République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1199-A
14. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Christian Ferrazino, Danielle Oppliger, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Dolorès Loly Bolay, Christian Grobet et Bernard Clerc sur l'envol de Swiss World Airways. ( -) M1199
 Mémorial 1998 : Développée, 2369. Renvoi en commission, 2379.
Rapport de Mme Véronique Pürro (S), commission de l'économie

Sous la présidence de M. Alain-Dominique Mauris puis de celle de Mme Anne Briol, les membres de la Commission de l'économie ont consacré deux séances, le 28 septembre et le 5 octobre 1998, à l'examen de la motion 1199.

Les commissaires remercient M. Jean-Luc Constant, procès-verbaliste, pour la tenue des notes de séances.

Déposée en mars 1998 par l'Alliance de gauche inquiète au sujet de l'avenir de la compagnie d'aviation Swiss World Airways (SWA) et soucieuse, au vu de la participation financière substantielle de l'Etat de Genève, du bon usage des deniers publics, la motion 1199 chargeait le Conseil d'Etat de présenter au Grand Conseil un rapport circonstancié sur les modalités de financement et les perspective de la compagnie SWA ainsi que sur les garanties obtenues par l'Etat de Genève pour sa participation financière.

Le 28 septembre 1998, en présence de M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat, la Commission de l'économie reçoit MM. Philippe Rochat et Peter A. Leishman, respectivement président du conseil d'administration et directeur général de SWA. Lors de l'audition des deux représentants de la compagnie SWA, plusieurs éléments sont portés à la connaissance des membres de la Commission de l'économie.

SWA est une compagnie niche. A ce titre, elle prévoit de s'engager exclusivement dans les vols long-courriers directs à l'attention de la clientèle d'affaire et entend concentrer ses opérations sur les destinations les plus fréquentées, donc les plus rentables, telles que l'Amérique du Nord.

La plus grande difficulté rencontrée par SWA a été celle de la recherche du type d'avion le mieux adapté. Finalement, le choix s'est porté sur le Boeing 767 200 ER, un appareil de quelque 160 sièges dans sa version trois classes, soit 30 sièges de moins que les appareils utilisés par Swissair au départ de Genève pour ses vols long-courrier. SWA a d'ores et déjà signé des contrats de leasing pour quatre appareils, le Boeing 767, ainsi que pour trois Boeing 737. Ces derniers doivent être livrés durant les mois de février, mars et octobre 1999.

SWA a créé 90 emplois et compte porter ce chiffre à 200 d'ici une année avec la flotte de quatre appareils.

Le capital de la société se monte à 33,2 millions de francs, dont 22 % sont détenus par des collectivités publiques. Le premier actionnaire public est l'Etat de Genève avec une participation de 5 millions de francs. Le canton de Vaud participe à raison de 900 000 francs, celui du Valais pour un montant de 500 000 francs, celui de Neuchâtel pour un montant de 400 000 francs, ceux de Fribourg et du Jura pour un montant respectif de 200 000 francs. A ces sommes s'ajoutent encore les participations de la Ville de Vevey (50 000 francs) et de la commune de Saint-Sulpice (4000 francs). Enfin, la Ville de Genève a accepté le principe d'une contribution de 2,5 millions de francs, montant qui sera libéré lorsque le capital de la société s'élèvera à 50 millions de francs.

Pour l'année en cours, soit du mois d'août 1998 au mois d'août 1999, la perte d'exploitation est estimée à 26,8 millions de francs. La compagnie entend cependant équilibrer ses recettes et ses dépenses dès le 11e mois d'exploitation, pour parvenir à réaliser un bénéfice estimé à 21,2 millions de francs pour la deuxième année et à 33,9 millions de francs pour la troisième année.

Les résultats obtenus après deux semaines d'exploitation sont jugés comme très satisfaisants, dans la mesure où le taux de chargement a dépassé les attentes en s'élevant à 60 et 70 %.

Lors de la discussion, certains commissaires relèvent l'importance de la participation de l'Etat pour le démarrage d'une entreprise telle que SWA. Par ailleurs, ils s'interrogent sur la faible participation du secteur privé au capital de SWA et s'en étonnent au vu de l'étude de marché présentée, étude de marché qui semble être très positive. Selon les représentants de SWA, ce décalage s'explique notamment par le fait que la plupart des institutions privées suisses font déjà partie du capital de Swissair. Cependant, SWA à l'espoir de pouvoir compter sur l'engagement des multinationales et des banques de la région au moment de la prochaine augmentation du capital.

Compte tenu du volume important de la participation de l'Etat de Genève, un commissaire s'interroge sur le fait que le Conseil d'Etat n'ait pas jugé nécessaire d'être représenté au sein du conseil d'administration de SWA. Il est alors précisé que le Conseil d'Etat est représenté à l'assemblée générale par le Département des finances.

Au terme de leurs travaux, les membres de la Commission de l'économie, satisfaits des explications encourageantes fournies par les représentants auditionnés de SWA et jugeant que la motion initiale ne correspond plus à la situation actuelle, vous prient unanimement, Mesdames et Messieurs les députés-ées, d'accepter la proposition de motion amendée.

Adjonction

Peu de temps après la fin des travaux de la Commission de l'économie, les médias dévoilèrent au public les problèmes notamment financiers de la compagnie SWA. Le rapport sur la motion 1199 n'ayant pas encore été déposé, la rapporteure décida - avec l'accord ultérieur de la Commission de l'économie - d'attendre le dépôt annoncé par l'Alliance de gauche d'une nouvelle motion. Celle-ci fut présentée lors de la séance du Grand Conseil du mois de décembre 1998 et renvoyée directement au Conseil d'Etat.

La Commission de l'économie décida alors de consacrer une partie de sa séance du 11 janvier 1999 à une nouvelle discussion sur la motion 1199.

Lors de cette discussion la Commission de l'économie releva les éléments suivants :

l'optimisme démesuré avec lequel MM. Philippe Rochat et Peter A. Leishmann présentèrent la situation, optimisme qui a induit en erreur la Commission de l'économie quant à l'avenir de la compagnie SWA ;

le manque de transparence général qui n'a pas permis à la Commission de l'économie de mener correctement ses travaux ;

la pertinence des invites de la motion face aux derniers développements de la situation de la compagnie SWA et face à l'urgence d'apporter à la connaissance des députés-ées et de la population des précisions sur l'utilisation des deniers publics.

En conclusion, les membres de la Commission de l'économie attendent avec un grand intérêt la réponse du Conseil d'Etat sur les invites de leur proposition de motion, ainsi que celle sur la motion de l'Alliance de gauche et proposent de ne pas poursuivre les débats avant de connaître ces dernières.

Débat

Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse. Malgré ou surtout en raison des événements intervenus par la suite, la motion qui ressort des travaux de la commission reste pertinente. L'adjonction qui figure à la fin du rapport a été formulée avec des propos très modérés. Il s'agissait de faire plaisir plus particulièrement à M. Vaucher qui était inquiet. Lors de la dernière discussion en commission à propos de cette motion, plusieurs députés ont été très virulents à l'égard de SWA et je dois dire honnêtement que plusieurs d'entre nous ont eu l'impression d'avoir été menés en bateau ...

Des voix. En avion !

Mme Véronique Pürro, rapporteuse. En avion, si vous voulez ! ...dans la mesure où les représentants de SWA - que nous avions auditionnés quelques jours avant que la presse fasse part des événements que l'on sait - nous ont tenu des propos fort enthousiastes, en nous promettant des millions de bénéfices. Imaginez notre étonnement de voir, quelques jours après, que tel n'était pas le cas.

Nous espérons vraiment que le Conseil d'Etat répondra très rapidement aux invites que nous vous proposons ainsi qu'à celles qui figurent dans la motion de l'Alliance de gauche qui a été renvoyée au Conseil d'Etat, de manière que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

M. Claude Blanc (PDC). Le rapport «pet dans l'eau» - si vous me passez l'expression - de Mme Pürro est l'illustration de ce que j'ai dit précédemment. La motion demandait au Conseil d'Etat de présenter un rapport. Par quel hasard ou quelle volonté politique a-t-on cru devoir la renvoyer d'abord à la commission de l'économie ? La commission a fait un travail inutile, puisqu'elle doit attendre le rapport du Conseil d'Etat sur lequel nous pourrons, ensuite, travailler.

Nous sommes dans la même situation que pour la motion précédente, qui vient d'être renvoyée à la commission alors que le but était de demander un rapport au Conseil d'Etat. Excusez-moi de vous le dire, mais c'est complètement crétin. Si vous trouvez quelque plaisir à persister dans cette voie, alors tant mieux pour vous !

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Alors que SWA était au bord du gouffre financier par manque de liquidités, les responsables de cette compagnie ont prétendu le 28 septembre dernier, devant la commission de l'économie, que SWA était une compagnie riche, que tout allait pour le mieux et que, relevant les taux d'occupation de 60 voire 70% sur les vols long-courriers, ils allaient acheter encore trois Boeing et créer ainsi une centaine d'emplois supplémentaires. Nous étions tous contents et voilà que, quelques jours plus tard, les dirigeants de cette compagnie adressaient aux autorités genevoises une requête en vue d'obtenir un sursis concordataire pour abandon d'actifs. La suite, nous la connaissons : une gestion farfelue, des consultants et chasseurs de têtes grassement payés, des uniformes cousus à prix d'or, des salaires mirobolants et indécents, mais également des démissions en cascade, des plaintes pénales, des perquisitions effectuées par la brigade financière, etc. etc.

Des sommes colossales ont été englouties : 35 millions ont été dépensés en quelques semaines; cela paraît à peine croyable. Une débâcle avec, à la clef, 5 millions de l'argent public engloutis dans les fantasmes d'une poignée d'aventuriers. C'était pourtant la chronique d'une débâcle annoncée. Souvenez-vous, l'Alliance de gauche l'avait prévue dès le départ; elle n'a pas cru du tout à ces projets que beaucoup considéraient comme peu fiables. Preuve en est que les investisseurs privés n'ont pas daigné versé un kopeck pour ce projet, notamment les banques privées, et on comprend maintenant pourquoi.

Cette mauvaise farce - car c'est bien de cela dont il s'agit - doit nous rendre attentifs, à l'avenir, quant à la manière dont les fonds publics doivent être investis, sachant surtout que l'ancien Conseil d'Etat n'avait même pas daigné demander l'approbation de ce Grand Conseil pour accorder 5 millions à un tel projet.

Mesdames et Messieurs les députés, l'Alliance de gauche estime que l'aide au démarrage des petites et moyennes entreprises doit être maintenue. Mais il faut rester attentif et méfiant, surtout à l'égard des projets à risque qui nécessitent un contrôle rigoureux et suivi.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1199)

sur l'envol de Swiss World Airways

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

l'appui financier apporté par l'Etat de Genève à Swiss World Airways ;

l'incertitude liée au démarrage de la compagnie ;

invite le Conseil d'Etat

à lui présenter un rapport sur :

le développement et la situation financière de la compagnie après sa première année d'exploitation, soit au 30 août 1999 ;

les raisons qui ont poussé l'Etat de Genève à investir dans SWA et à ne pas revendiquer une représentation dans le conseil d'administration de l'entreprise ;

les éventuels avantages découlant de la promotion économique ;

les enseignements qu'il tire de cette expérience dans le démarrage d'une entreprise et sur les conditions qui permettent à l'Etat d'être un investisseur.