République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 3 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 53e séance
M 1236 et objet(s) lié(s)
M 1236
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- considérant le nombre de litiges qui opposent le personnel engagé par des missions, des diplomates ou des fonctionnaires internationaux à leurs employeurs en raison de leurs conditions de travail et de rémunération ;
- vu la durée des procédures prud'homales pour régler ces litiges notamment en raison de l'obligation de notifier les actes de procédure par la voie diplomatique ;
- vu la contradiction entre la générosité de notre accueil de nombreuses organisations humanitaires et la situation faite à certains de ces employés ;
- considérant les horaires de travail excessifs et la rémunération insuffisante de nombreux employés de maison engagés par des diplomates ou des fonctionnaires internationaux ;
- vu l'immunité de juridiction des diplomates et les difficultés de faire exécuter les jugements rendus contre des Etats étrangers ;
- vu l'absence de sécurité sociale de la majorité des employés des missions qui peut conduire à des situations dramatiques au moment de leur licenciement, surtout pour ceux et celles qui résident en Suisse depuis longtemps ;
- vu le flou juridique créé par l'absence de toute réglementation légale du statut des employés des missions, des diplomates et des fonctionnaires internationaux ;
- vu la contradiction entre la générosité de notre accueil de nombreuses organisations humanitaires et la situation faite à certains de ces employés ;
invite le Conseil d'Etat
- à accorder aux anciens employés de missions, de diplomates et de fonctionnaires internationaux, en cas de litige avec leur employeur et en cas de besoin, jusqu'au paiement de leur créance, une autorisation de séjour et de travail et à réserver des unités sur le contingent à cet effet, cas échéant dans le cadre de la compétence cantonale prévue par l'article 18, alinéa 2, lettre b, LSEE d'accorder des permis dans le service de maison pour cinq ans au plus sans approbation de l'Office fédéral des étrangers ;
- à accorder aux anciens employés de missions, de diplomates et de fonctionnaires internationaux qui sollicitent une autorisation de séjour à titre humanitaire en raison de leur long séjour à Genève, une autorisation provisoire de travail durant la procédure d'approbation du permis humanitaire.
(M 1236 et R 383)
EXPOSÉ DES MOTIFS
La presse s'est souvent fait l'écho de conditions de travail discutables et même parfois scandaleuses réservées à certains employés de maison engagés par des diplomates ou des fonctionnaires internationaux et des situations dramatiques vécues par certains employés de missions qui se trouvent à la rue après 15, 20 années de travail en Suisse au service d'une mission ou parfois plus sans bénéficier d'aucune sécurité sociale. Agé de 65 ans, M. Hamza Osman, père de famille, a été licencié sans aucune indemnité suite à un accident du travail après avoir travaillé durant 36 années en Suisse comme chauffeur au service de l'Ambassade, de la mission et du Consulat d'Arabie Saoudite. Il n'avait pas pu s'assurer à l'AVS.
Confrontés à un nombre important de dysfonctionnements dans le traitement et le respect des lois en vigueur dans notre canton, s'agissant de ces employés, nous souhaitons faire des propositions concrètes afin d'essayer de remédier aux flous juridiques qui permettent d'inacceptables comportements et surtout provoquent des situations dramatiques pour une catégorie de personnel dont la protection est très lacunaire. Pour ceux qui estimeraient que les autorités helvétiques, fédérales ou cantonales, n'auraient rien à dire dans de tels cas, nous citerons la nombreuse jurisprudence sur la compétence des Juridictions des prud'hommes, confirmée par le Tribunal fédéral et les dispositions de la Convention de Vienne sur les immunités diplomatiques de 1961 qui autorisent les pays hôtes à soumettre à leur législation sur la sécurité sociale tous les employés domestiques et ceux et celles des missions qui y ont établi leur résidence permanente.
Rappelons que les employés de maison sont parfois payés bien en dessous de la norme du contrat-type genevois, qui prévoit un salaire espèces de 2 290 F par mois. Lorsqu'il y a litige entre employeur et employé, ce dernier perd automatiquement non seulement son salaire, son gîte et son couvert, puisqu'il a l'obligation de loger au domicile de son employeur, mais aussi sa carte de légitimation équivalant à un permis de travail et de séjour, et doit donc trouver un autre emploi ou quitter la Suisse dans le délai de 30 jours (trois mois pour le personnel administratif et technique des missions, tels que chauffeurs, gardes, etc.).
Le Syndicat sans frontières (SSF), organisme de défense qui regroupe plusieurs centaines de membres, s'intéresse de près à ces problèmes. Le SSF a été à maintes reprises alerté par de nombreux cas de litiges et a été amené à assurer une défense juridique et un soutien dans une soixantaine de procédures allant jusqu'au Tribunal fédéral. Procédures qui prennent du temps, il est vrai, mais pour lesquelles l'absence forcée de nombreux plaignants représente un déni de justice, puisqu'il est actuellement interdit à ces personnes de travailler à Genève, alors même qu'elles réussiraient à obtenir la prolongation de leur délai de départ jusqu'au jugement.
Le Conseil d'Etat suite à l'interpellation du 17 novembre 1994 de Mme Anita Cuénod, a répondu qu'il était conscient de l'existence d'un véritable problème, et qu'une nouvelle structure serait mise en place à court terme, en accord avec la Confédération (Mémorial 1994, n° 42, pages 5305-5306). Le 8 juin 1995, le Grand Conseil a rejeté une motion et une résolution allant dans le sens de celles présentées aujourd'hui, et ceci afin, comme le disait le Président Olivier Vodoz, "; de nous permettre de faire le point sur notre formule d'amiables compositeurs " à la fin du mois de février 1996 (Mémorial 1995, n° 27 pages 3109 à 3156, not. p. 3145). Or, la formule n'a pas permis de réduire les cas de surexploitation de certains employés de maison, les sommes que les "; amiables compositeurs " ont permis de recouvrer sont dérisoires et sans commune mesure avec les prétentions dues selon la loi.
Pire, de nombreux diplomates ont tout simplement refusé leur médiation. Nous ne citerons qu'un exemple parmi d'autres : Mlle Aminata Diedhiou a travaillé durant 34 mois à Genève au service de M. Ibou Ndiaye, conseiller de la mission permanente du Sénégal. Celui-ci a reconnu devant les "; amiables compositeurs " ne lui avoir versé aucun salaire en Suisse, mais avoir payé de l'argent sur un compte au Sénégal, à savoir fr. 300.- par mois en 1993, puis 150.- par mois de 1994 à 1996. A l'issue de leurs rapports de travail ce compte présentait un solde de fr. 2 500.- (1 002 465 CFA) en faveur de Mlle Diedhiou. Le 14 février 1997 les "; amiables compositeurs " ont informé Mlle Diedhiou que le diplomate refusait de lui payer quoi que ce soit et n'acceptait plus la médiation des "; amiables compositeurs ".
Enfin, le problème de la sécurité sociale des employés des missions et le règlement des conditions de séjour sont indépendantes de la mission des "; amiables compositeurs ".
Après une étude approfondie de la situation, nous avons donc décidé de proposer la même démarche qui a échoué en 1995, en précisant sa formulation afin d'éviter de heurter la sensibilité des milieux diplomatiques. Notre démarche reste double :
Tout d'abord, d'envisager au niveau cantonal d'accorder aux anciens employés, après leur licenciement, une autorisation provisoire de travail durant le cours de la procédure de règlement du litige et durant le procédure de règlement de leur nouvelle condition de séjour lorsqu'ils ou elles séjournent ici depuis de nombreuses années avec l'intention de s'y établir. Quant à l'aide financière de l'Hospice général, des avances pécuniaires ont déjà été accordées à plusieurs reprises à des anciens employés de diplomates ou de missions, moyennant cession de créance dans l'attente du jugement.
Sur le plan fédéral, nous invitons le Conseil d'Etat à intervenir auprès du Conseil fédéral afin que les personnes travaillant dans les missions diplomatiques ou au service de diplomates ou de fonctionnaires internationaux bénéficient d'un permis B hors contingent ainsi que d'un statut clairement défini par une ordonnance, et non d'une directive à bien plaire du DFAE, ce qui devrait permettre de régler le problème lancinant de l'absence de sécurité sociale en stipulant qu'après un séjour en Suisse de plusieurs années, ces personnes pourront obtenir le statut de "; résident permanent " les autorisant à s'affilier à l'AVS/AI et AC. Cette nouvelle loi devra aussi déterminer le nombre d'années de résidence leur permettant d'obtenir un permis d'établissement et partant de changer d'emploi.
Enfin il s'agirait aussi de mettre sur pied une agence de recrutement responsable des conditions de travail et des contrats qui garantirait le paiement des salaires et pourrait intervenir suffisamment tôt pour obtenir le respect des horaires légaux et contractuels, s'inspirant de ce qui existait en Allemagne, avec l'agence de Bonn pour l'OTAN par exemple.
Enfin, nous demandons que dans l'intervalle, l'application des directives du DFAE, et du contrat-type de travail cantonal pour l'économie domestique soit contrôlée, en particulier en matière d'assurances sociales et maladie.
Pour ces motifs, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à la présente proposition de motion et de résolution.
Eléments juridiques relatifs au statut des employés des diplomates et fonctionnaires internationaux (état en juin 1998)
1. Catégories d'employés
Il existe à Genève 140 "; missions permanentes " représentant les Etats auprès des Organisations des Nations Unies et 2 Bureaux d'observateurs permanents ainsi que des "; missions spéciales " (ex. Délégations des USA et Russie à la conférence sur le désarmement) et des observateurs (ex. OUA, Ligue des Etats Arabes).
Ensuite il y a les Organisations internationales (ONU, OIT, OMS, CERN OMC).
La structure de leur personnel est la même. Voici les catégories et autorisations de séjour et de travail, appelés "; cartes de légitimation " accordées par le DFAE; avec indication de la couleur du trait apposé au milieu de la carte pour les distinguer :
Carte :
dans les missions :
dans les organisations :
B (rouge)
Chef de mission
(=représentant permanent avec rang d'ambassadeur)
Secrétaire/directeur général
C (rose)
Diplomate
Hauts fonctionnaires
D
Personnel administratif et technique (bleu)
(ex. secrétaires, traducteurs)
Professionnels (brun)
E (bleue)
Personnel de service
(ex. chauffeurs, huissiers, nettoyeuses, domestiques de l'ambassadeur chef de mission)
Personnel des services généraux
Ces employés et fonctionnaires peuvent à leur tour avoir à leur service des employés domestiques appelés "; personnel privé " qui reçoivent les cartes suivantes :
F (jaune) domestiques des diplomates et hauts fonctionnaires
Attestation domestiques des consuls et des fonctionnaires internationaux
2. Juridiction et droit applicable aux relations de travail
a) Les fonctionnaires internationaux et membres des Organisations internationales sont engagés par des contrats qui échappent à la législation suisse. Leurs litiges de travail sont soumis à des tribunaux internationaux tel le Tribunal administratif de l'OIT dont le siège est à Genève ou le Tribunal administratif de la Ligue des Etats Arabes au Caire.
Les diplomates et certains membres des missions de la catégorie du personnel administratif et technique sont des fonctionnaires de l'Etat de la mission et engagés par un acte de nomination. Ils ont généralement la nationalité de l'état qui les engage et sont en principe affiliés aux caisses de pension et de sécurité sociale des fonctionnaires de cet Etat. Les contrats des autres membres des missions et celui des employés privés sont soumis au droit privé et régis par le droit privé et public suisse (ATF 110 II 255 ; JAR 1994. 123, JAR 1993, 111 ; Tribunal des Prud'hommes de Genève ci-après : TPH du 16.9.1992 Groupe XII C. c/Qatar cons. A.2 ; TPH Gr. XII, 1.2.1995, R. c/Qatar cons. II.22) A quelques rares exceptions près, ces employés sont recrutés sur place ou dans des pays tiers comme le Maroc, Philippines, Pérou, Colombie, Pakistan, Sri Lanka etc. On dit qu'il s'agit d'"; employés locaux ". Ceux de la catégorie D et E (personnel dit : "; ATS " pour administratif, technique et de service) bénéficient toutefois de certaines immunités et exemptions fiscales qui les soustraient aux lois suisses sur la sécurité sociale. Tous les litiges du droit du travail relatifs à ces contrats de droit privé peuvent être portés devant les tribunaux locaux du lieu où le travail est ou a été accompli (art. 343 al. 1 CO qui est de droit impératif art. 361 CO).
b) Le contenu du droit est fixé en premier lieu par le contrat d'engagement. S'agissant du personnel "; ATS " des missions, leur contrat se réfère quelquefois à des règlements internes. Ces contrats et règlements ne peuvent toutefois déroger aux dispositions impératives du Code des obligations suisse (ci-après : CO) et de la loi suisse sur le travail. A défaut de dispositions contractuelles, ce sont les dispositions du CO qui s'appliquent (vacances, paiement des heures supplémentaires à 125 % du tarif horaire, délais de résiliation, salaire en cas de maladie, etc.)
Quant au personnel privé (domestiques) des diplomates et fonctionnaires, leurs conditions de travail sont également régies en priorité par leur contrat et, à défaut, par le contrat-type pour les travailleurs de l'économie domestique cantonal (CTT) qui a force de loi et s'impose aussi dans les relations avec les employeurs diplomates et fonctionnaires internationaux (TPH Gr. XII, 30.8.1993 H. c/ D. (fonctionnaire international)). A Genève, le CTT modifié le 1.1.1998 (J.1.50.03) prévoit pour les employés domestiques de plus de 20 ans un salaire minimum de fr. 2 290.- par mois en espèces (art. 17) plus les prestations en nature (logement, nourriture et blanchiment). L'employeur ne peut déroger à certaines dispositions du CTT, notamment à celles portant sur le salaire, qu'au moyen d'un accord écrit signé par les deux parties. A défaut d'un accord écrit, c'est le salaire minimum prévu par le CTT qui s'applique. Toutefois, même écrit, un accord ne peut selon la jurisprudence du TPH, sous peine de nullité, porter sur un salaire en espèces inférieur à fr. 1 485.- (en 1994) par mois pour un emploi à plein temps (TPH Gr. XII, 27.5.1994 T. c/ un fonctionnaire international). Or, la majorité des diplomates et fonctionnaires internationaux versent aujourd'hui encore des salaires largement inférieurs (de fr. 300.-, 150.- US$, fr. 600.- ou fr. 1'000.- / mois).
c) Les directives édictées par le DFAE n'ont aucune force de loi. Elles ne font que fournir aux diplomates des indications sur les lois en vigueur en Suisse. Malheureusement, ces indications sont parfois floues et contredisent le CTT sur plusieurs points. Elles disent par exemple que les heures supplémentaires doivent être rémunérées d'un salaire majoré de 25 % alors que le CTT genevois stipule que les heures supplémentaires effectuées entre 22h00 et 6h00 doivent être rémunérées d'un salaire majoré de 100 % (art. 13) !
3. Statut du point de vue de la police des étrangers
Le statut de tous ces fonctionnaires, diplomates et employés locaux est régi par les lois suisses et notamment par la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) qui stipule à son article premier que tout étranger a le droit de résider sur le territoire suisse s'il est au bénéfice d'une autorisation de séjour ou d'établissement, ou si, selon cette loi, il n'a pas besoin d'une telle autorisation. L'Ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6.10.1986 (OLE) n'est pas applicable, en l'état de son texte, aux membres des missions diplomatiques et permanentes et des postes consulaires, ni aux fonctionnaires internationaux, à leurs épouses et enfants célibataires âgés de moins de 21 ans qui font ménage commun, ni à leur personnel privé, s'ils sont au bénéfice d'une "; carte de légitimation établie par le DFAE " (art. 4, al. 1 OLE). Sur trois points la situation des employés internationaux diffère de celle des autres étrangers :
a) l'autorisation de séjour et de travail est accordée par le DFAE par le biais de "; cartes de légitimation " ou d'"; attestations d'identité " dont les conditions de délivrance ne sont pas spécifiées dans une loi mais résultent d'une pratique du DFAE qui n'est publiée nulle part et n'a donc fait l'objet d'aucun débat démocratique. De par leur nature ces cartes sont des autorisations de séjour conditionnelles (liées à un employeur particulier, tel Etat ou fonctionnaire ou diplomate) au sens de l'art. 5 LSEE. Comme les autorisations de séjour du type "; B ", les cartes sont d'une durée limitée. Certaines sont valables au 31 décembre d'une année, d'autres jusqu'à une autre date mais renouvelables. Les conditions de leur renouvellement ne sont pas spécifiées dans une loi mais résultent d'une pratique établie par le DFAE d'un commun accord avec l'Office fédéral des étrangers (OFE) et formulée dans des "; directives administratives ". Les séjours sont autorisés selon ces directives "; jusqu'à l'échéance du contrat en cours ".
b) les Etats sont libres dans leur choix des membres du personnel de la mission, en vertu des accords de siège conclus par la Suisse avec l'ONU ou avec d'autres organisations internationales, ratifiées par l'Assemblée nationale suisse (ex. pour les diplomates avec l'ONU ratifié le 29.9.1955 RS 0.192.120.1) ou les décisions unilatérales du Conseil fédéral des 31.3.1948, 20.5.1958 et 14.7.1964 aux termes desquels la Suisse a décidé d'accorder aux membres des "; missions permanentes " les mêmes privilèges et facilités qu'aux membres des "; missions diplomatiques " (ambassades) à Berne (actuellement en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18.4.1961, ci-après : CV, RS 0.191.01). Cette liberté de choix est toutefois soumise à certaines réserves (CV art. 7). Ainsi la Suisse peut déclarer que telle personne n'est pas "; acceptable " (CV art. 9) ou limiter l'effectif des Missions dans les limites de ce qu'il considère "; raisonnable et normal " (CV art. 11). En cas de licenciement, l'étranger qui n'est pas au bénéfice pour un autre motif d'un permis B ou C, dispose aux termes des directives de 3 mois pour trouver un autre emploi international.
S'agissant du personnel domestique le libre choix n'est pas absolu. Il résulte de la volonté politique de la Suisse d'attirer les organisations internationales et de son devoir contenu dans la CV "; d'exercer sa juridiction sur les domestiques privés de façon à ne pas entraver d'une manière excessive l'accomplissement des fonctions de la mission " (art. 37, ch. 4 CV). Selon les "; directives " du DFAE du 1.1.1998, l'autorisation de séjour d'un domestique (carte jaune catégorie F) qui n'a pas le permis B ou C n'est délivrée que si l'employé n'est pas marié, assure la garde de ses enfants à l'étranger, et s'engage à vivre sous le même toit que son employeur !
A l'instar des autres étrangers, les employés internationaux et leurs domestiques doivent être engagés à l'étranger sauf en cas de renouvellement de leur ancienne carte s'ils sont réengagés dans les délais de 30 jours ou de 3 mois mentionnés ci-dessus.
c) à la fin du contrat pour lequel les cartes ont été délivrées, l'employé n'est pas averti de son obligation de quitter la Suisse ou de retrouver le cas échéant un nouvel emploi international dans les délais fixés par les directives. Généralement, l'employeur lui demande de lui restituer la carte. C'est alors le canton qui prend le relais et accorde à l'étranger, à sa demande, un délai de départ en conformité avec l'art. 12 LSEE. C'est aussi lui qui reçoit et statue sur les demandes de permis humanitaire (art. 13 f OLE) ou d'établissement.
4. Immunités de juridiction
En vertu de la CV applicable par analogie sur décision du Conseil fédéral, chaque catégorie de membres des missions bénéficie d'immunités qui augmentent avec le grade. Tous, y compris les domestiques, bénéficient d'exemptions fiscales sur les salaires qu'ils reçoivent du fait de leurs services. Nous verrons plus loin quelles sont leurs immunités du point de vue de leur obligation d'affiliation aux assurances sociales suisses. L'immunité de juridiction civile est accordée:
a) aux diplomates et hauts fonctionnaires des organisations internationales (mais pas aux agents consulaires : art. 43, al. 1 Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24.4.1963, RS 0.191.02) notamment à l'égard des bailleurs de leur appartement privé et du personnel privé engagé par eux-mêmes à leur service personnel, sauf s'ils ont leur résidence permanente en Suisse (permis B ou C) ou la nationalité suisse (CV art. 38, ch. 1). Leur immunité cesse au moment où ils quittent la Suisse à la fin de leurs fonctions ou après un délai raisonnable de départ accordé par le DFAE (CV art. 39, ch. 2). Cela signifie que tant qu'ils sont en poste en Suisse, ils ne peuvent être ni assignés devant un tribunal suisse ni faire l'objet de mesures de poursuites pour un litige qui les oppose à leur personnel domestique ou leur bailleur.
Après leur départ, et à l'égard des diplomates résidents ou suisses et des consuls, l'immunité de juridiction subsiste en ce qui concerne les seuls actes officiels, c'est-à-dire des actes qu'ils ont accomplis dans l'exercice de leurs fonctions comme membre de la mission (CV art. 39, ch. 2, 2e phrase)
Le DFAE peut être requis par l'employé, par l'intermédiaire du Département cantonal de justice et police, de solliciter la levée de l'immunité auprès de l'Etat ou de l'organisation pour lequel travaille le diplomate. Le DFAE refuse systématiquement de donner suite à ces requêtes sans même motiver sa décision, ni la communiquer au requérant, attendant régulièrement que le diplomate ait quitté le pays !
b) aux Etats (représentés par les missions) uniquement à l'égard de leurs employés qui occupent un poste à responsabilité et dont l'activité est étroitement liée à l'exercice de la puissance publique (activité de gouvernements). Selon la plus récente jurisprudence du Tribunal fédéral, l'Etat étranger ne peut invoquer l'immunité de juridiction à l'encontre d'un employé subalterne, engagé en vertu d'un contrat de droit privé, dont le salaire est relativement bas, surtout s'il a été recruté sur place ou dans un pays tiers (ATF Ie Cour de droit public, du 13.12.1994 dans la cause R. c/ Iraq ; ATF 110 II 255 ss). A l'égard des pays européens qui ont ratifié la Convention européenne de Bâle sur l'immunité des Etats du 16.5.1972 (RS 0.273.1), l'immunité de juridiction est cependant étendue aux employés subalternes qui ont la même nationalité que l'Etat employeur ou n'ont pas eu leur résidence permanente en Suisse au moment de leur engagement (art. 5, ch.2). Les domestiques privés des chefs de mission du rang d'ambassadeur, peuvent assigner l'Etat dont l'ambassadeur est le représentant permanent en Suisse, car c'est lui leur employeur. Ils reçoivent d'ailleurs une carte de légitimation du type E à raie bleue.
5. Assurances sociales - (assurance maladie, accident professionnel et non-professionnel (LAA) et AVS/AI/AC) :
Sont obligatoirement assurés les domestiques privés qui ne sont pas soumis aux dispositions de la sécurité sociale du pays de leur employeur ou d'un pays tiers. Leur employeur diplomate est tenu d'observer les obligations que lui impose la législation suisse en la matière, notamment de déduire les cotisations (art. 33, ch. 4 CV ; Réponse du Conseil fédéral à la motion Spielmann du 2.3.1992 cons. 3 b) BO 1992 CN 11980).
Seuls les membres des missions qui ont la nationalité suisse ou leur résidence permanente en Suisse (permis B ou C) sont assurés et affiliés obligatoirement à l'AVS/AI et assurance chômage (ATF des assurances, Ie Chambre, du 19.12.1994 dans la cause M. c/ Caisse de compensation du canton de Genève cons. 4b) et Réponse du Conseil fédéral à la motion Spielmann du 2.3.1992 cons. 2c) BO 1992 CN 11980). Les missions sont toutefois dispensées de payer la part employeur des cotisations AVS/AI/AC.
Les autres membres des missions et diplomates non résidents et non suisses ne peuvent s'affilier en Suisse que si une convention bilatérale avec leur pays d'origine le prévoit (CV art. 33, ch.5 et 37, ch. 2 et 3 ; des tractations seraient en cours avec certains pays européens) ou si la loi LAVS est modifiée dans ce sens qu'elle admettrait l'affiliation volontaire comme pour les Suisses de l'étranger.
Quant à l'assurance accident (LAA) les employés des missions et employés consulaires, ne sont assurés que si leur mission en fait la demande et s'engage à payer sa part de cotisations (OLAA art. 3, al. 3 ; RS 832.202), alors même que la Convention de Vienne n'interdit l'affiliation obligatoire à la sécurité sociale qu'aux employés qui ne sont pas résidents permanents (permis B ou C) ni Suisses ! Tous les membres de la mission ne pourraient donc s'affilier contre la volonté de leur employeur que si la loi est modifiée en ce sens qu'il soient admis à s'affilier volontairement à l'instar des indépendants (cf. art. 4, al. 1 LAA).
6. Statut des employés après la résiliation de leur contrat
Un problème majeur rencontré réside dans la discrimination des employés internationaux par rapport aux autres étrangers bénéficiaires d'un permis de séjour qui perdent leur emploi. Alors que les permis de ceux-ci sont transformés après 10 ans ou 5 ans pour les Européens en permis d'établissement (type C), et ne sont pas révoqués aussitôt après le licenciement ce qui leur permet de chercher un nouvel emploi dans le cadre du contingent cantonal jusqu'à l'expiration de la validité annuelle de leur permis, l'employé international doit , selon les directives, quitter le pays dans les 30 jours (domestiques privés) ou les 3 mois (membres des missions) quelle que fût la durée de son séjour en Suisse.
Dans la pratique, le canton de Genève accorde aujourd'hui, en cas de litige avec l'employeur, des délais de départ jusqu'à la première audience du Tribunal des prud'hommes si celle-ci peut être fixée à une date pas trop éloignée, ce qui n'est jamais le cas dans les litiges avec les Etats, car ceux-ci doivent être assignés par la voie diplomatique ce qui prend jusqu'à 8 mois et le double, si l'Etat ne se présente pas et invoque de manière dilatoire une prétendue immunité diplomatique. Plus la carrière de l'employé en Suisse était longue, plus les autorités sont enclins à accorder des délais plus longs de départ. Mais durant ces délais de départ, l'étranger n'a pas le droit de travailler ! Il doit donc vivre aux crochets des autres. N'ayant souvent pas un sou, l'étranger ne pourra pas non plus se payer le billet d'avion pour revenir en Suisse pour l'audience du tribunal, s'il quitte notre pays. Comme il n'est plus domicilié régulièrement en Suisse, l'Hospice général n'est pas autorisé à lui accorder des subsides ou une avance pour lui permettre de partir dans son pays dans des conditions humaines dignes.
Seule solution : inciter le canton de Genève à accorder de son propre chef une autorisation de séjour et d'emploi jusqu'à 5 ans sur la base de l'art. 18, al. 2 let. b) LSEE qui lui permet d'accorder de telles autorisations à la main-d'oeuvre dans le service de maison et l'agriculture sans requérir l'approbation de Berne.
Berne exige le départ dans les délais aussi brefs (30 jours et 3 mois) même si l'employé a résidé et travaillé en Suisse durant 15 ou 20 ans (sans bien sûr cotiser aux assurances sociales et notamment à l'assurance chômage). C'est alors le canton de résidence qui doit être sollicité pour un permis humanitaire (art. 13f OLE) accordé dans des cas "; d'extrême rigueur ". Or, si Genève accorde volontiers un tel permis, celui-ci doit encore trouver approbation par la section de M. Fornero de l'Office fédéral des étrangers à Berne qui se distingue par une pratique hyper-répressive. Genève doit négocier au goutte-à-goutte les approbations.
De plus l'OFE fait traîner en longueur la procédure d'approbation des permis humanitaires au point que celle-ci peut durer plus d'une, voire deux années ! Et si durant cette période le canton peut accorder des autorisations de travail "; provisoires " aux conditions de l'art. 18, al. 5 LSEE aux "; étrangers obligés d'exercer sans délai une activité lucrative ", Genève n'accorde ces permis que parcimonieusement et n'informe pas l'étranger de ce droit, ni même de sa décision de lui délivrer un permis humanitaire sous réserve d'approbation comme l'exige pourtant la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF du 24.12.1992 dans la cause Persine cons. 4b).
Enfin, si l'étranger obtient son permis B humanitaire, un grave problème surgit si, ancien employé de mission, il ne retrouve pas du travail ou s'il est âgé de plus de 60 ans, puisqu'il n'a été affilié ni à l'AVS, ni à l'assurance chômage !
Débat
Le président. Au cours d'une séance précédente, vous aviez demandé lecture d'une lettre du Syndicat sans frontières. Je demande à notre secrétaire de bien vouloir procéder à la lecture de cette lettre.
Lettre SSF C 880
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). En 1995 déjà, quelques députés cosignataires des présentes motion et résolution avaient tiré la sonnette d'alarme concernant les graves problèmes rencontrés par des personnes travaillant pour certaines missions diplomatiques et fonctionnaires internationaux.
A l'époque, la majorité de ce Grand Conseil avait opté pour faire confiance à l'ancien Conseil d'Etat qui avait mis en place une cellule dénommée «les amiables compositeurs». Or, aujourd'hui, trois ans après, force est de constater que la voie consensuelle mise en place n'a pas donné les résultats escomptés. Premièrement, on nous avait promis un rapport pour 1996. Or, si rapport il y a, personne dans ce Grand Conseil n'en a jamais pris connaissance. Ensuite, cette cellule n'a pas permis de réduire les cas de surexploitation et les sommes recouvrées par les amiables compositeurs sont dérisoires et sans commune mesure avec la loi. Pire, certains diplomates refusent tout simplement leur médiation.
Depuis le début de l'année 1998, quatre cas d'une extrême gravité ont été dénoncés par le Syndicat sans frontières et ce malgré de multiples condamnations dont certaines ont été approuvées par le Tribunal fédéral. Je ne citerai ici que quelques exemples : contrats de travail ne correspondant pas à la réalité économique et sociale en Suisse, salaires en dessous des salaires minimum genevois, absence de sécurité sociale, conditions de travail indignes de la Genève internationale, conditions de logement inacceptables, mauvais traitements, atteinte à la dignité humaine, violences physiques allant parfois jusqu'au viol, absence de garanties réelles de soins médicaux, exploitation généralisée des travailleurs en ce qui concerne les heures supplémentaires, les congés et les vacances, travail des mineurs et, enfin, situation d'esclavage pour certains employés.
Toutes ces exactions, Mesdames et Messieurs les députés, sont commises par des employeurs qui invoquent à chaque fois leur immunité diplomatique, ce qui est très grave ! Mais ce qui est plus grave encore, c'est que ces personnes siègent parfois à la commission des droits de l'homme ou à la sous-commission et prétendent défendre mondialement les droits de l'homme.
Dans un cas de viol récemment relaté par un grand quotidien de la place, l'attitude des amiables compositeurs a été totalement inacceptable voire choquante. En effet, ils ont proposé de régler cette affaire pénale en demandant 25% d'augmentation de salaire. Cela se passe bien évidemment de tout commentaire !
Mesdames et Messieurs les députés, chaque Etat est responsable des droits de l'homme dans son propre pays. On ne peut pas condamner les violations manifestes dans certains pays et faire la sourde oreille lorsque cela se passe dans nos murs. En cette année de commémoration des droits de l'homme, on ne peut pas passer sous silence le fait que les articles 2, 4, 7, 20, 23, 25, 28 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme soient violés quotidiennement en Suisse ! C'est cela la réalité !
Accepter plus longtemps que le droit soit bafoué, que des hommes et des femmes soient exploités de manière éhontée et que la Déclaration universelle des droits de l'homme reste lettre morte n'est pas admissible et chaque citoyen et citoyenne en porte la responsabilité. Il n'est plus possible de tolérer l'intolérable et de renier des valeurs éthiques essentielles à notre démocratie. Il en va de notre crédibilité et de celle de la Genève internationale. Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande, au nom de l'Alliance de gauche, de renvoyer cette motion en commission et de renvoyer la résolution y adhérente au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Mme Louiza Mottaz (Ve). «Les nègres sont au rang des effets mobiliers par leur nature et les met au rang de meubles. Ils peuvent donc être achetés, vendus, cédés par testament ou saisis pour dettes. Etant attachés à une habitation, ils sont réputés immeubles lorsqu'il s'agit de la saisie réelle de l'habitation. Dès le moment qu'ils sont attachés par le propriétaire à la culture de son héritage, ils ne peuvent être considérés séparément ; ils sont attachés à cet héritage de manière qu'ils participent à sa nature et deviennent immobilier avec lui.» C'est l'article 44 du Code noir. Ce code rédigé par Colbert en 1685 restera en vigueur jusqu'en 1848, date de l'abolition définitive de l'esclavage par la France.
Cent cinquante ans après, je prends connaissance de l'histoire d'un homme qui, à l'époque des faits, en 1996, se trouve dans notre ville depuis quatre ans. Employé chez un diplomate, sans papiers car confisqués dès son arrivée sur notre sol, il travaille dix-huit heures par jour sans arrêt. Il n'a jamais eu un jour de congé pas plus que le moindre salaire. Sous-alimenté, malade, battu, il vit l'enfer en nos murs.
Mesdames et Messieurs, cette histoire n'est pas unique. D'autres situations du même genre ont secoué notre vie genevoise. L'objétisation de cet homme me ramène à l'article 44 du Code noir où l'homme n'est pas sujet humain. Considéré comme meuble par nature, il est assimilé à l'animal, au mobilier ou à une marchandise. Corvéable et taillable à merci, dans l'impossibilité de se défendre, de faire valoir ses droits d'homme, c'est un esclave !
Nous savons que l'esclavage n'est pas aboli, que cette pratique d'un autre temps existe encore dans nombre de pays mais pas chez nous. Nous avons vocation à défendre les droits de l'homme et l'immunité diplomatique ne peut y faire obstacle. Mesdames et Messieurs, mon propos n'est pas de discréditer l'ensemble du monde diplomatique oeuvrant dans notre ville mais, à l'évidence, d'aucuns manquent à leurs devoirs. Des problèmes existent, il faut y remédier ! (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Comme l'ont rappelé mes deux collègues précédentes, la situation vécue par un grand nombre de personnes travaillant ou ayant travaillé pendant de longues périodes dans des missions diplomatiques représentées à Genève est grave, voire dramatique pour certaines d'entre elles.
Comme il est mentionné dans l'exposé des motifs, les employés au service de diplomates ou de fonctionnaires internationaux sont quasiment dépourvus de protection en raison, d'une part, du flou juridique entourant leur statut et, d'autre part, en raison du fait qu'ils se trouvent souvent isolés et dans l'ignorance des instances à actionner pour faire respecter leurs droits les plus élémentaires.
Le Syndicat sans frontières, qui est déjà intervenu pour apporter son soutien dans de nombreux cas de litiges entre employés de maison et employeurs, dispose de dossiers qui témoignent de la précarité et des conditions de vie inacceptables réservées à ces travailleurs. A cela s'ajoutent certains cas de violence, en particulier de harcèlement sexuel pouvant aller jusqu'au viol.
Quant aux principes instaurant une médiation par l'intermédiaire des amiables compositeurs, on peut sérieusement douter de la formule et de son efficacité. En effet, comment assumer un rôle crédible de médiateur face à des parties qui ne jouissent manifestement pas des mêmes droits et dont certains parmi les employeurs, forts de leurs privilèges, se permettent même de refuser ce type de médiation ? Les cas qui ont fait l'objet d'une médiation ont généralement abouti en faveur ou à l'avantage des employeurs.
Le moment est donc venu d'empoigner sérieusement et sans tarder ce problème, de trouver une solution politique propre à rétablir les droits légitimes et de redonner une dignité à cette catégorie de travailleurs. Il y va de l'honneur de notre canton et c'est aussi une façon de mettre à jour la face cachée de la Genève internationale, à laquelle par ailleurs nous tenons beaucoup. C'est pourquoi le groupe socialiste vous demande de renvoyer ces propositions de motion et de résolution au Conseil d'Etat.
M. Pierre Ducrest (L). Lorsqu'on lit les considérants et l'exposé des motifs de la motion 1236 et de la résolution 383, on pourrait se dire que nous sommes dans un marasme et que l'ensemble du personnel des missions diplomatiques est en esclavage. On nous a rappelé des éléments historiques en passant par Colbert et en allant jusqu'en 1848, date à laquelle M. Victor Choelcher a aboli l'esclavage en France. Si c'était le cas, Mesdames et Messieurs les députés - cela fait des décennies que Genève, le canton de Genève, accueille des missions diplomatiques étrangères pour le grand bien de notre canton - si depuis des décennies c'était le cas, nous le saurions pas seulement à travers quatre cas mais à travers beaucoup plus de cas, voire un maximum, c'est-à-dire la majorité de ce personnel. (Commentaires.) Je ne pense pas, quant à moi, qu'il s'agisse d'une majorité de ce personnel, mais néanmoins nous n'avons pas le droit d'admettre que des êtres humains soient traités en esclaves.
Vous avez parlé, Madame, de personnes taillables et corvéables à merci ; nous sommes au seuil de l'an 2000 et je ne pense pas que cela est admissible. S'il existe quelques cas dans ces missions diplomatiques, si les amiables compositeurs n'ont pas pu régler certaines choses, il convient pour nous de remettre l'église au milieu du village, de ne pas trop noircir le tableau tel qu'il a été dépeint par mes préopinants et, en commission de l'économie, d'établir posément la vérité sur tout cela.
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Je voudrais réagir aux propos de M. Ducrest. Il est vrai que nous parlons de quelques cas, qui vous paraissent isolés. Malheureusement, je suis bien placée pour savoir, car j'ai été interpellée par passablement d'associations, qu'il s'agit de millions de personnes à travers le monde. L'esclavagisme moderne est plus important que l'esclavagisme négrier des deux cents années qui ont précédé l'abolition.
Le problème est très important. Nous pouvons vous suivre sur votre proposition de renvoi en commission, mais il faut savoir que ce n'est pas du tout un problème mineur, même si effectivement on ne le voit pas. Le propre de l'esclavagisme moderne est d'être caché. Il est d'autant plus dangereux et inquiétant qu'il est larvé et nous devons réagir. Si nous n'avons que quelques cas à dénoncer, c'est encore plus grave, car cela prouve que les gens n'osent même pas parler.
Je voudrais donc vraiment souligner qu'il ne faut pas banaliser le sujet ; quand on parle de deux ou trois cas, il faut savoir qu'il y a des milliers de personnes concernées. Et je puis vous assurer qu'il y a des preuves pour accréditer tout cela. (Applaudissements.)
M. Carlo Lamprecht. Je crois que les préoccupations exprimées tant dans la motion 1236 que dans la résolution 383 méritent bien entendu le renvoi en commission.
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). Nous demandons en effet que la motion soit renvoyée en commission de l'économie et la résolution au Conseil d'Etat !
M 1236
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
R 383
Le président. Nous passons maintenant au vote sur la résolution. Il a été proposé qu'elle soit adressée directement au Conseil d'Etat. Monsieur Halpérin, vous avez la parole.
M. Michel Halpérin (L). J'interviens simplement pour dire que notre proposition est de la renvoyer avec la motion à la commission de l'économie. On étudiera les deux ensemble.
Le président. Nous sommes en présence d'une proposition de renvoi de la résolution en commission, que je mets aux voix.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de résolution en commission est rejetée.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(383)
concernant le personnel des missions diplomatique
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
- considérant les horaires de travail excessifs et la rémunération insuffisante de nombreux employés de maison engagés par des diplomates ou des fonctionnaires internationaux ;
- vu l'immunité de juridiction des diplomates et les difficultés de faire exécuter les jugements rendus contre des Etats étrangers ;
- vu l'absence de sécurité sociale de la majorité des employés des missions qui peut conduire à des situations dramatiques au moment de leur licenciement, surtout pour ceux et celles qui résident en Suisse depuis longtemps ;
- vu le flou juridique créé par l'absence de toute réglementation légale du statut des employés des missions, des diplomates et des fonctionnaires internationaux ;
- vu la contradiction entre la générosité de notre accueil de nombreuses organisations humanitaires et la situation faite à certains de ces employés ;
invite le Conseil d'Etat
à intervenir auprès du Conseil fédéral dans le sens suivant :
- que les personnes travaillant dans les missions diplomatiques ou au service de diplomates, d'organisations internationales et de fonctionnaires internationaux soient traitées sous le régime du permis B, hors contingent ;
- que les catégories qui ne seraient pas régies de cette manière bénéficient d'un statut clairement défini dans une loi ou une ordonnance et non pas seulement dans une directive du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) ;
- que les personnes travaillant dans les missions diplomatiques ou au service de diplomates, d'organisations internationales et de fonctionnaires internationaux qui résident en Suisse depuis plusieurs années, y ont fondé leur résidence permanente et ne sont pas déjà affiliées à une sécurité sociale, soient affiliées à la sécurité sociale suisse ;
- qu'il soit institué une agence de recrutement comme intermédiaire obligatoire pour le recrutement du personnel en cause, agence avec laquelle les employeurs passeraient contrat, tout en gardant le libre choix de leur personnel, qui paierait le salaire et veillerait au respect des conditions de travail ;
- que les directives du DFAE soient revues afin que les informations qu'elles contiennent correspondent effectivement au contenu du contrat-type de travail cantonal des travailleurs de l'économie domestique et que leur application soit contrôlée, en particulier en matière de salaires et d'assurances sociales.