avait fait par le passé M. le conseiller d'Etat Fontanet.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette motion.
Débat
M. Pierre Ducrest (L). Après une motion sur le même sujet qui nous a été présentée et renvoyée au Conseil d'Etat, voilà maintenant deux motions similaires : la motion 1283 et la motion 1284. On pourrait considérer judicieux de se baser sur des lois déjà en vigueur avant de faire une demande au Conseil d'Etat par le biais d'une motion... Or, vous savez comme moi que la LDTR qui a été votée dans ce parlement est obérée d'un référendum et que, par conséquent, elle n'est pas applicable en l'état.
Mais cela n'est qu'un détail. On peut admettre que quelques trublions dans la République sortent des calicots, forcent des portes, s'arrogent le droit d'occuper des locaux, mais il y a une chose que l'on ne peut pas admettre - non - c'est que ces trublions soient relayés par des députés ! Car, voyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, tous les députés de cette enceinte ont prêté serment; ce serment dit notamment en son article 25 : qu'ils doivent rester «...strictement attachés aux prescriptions de la Constitution.» Eh bien, la constitution stipule en son article 6 que : «la propriété est inviolable». Donc, les députés qui déposent ce genre de motions sont des parjures ! Ce sont des parjures, je ne crains pas de le dire et de le répéter ici dans cette enceinte ! (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.) Nous regrettons que de telles motions soient utilisées pour obliger le Conseil d'Etat à se mettre dans l'illégalité - ce procédé est détestable ! - et à s'ingérer dans la séparation des pouvoirs, une des invites de la motion invite, en effet, «...le procureur général à tenir compte de cette position du parlement;».
Alors, vous faites ce que vous voulez, mais, moi, député comme vous et ayant prêté le même serment que vous, je m'attache à respecter l'article 6 de la constitution, et je vous invite à faire de même !
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne m'attendais pas à cette perfide attaque, Monsieur Ducrest. Je vous réponds par l'article 10A de la constitution, justement. Je me suis battu pendant des années pour faire introduire cet article dans la constitution. Je vous rappelle la lettre f) de cet article : «L'Etat mène une politique sociale du logement, notamment prend des mesures propres à la remise sur le marché des logements laissés vides dans un but spéculatif.» J'estime que relayer les actions des personnes qui se mettent en mouvement pour lutter contre la spéculation foncière et remettre en activité des locaux commerciaux fait partie du mandat qui a été décidé et voté en majorité par la population. (L'orateur est interpellé vivement.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, tâchons de terminer cette séance dans le calme ! Ecoutez l'intervention de M. Pagani ! (Le vacarme redouble.) Monsieur Dupraz, vous n'avez pas la parole, taisez-vous !
M. Rémy Pagani. Le Conseil d'Etat a le droit et même le devoir de réquisitionner ces appartements vides. Il ne le fait pas, malheureusement ! Deux mille sont encore aujourd'hui vides et retirés du marché. (L'orateur est interpellé.) Je ne parle pas des appartements vacants, je parle des appartements vides ! Ce sont les statistiques ! Le Conseil d'Etat ne sait non seulement pas où ils se trouvent mais il se refuse à mettre en demeure les propriétaires de les remettre sur le marché. Ça c'est un véritable scandale ! Les statistiques le montrent concrètement... Et cela sans parler des 300 000 m2 de locaux commerciaux qui sont vides actuellement !
Par la motion qui nous occupe, nous avons eu l'intention de rappeler l'ensemble de la problématique, des décisions et des choix de la majorité du Grand Conseil, dont le but était de demander - cela nous semble toujours aussi fondamental aujourd'hui, alors que cela fait quasiment six mois que nous l'avons demandé - de répertorier et de localiser les logements et les locaux commerciaux vides, quelles en sont les qualités, ne serait-ce que pour permettre, par exemple, de mettre en relation les demandeurs - les entrepreneurs qui veulent s'installer dans notre République - et les propriétaires.
A notre connaissance - le département y fera peut-être allusion tout à l'heure - personne ne sait combien et où se trouvent ces logements vides et ces locaux commerciaux. Nous les avons pointés avec nos modestes moyens. Il faudrait bien, une fois pour toutes, que le département se décide à intensifier cette recherche ou à mettre sur pied un atelier de recensement du domaine bâti - il existait d'ailleurs et il a disparu on ne sait comment - qui considère l'ensemble de cette problématique. Nous sommes soumis aujourd'hui à une demande urgente, et je ne vois pas comment nous pourrions y répondre, que ce soit pour les entreprises, pour les réfugiés, ou pour toute autre catégorie de personnes.
Cette motion soutient évidemment l'occupation du 3, rue de l'Arquebuse et demande au Conseil d'Etat d'inviter le procureur général à tenir compte de nos prises de position régulières dans ce parlement, en ce qui concerne la politique à mener vis-à-vis du mouvement de relocation forcée. La troisième invite demande d'empêcher toute intervention policière tant qu'une solution permettant la réhabilitation de l'immeuble de la rue de l'Arquebuse en logements ne sera pas adoptée.
Je profite d'avoir la parole pour vous informer que j'ai déposé un amendement dont le but est d'élargir la non-intervention de la police à toutes autres surfaces commerciales. J'en ai terminé pour l'instant.
Des voix. Ah !
M. Jacques Béné (L). Comme d'habitude, je suis toujours un peu effaré de voir la manière dont sont rédigés ces projets de motions qui bafouent le droit en vigueur.
En préambule, je vais revenir sur vos propos, Monsieur Pagani. Aucune des invites ne demande que le Conseil d'Etat devrait nous fournir une liste claire des objets actuellement vacants... (L'orateur est interpellé.) Non, la motion 1284 ne le demande pas non plus ! (Le président agite la cloche.) Si deux mille logements sont effectivement vacants, il est toutefois tout à fait faux de prétendre que deux mille logements sont retirés du marché ! Il faudrait que notre parlement octroie un immeuble à tous ceux qui ne veulent pas comprendre comment fonctionne l'exploitation d'un immeuble : ils verraient qu'un propriétaire n'a aucun intérêt... (Exclamations.) ...à retirer ses biens immobiliers du marché ! J'aimerais bien qu'on nous explique pourquoi ils le feraient ! Je n'ai jamais eu, ni au parlement ni en commission, d'indications qui pourraient me faire penser que les propriétaires y ont intérêt !
J'en viens maintenant aux différents considérants de cette motion. Je passe sur le rappel des deux premières. Comme l'a dit M. Ducrest, on fait référence à une loi qui n'est pas encore en vigueur; ce procédé me semble quelque peu cavalier. Les motionnaires font preuve d'exagération dans les trois derniers considérants. Ils prétendent qu'une majorité de la population désirerait trouver une issue pacifique à cette occupation, mais on n'a pas demandé l'avis de la population pour savoir si réellement une majorité d'entre elle souhaite une telle issue ! Et que signifie pacifique ? A partir du moment où les personnes qui se trouvent dans ces bâtiments ne veulent pas en sortir, il est difficile de les faire sortir de manière pacifique, alors qu'on est obligé de recourir à la police.
Vous dites également que la nouvelle occupation des bâtiments à la rue de l'Arquebuse s'est déroulée avec l'appui de l'ensemble du mouvement des travailleurs... Moi, j'ai aussi des amis qui sont travailleurs... (Exclamations.) ...dont certains ne soutiennent absolument pas cette occupation ! Avec une telle affirmation, vous laissez croire que l'ensemble du mouvement des travailleurs est d'accord avec cette occupation, ce qui n'est absolument pas le cas.
De manière lancinante, vous dites que l'on peut rénover des immeubles commerciaux à moindres frais, à propos de cet immeuble qui appartient au Services industriels de Genève. Alors, Messieurs les motionnaires, faites une proposition concrète sur un immeuble commercial qu'on pourrait rénover à moindres frais, mais ne venez pas nous demander - car je vous vois venir - de bonus à la rénovation, de possibilité HLM ou HBM, de soutien quelconque, de pouvoir mettre peu de fond propres, de pouvoir le mettre en coopérative, avec un droit de superficie à des conditions préférentielles ! Faites le calcul d'une telle rénovation, et vous verrez bien si c'est rentable ! Je ne crois pas que l'on puisse reprocher quoi que ce soit aux Services industriels de Genève. Je ne pense pas qu'ils aient fait une étude de rentabilité sur cet objet, mais s'ils la faisaient, j'aimerais bien en connaître les conclusions.
Les trois invites sont toutes inacceptables.
S'agissant de la première, le parlement a en effet donné des signes clairs de la politique qu'il entendait mener vis-à-vis des occupants illicites d'immeubles. Un honnête citoyen locataire qui arrête de payer son loyer est expulsé au bout de trois mois... Et une personne qui occupe un appartement illicitement sans payer de loyer aurait le droit de rester... Eh bien, excusez-moi, mais une telle politique nous mènerait droit à notre perte, plus rapidement que ce que vous pouvez imaginer ! J'estime pour ma part que cette invite n'a rien affaire dans cette motion, car elle contredit la loi en vigueur.
La deuxième invite le procureur général à tenir compte de la position du parlement... M. Ducrest l'a dit également : la séparation des pouvoirs existe, et nous ne sommes pas là pour dicter au procureur général ce qu'il a à faire. Il le sait très bien. Il a déjà répondu par voie de presse qu'il n'avait pas l'intention de tenir compte de ces invites tant qu'elles ne seront pas compatibles avec la loi en vigueur. Je pense donc que cette invite n'a pas à figurer dans la motion.
Troisième invite. Nous avons admis que les Services industriels de Genève étaient un établissement autonome, je ne vois donc pas en qualité de quoi nous pourrions obliger les Services industriels de Genève à faire du logement dans cet immeuble et à nous faire une proposition de réhabilitation, sans savoir qui payera en finale - mais j'imagine que vous serez d'accord de les subventionner !
Si toute une catégorie de la population connaît encore des problèmes de logement - dont les squatters font peut-être partie - c'est également parce que vos milieux, Messieurs les motionnaires, n'arrêtent pas de déposer des recours sur les constructions qui font l'objet d'une demande d'autorisation de construire. Alors, le jour où vous aurez compris que ce n'est pas en faisant recours sur recours sur les opérations de construction et de rénovation que nous aurons un climat un peu plus serein et que nous arriverons à répondre à la demande de la population en matière de logements, nous pourrons enfin avancer dans ce domaine et surtout plus vite !
En conclusion, si un principe est ridicule - comme l'est cette motion - qui semble vivement enraciné chez vous, c'est que l'égalité consiste à ce que chacun puisse prétendre à tout. C'est justement contre cela que nous nous battons.
C'est la raison pour laquelle, je proposerai plusieurs amendements sur cette motion. Plutôt que de le faire en séance plénière, je propose de renvoyer ce projet en commission judiciaire, ce qui permettra de traiter le problème des squatters de manière plus approfondie.
Présidence de M. Daniel Ducommun, premier vice-président
M. Antonio Hodgers (Ve). En dehors de savoir si les invites de cette motion sont légales ou pas, il y a un autre élément important dont nous devons tenir compte en tant qu'élus de cette République : le mouvement squat constitue aujourd'hui un mouvement social qui existe et qui est bien réel.
M. John Dupraz. Un mouvement d'escrocs !
M. Antonio Hodgers. Ce mouvement est composé de jeunes principalement, mais aussi de moins jeunes...
M. John Dupraz. Quand j'étais jeune, j'habitais chez mes parents ! (Le président agite la cloche.)
Une voix. Les escrocs, ce sont les propriétaires, Dupraz ! (Exclamations.)
M. Antonio Hodgers. ...qui sont pleinement conscients de ce qu'ils font, même s'il est vrai que certains autres jeunes sont davantage en marge de la société, pour des raisons familiales le plus souvent ou d'autres problèmes sociaux. Ce mouvement est donc constitué par ces deux types de jeunes.
Nous devons donc absolument en tenir compte, car si, comme semblent l'indiquer les derniers éléments de la vie politique genevoise, le procureur général et le Conseil d'Etat continuent à utiliser la force pour procéder aux évacuations, nous risquons une plus grande marginalisation de ce mouvement qui, comme on l'a vu jusqu'à présent, organise ses activités de manière festive, comme il y a quelques semaines à la Calvin Pride, et annonce les squats qu'il va occuper et suivant ainsi certaines règles du jeu politique. Il faut redouter que ce mouvement devienne plus marginal et plus agressif en constatant que la voie utilisée pour le moment ne mène à rien, si ce n'est à recevoir des coups de bâtons de la police...
Le parlement avait déjà suffisamment débattu des phénomènes de violence qui se sont déroulés en marge de la manifestation contre l'OMC. Une réflexion a été menée à ce niveau, et il me semble qu'il faut tenir compte de ses conclusions; c'est-à-dire qu'il faut absolument éviter de marginaliser les citoyens quels qu'ils soient et les jeunes en particulier, qui représentent une partie sensible de la population.
J'insiste vraiment, Monsieur Ramseyer, sur l'invite qui vous concerne plus particulièrement, au niveau de la mise à disposition des forces de police. Il est vraiment important que vous fassiez preuve de modération pour éviter la marginalisation du mouvement squat.
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, et plus spécialement Messieurs Ducrest et Béné, avant de perdre votre raison et de vouloir pendre les motionnaires sur la place publique...
Une voix. Arrête ! (Exclamations.)
M. Christian Brunier. ...il faut tout d'abord savoir où se trouve le scandale. Le scandale est-il dans ces cent jeunes qui occupent un immeuble vide depuis plusieurs années ou n'est-il pas plutôt dans les 300 000 m2 de locaux commerciaux inoccupés pour des raisons souvent spéculatives dans un petit canton qui manque cruellement de place ? Pas de doute, il est bien dans ces 300 000 m2 inoccupés !
Nous ne cautionnons évidemment pas toujours certaines méthodes du mouvement squat, mais nous comprenons leur combat. Qu'on le veuille ou non, le squat est un phénomène de société qui existe dans toutes les villes ! Il est un excellent révélateur de nombreux problèmes urbains. Qu'on accepte ou non les méthodes des squatters, le squat est un excellent électrochoc qui permet de pointer du doigt les problèmes majeurs de notre société.
Dans les années 80/90, les squatters ont mis en exergue la spéculation immobilière en pleine crise du logement - crise du logement que vous allez bien sûr nier, Monsieur Béné ! Aujourd'hui, ils dénoncent avec force le scandale de ces 300 000 m2. De plus, il faut bien reconnaître que leurs actions sont terriblement efficaces.
Mesdames et Messieurs de la droite, lorsque la gauche condamne symboliquement, par exemple lors d'une conférence de presse, les 300 000 m2 vides, une partie de la droite - du moins dans les coulisses - reconnaît qu'il y a un réel problème. Lorsque la gauche durcit un petit peu le ton, légifère pour lutter contre ce scandale, en améliorant, par exemple, la LDTR, les milieux immobiliers et la droite ferment les yeux d'un seul coup sur les excès de la profession, nient complètement le problème, investissent de gros moyens financiers pour conditionner la population et se moquent finalement du problème.
Mais, lorsque le milieu squat agit, là les choses bougent : les milieux immobiliers et leurs potes de droite prennent peur, font preuve d'imagination... D'un seul coup, plein de projets surgissent pour les surfaces commerciales - vides jusqu'alors... Ils communiquent même des listes de surfaces vacantes au DAEL, comme M. Moutinot nous l'a dit dernièrement... Bref, lorsque le squat agit, la situation évolue !
C'est parce que vous êtes, Mesdames et Messieurs de la droite et vos potes des milieux immobiliers, complètement aveugles sur la réalité, sourds aux protestations de la rue, que nous soutenons et que nous soutiendrons certaines occupations, car nous ne pouvons pas nier plus longtemps ce scandale et accepter de rayer de la carte 300 000 m2 indispensables aux Genevoises et aux Genevois ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Béné a fait une proposition de renvoyer cette motion à la commission judiciaire. Trois orateurs sont inscrits, et je souhaite que les intervenants prennent position sur cette proposition.
M. Rémy Pagani (AdG). Cette motion est un simple rappel de la politique que nous entendons voir réellement mener par les autorités de notre canton. Je ne vois donc pas l'utilité de la renvoyer en commission. Je le répète, elle ne fait que redire ce que nous avons toujours dit dans la motion 1167, qui a été adoptée en décembre 1997, et la motion 1238, qui a été adoptée en décembre 1998 et, enfin, la motion 1260, qui a été adoptée en février 1999. Ces motions disaient strictement la même chose. Je ne vois pas en quoi nous pourrions faire mieux !
Je m'opposerai donc au renvoi de cette motion en commission. J'ai déposé des amendements, et je propose donc que nous travaillions sur la base de ces derniers.
M. Alberto Velasco (S). Je m'opposerai évidemment au renvoi de cette motion en commission judiciaire.
Monsieur Ducrest, la propriété est effectivement inviolable, mais, lorsque cette propriété est restée vide pendant des années, c'est un viol à l'éthique républicaine ! Vous qui êtes pour l'économie de marché, expliquez-moi pourquoi les prix de ces locaux ne diminuent pas ! C'est à cause de la spéculation. Ce qui va à l'encontre de toute éthique républicaine, et c'est la raison pour laquelle nous soutenons les squats, car nous soutenons le droit au logement ! Si ces logements ont été réhabilités c'est justement parce qu'ils ont été occupés. Nous espérons qu'il en sera de même avec les locaux vides. Puisque l'économie de marché ne remplit pas son rôle, eh bien, ma foi, ce sont les squatters qui le feront à votre place !
Le président. Bien, je mets aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission judiciaire.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
L'adjoint du sautier compte les suffrages.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission judiciaire est rejetée par 34 non contre 30 oui.
M. John Dupraz (R). Je suis étonné de vos propos, Monsieur Brunier, vous qui n'êtes quand même pas n'importe quel député, puisque vous êtes président du parti socialiste ! Que je sache, le parti socialiste est pourtant encore un parti gouvernemental, représenté ici par son éminent conseiller d'Etat, M. Moutinot !
J'ai vraiment cru entendre une espèce de chef d'un groupuscule politique, nihiliste, ligue marxiste gauchiste... (Vives exclamations.) ...soixante-huitard, qui n'a pas encore viré sa cuti... (Rires.) ...tenir des propos totalement irresponsables, qui font que votre surnom de «président gringalet» vous va à ravir ! (Rires et bravos fusent.)
Je constate que les gens qui prétendent gouverner veulent en réalité installer la chienlit, le non-droit dans la République en donnant raison à quelques excités qui voudraient imposer leur loi à la société... Or chacun est égal devant la loi et la loi s'applique à tout le monde. Dans les squatters, il faut distinguer les braves squatters qui bénéficient de contrats de confiance et qui vivent de façon marginale - ces gens-là sont tout à fait honorables et sympathiques; ils ne me dérangent nullement - du groupe intersquats, qui est un groupuscule de fauteurs de troubles, jusqu'à aller poser un lapin sur le bureau du conseiller d'Etat... (Vives exclamations.)
Une voix. Eh, oui ! (Le président agite la cloche.)
M. John Dupraz. ...de surcroît un lapin mal nourri, mordu par les rats, ce qui aurait mérité une dénonciation à la Société protectrice des animaux... Et je constate que ces mêmes personnes qui veulent révolutionner la République prétendent rester dans un immeuble et ne pas céder leur place aux réfugiés kosovars... Ils sont xénophobes et racistes... Voilà ce que soutient la gauche : des groupuscules marginaux, qui veulent détruire la société, xénophobes et racistes !
Vraiment, Monsieur Brunier, je trouve que vous n'êtes pas un président distingué d'un parti gouvernemental !
Mesdames et Messieurs les députés, devant une telle démonstration de gens qui se conduisent en escrocs, nous devons soutenir le gouvernement et refuser cette motion.
Le président. La parole n'étant plus demandée, je vous demande de vous prononcer sur l'amendement proposé par M. Pagani, à la troisième invite, dont la teneur est la suivante :
«- en dernier ressort, à refuser toute mise à disposition de forces de police pour l'évacuation de l'immeuble rue de l'Arquebuse 1-3, ainsi que toutes autres surfaces commerciales, tant et aussi longtemps qu'un projet permettant la réhabilitation de ces immeubles en logement n'est pas adopté.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
M. Jacques Béné (L). Vous n'avez pas voulu renvoyer cette proposition de motion à la commission judiciaire, je me vois donc contraint de faire le débat ici, en séance plénière, pour proposer et expliquer les amendements que j'ai préparés, dont un qui fait plus de deux pages... Mais, vous faites comme vous voulez ! (L'orateur est interpellé.) Je vous avais averti que je proposerai des amendements, alors, Monsieur le président, ne venez pas réduire les débats à la portion congrue, que représentent les quelques députés motionnaires !
En attendant que les amendements soient distribués, je vous donne quelques éléments.
Monsieur Brunier - il y a tout de même des choses qu'on ne peut pas entendre sans réagir - ce qui me gêne le plus dans le problème des squatters, c'est qu'on en fait une montagne, alors que les squatters sont peu nombreux. Vous les comparez aux membres de la Chambre genevoise immobilière ou aux propriétaires du canton, qui, eux, sont des milliers. J'aimerais bien savoir quel est le nombre de ces squatters et qui les représente. C'est précisément l'objectif de l'un des amendements qui va vous être distribué.
Dans la majorité des cas - M. Ramseyer comme M. Moutinot pourront le confirmer - les évacuations des squatters se passent de la meilleure manière possible, sans intervention policière, sauf une ou deux fois, dans des cas plus médiatisés. L'intervention de la police n'est pas toujours relayée par la presse et, pour autant que je le sache, les choses se passent très bien la plupart du temps.
Vous mélangez tout, et c'est aussi ce qui me dérange : crise du logement, crise économique, problèmes sociaux des squatters. Il faudrait faire le point sur ces problèmes une fois pour toutes. Une motion dans ce sens obtiendrait notre approbation - vous verrez du reste l'amendement que je vous propose.
Vous parlez, Monsieur Velasco, des prix des locaux commerciaux... Mais c'est la même chose qu'avec le logement : aucun propriétaire ne souhaite, juste pour le plaisir, laisser ses locaux vacants pour ne pas diminuer son loyer ! Si vous voulez vendre une voiture, vous vous fixez un prix plancher et en dessous de ce prix vous préférez attendre ! Vous n'allez pas la vendre coûte que coûte à n'importe quel prix !
Alors, de quel droit, nous parlement, devrions-nous obliger un propriétaire, qui bénéficie de la garantie de la propriété, à louer moins cher... Non ! En général, s'agissant des locaux commerciaux, les baux sont établis pour de longues durées, car si les baux portent sur le court terme, il est difficile d'augmenter les loyers. La valeur de rendement est importante dans l'estimation du prix d'un immeuble. Elle se calcule en capitalisant l'état locatif. Alors, bien sûr, certains propriétaires préfèrent attendre que la conjoncture économique s'améliore pour louer leurs surfaces commerciales à des prix qui soient cohérents. C'est vrai, il n'y a pas de demande actuellement. La plupart du temps, ce n'est même pas une question de prix : c'est une absence de demande ! Certains locaux seraient loués uniquement pour le montant des charges qu'ils ne trouveraient même pas preneurs ! Alors, cessez de tout mélanger et de faire des promoteurs, des investisseurs ou des propriétaires de ces locaux commerciaux des gens qu'il faudrait pendre !
Ce qui me dérange dans le problème de la crise du logement, c'est qu'on mélange tout, alors que les causes ne sont pas toujours là où certains aimeraient les voir... Les squatters - c'est vrai - ont le mérite de faire prendre conscience de certains problèmes, et je ne nie pas que les squatters de certains immeubles - aujourd'hui, c'est moins le cas - ne les ont pas occupés pour des raisons vitales, puisque certains d'entre eux n'avaient plus du tout de quoi se loger. Pendant la période où les opérations de construction n'étaient pas autorisées, certains immeubles ont été occupés et, tout compte fait, c'était peut-être une bonne chose. (Exclamations de satisfaction.) Comme vous l'avez dit tout à l'heure, nous ne sommes pas contre le squat en tant que tel... (Les exclamations redoublent.) (Applaudissements et bravos fusent.) Je suis contre... (L'orateur est interpellé.) Je ne suis pas soutenu, alors je parle en mon nom !
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Laissez M. Béné s'exprimer !
M. Jacques Béné. Je suis contre le raisonnement qui voudrait que dorénavant, parce que certains objets ont été squattés à l'époque, toutes les surfaces commerciales, quelles qu'elles soient, ou les immeubles d'habitation en cours de projet de rénovation puissent être squattés sans que la police intervienne. C'est inadmissible ! Dans un Etat de droit comme le nôtre, c'est tout à fait inadmissible !
Par contre, cela ne me dérange pas qu'il y ait des cas particuliers comme on en a connus par exemple au Garage ou ailleurs dans le canton. Dans le cas Rhino, il n'y a pas eu de décision d'évacuer les personnes, à ma connaissance. Alors, je le répète, même si certains cas peuvent être admis, ce n'est pas une raison pour en faire une règle et affirmer que tous les locaux commerciaux et les habitations inoccupés peuvent être squattés sans que la police puisse intervenir, et encore moins le procureurs général... Excusez-moi, mais ce serait vraiment l'anarchie... Peut-être que c'est ce que vous voulez, mais nous ne pouvons en tout cas pas cautionner cela !
J'en viens à mes amendements. J'aimerais bien en avoir une copie, parce que je n'ai pas la mienne sous les yeux...
Le président. Monsieur Béné, j'aimerais que vous présentiez vos amendements rapidement !
M. Jacques Béné. Ont-ils été distribués, Monsieur le président ? Parce que j'aimerais bien que tout le monde les ait sous les yeux !
Le président. Monsieur Béné, les chefs des différents groupes représentés ont ces amendements en main... Nous ne pouvons pas distribuer cent exemplaires maintenant ! Nous pourrons les lire calmement après, si vous le souhaitez, mais vous pouvez les présenter !
M. Jacques Béné. Vous êtes du côté des squatters, Monsieur le président ? J'en prends note avec plaisir ! (Exclamations.)
Une voix. Motion d'ordre !
M. Jacques Béné. Je continue, Monsieur le président !
Mon premier amendement consiste à supprimer les considérants tels qu'ils ont été proposés par les motionnaires et à les remplacer par les considérants suivants :
«considérant :
- la problématique des squatters dans notre canton;
- les problèmes sociaux engendrés et leur cause;
- la désinformation ambiante qui règne sur l'ampleur du phénomène.»
Je me permets de vous lire le deuxième amendement, qui, je l'espère, sera accepté dans le but unique de faire le point sur la situation. En effet, j'estime qu'à l'heure actuelle...
Une voix. C'est pour les ficher !
M. Jacques Béné. Mais non, ce n'est pas pour les ficher, c'est simplement pour obtenir un rapport cohérent sur ce phénomène une fois pour toutes, phénomène qui est à mon avis moins important que vous ne le pensez !
Monsieur le président, je me permets de lire mon deuxième amendement... (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.) Puisque vous avez accepté...
Le président. S'il vous plaît, écoutez l'amendement que présente, Monsieur Béné ! Cela facilitera le vote et la compréhension de chacun !
M. Jacques Béné. ...l'amendement des motionnaires, je voudrais rajouter l'invite suivante au Conseil d'Etat :
«- à établir un rapport circonstancié sur la problématique des immeubles occupés illicitement. Ce rapport contiendra notamment :
- un tableau récapitulant par catégories les éléments pertinents d'analyse, à savoir : le nombre d'occupants illicites; l'âge, le sexe, l'état civil; le métier, la formation; les revenus imposables; leur statut : salarié, indépendant, chômeur...; les aides financières accordées;
- une analyse des activités de la brigade chargée des squatters qui mentionnera les problèmes rencontrés ainsi que la part relative des travaux administratifs effectués (traitement des plaintes, etc. ) et des activités «sur le terrain»;
- une analyse des problèmes sociaux rencontrés par ce type de population (problèmes familiaux, scolarité, toxicomanie, chômage, etc.);
- une analyse des coûts engendrés par la politique actuelle en matière de squats (SIG, police, DAEL, DF, etc.).»
Pour cette dernière analyse, et comme cela a déjà été mentionné, il y a le problème des Services industriels de Genève qui ne sont pas payés, le problème des interventions de police que l'on est obligé d'effectuer, notamment avec la brigade des squats, le problème des autorisations de construire et les délais que l'on n'arrive pas à obtenir parce que les squatters s'opposent légalement aux autorisations de construire, et, enfin, le département des finances, ne serait-ce que par rapport aux rentrées financières que cela pourrait représenter - on en a déjà parlé - notamment par rapport aux exploitations de bars, entre guillemets, «clandestins» et d'enseignes lumineuses qui n'ont pas d'autorisation.
Si vous voulez vraiment aller au fond du problème - comme M. Hodgers l'a suggéré - pour que l'on sache une fois pour toutes ce que représentent les squatters dans cette République, je vous invite à accepter cet amendement. Si vous ne le faites pas, il sera clair - je l'ai dit tout à l'heure - que pour vous l'égalité c'est que tout le monde puisse prétendre à tout, et c'est ce à quoi nous nous opposerons avec fermeté.
Monsieur le président, excusez-moi de cette longue allocution.
Le président. Monsieur Béné, je ferai voter vos amendements dans quelques instants, après l'intervention des orateurs inscrits.
M. Olivier Vaucher (L). Je ne sais pas si M. Béné a d'autres amendements à proposer, mais si tel était le cas, je vous demanderais d'arrêter cette séance. Cela fait plus de dix heures que nous siégeons... Il me semble que nous pourrions suspendre nos travaux maintenant et en reparler plus tard !
Le président. Nous sommes à bout touchant. Il faut voter deux amendements et ensuite la motion. Je ne m'arrête pas sans avoir terminé ce point !
M. Antonio Hodgers (Ve). Il me semble que les amendements proposés par M. Béné sont suffisamment consistants pour qu'il puisse en faire une motion à part entière, dont nous pourrions discuter lors d'une prochaine session. Cela nous permettrait de finir la journée sur ce point.
M. Christian Brunier (S). Je voudrais intervenir brièvement sur les amendements, Monsieur le président.
Bien sûr, Monsieur Béné, vous voulez établir des fiches et transformer la brigade des squats en brigade politique, ce qui n'est pas vraiment très «sexy» comme proposition...
Une voix. C'est pas sexy ?
M. Christian Brunier. Mais, Monsieur Béné, vous nous proposez quelque chose d'assez exceptionnel pour un libéral, puisque vous invitez chaque squatter à communiquer son revenu imposable... C'est une bonne idée, qui va dans le sens de la transparence fiscale que nous demandons. Et comme nous sommes très respectueux des droits... (Vives exclamations. L'orateur hausse le ton.) La transparence fiscale n'a pas encore abouti, mais nous savons maintenant que nous pouvons compter sur votre soutien ! Mais en l'occurrence tant que la transparence ne sera pas obligatoire pour tout le monde, nous ne pourrons pas soutenir votre amendement !
M. Laurent Moutinot. Je fais quelques remarques brièvement.
La motion 1167, dans ses considérants, ne demandait pas au procureur général de négocier avec l'association Rhino, mais à votre serviteur. Ces négociations ont été ouvertes - j'en ai régulièrement informé la commission du logement - et ne sont pas terminées à ce jour.
S'agissant de la politique à mener à l'égard des squatters, le Conseil d'Etat doit appliquer la constitution et toute la constitution. (Bravos.) Cela signifie très clairement, Mesdames et Messieurs les députés, que nous devons défendre le droit de propriété, que nous devons défendre le droit au logement et que nous devons veiller à l'ordre public. Ces trois notions ne sont pas toujours simples à manier, et vous aurez dans le détail les conséquences que le Conseil d'Etat en tire, dans le rapport que nous rendrons si vous nous renvoyez cette motion.
J'aimerais toutefois faire deux remarques concernant les invites. Il n'est pas question pour le Conseil d'Etat d'inviter le procureur général à quoi que ce soit, étant donné le principe de la séparation des pouvoirs. Pour ce qui est de la dernière invite, je vais essayer de vous éviter de faire une erreur, Monsieur Pagani. Vous dites qu'il faut attendre, cas échéant, pour évacuer de force qu'un projet de réhabilitation des locaux en logements soit adopté. Cela n'est pas impossible dans certaines circonstances, mais certains locaux étant totalement inaptes au logement, cela rend votre invite inadéquate.
Je le répète, la politique globale du Conseil d'Etat en la matière figurera dans une réponse écrite.
Le président. Je soumets aux voix, le premier amendement proposé par M. Béné, qui consiste à supprimer les considérants de la motion et de les remplacer... (Commentaires.) Bien, nous avons pris acte des modifications des considérants présentés par M. Béné, et je soumets aux voix son deuxième amendement qui consiste à rajouter une invite, qui se lit ainsi :
«- à établir un rapport circonstancié sur la problématique des immeubles occupés illicitement. Ce rapport contiendra notamment :
- un tableau récapitulant par catégories les éléments pertinents d'analyse, à savoir : le nombre d'occupants illicites; âge, sexe, état civil; métier, formation; revenus imposables; statut : salarié, indépendant, chômeur...; aides financières accordées;
- une analyse des activités de la brigade chargée des squatters qui mentionnera les problèmes rencontrés ainsi que la part relative des travaux administratifs effectués (traitement des plaintes, etc. ) et des activités «sur le terrain»;
- une analyse des problèmes sociaux rencontrés par ce type de population (problèmes familiaux, scolarité, toxicomanie, chômage, etc.);
- une analyse des coûts engendrés par la politique actuelle en matière de squats (SIG, police, DAEL, DF, etc.).»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1283)relative à la politique que le Grand Conseil entend voir respecter par les autorités en ce qui concerne les locaux vides
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
la motion 1167 adoptée par notre Grand Conseil en décembre 1997 qui invitait le Procureur général à ouvrir sans délai des négociations avec l'association Rhino, ainsi qu'à surseoir à toute intervention de police visant à évacuer les immeubles boulevard des Philosophes 24 et boulevard de-la-Tour 12-14 ;
la motion 1238 adoptée par notre Grand Conseil en décembre 1998 invitant, en premier lieu, le Conseil d'Etat à répertorier les logements vides soustraits du marché locatif afin d'inciter les propriétaires de ces logements à les mettre en location, en second lieu, la Banque cantonale à céder ou à mettre à disposition de coopératives en droit de superficie, les immeubles en état de faillite qu'elle a rachetés, et troisièmement, à recenser les locaux administratifs inoccupés qui étaient d'anciens logements pour en exiger la réaffectation à l'habitat et, enfin, à recenser les locaux administratifs inoccupés susceptibles d'être affectés aux logements pour demander à leur propriétaire de les transformer ;
la motion 1260 adoptée par notre Grand Conseil en février 1999 exigeant que l'immeuble rue Guillaume-Tell 5 soit réaffecté à du logement et à surseoir à toute évacuation de celui-ci. Ainsi que de refuser toute autorisation de transformation de locaux qui pourraient répondre aux conditions de l'art. 15, al. 6, de la LDTR (nouvelle teneur) ;
l'article 15, alinéa 6 nouveau, LDTR adopté par notre Grand Conseil en mars 1999 disposant qu'en cas de pénurie dans une catégorie d'appartements, le département peut ordonner l'affectation en logements des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel, vides depuis plus de 24 mois, qui ont été précédemment affectés au moins une fois au logement, pour autant qu'il n'en résulte pas de frais disproportionnés pour le bailleur ;
l'évacuation par la force de l'immeuble rue Guillaume-Tell 5 qui a été menée fin mars par le Procureur général alors que notre Grand Conseil et une majorité de la population désiraient trouver une issue pacifique à cette occupation ;
la nouvelle occupation de locaux commerciaux au rue de l'Arquebuse 1-3 qui s'est déroulée avec l'appui de l'ensemble du mouvement des travailleurs de Genève le 1er mai 1999 ;
que l'immeuble qui a été occupé à la rue de l'Arquebuse appartient au Services industriels qui l'ont laissé volontairement vide depuis 5 ans alors qu'ils pouvaient à moindre frais le rétablir dans sa fonction locative d'origine, à savoir en logement ;
invite le Conseil d'Etat
à considérer que, depuis bientôt deux années, notre Grand Conseil a donné plusieurs signes clairs de la politique qu'il entendait voir mener en ce qui concerne l'habitat en ville, tant sur le plan des immeubles d'habitation et des locaux commerciaux vides que de la manière de traiter ceux qui les occupent ;
à inviter le Procureur général à tenir compte de cette position du parlement ;
en dernier ressort, à refuser toute mise à disposition de forces de police pour l'évacuation de l'immeuble rue de l'Arquebuse 1-3, ainsi que toutes autres surfaces commerciales, tant et aussi longtemps qu'un projet permettant la réhabilitation de ces immeubles en logement n'est pas adopté.