République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1109
4. Proposition de motion de Mmes et M. Liliane Charrière Urben, Micheline Calmy-Rey, Mireille Gossauer-Zurcher et Pierre-Alain Champod sur les mesures à prendre pour résoudre l'augmentation du nombre d'élèves dans l'enseignement genevois et sur l'attribution à l'enseignement primaire de 42 postes supplémentaires au budget 1997. ( )M1109

LE GRAND CONSEIL,

considérant que :

- l'augmentation de l'effectif des élèves de l'école primaire est constante depuis 1991 (+4 000) et que les prévisions démographiques sont à la hausse pour plusieurs années encore;

- parallèlement l'effectif des enseignants n'a pas suivi la même tendance;

- toutes les parties concernées, à commencer par les plus hautes instances du département de l'instruction publique, mais aussi l'association des parents d'élèves du primaire (GAPP) et le syndicat des enseignants primaires (SPG) estiment la situation alarmante et considèrent qu'il faut davantage de postes dans ce secteur pour maintenir le niveau de l'enseignement;

- la poursuite de la rénovation de l'enseignement primaire puis son extension à l'ensemble des écoles ne peuvent s'envisager que moyennant des conditions de travail minimales pour les élèves et les maîtres, au risque de voir l'entreprise se déliter, sinon capoter;

- même si le projet de budget 1997 fixe à 20 le nombre de postes supplémentaires, cette prévision est largement insuffisante, d'autant plus que 12 de ces postes ont déjà été affectés à la rentrée 1996;

- les difficultés rencontrées par le primaire ne tarderont pas à toucher le cycle d'orientation, puis le postobligatoire,

invite le Conseil d'Etat

à considérer l'augmentation du nombre d'élèves dans l'enseignement primaire comme une priorité dans le cours de l'exécution du budget 1997 du département de l'instruction publique;

à porter à 42 le nombre de postes supplémentaires nécessaires pour la rentrée 1997, cela sans préjudice de l'évaluation qu'il conviendra de faire pour les années suivantes;

à étudier et planifier d'ores et déjà les mesures à prendre pour le cycle d'orientation et le postobligatoire au moment où l'augmentation démographique atteindra ces secteurs de l'enseignement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis le début des années 90, l'effectif des élèves de l'école primaire ne cesse d'augmenter. Les travaux du service de la recherche sociologique l'avaient annoncé, tout comme ils démontrent que la diminution, voire simplement la stabilisation de ces effectifs, n'est pas pour les 2-3 ans à venir.

A plusieurs reprises et depuis les débuts de la présente législature, les socialistes ont demandé qu'on tienne compte de ces indicateurs que personne ne réfute. Il est vrai que quelques postes de titulaires de classes ont été atttribués à l'école primaire. Mais ils n'ont aucune commune mesure avec les 4 000 élèves supplémentaires qui sont arrivés dans les classes. Et à quel prix ces postes ont-ils été trouvés?

- En supprimant une centaine de postes d'encadrement pédagogique, déficit sur lequel il n'est point besoin d'insister.

- En empruntant des postes au secondaire, postes qu'il faudra bien rendre le jour inéluctable - question de temps, mais les délais raccourcissent d'année en année - où la vague démographique atteindra le cycle d'orientation puis le postobligatoire.

Le département de l'instruction publique (DIP) est d'ailleurs tout à fait conscient de la gravité de la situation puisqu'à plusieurs reprises il a fait état de ses préoccupations en la matière, par exemple lors de la présentation du projet de budget à la commission de l'enseignement. A cette occasion, les députés ont pris note que le DIP faisait de la situation de l'école primaire une priorité et qu'il faudrait prévoir 50 postes de plus pour la rentrée 1997 pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves. Quant aux mesures envisagées («l'enseignement primaire prendra les mesures pour répondre à cette obligation»), elles sont sibyllines et peuvent faire craindre que, concrètement, on ne supprime le peu de postes d'encadrement pédagogique qui subsistent (approximativement un demi par école, en moyenne), ce qui ne ferait qu'aggraver la situation.

De son côté, le syndicat des enseignants a donné clairement sa position (voir lettre du 7 novembre 1996 à la présidente du DIP): il dissocie les revendications salariales de celles concernant les postes: «même un accord salarial Cartel-Conseil d'Etat n'est pas en mesure de régler les problèmes pour lesquels les enseignants primaires se mobilisent, à bout de patience et d'efforts répétés».

L'école primaire dans son ensemble fournit de gros efforts pour maintenir la qualité de son enseignement. Les projets qu'elle mène sont de haute valeur pédagogique, il vaut la peine de lui donner les moyens de poursuivre.

Enfin, prendre des mesures d'urgence pour le primaire sans prévoir la suite reviendrait à éteindre un incendie pendant qu'un autre couve. En effet, la situation ne tardera pas à se tendre dans les autres secteurs de l'enseignement. Il est donc indispensable d'étudier dès maintenant les prochaines retombées de l'augmentation démographique sur les effectifs du cycle d'orientation,cf. du postobligatoire, et de prévoir les mesures adéquates.

C'est dans cet esprit, Mesdames et Messieurs les députés, que les motionnaires vous engagent à prendre connaissance de leurs propositions et à bien vouloir les suivre.

Débat

Mme Liliane Charrière Urben (S). Vous vous souvenez - mais si vous avez oublié vous êtes déjà pardonnés !- que le contenu de cette motion a déjà été... (Brouhaha.) ...exposé, en ce qui concerne l'année courante, au mois de décembre lors du budget, mais que le principe en lui-même a été évoqué lors des discussions des trois budgets précédents.

Il s'agit de la question relative au nombre d'enseignants nécessaires pour faire tourner l'école primaire, pas seulement l'école primaire à propos des prévisions, mais aussi le cycle d'orientation et, par la suite, le postobligatoire. En effet, les enfants grandissent et passent d'un secteur à l'autre. J'espère qu'ils arriveront tous à la fin de la scolarité obligatoire et, si possible, au postobligatoire.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, et Mme la cheffe du département de l'instruction publique sera certainement d'accord avec moi, j'aimerais parler d'une prévision erronée faite au mois de décembre par le SRED, le service de la recherche du département. On nous disait en effet que les prévisions pour la rentrée de cette année indiquaient deux cents éléments en moins. En fait, il s'agit de vingt. Erreur pardonnable, d'origine technique, dactylographique, que je tenais quand même à corriger.

Il y aura bel et bien, à la prochaine rentrée, environ neuf cents à mille élèves de plus. Je ne connais pas encore le chiffre exact, mais c'est, malheureusement ou heureusement, l'estimation de l'actuel responsable du SRED. Malheureusement, vu les circonstances actuelles; heureusement, car il nous faut des forces vives pour assurer la relève.

Pour étayer mon propos et vous montrer que j'ai de saines lectures, je m'en rapporterai au rapport Andersen. A propos des résultats et de la gestion de l'enseignement primaire, on apprend : «Ces chiffres masquent les efforts importants réalisés ces dernières années pour maîtriser les coûts du département. Ainsi le DIP a su faire face à un accroissement important du nombre d'élèves sans augmenter les charges de fonctionnement. Dans le même temps, des investissements ont pu être réalisés dans le cadre du renouveau scolaire.» - «Renouveau» étant l'appellation choisie par Arthur Andersen pour désigner la rénovation.

«Notre étude n'a donc porté ni sur le contenu pédagogique ni sur les méthodes d'enseignement et les compétences des enseignants. Notre approche évalue l'efficience de l'organisation actuelle sous l'angle de l'optimisation de la gestion des moyens et de l'efficience des procédures internes.»

J'aimerais ouvrir une parenthèse pour souligner le fait suivant : que l'on soit d'accord ou non avec la manière dont Arthur Andersen examine les choses et les analyse, il a la franchise de dire que la pédagogie n'est pas son fait et qu'il ne s'en occupe pas. Pourtant il me semble que lorsqu'il s'agit d'école, la pédagogie est la première des choses à considérer.

Mais, puisque j'aime beaucoup cette lecture, je continue : «La seule façon de poursuivre la baisse des charges du département de l'instruction publique - nous sommes conscients qu'elles ne pourront pas être réduites à zéro - est d'agir soit sur les heures d'enseignement en les réduisant soit... (Brouhaha.)

La présidente. Monsieur Lescaze, parlez moins fort !

Mme Liliane Charrière Urben. ...sur les effectifs par classe en les augmentant. Comme il n'est pas envisageable de réduire les heures de cours, il faudra agir sur les effectifs des classes.» On ne peut pas tenir un langage plus clair.

Venons-en à ce qui nous occupe aujourd'hui ! La majorité des gens que j'ai pu rencontrer - il est vrai que cela ne correspond pas tout à fait au calcul du département - estime que pour la prochaine rentrée il faudra plus ou moins cinquante classes supplémentaires. Le département, qui reconnaît qu'il faut davantage de monde pour tenir correctement les classes, a admis la nécessité de vingt postes supplémentaires parmi lesquels douze ont déjà été utilisés, si je me souviens bien.

Nous disons cinquante; d'autres, trente. Peu importe, nous n'allons pas nous immiscer dans ces calculs de niveau élémentaire ! Mais il est certain, et personne au département ne nous dira le contraire, qu'il faut davantage de personnes à l'école primaire pour continuer à gérer et à enseigner correctement, et, surtout, à faire avancer cette rénovation de l'enseignement primaire que nous avons soutenue.

Cette rénovation demande beaucoup de subtilité. Gérer une classe en faisant une courbe de Gauss, c'est-à-dire un barème appliqué à tous de la même manière, c'est facile. On peut le faire avec trente ou trente-cinq élèves, comme c'était le cas lorsque nous étions enfants. Observer avec plus de subtilité, préparer un programme pour chaque enfant, le mettre en face de ses responsabilités, lui montrer où en est son cursus et quels sont ses progrès, quel retard il prend, demande davantage de temps, de finesse, d'observation et d'encadrement. C'est ce que nous appelons l'évaluation formative. Elle présente beaucoup d'intérêt, mais elle exige davantage de monde et d'attention de la part de l'enseignant envers l'élève.

Il est évident - c'est encore de l'arithmétique élémentaire - qu'un enseignant dans une classe de vingt-cinq élèves donnera moins à chaque élève que dans une classe de vingt. Je soutiendrai aussi longtemps que possible le passage d'un degré à l'autre sans heurt, c'est-à-dire la possibilité de poursuivre en passant par des modules de deux ou trois degrés sans le couperet au bout d'une année scolaire représentant à peu près huit mois de travail. C'est une bonne solution, mais elle demande beaucoup plus d'organisation, d'énergie, d'observation et de temps à consacrer à chaque élève.

Le travail par équipe des enseignants n'est pas aussi simple qu'on pourrait l'imaginer. Quand on est seul dans sa classe, on est seul maître à bord et on n'a pas à partager les responsabilités. Quand on prend en charge la responsabilité d'une école, ou de trois ou quatre degrés à trois ou quatre enseignants, cela demande un investissement beaucoup plus grand.

Ce qui me frappe actuellement, ce n'est pas la colère des enseignants que j'ai vus mardi dernier, mais le découragement qui les assaille, lentement mais sûrement. J'ai entendu des collègues résignés dire qu'ils feraient ce qu'ils pourraient. Alors que les années précédentes, lorsque nous étions nombreux à réclamer une rénovation dans l'enseignement primaire, les enseignants étaient prêts à se battre pour faire avancer les choses et essayer de faire admettre la nécessité d'une pédagogie active. Maintenant, chacun se retire sous sa tente en comptant les années jusqu'à la retraite...

En sortant d'une réunion, un délégué de l'Entente, du parti radical, issu de la hiérarchie primaire - il est inspecteur du secteur spécialisé - m'a interpellé en me demandant ce que l'on faisait au Grand Conseil pour leur permettre de travailler dans de meilleures conditions. Pour que les enfants ayant besoin d'un accueil particulier puissent être pris en charge dans les temps voulus sans être inscrits sur des listes d'attente. (Brouhaha.)

Pour en terminer, car je ne suis pas sûre que ce sujet passionne énormément de monde... (Exclamations.) Excusez-moi, je vois que vous êtes tous passionnés, mais, après le repas, c'est un peu difficile ! Vous vous souvenez, chers collègues, que nous avons voté ou que nous sommes entrés en matière sur des crédits concernant l'hôpital des enfants, et j'en suis bien aise. C'est un endroit qu'il faut rendre plus accueillant et plus performant. Depuis le début de cette législature, nous avons voté également une quantité de budgets s'élevant à des dizaines voire des centaines de millions concernant l'informatique. Là je serai plus réticente, mais c'est une question probablement de moindres connaissances.

Récemment, nous avons voté un budget s'étalant sur dix ans pour la renaturation des rivières. C'est un sujet qui honore ce parlement : nous transmettrons à nos petits-enfants des rivières propres et des abords de plans d'eau agréables. Mais même si je me réjouis que les grenouilles aient un environnement agréable, et les truites, l'oeil brillant... (Exclamations.)

La présidente. Je vous demande de conclure, Madame !

Mme Liliane Charrière Urben. Ma conclusion est la suivante : les enfants d'abord ! Je vous remercie d'accueillir cette motion avec bienveillance. Quant au chiffre, on peut en discuter, je ne m'accroche pas à 42, mais peut-être à 50.

La présidente. Pour répondre à la demande de Mme Reusse-Decrey, je prie Mme la secrétaire de procéder à la lecture de la lettre de la Société pédagogique genevoise.

Annexe lettre C 603

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Cette motion traite un sujet sensible par excellence. En effet, l'encadrement de nos chères têtes blondes sur les bancs du primaire est capital !

L'évolution du nombre d'élèves est en constante progression à Genève depuis 1990. Il serait souhaitable de prévoir les effets de cette courbe démographique sur les effectifs des cycles. De renforcer l'encadrement pédagogique pour animer les classes avec une population multiculturelle. De créer des postes pour maintenir le niveau de l'enseignement. D'entendre les requêtes des enseignants et des parents. Mais à l'impossible nul n'est tenu !

Le budget du DIP a été voté en décembre 96, et nous ne pouvons en aucune manière, vu les finances de l'Etat, outrepasser cette enveloppe. C'est la raison qui oblige le groupe radical à refuser cette motion en l'état. Néanmoins, un amendement vient de nous être présenté, et nous pourrons en débattre tout à l'heure.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je serai brève. Par les temps qui courent, c'est une qualité nécessaire !

Voilà enfin une proposition concrète et efficace qui fait d'une pierre deux coups. C'est une façon directe de lutter contre le chômage, de résoudre des problèmes d'effectifs d'élèves et, troisièmement, de faire face à la rénovation du primaire. Donc nous soutenons pleinement cette motion.

La qualité de l'enseignement passe effectivement par une augmentation des enseignants à la base. Au-delà d'un matériel pédagogique sophistiqué, les enfants ont essentiellement besoin d'être encadrés par des adultes en nombre suffisant, et bien des problèmes de difficultés d'apprentissage et scolaires disparaîtront.

M. Pierre Vanek (AdG). Je serai également bref. (Rires.) Du calme ! (Le député est interpellé par M. Ducommun.) Ça c'est l'épaisseur, mais la hauteur de mes propos...

La présidente. Calmez-vous, Monsieur Ducommun !

M. Pierre Vanek. Si vous me permettez de reprendre, je serai bref. Mme de Tassigny vient de dire grosso modo qu'il n'était pas possible d'en faire plus pour nos «chères têtes blondes» eu égard aux contraintes budgétaires. Soit dit en passant, cette expression n'est pas vraiment la meilleure. (Brouhaha.) Il y en a qui ne sont pas blonds, et il faut en tenir compte. Bref, l'essentiel du propos de Mme de Tassigny signifiait que ces têtes blondes ou brunes ou autres coûtent trop cher pour maintenir la qualité de l'enseignement qui dépend entre autres du maintien du niveau d'encadrement et donc de l'effectif des enseignants.

Je ne reviendrai pas sur les propos de notre collègue, Mme Charrière Urben ou sur le contenu de la lettre de la SPG, que je partage. Ce débat est un peu lassant. Mme Brunschwig Graf ne me contredira pas, je crois être intervenu à ce propos en tout cas cinq ou six fois, en 93, 94, 95, 96, à la fois sur les comptes et le budget. Il est clair qu'il existe une volonté politique de donner la priorité à l'équilibre budgétaire par la compression du personnel de l'Etat au détriment d'un certain nombre de nécessités sociales, en l'occurrence pédagogiques.

Nous avons eu une passe d'armes à ce propos, Mme Brunschwig Graf et moi, lors des discussions au sujet du budget, en décembre. Elle avait escamoté la question en indiquant dans la brochure concernant le DIP que des dispositions seraient prises pour répondre à l'augmentation du nombre d'élèves, mais, manifestement, cette réponse était insuffisante.

A l'évidence, cette motion répond à un besoin, et nous la soutiendrons. Je voulais en rester là, mais une proposition d'amendement nous a été soumise par Mme Janine Hagmann et Mme Nelly Guichard des partis radical et démocrate-chrétien. (Exclamations.) Libéral, excusez-moi ! Mais peu importe ! Pour m'éviter de reprendre la parole sur cet objet, et vous éviter de m'entendre une deuxième fois... (Exclamations.) ...je me permets de dire deux mots sur cet amendement que je trouve déplorable et qui «invite le Conseil d'Etat à prendre toutes mesures utiles pour permettre d'organiser la rentrée 1997 dans des conditions pédagogiques adéquates.»

La présidente. Les auteurs vont le présenter !

M. Pierre Vanek. Vous connaissez le débat politique dans ce Grand Conseil. Il ne s'agit pas d'un débat politicien mais politique pour déterminer les priorités. Si l'on accepte des restrictions de personnel en faveur de la politique budgétaire tout en proposant des cadeaux fiscaux à hauteur de 15% des rentrées fiscales - ce qui démontre que le souci d'équilibre budgétaire est à géométrie variable - c'est au détriment d'un certain nombre de besoins sociaux essentiels, en l'occurrence pédagogiques. Nous savons qui est de quel côté ! Les citoyennes et citoyens devront bientôt décider s'ils veulent continuer à subir ce que nous inflige la brochette de... euh...

Des voix. Euh... Euh...

M. Pierre Vanek. ...ce que nous inflige ce Conseil d'Etat monocolore de droite. Je retire la «brochette» ! (Exclamations.) Présenter de telles tartes à la crème équivaut à refuser d'entrer dans le débat, à se montrer prêt à accepter la motion à la seule condition de la vider entièrement de sa substance et, grosso modo, à inviter le Conseil d'Etat à faire au mieux et «à prendre toutes mesures utiles» pour que tout se passe de manière adéquate. Franchement, tout cela n'est pas très sérieux !

Si vous voulez débattre de la question de savoir s'il faut oui ou non prévoir des postes supplémentaires, faisons-le sérieusement, comme l'a fait ma préopinante socialiste ou la SPG ! Sinon il vaudrait mieux rester chez soi, plutôt que de mener le débat politique de la sorte.

J'appuie donc l'adoption immédiate de cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Janine Hagmann (L). Cette motion a été déposée le 6 décembre. Elle a été conçue longtemps avant la rentrée scolaire, alors qu'une organisation avec une fiabilité des effectifs ne peut avoir lieu que maintenant. Vous savez combien la démographie est changeante à Genève et combien les effectifs peuvent changer.

Reconnaissez, Mesdames et Messieurs les députés, que le problème ne date pas d'aujourd'hui ! Le DIP a toujours été conscient des problèmes causés par la rentrée scolaire ! On dirait que vous réinventez la roue ! Moi, je tiens à rendre hommage à la cheffe du département et à ses fonctionnaires pour les tours de passe-passe réalisés à chaque rentrée. (Brouhaha.) Malgré les problèmes financiers cantonaux, notre école garde un niveau de qualité traditionnelle, propre à Genève.

Ce niveau est dû en partie à l'organisation des classes, mais aussi, contrairement aux propos défaitistes de ce soir, à la qualité de nos enseignants, à leur conscience professionnelle et à leur dynamisme. Ils n'ont pas tous baissé la tête ou ne sont pas tous en train de faire des dépressions nerveuses ! Presque tous les enseignants sont heureux, conscients de leur vocation et de la tâche qui leur a été assignée.

Comme c'est le cas de toutes les écoles actuellement, n'oubliez pas que lorsque l'on veut tenir compte des demandes, pour organiser une rentrée, des élèves, des parents, des enseignants, des syndicats, des groupements, des communes propriétaires des bâtiments, des habitudes et j'en passe, il n'est pas évident de faire rouler comme elle roule cette grande machine !

L'important, c'est que notre cheffe du département ait la possibilité de tout faire pour que la pédagogie en place «puisse continuer à être pratiquée dans des conditions adéquates.» M. Vanek l'ayant fait, je n'ai plus besoin de vous expliquer l'amendement qui, pour moi, est beaucoup plus souple que la motion. Il laissera les coudées franches à Mme Brunschwig Graf à qui nous faisons entière confiance pour organiser une rentrée dans les meilleures conditions.

Je vous présente donc l'amendement signé par Mme Guichard, M. Beer et moi-même, et qui, à la place des trois invites proposées dans cette motion :

«invite le Conseil d'Etat à prendre toutes mesures utiles pour permettre d'organiser la rentrée 1997 dans des conditions pédagogiques adéquates. »

Je vous recommande de soutenir cet amendement.

M. René Longet (S). Madame Hagmann, vous venez de féliciter Mme Brunschwig Graf de ses tours de passe-passe, mais, le meilleur tour, c'est votre amendement qui est un véritable escamotage ! De deux choses l'une : soit vous estimez que votre gouvernement fait bien son travail et, dans ce cas, il n'est nul besoin d'un tel verbiage, soit vous estimez qu'il existe des problèmes objectifs déjà débattus lors de la dernière discussion budgétaire et, dans ce cas, il faut entrer en matière et accepter la motion.

Nous vous demandons de voter sur le fond.

M. Dominique Hausser. Et toc !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Les chiffres sont là et ils sont têtus : à la rentrée, il y aura huit cents élèves supplémentaires selon les évaluations actuelles. Madame Hagmann, ces enfants sont déjà là; ils sont nés; on n'est pas en train de tirer des plans sur la comète ! Ils s'ajoutent aux quatre mille nouveaux élèves dans le primaire depuis 1991. Vous avez beau dire que tout va bien, l'augmentation du nombre d'enfant est impressionnante, et il faudra bien faire des choix.

Heureusement, les enseignants ne sont pas tous démobilisés et enseignent encore avec enthousiasme. Mais ils sont inquiets; certains, c'est vrai, démoralisés; et ils ont bloqué toute extension de la rénovation tant que des postes et des moyens supplémentaires ne leur sont pas alloués.

On veut lancer une rénovation. C'est important, car une école qui n'est plus en réforme est une école qui meurt. Mais il faut se donner les moyens de la réussite au moins pour lancer un nouveau projet, et, qu'on le veuille ou non, cela nécessite des forces accrues.

Mme de Tassigny nous a dit que le budget 96 est voté et qu'on ne peut pas dépasser l'enveloppe prévue ! J'aimerais qu'elle propose à M. Lescaze de le remplacer quelquefois à la commission des finances. Elle verra que cette commission passe son temps à voter des dépassements de crédit. Il y a parfois des impératifs qui nous obligent en effet à dépasser les montants budgétisés.

Quant à cet amendement qui consiste à dire au Conseil d'Etat qu'il doit prendre des mesures pour «organiser la rentrée 1997 dans des conditions pédagogiques adéquates», c'est n'importe quoi, et je suis polie. J'aimerais savoir ce que Mme Hagmann entend par «conditions pédagogiques adéquates». J'estime que cet amendement est en dessous de la loi qui oblige de manière beaucoup plus contraignante le Conseil d'Etat à assurer les finalités de l'enseignement pour le primaire.

Je vous demande donc de retirer votre amendement qui est en dessous de la loi. Soit vous estimez qu'il y a nécessité de donner des forces accrues au primaire, et vous votez cette motion, soit vous estimez que tout va très bien, et vous avez le courage de défendre votre position et refuser cette motion. Quant à l'amendement, c'est honteux d'oser présenter une phrase aussi vide !

M. Bernard Lescaze (R). Je vais apparaître quelque peu ingénu, dans ce débat, dans la mesure où je pense qu'il s'agit bel et bien, comme l'a dit notre collègue Vanek, d'un débat politique.

Mais je me suis demandé en l'écoutant, et en écoutant beaucoup d'autres interventions, de quel débat politique il s'agissait. S'agissait-il d'un débat politique sur l'action de ce gouvernement en matière d'éducation, et notamment en matière d'éducation primaire, suivie depuis trois ans ? J'ai de la peine à le penser. D'ailleurs, pour une fois, le mot démantèlement qui vient si rapidement à la bouche de nos collègues de gauche n'a pas pu être prononcé. Comment aurait-il pu l'être, alors que près des 30% du budget de cet Etat sont consacrés à l'instruction publique ?

J'ai entendu parler du découragement de certains enseignants, et je peux l'imaginer. Mais j'aimerais que dans ce Grand Conseil, lorsqu'on parle d'un débat politique, on pense aussi au découragement d'autres catégories de la population : certains chômeurs, certains contribuables, et j'en passe.

En conséquence, il y a bien un débat politique. Mais j'ai l'impression qu'il consiste à s'efforcer, à la fin de ce printemps et au début de l'automne prochain, à s'attirer les bonnes grâces ou les grâces électorales d'une partie importante de la population.

Notre amie et députée Charrière Urben s'est trompée de débat ! J'ai eu l'impression qu'elle s'adressait à une assemblée de la Société pédagogique genevoise dont - malheureusement ou heureusement - je ne fais pas partie. Mais je fais partie du Grand Conseil de la République et canton de Genève qui, année après année, vote les budgets et approuve les comptes rendus. Ou plutôt je fais partie de la majorité de ce Grand Conseil qui, depuis plusieurs années, a voté les budgets de l'instruction publique et a approuvé les comptes, alors que vous, Mesdames et Messieurs les députés qui voulez demander des postes supplémentaires, n'avez pas accepté les budgets depuis plusieurs années.

Soyez simplement logiques ! (Exclamations.) Votre motion répond sans doute à de bonnes intentions, et je veux bien vous les laisser. Mais si elle se veut vraiment politique, elle ne remplit pas sa mission. Dans ce texte, vous nous parlez de la haute valeur pédagogique des enseignants genevois. Je suis le premier à le reconnaître et à bien vouloir y souscrire. Toutefois, je dois quand même constater que, dans la presse, apparaissent à intervalles de plus en plus rapprochés des lettres qui se montrent relativement critiques sur certaines méthodes pédagogiques de l'enseignement primaire.

Je ne sais pas ce que valent ces lettres. Mais jamais je n'ai vu déposer une motion ou une interpellation de votre part, Mesdames et Messieurs les députés de la minorité, pour demander s'il y avait quelque chose de vrai ou de faux ! Alors que sur d'autres problèmes, vous êtes prompts à réclamer des commissions d'enquête et des rapports au Conseil d'Etat. Je ne peux pas m'empêcher de penser que, de ce point de vue, vous n'êtes en tout cas pas équitables.

La situation de Genève dans son ensemble est délicate. Mais, comme l'a souligné Mme Reusse-Decrey, à la commission des finances, mon collègue Bernard Clerc qui siège sur vos rangs et moi-même, en tant que commissaires au département de l'instruction publique, avons pu constater avec quel soin et quelle finesse la répartition des effectifs par classe est faite dans les cantons.

Il est vrai que la moyenne par classe a très légèrement augmenté au cours de ces dernières années. Mais ne soyez pas dogmatiques ! Ne dites pas qu'avec dix-huit élèves par classe l'enseignement est parfait, mais qu'avec vingt-cinq il est mauvais. Vous savez très bien que cela dépend notamment de la composition sociologique des classes.

En réalité, vous déposez cette motion d'une manière qui n'est pas aussi désintéressée que cela. Dans cette mesure, le groupe radical peut accepter l'amendement déposé par le parti libéral, parce qu'il met les véritables compétences de chacun à sa place. Il laisse le chef du département de l'instruction publique prendre les mesures nécessaires - si elles le sont vraiment - à la rentrée 1997.

Nous nous réjouissons de vous voir voter le budget 1998 qui comprendra les milliers de postes accordés à l'enseignement, et non seulement les quarante-deux postes supplémentaires que vous réclamez. Je vous donne rendez-vous en décembre 1997, nous en reparlerons !

Mme Liliane Charrière Urben (S). Il y a eu Philippe le Bel, il y a eu tel autre qui était boiteux, voilà maintenant Bernard l'Ingénu, expert en pédagogie, à moins que ce ne soit en démagogie !

Vous me connaissez assez, Monsieur Lescaze, pour savoir que je suis têtue ! J'ai du sang savoyard...

M. Bernard Lescaze. Moi aussi !

Mme Liliane Charrière Urben. Cela nous fera un point commun ! (Rires.) Mais je ne pense pas qu'en déposant la première motion en 1993 concernant les effectifs primaires j'envisageais - comme vous m'en prêtez l'intention - de récolter des voix auprès de collègues qui prendraient éventuellement la peine d'aller voter. Il est nécessaire d'avoir un peu de mémoire et de se souvenir que je casse les oreilles d'un certain nombre de députés en intervenant chaque année régulièrement aux comptes et au budget à propos des effectifs de l'école primaire.

Il faut tout de même rappeler certaines choses. Je suis prête à affirmer qu'aucun des députés ici présents à part peut-être la plus jeune d'entre nous, Mme Evelyne Strubin, n'a vécu ce que vivent actuellement nos élèves. L'hétérogénéité des classes est extrême : les origines culturelles et sociales sont différentes. Si vous vous donnez la peine de participer à des classes ouvertes, vous vous rendrez compte ce que signifie enseigner à des élèves dont la culture familiale est diamétralement opposée à la nôtre, mais à laquelle il faut pouvoir répondre et les entraîner sans les contraindre dans nos propres méthodes de pédagogie.

Quant à savoir si l'on peut enseigner à dix-huit ou à vingt-cinq élèves, vous savez parfaitement, vous qui êtes de ma génération, voire de la suivante, que nous avons eu des effectifs plus importants.

Une voix. Et on n'est pas plus bobets que les autres !

Mme Liliane Charrière Urben. Et vous êtes même devenus députés ! Mais je ne sais pas si c'est un résultat probant... Il est évident que vous avez, à ce stade, étudié dans des conditions que certains appellent traditionnelles - je ne me prononcerai pas à ce sujet - mais certainement plus agréables, et avec un avenir différent de celui des élèves actuels. Allez voir comment cela se passe dans une classe et pendant la récréation ! Allez voir la violence ! On en a suffisamment parlé : plus l'encadrement est grand, mieux ça vaut. En matière d'éducation dans l'enseignement primaire, il faut faire un effort.

Monsieur Lescaze - je m'adresse également au parti radical - j'ai eu l'occasion pendant mes vacances scolaires d'étudier ce qui s'est passé au siècle dernier dans cette enceinte... (Brouhaha.) Vous étiez bons...

La présidente. Revenons-en au sujet et aux élèves actuels !

Mme Liliane Charrière Urben. Oui, Madame, mais tout de même ! Alexandre Gavard et ses contemporains ont mis en place une école dont nous sommes fiers. Les mânes de ces personnages que je respecte profondément doivent fulminer en ce moment !

La présidente. Vous concluez, Madame ?

Mme Liliane Charrière Urben. Je vais conclure. J'admets que quelqu'un qui ne connaît pas l'enfance puisse se tromper, mais les propos de Mme de Tassigny me déplaisent et me déçoivent.

Quant à l'amendement déposé, ce n'est rien d'autre que la méthode Coué : quand il pleut, il faut un parapluie. Nul besoin d'un amendement pour le savoir ! C'est une carpette, certains disent une savonnette, c'est en tout cas un ensemble vide dont nous ne voulons pas ! (Brouhaha.) Que signifient «des conditions pédagogiques adéquates» ? Dans certains pays, avoir quatre-vingts élèves dans une classe semble adéquat !

M. Bernard Clerc (AdG). Puisque j'ai été intégré dans ce débat par M. Lescaze... (Exclamations.) ...vous me voyez dans l'obligation de rectifier un certain nombre de choses. Je comprends très bien qu'il fasse un plaidoyer vantant les mérites de ce gouvernement monocolore et les budgets adoptés par la majorité de ce parlement.

Mais, s'il vous plaît, Monsieur Lescaze, ne dites pas des choses inexactes ! Ne dites pas, en tout cas en ce qui me concerne, que je n'ai fait aucune remarque sur le nombre d'élèves par classe dans le primaire. Et notamment sur le nombre de classes de vingt et un élèves et plus qui ne cesse d'augmenter depuis quatre ans. Vous le savez d'autant mieux que vous m'avez même proposé de ne pas signer votre rapport pour la commission des finances. Est-ce exact ? (Le député interpellé répond.) M. Lescaze confirme ! Je lui ai dit que je ne voulais pas retirer ma signature de ce rapport, mais lors du débat en commission des finances, je suis intervenu sur ce point, et j'ai fait la remarque concernant ma critique de l'organisation du primaire. (Brouhaha.) Voilà, les faits sont rétablis !

Je compléterai en disant qu'effectivement on assiste depuis quatre ans à une augmentation régulière du nombre moyen d'élèves par classe ainsi qu'à une augmentation du nombre de classes de plus de vingt et un élèves dans des classes hétérogènes également. Mme Brunschwig Graf nous a chaque fois rassurés en nous disant que l'augmentation du nombre d'élèves par classe a lieu dans les quartiers favorisés et non dans les quartiers défavorisés.

Chêne-Bourg ou Thônex sont-ils des quartiers favorisés ? J'en doute fort ! Dans les quartiers dits favorisés n'y aurait-il pas d'élèves défavorisés ? Sommes-nous dans un canton où l'apartheid règne ? N'y a-t-il pas d'enfants de femmes de ménage à Cologny, par exemple ? A l'évidence, quand on assiste à l'augmentation des élèves dans une classe qui compte des enfants défavorisés, qu'on ne nous dise pas que cette augmentation d'effectifs n'a pas de conséquences sur ces enfants !

M. Pierre Vanek (AdG). Ce n'est pas très sérieux, Monsieur Lescaze, de nous dire que dix-huit ou vingt-cinq élèves par classe, cela ne signifie pas grand-chose ! Cela fait une différence, confirmée par votre collègue, M. Ducommun, qui manifeste sa solidarité confédérale en étant «sur Soleure» de façon régulière ! (Brouhaha.)

Une telle déclaration n'est pas acceptable ! Ce n'est pas en augmentant de 40%... (Le député est interrompu.) C'est dit différemment, certes, mais je mets à nu le fond de votre propos ! (Exclamations.)

La présidente. Laissez parler M. Vanek ! Si vous le souhaitez, vous répondrez ensuite !

M. Pierre Vanek. Vous dites, grosso modo, qu'une différence de 40% dans les effectifs n'a pas une très grande importance, parce que d'autres facteurs entrent en jeu. Certes...

Une voix. Ah !

M. Pierre Vanek. ...il y d'autres facteurs. Des classes de dix-huit élèves peuvent poser plus de problèmes que d'autres classes de vingt-cinq. Mais, d'un point de vue général - et nous discutons en plénière du Grand Conseil de la République et canton de Genève de manière générale - il est évident qu'une augmentation de 40% provoque une dégradation des conditions d'enseignement et du niveau d'efforts réalisés par notre collectivité pour assurer l'encadrement et la pédagogie «adéquate» - comme le demande l'amendement - qui est proportionnelle au nombre d'élèves. On ne peut donc laisser passer ce genre de déclarations qui sont, elles, de véritables tours de passe-passe, Monsieur Lescaze !

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je serai brève, ne vous inquiétez pas, mais j'aimerais dire à Mme Charrière Urben qu'elle n'a pas écouté attentivement mon propos !

Je partage parfaitement votre point de vue, Madame ! Seules les raisons financières ont brisé mon soutien à cette motion. Mais nous faisons confiance à notre conseillère d'Etat qui saura évaluer la situation à sa juste valeur.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'ai, sous les yeux, le compte rendu de la séance du 6 décembre dernier au cours de laquelle certains d'entre vous faisaient également la proposition d'ajouter quarante-deux postes au budget de l'enseignement primaire. Je vous rappelais alors qu'il n'est pas possible de gérer de façon adéquate une rentrée scolaire en décrétant simplement, aussi longtemps à l'avance, le nombre de postes supplémentaires. Cependant, vous avez maintenu votre motion.

Vous avez constaté chaque année que des «mesures adéquates», reconnues également comme telles par la Société pédagogique genevoise, avaient bel et bien été prises. Entre 95 et 96, on a ajouté quarante postes dans l'enseignement primaire. Pour assurer la rentrée 1996 dans de bonnes conditions, nous avons également pris des mesures et rajouté douze postes.

Mais il n'est pas vraiment sain que le Grand Conseil se mette à organiser la rentrée à sa façon. Les engagements que j'ai pris et que j'ai tenus - chacun a pu le constater - je les reprends aujourd'hui devant vous. Mais, par courtoisie, mes collègues du Conseil d'Etat et les délégués de la commission des finances devraient avoir la priorité de l'annonce des mesures qui seront prises.

Elles sont à bout-touchant. Il ne s'agit pas de quarante-deux postes. Pourquoi pas cinquante ou cinquante-cinq ? (Exclamations.) Je m'excuse, Madame la députée ! Vous êtes en train de décider vous-même, mais nous avons de multiples contingences. Chaque année, nous avons pris les mesures adéquates dans des circonstances difficiles. Certains d'entre vous ont par ailleurs tenu à rappeler que le métier d'enseignant, maintenant, n'est pas un métier facile.

Vous avez dit quelque chose de très significatif, Madame Charrière Urben. Il est vrai que, dans ce parlement, vous votez allègrement un certain nombre de décisions dont je ne sais pas si elles ont un rapport avec l'oeil brillant de la truite ou celui de la grenouille... Mais je vous inviterai, indépendamment des mesures qui seront prises pour la rentrée, à vous livrer à quelques réflexions.

Comme M. Lescaze l'a rappelé, une majorité de ce parlement vote les budgets. Sans elle, il n'y aurait pas de budget, mais des douzièmes provisionnels, adaptés à l'année précédente, avec lesquels le département de l'instruction publique devrait gérer sa rentrée si tout le monde se comportait comme certains d'entre vous.

Lorsque vous obtenez des majorités pour parler de l'oeil des poissons, qu'il soit vif ou non, réfléchissez à deux fois au projet que vous poussez par rapport aux priorités que vous souhaitez. Mais, dans notre département, l'enseignement primaire a une priorité, nous le prouvons chaque année, et nous le prouverons également à la rentrée 1997.

Dans sa naïveté, l'invite de votre motion propose de : «...porter à 42 le nombre de postes supplémentaires nécessaires pour la rentrée 1997, cela sans préjudice de l'évaluation qu'il conviendra de faire pour les années suivantes;». Mesdames et Messieurs les députés, lorsque nous engageons des gens, nous prenons également des engagements à leur égard en signant des accords, et nous ne les mettons pas à la rue lorsque nous n'avons plus besoin d'eux.

Pour 2002, le SRED prévoit une décrue des effectifs de l'enseignement primaire. Nous devrons savoir alors que faire des enseignants engagés entre-temps, c'est notre devoir. Il ne suffit pas de prétendre qu'un enseignant primaire peut passer au cycle d'orientation ou au collège sans autre : leurs futurs collègues s'y opposeraient. Nous devons donc veiller à conserver le personnel quelle que soit l'évolution des effectifs.

L'amendement proposé permet à ceux qui sont chargés d'organiser la rentrée d'avoir une liberté de manoeuvre. Ne fixez pas de chiffres de cet ordre-là, puisque vous ne prenez pas l'engagement de les financer par la suite ! M. Lescaze vous le rappelait, vous ne votez ni les comptes ni les budgets. De toute façon, quelles que soient les initiatives que nous prenons, vous ne nous donnez pas décharge. (Applaudissements de l'Entente.)

Mme Liliane Charrière Urben (S). Je remercie Mme Brunschwig Graf pour sa leçon de catéchisme ! J'ai l'impression d'être en train d'apprendre les tables de la loi ! (Rires.)

Une voix. Et toc !

Mme Liliane Charrière Urben. Je m'aperçois aussi que la claque est bien organisée, mais j'aimerais tout de même mettre au point certaines choses :

Non, Madame, je ne décide pas !

Non, Madame, je ne vous donne pas d'ordres !

Mais, Madame, je vous fais remarquer qu'au mois de décembre... (Brouhaha.) Merci aux gueulards du coin ! Je vous fais donc remarquer qu'au mois de décembre, lorsque nous avons parlé du budget, Mme Reusse-Decrey ou moi-même - je n'ai pas eu le temps de rechercher dans le Mémorial - avions annoncé que si par extraordinaire, nous étions alors proches de Noël, vous acceptiez que le budget de l'enseignement primaire soit augmenté, nous reverrions notre position.

Ne dites pas que nous contestons constamment les comptes ! (Brouhaha.) Il ne faut pas trop attendre des prévisions, dites-vous. Mais vous savez parfaitement que les enfants qui entreront à l'école dans quatre ans sont nés cette année; il est donc possible de continuer de faire des projections, même si cela vous fait grimacer...

Quant aux enseignants à engager éventuellement aujourd'hui, vous savez parfaitement qu'il peut s'agir de suppléants. Cela mérite réflexion : on peut avertir les gens que leur engagement a un terme...

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. C'est nouveau !

Mme Liliane Charrière Urben. Ce n'est pas nouveau du tout, Madame, c'est votre pratique ! Il ne s'agit pas de ma théorie, vous savez parfaitement que vous engagez des suppléants ! Ne nous parlez donc pas d'«engagement» de votre part envers eux, alors qu'ils sont parfaitement conscients qu'il s'agit d'un engagement temporaire !

Quant au chiffre de cinquante, ne nous disputons pas pour savoir s'il s'agit de quarante-neuf ou cinquante et un, voire cinquante-cinq ! Comme nous l'avons dit, il s'agit d'une appréciation. Je ne vais pas m'en mêler, mais on constate une augmentation d'élèves tellement importante qu'il faudra davantage de maîtres; c'est mathématique.

Vous avez bien compris, d'autre part, ce que signifie l'amendement à la motion : rien du tout ! Autant s'en passer ! Moi, je vous demande, au nom de l'enseignement que je continue de soutenir, d'engager suffisamment de maîtres à l'école primaire pour la rentrée de septembre; «suffisamment» signifiant au moins quarante.

Cela dit, si vous ne le faites pas, il s'agit bien entendu de votre propre décision, et vous l'assumerez ! Vous verrez, au mois de septembre, comment les choses se passeront...

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). (Brouhaha.) Je le sais, ce débat a déjà duré relativement longtemps, et, en principe, on ne prend plus la parole après que le chef ou la cheffe d'un département a exposé son point de vue. Mais trop de choses inexactes ont été dites pour que je renonce à intervenir de nouveau.

Vous avez dit, Madame Brunschwig Graf, que le Grand Conseil n'avait pas à organiser la rentrée 97. C'est vrai, mais c'est nous tout de même qui votons les crédits octroyés à chaque département. (La députée est interrompue.)

C'est le Grand Conseil, Madame la conseillère d'Etat, qui vote le budget... (Exclamations.)

Une voix. T'as pas voté !

La présidente. Allez, allez, la classe se calme !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. C'est le Grand Conseil qui vote le budget. Vous l'avez dit, Madame Brunschwig Graf, votre rêve est de disposer d'une enveloppe pour en faire ce que vous voulez. Mais ce n'est pas ainsi que nous envisageons notre mandat de députés !

D'où vient le chiffre de cinquante postes pour la rentrée 97 ? Je vous rappelle, Madame Brunschwig Graf, que vous l'avez donné vous-même en commission ! (Brouhaha.) J'ai le procès-verbal. A partir de là, j'ai présenté un amendement au budget. Vous semblez oublier également, avec une rapidité assez déconcertante, que j'avais proposé un financement... (La présidente agite la cloche.) ...pour cet amendement dans le cadre du budget.

Mais ne venez pas nous dire que nous inventons des chiffres ! Que nous sommes naïfs ! Que nous ne prévoyons pas de financement ! Tout était contenu dans l'amendement que nous avons proposé au mois de décembre; cette motion ne fait que reprendre cela.

La présidente. Nous allons procéder au vote de l'amendement présenté par Mmes Hagmann et Guichard et M. Beer. Il consiste à remplacer les trois invites et s'énonce comme suit :

«invite le Conseil d'Etat à prendre toutes mesures utiles pour permettre d'organiser la rentrée 1997 dans des conditions pédagogiques adéquates.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Je vous annonce que nous retirons cette motion. (Exclamations.)

La proposition de motion 1109 est retirée par ses auteurs.

La présidente. Un peu de silence ! Cela fait déjà soixante minutes que nous débattons du point 38.

M. Michel Balestra (L). Je vais reprendre cette motion pour une simple raison : s'il est vrai que ce Grand Conseil vote les budgets, il procède également à des arbitrages pour que l'ensemble des tâches de l'Etat soit réalisé dans les meilleures conditions possibles tout en permettant d'atteindre l'objectif d'équilibre des finances publiques.

Or «prendre toutes mesures utiles pour permettre d'organiser la rentrée 1997 dans des conditions pédagogiques adéquates», c'est ce que nous devons faire dans la période que nous vivons.

La proposition de motion 1109 est reprise par M. Michel Balestra (L).

M. Dominique Hausser (S). Puisque M. Balestra aime la langue de bois, je demande l'appel nominal, et je suis appuyé ! (Exclamations.)

La présidente. Nous allons voter par appel nominal l'amendement à la motion... (Brouhaha.)

Une voix. Ah non, non, non !

La présidente. La motion, pardon ! Vous reprenez la motion amendée ? C'est ce que je voulais dire ! Je vous demande un peu silence; les grands effectifs, c'est un peu fatigant !

Celles et ceux qui acceptent la motion répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée par 46 oui contre 21 non et 17 abstentions.

Ont voté oui (46) :

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Hervé Burdet (L)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Catherine Fatio (L)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Claude Genecand (DC)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Gérard Laederach (R)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Catherine Passaplan (DC)

David Revaclier (R)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Ont voté non (21) :

Jacques Boesch (AG)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Bernard Clerc (AG)

Anita Cuénod (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Luc Gilly (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Dominique Hausser (S)

Liliane Johner (AG)

René Longet (S)

Pierre Meyll (AG)

Danielle Oppliger (AG)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Yves Zehfus (AG)

Se sont abstenus (17) :

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Micheline Calmy-Rey (S)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Sylvie Châtelain (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Christian Ferrazino (AG)

Christian Grobet (AG)

Sylvia Leuenberger (Ve)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)

Laurent Moutinot (S)

Vesca Olsommer (Ve)

Philippe Schaller (DC)

Max Schneider (Ve)

Evelyne Strubin (AG)

Claire Torracinta-Pache (S)

Michèle Wavre (R)

Etaient excusés à la séance (8) :

Bernard Annen (L)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Jean Opériol (DC)

Micheline Spoerri (L)

Etaient absents au moment du vote (7) :

Matthias Butikofer (AG)

René Ecuyer (AG)

David Hiler (Ve)

Olivier Lorenzini (DC)

Chaïm Nissim (Ve)

Barbara Polla (L)

Andreas Saurer (Ve)

Présidence :

 Mme Christine Sayegh, présidente.

Elle est ainsi conçue :

motion

sur les mesures à prendre pour résoudre l'augmentationdu nombre d'élèves dans l'enseignement genevois et sur l'attributionà l'enseignement primaire de 42 postes supplémentaires au budget 1997

LE GRAND CONSEIL,

considérant que :

- l'augmentation de l'effectif des élèves de l'école primaire est constante depuis 1991 (+4 000) et que les prévisions démographiques sont à la hausse pour plusieurs années encore;

- parallèlement l'effectif des enseignants n'a pas suivi la même tendance;

- toutes les parties concernées, à commencer par les plus hautes instances du département de l'instruction publique, mais aussi l'association des parents d'élèves du primaire (GAPP) et le syndicat des enseignants primaires (SPG) estiment la situation alarmante et considèrent qu'il faut davantage de postes dans ce secteur pour maintenir le niveau de l'enseignement;

- la poursuite de la rénovation de l'enseignement primaire puis son extension à l'ensemble des écoles ne peuvent s'envisager que moyennant des conditions de travail minimales pour les élèves et les maîtres, au risque de voir l'entreprise se déliter, sinon capoter;

- même si le projet de budget 1997 fixe à 20 le nombre de postes supplémentaires, cette prévision est largement insuffisante, d'autant plus que 12 de ces postes ont déjà été affectés à la rentrée 1996;

- les difficultés rencontrées par le primaire ne tarderont pas à toucher le cycle d'orientation, puis le postobligatoire,

invite le Conseil d'Etat

à prendre toutes mesures utiles pour permettre d'organiser la rentrée 1997 dans des conditions pédagogiques adéquates.