République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 8e session - 18e séance -autres séances de la session
No 18/III
Jeudi 14 mai 1998,
nuit
Présidence :
M. René Koechlin,président
La séance est ouverte à 20 h 50.
Assistent à la séance : Mme et MM. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et M. Guy-Olivier Segond, Micheline Calmy-Rey, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Pierre Ducrest, Marie-Thérèse Engelberts, Luc Gilly, Michel Halpérin, René Longet et Geneviève Mottet-Durand, députés.
3. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Le président. Nous reprenons nos travaux au point 18 de notre ordre du jour, sous le titre du département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures...
Mme Christine Sayegh(S). Selon l'ordre du jour, je croyais qu'il fallait d'abord traiter les deux initiatives IN 110 et IN 111, aux points 65, 66, 76 et 77. Y a-t-il une modification ?
Le président. Non, il n'y a pas de modification, vous avez raison. Nous pensions les traiter en fin de séance, mais nous pouvons le faire au début si vous le demandez.
Mme Christine Sayegh. C'est non seulement ce que nous demandons, mais c'est surtout ce qui est indiqué dans l'ordre du jour...
Le président. Non, il est dit que nous les traitons à la séance de 20 h 30, mais ça peut être à tout moment de la séance... (Brouhaha.) Bien, Mesdames et Messieurs, je considère que vous demandez que nous traitions ces points maintenant. Nous abordons donc les points 65 et 66 conjointement.
Lancement d'une initiative
Le comité pour la suppression partielle du droit des pauvres a lancé l'initiative populaire intitulée "; Pour la suppression partielle du droit des pauvres ", qui a abouti.
Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
16 février 1998
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
16 mai 1998
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
16 novembre 1998
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
16 août 1999
5
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
16 août 2000
Initiative populairePour la suppression partielle du droit des pauvres
Article unique
La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :
al. 4 et 5 (nouveaux)
1 Cette taxe est due sur les loteries et tombolas de tous genres ainsi que sur les jeux divers.
4 Cette taxe n'est pas perçue lorsque les loteries et tombolas de tous genres ainsi que les jeux divers sont organisés par des sociétés locales, sans but lucratif, ou caritatives constituées, en principe, depuis 2 ans. Le règlement d'application fixe le détail.
5 Elle n'est pas non plus perçue sur la part dont le produit net est versé à des oeuvres de bienfaisance.
Art. 445 Taux (nouvelle teneur)
La taxe s'élève à 13% de la recette brute versée par l'ensemble des joueurs ou autres participants.
Art. 446 et 447 (abrogés)
Art. 448, al. 1 (nouvelle teneur, sans modification de la note)
1 Quiconque organise pour son compte ou pour le compte d'autrui une activité soumise au droit des pauvres est tenu de se munir préalablement d'une autorisation du département de justice et police et des transports, de faire contrôler par ce dernier tous les billets, de lui fournir les renseignements ou justifications jugés nécessaires, notamment en ce qui concerne les requêtes, de percevoir le droit des pauvres légalement dû et d'en opérer le versement au département de justice et police et des transports dans le délai fixé.
Art. 454 (abrogé)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Pour des manifestations sportives et des spectacles moins chers
Chaque spectateur paie depuis 1845, une taxe de 13 % (dite "; droit des pauvres ") qui augmente d'autant le prix de son ticket de cirque, de cinéma, de théâtre, de concert, d'opéra ou de match.
Il ne tient qu'à vous de faire baisser le prix de ces manifestations en co-signant la présente initiative.
Le billet de cinéma ou le match de football ne coûteront plus que 13 F au lieu de 15 F, et les concerts 10 F de moins.
Les organisateurs de spectacles et de manifestations sportives se sont engagés à répercuter entièrement la suppression du droit des pauvres sur le prix des billets.
L'initiative prévoit le maintien de cette taxe uniquement sur les loteries et jeux divers.
Pour que Genève vive
Supprimons cette taxe sur les activités culturelles, sportives, associatives et sur les expositions, afin de favoriser l'animation à Genève, car elle est :
Une taxe qui tue la culture et le sport
En abaissant les prix d'entrée, on redynamise la culture et le sport.
Une taxe dissuasive
Toutes les manifestations associatives, les kermesses caritatives et les fêtes de quartier sont également lourdement taxées, ce qui favorise la télévision au détriment des animations locales.
Incitons les gens à sortir en réduisant les prix.
Une taxe pénalisante
Genève ne peut concurrencer les prix attractifs offerts par nos voisins qui ne sont pas soumis à cette taxe.
L'ouverture prochaine de multi-salles de cinéma en France voisine va drainer les spectateurs au détriment de Genève.
Une taxe paralysante
Supprimons cette taxe pour relancer l'économie genevoise et animer la vie nocturne de Genève.
Une taxe désuète
Depuis la naissance de l'état social d'après guerre, toutes les mesures sociales ont été instaurées pour garantir une vie meilleure à tous (AVS, AI, LPP, assurances chômage, maladie, accidents, etc.).
La taxe du droit des pauvres a perdu toute justification, actuellement.
Une taxe locale déjà abolie ailleurs
Dans plusieurs grandes villes de Suisse, cette taxe a été supprimée, notamment à Zurich en 1991.
Il n'y a aucune raison de maintenir cette taxe pénalisante qui fausse les bases d'une juste concurrence entre les villes.
Rapport du Conseil d'Etat(IN-110 A)
au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative pour la suppression partielle du droit des pauvres.
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de l'initiative 110 par un arrêté du 11 février 1998, publié dans la Feuille d'avis officielle du 16 février 1998. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure destinée à assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir aux séances du Grand Conseil des 14 et 15 mai 1998. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.
A. LA VALIDITÉ DE L'INITIATIVE
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative "; Pour la suppression partielle du droit des pauvres " (IN 110) ne pose pas de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.
I. Recevabilité formelle
1. Unité de la matière
Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par "; oui " ou par "; non ".
L'initiative 110 comporte comme seule et unique proposition celle de modifier le titre IX, consacré au droit des pauvres, de la loi sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, en ce qui concerne l'objet et la perception de la taxe dite "; droit des pauvres ", son taux, les entrées de faveur, le forfait ainsi que l'octroi de l'autorisation relative à l'activité organisée.
Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2, de la constitution).
2. Unité de la forme
Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.
S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 B de la constitution, l'initiative répond à cette condition.
3. Unité du genre
L'unité de genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.
Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur une modification de la loi sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, soit plus précisément du titre IX consacré au droit des pauvres.
II. Recevabilité matérielle
1. Conformité au droit
Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative législative, l'initiative doit respecter la constitution cantonale ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.
Cette initiative tend essentiellement à modifier l'assiette de la taxe dite "; droit des pauvres " et à préciser son taux unique, proposition qui est du ressort exclusif du canton. A cet égard, il apparaît que le projet ne se heurte en outre à aucune disposition contraire tant au niveau constitutionnel cantonal qu'au regard du droit fédéral.
2. Exécutabilité
Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.
La rédaction de certaines dispositions de l'initiative 110 laisse manifestement à désirer et ne manquerait pas - en cas d'acceptation par le peuple - de poser des problèmes d'interprétation relativement importants.
L'article 444, alinéa 5, selon lequel la taxe ne serait pas perçue "; sur la part dont le produit net est versé à des oeuvres de bienfaisance " serait difficile à mettre en oeuvre. Faut-il déduire de cette disposition que la Loterie Romande ne serait plus assujettie à la taxe étant donné que ses bénéfices sont affectés à des oeuvres d'utilité publique et de bienfaisance via la part cantonale et que le Sport-Toto et le PMUR resteraient assujettis ?
Une telle interprétation poserait manifestement des problèmes d'égalité de traitement entre les grandes loteries.
Quant à l'article 448, il est tout simplement incompréhensible si on ne remplace pas le mot "; requêtes " par "; recettes ".
Au vu de ce qui précède, et sous réserve des problèmes d'interprétation précités, l'initiative 110 n'apparaît pas irréalisable.
B. PRISE EN CONSIDÉRATION DE L'INITIATIVE
1. En préambule, le Conseil d'Etat constate que le droit des pauvres a été institué le 8 décembre 1845, soit voici plus de 150 années. S'il est vrai que, durant cet intervalle, cette taxe a subi diverses modifications, portant essentiellement sur le taux de perception, il est également patent qu'un consensus politique permanent a régné autour de sa pérennité.
Dès lors, le Conseil d'Etat n'entend pas aujourd'hui donner son aval à un changement d'orientation de cette volonté politique constante, qui, dans les circonstances économiques actuelles, pourrait être interprété comme un démantèlement de la solidarité communautaire.
2. Les arguments avancés par les initiants à l'appui de leur démarche ne sont pas pertinents ou facilement réfutables, comme précisé ci-après:
2.1 L'argument selon lequel la suppression partielle du droit des pauvres aurait un effet à la baisse sur le prix de vente et à la hausse sur la fréquentation des manifestations n'est en l'état pas démontré:
- les prix d'entrée aux spectacles sont sensiblement les mêmes dans notre canton que dans le canton voisin, tant à Lausanne, percevant une taxe sur les spectacles de 14 %, qu'à Nyon, où il n'y a aucune taxe de cette nature. Ainsi, le prix du billet de cinéma est partout de 15 F ;
- par analogie, la promesse de diminution des tarifs de taxi contenue dans l'IN 26, intitulée "; pour des taxis égaux " s'est concrétisée, dès son approbation par le peuple, non par une baisse mais par deux augmentations successives !
- sans pouvoir avancer des chiffres probants, le Conseil d'Etat constate que la perception du droit des pauvres n'a pas empêché, ces dernières années, d'enregistrer de bons taux de fréquentation ainsi que la création d'infrastructures nouvelles dans les domaines concernés : manifestations à Palexpo (salons du livre, des inventions, supercross, concours hippique, etc.) ou éclatée (Festival Bâtie), ouverture des théâtres du Grütli, Forum Meyrin et de salles de spectacles (Arena) et de cinémas (Rialto, Grottes, Scala, bientôt Balexert) ;
- enfin, il convient de rappeler que le droit des pauvres est une taxe qui touche l'usager-client, seul et unique assujetti, et non pas l'organisateur de spectacle, qui n'est en fait qu'un intermédiaire-percepteur.
2.2 L'argument selon lequel la perception d'une telle taxe est un anachronisme n'est pas soutenable au vu d'une analyse même superficielle de la situation:
- notre pays compte treize cantons percevant une taxe similaire, dont la compétence a quelquefois (Vaud, Berne, Bâle) été déléguée aux communes ;
- plusieurs pays européens, en sus d'une TVA située entre 15 et 25 %, prélèvent une taxe sur les spectacles.
3. Le rendement annuel actuel du droit des pauvres n'est pas négligeable : il correspond grosso modo au rendement d'un centime additionnel cantonal. Pour l'année 1997, les 19,2 millions de francs engrangés ont servi au financement partiel des activités de l'Hospice général, institution genevoise d'action sociale, à hauteur de 13,4 millions de francs, le solde (5,8 millions) étant destiné à l'Etat, qui l'a affecté au financement d'activités d'aide humanitaire d'urgence, de santé publique et de bien-être social.
Parmi les bénéficiaires de cette dernière part, on dénombre des institutions d'action sociale, dont le subventionnement annuel régulier intervient par ce biais, alors même qu'il devrait émarger au budget ordinaire, comme les autres institutions de même nature (Arcade 84, La Coulou, Fédération genevoise de prévention de l'alcoolisme, Hôtel maternel Arabelle, etc.). La diminution des produits de perception du droit des pauvres conduirait l'Etat à devoir recourir à d'autres crédits de financement des activités susmentionnées, faute de quoi elles devraient cesser, ce qui n'est pas concevable en regard des besoins de la population auxquels elles font face.
L'opinion exprimée par divers milieux, dans le cadre des travaux de la commission des jeux, lors de l'examen du projet de loi 7467, selon laquelle la suppression du droit des pauvres pourrait être compensée par l'augmentation de la part revenant à l'Etat sur les produits des jeux d'argent est plausible, mais non certaine :
- la loi fédérale sur les maisons de jeux n'est pas encore sous toit ;
- dans l'attente des dernières autorisations fédérales, les machines à sous supplémentaires prévues au Grand-Casino ne sont pas encore installées ;
- les modalités de redistribution des produits en direction de la culture ne sont pas arrêtées en raison d'une divergence de vues entre la Ville et l'Etat.
Le Conseil d'Etat estime en conséquence plus équitable le maintien de la taxe à son rendement actuel que sa suppression, même partielle, avec la conséquence d'une obligation de report de dépenses sociales manifestement incompressibles sur la fiscalité ordinaire.
4. Les raisons évoquées ci-dessus conduisent le Conseil d'Etat à considérer que la présente initiative est inopportune, inappropriée et sans résultat sur les effets escomptés par les initiants. Il convient donc de la rejeter. Le Conseil d'Etat est néanmoins d'avis qu'il faut lui opposer un contre-projet visant à une réforme de cette taxe sans en démentir le bien-fondé, démontré par le consensus politique régnant à son sujet depuis 150 ans.
En l'état actuel des finances publiques, cette réforme ne saurait intervenir autrement que sous l'empire de la neutralité des effets. Des éventuels abattements sur la perception du droit des pauvres doivent être mis en balance avec des mesures portant sur la production fiscale des jeux d'argent. Si une telle condition n'était pas réalisée, l'opération déboucherait sur un message de "; désolidarisation " du politique vis-à-vis de l'action sociale, locale et privée, message dont les effets ne sont ni prévisibles ni mesurables.
C. CONCLUSION
Telles sont les réflexions dont le Conseil d'Etat tenait à vous faire part en préambule à la discussion sur l'initiative populaire IN 110 "; Pour la suppression partielle du droit des pauvres ". Elles amènent le Conseil d'Etat à proposer au Grand Conseil de rejeter cette initiative et de lui opposer un contre-projet.
Préconsultation
M. Michel Balestra (L). L'initiative sur le droit des pauvres ne pose pas de problème de recevabilité.
Dans son analyse, le Conseil d'Etat est plus mesuré sur cette initiative que sur l'initiative fiscale que nous traiterons tout à l'heure; bien qu'il la juge peu opportune dans la situation financière actuelle de l'Etat, il propose un contreprojet.
Cette prise de position nous rassure, car, je vous le demande, est-il normal que les clubs sportifs, en grande majorité, connaissent des difficultés financières chroniques à Genève ? Que les associations culturelles doivent être subventionnées jusqu'à hauteur de la perception de la taxe ? Où est le bénéfice pour la collectivité dans ce cas de figure ?
Est-il normal que la manifestation de supercross doive s'expatrier à Bâle pour continuer d'exister ?
Est-il normal que les Genevois doivent aller au cinéma en France voisine pour éviter de payer la taxe ?
Est-il normal, pour rentabiliser des concerts importants, d'être dans l'obligation de trouver des communes dans le canton de Vaud qui ne taxent pas ces spectacles ?
Est-il normal que l'Arena, malgré une fréquentation d'une importance indiscutable, perde de l'argent ?
Et last but not least : si l'on n'avait pas exonéré Telecom du droit des pauvres, Genève n'aurait jamais pu bénéficier des 500 millions de retombées économiques de cette manifestation d'importance mondiale.
Et tout cela pour encaisser 19 malheureux millions, alors que le budget de l'Etat s'élève à près de 5 milliards... Est-ce vraiment sérieux ?
Le gouvernement va proposer un contreprojet, bravo ! Car, je vous le demande, pouvons-nous continuer ainsi, en espérant que le temps arrangera tout ? Tel n'est pas l'avis des libéraux. Le temps ayant passé et les prochaines élections étant suffisamment éloignées, ils espèrent que les députés genevois trouveront un consensus pour améliorer les conditions d'exploitation des entreprises que sont les organisations sportives et culturelles de toutes sortes.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Le débat sur cette initiative me plonge dans des abîmes de perplexité et de chagrin, car je me sens très proche des gens qui, dans cette République, prennent l'initiative d'en organiser la vie sociale et sportive. Pour certains, c'est un dada ou un hobby, pour d'autres, une profession. Cependant, on ne peut accepter certaines remarques telles quelles.
Monsieur Balestra, vous ne pouvez pas affirmer qu'il y a un club de football à Genève qui se trouve en difficulté financière pour des problèmes de droit des pauvres. Ce n'est pas possible ! Regardez, chiffres à l'appui, ce que rapportent les clubs en matière de droit des pauvres : sur une année in globo, c'est l'équivalent du salaire des joueurs d'une grande équipe pour un match important. Le problème ne se situe pas là.
Comme je l'ai écrit aujourd'hui à M. Perroud, pour lequel j'ai une grande admiration, il est faux de dire que DPO a décentralisé son supercross à Bâle pour des questions de droit des pauvres.
Premièrement, il payera plus de droit des pauvres dans ce canton. Mais il a trouvé de meilleures conditions de location, de meilleurs sponsors, de meilleures subventions de la part de la ville de Bâle. Je suis en revanche totalement d'accord avec M. Perroud sur un point : à Genève, les infrastructures mises à disposition sont insuffisantes dans certains domaines - le supercross notamment - et trop onéreuses. Ce qui est trop cher, c'est l'infrastructure et non le droit des pauvres.
Le deuxième élément, c'est l'âge canonique de cette taxe vieille de cent cinquante ans ! Nous sommes contraints d'en discuter, car elle doit être revue et modernisée. En revanche, elle ne peut pas être supprimée : les 20 millions qu'elle rapporte sont essentiels au fonctionnement de notre politique sociale. Peu importe qu'elle s'appelle droit des pauvres ou taxe sur les spectacles.
Le Conseil d'Etat a pris position et annonce un contreprojet dont il conviendra de débattre en temps opportun. Il est vrai que cette taxe désuète doit être dépoussiérée, mais si vous examinez la liste figurant dans l'exposé que avez reçu pour savoir qui paie quoi, vous constaterez que ce sont les jeux de hasard qui, de très loin, paient le plus, et non les clubs sportifs.
Je vous renvoie donc à ce document et vous affirme que je suis le premier à vouloir absolument aider celles et ceux qui organisent des compétitions, des concours, des salons, des expositions, dans notre canton. Que cette taxe mal fagotée doive être réformée, j'en conviens; mais je suis farouchement opposé à sa suppression, même partielle, comme le propose l'initiative. Nous en avons besoin depuis cent cinquante ans, c'est cela le vrai débat.
J'aimerais redire combien j'admire sincèrement les paroisses, les petits clubs sportifs, les petites associations communales, ayant à coeur d'animer notre canton et notre ville et qui butent sur une administration tatillonne, excessive, mais cela ne remet pas en cause la pertinence de cette taxe. (Applaudissements.)
IN 110-A
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat.
IN 110
L'initiative est renvoyée à la commission législative.
Lancement d'une initiative
Le Parti libéral genevois a lancé l'initiative populaire intitulée "; Réduisons les impôts ", qui a abouti.
Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
16 février 1998
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
16 mai 1998
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
16 novembre 1998
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
16 août 1999
5
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
16 août 2000
Initiative populaireRéduisons les impôts
Les citoyens soussignés, électeurs et électrices dans le canton de Genève, en vertu des articles 64 et 65 B de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, proposent le projet de loi suivant :
Projet de loirelatif à la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques
LE GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Principe
L'impôt direct sur le revenu des personnes physiques, à l'exception des centimes additionnels communaux, est diminué de 12 %.
Art. 2 Taux
1 Cette diminution prend effet, pour une première tranche de 5 % de l'impôt, dès le 1er janvier 1999.
2 Pour une deuxième tranche de 4 %, dès l'exercice budgétaire suivant celui où les comptes de l'Etat se soldent par un déficit, après amortissement, inférieur à 3 % du compte de fonctionnement, mais au plus tard dès le 1er janvier 2003.
3 Pour une troisième tranche de 3 %, dès l'exercice budgétaire suivant celui où les comptes de l'Etat se soldent, après amortissements, par un résultat équilibré, mais au plus tard dès le 1er janvier 2005.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Pour rétablir nos finances et stimuler la reprise économique, réduisons les impôts !
Réduire les impôts quand les caisses sont vides ?
Il n'y a là ni inconscience, ni démagogie, mais un enjeu fondamental :
- Si Genève, par ses impôts exagérés, continue de chasser les contribuables qui paient le plus d'impôts, nous ne pourrons jamais rétablir nos finances publiques. Il ne restera plus, alors, qu'à tailler dangereusement dans les dépenses...
- Les Genevois paient trop d'impôts. Avec un revenu de 100 000 francs, un couple genevois ayant deux enfants paie 20,7 % d'impôt de plus que dans le canton de Vaud, 65,7 % d'impôt de plus qu'à Zurich et... 150 % de plus qu'à Zoug.
- Cette pression fiscale croissante n'épargne pas la classe moyenne. Avec un revenu de 80 000 francs, un couple genevois avec deux enfants paie 12 % de plus qu'à Lausanne et 61 % de plus qu'à Zurich.
- Tout en travaillant à Genève, plus de 15 000 contribuables ont déjà déplacé leur domicile dans le canton de Vaud, ou ailleurs. Pour Genève, la perte d'impôts correspondante se monte à quelque 400 millions de francs par année. Soit exactement le montant de notre déficit.
- Il est urgent de stopper cette hémorragie fiscale. D'autant que nos 1800 contribuables les plus importants, à eux seuls, paient quelque 375 millions d'impôts. Face au risque de nouveaux départs, il n'y a qu'une solution : baisser enfin nos impôts. Et, progressivement, d'ici à 2005, les aligner sur ceux des Vaudois.
- Si l'on veut garantir les prestations sociales et les engagements du canton, il faut attirer - et non pas chasser - les contribuables les plus intéressants. 200 "; gros " contribuables supplémentaires nous rapporteraient autant de recettes fiscales que les 82 000 contribuables de la catégorie la moins imposée.
- Les impôts, c'est comme le prix du téléphone. Pendant des années, les PTT ont juré qu'une baisse des tarifs téléphoniques internationaux les plongerait dans des déficits dramatiques. Mais, aujourd'hui, ayant enfin baissé leurs prix, les PTT encaissent des recettes bien plus importantes qu'avant. Osons faire comme les PTT.
- De plus, une baisse d'impôts stimule la reprise économique. Tous les exemples étrangers le confirment. De l'Irlande à la Nouvelle-Zélande, les pays qui ont baissé leurs impôts se sont assuré relance économique et baisse du chômage. Au contraire, en haussant encore leurs impôts, la France et l'Allemagne ne font qu'aggraver crise et chômage.
- Genève, qui a les impôts les plus lourds, est l'un des cantons les plus durement touchés par le chômage. Inversement, Zoug, dont les impôts sont le tiers des nôtres, ne connaît ni chômage, ni déficits publics.
- Plus l'impôt augmente, plus les recettes diminuent. Au contraire, une baisse d'impôts redonne les moyens et l'envie de consommer, relance l'économie, crée des emplois et, ainsi, assure des recettes fiscales supplémentaires.
- Raisonnable, la baisse d'impôts proposée (5 % dès 1999, puis 4 % d'ici 2003 et 3 % d'ici 2005) n'est pas "; un cadeau pour les riches ". Elle profitera à tous.
Conclusion évidente : pour assurer l'avenir de Genève, développer les recettes fiscales, sauvegarder les budgets publics, restaurer la confiance, stimuler la relance et favoriser l'emploi, réduisons les impôts !
Dans l'intérêt de l'ensemble de la communauté genevoise.
Rapport du Conseil d'Etat
(111-A)au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative "; Réduisons les impôts "
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 11 février 1998, publié dans la Feuille d'avis officielle du 16 février 1998. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil des 14 et 15 mai 1998. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.
A. LA VALIDITÉ DE L'INITIATIVE
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative "; Réduisons les impôts " (IN 111) ne devrait pas poser de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.
I. Recevabilité formelle
1. Unité de la matière
Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par "; oui " ou par "; non ".
L'initiative 111 comporte comme seule et unique question un projet de loi posant le principe d'une diminution de l'impôt direct sur le revenu des personnes physiques, à l'exception des centimes additionnels communaux, ainsi que les étapes de réalisation de cette diminution.
Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2, de la Constitution).
2. Unité de la forme
Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.
S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 B de la Constitution, l'initiative répond à cette condition.
3. Unité du genre
L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une forme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.
Ce principe est respecté en l'espèce, les choix des initiants s'étant portés sur un projet consacré à la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
II. Recevabilité matérielle
1. Conformité du droit
Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative législative, l'initiative doit respecter la constitution cantonale ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.
Les cantons disposent, en matière fiscale, de la compétence, parallèlement à la Confédération, de percevoir un impôt direct sur le revenu des personnes physiques notamment.
La proposition des initiants relative à la réduction de l'impôt direct sur le revenu des personnes physiques ressortit à un domaine relevant de la sphère de compétence des cantons.
Il apparaît en outre que le projet ne se heurte à aucune disposition contraire tant au niveau constitutionnel cantonal qu'au regard du droit fédéral.
2. Exécutabilité
Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable, voire dans les délais imposés lorsque le texte de l'initiative en comporte expressément comme c'est le cas en l'espèce.
Il est utile d'observer à cet égard que selon l'article 2, alinéa 1, de l'initiative, la diminution d'impôt prévue "; prend effet, pour une première tranche de 5 % de l'impôt, dès le 1er janvier 1999 ".
Le respect de cette date suppose que le processus parlementaire d'examen du texte, conformément à l'article 67 A de la Constitution genevoise, soit conduit de façon accélérée, c'est-à-dire sans mise à profit des délais maximums accordés par la Constitution, le tout en tenant compte d'une éventuelle votation populaire et du vote en temps utile du budget 1999 par le Grand Conseil.
On peut admettre toutefois que ces exigences de temps ne sont pas a priori insurmontables et qu'elles ne sauraient dès lors constituer un obstacle tel à la concrétisation de l'initiative qu'il faille considérer celle-ci comme irréalisable et, partant, l'invalider pour cause d'inexécutabilité manifeste.
B. LA PRISE EN CONSIDÉRATION DE L'INITIATIVE
1. Le Conseil d'Etat recommande le rejet de l'initiative
Le Conseil d'Etat considère que dans sa forme actuelle, l'initiative visant la réduction des impôts ne peut pas être prise en considération en raison de son inopportunité. En effet, une baisse d'impôts provoquerait une diminution des recettes fiscales et par voie de conséquence une augmentation du déficit de l'Etat, ce qui aurait pour seul effet de mettre en danger les prestations, sociales en particulier, de l'Etat. Ses effets sur la relance de l'économie sont, en revanche, plus qu'hypothétiques.
2. Modification proposée par l'IN 111
L'initiative propose, dans le but de, soi-disant, stimuler la relance économique, une réduction linéaire de 12 % des impôts sur les revenus des personnes physiques, étalée en trois temps jusqu'en 2005, soit :
- une première baisse de 5 % en 1999, les deux tranches complémentaires devant intervenir sous condition ;
- la deuxième tranche, de 4 %, est liée à un rapport entre déficit après amortissement et compte de fonctionnement de 3 % et doit intervenir au plus tard en 2003 ;
- la troisième baisse de 3 % est liée à l'obtention d'un résultat équilibré après amortissement des comptes de fonctionnement. Elle doit intervenir au plus tard en 2005.
3. Conséquences socio-économiques de l'acceptation éventuelle de l'initiative
Telle quelle, l'initiative présente un avantage financier important pour les hauts revenus.
En effet, pour 43 % des contribuables disposant d'un revenu net imposable de moins de Fr. 30 000.-, l'économie d'impôt est en moyenne de l'ordre de Fr. 200.- par contribuable et par an, alors que pour 0,9 % des contribuables dont le revenu net imposable est de plus de Fr. 300 000.-, l'économie se monte à Fr. 26 400.- par contribuable et par an. Il convient également de souligner que les revenus les plus modestes ne sont pas touchés par l'initiative, puisque 50 000 d'entre eux se situent en dessous du seuil d'imposition.
Une fois qu'elle déploiera ses pleins effets, l'initiative aura pour effet de diminuer les recettes fiscales de plus de 230 millions de francs par année, y compris le produit de l'impôt à la source. La première baisse de 5 % générera à elle seule une décrue de 88 millions de francs, qui sera bien sûr reconduite chaque année. Cette perte se montera carrément à 170 millions de francs dès l'année où la réduction supplémentaire de 4 % entrera en force, soit dès 2003 au plus tard. La perte sera enfin de 230 millions de francs dès l'année où la réduction sera totale par l'entrée en vigueur de la dernière baisse de 3 %, soit dès 2005 au plus tard. A cet égard, les tableaux annexés au présent rapport sont éloquents.
Au terme de la période comprise entre 1999 et 2005, la baisse des rentrées fiscales sera dès lors, au minimum, de 923 millions de francs :
Année
Diminution de recettes de l'année concernée
Cumul depuis la prise d'effet de l'initiative
1999
88 millions
88 millions
2000
88 millions
176 millions
2001
88 millions
264 millions
2002
88 millions
352 millions
2003
170 millions
522 millions
2004
170 millions
692 millions
2005
231 millions
923 millions
Compte tenu de la situation financière de l'Etat et du niveau des déficits publics, des diminutions des prestations devront intervenir pour compenser la baisse d'impôts. En effet, 88 millions de pertes fiscales à court terme impliqueront que l'on touche aux dépenses sociales : seront ainsi susceptibles d'être touchés rapidement les postes de dépenses liés au chômage, aux allocations aux personnes âgées, aux subsides d'assurance-maladie, au logement social, aux allocations d'étude, à l'Hospice général, à l'assistance médicale et à l'aide à domicile ou aux subventions à des institutions sociales ou hospitalières.
Pour prendre un autre exemple encore, l'objectif des initiants pourrait être atteint en ramenant le revenu minimum cantonal genevois pour les rentiers AVS-AI au niveau de ce qui est prévu au plan fédéral. En diminuant de 22 500 à 17 000 francs le revenu de 25'000 personnes, l'économie pour l'Etat est de 102 millions de francs. Il serait également possible d'économiser environ 100 millions de francs sur le budget de fonctionnement en fermant l'hôpital de Loëx (34,9 millions de francs), l'hôpital Beau-Séjour (28,9 millions de francs), la clinique de Montana (9,4 millions de francs) et la maternité (32,6 millions de francs).
Si un tel effort pouvait, à la rigueur, être supporté une année, il est exclu de le voir se reconduire de manière indéterminée.
Il est de surcroît évident que, dans l'hypothèse d'une diminution forte des recettes fiscales, les lois d'aide aux petites et moyennes entreprises votées récemment par le Grand Conseil ne pourraient déployer tous leurs effets.
En résumé, c'est le rôle redistributeur de l'Etat dans son ensemble qui est remis en question dans la perspective d'une telle décrue de recettes.
4. Réponse à la motivation des initiants
On l'a vu, l'initiative propose une réduction linéaire de 12 % des impôts sur les revenus des personnes physiques, en trois temps, étalée de 1999 jusqu'en l'an 2005.
La motivation des initiants est la suivante :
- développer les recettes fiscales et sauvegarder les budgets publics,
- stimuler la relance économique et favoriser l'emploi.
a) Développer les recettes fiscales et sauvegarder les budgets publics
Il se trouve que l'objectif du gouvernement est le redressement des finances du canton.
Or, le poids de la dette de l'Etat est très directement lié au poids et à la répartition dans le temps de la fiscalité. On admet, en effet de manière générale, qu'une marge d'autofinancement positive ou nulle est la condition sine qua non d'une gestion équilibrée des finances publiques. En cas de marge d'autofinancement négative, le canton s'endette pour couvrir les dépenses courantes et répercute sur les contribuables futurs la charge du remboursement de la dette accumulée. Actuellement, le canton de Genève se trouve dans cette situation.
En réalité, le premier effet de l'initiative 111 serait d'aggraver encore le déficit, ce qui rétrécirait encore plus la marge d'autofinancement de l'Etat et porterait atteinte à la capacité des finances cantonales à maintenir à long terme une distribution équitable du fardeau fiscal entre les générations de contribuables. A court terme, c'est la marge de manoeuvre des autorités cantonales qui se verrait réduite, ainsi que leur capacité d'investir. Or, actuellement, la somme des intérêts passifs représente un montant supérieur à 15 % des recettes fiscales structurelles de l'Etat.
Par ailleurs, comme on l'a vu plus haut, une baisse des recettes de l'importance de celle prévue par les initiants entraînerait une diminution des prestations sociales offertes par l'Etat.
Le dépôt de cette initiative intervient à un moment de complète restructuration de l'économie privée, qui provoque une dérégulation importante du marché de l'emploi. Actuellement, on compte plus de 20'000 chômeurs, dont certains, de longue durée, sont contraints de faire appel à l'aide de l'Etat par le biais du RMCAS.
Le développement technologique, allié à la concurrence accrue, ainsi que le vieillissement de la population augmentent les besoins d'aide de bon nombre de citoyens. Dans un tel contexte, l'application d'une politique de redistribution par l'Etat est indispensable, mais elle implique des services publics plus forts, plus efficaces et plus structurés en termes de champ de couverture et de qualité des services rendus, ce qui est impossible à réaliser dans l'hypothèse d'une diminution des recettes.
Dès lors, le paradoxe de l'argument des initiants n'est pas qu'apparent, mais bel et bien réel, tant il est vrai qu'aucune proposition concrète d'économies budgétaires n'accompagne, et pour cause, la proposition de réduction des recettes.
b) Stimuler la relance économique et favoriser l'emploi
L'initiative part du postulat qu'un aménagement de la fiscalité attirerait à Genève plus de hauts revenus et éviterait que ceux qui y sont soient dissuadés d'y rester; ceci favoriserait, aux yeux des initiants, l'augmentation de l'épargne et des investissements.
Ce raisonnement, correct en théorie, ne résiste pas face aux arguments suivants :
- la fiscalité n'est pas le seul critère, ni même le critère déterminant dans la décision d'une personne de s'établir à Genève. L'habitat et le coût de la construction jouent un rôle prépondérant, de même que les structures sociales. Sur les 106 contribuables genevois qui s'acquittent en moyenne de Fr. 1 million d'impôt chacun par an, aucun, selon les dernières données statistiques disponibles, n'a quitté le canton à ce jour ;
- notre économie a suffisamment d'épargne en ce moment. Par contre, la demande intérieure est ralentie.
Selon l'Office fédéral de la statistique, le taux de consommation des revenus aisés, pour lesquels l'économie d'impôt serait la plus forte, est relativement faible, soit de l'ordre de 50 % pour les revenus se situant entre Fr. 300 000.- et Fr. 500 000.-, alors que pour les revenus plus modestes, ce même taux s'accroît jusqu'à 100 %.
La minorité de contribuables aisés que l'initiative avantagerait de manière prépondérante a une propension à épargner plus élevée que les ménages à faibles revenus. Elle n'alimenterait dès lors la demande intérieure qu'à la condition de procéder à des investissements dans notre canton dans une proportion équivalente à l'économie fiscale réalisée grâce à la baisse du taux de l'impôt. Or, en l'état, il est impossible de déterminer si la baisse d'impôt envisagée conduirait à relancer la consommation dans une telle proportion.
Depuis 1991, les ménages reportent plutôt leur revenu disponible sur l'épargne. D'autre part, la consommation de masse s'est surtout développée en France voisine.
De l'avis général, la fiscalité ne peut, à elle seule, fonder la relance. Cette dernière ne peut que résulter de la conjugaison de plusieurs moyens économiques, tels que la politique monétaire ou l'augmentation des investissements publics dans les domaines de la formation et de la recherche.
C. CONCLUSIONS
Toute modification absolue ou relative de la charge fiscale des personnes physiques, comme des personnes morales, peut entraîner des conséquences importantes sur les recettes fiscales du canton.
Le seul effet à court terme de l'initiative serait l'augmentation du déficit public ou les coupes dans les prestations sociales, sans qu'il soit pour autant possible d'établir avec certitude si l'effet de relance se produira.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'initiative 111 "; Réduisons les impôts ".
Préconsultation
M. Michel Balestra (L). Tous les indicateurs sont au vert, et pourtant les consommateurs genevois boudent et ont peur de l'avenir; nous restons, sur les marchés de proximité, comme englués dans une crise qui semble s'éterniser.
Les autorités politiques auraient dû donner un signe clair pour exprimer leur confiance en l'avenir. Une baisse des impôts significative serait un catalyseur capable de donner un coup de fouet à une reprise qui tarde à s'amorcer.
Notre conseil n'ayant pas pu se mettre d'accord, le souverain, par le biais de cette initiative, va prendre son destin fiscal en main.
Malheureusement, si nous partageons l'analyse du Conseil d'Etat dans son rapport sur la recevabilité de cette initiative, nous trouvons sa position catégorique, presque bornée quant au fond, précipitée et lacunaire.
Après avoir été interpellé par la minorité du parlement sur ce sujet et avoir proposé de le rejeter, le gouvernement aurait dû se poser quelques questions au moment où il est interpellé par le souverain.
Premièrement, est-il normal qu'un couple genevois, le mari et la femme travaillant tous deux, avec un revenu de 100 000 F et deux enfants, paie 20,7% de plus d'impôts à Genève que dans le canton de Vaud, 65% de plus qu'à Zurich et 150% de plus qu'à Zoug ?
Deuxièmement, les actifs non résidents qui travaillent à Genève mais habitent et paient leurs impôts ailleurs sont passés de mille cinq cents en 1950 à soixante mille en 1990. Cette diminution du nombre de contribuables genevois est-elle souhaitable pour l'avenir de nos finances publiques ?
Troisièmement, parmi ces actifs non résidents, le nombre de frontaliers vaudois a passé de sept cent quatre-vingt-six en 1950 à près de vingt mille en 1990. La perte de substance fiscale pour notre canton se monte à plus de 500 millions annuellement, soit le montant exact de notre déficit actuel. Peut-on continuer ainsi sans agir ?
Quatrièmement, selon une étude des experts-comptables genevois transmise à la Chambre de commerce en 1990, 65% des contribuables ayant renoncé à s'établir à Genève ont pris cette décision en raison d'une fiscalité trop importante. Parmi ceux qui ont quitté notre territoire, 45% l'ont fait pour des raisons fiscales. Les résultats sans appel de cette analyse ne devraient-ils pas nous interpeller ?
Cinquième question : peut-on admettre que l'audit général de l'Etat voté par le peuple et identifiant près de 200 millions d'économies possibles soit renvoyé à une commission à laquelle j'ai toujours refusé de participer - comme certains journaux amis s'en sont fait l'écho - précisément parce que c'est une affaire entre le peuple souverain et le gouvernement. Le diluer devant une commission pour noyer le poisson, alors que plus de 16 millions ont été dépensés pour la réalisation de cet audit par des professionnels de l'extérieur, est une mascarade. Cet audit, voté et réalisé, a force de loi.
Mesdames et Messieurs les députés, nous devons avoir le courage d'affirmer que pour augmenter les revenus fiscaux il faut pratiquer un marketing fiscal, afin de retrouver progressivement, selon nos moyens, une compétitivité perdue par rapport à notre environnement immédiat.
Comme l'a fait courageusement la présidente du département des finances face à la presse, nous devons avoir le courage d'affirmer que le meilleur moyen d'équilibrer les comptes, c'est de réaliser 100 à 300 millions d'économies, et non de laisser perdurer un handicap fiscal évident, identifié clairement par le groupe d'experts indépendants dans le rapport sur les finances cantonales.
Augmenter le nombre des contribuables ne signifie pas percevoir moins d'impôts; c'est en percevoir davantage en garantissant la stabilité de la perception.
Enfin, voici de quoi vous intéresser, Mesdames et Messieurs les députés, puisque le reste ne semble pas vous intéresser beaucoup... (Brouhaha.) Plus l'impôt augmente, plus les recettes diminuent. J'en veux pour preuve l'étonnement de nos voisins vaudois en trouvant dans leurs caisses plus d'argent que budgeté; la surprise étant inversement proportionnelle pour nous !
Le débat sur la recevabilité ne pose pas de problème; le débat sur le fond devra répondre à toutes ces questions avant de balayer sans autre discussion cette initiative.
M. Bernard Lescaze (R). Je suis un peu étonné d'entendre M. Balestra : je croyais que la campagne électorale était terminée depuis plusieurs mois ! (Rires.) On essaie encore, même dans cette enceinte, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
Je suis surpris de voir que certains des arguments avancés par un comité dit «Halte aux déficits» - mais dont l'action pour l'instant contribue à les creuser - ont trouvé un relais fort en voix et puissant en volume dans ce Grand Conseil.
Il est possible que les réflexions de M. Balestra eussent été utiles à la commission de l'audit qui s'est réunie, sauf erreur, à cinq reprises depuis le début de cette législature. Commission dans laquelle, en théorie du moins, siège M. le député Balestra, mais qui, malheureusement, n'a jamais eu l'honneur et le plaisir de le voir ! (Exclamations.)
Il y a donc deux discours : celui qu'on tient sur des tréteaux, et celui que doivent tenir des hommes et des femmes de gouvernement. Je suis étonné de découvrir ce soir que le parti libéral ne se considère plus comme un parti de gouvernement. Nous en prenons bonne note dans l'hypothèse de cette volonté commune de tenter de rétablir les finances publiques dont la dette totale a doublé en moins de huit ans.
Dans ces conditions, nous aurons l'occasion à plusieurs reprises de débattre de cette initiative. Pour l'instant, il convient de la renvoyer à la commission législative pour l'examen de sa validité et de sa recevabilité qui évidemment ne font aucun doute. Ensuite, il s'agira d'en examiner le fond. On verra alors si les marchands d'orviétan et les vendeurs de drogues sont encore là, ou s'ils ont véritablement des recettes propres à soigner les finances publiques. Ce soir, nous n'avons entendu que du vent. (Applaudissements.)
IN 111-A
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat.
IN 111
L'initiative est renvoyée à la commission législative.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La disparition du "; Journal de Genève " et son remplacement par "; Le Temps " aggrave le phénomène de concentration de la presse quotidienne sous l'empire d'un seul groupe économique. Cette situation a déjà fait l'objet d'un important débat au moment de la disparition du journal "; La Suisse ". Quatre ans plus tard il faut bien constater que ce phénomène de concentration se poursuit avec tous les risques qui lui sont liés en matière de diversité et d'expression pluraliste des opinions.
Aujourd'hui, à Genève, seul le quotidien "; Le Courrier " reste indé-pendant d'Edipresse et de Publicitas.
L'initiative "; La Suisse " qui prévoyait une aide directe à la presse a été rejetée par le peuple. Au moment de ce débat, tous les partis de ce Grand Conseil ont admis qu'une aide indirecte à la presse pouvait être envisagée. Il est donc temps de passer aux actes avant qu'il ne soit trop tard et que "; Le Courrier " disparaisse.
Parmi les aides indirectes, il en est une déjà effective par le biais des communiqués et des annonces passées par les pouvoirs publics. Malheureusement cette aide indirecte profite davantage au groupe Edipresse, qui n'en a pas besoin, qu'au journal "; Le Courrier " qui lutte pour sa survie. En effet, si les communiqués officiels paraissent dans tous les journaux, il n'en est pas de même, par exemple, des offres d'emplois qui paraissent essentiellement dans les journaux du groupe Edipresse. La Ville de Genève a modifié sa pratique en la matière pour mieux répartir ses annonces. C'est ce que nous proposons par le biais de cette motion. Distribuer de manière uniforme les annonces, consiste cependant à privilégier les journaux à grand tirage puisque le coût de ces annonces y est largement plus élevé. Sans augmenter les dépenses en matière de communiqués, il est possible d'attribuer la même somme publicitaire aux différents quotidiens pour rétablir l'équilibre en faveur du "; Courrier ".
Certains que chacune et chacun d'entre vous est très attaché à la diversité de la presse, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à cette motion.
Débat
M. Bernard Clerc (AdG). Après la disparition du journal «La Suisse», en 1994, et celle du «Journal de Genève» quatre ans plus tard, le marché de la presse quotidienne est quasiment entre les mains d'un seul monopole. Les dangers d'une telle situation pour la diversité de la presse et pour l'expression pluraliste des opinions apparaissent de plus en plus clairement.
Malgré les bonnes intentions, les chartes et les professions de foi, un monopole de presse est et sera toujours tenté de combattre les opinions s'opposant à sa stratégie d'entreprise.
Notre groupe avait soutenu activement l'initiative «La Suisse» visant à accorder une aide directe aux journaux du canton en difficulté. Cette initiative a été rejetée par le peuple, nous en avons pris acte. A l'époque, lors du débat, tous les groupes de ce parlement admettaient qu'une aide indirecte était possible, voire nécessaire, bien qu'une telle aide soit par nature limitée au plan cantonal. Il est de notre responsabilité d'utiliser au mieux les possibilités existantes, afin que le dernier quotidien genevois indépendant d'Edipresse soit soutenu.
De nombreux services et établissements publics ont souscrit des abonnements. La disparition de deux quotidiens au profit d'un nouveau offre la possibilité, sans augmenter les dépenses, de souscrire un abonnement au journal «Le Courrier».
Deuxièmement, en matière de communiqués et d'annonces commandés par l'Etat et les établissements publics, il est également possible d'en réorienter le volume, afin de ne plus défavoriser ce quotidien qui ne se voit attribuer qu'une part négligeable de cette publicité.
Sans jeu de mots, le temps presse ! L'année 1998 sera décisive pour ce journal qui connaît une progression lente mais constante de ses abonnés. Une augmentation de 100 000 F de recettes publicitaires représenterait une diminution d'environ un quart de son déficit.
Il est donc possible d'agir, et nous vous y invitons en renvoyant cette motion au Conseil d'Etat. Nous souhaitons cependant qu'il en aille différemment de la motion 1113 qui, votée le 21 février 1997, n'a toujours pas reçu de réponse du Conseil d'Etat.
M. Pierre-Alain Champod (S). M. Clerc ayant déjà dit l'essentiel sur cette motion, je serai bref.
Dans le domaine de la presse, l'important n'est pas seulement le nombre de titres, mais aussi la diversité d'opinions exprimées. Jusqu'à la disparition du «Journal de Genève», deux journaux avaient une ligne politique clairement identifiable; il n'en existe désormais plus qu'un.
La concentration dans de grands groupes de presse avec le rendement économique pour finalité ne représente pas une garantie de qualité de l'information, il suffit de lire le «Blick» ou «Le Matin» pour s'en convaincre !
En Suisse romande, le monopole d'Edipresse a montré son autoritarisme face aux rédactions dans l'affaire de la «Tribune de Genève». Nous avions déjà eu l'occasion d'évoquer le problème de la concentration de la presse dans cette enceinte lors de la disparition du journal «La Suisse». Nous avions reproché au Conseil d'Etat de l'époque de n'avoir pris en considération que l'aspect emploi de ce dossier - extrêmement important, certes - sans tenir compte de toute la problématique liée à la concentration de la presse romande au sein du groupe Edipresse.
«Le Courrier» étant le dernier quotidien genevois n'appartenant pas à ce groupe, il serait parfaitement légitime que l'Etat l'utilise pour passer ses annonces. Les non-lecteurs d'Edipresse ont le droit de pouvoir lire les mêmes annonces que les lecteurs des publications du grand groupe lausannois.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste soutiendra le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat
M. Pierre-François Unger (PDC). J'ai signé cette motion qui m'avait été soumise par notre collègue Clerc sans aucune arrière-pensée et même avec beaucoup d'enthousiasme.
Néanmoins, Monsieur Clerc, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire en tête-à-tête, je la soutiens pour des raisons un peu différentes de celles auxquelles vous avez fait référence.
Personnellement, je n'ai pas trop de craintes concernant le monopole d'Edipresse, même si je comprends les vôtres. En effet, n'importe quel vendeur de journaux - tel est le rôle d'Edipresse, à la fois fabricant et vendeur - a un avantage certain à diversifier les opinions de ses différents journaux, afin qu'un maximum de lecteurs les achètent.
En revanche, comme je l'ai déjà dit à l'occasion du débat sur «La Suisse», la concentration du financement des journaux est bien plus dangereuse. Vous le savez, ce financement, ce n'est pas Edipresse - ou un peu seulement à travers les parts qu'il peut avoir dans une autre maison dont on taira le nom.
Si j'ai signé avec enthousiasme cette motion, c'est pour défendre la pluralité de la presse et, à travers elle, la pluralité de son financement. La commission de la concurrence qui a remplacé la commission des cartels devrait se pencher sur le monopole de la maison qui finance à travers les annonceurs l'ensemble des journaux. Ce problème-là est plus grave. Dans la motion que vous avez rédigée et que vous m'avez fait le plaisir de m'autoriser à signer, vous avez mis le doigt sur une diversification potentielle du financement des journaux. A cet égard, j'apporte, à titre personnel, ainsi qu'au nom d'une majorité du groupe démocrate-chrétien, je l'espère, un soutien sans réserve à cette motion.
M. John Dupraz (R). Il est vrai que cette motion soulève un réel problème. Comme mes préopinants, je regrette la disparition de «La Suisse» due, malheureusement, principalement à une mauvaise gestion. Ce journal était florissant et connaissait la meilleure situation financière de la place, il y a une quinzaine d'années. Pour des raisons de stratégie, il est tombé en faillite.
Nous soutiendrons le renvoi de cette motion en commission, mais avec quelques réserves. Etant abonné au journal «Le Courrier», je suis à l'aise pour en parler, et force est de constater qu'il est devenu beaucoup plus l'organe de presse de l'Alliance de gauche que de l'opinion pluraliste de ce parlement au cours de ces derniers mois. Je regrette que ce journal de tradition catholique prenne un tournant gauchisant «extrémiste»; l'aspect chrétien-social a pratiquement disparu... (L'orateur est interpellé.) Ça vous dérange ? Vous êtes bien anglican, vous ! On vous reproche d'être anglican, Monsieur Grobet ? Alors s'il vous plaît, un peu de tolérance envers un catholique radical ! (Rires.)
Si le Conseil d'Etat doit soutenir «Le Courrier» par des annonces, il doit agir de même envers tous les journaux. Je m'étonne que personne dans cette enceinte ne salue la naissance de l'hebdomadaire «Info-Dimanche» et la courageuse initiative visant à reprendre un créneau traditionnellement occupé par «La Suisse», le dimanche. Il se trouve certains radicaux pour s'occuper de cela, Monsieur Grobet ! Or personne n'a cité ce journal qui mérite pourtant notre attention et celle du Conseil d'Etat autant que «Le Courrier».
Il ne s'agit pas seulement de soutenir par des motions la pluralité de la presse, encore faut-il prouver notre volonté avec des espèces sonnantes et trébuchantes. Lundi dernier, je me suis abonné à «Info-Dimanche»; je vous invite à en faire de même, ainsi qu'au journal «Le Courrier» ! C'est le premier acte personnel que des gens responsables, engagés en politique et dans la vie publique, doivent faire. Si l'Etat peut contribuer, tant mieux ! Mais il doit le faire de façon équitable envers tous les journaux paraissant à Genève.
Je regrette également la disparition du «Journal de Genève», qui est le fait de certains esprits libéraux, plus pressés de gagner quelques sous que de propager l'esprit de Genève comme ils le faisaient auparavant.
M. Bernard Clerc (AdG). J'aimerais revenir sur quelques points évoqués.
Je suis d'accord avec M. Unger au sujet de la problématique du fermage publicitaire qui est d'une grande importance. Vous l'avez vous-même relevé, Edipresse joue un rôle important au sein de Publicitas - pour ne citer aucun nom. Cela renforce précisément notre opinion qu'il faut maintenir à tout prix un quotidien genevois indépendant de ce groupe. Si, comme vous le dites à juste titre, il y a possibilité d'expression pour différentes opinions dans les journaux du groupe d'Edipresse, je vous ferais remarquer néanmoins que lorsqu'on analyse la situation réelle de ces derniers mois on constate de graves phénomènes de censure au moment où des opinions contraires à la stratégie du groupe Edipresse se manifestent. Voilà où la chatte a mal à la patte !
Par ailleurs, Monsieur Dupraz, je n'ai pas l'impression que «Le Courrier» soit le journal de l'Alliance de gauche. Certains députés, y compris au sein de mon groupe, ont pu faire l'expérience qu'ils étaient aussi soumis à la critique. La rédaction de ce journal a une complète autonomie et une orientation politique et idéologique claire, alors que d'autres journaux se prétendant sans opinion dépendent d'orientations idéologiques en sous-main.
J'appréciais beaucoup le «Journal de Genève» tout en le sachant, dans nombre de prises de position, plus proche du parti libéral que de l'Alliance de gauche. L'existence même de ce journal avait une signification décisive pour le débat public.
Ne faisons donc pas, Monsieur Dupraz, le procès du journal «Le Courrier» à cause de son orientation ! Vous citez «Info-Dimanche», mais mon propos concerne la presse quotidienne dont le rôle est incontestablement différent pour le débat démocratique.
M. Armand Lombard (L). Loin de moi l'idée de commencer mon discours, de le poursuivre ou de le conclure, en faisant la critique du journal «Le Courrier». L'important pour une communauté ou une société est d'avoir des journaux de toutes les tendances possibles et imaginables. Ce journal représente une tendance - je ne sais pas exactement laquelle - qu'il est nécessaire de reconnaître et d'assumer. On ne peut pas souhaiter sa disparition sans mettre en péril l'information de la population.
Par contre, je redoute tout texte tel que celui qui nous est soumis ici, car même si les invites sont relativement tolérables, il implique le soutien de l'Etat à une entreprise qui doit réellement trouver ses propres moyens de survie, et si possible mieux encore. Le «Journal de Genève» n'est pas l'exemple à citer, car la presse peut survivre, et «L'Agefi». comme certains autres journaux, tient le coup.
En souhaitant que cette motion soit renvoyée en commission, j'en conclus qu'une presse indépendante, durable et donc rentable, peut exister. Je ne lui souhaite pas de devoir sa survie au soutien de l'Etat qui, à un moment donné, pourrait cesser pour une raison politique ou financière. Mieux vaut fournir tous les efforts nécessaires pour lui assurer une existence normale et durable... (Brouhaha.)
Le président. Je prie les personnes qui ont des conversations privées de les tenir en dehors de l'enceinte !
Je vous remercie de respecter l'orateur comme vous voudriez que l'on vous respecte, lorsque vous avez la parole, et de donner suite à mon exhortation !
M. Armand Lombard. Merci infiniment, Monsieur le président !
Dans ce débat constant sur le soutien à la presse, une idée m'apparaît comme absolument nécessaire : le Conseil d'Etat pourrait inciter, soutenir ou même entamer une réflexion lémanique, directement ou par l'intermédiaire d'un groupe tel que le Forum interparlementaire romand, pour chercher des solutions sur un plan plus large que le plan genevois. Une presse dépendant de quatre cent mille habitants, visant de plus une tranche seulement de la population, est trop restreinte. Qu'il s'agisse de la presse ou de l'édition, les éditeurs se limitent à un marché qui, à l'évidence, est trop petit; le marché de base concernant un ou deux millions d'habitants. Edipresse l'a démontré avec la création du journal «Le Temps».
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Permettez-moi de vous communiquer quelques chiffres et considérations au sujet de cette motion.
L'Etat souscrit chaque année pour plus de 81 000 F à des publications : deux cent quarante-quatre abonnements à des quotidiens, cent quarante-trois à des hebdomadaires, cent septante-quatre à des mensuels. Il publie des annonces dans la presse pour environ 240 000 F par année, et des insertions diverses, généralement des communiqués, pour 743 000 F. L'addition de tous ces chiffres relatifs à l'aide indirecte fournie à la presse s'élève à un peu plus d'un million.
La disparition du «Journal de Genève» et du «Nouveau Quotidien», remplacés par «Le Temps», va amener les différents départements à publier davantage de communiqués ou d'offres d'emploi dans «Le Courrier», seul quotidien à rester typiquement genevois avec la «Tribune de Genève». Voilà ce que souhaite cette motion que nous pouvons accepter.
Cela dit, le développement du journal «Le Courrier» est important non seulement au nom de la pluralité de la presse mais également pour les emplois qu'il offre et cela nous paraît capital.
N'oublions pas que les défis auxquels nous serons confrontés ces prochaines années seront d'un tout autre style. En 2004, le groupe Edipresse devra se prononcer sur le maintien du centre de production de Vernier ou sur l'alternative consistant à en trouver un autre, hors du canton, voire en France. Cette dernière solution, malgré des inconvénients liés à la distribution, pourrait abaisser les coûts de production et inciter Edipresse à quitter le centre de Vernier employant actuellement cent quarante et une personnes.
Mon département suit attentivement l'évolution de ce dossier, eu égard aux conditions favorables offertes à Edipresse lors de l'installation de ce centre. Edipresse représente aujourd'hui huit cent soixante-trois emplois à Genève, ainsi que trois cent cinquante à temps partiel. Cela correspond à une masse salariale d'environ 65 millions.
Nous pouvons souligner également notre satisfaction concernant la pluralité de la presse avec la naissance du journal «Info-Dimanche» et la création d'une quarantaine de nouveaux emplois au centre d'impression Roto-Sadag à Genève.
J'ai jugé utile de vous donner ces quelques renseignements, car nous devons tous nous atteler à la tâche, afin de pouvoir disposer d'une presse pluridisciplinaire et d'une certaine valeur où toutes les expressions soient permises.
Le Conseil d'Etat accepte volontiers le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat directement.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion
(1186)
relative à l'aide indirecte à la presse
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- la nécessaire diversité de la presse pour le fonctionnement de la démocratie;
- la prochaine disparition du "; Journal de Genève " ;
- l'élargissement du monopole du groupe Edipresse dans le marché de la presse quotidienne ;
- les difficultés du journal "; Le Courrier " seul quotidien genevois indépendant du groupe Edipresse ;
invite le Conseil d'Etat
- à utiliser tous les moyens d'aide indirecte à la presse pour contribuer au maintien du quotidien "; Le Courrier " ;
- à distribuer les communiqués et annonces de l'Etat et des établissements publics de manière à ne plus défavoriser "; Le Courrier ".
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
vu les déclarations successives sur le prochain envol de Swiss World Airways faites par les responsables de cette nouvelle compagnie d'aviation ayant bénéficié d'un important apport financier de l'Etat de Genève et les reports répétés (et encore tout récent) de l'envol effectif de ses avions dont on ne connaît toujours pas les spécifications,
invite le Conseil d'Etat
à lui présenter un rapport sur :
- le financement de cette compagnie d'aviation, plus particulièrement la part du capital-actions de 50 millions souscrite, tant par des privés que par des collectivités publique, qui est effectivement libérée;
- les garanties fournies à l'Etat de Genève pour le montant de 4 millions avancé par le Conseil d'Etat;
- et les perspectives réelles de cette compagnie d'aviation de déployer des activités.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les fondateurs de la compagnie aérienne Swiss World Airways (SWA), bien que partisans du libéralisme économique et d'une déréglementation favorisant la concurrence à outrance entre transporteurs aériens, ont néanmoins sollicité prioritairement les pouvoirs publics pour financer leur entreprise à hauts risques, qui devait, selon eux, déployé ses activités début décembre 1997 au plus tard, selon les déclarations répétées faites par leurs porte-parole avec beaucoup d'assurance. Après avoir déclaré que celles-ci commenceraient finalement à fin mars, voilà qu'un nouveau report est annoncé et on ne connaît toujours pas quel aéronef sera utilisé par SWA, l'Office fédéral de l'aviation civile étant toujours dans l'attente que les spécifications nécessaires à cet effet lui soient communiquées pour pouvoir homologuer l'avion et garantir la sécurité des passagers !
Cette situation pour le moins curieuse et la désinvolture des responsables de SWA notamment face aux exigences totalement légitimes de l'Office fédéral de l‘aviation civile, nous amène à demander un rapport circonstancié au Conseil d'Etat sur les modalités de financement de cette compagnie aérienne et le montant souscrit du capital-actions qui a été fixé à 50 millions de francs. Le Grand Conseil doit être renseigné sur la part du capital-actions effectivement souscrite et quel est le montant des investissements des membres fondateurs. Enfin, quelles sont les garanties que le Conseil d'Etat a obtenues avant d'engager un montant de 4 millions dans cette affaire, sachant que le lancement d'une compagnie aérienne est une opération à haut risques et que les possibilités de succès sont limitées vu la concurrence terrible qui règne dans le domaine du transport aérien, qui vient encore de mettre faillite la célèbre compagnie PANAM pour la seconde fois.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion recevra bon accueil de votre part.
Débat
M. Christian Grobet (AdG). Lors de l'évocation dans la presse de la création d'une nouvelle compagnie d'aviation à Genève, le groupe de l'Alliance de gauche a manifesté un certain scepticisme. En effet, les différentes tentatives de créer des compagnies d'aviation en Suisse et à l'étranger ne sont pas toujours, et de loin, des réussites. Avec la déréglementation instaurée par les Américains dans le domaine des relations aéronautiques, nous nous trouvons dans une telle situation que la création d'une nouvelle compagnie devient un réel tour de force.
Cela étant, vu la conjoncture, il ne faudrait pas décourager ceux qui osent se jeter à l'eau. Cependant, certaines personnes ont voulu exploiter le choc émotionnel résultant de la façon maladroite d'agir de Swissair lors de la concentration à Zurich des départs des long-courriers. Les membres du Conseil d'Etat savaient depuis plusieurs années que cela était inéluctable. Personnellement, malgré les rapports succincts donnés au Conseil d'Etat, je n'ai pas du tout été étonné : la décision de Swissair s'inscrivait dans une stratégie européenne de regroupement des aéroports long-courriers dans un certain nombre de HUBS - pour employer cet épouvantable anglicisme.
Certaines personnes ont profité de la situation et déclaré vouloir sauver l'aéroport de Genève en créant une nouvelle compagnie d'aviation, une nouvelle base pour des vols long-courriers à partir de notre ville. Comme si elles pouvaient réussir là où Swissair avait échoué, dans une région de quatre à cinq cent mille habitants, sans aucune comparaison avec les grandes villes européennes qui sont des centres aéroportuaires.
Un fait nous a beaucoup inquiétés : les promoteurs de cette nouvelle compagnie, ces chantres du libéralisme et de l'anti-étatisme, sont venus frapper en premier lieu à la porte des collectivités publiques ! Avant même l'assemblée des actionnaires privés, il s'agissait pour eux de préciser quelle aide publique ils recevraient. C'est exactement l'inverse de la démarche qui consiste à se jeter à l'eau puis à s'adresser aux collectivités lorsqu'il manque un peu d'argent ! Là, au contraire, cette entreprise devait bénéficier d'abord de fonds publics pour obtenir des fonds privés.
Autre aspect franchement désagréable : les déclarations manifestement fausses des dirigeants de cette compagnie, de leur principal porte-parole surtout, qui travaille encore, semble-t-il, à la direction de l'aéroport et connaît donc bien les exigences de l'Office fédéral de l'air. Ils ont annoncé un début d'activité le 1er décembre tout en sachant que l'immatriculation d'un avion en Suisse demande un certain nombre de semaines pour des raisons évidentes de contrôle de sécurité. Il y a eu une campagne de pression et d'intoxication invraisemblable.
Au début de cette année, ces personnes ont reconnu leurs erreurs et annoncé les premiers vols pour fin mars, puis fin avril. Depuis quelque temps on ne les entend plus... Il vaut peut-être mieux qu'ils se taisent, mais ce silence nous amène à demander des explications au Conseil d'Etat sur les précautions prises avant de verser de l'argent ainsi que sur les conditions.
Il est tout à fait anormal que nous ayons été informés par la presse d'une opération de ce type. Je ne me souviens pas d'un quelconque rapport à ce Grand Conseil. La commission des finances a peut-être eu des informations verbales. Les quelques journalistes qui m'ont téléphoné à la suite du dépôt de cette motion étaient stupéfaits d'apprendre que le Grand Conseil n'avait rien voté.
Ne soyez pas étonnés de cette remarque : selon le producteur de l'émission télévisée, M. Lamprecht a reconnu qu'il ignorait si le Grand Conseil avait voté ou non un crédit. C'est tout à son honneur, mais cela démontre un manque d'information notoire. En tant que magistrat, il pensait que le Grand Conseil s'était prononcé sur cette question...
A partir du moment où des collectivités publiques ont mis de l'argent dans cette affaire, d'autres - plus sceptiques - aimeraient tout de même savoir ce qu'il en est advenu. Certes, la SWA, misant sur une clientèle de luxe, a déjà acheté dix mille pantoufles pour l'agrément de ses futurs passagers, pour garantir un confort que Swissair, lui, n'offre pas !
Le moment est venu pour le Conseil d'Etat de faire le point. J'aimerais savoir combien ces courageux capitaines d'industrie ont investi personnellement dans cette affaire. Je présume qu'ils ont touché des salaires, ces derniers mois, grâce à l'argent versé par la collectivité. Combien ont-ils eux-mêmes acquis d'actions et investi dans cette société ?
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, c'est très gênant de trouver comme porte-parole d'une entreprise de ce type une personne assumant des responsabilités importantes auprès de la direction de l'aéroport. Nous nous heurtons à un problème d'incompatibilité évident, on ne peut pas avoir deux casquettes. Le Conseil d'Etat devra s'expliquer, car cette situation n'est pas satisfaisante.
Je le sais, M. Lamprecht a hérité du bébé récemment, mais je souhaite obtenir ce soir déjà quelques explications.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Le groupe socialiste soutient cette motion et son renvoi en commission, tout en apportant quelques remarques.
SWA a obtenu plus rapidement la participation de l'Etat à son capital-actions que l'autorisation de faire décoller ses deux Boeing 767 ! Il n'est du reste pas certain que ces deux retards soient uniquement imputables à la seule assurance de sécurité exigée par l'Office fédéral de l'aviation civile...
L'attitude monopolistique de Swissair et sa décision de rapatrier les vols long-courriers à Kloten obligent à redistribuer les vols outre-Atlantique à d'autres compagnies qui, moins puissantes, ont toutes un point commun : une politique d'engagement et salariale plus que discutable. Les salaires proposés aux pilotes, aux mécaniciens et au personnel volant sont tels qu'il devient impossible de recruter sur le marché local genevois. Un pilote ne gagne guère plus qu'un horloger. Le grand respect que j'éprouve envers les horlogers ne m'empêche pas de penser que la responsabilité endossée par les pilotes est plus importante que la fabrication d'une montre... (Remarque.) Même une Reverso, Monsieur Brunschwig, ou une Rolex !
Les hôtesses et les stewards sont recrutés sur une base salariale équivalente à celle du personnel de la vente. Or le personnel volant n'a pas pour unique mission de ravitailler les passagers; il doit aussi faire appliquer des consignes de sécurité et maîtriser plusieurs langues. Cette formation spécifique est d'ailleurs évoquée par ces compagnies pour justifier les demandes de personnel non résident à Genève.
Si l'Etat doit être incitatif concernant le lancement de nouvelles entreprises, il doit aussi veiller à ce que les conditions de travail ne soient pas détériorées, et les salaires baissés dans un seul but : offrir des prix concurrentiels aux clients.
Le lancement de SWA s'est fait à grand renfort médiatique, et pourtant des questions très concrètes mériteraient de recevoir une réponse, sur ce point - pour une fois - je rejoins le questionnement de M. Grobet.
Par exemple, M. Philippe Rochat, président de SWA et membre du conseil de direction de l'aéroport, consacre beaucoup de temps au lancement de la société. Par ailleurs, le personnel qui sera engagé par cette compagnie devra suivre une formation, probablement dispensée par le service de sécurité de l'aéroport. Ces coûts, le temps mis à disposition de M. Rochat, les cours dispensés par l'aéroport, sont-ils compris dans la participation financière de l'Etat ou feront-ils l'objet d'une facturation complémentaire de l'Etat à SWA ?
L'annonce de l'engagement des deux directeurs, MM. Leischman et Bromham, alors que l'acquisition par leasing des deux Boeing 767 n'est pas confirmée, est aussi inquiétante. Quid du paiement de ces deux salaires si le lancement échoue ?
Pour ces différentes raisons, le groupe socialiste soutient cette motion dans le but d'obtenir un rapport circonstancié sur le financement de cette compagnie, les garanties obtenues et les perspectives de développement, en tenant compte de conditions de travail et salariales décentes, ainsi que de la réelle participation de l'Etat à cette opération, déjà baptisée l'«Arlésienne Airlines» !
M. Claude Blanc (PDC). Sur le fond, nous voterons cette motion, car il est toujours bon d'avoir des renseignements pour savoir ce que deviennent les deniers publics.
Quant à la forme, j'avoue avoir dégusté l'intervention de notre collègue Christian Grobet. Selon lui, certaines personnes ont «profité de la situation» pour se faire valoir et sont allées ensuite frapper à la porte de l'Etat pour recevoir de l'argent... (Commentaires.) Je résume !
Il est assez piquant d'avoir ce débat après celui sur la presse : cela nous ramène à quelques mois ou années, quand M. Grobet et ses acolytes ont commencé par se faire «mousser» en voulant sauver «La Suisse» pour venir ensuite demander au Grand Conseil de financer une opération de toute manière «foireuse». Ce qui était bon pour «La Suisse» ne le serait pas pour une compagnie aérienne ? Je comprends que M. Grobet ait des préférences pour la presse, mais il compare des choses qui ne sont pas comparables et se met dans la situation de celui qui critique aujourd'hui ce que lui-même a fait hier.
Il est assez piquant également que ce débat ait lieu à la suite de l'interpellation d'un député socialiste au sujet de l'Arena. Parlons-en de l'Arena, Mesdames et Messieurs les députés ! M. Grobet en était le promoteur ! Il nous l'a enfilé avec toutes sortes d'arguments, mais maintenant c'est la faillite, et il faudra bien que l'Etat verse son obole pour éviter la fermeture de ce «machin». (Brouhaha.) J'aimerais rappeler un fait et M. Brunschwig ne démentira pas. Il suffit d'ailleurs de consulter le Mémorial : nous avons dit qu'un jour l'Etat devrait payer, car cette affaire était foireuse.
Vous avez soutenu tellement d'affaires foireuses, Monsieur Grobet, que vous êtes mal placé pour parler de celle-ci ! (Rires.)
M. Armand Lombard (L). Ce qui me frappe dans ce débat, ce sont les objectifs à long terme que chacun défend ou propose.
Notre objectif économique est de réanimer et d'activer le tissu socio-économique genevois et régional par un partenariat entre l'Etat, les entreprises, la société civile, et de soutenir par notre intervention soit politique soit «entrepreneuriale» des projets durables et rentables.
Cette motion pose des questions pas totalement inutiles, mais quand on en examine le sens et à la suite des propos de M. Grobet, on se demande, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, quel est votre projet de société économique à long terme. Quelle est votre idée de développement de notre société ? Où allez-vous créer des emplois et par quels moyens ?
Vos moyens d'évaluation me paraissent très sommaires : suivant vos critiques figurant à l'exposé des motifs, la concurrence ne peut être que «concurrence à outrance»; une opération, qu'une «opération à hauts risques»; quant au succès, il est toujours «limité»... Il n'y a ni plaisir ni espoir dans votre programme, mais uniquement une basse critique, du scepticisme, etc.
Quand on veut noyer un chien, on dit qu'il a la rage ! Vous affirmez que le projet de M. Rochat et de ses cadres est un projet «enragé». Voulez-vous vraiment des entreprises ? Quelque chose fonctionnant autrement qu'avec le soutien de l'Etat ? Dès que l'Etat soutient une entreprise, ferez-vous autre chose que des critiques ?
Vous avancez toutes sortes de choses intelligentes dans votre discours, Monsieur Grobet ! Pour laisser planer le doute, vous commencez par affirmer que la création d'une telle entreprise est un réel tour de force, qu'il ne faut pas décourager ces gens, mais - il y a une longue série de «mais» - ils ont profité d'un choc émotionnel. Tant mieux ! S'ils se proposaient de monter une entreprise quand il n'y a plus rien à vendre ou que le marché est déjà occupé, ce serait ridicule. Il est vrai que le choc émotionnel a baissé et que cela finit par durer un peu, mais l'idée de départ était bonne.
Les promoteurs du projet n'avaient-ils pas une idée derrière la tête en prenant des actions ? Je peux vous répondre que c'était bien évidemment pour gagner de l'argent, mais cela créera de nouveaux impôts et de nouveaux emplois. Vous n'allez tout de même pas chaque fois les en empêcher et ne soutenir que des opérations semblables à celles que nous venons d'évoquer ! (Brouhaha.)
Depuis longtemps, vos objectifs à long terme sur le plan économique ne sont pas clairs. Vous avez souvent déclaré penser à un autre type de société ou d'entreprise que celui proposé par un système socio-libéral-capitaliste. Le temps est venu de préciser lequel.
M. David Hiler (Ve). Notre regret est le suivant : lorsque l'Etat a pris sa décision, la commission... (Le président s'adresse à une députée.) Pardon ?
Le président. Je répondais à une députée. Continuez, Monsieur Hiler, ne vous laissez pas impressionner par mes interruptions !
M. David Hiler. Mais je le suis, Monsieur le président ! Je suis tétanisé !
Lorsque ce projet a été soumis à la commission des finances pour une approbation de principe, si je me souviens bien, il n'y avait aucun dossier, cela m'a frappé. Il s'agissait à l'évidence d'un acte de foi ! Aucun document n'a été distribué, et aucun renseignement relatif à la solidité de cette société n'a été fourni aux commissaires.
C'est donc avec un grand plaisir que nous accueillons cette motion qui va procurer après coup les renseignements dont nous aurions dû disposer pour trancher. Les temps changent, on peut espérer que de tels procédés ne se reproduiront pas... Concernant le fond de la discussion, j'aimerais rappeler que pour les sociétés d'aviation la tendance est à la libéralisation, c'est du moins ce que j'avais cru comprendre. Ce secteur ayant été investi par l'économie de marché, le simple fait de vouloir créer une compagnie avec les deniers de l'Etat nous pose quelques problèmes.
Premièrement, nous risquons de tout perdre. C'est l'hypothèse la plus probable, tout le monde l'aura compris.
Deuxièmement, nous pourrions être amenés à investir de plus en plus pour soutenir le développement de cette société, car lorsqu'on a investi un capital, en principe, on l'augmente.
Le troisième danger, bien réel, est de voir se renouveler l'affaire Swissair, compagnie historiquement soutenue par les pouvoirs publics. La grande leçon à tirer de cette affaire est qu'il ne suffit pas de posséder du capital dans une entreprise pour forcer cette dernière à desservir un aéroport.
Il est surprenant qu'on ne nous ait pas soumis les chiffres nous permettant - à vue de nez - d'évaluer les chances de cette compagnie. Le débat politique déterminera s'il fait partie des tâches de l'Etat de développer une compagnie d'aviation, en tenant compte des convictions de chacun.
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). Le démarrage de SWA devait avoir lieu en novembre 1997, puis le 15 décembre, puis le 31 mars 1998. Depuis lors, silence radio de la part des dirigeants de cette compagnie. Pourtant, ce démarrage avait été annoncé à grands coups médiatiques par ces mêmes dirigeants, entre autres par un conseiller national bien connu.
Le 29 mars dernier, dans le cadre de l'émission «Mise au point», la Télévision suisse romande a réalisé un reportage sur SWA. Il est piquant de relever quelques éléments mis en évidence. Les responsables nous apprennent que la fiduciaire Arthur Andersen a fait un rapport de faisabilité dont les conclusions sont les suivantes : «Ceci n'est pas un rapport d'audit. Il ne doit pas être pris en compte comme une recommandation ou non pour investir dans ce projet.»
Par ailleurs, l'administrateur financier de SWA dit dans un article publié dans le journal «L'Hebdo» le 5 mars 1998, je cite : «Si rien ne se produit dans quelques semaines, il faudrait alors tout arrêter.» Or nous sommes dans la dixième semaine... On apprend avec étonnement que les dirigeants de SWA estiment pouvoir obtenir une rentabilité avec seulement 42,65% de taux d'occupation, alors que M. Gaillard, directeur de IATA, déclare en substance qu'aucune compagnie ne peut gagner de l'argent avec un taux d'occupation si faible et que ce projet est trop ambitieux. La compagnie prévoit des vols directs pour New York et Miami, marché extrêmement concurrentiel et difficile pour qu'une nouvelle compagnie puisse s'intégrer.
Voyons quels sont les atouts de SWA, soulignés par mon collègue Grobet : dix mille pantoufles avec un joli dessin, dix mille coffrets contenant un chausse-pied et une brosse à dent, à disposition de la future clientèle. Il ne manquerait plus que les avions ! Eh, oui, Mesdames et Messieurs ! Les dirigeants avertis de SWA ne cherchent pas désespérément Suzanne, mais deux Boeing du côté de Brunei !
Autre détail piquant : M. Rochat, président du conseil d'administration déclare en substance, qu'il est prévu sept vols par semaine, exercice difficile avec seulement deux avions - pour l'instant introuvables...
Selon M. Schild, syndic de Lausanne, le projet est trop faible pour y investir de l'argent public. Rappelons que par une décision prise à l'unanimité cette même municipalité a renoncé à investir 100 000 F, vu «le peu d'empressement des milieux économiques vaudois pour un tel projet».
Comme l'a relevé M. Christian Grobet, M. Rochat, président de SWA, a été directeur de l'aéroport et est encore salarié de cette entreprise, ce qui est pour le moins surprenant. Ce dernier déclare ne pas pouvoir fixer de délai, ni préciser à combien s'élèvent les dépenses de la compagnie; les dirigeants de SWA sont toujours en négociation avec la Royal Brunei.
Enfin, n'oublions pas la garantie accordée par l'Etat de Genève qui s'élève à 5 millions.
Face à ce flou artistique et au manque d'informations sérieuses de la part des dirigeants, nous demandons votre soutien à cette motion.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. L'interrogation du Grand Conseil est justifiée. Nous nous posons également des questions, car ce que nous attendions avec beaucoup d'espoir n'arrive pas.
J'ignore si l'on peut parler de désinvolture ou de légèreté, mais il est vrai que les affirmations des dirigeants de SWA au sujet des dates et de l'achat d'avions ont été pour le moins fantaisistes.
J'aimerais préciser que le Conseil d'Etat a souscrit à une somme de 5 millions et en a libéré 2,5. Par ailleurs, M. Rochat ne fait pas partie du conseil de direction de l'aéroport international de Genève; il est salarié.
La création de cette compagnie, le courage de ces gens face à une situation difficile, a suscité l'estime et l'admiration. Ils ont obtenu l'aide de l'Etat, c'est vrai, mais ce n'est pas la première fois que nous aidons une entreprise à démarrer. Le fait que Swissair nous quittait, déplaçait ses long-courriers à Zurich, pénalisait non seulement l'aéroport international de Genève - même si les résultats de cette année sont bons, comme vous aurez prochainement les moyens de le vérifier - mais toute une région et sa population. En effet, 40% des passagers proviennent du canton de Vaud, de la France voisine et d'autres cantons romands. Ce projet de création d'une compagnie romande avait bien évidemment suscité beaucoup de sympathie et d'espoir.
Les liaisons long-courriers sont importantes pour les institutions internationales installées à Genève et pour les multinationales qui créent un marché bien réel. Vous avez dit justement, Monsieur Grobet, que selon Swissair ce n'était pas rentable, mais ça peut l'être avec des avions plus petits, plus performants, offrant un service particulier. Tout cela a fait l'objet d'une étude de marché, jugée fantaisiste aujourd'hui. La critique est facile, mais vous, Mesdames et Messieurs les députés, que faites-vous pour créer une entreprise, une compagnie d'aviation ? J'ai de l'admiration pour des gens qui ont fait preuve de courage face à ce problème local, régional, concernant notre aéroport.
Des personnes de différentes communes genevoises et d'autres cantons ont fait confiance à cet important projet. Ces long-courriers suscitent un effet de levier sur les lignes européennes essentiel pour notre aéroport. On parle toujours de l'emploi dans cette enceinte, or cette entreprise en crée ! On peut donc considérer cela d'une façon plus positive, non comme une entreprise de démolition qui balaie le tout, parce que cela n'a pas marché.
Si ce projet marche - je crois que tel va être le cas, mais je n'en suis pas sûr, je ne le maîtrise pas, je ne peux faire que peu de choses - nous applaudirons fièrement ces hommes et ces femmes audacieux. Nous serons également fiers de notre contribution financière.
Certes, les gens en charge de ce projet ont fait preuve d'un optimisme exagéré et maîtrisent mal la politique de communication. S'ils avaient démarré en juillet après avoir annoncé comme délai octobre 1998, personne n'aurait critiqué... Aujourd'hui, on se rend compte des réelles difficultés que l'on rencontre lors de la création d'une compagnie d'aviation.
La motion proposée étant tout à fait justifiée, nous sommes d'accord de la renvoyer en commission ou directement au Conseil d'Etat. Vous pourrez ainsi recevoir davantage d'informations. A vous d'en décider ! Espérons que d'ici un mois on verra le premier avion voler ! Si ce n'est pas le cas, nous aurons au moins pris notre destin en main et fait le nécessaire pour aider ces gens à créer une compagnie. Nous ne serons pas restés inactifs, c'est une preuve de courage, nous vous en rendrons compte, lorsqu'il sera question de cette motion.
M. Olivier Vaucher (L). En conclusion des propos de M. Lamprecht, je proposerais de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat qui sera à même de lui donner un suivi et une réponse.
Le président. Plusieurs députés ont demandé le renvoi en commission, que je vais mettre aux voix.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
invite le Conseil d'Etat
à lui faire rapport sur le projet de "; Brico-Loisirs " de la Migros dans la zone industrielle de la Praille et sur les dérogations qu'implique ce projet ainsi que ses conséquences pour les centres de "; Brico-Loisirs " de Meyrin et de Chêne-Bourg.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La société coopérative Migros exploite trois centres "; Brico-Loisirs " dans des zones industrielles et artisanales aux Acacias, à Chêne-Bourg et à Meyrin grâce à des dérogations qui lui ont été consenties en son temps.
Aujourd'hui, elle projette de regrouper son exploitation des activités de brico-loisirs dans un méga-centre à Carouge, dans la zone industrielle Praille-Acacias. Ce regroupement s'inscrit dans la politique néfaste pour le consommateur de fermeture de petits centres d'exploitation dans les quartiers au profit de super magasins nécessitant de plus longs déplacements des clients, mais réduisant l'importance des transports de marchandises effectués par le vendeur en les transférant pour partie à la charge du consommateur.
Cette politique est anti-écologique dans la mesure où elle développe l'utilisation de la voiture (ce qui sera particulièrement le cas avec la concentration du secteur brico-loisirs de la Migros à Carouge), tout en pénalisant ceux qui n'ont pas d'automobile, c'est-à-dire les personnes à faibles revenus et tout particulièrement les personnes âgées.
D'autre part, les activités de brico-loisirs, si elles sont à encourager, ne sont pas des activités industrielles et artisanales, mais bien des activités commerciales. Les magasins de vente de ce secteur ne devraient donc, en principe, pas être implantés dans les zones industrielles.
Sans vouloir remettre en cause des situations acquises, on ne saurait par contre admettre une extension du centre de vente brico-loisirs de la Migros dans la zone industrielle Praille-Acacias et le Conseil d'Etat voudra bien donner des indications précises sur le projet de la Migros à Carouge et s'il implique des emprises supplémentaires sur la zone industrielle.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat voudra bien indiquer ce qu'il adviendra des bâtiments des autres centres brico-loisirs de la Migros, notamment à Chêne-Bourg et plus particulièrement à Meyrin, dont l'ouverture est récente, et indiquer s'il a obtenu des garanties pour que les dérogations exceptionnelles accordées lors de la construction de ces centres ne soient détournées pour de nouvelles activités non conformes aux normes des zones concernées.
La présente motion, qui porte sur un nouveau projet de développement d'activités commerciales dans une zone industrielle, s'inscrit dans le cadre de préoccupations déjà exprimées concernant la "; tertiarisation " de nos zones industrielles et artisanales au profit de grosses sociétés recherchant des terrains à bâtir bon marché alors même qu'elles disposent d'importants moyens financiers.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que la présente motion recevra bon accueil de votre part.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je regrette, Monsieur le conseiller d'Etat Lamprecht, que cette proposition de motion se trouve, à l'ordre du jour, sous votre département. A mon avis, elle concerne directement la commission de l'aménagement et le département de M. Moutinot.
Cette motion va donner l'occasion au Conseil d'Etat d'exprimer sa position en matière de respect et de protection des zones. Systématiquement, sous l'ère du prédécesseur de M. Moutinot, nous avons été contraints de nous battre contre le non-respect des zones, qu'elles soient agricoles ou industrielles.
En ce qui concerne la zone industrielle, le Grand Conseil a en mémoire le projet Obirama, surface de vente installée par dérogation en zone industrielle. A la suite d'un incendie, les propriétaires d'Obirama ont demandé sa réimplantation en zone industrielle, avec en plus agrandissement de sa surface de vente. Depuis lors, nous avons eu Pfister; bientôt, nous aurons la Coop, et j'en passe...
Actuellement, le concept d'aménagement cantonal est en révision devant la commission de l'aménagement. L'issue des travaux démontrera si nous sommes favorables à un maintien de la zone ou si nous décidons d'une libéralisation.
A ce jour, nous n'en sommes pas là. Nous sommes simplement victimes d'anciennes dérogations que nous devons entériner, mais nous nous apercevons que plusieurs de ces activités commerciales n'hésitent pas à procéder de ce que j'appellerais «un certain tourisme». C'est le cas de Brico-Loisirs qui, après son installation à Meyrin, va quitter cette commune pour regrouper ses activités à la Praille-Acacias. Que va devenir la zone de Meyrin ? Y a-t-il d'autres projets ? Les connaissez-vous ? Si oui, quels sont-ils ?
Par ailleurs, qu'implique ce regroupement à la Praille-Acacias ? Outre le risque de créer des friches industrielles, cela va obliger les consommateurs à se déplacer vers un mégacentre plutôt qu'un centre de quartier accessible par les transports publics.
En acceptant la concentration d'activités commerciales dans la zone industrielle Praille-Acacias, nous faisons fi de l'affectation de la zone industrielle.
Monsieur le conseiller d'Etat, cette motion vous demande un rapport qui nous permettra peut-être de comprendre quelle politique le nouveau Conseil d'Etat entend mener dans l'affectation de la zone industrielle.
Quant à nous, nous souhaitons qu'elle soit directement renvoyée au Conseil d'Etat.
M. Rémy Pagani (AdG). Comme l'a dit ma collègue Fabienne Bugnon, nous avons déposé ce projet de motion pour que le Conseil d'Etat mette enfin sur pied une politique cohérente d'aménagement des zones industrielles.
Nous constatons une inégalité de traitement : ces dernières années, on a vu apparaître une espèce de privilège qu'obtiendraient les grandes entreprises Coop et Migros pour s'installer en zones industrielles, zones réservées jusqu'à présent à l'industrie et à l'artisanat.
On s'est rendu compte du mal causé par l'implantation de bureaux au centre-ville : l'augmentation du prix des terrains a eu pour conséquence de chasser l'artisanat et de le forcer à se replier en zones industrielles.
Que restera-t-il demain, quand ces grands groupes financiers auront investi l'ensemble des zones qui sont, jusqu'à preuve du contraire, destinées à maintenir les prix du terrain à un bas niveau pour favoriser les activités artisanales ?
En arrivera-t-on à ce que nous avons vu hier lors d'une émission télévisée : des entrepreneurs louant des comédiens pour vendre leur esprit d'entreprise au capital financier ? (Brouhaha.)
Par cette implantation, la Migros essaie de réduire les charges relatives au transport. Cela augmentera le trafic de transit et forcera les gens que la crise oblige à bricoler, les habitants de Chêne-Bourg et de Meyrin, à se déplacer en voiture pour aller à l'autre bout du canton, et non plus chez le quincaillier du coin.
Pour ces raisons, nous demandons que non seulement le Conseil d'Etat définisse la politique qu'il entend mener concernant les zones industrielles mais que soit saisie la commission de l'aménagement, afin qu'elle donne le ton. De là à dire que nous assisterons bientôt à la fusion Migros/Coop, dans cette fuite en avant, nul n'est besoin de pousser le bouchon...
Il est donc nécessaire que la commission de l'aménagement donne son avis sur les zones industrielles.
M. Olivier Vaucher (L). Notre collègue Bugnon - excusez-moi, Monsieur Pagani, c'est autant la nôtre que la vôtre, nous sommes tous collègues, ici ! - a dit très justement que ce problème pouvait aussi concerner la commission d'aménagement du territoire, qui est actuellement saisie. Nous nous sommes fixé la fin de cette année comme échéance pour la révision entière du concept d'aménagement cantonal.
Pour cette raison, je proposerais que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, et que réponse lui soit donnée à la fin de nos travaux. Depuis des mois, nous tergiversons beaucoup trop pour savoir que faire de la mixité concernant les zones industrielles et artisanales. Il ne sert à rien de se pencher à cinquante sur ce problème. Attendons les résultats du travail de notre commission pour y répondre clairement.
Mme Madeleine Bernasconi (R). Cette motion étant là, il serait bien d'en discuter en commission de l'économie.
A un moment donné, il faudrait aussi entendre les représentants de la Migros sur leurs raisons de vouloir créer un plus grand centre et leurs projets pour Meyrin. Les autorités meyrinoises - qui s'inquiètent aussi de l'affectation des bâtiments - les ont déjà entendus.
Les gens devront se déplacer uniquement à la Praille, dites-vous, mais si vous êtes ouverts au projet d'Obirama, on pourra aussi y acheter des clous, et cela créera une concurrence somme toute pas négative !
Vous avez raison d'être aussi sensibles à ce problème des zones. Il s'agit d'examiner si les dispositions prises voilà plus de trente ans sont toujours d'actualité et d'assurer l'avenir. Les choses changent terriblement vite au niveau économique et commercial. De plus, nous nous trouvons en frontière; vu l'évolution chez nos voisins, il est nécessaire de prendre le train en gare pour être à même d'offrir et de conserver une certaine économie à Genève.
Notre groupe propose de renvoyer cette motion à la commission de l'économie pour obtenir de bonnes explications de la part des différents chefs d'entreprise.
M. Christian Grobet (AdG). Madame Bernasconi, je ne vois pas pourquoi une commission pourrait procéder à des auditions et une autre non.
La commission de l'aménagement peut tout aussi bien le faire, et elle devrait entendre les représentants de l'entreprise Migros. Nous souhaitons la voir traiter cette question, comme elle l'a déjà fait pour un certain nombre de problèmes de cette nature : Obirama ou Jumbo, dans la zone de Meyrin, précisément. Entre parenthèses, cela ne remonte pas à trente ans. En tant que conseillère administrative de Meyrin, vous savez fort bien que la ZODIM a fait l'objet, début décembre 1993, d'un nouveau plan directeur.
Rien n'empêche Obirama - qui semble vouloir s'agrandir, c'est bien là le problème - de reconstruire sur son terrain d'origine, pour autant que le bâtiment comporte deux ou trois étages. C'est véritablement un problème d'aménagement du territoire, Madame : si on laisse de grandes entreprises, qui réalisent d'importants bénéfices et peuvent payer une rente foncière beaucoup plus élevée que l'industrie, s'étendre sur les terrains bon marché, il n'y en aura plus pour les petites entreprises et les artisans.
J'approuve les propos tenus, sauf erreur, par Mme Bugnon : c'est profondément choquant s'agissant des entreprises commerciales les plus fortes du pays, dont les affaires sont florissantes, comme nous l'apprennent les comptes rendus, la Migros, la Coop, Jumbo ou, pour citer d'autres rapaces des terrains bon marché, Reuters, le Crédit suisse, McDonald's, la multinationale, etc.
Pour Obirama, la solution est très simple : il suffit de leur demander de construire sur trois ou quatre niveaux, comme ils le feraient s'ils avaient un terrain en zone industrielle. Par voie de conséquence, il s'agit d'un problème d'aménagement du territoire et de savoir ce que va devenir ce bâtiment. Qu'on le veuille ou non, beaucoup de gens ont l'habitude d'aller dans les Brico-Loisirs de Migros qui sont excellents. Je m'en souviens - vous n'étiez pas encore au Conseil administratif, Madame Bernasconi - votre commune a été très heureuse de la construction du Brico-Loisirs à l'entrée de Meyrin ! Acceptez-vous que cette entreprise parte après avoir bénéficié d'importantes dérogations et qu'à nouveau une affaire immobilière se cache là derrière ?
Il est essentiel de fixer des règles cohérentes en matière d'aménagement du territoire. Tel a été le cas pendant de longues années, le Conseil d'Etat étant unanime. Mais lors de la dernière législature, un magistrat a imaginé des règles différentes. Il est temps de revenir à la cohérences dont a fait preuve notre canton depuis la fin de la guerre en matière d'aménagement des zones industrielles.
M. Nicolas Brunschwig (L). Je ne veux pas aborder les aspects techniques de ce dossier, car je ne les connais pas.
En revanche, je trouve désagréable que dans les différents débats qui se succèdent l'esprit reste le même : tous ceux qui veulent entreprendre quelque chose sont critiqués. Qu'ils soient petits, moyens ou grands, on estime toujours qu'ils ne font pas comme ils le devraient. C'est le cas pour SWA.
Quels que soient les problèmes et les retards que nous regrettons tous, il existe une «Schadenfreude», selon l'appellation germanique, extrêmement forte et révélatrice de l'envie de voir Genève rester ce qu'elle est devenue : une petite ville de province.
Lorsque des groupes comme Migros investissent des centaines de millions à Genève - des articles de presse ont clairement expliqué l'ensemble de leurs projets - il faut au moins reconnaître leur mérite... (Remarque.) Eh non, Monsieur Grobet, ce n'est pas Etrembières et Thoiry ! C'est à Genève qu'ils investissent des centaines de millions, vous le savez. Ne serait-ce que l'extension de Balexert...
Il faut avoir un regard positif, mais cela ne doit pas nous empêcher de déterminer si c'est cohérent par rapport au plan d'aménagement. Cela étant, un plan d'aménagement, ce n'est pas la Bible ! C'est fait pour être revu et modifié, et c'est ce que nous vous demandons de faire.
En l'occurrence, il serait plus légitime et peut-être plus intelligent de renvoyer ce type de projets en commission de l'économie, au lieu de les renvoyer systématiquement à la commission de l'aménagement: l'emploi et l'économie, qui représentent la priorité politique - annoncée, tout au moins - pour l'ensemble des partis représentés dans ce parlement, seraient beaucoup mieux traités.
Contrairement à ce que vous dites, Monsieur Grobet, Migros/Genève n'est pas une société fortement bénéficiaire. Ses comptes sont publiés, vous pouvez en prendre connaissance et constater que cette société se trouve à la limite des pertes depuis de nombreuses années. C'est clair, il s'agit d'une grande entreprise, mais ce n'est pas une raison pour en déduire qu'elle est mauvaise. Votre vision est totalement fausse ! (Brouhaha.)
Nous vous demandons de renvoyer cette motion à la commission de l'économie pour permettre d'étudier les différents éléments techniques de ce dossier.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Je suis également d'avis de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'économie afin de remettre sur le métier le débat concernant la mixité dans les zones industrielles, déplorée par certains. Pour ma part, je déplore au contraire le manque de convivialité.
J'inviterais plus particulièrement M. Grobet à venir de temps en temps en zones industrielles et, si possible, à y travailler quelques semaines. On pourrait facilement lui démontrer, c'est une affaire de bon sens, combien l'implantation d'une zone commerciale y est aisée, en particulier à Plan-les-Ouates. Cela permettrait aux travailleurs et travailleuses de telles zones, malheureusement entourés uniquement d'entreprises, d'y avoir d'autres activités.
Pour ces raisons, je demande le renvoi à la commission de l'économie pour que le débat sur la mixité puisse être repris.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Migros/Genève a prévu l'installation d'un hypercentre Brico-Loisirs à proximité de sa centrale de la Praille-Acacias. Pour rappel, cette demande a déjà été approuvée par le conseil d'administration de la Fondation des terrains industriels, l'ancienne FIPA, en octobre 1997. L'enquête publique relative à la construction de ce centre a été publiée dans la «Feuille d'avis officielle» du 22 décembre 1997.
Comme vous le savez, Monsieur Grobet, la société coopérative Migros/Genève est propriétaire et superficiaire de nombreuses parcelles dans la zone industrielle Praille-Acacias. Dans le cadre de ce projet, il est prévu que cette société restitue à la FTI la parcelle de 3 500m2 louée actuellement pour offrir des places de parking aux usagers du Brico-Loisirs existant.
Le Conseil municipal de la Ville de Carouge a accordé un droit de superficie à cette société sur les deux parcelles concernées par l'extension de ce Brico-Loisirs, par une délibération datant également du 25 septembre 1997. La Ville de Carouge les utilise actuellement pour son centre de voirie et son service du feu, lequel sera transféré.
Il serait bon que nous puissions faire le point en premier lieu en commission de l'économie afin d'examiner les conséquences de cette implantation sur les autres centres Brico-Loisirs du canton. S'il le faut, ce projet pourrait également être revu en commission de l'aménagement.
Le président. Je mets aux voix le principe du renvoi en commission de cette motion. Ensuite, nous définirons à quelle commission.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Il a été proposé de renvoyer cette motion à la commission de l'économie. Je mets aux voix cette proposition. Celles et ceux qui l'approuvent sont priés de le faire en levant la main.
Le résultat est douteux... Nous allons voter par assis/debout... (Des députés protestent.) Oui, c'est moi qui décide ! Je mets donc aux voix cette proposition.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'économie est rejetée.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission d'aménagement du canton est adoptée.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- que tout enfant a droit à l'éducation et à la formation ;
- que des millions d'enfants dans le monde sont contraints de travailler dans des conditions souvent inacceptables ;
- que notre Canton n'est pas à l'abri de situations dans lesquelles des enfants sont obligés de travailler ;
- que l'arrivée de la Marche mondiale des enfants - sur ce thème - est prévue à Genève à la fin du mois de mai ;
invite le Conseil d'Etat
- à intervenir auprès des autorités fédérales pour qu'elles mettent tout en oeuvre afin que la Suisse ratifie dans les plus brefs délais la Convention 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi ;
- à intervenir chaque fois qu'il le peut, lors de rencontres ou d'échanges diplomatiques avec des gouvernements de pays particulièrement touchés par l'exploitation des enfants, pour dénoncer ces agissements et réaffirmer le droit à l'éducation et à la formation ;
- à s'assurer dans le cadre de l'achat des fournitures de l'Etat, qu'aucun objet manufacturé ne provient d'industries exploitant des enfants (ex: ballons de foot pour les écoles) ;
- à veiller tout particulièrement dans notre canton :
• à la tentation pour certains employeurs d'utiliser les apprentis comme de la main-d'oeuvre à bon marché en négligeant l'aspect de formation ;
• au travail des enfants dans les commerces familiaux non soumis aux horaires prévus par la loi sur les horaires de fermeture des magasins ;
• aux risques de voir se développer l'obligation, pour des enfants de milieux socioculturels les plus défavorisés, de travailler au-delà des normes admises par les Conventions internationales, la plupart du temps dans le cadre du travail de leurs parents ;
• à l'utilisation d'enfant mineurs dans les milieux de la prostitution ;
- à faire rapport au Grand Conseil sur ces points.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Marche mondiale contre le travail des enfants :de l'exploitation à l'éducation
C'est à Genève, les derniers jours du mois de mai, qu'arrivera la Marche mondiale contre le travail des enfants, marche qui est partie ces dernières semaines de diverses régions du globe : Asie, Amérique latine et Afrique. Elle est soutenue par près de 400 ONG de plus de 80 pays. Des milliers d'enfants et de jeunes sont attendus dans notre ville pour cette manifestation.
Cette action offrira l'occasion de sensibiliser l'opinion publique, d'interpeller les gouvernements et d'informer sur les réalités quotidiennes des enfants travailleurs. Elle permettra aussi d'avoir un impact plus grand dans le cadre de la Conférence internationale de l'OIT qui s'ouvrira à Genève le lendemain de l'arrivée de la Marche des enfants, et dont les travaux porteront sur une nouvelle Convention sur les formes intolérables du travail des enfants.
On estime à 250 millions le nombre des enfants travailleurs dans le monde, souvent exploités, subissant des horaires harassants ou encore risquant leur santé et leur vie vu les conditions d'hygiène et de sécurité très précaires - voire inexistantes - dans lesquelles ils sont obligés de travailler.
Afin de protéger ces enfants, d'améliorer leur situation et de leur offrir un accès à l'éducation, il est indispensable d'agir à plusieurs niveaux: sur le terrain d'abord ainsi que par des pressions politiques nationales et internationales. Mais c'est souvent aussi tout un système économique qui marginalise des parents et les prive d'un revenu décent qu'il faut dénoncer.
La Marche mondiale : ses objectifs
La Marche mondiale contre le travail des enfants s'est fixée 7 objectifs :
1. Susciter une prise de conscience sur la question du travail des enfants.
2. Inciter les Etats à ratifier les conventions et à appliquer les lois existantes relatives au travail des enfants.
3. Mobiliser les ressources nationales et internationales nécessaires à l'accès de tous les enfants à l'éducation.
4. Mobiliser l'opinion publique et encourager les actions contre les causes du travail des enfants.
5. Exiger l'élimination immédiate des formes les plus intolérables du travail des enfants.
6. Inciter les employeurs et les consommateurs à entreprendre des actions.
7. Assurer la réhabilitation et la réintégration des jeunes travailleurs.
Et à Genève :Sommes-nous concernés ? Que peut-on faire ?
Il ne serait pas envisageable qu'un tel événement se déroule sur le territoire de notre canton sans que nous n'y apportions un soutien, que nous profitions de faire le point sur la situation suisse et genevoise et que nous nous donnions les moyens d'atteindre un certain nombre des objectifs cités ci-dessus.
1. Tout d'abord au plan national : la Suisse a signé la Convention 138 de 1973, qui fixe l'âge minimum d'admission à l'emploi. Les habituelles lenteurs helvétiques font qu'aujourd'hui, en 1998, la Suisse n'a toujours pas ratifié cette Convention. Notre Parlement se doit donc de demander aux autorités fédérales d'accélérer le processus et de ratifier au plus tôt cette Convention.
2. Les pays qui tolèrent, voire encouragent des formes particulièrement inacceptables de travail des enfants sont parfaitement connus. Dans le cadre de rencontres ou d'échanges avec des représentants de ces gouvernements, Genève devrait avoir à coeur de leur rappeler que l'exploitation des enfants n'est pas admissible et que le droit à l'éducation et à une formation est premier.
3. Enfin notre gouvernement se doit de mener une politique claire et cohérente dans ce domaine. Aucun objet manufacturé par des mains d'enfants ne doit être acquis par notre Etat, s'associant ainsi aux mesures de boycott lancées contre un certain nombre d'entreprises utilisant des enfants.
A Genève, si la situation n'est bien évidemment pas comparable à celle d'autres pays lointains, dans lesquels des enfants sont véritablement exploités, il n'en reste pas moins que les difficultés économiques qui s'amplifient dans notre Canton doivent nous rendre attentifs aux risques de dérapages dans certains secteurs occupant des jeunes.
1. Un certain nombre de témoignages laissent entrevoir l'apparition de conditions de travail qui n'ont plus rien à voir avec un système de formation. Ces employeurs sont encore, et heureusement, rares, mais il convient d'être attentifs à ce phénomène, et il serait bon qu'une analyse de la situation soit faite en particulier dans certains secteurs, notamment de métiers manuels.
2. Les difficultés financières de certaines familles les entraînent à utiliser leurs enfants dans le cadre de leur travail : nettoyage de bureaux le soir, commerces familiaux travaillant tard la nuit ou encore le week-end.
3. Enfin, le domaine de la prostitution doit être particulièrement surveillé, cette forme d'exploitation de mineur(e)s étant particulièrement abjecte.
Le droit des enfants à vivre sans contrainte de travail, leur droit à l'éducation et à la formation, sont des droits essentiels que les députées et députés soussigné(e)s vous invitent à soutenir par cette motion.
Débat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Dans une quinzaine de jours, des milliers d'enfants et de jeunes arriveront à Genève pour manifester et dénoncer les formes intolérables de travail des enfants. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Leurs revendications, espérons-le, seront entendues au sein du BIT qui entamera le lendemain de cet événement une conférence internationale sur le travail des enfants.
A quelques jours de cette action mondiale, notre parlement cantonal ne pouvait rester muet et ne pas insister auprès de notre gouvernement pour qu'il intervienne à divers niveaux pour faire cesser cette exploitation enfantine.
Qu'il intervienne auprès du Conseil fédéral pour qu'il ratifie enfin la convention sur l'âge minimum pour le travail des enfants.
Qu'il intervienne auprès d'autorités étrangères - lorsque la situation le permet - complices de ce drame.
Enfin, qu'il intervienne auprès de ses propres services, afin qu'ils se joignent aux actions de boycott lancées dans le monde contre les produits manufacturés par les enfants.
Voilà pour la première partie de cette motion.
Le travail des enfants suscite systématiquement de vives réactions et des critiques condamnant cette pratique. Les images qui viennent à l'esprit sont celles de gosses travaillant dans des mines ou des carrières ou encore dans des ateliers insalubres. (Brouhaha.)
Or, le travail des enfants, ce n'est pas que cela. C'est toute obligation pour un enfant - l'enfance, c'est jusqu'à 18 ans - de travailler au-delà de normes définies par des conventions; dans des conditions intolérables; au détriment de son droit à jouer et, surtout, de son droit à la formation.
Pour cette raison, cette motion porte sur un second volet qui nous concerne, ici, à Genève. Non pas que nous prétendions que dans notre canton des enfants soient exploités ou maltraités, mais c'est l'occasion de se poser quelques questions sur les conditions de travail de certains apprentis dans notre République. Sur ce qui se passe, par exemple, dans le secteur du nettoyage de bureaux, le soir, ou dans certains studios des Pâquis. (Brouhaha.)
A chacun de ces risques de dérive, il y a des réponses possibles. C'est la raison de cette motion et de notre demande de renvoi en commission.
Le président. J'écoute avec intérêt vos babillages, Mesdames et Messieurs les députés ! Monsieur Grobet, pourriez-vous parler plus fort, je ne vous entends pas ! (Rires.) Merci de respecter le silence et de laisser la parole à Mme Bolay-Cruz.
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). L'exploitation des enfants au travail constitue un phénomène croissant et révoltant à l'aube du troisième millénaire. A l'échelle mondiale, il apparaît que la grande majorité des enfants qui travaillent se trouve en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
Dans les pays d'Europe centrale et orientale, le travail des enfants a sensiblement augmenté après la transition brusque d'une économie planifiée à une économie de marché. Des millions d'enfants vivent dans des conditions dangereuses ou dégradantes : poussés à la prostitution, enrôlés comme soldats, traités en esclaves. Ces enfants travaillent sur les chantiers, dans l'agriculture ou la confection, et leur revenu représente parfois l'unique moyen de subsistance.
La rue peut être un lieu de travail cruel et dangereux, menaçant souvent la vie même des enfants. Beaucoup de gamins luttent pour y rechercher un travail légal afin d'assurer leur survie et celle de leurs parents.
Imposer à des jeunes ce type de travaux, les exploiter, équivaut, comme le rappelle l'UNICEF, à violer quasiment tous les droits inscrits dans la convention relative aux droits de l'enfant. Selon ses chiffres, on compte aujourd'hui cent quarante millions d'enfants de 6 à 11 ans non scolarisés. L'éducation ne doit plus être un privilège mais un droit: celui de chaque enfant à disposer du temps nécessaire pour recevoir une instruction gratuite et appropriée.
A cet égard, le fait que la Suisse n'a toujours pas ratifié la Convention 138 de 1973 est incompréhensible et inacceptable. Notre gouvernement doit mener une politique claire et cohérente dans ce domaine. Notre pays, patrie de Jean-Jacques Rousseau et de Henry Dunant, se doit de donner l'exemple.
On sait l'obstacle que représente en Suisse le travail des enfants au sein des familles d'agriculteurs ou de commerçants et artisans indépendants. Cela ne doit pas faire obstacle. La solidarité de la Suisse avec les pays frappés par ces fléaux est à ce prix.
Pour terminer, j'aimerais vous lire un proverbe espagnol : «La meilleure odeur est celle du pain. La meilleure saveur est celle du sel. Le meilleur amour est celui des enfants.»
M. Alain-Dominique Mauris (L). Nous souscrivons à cette motion et lui apportons notre soutien.
Lors de la dernière séance du Grand Conseil, notre président nous invitait à répondre favorablement à l'appel de Terre des hommes et à soutenir la campagne pour la reconnaissance de la gravité des atteintes à l'intégrité des enfants.
Ce soir, cette motion nous rappelle une réalité trop souvent répétée, celle de l'exploitation honteuse des enfants par le non-respect des conditions de travail de la Convention 138.
Chacun d'entre nous qui est sorti des frontières helvétiques aura été interpellé par ces enfants des rues, ces petits travailleurs d'arrière-boutique ou d'usine.
Il est fort regrettable que sans le savoir nous achetions des produits importés confectionnés par ces petites mains. Les exemples des ballons de football ou des tapis sont suffisamment révélateurs.
Prenons aussi conscience que de décider d'interdire le travail aux enfants dans des pays où les conditions économiques sont synonymes de survie ne peut se faire sans autres.
Comment voulez-vous que ces enfants qui n'ont déjà pas de quoi vivre puissent se payer le luxe de la scolarisation ? Certains ignorent même l'existence de l'école...
Pour être conséquents, nous devons non seulement veiller au respect des conditions de travail des enfants et les protéger de l'exploitation mais aussi soutenir efficacement les mesures d'aide au développement des enfants.
Pour ces raisons, je vous demande de renvoyer cette motion en commission.
M. Pierre Froidevaux (R). Le travail des enfants n'est heureusement pas un problème endémique en Suisse actuellement.
Cette motion veut cependant exprimer la crainte d'une émergence de ce phénomène déjà très répandu dans bien d'autres régions, comme mes préopinants viennent de le rappeler.
La dégradation de la situation sociale dont le constat actuel nous alarme tous pourrait contraindre les plus défavorisés à trouver des solutions au détriment de plus faibles qu'eux. Les enfants représentent une proie de choix.
Pourquoi rendre attentif notre conseil à un phénomène heureusement mineur ? Si la Suisse n'a pas ratifié la Convention 138 relative à l'âge minimum d'admission à l'emploi, ce n'est que pour mieux la respecter. La Suisse ne ratifie que ce qu'elle peut absolument garantir. Or la Confédération se heurte au travail des enfants de paysans durant les périodes de vacances scolaires.
Est-ce judicieux qu'un canton-ville impose aux autres cantons cette interdiction, ou pourrait-on imaginer un addendum à cette convention afin d'autoriser le travail dans les champs en dehors des périodes scolaires ?
Ce point de vue ne trouvera de règlement satisfaisant que par un passage de cette motion en commission. Si la ratification de la Convention 138 est un signe politique fort, il n'a d'intérêt que dans sa concrétisation.
Aussi notre groupe soutient tout particulièrement la quatrième invite qui rappelle la primauté des droits de l'enfant à l'éducation et à la formation. L'enfant n'est pas une génération spontanée. Il est l'expression de notre volonté à tous.
Lutter contre les entraves à son développement et pour son autonomie est une nécessité absolue. Ce soir, le thème est le travail de l'enfant. Ce n'est qu'une des multiples contraintes inacceptables du monde des adultes envers celui des enfants.
Pour conclure, je ne puis que rappeler que la meilleure prévention politique possible contre le développement du travail de l'enfant est la politique du plein-emploi, mais de l'adulte !
M. Armand Lombard (L). Nous soutiendrons bien entendu cette importante motion.
J'ajouterai simplement un mot - je crains de rabâcher le même discours, mais il s'applique particulièrement bien ici.
Dans la dernière partie des invites, il est demandé de veiller particulièrement, dans notre canton, à différents points. Je souscris aux quatre demandes qui sont faites, mais puisque cela sera soit discuté en commission, soit renvoyé au Conseil d'Etat, je rappellerai à ce dernier que, pour permettre à un enfant de vivre et de se construire, il faut le protéger mais qu'il s'agit aussi de stimuler son esprit d'initiative, d'innovation et de créativité. Cela peut se faire, par exemple, par l'octroi d'un prix, de l'Etat ou du privé. C'est aussi une façon d'éduquer l'enfant que de lui apprendre à résister aux mauvaises choses de la vie.
Il faut également responsabiliser l'adolescent en lui offrant une forme de citoyenneté, en le mettant en contact avec la société, les entreprises, les écrivains et les penseurs. On forme un enfant à dire oui, à dire non, à analyser. Il apprendra ainsi à se défendre. Quand cela est possible, il faut l'envoyer visiter les endroits de tentation, afin de lui apprendre à faire face.
Il y a en tout cela un côté positif, certainement complémentaire à la grande morosité dont est empli ce texte.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Ce projet a en effet une très grande valeur, et je souhaite qu'il soit renvoyé en commission; mais je vous demande à laquelle.
Une voix. A la commission de l'économie !
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Très bien !
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- que l'assurance-chômage a notamment pour but la réinsertion professionnelle des personnes au chômage ;
- que celles-ci doivent, pour des raisons d'ordre psychologique autant qu'économique, retrouver au plus vite un emploi ;
- que les transports en commun sont vides durant les heures creuses ;
- que les TPG, qui perçoivent une subvention annuelle de l'Etat d'environ 120 millions de francs, ne supporteraient pas de frais supplémentaires en permettant l'utilisation gratuite desdits transports en commun, pendant ces heures creuses, aux personnes au chômage complet,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier l'octroi d'un abonnement TPG, gratuit, aux personnes au chômage. Cet abonnement, nominatif, serait attribué et renouvelé mensuellement contre présentation de justificatifs. Sa validité porterait sur tout le réseau TPG, les jours ouvrables, durant les périodes creuses(9 h-11 h 30 et 14 h 30-16 h 30).
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le chômage est un fléau qui touche toutes les catégories sociales, tous les milieux, toutes les familles.
Tant la Confédération que le canton ont mis en place divers systèmes afin d'aider les personnes au chômage complet.
Il est impératif qu'elles ne deviennent pas - et ne se considèrent pas - des parias.
Pour cela, il convient de les aider à retrouver, au plus vite, un véritable emploi. Les divers textes législatifs insistent, au reste, sur l'obligation de ceux qui perçoivent des prestations de chômage, de rechercher un travail ; encore faut-il qu'ils ne soient pas découragés - ils le sont suffisamment par ailleurs - par le coût des déplacements en TPG.
Or, on constate que durant les heures creuses des jours ouvrables, soit environ de 08 h 30 à 11 h 30 et de 14 h 30 à 16 h 30, les transports en commun sont (quasiment) vides. Le fait que ces places inoccupées puissent être utilisées gratuitement par des chômeurs n'augmenterait en rien les charges des TPG, étant entendu qu'un léger manque à gagner est indéniable. Comme, en outre, l'Etat verse une subvention annuelle d'environ 120 millions de francs aux TPG, il est bien normal que ceux-ci participent à la défense de l'économie cantonale.
Pourquoi pas par l'octroi d'une carte TPG nominative gratuite permettant aux chômeurs de sortir de chez eux afin d'aller chercher un emploi ?
Aidons les personnes bénéficiant des indemnités fédérales au titre de la LACI du 25 juin 1982, ou bien, après avoir épuisé leur droit à ces indemnités fédérales, des prestations complémentaires cantonales au titre de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983, soit encore celles en fin de droit fédéral et cantonal qui reçoivent un revenu minimum cantonal d'aide sociale.
Nous laissons le soin au Conseil d'Etat d'apprécier si cette aide doit être limitée ou non. Par exemple, il y aura lieu d'exclure de cette mesure les chômeurs ayant obtenu :
- soit un encouragement pour une activité indépendante (indemnités spécifiques, LACI article 71 a et suivants) ;
- soit une allocation de retour en emploi puisqu'ils perçoivent un salaire de leur employeur (LMC, article 30 et suivants).
Une différence, nous semble-t-il, existe en effet par rapport aux bénéficiaires soit d'un stage professionnel de réinsertion ou d'une occupation temporaire qui doivent poursuivre leurs recherches d'emploi (RLMC, respectivement articles 30 et 49), soit du revenu minimal cantonal d'aide sociale, astreints à la même condition (Loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, article 12).
Au vu de ce qui précède, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à réserver un bon accueil à cette motion et à l'envoyer au Conseil d'Etat.
Débat
M. Bernard Annen (L). Mesdames et Messieurs les députés, avant d'essayer de vous convaincre, j'ai dû avant tout convaincre le groupe des libéraux !
C'est un double constat qui les a convaincus. Un constat de rationalisation, d'abord : il faut se rendre compte que les TPG ne sont pas pleins pendant un certain nombre d'heures; il y a encore de la place à utiliser !
Deuxième constat : notre Conseil d'Etat donne une subvention de plus de 120 000 millions - y compris les amortissements - aux TPG.
Il était donc facile de franchir le pas en liant la rationalisation et l'aide accordée pour pouvoir, à notre tour, donner un petit coup de pouce à une catégorie de nos concitoyens directement touchés par le chômage.
Certes, j'ai déjà entendu certaines phrases et je m'attends à certains qualificatifs ! M. Lescaze se régalera peut-être en nous traitant de démagogues, d'hypocrites, nous accusant de faire un coup de pub pour nous donner bonne conscience. Peu importe ! Ces quolibets me laisseront complètement froid, pourvu que le résultat soit là.
Et celles et ceux qui refuseront cette motion ne pourront être à mes yeux que des doctrinaires ou des revanchards.
M. René Ecuyer (AdG). Notre groupe accueille favorablement et avec intérêt la motion proposée, du moment qu'elle va dans le sens d'une politique d'encouragement à l'utilisation des transports publics.
Par contre, nous allons vous suggérer un amendement qui consiste à supprimer, dans la dernière phrase de l'invite, les termes : «...durant les périodes creuses (9 h-11 h 30 et 14 h 30 - 16 h 30).»
Ce n'est pas sérieux ! Cela créerait des citoyens-voyageurs de seconde classe qui payeraient à 6 h et non à 4 h ! Et comment faire respecter ce genre de restrictions ? Nous ne pouvons pas accepter ce principe et sommes pour la levée du couvre-feu !
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste a été pour le moins surpris en lisant le contenu de cette motion.
Première surprise : en décembre dernier les motionnaires soutenaient l'AFU sur le chômage, affirmant que les chômeurs pouvaient supporter une réduction de 3% de leurs revenus. Or 3% sur un revenu d'environ 2 800 F représentent l'équivalent d'un abonnement de bus. Nous sommes tout de même satisfaits de constater qu'aujourd'hui les libéraux reconnaissent que les chômeurs ont un revenu modeste, puisqu'ils proposent de leur octroyer une aide.
Deuxième surprise : alors que le discours libéral prône l'aide ciblée, dans ce cas-là, ils sont d'accord d'offrir un abonnement de bus même aux chômeurs dont le conjoint a un revenu annuel de plus de 97 200 F.
Troisième surprise : les libéraux sont prêts à accorder un abonnement TPG à seize mille chômeurs, ou vingt mille si l'on considère l'ensemble des demandeurs d'emploi inscrits à l'office cantonal de l'emploi et non seulement ceux qui sont indemnisés par la caisse de chômage. Cela représente tout de même une dépense d'environ 14 à 16 millions, selon le groupe pris en considération.
Le groupe libéral demande bien sûr aux TPG d'offrir cette prestation gratuitement, alors que, par exemple, l'Etat paie pour les personnes au bénéfice de l'OCPA qui reçoivent un abonnement.
La quatrième surprise est une mauvaise surprise : les libéraux inventent une nouvelle catégorie d'usagers des TPG. Ceux qui ne peuvent utiliser les transports publics qu'à certaines heures de la journée. Cette discrimination est choquante et inadmissible. Ainsi rédigée, le groupe socialiste ne peut pas accepter cette motion. En revanche, si l'amendement proposé par M. Ecuyer est adopté par ce Grand Conseil, nous l'accepterons.
Mesdames, Messieurs les libéraux, soit vous accordez la gratuité des TPG aux chômeurs soit vous ne l'accordez pas ! Mais vous ne créez pas de statut discriminatoire ! En présentant cette motion, vous n'êtes pas crédibles : vous prétendez vous préoccuper des difficultés financières des chômeurs après avoir soutenu, voilà six mois, une diminution de prestations à ces mêmes chômeurs. Je suis sûr que dans les mois à venir les libéraux vont soutenir des propositions qui seront faites à Berne visant à diminuer les prestations accordées aux chômeurs.
Il est préférable que chacun ait de quoi vivre, payer son logement, sa nourriture et ses transports, plutôt que d'octroyer des aides telles qu'un abonnement TPG au rabais après avoir restreint les revenus.
M. Bernard Clerc (AdG). Vous me permettrez - une fois n'est pas coutume - d'être un peu en désaccord avec mon propre groupe.
Le parti libéral préfère la charité à la justice sociale, c'est son droit et cela fait partie de ses orientations, mais, évidemment, je n'y souscris pas.
M. Champod l'a rappelé, le parti libéral était favorable à une baisse des indemnités versées aux chômeurs correspondant grosso modo au prix d'un abonnement TPG mensuel. Lors des discussions sur le revenu minimum des chômeurs en fin de droit, ce parti a refusé nos amendements destinés à relever ce revenu au-delà des normes d'assistance. Et lorsque nous avons débattu de l'emploi temporaire, ce même parti a fixé un plafonnement aux salaires de ces emplois.
Il est, bien sûr, beaucoup plus confortable et agréable de proposer par la suite une motion pour offrir un abonnement TPG à ces pauvres chômeurs... Cela nécessitera des justificatifs, des contrôles, une augmentation des tâches administratives, toutes formes de «prestations» de l'Etat qui ne nous semblent pas particulièrement productives.
Mais, surtout, nous allons dans le sens d'une stigmatisation des pauvres; à ce propos, j'aimerais évoquer un souvenir personnel, Mesdames et Messieurs les libéraux. Dans mon enfance, je faisais partie des bénéficiaires des magasins à prix réduits de la Ville de Genève...
Une voix. Moi aussi !
M. Bernard Clerc. Je ne suis donc pas le seul dans cette assemblée ! Je ne connais pas les sentiments des autres bénéficiaires, personnellement, je préfère pouvoir gagner correctement ma vie, sans avoir besoin de me rendre dans ces magasins pour pauvres.
Mesdames et Messieurs les députés, chacun doit avoir droit à un revenu qui lui permette de vivre décemment et d'assurer l'ensemble de ses besoins, y compris ses frais de transport. Je m'abstiendrai sur cette motion.
M. Bernard Lescaze (R). Pour ma part, je ne m'abstiendrai pas et je voterai contre cette motion qui sent la démagogie à plein nez !
Il n'y a pas deux heures, on venait plaider ici avec force en faveur d'une baisse des impôts. Maintenant, on veut une augmentation des dépenses ! On se plaignait des déficits grandissants et on demandait plus d'austérité. Maintenant, on veut tout à coup ouvrir les robinets. Cela n'est pas particulièrement réaliste.
Mesdames et Messieurs les députés libéraux, vous voulez aider une catégorie défavorisée, mais avez-vous songé que la catégorie la plus défavorisée de la population est celle des mères de famille monoparentale, parfois d'origine étrangère, qui travaillent durement quarante heures par semaine ou plus ? Pour ces femmes qui se heurtent à de sérieuses difficultés économiques, vous n'avez rien proposé !
Vous étiez contre les allocations familiales pour indépendants. Maintenant, vous proposez de nouvelles prestations, certes modestes, mais assorties d'une discrimination incroyable, justement relevée par plusieurs des préopinants. Ainsi, les bénéficiaires de votre cadeau ne pourraient utiliser les transports publics qu'à certaines heures. Peut-être devraient-ils, pour être plus rapidement repérés et éviter les contrôles administratifs, porter un petit badge, rouge, vert...
Une voix. Jaune !
M. Bernard Lescaze. Ou jaune, bien entendu ! Je laissais quelqu'un d'autre le signaler.
Ce genre de motion n'a véritablement rien à faire dans un Grand Conseil qui se veut malgré tout ouvert aux besoins de la population, mais conscient des difficultés actuelles de notre Etat.
Il ne s'agit ni d'ironie ni de sarcasmes. C'est la stupéfaction de voir des députés appartenant à un parti connu pour sa rigueur manquer à la fois de rigueur, de réflexion et de solidité. Que vouliez-vous ? Nous faire voter contre votre motion pour pouvoir vous vanter d'avoir voulu faire quelque chose pour les chômeurs, alors que nous, nous nous y refusons... Oui, nous refusons, car vous essayez en réalité de nous tendre un piège, mais nous n'y tomberons pas ! (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). Beaucoup de choses sensées ont déjà été dites soit par le député Bernard Clerc...
Une voix. Une fois n'est pas coutume !
M. David Hiler. ...soit, une fois n'est pas coutume également, par Bernard Lescaze. (Rires.)
Une voix. Comme historien, tu ne vaux pas plus !
M. David Hiler. Pas moins non plus ! (Brouhaha.)
En revanche, la question suivante est importante : pour quelle raison accorderait-on un tarif préférentiel ? A l'évidence, à cause du montant du revenu. On peut souhaiter que la question ne se pose pas, mais nous admettrons qu'elle se pose aujourd'hui, car l'étiquette «chômeur», à elle seule, ne nous dit rien.
Les propos de Bernard Lescaze étaient parfaitement exacts, il faut en être conscient : dans ce canton, beaucoup de gens travaillant à temps partiel ou à plein temps ont des revenus inférieurs à ceux de certains chômeurs...
M. John Dupraz. Les paysans, par exemple !
M. David Hiler. Monsieur Dupraz, si vous voulez vraiment un abonnement pour votre famille - si celui offert par le Grand Conseil ne vous suffit pas - nous sortirons notre porte-monnaie !
Le président. Vous vous adressez à l'assemblée, Monsieur le député !
M. David Hiler. Mais je m'adresse à l'assemblée par le biais de M. Dupraz qui en est un représentant qualifié ! (Rires.)
Cette question est vraiment importante, car la catégorie «chômeur» ne nous donne a priori aucune indication sur le revenu. Elle indique seulement la propension à un revenu inférieur, et non que l'ensemble des gens appartenant à ce statut n'aient pas les revenus nécessaires pour l'achat d'un abonnement. Au contraire, la plupart en ont heureusement les moyens grâce à notre assurance-chômage qui tient la route, dans son ensemble, mais ce n'est certes pas dû aux efforts des motionnaires.
Il est nécessaire de poser ces questions qui reviendront au sujet des tarifs AVS. Avec la généralisation du deuxième pilier, une partie de la population âgée aura des revenus très confortables, c'est enregistré statistiquement dans de nombreux pays. Les notions discriminantes, «âge», «ne travaillant pas» ou «monoparental», ne donneront pas d'information. Il faudra donc bien se mettre à réfléchir à d'autres manières d'apporter de l'aide à ceux qui en ont besoin.
En conséquence, nous vous proposons de renvoyer cette motion en commission...
Une voix. De grâce !
M. David Hiler. En tout cas pas à la commission des transports ! Oui, c'est la commission de grâce pour le fond, mais pour la forme, il s'agit bien de la commission de l'économie ou de la commission sociale si nous voulons élargir le débat.
Bernard Lescaze a posé la vraie question. Nous devons être moins paresseux dans la définition des critères, considérer qu'il existe déjà un système global d'aide sociale, et choisir de donner de manière générale l'aide nécessaire à ceux qui en ont besoin.
Pour conclure, il est préférable de disposer d'un revenu minimum d'existence permettant aux gens d'acheter leur carte à plein tarif, et de supprimer l'ensemble des faveurs, sauf celles traditionnellement destinées aux enfants...
Le président. Et aux députés !
M. Albert Rodrik (S). Il y a dans cette motion deux mots clés. Le premier, «chômeur», a été bien traité, en particulier par notre chef de groupe. C'est du deuxième, des «TPG», que j'aimerais parler.
A mon avis, il y a là une trouvaille pour casser les reins des TPG, entreprise publique, qui a de grands frais d'investissement. Mais ça ne fait pas bien dans le tableau qu'une entreprise publique ait de bonnes finances et se tienne bien... Peut-être au bénéfice du «tout bagnole» au sujet duquel on ne cesse d'exprimer des regrets.
Dans cette affaire, il ne faut pas oublier qu'on joue avec la santé financière des TPG. J'aimerais dire très amicalement à nos amis libéraux que si je vote le renvoi en commission, c'est bien par discipline. En plus de ce que les préopinants ont dit sur les chômeurs, cette atteinte au bon fonctionnement d'une entreprise publique ne me plaît pas beaucoup.
M. Bernard Annen (L). Je vous avais annoncé la couleur ! (Exclamations.)
Une voix. Quelle couleur ?
M. Bernard Annen. Si M. Rodrik est d'avis que seuls les chômeurs peuvent sauver l'avenir financier des TPG, il me fait vraiment du souci. Il a dû se tromper de débat !
Je me réjouis des propos tenus et d'en débattre en commission. Néanmoins, je suis frappé qu'une proposition finalement minime puisse provoquer une telle animosité et des réactions aussi virulentes... (Remarque.) Je ne crois pas, Monsieur, que vous ayez le monopole en la matière !
Je ne supporte pas la mauvaise foi. Notre collègue Lescaze en a donné la meilleure image... (Brouhaha.)
Des voix. Bravo !
M. Bernard Annen. Je veux bien y associer M. Hiler, puisqu'il lui a donné raison. Selon lui, il s'agirait de coût, or justement il n'y en a pas. Pour qu'il y ait un coût, il devrait y avoir augmentation du nombre de motrices et de bus. Or c'est exactement le contraire, puisque nous proposons simplement de rentabiliser les bus et les trams pendant les heures creuses. (Brouhaha.)
Vous parlez de discrimination concernant ces heures, là aussi vous vous trompez. L'idée est de permettre, tout en faisant un petit signe à un certain nombre de nos concitoyens au chômage... (Brouhaha.) N'oubliez pas, Monsieur Lescaze, que ceux qui veulent démolir cette motion attaquent directement des personnes qui se trouvent dans une situation que je n'envie pas !
En conséquence, il n'est pas utile d'aller chercher du travail à midi ou après 18 h. Nous allions deux choses : la possibilité de se présenter chez un employeur et de rentabiliser les TPG. C'est une petite amélioration - je reconnais volontiers qu'elle pourrait aller plus loin - destinée à augmenter les possibilités de trouver du travail... (Commentaires.) C'est vrai qu'à un moment donné, sur les bancs des radicaux, la dose d'alcool permet ce genre d'interruptions... Vous ne me perturberez pas, puisqu'en définitive... (Remarque.) Mais vous êtes pareil, Monsieur Hausser !
Mesdames et Messieurs les députés, même si on vous donne des boutons, essayez de réfléchir ! Lorsqu'on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Certains parmi vous l'ont !
Je prends acte, dans ce débat, avec amertume, qu'un libéral est empêché de faire une proposition sociale par le seul fait qu'il est libéral. Triste mentalité !
M. Claude Blanc (PDC). Je ne voulais pas intervenir dans ce débat, mais après avoir entendu tous les préopinants, de quelque bord qu'ils soient, faire semblant de prendre au sérieux cette proposition, j'ai compris qu'il y avait un problème.
Mes amis libéraux - je considère les quatre signataires comme des amis - ne sont pas sérieux; d'ailleurs ils me l'ont dit ! (Rires.) Je m'étonne de vous voir faire un tel effort de dialectique pour instaurer le dialogue, car il n'y a pas de dialogue; c'est une simple provocation. Vous avez épuisé votre salive et votre art oratoire en vain.
M. Annen a voulu provoquer; face à cette provocation, il n'y a qu'un mot d'ordre : se taire ! (Rires.)
Mme Magdalena Filipowski (AdG). Naguère, au parti écologiste, j'assistais aux discussions concernant la gratuité des transports publics pour toute la population genevoise. J'appartenais à ceux qui soutenaient une proposition n'ayant jamais pris corps; je me le rappelle, aujourd'hui.
Les élus du peuple ici présents, en possession d'un abonnement TPG, discutent de la possibilité d'en accorder un aux chômeurs. Ça commence par deux extrémités de la population et, si nous nous en occupons sérieusement, cela pourra peut-être un jour déboucher sur une gratuité. Gratuité que nous préconisons aussi pour les musées ou le parascolaire.
Dans ce sens-là, je soutiens la motion, amendée selon la proposition de l'Alliance de gauche, évidemment, car si les chômeurs devaient utiliser les TPG à certaines heures seulement afin de les rentabiliser, il faudrait les payer... (Brouhaha.) Autrefois, dans la civilisation grecque, on payait les citoyens pour assister aux spectacles.
Il faudra par ailleurs se soucier sérieusement de la santé des TPG et les financer correctement. C'est tout un travail d'avenir.
M. Bernard Annen (L). Une phrase, Mesdames et Messieurs les députés, à l'intention de mon ex-ami... (Rires.) ...M. Blanc : préservez-moi de mes amis, je me charge de mes ennemis !
Je réfute en tout cas le terme de provocation; je n'accepte pas cette terminologie. J'espère que les paroles ont dépassé la pensée de mon ex-ami. Sinon, je devrais admettre qu'il ne connaît pas la signification de ces deux termes : provocation et ami !
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Nous sommes en train d'assister à un débat passionnant, avec des retours de manivelle... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs les députés ! Veuillez écouter les propos de notre conseiller d'Etat bien-aimé ! (Rires.)
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président ! C'est vrai, ce débat est passionnant ! (Rires.) C'est vraiment intéressant d'entendre ces réactions contradictoires qui fusent !
Comme conseiller d'Etat responsable de l'emploi et, par conséquent, des chômeurs, j'accueille très volontiers cette proposition si généreuse, mais pas telle qu'elle est formulée, pour les raisons évoquées tout à l'heure. Cela mérite un certain nombre d'éclaircissements et peut-être de modifications. Celle qui vient d'être proposée ne suffira pas à faire voter cette motion.
On ne peut pas limiter aux seuls chômeurs la définition de bénéficiaires, puisque des gens ont des revenus encore inférieurs : ce sont les demandeurs d'emploi régulièrement inscrits dans le cadre de la législation fédérale, ce sont les personnes bénéficiant des mesures cantonales ou du revenu minimum cantonal d'aide sociale.
Comme l'a précisé le député David Hiler, une couche de la population est encore plus défavorisée. Si l'on décide d'une telle action, il faut définir premièrement tous ceux qui pourraient y avoir droit. Le deuxième point étant l'aspect financier évoqué par M. Rodrik.
Après analyse de ces deux éléments, il serait bon de renvoyer cette motion en commission pour faire le point après le débat de ce soir. Sous réserve de la position du département de justice et police en charge des transports et des TPG, je suggère à ce conseil de renvoyer cette proposition à la commission de l'économie.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Vous savez, Monsieur le député Annen, en quelle haute estime je vous tiens. Mais je vous le dis tout net: je ne vous ai jamais vu si peu convaincant, parce que si peu convaincu de votre propre proposition !
Premier point : il existe un contrat de prestations entre l'Etat et les TPG et, par hypothèse, il faudrait attendre le prochain pour discuter d'une proposition de ce type.
Deuxième point : vous ne pouvez pas dire : «Il n'y a qu'à...» Vous êtes forcément dans l'incapacité de préciser comment contrôler une proposition aussi farfelue. Par ailleurs, si vous inscrivez le montant de l'opération à la charge des TPG, il faudra revoir à la hausse la subvention. Cela revient à dire que c'est à la politique des transports que vous vous attaquez, comme M. Rodrik l'a signalé.
Troisième point, enfin - et surtout : Monsieur l'orfèvre en matière budgétaire, dans quelques jours seulement, nous discuterons du budget 99. Je vous entends déjà entonner avec votre enthousiasme habituel le couplet des frais de fonctionnement et le second couplet où il est question de toucher aux prestations excessives de l'Etat. Je vous le dis comme je le pense : il s'agira d'être cohérent avec vous-même ! Dans cette perspective, je vous annonce déjà que vous allez souffrir des céphalées les plus tenaces et les plus violentes.
Mais, en ce début de coupe du monde de football, on peut facilement s'exercer au shoot dans cette enceinte, c'est du moins mon sentiment personnel ! (Rires.)
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.
Le président. Je mets aux voix un amendement déposé par Mme Engelberts que vous avez tous reçu, modifiant l'invite comme suit :
«à étudier l'octroi d'un abonnement TPG, gratuit, aux personnes au chômage. Cet abonnement, nominatif, est inclus dans les prestations affectées et renouvelé mensuellement contre présentation de justificatifs. Sa validité porterait sur tout le réseau TPG les jours ouvrables.»
Monsieur Annen, vous demandez la parole, mais nous sommes en vote... Je vous la donne à titre tout à fait exceptionnel étant donné que vous êtes l'un des auteurs de la motion.
Une voix. Cette géniale motion !
Le président. De cette géniale motion ! (Rires.)
M. Bernard Annen (L). Si M. Blanc veut lancer des invectives, je peux le comprendre, mais je ne peux pas accepter celle du président du Conseil d'Etat. Je ne l'accepte pas, mais je retire notre motion. (Rires.)
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.
Le président. Nous parvenons au terme... (Brouhaha.)
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Vous vous êtes engagé, Monsieur le président, à faire voter la résolution sur le Sahara.
Le président. Vous avez raison, Madame la député, nous parvenons... au terme du point 22 ! (Rires.) Vous comprenez, je voulais profiter de la période creuse de la nuit pour vous faire, à votre tour, profiter de la gratuité des transports publics !
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis 1975, soit 23 ans, le peuple sahraoui a été chassé par le Maroc et vit dans des conditions de précarité extrême dans des camps, dans des pays voisins.
Depuis plusieurs années, un processus de paix est engagé et devrait aboutir à un référendum d'autodétermination permettant l'indépendance du peuple sahraoui. Les dates sont constamment remises et M. Kofi Annan, le Secrétaire général de l'ONU, a fixé la dernière date au 7 décembre 1998. Ce délai risque encore de ne pas pouvoir être tenu car l'identification dans les camps est rendue très difficile par de constantes interventions marocaines. On évalue actuellement qu'environ 120 000 soldats marocains sont en permanence dans les territoires occupés.
Le Maroc possède tous les canaux d'information modernes et un budget de propagande énorme.
Le peuple sahraoui n'a pas de moyens pour se faire entendre, il compte sur les réactions de la communauté internationale.
Il faut donc que nous profitions du déplacement des autorités exécutives communales et cantonales au Maroc pour faire entendre cette voix, d'autant plus que plusieurs communes genevoises soutiennent de longue date la cause du peuple sahraoui, notamment Genève, Meyrin, Lancy, Plan-les-Ouates, Vernier, Chêne-Bourg.
Nous vous remercions donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir envoyer cette résolution en urgence au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous parler de M. Amada Mustapha Mohammed, mon filleul, mystérieusement disparu depuis 1981. Il avait 20 ans, était paysan et souhaitait que son peuple, le peuple sahraoui puisse vivre libre.
M. Amada Mustapha fait partie des centaines de disparus, soit des geôles du Maroc, soit lors de manifestations. Nous sommes des centaines également à avoir décidé d'adopter ces disparus et de ne cesser d'interpeller les gouvernements jusqu'à ce qu'on les retrouve.
Chaque mois, j'écris à quatre hauts responsables, soit des droits de l'homme, soit du monde diplomatique, pour les informer de la disparition de M. Amada Mustapha et leur demander de tout mettre en oeuvre afin d'intervenir auprès du roi Hassan II.
Aujourd'hui, j'apprends que des autorités qui me sont très proches s'apprêtent à aller dans ce pays. C'est donc à vous, Mesdames et Messieurs, que je demande de profiter de votre voyage pour qu'au-delà du plaisir culturel et de la détente, que je ne vous dénie pas, vous ayez également la satisfaction de pouvoir prendre part au mouvement de désapprobation internationale condamnant l'attitude des autorités marocaines envers le peuple sahraoui.
Depuis 1975, soit vingt-trois ans, le peuple sahraoui a été chassé par le Maroc et vit dans des conditions d'extrême précarité dans des camps, dans des pays voisins.
Depuis plusieurs années, un processus de paix est engagé et devrait aboutir à un référendum d'autodétermination permettant l'indépendance du peuple sahraoui. Les dates sont constamment remises et M. Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU, a fixé la dernière date au 7 décembre 1998.
Ce délai ne pourra malheureusement pas être tenu, car l'identification dans les camps est rendue très difficile par de constantes interventions marocaines. On évalue actuellement qu'environ cent vingt mille soldats marocains sont en permanence dans les territoires occupés.
Le Maroc possède tous les canaux d'information modernes et un budget de propagande énorme.
Le peuple sahraoui n'a pas de moyens pour se faire entendre. Il compte sur les réactions de la communauté internationale.
J'aimerais donc, Messieurs les conseillers d'Etat, et avec vous les autorités exécutives communales - plusieurs communes soutiennent le peuple sahraoui depuis de nombreuses années : Meyrin, Vernier, la Ville de Genève, Plan-les-Ouates, Lancy, Chêne-Bourg - que vous réaffirmiez la solidarité du peuple suisse avec le peuple sahraoui dans sa lutte pour l'indépendance et l'autodétermination, comme l'a déjà fait le Conseil national. Que vous profitiez de votre visite pour transmettre aux autorités marocaines le souhait que le processus d'application du plan de paix sous les auspices de l'ONU se déroule dans les délais les plus rapides, dans la transparence et l'équité. Je vous en remercie.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je suis persuadée que, malgré l'objectif de détente, méritée, de nos magistrats locaux, le déplacement d'une centaine d'élus sera remarqué dans le royaume de Nord-Afrique.
Il n'est pas inutile - c'est même indispensable - de signaler que nous sommes solidaires du peuple sahraoui et qu'à l'instar de Kofi Annan nous souhaitons que ce peuple se détermine.
Nous sommes persuadés que les représentants de notre Conseil d'Etat et nos élus communaux seront d'excellents ambassadeurs pour transmettre ce message de conciliation malgré le charme envoûtant de Marrakech !
M. Albert Rodrik (S). Il y a quelques années, dans des circonstances pareilles, au Conseil municipal de la Ville de Genève, nous avons débattu d'un voyage de l'Association des communes genevoises en Turquie, en plein moment de répression et de gros problèmes concernant les droits de la personne humaine.
Y a-t-il un problème de connaissance de la géographie politique à l'Association de communes genevoises ? Il existe encore sur cette planète, parmi les quelque cent quatre-vingts membres des Nations Unies, un certain nombre de pays où le problème du respect des droits de l'humain ne se pose pas.
Est-ce que ces destinations de voyage ne sont pas possibles à l'Association des communes genevoises ?
Ceci dit, je réitère notre solidarité et avec le peuple sahraoui et avec les opposants marocains qui, depuis des décennies, croupissent dans un certain nombre de prisons que nous ne voulons plus connaître que dans les livres d'histoire.
M. Claude Blanc (PDC). Je souscris entièrement aux termes de cette résolution, mais j'aimerais y apporter l'amendement suivant, concernant le début de l'invite : «invite le conseiller d'Etat chargé des communes et le conseiller administratif Vaissade à demander une audience au roi du Maroc pour lui remettre en mains propres la résolution du Grand Conseil au sujet du peuple sahraoui...»
Le président. Je ne crois pas que vous puissiez inviter un conseiller administratif...
M. Claude Blanc. On se contentera du conseiller d'Etat !
Mme Fabienne Bugnon (Ve). J'ai une immense pitié pour M. Blanc qui se ridiculise sur un sujet tel que celui-là...
Le président. Nous supprimons le conseiller administratif, Monsieur Blanc ? (Exclamations.) Nous le supprimons du texte, bien entendu ! (Rires.) M. Vaissade est bien vivant parmi nous, et j'espère pour longtemps encore !
Je vous relis la proposition d'amendement de M. Blanc :
«invite le conseiller d'Etat chargé des communes à demander une audience au roi du Maroc pour lui remettre en mains propres la résolution du Grand Conseil au sujet du peuple sahraoui...»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution
(R 365)
de soutien au processus d'application du plan de paixau Sahara occidental
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
considérant:
- la situation dramatique dans laquelle vit le peuple sahraoui depuis 23 ans;
- le référendum d'autodétermination de ce peuple qui devrait avoir lieu cette année encore, en principe le 7 décembre 1998;
- que de nombreux observateurs internationaux dont certainement une délégation suisse se rendront sur place;
- le voyage de l'Association de communes genevoises, accompagnée d'une délégation du Conseil d'Etat ce week-end au Maroc;
invite le Conseil d'Etat
à profiter de ce voyage pour transmettre aux autorités marocaines l'inquiétude du Grand Conseil genevois au sujet du peuple sahraoui, et le souhait que le processus d'application du plan de paix sous les auspices de l'ONU se déroule dans les meilleurs délais et dans la transparence et l'équité.
La séance est levée à 23 h 25.