République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1174
8. Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Erica Deuber-Pauli, Rémy Pagani, Jeannine de Haller, Françoise Schenk-Gottret, Dominique Hausser, Pierre-Alain Champod, Christian Brunier, Fabienne Bugnon et David Hiler sur la création d'une zone 4B protégée à Chêne-Bougeries. ( )M1174

Vu l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (ci-après LaLAT) instituant un droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'adoption de plans de zone,

LE GRAND CONSEIL,

par ces motifs,

invite le Conseil d'Etat

à renoncer à tout projet d'élargissement de la route cantonale formée par la rue de Chêne-Bougeries et à engager la procédure d'adoption des plans de zone, prévue à l'article 16 LaLAT, pour le projet de modification du régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries annexé à la présente motion.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'exposé du projet de loi en cause donne toutes indications utiles sur les motifs de la proposition en cause.

Annexe

PROJET DE LOI

modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de lacommune de Chêne-Bougeries (extension d'une zone 4B protégée avecabrogation de la zone de développement 3)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan annexé au présent projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (extension d'une zone 4B protégée avec abrogation de la zone de développement 3) est approuvé.

2 Les plans des zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

Les bâtiments situés dans le périmètre de la zone 4B protégée et construits avant 1920 doivent être maintenus et ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf. Vu leur intérêt historique, le département des travaux publics et de l'énergie peut ordonner l'exécution de travaux de restauration et accorder, le cas échéant, des subventions à travers le fonds cantonal des monuments, de la nature et des sites.

Art. 3

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article 1.

Art. 4

Un exemplaire du plan susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

Le 8 février 1991, le Grand Conseil approuvait une loi modifiant le régime des zones de construction de la commune de Chêne-Bougeries dans le but de préserver les immeubles bordant le côté sud de la rue de Chêne-Bougeries par l'abrogation de la zone de développement 3 qui était applicable à cet ensemble de bâtiments et en soumettant ceux-ci aux normes de la zone 4B protégée.

Malheureusement, cette décision bienvenue de protection du patrimoine, dont le bien-fondé peut être constaté sur place depuis qu'une grande partie des immeubles en cause a été rénovée, n'a pas été complétée d'une mesure identique pour les immeubles situés sur le côté nord de cette rue qui sont d'une qualité en tout point comparable à celle de leurs vis-à-vis. La plus grande partie de ces immeubles ont été construits à la même époque, c'est-à-dire au XVIIIe siècle et durant la première moitié du XIXe siècle. Il s'agit d'un ensemble d'immeubles cohérent, d'une grande qualité, comparable au Vieux-Carouge, et qui forment le dernier village-rue de notre canton encore préservé des atteintes apportées à d'autres ensembles comparables, tels que ceux de Versoix ou de Plan-les-Ouates.

Ces immeubles sont situés sur l'une des plus anciennes pénétrantes de Genève et il importe d'étendre la zone 4B protégée, créée en 1991, aux immeubles bordant le côté nord de la rue de Chêne-Bougeries situés à l'intérieur de l'îlot formé avec le chemin du Pont-de-Ville, afin de préserver cet ensemble bâti de grande qualité. La destruction d'un côté de la rue de Chêne-Bougeries dans le cadre d'un urbanistique passéiste des années soixante aurait la même conséquence dramatique que l'élargissement de la rue de Genève sur le territoire de la commune de Chêne-Bourg, où les bâtiments d'époque situés sur le côté sud de cette artère ont perdu toute leur signification avec la destruction des bâtiments qui leur faisaient vis-à-vis au profit d'une route aux dimensions monumentales bordées de grands buildings contemporains.

Il est d'autant plus urgent de procéder à l'adoption d'une mesure de protection des immeubles en cause que certains propriétaires continuent à tenter d'en démolir certains de manière illégale, après les avoir laissés volontairement à l'abandon dans le but de provoquer leur démolition. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit une véritable mesure de protection en spécifiant que les immeubles protégés ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf.

A noter que les structures verticales des immeubles délaissés, qui sont construites en pierre de taille, sont d'une parfaite solidité et seules les toitures et certaines structures horizontales en bois doivent être remplacées, ce qui peut se faire selon une technique qui a été parfaitement maîtrisée pour certains immeubles à Genève (comme dans d'autres villes), dont l'intérieur a même été totalement vidé en vue de procéder à la construction de plusieurs niveaux en sous-sol (voir immeubles place de Cornavin, immeuble Camoletti à la rue de la Corraterie, Hôtel de la Cigogne à la place Longemalle, certains immeubles au quai des Bergues, etc.). C'est dire que les immeubles en cause non seulement peuvent être sauvés, mais doivent l'être pour que la rue conserve son caractère homogène.

L'élargissement de la rue de Chêne-Bougeries, qui est une route cantonale, coûterait très cher et ne répond à aucun besoin, puisque le plan de circulation des Trois-Chênes a pour objectif de donner la priorité aux transports publics à la route de Chêne et son prolongement à travers Chêne-Bougeries et Chêne-Bourg, en déviant la circulation automobile sur la route Blanche et la route de Malagnou. Grâce à la mise en place de feux préférentiels, le tram 12 ne connaît plus d'entraves importantes et le maintien du gabarit routier actuel de la traversée de Chêne-Bougeries évitera, d'une part un accroissement de circulation dans cette agglomération et permettra, d'autre part, d'éviter une dégradation de la qualité de vie et des entraves au bon fonctionnement des transports publics.

Au bénéfice des explications qui précédent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.

Débat

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). C'est un jour noir pour la protection du patrimoine et pour le patrimoine genevois... (Brouhaha.) ...dans son ensemble. Ce jour récompense les propriétaires abusifs qui acquièrent des biens, les laissent à l'abandon et obtiennent des autorités publiques, parce que protégés par elles, l'autorisation de les démolir.

Contrairement à ce que vous pensez, notre proposition de motion ne porte pas seulement sur les deux immeubles dont la presse vient de parler d'abondance : elle concerne tout l'alignement.

En 1754, un traité a fixé les limites territoriales de notre canton, qui était alors la République souveraine de Genève. Ce traité a incorporé formellement à l'intérieur de nos frontières des terrains hérités d'anciens organes ecclésiastiques, notamment ceux du couvent de Saint-Victor et du Chapitre de Genève. Le plateau de Chêne comportait un bourg, dit aujourd'hui Chêne-Bourg, mais la frontière étant fixée par la Seymaz, les belles campagnes genevoises du plateau de Chêne-Bougeries n'avaient plus de village. On a donc entrepris, de manière symbolique, en bordure de la route Genève-Bonneville, la construction d'un temple baroque de belle facture et d'un bourg dont on veut, maintenant, démolir les éléments constitutifs.

Un peu plus tard, le roi de Piémont-Sardaigne entreprenait la construction d'une ville à Carouge, modifiait le tracé des routes et c'est alors que l'on vit naître Plan-les-Ouates sur la nouvelle route conduisant à Annecy par Saint-Julien.

Les bourgs de Chêne, de Carouge et de Plan-les-Ouates en territoire piémontais ou le bourg de Chêne-Bougeries en territoire genevois sont tous sortis d'un moule commun, avec les mêmes architectes, les mêmes maîtres d'oeuvre, les mêmes styles et les mêmes modèles de lotissement. Ils appartiennent au patrimoine sarde de Genève et à ses dérivés. Ils sont de qualité égale, les uns plus décorés, les autres plus dépouillés, mais les matériaux, les techniques, les mises en oeuvre, les formes, les modèles de lotissement parcellaire sont les mêmes.

Ceux de Carouge ont fait l'objet de très belles publications. Par contre, les bourgs plus modestes en bordure des routes menant en territoire sarde ont été quelque peu négligés.

En prévision de l'élargissement de la route Genève-douane de Moillesulaz, il avait été prévu, il y a quelques années, de placer en zone 4B protégée le côté sud de la route de Chêne-Bougeries et de laisser le côté nord en zone de développement. L'élargissement prévu a été réalisé au niveau de Grange-Falquet, de Grange-Bonnet et de Grange-Canal. Il a été poursuivi au niveau de Thônex, mais ne l'a pas été au niveau de ces éléments du patrimoine que l'on appelle vulgairement les «goulets». J'aimerais faire remarquer entre parenthèses que les développements modernes de la ville de Carouge n'ont pas entraîné la destruction du «goulet» de la rue Ancienne, du «goulet» de la rue Saint-Victor, pas plus qu'à Genève du «goulet» de la rue de la Cité prolongé par celui de la Grand-Rue ou encore du «goulet» de la rue des Granges, souvent pourtant plus étroits que ceux dont nous parlons.

L'ignominie à propos des «goulets» de Chêne-Bourg et de Chêne-Bougeries procède d'une invention idéologique de ceux qui veulent les détruire. On avait prévu l'élargissement de la rue dans la perspective d'un grand axe routier, puis on s'est aperçu qu'on faisait fausse route. On s'est donc bien gardé de prévoir l'élargissement de la rue lors du lancement du concours pour le remplacement du goulet de Chêne-Bourg. On a prévu de remplacer les immeubles du XVIIIe et du début du XIXe siècle par des immeubles placés dans le même alignement pour ne pas élargir exagérément la route. En effet, on s'était rendu compte des effets extrêmement pervers d'un tel élargissement qui exigea la mise en place de chicanes, de parcages en épi et autres obstacles à la circulation.

On en est là, et plus rien ne s'oppose, désormais, à l'arrêt de l'élargissement de la route.

C'est pourquoi notre motion vous propose de protéger également le côté nord de la rue de Chêne-Bougeries. Le projet de loi de référence vous invite, explicitement, à procéder à l'harmonisation des deux côtés de la rue de Chêne-Bougeries, en plaçant son côté nord en zone 4B protégée.

Je vous remercie d'accepter cette proposition qui permettra de protéger, à l'avenir, le bourg de Chêne-Bougeries.

M. Olivier Vaucher (L). Le président Joye nous a lu, tout à l'heure, le rapport de la commission LCI sur cette affaire.

Etant un enfant de Chêne-Bougeries, je peux comprendre certaines considérations de Mme Deuber-Pauli.

Cette motion présente un intérêt suffisant pour être renvoyée en commission. Nous saurons alors ce qu'il faut en retenir; et c'est pourquoi notre groupe, que j'espère voir rejoint par d'autres formations, demandera le renvoi en commission.

Suite au brillant cours d'histoire de Mme Deuber-Pauli, je crois sincèrement que certains points valent la peine d'être débattus en commission.

M. Rémy Pagani (AdG). Dans un premier temps, nous demanderons le vote immédiat de ce projet de loi...

Le président. Il s'agit d'une motion, Monsieur le député. Il vaut mieux savoir de quoi on parle !

M. Rémy Pagani. ...de cette motion. Je tiens à m'exprimer sur la situation catastrophique provoquée par le coup de force de ces derniers jours. Je n'ai pas pour habitude de m'opposer à un urbanisme positif en prenant systématiquement la défense du patrimoine. Malheureusement, la politique récente, notamment celle de ces deux derniers jours, m'y contraint aujourd'hui. Des habitants, qui sont mes amis, ont été emmenés par la police, menottes aux mains. C'est une pratique inadmissible, et c'est pourquoi j'engage mes collègues à voter cette motion.

M. Bernard Lescaze (R). Nous sommes saisis d'une motion... (L'orateur est interrompu. Rires.) Quand les gens n'ont pas de lunettes ou en ont de mauvaises, ils vont chez l'opticien, Monsieur le second vice-président, pour faire renforcer leurs verres ! Je ne parle pas, bien sûr, des verres de la buvette ! Nous sommes saisis d'une motion et je comprends le trouble de mes préopinants qui la défendent ! En réalité, cette motion est anodine et c'est le projet de loi qui fait et change tout.

Mme Deuber-Pauli nous a donné un cours d'histoire intéressant qui mériterait, toutefois, d'être nuancé. A cette heure tardive, alors que des députés doivent aller défendre sur le terrain leurs amis compromis dans cette affaire, je ne développerai pas tous les arguments contraires. Je me bornerai à n'en donner qu'un seul.

Mme Deuber-Pauli s'étonne que pour la même qualité architecturale - prétendument selon elle - la ville de Carouge ait fait l'objet de nombreuses publications scientifiques, ce qui est le cas, alors qu'il n'en a pas été de même pour la route de Chêne, ce qui est également le cas, qu'il s'agisse de l'ancien bourg de Chêne à Chêne-Bourg ou de la petite avancée protestante qu'était Chêne-Bougeries.

Mais l'évidence s'impose d'elle-même ! Carouge est une création conçue ex nihilo et sa valeur patrimoniale ne peut se comparer à celle du goulet de Chêne-Bougeries.

Mme Deuber-Pauli nous dit que la Ville de Genève a pu s'étendre sans que ses goulets soient détruits. Elle fait erreur ! Mme Deuber-Pauli est trop fine connaisseuse de l'histoire de Genève pour ne pas savoir qu'au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle, on a détruit, sans que cela ait suscité beaucoup de protestations, le goulet en arche du Bourg-de-Four qui bloquait la rue de l'Hôtel-de-Ville, le goulet en arche qui bloquait la rue de la Monnaie, le goulet du Perron - deux rues et des maisons se trouvaient sur la place actuelle. Je pourrais multiplier les exemples. C'est dire que des goulets ont été détruits en de nombreuses circonstances.

Le problème qui nous est posé est celui de la transformation d'une zone 3 de développement en une zone 4B. Si nous avions suivi, par exemple, les prescriptions de la loi sur les hameaux qui demande que les périmètres de déclassement se situent au ras des maisons, nous aurions pu trouver une certaine logique au projet qui nous est soumis ce soir, mais nous constatons, sur le plan annexe, que la zone de reclassement de 3 en 4B est beaucoup plus large, notamment du côté de la Bessonnette. Ce plan révèle qu'il n'y a pas une véritable logique patrimoniale de protection, mais une volonté d'empêcher tout développement de Chêne-Bougeries dans le noyau même du bourg.

Le problème de l'élargissement de cette zone, judicieux ou pas, regarde les autorités de l'aménagement et de l'équipement, éventuellement des commissions parlementaires. Il n'est pas à discuter ici.

Par contre, la destruction de quelques immeubles dans le goulet constitue un problème précis qui doit être dissocié, si vous êtes soucieux de protection patrimoniale, de cette proposition de motion.

En réalité, vous voulez, avec le vote de cette motion sur le fond et sur le siège, obtenir indirectement une condamnation de ce qui est arrivé ce soir, alors que la justice s'est prononcée malgré de nombreux recours. C'est un tout autre problème.

A l'origine, vous avez déposé cette motion pour protéger ces immeubles menacés de démolition. Ils sont maintenant démolis, et maintenant vous essayez d'obtenir sur le plan politique ce que vous n'avez pas obtenu sur le plan juridique.

C'est peut-être une justification morale intéressante, mais elle ne vous mènera à rien.

Si vous êtes véritablement soucieux de protéger le patrimoine de Chêne-Bougeries, de Chêne-Bourg et des goulets existants, vous devriez employer d'autres moyens. A ce moment-là, nous saurons, nous aussi, utiliser les mêmes armes juridiques que les vôtres, lesquelles, en l'occurrence, vous ont claqué entre les doigts.

M. Dominique Hausser (S). Quand un bâtiment est pourri, il faut le démolir. Quand il est en mauvais état, il faut le rénover mais comme cela coûte cher, mieux vaut le raser : cet argument est fréquemment utilisé.

Le goulet de Chêne-Bougeries illustre la stratégie qui est de fournir une prime à ceux qui, délibérément, n'entretiennent pas leur bien immobilier. Par conséquent, nous nous demandons si la démolition de ces immeubles n'entraînera pas celle des bâtiments adjacents. Si c'est impossible dans l'immédiat, nous pouvons nous retrouver avec cette stratégie qui est de ne pas pourvoir à l'entretien, si bien que nous entendrons à nouveau : «C'est foutu, il faut casser, ça coûte trop cher de réparer...».

Actuellement, la route concernée n'a pas besoin d'être élargie. Après des décennies de discussions, il a été décidé que le trafic automobile passerait par Malagnou et l'autoroute blanche; que la route de Chêne, au niveau de Chêne-Bougeries, de Chêne-Bourg et de Thônex, serait réservée aux transports publics.

Monsieur Lescaze, je crois que ce projet de loi va au-delà de la simple protection de cet espace de Chêne-Bougeries par sa mise en zone 4B. Il tend, certes, au maintien du patrimoine, mais il veut surtout faire respecter l'obligation d'entretien des bâtiments pour ne pas en construire systématiquement de nouveaux. Cette obligation a été fort négligée depuis trente ou quarante ans.

Je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il mette à l'enquête publique le projet de loi annexe. Nous en débattrons au terme de cette enquête.

M. Christian Grobet (AdG). J'ai écouté avec intérêt les propos de M. Lescaze. J'ignore s'il approuve toutes les atteintes portées au patrimoine, se réjouit de la disparition de nombreux bâtiments historiques qui constitue une perte irréparable pour notre cité, ou si, en tant qu'historien, il s'est borné à rappeler ces événements, démontrant ainsi la nécessité de mesures de protection du patrimoine.

C'est la raison pour laquelle notre législation comprend des zones protégées, qui ont été votées et agrandies au fil des années, parallèlement aux demandes de démolition de ceux qui n'éprouvaient aucun respect pour ce patrimoine.

Comme vous le savez, Monsieur Lescaze, nous avons créé la zone protégée de la Vieille-Ville - agrandie à trois reprises - la zone du vieux Carouge, d'autres zones 4B protégées, dans le but de conserver un patrimoine qui vous est aussi cher, j'ose l'espérer, qu'à nous-mêmes.

Voici quinze ans, les bourgs de Chêne et de Chêne-Bougeries étaient situés en troisième zone de développement, ce qui permettait de démolir tous les bâtiments anciens. Une première modification de zone est intervenue à Chêne-Bourg, après la destruction tragique des immeubles longeant la rue de Genève et la création de l'avenue «Ceaucescu» - c'est le nom que je lui donne ! - reliant l'avenue Peillonnex à Moillesulaz. Cette modification nous a permis de sauver le vieux bourg de Chêne-Bourg, au niveau de la rue du Gothard, en le plaçant dans une zone 4B protégée votée par le Grand Conseil en 1983 ou en 1984.

A l'époque, il apparaissait incohérent de sauver le vieux Chêne-Bourg sans faire de même pour le bourg de Chêne-Bougeries d'un intérêt historique incontestable sur le plan du patrimoine. En raison de l'opposition des autorités communales de Chêne-Bougeries, la modification de zone n'est intervenue que sur la partie sud de la rue de Chêne-Bougeries, partie mise en zone 4B pour protéger cette rangée d'immeubles dont la plupart ont été restaurés ces dernières années. Aujourd'hui, on peut en apprécier la qualité.

Il aurait été évidemment incongru de ne sauver qu'un côté de la rue et pas l'autre, l'intérêt du village de Chêne-Bougeries, comme Mme Deuber-Pauli l'a rappelé, résidant dans la cohérence de ses maisons et de ses rues.

Le côté sud de la rue étant en zone 4B protégée, il est parfaitement logique d'y mettre le côté nord. C'est le but que nous poursuivons.

La loi cantonale sur l'aménagement du territoire donne la possibilité à trois institutions de proposer des modifications de zones. Ces institutions sont le Conseil d'Etat, les communes et le Grand Conseil. En effet, après que ce droit d'initiative eut été accordé aux communes, le Grand Conseil a pu, lui aussi, proposer et voter des modifications de son propre chef.

Si le Grand Conseil veut proposer une modification de zone, il doit, selon la procédure, voter une motion invitant le Conseil d'Etat à mettre le projet de modification de zone à l'enquête publique.

Par conséquent, nous avons rédigé le projet de modification de zone en copiant quasiment celui voté pour le côté sud. Nous l'avons annexé à la motion déposée avant la décision de la commission de recours - ce que vous savez parfaitement bien - motion demandant que la modification de zone soit engagée sur la base du projet annexe.

Il est vrai, Monsieur Lescaze, que depuis le dépôt de cette motion et du projet, un fait nouveau est intervenu que je déplore vivement, tout comme Mme Deuber-Pauli. On a renoncé à sauver des éléments de notre patrimoine et on est en train, vraisemblablement, de démolir deux immeubles.

Cette situation inattendue nous amène à compléter le projet de loi dont nous demandons la mise à l'enquête publique. M. Joye a déclaré, tout à l'heure, que si l'alignement était conservé - ce que nous demandons dans notre proposition de modification de zone - les propriétaires seraient d'accord de reconstruire à l'identique et qu'ils avaient d'ailleurs déjà pris des engagements dans ce sens. Nous prenons M. Joye au mot en ajoutant un alinéa 2 à l'article 2 de notre projet, soit :

«2En cas de reconstruction d'un bâtiment, celle-ci doit être réalisée dans l'alignement des bâtiments existants, avec un gabarit et un nombre de niveaux identiques au bâtiment démoli.»

Je remets au président cet amendement apporté à notre projet de modification de zone qui devra être mis à l'enquête publique si, comme nous l'espérons, la motion est adoptée ce soir.

Il ne s'agit pas d'une revanche, Monsieur Lescaze. Ce projet de loi a été déposé hier. Nous avons dit et dirons encore ce que nous pensons de la politique de démolition menée par M. Joye, mais pas ce soir. Nous constatons simplement qu'il y aura un trou à combler dans cet alignement d'immeubles. Notre projet prévoit d'ores et déjà comment il devra l'être.

Une voix. Au carbone 14 !

M. Pierre Froidevaux (R). Faut-il adapter notre habitat au cours du temps ? Faut-il figer notre patrimoine ? A-t-on le droit de rêver à un demain différent, Monsieur Grobet ? Ce demain doit-il être bâti, reconstruit ou rénové ? Nous sommes tous dans l'échelle du temps, nous et ce que nous produisons. Les auteurs de ces projets de loi et de motion voudraient immortaliser des immeubles qui, eux aussi, ont leur propre échelle, une échelle de trois cents ans !

Avant, pendant et après ces trois siècles, nos citoyens n'ont cessé de bâtir Genève. Chaque développement en a permis un autre. Les habitants de Chêne avaient leurs propres objectifs en construisant ces maisons. Leur village-rue garantissait, à l'époque, l'avenir de leurs enfants. Permettez-moi de croire que ces immeubles n'ont plus de sens aujourd'hui, ni pour l'habitant ni pour le commerce. Ils témoignent simplement du passé. S'il fallait suivre les auteurs de cette proposition de motion, nous devrions nous y adapter et oublier l'avenir. C'est trop triste !

Nous grandissons dans l'espoir de faire mieux que nos parents. C'est, du moins, l'esprit positif qui m'anime et qui me donne le sens du mot «demain». Demain, nous continuerons de bâtir Genève en lui apportant le savoir-faire accumulé au cours des siècles : c'est le vrai sens du mot «patrimoine». Maintenir les vieilleries, coûte que coûte, c'est établir une collection «patriarde» !

Il est vrai que certains de nos concitoyens ne se retrouvent pas dans la modernité. Leurs espoirs ne vivent que de réminiscences. Cela me peine, car notre rôle essentiel, dans ce parlement, est d'offrir des solutions pour demain.

Pour les auteurs de la motion, des maisons construites en boulets enchâssés dans un ciment vieux de trois cents ans, craquelées par des infiltrations d'eau, le gel et le dégel, sont la solution. Pourtant, personne n'a osé y entrer depuis deux ans, la poutraison étant trop pourrie; la sécurité la plus élémentaire n'existait plus. Afin d'éviter des accidents dans la rue de Chêne-Bougeries, il a fallu installer des auvents. L'eau de pluie a été ainsi rabattue sur les façades, dégradant et minant rapidement la vieille structure des bâtiments.

Les quatre experts ont été unanimes à conclure ce qui suit  : pour que les murs puissent encore résister à une contrainte quelconque - même la neige en est une - il faudrait les encastrer dans un système de poutrelles lourdes, mais après la dépose du toit, Monsieur Grobet ! Or, enlever le toit est un risque qu'aucun ingénieur n'a osé prendre, les bâtiments pouvant débouler brutalement sur la chaussée. La justice l'a confirmé ce soir.

Cette situation catastrophique serait due, selon vous, à une volonté délibérée de je ne sais quel Machiavel. Or elle n'est que la résultante des lenteurs des procédures administratives que nous n'avons cessé de dénoncer dans ce parlement. Pourtant, le 8 février 1991, le chef du DTP d'alors avait classé la zone sud de la rue de Chêne-Bougeries. Il avait, alors, tout loisir d'unifier la zone. Il ne l'a pas fait. Et pour cause ! Une expertise de la CMNS avait conclu à l'absence de tout élément à l'éventaire, même à l'intérieur des maisons.

La zone étant en développement, la commune a entamé la procédure habituelle en vue de sa reconstruction. Elle a fait appel aux meilleurs architectes de notre temps qui ne sont évidemment pas ceux du XVIIe siècle ! Ces architectes ont eu mandat de maintenir un lieu attrayant pour les habitants de la commune. Nous avons confiance en eux, mais vous, par définition, jamais. Votre politique n'ayant pas de perspectives, vous obligez les citoyens de ce canton à vivre dans l'urgence : cette motion doit être traitée en urgence ! Il faut assurer la sécurité des citoyens en urgence ! Il faut dépenser on ne sait quoi en urgence, pour maintenir ce qui ne tient plus debout ! Pour finir, il faut tout détruire en urgence...

Pourtant, l'habitat de l'avenir doit être adapté aux conditions d'aujourd'hui qui ne ressemblent jamais tout à fait à celles d'hier. Il en est des maisons comme des hommes, Monsieur le député Grobet. Elles ne peuvent être et avoir été. Si vous ne parvenez pas à choisir entre ces deux états, nous voulons bien le faire à votre place.

M. Bernard Lescaze (R). Je tiens à préciser que je n'ai pas contesté la procédure utilisée. Elle est parfaitement légale. D'ailleurs, nous savons que M. Grobet connaît parfaitement les arcanes du droit.

Ce que j'ai contesté et conteste toujours formellement, c'est la motivation. En effet, je suis persuadé qu'au-delà du souci, digne d'intérêt, de la conservation patrimoniale, que vous avez exprimé, vous et Mme Deuber-Pauli, votre motivation est politique et punitive. Vous ne pourrez pas m'enlever cela de la tête !

Je conteste formellement l'amendement que vous venez d'apporter. Il m'a littéralement stupéfait ! Comme vous ne pouvez plus rien proposer, ne serait-ce qu'un empaillage - on sait combien les associations de protection du patrimoine y sont hostiles - vous voulez nous imposer une reconstruction à l'identique, c'est-à-dire un décor, une sorte de façade d'un village Potemkine ! Mais enfin... Vous avez été, durant douze ans, un chef redoutable et redouté du département des travaux publics ! J'ose espérer que pendant tout ce temps-là vous avez aussi soutenu l'architecture contemporaine.

Si votre amendement avait parlé de volumes, de gabarits, d'emplacements à maintenir, toutes notions d'ailleurs bien connues de la loi, nous aurions pu le comprendre. Mais spécifier que vous voulez une construction à l'identique, c'est une idée aussi absurde que celle qu'avait eue Mme Deuber-Pauli, quand elle voulait faire reconstruire, à l'identique et tout en bois, le petit restaurant de la gare des Eaux-Vives.

Ne serait-ce que pour contrer cette absurdité et laisser une chance à tous les architectes de cette cité, retirez cet amendement, Monsieur Grobet ! Si vous vous y refusiez, j'inviterais cette assemblée à le biffer.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Le docteur Froidevaux soigne très bien les corps humains en diagnostiquant les maladies. En revanche, c'est un piètre amateur en matière d'urbanisme. (Huées.) Cela fait deux siècles que dure le débat qu'il entend réduire à une intervention de cinq minutes.

Ce débat de deux siècles a commencé, grosso modo, avec le vandalisme révolutionnaire français. Il s'est poursuivi à travers tous les inventaires du patrimoine du XIXe siècle, encore dressés aujourd'hui. Il n'a cessé d'être ponctué par la querelle des anciens et des modernes, par des luttes théoriques et intellectuelles. Il y eut des opérations de sauvetage et des créations d'associations de protection du patrimoine, dont certaines fort anciennes dans notre pays : la Société d'art public a donné le branle, à Genève, à l'existence du Heimatschutz.

Le même débat a culminé quand les «modernes» des années 30 croyaient pouvoir raser la ville pour en construire une plus heureuse, plus sociale, plus ensoleillée et mieux adaptée au style de vie contemporain.

Or, nous savons aujourd'hui quelle subtile alchimie, quelle habile dialectique régissent les centres historiques, le marquage du territoire et son expansion. Lorsque le bourg de Chêne vit le jour, ce canton comptait environ trente mille habitants. Aujourd'hui, il en a quatre cent mille. Entre-temps, on a pu développer une ville moderne, tout en ayant à coeur de préserver son centre historique. Les lois de protection sont l'émanation de la volonté populaire. Elles ont été conquises par des luttes.

C'est de cette dialectique dont il est question aujourd'hui et dans son maniement, il faut être honnête, Monsieur Froidevaux ! Vous devez reconnaître la nature historique et l'émanation sociale des débats esthétiques, politiques et économiques sur la cité. Il en va de même pour les débats sur l'architecture et l'urbanisme. Aujourd'hui plus personne, dans une école d'architecture, ne songerait à n'enseigner que la construction ou le développement urbain. Partout, les facultés et les instituts accueillent des écoles de restauration, des centres de rénovation urbaine, de réhabilitation et de protection du paysage et du patrimoine architectural.

Même l'avenir économique de notre canton peut être touché quand on sait qu'une partie de son attraction provient de la beauté de son site, de son patrimoine architectural et de son centre historique.

Je souhaite revenir sur ce qui a été dit de notre projet de motion. Nous l'avons rédigé il y a une quinzaine de jours et n'avons appris qu'avant-hier, à notre grande stupéfaction, que les deux immeubles 13/15 rue de Chêne-Bougeries allaient être détruits. Il n'a jamais été question, à leur propos, de préconiser qu'ils fussent reconstruits sous la forme d'un pastiche. J'ai horreur de cela, et je voudrais que l'amendement de M. Grobet soit distribué, parce qu'il parle explicitement d'une réalisation dans l'alignement des bâtiments existants, avec un gabarit et un nombre de niveaux identiques. Cela s'appelle de la dentisterie et évite les aberrations que l'on peut constater à la route de Chêne, où des instituts bancaires excèdent de trois niveaux les bâtiments adjacents. Nous pouvons regretter ces accidents, assez épouvantables, dans un alignement architectural homogène. C'est pourquoi nous préconisons une intervention qui pourra être de l'architecture que l'on voudra dans les gabarits existants, pourvu qu'elle soit bonne.

Vous savez que des dispositions analogues sont prévues pour les ensembles du XIXe siècle et du début du XXe. Elles découlent de l'excellente loi Blondel promulguée pour dissuader les démolisseurs et pour reconstruire dans les gabarits existants, avec le même nombre de niveaux. Cette loi n'est pas que dissuasive, elle a aussi une fonction d'intégration. En dentisterie, on cherche à faire des dents qui ressemblent aux voisines.

Je vous invite à reconsidérer ce plan. Vous y verrez le type de développement urbain prévu à l'arrière de l'alignement du bourg, sur le site des anciennes campagnes. C'est parce qu'il n'y a plus de place au-delà de l'alignement proprement dit des maisons, de leurs cours et dépendances, que le périmètre à protéger est limité, alors que, sur le côté sud, il inclut les jardins et les légers versants descendant vers la Seymaz en englobant la très belle propriété de la Bessonnette.

Je vous demande d'accepter très rapidement cette proposition de motion pour qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat.

M. Olivier Vaucher (L). Après avoir entendu mes préopinants, je me dois de faire part de constatations qui m'amèneront à renouveler ma demande de renvoi en commission.

Madame Deuber-Pauli, vous avez dit avoir vécu un jour noir et vous en avez revêtu l'habit. Quant à moi, je préfère qu'il soit noir pour une déception architecturale, que je partage, plutôt que pour des décès pouvant survenir suite au détachement d'un fragment de la façade.

Tant vous-même que M. Pagani n'avez pas parlé des problèmes de sécurité, alors que vous l'avez fait en abondance, tout à l'heure, à propos du CERN.

Alors, permettez-moi de préférer un jour noir pour une question d'architecture que pour des personnes tuées.

Madame Deuber-Pauli, vous nous avez décrit, sur le plan, l'ensemble formé par la partie nord de la rue de Chêne-Bougeries. En l'occurrence, toute la partie sud méritait d'être protégée, et nous en avions soutenu le projet en son temps. En effet, elle présente un intérêt historique et architectural allant jusqu'au vieux bourg et ceci depuis la propriété familiale de la Bessonnette. Nous avions là un élément digne d'être maintenu.

Considérez, chère Madame, le petit triangle d'immeubles qui reste de l'autre côté et les immeubles modernes à l'arrière-plan. Vous constaterez que leur valeur est contestable et qu'ils n'ont pas la qualité de ceux qui étaient implantés dans la partie sud de la rue.

L'amendement proposé demande une reconstruction dans l'alignement, conforme aux gabarits existants. Je doute que vous passiez souvent par cet endroit, parce que moi qui y passe tous les jours je subis des heures d'attente que ce soit en voiture ou en tram. Ce goulet provoque des queues jusqu'à Grange-Canal !

Si on accepte une démolition/reconstruction, on pourra aussi accepter un élargissement qui, en assurant la fluidité de la circulation, permettra aux transports publics de rouler normalement.

C'est pour ces différentes raisons que je maintiens ma demande de renvoi de cette motion en commission.

Le président. Il y a une heure que nous débattons d'un sujet... (Brouhaha.) Permettez que je fasse une observation ! Je disais que nous débattons, depuis une heure, d'un sujet qui porte sur un projet de loi annexé à une motion et amendé en séance plénière, alors qu'il devra, de toute manière, revenir devant ce Grand Conseil pour y être traité en finalité. A ce moment-là, vous pourrez l'amender tant que vous voudrez.

Je vous fais remarquer que si la motion est renvoyée au Conseil d'Etat, le projet de loi sera soumis à deux enquêtes publiques. Il sera soumis à la commune soit à son Conseil municipal qui devra préaviser.

Tous vos amendements seront revus et corrigés tant à la commission d'aménagement qu'en séance plénière.

Nous accomplissons en ce moment un travail très inefficace. Je donne la parole à M. Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Vaucher, votre intervention est caractéristique. Vous distinguez la qualité patrimoniale du côté sud de la rue de Chêne-Bougeries et vous contestez celle du côté nord, alors qu'il s'agit de bâtiments quasiment identiques, datant de la même époque.

Il est vrai que le côté sud comporte un ou deux bâtiments d'une architecture plus élaborée, mais, globalement, les deux côtés sont identiques.

Vous me faites un peu penser à M. Froidevaux qui semble vouloir tout démolir. Sur votre lancée, Monsieur Vaucher, vous pourriez proposer la démolition du côté impair de la rue des Granges en arguant du fait que seules les maisons patriciennes du côté pair sont intéressantes !

Il y a peut-être des immeubles côté cour qui n'ont pas la même qualité que ceux orientés de l'autre côté. Néanmoins, ils s'inscrivent dans un ensemble intéressant.

Vous souhaitez, en fait, l'élargissement de la rue de Chêne-Bougeries - vous l'avez dit à la fin de votre intervention. Nous n'en voulons pas, et nous le disons dans notre motion. Nous nous opposons à l'élargissement de cette rue pour ne pas répéter l'erreur commise, dans les années 60, avec l'ouverture de cette grande avenue qui va de la rue Peillonnex à Moillesulaz.

Actuellement, les transports publics fonctionnent bien, grâce à des feux régulateurs. Il est vrai que le trafic automobile n'est pas aussi fluide que vous le souhaitez, et c'est une bonne chose ! Ce trafic devrait emprunter l'autoroute blanche pour que la priorité soit réservée aux transports publics sur la route de Chêne et la rue de Chêne-Bougeries.

J'en viens à l'amendement proposé au projet de loi. Monsieur Lescaze, vous l'avez caricaturé d'un ton très péremptoire. Maintenant que vous en avez le texte, vous voyez que nous n'imposons pas une expression architecturale. Nous nous prononçons uniquement sur la question que vous avez évoquée vous-même, à savoir celle du gabarit.

M. Bernard Lescaze. Je n'avais pas votre amendement sous les yeux !

M. Christian Grobet. Maintenant vous l'avez, et j'espère que vous êtes rassuré à double titre. Il est vrai que nous voulons éviter qu'un bâtiment reconstruit soit d'un gabarit supérieur à l'alignement, mais nous voulons aussi éviter qu'il soit d'un gabarit inférieur. C'est pourquoi nous proposons la création d'une zone 4B protégée. Je ne doute pas, Monsieur Lescaze, que vous connaissez le gabarit maximum des immeubles en zone 4B protégée. Sauf erreur de ma part, il est inférieur à celui des immeubles existants.

Vous devriez donc être plutôt rassuré par notre amendement qui permettrait, sans l'octroi d'une dérogation, une reconstruction selon le gabarit précédent, alors que les normes de la zone 4B protégée ne l'autoriseraient vraisemblablement pas.

Maintenant, je m'adresse au président. Vous ne m'avez pas encore dit, Monsieur Koechlin, parce que vous êtes plus décontracté que vos prédécesseurs...

Une voix. C'est une qualité !

M. Christian Grobet. Parfaitement, c'est une qualité qui a d'ailleurs prévalu pour votre élection au perchoir, Monsieur le président, quand nous avons joint nos voix à celles de vos amis politiques. Nous regrettons de devoir déposer ce modeste amendement en séance plénière, mais il intervient à la suite de faits nouveaux que nous ne pouvions prévoir. Comme Mme Deuber-Pauli l'a rappelé, ce projet de loi a été préparé il y a une quinzaine de jours, et nous ne pouvions pas imaginer l'événement survenu tout récemment.

Cela démontre, Monsieur Lescaze, que nous n'avions pas l'intention de réagir à des faits dont nous n'avions pas connaissance...

Maintenant que ces faits sont avérés, nous souhaitons que le projet de loi soit complété, parce que le Conseil d'Etat, Monsieur le président, est tenu, si la motion est votée, de mettre le projet de modification de zone à l'enquête publique pour que le Grand Conseil puisse se prononcer par la suite. Nous souhaitons que l'enquête publique porte sur le projet définitif, afin de ne pas faire des amendements en fin de course et risquer le reproche d'avoir ajouté une disposition nouvelle qui n'aurait pas été mise à l'enquête publique, ni portée à la connaissance du Conseil municipal de Chêne-Bougeries.

Voilà les scrupules qui nous animent, et je ne doute pas qu'en tant que spécialiste de l'aménagement du territoire vous compreniez pourquoi nous souhaitons ce complément dès ce soir.

Le président. Je comprends vos raisons, Monsieur Grobet ! Je soulignais simplement le fait que ce projet reviendra devant ce Grand Conseil, qu'il devra aussi être discuté et voté par le Conseil municipal sous forme de délibération soumise à référendum. Bref, vous connaissez la procédure aussi bien que moi.

M. Bernard Lescaze (R). J'ai également déposé un amendement, partiellement rédigé dans le sens de celui de M. Grobet. Je partage l'argument de mon préopinant en ce qui concerne la nécessité d'amender ce soir le projet de loi. En effet, même s'il n'est qu'annexé à la motion, il n'en constituera pas moins le texte de référence dont le Conseil d'Etat devra tenir compte.

L'exercice auquel nous nous livrons est traditionnel dans ce parlement. Monsieur le président, comme vous avez rappelé, lors de votre intronisation, que vous aviez vingt-quatre ou vingt-huit ans de parlement, en tout cas une éternité...

Le président. Douze ans, Monsieur !

M. Bernard Lescaze. ...vous êtes parfaitement au courant de la procédure !

Voici mon amendement qui consiste en un article 2 bis à intercaler entre les articles 2 et 3 :

«Les bâtiments démolis, selon l'article 2, seront reconstruits selon un traitement contemporain respectant volumes, gabarits et emplacements.»

C'est dire que nous approuvons l'obligation de respecter le volume, le gabarit et l'emplacement. En revanche, nous ne saurions accepter un pastiche. Comme nous devons être précis - Mme Deuber-Pauli et M. Grobet nous l'ont rappelé - nous souhaitons que soit inséré «...selon un traitement contemporain...».

Un traitement contemporain peut être de diverses natures. Nous n'avons pas voulu le préciser, bien que nous le souhaitions en pierres plutôt qu'en bois, en verre ou en béton. C'est pourquoi nous disons simplement «...selon un traitement contemporain...».

Voilà, Monsieur le président, l'amendement que je souhaite soumettre au suffrage de ce Grand Conseil.

M. Florian Barro (L). Je ne suis pas un fin juriste, mais il me semble que MM. Grobet et Lescaze se trompent sur la forme à adopter pour le dépôt de leurs amendements.

Dans le cadre d'une motion, on ne peut pas apporter des amendements à un projet de loi de déclassement, puisque sa rédaction est exclusivement du ressort du Conseil d'Etat et du département. C'est prévu par la loi d'application.

Seule la motion peut être amendée afin d'inviter le Conseil d'Etat à rédiger le projet de loi dans le sens voulu. En revanche, je ne crois pas que l'on puisse amender un projet de loi non débattu.

Je vous remercie de bien vouloir vérifier ce point, Monsieur le président.

Le président. Ce projet de loi étant nommément indiqué dans le texte de la motion, il est possible, par référence, de l'amender. Il existe des précédents.

M. Olivier Vaucher (L). M. Grobet m'ayant démontré, une fois de plus, sa parfaite méconnaissance des lieux, il est utile de lui fournir une explication.

Monsieur le député, il ne s'agit pas de construire une artère aussi importante que celle conduisant de Moillesulaz au goulet de Chêne-Bourg. Il s'agit d'élargir la rue de deux ou trois mètres, au niveau du décrochement de la partie nord, pour assurer une fluidité normale au trafic. Il n'est pas question de prévoir une autoroute à cet endroit !

De plus, vous connaissez mal ces bâtiments : ils sont déjà au gabarit de la zone 4B. A cinquante centimètres près, j'en conviens.

Je me suis permis d'apporter ces précisions, car, une fois de plus, vous intervenez sur des sujets que vous ne connaissez pas suffisamment.

M. John Dupraz (R). Je serai plus réservé que M. Vaucher. Dire à M. Grobet qu'il parle de ce qu'il ne connaît pas, c'est s'avancer imprudemment... Habituellement, M. Grobet connaît les dossiers dont il parle !

Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute, et M. Grobet ressemble un peu au chat qui fait patte de velours et sort subitement ses griffes.

Je m'étonne de la précipitation avec laquelle on a déposé ce projet. Certains événements, confirmés par la commission de recours, peuvent l'expliquer.

Si ce projet est prêt depuis quinze jours, pourquoi ne pas suivre la voie normale ? En l'occurrence, le Conseil d'Etat joue dans son ancienne formation, si j'ose cette expression, alors qu'il en aura une nouvelle dès lundi. Dès lors, il serait pertinent, dans une affaire aussi importante, d'avoir l'avis du nouveau conseiller d'Etat en charge du département des travaux publics.

Renvoyer maintenant cette motion au Conseil d'Etat, c'est agir avec précipitation. Cela ne changera pas le cours des choses. A mon avis, il serait préférable de suspendre nos travaux et de reprendre le débat en la présence du nouveau Conseil d'Etat et de la personne qui sera chargée de traiter le dossier.

Tout à l'heure, Monsieur Grobet, vous faisiez référence aux années 60. Il est vrai que nous avons beaucoup démoli durant cette période. Hélas, tous les partis, y compris le parti socialiste auquel vous apparteniez et celui auquel vous appartenez maintenant, ont donné la priorité à la voiture et nous avons détruit un réseau de transports publics exceptionnel, d'une qualité remarquable, qui permettait de relier en tramway Chancy à Hermance.

Les choses étant ce qu'elles sont, nous reconstruisons, à grands frais, ce que nous avons détruit. Les options politiques ont changé.

Rien ne presse en la matière. Le dossier est délicat, certains événements ont choqué quelques-uns d'entre nous, et, à mon avis, il est urgent d'attendre la prochaine séance pour avoir l'avis du nouveau conseiller d'Etat qui sera chargé de ce dossier ou aller en commission.

Renvoyer maintenant la motion au présent Conseil d'Etat m'apparaît donc prématuré, puisqu'il ne sera plus en charge de cette affaire.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Vaucher, je me suis exprimé en termes prudents, n'étant pas certain que les bâtiments actuels dépassent ou non le gabarit de la zone 4B protégée. Vous dites que tel est le cas. L'amendement, déposé par précaution plus que pour l'exacte mensuration des immeubles, est donc pleinement justifié.

Monsieur le président, je souscris à ce qu'a dit M. Barro. Ce soir, nous voterons uniquement la motion, laquelle comporte notre proposition en annexe. Je crois qu'en tant qu'auteurs du projet de loi nous avons le droit de le modifier avant le vote de la motion.

Je m'en rapporte à votre sagesse, Monsieur le président, mais je ne crois pas que nous pouvons voter ne serait-ce que la prise en considération de ce texte de loi.

Le président. Il n'est pas question de voter le projet de loi, Monsieur le député. C'est une annexe à la motion.

M. Christian Grobet. Je dis simplement que nous apportons un complément au projet de loi et que nous nous opposons à ce que M. Lescaze, qui n'en est pas le coauteur, puisse y apporter un amendement. Le complément a été approuvé par les coauteurs socialistes et Verts.

Je remercie M. Dupraz de ses aimables propos. Le futur chef du département des travaux publics a certainement eu connaissance de ce projet qui a circulé dans les trois partis avant le dépôt, hier, de la motion.

Nous ne pouvons donc accepter qu'une personne, non coauteur de notre projet, le complète.

Je tiens encore à vous dire, Monsieur Lescaze, que nous nous opposons à ce que la loi fixe le traitement architectural des immeubles à construire. A teneur de la loi sur les constructions, elle doit uniquement régler les problèmes de gabarit, d'alignement et d'implantation. Le traitement architectural est de la compétence du département. Ce dernier devra l'examiner après avoir pris l'avis des différentes commissions consultatives. Il serait erroné de fixer, par des termes, une expression architecturale dont on ignore tout.

Nous ne sommes pas partisans d'une solution pastiche, mais nous ne pouvons pas inscrire dans la loi l'obligation de construire un immeuble contemporain. Il le sera de toute façon, puisqu'il sera bâti à la fin de ce siècle. Je n'entrerai donc pas en matière sur la proposition de M. Lescaze.

Le président. Laissez-moi apporter un éclaircissement sur la forme. Il faut s'en tenir à l'esprit de la loi, dont je vous rappelle l'historique :

Initialement, des députés, notamment du parti du Travail, avaient déposé, selon les formes, un projet de loi pour la gravière de Meyrin. Ce projet a été renvoyé en commission. S'en est suivi un deuxième pour Pregny, déposé par le groupe des Vigilants, lequel a subi le sort du premier.

C'est alors que nous nous sommes rendu compte qu'en matière de déclassements les députés de ce Grand Conseil ne pouvaient pas se borner à déposer des projets de lois, parce que la loi d'aménagement du territoire impose que lesdits projets fassent d'abord l'objet d'une première enquête publique, puis qu'ils soient soumis au conseil municipal appelé à se prononcer sous forme de délibération soumise à référendum. Ensuite vient la deuxième enquête publique à l'issue de laquelle le projet de loi peut enfin être soumis à ce Grand Conseil.

Or, ces projets de lois - soumis au Grand Conseil après toute cette procédure - sont tous renvoyés, pour étude, à la commission d'aménagement.

Comme cette procédure n'était pas possible pour les députés, il a été décrété, dans la LALAT, qu'ils ont la faculté de déposer une motion, accompagnée d'un projet de loi de déclassement; que, dès lors que cette motion lui était renvoyée, le Conseil d'Etat était tenu de faire procéder aux enquêtes publiques et de requérir le préavis de la commune sous forme de délibération, de manière qu'ensuite ce même projet de loi, découlant de la motion, revienne devant ce Grand Conseil et subisse la procédure usuelle.

Je vous vois acquiescer, Monsieur Grobet, et j'en suis bien aise. Je m'étonne que cette motion, relative à un déclassement, n'ait pas été traitée comme n'importe quel projet de loi de déclassement. Autrement dit, je suis surpris que ce débat, qui dure depuis une heure et demie, n'ait pas eu lieu en commission, ce qui nous aurait permis de traiter du projet en toute sérénité, puis de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

En ce moment, nous accomplissons, en séance plénière, un travail qui aurait dû être fait en commission. C'est inopportun, et je me suis permis de le relever tout à l'heure.

Eu égard à l'esprit de cette loi que nous avons votée à cause de cette procédure particulière aux projets de déclassement, je pense qu'à partir du moment où l'on décide de discuter en plénière de la motion et subséquemment du projet de loi, tout député peut apporter un amendement à ce dernier. C'est mon interprétation de la loi.

A mon avis, il vaudrait mieux renvoyer le tout à la commission pour que s'y fasse le travail d'élaboration du projet lui-même, avec les auditions qui s'imposent : celles de la commune et des différents intéressés notamment.

Voilà pourquoi il me semblerait sage que ce Grand Conseil renvoie cette motion à la commission d'aménagement, comme n'importe quel projet de loi de déclassement.

M. Claude Blanc (PDC). Je crois, Monsieur le président, que vous n'avez pas tout à fait raison ! Et si je me permets cette observation, c'est en référence aux articles 15 et 15A de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Je rappelle que l'article 15A a été ajouté à la suite des affaires de Meyrin et de Pregny.

L'article 15 stipule : «Toute modification des limites de zones définies à l'article 12 est soumise à l'approbation du Grand Conseil, conformément aux dispositions des articles 15A et 16.» L'article 15A décrète : «A cet effet, un avant-projet de loi est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil ou d'une commune. La demande du Grand Conseil est exprimée sous forme de motion. L'avant-projet est mis au point par le département, en collaboration avec la commune et la commission d'urbanisme, avant qu'il ne soit soumis, sur décision du Conseil d'Etat, à la procédure prévue à l'article 16.»

Par conséquent, il suffit de voter la motion pour que le Conseil d'Etat soit tenu de mettre la procédure en route.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je suis d'accord avec M. Blanc. Le Conseil d'Etat est tenu de mettre en route la procédure. Quand le législateur a édicté ce texte, il ne voulait pas obliger le Grand Conseil à rédiger un projet de loi annexe lors du dépôt d'une motion pour une modification de zone. Il peut se borner à le demander au Conseil d'Etat.

Mais il peut aussi faire ce que nous avons fait, c'est-à-dire rédiger lui-même un projet de loi intégré dans la motion.

C'est la nuance qui caractérise cette motion, qui reste une motion bien qu'elle intègre un projet de loi.

Nous partageons votre point de vue et pouvons donc voter cette motion maintenant.

Le président. Monsieur Blanc, je vous rappelle que la ferme Saint-Georges avait fait l'objet d'une motion dont j'étais un des signataires. Cette motion était accompagnée d'un projet de loi de déclassement.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je reviens sur quelques termes utilisés durant cette discussion :

1. L'ignominie, à propos des goulets de Chêne-Bourg et de Chêne-Bougeries. Madame Deuber-Pauli, quel vocabulaire exagéré pour des constructions certes sympathiques ! Il n'est pas question de réaliser une avenue Desjacques, mais de rétablir un trafic limité à quatre voies et sans berne centrale.

2. Carouge, le goulet, même combat ! Comme M. Lescaze, j'ai apprécié la petite avancée du temple protestant et la notion de valeurs patrimoniales différentes. Comme lui, je pense que nous devons distinguer clairement Carouge du goulet.

3. Transformation d'une zone 3 de développement en zone 4B. C'est bien tard pour le faire ! Pourquoi ne vous en êtes-vous pas préoccupés plus tôt ? Nous nous trouvons devant une logique visant à empêcher tout développement du projet. Mieux vaut mettre en parallèle deux idées importantes plutôt que de les opposer : protéger le patrimoine, oui, mais il faut créer le patrimoine de demain là où le patrimoine d'hier est bien chétif. Quelle pauvreté d'imagination que de vouloir figer le développement d'un quartier. Je vous rappelle le concours de Chêne-Bougeries qui n'avait pas pour but de tuer le goulet, mais celui de trouver une solution à deux problèmes lancinants, parce que remontant à 1918. Je n'y suis pour rien si, pendant septante ans, respectivement quarante ans, aucun chef du département des travaux publics n'a jugé bon de s'occuper de ces deux goulets et négligé de contrôler et de retarder le processus de vieillissement engendré par une situation de non-décision qui annihilait - faute de bases juridiques d'aménagement valables - tout projet raisonnable émanant de cette assemblée.

Il est vraiment touchant de dire qu'il était incongru de ne pas s'occuper du côté nord de la rue, alors qu'on réglait le parti architectural du côté sud ! Celui qui ne comprend pas qu'un projet urbanistique longeant un axe implique le traitement simultané des deux côtés - cela se passait en 1981 - se trouve dans cette salle ! Quel manque de professionnalisme ! Quelle naïveté ! C'est vraiment touchant ! C'est facile de faire la leçon seize ans après, en oubliant qu'une démarche architecturale et urbanistique courageuse a suscité un concours, lequel a abouti à une démarche très originale, à bas gabarit, c'est-à-dire le contraire du projet de bâtiments élevés actuellement en vigueur et qu'aucun chef de département n'a contesté jusqu'ici.

4. Politique de démolition, politique de classement. Monsieur Grobet, j'ai classé plus d'objets en quatre ans que vous en...

M. Christian Grobet. Cassé ?

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Classé !

5. Reconstruction à l'identique. Vous venez avec un projet de loi hyper tardif qui réduit à néant quatre ans d'efforts encouragés par une démarche de grande qualité : le maintien de l'esprit du goulet avec deux voies de tram et deux voies de circulation sans berne centrale.

Etrange planète que celle où les apôtres des transports publics prônent partout la fluidité du trafic communautaire tout en consacrant des zones d'étranglement pour maintenir les restes d'une architecture, certes intéressants sur le plan historique, mais pour lesquels des valeurs de remplacement contemporaines de haute qualité ont été proposées à un conseil administratif et un conseil municipal qui furent unanimes à les accepter.

Combien de cars de touristes s'arrêtent-ils à la place du Marché, à Carouge, ou devant l'église de la Sainte-Trinité de Brunoni, à la rue de Lausanne ? Combien de programmes de visite de Genève prévoient-ils les deux goulets dans leurs itinéraires ? Madame Deuber-Pauli, comment expliquez-vous le succès de la maison communale de Norman Foster à Nîmes ? Ce bijou architectural contemporain jouxte le temple gallo-romain, un objet historique aussi intéressant que le goulet, vous en conviendrez ! Comparer les alignements de la route de Chêne au projet contemporain tout en nuances de M. Riess avec son projet à bas gabarit est soit une calomnie soit le reflet d'opinions exprimées, comme d'habitude, sans avoir examiné de manière scientifique le projet étudié à fond par la commune.

Madame la députée, nous avons l'habitude de vos déclarations brillantes et bien enlevées qui ne reposent pas sur une culture universitaire, comme nous pourrions nous y attendre de votre part, mais ressortent d'une volonté délibérée d'utiliser, à des fins politiques, l'aménagement du territoire et la conservation du patrimoine. Ce faisant, vous vous moquez éperdument de l'intérêt général et du droit à l'évolution contrôlée sur les plans urbanistique et artistique d'une commune.

Cette façon de projeter sur le goulet de Chêne-Bougeries l'image horrible d'une avenue «Ceaucescu», alors que le projet de M. Riess est tout en nuances, relève de l'escroquerie intellectuelle ! Il n'est pas correct d'utiliser ce genre de méthode pour essayer d'aveugler vos collègues parlementaires : ils méritent mieux que cela !

Au cours de cette législature, nous avons cherché et proposé une solution alternative pour ces deux goulets, bien éloignée d'un empaillage à la con et des bâtiments «air + fuites» proposés par les gouvernements précédents.

Cela dit, je vous propose de suivre l'avis de MM. Blanc et Koechlin (Ovation.)

M. Claude Blanc. Les empailleurs à la poubelle !

Le président. Je mets aux voix le renvoi en commission de cette motion et du projet de loi qui lui est annexé.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée par 45 non contre 39 oui.

M. Claude Blanc (PDC). Les motionnaires ont présenté, à l'appui de leur motion, un texte sous forme de projet de loi. Ils auraient dû, par égard pour notre parlement - mais ils n'en ont pas, bien évidemment ! - présenter ce texte sans le reprendre trois fois au cours du débat. Il a été tellement remanié que l'on ne s'y retrouve plus !

Cela dit, il est clair que nous n'avons pas à discuter de ce texte, tel qu'il est présenté. C'est une annexe de la motion et la majorité transmettra les deux documents au Conseil d'Etat. Nous n'avons pas à nous prononcer là-dessus.

Mme Christine Sayegh (S). J'interviens dans ce sens. Nous prenons acte des exposés des motifs et des amendements, puis nous les renvoyons avec la motion au Conseil d'Etat.

J'ai un petit amendement à proposer à celui de M. Grobet. J'ai remarqué qu'il a écrit «...au bâtiment démoli» au singulier. Il me semble plus judicieux de mettre ces termes au pluriel, soit :

«...aux bâtiments démolis.»

M. John Dupraz (R). J'ai proposé de suspendre nos travaux sur cet objet jusqu'à la séance prochaine...

Une voix. Non...

M. John Dupraz. ...pour connaître l'avis du nouveau conseiller d'Etat. Il me semble particulièrement discourtois de renvoyer cette motion au présent Conseil d'Etat sans avoir l'avis de celui qui entrera en fonctions lundi. Il est inadmissible de nous prononcer sur un texte renvoyé au Conseil d'Etat sortant, en ignorant ce qu'en pensera le nouveau !

C'est vraiment un curieux procédé qu'utilise la gauche ! (Interruption de M. Christian Grobet.) Monsieur Grobet, vous livrez un combat d'arrière-garde, la commission de recours vous a giflé ! En tant que candidat au nouveau Conseil d'Etat, ayez la courtoisie de laisser vos futurs collègues s'exprimer sur cet objet d'ici quinze jours. La République n'est pas en danger ! Pourquoi ne pas faire preuve d'un peu de civilité vis-à-vis du nouveau Conseil d'Etat qui recevra cet objet sans avoir pu se prononcer sur nos demandes ?

C'est un procédé discourtois.

M. Bernard Lescaze (R). Je vous informe du retrait de mon amendement. En effet, les explications sur la procédure de vote, bien qu'elles ne me satisfassent pas complètement, me semblent aller dans le bon sens en ce qui concerne le refus du pastiche de M. Grobet.

Je dirai à mon honorable collègue John Dupraz que je ne vois rien de discourtois dans le comportement des gens d'en face. Bien au contraire ! Ils s'efforcent de tirer une épine du pied de M. Moutinot, mais nous ne sommes pas dupes.

Le président. Je mets aux voix la proposition de M. John Dupraz de suspendre ce débat et de le reprendre à la prochaine séance.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

Le président. Je mets maintenant aux voix la motion avec son annexe amendée.

Mise

aux voix, cette motion avec son annexe amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

sur la création d'une zone 4B protégée à Chêne-Bougeries

Vu l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (ci-après LaLAT) instituant un droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'adoption de plans de zone,

LE GRAND CONSEIL,

par ces motifs,

invite le Conseil d'Etat

à renoncer à tout projet d'élargissement de la route cantonale formée par la rue de Chêne-Bougeries et à engager la procédure d'adoption des plans de zone, prévue à l'article 16 LaLAT, pour le projet de modification du régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries annexé à la présente motion.

ANNEXE

PROJET DE LOI

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan annexé au présent projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (extension d'une zone 4B protégée avec abrogation de la zone de développement 3) est approuvé.

2 Les plans des zones annexées à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

1 Les bâtiments situés dans le périmètre de la zone 4B protégée et construits avant 1920 doivent être maintenus et ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf. Vu leur intérêt historique, le département des travaux publics et de l'énergie peut ordonner l'exécution de travaux de restauration et accorder, le cas échéant, des subventions à travers le Fonds cantonal des monuments, de la nature et des sites.

2 En cas de reconstruction d'un bâtiment, celle-ci doit être réalisée dans l'alignement des bâtiments existants, avec un gabarit et un nombre de niveaux identiques aux bâtiments démolis.

Art. 3

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article 1.

Art. 4

Un exemplaire du plan susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

Le président. Nous arrivons au terme de nos travaux. Nous les reprendrons le 18 décembre. Monsieur Pagani, vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Avant que la séance ne soit levée, je souhaite dire quelques mots... (Brouhaha.)

Le président. Silence ! Laissez parler l'orateur ! (Brouhaha.) Monsieur Pagani, il fallait demander la parole avant, la séance a été levée.

M. Rémy Pagani. Je l'avais demandée avant, Monsieur le président. En ce qui concerne... (Le président coupe les micros.)

 

La séance est levée à 23 h 30.