République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1268
6. Proposition de motion de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Alberto Velasco, Christian Ferrazino, Antonio Hodgers, Jeannine de Haller, Françoise Schenk-Gottret, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Myriam Sormanni, Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Anne Briol, Régis de Battista, Luc Gilly, Pierre Vanek, Caroline Dallèves-Romaneschi et Dominique Hausser concernant le retrait des troupes armées engagées pour assurer la sécurité des organisations internationales. ( )M1268

EXPOSÉ DES MOTIFS

Lors de la dernière séance du Grand Conseil, le parlement a voté majoritairement une résolution demandant au Conseil d'Etat de nouer un dialogue avec les représentants du peuple kurde.

Pour toute réponse, le Conseil d'Etat a sollicité des autorités fédérales une aide militaire pour assurer la sécurité des organisations internationales.

Ces militaires armés ne sont là que « pour assurer la sécurité et donner l'alerte en cas de danger » selon la conférence de presse donnée conjointement par la présidente du gouvernement et les autorités militaires.

Pourtant, ils sont armés et en nombre considérable.

Ce n'est pas en créant un état de siège autour des organisations internationales, que le gouvernement évitera des manifestations. Au contraire, on peut imaginer l'effet de provocation à la violence qu'engendre un tel déploiement.

Les signataires de cette motion déplorent le peu de réflexion et la tentation de céder à la peur qui a guidé l'action gouvernementale. Ils demandent le retrait immédiat des troupes armées.

L'état de santé précaire et préoccupant du leader kurde Ocalan, de même que le peu d'espoir de voir les autorités turques organiser un procès dans le respect élémentaire des Droits de l'Homme, laissent augurer de nouvelles manifestations des représentants kurdes en Suisse, fortement préoccupés par la situation. Les autorités de notre canton doivent répondre par l'écoute et le dialogue.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés - par votre soutien à cette motion - de bien vouloir montrer à notre Conseil d'Etat qu'il fait fausse route et qu'il est encore temps de revenir en arrière.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). En février de cette année, lorsque M. Öcalan a été arrêté, la communauté kurde internationale a manifesté son désarroi dans plusieurs pays, dont le nôtre. A Genève, cela s'est exprimé par diverses manifestations et par une occupation sur la place des Nations. Les réactions ont été diverses face à cette occupation et, lors de notre dernière séance au Grand Conseil, nous avons adressé au gouvernement une résolution visant à condamner son attitude lors de ces manifestations. La présidente du gouvernement nous a alors expliqué l'attitude du gouvernement durant cette manifestation et pour quelles raisons elle considérait que cette attitude avait été adéquate.

Certains d'entre nous ont estimé que ce n'était pas le cas, d'où le renvoi de cette résolution, par une majorité du Grand Conseil. Cette résolution demandait également au gouvernement de bien vouloir entreprendre des discussions avec la population kurde de Genève. Quelques jours après, pour toute réponse, le gouvernement de notre canton n'a rien trouvé de mieux que de faire appel à Berne pour s'assurer du soutien de l'armée pour protéger les organisations internationales. Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, nous sommes extrêmement contrariés et déçus par votre réaction. Nous vous demandons de dialoguer, vous répondez par une forme de répression...

La motion que nous vous présentons ce jour est la conséquence de votre réaction inadéquate. Elle vous demande de revenir immédiatement sur votre décision et d'intervenir auprès du Conseil fédéral pour que celui-ci rappelle ses troupes. Elle vous dit également qu'il est grave, aujourd'hui, de vouloir criminaliser le mouvement kurde. On ne peut pas dire, dans notre pays et dans notre canton, que les manifestations des Kurdes aient présenté le moindre risque. Au contraire, ces manifestations - plus de cinq mille personnes - se sont déroulées dans un calme dont nous pourrions nous inspirer.

Nous vous demandons donc, une fois de plus, de nouer un dialogue avec les représentants du peuple kurde. Madame Brunschwig Graf, vous vous expliquerez sans doute tout à l'heure sur les premières démarches que vous avez initiées avec votre gouvernement, et je me réjouis de vous entendre. Nous vous demandons également de bien vouloir être notre intermédiaire auprès du Conseil fédéral en prenant l'initiative que soit tenue, sur territoire genevois, une conférence - ou plusieurs - qui puisse participer au règlement pacifique du conflit opposant la Turquie au peuple kurde.

Nous comptons vraiment, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, sur votre réaction positive, cette fois, et immédiate. En effet, vous pourrez juger avec nous à quel point ce déploiement de troupes est ridicule, de même que les camions que nous croisons en nous baladant dans la Vieille-Ville alors que, soi-disant, ces troupes devaient être cantonnées autour de l'ONU. Pas plus tard que ce matin, j'ai croisé un camion blindé à la rue des Chaudronniers. Ils ne sont donc pas uniquement cantonnés autour des organisations internationales !

Je pense que vous êtes conscients que c'est inutile et que vous accepterez avec nous que ces troupes soient rappelées dans les plus brefs délais.

M. Jean-François Courvoisier (S). La présence de notre armée face aux manifestants kurdes est une gaffe monumentale.

En automne 1996, M. Adolf Ogi est allé à Washington pour signer l'adhésion de notre pays au partenariat de la paix de l'OTAN. Par cette adhésion, le Conseil fédéral pensait assurer la sécurité de notre pays en s'associant à la plus grande puissance économique et militaire du monde qui prétend imposer la paix sur la terre sans se soucier du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. M. Ogi a souligné qu'il s'agissait d'un partenariat à la carte et que nous ne serions pas obligés d'intervenir contre notre volonté. Mais le fait d'être partenaires nous empêche d'être adversaires. La Turquie étant membre de l'OTAN est donc notre partenaire. Implicitement, les Kurdes sont nos ennemis, puisque les ennemis de nos amis sont nos ennemis.

Il y a un an environ, Mme Hugenberger, une syndicaliste suisse, a participé à une manifestation de protestataires étrangers contre la répression turque au Kurdistan. Voici ce qu'elle rapporte de cette manifestation : «Notre route a été bloquée par des blindés et nous avons été harcelés par la police et par l'armée qui voulaient empêcher la population de prendre contact avec notre délégation. Nous avons été alors encerclés par trois blindés et deux hélicoptères, engouffrés dans un bus qui nous a ramenés de force à Istanbul. Les contacts avec nos ambassades ont été difficiles, puisque nous avons été empêchés de nous rendre à Ankara.»

Mme Hugenberger a conclu en ces termes : «Il est regrettable que le Conseil fédéral, à l'instar d'autres pays européens, entretienne des relations normales avec la Turquie qui foule aux pieds les plus élémentaires droits de l'homme.»

Or, non seulement nous entretenons des relations avec le gouvernement turc, mais la Turquie est notre partenaire pour la paix. Comme le rappelait le conseiller aux Etats, Pierre Aebi : «La lutte des Kurdes est aussi un combat pour le respect de la démocratie, et, si nous ne défendons ces valeurs que pour nous-mêmes, c'est que nous avons cessé d'y croire.» M. Aebi juge comme étant une «immense maladresse» la décision fédérale de mobiliser les troupes pour protéger les bâtiments officiels en prévision d'éventuelles manifestations kurdes. Le plus grand quotidien turc annonçait cette nouvelle en écrivant : «La Suisse a enfin compris qu'il n'y a que l'armée pour lutter contre le PKK, puisqu'elle vient de mobiliser trois mille cinq cents soldats pour cela.»

La présence de notre armée a aussi été très mal ressentie par les manifestants kurdes qui ont l'impression d'être pris pour des criminels et qui estiment que notre pays prend le parti du gouvernement turc, qui les opprime depuis si longtemps. Jusqu'à ce jour, notre pays a été épargné par le terrorisme. Mais qui sont les terroristes ? Ce sont des soldats comme les autres, généralement plus courageux, mais qui, pour défendre ce qu'ils pensent être leurs droits, n'ayant pas les moyens d'avoir des blindés, des avions et des navires de guerre, acceptent de participer à des opérations de plus en plus sanguinaires en pensant que c'est le seul moyen de sortir de leur misère et de leur désespoir.

En ayant choisi de nous associer à ceux qui nous semblent les plus forts, nous avons pris le risque d'attirer sur nous la menace du terrorisme. La présence de notre armée face à ceux qui réclament une dignité bien légitime ne peut qu'exacerber le sentiment de révolte de ces malheureux. Alors, pour la dignité de notre canton, pour la sécurité de ses habitants, refusons la présence de notre armée pour de telles missions. Seule la convocation dans les plus brefs délais d'une conférence internationale pour régler d'une manière politique le problème du peuple kurde pourra assurer notre sécurité et la paix à long terme dans cette région.

Cette motion doit donc être renvoyée au Conseil d'Etat.

M. Pierre-Pascal Visseur (R). La motion qui vous est présentée aujourd'hui est l'illustration parfaite des contradictions de ses auteurs et de leur méconnaissance des problèmes de sécurité. Depuis des années, ils réclament, à réitérées reprises, une police mieux préparée, plus proche de la population, plus efficace. Aujourd'hui encore, ils dénoncent la montée de la violence et demandent que la police soit plus efficace, notamment lors des manifestations.

Or, lorsque l'on donne à la police les moyens de se concentrer sur ses tâches prioritaires : la protection de la population et la poursuite des délinquants, ils hurlent au loup et exigent le départ de ces auxiliaires de la police que sont, en l'occurrence, ces quatre cents soldats présents à Genève. Car, faut-il une fois encore le préciser, l'armée n'est pas présente à Genève pour se battre ni pour défendre directement tel ou tel objectif potentiel; elle a pour simple mais importante mission de surveiller, d'observer et, au besoin, d'alerter les forces de police, qui, elles, interviennent en cas de besoin.

La police n'a pas les effectifs pour assumer cette surveillance; elle a déjà bien de la peine à assumer les tâches quotidiennes qui lui sont confiées. De plus, la police est nettement surqualifiée pour assumer un travail de simple vigile, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Les qualifications ont aussi un prix. Le coût mensuel moyen d'un gendarme s'élève à près de 10 000 F si l'on tient compte de toutes les charges, alors que celui d'un soldat, qui effectue son service militaire sous cette forme, est proche de zéro franc. On leur a demandé s'ils étaient d'accord de le faire dans ces conditions, à Genève. Ceux qui n'étaient pas d'accord ont eu le choix de rester dans les montagnes.

Il faut aussi tenir compte du fait qu'un gendarme travaille 40 heures par semaine, alors qu'un soldat en effectue 80. Les quatre cents soldats à Genève représentent donc en réalité huit cents auxiliaires de gendarmerie utiles et - si j'ose utiliser l'expression - bon marché, en tout cas pour la République.

Finalement, et c'est peut-être le premier argument que j'aurais dû citer : la loi fédérale sur l'armée prévoit que le Conseil fédéral peut en tout temps déléguer aux cantons des unités d'armée pour l'aider dans le maintien de l'ordre. Il s'agit donc bien d'une décision fédérale, basée sur une loi fédérale qui prévaut, comme chacun, le sait sur nos modestes compétences cantonales. On ne peut donc que suggérer aux auteurs de cette motion - s'ils ne sont toujours pas convaincus - d'intervenir auprès de leurs collègues des Chambres fédérales et au Conseil fédéral.

C'est la raison pour laquelle le groupe radical vous enjoint, Mesdames et Messieurs, à refuser purement et simplement cette motion.

Mme Barbara Polla (L). Tous ici, j'en suis profondément convaincue, nous espérons la paix et la sécurité partout dans le monde et nous y travaillons ici, mais les moyens que nous considérons les meilleurs sont fondamentalement différents. Vous l'aurez compris, nous sommes convaincus que l'armée joue un rôle essentiel dans la sécurité. Permettez-moi de citer Machiavel, non pas celui dont M. Rodrik parlait ce soir - Machiavel le diabolique - mais Machiavel revisité, réécrit à la lumière des Evangiles, par Metin Arditi. Machiavel qui écrivait déjà, très Suisse en la matière : «Donner des armes aux citoyens, c'est supprimer les troubles et non pas les nourrir.»

Vous pensez que l'armée est une provocation à la violence; nous la considérons comme l'un des services les plus importants à la population. Vous pensez que la présence de troupes armées à Genève pour assurer la sécurité des organisations internationales reflète une volonté de criminaliser le mouvement kurde; nous pensons, au contraire, que cette présence de l'armée à Genève est un exemple, une preuve de son indispensable adaptabilité aux nouveaux problèmes qu'elle est amenée à gérer et un très bon exemple aussi du type de collaboration, efficace et utile, qui peut exister entre la police et l'armée, et nous en sommes fiers.

Vous pensez qu'il est souhaitable de supprimer l'armée, en général et dans le cas particulier, mais nous sommes convaincus que nos concitoyens ont besoin de sécurité et, donc, d'une armée modernisée, mobile, capable de s'engager dans les conflits et les situations les plus divers, une armée capable de répondre à toutes les nouvelles menaces. Lorsqu'il s'agit de sécurité, nous dit encore l'exégète de Machiavel, le réalisme exclut la fuite, et le prince - en l'occurrence notre Conseil d'Etat et sa présidente - se doit d'être responsable et comptable de la sécurité de l'Etat.

Nous sommes convaincus que le Conseil d'Etat - contrairement à ce que vous écrivez dans votre exposé des motifs - n'a à aucun moment cédé à la peur ; au contraire, il s'est attaché à assumer sa responsabilité fondamentale, car assurer la sécurité des citoyens, c'est bien la première et la plus importante des missions de l'Etat.

Pour toutes ces raisons ainsi que celles exposées par mon préopinant, je vous invite donc à rejeter cette motion.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore huit orateurs inscrits. Je vous avais dit que nous arrêterions nos travaux à 23 h. Il dépend de vous que nous puissions traiter les objets qui doivent être traités ce soir comme vous l'aviez demandé.

M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe ne partage absolument pas l'analyse présentée par M. Visseur et par Mme Polla. Nous continuons de dénoncer une mesure qui nous semble totalement inadéquate par rapport au problème posé. Nous accordons la priorité à une conférence internationale sur la paix qui nous paraît la seule issue possible à long terme. Il est de notre devoir, dans cette République, d'appeler cette conférence de toutes nos forces.

En terme d'efficacité, nous avons les plus grands doutes sur le fait que l'armée soit, dans une telle situation, la réponse la mieux adaptée à des manifestations démocratiques, qui n'ont pas - que je sache - mis l'ordre de ce canton en danger. Or, le fond du problème est là : dans quelle mesure l'ordre était-il vraiment en danger pour justifier une intervention aussi importante des forces armées ? Je vous le demande !

Il s'agissait de manifestations d'une partie de la population associée au mouvement totalement légitime du peuple kurde, qui revendiquait son droit à être reconnu. Et nous ne voyons pas en quoi ces manifestations mettaient en danger nos institutions, raison pour laquelle nous continuons à demander le départ de ces troupes du canton.

M. Christian Brunier (S). Le fait que des militaires sans expérience soient aujourd'hui armés sur la voie publique est un danger potentiel inacceptable. L'histoire genevoise le prouve d'ailleurs douloureusement. La présence de l'armée à Genève est un dérapage et le résultat d'une décision totalement disproportionnée. Depuis le début des manifestations kurdes, demandant simplement un jugement équitable pour leur leader Öcalan, l'exécutif genevois a agi continuellement dans la démesure.

Dans cette affaire, le Conseil d'Etat n'assume pas pleinement le rôle international de Genève et cela est regrettable. Le Conseil d'Etat privilégie nettement la Genève internationale officielle, institutionnelle, alors qu'il ignore superbement les peuples qui s'expriment dans notre cité internationale pour défendre leur droit à la dignité, à la liberté et à la paix. Ces peuples opprimés, violentés, déchirés demandent juste de pouvoir exprimer leurs revendications pacifiquement devant les organisations internationales. Notre seul devoir est de les accueillir avec humanité, de leur permettre de défendre leur cause pacifiquement.

Or, qu'a entrepris le gouvernement genevois ? Il a appelé l'armée, créant ainsi une tension inutile dans la population; il a décoré certains bâtiments d'horribles barbelés; il a refusé une première fois aux Kurdes l'autorisation de manifester pendant plusieurs jours, lors de la session de la commission des droits de l'homme de l'ONU, et envoyé la police pour effectuer des contrôles d'identité des manifestants. Bref, Mesdames et Messieurs les députés, si on veut être bien reçu à Genève, il vaut mieux être un dictateur chinois qu'un humble militant kurde !

Il est clair que l'appel à l'armée, au moment même où les Kurdes sont dans la rue, crée un amalgame plus que douteux. A quelques semaines du vote sur la loi fascisante sur l'asile, ce choix - ou cette coïncidence - est tout à fait scandaleux.

Nous voulons toutes et tous que les manifestations dans notre canton se déroulent sans heurt et sans violence. Pour cela, nous devons éviter toute provocation et permettre aux Kurdes et aux autres peuples opprimés d'être écoutés. C'est pourquoi nous demandons le retrait des troupes armées et un engagement fort de notre canton pour permettre un règlement pacifique du conflit qui oppose la Turquie au peuple kurde.

Au-delà de nos divergences sur le rôle de l'armée, nous vous demandons d'approuver cette motion.

Une voix. Blablabla !

M. Pierre Vanek (AdG). Je déplore l'appel à l'armée que vous justifiez et à laquelle vous avez eu recours, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, pour soi-disant assurer le «maintien de l'ordre».

Par rapport au risque que vous évoquez et au spectre du terrorisme que vous peignez sur les murailles, notre armée serait parfaitement inefficace; c'est essentiellement une mesure symbolique qui a été prise. Malheureusement ce symbole est très déplaisant; il désigne, à mots couverts, un ennemi représenté par le PKK ou les Kurdes qui se battent de manière légitime pour leur droit à l'autodétermination. C'est extrêmement fâcheux, car les Kurdes sont victimes, chez eux, d'un régime que je n'hésite pas à qualifier de «militaro-fasciste» qui entretient depuis des années un état d'urgence, un état de guerre, contre une partie de la population sur son territoire. Ce régime porte aujourd'hui une ombre qui déshonore et salit notre ville. En faisant appel à la troupe, notre cité affirme sa position contre un «ennemi» que vous désignez implicitement et qui est le même que se sont donné les militaires turcs.

Cette attitude n'est ni conforme aux résolutions votées dans ce parlement, ni à la volonté du peuple de Genève qui s'était prononcé en faveur de l'initiative du GSsA pour la suppression de l'armée. Elle n'est pas conforme non plus aux intentions de notre législatif qui s'est prononcé en faveur de l'initiative «Genève, République de paix» qui devra être encore soumise au souverain, mais c'est quand même un message de notre Conseil sur cette question qui se prononce explicitement contre le recours à l'armée pour des soi-disantes missions de «service d'ordre». En l'occurrence, il s'agit d'un ordre essentiellement symbolique, et c'est un symbole parfaitement déplaisant.

Dans un autre registre, Mesdames et Messieurs, Madame la présidente du Conseil d'Etat, Monsieur Ramseyer, j'ai sous les yeux la constitution qui en son article 127 indique que lorsque le Conseil d'Etat appelle à un service actif extraordinaire de plus de quatre jours un corps de troupe supérieur à trois cents hommes, il est tenu d'en rendre compte au Grand Conseil dans les huit jours. A ce que je sache, vous n'avez pas respecté cet article, ou du moins son esprit. Vous me direz que la décision a été prise par le Conseil fédéral, qu'il ne s'agit pas d'un service actif extraordinaire, que c'est une question de terminologie militaire. Dans l'esprit de cet article, c'est effectivement extraordinaire et, quelle que soit votre réponse, vous êtes en train de vous cacher derrière votre petit doigt. En tout état de cause, vos explications ne sont pas satisfaisantes. Une fois de plus - nous l'avons constaté pour d'autres dossiers - il y a une fâcheuse tendance de notre exécutif à glisser dans une autonomie incontrôlée, alors que - sur des questions aussi graves que celle-ci - le Conseil d'Etat ferait mieux d'écouter ce parlement et de tenir compte des messages qu'il lui envoie.

M. Alberto Velasco (S). Je m'élève contre l'argument de Mme Polla qui prétend qu'il a été fait appel à l'armée, parce que la sécurité de l'Etat était mise en question... C'est tout de même aller un peu loin ! Pour mon collègue, M. Visseur, il s'agit plutôt d'une question financière. En effet, si la police coûtait zéro franc et pouvait travailler 80 heures par semaine, on n'aurait pas eu recours à l'armée. Il ne s'agit donc pas de la sécurité de l'Etat mais d'une question purement financière.

Monsieur Ramseyer, il faudrait peut-être militariser la police, ce qui en diminuerait les coûts d'une manière significative. (Remarques et rires.)

M. Régis de Battista (S). Le débat de ce soir ne traite pas d'une «Suisse sans armée». L'armée est utilisée dans ce contexte comme alibi pour faire passer une idée politique de la droite, pour des projets du genre casques jaunes, casques bleus, que l'on va essayer de nous présenter sous peu. Je crois que l'usage que vous faites de l'armée n'est pas du tout correct et pas du tout acceptable. Je n'ai pas l'intention de discuter de l'utilité de l'armée, car c'est un autre débat. Dans le cas présent, elle est utilisée à des fins politiques.

En ce qui concerne la prévention des conflits, le Conseil d'Etat fait fausse route. Cette démarche n'a fait l'objet d'aucune discussion avec les personnes concernées, d'une table ronde ou d'un organe de réflexion sur ces sujets.

Nous avons accepté, hier soir tard, une résolution sur l'Appel de La Haye qui fait référence à plusieurs éléments qu'il serait intéressant de rappeler. Une série de projets et de réflexions vont être conduits par la population civile : la conception et la coordination de stratégies pour réaliser un désarmement global; le renforcement et la promotion à l'échelle internationale des droits de la personne ; le droit humanitaire et ses institutions ; la promotion de la prévention et la résolution pacifique des conflits ; la construction de la paix; l'étude des causes de la guerre et le développement d'une meilleure culture de la paix pour le XXIe siècle. Tous ces arguments ne sont pas évoqués, et je trouve que c'est extrêmement grave.

Je peux comprendre l'exposé de Mme Polla, bien que nous n'ayons pas la même approche sur les questions de paix. Mais vous ne permettez pas à une certaine catégorie de la population de s'exprimer normalement; car c'est toujours vous qui - avec vos moyens militarisés - voulez détenir ce monopole du moteur de la paix. C'est une situation qui ne peut perdurer. Il faut laisser ces gens s'exprimer : les Kurdes, les Tibétains; il faut les écouter, car le problème va continuer. Genève est une place internationale qui abrite la commission des droits de l'homme.

Ce n'est pas en construisant des murs que l'on va trouver une solution; il faut essayer de construire des ponts; il faut essayer de nouer le dialogue avec ces gens; ce pourrait être le rôle d'une commission de tenter de voir, sur des sujets aussi sensibles, quelle suite est donnée aux résolutions comme celle que nous avons votée hier soir sur la question tibétaine, ou, il y a quelque temps, sur la question kurde. Nous devons nous préoccuper de savoir comment le Conseil d'Etat traite ces résolutions dont on prétend qu'elles ne sont pas écoutées à Berne. Notre parlement ne doit pas seulement s'occuper d'affaires locales mais également de dossiers internationaux, car nous vivons dans une ville internationale.

Je suis persuadé que Mme Brunschwig va nous faire une leçon de morale. Avec tout le respect que je lui dois, je me réserve la possibilité de reprendre la parole après son intervention.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). J'aimerais répondre aux deux interventions opposées à la motion. Les propos de M. Visseur n'ont surpris personne; nous connaissons son credo sur les heures supplémentaires de la police : ce ne sont pas les êtres humains qui comptent, c'est le porte-monnaie ! Les militaires coûtent effectivement moins cher que la police. Ce n'était donc pas particulièrement intéressant !

En revanche, votre intervention, Madame Polla, mérite quelque peu que l'on s'y arrête. Madame Polla, je vous connaissais plusieurs facettes. J'en ai découvert une nouvelle, mardi, à travers «Le Matin» avec ce grand titre : «Armée, il faut aller plus loin». Le journaliste vous a posé un certain nombre de questions et vous a demandé notamment ce que, vous, vous proposiez concrètement.

Vous avez répondu deux choses importantes, je vous cite : «Faire de notre armée un modèle de haute spécialisation et élargir encore davantage ses missions de nature civile. Ainsi, notre politique de sécurité et notre armée deviendraient beaucoup plus attractives pour les jeunes et les femmes, car les jeunes sont friands de nouvelles technologies; ils connaissent la violence à travers les jeux vidéos et y apportent leurs propres réponses. Si l'armée devenait «high tech», vous verriez alors leur intérêt redoubler...».

Madame la députée, c'est ce que nous voyons effectivement en ce moment avec ce qui se passe au Kosovo, en regardant la télévision de notre fauteuil : les jeux vidéos grand écran. Vos interventions et tout ce que vous avez écrit dans le journal me font tout simplement frémir ! (Exclamations et applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). On vient d'assister de nouveau à un déballage d'arguments divers et opposés sur le rôle de l'armée et de l'Etat dans le maintien de la paix internationale.

Je me bornerai à m'exprimer sur la troisième invite de votre motion qui me paraît digne d'intérêt bien qu'elle m'apparaisse superflue. Je crois en effet pouvoir affirmer, Mme Brunschwig Graf le dira tout à l'heure encore une fois au nom du Conseil d'Etat : si nous pouvons nous honorer de quelque chose dans ce canton, dans cette ville, c'est d'avoir saisi jusqu'à présent toutes les occasions d'apporter nos bons offices chaque fois que des conflits naissaient dans le monde et d'accueillir sur notre territoire les personnes qui étaient impliquées dans ces conflits pour permettre des négociations. C'est une démarche positive que nous avons renouvelée à maintes reprises. Il n'est donc pas nécessaire d'adresser une demande dans ce sens au Conseil d'Etat. Il est conscient qu'il doit le faire et il a pour cela l'appui de la population et du parlement; c'est une mesure superfétatoire que de le lui rappeler.

Pour le surplus, des allergies diverses se réveillent concernant le rôle de l'armée. Tout à l'heure, M. Ramseyer était encensé et, maintenant, il est devient le grand Satan qui fait appel à l'armée chaque fois qu'il a un problème. D'une heure à l'autre, on peut être un saint ou un damné, Monsieur Ramseyer, je ne vous apprends rien ! Moi, j'estime que si nous voulons continuer à jouer un rôle sur le plan du maintien de la paix dans le monde et préserver ce lieu de négociations, nous devons d'abord assurer la sécurité de toutes les organisations internationales qui se trouvent sur notre territoire.

On peut évidemment alléguer que la sécurité n'était pas mise en danger et que les Kurdes n'avaient aucunement l'intention d'aller envahir ces institutions. Il est aisé de le dire après, mais le Conseil d'Etat avait l'obligation de prévenir. En cas de débordements, on aurait reproché au Conseil d'Etat de n'avoir pas prévu ce qui allait se passer et de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des organisations internationales.

Pourquoi faire appel à l'armée ? Vous connaissez les difficultés que rencontre la police genevoise pour assurer sa mission. Dans le cas particulier, compte tenu des risques potentiels suite à l'arrestation du leader des Kurdes, le Conseil d'Etat a estimé qu'il ne pouvait pas assurer les deux missions : la sécurité des organisations internationales et continuer, parallèlement, à assumer nos tâches de sécurité intérieure pour que notre ville puisse continuer à vivre, notamment sur le plan de la circulation : ce sont les tâches primordiales de la police. C'est pour lui permettre de les assurer que le Conseil d'Etat a demandé l'aide de l'armée.

Comme cela a été dit maintes fois, l'armée a pour seule mission d'être vigilante et d'avertir la police en cas de problèmes. En réalité, vous cherchez toutes les occasions pour remettre en cause notre armée - chacun a le droit de penser ce qu'il veut sur le maintien ou la suppression de l'armée - dont vous faites votre bouc émissaire. Chaque fois que vous pouvez la remettre en cause, vous le faites, même quand elle est véritablement utile comme c'est le cas aujourd'hui. Elle nous aide à remplir notre rôle de cité internationale et à favoriser le dialogue, mais, pour vous, l'armée ne peut être que négative. Vous assimilez notre troupe à d'autres armées dans le monde qui ont beaucoup de choses à se reprocher. Vous savez très bien que notre armée, celle du peuple suisse, est là uniquement pour venir en aide au gouvernement pour assurer la sécurité du pays et la sécurité des organisations qui se trouvent dans notre pays.

M. Olivier Vaucher (L). Je ne m'attarderai pas sur les propos déplacés de certains préopinants des bancs d'en face. La police genevoise a déjà des effectifs trop restreints - nous le savons - comparativement à d'autres villes et, surtout, en regard des multiples tâches qui lui incombent. Elle ne peut donc efficacement faire face à de nouvelles charges.

J'aimerais rappeler que le soutien ponctuel de l'armée, formée pour ces tâches, ne coûte rien à notre canton, alors que les heures supplémentaires ne cessent d'augmenter à la police genevoise, qui, elle, a déjà fait de nombreux efforts pour réduire ses coûts. Malgré les dires de Mme Bugnon, je trouve que l'armée présente est particulièrement discrète et ses hommes particulièrement agréables. Bien sûr, si, par miracle, certains leaders de manifestations, présents dans cette salle, qui nécessitent une mobilisation de la police, s'engageaient à renoncer à organiser certaines de leurs manifestations, peut-être pourrions-nous envisager de nous rallier à cette motion. Mais, comme je sais que cela n'est malheureusement pas réalisable, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cette motion.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Le recours à l'armée n'a pas eu lieu en catimini, puisque ce Grand Conseil m'avait déjà interrogée, lors de la dernière séance, sur la présence de la troupe et sur ses attributions. Le calendrier évoqué par Mme Bugnon reflète une légère imprécision, car, à ce moment-là déjà, je m'en étais expliquée en répondant à deux interpellations urgentes qui m'avaient été adressées. Ce n'était donc pas une surprise. Nous avons besoin de la présence de l'armée pour assurer la sécurité des organisations et des missions internationales. J'en avais précisé le cadre et le rôle. Je crois pouvoir dire que, depuis un mois, cette mission a été respectée sous tous ses aspects.

Mesdames et Messieurs les députés, l'armée remplit sa mission depuis un mois, sans pour autant porter atteinte au droit de manifester, comme il est de coutume dans notre canton. Pas plus tard que ce matin, deux manifestations se sont déroulées sur la place des Nations; l'une était organisée par les Kurdes et l'autre par Amnesty International et les Tibétains. Peut-on dès lors affirmer que le droit d'expression est menacé, lorsque l'armée assure la sécurité des organisations internationales ? Point du tout, puisque aujourd'hui même, alors que des mesures de sécurité importantes devaient être prises dans d'autres lieux, le droit de manifester sur une place prisée par les Genevois pour ce faire - un lieu hautement symbolique - a été respecté.

De même, samedi dernier, des jeunes venus pour la francophonie ont, de concert avec les autorités fédérales et cantonales, procédé à un lâcher de ballons contre les mines antipersonnel sur cette même place des Nations

Depuis un mois, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas eu d'incidents dans ce canton et dans cette ville, jusqu'au moment où quelques personnes - dont certains députés - ont choisi de s'introduire dans la propriété d'une mission internationale. L'armée a été requise pour assurer la sécurité et non pour empêcher les gens de manifester ou de défiler. Preuve en est qu'il y a eu depuis deux défilés pour une «Suisse sans armée», depuis que la troupe est dans nos murs. Mais l'une de ses tâches est d'assurer la sécurité, de prévenir toute entrée illicite sur la propriété privée des organisations internationales, des missions et des lieux appartenant à autrui.

Cela doit être bien compris : il ne s'agit pas, à l'heure actuelle ou dans le futur, de porter atteinte à la population kurde en limitant ses droits à vivre dans nos murs. Celles et ceux qui dénoncent la présence de l'armée en utilisant cet argument causent du tort à la population kurde parce qu'ils font un amalgame d'éléments sans corrélation. C'est une chose d'envahir une propriété ou de faire partie d'un mouvement terroriste et c'en est une autre de faire partie d'une communauté respectée dans nos murs. C'est si vrai - comme l'a évoqué tout à l'heure Mme Bugnon - que, conformément à votre précédente demande déjà incluse dans cette motion, nous avons établi des contacts avec la population kurde qui vit chez nous et qui estime qu'il n'est pas souhaitable de porter atteinte au droit et à l'Etat de droit de notre République, mais qui veut être rassurée sur ses propres droits et sur le respect qu'on lui doit. Cette mission est d'ores et déjà en voie d'être accomplie.

Mesdames et Messieurs les députés, je ne pense pas - et le gouvernement non plus - que l'armée soit une solution durable pour assurer la sécurité des organisations internationales. C'est la raison pour laquelle notre collègue Ramseyer a entrepris, depuis plusieurs mois déjà, la mise sur pied d'une garde de sécurité diplomatique. Nous comptons bien, d'entente avec les autorités fédérales, que cela soit la véritable solution à long terme. Si nous avons pris quelques précautions et fait appel à l'armée, dont la mission a été clairement définie, et ce jusqu'à ce que la sécurité ne soit plus menacée - je le répète - ce n'est pas une démarche contre la population kurde de ce canton, c'est parce qu'il existe bel et bien certains problèmes - nous les connaissons mais je n'ai pas l'intention de les évoquer ici - qui impliquent précisément de prendre des mesures de sécurité. La population genevoise ne me semble pas outrageusement dérangée par la présence de l'armée et les lettres de lecteurs mécontents ne sont pas légion. Nous avons, de notre propre chef, demandé de réduire ce dispositif qui était trop visible et nous avons pris les précautions nécessaires - nous continuerons à le faire - pour assurer la sécurité à long terme tout en réduisant les moyens mis en oeuvre.

Néanmoins, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de respecter l'idée que ces mesures de sécurité s'imposent et que nous en portons la responsabilité. Je peux affirmer qu'en un mois il n'y a eu aucun dérapage ni aucune confrontation, mais, au contraire, une excellente collaboration. Les rôles ont été extrêmement bien répartis entre les tâches effectuées avec professionnalisme par la police et la mission dévolue à l'armée et qui lui échoit encore aujourd'hui.

Il n'est pas exact, en revanche, de prétendre que nous devons nous prononcer constitutionnellement. Je suis très étonnée que celles et ceux qui, aujourd'hui, consultent avec acharnement la constitution ne l'aient pas fait en 1994... A l'époque, visiblement, personne n'a été dérangé par la présence de l'armée pour assurer la sécurité de la conférence de MM. Clinton et Assad, pas plus qu'en 1988, pour assurer la sécurité de M. Arafat !

Si nous voulons être logiques, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas à appeler au vote de ce parlement. En revanche, le Parlement fédéral a donné l'autorisation à la troupe de venir à Genève. La commission adéquate du Conseil national vient de se prononcer : par quatorze oui, quatre non et trois abstentions, elle a confirmé la mise à disposition des troupes aussi longtemps qu'il le fallait.

Nous souhaitons limiter la présence des troupes au strict nécessaire, dans la perspective d'un relais avec les gardes de sécurité diplomatiques. Les engagements que j'ai pris au nom du Conseil d'Etat, il y a plus d'un mois, avec l'appui de la police, ont été respectés sur tous les points. Nous nous sommes engagés à veiller à ce qu'il n'y ait pas de dérapage; à rassurer la communauté kurde, à séparer strictement les activités de police de celles liées à la sécurité des missions diplomatiques assumées par l'armée. Je crois pouvoir affirmer ici que ces objectifs ont été atteints à satisfaction des parties.

Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte de cet état de fait et de tolérer provisoirement une situation qui est nécessaire pour le moment, parce que nous avons une mission globale à remplir.

Respecter la présence des organisations institutionnelles, reconnaître à chacun le droit de manifester, assurer le bon déroulement des manifestations dans la rue et assurer au quotidien la sécurité de nos concitoyens, tout cela fait partie d'une mission globale qui, à l'heure actuelle, est remplie à la satisfaction de tous. Je remercie ici la police et les miliciens de l'armée qui sont venus assumer une mission qui n'était pas évidente pour eux, dans la dignité et avec grande qualité. (Applaudissements.)

M. Régis de Battista (S). Il est important, après ce qui vient d'être dit, d'ajouter deux ou trois mots, avec, bien entendu, le respect dû à cette enceinte.

Le problème réside dans le fait que certaines personnes n'ont pas compris comment résoudre la situation. En Suisse, nous vivons d'une manière relativement aisée, alors que d'autres populations dans le monde connaissent des situations extrêmement précaires et difficiles. Peut-être s'agit-il d'un choc de cultures qu'il faut arriver à gérer. Mais ce n'est pas en imposant la présence de l'armée, Madame Brunschwig Graf, que vous parviendrez à résoudre ce problème, même si la présence de ces gardes militarisés est une solution temporaire. Il faudrait donner à cette population les moyens de s'exprimer ici à Genève. Une commission pourrait être créée pour essayer de voir de quelle manière gérer de tels événements, car vous ne parviendrez pas à les stopper. Vu la situation mondiale, ils se reproduiront, en raison de la présence de la Commission des droits de l'homme à Genève et aussi longtemps qu'il y aura de la famine et des guerres. La place des Nations continuera à être le lieu privilégié de ces manifestations; vous ne l'avez pas compris en plaçant l'armée toujours à ces mêmes endroits. C'est pour cela que je prétends que l'armée est utilisée comme un alibi politique. La prévention des conflits, ça se fait bien avant !

Les actions menées devant certaines ambassades me semblent louables face au silence politique par rapport aux graves problèmes rencontrés par certaines populations. Nous devons tous prendre nos responsabilité par rapport à nos engagements tant à titre individuel qu'en fonction de notre appartenance à un groupe. Le silence politique du Conseil d'Etat par rapport à certaines résolutions adoptées dans ce Grand Conseil est vraiment étrange.

Je suis assez satisfait d'avoir appris qu'un incident diplomatique a eu lieu hier au Palais fédéral parce que M. Jiang Zemin n'était pas au courant des habitudes en Suisse. Le véritable problème, c'est que la politique suisse fait toujours passer l'économie avant les droits de l'homme.

M. Jacques Béné (L). Si après chaque déclaration du Conseil d'Etat, on se permet de reprendre la parole, ce parlement va être complètement sclérosé. Le débat a eu lieu; nous avons pris note des remarques de M. de Battista. J'espère que nous n'aurons plus à revenir là-dessus. (Exclamations et rires.)

Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

L'adjoint du sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, cette motion est adoptée par 42 oui contre 40 non.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1268) concernant le retrait des troupes armées engagées pour assurer la sécurité des organisations internationales

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la mise en place de troupes armées aux abords des organisations internationales, dans un but de prévention et de sécurité ;

le climat d'état de siège résultant de ces dispositions ;

la volonté de criminaliser le mouvement kurde, dont les manifestations sont pacifiques, et ne troublent pas la sécurité publique ;

la résolution votée par une majorité du parlement demandant au Conseil d'Etat de nouer un dialogue avec les représentants du peuple kurde ;

l'effet de soutien au gouvernement turc que cette mesure a eu, relaté par les journaux turcs et déploré par la délégation de parlementaires nationaux suisses qui se sont rendus sur place ;

à revenir sur sa décision et à intervenir auprès du Conseil fédéral pour que celui-ci rappelle ses troupes armées ;

à nouer un dialogue avec les représentants du peuple kurde comme le Grand Conseil le lui a demandé ;

à faciliter la tenue sur territoire genevois de toute conférence pouvant participer au règlement pacifique du conflit opposant la Turquie au peuple kurde.