République et canton de Genève

Grand Conseil

No 43/VI

Jeudi 25 septembre 1997,

soir

Présidence :

Mme Christine Sayegh,présidente

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Erica Deuber-Pauli, Marlène Dupraz, Laurette Dupuis, Luc Gilly, Yvonne Humbert, Philippe Schaller, Evelyne Strubin et Yves Zehfus, députés.

3. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. J'ai une déclaration importante à vous faire au sujet de la décision prise, cet après-midi, par le conseil d'administration de Swisscontrol.

Le conseil d'administration a décidé de répartir les activités de Swisscontrol sur deux sites au lieu des trois que sont Genève, Berne et Zurich.

Désormais, les activités de Swisscontrol seront réparties sur deux sites, dont le principal est Genève, le secondaire, Zurich.

Le site principal de Genève se verra confier le contrôle de l'espace aérien supérieur de la totalité de la Suisse, à savoir l'espace contrôlé à partir de 9 000 m, ainsi que le contrôle de l'espace aérien inférieur de toute la Suisse occidentale. De plus - et c'est d'une importance extrême - Genève recevra le siège de Swisscontrol, sa direction et son administration centrale.

Zurich, désormais site secondaire, est chargé du contrôle de l'espace aérien inférieur de la Suisse orientale, Tessin compris, ainsi que de la formation de base, une mesure déjà prise le mois passé.

Dès lors, nous pouvons affirmer que tous nos objectifs sont atteints et que ces décisions sont fort positives pour Genève, qui non seulement maintient mais assure encore le développement des activités de Swisscontrol. L'espace aérien, placé sous son contrôle, est considérablement augmenté et le transfert, sur son territoire, du siège et de l'administration centrale de Swisscontrol garantit le maintien des trois cent soixante emplois existants - ce n'est pas rien ! - et la création à terme de cent septante emplois nouveaux : septante seront créés à très court terme et une centaine le seront d'ici 2004 et 2005.

En outre, la décision de Swisscontrol réserve la collaboration future de Genève avec les pays voisins et donne davantage de chance à la conclusion d'une convention internationale avec la France pour faire de Genève un centre de contrôle aérien commun entre la Suisse et une partie importante du territoire délégué français. Des possibilités de collaboration existent également avec l'Allemagne, puisqu'il résulte du rapport Kinbaum, consultant allemand mandaté par Swisscontrol, que ce pays se déclare ouvert à une coopération avec le centre de Genève, pour une partie de son territoire soumis au contrôle aérien.

Je voudrais vous dire la satisfaction du gouvernement genevois et mes remerciements au Grand Conseil pour son appui. Il remercie également les autres cantons romands et les chambres de commerce romandes de leur soutien qu'il entend souligner ici. (Applaudissements.)

La présidente. Nous saluons à la tribune du public la présence d'élèves de l'école de Sécheron, sous la conduite de Mme Martine Renaud. (Applaudissements.)

4. Correspondance.

La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :

C 656
Mme Bovy, présidente du Tribunal administratif, nous adresse un courrier attirant notre attention sur le fait que le Tribunal administratif n'est pas mentionné à l'article 2 a du projet de loi 7247. ( )C656
C 657
M. Barbey, président de la Cour de justice, nous fait part de ses remarques concernant la composition du Conseil supérieur de la magistrature. ( )C657

Ces deux lettres concernent le point 40 de l'ordre du jour. Elles ont été diffusées à la commission législative.

4. bis) Pétitions.

La présidente. Par ailleurs, la pétition suivante est parvenue à la présidence :

P 1174
du Mouvement Romand pour un parlement romand. ( )  P1174

Elle est renvoyée à la commission des pétitions.

 

D'autre part, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :

P 1172
Pour la modification de diverses lois sur la magistrature ( ), à la commission législative. P1172
P 1173
La 3e voie Genève-Lausanne ( ), à la commission des transports.  P1173

Il en sera fait ainsi.

 

5. Annonces et dépôts :

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

La présidente. La question écrite suivante est parvenue à la présidence :

Q 3557
de M. Hervé Dessimoz (R) : Attribution des mandats de certification des services de l'Etat de Genève désireux d'obtenir la certification ISO. ( )  Q3557

Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.

 

R 345
6. Proposition de résolution de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, René Longet, Anita Cuénod, Philippe Schaller et Marie-Françoise de Tassigny concernant le barrage des Trois Gorges (Chine) et la nécessaire révision de la garantie contre les risques à l'exportation (GRE). ( )R345

EXPOSÉ DES MOTIFS

En décembre 1994, le Premier ministre chinois Li Peng inaugurait le chantier du barrage des Trois Gorges sur le fleuve Yangtsé, donnant ainsi le coup d'envoi au plus grand projet hydroélectrique de l'Histoire. Le barrage provisoire devrait bientôt être terminé et les travaux devraient s'achever en 2009 avec la mise en service des derniers générateurs. Haut comme un building de 70 étages (185 m) et mesurant plus de 2 km de large, le barrage des Trois Gorges créera un lac de retenue de 600 km de long qui engloutira 12 villes, 140 bourgs ruraux, 657 entreprises industrielles, 4 500 villages et hameaux et 800 sites culturels, historiques et archéologiques, de même que des dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles.

En décembre 1996, le Conseil fédéral décidait d'accorder provisoirement une garantie contre les risques à l'exportation de 340 milllions de francs à ABB et de 25 millions de francs à Sulzer. Tout récemment on apprenait que l'entreprise ABB avait obtenu une partie des contrats concernant les générateurs du barrage; le Conseil fédéral devra donc maintenant rendre une décision définitive.

Officiellement, le barrage doit permettre de maîtriser les crues meurtrières du fleuve, répondre aux besoins énergétiques croissants de la Chine et améliorer la navigabilité du fleuve. Mais de nombreux problèmes se cachent derrière ces objectifs légitimes et les coûts sociaux et environnementaux du projet permettent de craindre qu'il s'agit d'un des projets les plus destructeurs du début du XXIe siècle. Les arguments avancés sont de trois types:

- l'utilité du barrage, soit les aspects énergétiques (1) et de maîtrise du fleuve (2);

- les atteintes à l'environnement (3);

- les atteintes aux droits de l'homme dus au barrage (4) et l'absence de débat démocratique en Chine (5).

1. Aspects de politique énergétique

La croissance économique chinoise induit une forte hausse de la consommation d'électricité, qui a ainsi augmenté en moyenne de 8% ces dernières années. Le barrage des Trois Gorges, avec son potentiel de18 200 megawatts (MW) (une fois et demie le plus puissant barrage du monde, celui d'Itaipú au Brésil), devrait fournir 10% de l'électricité actuelle du pays ! Mais plus des deux tiers de l'énergie chinoise proviennent actuellement de centrales thermiques à charbon, extrêmement polluantes.

Plutôt que de se tourner vers des méga-projets hydroélectriques destructeurs comme celui des Trois Gorges ou vers le nucléaire, la Chine pourrait, comme le réclament les opposants, investir dans des stratégies plus durables, comme les économies d'énergie (l'industrie chinoise, à technologies désuètes, est boulimique) ou la promotion d'énergies alternatives (la filière du gaz naturel est totalement sous-exploitée). Toutefois, si la Chine doit parvenir à une production et une consommation d'énergie plus durables, les pays riches doivent aussi remettre en question leur surconsommation d'énergie.

2. Contrôle du fleuve

Le barrage des Trois Gorges est une réponse très partielle aux inondations. La déforestation en amont en est la cause principale et le barrage ne résout pas ce problème. Il permettra, au mieux, de maîtriser le cours moyen du fleuve, mais l'ensablement prévisible du lac de retenue augmentera à terme le danger d'inondation dans la province du Sichuan. Un contrôle décentralisé des nombreux affluents du Yangtsé permettrait de mieux gérer les risques d'inondations.

3. Environnement

La diminution des sédiments charriés en aval du barrage affectera la fertilisation des berges. La réduction du débit du fleuve risque d'entraîner une remontée d'eau salée à son embouchure, transformant une région fertile en salants incultivables. Le lac de retenue devrait connaître une concentration des multiples déchets rejetés par l'activité humaine, actuellement évacués par le fleuve. De plus, l'inondation de centaines d'industries risque de libérer des déchets toxiques, par exemple du mercure. Enfin, la modification de l'écosystème pourrait donner le coup de grâce à des espèces animales menacées, comme les 300 derniers dauphins à taches blanches.

4. Déplacements de population

Les estimations officielles varient, allant de 1,3 à 1,8 million de personnes déplacées de gré ou de force. Des déplacements de population aussi importants ne pourront se faire qu'au prix de massives violations des droits de l'homme. De plus, selon un quotidien chinois, 470 000 personnes devraient se retrouver au Xinjiang, une province où la population ouïgoure (musulmane) est systématiquement opprimée: la politique de colonisation de minorités par les populations Han (comme au Tibet) est régulièrement utilisée par les autorités chinoises.

5. Absence de débat dans le pays

Il est unanimement reconnu qu'un développement durable passe par une participation des personnes concernées et un débat public. Or, ceux-ci sont inexistants en Chine et toute critique sur le projet est muselée depuis les massacres de la place Tienanmen. De plus, ce projet de prestige est devenu un symbole de la puissance de la Chine et le domaine réservé du Premier ministre Li Peng, ingénieur de formation. L'avenir du projet des Trois Gorges est lié au destin politique de Li Peng et aux rapports de forces au sein du Parti et du gouvernement.

Néanmoins, les oppositions sont très vives et regroupent notamment les autorités de la province du Sichuan, l'ancien ministre de l'Electricité, de multiples instances scientifiques et de nombreux intellectuels. Les délégués du Congrès populaire national se prononçaient au printemps 1992 en faveur du projet, mais par 1 767 voix pour, 177 contre et 669 abstentions. Du jamais vu pour ce «parlement de marionnettes» habitué à voter en bloc les propositions du Parti. La publication du livre de l'intellectuelle chinoise Dai Qing «Yangtsé! Yangtsé!», début 1989, a été saluée par la presse internationale comme «la naissance du mouvement écologiste» chinois («The Economist»). L'auteure a fait 11 mois de prison après les événements de Tienanmen. Les craintes de la population semblent très grandes, en particulier dans les régions touchées par le barrage.

Certains milieux économiques internationaux, dont la Banque mondiale, sont très sceptiques sur la rentabilité du projet. En mai 1996, la banque d'Export-Import des Etats-Unis (l'agence de crédits à l'exportation) refusait toute garantie publique au projet des Trois Gorges à cause de ses problèmes environnementaux.

S'agissant de notre pays, selon la loi de la GRE, les principes de la coopération suisse au développement doivent être pris en considération dans l'attribution de GRE aux pays les plus défavorisés. De plus, le Conseil fédéral soulignait en février 1994 dans ses nouvelles «lignes directrices Nord-Sud» combien «il est nécessaire de mettre plus l'accent sur (...) le respect des droits de l'homme» dans l'octroi de GRE. Il ajoute qu'une politique cohérente envers le Sud «revient à montrer les contradictions éventuelles entre les intérêts nationaux à court terme et les buts de la politique suisse de développement». Un soutien de la Confédération au projet des Trois Gorges transformerait ces principes en farce et enlèverait toute cohérence à notre politique extérieure.

Au sein de la commission de la GRE, qui ne compte aucun représentant des ONG de développement, le service de la coopération au développement et la représentante des syndicats se sont opposés à l'octroi d'une garantie publique. De nombreux milieux s'étonnent de la décision du Conseil fédéral et attendent des autorités politiques davantage de clarté et de clairvoyance. Il importe que le Grand Conseil du canton de Genève, canton à vocation internationale et pour lequel les droits de l'homme et le développement durable ont une grande importance, s'exprime sur la position prise par le Conseil fédéral et demande que la loi sur la GRE soit clarifiée dans le sens de la cohérence des politiques publiques.

Au bénéfice de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la présente proposition.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Merci, Madame la présidente, d'avoir accepté de traiter cette résolution en urgence.

Cette résolution a été cosignée par les représentants de cinq groupes politiques. Elle a trait à la construction en cours du barrage des Trois Gorges sur le Yangtsé, laquelle devrait être achevée vers 2010.

Ce barrage atteindra une hauteur de 185 mètres; il peut donc être comparé à un immeuble de septante étages. Il mesurera plus de 2 350 m de largeur.

Ce projet, dont la Chine parle depuis plus de cinquante ans, est totalement démesuré. Il créera un lac de retenue de 650 km de longueur qui engloutira un grand nombre de villes, de bourgs ruraux, de villages, d'industries, ainsi que des sites culturels, historiques, archéologiques et des dizaines de milliers d'hectares de terres fertiles.

Cet engloutissement infernal provoquera l'exode, volontaire ou forcé, de l,8 million de personnes, au moins.

Vu ces chiffres impressionnants, nous devons nous demander si un tel ouvrage est nécessaire. La réponse officielle de la Chine consiste à dire qu'il permettra de maîtriser les crues meurtrières du fleuve et répondra aux besoins énergétiques croissants du pays.

Si nous pouvons critiquer ce projet, nous ne pouvons pas intervenir directement à son sujet. Néanmoins, il nous est permis de dire que son coût social et environnemental sera largement supérieur à son bénéfice.

Le coût sera d'abord social. Un déplacement aussi massif de personnes ne pourra pas se faire sans drames humains et violations des droits de l'homme, dans un pays connu pour être peu démocratique. Les chiffres officiels changent constamment, et il y a fort à craindre que les populations contraintes au déplacement seront colonisées et opprimées.

Le coût environnemental est quasiment incalculable. A court terme, nous pouvons citer la perte de terres cultivables. A moyen et long terme, tout l'écosystème sera bouleversé.

En Chine même, les oppositions sont très vives, mais l'absence de démocratie et de débats politiques les réduit radicalement. Une désapprobation internationale est également perceptible.

Le coût environnemental est toujours cité, de même que le gouffre financier. Les investissements sont incertains et approximatifs. C'est pourquoi, en mai 1996, la banque d'Export-Import des Etats-Unis, qui alloue des garanties publiques pour couvrir les exportations américaines dans les pays à risques, a refusé d'apporter sa caution.

En Suisse, le service de la coopération au développement s'est opposé à l'octroi d'une garantie publique contre les risques à l'exportation.

Malgré l'avis de nombreux experts et scientifiques, le Conseil fédéral a décidé d'autoriser, à titre provisoire, des garanties publiques à la multinationale ABB, par le biais de la garantie contre les risques à l'exportation, pour un total de 365 millions. En effet, ABB a obtenu, cet été, un contrat concernant les générateurs du barrage. A ce jour, ABB n'a pas présenté une demande définitive de montant précis. Cependant, nous pouvons articuler le chiffre de 340 millions.

Cela n'est pas acceptable et remet en cause les critères d'attribution de la garantie contre les risques à l'exportation que sont le respect des droits de l'homme et la protection de l'environnement. Le Conseil fédéral a admis ces critères auxquels ne répond pas le barrage des Trois Gorges.

Par conséquent, s'il accordait ce prêt financier, nous devrions réagir face à son amnésie.

C'est la raison de cette résolution qui invite le Conseil fédéral à réexaminer sa position en renonçant à accorder la garantie contre les risques à l'exportation dans ce dossier.

Elle demande également au Conseil fédéral et aux Chambres fédérales de préciser la loi sur la GRE dans le sens de rendre contraignantes les références au respect des droits de l'homme et aux principes de la politique suisse de coopération au développement.

Cette résolution est à la fois urgente et importante. Je vous remercie de bien vouloir la renvoyer, aujourd'hui même, au Conseil fédéral.

M. René Longet (S). Mme Bugnon vous a exposé les enjeux au niveau de l'environnement et du développement. Aussi me bornerai-je à souligner un aspect très important du problème.

En Suisse, nous connaissons le débat public, la liberté d'expression et les mécanismes de prises de décisions démocratiques. Chez nous, un projet de ce type susciterait débats, discussions et oppositions.

Cette résolution nous rappelle que la Chine, où vivent plus d'un milliard d'êtres humains, connaît un pouvoir arbitraire. Ce n'est pas le seul pays, mais il est le plus grand à connaître encore une dictature solidement établie.

Il faut savoir que rien d'essentiel n'a changé depuis neuf ans, depuis les sanglants événements de la place T'ien an Men. Un milliard d'êtres humains n'ont pas droit aux débats et aux discussions portant sur les enjeux essentiels de leur avenir.

Si nous nous référions aux critères dont nous nous réclamons d'ordinaire, nous serions horrifiés à l'énoncé d'un projet de ce type.

En fait, une seule chose a changé en Chine : l'âpreté au gain des Occidentaux.

Durant la guerre froide, de nombreux politiciens s'étranglaient d'indignation à la simple évocation des régimes de parti unique. Aujourd'hui, les mêmes politiciens et les affairistes n'ont aucun problème à brader la dignité humaine pour un plat de lentilles.

L'alternative est la suivante :

Soutiendrons-nous ceux qui, en Chine, essaient, au prix de mille difficultés, de faire entendre leur voix pour que ce projet soit au moins examiné sous l'angle d'un minimum de précautions à prendre ou devrons-nous penser uniquement au tiroir-caisse et aux affaires ?

La résolution tente de rééquilibrer les arguments de ce discours. Elle relève que des opposants, se battant au péril de leur liberté et au risque de leur vie, du moins de l'exil, requièrent notre solidarité.

Cette résolution nous demande de dire, haut et fort, les valeurs qui dominent en l'occurrence. Pouvons-nous accorder la GRE dans ces conditions ? Nous répondons non. La tâche qui nous incombe - nous qui connaissons nos droits démocratiques - est de soutenir ceux qui se battent pour ces droits et, subséquemment, de veiller à ce que nos procédures soient suffisamment claires. D'où les deux volets de la résolution :

- l'un demande au Conseil fédéral de revenir sur sa décision;

- l'autre demande de préciser les règles pour qu'une telle décision ne puisse plus être prise.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Cette résolution pose deux problèmes importants, l'un de politique extérieure et l'autre de politique intérieure.

Du point de vue de la politique extérieure, cette résolution stigmatise, à juste titre, un certain nombre de violations des droits de l'homme en Chine. Il n'est, effectivement, pas question d'apporter la moindre caution à un régime qui méprise ces droits.

Quelle attitude devons-nous avoir envers ce pays pour qu'il progresse ? Devons-nous nous fermer totalement ou choisir la voie des échanges économiques qui permettent de maintenir le dialogue et favorisent l'élévation du niveau de vie ?

La même question controversée se posait pour l'Afrique du Sud, il n'y a pas si longtemps. Certains n'admettaient pas que la Suisse commerce avec l'Afrique du Sud, ce qu'elle faisait sauf pour des produits frappés d'un boycott international, auquel cas elle se rangeait à l'avis de la communauté internationale.

Dernièrement, nous avons reçu le président Mandela. Je puis vous dire qu'aujourd'hui il juge bien plus positive l'attitude adoptée par la Suisse pour contribuer à la fin de l'apartheid que des attitudes d'apparente obstruction aux courants commerciaux de la part de certains pays, courants qui, pour n'être ni divulgués ni transparents, n'en étaient pas moins très prospères.

La question peut se poser en ces termes pour la Chine. Aux yeux du Conseil d'Etat, le Conseil fédéral a raison de ne pas couper les ponts économiques qui représentent autant de possibilités de dialogue avec les institutions et les autorités chinoises. Lors de ses rencontres avec les autorités chinoises - celles-ci sont venues en Suisse dernièrement - le Conseil fédéral a observé une attitude tout à fait cohérente. Il n'a transigé en rien sur les droits de l'homme. Il a précisé les efforts que la Chine devait fournir à cet égard, tout en marquant sa volonté de maintenir des possibilités de dialogue qui passent, notamment, par un certain nombre d'échanges économiques.

Ma deuxième observation, que je fais au nom du Conseil d'Etat, a trait à une question de politique intérieure. En réalité, cette résolution peut être comprise, s'agissant d'entreprises suisses, comme voulant viser ABB. Et, coïncidence des plus curieuses, ABB inaugure ce soir une nouvelle usine à Genève qui sera le centre le plus important du groupe, dans les domaines de la production, de la recherche et du développement.

Dès lors, je trouve particulièrement malheureux que par une telle résolution l'on impose une vision unilatérale. Dès lors que le point de vue sur les droits de l'homme est entièrement partagé, il convient d'essayer de faire la synthèse correcte, équilibrée, de l'ensemble des enjeux.

C'est dire que votre Grand Conseil prendra la décision qu'il estime devoir prendre; mais c'est dire aussi la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a estimé nécessaire de déclarer pourquoi il se distancie de cette proposition.

M. Chaïm Nissim (Ve), président du Conseil d'Etat. Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous avez comparé la Chine à l'Afrique du Sud et insinué qu'il valait mieux «dialoguer» - c'est-à-dire gagner beaucoup d'argent - pour l'inciter à respecter les droits de l'homme.

Monsieur le président du Conseil d'Etat, je tiens à vous dire que c'est une décision américaine qui a fait tomber le régime de l'apartheid en Afrique du Sud. Les grands fabricants d'ordinateurs IBM, HP et autres avaient décidé, sous la pression du Congrès, de ne plus vendre d'ordinateurs à l'Afrique du Sud.

C'est donc cette abstention de commerce, à la demande même des Sud-Africains militants, qui a fait tomber le régime de l'apartheid, et c'est en refusant un crédit à un projet surdimensionné que nous pouvons inciter la Chine à respecter les droits de l'homme.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je m'étonne du discours de M. Maitre, parce qu'il n'a pas sa place dans ce débat.

En effet, ce débat porte sur une résolution traitant d'un projet de barrage, pour lequel la Suisse s'apprête à accorder une garantie contre les risques à l'exportation à ABB.

Qu'ABB s'installe à Genève aujourd'hui ou demain ne change strictement rien au problème.

Nous estimons que le projet prévu en Chine ne tient compte ni du respect des droits de l'homme ni de celui de l'environnement. Par conséquent, il ne remplit pas les critères de la garantie contre les risques à l'exportation.

C'est le sens de notre résolution qui va, d'ailleurs, plus loin, puisqu'elle demande aux Chambres fédérales d'utiliser ce projet pour affiner leurs critères en la matière.

Votre intervention n'avait donc pas lieu d'être, et je prie à nouveau ce Grand Conseil de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral. Il est temps de le faire, le Conseil fédéral n'ayant pas encore rendu sa décision définitive.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral et aux Chambres fédérales.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

concernant le barrage des Trois Gorges (Chine) et la nécessaire révision de la garantie contre les risques à l'exportation (GRE)

LE GRAND CONSEIL,

- vu le projet démesuré du barrage dit des Trois Gorges, en Chine;

- vu les effets environnementaux et sociaux de ce projet;

- considérant l'absence de tout débat démocratique en Chine ainsi que d'une procédure permettant de prendre en compte les divers aspects de la question;

- considérant que, nonobstant cette situation, le Conseil fédéral s'apprête à accorder la garantie contre les risques à l'exportation (GRE) à l'entreprise ABB pour ce marché;

- considérant que dans ce cas, le Conseil fédéral contreviendrait directement à l'esprit de la loi sur la GRE, qui stipule que les principes de la coopération suisse au développement doivent être pris en considération dans l'octroi de garantie dans les pays les plus démunis (catégorie dont la Chine fait partie);

- et qu'il ignorerait également ses propres lignes directrices Nord-Sud, qui affirment qu'il est nécesaire de mettre davantage l'accent sur le respect des droits de l'homme dans l'octroi de garanties;

- vu que, de la sorte, la collectivité est amenée à cautionner ce projet et les conditions de sa réalisation;

- vu le rôle international de Genève dans le domaine du développement durable et des droits de l'homme,

invite

1. le Conseil fédéral

- à réexaminer sa position en renonçant à accorder la GRE à ce dossier;

- à accorder un siège aux organisations de développement au sein de la commission de la GRE;

2. les Chambres fédérales à préciser la loi sur la GRE dans le sens de rendre contraignantes les références au respect des droits de l'homme et aux principes de la politique suisse de coopération au développement.

PL 7308-A
7. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit complémentaire pour le bouclement du compte d'étude de l'adaptation des installations de l'aéroport de Genève-Cointrin. ( -) PL7308
Mémorial 1995 : Projet, 6332. Renvoi en commission, 6544.
Rapport de majorité de M. Chaïm Nissim (Ve), commission des travaux
Rapport de minorité de M. Pierre Meyll (AG), commission des travaux

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

1. Introduction:

Ce projet de loi du Conseil d'Etat, demandant un crédit complémentaire de 3 millions de francs environ, nous a été présenté le 27 novembre 1995, dans le gros paquet de 75 projets semblables. Notre commission l'a d'emblée classé parmi les 6 cas «graves», dont parle le rapport de mon collègue Hervé Burdet (voir à ce sujet le rapport sur le projet de loi 7368 signé H. Burdet). Nous avons examiné ce projet sous la présidence de M. H. Burdet d'abord, puis de M. H. Duvillard, en présence de M. Reinhard, directeur des bâtiments, et de M. de Senarclens, qui a fait un énorme travail de compilation de dossiers pour nous présenter l'ensemble de ces projets de manière à peu près lisible et compréhensible, et je profite de ce rapport pour remercier ce dernier de l'énorme travail accompli.

Comme pour les 5 autres cas «graves», notre commission a jugé bon de mandater un expert extérieur, en l'occurrence M. Pierre Hiltpold, ingénieur EPF, qui devait nous éclairer un peu sur ces dossiers compliqués et nous permettre de voter avec une bonne compréhension de ce que nous votions.

Comme le rapport de l'expert est compliqué et long, que les programmes ont changé plusieurs fois depuis 1979 jusqu'à aujourd'hui, que les sommes en jeu sont énormes (370 millions de francs ont été investis en tout, au lieu des 232 initialement prévus et les études correspondantes ont coûté 13 millions de francs au lieu des 10 initialement prévus), le rapporteur va tenter dans les pages qui suivent de vous résumer objectivement le rapport de l'expert, ainsi que ses conclusions et ses réponses aux questions posées. Je tiens le rapport complet de l'expert à la disposition des députés intéressés.

L'aéroport a été en chantier permanent depuis le 18 avril 1980 (date de dépôt du projet de loi 5123), jusqu'en 1990, date à laquelle s'arrête le rapport de l'expert. Par deux fois, dans le courant de ces 10 ans, le programme a changé considérablement. Une première fois, suite à la motion de M. Lucien Piccot, député (19 septembre 1980), la direction de l'aéroport a confié à l'Institut Battelle et au bureau Reynold-Smith-Hill 2 études complémentaires. La seconde a été faite en 2 étapes, en 1983, et à la suite de chaque étape de nouvelles adaptations du programme ont été étudiées. Une seconde fois, en 1986, un autre changement de programme est intervenu, suite à la motion Boesch-Spielmann. A chaque changement de programme, de nouvelles études étaient entreprises, et certaines études devenaient caduques, vu que les objets correspondants n'étaient pas réalisés. Si bien que le rapport de M. Hiltpold sépare les études en plusieurs catégories:

- Etudes prévues initialement, avec objet réalisé jusqu'au bout comme prévu (ex.: objet no 6 du plan de 1979, adaptation de l'aire du trafic, 10 millions de francs).

- Etudes prévues initialement, mais conduites de manière beaucoup plus extensive que prévu (honoraires doublés), à la demande des utilisateurs. La différence a été remboursée à l'Etat par les utilisateurs (IATA et Swissair). (Ex.: le tri-bagages, 43 millions de francs, effectivement réalisé, l'étude a coûté 4,6 millions de francs au lieu des 1,8 prévus, mais Swissair et IATA ont remboursé la différence.)

- Nouvelles études, non prévues au départ, menées jusqu'au bout mais non réalisées (ex.: les 2 satellites Y1 et Y2, étudiés et non construits, à eux deux ils auraient dû coûter 150 millions de francs).

- Etudes prévues au départ et jamais menées à leur fin, vu que le monde du transport aérien est et a toujours été un monde en mutation très rapide (ex.: adaptation grand hangar pour les gros-porteurs).

- De plus, de nouvelles nécessités ont vu le jour au cours de ces 10 ans. Par exemple, les frais d'étude estimés au départ dans le plan d'intention «Horizon 1990» ne prévoyaient pas de frais pour une étude globale sur les aspect sociologiques, économiques, etc., telle que celle qui a été confiée à Battelle. De plus, une coordination des études a dû être confiée à M. Moruzzi, et cette coordination, certes indispensable, n'était pas non plus prévue au départ (coût total étude Battelle + coordination M. Moruzzi 1 800 000 F).

En résumé de ce point et en conclusion, on peut dire que le projet de loi 5123 déposé au départ, compte tenu de l'évolution rapide du transport aérien, devait être considéré d'avantage comme un plan d'intention, susceptible d'être modifié, tant dans son contenu que dans les délais de réalisation, que comme un programme de construction défmitif. Ce qui figure du reste explicitement dans l'exposé des motifs.

Les députés en étaient, du reste, bien conscients, puisqu'ils ont tenu en commission, puis en plénière, à ajouter un article au projet de loi 5123 qui disposait:

«Le Conseil d'Etat doit présenter un rapport annuel au Grand Conseil sur l'état des études relevant de la présente loi, en accordant la priorité aux objets contribuant à la lutte contre le bruit des aéronefs.»

Hormis quelques précisions dans le rapport annuel de gestion du Conseil d'Etat, au cours des années, force est de constater qu'un rapport annuel formel n'a jamais été établi par le Conseil d'Etat à l'intention du Grand Conseil, tel que le prévoyait l'article 3 de la loi 5123.

Or, le Conseil d'Etat savait parfaitement que le crédit de 10,5 millions de francs accordé au départ était insuffisant. En lisant le récapitulatif établi par l'expert, en page 12 de son rapport, on constate que dès 1985 le crédit initial était dépassé (on en était en 1985 à 10,9 millions de francs sur les rubriques 780033.508.33.01 et suivantes), qu'en 1986 ce compte atteignait 14,5 millions de francs, que la situation s'est légèrement améliorée depuis, grâce notamment à plusieurs remboursements de frais d'étude faits par Swissair et IATA, comme prévu, mais que le crédit néanmoins était dépassé de 30% dès 1987, même en tenant compte des remboursements. Ce qui est tout à fait logique, vu que les travaux, eux, ont dépassé l'estimation initiale de 60% (370 millions de francs au lieu de 232).

2. Nous arrivons là au corps de ce rapport,les raisons de ces dépassements

Certes, il régnait à l'époque, dans l'ensemble des milieux qui géraient la République, et non pas seulement dans la tête du chef du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), une euphorie expansionniste. On pensait à la Genève de 800 000 habitants, et on avait de l'argent, beaucoup d'argent. C'est l'époque où rien n'était trop grand ni trop beau. C'est l'époque où les écologistes étaient bien seuls à crier «au fou !». C'est l'époque où on a construit le Bachet-de-Pesay, la zone sud de l'hôpital, l'hôtel de police, le bâtiment des SIG au Lignon, les Cheneviers, et j'en passe. Chacune de ces réalisations a été surdimensionnée de 30% environ par rapport aux besoins réels, des centaines de millions de francs ont été ainsi gaspillés, simplement parce que la grenouille genevoise voulait se faire plus grosse que le boeuf zurichois. Cette explication a été souvent amenée en commission par M. Meyll, et il avait parfaitement raison.

Certes aussi, et c'est là le 2e volet d'explications, qui a été souvent repris par M. Reinhard, directeur des bâtiments du DTPE, le corps des fonctionnaires n'était pas équipé à l'époque, ni en nombre ni en compétences, pour gérer convenablement 370 millions de francs de frais d'investissement annuels (!). Les chantiers compliqués poussaient dans tous les coins, et les directions du DTPE ne pouvaient tout suivre et tout gérer, les objets étant trop gros et trop compliqués. Certes, M. Reinhard, et nous vous en donnons acte, mais la majorité de la commission a tout de même refusé ce projet de loi 7308, nous reviendrons un peu plus bas sur les raisons de ce refus.

Les raisons de ces dépassements, plus factuelles et moins philosophiques, citées par l'expert, sont les suivantes (point 12.3 de son rapport):

«La loi 5123 concerne un crédit d'étude établi en 1979 sur la base d'un plan d'intention et non d'un programme de construction.

Ce crédit d'étude prévoyait 28 adaptations à réaliser selon le court, le moyen ou le long terme pour un montant de 232 millions de francs environ.

Une étude conceptuelle a été réalisée après le vote de laloi 5123 qui a conduit à un concept fondamentalement différent.

Le coût des études complémentaires, soit étude conceptuelle de l'aéroport, étude Battelle et coordination des études, représente un montant total de 1,8 million de francs.

L'indexation du crédit d'étude de 10,5 millions de francs sur la base de l'évolution de l'indice zurichois de la construction, représente, entre 1979 et 1987, une plus-value d'environ 3 millions de francs.

Dans le cadre d'«Horizon 1990», sur 29 adaptations prévues, 14 ont été étudiées et réalisées, 3 ont été étudiées et non réalisées, 9 n'ont pas été étudiées.

Suite à l'étude conceptuelle, 3 nouvelles adaptations ont été étudiées et réalisées et 2 nouvelles adaptations ont été étudiées et non réalisées (les Y).

Suite à l'étude conceptuelle, le montant des adaptations prévu à l'horizon 1990, de 232 millions de francs, a été augmenté d'environ 138 millions de francs pour représenter un total de 370 millions de francs.

L'augmentation totale des adaptations représente 60% de 232 millions de francs. Le coût des études doit être examiné en proportion.

En conclusion, sur la base des éléments précités, l'expert estime que l'origine des dépassements est connue et leur justification démontrée.»

3. Le Conseil d'Etat a-t-il respecté les lois? Les raisons d'un refus

La commission des travaux a refusé le projet de loi 7308 par 4 voix contre, 4 pour et 6 abstentions. Il vaut la peine de revenir brièvement sur ce vote. Les députés qui ont voté «non» ont considéré que 3 articles de loi n'ont pas été respectés par le Conseil d'Etat:

1. L'article 3 du projet de loi 5123 qui demandait un rapport annuel sur l'évolution des études et des réalisations. Si cet article avait été respecté, les députés auraient pu être tenus au courant, année après année, de l'évolution des chantiers, et auraient pu se rendre compte des dépassements. Le manque de transparence du Conseil d'Etat est considéré comme scandaleux par la majorité refusante de la commission.

2. Les alinéas 4 et 5 de l'article 5 de la loi de 1964 (D 3 17: loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique), qui disposent:

4 Si, après le vote du crédit d'exécution, un projet subit une transformation importante entraînant une dépense supérieure au montant voté, celle-ci ne peut être engagée qu'après l'octroi par le Grand Conseil d'un crédit complémentaire, demandé dans les formes prévues au présent article.

5 Si l'exécution des travaux, tels qu'ils ont été étudiés avant l'ouverture de crédit, rend indispensable une dépense supérieure au montant voté, le dépassement fait l'objet, au moment de l'achèvement des travaux, d'une demande complémentaire au Grand Conseil, dans les formes prévues au présent article.

 S'agissant en l'occurrence d'un crédit d'études, et non d'un crédit d'exécution, on peut se demander si les dispositions précitées peuvent s'appliquer par analogie. L'expert se pose également la question, puisque sa conclusion est la suivante:

 «En conclusion, il apparaît à l'expert que si l'on s'en tient à une interprétation purement formelle de la loi, les dépassements ne violent pas la D 3 17. A contrario, si l'on examine les dépassements sous l'angle d'une gestion administrative et financière rigoureuse, à l'évidence les dépassements ne sont pas conformes à l'esprit de l'article 5, alinéa 4, de la loi précitée.»

La commission, elle aussi, a hésité, à preuve le vote ambigu qu'elle a fait. Un autre élément, et non des moindres, qui a influencé ce vote est que, lors du dépôt d'un précédent rapport sur un sujet analogue, notre collègue Hervé Burdet a profité de son rapport pour se livrer à un règlement de comptes politiques, à un véritable procès politique, rejetant l'ensemble de la faute sur M. Grobet, ce qui, à l'évidence, n'est pas conforme à la réalité.

Le rapporteur, en tant que «Vert», ne saurait avaliser de procès politiques. Mais il est bien obligé de constater que l'administration dans son ensemble a «péché» par manque de transparence et fautes de gestion, que le rapport annuel qui pourtant figurait dans la loi n'a jamais été fait, que notre République a gaspillé des centaines de millions de francs en pure perte, et que cela doit être sanctionné, sans vouloir toutefois rejeter l'ensemble de la faute sur un seul homme, sans vouloir diaboliser cet homme, sans vouloir en faire une victime expiatoire de fautes largement partagées.

En conclusion, le rapporteur de la majorité vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, le refus d'entrer en matière sur le projet de loi 7308. Ce refus est ambigu, vu que l'argent est déjà dépensé, et ce depuis plus de dix ans. Un avis de droit de Mme Vouillod, juriste au DTPE, et cité dans le rapport de M. Burdet, nous le dit clairement: «Il ne s'agit là que d'un acte purement politique, nous voulons marquer notre refus de telles pratiques, les conséquences financières sont inexistantes, à moins que notre Grand Conseil n'envisage des poursuites judiciaires, qui, de l'avis du rapporteur, n'ont pas lieu d'être entreprises.»

RAPPORT DE LA MINORITÉ

La commission des travaux n'a pas accepté ce projet de loi, par 4 voix contre, 4 voix pour (3 AdG, 1 S) et 6 abstentions. Ce projet de loi fut envoyé chez un expert, revint à la commission des travaux pour y être «refusé quasiment sans discussion» (voir procès-verbal de la commission des travaux du 22 avril 1997).

L'exposé des motifs donne pourtant toutes les indications nécessaires pour la compréhension d'un dépassement justifié par l'ampleur des crédits de construction qu'il a générée, soit 220 327 000 F qui se répartissent comme suit:

PL 5297 23 avril 1983 26,280 millions de francs

Infrastructures et installation contre le bruit et la sécurité sur l'aéroport.

PL 5667 17 janvier 1985 43,357 millions de francs

Halle de tri des bagages

PL 5668 15 février 1985 12,243 millions de francs

Extension de l'aire gros-porteurs et galerie technique

PL 5854 19 septembre 1986 23,555 millions de francs

Gare CFF, liaison aéroport-parking et transformation aérogare

PL 6150 24 juin 1988 70,644 millions de francs

Extension du hall de l'aérogare

PL 6593 7 février 1991 44,348 millions de francs

Extension latérale des niveaux enregistrement et départ de l'aérogare

A ces projets de loi il faut ajouter le satellite Y1 et l'amorce du satellite Y2, soit 150,5 millions de francs.

Les études ont duré de 1980 à 1989 et la Confédération les a subventionnées pour un montant de 2 829 394 F.

Si le crédit d'étude du projet de loi 5123 du 18 avril 1980, de 10,5 millions de francs, a été dépassé de 30%, les mandataires ont réalisé une étude prospective plus vaste, ce qui a entraîné une augmentation de 60% de travaux (voir projet de loi ci-dessus).

M. .

«Selon l'exposé des motifs de la loi 5123 du 18 avril 1980, compte tenu de l'évolution rapide du transport aérien, le programme à étudier constituait bien un plan d'intention susceptible d'être modifié, tant dans son contenu que dans les délais de réalisation, et non pas un programme de construction définitif.

Dans ses conclusions, l'expert mentionne également «l'indexation très très importante entre 1979 et 1987 qui représente une indexation théorique de l'ordre de 3 millions de francs.»

Le rapport d'expertise est clair, net, précis. Vous trouverez en annexes quelques extraits. Le projet de loi 7308 a récolté un match nul en commission des travaux. Pourtant ce dépassement se justifie car un crédit d'étude doit, pour être valable, quand on sait que l'on construira pour le futur, explorer d'autres solutions oubliées ou ignorées. En l'occurrence les mandataires ont pleinement rempli leur rôle.

En plus, le département de l'économie publique a confié à l'Institut Battelle une étude devisée à 250 000 F et payée 296 000 F. Une étude conceptuelle a été engagée avec deux consultants internationaux qui a débouché sur de nouvelles adaptations.

Dans les années 80-90 rien n'était trop beau pour l'aéroport et il fallait faire vite pour rattraper Kloten. Les mégalomanes étaient conseillers d'Etat et députés, je n'en étais pas. Maintenant il faut assumer le manque d'attention du législatif et les «oublis» de l'exécutif en ce qui concerne l'article 3 de la loi 5123, du 18 avril 1980: «Le Conseil d'Etat doit présenter un rapport annuel au Grand Conseil sur l'état des études...»

Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite que vous acceptiez le projet de loi 7308 avec son dépassement justifié.

Au cas où vous refuseriez ce bouclement, voici en annexe les conséquences vues par Mme Pascale Vuillod, juriste au DTPE, et exposées devant la commission.

ANNEXE

3. Conséquences d'un rejet d'une loi de bouclement

a) Conséquences légales

La loi est totalement muette au sujet des conséquences d'un rejet du Grand Conseil d'une loi de bouclement. Cela signifie soit que le législateur n'a jamais envisagé cette éventualité, soit qu'il a délibérément exclu toutes conséquences légales d'une telle décision.

Ainsi le vote négatif du Grand Conseil n'aura, sur le plan légal, aucun effet, sauf s'il est assorti d'une autre décision exigeant par exemple du Conseil d'Etat qu'il engage une action contre un tiers ou qu'il ouvre une enquête administrative contre un fonctionnaire, si leur responsabilité respective est mise en cause.

b) Conséquences pratiques

Il n'y aurait à mon avis aucune conséquence pratique non plus, car la dépense ayant déjà été effectuée au moment du bouclement, elle est inscrite comme telle dans les comptes de l'Etat et amortie dans sa totalité, y compris la partie dépassant le crédit octroyé.

c) Conséquences politiques

Par un rejet d'une loi de bouclement, le Grand Conseil désavoue le Conseil d'Etat, ce qui constitue une sanction politique évidente. C'est sous cet angle que l'on doit apprécier l'utilité de la loi de bouclement par rapport à un simple rapport du Conseil d'Etat déposé après l'achèvement d'un ouvrage.

3.3. Synthèse

Le plan d'intention «Horizon 1990» a été établi par le direction de l'aéroport, prévoyant à court, à moyen et à long terme 28 adaptations des installations aéroportuaires.

Suite à une motion, une étude sur les aspect économique, sociologique et culturel a été confiée à l'Institut Battelle. Une étude conceptuelle a été réalisée avec deux consultants internationaux, étude qui a conduit à un concept différent de celui prévu dans le plan d'intention «Horizon 1990».

Selon «Horizon 1990», 14 adaptations ont été étudiées et réalisées, 3 adaptations ont été étudiées et non réalisées, 9 adaptations n'ont pas été étudiées.

Suite à l'étude conceptuelle RSH, 3 nouvelles adaptations ont été étudiées et réalisées et 2 nouvelles adaptations ont été étudiées mais non réalisées.

Selon «Horizon 1990»,

les adaptations étudiées et réalisées sous chiffre a 1 =    4 440 000 F

les adaptations étudiées et non réalisées sous chiffre a 2 =       310 000 F

______________

Total montant théorique des études 4 750 000 F

Ce montant de 4 750 000 F représente 45% du coût total des études selon l'annexe IV.

4.5. Synthèse

Coût total des adaptations selon plan d'intention

«Horizon 1990» 232 100 000 F

Coût total des adaptations selon lois complémentaires

votées (chiffre 4.1) 220 327 000 F

Estimation totale des adaptations

complémentaires (chiffre 4.4) 150 500 000 F

Coût total des adaptations selon plan d'intention

«Horizon 1990» et concept RSH 370 827 000 F

Augmentation du coût total des adaptations

soit environ 60% de 232 100 000 F  138 727 000 F

6.2. Synthèse

L'estimation du département des travaux publics, direction des bâtiments, de mai 1983 est basée sur un montant prévisible de travaux d'environ cent quarante millions de francs (139 910  millions de francs) et un montant prévisible de frais d'études de 16 500 000 F.

Les comptes du DPTE, selon les sous-comptes 1996, révèlent une dépense de frais d'études de 13 581 518 F calculée par rapport à un volume de travaux réalisés ou prévus d'environ trois cent neuf millions de francs (308 849 000 de francs).

7. Chronologie des dépenses

7.2. Dépassement du crédit - synthèse

A la lecture attentive des comptes d'Etat, on remarque que, dès le 31 décembre 1985, le crédit voté était dépassé de 486 642 F déjà.

A fin 1987, le crédit cumule à 16 600 000 F environ, soit plus de 6 millions de francs de dépassement.

Compte tenu de remboursement divers, ce montant est, à fin 1986, de 14 448 696 F.

8.5. Synthèse

L'indice zurichois a évolué entre 1979 et 1982 de 106,6 à 136,6, soit une augmentation de 30 points; entre 1979 et 1987, de 106,6 à 139,6, soit une différence de 33 points.

La moyenne entre 1979 et 1987 est de 128,48.

Selon le calcul d'indexation théorique global (selon point 8.3.), cela correspond à une plus-value de 2 990 400 F, soit 97% du dépassement de crédit de 3 080 518 F.

Selon le calcul de l'indexation cumulée (selon point 8.4.), pour un montant de dépenses de 14 569 035 F correspondant aux dépenses effectives du crédit jusqu'en 1986, la plus-value représente 3 607 921 F correspondant à 117% du dépassement de crédit de 3 081 518 F.

9. Analyse des causes du dépassement de crédit

9.0. Préambule

Tous les points développés ci-dessous doivent permettre de déceler les principales causes du dépassement du crédit ainsi que leur incidence financière.

9.1. Estimation des coûts des études selon la loi 5123 et Annexe IV

Les crédits d'étude ont été dimensionnés sur la base d'estimations selon les coûts de réalisation 1979 des objets en appliquant les taux d'honoraires généralement admis de:

2% pour les ouvrages de génie civil;

5% pour les constructions de bâtiments.

Selon l'exposé des motifs de la loi 5123, compte tenu de l'évolution rapide du transport aérien, le programme à étudier constituait bien un plan d'intention susceptible d'être modifié, tant dans son contenu que dans les délais de réalisation, et non pas un programme de construction définitif.

9.2. Décision de procéder à une étude conceptuelle

L'étude conceptuelle a débouché sur une modification du programme des adaptations prévues dans le plan d'intention «Horizon 1990».

Cette étude conceptuelle de l'aéroport, certainement nécessaire, a coûté, y compris l'étude Battelle et les frais annexes, le montant de 1 160 412 F, qui n'était pas prévu dans la loi 5123.

9.3. Modifications du concept

Suite à l'étude conceptuelle, l'option d'origine de prévoir d'étendre l'aérogare dans la direction du nord-est a été abandonnée en faveur d'une extension en direction sud-est et sud-ouest de l'aérogare, côté ville.

Le concept de navettes avec plusieurs Y a été développé. Ces changements sont illustrés sur les plans annexes.

La modification du concept a conduit à une augmentation du coût total des adaptations de 138 727 000 F, soit environ 60% de 232 100 000 F prévus au plan «Horizon 1990» (selon chiffre synthèse 4.5.).

9.4. Coordination des études

Le nombre d'études conduites simultanément et la complexitéé de la coordination des études a conduit à l'engagement d'un coordinateur.

Le coût des frais de coordination d'études ainsi que de différents mandataires représente une dépense de 674 779 F, non prévue dans la loi 5123.

Le coût total des études complémentaires (selon point synthèse 5.2.) représente un montant de 1 835 191 F, non prévu dans la loi 5123, et correspondant à plus de 50% du dépassement de crédit de la loi précitée.

9.5. Evolution de l'indice des prix de la construction

Le montant du crédit d'étude a été dimensionné sur la base des prix de la construction de 1979.

Les études se sont déroulées de 1981 à 1987, principalement entre 1984 et 1987.

Le calcul de l'indexation selon synthèse 8.5. varie entre environ 3 000 000 F et 3 600 000 F selon le type de calcul.

Ce montant d'indexation correspond pratiquement au dépassement de crédit.

9.6. Synthèse

Le crédit initial a été estimé sur la base du prix de la construction de 1979, en partant d'un plan d'intention et non d'un programme de construction définitif.

Une étude conceptuelle a été engagée après le vote de la loi 5123 qui a fondamentalement modifié le concept initial et qui a induit une augmentation du coût des travaux d'environ 60%, impliquant automatiquement une hausse des frais d'études.

Les frais de l'étude conceptuelle et frais de coordination représentent la moitié du dépassement de crédit.

L'évolution de l'indice entre 1979 et 1987 représente à lui seul environ le montant du dépassement de crédit.

En conclusion, il apparaît à l'expert que si l'on s'en tient à une interprétation purement formelle de la loi, les dépassements ne violent pas la loi D 3 17; a contrario, si l'on examine les dépassements sous l'angle d'une gestion administrative et financière rigoureuse, à l'évidence les dépassements ne sont pas conformes à l'esprit de l'article 5, alinéa 4, de la loi précitée.

13. Conclusions

Le crédit d'étude de l'adaptation des installations de l'aéroport de Genève-Cointrin a été voté le 18 avril 1980. Ce crédit d'étude a été établi en fonction d'un plan d'intention et non d'un programme de construction.

L'origine du dépassment de 3 081 518 F provient d'une modification fondamentale du programme général des adaptations suite à une étude conceptuelle réalisée après le vote du crédit d'étude.

Le montant des adaptations selon «Horizon 1990» était devisé à environ 232 millions de francs.

A la suite de la modification du concept, le montant des travaux a été estimé à environ 370 millions de francs, soit une augmentation d'environ138 millions de francs, représentant environ une augmentation de 60% du programme initial qui s'est répercutée sur les frais d'études y relatifs, c'est-à-dire 29,3%.

L'indexation entre les années 1979 et 1987 est très importante et représente une indexation théorique de l'ordre de 3 000 000 F.

De même, l'étude conceptuelle de l'aéroport et la coordination des études représentent une somme de 1 835 191 F.

En conclusion, on peut admettre que les dépassements proviennent d'une modification importante du programme des adaptations après le vote du crédit d'étude; par ailleurs, ces dépassements sont parfaitement identifiés.

L'évolution du dépassement du crédit d'étude a fait l'objet d'une information à la commission des travaux dans le cadre des crédits de réalisation consécutifs à cette étude. Par contre, le Conseil d'Etat n'a pas fourni un rapport formel au Grand Conseil comme le prévoyait la loi 5123.

En regard de la loi D 3 17 sur le financement des travaux d'utilité publique, selon une interprétation strictement formelle, on peut admettre que les dépassements ne violent pas la loi; selon une interprétation plus rigoureuse, respectant l'esprit de cette loi, l'expert estime que les dépassements ne sont pas conformes à l'esprit de la loi D 3 17.

Premier débat

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de majorité. Monsieur Maitre, ne partez pas, la première partie de mon intervention s'adresse à vous ! Il s'en va, il ne m'a pas entendu...

Permettez-moi de vous communiquer quelques considérations sur le surdimensionnement de notre aéroport en particulier et de nos infrastructures en général.

Dans cette enceinte, M. Maitre s'est souvent livré à des attaques en règle contre les Verts. Il les a accusés rien moins que d'être les responsables de la récession à Genève, à cause de leurs discours sur la croissance zéro et le développement durable.

Je réponds solennellement à M. Maitre, bien qu'il ait quitté la salle, que c'est lui et les autres conseillers d'Etat et députés des années 80 qui portent l'entière responsabilité de la récession. Ils ont été cupides, ils se sont laissés soûler par l'euphorie du boom, et ils ont surdimensionné toutes les infrastructures importantes. (M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, regagne sa place.)

Ce soir, nous voterons sur les deux infrastructures aéroportuaires, chacune étant surdimensionnée de 30%. Le problème est le même pour le Bachet, la zone sud, les Cheneviers, et j'en passe. Toutes ces installations ont été surdimensionnées et ont entraîné des frais financiers considérables, en plus des frais d'exploitation, le personnel en poste devant, bien sûr, être rétribué.

Ce sont ces frais que nous payons aujourd'hui. C'est en partie à cause d'eux que nous nous enfonçons dans la dette. Depuis quinze ans, M. Maitre s'est battu pour que nous ayons l'aéroport le plus grand et le plus beau qui soit, évitant souvent de consulter, voire d'informer le Grand Conseil. C'est le cas du projet de loi dont nous débattons ce soir.

Nous faisons aujourd'hui les frais de cette politique avide et mégalomane. Je tenais à le dire avant d'entrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire le projet de loi 7308.

Je vous rends attentifs à deux paragraphes de mon rapport. Le premier figure à la page 6 et mon ami Meyll, de son côté, y fait référence. Je cite : «En conclusion, il apparaît à l'expert que si l'on s'en tient à une interprétation purement formelle de la loi, les dépassements ne violent pas la D 3 17. A contrario, si l'on examine les dépassements sous l'angle d'une gestion administrative et financière rigoureuse, à l'évidence les dépassements ne sont pas conformes à l'esprit de l'article 5, alinéa 4, de la loi précitée.»

Il y a donc ambiguïté sur cette question et ce n'est pas par hasard si la commission s'est divisée à propos de l'évaluation. Il est difficile de savoir ce qu'on entend par dépassements importants, nouveaux projets, etc.

Néanmoins, le présent projet revêt un aspect sur lequel j'attire votre attention. C'est un projet d'étude relatif à un vaste programme qui a duré dix ans. Ce programme était, en fait, un plan d'intention susceptible d'être modifié : il a été défini comme tel par le projet d'origine 5123. Les députés en étaient conscients, puisqu'ils ont ajouté l'alinéa suivant au projet 5123 : «Le Conseil d'Etat doit présenter un rapport annuel au Grand Conseil sur l'état des études relevant de la présente loi, en accordant la priorité aux objets contribuant à la lutte contre le bruit des aéronefs.» Ces rapports annuels n'ont jamais été présentés au Grand Conseil. L'expert l'admet parfaitement puisqu'il dit dans son rapport, deuxième paragraphe auquel je fais allusion : «Hormis quelques précisions dans le rapport annuel de gestion du Conseil d'Etat, au cours des années, force est de constater qu'un rapport annuel formel n'a jamais été établi par le Conseil d'Etat à l'intention du Grand Conseil...».

Le Conseil d'Etat n'a vraisemblablement pas respecté la loi au sens des alinéas 4 et 5 de l'article 5, pas plus qu'il ne l'a respectée au sens de l'alinéa 3 ajouté, à l'époque, par les députés.

Je vous invite donc à refuser le crédit qui vous est proposé ce soir pour :

-  assumer une gestion plus rigoureuse des deniers publics;

- sanctionner la vision mégalomane du Conseil d'Etat de l'époque qui, sans consulter le Grand Conseil, a voulu tout trop grand, tout trop vite, pour attirer la clientèle à Genève.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Je commence par la fin en disant qu'il est nécessaire d'accepter ce crédit. Certes, nous avons constaté des visées très expansives pour notre aéroport par rapport au document «Horizon 1990» de 1978, mais, si nous avions tenu compte d'éléments absolument mégalomanes, la situation serait infiniment plus grave aujourd'hui.

Il a fallu que certaines personnes, alors jugées bornées, s'opposent au très haut niveau fixé pour l'aéroport pour que nous en revenions à des décisions plus raisonnables, mais néanmoins suffisamment importantes pour causer des dépassements.

Il faut dire que nous avions un plan d'intention pour l'aéroport et que c'est lui qui a provoqué les débordements cités dans mon rapport de minorité.

Maintenant, il nous faut comprendre que ces bouclements de crédit doivent être acceptés. A mon avis, nous avons fait match nul à la commission des travaux. Nous ne devons pas toujours chercher un responsable, car ils sont plusieurs. Nous pouvons considérer que le Conseil d'Etat était en butte à des poussées inflationnistes telles qu'elles ont provoqué la situation actuelle de l'aéroport. Nous aurons, d'ailleurs, à débattre d'autres cas de ce genre.

J'espère que vous aurez la sagesse d'accepter ce bouclement de crédit.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Vous avez tort, Monsieur le député Nissim, de personnaliser les affaires de la sorte en me mettant en cause. La raison en est simple, et je vous l'explique.

Le crédit d'adaptation des installations de l'aéroport a été voté par le parlement en avril 1980. Ce programme, que vous qualifiez de mégalomane, date donc de 1980. A cette époque, je n'étais pas membre du gouvernement et, puisque vous personnalisez les affaires, je dois à l'objectivité de dire que M. Grobet n'en faisait pas partie non plus.

Etant obligé de vous ramener sur la voie de l'objectivité, j'ajoute qu'une de mes premières tâches en 1986, peu après mon élection, a été de répondre à une motion de MM. Boesch et Spielmann qui demandait le réexamen du programme d'investissement, réexamen que j'ai accepté et mis en oeuvre, parce qu'il me paraissait raisonnable de redimensionner ce programme d'investissement et surtout d'inverser un certain nombre d'étapes.

C'est ainsi que nous avons travaillé. Le reste est le fruit de votre imagination polémique.

M. Dominique Hausser (S). La semaine dernière, nous avons voté, à l'unanimité, une modification de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, dans le but d'améliorer la transparence relative aux investissements liés à la construction.

Cette modification est ressortie des réflexions de la commission des travaux et de ce Grand Conseil, après l'analyse de quelque septante-cinq projets de lois de bouclement.

Nous abordons, ce soir, les derniers projets de ce train. Ils seront acceptés par les uns et refusés par les autres. Comme il l'a annoncé, le groupe socialiste s'abstiendra de les voter, comme il s'est abstenu pour d'autres qui mettaient en évidence les dysfonctionnements et les erreurs, tant du Conseil d'Etat que du parlement et acteurs concernés.

Néanmoins, je suis perplexe. En effet, ce parlement a voté, et les exceptions perdurent. La politique dérogatoire et la politique des petits copains se poursuivent comme si de rien n'était. Permettez-moi de relater un exemple très récent :

Il était une fois un propriétaire qui avait décidé de rénover un immeuble. Il commença les travaux, puis les stoppa. Il vendit. Le propriétaire suivant reprit les travaux et, à son tour, les stoppa. Des lustres étant passés, des citoyens décidèrent de parer à la dégradation totale de l'immeuble; ils l'occupèrent pour s'y loger et pratiquer diverses activités sociales et productives. Le bâtiment fut alors revendu à un personnage qui décida de relancer les travaux. Empêché de le faire immédiatement, il a déposé plainte. Ce dernier aurait promis de rénover en respectant les prix HLM prévus dans le projet autorisé en 1994. Mais l'office financier du logement n'était pas au courant du changement de propriétaire. Mardi, il aurait signé. Apparemment, il aurait décidé d'appliquer l'autorisation de 1994, mais, en même temps, il a déposé une requête complémentaire No 90498/3 visant à modifier le projet et publiée le mercredi 24 septembre 1997. Dans la «Feuille d'avis officielle», le propriétaire est désigné sous PPE, ce qui n'est guère compatible avec HLM. Si ce n'est pas de la magouille, je me demande ce que c'est !

Que s'est-il passé ce mercredi 24 septembre, tôt le matin ? Une centaine de personnes, appartenant aux forces de l'ordre, ont délogé les occupants de l'immeuble et ceux qui, pour les soutenir, avaient campé dans un parc voisin.

M. Acquaroli, mandataire-architecte, construira-t-il sur la base de l'autorisation délivrée, sur la base de sa requête complémentaire non autorisée ou ne fera-t-il rien, comme les précédents propriétaires ?

Je me demande si, pour l'Entente, les lois sur la construction équivalent à du bouillon pour les morts. Néanmoins, j'espère que la loi que nous avons votée à l'unanimité, la semaine dernière, sera aussi respectée par l'Entente.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de majorité. Il est vrai, Monsieur Maitre, que vous n'êtes pas le seul responsable des surdimensionnements et des dépassements de crédit qui ont eu cours dans ce canton pendant dix ans.

Si j'ai fait l'effort de ne pas diaboliser M. Grobet, ce n'était pas pour vous diaboliser personnellement. La responsabilité est collective. Elle retombe sur plusieurs administrations et départements. Mon collègue Meyll l'a très bien exprimé.

Mais c'est quand même vous, Monsieur Maitre, en tant qu'autorité tutélaire de l'aéroport, qui portez une grosse part de la responsabilité du surdimensionnement et, par conséquent, d'une partie des dépassements de crédit qui en ont découlé.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Que les choses soient claires ! Il est des responsabilités que j'assume pleinement depuis mon élection. Auparavant, je n'avais pas à le faire, même si je dois répondre, en tant que membre du gouvernement, de la continuité de ce qui a été accompli.

J'ai également plaisir à revendiquer une responsabilité au crédit du gouvernement; c'est celle qui - sur référendum de vos milieux - a conduit 71% du corps électoral à plébisciter le développement des infrastructures de l'aéroport international de Genève.

C'est une responsabilité que j'assume volontiers, et je vous invite même à la partager avec moi !

M. Christian Grobet (AdG). Je n'avais pas l'intention de m'exprimer à propos d'un nouveau bouclement de crédit, mais je tiens néanmoins à relever que les termes de M. Nissim ne ressemblent pas à ceux de M. Burdet. Néanmoins, l'aéroport présente un certain parallélisme avec la galerie de décharge de l'Aire en ce sens... (M. Chaïm Nissim sourit.) Vous pouvez sourire, Monsieur Nissim, mais je ne trouve pas très drôle que ayez cité mon nom dans votre rapport sans que vous et l'expert ne m'ayez posé la moindre question.

Il n'est pas normal de traiter les dossiers de la sorte et d'affirmer des choses fausses. L'expert, M. Hiltpold sauf erreur, a prétendu que le Grand Conseil n'avait pas été informé des résultats de l'étude. J'avais l'intention de réagir en écrivant à M. Hiltpold. Je constate que M. Nissim reprend cette accusation, sans m'avoir demandé si, par hasard, il n'y avait pas eu autre chose que des réflexions à l'occasion des rapports de gestion.

Ce crédit a été voté en 1979, c'est-à-dire trois ans avant mon entrée en fonctions au département. Il a donné lieu à une étude de l'Institut Battelle, qui fut la principale cause du dépassement, et vous le savez ! Elle a coûté plus cher que prévu et cela figure dans le rapport de M. Hiltpold.

Ni M. Maitre ni moi-même ne sommes responsables de cette étude. Elle était totalement délirante, puisque l'Institut Battelle, qui paraissait très sérieux aux yeux de beaucoup, estimait, en 1980, que le trafic annuel de l'aéroport de Cointrin dépasserait douze millions de passagers en 1995. Aujourd'hui, ils sont six ou six millions et demi... A l'époque, certains ont été tournés en dérision pour avoir jugé cette prévision excessive. Aujourd'hui, tous se rendent compte que le rapport de l'Institut Battelle était totalement faux, ce que je tiens à souligner.

Monsieur Nissim, écoutez, c'est important ! Cette loi ayant été votée trois ans avant que je sois nommé au Conseil d'Etat, je vous avoue humblement que j'ignorais l'obligation de fournir un rapport annuel. Cela ne se faisait pas avant mon arrivée. Toutefois, en tant que conseiller d'Etat, je ne me suis pas contenté de donner des informations uniquement à l'occasion du rapport de gestion annuel. Vous êtes mal informé ! Vous pouvez consulter, si vous le souhaitez, le Mémorial du Grand Conseil du 29 novembre 1984 que j'ai sous la main. Vous y trouverez l'exposé des motifs d'un des premiers projets d'extension de l'aéroport présenté sur la base de ce crédit d'étude. Quatre ou cinq pages exposent le détail de l'étude. (M. Chaïm Nissim se rend à la place de M. Christian Grobet et consulte le Mémorial.) Quand vous prétendez que le Grand Conseil n'a pas été informé, c'est faux ! Je regrette que vous repreniez ces ragots dans votre rapport, pour essayer de faire croire que nous n'avons pas fait notre travail.

En outre, je tiens à vous dire, puisque vous n'étiez pas encore au Grand Conseil, que l'information sur l'aéroport était quasiment fournie tous les mois à la commission des travaux, car si les députés avaient un dada à l'époque, c'était bien l'aéroport !

Par conséquent, cinq pages d'explications ont été écrites, outre le rapport relatif à la première demande de crédit fondée sur ce crédit d'étude. A défaut de rapports annuels, un rapport complet a été remis sur les études qui ont été faites.

Monsieur Nissim, vous qui aimez tant faire la leçon à autrui, vous devriez savoir que ce crédit avait pour but non seulement de financer l'étude Battelle, mais aussi de financer les études des différents projets d'extension. Vous auriez eu votre réponse si vous aviez pris la peine de lire, dans le Mémorial du Grand Conseil, les exposés des motifs relatifs aux différents projets d'extension de l'aéroport, financés par le crédit d'étude.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. M. Maitre dit ne pas porter la responsabilité du programme établi en 1979, tel que l'Institut Battelle l'avait proposé... Je rappelle que cet institut avait présenté trois estimations : minimale, moyenne et maximale. La moyenne fut choisie et, ce faisant, nous avions largement dépassé les chiffres que nous pouvions assumer.

Il faut admettre l'échec du référendum de 1991, certainement dû à la mégalomanie ambiante. Actuellement, la plupart des quarante-quatre guichets construits sont vides, ce qui m'a fait dire à M. Jobin, au sortir d'une commission, que l'emplacement pourrait servir de halle sportive et qu'un match de hockey pourrait s'y dérouler sans contrecarrer les activités aéroportuaires...

Nous avons eu les yeux plus gros que le ventre, nonobstant le fait que le département de l'économie publique a souvent poussé à la roue, en obligeant le département des travaux publics à avancer le plus rapidement possible.

C'était facile, on votait sans se préoccuper des problèmes. Nous étions dans une période d'expansion qui nous paraissait, à nous opposants, absolument folle. Le résultat est que beaucoup de guichets sont maintenant fermés et qu'ils sont en surnombre, même aux heures de pointe.

A titre d'exemple, je cite l'aéroport Dulles de Washington qui comporte, en tout et pour tout, trente-six guichets. Reste à savoir si Genève a plus d'importance que Washington...

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de majorité. Pour avoir participé à ses luttes contre le surdimensionnement de l'aéroport, je me rallie aux propos de mon excellent collègue Meyll.

Nous avons gaspillé des millions pour construire non seulement des guichets en surnombre, mais bien d'autres structures surdimensionnées. Nous devons les payer aujourd'hui.

Certes, Monsieur Maitre, notre référendum ne l'a pas emporté, mais cela ne signifie pas que nous ayons eu tort. Les minoritaires ont souvent raison, mais on ne s'en rend compte que dix ans plus tard !

Monsieur Grobet, l'expert rapporte que le Conseil d'Etat ne s'est jamais plié à l'article 3 du projet de loi 5123 qui lui faisait obligation de déposer un rapport annuel d'état de la suite des études. L'exposé que vous m'avez recommandé de lire dans le Mémorial concerne le projet 5667 issu, comme d'autres, du projet initial 5123. Dès lors, il est normal que le Conseil d'Etat ait rédigé un exposé de quatre ou cinq pages pour ce projet 5667. Cela n'a rien à voir avec la demande du Grand Conseil qui entendait recevoir un rapport annuel en relation avec le projet 5123.

A mon avis, l'expert ne s'est pas trompé quand il a accusé le Conseil d'Etat de ne pas avoir respecté la loi. Il va de soi que vous avez déposé X projets de lois en dix ans, et il vous est facile de m'en montrer plusieurs dans le Mémorial ! Néanmoins, vous n'avez pas respecté la loi.

Je vous concède volontiers que tout cela est formel et que des rapports ont été déposés suite à cette loi. Je ne vous fais pas particulièrement grief de n'avoir pas respecté cet article et de n'avoir pas traité cela en détail. Il n'en demeure pas moins que quatre des membres de la commission se sont basés sur ce manque de détail pour refuser d'entériner le bouclement de crédit qui nous est soumis ce soir.

M. Christian Grobet (AdG). Je constate que certains refusent un bouclement de crédit pour des questions de détail !

Cela dit, Monsieur Nissim, vous auriez pu avoir le fair-play de reconnaître la vérité, à savoir que le Grand Conseil a bel et bien été informé, par écrit, sur ce crédit d'étude.

Vous n'ignorez pas qu'il arrive fréquemment au Conseil d'Etat de présenter un projet de loi et, simultanément, de répondre à des motions, de rendre des rapports.

Quand le Conseil d'Etat a présenté le premier crédit d'exécution consécutif à ce crédit d'étude, il va sans dire qu'il a rendu rapport, dans son exposé des motifs, sur l'utilisation de ce crédit d'étude. Il n'allait tout de même pas produire deux documents à part !

Ne défendant même pas mon action en tant qu'ancien chef du département des travaux publics, je suis parfaitement à l'aise pour vous dire que ce rapport, intégré dans l'exposé des motifs, a été rédigé par le département de l'économie publique. Vous l'ignoriez, et c'est pourquoi vous êtes venu ici consulter le Mémorial. Ayez le fair-play de le reconnaître !

L'expert et vous-même, Monsieur Nissim, n'avez pas seulement dit qu'il n'y avait pas eu de rapport formel annuel; vous avez aussi prétendu que le Grand Conseil n'avait reçu, en fait d'informations, que les explications contenues dans le rapport de gestion. C'est faux, puisqu'à l'occasion des demandes de crédit d'exécution, une réponse écrite, complète, a été fournie sur l'utilisation du crédit d'étude.

M. Hervé Burdet (L). Cette situation, dans laquelle M. Grobet tente de se défendre comme il peut et autant qu'il peut, m'en rappelle une autre que j'ai bien connue.

Tandis que M. Grobet conseille le fair-play à M. Nissim qui s'exprime, finalement, au nom de la majorité de la commission, je constate, de mon côté, que l'expert est parfaitement clair quand il dit : «...si l'on examine les dépassements sous l'angle d'une gestion administrative et financière rigoureuse, à l'évidence les dépassements ne sont pas conformes à l'esprit de l'article 5, alinéa 4, de la loi précitée.» La loi précitée stipule, en son article 5 : «Si l'exécution des travaux, tels qu'ils ont été étudiés avant l'ouverture de crédit, rend indispensable une dépense supérieure au montant voté, le dépassement fait l'objet, au moment de l'achèvement des travaux, d'une demande complémentaire au Grand Conseil, dans les formes prévues au présent article.» Cela n'a pas été fait, M. Grobet s'en excuse et les deux rapporteurs se mélangent les pieds en se congratulant.

Il me faut donc rappeler que la majorité de la commission refuse d'entrer en matière sur le projet de loi 7308, comme sur le précédent et ceux du même genre qui suivront.

M. John Dupraz (R). Permettez-moi d'exprimer un point de vue personnel sur ces crédits maintenant décrétés.

Je trouve spécieux de faire des procès d'intention aux uns et aux autres... (Brouhaha sur les bancs de droite, claquements de pupitres.) Je n'ai jamais vu un entrepreneur libéral recevoir de l'argent puis le rendre pour l'avoir indûment dépensé ! (Contestation de M. Olivier Vaucher.) Monsieur Vaucher, vous feriez mieux de vous taire dans ce genre d'affaires, vous êtes mal placé pour en parler !

La présidente. Il faut s'en tenir au sujet !

M. John Dupraz. J'aimerais pouvoir m'y tenir, Madame la présidente. Je voudrais simplement dire que la population s'apprête à renouveler le Grand Conseil dans quelques jours, et on parle d'affaires qui se sont passées il y a dix ou quinze ans.

Notre déficit est d'environ 500 millions, et il semble que nous n'ayons pas mieux à faire que de nous disputer à propos d'affaires vieilles de dix ans.

Nous ne sommes pas capables de proposer un projet de société et des solutions pour la situation actuelle. Nous nous battons pour le passé.

C'est détestable, c'est regrettable !

Je voterai le bouclement de crédit. Il faut savoir clore les affaires pour repartir à zéro !

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de majorité. J'abonde dans le sens de mon excellent collègue John Dupraz.

Monsieur Grobet, le détail dont je parlais est, à mes yeux, notre vote de ce soir, puisque l'argent en question est déjà dépensé.

En revanche, je trouve important de bien situer la responsabilité que nous avons collectivement assumée en surdimensionnant notre aéroport, en dépassant les crédits, en jouant à la grenouille genevoise se voulant plus grosse que le boeuf zurichois. C'est de ce «détail» qu'il convient de se rappeler ce soir.

M. Michel Balestra (L). John Dupraz vient de nous donner un merveilleux cours de politique, et je vérifierai si son intervention avait, ce soir, sa raison d'être. D'ores et déjà, je suis convaincu qu'il remportera plus de voix que nous tous le 12 septembre...

Le procès en cours ne regarde aucun d'entre nous. Il concerne ceux qui étaient responsables du dossier.

Je m'inscris en faux quand vous dites que nous avons surdimensionné notre aéroport. Il constitue un magnifique outil de travail, il finance entièrement les intérêts et les amortissements économiques de l'ensemble de ses investissements. Nous avons la chance de compter, aujourd'hui, six millions de passagers et de bénéficier d'infrastructures pouvant en accueillir douze millions, alors que les autres aéroport sont déjà saturés.

Vous verrez, ces investissements vont payer, et même beaucoup. Nous avons eu la chance de les faire au bon moment.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Je n'entends pas rouvrir le débat avec M. Balestra, mais quand il dit que ces investissements rapporteront... Bref, je veux bien l'admettre en ce qui concerne l'exploitation.

Nous n'avons jamais vu un bilan, nous ignorons ce que l'Etat a donné. L'autre soir, à la radio, j'entendais M. Jobin déclarer que l'aéroport avait coûté plus de 4 milliards à l'Etat. Cela signifie qu'avec les structures complémentaires, le montant investi est considérable... et qu'il ne rapportera pas autant que vous vous plaisez à le dire !

Il faudrait quand même établir un compte détaillé fiable, et ne pas considérer seulement les frais d'exploitation. De plus, des amortissements ne sont pas prévus dans de nombreux cas.

Il est temps de revoir la question.

M. Claude Blanc (PDC). C'est le énième projet de loi qui fait que nous nous heurtions en matière d'analyse des effets de la «pétaudière Grobet»... (Brouhaha.)

La présidente. Monsieur l'ancien président du Grand Conseil, vous avez décidé de relancer le débat avant le vote d'entrée en matière ?

M. Claude Blanc. Et même il m'agresse par derrière ! (Eclats de rire.)

La présidente. Poursuivez, poursuivez, mais sur le sujet, s'il vous plaît !

M. Claude Blanc. Pour notre part, nous avons décidé de renoncer à ce genre de débats stériles. Nous nous abstiendrons lors du vote, parce que les arguments des uns et des autres se valent. L'ensemble des crédits pour les grands travaux a été géré d'une manière méprisante pour le Grand Conseil. On attendait de voir, on ne se présentait jamais devant le parlement appelé à voter; puis on faisait comme bon nous semblait. Dorénavant, nous nous abstiendrons dans ce genre d'affaires, parce que cela tourne au ridicule.

J'en viens à autre chose. On profite de l'occasion pour mettre en cause les crédits votés pour l'aéroport. Monsieur Meyll, permettez-moi de vous dire que si nous avions dû vous suivre quand vous avez voulu nous empêcher de réaliser les aménagements nécessaires à l'aéroport, la crise économique actuelle, dont vous espérez profiter lors des prochaines élections, serait évidemment beaucoup plus grave. Bien plus de gens souffriraient à Genève, mais nous savons qu'ils constituent votre fonds de commerce. Par conséquent, ce serait dommage de vous en priver.

M. Michel Balestra (L). Monsieur Meyll, ce que vous dites n'est pas vrai. Vous savez parfaitement que l'aéroport international de Genève-Cointrin fait 150 millions de chiffre d'affaires, sur lesquels il prélève 30 millions pour l'amortissement économique et les intérêts des crédits que nous avions votés à l'époque; et que tous les nouveaux crédits sont entièrement assumés par l'aéroport qui a toujours fait face à son développement.

Votre débat n'est pas le débat de ce soir. Normalement, nous ne devrions pas parler de ce que je viens d'énoncer. La seule question, ce soir, est de savoir si les crédits que nous avions votés ont été bien gérés. Nous répondons qu'ils ne l'ont pas été, que des dépassements ont eu lieu, et que nous ne les voterons pas.

Votre réaction prouve qu'une des grandes actions de ce gouvernement homogène aura été d'autonomiser l'aéroport pour qu'il soit géré plus rationnellement. Vous êtes des députés d'un autre âge; vous êtes incapables de vous occuper d'affaires aussi spécifiques que celle-là !

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Je rappelle simplement à M. Balestra que l'autonomisation de l'aéroport s'est faite sous le précédent gouvernement.

Vous n'avez jamais fait un bilan d'entrée. Quand nous en demandions l'établissement par une société anonyme, vous ne pouviez l'envisager, les frais ne pouvant être couverts. Alors, on a offert quelque chose à une direction d'aéroport, mais je ne veux pas rouvrir le débat.

Simplement, je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites.

Quant à M. Blanc, je ne puis que lui conseiller de voir ce qu'il en est des quarante-quatre guichets puisque, selon lui, nous nous sommes ridiculisés en nous opposant à leur construction.

Notre attitude n'a pas été aussi néfaste que vous le prétendez, puisque nous proposions de construire des appartements avec cet argent. La crise du logement sévissait à l'époque, et il aurait été préférable de construire des appartements plutôt que des guichets inoccupés dans un emplacement vide qui, si cela n'était trop coûteux, pourrait être transformé en installation sportive.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Comme vous le savez, je me suis abstenu de participer aux discussions de la commission, ces bouclements appartenant au passé.

Je voudrais cependant dire deux choses.

La première est que M. Hiltpold est un expert reconnu pour son objectivité au-dessus de tout soupçon. J'adhère totalement à son rapport.

La deuxième est qu'il faut mettre en parallèle les vingt-huit adaptations de 232 millions et les adaptations supplémentaires de 138 millions. Cela vous donnera une idée des efforts de planification faits pour suivre un chantier qui, probablement, a été mené au jour le jour.

C'est regrettable, mais ce qui l'est plus - et l'expert le regrette aussi - est que l'on ait dû attendre 1995 pour introduire le bouclement de plus de cent vingt-deux projets de lois.

Lors de la dernière séance de cette législature, je vous présenterai quarante-cinq projets de lois. Nous aurons ainsi épuisé la totalité des projets qui n'ont pas été bouclés lors des précédentes législatures.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.

PL 7574-A
8. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique (L 7 05). ( -) PL7574
Mémorial 1997 : Projet, 1096. Renvoi en commission, 1098.
Rapport de M. Claude Lacour (L), commission judiciaire

Ce projet de loi a été renvoyé à la commission judiciaire, sans débat de préconsultation, le 27 février 1997 (Mémorial, pages 1096 et 1098).

Problème posé

Lorsqu'une mesure d'expropriation est prise en vertu d'une loi décrétant d'une manière générale l'utilité publique, un recours est prévu auprès du Tribunal administratif.

En revanche, si la mesure découle d'une loi déclarant de manière ponctuelle l'utilité publique, il n'existe de recours ni contre la loi ni contre ses arrêtés d'exécution.

Cette absence de possibilité de recours a été déclarée contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme par le Tribunal fédéral qui a, en conséquence, annulé un arrêté du Conseil d'Etat concernant un cas d'utilité publique «ponctuel».

Audition de M. D. Mottiez, secrétaire adjoint au départementdes travaux publics et de l'énergie

Après avoir exposé de façon détaillée le problème posé, M. Mottiez explique que la solution proposée par le projet de loi consiste à donner aux décisions concernant l'utilité publique ponctuelle la même voie de recours que celle accordée aux décisions d'ordre général et donc d'attribuer cette compétence au Tribunal administratif.

Le Tribunal administratif est au courant du fait que le problème de ses attributions de compétences fait l'objet d'une refonte complète et de ce qu'un projet de loi est actuellement en préparation.

M. Mottiez signale qu'une partie de la doctrine estime que, du fait que le Grand Conseil décrète l'utilité publique et que le Conseil d'Etat exproprie, la loi d'expropriation pour cause d'utilité publique pourrait être attaquée devant le Tribunal fédéral.

Il rappelle que dans certains cas le Conseil d'Etat peut prendre une décision de déclaration d'urgence.

Discussion

Au cours des discussions de la commission, il est débattu de la question du système d'attribution de compétence au Tribunal administratif.

Il est finalement demandé aux représentants du département de justice et police et des transports et du département des travaux publics et de l'énergie de se faire l'écho de la préoccupation des députés qui préfèrent une attribution de compétence générale

Votes

L'entrée en matière, les articles et le projet de loi dans son ensemble sont adoptés à l'unanimité par la commission qui vous recommande par conséquent d'approuver le présent projet de loi.

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique

(L 7 05)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1993, est modifiée comme suit:

Art. 31, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)

a) que, dans les cas prévus par l'article 3, alinéa 1, lettres a et b, l'arrêté du Conseil d'Etat peut être déféré au Tribunal administratif;

Art. 62, lettre a (nouvelle teneur)

Le Tribunal administratif statue:

a) sur les recours en annulation, pour cause de violation des dispositions légales applicables, formés contre les arrêtés du Conseil d'Etat décrétant l'expropriation dans les cas prévus par l'article 3, alinéa 1, lettres a et b;

Art. 2

La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:

Art. 8, al. 1, 111o (nouvelle teneur)

111° arrêtés du Conseil d'Etat décrétant l'expropriation en vertu de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique (L 7 05, art. 3, al. 1, lettres a et b, et 62, lettre a).

PL 7668-A
9. Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport annuel de gestion, le compte de profits et pertes et le bilan des Services industriels de Genève pour l'année 1996. ( -) PL7668
Mémorial 1997 : Projet, 4386. Renvoi en commission, 4388.
Rapport de M. Alain-Dominique Mauris (L), commission de l'énergie et des Services industriels

La commission, sous la présidence de Mme Janine Berberat, a examiné, lors de la séance du 23 mai 1997, les comptes 1996 des Services industriels de Genève (SIG).

M. Denis Dufey, secrétaire général du département des travaux publics et de l'énergie, et M. Rémy Beck, adjoint à l'office cantonal de l'énergie, assistaient aux travaux de la commission.

Les Services industriels de Genève étaient représentés par:

M. G. Fatio, président;

M. M. J.-G. Florio, secrétaire général;

M. M. Y. de Siebenthal, directeur du service du gaz;

M. M. E. Wohlwend, directeur des services généraux;

M. M. Ch. Michelet, directeur du service comptabilité et finance;

M. M. Ph. Kloter, service de l'électricité;

M. M. H.-P. Rufenacht, service de l'eau;

avec la présence de M. D. Boscarato, réviseur responsable de la fiduciaire OFOR.

Mme Berberat, présidente, donne la méthode à suivre pour l'analyse des comptes et passe la parole aux SIG. M. Fatio présente les comptes d'une façon globale et les situe dans le contexte actuel de l'entreprise. Il insiste sur 5 défis à relever par les SIG:

1. retrouver l'équilibre financier;

2. faire face à la stagnation de la demande;

3. tenir compte de la conjoncture qui touche de plein fouet les clients et par conséquent influence la marche des affaires des SIG;

4. la préparation à la libéralisation des marchés;

5. assumer financièrement la dépendance de l'origine principale de l'électricité de Genève, d'origine hydraulique, qui coûte relativement plus cher à la production.

Grâce à ces 5 défis, qui sont autant de challenges, le président Fatio veut redéfinir l'engagement de l'entreprise sur la base de contrats de prestations clairement définis. Ceux-ci seront soumis à la commission en temps voulu.

M. .

- Les ventes d'énergie qui augmentent de 2,3% grâce aux ventes d'électricité en hausse de 3,8 millions de francs et de celle du gaz de9,6 millions de francs. Au sujet de l'électricité, les commissaires reçoivent une brochure explicative sur «le meilleur de la Lumière».

- Les achats d'énergies supplémentaires d'environ 15,1 millions de francs à EOS ont été réalisés pour compenser la perte d'exploitation due au sinistre survenu à l'usine de Verbois.

- Les frais de personnel ont diminué d'environ 3,5% essentiellement dus:

- à la réduction de 32 postes;

- à la non-indexation partielle des traitements;

- aux premiers effets liés à la préretraite.

Relevons que, pour le personnel restant, il y a une augmentation globale des traitements de 1,1% due à l'appréciation des salaires en fonction de la performance.

- Les investissements sont en forte diminution, d'où l'augmentation de la capacité d'autofinancement qui passe de 48% en 1995 à 71% en 1996. Ce qui, compte tenu de la baisse des investissements, n'est pas très réjouissant, mais il faut bien commencer les redressements financiers par un bout...

- L'indépendance financière des SIG continue de se dégrader, les fonds propres passant de 32,4% à 31,7%, ce qui reste préoccupant.

Une discussion sur la façon de gérer la dette a été ouverte sur la base d'un constat. L'explication fournie du préfinancement d'échéance d'emprunt implique que les SIG semblent payer deux fois la marge à leurs intermédiaires bancaires. Pourquoi, dès lors, ne pas recouvrir aux instruments dérivés non spéculatifs permettant, sans coût de marge, de réaliser la même opération? M. Michelet est conscient du problème. Il relève, dans ce cas, le refus du Conseil d'Etat d'autoriser les SIG à utiliser ce genre de stratégie !

Dans la mesure où il n'y a aucun but spéculatif, les commissaires estiment que les SIG devraient pouvoir le faire.

Puis, sur demande de la présidente Berberat, sont expliquées les4 modifications majeures intervenues en 1996:

- le nouveau plan comptable avec de nettes améliorations de présentation pour 1996 tant du compte de résultat que dans le bilan. Elles se traduisent par une meilleure compréhension pour les lecteurs;

- les SIG ont adopté les normes de l'International Accounting Standards Committee (IASC). Un groupe de travail créé en 1996 planche à ce sujet;

- audits externes pour la vérification de la tenue des comptabilité et la présentation des comptes annuels (un questionnaire d'appréciation a été élaboré pour l'ensemble des lecteurs des comptes);

- gestion des immobilisations: ce point avait soulevé de grandes interrogations l'an dernier semant le doute. Aujourd'hui, par la voie de M. Boscarato de l'organe de contrôle, les commissaires ont appris qu'un groupe de travail est à pied d'oeuvre pour l'analyse et l'estimation de l'ensemble. Déjà plus de 400 millions de francs d'immobilisation ont été examinés. En 1997, le travail se poursuit. Une mesure de mise sur informatique de la gestion des immobilisations a été prise. Tout en maintenant leur réserve, les commissaires soulignent la préoccupation des SIG de faire toute la lumière à ce sujet.

Ensuite, tous les représentants des services ont été amenés à s'exprimer et ont répondu avec clarté aux nombreuses questions et remarques.

Quelques points traités spécifiquement

Visite de Verbois

Ce sujet a retenu toute l'attention des commissaires. En effet, alors qu'on leur avait assuré, lors du sinistre, qu'il n'y aurait pas de surcoût, force est de constater que ce n'était pas le cas. A la page 35 du rapport annuel de gestion, le tableau récapitulatif aurait mérité plus de clarté. Les commentaires fournis par MM. Fatio et Michelet ont permis de mieux comprendre la ventilation des montants. La perte d'exploitation a été couverte par la prise en charge de 15,123 millions de francs sur l'exercice en cours, le reste par divers fonds. La question a été posée de savoir pourquoi le compte des produits et charges extraordinaires comptabilise l'ensemble des produits d'assurance à recevoir, et non l'ensemble des charges exceptionnelles (électricité).

Une bonne nouvelle est la prochaine remise en activité du 1er groupe, ce printemps déjà, à Verbois.

Frais généraux d'exploitation

Ces frais généraux d'exploitation ont passé de 42,1 millions de francs en 1995 à 38,3 millions de francs en 1996, traduisant les efforts de rationalisation réalisés au sein de l'entreprise. Ce qui paraissait difficile devient possible grâce à la volonté de tous les personnes concernées d'y parvenir.

Charges financières

L'augmentation des charges financières de 58,7 millions de francs à 63,5 millions de francs résulte de l'augmentation des emprunts. Ceux-ci ont été contractés pour financer d'importants investissements afin de:

- renouveler les outils de production;

- rationaliser les installations afin de réduire les charges d'exploitation;

- satisfaire les normes légales.

D'autres sujets non financiers ont été abordés notamment:

- redevances aux collectivités publiques. Ce sujet a été survolé car il relève d'un contexte de redéfinition globale des SIG;

- les conséquences de la libéralisation des marchés en matière d'investissements et de désinvestissements de politique des prix et d'alliances. Les réponses sont restées superficielles car le débat n'était pas à l'ordre du jour, celui-ci se faisant dans le cadre de celui de la réorganisation des SIG;

- utilisation des matériaux du Salève, un rappel de la motion déposée au Grand Conseil qui recommande aux SIG de les remplacer par des matières recyclées;

- autoproducteurs: obtenir une information sur leur nombre (ceux avec gaz et fuel) et ceux qui produisent de la chaleur non consommée;

- la privatisation des SIG: suite à un article paru dans un quotidien en début de semaine, le président Fatio relève que tout ce qui lui est attribué est à prendre avec distance et qu'il faut s'en tenir aux propos qu'il a tenus devant cette commission (notamment concernant la rénovation pour 160 millions de francs de Chancy-Pougny).

Conclusion

La volonté de transparence totale et la présence exceptionnelle de l'organe de contrôle ont apporté à cette analyse des résultats un gage de confiance dans le travail d'assainissement et les 5 défis que relèvent les SIG.

Les commissaires ont été très satisfaits des réponses apportées à leurs questions. Ils ont soulevé la volonté manifeste et concrète du président Fatio et de son équipe de collaborer avec l'ensemble des intervenants. L'année passée, lors de la séance du Grand Conseil sur l'approbation des comptes 1995, plusieurs points divergeants et interrogations avaient été relevés, suscitant des réactions de toutes parts. Cette année, sur une même méthode d'analyse, les commissaires ont réaffirmé la nécessité pour les SIG de continuer leur redressement et de préparer l'entreprise à la libéralisation des marchés. Ils ont trouvé dans la direction des SIG des personnes compétentes qui font face à l'avenir avec conscience et volonté. Le réveil a sonné pour tous, y compris aux SIG. Ils doivent encore se battre pour se débarrasser de certaines images péjoratives qu'on leur a attribuées et se tourner définitivement vers un management moderne et innovant.

Dans ce même ordre d'idées, nous relevons qu'il est inadmissible, en termes économiques, de faire des pertes. Même si ces dernières ne s'élèvent qu'à 17 millions de francs, elles doivent rester exceptionnelles. Le retour à une situation bénéficiaire sera la meilleure preuve de la volonté affirmée aujourd'hui par les responsables d'y parvenir.

C'est à l'unanimité des membres présents que le projet de loi est accepté.

Premier débat

M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur. Si l'objectif imposé aux Services industriels était de respecter le budget, la mission est réussie, puisque la perte réalisée est de 7,9 millions inférieure à la perte budgétée.

En revanche, si l'on considère que l'objectif supérieur des Services industriels est de fonctionner de façon autonome, dans le cadre de leur mission, force est de constater qu'ils perdent un peu plus de leur indépendance à chaque exercice.

M. Olivier Vaucher (L). J'aurais voulu ajouter au rapport de M. Mauris un point extrêmement important à nos yeux.

Lors des débats et auditions à la commission de l'énergie et des Services industriels, nous avons bénéficié, pour la première fois, d'une totale transparence en ce qui concerne les comptes. Les collaborateurs et directeurs des différents départements des Services industriels ont répondu en détail à chacune de nos questions. De même la fiduciaire chargée de la révision des comptes des Services industriels. C'est un fait unique !

C'est pourquoi j'ai souhaité relever la qualité du travail que nous avons pu faire. En quatre ans, c'est la première fois que nous avons obtenu autant de détails et de renseignements sur les comptes des Services industriels.

Cela méritait d'être signalé.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

approuvant le rapport annuel de gestion, le compte de profits et perteset le bilan des Services industriels de Genève pour l'année 1996

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 160, alinéa 1, lettre b, de la constitution genevoise, du 24 mai 1847;

vu l'article 37, lettre b, de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève, du 5 octobre 1973,

Décrète ce qui suit:

Article 1

Le rapport annuel de l'organe de révision au Conseil d'administration des Services industriels de Genève, ainsi que le rapport annuel de gestion des Services industriels de Genève pour l'exercice arrêté au 31 décembre 1996 sont approuvés.

Art. 2

Le compte de profits et pertes et le bilan pour l'année 1996 sont approuvés conformément aux résultats suivants:

 F

a) total des produits 764 860 929,10

b) total des charges 782 533 063,55

c) résultat de l'exercice - 17 672 134,45

d) total du bilan 1 962 921 572,56

Art. 3

La perte de l'exercice 1996 s'élevant à 17 672 134,45 F sera portée en déduction du Fonds général de réserve.

PL 7319-A
10. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit complémentaire pour le bouclement du compte de construction d'une halle de fret à l'aéroport de Genève-Cointrin. ( -) PL7319
Mémorial 1995 : Projet, 6333. Renvoi en commission, 6544.
Rapport de majorité de M. René Koechlin (L), commission des travaux
Rapport de minorité de M. Pierre Meyll (AG), commission des travaux

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Sous la présidence de M. Hervé Burdet, puis de M. Henri Duvillard, la commission des travaux a examiné le projet de loi cité en titre, auquel elle a consacré tout ou partie d'une douzaine de séances. A ces dernières se sont ajoutées trois séances de la sous-commission constituée à la fin d'examiner en détail ledit projet ainsi que les nombreux documents et autres objets s'y rapportant.

Ont assisté plus ou moins régulièrement aux séances, selon leur titre, leur disponibilité, leur connaissance du dossier et leur compétence respectives: M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), MM. François Reinhard, directeur des bâtiments au DTPE, Arthur Harmann, directeur du génie civil au DTPE, Richard de Senarclens, adjoint à la direction des bâtiments, Marc Andrié, chef de la division des études et constructions, Jacques Gonthier, adjoint à la direction des études et constructions, Daniel Cheminat, contrôleur des soumissions.

Travaux de la commission

Le projet de loi 7319 s'inscrit dans un train de 74 projets de lois relatifs au bouclement d'autant de crédits de construction - ou d'études pour certains d'entre eux.

Au cours des deux premières séances consacrées à ce sujet, la commission a sélectionné 48 projets qui pouvaient, à l'évidence, être votés sans explications ou autres informations complémentaires.

A l'issue de ce choix, 26 projets demeuraient en lice et impliquaient un examen plus approfondi, notamment parce qu'ils comportaient un dépassement de crédit dont les causes méritaient d'être éclaircies. D'aucuns parmi ces excédents paraissaient excessifs non seulement proportionnel-lement aux crédits alloués, mais encore en valeur et en importance.

Le projet de loi 7319 appartient à cette dernière catégorie. Avec un dépassement de plus de 43 millions de francs sur un crédit totalisant plus de 133 millions, il méritait que les commissaires y prêtent une attention particulière.

Après un échange de vues préliminaire à propos de la teneur du dépassement, la commission a décidé de procéder, le 6 février 1996, aux deux auditions suivantes:

Audition de la direction de l'aéroport représentée par MM. J.-P. Jobin, directeur général, et R. Wüthrich, directeur d'exploitation technique

Il ressort de cette audition le rappel qu'avant 1994, soit à l'époque de la construction de la halle de fret, l'aéroport n'était pas autonome au sens où il l'est actuellement.

L'établissement dépendait du département de l'économie publique (DEP), autrement dit de l'Etat, et agissait comme gestionnaire des installations qu'il exploitait et louait aux différents utilisateurs. A l'instar des autres bâtiments du canton, la réalisation de la halle de fret était par conséquent régie par une commission de construction dirigée par les représentants du département des travaux publics (DTP) et composée, en outre, des délégués de l'aéroport, agissant au nom des usagers, et des mandataires.

La gestion du crédit de construction voté par le Grand Conseil incombait au DTP, tandis que la négociation des loyers et tout ce qui touchait à l'exploitation des installations étaient de la compétence de la direction de l'aéroport.

Pour ce motif, cette dernière n'est guère concernée par le dépassement de crédit qui fait l'objet du présent rapport, sinon par le supplément de charges qu'il implique et que l'établissement doit absorber.

Le moins que l'on puisse dire est que l'aéroport a toujours tenu pour acquis de devoir couvrir tant le loyer des investissements que les frais d'exploitation.

Audition de la Coordination Transports représentée par M. Ph. Fargeaud

Pour M. Fargeaud, dès lors que le dépassement de crédit était inscrit dans la valeur locative de l'établissement, il ne peut porter préjudice a posteriori à ce dernier. La question demeure purement politique et relève de l'orthodoxie en matière de gestion administrative, plutôt que de l'exploitation de l'aéroport ou, plus généralement, de son équilibre économique.

Cela dit, le rendement de l'établissement, aujourd'hui autonome, demeure fragile ou, pour le moins, aléatoire.

Forte des explications et éclaircissements qu'elle avait requis à propos des indexations et des hausses, la commission des travaux a décidé de confier l'examen détaillé du dossier à une sous-commission composée d'un repré-sentant de chacun des groupes siégeant en son sein.

A l'issue de ses travaux, le 16 avril 1996, cette dernière transmit à la commission un rapport (ci-annexé) qui conclut, en résumé, ce qui suit:

1. A l'ouverture du chantier en 1984, soit trois ans après le vote du crédit de construction de plus de 122 millions de francs, par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat aurait déjà dû solliciter un crédit complémentaire d'environ 12 millions de francs.

2. A l'achèvement des travaux, c'est un crédit supplémentaire d'environ27 millions de francs et non de 10,7 millions qui aurait dû être soumis au vote du Grand Conseil le 22 janvier 1988.

Les causes de ces «omissions», coupables notamment au sens de l'ar-ticle 55 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (D 1 05) méritaient d'être cernées avec précision. Pour se donner le temps de réfléchir aux moyens d'y parvenir, la commisison décida, le même jour, de suspendre ses travaux au sujet du projet de loi 7319.

Le 28 mai 1996, six projets de loi de bouclement demeuraient en suspens; parmi eux figurait celui relatif à la halle de fret. La commission décida ce jour-là de procéder à l'audition successivement de MM. Christian Grobet et Jean-Philippe Maitre, l'un et l'autre mis en cause à réitérées reprises lors de l'examen de ce dossier.

Audition de M. Christian Grobet, député, ancien conseiller d'Etat chargédu DTP, le 18 juin 1996

Après avoir dressé un bref historique de l'opération évoquant les circonstances économiques, politiques et techniques de sa mise en oeuvre,M. Grobet affirma que ce fut le Conseil d'Etat, plutôt que lui-même, qui jugea qu'il n'était pas nécessaire de demander au Grand Conseil un crédit supplémentaire. Le collège gouvernemental aurait justifié cette décision par l'assurance que les loyers allaient être adaptés au prix de revient.

Il était, par ailleurs, question de vendre des locaux à la Swissair et aux PTT. Le fruit de ces ventes, qui devait atteindre environ 15 millions de francs, compensait le supplément de coût qui ne fit pas l'objet du crédit supplémentaire de 10,7 millions de francs voté par le Grand Conseil en janvier 1988.

A la question de savoir si cette manière de «spéculer» sur des ventes pour se dispenser de l'obligation d'ouvrir un crédit lui paraissait correcte ou orthodoxe, M. Grobet répondit qu'«il considérerait aujourd'hui cette pratique autrement qu'il y a dix ans» (sic).

Nous ne nous étendrons pas trop sur l'argumentaire de M. Grobet qui a cru bon de l'écrire aux députés de la commission des travaux le 14 avril 1997. Il a tenté dans ce document, comme lors de son audition, de faire porter - sinon partager - la responsabilité au Conseil d'Etat et au département des finances, imputant à ce dernier le devoir de contrôler l'utilisation des crédits de construction. Il omit de dire (on serait tenté de croire qu'il l'ignorait), que la gestion de ces crédits incombait - et incombe encore - au DTP, sous la haute responsabilité de son chef !

Or, c'est bel et bien cette gestion qui - dans ce cas comme dans d'autres - à cette époque, fit étrangement défaut. Personne ne tenait les cordons de la bourse. Personne ne modérait les velléités dépensières des utilisateurs. Le DTP se bornait à enregistrer les demandes et à en établir le coût. Ses représentants ne reçurent aucune instruction de son chef visant à modifier cette pratique de manière à juguler l'hémorragie. A l'évidence, M. Grobet ne se souciait guère du strict respect des crédits qui étaient confiés à son département. A la politique de rigueur, il substituait celle du laisser-faire au gré des utilisateurs. Selon ses propres déclarations, il s'en remettait au prétendu contrôle du département des finances et se retranchait derrière les désirs desdits utilisateurs et les éventuelles décisions du Conseil d'Etat. Quant aux demandes de crédits supplémentaires au Grand Conseil, elles pouvaient attendre que tout soit accompli !

Audition de M. Jean Philippe Maitre, conseiller d'Etat chargé du DEP, accompagné de M. Jobin, directeur de l'aéroport, le 18 juin 1996

Selon M. Maitre, ni la direction de l'aéroport, ni le DEP n'étaient rendus attentifs à l'évolution des coûts de construction.

L'investissement, autrement dit la dette, étant entièrement imputé au compte de l'aéroport, il appartenait, et appartient encore, à ce dernier d'en assumer les charges au moyen des redevances et loyers prélevés.

La question dont le Conseil d'Etat a largement débattu consistait à savoir quel coût pertinent de l'ouvrage devait être pris en considération pour fixer les loyers, et quel surcoût serait pris en charge par l'ensemble des utilisateurs (notamment les compagnies aériennes).

M. Maitre se souvient, par ailleurs, que le problème du dépasement de crédit s'est bel et bien posé. Mais la demande du crédit supplémentaire correspondant était élaborée et présentée par le DTP. Il n'a lui-même jamais eu en main les documents et informations lui permettant de fournir à ce sujet des explications plus précises. Il se rappelle que M. Grobet souhaitait éponger le dépassement par la vente de locaux à la Swissair, ce qu'il n'approuvait pas personnellement.

Il reconnaît qu'il eût été souhaitable que le Conseil d'Etat puis le Grand Conseil soient saisis d'une demande de crédit supplémentaire de 27 millions de francs (et non de 10,7 millions seulement), précisant qu'une partie serait remboursée par les PTT qui se portaient acquéreurs d'un certain nombre de locaux. Mais le DTP n'a jamais présenté une demande pour un tel montant au Conseil d'Etat.

Expertise

Parvenue à ce stade d'investigations et constatant que 6 des 74 projets de bouclement - dont celui de la halle de fret - comportaient encore plusieurs incertitudes et diverses zones d'ombre, la commission décida, le 25 juin 1996, de charger le DTPE de faire procéder à une expertise de chacun des6 dossiers en cause.

Les experts mandatés devaient avoir pour mission d'établir toute la lumière sur les montants et les causes des dépassements relevés, sur les motifs qui les ont soustraits à l'obligation de faire l'objet d'une demande de crédit supplémentaire et sur les responsabilités.

Le 19 juillet 1996, le chef du DTPE informait le président de la commission qu'il désignait les experts en question.

En ce qui concerne la halle de fret, l'expert remit au DTPE un premier rapport le 19 décembre 1996 qu'il compléta en janvier 1997.

La sous-commission des travaux, précédemment désignée, fut chargée d'examiner ce rapport d'expertise.

Il ressort de cet examen ce qui suit:

1. Les montants qui figurent tant dans le projet de loi de bouclement que sur les différents documents remis à la commission, s'avèrent exacts, à peu de choses près. Le dépassement qui aurait dû faire l'objet d'une demande de crédit complémentaire s'élève bel et bien à environ 27 millions de francs. Il ne correspond donc pas aux 10,7 millions de francs qui firent l'objet du crédit supplémentaire voté par le Grand Conseil en janvier 1988.

 Les présumées ventes aux PTT et à Swissair ne dispensaient ni le DTP ni le Conseil d'Etat de demander au Grand Conseil un crédit supplémentaire du montant équivalent d'environ 16 millions de francs.

2. En 1984 déjà, soit au début des travaux, le DTP et le Conseil d'Etat savaient - ou devaient savoir - que le crédit serait dépassé. Charge fut alors donnée au DTP de réaliser des économies pour compenser la plus-value alors estimée à environ 12 millions de francs.

 Par la suite, non seulement le DTP - chargé de la gestion du crédit - ne parvint pas à juguler les dépenses en réfrénant les demandes des utilisateurs, mais ces dernières s'accrurent et les coûts flambèrent.

 De sorte que le dépassement annoncé de 12 millions de francs au lieu d'être réduit, atteignit 27 millions de francs à la fin des travaux (indexation et hausses non comprises).

3. La sous-commission s'est interrogée sur ce manque de rigueur tant dans la maîtrise des coûts que dans le respect et du crédit alloué et de la loi D 1 05.

 Il ressort du rapport de l'expert ainsi que des réponses aux questions posées aux représentants du DTPE qu'il manquait à l'organisme de promotion de l'ouvrage - à savoir, la commission de construction évoquée plus haut - soit une direction autoritaire chargée de faire respecter le programme et le crédit, soit un organe de contrôle, indépendant, investi d'une mission de même nature.

 Les représentants du DTPE ont informé les commissaires que les opérations importantes sont désormais dotées d'une telle structure de surveillance.

 Les «bouillons» des années quatre-vingt auront au moins servi de leçon pour la structure et l'organisation des opérations à venir.

Conclusion

A l'évidence, l'article 55 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (D 1 05) n'a pas été respecté. A qui la faute ?

L'argent est dépensé. Le dépassement est consommé. La responsabilité tant des dérapages dans la gestion du crédit de construction que de l'omission d'une demande de crédit supplémentaire au Grand Conseil est assez largement partagée.

Pour qui cherche le coupable, et dans la mesure où il appartient au parlement de s'ériger en juge, le chef du DTP, en tant que principal représentant délégué du maître de l'ouvrage, portait et assume encore aujourd'hui une lourde responsabilité dans le déroulement des opérations et leur organisation. Il lui appartenait de réunir les compétences et désigner la ou les personnes capables de grande fermeté dans la gestion du crédit et la maîtrise tant du programme que des coûts. Il devait en outre, si la personne en cause était en place, lui donner toutes les instructions et directives de rigueur.

A cette lacune, qui eut pour effet d'accroître le prix de revient, s'ajoute la faute commise quant au non-respect de la loi susmentionnée. On peut en rendre coupable tant le Conseil d'Etat d'alors que M. Grobet; peu importe. Car l'essentiel, pour l'heure, consiste à tirer la leçon et prendre les mesures qui empêcheront à l'avenir ce genre de dysfonctionnement. Le projet de loi de la commission des travaux visant à réviser la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (D 1 05), actuellement examiné par la commission des finances, constitue la première de ces tentatives de réforme.

A l'issue de ses travaux, la majorité de la commission décida de signifier sa réprobation pour qu'à l'avenir le chef du DTPE et plus généralement le Conseil d'Etat respectent avec plus de rigueur la loi en question et, ce faisant, le rôle du Grand Conseil en matière de crédits. Pour ce motif, ladite majorité par 5 voix (2 L, 2 R, 1 DC) contre 3 oppositions (AdG) et 6 abstentions (2 L, 2 DC, 2 S) vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser d'entrer en matière sur le projet de loi 7319 soumis à votre suffrage.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Que voilà un bâtiment qui aura été l'objet de beaucoup d'attention à travers les crédits de bouclement.

La majorité de la commission des travaux a placé le projet de loi 7319 dans la catégorie «rouge», celle qui devait servir d'exemple pour fustiger la politique du DTP et de son ancien chef.

Hélas, trois fois hélas pour cette majorité, les documents remis à la sous-commission, créée pour travailler en profondeur, ainsi que les renseignements demandés démontrent que la responsabilité du Conseil d'Etat de l'époque,in corpore, est engagée. L'échange de correspondance, les procès-verbaux et les notes figurant dans les annexes ci-jointes sont suffisament claires et explicites pour dégager la responsabilité de l'ancien président du DTP dès décembre 1981, date de son entrée en fonction.

Il est curieux, mais habituel pour la majorité de commission des travaux, d'être frappé de cécité lorsque les documents remis par le DTPE ne permettent pas d'assouvir les désirs de vengeance de certains députés. Cela les a poussés à demander des expertises parfois onéreuses.

Par exemple, le projet de loi 7319 qui nous occupe a vu la facture s'élever à 117 000 F.

L'expert de la halle de fret, comme tous les autres, a été désigné par le chef du DTPE et cela est contestable.

Il a travaillé en grande partie avec les documents mis à notre disposition et les renseignements que nous avions obtenus tant en commission des travaux qu'en sous-commission des travaux et a effectué un contrôle de professionnel de la facturation.

Il faut noter que ce rapport a nécessité 4 pages de corrections du bureau Beric sous la signature de M. Lorenzini (annexe 1).

Le directeur du bureau Beric a été entendu par la sous-commission des travaux et la commission des travaux. La précision de ses propos et sa compétence furent appréciées de tous autant que sa disponibilité. Malgré cela, la majorité de la commission des travaux exigea cette coûteuse expertise.

La commission des travaux a auditionné MM. Grobet et Maitre, conseillers d'Etat à l'époque du chantier de la halle, qui ont confirmé les lettres jointes au dossier (annexes).

Les hauts fonctionnaires du DTPE, en place ou non pendant cette période, ont apporté toutes les explications et les documents en leur possession.

En page 40 du rapport exhaustif de l'experts mandaté par le chef du DTPE on peut lire «Le solde, soit 18,522 millions - 2,450 millions = 16 061 millions de francs, tombe sous l'article 5/4 de la loi du 11 janvier 1964 et n'aurait pas dû être engagé sans l'octroi préalable, par le Grand Conseil, d'un crédit complémentaire.

«Or, si l'on ajoute à ces 16 061 millions de francs la demande au Grand Conseil (loi 6081) 10 839 millions, on arrive au montant total de 26 900 millions de francs, soit la somme mentionnée dans la lettre de M. Grobet à M. Maitre, du 22 juin 1987.

Si le Conseil d'Etat avait donné suite à cette demande, il n'y aurait pas les dépassements actuels ! Le Conseil d'Etat n'a pas osé prendre ses responsabilités sans le rapport succinct de l'expert (page 11).

Conclusions

En conclusion, il doit être souligné d'une manière très positive que

- le concept architectural est bon et le bâtiment:

- est beau et esthétique;

- est fonctionnel;

- est techniquement bien réalisé;

- est bien entretenu;

- correspond aux besoins des utilisateurs;

- présente une structure évolutive et convertible gage de longévité;

- les charges financières de l'investissement et de son exploitation sont entièrement couvertes par l'aéroport et ses utilisateurs;

- le contribuable genevois n'assume donc aucune charge s'y rapportant.

Avec la lettre du 14 avril 1997 de l'ancien chef du DTP (annexe 10) qui donne tous les détails de l'opération halle de fret, le Grand Conseil a tous les éléments qui lui permettront d'accepter ce projet de loi de bouclement de crédit.

Annexes: 1. Lettre de Beric, rectificatif de l'expertise.

 2. Extrait du procès-verbal de la séance du Conseil d'Etat, du   27 août 1986.

3. Lettre du conseiller d'Etat Grobet au conseiller d'Etat Maitre, du 23 juin 1987.

4. Lettre du conseiller d'Etat Grobet au conseiller d'Etat Maitre, du 5 août 1987.

 5. Procès-verbal de la séance de travail DTP-DEP, du  12 août 1987.

 6. Lettre de M. J.-R. Lorenzini au DEP, du 18 août 1987,  résumé récapitulatif (détail à disposition).

7. Lettre du conseiller d'Etat Grobet à Swissair, du 13 août 1987.

8. Lettre du conseiller d'Etat Grobet à Swissair, du 20 août 1987.

9. Lettre du conseiller d'Etat Grobet à Swissair, du 2 octobre 1987.

10. Lettre du conseiller d'Etat Grobet au conseiller d'Etat Maitre, du 27 octobre 1987.

 11. Situation des Grands travaux au 31 juillet 1991.

 12. Lettre de M. Grobet à la commissions des travaux du  Grand Conseil, du 14 avril 1997.

 13. Projet de loi 7319.

ANNEXE 1

12

13

14

ANNEXE 2

ANNEXE 3

17

18

ANNEXE 4

20

ANNEXE 5

22

ANNEXE 6

24

25

ANNEXE 727

ANNEXE 8

ANNEXE 9

30

31

ANNEXE 10

33

ANNEXE 11

ANNEXE 1236

37

38

ANNEXE 13

(L 7319)

PROJET DE LOI

ouvrant un crédit complémentaire pour le bouclement du comptede construction d'une halle de fret à l'aéroport de Genève-Cointrin

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Crédit

complémen-taire

Un crédit complémentaire de 35 455 104 F est ouvert au Conseil d'Etat pour couvrir le dépassement du compte de construction d'une halle de fret à l'aéroport de Genève-Cointrin.

Art. 2

Subvention

fédérale

Les subventions fédérales ont été estimées à 39 273 500 F dans le projet de loi 5260; cette estimation a été réduite à 24 056 038 F dans le projet de loi 6081 (18% des montants votés); elles ont été effectivement de 25 414 766 F, soit supérieures au montant prévu de 1 358 728 F.

Art. 3

Financement

complémen-taire

par l'emprunt

Le financement complémentaire par rapport au montant voté, soit 34 096 376 F, sera assuré par le recours à l'emprunt.

Art. 4

Amortissement

Le montant annuel des intérêts et amortissements est pris en charge par l'Aéroport international de Genève, conformément à l'article 36 de la loi du 10 juin 1993 (N° 6927) le transformant en établissement de droit public.

Art. 5

Loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964.

Premier débat

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je voudrais dire à M. Dupraz, qui n'est plus dans la salle, mais peut-être m'entend-il, que si nous parlons du passé c'est en raison de son exemplarité et pour que ses leçons servent à forger l'avenir.

A cause de ces leçons du passé, le Grand Conseil a tout récemment modifié la loi sur la gestion administrative, précisément en relation avec les événements que nous relatons en ce moment.

Nous sommes en présence d'un cas d'infraction relativement grave - de par l'importance des montants en cause - à la loi sur la gestion administrative de l'Etat du 21 janvier 1964, celle que ce Grand Conseil vient de modifier à une quasi-unanimité.

En 1984, soit au début des travaux de construction de la halle de fret, de tous les crédits de bouclement que nous avons traités à la commission des travaux, c'est probablement celui qui comporte le dépassement le plus important en valeur absolue.

A cette époque, le Conseil d'Etat fut informé de ce que le crédit de 122 millions serait dépassé de 12 millions, soit environ de 10%, pour le principal motif que le projet avait été remanié au cours des trois années qui suivirent le vote du crédit initial. Il est parfaitement compréhensible qu'en trois ans un projet puisse subir des modifications au cours des études.

Le gouvernement enjoignit alors le chef du département des travaux publics, M. Grobet, en fonction depuis trois ans, et chef du département en charge de la gestion du crédit - je tiens à le souligner - à réaliser des économies pour un montant équivalant à ces 10%, à savoir 12 millions.

Or que constatons-nous aujourd'hui ? Au lieu d'être jugulées, les dépenses n'ont cessé de flamber. En 1987, les dépassements, hormis les sommes résultant d'indexations et de hausses - autrement dit le surcoût découlant d'une série de modifications du projet - atteignaient 27 millions, soit exactement 22% du crédit initial de 122 millions.

C'est énorme et c'est franchement inadmissible.

Que l'on ne vienne pas nous dire que ce genre de dérapage était le fait de l'époque laxiste des années folles ou de la nature de l'ouvrage ! Ce seraient de très mauvaises excuses qui ne résisteraient à aucun examen sérieux.

A cette même époque, soit de 1984 à 1988, on construisait beaucoup à Genève. Maintes entreprises et autres sociétés privées, publiques ou mixtes, ont réalisé des bâtiments de même nature, secondaire ou tertiaire; des édifices autant, sinon plus complexes, pour des prix du même ordre, et je pourrais vous les citer. Les demandes et exigences des innombrables utilisateurs, organisés par groupes ou par secteurs d'activités, étaient aussi nombreuses, variées et impératives que celles des usagers de l'aéroport.

En dépit de ces conditions difficiles, les diverses directions des projets en question ont, dans tous les cas, respecté rigoureusement les budgets qui leur étaient alloués. Mieux, à force de juguler les demandes et les prix, elles sont même, dans certains cas, parvenues à réaliser des économies. Parfaitement, des économies...

Je puis vous citer tous ces cas dans leur détail, si vous le désirez.

Mais pour cela, il fallait de la rigueur, de cette forme d'exigence, de cette précision, qui faisaient singulièrement et cruellement défaut à M. Grobet et à ses services dans la gestion des crédits de construction qui leur avaient été confiés.

Au cours du débat, nous pourrions entrer dans les détails, triturer les chiffres et jongler avec les millions. Mais, pour l'heure, nous nous bornerons à l'essentiel :

En 1984, M. Grobet reçut pour mission du Conseil d'Etat de réaliser 12 millions d'économies, soit 10% du budget alors alloué. En 1987, le chef du département des travaux publics dut constater que non seulement il avait échoué mais qu'il avait dépensé davantage, soit 27 millions de trop.

Dès lors, dépité par l'énormité du montant, M. Grobet a soumis à ce Grand Conseil une demande de crédit complémentaire de 10,7 millions. C'était plutôt surréaliste en regard des 27 millions nécessaires !

Pourquoi cette somme deux fois et demie inférieure au dépassement réel ? Parce que M. Grobet espérait compenser la différence d'environ 16 millions par d'hypothétiques ventes de surfaces à la Swissair et aux PTT, opérations qui ne se sont que partiellement réalisées par la suite.

Or cette manière de spéculer sur des ventes présumées est contraire aux règles les plus élémentaires en matière de gestion publique ou privée d'un crédit de construction. Un point c'est tout !

C'est pourquoi ce soir, au nom de la majorité de la commission, je coiffe d'un bonnet d'âne M. Grobet et, avec lui, le Conseil d'Etat de l'époque, car il porte, lui aussi, une part de responsabilité.

Si nous agissons ainsi, si nous refusons d'entrer en matière, c'est dans l'espoir que de tels dérapages ne se produisent plus.

C'est la raison pour laquelle, et précisément pour que cet exemple soit édifiant, la majorité de la commission vous invite à refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi de bouclement.

M. Chaïm Nissim (Ve). Je voudrais attirer votre attention sur deux points qui ne figurent pas dans les rapports de majorité et de minorité.

Le premier point est détaillé à la page 9 du rapport de l'expert. Je présume, Monsieur Grobet, que vous nous direz que l'expert a manqué de fair-play en ne vous consultant pas, mais jugez de notre gêne à vous téléphoner pour vous demander si vous êtes d'accord avec la phrase que je lis maintenant : «Le DTP est le principal responsable du non-respect du crédit alloué et de son dépassement. Il n'a pas maîtrisé son budget, il l'a mal géré, il a choisi pour partie de mauvais mandataires, et s'est laissé entraîner par la direction de l'aéroport et ses utilisateurs dans une spirale d'exigences à multiples répercussions financières.»

Ce jugement est certainement exagéré et sans doute le déclarerez-vous faux, mais j'entendais que les députés en soient informés.

Ma deuxième remarque s'adresse à M. Maitre qui s'est de nouveau absenté.

Monsieur Maitre, vous avez fait, en commission, une déclaration que je considère fausse. J'en reprends le sens, faute de pouvoir la citer textuellement. D'après vous, l'investissement, autrement dit la dette, étant entièrement imputé au compte de l'aéroport, il appartenait et appartient encore à ce dernier d'en assumer les charges au moyen des redevances et loyers prélevés.

La réalité est que cet investissement n'a pas été entièrement imputé au compte de l'aéroport, en raison de son importance et des dépassements causés par les exigences des utilisateurs : Swissair voulait déménager son centre de crédits-valeurs; les ports francs exigeaient une mezzanine, puis sa climatisation, etc. Une série de dépassements, demandés par les utilisateurs, ont été acceptés par les différentes directions.

Le 27 août 1986, le Conseil d'Etat écrivait une lettre, sur rapport de Jean-Philippe Maitre, dont voici un extrait : «Vu la nécessité de maintenir des prix de location concurrentiels en ce domaine - les prix de location augmentaient au prorata des exigences des utilisateurs - à l'aéroport de Genève-Cointrin... le Conseil d'Etat décide de calculer la rentabilité de l'investissement sur le coût du bâtiment seul, sans prendre en compte, en l'état, la valeur du terrain et les aménagements extérieurs de génie civil;».

Ces travaux de génie civil, qui ont quand même coûté 31,4 millions, doivent, à teneur de cette lettre, être payés par le contribuable, c'est-à-dire par vous et moi.

Une fois de plus, M. Maitre ne dit pas la vérité quand il prétend que l'aéroport assumera tous les frais résultant de ces augmentations de crédit.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Le rapporteur de majorité a pris un ton emphatique pour se lancer dans des accusations hors de propos.

Nous avons reçu tous les papiers utiles pour juger de ces dépassements de crédit. La majorité de la commission a ignoré volontairement beaucoup de faits, et c'est regrettable. En effet, de certains documents qui nous ont été remis, il ressort nettement que la responsabilité n'échoit, de loin pas, au seul département constructeur. Mais quand on veut diaboliser une personne, on s'acharne, on ment et on avance des faits totalement faux.

Le rapport de l'expert comporte, en fait, deux rapports : l'un succinct, l'autre exhaustif. Si on reprend le document dans son entier, on se rend compte qu'il n'était pas nécessaire de dépenser des sommes folles en expertises facturées au département. Celle que vous avez sous les yeux a coûté plus de 110 000 F, parce que vous vouliez simplement tuer celui que vous aviez désigné comme victime expiatoire. En définitive... (M. Claude Blanc rit.) Monsieur Blanc, vous pouvez rire, mais en l'occurrence, vous n'avez pas lésiné sur les dépenses ! Aussi je trouve scandaleux que vous fassiez maintenant le fin bec en déplorant des dépassements voulus toujours par les mêmes !

C'est la droite qui a exigé que l'aéroport soit toujours plus beau, toujours plus merveilleux. Nous avons cédé à certaines pressions, mais à l'époque... (Protestation de M. Nicolas Brunschwig.) Oui, Monsieur Brunschwig, il faut toujours répéter les même choses, car M. Koechlin retombe dans l'ornière du mensonge et de la grandiloquence. On doit savoir qu'à l'époque il fallait que l'aéroport de grenouille devienne boeuf. Et ce boeuf est-il de Brunschwig ou des autres ? En attendant, l'argent a été dépensé pour un aéroport surdimensionné !

J'espère, comme M. Balestra, qu'il nous servira un jour, mais à ce moment-là certaines installations seront un peu mal fichues.

Allez voir la projection de «Horizon 1990», sous forme de maquette exposée à l'aéroport ! Vous pourrez apprécier ce que nous voulions, à quoi nous sommes parvenus et ce en quoi nous pouvons espérer.

Il faut tirer un trait - Dupraz l'a fort bien dit - pour aller de l'avant. Mais vous, vous ne cessez de regarder en arrière, sans voir les bûches que vous avez semées. Pour arriver à quoi ? A une situation péjorée, une situation économique désastreuse !

Tirez l'échelle ! La prochaine majorité du Grand Conseil jugera votre action pendant cette période.

Mme Claire Chalut (AdG). Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la gale ! Depuis quatre ans, que se passe-t-il, dans ce Grand Conseil, quand on parle du département des travaux publics ? On se demande s'il y a deux ou cent députés ! Chaque fois, comme M. Pierre Meyll l'a dit, ce sont les invectives, la haine que l'on crache... et c'est insupportable !

J'espère que le rapporteur de majorité nous fera désormais grâce de ses états d'âme, et surtout de ses épanchements de haine sur une certaine personne...

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Je dois une explication à M. Meyll qui devrait être plus prudent avant de traiter les gens de menteurs.

Je me réfère expressément à l'annexe 2, en page 15 du rapport, dont il a été fait état pour prétendre que nous n'aurions pas dit la vérité, dès lors que le Conseil d'Etat avait accepté de calculer la rentabilité de l'investissement sur le coût du bâtiment seul, sans tenir compte de la valeur du terrain et des aménagements extérieurs de génie civil.

De quoi s'agissait-il ? Au moment où la halle de fret est devenue fonctionnelle - je m'en souviens bien, je venais d'être élu, et l'ouvrage nous a été remis au début de l'année 1986 - nous avions des niveaux de loyers élevés - les ouvrages devant être rentabilisés par leurs utilisateurs - et pas très compétitifs, comparés à Zurich.

Par conséquent, nous étions tous d'accord à l'époque, M. Ducret, alors ministre des finances, M. Grobet et moi-même, pour dire qu'il fallait fixer des loyers compétitifs. C'est la raison pour laquelle, dans l'évaluation des loyers, nous avons calculé une rentabilisation sur le seul coût du bâtiment en tant que tel. Mais la totalité des charges relatives à la halle de fret, y compris l'aménagement extérieur de génie civil et la valeur des terrains, a été imputée au compte du fonctionnement de l'aéroport, dans le budget du département de l'économie publique, et rentabilisée par d'autres recettes de l'aéroport.

Si bien qu'il est permis d'affirmer que cette halle de fret, avec tous les dépassements de crédits y relatifs, ne coûte pas un sou au contribuable. En ce qui concerne le coût du bâtiment, il est totalement rentabilisé par ses utilisateurs; en ce qui concerne l'infrastructure, y compris la valeur du terrain et des aménagements extérieurs de génie civil, elle est entièrement rentabilisée par la totalité de ses utilisateurs dans l'aéroport.

Voilà une explication des plus précises ! Vous devriez donc être plus prudent avant de traiter les gens de menteurs, à moins de faire vôtre l'axiome que l'injure est l'argument de ceux qui n'en ont pas.

M. Christian Grobet (AdG). L'explication de M. Maitre est parfaitement correcte, et j'ignore si les quelques invectives de M. Meyll étaient adressées au Conseil d'Etat ou à une autre personne présente dans cette salle qui, elle, en a fait le plein ! Mais sans doute, Monsieur Maitre, étiez-vous absent quand le rapporteur de majorité s'est exprimé !

Monsieur Nissim, vous avez cité un extrait du rapport de l'expert concernant les études, le choix des mandataires, etc. Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure et lors du débat sur la galerie de décharge de l'Aire, je n'ai pas l'habitude de mettre mon prédécesseur en cause.

Ce crédit résulte d'un projet qui a été étudié et voté avant mon arrivée au département des travaux publics. Je n'ai donc pas choisi les mandataires, et il n'aurait pas été juste de les remplacer. Je rappelle que le principal mandataire, M. Hentsch, avait gagné le concours dont ce projet avait fait l'objet. Il est décédé en cours de chantier et cet événement malheureux n'a pas arrangé les choses. Il a amené le bureau Beric à reprendre seul la suite de cette affaire.

Monsieur Nissim, vous auriez pu lire aussi la page 37 du rapport, dont la teneur confirme les dires de M. Maitre. Dans les conclusions de l'expert, il est indiqué, je cite : «Les charges financières de l'investissement et de son exploitation sont entièrement couvertes par l'aéroport de Genève et ses utilisateurs. Le contribuable genevois n'assume donc aucune charge s'y rapportant.»

Cela m'amène à rappeler la condition préalable au crédit d'étude posée par le Grand Conseil, lors du vote, en 1979. S'agissant d'un bâtiment non construit pour les besoins de l'Etat, mais pour ceux des utilisateurs du bâtiment - indépendants de l'Etat - à savoir les transitaires, les PTT, les douanes et Swissair, il a été décidé que ces utilisateurs acquitteraient des loyers couvrant le coût de la construction. Cela paraissait possible à une époque où la Confédération versait 33% de subvention, pour les constructions aéroportuaires.

Lors de mon arrivée au Conseil d'Etat, il y avait une situation de crise, la Confédération ayant réduit son taux de subvention à 18%, ce qui constituait une perte considérable. A la demande de M. Ducret, le projet avait été gelé par le Conseil d'Etat. M. Borner avait hâte d'ouvrir le chantier, mais le Conseil d'Etat, lui, a décidé de geler le projet, tant qu'une solution ne serait pas trouvée pour compenser cette perte sur la subvention prévue par le projet de loi.

Dès le départ, la part cantonale fut donc plus importante que celle votée par le Grand Conseil, étant convenu que ladite part serait couverte par les loyers. Le Conseil d'Etat en avait décidé ainsi à l'époque.

Vous avez essayé, Monsieur Koechlin, de personnaliser cette affaire... (Contestation de M. René Koechlin.) Parfaitement, vous avez dit que j'avais présenté un crédit complémentaire de 10 millions... Personnellement, je n'ai jamais présenté ce crédit. C'est le Conseil d'Etat, et vous le savez ! J'y reviendrai, car toutes les décisions importantes sur ce dossier ont été prises par le Conseil d'Etat. M. Maitre pourra en témoigner, car nous avons souvent discuté de ce dossier difficile.

Que s'est-il passé ensuite ? Dès que M. Borner a réussi à négocier les loyers avec les futurs utilisateurs, il m'a été demandé d'ouvrir immédiatement le chantier, alors que les utilisateurs n'avaient pas défini leurs besoins. Vous savez aussi bien que moi, Monsieur Koechlin, vous qui êtes dans le secteur du bâtiment, qu'il faut s'adapter aux demandes des utilisateurs quand on construit.

Dans cette affaire, beaucoup d'utilisateurs n'ont décidé de devenir locataires de la halle de fret qu'au tout dernier moment. Certains ne sont même pas venus, comme Lavanchy qui s'est installé dans la zone industrielle du Grand-Saconnex. Nous étions donc dans l'attente de précisions de la part des utilisateurs et Swissair fut celui qui a le plus tardé à nous en fournir. Nous ne pouvions pas faire avancer le chantier, Swissair ne nous informant pas de ses besoins.

Il est vrai qu'à la demande des utilisateurs l'ouvrage a subi toute une série d'adaptations. Ce projet, comme tous ceux construits par le DTP pour le compte d'un autre département, a été conduit par une commission de construction composée de représentants des deux départements. Ce n'est donc pas le DTP qui a décidé seul de donner suite aux demandes des utilisateurs. Celles-ci ont été discutées avec la direction de l'aéroport. Je me souviens d'un cas précis où la direction de l'aéroport a jugé indispensable l'installation d'une marquise en dessus du quai de déchargement situé devant la halle de fret. Cette marquise n'avait pas été prévue, et je n'y étais pour rien puisque je n'étais pas à l'origine du projet. Il était évident qu'on ne pouvait pas laisser la marchandise sur un quai de déchargement sans la protéger des intempéries ! Je me suis donc rallié au point de vue de la direction de l'aéroport. Cet exemple n'est pas isolé; il y en a eu d'autres !

Autre chose : le plan de l'ouvrage comportait des bureaux sous la toiture, d'où de nombreuses discussions à propos d'un renchérissement éventuel. Toujours est-il que les utilisateurs nous ont demandé de ventiler ces bureaux, la chaleur y étant excessive en été. Les utilisateurs ont accepté de payer une majoration de loyer pour couvrir les frais de cette installation.

En définitive, nous avons réalisé un ouvrage qui donne entière satisfaction aux utilisateurs. Tout le monde s'en est félicité, particulièrement les députés d'en face, lors de l'inauguration. Tout le monde s'est écrié : «C'est magnifique, c'est absolument ce dont nous avions besoin !» Tous les coûts de construction, et M. Maitre vient de le confirmer, sont intégralement couverts par les loyers acquittés par les utilisateurs. Aujourd'hui, on me fait le procès - et un peu celui du Conseil d'Etat pour avoir pris les décisions de principe - d'avoir construit un ouvrage plus cher que prévu, afin de satisfaire aux demandes des utilisateurs qui ont accepté de payer des loyers plus élevés en couverture des surcoûts induits.

Par conséquent, Monsieur Koechlin, vous avez vraiment misé sur le mauvais cheval de bataille ! De plus, je trouve paradoxal que M. Meyll et d'autres députés dénoncent le surdimensionnement d'un bâtiment aéroportuaire. Si nous avions vu trop petit, que n'aurions-nous pas entendu !

Dès qu'on égratigne l'aéroport, on nous rétorque qu'il est parfait, et bien que nous ayons répondu aux souhaits des utilisateurs, vous nous critiquez pour critiquer. Il est vrai que nous sommes en période électorale, et ceci explique peut-être cela...

Monsieur Koechlin, vous avez dit des choses sur le point essentiel, à savoir le dépassement dont le coût est assumé par les utilisateurs. Il s'agit de ces fameux 29 millions, dont 10 ont été demandés au Grand Conseil. M. Meyll, que je remercie, car je ne m'en souvenais plus, a retrouvé dans le dossier de la correspondance que le département des travaux publics...

La présidente. Je me permets de vous dire, Monsieur le député, que votre temps de parole est écoulé.

M. Christian Grobet. J'ai été mis en cause, Madame, et je vais conclure.

La présidente. Vous pourrez reprendre la parole.

M. Christian Grobet. En juin 1986, le département des travaux publics a annoncé un dépassement de 28 millions, ce qui s'est vérifié en fin de course, et le Conseil d'Etat a considéré qu'il fallait demander 10 millions seulement. Il a pris cette décision, dont je suis solidaire et partiellement responsable.

Le Conseil d'Etat a jugé que la différence pouvait être trouvée par d'autres moyens, notamment avec le rachat, par Swissair, de locaux pour une quinzaine de millions. M. Maitre a expliqué que le Conseil d'Etat, ou la direction de l'aéroport...

La présidente. Je vous demande de conclure, Monsieur le député.

M. Christian Grobet. ...avaient changé d'avis. Toujours est-il que l'affaire a été menée dans les règles au niveau du Conseil d'Etat, et je n'accepte pas que vous m'en imputiez l'entière responsabilité.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je voudrais rappeler à M. Meyll que la gestion d'un crédit de construction, dans notre République, est le fait d'un département et de son chef, en l'occurrence le département des travaux publics.

En ce qui concerne les demandes d'utilisateurs, je n'ai jamais cessé de les affronter de par ma profession. Je connais des utilisateurs aussi exigeants que ceux de l'aéroport. Je parle de ceux de Swissair, de Du Pont de Nemours, de Publicitas, des Ports Francs, et j'en passe; c'est mon pain quotidien ! Ce n'est donc pas là-dessus que vous m'apprendrez quelque chose.

Mais ce que je peux vous dire c'est que, dans tous les cas, nous étions confrontés à l'obligation de tenir un crédit. Eh oui, c'est cela la difficulté ! Le seul moyen d'y parvenir - et on y parvient, je puis vous l'affirmer - est de se plier à la rigueur à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, une rigueur qui s'étend à toutes les ramifications, parce que respectée par tous les acteurs de l'opération. Mais elle émane du chef qui exige et obtient que chacun la respecte. Dans cette affaire, elle a fait défaut.

Je voudrais dire à Mme Chalut que je n'éprouve aucune haine à l'égard de M. Grobet. Bien au contraire, et je tiens à le dire : on ne châtie bien que ceux que l'on aime... J'ai toujours éprouvé de la sympathie pour M. Grobet, même si je suis très souvent en opposition avec lui. Pratiquant et aimant le tennis, je respecte mes adversaires, et je respecte M. Grobet autant que tout autre adversaire.

Je sais que je n'ai pas proféré des invectives, mais je sais aussi que ne prend la vérité pour invective que celui que cette vérité blesse. Il s'agit là d'un aveu de culpabilité. Par conséquent, il vaut mieux s'abstenir de ce genre de remarques, Monsieur Meyll.

Monsieur Grobet, les crédits de construction complémentaires sont d'abord présentés au Conseil d'Etat par le département des travaux publics et plus particulièrement par son chef. Ensuite, le Conseil d'Etat les présente au Grand Conseil. Dans cette affaire, et je l'ai dit, le Conseil d'Etat porte, lui aussi, une part de responsabilité.

Vous dites, Monsieur Grobet, que ce bâtiment donne entière satisfaction à ses utilisateurs... J'espère bien ! Le contraire serait le comble, après ce qu'il a coûté pour avoir accordé aux utilisateurs tout ce qu'ils demandaient !

M. Christian Grobet. Ils le paient !

M. René Koechlin, rapporteur de majorité. S'ils le paient, il fallait venir devant ce Grand Conseil pour demander les crédits complémentaires correspondants. C'est ce que vous n'avez pas fait. Tout le problème est là ! Vous avez demandé un crédit de 10 millions, sachant que le coût serait de 27 millions. Vous avez simplement spéculé sur des ventes si hypothétiques qu'elles ne se sont pas réalisées ou seulement partiellement. Celle aux PTT s'est faite, il faut le reconnaître, mais une autre d'environ 8 millions à Swissair n'a pas eu lieu.

De toute manière, on ne peut pas, quand on gère un crédit de construction, spéculer sur des ventes. Si je me lançais dans de telles opérations, je faillirai chaque fois dans la gestion des crédits. Je connais des cas sanctionnés au plan pénal. Je connais celui d'un directeur de banque qui a été mis à la porte du jour en lendemain pour n'avoir pas respecté ces règles élémentaires.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Je voudrais dire à M. Maitre que ce n'est pas à lui que je m'adressais quand je parlais de mensonges, mais bien à M. Koechlin qui en a énoncés.

M. Koechlin prétend que je me sens coupable. J'éprouverais ce sentiment si j'étais responsable de quoi que ce soit, mais j'ai toujours été restrictif par rapport aux crédits attribués à l'aéroport.

Monsieur Maitre, j'ai sous les yeux le procès-verbal de la séance du Conseil d'Etat du 27 août 1986. Il faisait partie des documents qui ont été remis à la commission. Il y est précisé que : «Sur rapport de M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat - je vous fais grâce de la suite - le Conseil d'Etat décide de calculer la rentabilité de l'investissement sur le coût du bâtiment seul, sans prendre en compte, en l'état, la valeur du terrain et des aménagements extérieurs de génie civil;». C'est donc bien la preuve que tout n'a pas été payé et que quelque chose nous a échappé. Nous nous reverrons peut-être hors cette enceinte pour revoir les comptes, mais il n'empêche que certains nous ont échappé.

M. Chaïm Nissim (Ve). J'ai quelques lumières à apporter dans ce débat. (Rires.) Après avoir écouté mes différents préopinants, je crois avoir trouvé la clé du mystère.

Le chantier a duré très longtemps. Au début, Swissair voulait déménager le service «valeurs», c'est-à-dire des grands coffres-forts destinés à protéger les valeurs en transit. Ce service, qui se trouvait à l'extrémité du bâtiment, a été transféré au milieu. Les utilisateurs voulaient une mezzanine. Comme elle était trop proche du toit, il a fallu la climatiser. Plusieurs demandes de ce type ont été présentées. M. Grobet nous dit les avoir acceptées pour autant que les utilisateurs paient les surcoûts. A une exception près, Monsieur Grobet ! Et M. Meyll a eu raison de citer à leur sujet la lettre du Conseil d'Etat qui a décidé de calculer les loyers en fonction de tous les investissements, sauf ceux, de 31 millions, de génie civil et des aménagements.

M. Maitre a raison de dire que les utilisateurs ont vu leur part de loyer réduite du fait qu'ils ne paieront pas ces 31 millions, mais que l'aéroport, lui, les acquittera.

En fait, le Conseil d'Etat a fait un cadeau aux utilisateurs qui ne pouvaient pas payer, sous forme de loyer, des adaptations telles que le transfert des coffres-forts ou la climatisation de la mezzanine, mais les coûts engendrés se retrouvent dans les comptes de l'aéroport.

En fait, cela se résume à un déplacement comptable. Vous avez cédé aux utilisateurs qui menaçaient de partir à Zurich pour cause de loyers trop élevés. Peut-être aurions-nous fait de même à votre place, M. Meyll et moi... (Brouhaha.)

Mais une question demeure. L'aéroport répond-il vraiment aux besoins de la population ou est-il surdimensionné ? Les plans qui prévoyaient 12 millions de passagers par an étaient-ils raisonnables ? Valait-il la peine d'investir tout cet argent ou avons-nous exagéré ?

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Votre éclairage est partiel, Monsieur Nissim ! J'ai le sentiment que vous avez réfléchi dans la pénombre.

Permettez-moi de vous dire ceci : les utilisateurs de la halle de fret paient la totalité du coût du bâtiment, mezzanine, rafraîchissement compris, etc. Les aménagements extérieurs de génie civil, eux, ne sont pas inclus, c'est marqué noir sur blanc ! Ce sont des plates-formes «avion» qui ne sont pas payées par les utilisateurs - transitaires, etc. - en tant que tels du bâtiment, mais par les recettes globales de l'aéroport.

Alors que vous cherchiez la lumière, vous avez laissé entendre, à un moment donné, que nous aurions trafiqué les comptes en opérant un déplacement comptable. Pas du tout ! Les loyers de la halle de fret ont été fixés en fonction de la totalité du coût du bâtiment.

Nous en avons sorti - elles n'avaient pas à être intégrées - les plates-formes «avion», c'est-à-dire les aménagements extérieurs de génie civil payés par d'autres recettes de l'aéroport. Pas un sou n'est sorti du budget de l'Etat ! Que ce soit dit une fois pour toutes !

M. Christian Grobet (AdG). Pour confirmer ce que vient de dire M. Maitre, je rappelle que le budget, à l'origine, avait été divisé en deux parties, gérées par deux directions différentes. Celle du génie civil s'était chargée de la gestion du montant consacré aux aménagements extérieurs. A l'époque, le terrain n'était pas raccordé aux pistes, et il fallait des plates-formes très solides pour accueillir les avions-cargos.

Autre remarque, Monsieur Nissim : la mezzanine n'a pas été demandée par les utilisateurs. C'est la direction de l'aéroport qui eut l'excellente idée d'en requérir la réalisation. Elle a permis de faire des surfaces de plancher supplémentaires et d'améliorer la rentabilité du bâtiment. Cela démontre, entre parenthèses, que toutes les surfaces ont été louées, sinon nous n'aurions pas construit la mezzanine.

Monsieur Koechlin, il vous est facile de critiquer. Personnellement, je suis assez fier des réalisations faites par le département des travaux publics du temps de ma présidence. Ce sont mes collaborateurs qui, pendant douze ans, ont fourni un effort extraordinaire pour que soient construits ces équipements dont vous étiez les premiers demandeurs. Pendant douze ans, j'ai été harcelé par vos milieux, notamment en ce qui concernait l'avancement des chantiers de l'aéroport et de l'autoroute. Le département a été confronté à des défis permanents, et ces défis, Monsieur, il les a relevés !

Par conséquent, je trouve lamentable le procès que vous me faites et par là même à l'ancien Conseil d'Etat, parce que c'est lui - que vous le vouliez ou non, et M. Maitre pourra vous le confirmer - qui a décidé d'un crédit complémentaire n'excédant pas 10 millions. C'est donc sur cette base que mon département a préparé la demande de crédit. Les pièces fournies en attestent. N'essayez donc pas, Monsieur Koechlin, de refaire l'histoire en proférant des contrevérités.

Les critiques sont certes admises dans cette affaire, ne serait-ce que celles portant sur le surdimensionnement de certains projets, mais si un bâtiment présentait un intérêt économique primordial pour Genève, c'était bien cette halle de fret ! J'étais encore député quand vos milieux insistaient pour sa construction rapide, parce que les transitaires travaillaient dans des baraquements qui se trouvaient de l'autre côté de l'aéroport. Il était à craindre que ce secteur de fret nous échappe au profit de Zurich, d'où une perte économique considérable. Il fallait donc donner satisfaction aux utilisateurs, sinon ils n'auraient pas loué les locaux.

Il est grotesque de prétendre que nous aurions dû faire la leçon à Swissair, aux PTT; leur demander de se contenter de ceci ou de cela; de leur faire croire que nous étions plus qualifiés qu'eux pour organiser leurs propres locaux. Je suis extrêmement étonné qu'en votre qualité d'architecte vous défendiez cette thèse qui, à vrai dire, me semble dictée par de tout autres considérations.

Quant à moi, je me félicite de la réalisation de ce bâtiment exemplaire qui joue un rôle très important dans notre économie locale.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Je tiens à faire remarquer que le bureau Beric, dans une lettre signée de M. Lorenzini et datée du 11 mars 1997, conteste certains éléments de l'expertise dressée par l'ingénieur mandaté par le département des travaux publics. Cette lettre est annexée à mon rapport de minorité.

M. Lorenzini a communiqué de nombreux détails et donné des réponses précises à la sous-commission des travaux. Et les expertises onéreuses, commandées par la majorité de la commission, n'ont rien apporté de plus et certains de leurs points ont même été contestés par le bureau Beric.

Je le souligne, parce que certains propos tenus ce soir répondent aux contestations de M. Lorenzini. Pour exemple, je cite un passage de sa lettre adressée à M. Joye : «Nous rappelons que les 12 millions d'économies ont été, sur demande de vos services, chiffrés par notre bureau et avions même procédé à la correction des plans, bien inutilement, car certaines de ces économies ont été réalisées tandis que d'autres ont été refusées par les utilisateurs.»

M. Koechlin peut bien dire qu'il faut dominer les utilisateurs, mais si des intermédiaires interviennent et que les situations sont difficilement gérables, il arrive de céder sur certains points. C'est sans doute regrettable, mais il nous faut accepter ces règlements et voter ce crédit de bouclement.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Monsieur Meyll, vous aimez faire la leçon aux autres. A mon tour de vous faire remarquer que vous avez la primeur en matière d'invectives, vous qui, à deux reprises au cours de ce débat, m'avez traité de menteur.

En réalité, M. Grobet et le Conseil d'Etat d'alors se sont «plantés» - disons-le franchement ! - sur un point particulier, mais de taille, car portant sur 16 millions !

Les collaborateurs du département des travaux publics ne sont pas en cause. Personne, à la commission des travaux et dans ce Grand Conseil, ne les a mis en cause, car ils ont travaillé de manière exemplaire. L'expert est formel à cet égard.

Mais quelles instructions ont-ils reçues de leur chef ? Sans doute celles de satisfaire les utilisateurs, quel que soit le coût de leurs exigences. Or, si c'est le cas, il fallait présenter au Grand Conseil la demande de crédit relative aux surcoûts induits. Ni M. Grobet - et ce n'est pas le fait des collaborateurs du département des travaux publics - ni le Conseil d'Etat n'ont sollicité les montants correspondants, et c'est là que le bât blesse.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Les responsabilités étaient bien partagées, et je vous rappelle ce qu'en a dit l'expert : «Le Grand Conseil porte une responsabilité car il n'a pas consacré le temps nécessaire à l'analyse critique du projet; le Conseil d'Etat, qui n'a pas délégué ses compétences aux DTPE et au DEP; la direction de l'aéroport, qui a défini déjà tardivement ses besoins, qui a mal choisi son chef de projet; le DTPE, en tant que maître d'ouvrage, et les utilisateurs, Swissair, douanes, PTT, transitaires, ports francs, qui ont défini et modifié leurs besoins souvent en cours de chantier.»

Le bonnet d'âne doit être très extensible pour couvrir toutes les têtes.

M. Grobet m'a ému quand il a dit ne pas attaquer son prédécesseur. Il s'est bien rattrapé sur son successeur !

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.

 

La séance est levée à 19 h.