République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 septembre 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 11e session - 36e séance
PL 7894 et objet(s) lié(s)
7. a) Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
Projet de budget 1999
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 97A Equilibre financier et stabilisation de la dette publique (nouveau)
1 La politique financière de l'Etat tend à l'équilibre du compte de fonctionnement (équilibre financier) et à la stabilisation de la dette publique sur des périodes de six ans (périodes-cadre).
2 Le compte de fonctionnement comprend les revenus et les charges. Les amortissements font partie des charges ; ils représentent 80 % au moins du montant des investissements financés par l'impôt.
3 Le Conseil d'Etat peut prolonger de trois ans au plus la période-cadre avec l'approbation du Grand Conseil, si le taux de chômage dans le canton dépasse 8 % de la population active en moyenne au cours des 12 derniers mois et à la condition que les déficits de fonctionnement cumulés soient résorbés au terme de la période-cadre ainsi prolongée.
4 Le Conseil d'Etat décide des mesures affectant les charges et les revenus, qui sont nécessaires pour stabiliser la dette publique pendant la période-cadre et qui entrent dans sa compétence.
5 Le Conseil d'Etat propose au Grand Conseilles autres mesures nécessaires affectant les charges et les revenus.
6 Si la dette publique n'est pas stabilisée à la fin de la période-cadre, le Grand Conseil décrétera par une loi soumise au référendum facultatif, une augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts. En cas de rejet de cette loi en votation populaire, le Conseil d'Etat proposera immédiatement au Grand Conseil de nouvelles mesures affectant les charges, que celui-ci adoptera en urgence.
7 Le Conseil d'Etat peut soumettre au Grand Conseil, en cours d'exercice, des amendements à la loi budgétaire annuelle.
8 Si, à la fin de la période-cadre, la somme des bonis excède celle des déficits du compte de fonctionnement, l'excédent sera affecté pour un tiers au moins à l'amortissement du découvert du bilan.
9 La stabilisation de la dette publique et l'amortissement du découvert du bilan doivent permettre de réduire le rapport entre l'endettement public et le revenu cantonal.
Art. 182 Assainissement des finances cantonales (nouveau)
1 Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat conduisent une politique financière qui doit aboutir à l'équilibre du compte de fonctionnement de l'Etat à la fin d'une période de cinq ans qui s'ouvre à la date de l'entrée en vigueur de la présente disposition (période d'assainissement).
2 Le déficit du compte de fonctionnement ne dépassera pas 360 000 000 F, pour l'exercice 1999. Le Conseil d'Etat fixera chaque année, dans le délai prévu par la loi pour la transmission du budget au Grand Conseil, la limite du déficit du compte de fonctionnement pour l'exercice suivant. Chaque année, le déficit sera inférieur à celui de l'exercice précédent. Le compte de fonctionnement sera équilibré au terme de l'exercice 2003.
3 Le Conseil d'Etat peut prolonger d'une année la période d'assainissement avec l'approbation du Grand Conseil, si le taux de chômage dans le canton dépasse 8 % de la population active en moyenne au cours des douze derniers mois. Dans ce cas le Conseil d'Etat fixera, dans le délai prévu par la loi, la limite du déficit pour l'exercice 2003.
4 Les mesures à prendre pour atteindreles objectifs ainsi fixés affecteront les charges et les revenus.
5 Le Conseil d'Etat arrête en bloc, dès l'entrée en vigueur de la présente disposition, les mesures énumérées à l'article 183.
6 S'il s'avère que les objectifs fixés au deuxième alinéa ne seront pas atteints, le Conseil d'Etat proposera au Grand Conseil de nouvelles mesures affectant les charges et les revenus.
7 Si l'équilibre du compte de fonctionnement n'est pas réalisé à la fin de la période d'assainissement, le Grand Conseil décrétera par une loi soumise au référendum facultatif, une augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts. En cas de rejet de cette loi en votation populaire, le Conseil d'Etat proposera immédiatement au Grand Conseil de nouvelles mesures affectant les charges, que celui-ci adoptera en urgence.
8 Le Conseil d'Etat peut soumettre au Grand Conseil, en cours d'exercice, des amendements à la loi budgétaire annuelle.
Art. 183 Mesures affectant les charges et les revenus (nouveau)
1 Le Conseil d'Etat arrête les mesures suivantes affectant les charges :
a) Fixation du revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux bénéficiaires d'une rente ou d'une prestation complémentaire fédérale de l'AVS ou de l'AI qui vivent à domicile, aux montants suivants après paiement du loyer et des primes de l'assurance obligatoire des soins :
- 21 727 F pour une personne seule; la part de la fortune supérieure à 25 000 F est convertie en revenu au taux de 50 % ;
- 32 591 F pour un couple; la part de la fortune supérieure à 40 000 F est convertie en revenu au taux de 50 %.
Le Conseil d'Etat règle la situation des personnes qui vivent dans un home ou dans un établissement médico-social, et celle des orphelins et des enfants à charge.
b) Obligation pour les membres du personnel de l'Etat et des établissements publics cantonaux ainsi que des membres du pouvoir judiciaire, occupés régulièrement, de participer pour moitié au coût de l'assurance perte de gain.
c) Suppression de la participation mensuelle de l'employeur à l'assurance-maladie des membres du personnel de l'Etat et des établissements publics cantonaux ainsi que des membres du pouvoir judiciaire, occupés régulièrement, dont le traitement dépasse 60 000 F. Le montant déterminant est calculé au taux d'une occupation à plein temps.
d) Limitation, pour les années 1999 à 2002, de l'adaptation au coût de la vie des traitements des membres du personnel de l'Etat et des établissements publics cantonaux ainsi que des membres du pouvoir judiciaire, occupés régulièrement, seule est indexée la partie du traitement annuel égale ou inférieure à 60 000 F. Le montant déterminant est calculé au taux d'une occupation à plein temps.
e) Réduction de 0,5 % des traitements annuels des membres du personnel de l'Etat et des établissements publics cantonaux ainsi que des membres du pouvoir judiciaire, occupés régulièrement, cette réduction ne s'applique qu'aux traitements supérieurs à 60 000 F. Le montant déterminant est calculé au taux d'une occupation à plein temps.
f) Garantie, pour les années 1999 à 2002, du versement des annuités et de la progression de la prime de fidélité.
g) Réduction de 2 % des traitements annuels des membres du Conseil d'Etat et du Chancelier.
h) Réduction de 2 % des jetons de présence des députés du Grand Conseil.
i) Augmentation de 60 000 000 F du capital de dotation des Transports publics genevois ; les communes participent pour moitié au financement de cette augmentation.
j) Modification des lignes de campagne à la charge des communes pour un montant de 5 000 000 F.
2 Le Conseil d'Etat arrête les mesures suivantes affectant les revenus :
a) Introduction d'une contribution spéciale destinée à l'assainissement des finances cantonales, qui sera perçue de 1999 à 2002. Cette contribution a pour objet le revenu et la fortune des personnes physiques, ainsi que le bénéfice des personnes morales de droit privé.
Les personnes physiques domiciliées ou en séjour dans le canton, qui ne sont pas taxables sur le revenu et la fortune, acquittent une contribution forfaitaire de 25 F.
Les personnes physiques domiciliées ou en séjour dans le canton et les travailleurs frontaliers acquittent une contribution forfaitaire de 50 F, lorsqu'ils ne paient pas d'impôt sur le revenu.
Les personnes physiques domiciliées ou en séjour dans le canton et les travailleurs frontaliers acquittent une contribution minimum de 100 F lorsque leur revenu net imposable ne dépasse pas 20 000 F ; le taux de la contribution est fixé à 1 % de la part de ce revenu qui dépasse 20 000 F.
Le mode de perception de la contribution est le même que celui de l'impôt sur le revenu.
Les personnes physiques dont la fortune nette imposable ne dépasse pas 2 000 000 F acquittent une contribution forfaitaire de 500 F ; la contribution sur la fortune nette est de 2 000 F lorsque celle-ci dépasse ce montant.
Les personnes morales de droit privé assujetties à l'impôt sur le bénéfice acquittent une contribution forfaitaire de 500 F lorsqu'elles ne paient pas d'impôt sur le bénéfice ; la contribution forfaitaire est de 500 F lorsque le bénéfice net imposable ne dépasse pas 50 000 F, et de 2 000 F lorsqu'il dépasse ce montant.
b) Abandon, pour les années 1999 à 2002, par les communes, au profit de l'Etat, de leur part aux recettes fiscales produites par le renforcement de la vérification et du contrôle des impôts, par l'amélioration du traitement des actes de défaut de biens et par l'introduction des dispositions de la loi sur les contributions publiques relatives à la poursuite en réalisation de gage. Le montant de cette renonciation des communes ne peut dépasser 14,2 millions de F.
c) Institution d'une contribution annuelle à la charge des propriétaires de piscines privées. Le taux de la contribution est fixé à 12 F le m2 de la surface du plan d'eau. Les pataugeoires pour enfants sont exonérées.
d) Augmentation aux montants suivants du barème d'imposition des véhicules à moteur et de leurs remorques :
1) Automobiles de tourisme
- jusqu'à 5,5 chevaux 300 F
- en sus, par cheval ou fraction de cheval, jusqu'à 12,5 chevaux 30 F
- en sus, par cheval ou fraction de cheval, jusqu'à 18,5 chevaux 35 F
- en sus, par cheval ou fraction de cheval 40 F
2) Camions, camionnettes
- jusqu'à une charge utile de 200 kg 240 F
- de 201 à 600 kg 300 F
- de 601 à 1000 kg 360 F
- en sus, par tranche ou fraction de tranche de 500 kg 90 F
L'impôt ne peut excéder 2 500 F.
3) Véhicules automobiles destinés au transport des personnes et comportant 10 places et plus (y compris celle du conducteur) : 32 Fpar place (non comprise celle du conducteur).
4) Motocyclettes
- jusqu'à 50 cm3 20 F
- plus de 50 cm3, jusqu'à 125 cm3 60 F
- plus de 125 cm3, jusqu'à 350 cm3 90 F
- plus de 350 cm3, jusqu'à 600 cm3 120 F
- plus de 600 cm3 150 F
Les motocyclettes sont frappées d'un supplément d'impôt de 15 F si elles sont aménagées pour le transport d'une deuxième personne.
5) Motocycles à 3 roues et voiturettes destinés au transport des personnes
- jusqu'à un poids en ordre de marche de 250 kg 120 F
- plus de 250 kg, jusqu'à 400 kg 200 F
- le tarif des automobiles de tourisme s'applique au-delà d'un poids en ordre de marche de 400 kg.
6) Tracteurs
- tracteurs agricoles 90 F
- tracteurs à sellette et tracteurs industriels 360 F
7) Chariots, machines de travail
- jusqu'à un poids en ordre de marche de 3 500 kg 90 F
- au-delà de 3 500 kg 360 F
8) Taxis, ambulances 320 F
9) Remorques et semi-remorques destinées au transport desmarchandises par tranche ou fraction de tranche de 500 kgde charge utile. 70 F
L'impôt ne peut excéder 1 300 F pour les remorques et 1 700 F pour les semi-remorques.
10) Remorques et semi-remorques destinées au transport des personnes par place : 26 F
11) Remorques de camping (caravanes) attelables à des automobiles de tourisme
- jusqu'à leur poids en ordre de marche de 600 kg 60 F
- au-delà de 600 kg 120 F
12) Remorques attelées à un motocycle 20 F
Ces montants ne peuvent être augmentés avant le premier janvier 2003, au plus tôt.
Art. 184 Réforme de l'Etat (nouveau)
En arrêtant les mesures d'assainissement des finances cantonales, le Conseil d'Etat met en oeuvre la réforme de l'Etat.
Art. 2
1 Le Conseil d'Etat fixe la date de l'entrée en vigueur de l'article 97 A.
2 Les articles 182, 183 et 184 entrent en vigueur le 1er janvier 1999. Ils sont immédiatement applicables.
3 Ils seront abrogés par l'entrée en vigueur de l'article 97 A ; les mesures énumérées à l'article 183, hormis celles dont la durée est fixée dans le texte, demeureront toutefois en vigueur.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis 1989, l'Etat de Genève fait face à des déficits permanents qui, par leur accumulation tant au compte de fonctionnement qu'au compte d'investissement, ont engendré durant une courte période de 8 ans une augmentation sensible et rapide de son niveau d'endettement à la fois en termes absolus et en termes relatifs. Le rapport entre la dette brute et le revenu cantonal genevois est en effet passé de 20 % au début des années 90 à près de 50 % en 1997. En termes absolus, la dette brute a augmenté, passant de 4,3 milliards de F en 1990 à 9,6 milliards de F en 1997, ce qui par habitant correspond à une augmentation de 113 %.
L'Etat de Genève assume des intérêts de la dette qui requièrent une part croissante des ressources de la collectivité au détriment d'autres prestations, par exemple les 475 millions d'intérêts passifs que nous payerons en 1999 pourraient financer près de 5 000 postes de travail. L'exemple est révélateur d'une situation qui soulève quelques inquiétudes, la seule dette nous coûtant plus cher que le budget social du canton (450 millions de F), d'une part, et de plus en plus cher, d'autre part, abstraction faite d'une hausse possible des taux d'intérêts.
Au vu de cette situation, le Conseil d'Etat a considéré qu'il lui incombait d'agir. Le constat est partagé. La situation est généralement jugée sérieuse et pourtant il s'avère ardu d'y porter remède car chacun d'entre nous, tel Janus, présente face au problème du rééquilibre des finances publiques un double visage. Le sujet fiscal, c'est-à-dire le contribuable, veut que l'Etat lui épargne de l'impôt. Mais, si le contribuable désire une charge aussi allégée que possible, le citoyen, quant à lui, veut voir accroître les moyens financiers de la collectivité pour répondre aux besoins qu'il exprime en matière d'éducation, d'aide aux personnes âgées, aux familles, de logement ou de transport. Ce phénomène explique les difficultés à prendre des mesures, les réactions des uns et des autres, toutes négatives, et le peu de chance de succès de normes abstraites. L'adoption de la loi du 7 octobre 1993 sur l'équilibre des finances en est la parfaite illustration. En effet, ce texte n'a pas eu l'impact escompté. Les raisons de cet échec sont évidentes. L'objectif poursuivi n'était pas assorti de sanctions et la loi n'était pas accompagnée d'un paquet de mesures concrètes et cohérentes.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat propose aujourd'hui d'agir différemment et a décidé de se donner des chances de réussir le pari du rééquilibre en misant sur un processus de choix et de dialogue.
Premier élément de cette politique :
Mettre l'intérêt général au coeur des préoccupations de chacun
Cela suppose une prise de conscience collective de la gravité de la situation et de la part des autorités un devoir de vérité. Dans ce but, le Conseil d'Etat a mandaté trois personnalités choisies pour leur impartialité et leurs compétences (Mme G. Antille, MM. M. Fues et M. Bétemps), chargées de mesurer l'impact du déficit sur l'activité économique et l'emploi, notamment en termes de marge de manoeuvre pour une politique économique incitative. Leur rapport confirme que l'endettement de l'Etat est critique et que la marge de manoeuvre de l'Etat doit être jugée comme quasi inexistante.
La transparence a également été le souci dominant dans l'élaboration du projet de budget 1999 qui applique strictement les mécanismes découlant des lois et dispositions fédérales et cantonales, sans intervention de procédures dérogatoires et, pour ce qui concerne les recettes, les prévisions de croissance fournies par le groupe de perspectives économiques.
Deuxième élément :
Des objectifs clairs
Les estimations budgétaires présentées au début de l'été affichaient un déficit de fonctionnement de 811 millions de F. Elles auraient porté la dette aux environs de 11 milliards, soit un triplement en 10 ans.
Compte tenu de la dégradation rapide du ratio d'endettement, le but de la procédure budgétaire 1999 a été défini par le Conseil d'Etat comme étant la stabilisation, au niveau de 1998, de l'endettement rapporté au revenu cantonal, ce qui signifiait un correctif d'une ampleur de 467 millions de F au total, sur l'investissement et le fonctionnement.
Une deuxième contrainte budgétaire a été définie comme étant la volonté de rééquilibrer la part structurelle du déficit, celle qui ne doit rien à la crise et qui persistera au-delà. Les mesures de rééquilibre pour 1999 touchent donc le seul solde structurel. L'origine du déficit structurel étant à rechercher autant du côté des dépenses nouvelles que du côté de diminutions voulues de recettes, les corrections portent à la fois et de manière égale sur les dépenses et sur les recettes.
Enfin, pour éviter de se retrouver dans une situation financière comparable à terme, il s'est agi d'assortir les mesures d'urgence applicables au budget 1999 de dispositions visant d'une part le retour à l'équilibre et, d'autre part la stabilisation à terme de l'endettement. Le Conseil d'Etat a, en conséquence, proposé une sorte de contre-projet au projet de loi du parti démocrate-chrétien traitant de ce thème et en cours d'examen devant la Commission des finances du Grand Conseil.
Troisième élément :
Une autre méthode
La façon traditionnelle de faire a consisté à élaborer un budget à l'interne, le Conseil d'Etat procédant seul aux arbitrages nécessaires. Une telle procédure nous a paru présenter des risques en termes d'acceptabilité étant donné l'ampleur du correctif nécessaire. Le Conseil d'Etat a donc choisi la voie du dialogue constructif et une vaste concertation a débuté en juin. Un débat s'est instauré au cours duquel chacun et chacune, communes, partenaires sociaux, partis politiques, institutions ont apporté contributions et propositions, ont pris position sur les pistes ouvertes par le Conseil d'Etat. Les discussions du Conseil d'Etat avec la fonction publique se sont tenues en parallèle. Le processus s'est poursuivi pendant l'été et s'est terminé début septembre par la signature d'un protocole d'accord par le Conseil d'Etat et les partis politiques, protocole d'accord entérinant des ajustements, notamment pour tenir compte d'un transfert d'actifs aux TPG, une enveloppe de correction de quelque 360 millions (184,3 millions de recettes nouvelles et 180,4 millions d'économies) et des principes d'équilibre financier à long terme.
Le Conseil d'Etat a souhaité réunir dans un seul projet l'ensemble des mesures faisant l'objet du protocole d'accord et ce afin de ne pas abandonner aux hasards de la politique et des référendums facultatifs le soin de décider des choix budgétaires et de garantir ainsi une répartition des efforts sur les économies et les recettes. S'agissant en outre et surtout de disposer d'un budget au premier janvier de 1999 et d'obtenir l'aval des Genevoises et des Genevois en raison des efforts qui leur sont demandés, le Conseil d'Etat propose en conséquence de réconcilier ces objectifs en déposant un projet de loi constitutionnelle qui a la vertu d'être soumis automatiquement au peuple et, pour autant, bien entendu, que le Grand Conseil l'accepte, le vote populaire pourra avoir lieu le 20 décembre prochain.
Le projet de loi constitutionnelle - cadre général
Le projet de loi constitutionnelle est la réponse logique du Conseil d'Etat aux déficits persistants du compte de fonctionnement, à l'apparition de profonds déséquilibres structurels et à l'augmentation rapide de l'endettement de l'Etat de Genève. Il comporte ainsi deux objectifs distincts bien qu'étroitement liés entre eux tant sur le plan conceptuel que matériel.
En premier lieu, le projet de loi constitutionnelle veut ancrer dans la Constitution cantonale l'obligation de rétablir l'équilibre financier du compte de fonctionnement dans une période de cinq ans à partir de son entrée en vigueur. Ce premier objectif exprime donc la ferme volonté du Conseil d'Etat d'inverser de façon définitive la tendance à l'accroissement des déficits publics par la définition d'un concept d'assainissement des finances cantonales et son délai de réalisation (période d'assainissement).
En second lieu, le projet de loi constitutionnelle veut rendre possible la stabilisation, en termes absolus, de l'endettement public en consacrant le principe d'équilibre financier pluriannuel (période-cadre de six ans) du compte de fonctionnement. Le Conseil d'Etat entend ainsi prévenir toute nouvelle dégradation durable des finances cantonales bien que permettant, à court terme, la poursuite d'une politique financière visant à réduire les soubresauts conjoncturels. En termes relatifs, le ratio d'endettement public par rapport au revenu cantonal devrait connaître une inversion de tendance permettant ainsi à long terme d'observer une réduction progressive.
Le projet de loi constitutionnelle distingue deux horizons temporels car les objectifs d'assainissement des finances cantonales et de stabilisation de la dette publique ne peuvent être réalisés simultanément. En effet, le premier doit impérativement précéder le second car le concept d'équilibre financier pluriannuel du compte de fonctionnement suppose de résorber, au préalable et dans une large mesure, les déficits du compte de fonctionnement.
L'ordre de réalisation des objectifs détermine l'architecture et l'organisation matérielle du projet de loi constitutionnelle. Il impose donc de distinguer, d'une part, un dispositif transitoire répondant aux exigences d'assainissement des finances cantonales et, d'autre part, un dispositif permanent transposant juridiquement le principe d'équilibre financier pluriannuel du compte de fonctionnement et son corollaire, la stabilisation de la dette publique sur une période-cadre de six ans.
Article 97A - Les dispositions permanentes
Le projet d'article 97A de la constitution consacre, dans une disposition permanente, le principe d'équilibre financier pluriannuel du compte de fonctionnement dont l'application rend ainsi possible la stabilisation de la dette publique en termes absolus dans une période-cadre de six ans. En termes relatifs, le ratio d'endettement (dette publique par rapport au revenu cantonal) devrait par conséquent connaître une nette inversion de tendance, l'orientant progressivement à la baisse.
L'article 97A comprend cinq idées-maîtresses. La première affirme que la politique financière de l'Etat tend à l'équilibre du compte de fonctionnement. Elle définit ainsi l'équilibre financier comme un principe général de politique financière devant guider le Conseil d'Etat et le Grand Conseil. Cette première idée-maîtresse suit ainsi les principes classiques énoncés par Adam Smith selon lesquels et par analogie aux principes régissant les ménages privés, un Etat doit couvrir intégralement ses dépenses courantes par des recettes et revenus courants équivalents.
La seconde définit les conditions permettant de déroger au principe d'équilibre financier afin de tenir compte des spécificités d'un ménage public, notamment celles liées à son rôle de modérateur des variations conjoncturelles néfastes de l'économie. Cette seconde idée-maîtresse crée les conditions qui doivent permettre à un Etat de poursuivre des objectifs de politique financière qui divergent à court terme du strict respect de l'équilibre financier. Elle s'inspire ainsi très largement des théories keynésiennes modernes puisqu'elle utilise la politique financière de l'Etat comme un instrument orienté au maintien du plein-emploi des facteurs de production. Elle marque ainsi la différence entre le ménage privé et le ménage public. Cependant, la capacité octroyée au ménage public de différer le prélèvement de l'impôt pour financer ses dépenses courantes n'est pas sans limite. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle consacre l'équilibre du compte de fonctionnement comme un principe général de gestion financière et détermine avec précision les conditions exceptionnelles dans lesquelles il peut y être dérogé. On distingue ainsi l'objectif de moyen terme orienté sur la stabilisation de l'endettement public et la possibilité dans le court terme de s'écarter de l'équilibre financier du compte de fonctionnement.
La troisième idée-maîtresse est la pierre angulaire du dispositif prévu par le projet de loi constitutionnelle. Elle vise à réconcilier les deux premières idées-maîtresses en privilégiant un équilibre financier pluriannuel et garantir ainsi la stabilisation de la dette publique sur la période-cadre de six ans. Elle introduit le concept selon lequel chaque franc emprunté pour financer les charges de fonctionnement doit être remboursé, au plus tard, au terme de la période-cadre. C'est la condition sine qua non permettant l'apparition d'un ou plusieurs déficits du compte de fonctionnement à l'intérieur d'une période-cadre. Dans la logique du projet de loi constitutionnelle, cette troisième idée-maîtresse devrait limiter autant que possible le recours à l'emprunt pour financer les charges courantes de fonctionnement car, de fait, les coûts engendrés par le cumul des déficits de fonctionnement devraient lourdement grever les autres exercices budgétaires de la même période-cadre. De par sa nature dissuasive, elle représente donc un bon substitut à l'introduction d'une limite supérieure chiffrée de déficit du compte de fonctionnement.
Il faut souligner que le projet de loi constitutionnelle ne prévoit un tel dispositif contraignant que pour les charges de fonctionnement. Elle introduit donc une nuance de taille entre ces dernières et les dépenses d'investissement puisqu'il est concevable de recourir à l'emprunt pour financer les secondes à condition que, d'une part, des ressources budgétaires soient affectées au service de la dette et, d'autre part, que le montant des amortissements représente au moins 80 % des investissements financés par l'impôt.
Faisant le constat qu'en l'absence d'un mécanisme de sanction approprié, les dispositifs déjà en vigueur dans la constitution (art. 96 et 97) et dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (art. 46), notamment l'obligation de trouver à toute nouvelle dépense une couverture financière suffisante, ont été totalement inefficaces pour atteindre leurs objectifs initiaux. Il est donc apparu indispensable d'introduire des contraintes qui s'imposent aux autorités elles-mêmes. C'est le contenu de la quatrième idée-maîtresse du projet de loi constitutionnelle qui doit être considéré comme un complément au dispositif contraignant d'amortissement obligatoire des déficits cumulés du compte de fonctionnement. En cas de violation des limites, le projet de loi constitutionnelle prévoit ainsi une montée progressive en puissance de l'arsenal de sanction, allant des mesures prises par le Conseil d'Etat affectant les charges et les revenus entrant dans sa compétence à l'augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts dont le caractère automatique assure la force contraignante.
C'est en respectant les principes énoncés autour des quatre premières idées-maîtresses qu'il devrait être possible de stabiliser la dette publique sur des périodes-cadre successives de six ans. Il va sans dire que le dispositif ainsi conçu est complexe, qu'il exige une savante planification financière pluriannuelle. C'est cependant le prix à payer pour bénéficier d'une certaine flexibilité dans la conduite de la politique financière de l'Etat.
La cinquième et dernière idée-maîtresse du projet de loi constitutionnelle veut affirmer le besoin d'amortir progressivement, à chaque fois que les conditions financières le permettent, la dette accumulée depuis 1989 (découvert du bilan), année marquant l'apparition des déficits du compte de fonctionnement. Il doit être rappelé que l'amortissement du découvert du bilan ne peut être réalisé qu'une fois résorbés les déficits accumulés dans une période-cadre.
Articles 182, 183, 184 - Les dispositions finales et transitoires(Titre XVI)
Les articles 182, 183 et 184 forment le corps du dispositif constitutionnel transitoire conçus pour réaliser l'assainissement du compte de fonctionnement, passage indispensable avant l'introduction du mécanisme vertueux d'équilibre pluriannuel du compte de fonctionnement prévu à l'article 97A du projet de loi constitutionnelle. L'introduction des mesures durables d'assainissement vise donc, en priorité, à combler la part structurelle des déséquilibres de fonctionnement.
Le dispositif de transition est construit sur quatre piliers. Il reprend un schéma conceptuel tout à fait identique à celui imaginé pour l'article 97A. Ce point est à relever car il démontre l'unité d'approche du projet de loi constitutionnelle.
Le premier pilier consiste à énoncer un principe définissant non seulement l'équilibre du compte de fonctionnement comme un but de la politique financière de l'Etat de Genève mais aussi le délai imparti au terme duquel l'équilibre devra être atteint. Il fixe ainsi un objectif et une période à l'assainissement du compte de fonctionnement. Il répond à des exigences de transparence.
Le deuxième pilier répond au souci de responsabilisation des autorités en permettant aux citoyens d'exercer un contrôle continu sur l'état d'avancement de l'assainissement. De la sorte, on introduit le premier élément du dispositif contraignant car l'inscription d'un objectif intermédiaire chiffré et du principe de réduction continue des déficits jusqu'à l'équilibre, accroît la lisibilité du plan d'assainissement des finances. Il augmente par conséquent la crédibilité de celui-ci.
Quel que soit le degré de sophistication d'un dispositif, ce dernier ne peut atteindre son objectif que si, dans le même temps, il comprend les moyens et les mesures par lesquels l'équilibre du compte de fonctionnement pourra être réalisé. C'est à cette préoccupation que le troisième pilier du projet de loi constitutionnelle est consacré. De la sorte, il renforce le degré de contrainte du dispositif.
Enfin, le quatrième et dernier pilier entend parfaire le caractère contraignant du dispositif d'assainissement en identifiant non seulement les mécanismes sanctionnant, au fur et à mesure, la violation des objectifs tant intermédiaires que final, mais aussi un système de montée progressive en puissance de celles-ci. En effet, en l'absence de sanctions appropriés allant jusqu'à postuler un certain degré d'automaticité, l'expérience a montré ici et ailleurs l'inefficacité totale des dispositifs, tant constitutionnels que légaux, visant à freiner la croissance des dépenses pour limiter les déficits publics.
En résumé, le dispositif transitoire du projet de loi constitutionnelle prévoit à l'article 182 le mécanisme d'assainissement, son calendrier et son rythme de réalisation. Quant aux articles 183 et 184, ils décrivent les instruments et mesures améliorant la lisibilité, donc la crédibilité, du principe d'assainissement des finances cantonales. L'ensemble du dispositif établit donc les principes, les moyens et les sanctions garantissant l'assainissement des finances cantonales dans les délais prévus par le projet de loi constitutionnelle.
D'un point de vue juridique, les mesures transitoires d'assainissement sont immédiatement applicables dès leur entrée en vigueur le 1er janvier 1999. Tant en ce qui concerne les charges que les revenus, elles sont formulées de telle sorte que le Conseil d'Etat puisse adopter, sur la base d'une délégation satisfaisante, les dispositions d'exécution nécessaires. Ce mode de faire n'a rien d'insolite ou de singulier. Le projet utilise en effet, à cet endroit, le système mis en place dans la constitution fédérale, par exemple aux articles 17 ss des dispositions transitoires de celles-ci qui fixent le régime des redevances annuelles pour l'utilisation, par certains véhicules, des routes ouvertes au trafic général. Ce système montre, par ailleurs, que le droit suisse ne pose pas de limite au contenu matériel des normes constitutionnelles.
Les commentaires détaillés
Article 97A
Alinéa 1
L'alinéa 1 définit le concept d'équilibre financier pluriannuel sur des périodes-cadre successives de six ans. Il établit un principe général orientant la conduite de la politique financière de l'Etat. Il fixe en priorité le cadre dans lequel la politique financière doit être menée par les autorités ainsi que l'objectif de stabilisation de la dette publique en termes absolus.
Par stabilisation de la dette publique, il doit être compris qu'en termes absolus, le découvert du bilan en début d'une période-cadre est identique à celui en fin de période-cadre. Cependant, le mécanisme prévu par le projet de loi constitutionnelle tolère qu'en cours d'une période-cadre, le découvert du bilan puisse varier, à la hausse ou à la baisse.
De manière idéale, il aurait été souhaitable de calquer le concept d'équilibre financier sur la durée complète d'un cycle économique. Hors, compte tenu de l'irrégularité et de l'imprévisibilité des cycles économiques, ce concept est difficilement applicable au quotidien. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle a privilégié une définition précise d'une période-cadre. Il a retenu une durée de six ans dans le souci de concilier des considérations touchant à la fois la durée moyenne observée des cycles économiques, la crédibilité des mécanismes contraignants, ainsi que la durée des périodes législatives.
Alinéa 2
Il faut rappeler ici que le nouveau modèle de compte introduit une distinction entre les charges et les revenus courants regroupés dans un compte de fonctionnement et les dépenses et les recettes d'investissement, regroupés dans un compte d'investissement, la consolidation des premières et des secondes étant réalisée dans un compte de financement.
L'alinéa 2 établit donc un lien formel entre le compte de fonctionnement et le compte d'investissement car il met en relation les investissements financés par l'impôt, contenus dans le compte d'investissement et les amortissements contenus dans le compte de fonctionnement.
Le Conseil d'Etat a fixé le pourcentage du rapport en ayant à l'esprit des considérations de flexibilité dans la conduite de sa politique financière et en tenant compte du caractère particulier des investissements publics en faveur du développement économique et social du canton.
Alinéa 3
L'alinéa 3 fixe les conditions de dérogation au principe d'équilibre financier pluriannuel du compte de fonctionnement. D'une part, il établit le principe selon lequel les déficits de fonctionnement cumulés doivent être intégralement résorbés au terme d'une période-cadre. Ce principe représente donc la clé de voûte du mécanisme de stabilisation de la dette publique, énoncé à l'alinéa 1.
D'autre part, l'alinéa 3 prévoit de prolonger de trois ans au plus une période-cadre, ceci afin de tenir compte de circonstances économiques particulièrement défavorables. Il précise ce que l'on entend par des circonstances économiques défavorables puisque l'on fait référence, de manière explicite, à un taux moyen de chômage dépassant 8 % de la population active au cours des 12 mois précédents. Le taux de chômage est par conséquent le seul indicateur de l'état de la conjoncture genevoise retenu dans le projet de loi constitutionnelle. Il définit enfin que la décision de prolonger la période-cadre ne peut être prise que par le Grand Conseil sur proposition du Conseil d'Etat.
Dans le cas où la période-cadre est prolongée de trois ans au plus, l'obligation faite de résorber les déficits cumulés du compte de fonctionnement reste bien entendu en vigueur. Cette dérogation ne concerne donc que la durée de la période-cadre.
Alinéas 4 et 5
Dans les domaines de sa compétence, il est précisé dans l'alinéa 4 qu'il est du ressort du Conseil d'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires affectant les charges et les revenus pour garantir la stabilisation de la dette publique sur une période-cadre. Cet alinéa n'exige aucun autre commentaire particulier.
L'alinéa 5 charge le Grand Conseil, dans ses domaines de compétence, d'adopter les mesures nécessaires affectant les charges et les revenus qui garantissent le respect du principe d'équilibre financier pluriannuel du compte de fonctionnement. Cet alinéa n'exige aucun autre commentaire particulier.
Il est à remarquer que les alinéas 4 et 5 respectent la séparation des pouvoirs entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat.
Alinéa 6
L'alinéa 6 définit les mécanismes sanctionnant la violation du principe de stabilisation de la dette publique au terme de la période-cadre de six ans, éventuellement prolongée par le Grand Conseil de trois ans au plus. Dans son esprit, une augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts, notamment des personnes physiques et des personnes morales, se veut être une mesure dissuasive, compte tenu de son caractère automatique. Elle entend contraindre les autorités à prendre, avant le terme d'une période-cadre, toutes les mesures nécessaires affectant les charges et les revenus. Elle doit donc être interprétée comme un instrument de dernier recours.
Respectant la séparation des pouvoirs, l'alinéa 6 détermine qu'une augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts doit être arrêtée par le Grand Conseil et qu'elle doit être soumise au référendum facultatif comme le prévoit l'article 95 de la constitution. Par souci de transparence, l'exposé des motifs accompagnant la modification légale relative à l'augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts devra indiquer explicitement les domaines dans lesquels il pourrait être procédé à des coupes budgétaires en cas de refus populaire. Cela devrait permettre au peuple de faire son choix en ayant tous les tenants et aboutissants.
En cas de refus populaire, l'alinéa 6 exige que, sur proposition du Conseil d'Etat, le Grand Conseil adopte immédiatement de nouvelles mesures affectant uniquement les charges et d'un montant suffisant à résorber complètement les déficits cumulés du compte de fonctionnement. Ces mesures doivent correspondre aux domaines qui auront été identifiés dans l'exposé des motifs accompagnant la modification légale relative à l'augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts.
Alinéa 7
L'alinéa 7 complète l'arsenal des instruments à disposition du Conseil d'Etat pour les mesures entrant dans sa propre compétence, du Grand Conseil pour les autres mesures. Ce complément est rendu indispensable car le calendrier aboutissant au vote du budget diffère de celui de clôture des comptes. En effet, lors de la procédure d'adoption du budget, les comptes d'Etat ne sont pas encore arrêtés. Il existe ainsi une incertitude sur l'état financier réel de l'Etat. On doit ainsi prévoir le cas où, suite à la clôture des comptes, ce dernier enregistrant un écart avec les prévisions budgétaires, le principe de stabilisation de la dette publique ne puisse être respecté.
Alinéa 8
L'alinéa 8 introduit l'obligation de rembourser le découvert du bilan (la dette publique), si les conditions financières le permettent. Le remboursement de la dette publique intervient donc lorsque la somme des bonis du compte de fonctionnement excède le montant cumulé des déficits durant une période-cadre.
Il précise qu'au moins un tiers de l'excédent doit être affecté au remboursement de la dette. Il fixe un plancher et laisse par conséquent au Conseil d'Etat toute latitude de décider de l'affectation du boni.
Alinéa 9
L'alinéa 9 n'exige aucun commentaire particulier, si ce n'est qu'il fait référence à un concept économique largement utilisé dans les milieux de la finance. Le rapport entre la dette brute et le revenu cantonal, ci-après le ratio d'endettement, représente un indicateur pertinent de la santé financière d'une collectivité publique, de sa capacité à prélever l'impôt pour servir la dette, et à terme à la rembourser.
Le respect du principe d'équilibre financier pluriannuel du compte de fonctionnement, duquel découle le principe de stabilisation de la dette publique sur une période-cadre, et l'obligation de rembourser le découvert du bilan laissent penser qu'il devrait être possible de réduire le ratio d'endettement. En effet, si l'on observe tendanciellement une croissance du revenu cantonal et que simultanément on stabilise le niveau de la dette, le ratio d'endettement diminue.
Article 182
Alinéa 1
L'alinéa 1 arrête le principe et le délai d'assainissement des finances cantonales. Il précise que ce dernier doit correspondre à l'équilibre financier du compte de fonctionnement. Il fixe enfin une date butoir pour le réaliser indiquant ainsi la durée de la période d'assainissement.
De la sorte, l'article 1 fixe l'orientation de la politique financière de l'Etat de Genève, en définissant l'équilibre du compte de fonctionnement comme un objectif prioritaire à atteindre dans un délai précis de cinq ans. Par sa simplicité, l'alinéa 1 respecte les principes de transparence et de lisibilité.
Alinéa 2
L'alinéa 2 précise le calendrier au terme duquel la politique financière doit aboutir à l'équilibre du compte de fonctionnement, mais aussi le rythme d'assainissement des finances cantonales. En effet, il fixe à 2003 le délai au terme duquel le compte de fonctionnement devra être équilibré. Il prévoit, par ailleurs, un objectif chiffré intermédiaire, à savoir la limite supérieure tolérée de déficit du compte de fonctionnement pour l'exercice 1999. Enfin, il exige une réduction continue des déficits du compte de fonctionnement entre les objectifs intermédiaire et final.
Cet alinéa permet ainsi aux citoyens de vérifier, année après année, que les autorités cantonales respectent effectivement le plan d'assainissement des finances cantonales. Il accroît ainsi le degré de responsabilisation tant du Conseil d'Etat que du Grand Conseil.
Alinéa 3
De manière similaire au dispositif prévu à l'article 97A, l'alinéa 3 prévoit de prolonger d'une année au plus la période d'assainissement, si les conditions économiques l'exigent. Il précise ce que l'on entend par "; conditions économiques " puisque l'on fait référence, de manière explicite, à un taux moyen de chômage dépassant 8 % de la population active au cours des 12 mois précédents. Le taux de chômage est par conséquent le seul indicateur de l'état de la conjoncture genevoise qui pourrait inciter le Grand Conseil à approuver la prolongation de la période d'assainissement.
Cet alinéa permet donc d'intégrer dans le plan d'assainissement des considérants liés à une dégradation non anticipée de la situation conjoncturelle de l'économie genevoise. En déterminant strictement les conditions de prolongation de la période d'assainissement, l'alinéa 3 ne limite pas excessivement le caractère contraignant des principes énoncés aux alinéas 1 et 2.
Alinéa 4
L'alinéa 4 n'exige aucun commentaire particulier.
Alinéa 5
L'alinéa 5 n'exige aucun commentaire particulier dans son contenu. Il faut toutefois préciser que d'un point de vue juridique, l'alinéa 5 permet d'établir un lien organique entre les articles 182 et 183 des dispositions finales et transitoires de la constitution. En effet, soucieux de faciliter la bonne compréhension du projet de loi constitutionnelle, il a été arrêté le choix d'énumérer dans un article distinct - l'article 183 - l'ensemble des mesures affectant les charges et les revenus du projet de budget 1999 qui ont fait l'objet d'un accord entre le Conseil d'Etat et les partis politiques représentés au Grand Conseil, à l'exception d'un seul d'entre eux.
Alinéas 6 et 8
Les alinéas 6 et 8 précisent la nature et le mode de décision lorsqu'il est vraisemblable qu'un objectif intermédiaire de déficit du compte de fonctionnement ne puisse être atteint ou lorsqu'il n'est effectivement pas atteint au moment de la clôture des comptes. Dans leur esprit, les alinéas 6 et 8 font donc partie du premier groupe de sanctions puisqu'aucune automaticité n'est prévue.
Il faut noter en particulier que l'alinéa 8 complète l'arsenal des instruments à disposition du Conseil d'Etat pour les mesures entrant dans sa propre compétence, du Grand Conseil pour les autres mesures. Comme l'indique le commentaire de l'alinéa 7 de l'article 97A, ce complément est rendu indispensable du fait du décalage entre le calendrier aboutissant au vote du budget et celui de clôture des comptes. Il doit cependant être mentionné que dans le cadre des dispositions finales et transitoires, ce complément est également justifié par l'introduction d'un objectif intermédiaire chiffré et d'un rythme précis de réduction des déficits du compte de fonctionnement. Dès lors, s'il s'avère qu'en cours d'exécution budgétaire l'objectif chiffré de déficit ne peut être atteint, les autorités cantonales ont l'obligation de prendre toutes les mesures correctives affectant les charges et les revenus.
Alinéa 7
L'alinéa 7 définit les mécanismes sanctionnant la violation du principe d'équilibre financier du compte de fonctionnement au terme du délai imparti, éventuellement prolongé, d'une année au plus, par le Grand Conseil.
En respect avec le principe de séparation des pouvoirs, et conformément à l'alinéa 1 de l'article 182 du projet de loi constitutionnelle, l'alinéa 7 détermine qu'une augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts doit être arrêtée par le Grand Conseil. Conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur, cette augmentation doit être soumise au référendum facultatif.
Dans son esprit, une augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts, notamment des personnes physiques et des personnes morales, se veut être une mesure dissuasive compte tenu de son caractère automatique. Elle entend contraindre les autorités à prendre, au préalable, toutes les mesures nécessaires affectant les charges et les revenus. Elle doit donc être interprétée comme un instrument de dernier recours.
Par souci de transparence, l'exposé des motifs accompagnant la modification légale relative à l'augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts devra indiquer explicitement les domaines dans lesquels il pourrait être procédé à des coupes budgétaires en cas de refus populaire. Cela devrait permettre au peuple de faire son choix en ayant tous les tenants et aboutissants.
En cas de refus populaire, l'alinéa 7 exige que, sur proposition du Conseil d'Etat, le Grand Conseil adopte immédiatement de nouvelles mesures affectant uniquement les charges. Elles devront correspondre aux domaines qui auront été identifiés dans l'exposé des motifs accompagnant la modification légale relative à l'augmentation des centimes additionnels perçus sur les impôts. Elles pourront être adoptées en urgence selon les dispositions constitutionnelles en vigueur.
Article 183
CHARGES
Les mesures de l'alinéa 1, lettre a - Rentiers AVS-AI
Dans toute la Suisse, un revenu minimum fédéral d'aide sociale est garanti aux rentiers AVS-AI par des prestations complémentaires fédérales - définies par la Confédération, mais payées par les cantons.
Ce revenu minimum fédéral garanti s'élève :
a) pour les rentiers AVS-AI qui vivent à domicile à 16'290 FF pour une personne seule et à 24'435 F pour un couple, après paiement du loyer (à concurrence de 12 000 F pour une personne seule et de 13'800 F pour un couple) et de la cotisation d'assurance-maladie ;
b) pour les rentiers AVS-AI qui sont placés dans une institution à 28'508 F par personne, après paiement de la cotisation d'assurance-maladie.
A ce revenu minimum fédéral s'ajoute le paiement des frais médicaux non pris en charge par l'assurance-maladie obligatoire à concurrence de 25'000 F pour une personne seule, de 50'000 F pour un couple et de 6'000 F pour une personne placée en institution.
Trois cantons (Zurich, Bâle-Ville et Genève) ajoutent aux prestations complémentaires fédérales des prestations complémentaires cantonales qui garantissent aux rentiers AVS-AI domiciliés sur leur territoire des revenus minimaux cantonaux supérieurs au revenu minimum fédéral.
De façon résumée, la situation se présente de la manière suivante :
En outre, Genève est le seul canton à accorder aux rentiers AI un revenu minimum cantonal plus élevé qu'aux rentiers AVS. Ainsi, pour une personne invalide à plus de 66 % vivant à domicile, le revenu minimum s'élève à 24'987 F (après paiement du loyer, de la cotisation d'assurance-maladie et de l'abonnement TPG), soit un supplément de 3'260 F par rapport au revenu minimum genevois garanti à un rentier AVS (21'727 F).
L'article 183, alinéa 1, lettre a du projet de loi constitutionnelle modifie la situation actuelle sur 2 points :
- d'une part, il prévoit l'alignement du revenu minimum garanti aux rentiers AI sur le revenu minimum garanti aux rentiers AVS ;
- d'autre part, il prévoit d'unifier et d'augmenter le pourcentage de conversion de la fortune en revenu.
En alignant le revenu minimum garanti aux rentiers AI (24'987 F pour une personne et 35'850 F pour un couple, après paiement du loyer, de la cotisation d'assurance-maladie et de l'abonnement TPG) sur le revenu minimum garanti aux rentiers AVS, le canton de Genève assurera, conformément aux règles des assurances sociales, l'égalité de traitement des rentiers AVS et des rentiers AI. En supprimant le traitement plus favorable des rentiers AI - qui est unique en Suisse -, le canton de Genève réalisera une économie de 15 millions.
Actuellement, pour les rentiers AVS-AI qui bénéficient de la garantie du revenu minimum genevois, la part de la fortune qui dépasse le "; denier de nécessité " (25'000 F pour une personne seule et 40'000 F pour un couple, à laquelle s'ajoutent 15'000 F par enfant), est convertie en revenu à raison :
a) de 20 % pour les personnes âgées (ce qui signifie que la fortune est "; consommée " en 5 ans) ;
b) de 12.5 % pour les invalides, les veuves et les orphelins (ce qui signifie que la fortune est "; consommée " en 8 ans).
L'article 183, alinéa 1, lettre a du projet de loi constitutionnelle prévoit d'introduire un taux unique de conversion de la fortune en revenu et de le fixer à 50 %, ce qui engendre une économie de 7 millions.
Près de 20 000 rentiers AVS et AI bénéficient de la garantie du revenu minimum et reçoivent des prestations complémentaires aux rentes AVS-AI, versées par l'Office cantonal des personnes âgées (OCPA).
En 1998, l'OCPA verse près de 310 millions de prestations complémentaires. Même en tenant compte des 2 mesures proposées - qui représentent 22 millions d'économies -, le budget de l'OCPA continuera à augmenter en raison du vieillissement de la population : ainsi, en 1999, il s'élèvera à 324 millions.
Enfin, il faut noter que, même après avoir pris les 2 mesures proposées, le revenu minimum garanti aux rentiers AVS-AI restera fixé à 21'727 F pour une personne et à 32'591 F pour un couple (après paiement du loyer, de la cotisation d'assurance-maladie et de l'abonnement TPG). Il continuera à être le plus élevé de Suisse.
Les mesures de l'alinéa 1, lettres b à h - Fonction publique
b) Participation au coût de l'assurance perte de gain (maladie-maternité)
L'absentéisme pour cause de maladie ou maternité peut être estimé ces dernières années dans une fourchette de 4 à 4,5 % dans l'administration cantonale et les établissements publics.
L'Etat fonctionne comme propre assureur en payant les salaires du personnel régulier à concurrence de 730 jours sur une période de 1095 jours en cas de maladie (16 à 19 semaines en cas de maternité) et ce dès la 2e année d'activité.
Sur une masse salariale globale (Etat, EPM, EPA et divers subventionnés) de 3 milliards de F, le coût pour l'Etat de la prise en charge des salaires en cas de maladie-maternité, peut être estimé à 120 millions par année.
Les membres du personnel et les magistrats participent actuellement à hauteur de 0,06 % (Etat) et 0,1 % (EPM-EPA) à cette auto-assurance perte de gain ; cette contribution s'élèvera à l'avenir à 2 % pour le personnel régulier et dès la 2e année d'activité. Cela représente une recette nouvelle de l'ordre de 50 millions.
c) Suppression de la participation de l'Etat à l'assurance-maladie pour les salaires supérieurs à 60'000 F
Actuellement, l'Etat verse 30 F par mois à chaque membre du personnel occupé régulièrement et en tenant compte du taux d'activité (coût 10 millions).
L'Etat verse le même montant aux retraités de la CIA, CEH, CP (coût 2,5 millions). Il est proposé de ne verser cette participation qu'aux membres du personnel gagnant au maximum 60'000 F par année pour une activité à plein temps.
Pour les retraités de la fonction publique, le Conseil d'Etat proposera aux caisses de prévoyance publiques cantonales (CIA, CEH, CP) de reprendre à leur charge le versement de la participation à l'assurance-maladie.
L'économie totale représente 11,2 millions.
d) Modification du système d'indexation; indexation complète pour les salaires jusqu'à 60'000 F (taux d'activité à plein temps) puis montant fixe, calculé sur 60'000 F pour les salaires supérieurs à 60'000 F
Cette mesure est prévue pour les années 1999 à 2002.
Pour 1999, l'indexation a été fixée à 1 %; ce qui représenterait une charge de 30 millions. Le nouveau système proposé conduira pour 1999 aux modalités suivantes :
Traitement à plein temps annuel
Indexation annuelle
Fr. 40'000.-
1 % = Fr. 400. -
Fr. 50'000. -
1 % = Fr. 500. -
Fr. 60'000. -
1 % = Fr. 600. -
Fr. 60'001. - et plus
Fr. 600. -
Ces montants ne sont pas intégrés dans l'échelle des traitements.
L'économie qui en résultera représente environ 15 millions.
e) Baisse de salaire de 0,5 % pour les salaires de plus de Fr. 60'000.- (à plein temps)
Cette contribution sera appliquée sur les salaires de base de tous les membres du personnel, ainsi que ceux des magistrats, dès le moment où le salaire mensuel pour un plein temps, dépasse Fr. 5'000. -.
Ce prélèvement n'est pas limité dans le temps, il s'agit donc d'une mesure structurelle devant engendrer une recette de l'ordre de 13 millions par année.
f) Garantie pour 4 ans (1999 - 2002) du versement des annuités et de la progression de la prime de fidélité
En contrepartie des efforts demandés à la fonction publique (89,2 millions), la garantie est donnée du versement :
- des annuités (augmentations annuelles selon article 2, de la loi B 5 15 concernant le traitement des membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers);
- de la progression de la prime de fidélité (selon art. 16 de la loi précitée).
Le coût de ces mécanismes salariaux représente pour 1999 environ 39 millions.
Les mesures de l'alinéa 1, lettre g - réduction de 2 % du traitement annuel des conseillers d'Etat
Compte tenu de cette mesure, les traitements des conseillers d'Etat, fixés actuellement à la classe 33, position 15, plus 4,5 %, seront fixés à la classe 33, position 15, plus 2,5 %. Quant au traitement actuel du chancelier d'Etat, fixé à la classe 33, position 11, il sera réduit de 2 %.
Rappelons que pour les autres membres du personnel, la réduction sera de 0,5 %.
Les mesures de l'alinéa 1, lettre h - réduction de 2 % des jetons de présence des députés
A l'instar des mesures prises pour les membres du gouvernement, une réduction de 2 % sera opérée sur les jetons de présence des députés du Grand Conseil.
Les mesures de l'alinéa 1, lettre i - capital de dotation des TPG
Les discussions sectorielles menées cet été avec les TPG se sont conclues par un accord portant sur des transferts d'actifs concernant au premier chef le transfert de l'Etat aux TPG des dépôts du Bachet et de la Jonction et ce, pour une valeur d'échange nette de 184,5 millions de F. Le financement de l'opération comporte une augmentation du capital de dotation des TPG à laquelle participe l'Etat de Genève pour un montant de 30 millions de F et les communes également pour un montant de 30 millions de F, le reste faisant l'objet, partiellement ou totalement, d'un emprunt des TPG eux-mêmes.
Les mesures de l'alinéa 1, lettre k - lignes de campagne
Un réaménagement des lignes affectées au trafic régional est actuellement à l'étude en vue de se rapprocher, autant que possible, du standard de desserte défini par l'Office fédéral des transports afin de pouvoir bénéficier d'une subvention au titre du trafic régional, correspondant en grande partie à ladite desserte, pour le canton de Genève.
Les modalités de mise en oeuvre pour bénéficier des effets de cette mesure restent encore à définir, en tenant compte de l'usage actuel des lignes existantes et donc en fonction de leur attrait commercial.
REVENUS
Les mesures de l'alinéa 2, lettre a - contribution spéciale
Cette disposition institue un impôt temporaire puisque limité à 4 ans, à savoir de 1999 à 2002, dont le produit sera affecté à l'assainissement des finances cantonales. Tant le cercle des personnes qui y seront assujetties que l'assiette sur laquelle il sera calculé sont identiques à ceux qui s'appliquent actuellement en matière d'impôt cantonal et communal sur le revenu et la fortune des personnes physiques, d'une part, sur le bénéfice des personnes morales, d'autre part.
Il s'agit d'une charge fiscale exclusivement cantonale, non susceptible d'être frappée de centimes additionnels, qu'ils soient cantonaux ou communaux.
En d'autres termes, seront assujetties à la contribution spéciale toutes les personnes physiques qui, actuellement sont redevables des impôts genevois sur le revenu et la fortune, parce qu'elles y sont assujetties de manière illimitée ou limitée, ainsi que les travailleurs frontaliers franco-genevois.
L'assiette de l'impôt - ou base d'imposition - sera la même que celle retenue pour le calcul de l'impôt ordinaire sur le revenu et sur la fortune, à savoir le revenu, respectivement la fortune, bruts moins les déductions autorisées. Ces éléments ressortent de la déclaration d'impôt que les contribuables remplissent chaque année en vue de permettre leur taxation. La détermination du montant de la contribution spéciale n'occasionnera dès lors pas de travail supplémentaire pour les contribuables et, comme on le verra ci-après, ne représentera pas non plus une modification systémique majeure pour l'administration fiscale, qui en assurera le suivi. Il est d'ailleurs prévu de faire figurer le montant de la contribution spéciale sur le bordereau d'imposition cantonal et communal, de manière distincte des autres impôts cependant.
La situation des personnes imposées à la source sur le revenu mérite quelques précisions. Sont concernés principalement les travailleurs frontaliers et tous les résidents genevois qui ne sont pas de nationalité suisse ou titulaires d'un permis d'établissement (permis C) ou encore propriétaires immobiliers dans le canton, de même que les titulaires d'une autorisation de séjour (permis B) qui n'ont pas de fortune imposable (auquel cas ils sont imposés de manière ordinaire), soit environ 50 000 personnes.
On rappellera à cet égard que l'impôt à la source constitue actuellement à Genève un mode simplifié de détermination et de perception de l'impôt ordinaire sur le revenu, en réalité le salaire. L'employeur calcule, retient sur le salaire et verse à l'Etat un montant libératoire représentant l'impôt fédéral direct, l'impôt cantonal et communal. La base de calcul est le salaire brut et le taux d'imposition intègre les trois niveaux de souveraineté fiscale (Confédération, canton, commune), de sorte à permettre un calcul aisé à l'employeur, qui peut se référer à une tabelle unique.
Pour tenir compte du principe constitutionnel de la capacité contributive, en vertu duquel l'impôt sur le revenu (tout comme celui sur la fortune et celui sur le bénéfice des personnes morales) est calculé sur une assiette nette, le taux d'imposition à la source est calculé à partir de la somme des barèmes ordinaires, mais en fonction d'un certain nombre de déductions fiscales arrêtées de manière forfaitaire. On aboutit alors à un taux corrigé destiné à mettre sur un pied d'égalité les contribuables imposés au taux ordinaire mais sur une assiette nette et ceux imposés à la source, mais sur un salaire brut. Cette même démarche, exprimée au cinquième paragraphe de la présente lettre, devra être effectuée pour déterminer le taux d'imposition à appliquer effectivement aux contribuables assujettis à l'impôt à la source.
On relèvera, enfin, que la contribution spéciale sera calculée soit de manière forfaitaire, par le biais d'un montant fixe, soit à un taux fixe appliqué à l'assiette effective, auquel cas il s'agira d'un impôt proportionnel.
Il s'agira d'un impôt forfaitaire pour les contribuables non taxables (à savoir ceux qui, vu la précarité de leur situation n'ont pas de revenus et qui, de ce fait ne se voient même pas notifier de bordereau d'imposition), de même que pour ceux qui n'ont pas de revenu imposable (à savoir ceux dont les revenus sont inférieurs aux déductions, en particulier sociales) ou dont le revenu imposable est inférieur à 20'000 F. Seront également forfaitaires dans tous les cas la contribution sur la fortune nette des personnes physiques et celle sur le bénéfice net des personnes morales.
Sera en revanche proportionnel, au taux de 1 %, la contribution sur le revenu net imposable à partir de 20'001 F, mais pour cette dernière part uniquement.
Les mesures de l'alinéa 2, lettre b - parts communales
Cette disposition consacre le principe de l'abandon, par les communes et ce pour une durée de 4 ans, de leur part aux produits fiscaux supplémentaires qui proviendront de diverses mesures prises au sein de l'Administration fiscale cantonale, et de l'adoption, au cours de l'été 1998, d'une loi destinée à sauvegarder l'impôt dû lors de le réalisation forcée d'immeubles appartenant à des personnes morales (sociétés immobilières en particulier).
Selon les projections chiffrées effectuées au sein du Département des finances, le montant total de la part communale représentée par ces diverses mesures devrait être, pour les quatre années concernées, de 14,2 millions de francs. Ce montant a dès lors été retenu comme plafond au sacrifice qui sera consenti par les communes au profit de l'Etat.
Les mesures de l'alinéa 2, lettre c - taxe sur les piscines
Dans le cadre de son message de juin 1998 relatif à la mise sur pied du processus de concertation (table ronde), le Conseil d'Etat avait énuméré un certain nombre de pistes à explorer en vue, notamment, de procurer de nouvelles recettes fiscales à l'Etat. Parmi celles-ci figurait le principe d'un impôt sur les piscines privées.
Il lui était apparu en effet que le fait d'être propriétaire d'un tel équipement, destiné quasi exclusivement à la détente et aux loisirs, pouvait être considéré comme un indice de capacité contributive et, partant, justifier l'imposition d'une taxe annuelle spécifique, sans pour autant porter atteinte à la conception que l'on se fait de la justice fiscale.
Cette proposition, qui n'a suscité aucune objection lors des débats de la table ronde, figure ainsi au nombre des mesures adoptées par les signataires du protocole d'accord du 4 septembre 1998. Le Conseil d'Etat propose en conséquence d'instaurer un impôt annuel sur les piscines privées, proportionnel à la surface du plan d'eau, calculé à raison de 12 F par m2.
Les mesures de l'alinéa 2, lettre d - Impôt véhicules à moteur et remorques
L'impôt sur les véhicules du canton de Genève, toutes catégories confondues, s'avère être à ce jour l'un des plus bas de Suisse, sensiblement inférieur à la moyenne helvétique, parfois très largement dans le cas des motocycles ou des camions, par exemple.
Le présent projet de loi ne prévoit toutefois pas une hausse de tarif linéaire. Un certain nombre de paramètres ont été pris en compte, notamment l'usage de véhicules à titre professionnel.
Rejoignant les tarifs des cantons urbains ou proches de Genève, pour reprendre des cas de figure similaires, deux catégories de véhicules sont alignées sur la moyenne des cantons de Bâle-Ville, Zurich, Berne et Vaud, légèrement supérieure à la moyenne nationale : les voitures de tourisme qui, par leur nombre (195 000), représentent un levier très important en matière d'impôt et les motocycles, marché en extension et au bénéfice actuellement d'un tarif particulièrement bas.
En revanche, c'est une mesure intermédiaire entre l'impôt actuel et la moyenne suisse qui est appliquée aux camions, soumis à la RPL et potentiellement à la RPLP, cette mesure ayant également pour but d'éviter des risques de délocalisation préjudiciables à l'économie genevoise.
L'impôt sur les autocars, soumis à la fois à la RPL et à la taxe sur le tourisme, reste inchangé.
L'impôt sur des véhicules divers tels que voitures de livraison, tracteurs agricoles, remorques, chariots à moteur, tracteurs à sellette, etc., se situe au niveau de la moyenne suisse.
Enfin, taxis et ambulances dont l'impôt actuel (fixe) s'élève à 147 F se voient taxés à 320 F, montant équivalent à l'impôt d'une voiture de petite cylindrée, raisonnable au vu de la catégorie des véhicules employés usuellement par les compagnies de taxis et ambulances.
Paiement de l'impôt
La teneur de l'article 423, alinéa 3 dudit projet de loi permet au Conseil d'Etat, le cas échéant, de fixer dans le règlement d'application un montant à déterminer destiné à couvrir les frais inhérents à l'encaissement bisannuel de l'impôt (frais supplémentaires d'affranchissement et de mise en compte au CCP, montants mis plus tardivement au bénéfice de la trésorerie publique) qui ne manquera pas de faire l'objet d'une demande accrue.
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que, par rapport à la masse des dépenses afférentes à la voiture (assurances, entretien, réparations, amortissements, etc.), l'impôt annuel n'en représente pas, et de loin, la charge la plus importante.
Article 184
Les discussions et les prises de position dans le cadre des tables rondes sectorielles qui se sont tenues cet été l'ont démontré : nombre de milieux participant à la table ronde estiment que les mesures d'économies ou de recettes complémentaires qui pourraient être prises devraient être liées à la réalisation de la réforme de l'Etat. Beaucoup ont souligné ainsi leur volonté de voir se réaliser - au-delà des mesures urgentes qui s'imposent pour remédier à la situation très grave de nos finances publiques - des actions en profondeur et durables.
Le Conseil d'Etat estime, conformément à la volonté populaire, que la réforme de l'Etat ne doit devenir ni l'Arlésienne ni la Belle au Bois dormant. Le rapport qu'il a présenté à fin juin de cette année sur l'état des réformes entreprises, les travaux en cours et les projets prévus démontre de façon exhaustive sa volonté d'agir.
L'objet n'est pas de traiter ici du projet de réforme institutionnelle mais d'évoquer des mesures qui portent leurs effets à moyen et long terme dans le fonctionnement de l'administration et du service au citoyen. Ainsi que l'a relevé Arthur Andersen dans son rapport d'audit global, certaines mesures "; nécessitent également des investissements en matière de formation, d'outils de gestion, de moyens informatiques notamment ".
Les économies potentielles évaluées en 1996 par Arthur Andersen portaient sur une fourchette fixée entre 138,3 et 180,8 millions de F. Ces montants concernent aussi bien des économies réelles - et donc des diminutions de dépenses effectives que des économies potentielles pures, à savoir des montants qui seraient à dépenser en supplément dans le futur si aucune mesure n'était prise.
De plus, nombre de mesures prises dans le cadre de la réforme ne peuvent être chiffrées en termes d'effets financiers porteurs d'économie mais n'en sont pas moins indispensables et sources d'un meilleur fonctionnement de l'administration et du service au citoyen.
Le Conseil d'Etat entend ici mettre en évidence certaines actions prioritaires qui touchent à la réforme administrative:
Transparence, meilleure maîtrise et connaissance des coûts (économies potentielles évaluées par Arthur Andersen à 27 millions environ)
- mise en place d'une comptabilité unique intégrée, introduction de la comptabilité analytique et de tableaux de bord (début d'implantation en janvier 2001) ;
- introduction du budget par prestations ;
- rationalisation de l'économat, modification des normes d'achat (réalisation en 1999) ;
- réforme de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (notamment, normes d'amortissement, normes concernant les réserves des institutions subventionnées).
Modernisation de l'administration
- projet service public 2005 (dépôt du projet au Conseil d'Etat en février 1999).
Mesures de réorganisation et de modernisation de l'administration fiscale cantonal
- réorganisation de la direction des services, fusion contentieux/ recouvrement, gestion électronique des données, modernisation de l'information, changement de l'équipement (terminé en 2001).
Gestion des subventions aux institutions (économies potentielles évaluées par Arthur Andersen à 35 millions)
- mise au point des instruments permettant l'aide à la décision, le contrôle, l'élaboration d'informations comparatives, remise d'un rapport de propositions au premier trimestre 1999.
Amélioration de la rentabilité du flux de trésorerie (1 million de recettes selon Arthur Andersen)
Gestion rationnelle des prestations sociales
- afin de simplifier la gestion des prestations sociales et d'éviter les cumuls injustifiés, élaboration d'un mode de calcul unique du revenu déterminant ouvrant le droit aux prestations sociales cantonales (dépôt de la loi : 2000 ; entrée en vigueur : 2001) ;
- afin de décentraliser l'aide sociale dans les quartiers et les communes, mise en place d'une organisation par secteurs territoriaux, desservis par 22 centres d'action sociale selon le principe du guichet unique et du dossier unique (Hospice général et aide à domicile : 1999 ; OCPA : 2001).
Gestion des dépenses publiques canton/communes
Les discussions de la table ronde ont permis de déterminer les domaines dans lesquels une action conjointe canton/communes permettrait une meilleure utilisation des deniers publics, voire des économies à terme profitables à l'ensemble des collectivités publiques.
Des travaux sont d'ores et déjà entrepris dans les domaines suivants :
- restructuration de la sécurité civile (économies potentielles pouvant profiter à l'ensemble des collectivités pour un montant d'environ 12 millions au total) - en plus des économies déjà réalisées (40 millions environ) par les réformes déjà entreprises ;
- suppression des subventions aux bâtiments scolaires avec assouplissement des règlements de construction y relatifs; suppression des subventions aux installations sportives (économies globalement estimées à 9 millions) ;
- création d'une agence cantonale d'aménagement du territoire (économie : 5 millions environ) remplaçant les services communaux d'urbanisme ;
- gestion unique et coordonnée des moyens financiers consacrés à la culture, analyse critique, fixation de priorités communes (économie potentielle visée : 5 à 10 % sur un total de 200 millions de F).
Evaluation et optimisation du système de formation
- mise en place - dès 1999 - d'un instrument d'évaluation du système scolaire ;
- mise en oeuvre des mesures proposées dans le cadre de la table ronde et, notamment, la formation continue des enseignants en dehors du temps scolaire, l'harmonisation des grilles horaires à 30 heures dans l'enseignement secondaire, la modification de l'organisation de l'enseignement dans l'enseignement post-obligatoire et les conservatoires de musique et la redéfinition du cahier des charges des professeurs de l'Université ;
- introduction de contrats de prestations pour les institutions subventionnées, Université comprise ;
- poursuite et développement des projets de collaboration intercantonale à tous les niveaux (HES, Université, moyens d'enseignements).
Rationalisation de la promotion économique
Définition d'une ligne politique commune Etat-Ville de Genève pour ce qui touche la promotion économique endogène et exogène. L'accord déjà passé prévoit un partage des frais inhérent aux coûts de fonctionnement du guichet unique pour créateurs d'entreprises, la publication d'une brochure promotionnelle de Genève et l'organisation commune des actions de promotion à l'étranger.
Gestion des projets de construction (économies potentielles évaluées par Arthur Andersen entre 30 et 45 millions)
Poursuite des travaux et application systématique des mesures déjà prises et notamment :
- amélioration de la gestion de projets avec notamment l'application d'une nouvelle méthode d'estimation des coûts ;
- appel à des sociétés privées assumant le controlling des grands chantiers ;
- redéfinition du rôle et des responsabilités du département constructeur et des services utilisateurs.
Gestion du patrimoine immobilier
- réalisation de l'inventaire du patrimoine immobilier et des terrains propriété de l'Etat ;
- recherche des possibilités de réalisation d'actifs immobiliers.
Réformes dans le domaine de la sécurité
- réforme de la police en cours, portant sur la gestion et le contrôle des ressources financières, les ressources humaines et la structure des états-majors ;
- création d'un corps de gardes de sécurité diplomatiques à charge de la Confédération qui devrait faciliter la résorption des heures supplémentaires de la police.
Les mesures de réforme présentées ici ne recouvrent pas la totalité des actions entreprises et pour certaines déjà entièrement réalisées soit à la suite des propositions de l'audit ou d'initiatives prises au sein des départements.
Toute réforme publique exige un engagement politique. Le Conseil d'Etat réaffirme ici cet engagement et souhaite rencontrer dans sa démarche l'appui de chacun.
Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis contient il est vrai des mécanismes budgétaires complexes, mais les principes auxquels il obéit sont simples. Il s'agit de contenir les déséquilibres publics en stabilisant l'endettement. Cela veut dire que le compte de fonctionnement doit être équilibré et qu'il n'est possible de déroger à ce principe qu'à court terme et pour permettre à l'Etat de poursuivre des buts de politique anticyclique.
Le Conseil d'Etat s'engage en outre à mettre en oeuvre la réforme de l'Etat, étant entendu que la restauration de marges de manoeuvre budgétaires passe par des réformes de fond concernant à la fois les politiques menées et les instruments de gestion.
Au bénéfice de ces explications, nous vous remercions d'ores et déjà de bien vouloir renvoyer pour examen ce projet de loi en Commission des finances.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
vu les articles 54, 56, 80, 81, 82, 83, 96, 97 et 117 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847 ;
vu la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993 ;
décrète ce qui suit :
Article 1 Perception des impôts
Le Conseil d'Etat perçoit les impôts conformément aux lois en vigueur.
Article 2 Perception des centimes additionnels
Il est perçu en 1999, au profit de l'Etat, les centimes additionnels prévus au chapitre II de la présente loi.
Article 3 Personnes physiques
1 Il est perçu 47,5 centimes, par franc et fraction de franc, sur le montant des impôts cantonaux sur le revenu et la fortune des personnes physiques.
2 En application de l'article 14, alinéa 4 de la loi du 5 décembre 1996 modifiant la loi sur l'aide à domicile, il sera perçu, en 1999, 1 centime additionnel supplémentaire, par franc et fraction de franc, sur le montant des impôts cantonaux sur le revenu et la fortune des personnes physiques.
Article 4 Personnes morales
Il est perçu :
Article 5 Successions et enregistrement
Il est perçu :
Article 6 Budget administratif
1 Le budget administratif de l'Etat pour 1999 est annexé à la présente loi.
2 Il comprend le budget de fonctionnement, le budget d'investissement, le financement et le découvert.
Article 7 Budget de fonctionnement
1 Les charges de fonctionnement de l'Etat avant imputations internes sont arrêtées à 5 317 638 342 F et les revenus à 4 950 219 206 F.
2 Les imputations internes totalisent, aux charges comme aux revenus, 223 226 125 F.
3 Le déficit de fonctionnement présumé s'élève à 367 419 136 F.
Article 8 Budget d'investissement
1 Les dépenses d'investissement sont estimées à la somme de 404 696 850 F et les recettes à la somme de 33 006 000 F.
2 Les investissements nets présumés s'élèvent à 371 690 850 F.
3 S'ajoutent à ce montant les crédits suivants pour un montant global de 45 000 000 F : la constitution d'une deuxième tranche de capital pour la fondation Start PME s'élevant à 15 000 000 F à amortir et l'augmentation du capital de dotation des Transports publics genevois s'élevant à 30 000 000 F.
Article 9 Financement
1 Les investissements nets de 371 690 850 F sont autofinancés à raison de 218 994 285 F, contrepartie des amortissements, le solde restant à couvrir étant de 152 696 565 F.
2 Ce solde, le déficit du compte de fonctionnement de 367 419 136 F, les dépenses prévues à l'article 8, alinéa 3 soit 45 000 000 F, le prêt à l'assurance chômage de 50 000 000 F moins le remboursement partiel du prêt à l'assurance chômage de 50 000 000 F, sont financés par le recours à l'emprunt s'élevant au total à 565 115 701 F (insuffisance de financement).
Article 10 Découvert
L'excédent des dettes nouvelles sur les avoirs nouveaux, estimé à 412 419 136 F (insuffisance de financement de 565 115 701 F déduction faite du report à l'actif de 152 696 565 F), est inscrit à l'actif du bilan en augmentation du découvert à amortir, soit dépenses prévues à l'article 8, alinéa 3, de 45 000 000 F et déficit de fonctionnement de 367 419 136 F.
Article 11 Report de crédits et expérience de New Public Management
1 Ce budget tient compte d'une dérogation aux dispositions des articles 19, 22 et 49, alinéas 3 et 4, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat ; dérogation qui permet le report des crédits non dépensés et des dépassements de crédits sur les dépenses générales de l'exercice 1998 sur 1999.
2 Dans le cadre de l'expérience de New Public Management, les services-pilotes pourront déroger aux articles 20, 21, 48 alinéa 2 et 49, alinéa 5, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Article 12 Cas d'urgence pour une dépense nouvelle
A titre exceptionnel, si des circonstances particulières empêchent absolument le Conseil d'Etat de consulter le Grand Conseil avant d'engager une dépense nouvelle, le gouvernement doit immédiatement après avoir engagé la dépense transmettre au Grand Conseil un projet de loi la sanctionnant.
Article 13 Emprunts
1 Pour assurer l'exécution du budget administratif, le Conseil d'Etat est autorisé à émettre en 1999, au nom de l'Etat de Genève, des emprunts à concurrence du montant prévu à l'article 9 de la présente loi, soit 565 115 701 F.
2 Le Conseil d'Etat peut en outre renouveler en 1999 les emprunts qui viendront à échéance ou remboursés par anticipation.
Article 14 Référendum
Selon les articles 53 et 54 de la constitution genevoise, l'article 13 est soumis au délai référendaire de 40 jours.
Article 15 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur avec effet au 1er janvier 1999.
Approuvé par le Conseil d'Etat, le 21 septembre 1998.
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SOMMAIRE
Pages
PL 7896
modifiant la part du droit de vente attribuée au fonds d'équipement communal (Réduction temporaire d'un tiers à un quart de la part du fonds d'équipement communal et limitation à un maximum de 11 millions de francs) (Suspension de la rémunération du capital actif pour 1999) (D 3 30 - B 6 10.05)
2
PL 7897
modifiant la loi sur le fonds pour la famille (J 5 20)
5
PL 7898
modifiant la loi sur les Transports publics genevois (H 1 55)
7
PL 7899
modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (D 1 05)
10
PL 7900
accordant une subvention annuelle de fonctionnement de 340 000 F à l'Association de la Maison de Montbrillant (exercices 1999, 2000 et 2001)
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PL 7901
accordant une subvention annuelle de fonctionnement de 210 000 F à l'Université populaire albanaise (exercices 1999, 2000 et 2001)
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PL 7902
accordant une subvention annuelle de fonctionnement à la Fondation pour l'hébergement des personnes handicapées psychiques (FHP)
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Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969 (D 3 30), est modifiée comme suit :
Art. 48, al. 2 Fonds d'équipement communal (nouvelle teneur)
2 Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999, le quart de ce droit est attribué au fonds d'équipement communal ; cette dotation est au maximum de 11 millions de francs par an.
Article 2
Les statuts du fonds d'équipement communal, du 18 mars 1961 (B 6 10.05), sont modifiés comme suit :
Art. 5, lettre a Ressources (nouvelle teneur)
Le fonds est alimenté par :
a) le tiers du droit sur les adjudications, ventes, apports et tous les autres actes civils et judiciaires translatifs, à titre onéreux, de la propriété ou de l'usufruit de biens immeubles, prévu par l'article 48 de la loi sur les droits d'enregistrement. Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999, le fonds est alimenté par un quart de ce droit ; cette dotation est au maximum de 11 millions de francs par an.
Art. 6, al. 3 Capital actif (nouvelle teneur)
3 La rémunération du capital actif est suspendue pour 1999.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de loi vise à maintenir une dérogation réduisant à un quart (au lieu de un tiers) la part du droit attribuée au fonds d'équipement communal, et cela pour une durée d'une année.
Cette dérogation fut déjà admise dans le passé : une première fois en 1978 (loi 4697 du 10 novembre 1978) pour la période du 1er juillet 1978 au 31 décembre 1981 ; puis reconduite en 1982 (loi 5340 du 18 mars 1982) du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985 ; en 1987 (loi 5900 du 12 mars 1987) du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1989 ; en 1990 (loi 6428 du 2 mars 1990) ; en 1991 (loi 6736 du 19 septembre 1991) pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992, du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 (loi 7156 du 16 décembre 1994) et enfin du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998 (loi 7727 du 19 décembre 1997).
Compte tenu des difficultés financières de l'Etat, la dotation au fonds d'équipement communal sera maintenue pour 1999 à 11 millions de francs, soit un montant identique à 1996 et 1997 (voir loi 7287 du 15 décembre 1995).
Les intérêts sur cette part sont en outre suspendus pour 1999.
Cependant, des discussions ont eu lieu avec le fonds afin de compléter progressivement son alimentation dès 2000 en principe.
Telles sont les considérations qui nous incitent à vous recommander, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur le fonds pour la famille, du 1er mars 1996, est modifiée comme suit :
Art. 2, lettre c (nouvelle teneur)
c) la rémunération des intérêts du capital du fonds, dont le taux est fixé par le règlement d'exécution, est suspendue pour 1999 et 2000.
Article 2 - Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1999.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Le fonds pour la famille, régi par la loi sur le fonds pour la famille, du 1er mars 1996 (J 5 20), a pour but de :
a) contribuer au financement des allocations familiales servies aux agriculteurs indépendants, aux pêcheurs professionnels, au personnel de maison, aux retraités anticipés pour des motifs économiques et aux "; cas spéciaux " (chômeurs en fin de droit et invalides aux moyens modestes) ;
b) participer au financement des allocations familiales pour les personnes non actives ;
c) verser des prestations aux personnes dans le besoin, qui ont des enfants à leur charge et qui n'ont aucun droit à des allocations familiales ou des prestations similaires.
2. Les recettes du fonds sont constituées par :
a) l'excédent des recettes de la Caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales (CAFAC) ;
b) le solde de liquidations des caisses d'allocations dissoutes ;
c) les dons et legs acceptés par le Conseil d'Etat ;
d) les intérêts du capital du fonds.
Pour les intérêts versés sur le fonds pour la famille (lettre d), ce sont les difficultés financières de l'Etat de Genève qui motivent la modification de l'article 2, lettre c, de la loi sur le fonds pour la famille, afin de suspendre la rémunération (comme cela a été le cas notamment en 1997 et 1998).
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.
Projet de loi7898
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur les Transports publics genevois, du 21 novembre 1975, est modifiée comme suit :
Art. 3 Capital de dotation (nouvelle teneur)
1 Le capital de dotation des TPG est de 80 millions de francs, fournis à raison de 50 millions de francs par l'Etat de Genève et de 30 millions de francs par les communes.
2 Cette dotation, nominative et inaliénable, est inscrite au bilan des TPG sous rubriques "; Etat de Genève, capital de dotation 50 000 000 F " et "; Communes genevoises, capital de dotation de 30 000 000 F ".
3 Le Conseil d'Etat est compétent pour finaliser les aspects liés à la rémunération du capital de dotation, dans le cadre de la négociation du contrat de prestations pluriannuel.
Art. 9, al. 1, lettres b et d (nouvelle teneur)
1 L'administration des TPG est confiée à un conseil d'administration formé de :(4)
. .
d) 2 membres, choisis en son sein, par l'Association des communes genevoises ;
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les modifications proposées s'inscrivent dans une triple perspective :
1. Les résultats de la table ronde dans le cadre de la préparation du projet de budget 1999.
2. Les transferts réciproques d'actifs entre les TPG et l'Etat.
3. Les négociations en cours concernant le nouveau contrat de prestations (1999 - 2002).
Sous l'angle du financement de l'opération de transfert, les TPG deviennent propriétaires des bâtiments du Bachet-de-Pesay et de la Jonction (actuellement dans le bilan de l'Etat). Pour faire face à l'augmentation du capital de dotation, les TPG trouveront une partie des fonds nécessaires, le solde provenant de capitaux étrangers (emprunts bancaires ou autres).
Le capital de dotation des TPG passe ainsi de 20 millions de francs déjà fournis par l'Etat à 80 millions, dont 30 millions issus des communes genevoises et 50 millions du canton (plus 30 millions).
Dans ce cadre, la représentation des communes au conseil d'administration des TPG augmente de une à deux ; les membres désignés par le Conseil d'Etat diminuent en parallèle d'une unité.
Dans le cadre des discussions en cours avec les TPG sur le nouveau contrat de prestations (après celui qui a couvert les années 1996 à 1998) d'une part, de l'analyse du contenu et du montant "; net " de l'enveloppe (en ne prenant par exemple en compte que les réels flux financiers) d'autre part, le mode de rémunération du capital sera finalisé par le Conseil d'Etat.
Une loi globale d'investissements sera déposée sous peu afin de finaliser le volet financier, soit par conséquent l'acquisition du terrain à la Jonction actuellement propriété des TPG ainsi que de diverses infrastructures (lignes de contact, sous-stations, etc.) ; ces deux éléments allant en diminution de la valeur de transfert des bâtiments et des équipements du Bachet-de-Pesay et de la Jonction. Cette loi d'investissement englobera également l'augmentation du capital de dotation à charge de l'Etat.
Le principe de transfert d'actifs tel qu'énoncé ci-dessus vise à augmenter la transparence dans le cadre des liens contractuels qui lient l'Etat et les TPG, dans l'esprit qui doit présider dans l'essence même d'un contrat de prestations, synonyme d'acte de responsabilisation.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ces premières modifications de la loi sur les Transports publics genevois, afin que le budget 1999 puisse en tenir compte.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 2 (nouvelle teneur)
al. 3 à 5 (nouveaux)
2 Les établissements cantonaux, les fondations cantonales de droit public ainsi que les institutions de droit privé dans lesquelles l'Etat possède une participation majoritaire au capital ou dans le financement de l'exploitation ou d'une représentation majoritaire au sein des organes supérieurs sont soumis aux normes comptables internationales, (ci-après IAS : International Accounting Standards).
3 Le Conseil d'Etat édicte les principes comptables applicables aux institutions dont le volume des comptes ne justifie pas la soumission aux normes IAS. Il en fixe la limite.
4 Des entités bénéficiant de prestations cantonales (garantie de déficit, caution, prêt, etc.) peuvent être soumises aux normes IAS à la demande du Conseil d'Etat.
5 Restent réservées les dispositions du droit cantonal des conventions intercantonales et du droit fédéral.
Art. 1A Modalités d'application (nouveau)
1 Dans le cadre des principes généraux énoncés par les normes IAS et pour des règles non précisées dans le détail, le Conseil d'Etat prévoit des modalités d'application, notamment les taux d'amortissement, à l'intention des entités mentionnées à l'article 1, alinéa 2.
2 Dans la présentation de leurs comptes annuels, les entités mentionnées à l'article 1, alinéa 2, indiquent les règles et modalités pratiquées, ainsi que toute information permettant de répondre aux exigences des normes comptables internationales.
Art. 25, al. 4 (nouveau)
4 Les budgets des établissements et des fondations de droit public sont publiés en annexe du budget de l'Etat.
Art. 32, al. 1 Amortissements (nouvelle teneur)
al. 2 (nouvelle teneur)
al. 3 (nouveau)
1 Les amortissements sont calculés sur la valeur d'acquisition (ou initiale) de chaque actif inscrit au bilan. Le montant des amortissements figure chaque année au budget de fonctionnement.
2 Les taux d'amortissement des actifs sont fixés en fonction de leur dépréciation effective ou selon leur durée d'utilisation et ils figurent dans un règlement d'application. Restent réservées les dispositions du droit cantonal ou fédéral, ainsi que des cas spéciaux non prévus par le règlement d'application et qui sont traités selon les principes généraux énoncés par les normes IAS.
3 Les comptes annuels présentent, en annexe, une liste des principaux types d'actifs avec le taux d'amortissement pratiqué. Cette liste est auditée chaque année par les organes de contrôle.
Art. 36, al. 4 (nouveau)
4 Les montants non dépensés après détermination du résultat comptable établi selon les normes fixées à l'article 1 ne peuvent pas être thésaurisés par l'entité. Ils sont restituables à l'Etat selon des modalités à définir. Restent réservées des dispositions du droit cantonal ou un accord spécifique (contrat de prestations ou analogue) visant notamment à encourager la recherche de fonds privés, une répartition du résultat entre l'entité et l'Etat, la constitution d'une réserve pour déficits futurs.
Art. 58, al. 2, lettre h (nouvelle)
h) Les comptes des établissements et fondations de droit public.
Art. 72 Disposition transitoire (nouveau)
Les entités mentionnées à l'article 1, alinéa 2 doivent respecter, au plus tard pour l'exercice comptable 2001, les normes IAS.
Article 2 Modification à une autre loi (H 3 25)
La loi sur l'aéroport international de Genève, du 10 juin 1993, est modifiée comme suit :
Art. 35 En général (nouvelle teneur)
L'établissement tient une comptabilité selon les normes comptables internationales (IAS).
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Dans quelle logique s'inscrit le présent projet de loi ?
Il s'agit :
- de concrétiser les engagements pris par le Conseil d'Etat ;
- d'intégrer les premiers résultats des travaux entrepris depuis plus de deux ans respectivement par la Direction générale des finances ainsi que d'un groupe de suivi de l'audit ("; normes comptables ") ;
- de tenir compte des demandes de l'Inspection cantonale des finances (notamment dans les rapports sur le compte d'Etat 1996 et 1997) ;
- de renoncer aux clauses dérogatoires telles que pratiquées depuis plusieurs années dans le cadre du budget de l'Etat.
Les changements proposés représentent la première étape d'une refonte plus globale de la Loi sur la gestion administrative de l'Etat (LGF) programmée pour l'horizon 2000-2001.
Grands domaines touchés
Ils concernent quatre domaines :
Soumission aux normes comptables internationales - IAS
Les normes IAS (International Accounting Standards) sont édictées par un comité composé d'experts-comptables et d'auditeurs (IASC) afin de :
- mettre au point et publier des normes comptables reconnues/utilisables sur le plan mondial pour la présentation de documents financiers ;
- travailler à l'amélioration et à l'harmonisation des règles, procédures et normes comptables relatives à la présentation des documents financiers.
Cela permettra de disposer d'un référentiel comptable commun pour toutes les entités où l'Etat a des "; intérêts " prédominants et ainsi supprimer les disparités actuelles. Même si la LGF est dans plusieurs domaines proches des normes comptables internationales, il a paru plus opportun de retenir dorénavant ces dernières car issues directement de la profession comptable.
En effet, les normes IAS servent de référentiel à la tenue des comptes et à la présentation des résultats dans moult entreprises (dont les grandes multinationales). Elles sont par ailleurs exigées par les investisseurs et les marchés financiers pour disposer, entre autres, d'une base de comparaison entre les entreprises.
Celles-ci doivent principalement répondre au principe de prééminence de la réalité sur l'apparence dont l'importance doit régir le choix et l'application des méthodes comptables.
Cependant, pour éviter la mise en place d'une logistique comptable et informatique disproportionnée par rapport à l'importance de certaines entités, le Conseil d'Etat fixera une limite (basée sur le volume des comptes annuels) à partir de laquelle les normes IAS s'appliqueront. Les entités non soumises devront alors respecter des principes fixés par l'Etat.
Amortissements
Selon la norme 16 IAS, la méthode d'amortissement doit s'efforcer de refléter le rythme de consommation des avantages économiques liés à l'actif. Cependant l'IASC ne définit ni de méthodes particulières ni de taux. La durée d'amortissement est la période pendant laquelle l'entreprise compte utiliser le bien. Elle peut donc être inférieure à la durée de vie de celui-ci. Par conséquent, si la valeur nette comptable apparaît supérieure à la valeur récupérable du bien, celui-ci doit être immédiatement déprécié de la différence. En outre, il n'est pas possible de faire varier l'amortissement en fonction des performances de l'entreprise.
Par rapport à la pratique actuelle, trois grandes modifications sont à relever :
- utilisation de la méthode dite linéaire qui calcule les amortissements sur la base de la valeur d'acquisition (ou initiale) et non plus sur la valeur résiduelle ;
- application de taux d'amortissement mieux adaptés à la réalité économique ;
- souplesse et adaptation des durées aux situations spécifiques ;
- abandon du report d'amortissement (de 10 à 6 %) ;
- règles uniformes pour toutes les collectivités publiques et parapubliques.
Annexe
Quant aux subventions d'investissement, elles étaient amorties sur 40, 25 ou 8 ans selon leur nature. Dans le futur, elles le seront selon des modalités analogues à celles figurant ci-avant pour les entités publiques et para-publiques; pour celles versées à des entités privées, une durée de 5 ans a été retenue.
Cependant divers points devront encore être réglés comme : amortissement des terrains figurant au patrimoine administratif (comme aujourd'hui dans le cadre du NMC) ou non (selon l'IASC) ; date du début d'amortissement (dès la première dépense ou à la mise en route opérationnelle) ; amortissement dans l'année ou avec un décalage de 2 ans comme pratiqué (N-2) ; suivi systématique "; objet par objet " ou par grande masse.
Il est à noter que la logistique informatique fait actuellement défaut via un module "; immobilisation " performant et intégré à la comptabilité générale. De plus, les données de base - comme les valeurs d'acquisition et par objet - font défaut. Ces handicaps vont compliquer pendant plusieurs années encore la mise en application de ces orientations (le choix de la nouvelle comptabilité unique intégrée ne sera qu'une réponse partielle mais néanmoins importante).
Quels sont les problèmes particuliers et les conséquences des changements réalisés ou planifiés ?
N-2 ? Par cela, on admet que les amortissements sont effectivement imputés avec 2 ans de décalage. A titre d'exemple, le montant des amortissements figurant dans le budget 1998 est calculé sur les valeurs résiduelles au bilan de l'Etat valeur au 31.12.1996 (mais à l'exception de quelques cas particuliers).
Cette manière de faire répond à des impératifs de bouclement des comptes et de préparation du budget, de répartition des amortissements dans tous les centres de responsabilités, de budgétisation des amortissements, d'incertitude parfois importante sur la réalisation ou non d'investissements en cours d'exercice.
Il est pourtant évident que l'amortissement calculé sur la valeur N serait plus conforme à la réalité économique, car celui-ci est pratiqué dans l'année où les premières dépenses d'investissements sont effectuées et/ou la mise en route opérationnelle.
Il faut noter que le total des investissements d'infrastructure tend à réaugmenter avec son effet à terme sur les amortissements.
En terme de "; logistique " trois grands problèmes se posent :
Premièrement : il n'y a pas un suivi objet par objet jusqu'en 1996 mais par groupe d'objets (les cycles d'orientation et non pas identification cycle par cycle). Cette situation a changé depuis 1996 pour les nouveaux investissements "; grands travaux ".
Deuxièmement : le module provisoire permettant le calcul des amortissements n'est interconnecté ni à l'application budget ni à l'application comptable ; ce qui est un des nombreux objectifs du projet de nouvelle application comptable unique et intégrée.
Il faut être cependant conscient que le calcul des amortissements sera encore, pendant plusieurs années, approximatif en utilisant des "; biais " en raison des choix faits à l'époque, des absences d'informations adéquates, ainsi que des contraintes de la logistique actuelle.
Troisièmement : les valeurs d'acquisition des investissements antérieurs ne sont pas/plus connues. Il a fallu par ailleurs considérer par hypothèse que tous les biens avaient été activés au 31.12.1995 : date de développement du nouveau module (et il faudra faire de même en cas de changement de méthode en considérant une valeur à fin 1997). C'est pourquoi, il faudra prendre des mesures correctrices, sinon toutes les durées d'amortissement auront été de facto rallongées. De plus, si rien n'avait été entrepris avec la méthode résiduelle, c'est plus de 150 mios de fin d'amortissement qu'il aurait fallu éponger vers 2013.
Le changement de méthode d'amortissement - résiduelle en linéaire - provoque la première année un effet de seuil avec une baisse du volume d'amortissement enregistrée au compte de fonctionnement, mais qui n'a aucun effet sur le financement. Sur le long terme, la méthode résiduelle ou linéaire génère le même volume global de charges. C'est uniquement la répartition dans le temps qui varie. En effet, au lieu d'être très importante au début en résiduel et de diminuer avec le temps, la charge en amortissement est constante avec la méthode linéaire.
Pour 1999, selon la méthode actuelle (résiduelle) le niveau d'amortissement serait de l'ordre de 305 millions avec une réduction (centralisée au département des finances) d'environ 100 millions.
En linéaire et avec les nouveaux taux (à niveau stable d'investissement), les amortissements tendraient vers 225 millions.
Les estimations provisoires montrent une forte montée en puissance des amortissements, de plus de 100 mios de 1997 à 2015, conséquence de la forte poussée des investissements dans la fin des années 80 et le début des années 90 qui tend à se confirmer. En effet, dans l'idéal le volume d'amortissement annuel doit s'approcher du volume d'investissement net d'infrastructure annuel.
Cette modification de méthode supprime de facto la réduction du taux moyen d'amortissement opérée jusqu'ici (de 10 à 6 %).
Enfin, des transferts d'actifs de l'Etat à des entités autonomes auront des impacts sur le montant des amortissements.
Non-thésaurisation des subventions
Ce point est, sur le principe, simple.
En d'autres termes et à l'exception des provisions, réserves, etc. autorisées dans le respect des normes comptables fixées, il ne peut y avoir thésaurisation de subventions. Les montants non dépensés sont donc restituables selon des modalités à fixer d'entente entre l'entité et l'Etat.
Dans la pratique, il s'agira de tenir compte des autres types de ressources (comme les fonds privés) avec leur impact sur le résultat dégagé par l'entité : une analyse cas par cas s'impose donc. Enfin, il ne s'agira pas de décourager une diversification dans la recherche de fonds par les entités concernées. Dans cet esprit des contrats de prestations devront être mis sur pied en prévoyant les modalités de répartition du résultat, si nécessaire avec la constitution d'une réserve pour déficits futurs, etc.
Intégration des budgets et comptes des entités de droit public
En annexe du budget et du compte d'Etat figureront dorénavant les éléments financiers relatifs à ces entités (dont le niveau de détail pourrait varier en fonction, par exemple, du volume des comptes, des spécificités, etc.). Cela permettra donc une sorte de vue consolidée (mais extra comptable) de la situation de l'Etat.
Commentaires article par article de la LGF
Art. 1, al. 2 (nouvelle teneur), 3 et 4 (nouveaux)
Ces trois alinéas fixent les entités soumises obligatoirement (al. 2) ou non (al. 3) aux normes IAS et dans quel cas le Conseil d'Etat peut l'imposer (al. 4). Pour les entités non soumises, le Conseil d'Etat fixe les principes comptables applicables (al. 3).
Art. 1, al. 5 (nouveau)
Des dispositions du droit cantonal ou fédéral peuvent prévoir d'autres normes et modalités applicables, par exemple, pour des établissements et des fondations de droit public (hôpitaux, transports publics genevois).
Art. 1A, al. 1 (nouveau)
Le Conseil d'Etat fixe des modalités (notamment pour les taux d'amortissement) lorsque les règles IAS ne sont pas spécifiées dans le détail, mais communément toujours dans le respect des principes généraux IAS.
Art. 1A, al. 2 (nouveau)
Celui-ci renforce la transparence des documents publiés dans l'optique des normes IAS.
Art. 25, al. 4 (nouveau) et 58 al. 2 h) (nouveau)
Ces compléments visent à intégrer, en annexe du budget et du compte d'Etat, ceux des établissements et fondations de droit public.
Art. 32, al. 1 (nouvelle teneur)
Référence faite à un amortissement basé sur la valeur d'acquisition ("; linéaire ").
Art. 32, al. 2 (nouvelle teneur)
Un règlement fixe les taux d'amortissement par actif sous réserve de dispositions éventuelles issues du droit cantonal ou fédéral ainsi que de cas spéciaux comme recherche et développement ou encore objet "; exceptionnel " (barrage) non prévus par le règlement d'application et qui sont traités selon les principes généraux énoncés par les normes IAS.
Art. 3, al. 3 (nouveau)
Dans le rapport annuel des entités soumises aux normes IAS figure une liste des principaux types d'actifs avec les taux pratiqués en référence du règlement d'application. L'adéquation en est vérifiée par les organes de contrôle.
Art. 36, al. 4 (nouveau)
Interdiction de la thésaurisation des subventions sous réserve de dispositions du droit cantonal ou un accord spécifique (contrat de prestation analogue) visant notamment à encourager la recherche de fonds privés.
Art. 72 (nouveau)
Les entités soumises aux normes IAS doivent les mettre en oeuvre au plus tard pour l'exercice 2001.
Le cas spécifique de l'Aéroport est prévu en s'assurant que celui-ci tienne une comptabilité selon les normes IAS.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ces premières modifications de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat afin que le budget 1999 puisse en tenir compte.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention annuelle de fonctionnement de 340 000 F est accordée à l'Association de la Maison de Montbrillant pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 2
Cette subvention est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.365.18 pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 3
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Article 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993 et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Depuis plusieurs années, l'Association de la Maison de Montbrillant a constaté des situations toujours plus alarmantes dans notre canton pour un certain nombre de personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières et pour lesquelles le problème de la surdité est dominant.
Cette situation suit une courbe inverse de celle de la majorité des sourds, dont l'existence s'est à tout point de vue améliorée, grâce à une bonne prise en charge et une communication adaptée dès le plus jeune âge leur permettant une vie autonome et épanouie.
Cet effort, entrepris pour tous les enfants sourds et malentendants, doit être poursuivi pour les plus fragiles et les plus démunis, une fois l'âge de la majorité atteint. En effet, la multiplicité des handicaps cumulés par une même personne, en plus de la surdité, crée une situation tout à fait particulière.
Par ailleurs, l'évolution économique a marginalisé bon nombre d'adultes sourds, souffrant d'un équilibre psychique instable ou d'autres handicaps légers associés. Ils sont par conséquent laissés à la charge de leurs familles (lorsque les circonstances le permettent) ou placés dans des foyers dont la vocation est autre et qui n'ont pas les moyens d'offrir un encadrement adéquat (absence de communication adaptée).
Ces situations entraînent une solitude, un isolement, un manque de communication, qui sont autant de facteurs de régression, et la fin des espoirs ouverts par la formation antérieure.
Projet
A plusieurs reprises, le bureau de l'Association de la Maison de Montbrillant avait relevé cette absence de structures adéquates pour les sourds avec handicaps joints.
A fin 1992, il a pris la décision de réunir un groupe de travail afin de disposer de toutes les données sur le plan genevois.
Dès le 15 janvier 1993, plusieurs séances eurent lieu auxquelles participaient des représentants :
- de l'assurance-invalidité (AI) ;
- du centre d'information et de coordination pour personnes handicapées (CICPH);
- du centre de rencontres et d'activités culturelles en langue des signes (CRAL) ;
- de l'union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA) ;
- du service médico-pédagogique (SMP) ;
- du centre pour enfants sourds de Montbrillant (CESM) ;
- du service social pour malentendants et sourds de l'Association genevoise des malentendants (AGM - anciennement AGSM) ;
- de la communauté des sourds et malentendants de Genève (CSMG) ;
- de l'Association de la Maison de Montbrillant.
Il apparut très vite que des besoins réels existaient. En 1995, lors d'une dernière séance, le groupe de réflexion parvenait de façon unanime à la conclusion que la création de structures pour "; les personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières et pour lesquelles la surdité est le problème dominant " était absolument nécessaire.
A la suite de cette analyse fouillée, conduite par des personnes oeuvrant dans tous les domaines de la surdité, l'Association de la Maison de Montbrillant élabora un rapport qui reprenait l'essentiel des données. Ce document fut adressé au Conseil d'Etat le 24 novembre 1995. Les principales conclusions sont examinées ci-après sous chiffre 3.
Le 10 janvier 1996, le Conseil d'Etat informait l'Association de la Maison de Montbrillant qu'un groupe de travail interdépartemental allait examiner le dossier en collaboration avec l'association susmentionnée. Neuf réunions eurent lieu entre le 12 janvier et le 19 décembre 1996. Elles débouchèrent sur l'élaboration d'un rapport préliminaire adressé au Conseil d'Etat.
En été 1997, le Conseil d'Etat donnait un préavis favorable sur le projet global, sous réserve de l'accord officiel et définitif de l'office fédéral des assurances sociales (OFAS), qui a été obtenu le 31 juillet 1998.
Les besoins de la population concernée
Il s'agit de personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières (troubles psychiques, handicap mental, physique et sensoriel) pour lesquelles le problème de la surdité est dominant.
La création d'une structure pour ces personnes est dictée par le problème de la communication. Les tentatives d'intégration totale en milieu entendant (protégé ou non) se soldent par des échecs, notamment dus à l'interaction amplifiée des difficultés particulières.
Une enquête a été menée pour recenser les besoins. Elle a montré qu'à Genève, en 1995, 3 personnes avaient directement besoin d'un hébergement. En outre, 17 personnes nécessitaient un logement protégé. Il est à noter que ces personnes se trouvaient soit dans des institutions ou foyers non adaptés à leur handicap principal, la surdité, soit demeuraient dans leurs familles et ce malgré l'âge parfois avancé de leurs parents.
En outre, 28 personnes avaient besoin de formation, d'activités et d'occupations et 63 personnes avaient besoin de services et de soutiens divers.
Prise en charge socio-éducative
Concept d'accueil
La conception globale de l'ensemble du projet repose sur la problématique particulière de communication des personnes sourdes et malentendantes. Elle justifie le besoin de structures adaptées et le recours aux compétences d'un personnel spécialisé.
L'accueil en hébergement et en atelier doit être sécurisant, stimulant et individualisé. Il doit offrir un cadre de références à ces personnes doublement marginalisées : à l'écart du monde des entendants du fait de la surdité et à l'écart du monde des sourds du fait des handicaps joints.
Seul un personnel compétent peut assurer l'encadrement voulu. En plus des qualités morales, des compétences professionnelles, une sensibilité accrue aux problèmes du handicap et une excellente pratique de la langue des signes française (LSF) ou de tout autre moyen de communication adapté aux personnes sourdes sont indispensables.
Hébergement
L'hébergement est prévu en appartement et en studios pour un total de six personnes dépendantes jouissant d'une autonomie plus ou moins grande.
Cette solution en appartement et en studios offre une souplesse d'adaptation indispensable dans la première phase de mise en place de la structure, en faisant coïncider au plus juste l'offre avec la demande. Elle permet en outre la localisation de la structure d'hébergement dans un secteur proche du site de Montbrillant, centre de compétence pour la surdité à Genève.
La structure, qui comprend l'hébergement avec occupation intégrée, doit soutenir les personnes dans leurs actes quotidiens et les préparer à s'assumer au mieux. Elle est ouverte 365 jours par an.
Atelier d'occupation intégrée et formation
Vu l'extrême diversité de la clientèle, seules des activités personnalisées et adaptées aux capacités de chacun pourront répondre aux besoins.
Dès lors, il n'est pas envisagé de créer un atelier (au sens classique du terme), mais d'utiliser les possibilités actuelles de travail sur le site de Montbrillant (Association de la Maison de Montbrillant - Centre pour enfants sourds et malentendants, Département de l'instruction publique - Centre de rencontres et d'activités culturelles en langue des signes).
La capacité d'accueil est de six personnes, encadrées par des maîtres socio-professionnels et un enseignant formateur à temps partiel (33 %). L'accent est mis sur un travail occupationnel valorisant, mais aussi sur l'aspect formateur compte tenu des retards de connaissances accumulés par les personnes prises en charge. La surdité, conjuguée à d'autres handicaps, a pour effet de couper les personnes d'un nombre considérable d'informations et de donner une image très incomplète du monde extérieur. D'où l'importance d'une formation complémentaire à long terme.
Prise en charge socio-éducative
Vu le profil très diversifié de la population concernée, pour laquelle la surdité et la langue des signes, comme moyen de communication, constituent le dénominateur commun, une prise en charge modulée s'avère être la seule solution.
Au niveau de l'hébergement, trois formules sont prévues :
- une prise en charge en appartement protégé pour les personnes très dépendantes ;
- une prise en charge en studio indépendant mais avec une assistance relativement intense pour les personnes plus autonomes ;
- une installation en studio indépendant avec une antenne de contact pour les personnes susceptibles, après un stage, d'accéder à une autonomie totale.
Pour répondre à ces besoins, il a donc été décidé de créer 6 places en hébergement avec occupation intégrée, avec un encadrement assuré par deux maîtres socio-professionnels et un enseignant formateur à temps partiel.
Ces besoins ont été inclus dans la planification cantonale exigée par l'OFAS.
Principe de subsidiarité pour établir les besoins
Le projet d'hébergement et d'encadrement de "; personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières et pour lesquelles la surdité est le problème dominant " comble un vide à Genève. Aucun centre de ce type n'existe en Suisse romande. En Suisse alémanique, plusieurs institutions spécialisées offrent déjà les structures régionales voulues, notamment :
- Gehörlosendorf, Stiftung Schloss Turbenthal, Turbenthal ;
- Stiftung Uetenbergdorf, Schweizerische Wohn- und Arbeits-gemeinschaft für Hörbehinderte, Uetendorf ;
- "; Heim Tanne ", Schweizerische Stiftung für Taubblinde, Langnau am Albis (pour les sourds-aveugles).
Pour des raisons linguistiques et communicationnelles, les personnes originaires de Suisse romande ne peuvent pas être accueillies de manière efficace par ces institutions.
Projet de logement
Afin de tendre vers une structure spécifique et souple, le groupe de travail a étudié avec le plus grand soin puis abandonné en l'état toutes les propositions d'extension au moyen de constructions nouvelles. En effet, et même en dehors de toute considération économique, un tel projet pilote se doit de rester adaptatif et souple. Il doit donc s'intégrer dans des bâtiments existants. Les propositions concrètes retenues sont les suivantes :
Logements requis
a) 1 appartement totalisant 6-7 pièces pour 3-4 personnes sourdes ne pouvant pas vivre seules (lieu de vie ou logement à long terme).
Répartition : 1 chambre par personne sourde ;
1 chambre pour le permanent de nuit ;
séjour, cuisine, salle de bains, W.C. en commun ;
b) 2 grands studios ou petits appartements pour des personnes sourdes en phase d'apprentissage de l'indépendance (logement à moyen terme).
Ces hébergements devraient se situer dans le même immeuble ou être très proches l'un de l'autre. Le parcours entre le site de Montbrillant et ces hébergements devrait se faire aisément en transports publics.
Sur la base des besoins susmentionnés, deux pistes ont été explorées concernant, d'une part, des immeubles médico-sociaux et, d'autre part, des appartements.
Immeubles
EMS en ville de Genève, rive droite ;
Fort-Barreau, rue Fort-Barreau 19.
Immeubles avec encadrement médico-social en Ville de Genève (D2)
Reposa, rue Liotard 75.
Il faut toutefois relever qu'il n'y a pas de disponibilités à ce jour, mais que les probabilités de libération de logements, dans un laps de temps raisonnable, sont réelles.
Appartements
Cette recherche a été entreprise en collaboration avec diverses régies de la place, mais les propositions faites par la CIA semblent particulièrement convenir à ce projet de par leur localisation.
Immeuble : rue de Vermont 12 à 18
Données techniques :
Année de construction :
1955
Type d'appartements :
pièces
surface moyenne (m2)
- petits
21 x 1.5
29.00
1 x 2.0
36.00
- moyens
28 x 3.0
59.00
39 x 4.0
72.15
2 x 5.0
94.00
Immeuble : rue de Vermont 46 à 52
Données techniques :
Année de construction :
1951
Type d'appartements :
pièces
surface moyenne (m2)
- petits
26 x 2.5
37.00
- moyens
12 x 3.0
52.25
31 x 3.5
59.84
17 x 4.0
63.06
1 x 4.5
75.00
- grands
1 x 5.5
104.00
1 x 6.0
99.00
Immeuble : avenue de France 29-31
Données techniques :
Année de construction :
1990
Type d'appartements :
pièces
surface moyenne (m2)
- moyens
2 x 3.0
60.00
16 x 4.0
90.13
10 x 5.0
108.00
Investissement
Un investissement de 80 500 F est nécessaire pour permettre l'adaptation et l'ameublement des locaux communs des appartements loués ainsi que l'aménagement des ateliers d'occupation.
Le financement sera assuré par :
- une subvention fédérale (OFAS) d'environ 6 500 F ;
- la part AI à charge des locataires pour les avertisseurs lumineux 11 500 F ;
- un don de la Loterie romande de 62 500 F ;
Exploitation
Les recettes et les dépenses pour les 3 premières années sont les suivantes :
1re année
2e année
3e année
RECETTES
Recettes directes
267 280
267 280
267 280
Subv. fédérale, cantonale et dons
822 020
822 020
822 020
Total
1 089 300
1 089 300
1 089 300
DÉPENSES
(Hébergement et accompagnement)
Personnel
547 700
547 700
547 700
Nourriture et logements
143 200
143 200
143 200
Autres frais généraux
27 000
27 000
27 000
(Atelier et formation)
Personnel
272 200
272 200
272 200
Autres frais généraux
16 000
16 000
16 000
Frais d'exploitation
83 200
83 200
83 200
Total
1 089 300
1 089 300
1 089 300
La subvention annuelle de l'Etat de Genève est fixée à 340 000 F.
La subvention fédérale annuelle est fixée à 467 020 F.
Avis de l'autorité fédérale
L'annonce de projet a été envoyée à l'OFAS en date du 29 septembre 1997 avec l'aval des départements de l'instruction publique, de l'aménagement, de l'équipement et du logement et de l'action sociale et de la santé.
Ce projet figure dans la planification 1998-2000 du canton de Genève exigée par l'OFAS. Il a été accepté le 31 juillet 1998.
Conclusion
Au vu des éléments qui viennent d'être exposés, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver cette subvention qui permettra de répondre aux besoins de personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés et pour lesquelles la surdité est le problème dominant.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention annuelle de fonctionnement de 210 000 F est accordée à l'Association de l'Université populaire albanaise pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 2
Cette subvention est inscrite au budget et aux comptes, à la rubrique 84.99.00.365.19 pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 3
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Article 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993 et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
La communauté albanaise compte environ 180 000 personnes en Suisse et environ 8 000 à Genève. Au niveau national, elle constitue donc le deuxième groupe d'immigrés après la communauté italienne.
L'Université populaire albanaise (UPA) est une expérience unique d'intégration de la communauté albanaise. Elle a été créée à la suite de plusieurs constats :
a) la situation explosive que vit l'ex-Yougoslavie en général, et la Kosove en particulier, a conduit à l'exil de plus en plus d'individus. Le climat extrêmement tendu qui règne en Kosove réduit les perspectives de retour à court terme. Enfin, l'abolition du statut de saisonnier a eu pour effet la suppression des autorisations de travail et de séjour des immigrés d'ex-Yougoslavie et a déstabilisé bien des travailleurs en voie d'intégration. De ce fait, les problèmes sociaux concernant les Albanais sont nombreux ;
b) les risques de marginalisation de la communauté sont accrus par l'absence de structures associatives ou de porte-parole fédérateurs. Des structures existent certes mais sont très marquées politiquement ;
c) la situation économique difficile que connaissent de nombreuses familles albanaises touchées par le chômage et l'existence d'un "; milieu " albanais font craindre que de plus en plus d'adolescents et de jeunes adultes tombent dans la délinquance ;
d) la population féminine albanaise est arrivée à la suite du déclenchement de la guerre. Il lui faut reprendre des repères dans une société urbaine alors que la majeure partie des Albanaises sont issues de zones rurales de culture traditionnelle. Elle doivent donc trouver des structures leur permettant de se familiariser avec la culture suisse et la langue française ;
e) les différentes instances genevoises confrontées à cette communauté (services sociaux, services médicaux, personnel enseignant, etc.) sont également démunis pour apporter des réponses adéquates face aux difficultés de contact avec la population albanaise.
L'UPA a commencé ses activités en automne 1996, grâce au soutien décisif du Centre Social Protestant et de Caritas, avec l'appui du Conseil d'Etat et de la Ville de Genève. Elle est un lieu de rencontre, d'information et de formation important tant pour la communauté albanaise (essentiellement composée de Kosovars d'ex-Yougoslavie) que pour le personnel social, médical et enseignant de Genève qui est souvent démuni face à ce groupe.
L'activité de l'UPA est suivie de près dans toute la Suisse par divers organismes, impliqués dans l'intégration des étrangers en général et préoccupés par celle de la communauté albanaise en particulier, afin de pouvoir reproduire le projet.
Les buts de l'UPA
Le but général de l'UPA est de permettre l'intégration de la communauté albanaise en offrant un lieu ouvert à toutes et tous grâce à une expérience pilote.
Les objectifs particuliers de l'UPA sont les suivants :
a) permettre une meilleure compréhension entre la communauté albanaise et la communauté genevoise en organisant conférences et débats ;
b) permettre à travers une expérience associative de se familiariser avec les mécanismes du fonctionnement démocratique suisse. L'UPA est une petite école de la démocratie pour des personnes qui ont eu pour modèles de fonctionnement social un système familial basé sur le patriarcat et un système politique qui ne permettait pas l'expression de la diversité des opinions ;
c) permettre la résolution de conflits et problèmes de la communauté par la mise à disposition du conseiller-médiateur de l'UPA et d'un travailleur social ;
d) permettre une meilleure intégration des femmes en leur offrant des cours de français ;
e) éviter aux adolescents et aux jeunes adultes de sombrer dans la délinquance en leur offrant diverses activités dans un local qui leur est réservé ;
f) offrir aux Albanais qui ont besoin de se réorienter professionnellement des cours de français ainsi que deux préapprentissages en électroménager et en service d'hôtellerie ;
g) permettre aux professionnels des secteurs social, de la santé et de l'enseignement, qui travaillent en contact avec la communauté albanaise, une meilleure compréhension de cette dernière en leur offrant des sessions d'information ainsi que des conseils personnalisés ;
h) permettre aux personnes intéressées de se familiariser avec la culture albanaise en offrant expositions, concerts, conférences, cours de langue et de culture.
Les activités de l'UPA
Afin d'atteindre ses objectifs généraux et particuliers, l'UPA est un lieu de rencontre, de formation et d'information.
L'UPA, lieu d'accueil et de rencontre :
a) permet aux membres de la communauté albanaise de se retrouver, quels que soient leur appartenance politique, leur âge ou leur sexe ;
b) permet la rencontre des communautés albanaises et non albanaises dans le cadre de sa cafétéria et du "; Kafe Prishtina ", lieu d'application pratique de la préformation en service d'hôtellerie-restaurant ;
c) met à disposition ses locaux pour la tenue de conférences ou le visionnement de vidéos sur la situation en Kosove ;
d) offre de manière mensuelle une plate-forme de rencontre et des activités culturelles aux personnes handicapées et invalides albanaises ;
e) offre un lieu de rencontre pour les femmes albanaises afin de mieux connaître la langue française et les réalités suisses mais aussi pour y mener ensemble diverses activités ;
f) organise des soirées disco pour les jeunes ;
g) accueille des expositions de peintres albanais, des groupes de chants et de danses afin de leur donner une plate-forme pour se faire connaître du public suisse ;
h) accueille divers groupes culturels pour des expositions afin de sensibiliser la communauté albanaise aux autres cultures présentes à Genève.
L'UPA, lieu de formation et de loisirs, offre les cours suivants :
a) français (mise à disposition d'une crèche permettant la garde des enfants) ;
b) cours d'appui de français et de mathématiques pour jeunes scolarisés ;
c) anglais ;
d) albanais pour Albanais et francophones ;
e) informatique ;
f) dessin - peinture ;
g) danses et chants albanais ;
h) théâtre ;
i) échecs.
En outre, deux formations professionnelles sont également offertes :
j) un préapprentissage en réparation d'appareils électroménagers ;
k) une formation de serveurs et serveuses dans l'hôtellerie et la restauration d'une durée de dix semaines avec cours de français à l'appui, stages pratiques à l'UPA dans le cadre des repas servis à midi pendant sept semaines puis dans un café-restaurant de la place pendant trois semaines.
L'UPA, lieu d'information :
a) met à disposition des personnes qui fréquentent la cafétéria un vaste éventail de journaux albanais et suisses romands ;
b) propose des soirées d'information à la communauté albanaise autour de thèmes pratiques tels que permis de séjour, droits du travail, formations professionnelles, fonctionnement des institutions suisses, etc. ;
c) mène une campagne de sensibilisation autour des questions du tabagisme, de l'alcoolisme, des drogues ainsi que de la prévention du SIDA ;
d) organise mensuellement la "; Plate-forme Kosove " destinée aux professionnels des secteurs social, de la santé et de l'enseignement, confrontés aux problèmes d'intégration de la communauté albanaise ;
e) organise des séances d'information sur la communauté albanaise ;
f) intervient dans des assemblées de la communauté albanaise pour sensibiliser ses membres à la problématique de l'intégration ;
g) se rend dans l'ensemble de la Suisse afin de fournir toute information utile aux organismes engagés dans l'intégration des Albanais et intéressés à reproduire l'expérience.
La fréquentation de l'UPA
La fréquentation de l'UPA est la suivante :
a) près de 2 000 Albanais (dont un quart de femmes) se rencontrent chaque semaine à l'UPA sur les 8 000 que compte la communauté albanaise à Genève ;
b) près de 300 personnes fréquentent les cours de langues et de préformations techniques qu'elle offre dont une cinquantaine de femmes ;
c) près de 150 jeunes se rendent chaque jour dans les locaux de l'UPA et échappent ainsi au risque de tomber dans la petite délinquance ;
d) près d'une vingtaine d'épouses ou compagnes d'Albanais viennent y apprendre la langue de leur conjoint ou ami ;
e) un nombre toujours croissant de personnes et d'institutions des secteurs sociaux, éducatifs et paramédicaux vient y chercher conseil : une quarantaine de conseils personnalisés sont ainsi donnés par jour. En 1997, plus d'un millier de travailleurs dans les domaines du social, de la santé ou de l'enseignement ont bénéficié de sessions d'information. Ces sessions ont eu lieu à Genève, mais également ailleurs en Suisse.
La structure juridique et les collaborateurs de l'UPA
L'UPA est une association à but non lucratif créée le 30 avril 1996 à Genève, selon les articles 60 et suivants du Code civil suisse qui compte à ce jour 240 membres cotisants. Elle est dirigée par un comité composé de 25 membres. Elle est parrainée par un comité de 13 personnalités suisses et albanaises.
L'équipe est composée de :
a) 5 salariés se partageant 4,6 postes ;
b) 26 personnes au bénéfice du revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS) ;
c) 80 bénévoles permettant ainsi l'ouverture des locaux 7 jours sur 7 (98 heures par semaine).
Les finances de l'UPA
Comptes 1997
Budget 1998
Budget 1999
RECETTES
Recettes directes
44 013.10
98 000
110 000
Subventions diverses et dons
284 939.35
412 600
506 660
Total
328 952.45
510 600
616 660
DEPENSES
Personnel
182 091.25
342 000
417 360
Frais de bureau
26 048.50
32 000
35 000
Animation
13 176
9 000
15 000
Loyer et charges
88 231.05
75 000
89 300
Equipements
30 084.90
20 000
25 000
Frais généraux
37 742.20
32 600
35 000
Total
377 373.90
510.600
616 660
Déficit d'exercice
48 421.45
0.00
0.00
Conclusion
Au vu des éléments d'appréciation qui viennent d'être exposés, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver cette subvention de fonctionnement à l'Université populaire albanaise.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention annuelle de fonctionnement est accordée à la Fondation pour l'hébergement des personnes handicapées psychiques (FHP) comme suit :
a) 1 638 000 F pour l'exercice 1999 ;
b) 1 722 000 F pour l'exercice 2000 ;
c) 1 487 000 F pour l'exercice 2001 ;
d) 2 199 000 F pour l'exercice 2002.
Article 2
Cette subvention est inscrite au budget de fonctionnement dès 1999 sous la rubrique 84.99.00.365.20 pour les exercices 1999, 2000, 2001 et 2002.
Article 3
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Article 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993 et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Le présent projet de loi porte sur le handicap psychique. Par la mise sur pied d'une structure d'accueil à développer d'ici 2005, il vise à offrir aux personnes handicapées psychiques l'accompagnement et les soins que nécessite leur état et à leur éviter le double écueil, soit d'une hospitalisation et d'une psychiatrisation inutiles, soit d'un abandon à domicile.
C'est ainsi que le présent rapport :
- montre que, à la différence des autres formes de handicap, la politique en faveur des personnes handicapées psychiques a été jusqu'ici négligée (2) ;
- pose la mesure du problème (3) ;
- résume ce qu'il faut savoir du handicap psychique et de la politique de soins qu'il requiert (4) ;
- présente la structure d'accueil qui sera développée progressivement (5) ;
- enfin, définit la forme et le financement de cette nouvelle structure (6).
La politique à l'égard des personnes handicapées
Une préoccupation de longue date
Les législateurs et les gouvernements genevois ont depuis longtemps porté une attention soutenue au sort des personnes psychiquement atteintes.
A la fin du XVIIIe siècle, Genève a été l'un des premiers endroits où l'on a enlevé les fers aux aliénés. En 1838, Genève a voté la première loi au monde se préoccupant de personnes souffrant de maladies mentales. Cette loi a été révisée en 1898, 1936 et en 1979.
En 1892, l'Etat a acquis le domaine de Bel-Air en vue d'y construire une clinique psychiatrique. Ouverte en novembre 1900, celle-ci a également suivi l'évolution de la perception sociale de la maladie mentale.
L'intégration de la psychiatrie dans la Cité
A la fin des années 1960, la psychiatrie s'intègre dans la Cité. Sous la houlette du professeur Julian de Ajuriaguerra, l'hôpital de Bel-Air fait sa mutation d'asile en hôpital universitaire. Dix ans après, l'ensemble de la psychiatrie genevoise vit une énorme crise dont elle sort transformée.
Dès les années 70, la partie extra-hospitalière ou ambulatoire commence à prendre une part aussi importante que la partie hospitalière. Cette évolution se traduit budgétairement.
Le début des années 80 se caractérise par la création d'associations qui se consacrent à la prise en charge de nature sociale et qui permettent, en collaboration avec les structures ambulatoires (ex-IUPG) et la médecine privée, un réseau qui ne fait pas de "; l'asile " la destinée inéluctable de la personne handicapée psychique.
Simultanément, l'option a été prise, et systématiquement menée à son terme, de faire en sorte que les établissements de type hospitalier ne soient pas des lieux de vie pour les personnes handicapées : aucune personne handicapée, quelle que soit la nature de son handicap, ne devrait vivre dans un établissement de type hospitalier si son état ne l'exige pas.
La situation des personnes handicapées mentales et physiques
Le point le plus délicat de cette option concernait les personnes handicapées mentales, traditionnellement hébergées en établissement psychiatrique.
Genève a conduit un programme ambitieux de création d'établissements de vie et de travail pour les personnes handicapées mentales, qui a été mené à terme avec l'ouverture, le 8 mai 1995, de l'annexe de Thônex des EPSE (Etablissements publics socio-éducatifs pour personnes handicapées mentales). Dès l'entrée en vigueur en 1960 de la loi sur l'assurance-invalidité (LAI), les associations de parents d'enfants handicapés mentaux ou infirmes moteur-cérébraux (IMC)
Il s'agit de l'Association genevoise de parents et d'amis de personnes mentalement handicapées (APMH) et de l'Association genevoise en faveur des infirmes moteur-cérébraux (ASIMC).
Au même moment, l'association Foyer Handicap concentrait ses efforts sur l'hébergement et la mise au travail des handicapés physiques.
Un problème négligé : l'hébergement des personnes handicapées psychiques adultes
Si le handicap psychique est devenu le parent pauvre des politiques en faveur des personnes handicapées, c'est largement dû à l'absence- regrettée voici deux ans par le Conseil d'Etat dans sa réponse à la consultation fédérale sur la révision de la loi sur l'assurance invalidité (LAI) - de l'atteinte psychique de l'article 4 de la LAI comme invalidité à part entière.
Article 4 LAI:
1 L'invalidité au sens de la présente loi est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.
2 L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération.
Les personnes handicapées psychiques ont certes bénéficié de tous les efforts décrits plus haut pour leur éviter l'hôpital à perpétuité, mais elles ne disposent toujours pas de lieux de vie appropriés, qui complètent le travail en réseau de la psychiatrie privée, de la psychiatrie publique extra-hospitalière et des associations.
La lacune à combler concerne les personnes handicapées adultes. En effet, les mineurs sont pris en charge par des institutions spécialisées dépendant du service de protection de la jeunesse (Département de l'instruction publique), tandis que les personnes qui ont atteint l'âge de l'AVS sont pris en charge dans le cadre des établissements médico-sociaux (EMS). En revanche, l'accompagnement et l'hébergement des handicapés psychiques adultes (de 18 ans à l'âge de l'AVS) laissent gravement à désirer.
Périodiquement, divers organismes de l'Etat sont sollicités pour trouver un hébergement approprié destiné à des adultes perturbés, aux degrés d'autonomie divers et aux comportements éventuellement dérangeants pour leurs semblables, pouvant s'adonner à des violences verbales et physiques. La structure d'accueil qu'il s'agit de mettre sur pied pour répondre à cette demande devrait aussi permettre d'éviter à l'avenir le recours à des méthodes répressives, qui répondent indûment, hors d'un contexte pénal réel et hors d'une maladie mentale avérée, à des comportements dérangeants par la prison ou par une psychiatrisation inutile.
On le voit : la lacune majeure que le présent projet de loi a pour ambition de combler répond aussi à des nécessités relevant du respect des droits de la personne humaine.
La mesure du problème
3 470 rentiers AI souffrent de problèmes psychiques
Le présent projet de loi concerne les personnes adultes (de 18 ans à l'âge de l'AVS) souffrant de handicaps psychiques et / ou psychosociaux et qui rencontrent de grandes difficultés dans la recherche d'un logement adéquat. L'atteinte à leur santé psychique entrave leur capacité d'autonomie personnelle et sociale. Leur degré d'autonomie est évolutif : il peut s'améliorer mais également se détériorer.
La majorité des personnes concernées bénéficient d'une rente ou d'une mesure de l'assurance-invalidité. Si certaines peuvent répondre pleinement aux critères de l'article 4 de la LAI (cf. note 1), d'autres peuvent, selon l'accompagnement reçu, éviter d'être mises au bénéfice d'une rente entière AI. En 1997, Genève comptait 3 470 rentiers AI souffrant de problèmes psychiques, soit 41.5 % de l'ensemble des rentiers pour cause de maladie (37,6 % en moyenne suisse).
Par problèmes psychiques, on entend les psychoses, les psychonévroses et les troubles de la personnalité. Le chiffre de 3470 ne tient pas compte des personnes souffrant de problèmes psychiques qui seraient classées sous d'autres catégories.
Ces personnes évoluent, selon leur état de santé, entre l'hôpital psychiatrique et le domicile. La personne en crise peut être momentanément hospitalisée à Belle-Idée, puis retourner à son domicile; mais il manque une structure entre ces deux pôles pour des personnes qui ne sont pas assez mal pour être à Belle-Idée mais pas assez bien pour être livrées à elles-mêmes et autonomes à domicile.
224 places d'hébergement spécialisé
Pour une population de 3 470 rentiers AI souffrant de problèmes psychiques, on recense 224 places d'hébergement spécialisé réservées à des personnes handicapées psychiques. Situées en neuf lieux différents (6 foyers, 1 résidence et 35 appartements-studios), ces places se répartissent entre :
- 178 places de logement durable avec encadrement socio-éducatif ;
- et 46 places de logement provisoire avec encadrement socio-éducatif et socio-infirmier.
970 places d'hébergement non spécialisé
Par ailleurs, 970 handicapés psychiques résident dans des établissements non spécialisés pour le handicap psychique. Ces places se répartissent entre 17 foyers, 3 logements précaires, 6 villas, 80 appartements et 3 résidences.
En outre, 19 autres établissements acceptent de cas en cas d'héberger des personnes ayant des troubles psychiques légers et quelques rentiers AI.
Les responsables de ces structures non spécialisées mettent en évidence l'impossibilité de s'occuper de personnes ayant des troubles psychiques graves avec comportement perturbant et manque d'autonomie dans la vie quotidienne, en raison de l'inadéquation de leur personnel (encadrement et formation insuffisants).
Les besoins évalués en 1997 : 250 places d'hébergement spécialisé
En 1997, on a recensé 250 handicapés psychiques, qui, faute de pouvoir trouver un logement adéquat, vivaient dans des lieux d'hébergement inadaptés à leur état, avec d'inévitables conséquences sur leur état de santé.
Ces lieux étaient :
- des logements précaires de type SDF (sans domicile fixe), squats, etc. ;
- des logements personnels sans accompagnement ;
- des logements pour personnes âgées et des hôtels ;
- le logement de leur famille, en l'occurrence inadapté ;
- des foyers inadéquats ;
- d'autres logements inadéquats comme des établissements hospitaliers ;
- des établissements situés dans d'autres cantons, faute de place à Genève.
Menée de septembre 1996 à février 1997 par M. Alain Riesen, responsable d'Arcade 84, auprès de 56 personnes souffrant toutes d'un handicap psychique, une enquête a permis de faire les constatations suivantes :
- 55 % des demandes font ressortir un besoin de logements personnels avec accompagnement, appui à domicile et espace extérieur pour rompre l'isolement ; 36 % font ressortir un besoin de logements de type résidence ; 9 % des demandes font ressortir le besoin d'un foyer de type médico-social, destiné à des personnes à l'autonomie très limitée ainsi qu'à des personnes atteintes de grave troubles neuropsychologiques.
- Deux tiers des demandes concernent des hommes et un tiers des femmes. Plus de la moitié ont entre 30 et 45 ans. Les deux tiers sont sous tutelle ou sous curatelle. La majorité a un revenu AI/OCPA.
- Pour deux tiers, les atteintes à la santé sont désignées, du point de vue médical, comme des troubles de la personnalité (psychose, schizophrénie, atteinte bipolaire).
Ce qu'il faut savoir du handicap psychique et de la politique de soins qu'il requiert
Caractéristiques du handicap psychique
Les personnes souffrant de graves troubles psychiques ont besoin d'un accompagnement psychosocial personnalisé dans la durée et la continuité. Comme les personnes mentalement handicapées, elles sont confrontées à différents types de handicaps qui détériorent sérieusement leur qualité de vie au quotidien. Ces handicaps peuvent être de nature et de durée différentes.
Le handicapé psychique présente à des degrés divers les caractéristiques suivantes :
a) rencontrant des difficultés à établir et maintenir une relation, il souffre d'isolement ;
b) son autonomie est restreinte, d'où une impossibilité d'assumer les actes de la vie quotidienne, en particulier dans les périodes de crise ;
c) sa capacité à la motivation, à l'initiative, à la prise de décision et à la réalisation est réduite : l'énergie que cette personne doit dégager pour se maîtriser lui laisse peu de place pour affronter d'autres exigences ;
d) il souffre d'une hypersensibilité au changement : les perturbations personnelles (angoisses, délires, etc.) et les difficultés relationnelles entraînent une crainte constante du changement ;
e) en raison des caractéristiques qui précèdent, il lui est difficile d'accéder aux services et aux prestations qui pourraient l'aider.
Il convient ici de souligner que le lieu de vie adéquat du handicapé psychique ne réside pas nécessairement dans un hébergement collectif. Grâce aux moyens modernes de prise en charge (soins ambulatoires, aide à domicile, etc.), qui se déploient progressivement à partir des centres d'action sociale et de santé, il peut très bien, si son autonomie le lui permet, vivre dans un logement individuel. Ce n'est qu'en second lieu que l'intervention spécifique des travailleurs sociaux spécialisés et l'encadrement dans un lieu d'hébergement collectif doivent être envisagés.
Faire bénéficier le handicapé psychique léger d'un accompagnement à domicile
Le handicap psychique léger requiert un accompagnement à domicile dans la durée. Celui-ci est ponctué de périodes intenses où il doit être quotidien et de périodes où il est moins nécessaire et peut être moins fréquent, mais où la personne accompagnée sait qu'il y a une ou plusieurs personnes sur lesquelles elle peut compter et à qui elle peut faire appel.
L'accompagnement à domicile revêt essentiellement deux formes :
a) l'accompagnement socio-éducatif et médical : il doit être effectué par des équipes pluridisciplinaires qualifiées et supervisées, qui assurent un suivi individuel de chaque personne et qui peuvent s'appuyer sur les ressources offertes par les services d'aide et de soins à domicile et par le réseau médical. Chaque équipe est chargée d'assurer un suivi dans le quotidien au domicile, mais aussi d'assurer la formation et le soutien du personnel qui peut être engagé dans l'accompagnement ;
b) l'accompagnement pour les tâches de la vie quotidienne (hygiène corporelle, courses et préparation des repas, entretien du logement et du linge) nécessite un apprentissage des tâches à effectuer, une stimulation, un soutien ainsi qu'une aide pratique. Cet accompagnement peut naturellement être fourni par les réseaux de soins, d'aide sociale, d'ergothérapie et d'aide à domicile, moyennant une formation et la mise en place d'un réel travail en réseau pour le suivi des situations.
Quand il est possible, l'accompagnement à domicile a pour avantages que la personne handicapée peut compter sur le cercle de solidarité naturelle que sont les membres de sa famille, ses amis, ses voisins etc., mais aussi qu'il peut s'appuyer sur ceux-ci. Autant que possible, l'accompagnement à domicile doit être favorisé.
Faire bénéficier le handicapé à l'autonomie restreinte d'un logement et d'un encadrement adaptés
Si la personne handicapée psychique qui peut vivre de façon autonome doit pouvoir être hébergée dans un logement individuel (appartement) tout en bénéficiant d'un accompagnement socio-éducatif et médical approprié, la personne handicapée qui ne peut pas vivre de façon autonome doit pouvoir bénéficier d'un encadrement adapté à son degré d'autonomie. Cet accompagnement plus lourd nécessite son hébergement dans un lieu d'hébergement collectif (résidence ou foyer).
Une structure d'accueil à développer progressivement
Pour couvrir les besoins mentionnés ci-dessus sous point 3.4 et dispenser les soins requis aux handicapés psychiques selon la politique développée sous point 4, il s'agit de créer progressivement, d'ici 2005, un dispositif qui, mené à son terme, offrira 235 places réparties comme suit :
135 places en appartements individuels
Les appartements individuels sont destinés à des personnes dont l'état de santé est stabilisé, qui peuvent être autonomes dans les activités de la vie quotidienne, mais qui ont besoin d'un accompagnement socio-éducatif pour éviter les rechutes.
85 places dans sept résidences de 12 places en moyenne chacune
Les résidences s'entendent de lieux d'hébergement collectif destinés à des personnes qui ont un degré d'autonomie plus ou moins restreint, qui nécessite un encadrement à demeure adapté.
15 places dans un foyer de type EMS
Le présent projet de loi reprend également à son compte la nécessité de créer une structure de type EMS (établissement médico-social) afin de prendre en charge une quinzaine de personnes atteintes de graves troubles neuropsychologiques. Ce foyer, qui alliera soins constants et hébergement, sera une structure médicalisée privée au sens de la loi K 3 05 et relèvera de la loi sur l'assurance-maladie et non de la loi sur l'assurance-invalidité. Il s'agira probablement de "; La Maison " : précédemment utilisée pour le traitement des malades du sida, cette structure est en effet disponible, n'ayant plus son utilité depuis le développement des trithérapies.
Deux lieux d'accueil de jour des usagers
En plus des lieux d'hébergement mentionnés ci-dessus, la fondation disposera de deux lieux d'accueil de jour (un sur chaque rive) : destinés à l'accueil ponctuel des usagers, ces lieux abriteront également les bureaux nécessaires à la gestion de la structure (notamment la réception des demandes d'accompagnement ou de placement des usagers) ainsi que quelques locaux destinés à la formation, coordination, rencontre et supervision des différentes équipes.
Personnel requis
Conformément à la politique de soins mentionnée sous point 4, la structure mise sur pied devra veiller tout particulièrement à effectuer un travail en réseau avec la famille (ou son représentant légal) ainsi qu'avec les institutions médicales et sociales du canton. Elle pourra également établir des conventions avec les partenaires, notamment les centres d'action sociale et de santé (CASS), les services d'ergothérapie, etc.
Cela étant, la structure à développer d'ici 2005 requiert un personnel pluridisciplinaire qualifié qui aura à prendre en charge :
- l'accompagnement des handicapés psychiques résidant à domicile ;
- l'encadrement des handicapés hébergés dans les résidences (point 5.2) et le foyer de type EMS (point 5.3) ;
- les deux centres d'accueil des usagers, de gestion administrative et de formation du personnel mentionnée (point 5.4).
En application de la planification de mise en oeuvre annuelle des structures (cf. annexe 1), l'effectif requis passera de 17,5 à 93,5 postes de 1999 à 2005 (cf. annexe 2).
Forme et financement de la structure d'accueil
Une fondation de droit privé
Comme c'est le cas pour les fondations Ensemble et Clair Bois, la structure développée prend la forme d'une fondation de droit privé, dite Fondation pour l'hébergement des personnes handicapées psychiques (FHP). Comme toutes les fondations de droit privé, elle est placée sous le contrôle du service de surveillance des fondations (Département des finances).
La fondation de droit privé offre un régime favorable à un subventionnement diversifié, tant privé que public. Le subventionnement public pourra ainsi être cantonal (Genève pour commencer, pourquoi pas Vaud ou la France voisine par la suite) et fédéral.
Comme le lecteur l'a constaté sous points 2.3 et 2.4, le handicap psychique a été jusqu'ici le parent pauvre des politiques en faveur des personnes handicapées, sans que cela ait été compensé par un intérêt et un investissement suffisant des milieux privés.
Les structures d'accompagnement et de soins, dont les handicapés psychiques ont besoin, étant actuellement très insuffisantes, cette carence tant publique que privée justifie et nécessite aujourd'hui un effort important de la part des pouvoirs publics tant cantonaux que fédéraux.
Reconnaissance du projet par l'autorité fédérale
Annoncé de manière détaillée auprès de l'office fédéral des assurances sociales (OFAS) le 6 avril 1998, le projet ci-dessus a été inscrit dans la planification cantonale OFAS 1998-2000, qui a été acceptée par l'autorité fédérale le 29 mai 1998.
Financement
Quatre sources de financement assureront le financement de la structure : le prix de pension versé par les caisses-maladie, les loyers payés par les pensionnaires AI, l'OFAS et le budget cantonal. Comme indiqué dans le projet de loi, la participation cantonale prendra la forme d'une subvention versée à la fondation, qui sera financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Pour 1999, la somme budgétée,
Toutes les sommes budgétées ont été arrondies : pour 1999, 1 637 145 est devenu 1 638 000 ; pour 2000, 1 721 845 est devenu 1 722 000 ; pour 2001, 1 486 845 est devenu 1 487 000 ; pour 2002, 2 198 445 est devenu 2 199 000 ; pour 2006, 3 549 845 deviendra 3 550 000.
Pour 2000, la somme budgétée, 1 722 000 F, correspond à un investissement de 235 000 F et à une participation cantonale de 1 486 845 F, l'OFAS faisant une avance dès la deuxième année d'exploitation (785 300 F).
Pour 2001, la somme budgétée, 1 487 000 F, correspond à une participation cantonale de 1 486 845 F, étant donné qu'il n'est pas prévu d'acquérir du mobilier et du matériel cette année-là.
Pour 2002, la somme budgétée, 2 199 000 F, correspond à un investissement de 247 000 F et à une participation cantonale de 1 951 445 F. Cette augmentation est due au développement de la structure.
Au terme du développement prévu de la structure, et à dater de 2006, le budget se montera à 11 600 720 F. Son financement proviendra pour 3 816 075 F du prix de pension versé par les caisses-maladie, pour 1 606 500 F de loyers payés par les rentiers AI, pour 2 628 300 F de l'OFAS, la subvention cantonale inscrite au budget se montant alors à environ 3 550 000 F.
Pour plus de détails, l'annexe 3 contient le tableau progressif des dépenses (personnel, loyers, exploitation, investissements) et des recettes (pensions des caisses maladie, loyers, OFAS et canton), l'annexe 4 recense les investissements (mobilier et matériel) requis et l'annexe 5 le coût des loyers.
Conclusion
Au terme de cet exposé des motifs, le Conseil d'Etat entend souligner l'importance du présent projet de loi. Ce projet de loi est important, parce qu'il répond à un vrai besoin, trop longtemps négligé ; il est important, parce que la mise sur pied de la structure d'accompagnement et d'accueil des personnes handicapées psychiques devrait à l'avenir permettre d'éviter, soit qu'elles soient livrées à elles-mêmes, soit qu'elles soient inutilement hospitalisées et psychiatrisées : il en va du respect des droits de la personne humaine. Il ne faut plus que les réflexes répressifs puissent naître d'un manque de moyens : il en va de notre responsabilité.
C'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat soumet le présent projet de loi à votre bienveillante attention et souhaite, Mesdames et Messieurs les députés, que vous lui réserviez le meilleur accueil.
Annexes : 1. Planification de la mise en oeuvre annuelle des structures
2. Personnel : tableau des effectifs
3. Budget : tableau progressif des coûts
4. Tableau des investissements (matériel et mobilier)
5. Loyers : détail des coûts
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Crédit d'investissement
1 Un crédit global de 8 500 000 F est ouvert dès 1999 au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale d'investissement à l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive.
2 Cette subvention est destinée à couvrir les frais de la planification sanitaire qualitative 1999-2002 en finançant la réalisation par l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive, travaillant sous l'autorité du Département de l'action sociale et de la santé, de 5 priorités sanitaires définies par le Conseil d'Etat.
Article 2 Budget d'investissement
Ce crédit sera réparti en 4 tranches annuelles de 2 125 000 F, proposées par le Conseil d'Etat au Grand Conseil sous la rubrique 85.11.00.553.01 du budget d'investissement de l'Etat.
Article 3 Financement
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt, dans les limites du plan directeur fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels, dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Article 4 Amortissement
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur la valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Article 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993, et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Dans l'ensemble du monde occidental, l'augmentation continuelle des coûts de la santé provoque des mouvements puissants en faveur d'une réforme des systèmes de santé.
En Suisse, cette situation a conduit les autorités, fédérales et cantonales, à inscrire dans la législation l'exigence d'une planification sanitaire.
Dans son rapport au Grand Conseil, déposé en août 1997, le Conseil d'Etat distingue :
a) la planification sanitaire quantitative qui, en définissant des quantités (crédits, subventions, postes, lits, journées d'hospitalisation, etc.), détermine les moyens accordés par le canton au système de santé ;
b) la planification sanitaire qualitative qui définit, dans le cadre des moyens accordés, les objectifs de santé à atteindre par les différents acteurs, publics et privés, du système de santé genevois.
Ce projet de loi porte sur la planification sanitaire qualitative 1999-2002, dont le projet - élaboré par l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IMSP) et publié en mars 1998 - a fait l'objet d'une large procédure de consultation auprès de 250 organismes.
Sur la base des résultats de la procédure de consultation et des recommandations de l'IMSP, le Conseil d'Etat a défini les 5 priorités sanitaires 1999-2002, soit :
a) diminuer l'incidence et/ou la mortalité liée aux cancers les plus susceptibles d'être prévenus, en particulier le cancer du sein, le cancer du poumon, les cancers ORL, les cancers digestifs et le mélanome ;
b) établir la fréquence, le contexte et les facteurs de risque des problèmes relevant de la santé mentale, selon trois axes (stress, dépression et suicides ; abus de substances illégales ; violence familiale et en milieu éducatif) ;
c) réduire la fréquence des accidents - et des traumatismes et des handicaps qui en résultent - qui surviennent à domicile (jeunes enfants et personnes âgées) et dans la circulation et les loisirs (adultes) ;
d) contrôler et éradiquer les maladies infectieuses en mettant l'accent sur les épidémies majeures (VIH, hépatites) et sur les vaccinations (rougeole, poliomyélite, grippe) ;
e) définir les objectifs et les modalités d'implantation d'un carnet de santé pour responsabiliser les patients et les médecins et pour disposer d'un outil d'information pour la surveillance des problèmes, la gestion des structures et la maîtrise des coûts.
Afin de réaliser ces 5 objectifs prioritaires, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil d'accorder à l'IMSP une subvention d'investissement de 8 500 000 F couvrant les exercices 1999, 2000, 2001 et 2002.
Le financement de cette subvention d'investissement de 8 500 000 F est assurée par une réduction correspondante des subventions d'investissements affectées à l'équipement des Hôpitaux universitaires de Genève. Compte tenu de l'état des finances publiques, le Conseil d'Etat a en effet préféré affecter les fonds disponibles à des actions concrètes améliorant l'état de santé de la population en étalant les programmes d'acquisition de nouveaux équipements sophistiqués et coûteux.
La planification sanitaire
Introduction
L'augmentation continuelle des coûts de la santé - qui croissent plus rapidement que la capacité collective de les financer - provoque, dans l'ensemble du monde occidental, des mouvements puissants en faveur d'une réforme des systèmes de santé.
En Suisse, cette situation a conduit les autorités, fédérales et cantonales, à inscrire dans la législation l'exigence d'une planification sanitaire.
Exercice techniquement difficile et politiquement délicat, la planification sanitaire exige donc de longs travaux préparatoires et une large consultation des divers milieux intéressés.
Les éléments essentiels de la politique de la santé
N'entendant pas utiliser le prétexte de la longue mise au point de la planification sanitaire pour retarder d'importantes réformes, le Conseil d'Etat a conduit, de 1990 à 1997, une politique de la santé qui s'est caractérisée par plusieurs démarches, politiques et législatives, dont les principales sont :
a) l'élaboration et la mise en oeuvre de la législation sur l'aide et les soins à domicile ;
b) la réforme hospitalière et la mise en place des Hôpitaux universitaires de Genève ;
c) l'élaboration et la mise en place du réseau hospitalo-universitaire de la Suisse occidentale, refusé, par vote populaire, en juin 1998 ;
d) l'élaboration de la nouvelle législation et du nouveau mode de subventionnement des établissements médico-sociaux (EMS) ;
e) l'élaboration de la nouvelle législation et de la nouvelle organisation des transports sanitaires d'urgence.
Les travaux préparatoires de la planification sanitaire
Dans un premier temps, le Conseil d'Etat a chargé l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IMSP) de procéder à un bilan de santé des Genevois, fondé sur les critères retenus par l'OMS-Europe.
Sur la base des résultats de ce travail universitaire - distinguant les problèmes résolus, les problèmes en partie résolus et les problèmes à résoudre - et sur la base d'une enquête suisse sur la santé - qui montre les différences existant entre les Genevois et les Suisses -, le Conseil d'Etat a demandé au professeur P. Gilliand d'évaluer le système de santé de Genève et d'établir un avant-projet de planification sanitaire.
Les propositions du professeur P. Gilliand ont été soumises à une large consultation des différents milieux intéressés.
Enfin, le Conseil d'Etat a donné mandat, en avril 1996, à l'IMSP de concevoir et d'exprimer le projet de planification sanitaire qualitative.
Les trois piliers de la planification sanitaire
Dans toute la démarche de la planification sanitaire, le Conseil d'Etat distingue trois piliers :
a) les principes généraux de la planification sanitaire, qui définissent les axes essentiels de la politique de santé : ils ont fait l'objet d'un rapport déposé par le Conseil d'Etat en août 1997 et examiné par une commission parlementaire. Le Grand Conseil se prononcera en automne 1998 ;
b) la planification sanitaire quantitative qui, en définissant des quantités (crédits, subventions, postes, lits, journées d'hospitalisation, etc.) et en s'insérant dans la planification financière de l'Etat de Genève, détermine les moyens accordés par le canton au système de santé. La planification sanitaire quantitative fait l'objet d'un rapport déposé par le Conseil d'Etat en août 1997, examiné par une commission parlementaire. Le Grand Conseil se prononcera en automne 1998 ;
c) enfin, la planification sanitaire qualitative définit, dans le cadre des moyens accordés, les objectifs de santé à atteindre par les différents acteurs, publics et privés, du système de santé genevois. Produit par l'IMSP, le projet de planification sanitaire qualitative, publié en mars 1998, a fait l'objet d'une procédure de consultation. Sur la base des résultats de cette procédure de consultation - qui a touché 250 organismes -, le Conseil d'Etat a défini les 5 objectifs prioritaires du système de santé genevois et présente au Grand Conseil cette demande de crédit de 8 500 000 F.
La planification sanitaire qualitative 1999-2002
Le calendrier des travaux
Introduction
Le calendrier des travaux relatifs à la planification sanitaire qualitative 1999-2002 a été le suivant :
a) le mandat donné à l'IMSP (août 1996) ;
b) la publication du rapport de l'IMSP (mars 1998) ;
c) la procédure de consultation (juin 1998) ;
d) la définition des 5 priorités sanitaires (août 1998) ;
e) la demande de crédit au Grand Conseil (septembre 1998).
Le mandat donné à l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IMSP)
Par arrêté du 15 août 1996, l'Institut de médecine sociale et préventive (IMSP) de l'Université de Genève a reçu le mandat de concevoir et d'exprimer le projet de planification sanitaire qualitative du canton de Genève.
Selon ce mandat, le rapport final de l'IMSP doit identifier :
a) des problèmes prioritaires de santé, en termes de mortalité, de morbidité et de coûts sociaux et économiques ;
b) des objectifs à atteindre en terme d'amélioration de l'état de santé, des modes de vie de l'environnement, des structures, du fonctionnement et de la gestion du système sanitaire ;
c) des propositions quant aux actions nécessaires pour diminuer l'importance des problèmes identifiés ;
d) des propositions en vue d'éventuelles réorientations des structures et des modes de fonctionnement existants ;
e) la description d'un système d'information pertinent et validé, qui permettra le pilotage du système de santé, sur la base d'un nombre réduit d'indicateurs dûment validés ;
f) des propositions pour l'évaluation des actions entreprises et pour la recherche.
Le groupe d'accompagnement
Un groupe d'accompagnement des travaux de l'IMSP a été constitué. Placé sous la présidence de M. François Longchamp, secrétaire général du Département de l'action sociale et de la santé, il s'est composé de :
- Mme Maïthé Busslinger, infirmière de santé publique (services d'aide et de soins à domicile) ;
- Mme Pascale Erbeia, avocate (fédération des consommateurs) ;
- M. Laurent Exquis, économiste (direction générale de la santé publique) ;
- M. Jean-Marc Guinchard (association des médecins du canton de Genève) ;
- Dr Dominique Hausser, médecin en santé publique ;
- Dr André Prost, représentant du directeur général de l'OMS ;
- M. Robert Massard, pharmacien (association des pharmaciens).
Le rapport de l'IMSP
Le rapport de l'IMSP - qui est résumé ci-après, sous chiffre 6 - a été intégralement publié en mars 1998 sous la forme de 2 "; Cahiers de la santé ", qui ont été remis aux députés du Grand Conseil.
La procédure de consultation
Par lettre de mars 1998, le Département de l'action sociale et de la santé a ouvert la procédure de consultation en faisant parvenir le rapport de l'IMSP à 250 organismes.
Les remarques, observations et prises de position des organismes consultés ont fait l'objet d'une synthèse, établie par l'IMSP.
Les 5 priorités sanitaires et la demande de crédit
Sur la base des résultats de la procédure de consultation et suivant les recommandations de l'IMSP, le Conseil d'Etat a défini les 5 priorités sanitaires de la période 1999-2002 et a déposé devant le Grand Conseil la demande de crédit.
Le rapport de l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive
Introduction
Le rapport de l'IMSP comporte, pour l'essentiel, 3 parties principales, soit :
a) la situation sanitaire genevoise ;
b) les choix politiques possibles ;
c) la planification sanitaire qualitative.
Etant donné que ce rapport a été intégralement publié, seul un résumé - établi par l'IMSP - figure dans cet exposé des motifs.
La situation sanitaire genevoise
Les points positifs
a) l'état de santé des Genevois est globalement bon en comparaison avec les autres pays européens. Il est parmi les meilleurs en Suisse ;
b) le système de soins genevois actuel garantit une excellente prise en charge des malades. Il est accessible à l'ensemble de la population.
Les points perfectibles
a) le système de soins genevois, surdoté, est trop cher : les dépenses de soins par Genevois sont supérieures de près de 50 % à la moyenne suisse. Elles sont les plus élevées de Suisse (suivies de BS, VD et TI). Pourtant la population des autres cantons suisses n'est pas en moins bonne santé que la population genevoise. Les cotisations de l'assurance-maladie ont donc atteint un point difficilement supportable : en 1998, un tiers des habitants du canton avait besoin d'une aide de l'Etat pour répondre à l'obligation d'être assuré ;
b) le système de soins manque d'objectifs et de coordination d'ensemble : le seul but proposé à l'ensemble des professionnels de la santé comme à la population est la maîtrise des dépenses de santé. Le système de santé obéit à une logique de négociation relevant davantage de la défense des intérêts particuliers que de l'intérêt général ;
c) les réponses aux besoins de santé des Genevois sont beaucoup plus souvent curatives que préventives. Plus de 90 % des dépenses continuent d'être le fait du seul secteur curatif et institutionnel. Les stratégies curatives de santé individuelles, très coûteuses, ont primé sur les stratégies collectives de prévention ;
d) L'état de santé des Genevois peut être amélioré : de nombreux problèmes de santé ont des causes évitables (tabagisme, alcool, alimentation, sédentarité). En comparaison internationale, les cancers du poumon, les maladies cardio-vasculaires, les cancers du sein sont trop nombreux.
Les choix politiques possibles
Généralités
Selon le rapport de l'IMSP, trois choix politiques sont possibles :
a) poursuivre la politique actuelle ;
b) engager une politique de réduction des dépenses ;
c) développer une politique préventive visant à optimiser le système actuel.
La poursuite de la politique actuelle
Faute de moyens de régulation du système suffisants, on assistera à une aggravation des tendances actuelles (risque de détérioration de l'état de santé de certaines catégories de personnes comme les chômeurs, surabondance de l'offre, accroissement de la demande, augmentation de coûts, hausse des cotisations de l'assurance-maladie). A terme, on s'enfonce dans une impasse.
Une politique de réduction des dépenses
La maîtrise des dépenses de la santé est l'unique objectif de cette politique. Il s'agit d'obtenir les mêmes résultats qu'aujourd'hui en termes de santé, mais à un moindre coût. Cette politique de réduction de la consommation de soins provoque nécessairement la modification de certaines pratiques médicales et une diminution des revenus des professionnels de la santé. Une diminution des dépenses entraîne aussi une baisse des cotisations de l'assurance-maladie, mais peut avoir des effets négatifs sur l'état de santé si elle est mal organisée ou inégalitaire.
Une politique préventive visant à faire mieux avec les ressources actuelles
Cette politique, qui repose sur la prévention, cherche à concilier les avantages du système actuel (excellence des soins, accessibilité à tous), la maîtrise des coûts et l'amélioration de la santé.
Les dépenses de santé, qui sont maintenues à leur niveau actuel, sont rendues plus efficaces par la mise en place d'une politique de santé non seulement axée sur les soins, mais aussi sur la prévention et sur la promotion de la santé. En fonction d'une analyse des maladies évitables et des facteurs de risques, des domaines d'actions prioritaires sont identifiés.
Cette politique, qui suppose une modification des comportements chez les professionnels et les consommateurs, peut apporter des gains au niveau de l'état de santé de la population. On aboutit à un meilleur équilibre entre les ressources allouées à la prévention et celles allouées aux soins. Cette politique implique une amélioration de la coordination et de la synergie entre partenaires, par l'adoption d'un cadre de référence, d'objectifs et d'actions communs et d'un véritable réseau de santé.
Une politique incitative est développée tant à l'égard des particuliers qu'à l'égard des professionnels de la santé. Le pouvoir d'achat de ces derniers est globalement conservé à condition qu'ils changent leur pratique.
La planification sanitaire qualitative
Généralités
Selon le rapport de l'IMSP, quatre décisions de principe doivent être prises :
a) il faut faire mieux avec les ressources disponibles ;
b) il faut définir un plan d'action dans des domaines prioritaires ;
c) il faut engager une réforme en profondeur du système de santé ;
d) il faut engager une large concertation avec tous les acteurs concernés.
Faire mieux avec les ressources disponibles
Selon le rapport de l'IMSP, la troisième politique - qui consiste à faire mieux avec les ressources disponibles (cf. chiffre 6.3.4) - est la plus souhaitable. Elle vise à préserver les acquis du système de santé actuel (fondé sur la dignité humaine, la solidarité, la qualité des soins, l'accessibilité à tous), à maîtriser ses coûts et à améliorer l'état de santé de la population.
La conciliation de ces objectifs apparemment contradictoires ne sera possible que si l'on parvient à améliorer l'efficience du système genevois. Autrement dit, sachant que le système genevois est environ 50 % plus cher que la moyenne suisse, la marge d'amélioration de son efficience est certaine : sans augmenter le niveau global des dépenses, il doit être possible de dégager des ressources pour financer de nouvelles actions de prévention permettant d'améliorer l'état de santé de la population.
C'est l'objet de la planification qualitative de la santé, qui implique tant de dégager des domaines prioritaires d'action que de s'engager dans une réforme en profondeur du système de santé.
Définir un plan d'action dans des domaines prioritaires
Ayant répertorié les forces et les faiblesses relatives de la santé des Genevois en comparaison nationale et internationale, l'IMSP a défini treize domaines prioritaires d'action répondant aux trois grandes finalités suivantes :
a) réduire les décès et maladies évitables grâce aux connaissances scientifiques actuelles par une action ciblée sur les maladies cardio-vasculaires, le cancer du sein, le SIDA, les traumatismes non intentionnels, les douleurs du dos, la dépression et le suicide ;
b) diminuer ou éliminer certains déterminants comportements et environnementaux ayant un impact négatif sur la santé par une action ciblée sur le tabagisme, l'alcoolisme, le stress et la maltraitance ;
c) prévenir les effets de la précarisation sur la santé par une action visant à réduire les effets néfastes du chômage et de l'isolement.
Engager une réforme en profondeur du système de santé
Selon le rapport de l'IMSP, les axes principaux d'une réforme en profondeur du système de santé sont les suivants :
a) augmenter les activités de prévention et de promotion de la santé au niveau de la population par des actions tout public à travers les médias et dans des lieux spécifiques (centres d'action sociale et de santé, centres de quartier, pharmacies, écoles) et par des actions ciblées pour des personnes à risques ;
b) changer les pratiques médicales, qui devront mettre l'accent sur une approche préventive et intégrer les aspects de la santé autres que le curatif et le technologique, grâce à des incitations financières et une formation appropriée ;
c) accélérer le déplacement des activités thérapeutiques de l'hospitalier vers l'ambulatoire, dans le but, non seulement de réduire les coûts, mais surtout d'augmenter la qualité de vie des malades ;
d) améliorer l'efficience des coûts des soins - tant hospitaliers qu'ambulatoires -, de manière à attribuer les ressources ainsi dégagées aux activités de prévention et de promotion de la santé ;
e) mettre en place un système d'information adéquat et performant afin de guider le système de santé et évaluer son impact en termes d'efficacité ;
f) transformer la direction générale de la santé publique en une instance coordinatrice, responsable de veiller à la mise en oeuvre de l'ensemble du plan d'action défini dans la politique de santé.
Engager une large concertation avec tous les acteurs concernés
Pour que le canton puisse s'engager dans cette nouvelle politique, il faut que ces propositions fassent l'objet d'une large concertation avec tous les partenaires concernés : responsables politiques, décideurs, professionnels de la santé et habitants. Le dialogue autour des changements nécessaires constitue l'unique moyen de créer l'adhésion autour d'un réel projet de santé.
La procédure de consultation
La procédure de consultation
Par lettre de mars 1998, le Département de l'action sociale et de la santé a ouvert la procédure de consultation en faisant parvenir le rapport de l'IMSP à 250 organismes.
Les résultats de la procédure de consultation
La synthèse des observations recueillies au cours de la procédure de consultation - rédigée par l'IMSP - est publiée intégralement en annexe n° 1 de cet exposé des motifs.
De façon résumée, on peut dire que la consultation montre qu'une large frange des personnes et institutions concernées sont prêtes à envisager la santé selon toutes ses composantes : biologiques, comportementales, liées à l'environnement (naturel et socio-économique) et aux services de santé.
Cette attitude, à priori positive, ne va cependant pas jusqu'au souhait affirmé d'une réforme du système ni à l'acceptation de l'exercice, certes restrictif, de la sélection d'objectifs prioritaires axés sur la santé et non sur les services, qui devrait permettre, avec les moyens actuels, de fonder une véritable politique de santé.
Plus généralement, la distinction proposée entre problèmes de santé, de services et de structures et ses implications dans la réflexion sur une politique globale et rationnelle de la santé ne semble généralement pas comprise.
Si tout le monde semble s'accorder sur le fait que le scénario visant à améliorer l'adéquation et les performances du système par rapport aux problèmes, est préférable aux deux autres proposés, les réactions des professionnels, montrent clairement une inclination pour le scénario "; ne rien faire de contraignant aussi longtemps que la société est capable de payer ... ".
Enfin, à côté du manque d'enthousiasme à sélectionner des objectifs prioritaires, il faut noter, en particulier chez les personnes interrogées lors de la rédaction du rapport, qu'une priorité ne se définit pas forcément par l'importance du problème dans l'absolu, mais par rapport aux moyens qui y sont dévolus.
Ainsi, les maladies aiguës et/ou les aggravations subites d'une affection chronique bien cataloguées sont ressenties comme étant prises en charge de façon satisfaisante par les structures en place.
En revanche, les maladies chroniques au long cours, les handicaps, les affections liées au mal-être ou à la violence sociale et plus généralement les "; affections " qui pourraient plus efficacement être prévenues que "; guéries ", sont ressenties, en particulier à l'extérieur des établissements, comme sous-dotées.
Ce dernier point permet de mieux appréhender le caractère apparemment atypique de certains choix proposés par le rapport, mais il s'agit probablement de l'un des rôles majeurs de la santé publique que de repérer, avec l'aide d'interlocuteurs diversifiés, les problèmes "; orphelins ", dans le but d'attirer l'attention des professionnels et des décideurs sur les zones insuffisamment couverts par le système.
Les 5 priorités sanitaires 1999-2002
Introduction
Le Conseil d'Etat a demandé à l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive de lui proposer les 5 priorités sanitaires 1999-2002 sur la base :
a) des travaux préparatoires de la planification sanitaire (cf. chiffre 3) ;
b) de son rapport sur la planification sanitaire qualitative ;
c) des résultats de la procédure de consultation.
Figurent donc ci-après :
a) les principes et les critères retenus par l'IMSP pour définir les 5 priorités sanitaires ;
b) la liste des 5 priorités sanitaires.
Les principes et les critères retenus pour définir les 5 priorités sanitaires
Selon l'IMSP, outre le fait qu'ils ont, d'une façon ou d'une autre, été reconnus prioritaires dans le processus d'élaboration et de consultation du rapport, la sélection s'est opérée selon les principes suivants :
a) tous sauf un concernent la diminution de l'importance de problème de santé. A notre connaissance, il s'agit d'une première en Suisse. En effet, la plupart des textes similaires s'attachent d'abord à la réforme des services dans l'espoir d'aboutir finalement à une diminution de l'importance des problèmes ;
b) la problématique du carnet de santé (qui n'est pas un problème de santé, mais de structure !) a cependant été retenue pour son caractère innovateur, en particulier ses potentialités à améliorer l'information et la communication entre soignants et soignés ;
c) les activités menées en vue d'atteindre les objectifs doivent à la fois couvrir les principaux déterminants (facteurs de risques) des problèmes de santé (comportements, environnement, biologie, services de santé) puis remonter par étapes aux services destinés à les gérer (individuellement ou en réseau). On aboutit ainsi à un réseau de causes couvrant une très large palette de problèmes. Ainsi, le tabac est responsable de la plupart des cancers ORL, pulmonaires voire digestifs, en même temps qu'il est le principal facteur de risques des maladies cardio-vasculaires. On peut appliquer un raisonnement similaire aux services qui, comme les soins palliatifs couvrent un spectre très large de problèmes et dont l'utilité sera appréhendée par ce biais ;
d) certaines priorités ont été sélectionnées sur la base de la possibilité qu'elles offrent d'élaborer des modèles d'intérêt général. A titre d'exemple, le programme "; cancer du sein " a pour objectif de diminuer l'incidence des diagnostics tardifs et, par le dépistage précoce, améliorer la survie et diminuer la mortalité qui en découle. De plus, le programme comprend une évaluation interne de la qualité des prestations et une évaluation externe de son impact psychosocial et économique, mais il a aussi pour objectif secondaire d'étudier l'amélioration de la prise en charge des cas, jusque et y compris les soins palliatifs. On pourra ainsi tester un modèle reproductible de continuité des parcours thérapeutiques individuels et de coordination des services et institutions concernés ;
e) enfin, dans le cas d'un élément prioritaire pour lequel les connaissances manqueraient dans la perspective d'une action immédiate, la priorité se situerait au niveau de la recherche appliquée comme par exemple celle concernant l'infection par le VIH ou encore les facteurs de risque des cancers du sein, du pancréas, de la prostate. D'où la nécessité, relevée dans le rapport, d'un système d'information capable de permettre la planification et l'évaluation des actions entreprises.
Les priorités ont donc été retenues sur la base du caractère prioritaire des problèmes qu'elles recouvrent et sur leur capacité à générer des modèles d'action, de coordination et de développement d'un futur système de santé basé sur l'adéquation des structures et des services aux problèmes.
Les 5 priorités sanitaires 1999-2002
Les 5 priorités sanitaires 1999-2002, définies par l'IMSP et approuvées par le Conseil d'Etat, sont les suivantes :
a) diminuer l'incidence et/ou la mortalité liée aux cancers les plus susceptibles d'être prévenus, en particulier le cancer du sein, le cancer du poumon et les cancers ORL et digestifs ainsi que le mélanome :
- le cancer du sein est ciblé dans la perspective d'un programme visant à tester la continuité du processus de prise en charge, depuis le diagnostic précoce jusqu'aux soins palliatifs ;
- le cancer du poumon est à mettre en relation avec la lutte contre le tabagisme ;
- les cancers ORL et digestifs concernent le tabagisme, l'alcoolisme, la nutrition ;
- pour le mélanome, il s'agit de la mise en oeuvre au niveau cantonal du programme national de lutte contre le cancer, en cours d'élaboration par la Ligue suisse contre le cancer et l'Office fédéral de la santé publique ;
b) établir la fréquence, le contexte (précarité...) et certains facteurs de risque des problèmes relevant de la santé mentale, selon trois axes :
- stress, dépression, suicide ;
- abus de substances illégales ;
- violence, en particulier familiale et en milieu éducatif ;
c) réduire la fréquence des accidents ainsi que des traumatismes et handicaps qui en résultent :
- à domicile chez les jeunes enfants et les personnes âgées ;
- dans la circulation et les lieux de loisirs chez les adultes ;
d) contrôler et éradiquer les maladies infectieuses et lutter contre certaines agressions du milieu (allergies ...) :
- un accent particulier est à mettre sur les épidémies majeures (VIH, hépatites ...) ;
- sur les maladies contre lesquelles il est possible de lutter par la vaccination (rougeole, poliomyélite, grippe ...).
Aucun système de santé publique ne peut en effet se passer d'un système performant de surveillance et de lutte contre les maladies transmissibles, et des nuisances de l'environnement dans la période d'émergence et de réémergence que nous traversons :
e) définir les objectifs et approfondir les modalités d'implantation d'un(e) carnet/carte de santé dans la perspective d'une responsabilisation :
- des patients (empowerment) ;
- des médecins (evidence based medecine) ;
- comme outil d'information pour la surveillance des problèmes, la gestion des structures et la maîtrise des coûts.
Le budget et le financement
Introduction
A la demande du Conseil d'Etat, l'IMSP a chiffré le coût de réalisation des cinq priorités sanitaires 1999-2002.
Composé, pour chacune des priorités, de mandat quadriennal (tranche annuelle) et de programmes ponctuels de collaboration avec des institutions et organismes déjà impliqués dans les secteurs d'activités concernés, les programmes choisis sont énumérés en fonction de quatre critères non cumulatifs :
a) la contribution potentielle à l'amélioration du problème en question ;
b) la faisabilité ;
c) la cohérence par rapport à l'ensemble des problèmes abordés ;
d) la capacité à engendrer des collaborations avec l'ensemble des acteurs du système de santé.
Budget détaillé
Le budget détaillé des cinq priorités sanitaires 1999-2002, établi par l'IMSP, est le suivant :
Priorité cancers
mandat quadriennal
(tranche annuelle)
programmes ponctuels
(budget unique)
Cancers du sein
Evaluation externe du dépistage par mammographie, en collaboration avec le registre genevois des tumeurs, la Fondation genevoise pour le dépistage du cancer du sein et la Ligue genevoise contre le cancer
Suivi thérapeutique des traitements, en collaboration avec les organisations d'aide et de soins à domicile
Cancers du poumon - Cancers ORL
Soutien à l'activité en réseau alcoologie, activités CIPRET et FEGPA ; (soutien à l'activité en réseau)
Mise en oeuvre du système - expert "; tabac " (10 000 personnes)
Collaboration avec l'OMS dans le cadre de la campagne ";Objectif publicité = 0"
150 000.-
150 000.-
50 000.-
100 000.-
50 000.-
50 000.-
SOUS- TOTAL
500 000.-
50 000.-
Priorité santé mentale
mandat quadriennal
(tranche annuelle)
programmes ponctuels
(budget unique)
Stress, mal-être, dépression, suicide
Définitions, fréquence et moyens d'action dans ces domaines (revue de la littérature ; données Swiss Health Survey)
Etude locale (fréquence ; circonstances ; prise en charge )
Du cannabis à l'héroïne … ou au tabac ?
Evaluation des traitements et des modalités de prise en charge
100 000.-
150 000.-
200 000.-
25 000.-
75 000.-
SOUS - TOTAL
450 000.-
100 000.-
Priorité accidents
mandat quadriennal
(tranche annuelle)
programmes ponctuels
(budget unique)
Recueil systématique et eurocompatible des données hospitalières
Mise en place d'un réseau de prévention
Prévention de l'ostéoporose au cabinet médical
Etude épidémiologique des handicaps et des modalités de prise en charge
Formation de formateurs à la gestion de la maladie au long cours
150 000.-
75 000.-
80 000.-
150 000.-
50 000.-
SOUS - TOTAL
505 000.-
0 .-
Priorité maladies infectieuses
mandat quadriennal
(tranche annuelle)
programmes ponctuels
(budget unique)
Poursuite des études concernant la chimioprotection post-exposition VIH
Mise en place d'un réseau de surveillance épidémiologique général ; formation spécifique des intervenants (investigation d'une épidémie …)
Promotion de la couverture vaccinale contre la rougeole (objectif : 95 %)
Traitements disponibles et prise en charge des enfants allergiques
Revue exhaustive des pathogènes dans l'environnement
100 000.-
75 000.-
75 000.-
75 000.-
75 000.-
SOUS - TOTAL
175 000.-
225 000.-
Priorité Carnet de santé
mandat quadriennal
(tranche annuelle)
programmes ponctuels
(budget unique)
325 000.-
SOUS - TOTAL
0.-
325 000.-
Structures, frais de fonctionnement, personnel permanent
mandat quadriennal
(tranche annuelle)
programmes ponctuels
(budget unique)
Loyer
Frais de fonctionnement
Salaire d'un coordinateur permanent
100 000.-
100 000.-
120 000.-
TOTAL (structures, fonctionnement)
320 000.-
0.-
Récapitulatif
mandat quadriennal
(tranche annuelle)
programmes ponctuels
(budget unique)
9.2.1 Cancers
9.2.2 Santé mentale
9.2.3 Accidents
9.2.4 Maladies infectieuses
9.2.5 Carnet de santé
9.2.6 Fonctionnement
500 000.-
450 000. -
505 000. -
175 000. -
0. -
320 000. -
50 000. -
100 000. -
0. -
225 000. -
325 000. -
0. -
SOUS - TOTAL
1 950 000. -
700 000. -
TOTAL QUADRIENNAL 1999-2002
7 800 000. -
700 000. -
8 500 000. -
Conclusion
Au vu des éléments qui viennent d'être exposés, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver cette subvention qui permettra à l'IMSP de réaliser, sous l'autorité du Département de l'action sociale et de la santé et, en particulier sous l'autorité de la direction générale de la santé, la réalisation de 5 priorités sanitaires 1999-2002.
ANNEXE
UNIVERSITÉ DE GENÈVE
Institut de médecine sociale et préventive
PLANIFICATION QUALITATIVE DU
SYSTÈME DE SANTÉ GENEVOIS
Synthèse de la consultation
C. Ammon, D. Schopper, A. Rougemont
Juillet 1998
_____________________________________________________________
Centre médical universitaire - CH-1211 Genève 4
Tél. (41.22) 70.25.910 - Fax (41.22) 70.25.912
E-Mail : rougemon@cmu.unige.ch
TABLE DES MATIERES
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
1. Résultats de la consultation
1.1 Vers une médecine communautaire
1.2 La formation
1.3 La prévention
1.4 Maîtriser les coûts
1.5 Le maintien à domicile
1.6 Les Centres d'action sociale et de santé (CASS)
1.7 La maltraitance
1.8 Vieillir en bonne santé
1.9 Les personnes handicapées
1.10 Les priorités
2. Remarques
2.1 Générales
2.2 Hôpitaux universitaires de Genève
2.3 Organismes divers
conclusions et recommandations
La consultation montre qu'une large frange des personnes et institutions concernées sont prêtes à envisager la santé selon toutes ses composantes : biologiques, comportementales, liées à l'environnement (naturel et socio-économique) et aux services de santé. Cette attitude, a priori positive, ne va cependant pas jusqu'au souhait affirmé d'une réforme du système ni à l'acceptation de l'exercice, certes restrictif, de la sélection d'objectifs prioritaires axés sur la santé et non sur les services, qui devrait permettre, avec les moyens actuels, de fonder une véritable politique de santé.
Plus généralement, la distinction proposée entre problèmes de santé, de services et de structures et ses implications dans la réflexion sur une politique globale est rationnelle de la santé ne semble généralement pas comprise. En bref, si tout le monde semble s'accorder sur le fait que le scénario visant à améliorer l'adéquation et les performances du système par rapport aux problèmes, est préférable aux deux autres proposés, les réactions, en particulier des professionnels, montrent clairement une inclination pour le scénario "; ne rien faire de contraignant aussi longtemps que la société est capable de payer… "
Enfin, à côté du manque d'enthousiasme à sélectionner des objectifs prioritaires, il faut noter, en particulier chez les personnes interrogées lors de la rédaction du rapport, qu'une priorité ne se définit pas forcément par l'importance du problème dans l'absolu, mais par rapport aux moyens qui y sont dévolus.
Ainsi, les maladies aiguës et / ou les aggravations subites d'une affection chronique bien cataloguée sont ressenties comme étant prises en charge de façon satisfaisante par les structures en place. En revanche, les maladies chroniques au long cours, les handicaps, les affections liées au mal-être ou à la violence sociale et plus généralement les "; affections " qui pourraient plus efficacement être prévenues que "; guéries ", sont ressenties, en particulier à l'extérieur des établissements, comme sous dotées.
Ce dernier point permet de mieux appréhender le caractère apparemment atypique de certains choix, mais il s'agit probablement de l'un des rôles majeurs de la santé publique que de repérer, avec l'aide d'interlocuteurs diversifiés, les problèmes "; orphelins ", dans le but d'attirer l'attention des professionnels et des décideurs sur les zones insuffisamment couverts par le système.
Principes et critères sur lesquels vont s'appuyer les choix
Outre le fait qu'ils ont, d'une façon ou d'une autre, été reconnus prioritaires dans le processus d'élaboration et de consultation du rapport, la sélection des objectifs s'est opérées selon les principes suivants :
· tous sauf un concernent la diminution de l'importance de problèmes de santé. A notre connaissance, il s'agit d'une première en Suisse. En effet, la plupart des textes similaires s'attachent d'abord à la réforme des services dans l'espoir d'aboutir finalement à une diminution de l'importance des problèmes;
· la problématique du carnet de santé ( qui n'est pas un problème de santé, mais de structure !) à cependant été retenue pour son caractère innovateur, en particulier ses potentialités à améliorer l'information et la communication entre soignants et soignés;
· les activités menées en vue d'atteindre les objectifs doivent à la fois couvrir les principaux déterminants (facteurs de risques) des problèmes de santé (comportements, environnement, biologie, services de santé) puis remonter par étapes aux services destinés à les gérer (individuellement ou en réseau). On aboutit ainsi à un réseau de causes couvrant une très large palette de problèmes. Ainsi, le tabac est responsable de la plupart des cancers ORL, pulmonaires voire digestifs en même temps qu'il est le principal facteur de risques des maladies cardio-vasculaires. On peut appliquer un raisonnement similaire aux services qui, comme les soins palliatifs couvrent un spectre très large de problèmes et dont l'utilité sera appréhendée par ce biais;
· certaines priorités ont été sélectionnées sur la base de la possibilité qu'elles offrent d'élaborer des modèles d'intérêt général. A titre d'exemple, le programme "; cancer du sein " a pour objectif de diminuer l'incidence des diagnostics tardifs et, par le dépistage précoce, améliorer la survie et diminuer la mortalité qui en découle. De plus, le programme comprend une évaluation interne de la qualité des prestations et une évaluation externe de son impact psychosocial et économique. Mais il a aussi pour objectif secondaire d'étudier l'amélioration de la prise en charge des cas, jusque et y compris les soins palliatifs. On pourra ainsi tester un modèle reproductible de continuité des parcours thérapeutiques individuels et de coordination des services et institutions concernés;
· enfin, dans le cas d'un élément prioritaire pour lequel les connaissances manqueraient dans la perspective d'une action immédiate, la priorité se situerait au niveau de la recherche appliquée comme par exemple celle concernant l'infection par le VIH ou encore les facteurs de risque des cancers du sein, du pancréas, de la prostate. D'où la nécessité, relevée dans le rapport, d'un système d'information capable de permettre la planification et l'évaluation des actions entreprises.
Les objectifs prioritaires
1. Diminuer l'incidence et / ou la mortalité liée aux cancers les plus susceptibles d'être prévenus, en particulier le cancer du sein, le cancer du poumon et les cancers ORL et digestifs ainsi que le mélanome.
· le cancer du sein est ciblé dans la perspective d'un programme visant à tester la continuité du processus de prise en charge, depuis le diagnostic précoce jusqu'aux soins palliatifs;
· le cancer du poumon est à mettre en relation avec la lutte contre le tabagisme;
· les cancers ORL et digestifs concernent le tabagisme, l'alcoolisme, la nutrition;
· pour le mélanome, il s'agit de la mise en oeuvre au niveau cantonal du programme fédéral de prévention.
2. Etablir la fréquence, le contexte (précarité …) et certains facteurs de risque des problèmes relevant de la santé mentale, selon trois axes :
· stress, dépression, suicide;
· abus de substances illégales;
· violence, en particulier familiale et en milieu éducatif.
3. Réduire la fréquence des accidents ainsi que des traumatismes et handicaps qui en résultent :
· à domicile chez les jeunes enfants et le personnes âgées;
· dans la circulation et les lieux de loisir chez les adultes.
4. Contrôler et éradiquer les maladies infectieuses et lutter contre certaines agressions du milieu (allergies …) :
· un accent particulier est à mettre sur les épidémies majeures (VIH ; hépatites …):
· sur les maladies contre lesquels il est possible de lutter par la vaccination (rougeole ; poliomyélite, grippe…),
5. Définir les objectifs et approfondir les modalités d'implantation d'un(e) carnet / carte de santé dans la perspective d'une responsabilisation :
· des patients (empowerment);
· des médecins (evidence based medicine);
· comme outil d'information pour la surveillance des problèmes, la gestion des structures et la maîtrise des coûts.
1. Résultats de la consultation
Le rapport de planification qualitative du système de santé genevois a été globalement très bien reçu par les organismes consultés. Les principales raisons de cet accueil favorable sont sa clarté, son cadre théorique (les 38 buts de l'OMS), sa façon mesurée de présenter le système de santé avec ses forces, ses lacunes et ses faiblesses. Le fait qu'il explore sous forme de tour d'horizon la politique sanitaire et ses acteurs lui confère un rôle de pionnier au caractère novateur ; les deux rapports "; révèlent, sans jugement, les manques du système de santé actuel et font preuve d'une volonté de trouver les moyens d'y remédier ". Biens construits, clairs, précis ; ils donnent une vue exhaustive de la santé à Genève ; les deux volumes de planification qualitative serviront de référence et de document de travail de base. Chaque domaine d'action est accompagné de propositions concrètes d'amélioration.
Les points relevés par les auteurs ont été dans l'ensemble approuvés par les acteurs concernés dont certains travaillent déjà dans le sens suggéré. On aurait pu s'attendre à des réactions moins positives, par exemple pour les critiques formulées à l'encontre de vastes domaines comme les soins à domicile. Cela confirme que les points touchés sont d'actualité. Il est essentiel de définir des politiques sanitaires basées sur des objectifs clairs bénéficiant d'une crédibilité sociale et politique affirmée.
Une remarque concerne le titre des rapports : pour éviter toute confusion terminologique, il serait plus judicieux de parler simplement de politique sanitaire
Doc. 35 - Parti Libéral
La notion d'une planification prise sous ses deux aspects qualitatif et quantitatif, ainsi que l'ordre des démarches ont soulevé plusieurs questions de la part des organismes consultés. Ils rappellent que la logique exigerait normalement de fixer les objectifs avant de discuter des moyens nécessaires pour les atteindre, alors que c'est l'inverse qui semble avoir été fait . La nécessité de les traiter en parallèle est évidente, même si l'articulation entre ces deux concepts est délicate. "; Il s'agit maintenant d'établir une politique qui rende compte de l'intégration des deux approches " . Il est précisé que cette démarche ne devrait pas consister à pallier, au plan cantonal, aux carences de la LAMAL et de ses ordonnances d'application, sujet qui mériterait une réflexion de fond. L'Association des cliniques privées de Genève (ACPG) et l'AMG suggèrent que la planification qualitative s'aborde à un niveau plus large - fédéral et/ou intercantonal - car elle touche la santé de toute la population.
Les énoncés de principes de base de l'OMS respectent l'égalité face à la santé, soutiennent la multidisciplinarité, promeuvent un cadre de vie favorable à la santé; le concept de santé, ainsi pris au sens large, a obligé les auteurs du rapport à intégrer largement dans leur démarche la dimension sociale du problème. Forum Santé estime qu'il est judicieux d'élaborer la planification sanitaire ";à partir d'objectifs d'amélioration de la santé de la population en tenant compte des aspects physiques, psychiques, sociaux et environnementaux", ";on parle enfin vraiment de santé et plus seulement de maladie et de sa prévention ". Pourtant un consensus général sur le choix d'une approche semble impossible, car certains souhaitent une vision holistique large de l'état de santé (corps, esprit, âme) et jugent qu'il est "; pertinent de mettre en évidence les conséquences sur la santé de certains problèmes sociaux comme le chômage et l'isolement", alors que d'autres préfèrent que la santé reste strictement l'affaire de ses acteurs et que la dimension sociale en soit exclue. Dans l'ensemble la nécessité d'intégrer les facteurs de risque individuel et les problèmes liés aux facteurs socio-économiques, de mettre spécifiquement l'accent sur la perception de l'état de santé, les déterminants comportementaux, les conditions socio-économiques ont été très bien accueillis et largement encouragés, d'autant plus que la répercussion de l'augmentation du chômage sur les coûts de la santé est rarement évoquée et chiffrée. L'AMG rappelle que Genève dispose d'un système de soins adapté à la médecine de pointe mais il s'avère incapable d'apporter des réponses adéquates à certains problèmes sanitaires :";de nombreux problèmes de santé demeurent et ne semblent pas avoir trouvé ni de réponses ni d'amélioration (…) nos problèmes sont ceux d'un pays riche".
La consultation fait ressortir le manque de chiffres genevois. Ces derniers mettraient mieux en évidence les dysfonctionnements de notre système sanitaire. ";Une plus grande cohérence du système (avec) un renforcement de la collaboration " interprofessionnelle est souhaitée. Les personnes consultées souhaitent y remédier d'une part au moyen d'une redéfinition des rapports qui existent entre les acteurs de la santé (clients, professionnels, services), d'autre part à travers la promotion d'une véritable complémentarité entre médecine publique et privée. Le manque de coordination existant entre les acteurs du système de santé et les différents fournisseurs de prestations doit être résolu afin de permettre une "; prise en charge optimale du patient ". Le lien entre certaines lacunes du système et les problèmes de santé relevés "; peut être dû à l'absence de système d'information fiable " (comme le déplorait déjà le rapport Gilliand). Une lacune qui pourrait être comblée par l'introduction d'un observatoire de la santé avec un rôle d'arbitre et qui représenterait une "; plate-forme entre les instances politiques et sanitaires décisionnelles et les responsables de projets proches du terrain (…), une référence commune qui pourrait jouer un rôle fédérateur " ; l'interface indispensable à la bonne marche de projets. Le rôle clé de l'observatoire sanitaire est de centraliser l'information pour promouvoir une collaboration effective entre les différents acteurs. Pour la Fédération genevoise des caisses maladies, il est "; primordial que le canton de Genève mette en oeuvre l'élaboration d'un tel système ". A ce propos, la DGSP rappelle "; avoir des compétences pour remplir des fonctions de planification, de supervision des moyens financiers engagés et d'évaluation des résultats attendus, notamment en collaborant à la mise en oeuvre d'un système d'information sanitaire ". La Fédération des services privés d'aide et de soins à domicile (FSAD) approuve l'instauration d'un système d'information pertinent et valide, mais souhaite aller au-delà et résoudre l'obstacle de la multiplicité des organisations qui dirigent les acteurs du système et participent à la transmission de l'information, en suggérant une responsabilisation à ce niveau également (par l'introduction de méthodes formalisées d'évaluation et de certification). Toutefois, le Parti Radical s'oppose à la création d'un forum sur la santé qu'il considère sans avenir de crainte de voir mélanger des chiffres incomplets (donc erronés) ou complets mais surannés ; et surtout de voir diluer la responsabilité du Conseil d'Etat sur la politique de santé.
L'introduction du carnet de santé est formellement approuvée par 6 répondants (l'un d'entre eux suggérant qu'il soit mis en oeuvre selon la formule du carnet de maternité). La définition des responsabilités en matière de tenue du carnet reste à faire avec précision, de même que ses objectifs: est-ce qu'il doit être un instrument de réduction des coûts (ce qui ne paraît pas évident à la lumière des expériences actuellement disponibles) ou bien doit-il permettre d'améliorer l'accès du patient à son dossier. Il est jugé important que le carnet reste contrôlable par le patient lui-même, l'accent est mis sur les questions relatives à la confidentialité.
Le numerus clausus n'a remporté aucun succès. Pour le Parti Radical, il n'est pas une solution en soi. Il heurte le principe de l'égalité devant les études. L'effort politique doit porter sur une réduction du nombre des lieux de formation des médecins et non sur l'entrée en Faculté de médecine. Quant à la clause du besoin, ce parti la soutient mais souhaite qu'elle fasse l'objet d'une étude plus approfondie. Certains pensent que le numerus clausus et la clause du besoin relèvent d'une démarche de planification quantitative et nécessitent une réflexion de fond. L'Association des médecins-dentistes rejette toute mesure limitative (clause du besoin, numerus clausus) puisque le nombre de dentistes praticiens est stable depuis plusieurs années, voire en diminution.
1.1 Vers une médecine communautaire
L'approche communautaire est approuvée par la majorité des organismes consultés. Sa mise en pratique a soulevé remarques et suggestions. Le passage de la réalité existante à l'approche communautaire souhaitée n'est pas suffisamment clairement explicité pour être réaliste. Le rôle de chaque acteur et de tous les fournisseurs de prestations est à définir très clairement. Ainsi que la mission de l'HUG, car outre la médecine universitaire de pointe et son rôle d'hôpital général, il assure aussi la formation des médecins dans une perspective de médecine communautaire tant hospitalière qu'ambulatoire.
Le partenariat entre les structures publiques et privées est devenu indispensable pour promouvoir une meilleure utilisation des infrastructures existantes. Le Bon Secours suggère "; un déplacement des acteurs (professionnels) de la santé aux usagers, et à la collectivité ". Une approche globale pourrait avoir pour objectif d'identifier "; une série de projets modèles avec une analyse pointue de la pertinence des interventions (Evidence based medicine) et de la qualité des prestations. Diverses mesures incitatives devraient pousser des services médicaux (…) spécialisés à intervenir sur le terrain de la médecine communautaire ". La médecine communautaire ne relève pas uniquement de la médecine de premier recours, des soins de bases ou du soutien psychosocial. Son développement doit se faire en harmonie avec la médecine privée. Il est essentiel que la médecine spécialisée s'intègre à l'action communautaire. L'AMG propose de pallier à la pléthore médicale en ouvrant l'hôpital aux praticiens de ville pour leur permettre "; d'exercer leur art au bénéfice des patients et des formés ". L'adaptation pratique de l'organisation actuelle du terrain au système communautaire n'est pas explicite (par exemple en ce qui concerne le rôle de l'Hôpital cantonal, les articulations avec la LAMal, les suréquipements médicaux ou le nombre de médecins), de même que l'utilisation des compétences réelles existantes. La réalisation du concept de médecine communautaire ne doit pas correspondre à un dédoublement des structures existantes, mais soutenir les stratégies qui placent le patient au centre du système. Le PDC approuve la vision de la santé ";qui place le patient potentiel au centre de l'action sanitaire, dans une perspective dynamique et responsable". Les nouvelles formes de prises en charge impliquent la responsabilité du client avec le développement d'un nouvel esprit de solidarité communautaire. La responsabilisation est liée au "; sentiment d'avoir la capacité d'agir sur son environnement et son propre destin (…) un élément clé de la santé physique et mentale ". Le Département de santé et médecine communautaire se trouve idéalement placé pour jouer un rôle important dans la planification et l'évaluation de certaines actions proposées dans le rapport.
1.2 La formation
La formation des médecins doit inclure plus largement les mesures de prévention et la promotion de la santé, l'écoute et le dialogue avec les patients. Toutefois, la formation du corps médical, l'interaction entre des actions communautaires et l'enseignement des facultés de médecine, et plus encore le rôle de l'université sont appréhendés de manière diffuse dans les réponses des organismes consultés. Ce domaine doit être approfondi et étudié sérieusement, et pour certains ";l'oubli systématique des facultés de médecine dans ce rapport est paradoxal ".
Les HUG estiment devoir "; assurer la formation des médecins qui, pour une part importante d'entre eux, travailleront ensuite, dans leur pratique libérale en qualité de médecin de premier recours ". D'autant plus que ce rôle de formateur s'exerce également pour d'autres professions soignantes.
Le rectorat de l'Université de Genève souligne également "; l'absence de toute mention de la faculté de médecine dans le cadre du système préconisé, quand bien même le rôle de cette dernière (en matière de formation des médecins notamment) est prépondérant". Concernant la prévention, "; les facultés de médecine devraient davantage tenir compte de ce volet dans leur "; offre " d'enseignement et de recherche ". Sur une même ligne, les objectifs spécifiques touchant aux changements de pratiques médicales et suggérant le transfert de l'hospitalier vers l'ambulatoire ne tiennent pas compte de leurs incidences au sein de la faculté de médecine. De plus, le "; temps de réaction des facultés de médecine pour assurer la formation d'une nouvelle génération de médecins ou le recyclage des praticiens à l'approche préventive " n'a pas été considéré. Dans sa conclusion, le rectorat rappelle que "; l'oubli systématique des facultés de médecine dans le rapport peut paraître paradoxal, au moment où les études de médecine prennent en compte de façon accrue, notamment dans le cadre de la réforme de l'enseignement le volet psychosocial de la formation des médecins (…), l'apprentissage par problèmes qui (…) intègre plus rapidement le volet prévention dans la formation des médecins ".
Le Parti Libéral insiste sur "; une formation et une éducation basées sur la confiance en l'individu et en sa capacité d'agir sur son propre destin et sur sa santé".
1.3 La prévention
La principale qualité dont est crédité le rapport réside dans la place prépondérante qu'il accorde à la prévention, à la promotion de la santé, à l'information et à la responsabilisation des individus et du public. La Commune de Cartigny constate avec satisfaction qu'on "; veut se pencher enfin sérieusement et avec détermination sur les mesures préventives ". Le texte insiste sur le rôle primordial de la prévention des maladies et sur le fait que chaque objectif est lié à cet aspect de la politique sanitaire et sociale. La continuité doit maintenant être envisagée entre les interventions de nature préventive et curative. Le manque d'efforts convergeant sur une coordination des activités de prévention est généralement souligné. La société doit s'attaquer aux causes mêmes des maladies psychosociales avant l'apparition de la pathologie et des symptômes. Le contrat social souhaité place la santé dans un système très large impliquant plusieurs départements, un état d'esprit qui reflète surtout la tendance générale actuelle des personnes consultées qui n'appartiennent pas toujours directement au milieu médical ou aux professions de santé.
La prévention s'exerce à deux niveaux : individuel et collectif. Les actions déjà existantes utiles et appréciées en dehors de grands thèmes déjà traités (mélanome malin, vaccination contre la grippe…) doivent être prises en compte. L'exemple valaisan est cité où 80% des crédits disponibles sont affectés à des priorités bien définies et 20% à des actions relevant de thèmes d'actualité. Le Bon Secours propose de "; développer des réseaux sociaux de proximité (…) de créer des programmes d'information à la population, aux patients (permanence téléphonique, permanence de soutien). Il est suggéré que les travailleurs sociaux prennent le relais en matière de promotion et d'éducation pour la santé. L'AMG souligne qu'il n'a pas été tenu suffisamment compte du travail quotidien de prévention mis en oeuvre dans le cadre des cabinets médicaux, notamment la "; sensibilisation aux nuisances du tabac, de l'alcool, et au changement de mode de vie ". Le Parti Libéral rappelle qu'à "; peu de frais et depuis longtemps, les médecins traitants, dans leurs cabinets, font de la médecine environnementale et préventive, de la promotion de la santé ". Il faut davantage valoriser le travail des professionnels privés en termes de prévention et de médecine de l'environnement et insister sur les dangers de l'automédication et de l'autodiagnostic.
Il faut cependant à préciser qu'il existe une certaine contradiction entre cette position de principe et le fait reconnu que, jusqu'à une époque récente, ni la formation ni les conditions de la pratique médicale ne permettaient aux praticiens de jouer leur rôle dans la prévention et la promotion de la santé autrement qu'en "; dispensateurs de bonnes paroles ", activité dont l'efficacité n'est documentée par aucune évaluation sérieuse. La prise de conscience de ce rôle à l'avenir est donc réjouissante mais elle implique, de la part des intéressés, une volonté clairement affirmée de professionnaliser ce genre d'approche dans leur pratique quotidienne (n.d.r.)
Enfin, il faut s'attacher à éviter de médicaliser des problèmes qui revêtent un caractère essentiellement social. La Croix-Rouge relève le manque d'évaluations qualitatives et quantitatives des messages de prévention et souhaite que soient menées des études permettant d'évaluer l'impact de ces derniers sur les comportements de la population (styles de vie). Les services de la Croix-Rouge agissent dans le domaine de la promotion de la santé dans une perspective communautaire, ";en jouant sur la mobilisation des ressources de l'entourage, en stimulant l'entraide et la solidarité dans la population " à travers de multiples activités (les cours et les services de garde notamment).
Enfin, le coût de la prévention est un souci fréquemment exprimé. Il apparaît clairement que la prévention ne doit pas être conçue de manière à augmenter encore le niveau de prise en charges médicale. La capacité des institutions à faire face aux frais induits par l'intensification des mesures préventives est mise en doute. Bien que le coût de la médecine préventive soit difficile à estimer, des solutions axées sur une maîtrise des coûts plus immédiate sont à favoriser, car les effets de la prévention se font sentir à moyen et à long terme. La population doit être impliquée très tôt "; dans la préservation de son état de santé, déjà au stade de son éducation, par le biais d'un enseignement ciblé sur les mesures essentielles et la mise sur pied d'un catalogue de prestations de prévention ". "; L'éducation des enfants et des adolescents aux premiers recours " est également suggérée. La Croix-Rouge souhaite que ses cours et "; groupes de paroles " soient au moins partiellement pris en charge par la LAMal, leur efficacité en terme de prévention étant indiscutable. La Fédération des Syndicats Patronaux ajoute que les mesures préventives doivent s'accompagner d'actions incitatives pour optimiser l'impact positif escompté sur la consommation de soins.
1.4 Maîtriser les coûts
Le financement de la santé reste une préoccupation essentielle. Une vision trop idéaliste de la santé est reprochée aux deux rapports car le financement des actions concrètes n'y est pas abordé. Il est vrai que la question des moyens financiers nécessaires à la transition vers une médecine communautaire n'est pas spécifiquement détaillée. L'absence de toute référence aux économies d'échelle et aux gains de productivité est déplorée "; nul mot n'est dit sur le coût et le financement de ces actions ". En exemple, on peut citer l'estimation de l'économie réalisée en coût direct par la prévention des infections nosocomiales au sein des HUG est chiffrée à environ 28 millions de francs par année.
La Fédération des Syndicats Patronaux suggère de fixer une enveloppe globale dans un souci de rationalisation et de prévisibilité de coûts, elle propose une harmonisation des tarifs des praticiens pour relativiser les disparités cantonales, une concertation financière entre le canton et l'OFAS, la formulation de règles précises pour la chirurgie ambulatoire. L'évolution technologique a favorisé la plus large diffusion de matériel sophistiqué, "; l'ambulatoire permet de traiter en un temps beaucoup plus bref des affections qui nécessitaient auparavant une hospitalisation ". Par exemple, les soins ambulatoires pourraient être formulés en lien avec la LAMal pour un remboursement plus restrictif des soins de confort et le catalogue des prestations freiné (ou son extension réservée). Pour minimiser le risque de voir les subventions publiques compenser les impayés des caisses-maladie, la nouvelle tarification devra se baser sur un modèle de comptabilité analytique. Plusieurs organismes consultés recommandent spécifiquement la comptabilité analytique comme base de discussion avec une transparence complète. Toutefois, il est clair que les débats doivent s'élargir pour ne pas porter uniquement sur le devenir de l'assurance-maladie. Elles ont "; la charge de s'assurer de l'économicité et de l'adéquation des soins prodigués à leurs assurés. Ceci entraîne une obligation de justification de la part du thérapeute "; qui rompt l'intimité de la relation soignant-soigné. L'introduction du tiers payant ou du tiers solvant aggraverait ce fait ". Pour une maîtrise des coûts, le Parti Radical approuve le regroupement des cabinets médicaux avec une révision du système de rémunération. Mais on touche ici au principe de la libre entreprise et le rôle de l'Etat dans cette démarche n'est qu'accessoire. D'ailleurs, la Fédération suisse des physiothérapeutes n'envisage pas de réduction drastique des coûts concomitante à une amélioration de la qualité des prestations offertes, puisque "; la qualité des soins prodigués reste toujours étroitement liée à une rémunération des prestations concernées ".
Le PDC suggère l'ajustement de la franchise en fonction du revenu puisque la responsabilisation financière de l'assuré est augmentée avec un impact réel sur les primes, d'autres favorisent une cotisation en fonction du revenu. Le rôle des assurances-maladie dans la mécanique des coûts ne ressort pas suffisamment. La Fédération des Syndicats Patronaux suggère "; la prise en compte, dans la détermination du revenu imposable, d'une déduction appropriée pour les contribuables qui participent au maintien à domicile de l'un de leurs proches, et l'affectation du centime additionnel supplémentaire au seul développement des soins à domicile plutôt qu'à leurs structures administratives ". La rémunération des prestations utilisera les règles de l'économie d'entreprise, car la délégation et la sous-traitance engendrent des économies. Pour le Parti Radical, la révision du système de rémunération ne peut être soutenue qu'avec des études complémentaires. Car "; le médecin n'a de contrat qu'avec son patient et pas avec l'assurance de celui-ci. Toute modification des rapports financiers change aussi le rapport médecin-patient ".
Enfin, l'aspect financier de toutes mesures de prévention et d'information est très important puisqu'elles ne sont jamais à la charge des assureurs (avec quelques exceptions selon l'AMG). On relève souvent qu'une partie de la population est disposée à assumer partiellement le coût des soins comme le montre le recours aux médecines parallèles à la charge des patients ou à une assurance complémentaire.
1.5 Le maintien à domicile
L'aide et les soins à domicile (ASD) relèvent de deux objectifs complémentaires distincts: la prévention des risques d'engrenage de la dépendance et l'amélioration de la qualité de vie. La problématique de l'ASD est résumée par la Fédération des Syndicats Patronaux (déjà exprimée dans la cadre d'une autre consultation), à savoir : "; alourdissement notable de la structure administrative ; mauvaise répartition des tâches entre les infirmières et les aides ménagères, carence importante au niveau de la facturation, nombre significatif de factures jamais envoyées ou réglées ; insuffisance dans l'évaluation des prestations devant être offertes à domicile, mauvaise implantation des centres, utilisation inadéquate des locaux, anomalies dans la gestion des horaires du personnel nuisant à la maîtrise des coûts ". Le développement de l'ASD a créé un besoin supplémentaire et instauré une augmentation du coût global alors qu'un allégement était attendu. En amont de l'amélioration de la coordination et de la cohérence de l'ASD avec un système information pertinent et valide, la multiplicité des organisations qui dirigent les différents acteurs du système peut poser un réel problème et faire obstacle à une cohérence optimale du réseau.
Selon le Parti Radical, les soins à domicile "; ont actuellement un coût trop élevé. Leur rationalisation tout en préservant les besoins du public est l'axe politique à soutenir ". Côté financier, les prestations d'ASD restent limitées par la LAMAL et la prise en charge de l'OCPA. Par ailleurs, on manque d'une structure souple pour seconder et soutenir les familles en charge de personnes âgées atteintes de maladies psycho-gériatriques (par exemple un service de gouvernantes à domicile). De plus, la politique et les besoins dans les services à domicile doivent être globalement évalués.
L'ASD est placée à la limite du sanitaire et du social, comme le confirme une récente étude auprès de la clientèle des plus de 80 ans. Des signes d'instabilité sont fréquemment relevés chez les clients de l'ASD, comme état de mal-être signalant l'entrée dans le cercle vicieux de la fragilité. L'ensemble des problèmes liés aux abus de substances psychotropes (alcool, tabac, médicaments et/ou drogues) sont des réactions à des frustrations engendrées par d'autres phénomènes psychologiques, économiques ou sociaux. Les acteurs sur le terrain agissent aussi bien au niveau de la prévention par des appuis éducatifs aux familles en difficulté, que par l'accompagnement de personnes dépendantes. L'observation leur permet de détecter les premiers actes de négligence et le dépistage de la maltraitance en entrant dans les foyers ("; mettre le pied dans la porte "). Les professionnels de l'ASD précisent que les effets de l'isolement et de l'exclusion accompagnant le phénomène du vieillissement de la population touchent aussi bien les individus jeunes atteints dans leur santé physique et psychique que les familles "; à problèmes multiples " vivant des situations d'extrême fragilité.
La physiothérapie est une composante indispensable de l'organisation du système de santé, notamment par le biais des prestations des soins à domicile et de l'hospitalisation à domicile.
Le Bon Secours souhaite une rationalisation des soins à domicile avec une évaluation globale de la politique et des besoins ; de la souplesse dans l'offre de soins, la mise à contribution des soignants naturels en relation avec les professionnels de la santé. Les "; soins ambulatoires publics, les unités transitoires, hospitalisations de jour, "; groupes de parole ", self help " sont à développer.
1.6 Les Centres d'action sociale et de santé (CASS)
Les CASS par leur proximité peuvent répondre avec pertinence aux besoins de la population. C'est le premier exemple d'une vision globale de la santé, mais la coordination entre les multiples intervenants professionnels des CASS doit être attentivement suivie. L'employeur unique pose problème quant à sa maîtrise de l'ensemble des domaines sanitaires et sociaux. Une prise en charge "; plus adaptée et précoce " avec un guichet unique renforce cette perception globale. L'idée d'y créer des groupes de soutien à l'intention des patients et de leurs proches est retenue par la FSAD dont les collaboratrices pourraient constituer le relais sur le terrain. La Croix-Rouge juge impératif d'être partenaire des CASS pour répondre au mieux aux besoins de la population. Les équipes de volontaires auront matière à s'impliquer. Enfin, les lieux d'activités communautaires ne doivent pas être constitués en fonction des classes d'âges, mais de critères socioprofessionnels ou socioculturels. Le PDC approuve le concept du CASS avec le regroupement de l'aide par sa perception plus globale et sa proximité pour répondre aux besoins de la population. L'Hospice Général précise les axes de mission des CASS : les activités d'accueil, d'orientation et d'accompagnement ; la coordination entre tous les services présents ; la détection des besoins des clients, les actions d'informations et/ou de prévention au sein des quartiers par des actions communautaires, la mise sur pied de certaines formations jointes qui regrouperaient les professionnels du social et du domaine médical. Quant à l'accès aux CASS, une ligne téléphonique opérationnelle 24h/24 et 7jours/7 est jugée indispensable. La FSAD rappelle que les difficultés liées à leur organisation interne ne peuvent se résoudre que par un engagement résolu de l'autorité politique, puisque l'appui des communes notamment pour les questions d'infrastructure est encore insatisfaisant.
1.7 La maltraitance
La question de la maltraitance est reprise par de nombreuses personnes consultées. La lutte ";doit se mener sur plusieurs fronts : sensibiliser la population, détecter les situations problématiques, offrir de l'aide aux victimes ". Les collaboratrices de la FSAD interviennent au niveau du dépistage par les positions d'observatrices privilégiées de la vie familiale. Plusieurs propositions concrètes sont formulées. Le Bon Secours souhaite que le problème soit connu de la population et traité à sa source, "; les normes sociales doivent condamner la violence et les personnes victimes de violences,(…) leurs proches qui doivent être pris en charge ". L'Hospice Général demande qu'un effort soit porté sur l'évaluation des possibilités de récupération des compétences parentales dans les familles maltraitantes. Il rappelle également que les centres d'accueil ouverts 24h/24 sont occupés à 100% et ne peuvent faire face aux urgences. La création d'un lieu d'écoute destiné aux parents maltraitants pourrait être envisagée. La formation des professionnels du social pour détecter les violences le plus tôt possible dans le cadre de l'institut d'études sociales ou par la formation continue est suggérée. Concernant la violence envers les personnes âgées, l'Association des pensionnaires des établissements pour personnes âgées et de leurs familles (APAF) rappelle qu'elle tient une permanence deux fois par semaine et sollicite une aide financière pour développer cette action qui répond à un besoin. La création d'un organisme indépendant composé d'une palette de professionnels permettrait de donner une suite rapide aux plaintes.
1.8 Vieillir en bonne santé
Le choix est d'encourager "; une participation pleine et active des personnes âgées à la vie de la communauté, (de) prolonger la durée de vie en bonne santé par une modification du mode de vie et la création d'environnements favorables, (d')offrir aux personnes âgées les services et l'assistance dont elles ont besoin ; (…) soutenir les liens familiaux et notamment entre les générations ". Dans les EMS, l'alimentation et l'hydratation permet de connaître le degré de satisfaction des pensionnaires (notamment la qualité de la nourriture offerte, sa présentation, et les horaires des repas). Actuellement ces points laissent à désirer. Le manque d'exercice physique et d'aide à la marche est fréquent, il augmente le risque de chute. La rééducation est souvent négligée, voire inexistante, et les traitements thérapeutiques très rares. Le principe de la liste d'inscription dans les EMS pourrait être supprimé car il est générateur de pressions. Le problème de l'attente et du traitement des personnes en attente de placement se pose pour la clinique de Joli-Mont (mais pas à Montana). De plus, une vieillesse en bonne santé se prépare déjà avant la retraite.
1.9 Les personnes handicapées
Une personne handicapée n'est pas un malade et cette confusion est trop fréquente. Ses droits et devoirs sont identiques à ceux de toute personne entrant dans le système de soins. Le Parti Radical favorise des attitudes positives à l'égard des personnes handicapées dans la société, suggère de créer "; des environnements non invalidants, de favoriser une existence autonome par la réadaptation et le soutien social, d'offrir des services et un soutien approprié aux personnes qui n'ont pas la capacité fonctionnelle de rester indépendantes ainsi qu'à leur famille et d'autres personnes dispensant des soins ". Les personnes handicapées devraient faire l'objet d'un document spécifique et à part entière en tant que problème de société dans sa globalité et garantir leur sortie du système sanitaire vers une vision beaucoup plus large. L'omission de citer le Centre d'Intégration Professionnelle (CIP) qui s'occupe de la réinsertion professionnelle de 500 personnes handicapées par année confirme le "; manque de coordination réelle entre toutes les institutions s'occupant du problème de handicap". Les personnes handicapées mentales sont de moins en moins intégrables dans le monde du travail en raison de l'augmentation constante des exigences de performance professionnelle. Les ateliers d'occupation sont constamment à la recherche d'activités qui réclament une main oeuvre non qualifiée pour des tâches simples. Les faire connaître est donc très important. Le vieillissement des handicapés mentaux est une préoccupation à laquelle on peut répondre par des améliorations rapides, car seul un groupe restreint de personnes est touché.
L'Association des médecins dentistes signale réactualiser sa liste des cabinets dentaires accessibles pour les personnes handicapées.
1.10 Les priorités
Le choix des priorités relève d'un exercice délicat, auquel seule une petite moitié des répondants ont pris part. Il est précisé, avec raison, que la totalité des actions doit être développée dans un concept de médecine globale. Les raisons en sont multiples : les priorités retenues "; font appel à une action concertée exigeant une mobilisation qui dépasse le cadre des professionnels de la santé pour atteindre une amélioration non seulement en termes de durée de survie, mais également de qualité de vie ". Certains préfèrent ne pas choisir de peur d'éliminer ainsi les actions non prioritaires de la liste proposée, considérant que toutes sont importantes. Un autre interlocuteur place la priorité absolue dans la prévention et la promotion de la santé, mais "; préfère laisser aux compétences des professionnels " le classement des priorités. De plus, "; la liste des priorités est susceptible de changer à chaque consultation et ne peut servir de base solide à une politique de santé ". Pour des raisons qu'elle considère d'ordre éthique, l'AMG se déclare dans l'impossibilité de déterminer des choix. Une autre réponse fait état de l'impossibilité de désigner cinq priorités, car "; la majorité relève de problèmes psychiques et sociaux ". De plus, certains thèmes prioritaires loin d'être univoques "; constituent comme celui de la santé mentale, un ensemble de concepts liés entre eux par des rapports complexes (violence familiales, alcoolisme, dépendance, stress, etc.)".
Nous concluons avec la quarantaine d'organismes et/ou personnes qui ont répondu à la consultation qu'une politique de santé ne peut pas se résumer à un choix dans une liste de priorités de santé. Dans ces conditions, il est uniquement possible de rappeler les axes prioritaires choisis avec les priorités relatives qui ont été les plus fréquemment mentionnées par ceux qui ont répondu :
· éviter toutes les maladies, souffrances et décès évitables : dépression, maladies cardio-vasculaires, maladies chroniques;
· modifier ou éliminer certains déterminants comportementaux : tabagisme, alcoolisme, maltraitance;
· prévenir les effets de la précarisation sur la santé : santé mentale, chômage, violence et maltraitance.
Ces axes s'ajoutent aux points développés plus longuement par les organismes consultés :
· vers une médecine communautaire;
· aide et soins à domicile;
· vieillissement en bonne santé;
· personnes handicapées.
2. Remarques
2.1 Générales
· la fin du monopole de l'Etat, devenu un acteur comme les autres, sur le système ne ressort pas clairement;
· la définition de la santé inclut le travail comme valeur sociale. Il serait moins limitatif de parler d'occupation et de structuration de son temps pour une activité à laquelle l'individu attribue un sens;
· les objectifs visent le court terme, alors que les problèmes de santé doivent être traités sur des visions à long terme;
· le manque d'explications sur les raisons de l'omission de certains buts et le différent chiffrage des objectifs ont été relevés;
· quelques concepts clés (institution, aspects qualitatifs d'un système de santé, qualité des soins) pourraient faire l'objet d'une définition;
· dans le chapitre sur l'éthique, les signes de rationnement présents dans toute l'Europe n'apparaissent pas clairement, alors que Genève n'a pas le privilège d'être épargnée;
· il est paradoxal d'affirmer que l'état de santé des Genevois est globalement bon, alors que plus d'un tiers de la population affirme être en mauvaise santé psychique;
· le manque de concertation avec la région (surtout avec le canton de Vaud) est déploré, notamment dans l'harmonisation avec certains buts des Nouvelles Orientations de la Politique Sanitaire (NOPS) ("; renforcement de la promotion de la santé et de la prévention des maladies, réalisation des programmes d'économies décidés par le Conseil d'Etat, adaptation de l'offre hospitalière et d'hébergement aux besoins de la population, transfert des ressources des modes de prises en charge les plus coûteux vers les pratiques les plus économiques, (…) intégration meilleure des praticiens dans le système de santé, ouvrir à la pratique ambulatoire privée la possibilité de s'associer à des réseaux de soins, (…) de contribuer aux développement des filières de soins"). L'exemple vaudois est également cité pour ses interfaces équilibrés entre les secteurs public et privé, l'ambulatoire et l'hospitalier grâce aux contrats de prestation;
· les associations de patients et d'assurés n'ont pas été suffisamment consultées en tant que représentants des utilisateurs. Une extension du rapport dans ce but est souhaitée pour connaître leur avis notamment sur la qualité des prises en charges, des soins, leur perception du système actuel, ainsi que le droit des patients. Une rationalisation des interventions de prestations améliorerait l'efficacité des soins tout en augmentant la relation de confiance avec les usagers.
2.2 Hôpitaux universitaires de Genève
· des recherches sur l'utilisation par la population de défibrillateurs semi-automatiques, et des campagnes d'information spécifiques sur l'infarctus du myocarde n'ont pas été prises en compte;
· les maladies chroniques que sont les allergies et qui touchent 12-15% de la population genevoise ont été ignorées ( n'ont pas été citées par les personnes consultées et n'apparaissent pas dans les chiffres disponibles ; n.d.r.);
· la prévention dans le domaine des maladies congénitales n'est pas évoquée;
· la maladie thromboembolique veineuse n‘est pas mentionnée alors qu'elle constitue la 3ème cause de mortalité cardio-vasculaire;
· l'ostéoporose ne figure pas dans la liste des affections dont la prévention est prioritaire, alors que le risque de fracture ostéoporotique est de 40% pour une femme de 50 ans pour le reste de son existence ; l'ostéoporose, cause d'une morbidité et d'un handicap durables, est aisément dépistable et peut être efficacement prévenue ( une lettre de la DGSP en date du 23 novembre 1992, confie aux auteurs de cette remarque la mise sur pied d'un programme de prévention de l'ostéoporose en collaboration avec la division d'épidémiologie clinique des HUG et le service compétent à Lausanne …n.d.r.);
· l'hépatite C a été rangée de manière inappropriée parmi les maladies sexuellement transmissibles. Cette pathologie qui touche 1% de la population doit être prise en compte de manière beaucoup plus complète. Notamment son dépistage puisque la prévalence réelle de l'infection est mal connue et que 30% des personnes infectées l'ignorent. Sa prévention passe par une extension de la politique d'utilisation systématique de matériel à usage unique pour un certain nombre d'actes médicaux;
· les infections des voies respiratoires ne sont pas spécifiquement mentionnées; alors qu'elles figurent au premier rang des consultations, arrêts de travail, et prescriptions, avec des conséquences économiques importantes pour ces maladies considérées comme banales;
· le Centre antituberculeux n'est pas signalé, ni les explications données "; sur la ventilation à domicile qui présente une technologie plus complexe et illustrant mieux l'intervention d'une médecine spécialisée dans la communauté ". L'oxygénothérapie (150 appareils respiratoires) et les explications sur la ventilation pourraient figurer dans les interventions à domicile
Doc. 18 - HUG, Div. de Pneumologie
· la situation bucco-dentaire : le manque de soins d'hygiène dentaire dans certains EMS est confirmé par l'APAF et l'Association des médecins-dentistes. Tous deux travaillent activement pour y remédier. Quelques imprécisions sont relevées à la page 95 du rapport 2 : l'OCPA fonctionne comme tiers-payant, fluoration remplace fluorisation.
2.3 Organismes divers
· la Croix-Rouge rappelle que toutes ses activités sont axées vers la promotion de la santé et la prévention (en dehors des soins données par les infirmières à domicile) mais n'apparaît pas sous cette forme dans le rapport, il s'agit là du "; reflet d'une image "; santé " collée depuis longtemps au SASCOM" (ce service quittera la Croix-Rouge à la fin de l'année pour rejoindre la Fondation des services à domicile);
· les (im)migrants sont pratiquement absents des rapports alors qu'ils sont nombreux à Genève. Plusieurs services de la Croix-Rouge s'occupent activement entre autres des réfugiés statutaires
Doc. 30 - Croix-Rouge
· l'Association des chiropraticiens du canton de Genève trouve inimaginable que les douleurs de dos n'aient pas été assimilées à des troubles fonctionnels avec causalité multiple et considérées dans une prise en charge globale du patient avec ses dimensions biologiques, psychologiques et sociales. Le traitement et la prévention secondaire forment de concert la réelle prise en charge avec des stratégies diverses comme le choix d'activité, de détente, de repos, etc. élaborée en tenant compte de la personnalité, des besoins, des exigences professionnelles, des envies et de la hiérarchie des plaisirs du patient. La ";prise en charge du patient doit être globale et évoluer dans une relation individualisée malade-thérapeute". Ce travail touche donc la formation des soignants (formation de base et formation continue) ; les relations interprofessionnelles dans le respect de l'interdisciplinarité (avec mise en réseau); la prise en charge du patient dans un esprit de cohérence ; l'information au grand public visant une démystification des examens techniques (qui sont des outils mais pas une thérapie);
· l'Arcade Sages-femmes regrette de n'avoir pas été mentionnée ; elle se considère comme un protagoniste de choix dans les domaines de la prématurité, du suivi de grossesses à risque et l'allaitement ; elle est particulièrement active dans les services à domicile;
· la Croix Rouge souhaite que le volontariat tienne une place plus importante puisqu'il s'agit de l'un de ses principes fondateurs. Les volontaires sont sélectionnés, formés et suivis dans toutes leurs activités, ils "; jouent un rôle important dans le domaine de la promotion de la santé et dans beaucoup d'activités différentes ". "; Les bénévoles peuvent aider les professionnels, et des moyens supplémentaires pour développer l'action bénévole et assurer son encadrement permettraient de promouvoir la relation humaine en tant que valeur sociétale primordiale. Le volontariat doit faire partie intégrante du système de santé " dans le sens d'une approche globale de la personne;
· le service de garde d'enfants malades à domicile "; le Chaperon Rouge " ne figure pas dans le rapport, alors qu'il aurait sa place dans le chapitre santé des enfants et des adolescent ou dans celui traitant des services communautaires axés sur des besoins spécifiques. Bien que figurant dans le tableau des prestations genevoises depuis1996, le Chaperon Rouge n'est pas encore connu de tous les professionnels de la santé;
· les représentants de l'association A.P.R.E.S. / les Sans Voix s'étonnent de ne pas trouver leurs réflexions et suggestions à propos de la santé mentale: le coût du système psychiatrique genevois est trop légèrement abordé bien qu'il puisse aller jusqu'à entraîner une marginalisation, voire même une invalidité des patients. La discrimination et le discrédit dont les malades mentaux font l'objet, la médicalisation des problèmes de nature psychosociale nécessite une rénovation du système psychiatrique. Les nombreuses associations qui proposent des activités aux patients et celles qui s'occupent de la défense des droits et des intérêts des patients et des proches ne sont pas mentionnées;
· l'Hospice Général rappelle son rôle dans le domaine de l'alcoologie et annonce que la Maison de l'Ancre reprend les activités de l'Association "; portes ouvertes " et accueille de nombreux groupes d'entraide. Les services d'alcoologie vaudois et genevois ont mis sur pied une numéro de téléphone "; alcoligne " qui oriente et informe.
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Déclaration du Conseil d'Etat
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. La déclaration du Conseil d'Etat a trait aux points 94 et suivants de notre ordre du jour.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, aucun Etat soucieux d'assumer ses responsabilités ne peut accepter de léguer aux générations futures une dette qui atteint maintenant déjà 24 000 F par habitant, ce qui représente le revenu minimum fédéral garanti pour une couple de rentiers AVS/AI. Quant aux intérêts de la dette, le montant de leur augmentation en neuf ans pourrait financer la totalité du Cycle d'orientation et de ses dix-sept collèges.
Mesdames et Messieurs les députés, un Etat qui s'endette est un Etat qui perd sa marge de manoeuvre. En fait de politique, elle se réduit progressivement à ce que les intérêts et les amortissements n'ont pas encore rongé. Un Etat qui s'endette constitue un handicap de plus en plus lourd pour la croissance économique, pour l'emploi et pour le bien-être de sa population.
«Nous empruntons pour manger». Le Grand Conseil a déjà entendu résonner cette phrase à de nombreuses reprises durant ces dernières années. Pourtant cela n'a pas suffi à rétablir l'équilibre financier, c'est le moins que l'on puisse dire ! Durant les années 90, plusieurs scrutins populaires ont permis aux citoyens d'exprimer leur opinion sur les mesures à prendre. Il s'agissait tantôt de se prononcer sur des augmentations d'impôts, tantôt sur des projets de restructuration ou de réformes de l'administration cantonale ou encore sur la mise en oeuvre d'un audit de l'Etat.
Les résultats de ces votes successifs ont montré trois éléments : Le refus des citoyens de voir les impôts augmenter (tous les projets ont échoué, mis à part le centime consacré à l'aide à domicile). Deuxièmement : la volonté des citoyens de voir l'Etat se réformer. Troisièmement : l'opposition d'une majorité de votants face à certaines mesures de restructuration proposées.
Dans une telle conjoncture, il apparaît que nous allons dans une impasse si l'on ne recherche pas, en vue du rétablissement des finances publiques, la voie d'un projet cohérent qui vise l'équité et qui soit capable de convaincre le plus grand nombre que les sacrifices demandés sont supportables et répondent à l'intérêt général. L'équilibre n'est pas facile à trouver car il s'agit de prendre en compte des contingences sociales, tout en sachant qu'une politique fiscale dissuasive ronge le cercle des contribuables et réduit les espérances de recettes.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a décidé la mise sur pied de la table ronde qui s'est déroulée cet été. En réunissant les acteurs de la société civile, il souhaitait permettre à celles et ceux qui animent la vie économique et sociale de faire entendre leur point de vue et, dans l'idéal, de conclure une forme de pacte capable de les engager tous. Même si, communes et TPG mis à part, les tables rondes sectorielles n'ont pas permis de ratifier de véritables accords, elles ont néanmoins constitué des forums riches en informations et en débats. Ainsi le Conseil d'Etat a pu identifier les points sensibles et détecter nombre de convergences possibles.
La table ronde terminée ont débuté les négociations avec les partis politiques. Celles-ci se sont déroulées en deux phases durant lesquelles chacun a pris conscience des efforts à accomplir, s'est interrogé sur les conséquences économiques et sociales des mesures envisagées et sur leur degré d'acceptabilité par la population. Une volonté a été clairement exprimée, celle que soit respecté l'équilibre entre le montant des économies consenties et celui des augmentations de recettes à atteindre. Ce sont ces principes qui ont présidé à l'accord qui a été signé.
En outre le Conseil d'Etat, d'entente avec les partis politiques, a souhaité permettre au peuple de se prononcer sur le paquet des mesures prévues. Le gouvernement, conscient du fait que le budget 1999 ne pouvait être qu'une première étape, vous soumet donc un projet de loi constitutionnelle qui contient les mesures à appliquer en 1999 déjà. Mais il n'en reste pas là. Il convenait en effet d'ancrer dans la Constitution la volonté politique d'atteindre l'objectif d'un équilibre en 2003 ainsi que les mesures transitoires pour y parvenir.
Plus encore, les citoyens sont en droit d'attendre des mesures durables qui évitent à l'avenir la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Ce sont des buts que remplit le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis. Il convient d'ajouter qu'à de multiples reprises, les partenaires à la table ronde ont évoqué la nécessité de poursuivre la réforme de l'Etat et de mener à terme les actions entreprises. Le Conseil d'Etat tient à réaffirmer son engagement à cet égard, conformément aux étapes évoquées dans l'exposé des motifs du projet de loi qui vous est soumis.
Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi constitutionnelle est le résultat d'un accord entre partis politiques soucieux d'assumer leurs responsabilités. Il va sans dire qu'il ne vous prive en rien de vos compétences et de vos devoirs en matière budgétaire. Certains peuvent s'étonner de la démarche adoptée cette année. Pour le Conseil d'Etat, la gravité de la situation financière de l'Etat de Genève exige que chacun puisse participer au débat selon ses compétences et les responsabilités qu'il assume.
L'assainissement des finances publiques est l'affaire de tous. Il était naturel que la concertation s'élargisse. En adoptant le projet de loi constitutionnelle qui vous est proposé, vous permettrez à chaque citoyenne et citoyen de ce canton de trancher entre la défense de ses intérêts individuels et sa volonté d'oeuvrer pour l'intérêt général et l'avenir des générations qui nous suivront.
Il appartient maintenant à Mme Calmy-Rey, conseillère d'Etat, de s'exprimer sur les aspects plus techniques et financiers du projet de loi constitutionnelle qui est soumis à votre examen. Je lui passe avec votre autorisation, Monsieur le président, la parole.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. La situation de Genève ne laisse pas de place à l'ambiguïté. Notre marge d'autofinancement est négative et nous supportons une dette accumulée de près de 11 milliards de francs qui mobilise 13% de nos recettes fiscales pour le paiement des intérêts. Le déficit est établi à 367 millions de francs, soit un montant inférieur au déficit voté pour 1998. Le solde primaire, c'est-à-dire le solde du compte de fonctionnement hors intérêts passifs, est positif et pour la première fois depuis cinq ans, le pourcentage de croissance des recettes dépasse celui des dépenses. Le budget que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir affiche trois priorités : l'assainissement des finances publiques, l'aide sociale et l'emploi.
Pour ce qui concerne la première de ces caractéristiques, l'assainissement, ce projet contient un ensemble de correctifs pour un montant total de 444 millions de francs. Les efforts principaux portent sur le fonctionnement de l'Etat, c'est-à-dire sur la révision de la politique des achats, les effets des restructurations de l'administration fiscale cantonale ainsi que sur les dépenses de personnel. Du côté des recettes, les mesures comportent une contribution spéciale, une hausse de l'impôt auto, une taxe sur les piscines et l'entrée en vigueur de la loi sur la procédure en réalisation de gage.
Les mesures prises permettent de ramener le déficit de fonctionnement de 811 à 367 millions de francs, de freiner la progression de la dette et de stabiliser les intérêts payés aux banques et aux investisseurs institutionnels. Les charges de fonctionnement sont supérieures de 265 millions de francs à celles du budget 1998. Une partie de la différence est liée à l'application des recommandations de l'inspectorat cantonal des finances : 18 millions pour les amortissements; 46 millions pour l'augmentation des irrécouvrables et des provisions; 12,4 millions pour le rétablissement de la rubrique des frais d'entretien des bâtiments, régulièrement sous-évaluée et corrigée ensuite par des crédits supplémentaires. Elle a donc été rétablie compte tenu des véritables besoins du service.
L'augmentation des charges en 1999 par rapport à 1998 est en conséquence due aux dépenses sociales et - pour ce qui concerne les charges de personnel - à la fin des restrictions touchant aux effectifs. Ce sont là des priorités voulues par le Conseil d'Etat.
Pour les dépenses sociales, l'augmentation de 1998 à 1999 est de 9,35%, soit 84 millions de francs. Toutes les dotations augmentent pour répondre à des besoins en croissance, mais aussi du fait de l'indexation des rentes et prestations complémentaires: ainsi de l'allocation pour personnes âgées, de l'aide sociale à l'Hospice général, de la part cantonale à l'AVS/AI, des subsides aux assurés modestes, de l'assistance médicale et de l'aide à domicile. Ces hausses sont nettes et intègrent les effets des mesures décidées dans le cadre du projet de loi constitutionnelle.
Quant aux dépenses de personnel, il faut bien avouer que les choses sont relativement opaques, budgétairement parlant s'entend, d'une part parce que la masse salariale de 1,659 milliard qui apparaît sous dépenses de personnel ne représente qu'une partie des dépenses de personnel, le reste étant inclus dans les subventions accordées à des institutions ou à des associations conventionnées. La masse salariale totale est estimée à 3 milliards de francs. L'autre raison est qu'une partie des efforts de la fonction publique est comptabilisée dans les recettes.
En tout état de cause, l'application des mécanismes salariaux, annuités, primes de fidélité et indexation des 60 premiers mille francs, hausse la masse salariale de 54 millions de francs. Les efforts de la fonction publique, soit participation à l'assurance perte de gain, baisse de salaire de 0,5% pour les salaires de plus de 60 000 F, suppression de la prime d'assurance maladie également pour les salaires de plus de 60 000 F, se chiffrent eux à un montant supérieur, à 74,5 millions de francs. L'effort net de la fonction publique conduit donc à une baisse de la masse salariale de 20 millions de francs. Cet effort s'ajoute aux efforts déjà supportés. En effet, pour quelqu'un en début de carrière et si tous les mécanismes salariaux avaient été appliqués, le salaire aurait dû augmenter depuis 1992 de 31%; pour quelqu'un en fin de carrière de 13%. Or les salaires ont augmenté respectivement de 13,6 et de 1% pendant la même période, ce qui - compte tenu de l'inflation - représente pour certains une baisse de pouvoir d'achat.
Vous voyez donc, Mesdames et Messieurs, que la hausse réelle des charges de personnel concerne l'augmentation des effectifs. En effet, le Conseil d'Etat a mis fin à la période de restriction des effectifs : dans le projet de budget 1999 figurent 199 postes nouveaux et la régularisation de 552 personnes. L'impact de ces décisions est de 20 millions de francs.
L'apparition de postes nouveaux dans le budget a pu choquer certains d'entre vous. Je dirai qu'il s'agit bien sûr d'une volonté de «prioriser» l'emploi dans cette période de difficulté économique. Je dirai aussi qu'elle relève d'un souci de maîtrise et de transparence pour ce qui concerne les effectifs et leur coût. L'expérience des restrictions forcées d'effectifs ces dernières années a démontré que les services dont le fonctionnement était en jeu ont contourné les décisions par des mandats externes, des occupations temporaires et des emplois non permanents, ce qui - il convient de le dire - a parfois conduit à une mauvaise allocation des ressources. C'est en tout cas ce que j'ai pu constater au département des finances.
La dotation du chômage est stable en 1999 par rapport à 1998. L'effet des mesures d'urgence se fait ici sentir au travers d'une économie de 14 millions de francs. Les chômeurs et les chômeuses ne sont pas touchés dans leurs allocations mais les mesures prises de promotion de retour en emploi sont à l'origine d'une économie du fait d'un mode différent de prise en charge du coût des allocations.
Enfin, et si l'importance accordée à une politique de soutien à l'économie se juge aussi au niveau des investissements consentis, la hausse des investissements d'infrastructure en 1999 par rapport aux comptes 1997 montre bien que, compte tenu des limites de notre capacité financière, l'effort reste soutenu.
Abordant en conclusion la question des revenus et en particulier fiscaux, je tiens à faire deux remarques : premièrement, le pourcentage de croissance fiscale par rapport au budget de l'année précédente est de 9,6%, soit 306 millions de francs. La forte hausse est due aux mesures d'urgence, contribution spéciale, impôt auto, taxes sur les piscines ainsi qu'aux effets des restructurations de l'administration fiscale cantonale et l'entrée en vigueur de la loi sur la procédure en réalisation de gage. Corrigée des mesures d'urgence, la croissance des recettes fiscales se réduit à 2,4% et est due principalement aux effets des dissolutions de sociétés immobilières.
Deuxième remarque : la part de l'impôt sur le revenu et la fortune des personnes physiques dans les revenus de fonctionnement se réduit progressivement et, en remontant dans le temps, on voit bien que le phénomène n'est pas passager. Ce phénomène ne laisse pas d'être inquiétant, dans la mesure où cet impôt finance 44% des dépenses de l'Etat et où la contribution spéciale n'est pas une solution durable au problème posé par la décroissance de la part des revenus fiscaux dans le total des revenus de l'Etat. Les mesures prises aujourd'hui sont des ballons d'oxygène, un peu de temps laissé au Conseil d'Etat pour entreprendre des réformes plus en profondeur.
Mesdames et Messieurs les députés, l'évaluation de la performance d'une politique budgétaire ne saurait se limiter à des critères d'endettement et de déficit uniquement. Le véritable critère de jugement devrait se rapporter au bien-être donné par l'Etat à la population. Et je suis sincèrement convaincue, même si cette part de bien-être n'est pas en l'état quantifiable et qu'elle est difficile à évaluer aujourd'hui, que le projet de budget 1999 est sur ce point utile. On le voit notamment à travers le nombre de dossiers de l'Hospice général, une part croissante de la population genevoise est en grande difficulté. La détresse financière, sociale et morale est en augmentation dans notre canton. Avec le budget 1999, nous exprimons une ligne politique claire en dépit de la crise que nous traversons : le refus du désengagement social et la priorité à l'emploi.
Le budget 1999 nous indique aussi que le redressement des finances publiques est le préalable indiscutable, la condition impérative à toute politique digne de ce nom et à tout projet. La seule justification de la volonté manifestée aujourd'hui par le Conseil d'Etat de mettre un frein à l'endettement et pour cela de ne pas se contenter de grands discours mais bien de proposer un plan de mesures, est la perte de toute marge de manoeuvre et le sacrifice de montants croissants de ressources au détriment d'autres prestations de l'Etat.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de bien vouloir renvoyer en commission le projet de loi constitutionnelle, le projet de loi budgétaire et les projets qui leur sont liés.
Préconsultation
M. Michel Halpérin (L). Comme vient de l'indiquer notre ministre des finances, ce programme né de la table ronde est plutôt un ballon d'oxygène qu'autre chose. En fait, il y a très longtemps que sur ces bancs notre groupe essaie - mais en vain - d'appeler à un peu de rigueur dans la gestion des finances publiques parce qu'après tout l'argent des contribuables, c'est l'argent des autres. Je dois dire que tous dans cette salle nous avons été, au fil des ans, d'une grave légèreté. Parce que nous nous sommes constamment facilité la tâche en refusant d'être stricts dans la gestion des deniers publics. Parce qu'il était plus facile de céder à cette pente, qu'il nous est plus naturel de dire oui que de dire non.
Malheureusement les fruits de cette politique sont là. La dette, le président du Conseil d'Etat l'a rappelé, a probablement doublé dans ces dix dernières années. Son service à lui seul représente aujourd'hui un montant très sensiblement supérieur à notre déficit. Par conséquent, nous sommes en train de nous enfoncer doucement mais de plus en plus vite et avec de plus en plus de certitude dans la voie qui est malheureusement celle de pays qui n'ont ni la richesse, ni le savoir-faire du nôtre, dans des conditions qui sont assez scandaleuses à vrai dire. Nous avons mangé le pain blanc, nous sommes en train de manger le pain noir et, si nous n'y prenons pas garde, nous ne laisserons rigoureusement rien aux autres qui nous suivent et qui sont encore en droit aujourd'hui d'attendre de nous une attitude plus respectueuse d'une pensée politique.
J'ai cru, je crois encore que gouverner c'est prévoir; or nous avons été imprévoyants jusqu'à la prodigalité et ce faisant, nous n'avons - ni au Conseil d'Etat, ni dans le sein de ce parlement - été prévoyants, ni par conséquent de vrais gouvernants.
Aujourd'hui, le groupe libéral pourrait pour marquer son détachement à l'égard des avertissements qu'il a lancés en vain depuis si longtemps, considérer que les efforts trop tardifs que nous sommes en train d'entreprendre ne sont plus son affaire. Mais la République est trop gravement en danger pour que nous jouions ce jeu-là et c'est la raison pour laquelle le parti d'abord, le groupe ensuite se sont prêtés très sérieusement à l'exercice auquel nous étions invités par Mme la conseillère d'Etat Calmy-Rey. Nous avons participé aux travaux de cette table ronde, nous les avons ratifiés et nous espérons pouvoir continuer à le faire.
Comme il a été dit tout à l'heure, le résultat de cette table ronde se traduit d'abord par une sorte de symétrie des efforts en termes de dépenses et de recettes, mais c'est un effort que je qualifierais d'équilibre comptable. Nous avons demandé et nous insistons là-dessus - je suis heureux d'entendre de la bouche de nos deux conseillers d'Etat intervenants qu'ils en ont conscience - que cet effort ne soit pas qu'un effort à court terme. A vrai dire, tout ce que nous entreprendrions aujourd'hui ou dans les semaines qui viennent et qui n'aurait pour seul effet que de constituer le ballon d'oxygène déjà mentionné, ne nous paraît ni utile ni même nécessaire. Nous avons donc demandé et obtenu, mais cela ne représente que deux ou trois lignes de ce projet qui est beaucoup plus abondant parce que les chiffres prennent plus de place que les idées, nous avons demandé qu'en effet nous prenions - simultanément et symétriquement aux mesures urgentes et à court terme - des mesures durables, des mesures à long terme. Elles sont de deux sortes : la réforme de l'Etat et notamment de ses structures de fonction publique et, d'autre part, les moyens de réduire très sensiblement, très sérieusement la dette genevoise.
Sur le premier sujet, nous nous rendons compte que la tâche du Conseil d'Etat sera laborieuse et lente. Mais il y a des années que nous la réclamons et nous ne sommes pas disposés, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, à entrer en matière dans un mois sur un projet que nous soutiendrions de toute notre énergie si nous nous y engageons sans avoir reçu de vous, mieux que des assurances abstraites, déjà l'esquisse d'un programme concret. Nous aimerions savoir - avant que nous votions au retour de commission ces textes - comment le Conseil d'Etat, dans quel cadre, avec quel type de mesures entend engager la réforme de l'Etat parce que c'est à la mesure des engagements concrets du Conseil d'Etat et des réponses qui y seront données par tous les partenaires de cette table ronde que nous pourrons nous déterminer en connaissance de cause.
De la même manière, nous avons demandé que la dette soit sérieusement assainie au moins dans son service. Nous ne trouvons pas raisonnable de continuer à dépenser 500 millions par an ou davantage au titre des intérêts de cette dette et nous réclamons par conséquent qu'elle soit réduite. Cela suppose que l'Etat présente un catalogue des actifs qui sont à sa disposition et qu'il entend réaliser pour permettre un amortissement rapide et sensible de cette dette ainsi qu'un catalogue des mesures autres qu'il pourrait prendre pour réduire le coût de cette dette. Nous attendons cela avec beaucoup d'intérêt et de curiosité, mais en même temps beaucoup d'exigence le mois prochain pour pouvoir nous déterminer là aussi en toute connaissance de cause. Nous vous l'avons dit, je le répète, nous attachons plus d'importance aux mesures à long terme qu'aux mesures à court terme, mais celles du long terme - si elles sont sérieuses - justifient les efforts qui sont demandés de part et d'autre dans l'immédiat.
Or, nous avons eu, Madame la présidente du département, une mauvaise surprise cette semaine avec le projet de budget. Il ne ressemble pas à l'idée que nous nous faisons d'un effort rigoureux dans la durée. On nous annonce des augmentations de dépenses totales de 5,2% du budget de fonctionnement. Un budget de fonctionnement - dans une époque où l'inflation n'est que de 1% - qui augmente dans cette mesure ne répond pas à notre idée d'une politique rigoureuse. On nous annonce plusieurs centaines de postes nouveaux dont deux cents sont en tout cas de vrais postes nouveaux. Ce n'est pas ainsi que nous entendons la rigueur budgétaire dans la durée.
Nous espérions et nous continuons d'espérer que le budget 1999 traduira déjà cette volonté durable que nous attendons de vous. C'est la raison pour laquelle je tiens à dire aujourd'hui que les commissaires libéraux à la commission des finances scruteront avec une attention particulièrement soutenue les postes de recettes et de dépenses qui sont programmées pour 1999 parce que c'est de cet exercice que dépendra notre appréciation de ce que l'on peut faire.
Dois-je rappeler ici que notre budget de fonctionnement total en 1985 ou 1986, c'est-à-dire il y a douze ou treize ans, était égal au montant des salaires aujourd'hui ? C'est-à-dire que le montant des salaires à lui seul dans la fonction publique a augmenté de 65% au cours de cette période. Je pense que c'est une indication suffisante de la piste sur laquelle nous vous demandons de vous engager. A ces conditions-là, mais avec beaucoup de bonne volonté si ces conditions sont réalisées, le groupe libéral soutiendra les efforts nés de la table ronde, parce que c'est là et là seulement que se trouve le salut de la République. (Applaudissements.)
Le président. Je salue à la tribune la présence de Mme Anni Stroumza qui a siégé au sein de notre parlement au titre de députée dans les rangs du groupe socialiste. (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Le parti démocrate-chrétien a été conquis - dans un premier temps - par cette idée d'une table ronde. Nous avons été conquis et nous avons très largement salué le Conseil d'Etat tant pour son courage - car il en fallait effectivement pour amener ce budget 1999 devant l'opinion publique - d'ouvrir un débat véritablement public sur ce budget 1999. D'avoir également - et je crois qu'il faut le souligner - une volonté de transparence de l'ensemble du Conseil d'Etat, à travers également une méthode originale pour le canton de Genève qui était cette table ronde, parce qu'elle donnait l'occasion finalement à tous les acteurs socio-économiques de notre canton de pouvoir s'exprimer et de pouvoir participer au débat s'ils le souhaitaient.
Pour le parti démocrate-chrétien et pour ma part visiblement, cette démarche partait d'un état d'esprit extrêmement positif et nous avons été extrêmement positifs. Nous nous sommes mis au travail - ainsi que vous avez tous pu le constater - nous avons été très volontaires cet été. Nous avons bien entendu été critiques, mais de manière positive, sur les propositions faites par le Conseil d'Etat. Nous avons été également une force de propositions puisque nous en avons fait au Conseil d'Etat. Nous avons également été une force de négociations puisque nous avons eu la volonté d'aboutir à la signature d'un pacte sur cette table ronde. Nous avons également été flattés; il est bon de rappeler que le Conseil d'Etat a pris en fait les mécanismes développés par un projet de loi démocrate-chrétien déposé en septembre 1997 afin de justement, à terme, empêcher que notre Etat se retrouve dans de tels cycles de déficit.
Dans un deuxième temps, et vous l'avez dit, Madame Calmy-Rey, nous avons été particulièrement surpris. Surpris, quelque peu déçus en tout cas au moment de la présentation du budget 1999. C'est à ce moment-là, je crois, que nous avons véritablement pris conscience qu'avant même de participer à cette table ronde nous avions un déficit de plus de 800 millions. Nous avons pris conscience que ce budget initial d'avant la table ronde n'était pas forcément le budget qui nous était habituellement présenté, c'est-à-dire qui avait probablement fait plusieurs tours dans les services de l'Etat et dont le déficit était ramené au minimum possible. Si nous avons été surpris, c'est qu'effectivement, en analysant le budget, nous constatons par exemple que les comptes de charges reprennent véritablement l'ascenseur; nous constatons que les charges d'exploitation sont effectivement plus importantes puisqu'il y a un «gap» de plus de 7,8% par rapport au budget 1998 qui représente des montants de l'ordre de 22 millions, et de plus 52 millions par rapport aux comptes 1997. Je suis tout à fait d'accord avec mon préopinant et - lorsque vous parlez de deux cents nouveaux postes plus la conversion de trois cents postes en postes de fonctionnaires - j'aimerais vous dire que ma surprise n'était pas liée à ce nombre de postes supplémentaires, mais simplement au fait qu'à aucun moment nous n'en avons entendu parler lors de la table ronde; nous n'avons jamais pu prendre en considération ce type d'élément, ni l'augmentation des dépenses générales ou celle des dépenses sociales et Dieu sait si notre parti y est sensible.
Pour l'avenir et pour les quelques mois qui vont nous permettre de travailler ce budget, j'aimerais souligner le fait que le parti démocrate-chrétien restera très positif. Nous allons y travailler mais nous allons être extrêmement exigeants. Exigeants parce qu'il ne s'agit pas simplement de traiter le budget 1999, mais il s'agit essentiellement pour nous d'avoir, à terme, un objectif de redressement des finances publiques. Nous y serons très attentifs car chacun d'entre nous a l'occasion d'entendre radio-bistrot - appelons-la ainsi - et je crois que la population n'admettra pas, et à aucun moment, de consentir sans autre à autant de sacrifices - sacrifices que nous lui avons d'ores et déjà demandés.
Le vote aura lieu en décembre 1998 et la population ne consentira pas à autant de sacrifices si l'Etat se permet de nouvelles envolées. Le parti démocrate-chrétien se veut véritablement constructif, positif, se veut même par moment téméraire mais en aucun cas nous ne souhaitons être suicidaires.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne reviendrai pas sur la méthode utilisée par le gouvernement pour concocter ce budget, si ce n'est tout de même pour rappeler les critiques que nous avions formulées et que nous entendons réitérer dans ce parlement dans la mesure où il n'est pas acceptable de négocier un projet de budget ficelé, comme c'est le cas pour le projet qui nous est soumis ce soir, en dehors de l'enceinte parlementaire prévue à cet effet. C'est tout de même assez extraordinaire de constater que ce gouvernement a passé l'été à se réunir dans des salons en dehors de ce parlement pour préparer un projet ficelé non seulement pour 1999, nous allons y revenir, mais également pour les quatre prochaines années, tout en nous présentant un projet constitutionnel qui va nous lier pour les décennies à venir.
Et on nous présente aujourd'hui, devant ce parlement, le résultat de ces négociations et nous, députés, nous sommes invités à l'accepter dans la mesure où, si c'était le cas, la population devra se prononcer dessus. Alors cette méthode-là, vous le savez, nous n'avons pas pu l'accepter, raison pour laquelle l'Alliance de gauche n'a pas participé à ces négociations. Mais nous vous avons dit et nous vous répétons que, tout comme vous, nous souhaitons un rétablissement des finances publiques, mais contrairement à vous, nous ne souhaitons pas un rétablissement des finances publiques à n'importe quel prix. Nous trouvons particulièrement inacceptable que l'effort qui est demandé dans les propositions soumises à ce parlement porte essentiellement sur les bas et faibles revenus, proportionnellement parlant, au détriment des grandes fortunes, des hauts revenus et j'y reviendrai tout à l'heure, pour ceux qui semblent en douter encore, avec certains chiffres qui vous démontreront que véritablement les propositions qui nous sont soumises, loin d'être sociales comme certains ont voulu le laisser entendre tout à l'heure, sont totalement injustes et frappent beaucoup plus lourdement les bas revenus.
Le discours de M. Halpérin, nous l'avons entendu depuis un certain nombre d'années... (On entend les échos d'une manifestation de la fonction publique sur la Treille).
Nous entendons déjà les cris de la population qui vient s'exprimer. Vous voyez, Monsieur Balestra, c'est un préavis à la votation du 20 décembre qui s'exprime dans la rue et qui vous montre comment les citoyens reçoivent les propositions que vous avez concoctées !
Je disais que les propos de M. Halpérin, nous les avons déjà souvent entendus dans cette enceinte, pas seulement par vous, Monsieur Halpérin mais par le groupe libéral que vous représentez, car pour vous - nous le savons - les causes de la crise et du déficit des finances publiques trouvent leur origine dans une croissance prétendument trop importante des prestations et des dépenses de l'Etat. Bien évidemment, votre cheval de bataille, c'est le démantèlement de cet Etat social. Et comme vous n'êtes pas encore content après avoir signé et ratifié cet accord, vous venez ce soir faire un petit peu monter les enchères, en disant : attention, si le gouvernement n'en rajoute pas encore un petit peu, nous pourrions nous, groupe libéral, trouver une porte de sortie ! Votre prudence vous honore, Monsieur Halpérin, mais je crois que les cosignataires de cet accord ne seront pas dupes quant à l'objectif que vous recherchez.
En face, récemment encore, on s'accordait à reconnaître qu'au lieu de s'en prendre aux plus faibles, qui étaient déjà suffisamment touchés par cette crise, on pouvait raisonnablement demander un effort supplémentaire aux entreprises qui réalisaient de grands bénéfices et aux grandes fortunes. Eh bien voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les propositions que nous allons faire alternativement à celles que vous nous avez concoctées, dans un rabibochage d'un certain nombre de forces politiques, et qui nous sont soumises ce soir.
En effet, nous entendons démontrer qu'il est parfaitement possible d'arriver au même objectif que vous souhaitez, c'est-à-dire un rétablissement des finances publiques, mais d'une manière totalement différente, sans s'en prendre aux petits revenus, mais en demandant l'effort supplémentaire à ceux qui peuvent se le permettre. On essaie de nous faire croire que finalement dans le cadre de ce processus de la table ronde - diligenté, je le rappelais tout à l'heure, en dehors de ce parlement - on aurait finalement trouvé une formule savante, ou à défaut d'être savante subtile, qui aurait mélangé ces deux ingrédients : des recettes d'une part qui augmentent et des dépenses qui diminuent dans les mêmes proportions. Là tout le monde semble se dire : mais quel miracle d'être arrivé à cette équité ! M. le président du Conseil d'Etat a d'ailleurs parlé d'un projet cohérent qui vise l'équité. Je pensais que vous faisiez allusion à l'équité des dépenses et des recettes et non pas à l'équité sociale, Monsieur le président... Vous me rassurez en le confirmant, parce qu'on aurait pu mal vous comprendre... (Commentaires.) Oui, M. Ramseyer vient de hocher la tête, je l'en remercie, nous l'avions compris dans ce sens.
Au-delà du budget 1999, sur lequel tout à l'heure Jean Spielmann reviendra plus particulièrement, j'aimerais quand même mettre en évidence un point sur lequel vous êtes passé un petit peu vite. Car ce projet constitutionnel ne concerne pas seulement le budget 1999 mais va nous lier les mains - et je comprends vos craintes, Monsieur Halpérin, et vos questions au gouvernement - pour les quatre années à venir puisque le projet constitutionnel fixe l'équilibre zéro dans quatre ans et que nous sommes à 360 millions de déficit. Nul n'est besoin d'être un grand mathématicien pour se rendre compte qu'il faudra réaliser 90 millions d'économies supplémentaires chaque année pour parvenir dans quatre ans à l'objectif de l'équilibre zéro, voire davantage puisque - personne ne l'a relevé jusqu'à maintenant et, Monsieur Vaudroz, vous auriez pu avoir l'honnêteté de le faire - dans ce projet que vous vous dites fier et satisfait d'avoir contribué à réaliser, vous avez oublié de nous dire que ce que vous nous proposez au sujet des recettes, ce sont des recettes provisoires. Par contre, ce que vous nous proposez au niveau des réductions des dépenses, ce sont des réductions définitives.
Ainsi, s'agissant de la contribution spéciale de 1% dont vous avez parlé tout à l'heure, elle n'est valable que pendant une durée de trois ans. C'est dire qu'en 2003 ce n'est pas 90 millions d'économies supplémentaires qu'il faudra trouver mais 140 millions juste pour l'exercice 2003. Je dirais encore : le plus grave, ce n'est pas tellement les quatre années qui nous attendent mais ce sont les suivantes, parce que vous voulez ériger en dogme absolu l'équilibre des finances publiques à tout prix.
Je vous le dis, Mesdames et Messieurs, sans regarder ce qui se passe en Asie et même sans regarder ce qui se passe en URSS, c'est une aberration totale d'un point de vue de politique économique de ne pas permettre... (Commentaires et brouhaha.) Mais oui, Monsieur Brunschwig, je sais, à chacun ses références... En Russie, oui, Monsieur Brunschwig. Si vous ne corrigez même pas de vous-même, cela devient inquiétant ! Je vous disais par là qu'il est dangereux de vouloir imposer constitutionnellement un carcan à l'Etat qui l'empêche de mener une politique anticyclique dans des situations de crise comme celle que nous connaissons actuellement. Il est particulièrement dangereux de vouloir ériger en règle absolue cet objectif que vous vous fixez dans ce projet constitutionnel. Il y a au contraire des situations où l'équilibre budgétaire est une aberration. Alors certains - je dirais que ce sont des mauvaises langues - nous disent : mais finalement quelle différence y a-t-il entre la politique menée par le gouvernement monocolore et celle pratiquée par ce gouvernement ? (Commentaires.) J'ai dit : ce sont des mauvaises langues ! Parce qu'il y a bien sûr une différence. Vous savez pertinemment que le gouvernement monocolore ne pouvait asseoir finalement sa politique que sur une entente formée du parti démocrate-chrétien, du parti radical... (L'orateur est interpellé.) ...représenté par M. Dupraz qui était souvent au garde-à-vous devant ce gouvernement - et du parti libéral...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Ferrazino. Vous me permettrez, Monsieur le président, d'en terminer ! Alors que précisément ce gouvernement-ci peut compter sur une entente cordiale - comme l'a qualifiée Mme Calmy-Rey dans un journal - une entente cordiale qui va largement au-delà de celle que nous avions connue précédemment sous la législature du gouvernement monocolore.
Nous avons quant à nous connu une majorité parlementaire issue des urnes de l'automne dernier. Il semblerait que nous connaissions aujourd'hui une majorité gouvernementale. En tout cas, je dirais que si ce projet a une vertu - puisque vous avez parlé de vertu, Madame Calmy-Rey, dans l'exposé des motifs dont nous avons été saisis - la seule vertu que je vois à ce projet c'est, en cas d'acceptation par le Grand Conseil dudit projet, de permettre automatiquement un vote populaire. Là, vous pouvez compter sur l'Alliance de gauche pour faire en sorte que non seulement le programme politique sur lequel les électeurs nous ont élus soit défendu devant ce parlement mais que nous arrivions à convaincre la population que ces objectifs-là doivent l'amener à rejeter ce projet de loi manifestement antisocial, injuste et qui ménage les grandes fortunes d'une manière tellement indécente que je m'étonne que certains aient pu parler d'équité. (Remarque.)
Je reprendrai la parole tout à l'heure, Monsieur Dupraz, pour vous démontrer que nous avons des propositions qui arriveront au même objectif, mais sans s'en prendre aux plus démunis de cette société. (Applaudissements.)
M. Bernard Clerc (AdG). Le Conseil d'Etat nous présente le projet de loi constitutionnelle comme la seule voie permettant l'assainissement des finances cantonales. Depuis quelques semaines, les commentateurs de la plupart des médias se félicitent de l'accord intervenu entre les partis représentés au gouvernement. Accords résultant des discussions issues de la table ronde. Les qualificatifs les plus élogieux ont été employés : du sens des responsabilités aux efforts partagés, de l'accord historique à la parité des sacrifices, bref tout est mis en place afin que le peuple se persuade que la voie du juste milieu a été trouvée pour se diriger vers le redressement des finances cantonales. Les médias ont focalisé l'attention sur le mesures immédiates relatives au budget 1999. Pour l'instant, il nous paraît nécessaire de mettre en évidence les conséquences dangereuses résultant des mesures permanentes que le Conseil d'Etat nous propose.
Tout d'abord, le principe même de l'équilibre financier considéré comme la norme introduit un carcan permanent, empêchant toute action des pouvoirs publics en vue de contrer un tant soit peu les effets des crises économiques. Depuis 1991, la moyenne annuelle des déficits du canton se situe à 444 millions, soit 2,2% du revenu cantonal. Imaginez, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui se serait passé si, après six ans, les comptes de fonctionnement n'avaient enregistré aucun déficit sur l'ensemble de la période. Car c'est de cela qu'il s'agit, puisque le taux de chômage officiel en moyenne annuelle n'a jamais dépassé 7,8% et qu'une prolongation de la période cadre de trois ans n'aurait pas pu intervenir.
Les déficits que nous avons connus ont permis de soutenir la demande tant en matière de consommation que d'investissements, atténuant ainsi quelque peu les effets de la crise. Faut-il rappeler que dans notre pays la consommation intérieure intervient à hauteur de 60% dans la composition du Produit intérieur brut ? Une contraction plus forte de la demande aurait accentué la crise, aggravé le chômage et détérioré encore davantage les finances publiques. Le soi-disant cercle vertueux dont nous parle l'exposé des motifs du projet de loi se serait transformé en cercle vicieux. Voilà pour ce qui est de l'application de votre projet de loi constitutionnelle sur les six ans qui viennent de s'écouler.
Dans la réalité, le projet de loi constitutionnelle rend notre Etat cantonal complètement dépendant des cycles économiques. En supposant que l'équilibre du compte de fonctionnement soit atteint en 2003, une nouvelle période cadre de six ans s'ouvrira, comme le postule l'article constitutionnel 97A, au cours de laquelle il sera certes possible d'enregistrer des déficits, mais d'un niveau tel qu'ils devront être absorbés à l'échéance. De manière réaliste, avec une telle contrainte, le déficit maximum admis ne pourra guère dépasser 300 millions pour l'ensemble de la période. Le mécanisme proposé semble ignorer que nous sommes dans une phase de transformation des processus économiques qui conduisent en quelque sorte à une crise structurelle permanente. Tabler sur des cycles économiques courts où alternent croissance et crise, cela consiste tout simplement à regarder l'avenir dans le rétroviseur, Monsieur Balestra. La prochaine récession économique est à l'horizon et voilà que vous nous proposez de nous lier les mains pour l'affronter.
Cette soumission de l'Etat aux cycles économiques ne découle pas seulement de l'impossibilité presque absolue de prévoir des déficits, mais aussi de la fixation d'une norme qui décrète que les investissements doivent être en quelque sorte autofinancés à hauteur de 80% au moins par les amortissements. Ainsi s'établit un lien mécanique avec les investissements des années antérieures empêchant là encore une politique anticyclique.
La seconde critique porte sur les mécanismes mis en place lorsque la dette publique n'est pas stabilisée à la fin de la période cadre. Le Grand Conseil est alors tenu d'augmenter les centimes additionnels, ce qui ouvre la voie aux référendums comme le prévoit par ailleurs l'article 95 de la Constitution. En cas de refus par le peuple - et nous faisons confiance à la droite de ce parlement pour combattre une hausse des impôts - le Grand Conseil doit décider en urgence de coupes dans les dépenses, ce qui empêche le peuple de se prononcer. Nous nous trouvons dès lors dans un processus qui favorise de fait les coupes dans les dépenses alors que l'on prétend mettre sur le même pied les recettes et les charges.
Le soi-disant compromis matérialisé dans ce projet de loi constitutionnelle est une soumission aux impératifs néo-libéraux. Ce qu'une majorité de droite de ce parlement et un gouvernement monocolore ne sont pas parvenus à imposer, une nouvelle majorité - en contradiction avec le verdict populaire des élections de l'automne 1997 - tente aujourd'hui de le réaliser. L'union sacrée qui va des socialistes aux libéraux avec l'appui implicite du comité Halte au déficit annonce de durs lendemains pour les salariés et les retraités de notre canton. L'Alliance de gauche n'a pas deux discours : un à l'intention des électeurs à la veille des échéances électorales et un autre un an plus tard pour revenir sur ses engagements. Nous pensons qu'une solution équitable au problème des déficits publics passe en priorité par une mise à contribution de tous ceux, personnes physiques et morales, qui ne cessent de s'enrichir au travers de la domination qu'ils exercent dans la sphère économique. C'est dans ce sens que nous combattons le projet de loi constitutionnelle qui nous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. Jean Spielmann (AdG). La situation financière et les propositions du Conseil d'Etat méritent quelques réflexions de fond. Tout d'abord, je vous renvoie aux débats que nous avons eus dans cette salle lors des discussions sur des changements fondamentaux au niveau de la fiscalité. A cette période déjà, la part des recettes fiscales dans les revenus diminuait de manière considérable par rapport aux autres recettes. Nous étions à ce moment-là en train de débattre de plusieurs grands projets fiscaux qui prévoyaient notamment la suppression de la progression à froid mais aussi la modification nécessaire de l'assiette fiscale, étant donné que la loi ne permettait plus de résoudre la progressivité de l'impôt - fixée en 1967 - et qui s'arrêtait à 75 000 et à 125 000. Avec les années, cette disposition ne correspondait plus du tout à la situation économique des contribuables. Nous avions à ce moment-là fait des propositions cohérentes et concrètes. Vous pouvez vous référer au Mémorial qui en fait mention. Nous avions dit que vous faisiez preuve - notamment sur les bancs qui me font face - d'irresponsabilité en présentant des projets de loi fiscaux qui allaient conduire à des difficultés considérables pour la gestion de l'Etat. Vos choix ont été délibérés. La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui n'est pas due au hasard; elle est le fruit d'une politique voulue : celle de la réduction des activités de l'Etat, celle de la réduction et de la baisse des impôts notamment pour les plus riches de ce canton.
Aujourd'hui, à quoi assistons-nous ? J'ai essayé d'examiner dans le discours de Saint-Pierre s'il y avait quelque idée sur une économie possible ou sur une manière de réformer l'Etat qui permette véritablement le fonctionnement de ce dernier en réduisant les coûts, mais en donnant la parole à ceux qui aujourd'hui n'ont pas d'autres chemins que la rue pour s'exprimer, pour pouvoir réformer cet Etat qui en a véritablement besoin; eh bien, il n'y a rien de tout cela. Aujourd'hui, il faut faire face à une situation et à des propositions qui ne sont qu'emplâtre sur une jambe de bois, qui ne conduiront à rien du tout, si ce n'est à une paralysie encore beaucoup plus grave de l'Etat et à une impasse au niveau financier et politique. Vous en êtes conscients et cela a très bien été éclairé tout à l'heure par Bernard Clerc, mais on aura l'occasion d'y revenir en commission. Il n'y a pas d'issue dans les projets de loi que vous proposez aujourd'hui. Nous devrons très rapidement revoir l'ensemble.
Il y a plus grave cependant. On peut comprendre que les uns et les autres dans cette salle défendent des intérêts qui leur sont propres, mais où cela commence à dépasser les limites, c'est lorsqu'on entend le porte-parole du groupe libéral nous expliquer tout tranquillement que, pour lui, il n'y a pas d'autres solutions que de trouver une réduction des dépenses. Il n'y a pas d'autres solutions que de mettre en place un programme cohérent, à long terme, qui permette de retrouver l'équilibre financier de l'Etat. Or, c'est ce même parti qui pour se faire élire et obtenir le maximum de sièges dans ce Grand Conseil lance une initiative fiscale pour baisser les impôts, ce qui aurait pour effet de nous mettre dans une situation fiscale encore plus grave que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Alors, Monsieur Halpérin et Messieurs les libéraux, répondez quand même à cette question que la population est en droit de vous poser. Vous venez ici donner des leçon d'économie, de gestion et de réduction du déficit et de la dette. Vous avez parlé de cette immense dette et de ces 500 millions par année qui vont tout droit dans la poche de vos amis les banquiers, s'agissant des intérêts payés par l'Etat. Et en même temps vous faites une proposition de baisse d'impôts. Que se passe-t-il, dans le scénario de projet de loi constitutionnelle que vous êtes en train de nous présenter, avec l'initiative qui prévoit la baisse des impôts ? Vous êtes plutôt mal placés. C'est dire que vous continuez une politique de sape de l'Etat social.
Il y a plus grave encore : en définitive quand on regarde les propositions formulées ici et qu'on examine un peu quelles en seront les conséquences et quelles seront les personnes touchées, on voit qu'il s'agit d'une véritable chasse aux pauvres, une chasse aux plus démunis de ce canton. Comment voulez-vous raisonnablement venir ici argumenter en disant sérieusement dans ce Grand Conseil que vous allez rétablir l'équilibre financier et faire jouer le rôle de l'Etat en vous en prenant aux plus démunis, aux plus pauvres ?
Quelles sont les mesures que vous proposez concrètement ? Au-delà de quelques idées complètement farfelues, il y a quelques propositions concrètes dont les cibles sont tout à fait désignées. Prenons l'article 183 et les premières mesures concrètes, on s'aperçoit que vous vous en prenez à ceux qui ont le revenu minimum cantonal, à ceux qui ont les prestations complémentaires, à ceux qui n'ont ni revenus, ni fortune à déclarer et c'est là-dessus que vous voulez prendre 22 millions supplémentaires. Comment voulez-vous raisonnablement et intelligemment venir argumenter avec une proposition comme celle-là qui vise à faire la chasse aux plus pauvres qui, précisément en raison du manque de prévoyance sociale, sont déjà ceux qui sont victimes de cette société et qui font gonfler les budgets, qui ne sont pas des budgets sociaux mais en définitive une assistance nécessaire parce que des gens ne peuvent pas vivre avec les assurances sociales insuffisantes que nous connaissons.
Vous vous en prenez à eux directement et pour un montant de 22 millions de francs, reconnaissez quand même que cette cible et cette chasse aux pauvres a quelque chose d'un petit peu désolant dans la situation économique dans laquelle certains se trouvent. Je l'ai dit à plusieurs reprises à l'occasion des budgets, on peut le voir également dans les statistiques fiscales : alors que la situation s'aggravait d'année en année pour les plus défavorisés de ce canton, les millionnaires, eux, ont plus que doublé, voire triplé en moins d'une dizaine d'années. Il y a donc là une cible et une volonté politique totalement inacceptables sur le fond et sur la forme qui ne nous permettront pas de résoudre les problèmes ainsi que vous prétendez le faire aujourd'hui.
Deuxième objectif de votre politique : l'ensemble de la fonction publique. Et là on opère une ponction de quelque 90 millions de francs sur ceux qui ont déjà subi des réductions considérables. Mme la conseillère d'Etat l'a dit tout à l'heure en présentant ces prélèvements de manière un peu schématique. Il faut cependant rappeler que des mesures de réduction avaient été prises notamment en abaissant les salaires de deux classes lors de l'engagement afin de ralentir la progressivité; ont suivi des mesures de blocage des salaire : annuités, primes de fidélité. Si on examine la situation de ces gens-là, on se rend compte que cette ponction de 90 millions n'est pas logique et pas juste. Cette démarche est surtout contraire à tous les engagements que vous aviez pris avec eux et à tous les sacrifices que vous avez en définitive demandé à la fonction publique d'accepter.
Autre point inquiétant : chaque fois que l'on examine un dossier, il y a un palier encore plus grave de la politique que vous défendez. La grande partie des difficultés que nous connaissons aujourd'hui au niveau financier et au niveau des tâches qui sont celles de l'Etat, c'est l'insuffisance de couverture sociale. Sur la part employé que vous prélevez par rapport à l'ensemble de la masse salariale, vous ciblez précisément encore et de manière importante les charges des assurances sociales, les coûts de la maladie. C'est une aberration ! Où cette augmentation des coûts va-t-elle nous conduire ? Les gens demain vont être moins bien assurés et en définitive coûteront plus cher à l'ensemble de la collectivité; ils contribueront de ce fait à gonfler vos frais d'assistance.
Voilà un ensemble de mesures totalement inacceptables et lorsqu'on les énumère et qu'on regarde les propositions qui sont formulées, la question se pose sur la composition de ceux qui ont accepté ce paquet.
Dernière observation et ceci montre le ridicule et le niveau de débat et de discussions du Conseil d'Etat sur la présentation de ce projet de loi constitutionnelle : le Conseil d'Etat se rend compte que le travail nécessaire n'a pas été effectué au niveau des impôts. En raison du manque de personnel, il n'y avait plus de contrôle; ajouté à cela, la pagaille dans l'informatique a fait que le service des impôts n'était même plus capable d'envoyer dans l'année les déclarations d'impôts à tous les contribuables et n'était pas en mesure de contrôler le retour de ces déclarations. Or, que nous propose-t-on aujourd'hui ? Dans une loi constitutionnelle, tenez-vous bien, Mesdames et Messieurs, on nous propose ni plus ni moins de poursuivre pendant quelques années encore avec cette même incapacité qui a conduit à la perte de centaines de millions de francs pour l'Etat. On ne va pas verser aux communes leur part des recettes fiscales produites par le renforcement du contrôle des impôts. Des mesures vont être prises pour rectifier ce qui n'a pas été fait correctement, tout en déclarant aux communes qu'elles ne percevront pas leur part et cela sera inscrit dans la constitution, aussi bien en ce qui concerne la distorsion des mécanismes fiscaux qu'en ce qui concerne les gages. Si l'on regarde dans le détail les propositions qui sont faites, on peut dire qu'il ne s'agit que de palliatifs. C'est une mauvaise politique, un mauvais accord et nous vous le démontrerons en prenant point par point les projets qui nous sont proposés. J'espère que le peuple genevois aura la lucidité de refuser cette politique à la petite semaine.
M. René Ecuyer (AdG). Au lendemain de la sanction populaire face à un gouvernement monocolore, il y avait espoir d'établir un peu plus de justice sociale dans ce canton. Les gens en avaient assez d'avoir sans cesse à protester, à se mobiliser contre les multiples tentatives de remise en question des acquis sociaux, contre la mégalomanie de certains de nos édiles, contre les atteintes aux droits des travailleurs de la fonction publique, contre les diminutions de postes de travail, contre les réductions de subventions et les suppressions des prestations de l'Etat.
La population a donné à son parlement une nouvelle majorité et a modifié sensiblement la composition du Conseil d'Etat. L'ardoise qui nous a été laissée par les précédents gouvernements de droite est assez impressionnante : un milliard d'endettement. Je précise qu'il s'agit bien des précédents gouvernements de droite et lorsqu'on entend M. Halpérin demander un peu plus de rigueur, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même et à ses représentants des précédents gouvernements : un milliard d'endettement; des déficits chroniques des comptes de fonctionnement. Pour redresser la barre quelques mois après les élections, vous nous présentez, Mesdames et Messieurs, un projet de budget qui utilise les mêmes méthodes que les gouvernements précédents. Il faut reconnaître que c'est la douche froide pour beaucoup de gens. Vous pouvez imaginer que tous ceux qui vous ont élus sont aujourd'hui assez déçus.
Le projet initial présenté à la table ronde comprenait 110 millions d'économie sur les prestations faites à la population et sur ces 110 millions, 90 millions concernaient les personnes au bénéfice de prestations complémentaires. Encore une fois on s'aperçoit, dans votre projet, que ceux qui spéculent dans l'immobilier, dans la finance, ceux qui accumulent des fortunes colossales sont encore oubliés. M. Brunschwig nous parle souvent des discussions du Café du Commerce où on entend souvent dire que les invalides touchent beaucoup trop, que beaucoup d'entre eux profitent, qu'ils ont des revenus supérieurs à ceux perçus durant leur période de travail. Dans ce même Café du Commerce, il est également dit que les retraités du canton de Genève sont les mieux traités de Suisse, qu'ils vivent dans l'aisance et que beaucoup d'entre eux ont des fortunes qu'ils cachent volontiers. C'est aussi au Café du Commerce que l'on s'inquiète de la situation de la Bourse à Tokyo, à New York et à Hong Kong. Je vous propose de changer une fois de crémerie et qu'au lieu d'aller au Café du Commerce vous portiez vos pas jusqu'au Café des Trois-Rois aux Pâquis, que vous alliez au Café du Vélodrome à la Jonction ou au Café du Marché à Carouge et là vous entendrez d'autres discussions. Les gens disent plutôt que nos édiles sont très généreux avec des gens comme les Stäubli, les Gaon, les Ebner. Ils sont très généreux avec tous ceux qui vivent de la crise et qui aujourd'hui accumulent des fortunes colossales. Il s'agit d'une question de mentalité. Ce que vous entendez dans les cafés populaires évidemment vous ne l'entendez pas au Café du Commerce.
A l'issue de votre table ronde, à laquelle nous n'avons pas participé parce nous ne pouvons pas négocier ce qui n'est pas négociable, vous avez mis de l'eau dans votre vin en ce qui concerne les dépenses des prestations sociales. Il est vrai que, sur 110 millions d'économie faites sur le dos de la population, il en reste 36. Vous avez mis de l'eau dans votre vin parce que vous connaissez la capacité de mobilisation des organisations de personnes âgées. Vous n'avez pas oublié l'importante protestation à propos de l'attitude du Conseil d'Etat lorsqu'il a voulu confisquer la maigre augmentation de l'AVS à ceux qui touchaient l'OCPA ou lorsqu'il a supprimé le subside de la caisse maladie à plus de vingt mille personnes de condition modeste. Je crois que là il y avait quelque raison à ce que vous mettiez un peu d'eau dans votre vin. Cela étant dit, vous savez aussi très bien que ce que vous avez abandonné cet été, vous pourrez le retrouver un peu plus tard. Il y a actuellement la discussion sur la révision de la loi sur l'imposition des personnes physiques, la LIPP. Sur l'autel de l'harmonisation fiscale intercantonale, bien des avantages qui étaient concédés aux Genevois vont être effacés. Vous savez également que dans le projet de loi 7893 soumis à cette session du parlement sur l'autel de l'harmonisation entre les prestations complémentaires fédérales et les prestations complémentaires cantonales, il y a des avantages consentis aux Genevois qui vont être effacés.
Avec votre projet de budget, vous voulez une Genève où les plus défavorisés des invalides le seront davantage encore. Vous décidez de réduire d'un coup leur salaire de 15%. Réduire de 15% le salaire de gens qui ont des revenus assez bas, c'est un peu choquant lorsqu'on pense qu'il a été décidé de baisser de 2% seulement le salaire des conseillers d'Etat, et les jetons de présence des députés. Mais 15% sur un revenu très modeste, ce n'est pas rien. Les discussions des invalides ne sont pas de celles qui ont cours au Café du Commerce. On ne parle pas de l'indice Dow Jones, du Nikkei, du CAC 40, etc. Là, il est question de savoir comment on va faire pour payer la caisse maladie à la fin du mois, pour payer son loyer. Comment va-t-on faire avec un revenu minimum pour assurer une formation professionnelle à ses enfants. C'est là que se posent les réels problèmes.
En ce qui concerne les économies que vous avez encore préconisées sur le dos des chômeurs, vous avez parlé de 14 millions, vous avez trouvé, semble-t-il, une bonne solution. Nous laisserons à d'autres le soin de vous expliquer ce que cette proposition a de farfelu. Toutes ces personnes, invalides, chômeurs, que vous allez toucher par ce projet de budget, vous savez très bien aussi qu'elles passeront à la caisse comme tout le monde, puisqu'au niveau fiscal elles subiront également des augmentations d'impôts. Elles ne seront pas épargnées et seront par conséquent frappées à tous les niveaux. En conclusion, votre budget 1999, votre nouveau projet de loi est tout imprégné de la mentalité du Café du Commerce. Vous comprendrez bien qu'il ne nous convient pas. (Applaudissements.)
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste a finalement signé l'accord de la table ronde. Cet accord n'est certes pas parfait, mais dans le contexte actuel l'absence d'accord serait pire et nous sommes opposés à la politique du pire.
Il convient de rappeler tout d'abord quelques éléments qui ont changé par rapport à ces dernières années. Le poids de la dette devient de plus en plus lourd. Nous consacrons une part de plus en plus importante à payer la charge de la dette. Si nous ne faisons rien, dans quelques années nous devrons tailler à la hache dans le budget et ça, nous ne le voulons pas. De plus, nous sommes convaincus que nous avons besoin d'un Etat qui fonctionne, d'un Etat qui joue son rôle redistributeur. Dans un Etat faible, c'est toujours les petits qui trinquent. Si nous laissons la dette ronger les finances publiques, demain nous ne pourrons payer ni les salaires de la fonction publique ni les prestations sociales. De plus, le changement de gouvernement a eu pour conséquence la transparence au niveau du budget et celui qui nous est proposé aujourd'hui est un budget vérité.
Par ailleurs, la responsable des finances a la volonté de faire fonctionner l'administration fiscale, ce qui n'a pas été toujours le cas dans cette République, c'est-à-dire de faire en sorte que chacun paie son dû. Grâce aux postes que nous avons votés lors du dernier budget, l'administration fiscale aura une dotation en personnel qui lui permettra de lutter contre ce comportement antisocial que constitue la fraude fiscale.
En juin dernier, le Conseil d'Etat a proposé de mettre en discussion des mesures d'économie dans la procédure dite de la table ronde. A ce sujet, je regrette que le Conseil d'Etat ait entretenu un flou sur la nature de cette procédure. Le Conseil d'Etat a parlé de négociation alors qu'il s'agissait pour l'essentiel de concertation. C'est malheureusement une tendance répandue dans les exécutifs de parler de concertation alors qu'il s'agit en fait d'information, et de négociation lorsqu'il s'agit en fait de concertation. Il est également regrettable que le rôle respectif des groupes de pression, des partenaires sociaux, des partis politiques et du parlement n'ait pas été mieux défini au début de la procédure. Après ces quelques remarques sur la forme, venons-en au contenu.
Le parti socialiste, conscient de l'importance du déficit, a décidé de participer aux discussions de l'été. Nous l'avons dit et écrit, les mesures du Conseil d'Etat étaient pour la majorité d'entre elles inacceptables. Nous avons fait le pari que nous pouvions trouver d'autres mesures que celles proposées par le Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne les chômeurs, les rentiers et la fonction publique. Ce pari a été tenu, ce qui a été signé le 4 septembre est très différent du document du Conseil d'Etat du 8 juin dernier. L'Alliance de gauche a fait un autre choix, nous le respectons mais nous le regrettons. Nous aurions été plus forts dans les négociations si l'Alternative avait été au complet autour de la table. Nous regrettons également que les représentants de la fonction publique n'aient pas pu négocier un accord avec le Conseil d'Etat pendant l'été. Si un accord avait été signé et quel que soit son contenu, nous l'aurions pris tel quel. D'ailleurs, pendant tout l'été, nous avons refusé de prendre position sur les propositions du Conseil d'Etat touchant à la fonction publique, estimant que ce n'était pas notre rôle. Il fallait laisser l'Etat employeur négocier avec les représentants des salariés.
En l'absence d'accord le 4 septembre, nous avons dû prendre nos responsabilités et nous les avons prises. Nous avons pris soin de préserver les salariés ayant un revenu annuel inférieur au montant du revenu médian, c'est-à-dire inférieur à 60 000 F par année. Ces mesures ont été prises tout en préservant les mécanismes d'annuités et d'indexation prévus par la loi. De plus, dans le projet de budget que nous avons reçu - un peu tardivement il est vrai - nous constatons avec satisfaction que de nombreux auxiliaires ont pu être stabilisés.
En ce qui concerne les prestations sociales, nous avons préservé l'essentiel; les bénéficiaires du RMCAS de l'Hospice général de même que les chômeurs ne sont pas touchés. Pour ces derniers, nous avons proposé que l'Etat se donne les moyens d'appliquer la loi sur les allocations de retour en emploi, c'est-à-dire de faire des dépenses qui rapportent pour reprendre la formule de la CGAS. Pour les bénéficiaires de l'OCPA, le socle de base des prestations est préservé; elles seront même indexées au 1er janvier prochain. Nous avons bien sûr - un peu à contrecoeur - aligné les prestations complémentaires des rentiers AI sur celles des rentiers AVS. Rien ne justifie aujourd'hui cette différence compte tenu que l'OCPA prend en charge les frais médicaux, le transport et l'aide à domicile liés au handicap, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années.
Il faut rappeler que Genève est le canton le plus généreux avec les rentiers et c'est tout à son honneur de traiter dignement ses aînés et ses handicapés. Nous veillerons à ce que le socle de base de l'OCPA ne soit pas touché dans les années qui viennent. Nous avons également accepté de revoir la prise en compte de la fortune des bénéficiaires de l'OCPA qui dépasse 25 000 F pour une personne seule. Le Conseil d'Etat voulait supprimer les prestations à ces personnes. Nous avons atténué cette mesure et nous avons surtout évité un effet de seuil. Nous n'avons pas non plus dans cet accord touché aux subventions versées aux associations sociales et culturelles. Rappelons que, depuis le début de cette décennie, ces subventions n'ont non seulement pas été indexées, mais qu'elles ont subi des coupes linéaires de 15%. Diminuer les subventions à ces associations équivalait à toucher à l'emploi, ce que nous ne voulions à aucun prix.
Au niveau des recettes, nous n'avons aucun problème avec l'impôt auto. Nous avons toujours défendu l'idée du pollueur payeur, c'est-à-dire que les automobilistes doivent assumer une part importante des frais directs et indirects engendrés par la circulation automobile. En revanche, pour ce qui est de l'impôt spécial, il est évident que nous aurions préféré pouvoir prélever cet impôt sur un revenu brut, ce qui nous aurait permis de capter des sommes qui aujourd'hui échappent au fisc, de lutter contre ce que l'on appelle communément «l'effet Kopp». Cette solution n'est malheureusement pas possible juridiquement. Pour notre part, nous aurions préféré, à la solution trouvée, augmenter les centimes additionnels, mais cet accord provient d'une négociation. Cet impôt spécial n'est certes pas très enthousiasmant, mais il a au moins un mérite : il a une chance de passer devant le peuple. Bien sûr, nous aurions préféré taxer davantage les grandes fortunes, mais, comme l'a dit Bernard Clerc tout à l'heure, la droite de ce canton a les moyens actuellement de faire échec à nos propositions fiscales. Nous en avons fait l'expérience il y a quelques années avec un impôt sur les grandes fortunes. Nous en avons fait l'expérience le 7 juin dernier avec l'impôt sur les gains immobiliers. La dernière hausse d'impôts acceptée par le peuple date de 1992. C'était les centimes additionnels liés à l'aide à domicile. Nous ne pouvons pas ignorer ces faits. Nous estimons que l'absence d'accord ou un refus le 20 décembre de cet accord par le peuple serait catastrophique. De plus, nous tenons à dire que cet accord est le fruit d'une négociation difficile et, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure par certains députés de l'Alliance de gauche, ce n'est pas la création d'une nouvelle alliance politique, mais cet accord est le fruit d'une négociation entre la gauche et la droite... (Exclamations.) Lorsque les syndicats ouvriers et les patrons signent un accord, le lendemain on ne parle pas d'une alliance entre le patronat et les salariés, on dit simplement qu'un accord a été signé .
Enfin, l'avantage de mettre ces mesures dans un article constitutionnel est de permettre au peuple de se prononcer avant la fin de l'année, alors que, si nous avions utilisé les procédures habituelles de dépôt de projets de lois liés au budget, il y aurait eu à coup sûr des référendums et à ce moment-là le peuple ne se serait prononcé que dans le courant de l'année 1999, ce qui signifie qu'au 1er janvier nous n'aurions pas eu de budget. Ne pas avoir de budget, c'est aller au-devant des douzièmes provisionnels et devoir, au printemps prochain, négocier un nouveau budget. Je rappelle également que si comme députés nous avons la faculté de modifier toutes les rubriques du budget, il y en a une que nous ne pouvons pas modifier qui est fixée par le Conseil d'Etat, c'est le montant du déficit.
Le président. Il vous faut conclure Monsieur le député !
M. Pierre-Alain Champod. Dans ces conditions, le groupe socialiste a estimé que cet accord était meilleur que des douzièmes provisionnels et une incertitude complète sur le budget de 1999. C'est pour cette raison que nous avons signé cet accord et que nous le soutiendrons dans la campagne pour les votations du 20 décembre.
M. David Hiler (Ve). Il y a un peu plus de dix-huit mois, dans notre commission électorale, nous rédigions la partie du programme consacrée au problème des finances publiques. La discussion fut approfondie, parfois vive et elle débouchait sur les constats suivants :
Premièrement, le rythme d'endettement de Genève était beaucoup trop élevé et nous menait tout droit à la catastrophe. Ce constat est aujourd'hui partagé par tous. Deuxième constat : la seule manière possible de résoudre le problème était, un, de maîtriser les dépenses; deux, d'augmenter les recettes. C'est ce que nous avons fait figurer dans notre programme et c'est ce qu'aujourd'hui nous défendrons dans ce parlement sans aucun revirement mais avec une constance dont vous aurez ici encore l'occasion de mesurer l'effet.
En ce qui concerne le projet que l'on nous propose, le projet de loi constitutionnelle et son mécanisme d'équilibre sur six ans en période normale et sur neuf ans en période de crise, correspond parfaitement à nos voeux et nous le défendrons à ce titre, car nous ne voyons pas quel intérêt une collectivité peut avoir à posséder un Etat paralysé. Cet Etat est aujourd'hui paralysé. Sa marge de manoeuvre est à peu près nulle et nous nous réjouissons de pouvoir éviter à l'avenir de nous mettre dans une situation pareille.
Entre-temps, nous avons appris l'ampleur du déficit réel. Nous savions qu'il y avait un certain nombre de petites tricheries auxquelles les six partis ici présents, sur proposition du Conseil d'Etat, avaient bien voulu se prêter pour des raisons sans doute assez différentes, mais à vrai dire et très sincèrement je crois que parmi les Verts comme parmi tous les autres députés l'immensité de la somme cumulée avait commencé à nous échapper. Nous approuvons la nécessité d'un retour graduel à la situation d'équilibre qui donnera tout son poids à la norme permanente qui devrait suivre.
Maintenant, évidemment, la discussion politique commence lorsqu'il s'agit de dire comment on va parvenir à l'objectif. Et j'aimerais être très précis sur ce que signifie maîtriser les dépenses. Maîtriser les dépenses ne signifie pas les diminuer. Dans notre esprit, maîtriser les dépenses signifie simplement que les dépenses restent stables en valeur réelle, ce qui signifie que les dépenses sont à peu près indexées. Or, c'est bien là le problème, et c'est le problème auquel chacun doit réfléchir. Les mécanismes de la fonction publique et de toutes les institutions qui connaissent le même statut demandent une augmentation de la masse salariale de 2,3% par année. Or, il n'est pas du tout certain que l'augmentation de l'impôt générée par l'accroissement de la richesse et de la population suffise à couvrir cette augmentation. C'est bien là le problème dès le départ et c'est le problème qui d'ailleurs n'est pas résolu. Parce que c'est là la question structurelle : est-il raisonnable et possible pour un Etat efficace de se condamner à avoir une augmentation hors inflation de 1,3% chaque année sur la rémunération, sans engager un seul fonctionnaire supplémentaire ?
Cette question est évidemment délicate. Ce n'est pas le genre de question à se faire des copains quand on la pose. Cela dit, il va falloir la poser. Il va falloir s'interroger sur les mécanismes salariaux dans la fonction publique. Pour le moment, l'effort a été demandé une fois de plus à la fonction publique. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il était difficile de le demander à quelqu'un d'autre. Les associations subventionnées, les fondations ont perdu beaucoup, beaucoup plus que la fonction publique à ce jour, parce que là on n'a pas freiné les mécanismes, on a bel et bien taillé à la hache parfois. Il n'était plus question pour nous d'entrer là-dedans sous prétexte que cela se voit moins, car c'est bien de cela qu'il s'agit évidemment. Lorsqu'on coupe chez les subventionnés, on ne voit pas les répercussions salariales directes. Elles existent fortement dans ces secteurs où les salaires sont par ailleurs nettement plus bas.
Deuxième point : il y a une impossibilité évidemment à continuer à manipuler les amortissements. Il y a impossibilité à définir par un coup de baguette magique de combien seront les intérêts. Alors que nous reste-t-il ? Les dépenses de transfert - ainsi qu'elle sont appelées - en direction des défavorisés et la masse salariale. Il n'y a rien d'autre sinon les dépenses générales qu'il faut continuer à diminuer - là, je ne félicite pas le Conseil d'Etat dans le dernier budget d'ailleurs - mais au fond il y a une limite à tout et malheureusement les dépenses générales ne sont pas un poste extrêmement important au total dans le budget.
Le choix est assez facile : si l'on admet la nécessité de maîtriser les dépenses en prenant toute l'acception de ce terme, alors on a le choix entre tailler à la hache, mais vraiment à la hache dans les prestations sociales pour atteindre l'objectif, ou demander un effort au poste principal qui est celui de la fonction publique. Pourquoi acceptons-nous le second terme de l'alternative ? Parce qu'après l'adoption du paquet ficelé, et j'aimerais que ceci soit clair pour tous, nous aurons à Genève la fonction publique la mieux rémunérée de Suisse. Nous aurons les prestations complémentaires AVS et AI les plus élevées de Suisse. Nous en sommes fiers aussi et l'objectif de la table ronde, c'est d'arriver à maintenir cette spécificité genevoise.
Nous aurons toujours l'Etat social le plus développé de Suisse. Alors il est vrai, Monsieur Clerc, que nous nous empêchons avec ce projet un certain nombre de politiques anticycliques. Mais il faudrait une fois pour toutes renoncer à considérer le canton de Genève comme un Etat. Un Etat, un vrai, a une monnaie. Un Etat, un vrai, a moyen d'intervenir sur le taux d'intérêt et c'est par ces mécanismes qu'on peut éventuellement se permettre de créer une dette d'investissement qui puisse avoir un effet économique réel. Genève peut toujours essayer ! Elle est ce qu'on appelle une petite collectivité locale. Les collectivités locales n'ont pas de marge de manoeuvre sur le plan financier et ça résout la question de savoir si on peut laisser flotter indéfiniment le déficit. Les seuls qui ont pu le faire d'ailleurs, ce sont ceux qui ont pu exporter une partie des nuisances, ce sont les Américains, évidemment, à cause de la monnaie dollar.
Sur le fond, nous pouvons donc, par rapport aux critères qui sont les nôtres, accepter comme correct tout ce que contient le paquet ficelé côté dépenses. Côté recettes, disons-le clairement, nous avons fait une concession par rapport aux voeux de nos programmes. Nous avons accepté que soit perçu un nouvel impôt sur le travail. Nous pensons que le travail est largement trop taxé aujourd'hui et là nous avons fait une concession parce qu'il y a bien un moment où nous devions en faire une et nous l'avons fait. C'est sans plaisir. Nous avons constaté - avec un certain dépit mais nous ne sommes pas du genre à trop nous laisser décourager - que les projets d'écotaxes que nous avions soumis à la table ronde ont été balayés par les services avec leur habituel conformisme et leur habituelle négligence dans l'étude. Ils devront se prononcer plus sérieusement sur des projets de lois que nous déposerons et qui sont effectivement le relais indispensable aux recettes qui manqueront demain mais aussi après-demain, lorsque la contribution spéciale - que nous ne regrettons pas - n'aura plus lieu d'être et qu'il faudra effectivement - comme les orateurs de l'Alliance de gauche l'ont dit - trouver des recettes pour compenser ce manque.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur l'orateur !
M. David Hiler. Pour la suite, nous savons qu'il n'y a que deux alternatives. La première : ce paquet ficelé est accepté par le peuple; la deuxième est extrêmement claire : ce sont les douzièmes provisionnels, pas d'indexation, pas d'annuité et pas d'indexation pour les rentes complémentaires. C'est donc le scénario catastrophe. Il est alors possible que d'ici là quelqu'un nous soumette un autre budget qui permette effectivement de sauver l'essentiel et même beaucoup plus que l'essentiel. Nous attendons avec impatience ces faiseurs de miracles. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). L'ouverture des placards de l'Hôtel des finances est terrifiante. Plus de 10 milliards de dettes et un déficit annuel qui devait s'élever à 811 millions : voilà le bilan. La situation des finances de l'Etat est tout à fait catastrophique. L'héritage est lourd et, en politique, il n'est pas possible de le répudier. A partir de ce constat, la seule réponse adéquate est bien entendu l'action. C'est pour cela que les socialistes ont accepté d'entrer dans un processus de négociation inter-partis, même si celui-ci n'était sur plusieurs points pas parfait. Cette négociation a été éminemment douloureuse pour tous les partis, de droite comme de gauche. Personne ne s'est fait de cadeaux ou n'a renié ses idéaux. (Exclamations.)
A aucun moment, cette négociation n'a ressemblé à celle décrite par certains absents. Pas question d'une sainte alliance ou d'un recentrage politique. Notre seul point de convergence a été un souci commun d'améliorer la santé des finances publiques. Je crois que dans cet exercice personne n'a gagné. Personne n'est ressorti pleinement content de cet exercice difficile mais assurément indispensable. Car si la situation s'aggrave, vous le savez très bien, ce sont les plus défavorisés et la fonction publique qui dégusteront et ceci de manière bien plus grande que les efforts demandés à travers le paquet de mesures négocié.
Un parti de gauche ne peut pas prendre le risque de tuer l'Etat social de la sorte. Oui, ce paquet n'est pas parfait. Naturellement, en tant que socialistes, nous aurions voulu taxer davantage les fortunés, les spéculateurs ou les grandes banques afin de baisser la pression sur les classes moyennes et sur la fonction publique. Nous avons négocié sur tous ces points jusqu'à une quasi-rupture. Là encore, tout le monde sait très bien que sans un minimum de compromis politique aucun paquet de mesures n'a une chance d'aboutir aujourd'hui devant la population.
Les contre-mesures proposées dernièrement par l'Alliance de gauche sont bien sûr excellentes. Oui, c'est un vrai paquet de gauche que vous nous avez proposé, l'AdG. Malheureusement - et là aussi vous le savez très bien - un tel paquet n'a aucune chance devant la population et serait malheureusement balayé, car il est composé de 75% de nouvelles recettes. C'est peut-être un manque de maturité de la population mais c'est une réalité incontournable. Toutes les dernières propositions de nouvelles recettes qui ont été soumises au vote populaire ont été carrément laminées. Nous le regrettons. Notre proposition d'impôt sur les fortunes, notre proposition de taxation sur les gains immobiliers et même notre impôt de solidarité destiné aux chômeuses et aux chômeurs ont été tous massivement rejetés. C'est regrettable. Là encore, le seul moyen d'obtenir actuellement de nouvelles recettes est bel et bien de trouver un accord politique le plus large possible.
Les socialistes avaient trois objectifs durant cette négociation : épargner le quart de la population la plus pauvre de ce canton, diminuer sensiblement l'effort des plus petits salaires de la fonction publique et inclure les fortunes dans ce paquet. Ces trois objectifs ont été atteints. Nous payons très cher les erreurs de gestion commises durant les années de vaches grasses. Aujourd'hui, nous devons assurer un travail, il est vrai, très pénible. Alors, rappelons-nous que si nous ne faisons rien de manière urgente et concrète, si nous nous bornons à de beaux discours idéologiques, c'est tout simplement les valeurs de solidarité défendues par l'Etat qui passeront à la trappe et le PS - en tant que parti de gauche - ne peut pas accepter un tel dessein. La critique est bien sûr facile, mais à ce jour, parmi ceux qui ont condamné sans merci ce paquet, eh bien personne, je dis bien personne n'a proposé un autre paquet acceptable par le peuple et ayant un impact significatif sur les finances publiques. (Huées à la tribune du public.)
Le président. Je prie les personnes qui sont à la tribune de ne pas manifester. Merci.
Mme Salika Wenger (AdG). Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant qu'un budget n'est pas seulement un document comptable mais qu'il est aussi le reflet d'une politique. Des choix politiques interviennent toujours avant l'établissement d'un budget. Dans cette perspective, il est intéressant de souligner que les mesures antisociales contenues dans le projet de loi sur l'assainissement des finances cantonales exacerbent les inégalités de manière inadmissible dans notre canton...
(Bruyantes manifestations dans la cour de l'Hôtel-de-Ville et à la tribune du public).
Le président. Que quelqu'un veuille bien fermer la fenêtre ! Je prie les personnes présentes à la tribune de ne pas manifester, sinon je me verrai obligé de la faire évacuer.
Mme Salika Wenger. On a prétendu que les représentants de tous les secteurs touchés étaient invités à discuter du nouveau train de lois. Aujourd'hui, force nous est de constater que, par exemple, aucune organisation de jeunes, aucun représentant des milieux culturels ou des associations de parents n'étaient présents. Quant aux femmes - et c'est là que je veux en venir - elles ne seraient pas spécifiquement touchées, paraît-il. En fait, elles ont tout simplement été oubliées. Depuis 1991, les effets de la crise capitaliste se font sentir en Suisse et si la part des femmes dans l'emploi a augmenté, c'est principalement dans les emplois temporaires et dans les emplois à temps partiel. De plus, 65% des emplois des femmes se situent entre les classes 2 et 15, soit les salaires les plus bas.
Ainsi que mes camarades viennent de le démontrer, c'est à cette catégorie de la population que l'effort demandé sera le plus coûteux dans tous les sens du terme. Baisser ces revenus de quelque manière que ce soit reviendrait à pénaliser les femmes une seconde fois. Il me semble inutile de multiplier les exemples. Tout le monde aura compris que ce genre de politique est totalement inadmissible pour nous, Alliance de gauche. La nécessité de réduire le déficit structurel des finances cantonales ne doit pas avoir la priorité absolue sur toute autre considération. La cohésion sociale comme la concrétisation de l'égalité entre femmes et hommes sont des priorités plus importantes. Si pour cela nous devons encore attendre des finances saines, nous risquons d'attendre une cinquantaine d'années comme pour l'assurance maternité, par exemple. C'est pourquoi nous protestons vigoureusement contre les choix politiques qui ont été faits cet été en matière de politique financière pour notre canton. (Applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R). Je ne referai pas ici l'historique d'un accord dont je ne suis pas encore certain qu'il soit historique...
Mais je dois tout de même constater que la société politique, si souvent décriée, a réussi une concertation que la société civile, si prompte à nous donner des leçons, a jusqu'à présent échoué à faire. C'est là un premier résultat. Et contrairement à ce que certains peuvent penser c'est un résultat important des négociations de cet été.
Le parti radical, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, est associé aux responsabilités de ce canton depuis plus de cent cinquante ans. Il prend donc sa juste part et de la situation catastrophique d'aujourd'hui et des mesures nécessaires de redressement. Pratiquement tous les partis représentés dans ce Grand Conseil, à l'exception d'un seul - quoi qu'il ait prétendu - souhaitent la réalisation de ce redressement.
Nous approuverons donc le paquet constitutionnel, même si celui-ci nous paraît très compliqué et même si l'on est en train aujourd'hui de sacraliser les dispositions constitutionnelles, alors même que nous savons que notre constitution genevoise comporte déjà des dispositions de type financier, lesquelles, jusqu'à présent, n'ont pas été appliquées comme, par exemple, la couverture des dépenses nouvelles.
Nous accepterons donc ce paquet car nous avons pu le négocier à la table ronde, en même temps qu'une enveloppe financière - pas un budget, une enveloppe - axée, d'une part, sur un chiffre précis de déficit pour 1999 fixé par le Conseil d'Etat et, d'autre part, sur l'équilibre ou la symétrie des sacrifices. Encore qu'il y aurait beaucoup à dire sur la symétrie des sacrifices...
En revanche, nous devons malgré tout déclarer qu'en ce qui concerne le budget proprement dit nous sommes, pour l'instant, déçus. Ce budget nous paraît, en partie du moins, un leurre, parce que nous constatons que le signe clair de réelle maîtrise des dépenses qui aurait dû être donné à la population ne l'est toujours pas.
Les charges financières augmentent de 3,4%, les dépenses générales de plus de 7,8% et les dépenses sociales de plus de 13%... 13%, c'est-à-dire 124 millions ! Comment ose-t-on nous parler de démantèlement de l'Etat social alors qu'en pleine période de crise des finances de l'Etat le budget social augmente de 124 millions et celui de l'Hospice général de 20% ?
Il faut croire, Mesdames et Messieurs les députés, que contrairement aux propos d'un conseiller d'Etat, qui jugeait que les chiffres dits «de droite» étaient devenus maintenant tout simplement des chiffres acceptables pour tout le monde, eh bien, il faut croire que non, puisque certains, pratiquant ce que j'appellerais un «analphabétisme économique», persistent à prétendre qu'on assiste au démantèlement de l'Etat social.
Autre réserve : la fonction publique continue d'augmenter - certes, les chiffres varient, puisqu'une partie des augmentations de postes concerneraient simplement des confirmations. Mais ce signe, fait dans la perspective de convaincre les citoyennes et les citoyens de la valeur du paquet qu'on leur présente, ne nous paraît pas aller dans la bonne direction.
Nous constatons aujourd'hui que les recettes préconisées par l'Alliance de gauche, à savoir d'augmenter l'impôt sur les grandes fortunes, contribueraient à ruiner ce qui peut rester de l'attractivité fiscale de Genève... (Huées.) ...laquelle est déjà bien menacée. En effet, même la présidente du département des finances souhaitait pouvoir taxer les Vaudois, ou les habitants du canton de Vaud qui viennent travailler à Genève. Il faut savoir que le monde d'aujourd'hui est extrêmement mobile, ce dont, à l'évidence, l'Alliance de gauche n'est encore pas persuadée. Aujourd'hui déjà, Genève a la fiscalité la plus sociale de Suisse, ne vous en déplaise, et il nous paraît extrêmement dangereux pour nos finances cantonales de vouloir aggraver certains déséquilibres.
Il faut savoir ce que nous voulons. Le parti radical accepte, bien malgré lui, l'augmentation de certains impôts. Il est aussi fort contrarié que la contribution spéciale ne soit pas prélevée sur une assiette de revenu brut mais sur une assiette de revenu net. Et, comme d'autres préopinants, il se félicite que cette contribution spéciale disparaisse dans quelques années.
En revanche, il ne saurait admettre l'idée de la remplacer par des centimes additionnels. Car, précisément, l'augmentation des centimes additionnels contribuerait encore à effiler la pyramide fiscale et, finalement, de nouveau, à réduire cette attractivité. Certes, cette dernière paraît négligeable à certains, mais elle est, malgré tout, le fondement du redressement de nos finances. Sur ce point encore, nous regrettons que des mesures n'aient pas été prévues par le Conseil d'Etat pour développer cette attractivité fiscale. La politique de chasse aux forfaits fiscaux nous paraît, s'agissant d'étrangers qui viendraient s'établir à Genève, une mauvaise politique. Au contraire, Genève doit développer la possibilité d'accueillir des gens qui viendraient seulement y dépenser leur argent et payer des impôts sans rien nous coûter.
Des pistes doivent encore être trouvées pour augmenter les recettes de l'Etat. Nous le disons, aujourd'hui, quoi qu'on en pense, la symétrie des sacrifices n'a pas été entièrement respectée et nous pensons qu'à l'heure actuelle il serait faux de vouloir encore l'aggraver dans le budget ou dans des mesures ultérieures. Nous constatons que certaines personnes manifestent dans la rue alors qu'elles n'ont pas réellement perdu, sur le plan nominal, le moindre franc... (Huées à la tribune.)
Le président. Je prie les personnes à la tribune de s'abstenir de manifester !
M. Bernard Lescaze. Il y a évidemment, Monsieur le président, des propos qui peuvent paraître surprenants et désagréables parce qu'ils ne vont pas dans le sens de ce que les gens attendent... La différence entre le secteur public et le secteur privé est importante. Ce dernier a vu ses rémunérations baisser non seulement en termes nominaux mais, bien entendu, encore plus en termes réels. Ne pas vouloir le constater, c'est simplement être aveuglé sur la réalité des choses !
Dans ces conditions, bien que peu satisfait du projet de budget, le groupe radical s'efforcera de le faire accepter non seulement dans ce Grand Conseil mais également, grâce à l'article constitutionnel, par la population. Mais il lui paraît essentiel, comme cela a été dit par les deux autres représentants de l'Entente, que ces mesures soient accompagnées d'un véritable programme de réforme de l'Etat. Il y a trop longtemps qu'on en parle. Une seule phrase d'un article constitutionnel a été insérée à la demande de plusieurs partis politiques. Cette phrase resterait vide de sens si, maintenant, le Conseil d'Etat ne s'attaquait pas avec énergie, force et détermination à cette réforme de l'Etat.
Des pistes ont été données par l'audit. Des pistes ont été données par les partis politiques. Des pistes ont été données par différentes forces économiques et sociales de ce canton. Le Conseil d'Etat sait et saura qu'il trouvera notre appui résolu pour effectuer cette réforme. Mais s'il ne présente pas rapidement des points essentiels de ce programme de réforme, alors on peut craindre le pire parce que les partis politiques ne sont qu'un écho de la volonté populaire. Vous le savez, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, le peuple est parfois beaucoup plus intelligent que vous ne le pensez ! (Applaudissements et huées.)
M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Lescaze, vous avez parlé «d'analphabétisme économique». Je dois dire que cette expression correspond assez bien à la démonstration que vous venez de nous faire. Je ne sais pas si c'est dans ce but que vous l'avez utilisée... Nous laisser croire que la fonction publique n'a rien perdu dans cette affaire, alors que le Conseil d'Etat lui-même, chiffres à l'appui, nous a démontré que depuis 1991 la fonction publique a déjà donné 2,5 milliards... Monsieur Lescaze, soit vous ne lisez pas vos dossiers - ce qui m'étonnerait - soit vous êtes de mauvaise foi ! (Applaudissements à la tribune.)
Le président. Silence, s'il vous plaît, sinon je serais obligé de suspendre la séance et de faire évacuer la tribune ! Je vous demande instamment de ne pas manifester, sinon nous reprendrons nos travaux sans public.
M. Christian Ferrazino. Je ne suis pas sûr, Monsieur le président, que les policiers soient en service en ce moment... (Rires.) ...ce qui fait que, si voulez faire évacuer la tribune, vous risquez de rencontrer certaines difficultés !
Cela étant, je crois que les manifestations à la tribune sont similaires à celles qui s'exprimeront le 20 décembre ! Et là, je vous attends, Monsieur Lescaze ! (Applaudissements. Le président agite la cloche.)
Un certain nombre d'interventions ont de quoi nous laisser pantois. On pouvait s'attendre à ce que le groupe libéral, cohérent avec son programme, défende cet accord, car les électeurs qui votent pour des représentants de ce groupe ne s'attendent pas à ce qu'ils défendent les prestations sociales et les plus démunis de cette société.
M. Hiler a tenu un discours qui, s'il était similaire à celui de M. Halpérin, était beaucoup plus franc. En effet, le groupe des Verts, cohérent avec son programme, dit que si des coupes doivent se faire elles doivent l'être dans la fonction publique. Il faut donc reconnaître la cohérence des propos de M. Hiler sur ce point. Mais lorsqu'il dit qu'il faudra, le cas échéant, couper dans les prestations sociales, alors nous commençons à nous inquiéter, car il dit ce que le groupe libéral n'a pas osé dire...
Monsieur Hiler, vous avez notamment évoqué les subventions. Or, vous savez pertinemment - en tout cas vous devriez le savoir... (L'orateur est interpellé par M. David Hiler.) Mais oui ! Ecoutez, Monsieur Hiler, restons-en au débat... Nous constatons que chacun d'entre vous a beaucoup de peine à justifier la signature de cet accord. On nous dit que les propositions de l'Alliance de gauche sont excellentes mais qu'elles tiennent du miracle. Alors, nous sommes étonnés que vous ayez travaillé avec nous tout l'été pour essayer de mettre sur pied, avec nos collègues socialistes, un projet de loi visant précisément à imposer les grandes fortunes. Il faut donc arrêter de nous raconter des salades !
Nous avons repris des chiffres, vous les connaissez. Depuis 1991 jusqu'à 1997, le nombre de contribuables disposant d'une fortune supérieure à un million a augmenté d'un tiers. Actuellement plus de six mille contribuables ont une fortune imposée supérieure à un million. Et savez-vous combien représente la fortune cumulée de ces six mille contribuables ? Cette fortune est supérieure à 25 milliards ! Et le représentant du groupe socialiste vient nous dire que ce projet de budget est social et que, malheureusement, on ne peut pas demander un effort supplémentaire à ces six mille personnes, qui possèdent plus de 25 milliards !
Effectivement, il y a lieu de s'interroger sur le contenu de ce qu'on nous propose comme étant un budget social. Il faut tout de même examiner les propositions qui nous sont faites. Alors voilà le budget social qui évite le démantèlement de l'Etat social ! Savez-vous quel est l'effort financier qui sera demandé aux grandes entreprises qui réalisent de gros bénéfices ? Prenons, par exemple, l'UBS. Eh bien, l'effort supplémentaire demandé est forfaitairement arrêté à 2 000 F par année ! (Rires.) Ça c'est la partie des recettes du budget social. Mais, attendez, ce n'est pas tout, ce budget étant social, il faut voir la contrepartie. Eh bien ce sont les rentiers AI qui eux verront leurs prestations diminuer de 3 300 F par année ! Alors, vous me permettrez de dire que de telles mesures sont non seulement antisociales, non seulement particulièrement injustes, mais elles sont, au demeurant, totalement iniques. Surtout si l'on sait que l'objectif recherché peut être atteint sans s'en prendre ni à la fonction publique ni aux plus démunis de cette société; qu'il suffit de demander à ceux qui en ont les moyens de faire cet effort supplémentaire - petit effort par rapport à leur fortune et aux bénéfices qu'ils réalisent. Voilà les propositions de l'Alliance de gauche.
Pour conclure, le projet de loi qui a été annoncé tout à l'heure et qui sera prochainement débattu devant ce Grand Conseil propose une imposition supplémentaire des fortunes à partir de 1,5 million. Monsieur Brunier, j'espère que vous serez avec nous pour expliquer à la population que les personnes dont la fortune est de 1,5 million peuvent contribuer un petit peu à l'effort de solidarité pour rétablir les finances publiques, afin d'éviter de s'en prendre aux plus démunis.
De plus, nous reprendrons à notre compte également un projet que certains d'entre vous doivent bien connaître, notamment vous, Madame Calmy-Rey, puisqu'il porte votre nom. Je ne sais pas ce que vous pensez de ce projet, mais nous, nous l'avions trouvé bon lorsque vous l'aviez déposé. Il s'agit de prévoir une imposition à taux fixe des entreprises qui, comme vous le savez, ont aujourd'hui un taux variable, ce qui défavorise les petites et moyennes entreprises et favorise les entreprises fortement capitalisées, précisément comme les banques.
Eh bien, Madame Calmy-Rey, ce projet de loi, à lui seul... (L'orateur est interpellé par Mme Micheline Calmy-Rey.) Oui, mais il sera voté avec 10%, vous le savez pertinemment ! Or, vous l'avez déposé avec un taux de 12%. J'espère que vous viendrez devant ce Grand Conseil pour défendre le taux de 12%. Vous le défendrez ? Eh bien, en défendant ce taux de 12%...
Le président. Ce n'est pas un dialogue, Monsieur !
M. Christian Ferrazino. Bien, Monsieur le président ! Il faut tout de même dire que ce projet de loi représente des recettes supplémentaires à concurrence de 160 millions. Les services de Mme Calmy-Rey ont démontré - mais on reste très discret sur ce point - qu'un taux fixe de 12% d'imposition des personnes morales engendrerait 160 millions de recettes supplémentaires.
Le projet de loi sur les fortunes de 1,5 million permettrait quant à lui d'engranger 100 millions supplémentaires. Ces deux propositions à elles seules donneraient donc 260 millions de recettes supplémentaires. Je peux vous assurer que la population comprendra que l'on demande à ceux qui le peuvent de faire cet effort et de contribuer ainsi à rétablir nos finances publiques sans s'en prendre, je le répète, aux plus démunis de cette société. (Applaudissements.)
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). En recevant les vingt-deux pages, jeudi dernier à la maison, de l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi constitutionnelle, je me suis réjouie de connaître enfin les principes de fond ayant guidé son élaboration.
Enfin, les choses sérieuses, le vrai débat ! En effet, jusque-là il me semblait que les grandes personnes s'amusaient pendant l'été, comme mes enfants et peut-être les vôtres, à Sim City - vous connaissez le jeu vidéo... Il consiste à construire une ville avec tout ce qu'il faut : les industries, l'énergie, la police, les services publics, l'administration, les transports... Je vois que vous connaissez. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, mais il n'y a qu'un seul problème : si toutes les conditions ne sont pas remplies, la population ne vient pas s'y installer et la ville ne peut pas fonctionner. L'élément humain est incontournable, même dans ce jeu vidéo. C'est lui qui fait vivre la cité et c'est lui qui la rend prospère.
J'espérais donc trouver dans cet exposé des motifs les éléments qui ont présidé au choix des mesures constitutionnelles d'assainissement des finances qui devraient, si elles étaient acceptées, toucher très concrètement les conditions de vie de la population. Je n'ai pas parlé des plus démunis, j'ai parlé des conditions de vie de la population, dans l'immédiat et à long terme.
Comme l'a rappelé tout à l'heure M. Ramseyer, l'exposé des motifs comporte deux paragraphes sur le constat que l'Etat doit faire face à l'augmentation de la dette et des déficits permanents. Et c'est là qu'intervient la seule définition et vision de la population qui se résume, pour le Conseil d'Etat, à ce qui suit, je cite : «...le sujet fiscal qui veut que l'Etat lui épargne de l'impôt et le citoyen qui veut accroître les moyens financiers de la collectivité pour répondre aux besoins qu'il exprime...» L'analyse s'arrête là. Bref, c'est entièrement la faute du citoyen. Il coûte cher, mais il ne veut pas payer ! Impossible donc pour le Conseil d'Etat de gérer ce qu'il appelle un «phénomène».
Il nous propose alors des mesures qui seraient assorties de sanctions. (Brouhaha.) Oui, Mesdames et Messieurs les députés, c'est sur la base de cette seule observation que découle le processus de mise en place de mesures; sur la base de cette seule vision du citoyen et de l'Etat que s'est élaboré un projet de loi constitutionnelle engageant de manière déterminante l'avenir et le fonctionnement de notre société.
Madame Calmy-Rey, vous avez parlé tout à l'heure du bien-être de la population. Mais là encore vous ne précisez pas de quelle population il s'agit. (L'oratrice est interpellée.) Laquelle ? La population regroupe plusieurs catégories de personnes.
Le Conseil d'Etat appelle cela sa politique et pour la mettre en oeuvre il affirme que la responsabilité incombe aux citoyens que nous sommes de prendre conscience collectivement de la gravité de la situation et de mettre l'intérêt général au centre de nos préoccupations. Mais, une fois de plus, sans bien sûr préciser le contenu et la définition de l'intérêt général. C'est l'intérêt de qui ? C'est l'intérêt de quoi ? C'est l'intérêt du plus grand nombre ? Des riches ? Des pauvres ? On ne sait pas !
Seul motif, seule perspective, seul but, seul objectif pour la société de demain : le déficit zéro !
Alors, je résume. Pour l'instant, nous avons des citoyens qui coûtent mais qui ne veulent pas payer, un intérêt général qui n'est pas défini, une responsabilité collective que nous devons assumer, des sanctions qui nous guettent si le déficit zéro n'est pas atteint...
Une voix. Le jeu vidéo va tomber en panne ! (Rires.)
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Et ça, bien évidemment, sans évaluer, ne serait-ce qu'un instant, les raisons et les choix politiques qui ont conduit à cette situation de déficit.
Le citoyen "X", invalide, devra donc se priver de plus de 3 000 F par an, parce que le Conseil d'Etat ne veut pas faire le bilan de la gestion des années passées et l'analyser. Il veut tout simplement nous imposer le déficit zéro.
Le citoyen "Y", père de famille, trois enfants, qui a le privilège de travailler dans la fonction publique et de gagner 5 500 F par mois peut bien se priver de 4% de son revenu, parce que, faute de perspective sur le rôle de l'Etat et du citoyen, certains ont estimé, pendant l'été, que gagner 60 000 F par an/brut était largement suffisant pour faire vivre dignement une famille.
Le citoyen "Z" qui partage le travail chez ABB/Sécheron pour éviter des licenciements, moyennant une baisse de revenu conséquente, peut bien encore payer, puisqu'il a conscience, lui, de l'intérêt général.
Les vingt et une autres pages de l'exposé des motifs, en ne parlant que de modalités technico-financières et de calculs pour expliquer comment les revenus de la population seront ponctionnés, permettent d'échapper à ce débat de fond pour savoir ce qu'est l'intérêt général et surtout au service de quelle idéologie et de quel système économique il se situe. Cela a déjà été dit, nous ne laisserons pas les citoyens se laisser enfermer dans cette vision étroite de leur rôle dans la société.
Il serait temps d'élargir le champ de vision et d'inclure d'autres paramètres de participation. Les ménages familiaux, par exemple à Genève, effectuent un travail domestique et familial d'éducation et un travail domestique de santé évalué scientifiquement à 8 milliards de francs. Le travail de reproduction et d'entretien - c'est un terme technique, excusez-moi - des ressources humaines de la société est effectué gratuitement par les familles. Ne venez pas me dire que les allocations couvrent les frais ! Si l'on considère cet apport à la société, qu'on l'additionne au revenu cantonal brut officiellement calculé, ces 8 milliards représenteraient presque 30% de ce nouveau revenu cantonal.
D'autre part, les ménages familiaux n'ont, en tout cas en ce qui concerne les familles populaires, pas besoin de calculette pour faire leur budget ou leurs comptes. Ils dépensent la quasi-totalité de leur revenu dans la consommation pour vivre et éduquer leurs enfants : loyer, assurances, nourriture. J'ai entendu tout à l'heure M. Halpérin dire qu'il fallait prendre sur le budget nourriture - c'est assez scandaleux d'entendre ça ! - mais c'est effectivement ce que nous faisons.
On peut évaluer cette participation à la consommation des ménages familiaux à 40% du produit cantonal qu'on a estimé. Ces ménages familiaux constituent donc un coût mais aussi un apport essentiel à l'économie cantonale. Vous avez dit tout à l'heure que la population refusait systématiquement les hausses d'impôts, mais il faut voir ce qui a été fait pour les encourager. Et lorsque le paquet a été mis, comme par exemple pour les soins à domicile, la population a accepté. Il faut voir aussi les efforts qui ont été faits pour que la population comprenne les enjeux. Alors, nous faire croire à longueur d'année, à longueur de campagne électorale et de séances de commission que seuls les riches et les entreprises sont les agents économiques déterminants, c'est avoir une vision pour le moins limitée de la réalité ! C'est ne pas tenir compte que les richesses sont produites également par le travail et la participation de la population.
Le Conseil d'Etat et les partis qui ont signé l'accord sur ce projet de loi n'ont pas, entre guillemets, «la vertu de celui qui possède un sens naturel de la justice et qui respecte les droits de chacun». C'est cela la définition exacte de l'équité, Monsieur Ramseyer, dont vous nous abreuvez depuis quelques mois ! Il serait tout simplement normal que ceux qui profitent du système économique pour accumuler des richesses les redistribuent à ceux et celles qui ont contribué à les amasser. (Applaudissements. Le président agite la cloche.)
M. Daniel Ducommun (R). Après Mme Blanchard et M. Ferrazino, revenons sur terre et permettez-moi de me féliciter de l'accord signé.
L'action du Conseil d'Etat et des partis politiques qui ont pris leurs responsabilités - pas tous, pas tous, c'est vrai ! - est courageuse et seule porteuse d'espoirs d'assainissement des finances publiques. Le parcours sera néanmoins encore long, et je compte sur les capacités et la volonté du gouvernement de mettre en place en parallèle un plan de réforme - nous l'avons dit - en profondeur des structures et des prestations offertes à notre population. Vous le savez, pour être un initié de la commission sur la réforme de l'Etat, j'ai quelques doutes à ce sujet...
A titre d'exemple, je ne peux accepter que le gouvernement mentionne dans son plan d'intentions la réalisation de l'inventaire du patrimoine immobilier et des terrains propriété de l'Etat, alors qu'au même moment, dans la même séance et dans le même ordre du jour - c'est paradoxal - le même gouvernement nous demande 30 millions pour des achats de biens immobiliers ! En ce qui me concerne, et avec l'appui de mon groupe, je maintiendrai donc la pression pour que cela bouge rapidement et concrètement.
En conclusion, je ne peux m'empêcher de réagir contre les allégations de l'Alliance de gauche, de ses représentants et les appuis politiques qu'elle apporte à ses acolytes du Cartel intersyndical de la fonction publique... (Huées et sifflets à la tribune.) Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Je suspends la séance, Mesdames, Messieurs les députés ! Nous reprendrons nos débats lorsque la tribune sera évacuée.
La séance est suspendue à 19 h 40.
La séance est reprise à 19 h 45.
Le président. Bien, Mesdames et Messieurs, nous reprenons nos débats.
M. Daniel Ducommun (R). Lorsque nous avons interrompu la séance, je disais que l'action de l'Alliance de gauche, vis-à-vis de la fonction publique en général, n'est pas sérieuse et manque singulièrement de respect pour les fonctionnaires qui fournissent un excellent travail au service de la collectivité. Vouloir maintenir le statut de la fonction publique obsolète et rétrograde relève d'un dirigisme moyenâgeux. La grille des salaires ne permet aucune marge de manoeuvre. Les conditions de recrutement et de licenciement sont figées. Il n'y a toujours pas de séparation entre prestations d'autorité et de services, laquelle ouvrirait la porte aux anciennes incompatibilités. Quelles idées doctrinaires de scléroser ainsi plus de vingt mille fonctionnaires !
Il faut réformer rapidement le statut de la fonction publique. Je rappelle que le peuple l'a exigé à travers un vote favorable sur l'audit Arthur Andersen. Et puis, en ce qui concerne les salaires, l'Alliance de gauche cache volontairement la vérité pour alimenter des mouvements de grève. Il est faux de prétendre que les salaires vont baisser. A ce titre, M. Hiler avait raison : c'est le contraire. Les dépenses salariales, bien que freinées dans leur hausse par le plan d'économie, augmenteront globalement d'au moins 180 millions en quatre ans, grâce à la reprise des mécanismes salariaux portant notamment leur action sur les salaires inférieurs à 60 000 F. Voilà la vérité, Mesdames et Messieurs les députés !
Tout cela pour convaincre ce parlement que, sans réforme du statut de la fonction publique et de certaines prestations, notre canton ne pourra pas évoluer vers le modernisme et la sérénité. (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Notre petit bateau est déjà alourdi par 10 tonnes d'eau dans les cales. Ce sont les 10 milliards de dettes cumulées que nous devons aux banques. Chaque année qui passe, un milliard supplémentaire s'engouffre encore dans les brèches béantes de la coque en raison de la dette. Si nous ne faisons rien il y aura donc un milliard de plus l'année prochaine, soit 11 milliards de dettes ou 11 tonnes d'eau dans le bateau. Mais les bateaux trop alourdis deviennent ingouvernables... On ne peut ni les faire avancer ni les faire reculer. Ils sont à la merci des vagues et des tempêtes...
J'ai constaté que M. Ferrazino est conscient de cet alourdissement; M. Clerc un peu moins ou, en tout cas, il y attache moins d'importance. Toujours est-il que nous, les écolos, nous avons choisi, cette fois, de nous salir les mains. Nous avons choisi de nous atteler aux pompes et de ramer avec les députés des autres partis. En effet, il nous semble que c'est le seul moyen de faire passer la hausse minime - beaucoup trop minime - des impôts auprès de la population. Nous n'aurions jamais réussi à faire accepter l'impôt sur la fortune à la droite - même s'il reste trop petit - et l'impôt auto - à nos yeux extrêmement important, parce qu'il pose les bases d'un éventuel développement durable - si nous avions voulu faire comme vous, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, et garder les mains propres, comme les aristocrates au Moyen Age qui refusaient de travailler, qui se vêtaient de dentelles... Vous dites proposer quelque chose de politiquement pur. Une hausse des impôts, une hausse sur les grandes fortunes : c'est magnifique ! Mais, malheureusement, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, ça restera magnifiquement théorique. Nous, nous avons choisi de nous salir les mains et d'être pratiques, en somme de ne pas hésiter à nous mettre du cambouis pour pouvoir réparer les pompes.
Maintenant, quelques remarques sur certains avis exprimés avant moi.
Je ne répondrai pas à M. Halpérin, puisqu'il n'est pas là.
Monsieur Spielmann, vous avez dit que nous avions pris, lors de cette table ronde, 20 millions sur les gens qui bénéficient du RMCAS. C'est un pur mensonge !
Monsieur Ferrazino, vous avez sorti tout à l'heure un argument démagogique au possible selon lequel nous avions pris 3 300 F aux personnes à l'AI et seulement 2 000 F à l'UBS. C'est ne pas tenir compte de l'ensemble des lois que nous avons votées lors de cette table ronde, notamment la fameuse loi sur la procédure en réalisation de gage qui doit rapporter 30 millions. Et vous n'en avez pas tenu compte dans votre intervention !
M. Pierre Vanek (AdG). Contrairement à ce que vient de dire Chaïm Nissim, ce n'est pas un aristocrate en dentelles qui s'exprime devant vous... (Rires et remarques.) C'est précisément quelqu'un, comme mes camarades, qui n'hésite pas à se salir les mains et à penser que pour mener une politique de gauche il faut construire un rapport de forces et mobiliser les gens sur le terrain. C'est ça, Monsieur Nissim, se salir les mains de manière honorable ! Se salir les mains dans de petites salles confortables avec ces messieurs de l'Entente, à mon avis, ça l'est moins !
Mesdames et Messieurs les députés, Chaïm Nissim vient de prôner, et les socialistes avant lui, l'austérité. Les Verts et les socialistes se targuent, en échange de leur ralliement à l'austérité, d'avoir obtenu un paquet ficelé ne comportant pas seulement de nouvelles économies, mais aussi de nouvelles recettes. En réalité, en acceptant de faire porter l'essentiel de ces nouvelles charges - cela a suffisamment été démontré pour que je n'y revienne pas - sur les petits contribuables, cela en dérogation du principe de l'impôt direct et progressif... (L'orateur est interpellé par Mme Micheline Calmy-Rey.) J'y reviendrai, si vous le voulez, Madame Calmy-Rey ! ...le nouveau train de recettes ne fera qu'alimenter encore plus le sentiment anti-impôt ressenti dans les couches populaires et privilégier les percées anti-sociales de la droite. C'est comme cela que ça fonctionne, Monsieur Nissim !
Quelques observations sur les propos exprimés sur les bancs socialistes. Je ne voulais pas intervenir, car je craignais de m'énerver... (Rires et remarques.) ...mais je vais essayer de rester très calme.
M. Champod a dit que la «gauche» avait signé l'accord. C'est évidemment tout à fait faux. La gauche n'a pas signé. Il vous manque une case, Mesdames et Messieurs. La case est là, c'est la case de la gauche qui n'a pas signé. (L'orateur montre à l'assemblée le document issu de la table ronde.) On nous dit que le parti socialiste a signé et que «croix de bois croix de fer» il est toujours aussi à gauche qu'avant. Excusez-moi, mais je peux en douter en voyant les éléments qui figurent dans le projet de loi que vous avez contribué les uns et les autres à concocter. J'ai agité ce document sous les yeux de M. Brunier... (L'orateur brandit la brochure qui contient le programme électoral du parti socialiste.) ...même si je ne suis pas socialiste ni social-démocrate. Avec tout le charme et la naïveté qui le caractérisent, il m'a dit qu'il l'avait relu et qu'il l'avait même écrit en grande partie. Ce document commence par un prêche sur le fait qu'habituellement les programmes des partis politiques sont mis dans les tiroirs mais que celui-ci allait être le guide de la politique du parti socialiste.
En l'ouvrant on trouve, sur tous les points qui sont contenus dans votre accord, des choses qui vont exactement à l'encontre de celui-ci.
Je peux l'ouvrir au chapitre : «Pour un soutien aux travailleurs et travailleuses du privé et du secteur public». Je peux lire ce qu'il faut penser de la «baisse des revenus du travail qui empêche le redémarrage de l'économie et qui crée un climat de morosité", ou encore : «A Genève, le Conseil d'Etat monocolore et les milieux patronaux pratiquent une telle économie par rapport à leur personnel..., doctrine dogmatique et méprisante..., etc.» doctrine à laquelle vous vous êtes ralliés.
Je peux ouvrir cet opuscule au chapitre des «Menaces sur les assurances sociales» et je peux lire qu'il ne faut pas entrer en matière même sur un moratoire sur les prestations sociales; que les prestations de l'OCPA ne doivent en aucun cas être diminuées pour les personnes âgées ou handicapées...
Je peux l'ouvrir encore au chapitre des «Finances publiques» et je peux lire qu'il faut étudier - et mettre en oeuvre, je pense, puisqu'il s'agit d'un programme à réaliser - l'augmentation de l'imposition sur la fortune. Or ce que vous avez proposé en la matière est parfaitement dérisoire ! La majorité de ce qui sera perçu sur les fortunes le sera sur des fortunes en dessous de 400 000 F ou un montant de cet ordre. Cela n'a rien à voir avec ce qui figure dans votre programme !
M. Brunier et M. Champod ont dit qu'il fallait signer cet accord, pour empêcher les choses d'empirer. Quelqu'un, quelque part dans cette salle à ma droite, a parlé d'accords syndicaux, de conventions collectives qu'on pouvait signer sans déroger. Oui mais - pour une fois, je rendrai hommage à Mme Calmy-Rey - les accords se préparent par une mobilisation, par un rapport de forces. En réponse à d'excellentes questions du journaliste de la «Tribune» qui trouvait effectivement un peu surprenant que les fortunes inférieures à 2 millions ne devraient payer que 500 F et les fortunes supérieures à 2 millions seulement 2 000 F, Madame Calmy-Rey, vous avez dit, comme tous vos collègues ici, que l'accord n'était pas parfait. Vous avez même admis qu'il était loin d'être idéal, c'est un euphémisme, et, je cite, «qu'il est le résultat de négociations et qu'il reflète les rapports de forces». Non, Mesdames et Messieurs les socialistes et les Verts, ce n'est pas en négociant avec le parti libéral... (L'orateur est interpellé par M. Daniel Ducommun.)
Le président. Silence, Monsieur Ducommun !
M. Pierre Vanek. Ce n'est pas en négociant avec le parti libéral qu'on arrive à créer le rapport de forces sociales nécessaire pour transformer la réalité, notamment en matière de perception par la population d'un certain nombre de propositions fiscales. M. Brunier et M. Nissim nous ont rendu hommage en disant que le paquet de l'Alliance de gauche relevait d'une vraie politique de gauche mais qu'il ne pourrait jamais passer. Il est évident qu'il ne passera jamais si la «gauche» ne s'unit pas sur un tel programme et ne travaille pas - non dans cette salle ou la salle de l'Alabama - mais sur le terrain, pour convaincre la population d'y adhérer !
Monsieur Brunier, si vous avez décidé de tourner - on me dit de ne pas m'énerver et je vais essayer de me calmer - le dos à une politique de gauche, il ne faut pas siéger ici, parce que vous avez été élu sur un programme qui contenait effectivement certaines options de gauche, auxquelles vous renoncez aujourd'hui sous prétexte de réalisme. Ce n'est pas du réalisme !
M. Christian Brunier. C'est quoi ta proposition ?
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Monsieur le député, vous devez conclure !
M. Pierre Vanek. Je vais conclure, mais je suis interpellé par Christian Brunier !
Le président. Ne vous laissez pas troubler !
M. Pierre Vanek. Non, non !
Les propositions de l'Alliance de gauche ont été rendues publiques. Christian Ferrazino les a développées ici et nous les redévelopperons. Nous pensons que nous pouvons gagner ces batailles, en tout cas nous ne devons pas y renoncer avant de les avoir menées comme vous le faites aujourd'hui. Précisément, pour construire ces rapports de forces, la case vide où «manque» notre signature au bas des accords de la table ronde, contrairement à ce que vous avez dit, à ce que Mme Calmy-Rey a dit à la presse et, je crois, M. Champod également, est un élément qui permet aux citoyens qui regardent vers la gauche d'espérer encore. Si tous les partis de cette enceinte avaient signé cet accord détestable, eh bien, effectivement, les perspectives de la gauche auraient été très sombres. (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG). C'est sans état d'âme que le projet de budget qui nous est proposé casse les rapports paritaires que le Conseil d'Etat entretenait cahin-caha avec l'ensemble des employés et des employées de la fonction publique.
En effet, il impose 90 millions d'économies par année à ses employés et davantage encore dans trois ans. Il réduit ainsi à une peau de chagrin toute la marge de manoeuvre quant à d'éventuelles négociations que pourrait appeler de ses voeux la partie représentant les employés ou la partie patronale.
On nous dit que les mécanismes salariaux sont préservés... Permettez-nous d'ironiser sur ce point : la main gauche du Conseil d'Etat accorde 50 millions à la fonction publique pour préserver les mécanismes salariaux et, ensuite, la main droite reprend 90 millions à cette même fonction publique !
Bref, ce paquet ficelé en incluant la masse salariale de la fonction publique attaque la liberté de négociation et plus globalement les libertés syndicales. Pourtant, en 1989, je le rappelle, le corps électoral avait clairement exprimé son refus de voir le Conseil d'Etat être amputé de son obligation de négociation avec la fonction publique. A 53% l'initiative libérale «Pour une fonction publique plus proche du citoyen» avait été balayée. Chaque salarié savait et sait toujours que le responsable d'une entreprise, quel qu'il soit, ne peut pas, année après année, ne pas négocier les conditions-cadres de travail de son personnel. La majorité du corps électoral avait compris dans quelle impasse menait pareille proposition. Pourtant, aujourd'hui, on nous ressert à nouveau le même plat...
Je vais vous dire ce qui se passera - ce qui se passe d'ailleurs - quand le personnel d'une entreprise privée ne reçoit pas en fin d'année une certaine forme d'encouragement pour son engagement, et surtout lorsque ce personnel a le sentiment de ne pas être reconnu dans son activité et ses efforts : il se désintéresse de son travail. C'est ce que veut le Conseil d'Etat et les partis qui le soutiennent ? Une fonction publique démotivée qui rechigne à faire diminuer les files d'attente devant les guichets, ou une fonction publique qui se fait porter malade ? Je ne le pense pas ! Et pourtant nous y allons tout droit. La machine constitutionnelle qui nous est proposée impose intrinsèquement cette logique. Non, Mesdames et Messieurs les députés, il faut que le Conseil d'Etat réapprenne à négocier. Négocier, cela ne veut pas dire informer le personnel des mesures que l'on prend à son encontre, cela veut dire faire et être prêt à faire des concessions de part et d'autre.
Or, depuis le mois de juin, le Conseil d'Etat a fait tout le contraire. Il a d'abord donné en pâture à des corporations et non pas à la société civile la masse salariale de la fonction publique en appelant cela pudiquement «une enveloppe». Après l'échec de cette première partie de la table ronde, le Conseil d'Etat a présenté au personnel un accord intransigeant, ficelé par certains partis.
J'en conclus que la discussion portant sur les conditions de travail du personnel n'a pas eu lieu. D'ailleurs, la résolution qui vous a été distribuée et qui a été votée par les cinq mille fonctionnaires qui sont descendus aujourd'hui dans la rue en fait foi. Je vous passe les détails ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Devant ces méthodes inqualifiables, la fonction publique a raison de répondre aujourd'hui comme elle le fait en descendant dans la rue et en faisant la grève de manière déterminée.
En conclusion, le Conseil d'Etat doit revoir sa copie. La première mesure de salut public est de sortir tout ce qui touche les conditions de travail et de rémunération de la fonction publique du paquet ficelé. Cette procédure est incontournable sous peine d'enfreindre le droit de chaque salarié de négocier ses conditions de travail.
Je souhaite que le Conseil d'Etat y réfléchisse vite, car ses employés n'attendront peut-être pas longtemps avant de décider de mesures de lutte plus drastiques encore qu'une demi-journée de grève...
M. Roger Beer (R). Cela fait presque dix ans que je suis dans cette enceinte, et, chaque année à cette époque, des députés de tout bord critiquent le Conseil d'Etat sur le budget.
Il n'y avait donc aucune raison qu'il en soit autrement cette année, d'autant plus que la mise en scène était faite pour que chacun exprime son mécontentement. Je n'ai du reste jamais entendu des députés féliciter le Conseil d'Etat pour le budget qu'il présentait pour l'année suivante !
Comme l'ont dit M. Lescaze et M. Ducommun, le parti radical est relativement satisfait de ce budget. Je l'ai déjà dit et j'ai déjà été critiqué pour cela, mais je maintiens que ce budget est tout à fait raisonnable. Nous pouvons décemment le présenter au peuple en décembre et faire tout ce qu'il faut pour qu'il soit accepté.
La table ronde, avec sa belle formule de «symétrie des sacrifices» ou «d'équilibre des moyens budgétaires», a réussi à toucher un peu tout le monde et chacun a contribué à sa réussite en faisant une concession, ce qui a permis une assez large majorité politique, en tout cas gouvernementale. Mais il est vrai que certains sont encore réticents - j'ai cru l'entendre - mais, évidemment, ils étaient en vacances cet été, et ils ont préféré ne pas travailler à la préparation de ce projet constitutionnel... (Rires et remarques.) Alors, il est bien normal qu'ils s'expriment ce soir !
La formule est excellente, mais si je suis persuadé que nous n'aurons pas trop de peine à obtenir une majorité dans cette enceinte, nous aurons certainement beaucoup de difficultés à expliquer ces mesures à la population. En effet, il est facile de diviser les gens en exacerbant leurs intérêts. Tout le monde veut baisser les impôts - c'est normal - augmenter les salaires et obtenir des subventions.
Le budget 1999 est un budget de transition qui va vraiment dans le sens du changement. Pour la première fois, nous avons un objectif d'équilibre financier. C'est vrai, certaines personnes pensent que l'équilibre financier n'est pas important et que c'est un problème qui peut être remis à plus tard. C'est pourquoi nous devons sensibiliser la population à cette volonté du gouvernement de retrouver cet équilibre. A mon avis, c'est un signe que le gouvernement prend ses responsabilités et que le politique prime par rapport à l'économique. Nous avons donc une chance d'être crédibles.
En tant que membre du parti radical, qui a deux magistrats au gouvernement et des représentants à la tête de plusieurs communes, il me paraît tout à fait normal, même si parfois il m'en coûte de le dire, d'accepter ce budget, ce projet de loi constitutionnelle, et nous travaillerons jusqu'en décembre pour que la population l'accepte en connaissance de cause.
M. Bernard Clerc (AdG). Ce débat est très intéressant en dépit de certaines «échappées». En effet, il nous montre les orientations politiques de fond des différents partis.
Tout à l'heure, j'ai entendu le député Brunier crier : «Mais que fallait-il faire à court terme ?». C'est une bonne question ! Mais, si vous le permettez, ce n'est pas le problème du court terme que vous avez résolu... Vous avez mis le doigt dans un engrenage sur un article constitutionnel permanent qui va vous lier les mains ad vitam aeternam. C'est là que réside le danger principal de cet accord.
De ce fait, que vous le vouliez ou non, vous entrez tout à fait dans la logique néolibérale de la gestion de l'Etat. Certains sur vos bancs se battent à différents niveaux pour contrer les forces, par exemple, des marchés financiers au niveau international, de manière tout à fait honnête, je pense. Mais, dans la réalité, sur un budget comme le nôtre vous entrez dans cette logique voulue par les milieux libéraux. Il faut le dire franchement : cet accord est d'abord la victoire du parti libéral. Toutes les thèses avancées par le parti libéral depuis quatre ans ont été reprises dans le débat de ce soir, formulées différemment par tous les signataires de cet accord. C'est cela la réalité.
Certains nous disent qu'il n'est pas possible de faire autrement. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, juste avant guerre un nommé Friedrich Hayek, une des têtes pensantes du néolibéralisme, s'est trouvé absolument minoritaire sur ses thèses. Il l'a été pendant plus de trente ans dans la période d'après guerre et, quarante ans après, ses thèses se sont imposées partout dans le monde.
Alors, parce que nous sommes minoritaires, parce que nos thèses ne rencontrent pas l'adhésion populaire aujourd'hui, devrions-nous y renoncer ? Il y a des questions de valeurs et de principes. Ce qui fait la force de la gauche, de la véritable gauche, c'est de défendre des valeurs de base et des valeurs de principe en partant de la réalité que, dans cette société, tout le monde n'est pas sur un même pied d'égalité, qu'il y a des rapports de forces sociaux et des rapports de forces économiques.
Vouloir taire aujourd'hui la nécessité d'une hausse de l'impôt sur les grosses fortunes, parce que ce n'est pas immédiatement réalisable, c'est repousser encore plus le jour où on pourra faire passer un tel impôt. Il faut réaffirmer - et c'est ce que fait l'Alliance de gauche aujourd'hui - qu'il n'y aura pas de solution durable au problème des déficits publics sans passer par des recettes nouvelles.
On nous a aussi dit que le budget présenté était quasiment un budget de gauche... Pourquoi ? Un, parce que les dépenses sociales augmentent. Deux, parce que la masse salariale augmente.
Mesdames et Messieurs les députés, regardons les choses d'un peu plus près. La masse salariale augmente, en partie, et vous le savez bien - nous en avons parlé en commission des finances - parce qu'une partie des retenues faites sur la masse salariale sont imputées aux recettes et ne viennent pas en déduction de la masse salariale. J'appelle cela un artifice comptable pour masquer la réduction de la masse salariale.
On nous dit également que deux cents postes supplémentaires ont été créés. Alors, j'aimerais savoir dans quel secteur ils se trouvent... Madame Calmy-Rey, l'année dernière vous nous avez affirmé que vous aviez besoin de trente postes supplémentaires immédiatement à l'administration fiscale. Nous n'en doutons pas, et nous les avons votés dans le budget. Mais la réalité - et vous nous l'avez dit - c'est que ces personnes étaient déjà engagées... (Dénégation de Mme Micheline Calmy-Rey.) Si, vous nous l'avez affirmé ! Vous nous avez dit que vous n'aviez plus aucune marge de manoeuvre, que M. Vodoz avait engagé du monde sans avoir la couverture financière et que vous étiez obligée de les intégrer dans le budget. Voilà le genre de pratique qui fait augmenter la masse salariale.
Venons-en maintenant aux dépenses sociales. Nous savons fort bien que les dépenses pour l'OCPA sont systématiquement surbudgétisées chaque année. L'adaptation des rentes complémentaires l'année prochaine, c'est 1%, c'est-à-dire 3 millions. C'est ça la réalité ! Et, dans le même temps, on baisse les rentes des invalides en nous affirmant que les dépenses au titre des prestations complémentaires augmentent de 25 millions, sauf erreur. Non, Mesdames et Messieurs les députés, tout cela est inexact !
S'agissant de l'Hospice général, autre poste de dépense. Regardons la réalité. Madame Calmy-Rey, que s'est-il passé ces trois dernières années ? On a sousbudgétisé les dépenses d'assistance, de l'ordre de 5 à 7 millions. Alors, évidemment, lorsqu'on établit un budget inférieur à la réalité - ce qui devait bien arranger, je pense, le gouvernement précédent - à un moment donné, il faut procéder à un rattrapage pour que les chiffres collent à la réalité.
Je termine par une question plus précise. On nous a dit que ce budget était transparent... Bravo, pour les efforts de transparence, nous les reconnaissons. Mais, alors, soyons transparents jusqu'au bout et dites-nous où vous allez prendre les économies supplémentaires. En effet, il faudra que le peuple, le 20 décembre, soit au courant de ce qui arrivera après, si le paquet ficelé est accepté. Eh bien - nous vous l'avons dit - il s'agit de 90 millions par an, plus les 140 millions de la contribution spéciale qui vont tomber ! Cela fait, Mesdames et Messieurs les députés, 500 millions à trouver d'ici 2003 ! Où allez-vous les prendre ? Sur les chômeurs ? Sur les personnes âgées ? Sur le personnel de la fonction publique ? Répondez à cette question si vous voulez vraiment faire preuve de transparence !
Certains députés, ce soir, ont commencé à y répondre, M. Hiler notamment qui a clairement dit qu'il y avait matière à faire des économies dans la fonction publique. Il a eu l'honnêteté de le dire. J'aimerais que toutes les forces politiques de ce canton l'affirment haut et fort avant le 20 décembre.
M. Claude Blanc (PDC). Je serai bref, puisque tout ou presque a été dit. Nous avons assisté à un débat meurtrier sur les bancs de la gauche. Je peux le comprendre. Je rappelle que l'année dernière, au moment où nous avons mis la dernière main au budget 1998, M. Clerc nous avait prévenus que ce budget serait pris comme il était, mais que, l'année suivante, nous verrions ce qu'est un budget de gauche. En effet, nous le voyons ! M. Brunier a dit que Mme Calmy-Rey avait ouvert les placards, mais qu'elle avait été terrifiée par ce qu'elle y avait trouvé ou, plutôt, pas trouvé...
Pourtant, tout le monde savait que ces placards étaient vides. Mme Calmy-Rey aussi. Elle le savait même le 18 décembre, lorsqu'elle s'est prêtée aux tripatouillages budgétaires, sous prétexte que les recettes avaient été sous-évaluées par l'ancien Conseil d'Etat. Madame Calmy-Rey, il faut tout de même vous rappeler que ce 18 décembre vous nous avez tripatouillé le budget en pensant que c'était possible. Tout le monde était d'accord.
Je rappelle aussi à nos amis socialistes et aux Verts que si les placards sont vides c'est que nous y avons tous contribué pendant des années. Vous avez beau dire que le gouvernement était monocolore et le charger de tous les péchés d'Israël, ce gouvernement a au moins eu le mérite en quatre ans de stopper la progression des dépenses de fonctionnement de l'Etat. Il faut le dire, surtout que cela n'a pas été facile étant donné que tout le monde était contre lui, ceux qui aujourd'hui se réjouissent de sa défaite les premiers...
Il faut prendre les choses comme elles sont. Nous avons été prodigues pendant de longues années les uns et les autres. Nous sommes tous coupables, parce que nous n'avons jamais su résister à la tentation de faire plaisir aux uns ou aux autres, à droite ou à gauche, sans nous préoccuper de savoir comment nous pourrions financer nos libéralités. Nous sommes comme tous les Genevois : nous voulons tout, mais sans payer. Malheureusement nous, nous sommes députés, et c'est beaucoup plus grave. En effet, on peut excuser le peuple de ne pas se soucier de savoir comment payer ce qu'il veut, mais nous, nous sommes inexcusables.
C'était d'ailleurs pour cela que le parti démocrate-chrétien avait imaginé un article constitutionnel obligeant le parlement à une certaine discipline. Cet article constitutionnel avait ses qualités et ses défauts. Il a au moins servi de détonateur. Le Conseil d'Etat nous en soumet un autre aujourd'hui, et nous l'en remercions. Lorsque nous avons été invités cet été à travailler à la table ronde, nous nous doutions bien que cela ne serait pas du gâteau. Nous avions même entendu certains de nos amis, notamment M. Brunier, dire que les propositions du Conseil d'Etat étaient consternantes. Et je me souviens avoir dit ici que je ne croyais pas à l'aboutissement des tractations de la table ronde tellement les réticences étaient grandes à gauche. Je dois rendre ici hommage aux socialistes et aux Verts, parce que, enfin, ils se sont montrés réalistes...
M. Nicolas Brunschwig. Et les libéraux ?
M. Claude Blanc. J'en viendrai après aux libéraux, si vous le permettez, Monsieur Brunschwig ! N'anticipez pas....
Je voudrais rendre hommage aux socialistes et aux Verts parce qu'ils se sont enfin montrés réalistes et qu'ils ont compris que l'Etat social dont ils se gargarisent depuis longtemps ne peut pas fonctionner s'il est ruiné; qu'il faut bien lui donner les moyens de faire ce travail social dont on parle souvent sans trop savoir de quoi on parle.
Puisqu'il faut en venir aux libéraux, je les remercie aussi. Avec M. Lescaze, nous disions l'autre jour que lorsque l'Etat va mal on se tourne vers le centre. Effectivement, nous nous sommes trouvés, avec les radicaux, les plus motivés et les plus décidés à faire aboutir ce travail d'assainissement des finances de l'Etat. Nous étions d'accord, parce que nous avons les mêmes objectifs : nous nous sentons responsables de ce qui arrive, de ce qui arrivera, et nous ne voulons pas laisser à vos enfants les caisses vides et des dettes. Si vos enfants doivent payer nos dettes, ils ne pourront rien faire d'autre.
Les libéraux représentent tout de même une part de la population qui a peut-être d'autres objectifs et d'autres intérêts. Mais ils sont également venus à la table ronde et ils ont fait des concessions majeures, car ils sont bien conscients que c'est le seul moyen d'arriver à sauver l'Etat.
Messieurs de la gauche, vous dites aujourd'hui que vous ne voulez pas du paquet ficelé, que vous allez le combattre et que vous souhaitez le voir refusé par le peuple. Eh bien, moi je vous conseille plutôt de prier pour que le peuple l'accepte, sinon ce paquet se trouvera «déficelé» ! M. Champod disait très justement tout à l'heure que la dernière fois que le peuple a accepté une augmentation fiscale c'était déjà un paquet ficelé : il s'agissait des soins à domicile. On avait dit au peuple que s'il voulait les soins à domicile il devrait les payer par des centimes additionnels supplémentaires. Cela a été difficile à faire avaler, parce que les Genevois veulent toujours ce qu'on leur offre, mais ils ne veulent pas le payer. Mais, en l'occurrence, les contribuables ont accepté ce paquet qui était d'ailleurs bien ficelé. Ils ont donc été d'accord de payer pour obtenir les soins à domicile.
Cette fois le paquet ficelé est beaucoup plus coûteux, et il va falloir demander des efforts beaucoup plus considérables aux contribuables et aux automobilistes - on rit souvent de ces derniers, mais ils sont nombreux et ils sont déjà assez pressurés. D'ailleurs, l'Alliance de gauche, avec son à-propos habituel et sa démagogie congénitale, fait des propositions pour atténuer la douleur des automobilistes... Alors, permettez-moi de rire ! Ça fait des années qu'on vous entend dire qu'il faut faire payer les pollueurs et, maintenant, parce que vous voulez vous attirer des sympathies du côté du Touring Club suisse, vous dites que les automobilistes sont trop pressurés. C'est bien la preuve de votre malhonnêteté ! En tout cas vous ne devriez pas dire ça, mais vous dites n'importe quoi pour justifier votre position !
Moi, je vous dis que ce paquet ficelé est notre dernière occasion de faire accepter au peuple des mesures fiscales. Messieurs de l'Alliance de gauche, si ce paquet ficelé ne passe pas - vous ne serez pas les seuls à le combattre, car à la droite de la droite certaines personnes le combattront aussi, mais pour d'autres raisons - avec la complicité de ces gens-là, vous aurez une grave responsabilité vis-à-vis de l'Etat, vis-à-vis de l'Etat social, vis-à-vis des gens que vous prétendez défendre, parce que ce sont ces mêmes gens qui payeront ensuite la facture, lorsque nous ne pourrons plus intervenir par les impôts.
Au mois de juin, vous avez tenté de prendre 25 millions à 10% de la population : les propriétaires de villas et d'appartements, car vous ne pouviez pas frapper les vrais commerçants en biens immobiliers qui sont imposés directement sur leurs bénéfices; 10% de la population devait rapporter 25 millions. Pourtant, deux tiers des électeurs vous ont dit non, par le biais du référendum. Et si deux tiers des électeurs ont pris la défense de 10% de la population ce n'est certainement pas par pitié, mais les électeurs pensent qu'il ne faut plus créer d'autres impôts tant que l'Etat n'aura pas donné le signal d'une gestion plus rationnelle.
J'en arrive à ce que je voulais dire au Conseil d'Etat : nous vous remercions de l'initiative que vous avez prise. Nous avons travaillé avec vous pour arriver à ficeler ce paquet. Mais, comme l'ont dit tout à l'heure mon collègue Vaudroz et quelques autres, nous avons tout de même été un peu déçus du contenu réel du budget 1999. Si nous sommes d'accord sur les objectifs du paquet ficelé, nous pensons que vous auriez pu aussi, simultanément, faire un effort sur le budget normal de l'Etat. En effet, si vous voulez faire passer votre paquet ficelé, il faudra donner au peuple des signes véritables que vous voulez modifier le cours des choses, que vous voulez transformer la politique de l'Etat, la moderniser et cesser de dépenser. Le peuple pense que l'Etat dépense sans compter. Ce n'est pas tout à fait vrai, mais il faut lui prouver le contraire. Vous n'y arriverez que par des faits. Nous attendons de vous des signes tangibles qui nous permettront de nous battre et d'emporter le morceau le 20 décembre prochain.
M. Pierre Meyll (AdG). Ma modestie souffre un peu de m'exprimer dans une salle à moitié vide... Je me demande si je ne vais pas demander le contre-appel !
M. John Dupraz. Tais-toi !
M. Pierre Meyll. Non, non, je ne me tairai pas, justement ! C'est une absolution de M. Dupraz, pour que je m'exprime...
Le révérend père Blanc nous a fait un prêche un peu pathétique, mais pas autant que l'aveu d'impuissance exprimé par M. Brunier. En fait, ce dernier nous a démontré la puissance arrogante des forces de l'économie et de la finance. C'est une chose claire et nette, qui ne peut que nous inquiéter.
J'en viens à la critique du projet de loi constitutionnelle tel qu'il nous est présenté, à savoir le 7894, pour ceux qui ne l'auraient pas encore lu. Je suis très étonné que les représentants des communes qui siègent dans cette enceinte ne soient pas inquiets - peut-être n'osent-ils pas le dire - de la pression exercée sur les communes. Certaines d'entre elles peuvent très bien supporter une pression, même une surpression, mais d'autres auront pas mal de difficulté à faire face à l'augmentation, par exemple, de 60 millions du capital de dotation des transports publics dont 30 devront être fournis par les communes, comme cela figure en page 4. De quelles communes s'agit-il ? Comment va-t-on pressurer certaines communes déjà en difficulté ?
En continuant à lire, je constate que la modification des lignes de campagne sera à la charge des communes pour un montant de 5 millions. Cette charge supplémentaire sera difficilement supportable compte tenu de l'augmentation des transports publics, des améliorations de ces mêmes transports publics dont on nous parle sans cesse. Modification des lignes de campagne : c'est tout dire ! Ces 30 millions seront perçus sur le dos des communes, et on parle encore d'une augmentation du prix du billet TPG ! D'un côté, on nous parle du développement des TPG et, de l'autre, de l'augmentation du prix du billet, ce qui signifie tout simplement que nous allons vers une gestion privatisée. Comme cela, nous n'arriverons à rien et le transfert modal ne débouchera sur rien d'autre qu'une désertification du réseau des transports publics.
Toujours à propos des ponctions sur les communes, pour les années 1999 à 2002, il est prévu «l'abandon par les communes au profit de l'Etat de leur part de recettes fiscales produites par le renforcement de la vérification du contrôle des impôts» - M. Spielmann a évoqué ce problème tout à l'heure. On sait dans quelle gabegie se sont trouvées les communes, en tout cas la mienne, lorsqu'il a fallu tenir compte des charges engendrées par le gouvernement et le département des finances notamment. Il est possible que cela ne se reproduira plus. Mais si on pressure de nouveau les communes, comment vont-elles s'en sortir ? Pour me référer au cas que je connais le mieux, c'est-à-dire ma commune, nous devons compter sur les reliquats d'impôts pour pouvoir subvenir aux besoins essentiels et faire face aux difficultés.
Le gouvernement a élaboré un budget qui prévoit certes des recettes, mais, malheureusement, elles sont prises sur le dos des instances au-dessous, c'est-à-dire les communes. Ce n'est pas acceptable.. C'est même inacceptable ! C'est la raison pour laquelle nous admettrons difficilement la création de nouvelles pressions sur les communes. En ce qui me concerne, je refuserai ce budget, et j'espère que, lors des discussions en commission, nous parviendrons à baisser ces pressions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, six orateurs sont encore inscrits. Le Bureau vous propose de ne plus donner la parole qu'à ces six personnes. Je mets aux voix cette proposition, en vertu de l'article 79 de notre règlement.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Jean Spielmann (AdG). En ce qui concerne le domaine fiscal, nous avons entendu tout à l'heure M. Lescaze s'exprimer sur le problème du revenu brut par rapport au revenu net. Il est important de dire que les propositions formulées autour de la table ronde vont à l'encontre de tout le dispositif fiscal qui avait été mis en place. Je rappelle également, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que lors des discussions que nous avions eues sur la progression à froid et la mise en place du nouveau barème, nous nous étions mis d'accord, les uns et les autres, pour avoir un instrument permettant la mise en place d'un dispositif fiscal capable d'évoluer en fonction du développement de la société.
Ces méthodes de calcul paraissaient trop savantes pour certains mais - en définitive - elles avaient pour objectif de permettre une fluctuation de l'impôt en choisissant et en ciblant les catégories et en maintenant la progressivité qui avait été acceptée en son temps. Cet instrument est à disposition des députés de ce Grand Conseil, mais personne n'a pensé à l'utiliser. En fait, on a décidé de prélever 1% chez tout le monde, ce qui en définitive pénalise encore une fois, de manière inégale, le petit revenu par rapport au plus grand. Il est clair que si vous prélevez 1% sur l'ensemble des revenus, vous appliquez un taux identique à tout le monde alors que, pour les impôts sur le revenu, le principe est d'opérer un prélèvement de manière progressive.
Il serait tout à fait possible avec les instruments dont nous disposons aujourd'hui d'utiliser ces courbes pour augmenter la pression fiscale du montant voulu, à savoir le taux de 1% proposé dans le cadre des accords, de manière à ce que le prélèvement ait lieu de manière proportionnelle. Ce serait très simple à réaliser et je ne comprends pas pour quelle raison cette voie n'a pas été choisie, si ce n'est par une volonté d'aller dans le sens des libéraux, ainsi que cela a déjà été exprimé, et de taxer, de manière inégale, plus fortement les petits revenus. Je ne comprends pas comment un accord a pu être conclu sur un système aussi antisocial que celui-là.
Deuxième problème : celui lié à l'ensemble des dépenses et celui du budget lui-même. Je rappellerai ici que, de manière pertinente ou pas - je laisse à chacun le soin d'apprécier - les milieux qui nous font face - dont certains avaient pour la première fois des pelles et des pioches !- sont venus à plusieurs reprises lors de la dernière législature et lors de la précédente aussi, demander à l'Etat de faire un effort dans le domaine de l'investissement parce qu'il était important que la collectivité publique agisse dans le sens d'une relance de l'économie et notamment dans le marché de la construction. Cela nous semblait intelligent au moment où le Conseil d'Etat monocolore réduisait les investissements de manière drastique comme jamais cela n'avait été fait dans l'histoire de ce Grand Conseil. Ces gens étaient venus manifester en disant : nous demandons une reprise des investissements, une politique qui permette de relancer et d'assurer l'emploi.
Que se passe-t-il avec le paquet constitutionnel tel qu'il est présenté ? Il est clair que la clause d'urgence ne pourra être utilisée que sur les dépenses. Que la partie recettes reste plus qu'aléatoire - je n'ai entendu aucune réponse satisfaisante à ce propos. Quant à l'augmentation du centime additionnel, elle paraît problématique, tout le monde l'a dit et répété ici. Par conséquent, le paquet tel qu'il est ficelé sous l'article 97 et suivants va provoquer la situation suivante : comme il ne sera pas possible d'agir au niveau du budget de fonctionnement car - ainsi que je l'ai dit dans ma première intervention - le Conseil d'Etat et l'ensemble de ce parlement ne sont pas en mesure ou n'ont pas la volonté politique de réformer structurellement l'Etat en faisant agir les acteurs du service public pour le rendre plus efficace et moins onéreux, on va alors choisir la seule voie et la seule possibilité : celle de réduire encore les investissements.
Pour aller encore plus loin dans ce sens, on a ajouté dans l'accord un article qui prévoit un pourcentage de volume possible d'investissements par rapport aux amortissements. Il y a donc là le risque politique non négligeable qu'à l'avenir, en votant ce projet de loi constitutionnelle, vous bloquiez complètement toute possibilité d'intervention de la collectivité publique permettant de relancer l'emploi par le biais d'investissements importants.
Tout à l'heure durant les débats - je me réfère aux interventions de M. Blanc ainsi qu'à celles d'autres intervenants - il a été rétorqué que le gouvernement monocolore avait fait un effort extraordinaire pour réduire les dépenses de l'Etat. Au vu du résultat, c'est peut-être vrai, mais s'il a réussi à bloquer les dépenses, c'est surtout parce qu'il a échoué dans tous les projets qu'il voulait mettre en route. Imaginez un instant seulement que la traversée de la rade soit en voie de construction, que l'on ait mis en route tous les projets pour lesquels vous vous étiez mobilisés : de quelle manière auriez-vous résolu aujourd'hui le problème des dépenses que vous aviez programmées et qui - fort heureusement - ont été stoppées par la voix du peuple qui a compris que ce n'était pas le moment de partir dans cette direction ?
S'agissant des vertus du gouvernement monocolore et de la politique qui a été conduite, c'est une politique d'échec au niveau des projets, d'échec au niveau des finances et c'est malheureusement sur cette voie-là qu'on bricole aujourd'hui un article constitutionnel qui va nous lier pieds et poings pendant des années. Cela pour autant qu'il ne soit pas modifié car il est vrai également - et cela a été dit de façon pertinente par M. Lescaze en commission - que l'article constitutionnel, dans le fond, vaut ce qu'il vaut puisque, depuis 1997, cet article nous oblige à un équilibre financier et on voit ce que vous en faites ! Peut-être ferez-vous davantage avec les prochains articles...
Ce qui est dangereux dans le paquet que vous proposez aujourd'hui, c'est la durée. Le lien des dépenses, l'impossibilité d'investir et surtout le maintien du dispositif fiscal sur la durée sont des éléments à notre avis inacceptables. On peut évoquer les autres propositions, tel l'impôt auto, elles sont fausses sur le fond, elles sont fausses socialement et elles ne permettront pas de résoudre les problèmes financiers.
Par contre - et là je m'adresse au groupe socialiste et aux Verts - parallèlement il y a effectivement un travail qui a été fait durant l'été pour proposer un programme alternatif et pour répondre en fait aux voeux de la population, population qui aujourd'hui peut légitimement attendre du changement de majorité une politique qui corresponde à ses voeux. Aujourd'hui, en retournant votre veste et en vous alliant aux libéraux, en ne présentant pas un projet qui soit de gauche et qui propose, afin de sortir de la crise, une réforme de l'Etat avec les modifications nécessaires sur la durée, un avenir pour les jeunes en trouvant une solution au problème de l'emploi, vous abandonnez vos idéaux pour des raisons que j'ai de la peine à comprendre. Vous donnez à la population une triste image de ce que pourrait être une gauche majoritaire qui prendrait ses responsabilités pour résoudre les problèmes d'aujourd'hui et sortir de la crise en trouvant des solutions à long terme qui permettent à tout un chacun dans cette collectivité de continuer à vivre décemment. Les personnes âgées notamment - qui encore une fois sont la cible de chasse du Conseil d'Etat - ne méritent pas le traitement que vous leur infligez ni la trahison dont vous faites preuve ici, trahison des idéaux et trahison face à vos électeurs. Vous n'avez pas été placés sur ces sièges pour cirer les bottes des libéraux mais bien pour faire une autre politique et, je le regrette, il faudra bien que vous l'expliquiez à la population.
M. David Hiler (Ve). M. Ferrazino m'a remercié tout à l'heure pour ma franchise. Je rendrai ce compliment à M. Bernard Clerc mais, en revanche, je ne peux pas le rendre à M. Ferrazino. Dans ce parlement, on parle généralement de contrevérités et on évite le terme mensonge mais je vais l'utiliser et dire franchement à M. Ferrazino que ce qu'il a fait tout à l'heure est de la calomnie. En effet, premièrement je n'ai pas dit qu'il fallait diminuer la masse salariale des fonctionnaires. J'ai dit qu'il n'était probablement pas possible, à terme, d'avoir un système qui entraîne une augmentation de 1,3% en valeur réelle par année, parce que même les mesures que vous proposez n'y suffiraient pas pour très longtemps. Je vous ai donc dit : le système des mécanismes salariaux, qui devrait être stable en principe dans son résultat à moyen terme, tel qu'il est pose problème. Cela ne signifie pas - et vous n'avez pas le droit de le dire, car c'est un mensonge - que j'ai proposé de baisser les salaires. Est-ce clair pour vous ?
Deuxièmement, j'ai dit exactement qu'en ce qui concerne les dépenses sociales, s'il fallait épargner totalement la fonction publique dans les mesures d'économie, compte tenu du fait que les dépenses de transfert représentent un montant bien moindre, si nous devions porter l'effort là sans toucher la fonction publique, il faudrait alors tailler à la hache. Vous m'avez fait dire avec une malhonnêteté qui est assez rare, Monsieur Ferrazino, que je voulais tailler ces dépenses à la hache. C'est tout simplement un mensonge.
Nous pouvons continuer mais, Monsieur Ferrazino, sachez simplement que je n'ai aucune peur du débat politique même assez vif avec des amis. En revanche, si vous souhaitez noircir les gens et leur faire dire ce qu'ils n'ont pas dit, vous m'expliquerez comment vous justifierez une prochaine fois les alliances avec ces mêmes groupes sur lesquels vous aurez craché, non pas sur ce qu'ils ont dit mais sur ce qu'ils n'ont pas dit ! Ces méthodes sont simplement staliniennes et c'est surprenant de votre part, Monsieur Ferrazino...
Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur !
M. David Hiler. M. Clerc nous a demandé avec raison : «Comment va-t-on faire pour la suite ?». C'est une excellente question ! Elle me permettra de vous dire ce que nous pouvons penser de vos projets. Il va falloir effectivement, assez régulièrement, non pas trouver 500 millions mais faire en sorte que les recettes augmentent plus que les dépenses. C'est de cette manière que nous pourrons parvenir à un résultat. Et ce d'autant plus que nous savons que nous perdons une partie des dépenses à la fin de la période.
Il est un peu difficile d'entrer en matière sur le projet relatif aux bénéfices des entreprises puisqu'au moment où vous le déposerez il va sortir de commission avec un taux qui sera fixé, un taux fixe. Vous avez donc simplement pris un projet qui existe déjà. Il est peu probable, sauf dans une variante particulière que vous connaissez, qu'il soit à 12%, mais ce sera en tout cas un taux fixe. Il faut savoir que ce taux fixe va - avec le concept de neutralité prudente - non seulement arrêter l'hémorragie mais se traduire par une très forte augmentation pour passablement d'entreprises.
J'aimerais aussi rappeler qu'aller plus loin et faire pression sur l'impôt sur le bénéfice de façon exagérée a plusieurs conséquences. Tout d'abord, cela ne rapporte pas plus parce que le Conseil d'Etat va devoir négocier une série de rabais séparés comme cela s'est déjà produit. Ensuite, si cela intervient, la pression se fait sur les salaires du privé et vous ne pouvez pas l'ignorer. En effet, ce qui intéresse les actionnaires, c'est le rendement après impôt sur les bénéfices. Donc, une fois qu'on a fini de jouer avec la comptabilité qui permet d'en cacher une partie et que l'impôt frappe trop fort, la pression augmente. Comme je l'ai signalé en commission fiscale, c'est aussi la raison pour laquelle, en France, les Verts sont tout simplement opposés à l'impôt sur le bénéfice. Ils ont sans doute quelques raisons à cela et ce sont celles que je viens de vous expliquer.
Concernant l'impôt sur la fortune, il n'y a pas de problème, Monsieur Clerc. Nous sommes un peu plus raisonnables que vous et nous n'allons donc pas aller aussi loin que vous le proposez concernant les taux, mais nous allons aller de l'avant avec cet impôt. Il y aura un référendum et on va se battre...
M. Bernard Clerc. Vous allez vous faire talquer !
M. David Hiler. Normalement, on le perdra. En fait, on se fera talquer avec vous. Cela dit, il n'y a pas trop de problèmes pour autant que vous ne proposiez pas des taux conduisant à une baisse du résultat. Car si vous y allez trop fort, si les taux augmentent trop, le résultat baisse. La ménagère a assez bien compris cela et c'est pourquoi, avec une prudence excessive d'ailleurs, toute augmentation de l'impôt sur la fortune est effectivement refusée par le peuple et ce régulièrement, parce que les gens exagèrent un peu le danger. Je ne suis pas sûr qu'ils l'exagèrent avec votre projet et un taux un plus correct. Quoi qu'il en soit, le peuple va décider.
Pour terminer, si l'Alliance de gauche gagne par hasard le 20 décembre - en fait, ce n'est pas elle qui gagnera le 20 décembre si ce paquet est refusé, mais les gens qui sont opposés à tout impôt nouveau - eh bien, nous allons arriver au paquet déficelé. Et le peuple, souverainement, sur une dizaine, voire une quinzaine de projets au cours de l'année, décidera comme il le voudra. Mais je ne sais pas si, par rapport à vos objectifs et à vos principes, vous allez être satisfaits du résultat. Je n'en suis pas du tout sûr ! (Applaudissements.)
M. Albert Rodrik (S). Comme d'habitude, je ne vous demanderai pas plus de trois ou quatre minutes d'attention. Messieurs de l'Alliance de gauche, je ne suis pas un habitué des copinages de bistrot avec les gens de droite... (Exclamations.) J'ai consacré vingt ans de ma vie au social et je n'admets pas que vous nous disiez que j'ai prêté la main à un projet antisocial.
Nous respectons vos différences. Nous sommes trois groupes et c'est bien pour cela qu'il nous arrive d'avoir des opinions différentes. Nous vous demandons ce respect. Vous avez parfaitement le droit de dire que le menu n'est pas bon mais vous n'avez pas le droit de dire que le cuisinier est un salaud. Or, c'est ce que vous êtes en train de faire et vous n'en avez pas le droit.
Mesdames et Messieurs et chers amis...
Une voix. Tu appelles ça des amis !
M. Albert Rodrik. Oui, ce sont des amis ! Nous voulons vous dire que sur un sujet ou un autre, nous avons une autre perception que vous. Nous la respectons et nous ne prétendons pas que vous voulez changer d'alliés et d'alliance. Vous nous rendrez cette grâce et cet honneur. Nous avons sur cette affaire depuis le 8 juin, où nous avons posé un diagnostic semblable sur les propositions du Conseil d'Etat, divergé sur la thérapeutique. C'est de cela qu'il s'agit. Nous respectons votre opinion et nous demandons la réciproque. Nous n'avons pas tourné nos fesses, Jean Spielmann ! (Brouhaha.) C'est l'expression de Jean: nous n'avons pas changé nos fesses, comme tu l'as dit...
Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur le député!
M. Albert Rodrik. C'est comme les matches de football, nous allons décompter le supplément... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Poursuivez, Monsieur l'orateur, dans le calme et la dignité.
M. Albert Rodrik. Oui, si possible ! Mesdames et Messieurs les députés, y inclus de l'Alliance de gauche, je prétends que le paquet auquel on a souscrit ne contient pas une seule mesure antisociale. Le cadeau Donzé, qui fait un supplément aux invalides par rapport aux retraités AVS, a pu à un moment donné avoir sa signification. Nous en sommes fiers. C'est un de nos magistrats qui l'a introduit. Nous n'en avons plus les moyens.
Quant au cadeau Vernet comme l'appellent les gens du métier, à savoir la conversion à un taux plus bas de la fortune en tant que revenu, nous en étions très contents et c'était un magistrat libéral qui l'avait fait, une année avant sa sortie du gouvernement... (Commentaire.)... que je respecte et que j'ai eu l'honneur de servir. Et c'était un libéral d'une autre trempe que vous, oui, Monsieur, exactement ! (Remarques et rires.) Parce que nous n'en avons pas les moyens et parce que la situation a changé, c'est tout ! Les chômeurs ne sont pas touchés. Il y a des gens à l'Alliance de gauche qui savent où sont les plus démunis de ce canton : ce sont ceux qui n'ont pas de droits. Ces gens se trouvent à l'Hospice général et dans la vie associative et nous n'avons pas voulu toucher à cette catégorie de personnes.
Venons-en aux recettes ! Il était capital que nos adversaires souscrivent à la nécessité et au principe d'un supplément de recettes parce que nous savons bien qu'il n'y a pas d'issue à cette crise sans supplément de recettes. Ne faites pas semblant de croire qu'ils ne donneront que ce qu'il y a dans ce paquet. Ce qui s'y trouve s'ajoutera à cette fiscalité qu'ils trouvent excessive et que nous trouvons à peine juste et que nous améliorerons peut-être avec vous.
Encore une fois, nous respectons votre position de pureté idéologique qui ne veut pas mettre la main à la pâte pour assurer un avenir à Genève. Nous, nous avons mis la main à la pâte, et cela n'est pas toujours drôle, pour assurer un avenir à ce canton. Ce n'est pas très courageux d'appeler le peuple de Genève à dire non, ce n'est vraiment pas courageux ! Il ne fait que ça depuis dix ans. Le courage consiste à lui dire : il y a peut-être un lendemain. Ce que nous vous disons en respectant votre position et en vous demandant votre respect, c'est que nous avons la conviction que, s'il y a un non le 20 décembre, on prête la main au démantèlement de l'Etat, à la théorie néolibérale et à la chasse sauvage aux prestations sociales.
Je n'ai pas la prétention de vous convaincre et je n'ai pas la naïveté de croire que vous me convaincrez du contraire, mais je vous dis : apprenez à respecter. Nous pratiquons le respect et nous en attendons un minimum ! Merci d'avance ! (Applaudissements.)
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Ce projet de budget 1999 a été une véritable gageure. Il a nécessité l'engagement et le sens du dialogue de tous les partis sauf un. Il est vrai, je crois, que peu de personnes dans la société civile mesurent la complexité de l'acte politique dans cette conjoncture. Mais la réalité impose de faire des choix. Les sacrifices doivent être équilibrés de la part de tous les acteurs de la société. Si nous voulons maintenir un Etat social, et vous savez combien cela est capital dans cette période difficile, chacun doit être solidaire.
Même si M. Ferrazino souligne la diminution des prestations aux rentiers AI, il ne faut surtout pas oublier que les dernières études sur la pauvreté à Genève montrent que les plus pauvres ne sont pas les personnes âgées mais les femmes seules avec enfants. Devant l'héritage désastreux des finances, soyons un peu raisonnables et responsables, comme le réclame la population genevoise. C'est à ce prix que nous pourrons poursuivre notre politique sociale. C'est là le voeu des radicaux !
M. Bernard Annen (L). J'aspire aussi à un peu de silence qui traduira le respect que vous ne pouvez pas manquer d'avoir à l'égard de quelqu'un qui prend la parole et qui n'aura pas les mêmes idées que vous.
Cela étant, lorsqu'on est face à un budget, on essaie de regarder un peu ce qui se passe ailleurs. Je pense que vous avez pu lire comme moi que les autres cantons font également des conférences de presse et lisent ce qui se passe chez eux. Je me suis donc attaché à regarder ce qui se passait à Zurich, un canton où le coût de la vie est un peu identique au nôtre. Il est intéressant de savoir que Zurich a une dette trois fois moins importante que la nôtre, alors que nous payons un demi-milliard d'intérêts négatifs. Zurich, dans son budget, a prévu un déficit de frais de fonctionnement de 100 millions. Alors que nous faisons un effort considérable, et je crois que personne ne le nie, aujourd'hui, nous allons devant un déficit 3,6 fois plus important que celui de Zurich. C'est dire qu'avec des impôts sur les personnes physiques de 20% moins élevés qu'à Genève on arrive à ce résultat. Je ne veux pas essayer de dire qui a raison et qui a tort. Je me limite à faire un certain nombre de constats.
J'en viens maintenant à une déclaration de M. Ferrazino concernant les recettes et je crois qu'il est de notre devoir de dire que c'est vrai. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre chef de groupe disait tout à l'heure qu'il faudra en contrepartie, ou en parallèle, trouver des réformes structurelles pour pouvoir à la fin de ces quatre ans retrouver ces recettes qui nous manquent. Il faut dire aussi très ouvertement à la fonction publique, qui fait un effort, qu'à la fin de ces quatre ans le compte sera négatif, autrement dit, elle sera gagnante et je vais vous en faire la démonstration.
Les économies prévues sont de 90 millions, exactement 89 millions par année. Je pense que tout le monde est d'accord. Les dépenses supplémentaires uniquement sur la masse salariale - et Dieu sait si je ne la critique pas en ce qui concerne la fonction publique - proviennent du rétablissement des mécanismes salariaux. Pour la première année, les dépenses supplémentaires s'élèvent à 51 millions : moralité, il n'y a plus qu'une économie, ou un effort, non pas de 80 millions par rapport à la situation actuelle, mais de 38 millions.
Pour ne pas être trop long, je passe à 2001 - nous restons toujours dans cette période de quatre ans - là, toujours 89 millions d'économies, mais la dépense s'est transformée en 156 millions. C'est dire que le déficit est de 67 millions au total. Au total, les économies, soit quatre années à 89 millions, c'est-à-dire 356 millions et les dépenses, en rétablissant les mécanismes salariaux, 520 millions.
Alors même si l'effort de la fonction publique n'est pas négligeable, à terme, elle n'est pas perdante.
Concernant maintenant la politique anticyclique, je crois qu'il est faux également de traiter ce problème d'année en année uniquement et Bernard Clerc me l'accordera. Il s'agit de prendre en compte une période plus longue, qui peut aller en l'occurrence jusqu'à neuf ans, parce que la politique anticyclique ne vient pas par rapport aux comptes de fonctionnement mais elle doit s'actionner par rapport à la politique d'investissement. Bernard Clerc l'a dit tout à l'heure. Or, nous avons là un mécanisme qui nous propose d'aller jusqu'à neuf ans avec des étapes successives. Aussi, si on ne peut pas faire des efforts dans une période de neuf ans, je ne comprends plus. Ou alors, je peux avoir une arrière-pensée en me disant que ce que vous, vous désirez, c'est qu'on dépense ad vitam aeternam et que l'on creuse le fossé que nous connaissons aujourd'hui.
C'est vrai, Monsieur Ferrazino, il est facile et surtout tentant de trouver des solutions telles que celles que vous nous avez proposées, à savoir d'augmenter les impôts de ceux qui ont réellement les moyens. Cela est tentant, certes, mais il faut en connaître toutes les conséquences et vous devez annoncer le risque que nous prenons en taxant ces gens qui, je vous le rappelle, payent quasiment 40% de notre budget. En effet, 40% de nos dépenses sont payées par les gens que vous nous signaliez tout à l'heure. Or, ces gens ont pour caractéristique une facilité de déplacement que vous ne pourrez pas juguler. Alors, attention aux autogoals, veillez à ce que ces gens ne partent pas et que vous ne soyez contraints d'augmenter les impôts de ceux que vous pensez défendre. Il faudra, à un moment donné, trouver un équilibre et je ne crois pas que ce soit la politique de l'Alliance de gauche qui nous permette de le trouver.
En tant que partenaire social, je ne peux pas dire ni laisser passer les critiques que j'ai pu entendre à l'égard des Verts et du parti socialiste notamment. Ce sont des gens qui, effectivement, n'ont pas les mêmes idées que nous et comme secrétaire patronal je n'ai jamais eu les mêmes idées qu'un secrétaire syndical. Nous arrivons par contre à trouver des consensus et une paix sociale qui est saluée par le monde entier. Je vous en supplie, ne la détruisez pas !
Ma conclusion sera la suivante : je pense que ce que vous avez entrepris, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, est courageux. J'ai connu des positions courageuses des précédents Conseils d'Etat mais, malheureusement, je me suis aperçu que face à l'événement ce courage diminuait quelque peu ou, pour le moins, s'effritait. J'espère donc que, malgré les menaces de grève de la fonction publique, vous maintiendrez le cap et resterez fermes jusqu'au bout, sinon nous ne pourrons pas vous soutenir.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Le projet de loi constitutionnelle et le projet de budget 1999 qui ont fait l'objet des débats de ce soir et qui vous sont soumis symbolisent deux soucis majeurs du Conseil d'Etat.
D'abord un souci de justice. La justice est la première vertu des institutions publiques et, même au nom du bien-être et de l'intérêt général, il n'est pas acceptable de transgresser ce principe. Il a dès lors été clair pour le Conseil d'Etat et les partis politiques qui ont participé aux négociations finales de la table ronde que les efforts demandés au titre des dépenses sociales ne devaient en aucun cas dispenser des catégories plus favorisées d'apporter leur contribution.
Du côté des dépenses, les efforts principaux portent sur le fonctionnement de l'Etat et sur la masse salariale. Nous demandons un effort important à la fonction publique mais cet effort a été jugé raisonnable. Les salaires au-dessous de 60 000 F sont protégés et l'application des mécanismes salariaux pondère tout de même les efforts demandés. Il a été calculé par l'Office du personnel de l'Etat que pour une personne dont le salaire est de 60 000 F en début de carrière, il y aura en 1999 une augmentation du traitement de base de 2% et, pour un même niveau de salaire, une diminution de 1% en fin de carrière. Pour un traitement de base de 100 000 F en début de carrière, l'augmentation en 1999 atteint 0,74% et, en fin de carrière, la diminution est de 2,26%.
Pour évaluer l'équité des réformes, il convient également de prendre en compte les données et les priorités du budget 1999. Les impératifs de la lutte contre l'exclusion ont conduit le Conseil d'Etat à augmenter les dépenses concernant les personnes les plus démunies de ce canton. Toutes les dotations sociales augmentent pour répondre à des besoins en croissance : l'allocation pour personnes âgées de plus de 26 millions de francs; la subvention à l'Hospice général de 17 millions; la part cantonale à l'AVS/AI de 17 millions; les subsides pour assurés modestes de l'assurance maladie de 12 millions; l'assistance médicale de 10 millions et l'aide à domicile de 2 millions; au total, 84 millions de francs.
La priorité à l'emploi affirmée par le Conseil d'Etat dans le discours de Saint-Pierre a aussi quelques effets budgétaires qui font d'ailleurs réagir certains parmi vous.
Ces choix en faveur des plus démunis et de l'emploi ont nécessité un effort supplémentaire demandé aux collaborateurs et aux collaboratrices de la fonction publique.
Quant à la contribution spéciale, elle a évidemment quelques inconvénients que je ne me permettrais pas de taire. Prise sur le revenu imposable, elle perd les avantages d'un élargissement de l'assiette fiscale que donnerait un prélèvement sur le revenu brut. Elle est linéaire et non progressive et, enfin, elle n'est prévue qu'à titre temporaire, ce qui nous laisse dans quatre ans avec un manque de recettes de quelque 140 millions de francs.
Mais il est difficile de la qualifier objectivement d'antisociale dans la mesure où prélevée pleinement uniquement sur les revenus imposables de plus de 20 000 F, c'est-à-dire 60 000 F de revenu brut, près de 100 000 contribuables, 94 730 très exactement, et ce sont les plus modestes, n'en acquitteront qu'un forfait de 25, 50 ou 100 F par année.
Une remarque encore concernant la part des entreprises, et en particulier des banques, s'il est vrai de dire que leur participation à la contribution spéciale est faible, il faut tout de même ajouter que leur effort ne s'arrête pas là puisque l'entrée en vigueur de la loi sur la procédure en réalisation de gage, dont il a été tenu compte dans l'accord signé, porte leur participation à l'assainissement des finances publiques à hauteur de 30 millions supplémentaires.
Bien sûr, Mesdames et Messieurs, le projet ne satisfait pas tout le monde. Pour les uns, il était hors de question d'accepter un blocage des revenus AVS/AI pour quatre ans; pour les autres, le point de désaccord était l'augmentation de l'impôt sur la fortune.
Les mesures finalement retenues font état de forfaits prélevés sur la fortune et pour ce qui concerne les prestations aux rentiers AVS/AI de deux mesures qui ont été abondamment décrites ce soir : l'une concernant le taux de conversion de la fortune qui passe de 20 à 50% pour les personnes au bénéfice de l'aide aux personnes âgées, l'autre alignant les revenus AI sur les revenus AVS. Ces mesures touchent aussi à des symboles, celui des dépenses sociales, et celui de l'impôt sur la fortune et, à ce titre, elles sont illustratrices d'une répartition jugée équitable des sacrifices.
Le deuxième souci du Conseil d'Etat tient à l'équilibre des finances de notre canton.
Or, il faut bien constater que les tenants de l'équilibre budgétaire ont bien mauvaise réputation à gauche et, je dois l'avouer, non sans quelques raisons. Pendant longtemps, le mythe de l'équilibre était vénéré afin d'une part d'accréditer la neutralité de l'Etat et d'autre part de rassurer les petits épargnants en leur prouvant que l'Etat gérait son budget comme ils géraient le leur. Et il est logique de se demander aujourd'hui si la résurgence de ce mythe ne vise pas tout simplement à justifier le retrait du secteur public, la règle de l'équilibre apparaissant ainsi comme un jugement de valeur porté sur la dimension souhaitable des activités publiques.
Il est possible que de telles intentions puissent être présentes dans quelques esprits ici. Mais ce que je peux affirmer, c'est que pour le Conseil d'Etat la volonté d'équilibre n'a rien d'une volonté de désengagement. En effet, la capacité de notre collectivité à répondre aux besoins sociaux et économiques et à pouvoir assumer volontairement une politique anticyclique est liée à la stabilité de notre politique budgétaire.
Et, Mesdames et Messieurs, vous êtes à même de constater la vérité de cette affirmation. L'idée générale qui justifie la mise en place d'une norme permanente d'équilibre est qu'une politique qui entraîne régulièrement un accroissement de l'endettement par rapport au revenu cantonal nécessite tôt au tard des ajustements douloureux. Or, cette situation, nous la vivons aujourd'hui comme la conséquence d'un trop long laisser aller en matière de finances publiques.
Vous le savez, le rapport de la dette au revenu cantonal est passé de 20% au début des années 90 à 50% en 1997. Près de 10 milliards de dette, des charges financières qui ascendent à 700 millions de francs en 1999, 475 millions d'intérêts passifs.
Ne rien faire, c'est entériner une distribution antisociale des revenus, des contribuables vers les banques et les investisseurs institutionnels, c'est encore se plier à une logique qui met en danger les prestations du service public, la croissance rapide des charges financières exigeant d'y consacrer de plus en plus de ressources et c'est enfin irresponsable à l'égard de celles et de ceux qui ont le plus besoin de l'aide de l'Etat. La dette est excessive parce que son poids par rapport aux moyens financiers de notre collectivité croît par un effet d'entraînement automatique.
C'est pourquoi le but de la norme constitutionnelle et des mécanismes qu'elle met en place est de ramener l'évolution de la dette au niveau de nos moyens financiers. Ce que je sais précisément, c'est que si on ne fait rien la dette continue d'augmenter, qu'elle continue à exiger des ressources financières au détriment d'autres prestations et que ces effets se trouvent encore renforcés par des interventions politiques qui ne sont pas que virtuelles et des investisseurs qui ne sont pas non plus que virtuels, visant à inverser brutalement le cours des choses, en clair à couper à la tronçonneuse dans les dépenses.
Il n'est pas vrai que l'Etat rencontre des difficultés de circonstance qui se dissiperont sitôt la récession oubliée. A la faveur de l'opacité de nos mécanismes de distribution, nous assistons aujourd'hui à un changement d'univers; nous passons d'un modèle d'assistance sociale, où les actifs paient essentiellement pour eux-mêmes, à un dispositif de solidarité qui apparaît dans le budget de l'Etat au travers de la croissance des différentes dépenses de transfert. Malheureusement, ce changement s'effectue au plus mauvais moment, c'est-à-dire au moment précis où le degré de chômage et d'exclusion est élevé, où le vieillissement démographique a des conséquences sur le nombre de pensionnés, où la croissance des emplois de service remplace ceux mieux rémunérés du secteur industriel et où, précisément, les recettes et les moyens de financement de l'Etat s'effritent : dès 1993, nous assistons à une décélération de la croissance, suivie d'une stabilisation des recettes de l'impôt sur le revenu et la fortune des personnes physiques et à une baisse de la part des impôts dans les revenus de fonctionnement qui passent de quelque 74,5% en 1994 à 71% en 1997, alors même que les besoins sociaux augmentent.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, dans la réforme de l'Etat, il n'y va pas que d'ajustements administratifs et financiers et c'est la raison de l'engagement constitutionnel du Conseil d'Etat dans un processus de réforme qui devrait conduire à améliorer les choix et la gestion publics.
En terme de politique budgétaire, ce que je sais et ce que je défends ici au nom du Conseil d'Etat, c'est que le souci de satisfaire au mieux les besoins individuels et collectifs qui sont à la charge de l'Etat signifie d'abord restaurer ses capacités d'action, ses marges de manoeuvre qui sont actuellement inexistantes et par conséquent une volonté d'assainissement et de rééquilibre qui est bien loin d'obéir à une logique de désengagement. (Applaudissements.)
Le président. Bien. Mesdames et Messieurs, nous sommes parvenus au terme de ce débat. Monsieur Vaissade, nous avons dit que... Oui, Monsieur le député Vaissade.
M. Alain Vaissade (Ve). Point n'est mon intention d'intervenir dans ce débat puisque nous avons limité les interventions, ni de parler après Mme la conseillère d'Etat. Mais nous venons d'avoir un débat public dans cette enceinte. Vous savez que le Mémorial met un certain temps pour parvenir à ses destinataires. Il me semblerait intéressant, puisque le débat va être public et proposé à la population, qu'il y ait un tiré à part de ce débat de manière qu'il puisse être accessible, puisque toutes les parties se sont exprimées en leur âme et conscience, et qu'il y ait une large diffusion de ce débat. (Applaudissements.)
Le président. Le Bureau fera en sorte qu'il puisse être donné suite à votre proposition.
Ces projets sont renvoyés à la commission des finances.