République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 février 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 3e session - 7e séance -autres séances de la session
No 7/I
Vendredi 21 février 1997,
soir
Présidence :
Mme Christine Sayegh,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et M. Anita Cuénod, Laurette Dupuis, Jean-Pierre Rigotti, Martine Roset et Evelyne Strubin, députés.
3. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Une copie est à disposition des députés à la salle des Pas Perdus.
Ce courrier concerne le point 41 de l'ordre du jour (PL 7568).
Par ailleurs, vous trouverez également sur la table de la salle des Pas Perdus l'audit sur les dérives sectaires. Un exemplaire est prévu pour chaque député.
4. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Hier matin, j'ai été avisé du problème posé par le parking du Vieux Moulin. Mes services ont immédiatement pris contact avec la Fondation des parkings pour examiner dans quelle mesure de telles décisions pouvaient être soutenables.
Nous avons pris le dossier en main et nous nous sommes fait livrer les documents afin de nous faire une opinion.
Je reconnais volontiers, Monsieur le député, que cette démarche manque de clarté. Quelles sont les limites des prérogatives de la fondation ? Nous étudions le dossier et le cas sera réglé lundi.
Cette interpellation urgente est close.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Mme Blanc-Kühn a fait allusion à la non-admission, par l'office cantonal de conciliation, de deux syndicalistes de nationalité étrangère, en leur qualité de représentants de parties, dans le cadre d'un conflit collectif de travail.
D'une manière inattendue, le juge a appliqué une disposition du règlement qui ne l'était plus depuis longtemps, parce que totalement désuète.
C'est pourquoi, mercredi dernier, le Conseil d'Etat a modifié le règlement en abrogeant cette clause, afin que la négociation se poursuive immédiatement, dans de bonnes conditions, avec ces deux syndicalistes qui connaissent bien le dossier.
Le même jour, la loi créant une chambre de conciliation et d'arbitrage a été adoptée. Elle sera proposée à votre parlement lors de sa prochaine séance.
L'objectif de cette nouvelle législation est, d'une part, de donner une base légale sûre à la mission actuelle de l'office cantonal de conciliation et, d'autre part, d'élargir cette mission en instaurant, notamment, de nouvelles compétences en matière d'arbitrage et en permettant, entre autres, la désignation d'un médiateur sur la base d'une expérience concrète que nous avons vécue et qui a donné de bons résultats.
Ce projet vous sera soumis lors de votre prochaine séance.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le principe de la séparation des pouvoirs m'interdit de commenter les propos de M. Bertossa.
Cependant, l'honnêteté intellectuelle commande de souligner que M. Bertossa n'a jamais dit que la lutte contre la pédophilie n'était pas l'une de ses priorités. Il a rappelé, au contraire, qu'elle était importante.
En revanche, M. le procureur général ne considère pas comme une de ses priorités la chasse aux vidéocassettes de pornographie dure, étant donné qu'il n'est pas démontré, selon lui, qu'elles induisent un passage à l'acte.
Je vous rapporte cet extrait d'un quotidien genevois : «De plus, il n'est pas certain que le matériel pornographique favorise l'expression de ces perversions dans la réalité. Certaines études montrent même que la consommation de pornographie peut avoir un effet libérateur et réduire le risque d'agissements. Enfin, les personnes qui passent à l'acte, dans ces domaines, sont très rares.» C'est une citation du docteur Philippe D. Jaffé, qui est un spécialiste en matière de délinquance sexuelle.
Le rapport que rendra le gouvernement avant l'été, dans le cadre de la motion 1088, fera le point sur les moyens à disposition et ceux dont il conviendra de se doter ou de développer pour lutter contre la pédophilie, et cela à différents niveaux : prévention, répression, exécution des peines et soins médicaux.
Le projet de loi 7500-A, inscrit au point 12 de l'ordre du jour, vise précisément à modifier le système de la libération conditionnelle, de manière à assurer une meilleure gestion des risques présentés par les condamnés libérés. Les réflexions sont en cours à différents niveaux. Par exemple, un groupe de travail composé de médecins, de magistrats, de responsables de la protection de la jeunesse et du domaine pénitentiaire se réunira à la fin du mois, sous l'égide de l'IUML, sur le thème de la prise en charge des délinquants sexuels. Il identifiera les besoins et les priorités pour définir une véritable coordination psycho-médico-judiciaire.
A fin 1996, une commission intercantonale a été créée pour examiner la prise en charge des délinquants mentalement anormaux. Elle est composée de trois conseillers d'Etat, de trois médecins et de trois directeurs de prison. Cette commission a pour mission d'élaborer de nouvelles propositions concrètes d'application de l'article 43 du code pénal.
Monsieur le député, votre interpellation urgente s'adressait également à mon excellente collègue, Mme Brunschwig Graf. Si elle le souhaite, je la laisserai s'exprimer sur les mesures prises par les services sociaux de son département.
Je rappelle simplement que des inculpations ont été prononcées dans le cas que vous citez. L'affaire est en cours d'instruction. Il convient donc d'attendre la décision que rendra le pouvoir judiciaire en toute indépendance et sérénité. Dès lors, il n'est pas nécessaire, à mon sens, de porter ostensiblement cette affaire sur la place publique.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Ce qui s'écrit dans les journaux n'est pas toujours vérité, et je prie les médias présents à la tribune d'excuser cette réflexion.
En vertu du secret professionnel et de la protection des personnes, il n'est pas possible, dans ce genre d'affaires, de réfuter en public certains articles de presse, car nous serions amenés à révéler des faits, concernant les personnes, qui n'ont pas à l'être.
Monsieur le député, vous vous demandez si tout a été fait en faveur de la fillette mentionnée dans l'article que vous avez cité. Je vous réponds par l'affirmative, et ce après avoir examiné le dossier et pris connaissance de toutes les informations.
La fillette est en sécurité. Elle vit dans un environnement qui lui convient et dans lequel aucun dysfonctionnement majeur n'a été constaté.
Pour le reste, vous n'avez pas à vous soucier de ce que vous avez lu. Comme dit plus haut, tout est réfutable, mais je ne peux le faire, publiquement, dans ce parlement.
Cette interpellation urgente est close.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je réponds à M. Beer qui a posé une série de questions sur la pauvreté des personnes âgées. Pour ce faire, je me base sur l'étude du professeur bernois Löw, étude placée sous l'égide du Fonds national de la recherche scientifique et récemment publiée.
Cette étude, qui porte sur l'ensemble de notre pays, a permis de tirer deux conclusions principales :
1. si le nombre de pauvres ne semble pas être en augmentation, il est établi, par contre, que le fossé se creuse entre les riches et les pauvres;
2. il est aussi établi que 60% des pauvres de notre pays ont moins de 40 ans et que le groupe le plus représenté est celui des personnes seules élevant un enfant. La figure type du groupe social, retrouvée le plus fréquemment, est la famille jeune avec trois enfants.
Sur la base de ces résultats, on constate, a contrario, que les personnes âgées, même si elles sont encore touchées par la pauvreté, ne forment pas une catégorie de population particulièrement atteinte : 60% des personnes pauvres sont âgées de moins de 40 ans, à l'échelle du pays.
Dans notre canton, les efforts fournis en faveur des personnes âgées sont dirigés sur trois axes principaux :
- d'abord, un effort économique visant à garantir la sécurité financière;
- ensuite, un effort d'intégration sociale;
- enfin, un effort favorisant le maintien en bonne santé.
D'abord l'effort économique : Genève compte 55 000 personnes de 65 ans et plus, soit 13,7% de la population totale, les octogénaires en représentant 4%. Quatorze mille rentiers AVS bénéficient des prestations de l'OCPA. Tous rentiers confondus, le montant total, versé en 1995, est de 297 millions de francs, cotisations d'assurance-maladie et loyers payées. Vous connaissez tous le principe du revenu minimum cantonal d'aide sociale. Je ne m'y attacherai pas davantage.
Ensuite, l'intégration sociale : 25 000 personnes âgées, soit près de la moitié de la population AVS, adhèrent à un club d'aînés ou à une association comme l'AVIVO, le Mouvement des aînés ou l'Université du troisième âge, qui sont parfaitement au fait des droits, notamment financiers, des personnes âgées.
Enfin, l'effort sanitaire : l'activité du canton se déroule à un triple niveau. Il y a d'abord l'effort permanent de l'aide et des soins à domicile pour permettre aux personnes âgées de continuer à demeurer dans l'appartement ou le quartier où elles ont toujours vécu. Aujourd'hui, plus de dix mille clients reçoivent la visite d'une collaboratrice ou d'un collaborateur des services d'aide à domicile. Parmi ces dix mille personnes, 80% sont en âge d'AVS.
En ce qui concerne les hospitalisations à l'hôpital cantonal ou à l'hôpital de gériatrie, 60% d'entre elles sont réservées aux personnes en âge d'AVS. Dans les établissements pour longs séjours, appelés maintenant «établissements médicaux sociaux», trois mille trois cent trente-huit lits sont occupés, dans leur majorité, par des rentiers AVS, les deux tiers étant des octogénaires.
Il est possible qu'ici ou là des personnes âgées ignorent leurs droits ou ne souhaitent pas en faire usage. Pourtant, l'information y relative est largement donnée par les centres sociaux, les centres de quartier, les centres de communes, les clubs d'aînés, les associations comme l'AVIVO et le Club du troisième âge. Les chiffres que je viens d'énoncer indiquent clairement que le Conseil d'Etat a toujours bien maintenu cette priorité sociale.
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. le député Hiler se préoccupe de l'avenir des personnes qui se trouvent au Moulin-de-Drize et du futur des activités qui s'y développent. Il se référait, pour m'interpeller, aux actions que j'avais entreprises, lorsque j'étais à la Ville de Genève, et à celles que j'ai conduites avec diverses coopératives d'habitation.
Pour éviter tout malentendu, je répète ce que j'ai déjà dit, à savoir que nous étions dans un Etat de droit, dont les principes doivent être respectés par tout un chacun, et qu'à partir de là nous pouvions imaginer un dialogue pour trouver des solutions originales sortant du cadre dans lequel nous avons l'habitude d'évoluer.
J'ai eu l'occasion de visiter le Moulin des Arts, de voir ce qui s'y déroule et de vérifier l'intérêt manifesté par la commune de Troinex. Celle-ci a d'ailleurs récemment confirmé cet intérêt et redit sa disponibilité pour établir un dialogue destiné à trouver des complémentarités éventuelles au développement de différentes activités qui intéressent non seulement les habitants du Moulin, mais également ceux de la commune, comme cela a été le cas au cours des dernières années.
M. le député Hiler voulait savoir si j'étais prêt à maintenir ce dialogue et à le développer avec les actuels habitants du Moulin-de-Drize. Je lui réponds affirmativement. Je le ferai d'autant plus volontiers que j'agirai en collaboration avec les autorités de Troinex qui ont manifesté la disponibilité que j'ai signalée.
Je viens de recevoir un dossier de l'Association du Moulin des Arts. Ce dossier a un aspect financier et un aspect technique relatif aux travaux qui pourraient être entrepris. Je ne suis pas certain que nous soyons à la veille d'aboutir à un accord entre les propriétaires et un acheteur éventuel. La différence entre l'offre faite et la valeur de l'objet est basée sur une estimation neutre, certes, mais substantielle, puisque le rapport est de plus de un à deux.
Mais il n'y a pas lieu de désespérer, et je vous assure que le dialogue sera poursuivi.
Encore une fois, il nous faut être précis : il ne s'agit pas de privilégier qui que ce soit. Nous ne pouvons pas favoriser tel ou tel groupe parce que son projet est sympathique. En revanche, dans le cadre de la loi générale sur le logement, nous disposons de quelques outils de travail et des moyens nous permettant d'agir intelligemment dans une affaire comme celle-ci.
Cette interpellation urgente est close.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Sur un point précis de l'interpellation de M. René Ecuyer, je disais, le 24 janvier 1997, en répondant à une interpellation de M. René Longet : «L'envoi des déclarations d'impôts 1997 débutera le 17 février et s'étalera jusqu'au 10 mars prochain. Les contribuables auront reçu leur déclaration et le retour officiel est fixé au 15 avril 1997.»
Les déclarations d'impôts 1997 ont fait l'objet d'envois massifs commencés hier. Comme je l'ai dit, leur expédition s'étalera jusqu'au 10 mars prochain, selon la planification établie par l'administration fiscale et les postes, précisément en raison du volume des envois.
L'année précédente, le délai de retour avait été fixé au 31 mars. Compte tenu de ce léger décalage, il a été, cette année, porté au 15 avril prochain. Les bulletins de versement ont tous été envoyés dans le délai fixé par la planification. Le premier acompte mensuel, comme je l'ai déjà dit le 24 janvier, est payable d'ici le 10 mars 1997, et ainsi de suite au 10 des mois suivants.
Le léger retard apporté à l'envoi des déclarations fiscales ne génère aucun dommage financier à l'Etat, parce que les contribuables acquittent leurs acomptes mensuels à partir de février, et cela sur dix mois. C'est un excellent système basé sur les bordereaux d'impôts 1996.
L'effectif des taxateurs a été augmenté lors de l'exercice 1996. J'ai, bien entendu, maintenu ce dispositif pour 1997.
Les quatre grandes structures sociales que sont les services sociaux de la Ville de Genève, l'AVIVO, les services du tuteur général et le Centre social protestant assurent un important travail d'intérêt public, très apprécié de l'administration fiscale. En raison de la multitude des cas qu'ils auront à traiter, ils ont tous reçu une lettre les informant d'un délai de retour porté, sans sommation, au 15 juin prochain.
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Tout à l'heure, M. Nissim hochait du bonnet pour marquer sa satisfaction à l'écoute de ma réponse sur le Moulin-de-Drize. Je doute qu'il fasse de même pour cette réponse-ci !
Le 6 janvier 1997, le Conseil d'Etat a effectivement rendu réponse à Mme Ruth Dreifuss, conseillère fédérale, dans le cadre de la procédure de consultation sur les émissions de CO2.
Dans la première partie de sa réponse, le Conseil d'Etat déclare sa volonté de s'engager dans la procédure qui a pour but de réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre, particulièrement celles du CO2. En cela il estime, comme les autres Etats européens, que la stabilisation des émissions de CO2, puis leur réduction, est un objectif commun et que tous les efforts de limitation doivent être mis en oeuvre pour l'atteindre.
Dans un second temps, le Conseil d'Etat pose le problème du développement durable en ne perdant pas de vue son contenu. Il effectue la pesée des intérêts entre la protection de l'environnement et le développement harmonieux de l'économie.
S'il ne souscrit pas formellement au projet proposé, c'est à cause des délais annoncés. Il estime, en effet, que l'introduction de la taxe, après les quatre ans imposés pour la stabilisation des émissions de CO2, pénalisera notre économie d'une manière excessive.
En ce sens, il tient compte de l'économie genevoise et pas seulement de l'économie nationale, ainsi que le lui demande le Département fédéral de l'intérieur dans sa consultation, où l'aspect cantonal n'est qu'un des éléments de la vision nationale.
M. Nissim n'admettra certainement pas, puisqu'il agite la tête dans le mauvais sens, que notre Conseil prenne en considération la perte éventuelle de pouvoirs économiques dans notre canton, laquelle se traduirait inévitablement par une perte accentuée d'emplois - ce qui ne devrait pas le laisser insensible - et des déstabilisations sociales trop marquées. Y songer, c'est également tenir compte du développement durable !
Cette interpellation urgente est close.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Monsieur Nissim, c'est la troisième fois que vous revenez, avec des arguments toujours différents, sur l'augmentation des tarifs de l'électricité.
La première fois, c'était pour réduire la consommation d'électricité; la deuxième fois, pour financer le Fonds de politique énergétique et la troisième fois, c'est-à-dire aujourd'hui, pour financer les actions techniques de la conception cantonale de l'énergie.
Monsieur Nissim, nous partageons la même vision quant aux grandes options stratégiques telles que le développement durable. Je vous suis également dans les idées de mise en oeuvre que vous avez préconisées dans le projet de motion 1114.
En revanche, je diverge d'avec vous sur la tactique à adopter pour développer notre politique énergétique. Je crois que vous me faites un procès d'intention en disant que j'adhérerais au fait que nous sommes à un tournant important de l'organisation du système énergétique européen, lui-même en permanente évolution. Loin de m'en réjouir, je préférerais, en ce qui me concerne, recourir uniquement à l'énergie hydraulique, aux énergies de substitution, aux éoliennes, au photovoltaïque, etc. Malheureusement, cela ne suffirait pas à alimenter le canton de Genève en courant électrique et en énergie.
Nous intégrons une notion récente, issue de la Conférence de Rio, à savoir le développement durable dont les trois composantes sont l'économie, la société et l'environnement. Nous vivons une crise profonde, dans un contexte mondial bouleversé par les nouvelles règles économiques. A Genève, nous avons procédé à des choix contraignants en matière d'approvisionnement énergétique. Nous ne pouvons approcher la politique énergétique en ignorant ces faits. Certes, nous pourrions nous affubler d'oeillères et aborder, de façon obsessionnelle, l'une ou l'autre de vos idées, aussi bonne soit-elle, sans l'intégrer dans une évaluation globale. Cela me rappelle certains élèves conducteurs qui se focalisent sur un paramètre isolé de la conduite, par exemple le compteur de vitesse, la voiture devenant je ne sais trop quoi.
La conception cantonale de l'énergie a précisément pour rôle de nous permettre de concrétiser une politique énergétique cohérente, qui tient compte de tous les éléments que je viens d'évoquer.
Le projet 1996 a présenté le sujet sous un angle résolument différent de la conception adoptée en 1993. Vous m'avez souvent reproché ma lenteur à réagir... Aussi ai-je le plaisir de vous informer que c'est le 17 mai 1989 que j'ai versé, à titre personnel, à la CERA - Coopérative pour les énergies renouvelables et alternatives - un montant de 5 000 F pour la construction de notre installation photovoltaïque de 3 kW sur le centre sportif Sous-Moulin, à Thônex. Hier, et je vous en remercie, j'ai reçu mon certificat de copropriété. Certes, le rythme de travail en faveur des énergies douces n'est pas aussi rapide que souhaité.
Je reviens au texte de votre interpellation et plus particulièrement à la production locale d'électricité au coût très élevé. Avant de vous répondre, je reprends un exemple cité par M. Schneider, député : «Le canton de Genève souhaite un approvisionnement économique diversifié, respectueux de l'environnement et privilégiant les énergies renouvelables. Pourquoi ne pourrait-il pas utiliser à son profit le grand marché européen de l'électricité - je dis bien européen - pour passer des contrats avec des centrales éoliennes au Danemark ? C'est beaucoup moins cher que certaines réalisations genevoises; ce serait peut-être plus sain pour nos tarifs et, par-là, pour notre économie, et respectueux de nos objectifs.»
Les centrales du réseau européen ne sont pas toutes sales et dangereuses pour leurs riverains et nous-mêmes. Des sources d'approvisionnement très intéressantes existent. Cette ouverture, qui n'a pas que des côtés négatifs, nous permettrait d'accéder à des tarifs accessibles qui éviteront aux grandes entreprises genevoises, bientôt libéralisées, d'acheter leur courant n'importe où, par exemple aux centrales rouillées et fumantes des pays de l'Est que vous dénoncez à juste titre.
Nous sommes parvenus à un tournant décisif qui nous oblige à doser créativité et réalisme.
Pour le surplus, je vous rappelle que la décision de refuser la demande des Services industriels d'augmenter leurs tarifs émane du Grand Conseil, sur recommandation du Conseil d'Etat; que le fonds de la politique énergétique fait l'objet d'une motion actuellement en discussion à la commission parlementaire et que si les 10 millions n'ont pu être inscrits au budget, ce n'est pas à cause de moi, mais en raison des restrictions budgétaires imposées.
En conclusion, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas faire éclater la politique énergétique cantonale en une multitude de projets indépendants, mais à lui conserver sa cohérence, grâce à cet outil qu'est la conception cantonale.
J'espère, Monsieur Nissim, avoir répondu à votre intéressante interpellation.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Depuis le 18 décembre 1991, un arrêté du Conseil fédéral permet l'octroi d'une admission provisoire aux réfractaires et aux déserteurs en provenance de l'ex-Yougoslavie.
La décision est de compétence fédérale, et les cantons sont habilités à présenter des dossiers.
Contrairement à la majorité des autres cantons, le nôtre a fait un usage abondant de cette procédure spéciale, puisqu'il a présenté, à ce jour, cent seize situations à l'autorité fédérale sur un total de cent septante-trois personnes. Près des quatre cinquièmes des demandes ont abouti à l'admission provisoire. Les autres requêtes se sont soldées par un refus au motif de l'invraisemblance des déclarations ou par un retrait de demande de la personne concernée elle-même.
Par définition, celui qui a été admis provisoirement en Suisse est autorisé à y séjourner. A contrario, est clandestin celui qui, après examen de son cas, n'a pas droit à l'admission provisoire ou celui qui n'a pas tenté de régulariser sa situation en demandant, par exemple, l'octroi d'une admission provisoire.
La loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers sanctionne pénalement celui qui facilite un séjour illégal en Suisse. Il est passible d'un emprisonnement maximum de six mois.
C'est sur cette base que la justice genevoise, et non mon département, a fondé, en toute indépendance, sa décision dans le cas mentionné.
En l'occurrence, Monsieur le député, vous arguez d'un cas particulier pour stigmatiser la politique d'accueil de notre canton. Je vous répète qu'elle est l'une des plus exemplaires, large et généreuse du pays, avec cent seize situations examinées sur un total de cent septante-trois personnes.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Avec votre permission, Mesdames et Messieurs les députés, je répondrai globalement aux interpellations urgentes de M. Gilly relatives aux squats.
Dans la première affaire, que j'appellerai «Mauro» pour ne pas citer le nom de famille, vous me demandez, Monsieur le député, pourquoi il a fallu ouvrir une porte. Réponse : parce qu'elle était fermée ! Pourquoi a-t-il fallu la forcer ? Parce que la personne qui habitait là refusait de l'ouvrir !
En date du 12 février 1997, à 14 h 30, l'intéressé devait être entendu par le juge d'instruction suite à une plainte pour violation de domicile. La convocation lui a été notifiée par les îlotiers des communautés de squatters. Prétextant une faute d'orthographe dans son nom, l'intéressé a indiqué qu'il ne se rendrait pas chez le juge. Mauro a été mis en contact avec ce juge qui lui a enjoint de se présenter. Mauro n'ayant pas obtempéré, le juge a émis un mandat d'amener qui a été exécuté par la force publique. L'interpellation a eu lieu dans le squat de la rue de la Croix d'Or, au numéro 25. Le propriétaire de l'immeuble a d'ailleurs déposé plainte.
Lors d'un premier passage, cinq gendarmes ont constaté que les personnes de l'immeuble prétendaient ne pas savoir où logeait Mauro. Ces gendarmes ont frappé aux portes des onze appartements de l'immeuble. Aucun squatter, paraît-il, ne connaissait Mauro. Sachant que Mauro demeurait dans l'immeuble, quatre gendarmes ont effectué un deuxième passage. Au cinquième étage, deux appartements ont été pris en considération. Après avoir frappé aux portes sans obtenir de réponse, les gendarmes les ont forcées sans que cela n'entraîne de dommage important.
Une ligne téléphonique, installée à l'extérieur, communiquait avec un appartement du quatrième étage. Sa porte a été aussi forcée, puisque personne ne répondait. Mauro se trouvait à l'intérieur, en train de téléphoner; le téléphone a été débranché.
Pourquoi quatre gendarmes ? Parce que ce n'est pas de trop dans un milieu hostile ! En passant, je précise que le chien policier, qui accompagnait les quatre gendarmes, a découvert au grenier des matelas et du matériel destinés à la consommation de stupéfiants.
En d'autres termes, si M. Mauro avait honoré la convocation du juge, il n'aurait pas été arrêté et détenu vingt-quatre heures à Champ-Dollon.
Vous m'avez ensuite interpellé pour savoir si la police envisageait de grandes manoeuvres à l'encontre des squatters. Aucune action d'envergure n'est planifiée pour la simple raison que les différents bâtiments, pour lesquels les autorisations de rénovation ou de démolition sont entrées en force, feront l'objet, comme toujours, de négociations avec leurs occupants illicites.
Si les squatters respectaient la doctrine de M. le procureur général, il n'y aurait pas de raison d'utiliser la force. Ne pouvant prédire la future attitude des squatters, nous ne pouvons dire, maintenant, si la force prévaudra sur la raison.
Pour la cinquième fois au moins, vous m'interrogez, Monsieur le député, sur la pratique en matière de gestion des squats.
Depuis six ans, c'est-à-dire depuis l'entrée en fonction de l'actuel procureur général, elle n'a pas varié ! Lors d'une occupation illicite, un bâtiment non voué au logement est évacué sur plainte, cela dans les plus brefs délais. Tout squat toléré devrait être accessible à la police sans entrave. Une perturbation prolongée de la sécurité et de la tranquillité publiques donne lieu à une possible évacuation, même si les conditions précitées ne sont pas remplies.
Enfin, les squatters ont l'obligation de quitter les lieux dès l'entrée en force des autorisations de démolition ou de rénovation et que les propriétaires sont dans l'imminence de l'ouverture du chantier.
Monsieur le député, j'attire votre attention bienveillante sur ma conclusion : nos îlotiers des communautés font appel à la raison, au dialogue et à la médiation. En 1996, quatre-vingt-neuf immeubles ont été libérés pacifiquement. Seuls les occupants de deux immeubles, dont Artamis, ont posé des problèmes. J'entendais vous le faire savoir.
Cette interpellation urgente est close.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. M. le député Gilly m'a interpellé sur la SIP et son éventuel rachat par le groupe Amas.
D'emblée, je corrige une erreur : ce groupe a contribué au financement hypothécaire de l'usine à hauteur de 13 millions et ne l'a pas rachetée, à ma connaissance. Ce sont les investisseurs Suchet et Gruber qui ont développé ce projet de redéploiement industriel; ils sont à l'origine de la reprise.
Vous faites des allégations sur le groupe Amas, respectivement sur ses actionnaires. Je n'entrerai pas en matière sur ces allégations. Je vous dis simplement qu'elles n'ont pas, à ce jour, trouvé d'écho auprès de la Commission fédérale des banques, chargée de la surveillance desdites banques.
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. L'Office vétérinaire fédéral est effectivement intervenu auprès du Ministère de l'agriculture, à Paris, afin qu'il lève l'interdiction d'estivage.
Cette demande a fait l'objet, en date du 13 février dernier, d'un courrier de l'Office vétérinaire fédéral aux responsables des services vétérinaires français du Ministère de l'agriculture. Les conditions de la levée d'interdiction consisteraient en une définition plus précise des zones de pacage et à l'engagement suisse de rapatrier immédiatement une bête estivant en France et suspectée de la maladie de la vache folle.
Deux faits sont de nature à rassurer les autorités françaises : le bétail contaminé a été abattu; dans l'éventualité de nouveaux cas qui pourraient être décelés, les animaux ayant eu des contacts avec les animaux malades seraient également abattus.
Par ailleurs, une demande a été faite pour que la Suisse soit reconnue comme pays exempt de la maladie de la vache folle. Une réponse devrait nous parvenir d'ici le 15 mars prochain. Les premiers estivages au Salève ayant lieu en mai, vous serez donc renseigné dans un délai satisfaisant.
Comprenez que ce n'est pas à cause d'une volonté française de compliquer les choses que nous nous sommes trouvés confrontés à ces problèmes. Des assurances et des précisions devaient effectivement être données. Je crois que l'incident sera clos dans les délais que vous souhaitez.
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. Max Schneider s'inquiète du traitement des cendres volantes qui proviennent de l'usine des Cheneviers et sont acheminées en Allemagne.
Les processus d'incinération des ordures engendrent la formation de cendres volantes et de boues de lavage qui renferment des quantités importantes d'éléments lourds. Ces derniers doivent être stabilisés et stockés définitivement en n'induisant aucun impact négatif sur l'environnement.
Ces produits sont conditionnés en «big bags» dont le poids est d'environ 1 200 kilos. Ils sont acheminés dans les mines de sel de Heilbronn, en Allemagne. Ces sacs sont effectivement en tissu plastique, mais leur résistance répond aux exigences en la matière. Ces mines de sel constituent des lieux de stockage sûrs. Depuis des millénaires, aucune eau d'infiltration n'a pénétré le site et dissous le sel.
En 1994, 3 807 tonnes ont été exportées pour 1 900 000 F; en 1995, 4 693 tonnes l'ont été pour environ 2,5 millions et, en 1996, 5 850 tonnes l'ont été pour environ 3,3 millions.
Le coût à la tonne se répartit ainsi : 16% pour le conditionnement aux Cheneviers; 18% pour le transport en Allemagne; 66% pour l'enfouissement dans la mine.
Monsieur Schneider, je comprends vos préoccupations. En revanche, je relève que vous avez omis de dire que dans le cadre d'une politique régionale bien comprise, nous travaillons avec les cantons de Vaud, de Fribourg, de Neuchâtel et, dans une certaine mesure, de Berne, pour créer un site à Oulens qui nous permettra de conserver ces cendres volantes dans des conditions optimum, comparables à celles de l'Allemagne. Nous n'aurons donc plus besoin d'exporter ces déchets.
Cette interpellation urgente est close.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Les hôpitaux universitaires de Genève gèrent leurs déchets radioactifs conformément aux dispositions de l'ordonnance fédérale sur la radioprotection du 22 juin 1994, avec l'aide d'une commission de radioprotection, composée d'experts dans les différents domaines concernés.
Les hôpitaux gèrent deux catégories de sources radioactives : les sources fermées des équipements de radiologie et de radiothérapie et les sources ouvertes utilisées pour le diagnostic et le traitement de certaines affections.
L'élimination des déchets s'effectue d'une manière totalement contrôlée, afin de respecter les normes de rejet dans l'environnement fixées par l'ordonnance fédérale. La définition globale de ces normes permet d'assurer qu'une personne exposée dans la zone de rejet n'excède pas un millisievert par an, soit le quart de l'irradiation atmosphérique reçue par tout individu dans notre pays.
Les hôpitaux emploient environ cinquante types de radioéléments. Le plus utilisé est le technocium 4,99m dont la demi-vie est de six heures. Avant leur élimination, les déchets de ces radioéléments sont stockés, au minimum, durant leur demi-vie.
Contrairement à ce que vous dites, cela fait plus de trois ans que ces déchets ne sont plus stockés à Alcide-Jentzer. Ils le sont dans le centre de la voirie de la zone sud, dans le périmètre des bâtiments «Opéra». Les locaux ont été spécialement conçus à cette fin, pour ce qui est de l'isolement, de la température et de l'intervention.
Leur capacité a été étudiée en vue d'une très longue durée de stockage. Même après leur demi-vie de radioactivité, les déchets sont centralisés, contrôlés et soumis aux inspections périodiques de l'Office fédéral de la santé publique.
Il n'y a plus d'envois à Würenlingen depuis plus de vingt ans.
Cette interpellation urgente est close.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Ma réponse porte sur le projet de loi 7557 concernant la commune d'Avusy, et non d'Avully.
Il est exact que la loi Reuters prévoit, à l'alinéa 2 de son article 4, que jusqu'à l'achèvement de la révision du plan directeur cantonal tout déclassement important de la zone agricole est suspendu, les projets et procédures en cours demeurant réservés.
Suite à la décision du Grand Conseil dans cette affaire, Mme Maury Pasquier a interpellé mon département pour connaître la liste des projets et procédures en cours touchant à la zone agricole.
Le 22 juin 1995, j'ai fourni cette liste qui comprenait onze projets en cours de procédure, dont sept étaient des réponses à des motions de votre Grand Conseil.
Par ailleurs, j'ai cité neuf projets dont la procédure n'était pas encore formellement engagée, mais qui allait l'être incessamment au vu de l'état d'avancement des dossiers.
J'ai également cité les hameaux pour couvrir tous les projets élaborés à cette fin par les communes et dont le département n'avait pas encore été saisi formellement, certaines communes désirant user de leur droit d'initiative.
Madame Gobet, vous me prêtez des propos que je n'ai pas tenus. Vous dites que j'ai été interpellé pour énumérer les projets que je considérais être exempts d'une compensation de terre agricole. C'est inexact ! Mme Maury Pasquier m'avait demandé la liste des projets de déclassement en cours et je lui ai répondu sur ce point. Il n'a jamais été question de projets nécessitant ou non des compensations.
En ce qui concerne le projet de loi d'Avusy, je vous confirme ici les déclarations de mon collaborateur en commission d'aménagement du canton. Lors de l'entrée en fonction, le 1er juin 1995, de M. Bruno Mégevand, nouveau maire de la commune, cette dernière était propriétaire de moins des 30% des terrains concernés par le projet de déclassement. Le processus d'acquisition de ceux-ci était bloqué. Sous l'impulsion du maire, qui avait à coeur l'avancement du projet, les négociations ont repris avec les propriétaires et ont abouti à des acquisitions et des échanges. De ce fait, le concours a pu être programmé au milieu de l'année 1996. De toute évidence, ce projet ne figurait pas dans la liste de 1995.
D'autre part, je rappelle que le Conseil d'Etat ne s'est jamais engagé à compenser, comme vous le prétendez, le déclassement des terrains agricoles en totalité. Il serait aberrant, sur le plan de l'aménagement du territoire, que chaque mètre carré déclassé dans une zone quelconque soit compensé par un mètre carré d'une autre zone ! Cela le serait d'autant plus pour ce projet dont l'utilité publique a été largement démontrée, puisqu'il intéresse plusieurs communes, directement et indirectement.
Le concept de l'aménagement cantonal, en phase finale de consultation, prévoit que le plan sectoriel de l'espace rural en cours d'élaboration permette, d'une part, une évolution raisonnable des villages et, d'autre part, adapte le régime des zones à la situation de fait.
Dans le cas particulier, il a semblé anormal de bloquer un projet communal simplement parce que le schéma rural n'avait pas été adopté, alors que le projet lui-même ne le contredit pas.
Pour conclure, je dirai que je trouve fort regrettable qu'il se soit trouvé en commission six députés pour refuser d'entrer en matière sur un projet qui a pour seul but de doter une commune et une région défavorisées de constructions et d'installations d'utilité publique, et cela pour le bien-être général des habitants.
Cette interpellation urgente est close.
1. Introduction
Le présent projet de loi, déposé le 8 mai 1996 par le Conseil d'Etat, a été étudié par la commission de l'université au cours de trois séances qui se déroulèrent les 21 et 28 novembre ainsi que le 3 décembre 1996.
Il a pour but de préciser la base légale du prélèvement opéré sur les honoraires perçus au titre de la pratique privée des professeurs et de certains cadres médicaux sans rang professoral des hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Comme le rappelait opportunément l'exposé des motifs à l'appui du projet de loi, les HUG ont admis de longue date une telle pratique privée, conçue comme une dérogation à l'obligation des membres du personnel des établissements publics médicaux (EPM) de consacrer tout leur temps à l'exercice de leurs fonctions.
Le prélèvement opéré sur les honoraires a d'abord été conçu comme une participation aux frais généraux, puis comme une charge de préférence perçue en contrepartie de l'avantage offert de pouvoir développer une pratique privée au sein d'un hôpital public. A l'heure actuelle, l'accent «est mis désormais non plus sur l'avantage que retirent individuellement les médecins de la pratique privée, mais sur le profit en résultant pour l'ensemble du service dans lequel pratiquent les bénéficiaires, et par ricochet pour l'établissement public dans son ensemble». Le but du prélèvement visera désormais moins à limiter les revenus dits accessoires (quoique parfois largement supérieurs au traitement de base) de certains professeurs qu'à promouvoir «un mode de répartition de ces honoraires tenant mieux compte des différents intérêts en présence».
Une telle conception s'inscrit à l'évidence dans le cadre d'une gestion plus dynamique des établissements publics en intéressant leurs différents services à leur développement et à leurs résultats. La pratique privée devient un élément de cette gestion, permettant non seulement de conférer un bonus salarial aux bénéficiaires, mais aussi d'effectuer certains investissements spécifiques. La pratique privée dans les EPM se rapproche ainsi d'une logique d'entreprise qui est aussi celle de tout cabinet privé.
Dès le 18 décembre 1979, la commission administrative de l'hôpital cantonal avait approuvé un règlement prévoyant que l'hôpital prélevait une participation de 30% sur la totalité des honoraires résultant de la clientèle privée stationnaire «pour le temps consacré à l'exercice de l'activité privée ainsi qu'à titre d'indemnité pour la mise à disposition des locaux et du personnel nécessaire». Modifié à plusieurs reprises, ce règlement a été revu le 30 janvier 1996 par le Conseil d'administration des HUG, suite aux propositions d'un groupe de travail composé du professeur Alain Junod, directeur médical des HUG, du professeur Bernard Fulpius, recteur, ancien doyen de la faculté de médecine, du professeur Peter Suter, doyen de la faculté de médecine, et de M. Gérard Gobet, directeur général de l'hôpital cantonal. Le Conseil d'Etat a ratifié ce règlement le 7 février 1996.
Ce règlement consacre le principe du prélèvement de 30% «sur les honoraires payés à titre d'indemnité pour l'utilisation de l'infrastructure hospitalière et le temps consacré à l'activité privée». Par ailleurs, ce règlement crée dans chaque département des fonds de service alimentés par un prélèvement sur le 70% restant du montant des honoraires selon un taux de rétrocession variant de 10% pour la tranche de 1 à 100 000 F à 80% au maximum pour la tranche d'honoraires supérieure à 700 000 F. Le taux augmente donc de 10% pour chaque tranche supplémentaire de revenus de 100 000 F.
Le fonds de service a pour objectif:
- de soutenir et permettre des activité liées au développement des services qui le constituent;
- de contribuer à la rétribution d'activités cliniques particulières à raison de 40% au maximum du montant du fonds de service.
L'activité clinique pouvant être financée par le biais de ce fonds de service s'étend de l'achat de matériel à la création de postes ou au financement d'activités de recherche.
Les fonds de service sont gérés par un comité composé des médecins-chefs de service du département. De plus, il est créé un fonds de péréquation représentant le tiers du total des fonds de service qui a pour but de mettre à disposition de la commission de recherche, développement et planification, à raison de 80% des montants disponibles, des moyens pour la réalisation des objectifs qu'elle a fixés. Le solde de 20% du fonds de péréquation est attribué en faveur du développement d'autres institutions hospitalières.
** *
Le présent projet de loi vise, par précaution juridique, à donner une base légale formelle au nouveau règlement. Il n'est pas envisagé dans un proche avenir de porter le taux de base de la participation des bénéficiaires de la pratique privée aux charges d'exploitation de l'hôpital au-delà de 30%, conformément à la pratique usuelle depuis 1979. Cependant, la loi offre une flexibilité permettant un plafond de 40%, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Il permettra de sauvegarder l'avenir si le contentieux récemment surgi avec un bénéficiaire de la pratique privée au sujet de la perception des cotisations AVS devait aboutir à l'obligation pour les HUG de payer la part employeur AVS, alors que jusqu'ici, les titulaires de la pratique privée ont été taxés comme indépendants. En cas de jugement défavorable aux HUG, une augmentation de la participation à 35% ne saurait en effet être évitée.
2. Auditions
En date du 21 novembre 1996, la commission de l'université reçoit le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond, président du DASS. Après avoir rappelé les dispositions légales et réglementaires en vigueur, il souligne que seul le différend actuel avec certains organes de l'AVS oblige le département à prévoir un taux de base de 40% au lieu des 30% mentionnés dans le règlement. Si le litige avec l'AVS se conclut à satisfaction des HUG, le taux du prélèvement de base restera fixé à 30%, comme il l'est depuis 17 ans.
Sur le plan quantitatif, 106 personnes sont concernées par cette problématique à Genève, dont 83 perçoivent des honoraires inférieurs à 100 000 F, 13 des honoraires compris entre 100 000 F et 200 000 F et 10 des honoraires supérieurs à 200 000 F.
Le montant total des honoraires perçus à titre privé s'élève à 12,55 millions de francs, alors que le solde des honoraires restant acquis aux intéressés après le prélèvement de 30% est de 8,785 millions de francs. Le nouveau système de prélèvement progressif offre un rendement de 1,739 million de francs.
Le conseiller d'Etat rappelle que le prélèvement de 30% est principalement destiné à couvrir l'utilisation des locaux et du personnel. Il souligne par ailleurs que ce règlement établit une certaine cohérence par rapport à un règlement semblable en vigueur au CHUV.
Il rappelle également, en réponse aux questions de certains commissaires, que les professeurs concernés perçoivent un traitement hospitalier, auquel s'ajoutent un traitement du département de l'instruction publique (DIP), des indemnités hospitalières et les honoraires de la pratique privée.
Il précise enfin que la commission de l'université doit se prononcer sur la base légale proposée et non sur le règlement adopté par le Conseil d'administration des HUG.
** *
En date du 28 novembre 1996, la commission auditionne les professeurs Pierre Montandon et Philippe Morel, respectivement médecin-chef du département des neurosciences cliniques et médecin-chef de la clinique et policlinique de chirurgie digestive. Ils représentent la communauté d'intérêts formée par les médecins et médecins-adjoints pour veiller aux intérêts des ayants droit à la pratique privée.
Le professeur Montandon juge que le projet de loi a été rédigé par des personnes qui ne comprennent pas le fonctionnement de l'hôpital à partir de propositions faites par des personnes qui ne sont pas confrontées aux malades, avant de dresser l'historique de la pratique privée à l'hôpital cantonal depuis 1950. Il rappelle qu'il a toujours été entendu que l'attention portée aux patients privés par les médecins de l'hôpital ne devait pas se faire au détriment d'autres activités et que les très gros revenus de certains bénéficiaires de la pratique privée sont générés par certaines spécialités dont la tarification est très élevée, à Genève comme ailleurs.
Pour le professeur Montandon, l'introduction abrupte du nouveau règlement comportant un prélèvement supplémentaire progressif comporte un aspect punitif très démotivant pour les ayants droit de la pratique privée. Cela pourrait poser des problèmes au niveau du recrutement comme de la recherche de fonds privés, nécessaires pour faire fonctionner la recherche médicale.
Le professeur Philippe Morel dénonce la précipitation et l'absence de concertation qui ont conduit à l'adoption du règlement du 30 janvier 1996, dont la teneur définitive n'aurait pas correspondu au projet qui leur avait été communiqué une semaine auparavant. Pour lui, ce projet touche en majorité les «petits revenus» inférieurs à 200 000 F d'honoraires privés (non compris les traitements hospitaliers et DIP). Les médecins-adjoints se voient amputés d'une partie importante de leurs gains, alors qu'ils fournissent un travail important à l'hôpital et que leur position dans la hiérarchie hospitalière reste précaire. Le professeur Morel aurait souhaité ne rien prélever sur les gains inférieurs à 100 000 F et d'appliquer un taux fixe de 10% au-delà de cette somme. Au cours de la discussion, le professeur Morel s'inquiète de l'éventualité de départs de certains médecins de l'hôpital en raison de leurs possibilités de gains inférieurs à ceux des médecins de ville bien qu'il reconnaisse que la plupart des médecins hospitaliers restent à leur poste par passion. A une question d'un commissaire, le professeur Morel reconnaît que le principe du prélèvement progressif avait été accepté lors de la réunion du Collège des chefs de service, mais que cette dernière ne regroupait pas tous les ayants droit.
Discussion et conclusions
Pour préciser les chiffres, qui varient suivant les interlocuteurs, un tableau concernant la rétrocession des fonds de service (après le prélèvement de base) est distribué à la commission et figure en annexe. Ces chiffres ne comprennent pas l'ambulatoire, plus difficile à estimer et qui augmentera quelque peu les montants concernés.
Au cours de la discussion, il est constaté que les frais généraux d'un cabinet de ville s'élèvent facilement à 40% des honoraires. De ce point de vue, le projet de loi prévoyant la possibilité de récupérer 40% des honoraires n'est pas vraiment excessif. D'ailleurs le DASS est favorable à ne pas utiliser la flexibilité accordée par le projet de loi et à maintenir le taux prévu par le règlement.
En revanche, il paraît judicieux que l'argent provenant des rétrocessions prévues aille vers les services plutôt que les départements, ce qui serait plus motivant pour les médecins.
Une modification en ce sens de l'article 11B, alinéa 2, ajoutant simplement ou leurs services est proposée en ce sens.
La discussion sur les barèmes montre que la commission de l'université n'entend pas remettre en cause le principe d'une progression de la rétrocession en faveur des fonds de service. De même, elle n'accepte de fixer un montant maximal de 40% pour le prélèvement de base à titre d'indemnité pour l'utilisation de l'infrastructure hospitalière et le temps consacré à l'activité privée qu'à titre de précaution au cas où l'hôpital devrait prendre en charge la cotisation AVS employeur. Dans le cas contraire, la commission souhaite le maintien du taux de 30% prévu par le règlement du 30 janvier 1996.
En conclusion, l'amendement de l'article 11B, alinéa 2, ajoutant à la dernière phrase ou leurs services est adopté à l'unanimité. Un amendement modifiant l'échelle de progression, la faisant glisser de 5% à 75% plutôt que de 10% à 80% est rejeté par 9 voix (2 Adg, 2 S, 1 Ve, 2 R, 2 DC) contre 1 (L) et 3 abstentions (L).
Un amendement précisant à l'article 11B, alinéa 3, que la progression de l'échelle est de 10% par tranche de 100 000 F est adopté à l'unanimité.
L'article 2 souligné du projet de loi (entrée en vigueur) est modifié de façon à offrir toute latitude au Conseil d'Etat. Il est ainsi amendé: Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi est adopté à l'unanimité.
** *
Au bénéfice des explications et amendements ci-dessus, la commission de l'université vous propose, à l'unanimité des 13 membres présents, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le projet de loi 7461 amendé.
Annexe: Honoraires HUG
Rétrocession fonds de service par tranche de 100 000 F
page 9
Premier débat
La présidente. Vous avez trouvé sur vos places une lettre du professeur Bernard Faidutti.
page 1 C 546
page 2
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. La modification de la loi sur les établissements médicaux, qui semblait avoir recueilli l'unanimité en commission, est aujourd'hui contestée. Aussi me bornerai-je, en préliminaire, à rappeler uniquement le but et l'objet de cette loi.
Depuis 1979, l'Etat prélève un montant forfaitaire de 30% sur les gains accessoires privés réalisés à l'hôpital. Pour faire court, on peut dire que ce montant équivaut aux frais généraux des cabinets de médecins de ville ou des cabinets d'avocats, bien que pour l'Association des médecins du canton de Genève les frais généraux des praticiens exerçant en ville se montent à 50%, en moyenne, voire à 60% pour les spécialistes équipés d'un appareillage sophistiqué, tels les radiologues. Je rappelle également que la moyenne des frais généraux des cabinets d'avocats est estimée à 47% par la Fédération suisse des avocats.
Ce montant de 30% n'a jamais été contesté. Il est prélevé auprès de tous les professeurs et médecins ayant une pratique privée à l'hôpital. Et bien que ce projet le fasse passer à 40%, il ne saurait s'agir - je tiens à le souligner - que d'une éventualité, d'une virtualité inscrite dans la loi.
Le conseil d'administration de l'hôpital et le département de l'action sociale et de la santé ont précisé leur intention de maintenir ce prélèvement de 30%, à moins que l'action intentée devant le Tribunal fédéral, dans le but de faire payer la moitié de la contribution AVS à l'hôpital cantonal pour les gains privés, ne soit jugée en faveur des médecins ayants droit et en défaveur de l'Etat. Dès lors, 5,5% supplémentaires seraient mis à la charge de l'Etat et il est bon que le projet de loi se garantisse contre une telle éventualité. Pour l'instant, le prélèvement forfaitaire reste de 30%.
L'autre nouveauté du projet de loi est l'instauration d'un prélèvement progressif sur 70% des gains restants dits «accessoires». En effet, les professeurs et médecins concernés ont l'obligation d'une disponibilité complète envers les patients de l'hôpital, tout en ayant la possibilité de distraire une partie de ce temps pour leurs patients privés. En raison de cette opportunité, il semble donc équitable d'instaurer un prélèvement progressif.
Nous reviendrons sur les modalités de ce prélèvement progressif par tranches de 100 000 F. Il suffit de dire que la plupart des personnes concernées, à savoir quatre-vingt-trois sur cent six, ne subiraient qu'un prélèvement de 10%, leurs gains accessoires n'atteignant pas 100 000 F.
Les changements prévus ont été adoptés sur la recommandation d'une commission composée du professeur Bernard Fulpius, alors doyen de la faculté de médecine; du professeur Alain Junod et du professeur Peter Suter, actuel doyen de la faculté de médecine. Ils ont été entérinés par le conseil d'administration de l'hôpital à la quasi-unanimité, puis, pratiquement une année après et également à la quasi-unanimité, par la commission parlementaire de l'université. On ne saurait donc dire que la commission de l'université a travaillé dans la précipitation.
Les ayants droit se sont plaints, avec une amertume que l'on peut comprendre, de n'avoir été informés par l'hôpital qu'une dizaine de jour avant la prise de décision du conseil d'administration de l'hôpital. En réalité, il semble bien qu'une assemblée des chefs de service ait accepté ces changements à une très large majorité et que certains ayants droit n'aient pas lu les documents qu'ils ont reçus. L'annonce de ces changements a donc été moins brusque qu'on ne le dit, et cela fait maintenant une année que l'on en discute.
Au-delà de l'aspect purement légal, il y a l'aspect des chiffres. Pour débroussailler le terrain et clarifier les choses, il convient de rappeler que deux catégories d'ayants droit seront touchées. L'une est celle des professeurs de médecine, l'autre, celle des médecins adjoints.
Le traitement des professeurs de médecine diffère de celui des autres professeurs d'université. Ils peuvent cumuler trois dixièmes supplémentaires au traitement d'un professeur d'université d'une autre faculté. Si le traitement d'un professeur d'université est de 187 500 F, après la progression des annuités, celui d'un professeur de médecine est de 246 000 F auquel s'ajoutent les gains accessoires dont nous parlons. Pour les professeurs n'en ayant pas, parce que ne pouvant avoir de pratique privée, il est prévu une indemnité supplémentaire, dite «compensatoire», oscillant entre 30 000 et 90 000 F.
La situation des médecins adjoints est quelque peu différente. Ils relèvent des classes 26 à 28 de traitement du département de l'action sociale et de la santé. Ils peuvent également toucher des gains privés ou des indemnités compensatoires, certes moins élevées, mais qui atteignent parfois 63 000 F. De surcroît, ils sont évidemment rémunérés s'ils ont une charge de cours ou un enseignement de privat-docent. Bien qu'il s'agisse de salaires moyens, inférieurs à ceux des professeurs, on ne saurait les qualifier de «petits salaires» comme on a tenté de le faire accroire dans la presse. Ces salaires sont sensiblement supérieurs aux revenus moyens des médecins spécialisés; nous ne parlons donc pas des généralistes.
A ma demande, l'Association genevoise des médecins m'a envoyé un texte qui m'a appris, à ma grande surprise, qu'entre 1994 et 1996 le revenu avait baissé pour les médecins de ville et les deux tiers des spécialités. Seules trois spécialités dépassent, en moyenne, le chiffre de 200 000 F. Pour ces raisons financières également, il convient d'accepter le projet de loi tel qu'il vous est présenté.
Les opposants ont évoqué trois types d'arguments. Le premier était que les situations de Vaud et Genève n'étaient pas équivalentes en ce qui concerne les gains accessoires. Je tiens à dire nettement ici que le Concordat Vaud/Genève, qui devra être ratifié selon une procédure nouvelle en mars par nos deux parlements, prévoit l'adéquation parfaite de la situation du CHUV à celle des hôpitaux universitaires genevois. D'autre part, à Lausanne, les traitements des professeurs et des médecins sont inférieurs d'environ 15% à ceux de leurs homologues genevois.
Le deuxième argument invoqué était que le deuxième recours contre le règlement du conseil d'administration de l'hôpital était pendant devant le Tribunal fédéral et qu'il convenait d'attendre le jugement de ce dernier. Je rappelle que la loi est faite par ce Grand Conseil et non par les juges. Si nous avons un jugement défavorable du Tribunal fédéral, nous modifierons la loi, mais nous ne pouvons accepter de suivre la procédure inverse.
Dernier argument : les ayants droit craindraient que la relève, à l'hôpital universitaire de Genève, ne soit entravée par de telles mesures. Il me suffit de dire que la relève, à la faculté de médecine, dépend de facteurs autres que financiers. Ce n'est pas le lieu pour en parler, mais nous pensons que cet argument est irrecevable.
Tous les professeurs et médecins auditionnés ont souligné la lourdeur de leur tâche, l'importance de leur rôle, la lenteur de leur carrière, et nous en sommes bien conscients. Nous sommes aussi conscients du fait qu'ils ont pu obtenir une situation enviable grâce à la collectivité qui a payé près de 600 000 F pour leur formation universitaire à Genève. Ces professeurs et médecins ont souligné la nécessité pour eux d'être toujours disponibles, et c'est là une lourde charge ! Mais ils ont aussi souligné l'intérêt qu'ils portaient à leur fonction.
Par conséquent, je pense qu'entre l'esprit de service que la plupart d'entre eux démontrent quotidiennement et l'esprit de lucre de certains - en tout cas pas chez ceux que nous avons rencontrés - ce Grand Conseil doit trancher en faveur de l'esprit de service. Ainsi, chacun et chacune reconnaîtra les mérites des uns et des autres au service de la collectivité.
La commission de l'université a consacré de nombreuses séances à ce projet de loi, alors même qu'elle avait terminé ses travaux. L'avocat des ayants droit, qui siège dans cette salle, a obtenu que l'on auditionne une partie qui n'avait pas été entendue pour des raisons de calendrier. Nous l'avons fait avec intérêt. On ne saurait donc accuser la commission d'avoir bâclé son travail, et c'est pourquoi non seulement je vous invite à voter les conclusions du rapport mais à refuser tout renvoi en commission, si celui-ci vous était demandé.
M. Jacques Boesch (AdG). Je tiens aussi à rappeler qu'à fin janvier 1996 le conseil d'administration des hôpitaux universitaires de Genève, instance habilitée à modifier ce genre de règlement, a adopté les dispositions concernant l'exercice de la pratique privée du corps médical. Le précédent règlement datait d'une vingtaine d'années. Après avoir été ratifié par le Conseil d'Etat, le règlement modifié est maintenant en application.
Je rappelle également que les discussions au sujet du règlement ont commencé, au sein du conseil d'administration, au cours du premier semestre 1995.
La loi, qui sera votée ce soir, sans doute à une large majorité, ne fait que préciser un règlement incontestable. Après négociations et concertations, il a été approuvé à la grande majorité d'une instance légitime, où sont représentés tous les partis et milieux concernés.
Nous pourrions en rester là si ce projet de loi ne soulevait trois problématiques intéressantes qui nous obligent à revenir sur des aspects non traités par M. Lescaze :
Première problématique : quitte à «mettre les pieds dans le plat» hospitalier, je dis qu'il ne faut pas se faire d'illusions sur l'origine et la virulence des opposants à ces dispositions. Elles relèvent d'une vieille bataille au sein des EPM, d'une lutte épique et symbolique de pouvoir au sein des HUG entre les instances politiques, administratives et médicales. La contestation d'aujourd'hui vise, de fait, la légitimité du conseil d'administration des HUG. Elle tend à préserver l'autonomie des «pontes médicaux» qui prend la forme d'un harcèlement réglementaire. Il est vrai que la rémunération est un sujet sensible. Cela se voit avec la révision de la loi sur l'université, pour ce qui est des gains accessoires du corps professoral, et explique l'incroyable difficulté de trouver des solutions équitables.
Première question à se poser : ceux qui sont appelés les «mandarins» sont-ils au-dessus des lois et règlements, hors institutions, pour qu'ils réclament des traitements de faveur, des dérogations, bref une rémunération relevant d'une deuxième vitesse ?
Deuxième question à se poser : pourquoi cette tolérance de pratique privée, si profitable tant à ceux qui l'exercent qu'à l'institution elle-même, ne serait-elle pas élargie à l'ensemble du personnel ? Dans le cas particulier, il s'agit d'une pratique dérogatoire à l'obligation de consacrer tout son temps à sa fonction.
Le prélèvement sur les honoraires peut être diversement motivé et correspondre à plusieurs conceptions. J'avoue que le débat a été rapidement mené. Il relève de la participation du personnel à l'activité de l'établissement. Dès maintenant, nous sommes prêts à entamer ce débat sur des bases plus ouvertes.
Deuxième problématique : comment établir, avec objectivité, ce qu'est une rémunération équitable ? Cette notion d'équité devrait tenir compte des autres rémunérations au sein des HUG, de la pratique privée en ville et des pratiques dans les autres établissements. Or - nous l'avons vu en commission - toutes ces comparaisons contredisent cette impression de spoliation des intérêts des requérants contre ce règlement, notamment par des mises en relation.
Le constat que l'on peut faire est que la rémunération des praticiens en cause est insolemment élevée. Il est inutile de revenir sur les chiffres. Il suffit de savoir qu'un médecin gagne entre 119 000 et 165 000 F, à quoi s'ajoutent des indemnités compensatoires de 30 000 à 80 000 F, des charges d'enseignement qui peuvent s'élever à 64 000 F, cela hors de l'ambulatoire qui peut ascender à plus de dix millions à répartir entre une centaine de personnes, ce qui fait une centaine de milliers de francs pour chacune d'elle.
Un article intéressant, dans la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui, expose les cinq mesures concrètes proposées cette semaine à Berne, lors de la tenue des Etats généraux sur la santé pour juguler les coûts. Un articule, intitulé «Limitation du revenu des médecins», nous apprend que mon homologue député, le tessinois Franco Cavalli, par ailleurs candidat à la présidence du parti socialiste suisse, a volontairement limité son revenu à 200 000 F par an, alors qu'il pourrait gagner deux fois plus. De son côté, le praticien vaudois Yves Guisan estime justifié de fixer le coût des actes médicaux en fonction d'un revenu de référence des médecins qui pourrait atteindre 200 000 F, ce qui représente de quoi vivre confortablement tout en valorisant les compétences exigées du spécialiste. Voilà ce que pensent les représentants de la médecine privée.
Troisième problématique : les praticiens publics, dont nous réglementons ici la pratique privée, jouent, dans cette affaire, du prestige lié à leur fonction. Pour obtenir des avantages pécuniaires, ils n'hésitent pas à faire vibrer quelques cordes sensibles. Certes, ils peuvent se le permettre, parce qu'ils traitent, dans l'urgence, des personnes atteintes dans leur corps, dans leur santé, un domaine particulièrement délicat, vulnérable, qui peut toucher tout un chacun dans ce qu'il a de plus impressionnable. Parce que leur position leur assure une certaine audience, parce qu'ils ont des relais jusque dans ce parlement, ils peuvent faire prévaloir leur point de vue. Il ne s'agit pas de nier les multiples responsabilités de ces praticiens, la lourdeur de leur mission, la qualité de leurs services, leur disponibilité, mais avec la distance qui est la nôtre, par souci d'équité de traitement, nous ne pouvons vous inviter à couvrir et à permettre tous les excès rémunérateurs.
Par conséquent, pas de rémunération à deux vitesses ! Nous devons faire appliquer ce règlement avant que le dégoût nous prenne face à de telles disparités.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Aujourd'hui, on parle volontiers de «new management» pour donner une autonomie à des secteurs déterminés, pour responsabiliser les acteurs économiques du haut en bas de l'échelle hiérarchique. Dès lors, pourquoi les députés doivent-ils s'immiscer dans un débat qui devrait se limiter aux personnes concernées, à la direction et au Conseil d'Etat ?
Je comprends l'agacement des médecins qui doivent se justifier devant les députés et faire face aux attaques parfois perfides des médias.
Sommes-nous capables de maîtriser totalement ce dossier ? J'en doute un peu.
Néanmoins, je me tourne vers les médecins auditionnés. Comment pouvez-vous affirmer qu'économiser l,7 million est une goutte d'eau comparé aux 600 millions dépensés par l'hôpital et que des économies bien plus importantes pourraient être faites dans le fonctionnement de l'hôpital ? Ici, vous avancez un chiffre de 100 millions. Ces assertions ne sont pas acceptables et démontrent votre éloignement de la population.
Le malaise ressenti à propos du coût de la santé n'est pas factice. Subir, année après année, les augmentations des assurances-maladie de 15, 20, voire 30%, alors que les salaires stagnent ou diminuent, est extrêmement mal perçu par la population.
Ne pourriez-vous pas, vous les médecins, participer à cet effort commun ?
Quant au fonctionnement de l'hôpital, Messieurs les patrons de service, n'êtes-vous pas responsables, au premier chef, des économies potentielles ? Vous pratiquez des actes médicaux, vous enseignez, mais vous administrez aussi. Vous jouissez d'une complète autonomie. Pourquoi n'introduisez-vous pas la rationalisation que vous préconisez par ailleurs ?
En tant que députés, nous sommes confrontés à ce mastodonte qu'est l'hôpital. Nous sommes fiers de son efficacité et de son renom, mais nous nous sentons impuissants face à sa voracité des biens publics.
Nous attendons de votre part un engagement pour diminuer les frais de fonctionnement. Dans ce but, il est utile que nous vous donnions un signe du malaise ressenti par l'ensemble de nos concitoyens. Ce signe n'est pas punitif, mais prospectif.
Il vaut mieux, aujourd'hui, prendre un virage en douceur que se trouver face à une rupture demain.
C'est pourquoi je voterai le projet de loi tel qu'il est présenté.
Mme Barbara Polla (L). Notre excellent député et distingué rapporteur, M. Bernard Lescaze, nous a dit ne pas envisager le renvoi de ce projet de loi en commission. S'il nous recommande de le suivre, c'est parce qu'il sait parfaitement que c'est cette option que je défendrai dans un premier temps.
M. Lescaze a dit que certains arguaient d'un problème de relève, mais c'est loin d'être le seul problème qui se pose à la relève ! En effet, ce n'est pas parce que la relève à l'hôpital et à la faculté de médecine pose plusieurs problèmes qu'il faut lui donner le coup de grâce définitif en adoptant ce projet de loi.
Nous ne défendons pas ici un groupe professionnel ou une fonction spécifique. Nous défendons l'excellence de notre médecine, son avenir, sa relève. Ainsi défendons-nous, à court, moyen et long terme, les soins donnés à nos patients. Nous défendons la formation, donc l'avenir. Nous défendons les interactions entre le public et le privé et non leur mise dos à dos. Nous défendons des interactions futures harmonieuses entre Genève et Lausanne ainsi qu'une collaboration efficace, satisfaisante pour tous, entre le secteur public, le politique et les représentants d'une activité essentielle à notre cité, d'une activité de pointe, et qui doit le rester.
Dans son rapport et son discours, M. Lescaze a présenté certains chiffres comparatifs qui tendent à mettre dos à dos public et privé. Par rapport à la formation médicale, public et privé ne s'opposent pas : ils travaillent «main dans la main». Peut-être vous étonnez-vous de voir les libéraux prendre la parole pour défendre les fonctionnaires ? Sachez pourtant que nos propositions sont dénuées de corporatisme et de contradictions, parce que, en ce qui concerne la formation et la relève, le privé et le public sont intimement liés.
Pour se former en médecine, notamment en chirurgie, il faut des patients. Que ces derniers soient privés ou non, cela ne change rien. On ne peut pas former des médecins et des chirurgiens compétents si le recrutement des patients est insuffisant. D'ailleurs, les patients privés, qui bénéficient peut-être de soins particuliers en termes «hôteliers», si je puis dire, le rendent bien, car loin de distraire l'attention des médecins de leur tâche, ils servent plus à la formation que les autres. En effet, quand c'est le chef de service qui opère et qui soigne, le jeune médecin assistant en formation en retire un maximum.
Alain Junod écrivait récemment, je cite : «Un lit est universitaire dans la mesure où les patients qui l'occupent permettent à l'étudiant d'apprendre et au professeur d'enseigner.» Dans ce sens, les lits ne seront plus universitaires si nous décourageons les professeurs d'enseigner et les futurs professeurs d'apprendre, ou que nous les poussions à le faire dans un contexte qui, pour efficace, dynamique et respectable qu'il soit, n'est cependant pas universitaire.
En nous battant ici pour la qualité de notre hôpital, son excellence, son ouverture au monde, son avenir, sa relève, nous nous battons finalement pour la médecine privée. Et nous revoilà, nous libéraux, tant sont évidentes, comme je l'ai dit, les interactions entre l'hôpital, formateur par excellence, et la médecine privée exercée par nos médecins formés dans cet hôpital.
Si la formation à l'hôpital ne pouvait plus être poursuivie, à cause des problèmes de relève évoqués par M. Lescaze, dans les meilleures conditions, où et comment se formeront nos médecins privés, dont 90%, actuellement, le sont dans notre hôpital ?
Je reviendrai plus tard sur la relève, mais j'espère avoir posé ce problème : que deviendra notre hôpital si nous «punissons» nos médecins ? Je place le terme en guillemets, terme déjà évoqué par M. Genecand et d'autres.
Je souhaite insister sur l'accueil réservé aux ayants droit dans le cadre de cette affaire. Nous avons été très sensibles aux sentiments exprimés et réitérés à maintes reprises par les ayants droit, professeurs ou non, qui ressentent ce projet de loi comme une punition à leur égard : absence d'explications, absence de concertation, attitude punitive, décision abrupte... Même M. Lescaze dit comprendre leur amertume ! Voilà qui ne peut que profondément démotiver nos médecins !
Alors qu'il suffit à d'autres groupes de la fonction publique de manifester leur mécontentement pour être largement entendus, voire écoutés, il n'est pas juste de faire ici une différence à l'égard des médecins hospitaliers.
Aujourd'hui, il est malheureusement vrai, et certaines interventions l'ont démontré, que ces médecins, plutôt que d'être appréciés pour leur disponibilité, sont fondamentalement critiqués. Ils sont devenus «ceux qui veulent gagner de l'argent aux dépens des malades»...
Mesdames et Messieurs les députés, nous tous qui tenons, ici, à la qualité des soins, à l'excellence de notre hôpital, ne donnons pas un signe négatif aux médecins ! Au contraire, donnons-leur un signe de reconnaissance de leur engagement, un signe qui permette d'assurer la relève et non de la décourager !
Je puis vous assurer que si un tel signe n'est pas donné, il est probable que les médecins et surtout les chirurgiens concernés opéreront de plus en plus à l'extérieur de l'hôpital. Nous n'encourrons alors pas un seul risque, mais six :
1. le désinvestissement de la carrière hospitalo-universitaire par les meilleurs;
2. de ce fait, la perte d'une source extrêmement importante de patients pour notre hôpital;
3. une diminution rédhibitoire de la qualité de l'enseignement à la relève;
4. une perte d'argent potentiellement très importante pour l'hôpital - est-ce vraiment cela que nous voulons ?
5. un isolement de l'hôpital public, alors que le dynamisme des institutions est indissociable de leurs interactions avec le monde non institutionnel;
6. la mise en place définitive - dont beaucoup ne veulent pas - d'une médecine clairement différenciée en fonction des moyens des patients. Les patients aisés se feront opérer dans le privé, les autres iront à l'hôpital où les meilleurs n'exerceront plus, ou dans le cadre d'horaires tellement diminués que leur disponibilité ne pourra pas répondre à la demande. En effet, que représentent quarante-cinq heures par rapport à l'investissement actuel ?
Pour tous ces motifs et en l'absence d'une raison quelconque de pénaliser les médecins hospitaliers dont le travail, à ma connaissance, n'a soulevé aucune critique récente ni créé aucune insatisfaction - M. Boesch a dit lui-même ne pas remettre en cause la qualité du travail - nous vous demandons de renvoyer cet objet en commission. Nous vous le demandons, parce que nous sommes certains qu'une solution réfléchie et satisfaisante pour tous peut être trouvée en concertation avec les ayants droit.
Le problème de Genève/Vaud fournit une autre raison de renvoyer cet objet en commission. M. Lescaze nous a assurés d'une parfaite adéquation de la situation des médecins genevois à celle des médecins du canton de Vaud. Alors que l'on préconise le rapprochement des deux institutions médicales - parce qu'outre les raisons économiques l'évidence s'impose à tous, médecins et politiques, que l'excellence de notre médecine ne peut être maintenue que si le bassin potentiel des patients augmente - est-il logique, au moment où nous conduisons cette action très importante, de prendre des mesures qui vont diminuer sensiblement le nombre des patients de notre hôpital ? L'évolution des rapports Vaud/Genève a déjà illustré que seules les mesures auxquelles adhèrent les intéressés, parce qu'ayant participé à leur mise en place, sont efficaces. Je ne préjuge pas ici de la meilleure des solutions pour Vaud/Genève; je ne préjuge pas des rémunérations qui seront harmonisées, mais si on nous assure qu'elles le seront incessamment dans le cadre du concordat, pourquoi voter en vitesse un projet de loi juste avant ?
Cette question doit être examinée en commission; elle ne peut pas être détaillée en plénière, à moins d'y consacrer plusieurs séances. C'est une raison de plus de renvoyer ce projet en commission. Une autre raison, que vous connaissez bien, est que nous attendons tous un rapport du Tribunal fédéral.
D'ores et déjà, je vous remercie de vouloir bien renvoyer ce projet en commission. Cette invite ne met nullement en cause l'excellent travail de notre rapporteur.
M. René Longet (S). Le groupe socialiste ne minimise nullement l'engagement, la compétence et les responsabilités des médecins hospitaliers. Mais il s'agit de placer ce débat dans son contexte.
L'hôpital est un service public. Ses agents lui doivent tout leur temps. Le maintien de la pratique privée est un héritage du temps où les médecins de ville venaient occuper des postes à l'hôpital pour soigner des malades.
Aujourd'hui, la situation est totalement différente, et nous pouvons, au contraire, nous interroger sur la justification de cette pratique en tant que telle. Ce n'est pas l'objet de ce projet de loi, nous n'interviendrons donc pas sur ce problème aujourd'hui, mais nous le garderons à l'esprit.
Pour tenir compte des coûts d'infrastructure, modestement estimés à 30%, un pourcentage équivalent est prélevé sur le revenu de l'activité annexe. D'ailleurs, ce problème d'activité se pose pour l'ensemble de l'université, et M. Boesch a eu raison de le rappeler.
Nous sommes saisis d'un projet de loi qui tend à donner une base légale à un prélèvement supplémentaire en vue de la constitution d'un fonds. Sur la base des chiffres cités dans le rapport, ce fonds permettra à des services de disposer d'un peu moins de 2 millions. Si les ayants droit se plaignent de ce qui leur arrive, les services, eux, connaissent des situations infiniment plus lourdes directement liées aux conditions de travail, au personnel de l'hôpital et surtout à la qualité des soins et de l'accueil aux patients.
Ces 2 millions pourraient servir à compenser ces manques et à régler quelque peu ces problèmes qui mériteraient, comme M. Genecand l'a dit, une réflexion plus approfondie de notre part.
Sur les cent six titulaires faisant l'objet de notre discussion, quatre-vingt-trois signalent un gain supplémentaire - j'insiste sur le mot «supplémentaire» - de 0 à 100 000 F, prélèvement de 30% déjà déduit. Le gain supplémentaire réel est donc de 30% plus élevé.
Le projet de loi propose un prélèvement supplémentaire de 10%. C'est une toute petite contribution. Il restera 90 000 F à celui qui touche un revenu supplémentaire de 100 000 F. Treize praticiens touchent entre 100 000 et 200 000 F de gains supplémentaires. Le prélèvement étant de 20%, il restera 160 000 F à celui qui gagne 200 000 F en plus. Dix praticiens dépassent le million et il est normal qu'une progression en usage dans la fiscalité leur soit appliquée.
Nous discutons ici de revenus annexes et nullement de revenus de base. Pour être bien clair, il s'agit d'un revenu qui s'ajoute à ce que la collectivité attribue, par le biais de l'Etat de Genève, aux tâches d'enseignement et aux tâches hospitalières qui fournissent, comme vous le savez, deux revenus.
En fait, nous parlons d'un troisième revenu ! Si j'examine la globalité de certaines situations et que je relève sur un tableau 408 616 F pour un premier, 281 667 F pour un deuxième, 363 000 F pour un troisième, 1 200 000 F pour un quatrième, 570 000 F pour un cinquième, etc., je trouve cela fort intéressant ! Je vous rappelle qu'il s'agit de la totalité des revenus.
Dans ces conditions, le projet de la commission administrative, repris par le Conseil d'Etat, n'est nullement exagéré. Au contraire, il est pondéré, peut-être trop... je laisse la question ouverte.
Quand nous pensons à ce qui se passe à l'extérieur, quand nous pensons aux patients et au personnel de l'hôpital, quand nous voyons à quelles difficultés sont confrontées de larges couches de notre population, je dis à Mme Polla que beaucoup seraient heureux de recevoir la «punition» qu'elle dénonce et surtout d'en subir les conséquences !
Madame Polla, vous parlez de démotivation. Ne nous faites pas croire, Madame, que la profession médicale est à ce point attachée au gain. Je ne pense pas que la démotivation, dans la profession, soit liée au troisième revenu !
A juste titre, la comparaison a été faite avec les médecins de ville. Aussi voudrais-je reprendre la déclaration du secrétaire de l'Association des médecins, M. Jean-Marc Guinchard, qui n'est certainement pas affilié au parti socialiste, je cite : «Il n'est pas si facile de s'installer aujourd'hui et le salaire moyen du médecin de ville n'est pas si faramineux. Certains revenus de l'hôpital sont exagérés. Quels que soient les talents, on ne peut admettre de telles différences en faveur de professeurs qui bénéficient de toute une infrastructure publique.» Cette déclaration a paru dans la «Tribune de Genève» du 15 janvier dernier.
Nous attendons de celles et ceux qui font vocation de servir autrui, qui font profession de restaurer la santé, qu'ils fassent preuve de leur sens des responsabilités également en matière financière.
La rémunération que leur octroie la collectivité nous paraît équitable, admissible et correcte. Dès lors, se plaindre de la décision prise par le Conseil d'Etat et la commission administrative nous semble déroger au sens des responsabilités. Aussi demandons-nous aux personnes concernées d'adopter la modération qui sied à leur fonction.
M. Pierre Kunz (R). Si la faculté de médecine de notre université jouit d'une large renommée, c'est surtout grâce à la qualité de son corps professoral. Si l'enseignement prodigué dans cette faculté est unanimement reconnu et loué, c'est essentiellement dû à l'excellence de ce corps professoral. Genève, Madame Polla, en est consciente et lui en sait gré.
Si certains membres de ce corps professoral sont en mesure, à côté de leurs fonctions académiques et hospitalières publiques, de mener une activité médicale privée, parfois extrêmement rémunératrice, c'est, outre leurs capacités, grâce au titre et à l'aura dont ils bénéficient au sein des hôpitaux universitaires de Genève.
Comme c'est le cas maintenant, il est juste que ces professeurs remboursent à l'institution les frais d'utilisation des infrastructures de l'hôpital qu'ils emploient pour leur pratique privée. Il est juste aussi, en ces temps de profonds changements, de remises en question et de restrictions généralisées, qu'ils versent en sus à cette institution une partie des gains qu'ils retirent de leur pratique privée. Enfin, il est juste que ce versement soit progressif au vu de l'importance des gains accessoires et, en quelque sorte, inversement proportionnel au temps effectif consacré à l'institution.
Pour les radicaux, la solution proposée par le conseil administratif de l'hôpital est parfaitement adaptée.
Forts des arguments figurant dans le rapport de la commission, ils vous recommandent donc, à une très large majorité, d'adopter le projet de loi 7461 tel qu'il est ressorti des travaux de cette commission. Ce projet de loi donne la base légale nécessaire à la décision prise - faut-il le rappeler ? - par le conseil administratif de l'hôpital lui-même, décision qui n'est pas inédite, puisqu'elle a été suivie ailleurs en Suisse.
La présidente. Vous êtes-vous prononcé sur le renvoi en commission, Monsieur Kunz ?
M. Pierre Kunz. J'ai dit que nous acceptions le rapport tel qu'il se présentait.
M. Claude Blanc. On se lève pour parler !
M. Pierre Kunz. Excusez-moi, Monsieur Blanc !
La présidente. Vous opposez-vous au renvoi en commission ?
M. Pierre Kunz. Je m'oppose au renvoi en commission.
La présidente. Monsieur Lombard, je vous donne la parole en vous priant de vous déterminer d'abord sur le renvoi en commission.
M. Armand Lombard (L). Je suis contre le renvoi en commission.
Si vous le permettez, Madame la présidente, je ferai quelques remarques comme ont pu le faire mes préopinants.
Je ne reviendrai pas sur le débat touchant directement aux médecins. J'aborderai la question de la gestion publique. Je dis «je», car je ne m'exprime pas au nom de mon groupe, mais en tant que membre de ce groupe.
Au plan de la gestion publique, je discerne cinq points importants du projet de loi qui me paraissent positifs.
1. L'équilibre des finances publiques. Dans la réorganisation prévue par le projet de loi, nous avons un apport de 1,8 million au bénéfice de la gestion publique. C'est un bon point et cela va sans le sens de cet équilibre financier que nous recherchons tous. Il faut éviter des digressions byzantines à propos d'une première proposition permettant de rééquilibrer quelque peu un budget déficitaire, afin qu'elle ne soit pas rejetée pour toutes sortes de raisons.
2. La transparence. Nous la voulons dans les finances publiques, dans la gestion de l'Etat. Ce projet dégage la zone d'ombre qui enveloppait les 20% autorisés par la loi pour le travail des professeurs et du staff de l'hôpital qui, dans certains cas, étaient dépassés, à moins que quelque chose ne m'échappe. En effet, si on gagne un million en travaillant à 20%, cela signifie qu'on en gagne 5 à plein temps, et c'est cher payé pour un fonctionnaire.
3. Je ne vois pas trace d'une double taxation dans le projet qui nous est soumis. En revanche, j'y vois un autofinancement parfaitement libéral, n'en déplaise à mes collègues de gauche, un patron qui gagne beaucoup étant obligé de replacer des fonds dans son entreprise en vue de son développement et de son avenir. C'est ce qui est demandé aux membres de la profession médicale. Ils doivent rétrocéder à leur «entreprise», dont ils administrent les «services», une part de ce qu'ils gagnent.
4. La valeur du service public. Il me semble que nous réévaluons le service public par le biais de ce projet de loi. Ce faisant, nous lui reconnaissons son mérite en rappelant que l'exemple, la qualité, voire l'excellence, ne peuvent être assimilés à un salaire élevé, plus qu'honorable en l'occurrence. Dans le cas particulier de l'hôpital et de l'université, plusieurs atouts constituent l'attrait d'un poste professoral. Il y a d'abord la recherche dont notre pays a tant besoin et pour laquelle l'université a reçu 48 millions du Fonds national en 1996. Cette recherche doit être menée par des professeurs compétents, à l'aide d'un équipement remarquable financé, je le rappelle, par les contribuables. Ensuite viennent, dans l'ordre, le service aux malades, l'enseignement et les 20% dont nous parlons ce soir. L'ensemble me paraît constituer l'attrait et l'intérêt du métier.
5. Le travail précipité, le vote en vitesse. On ne cesse de se plaindre, dans ce parlement, de la lenteur des travaux. Cette fois, dix-huit, vingt-quatre ou trente-six mois n'ont pas été nécessaires pour aboutir. Je m'oppose au renvoi en commission pour éviter de retomber dans cette ornière. Nous ne sommes pas stupides; nous pouvons travailler vite quand nous savons ce que nous voulons. A mon avis, les cinq points que je viens de développer reflètent fidèlement les buts de ce projet.
«Je» soutiens ce projet de loi et m'oppose à son renvoi en commission.
M. Andreas Saurer (Ve). Je remercie Mme Polla de son vibrant hommage à la médecine publique.
Quand vous affirmez, Madame, que le combat est le même dans le secteur privé que dans le secteur public, cela s'adresse aux revenus supérieurs à 150 000 F, si je vous comprends bien. Le naturel revient au galop... Visiblement, nous ne défendons pas les mêmes catégories sociales !
Permettez-moi de revenir sur différents points :
Le niveau des rémunérations. M. Lescaze en a démonté le mécanisme. Comme déjà dit, les médecins cadres de l'hôpital ont trois sources de revenu, le DASS, le DIP et les honoraires privés ou les indemnités spéciales. En tenant compte de ces trois sources de revenu, le revenu moyen d'un responsable d'unité, médecin adjoint modestement rétribué comme certains le prétendent, est de 185 000 F. Un responsable de division, qui est également médecin adjoint, touche 220 000 F; un professeur ordinaire, responsable d'un service, perçoit 310 000 F.
Je vous signale que le revenu minimum des cent six médecins cadres de l'hôpital est de 154 000 F. Je vous signale également que la plus basse des indemnités spéciales, qui s'ajoutent au revenu normal, est d'environ 30 000 F, soit 1 965 F par mois, à savoir la rente individuelle AVS maximale ! Il serait utile de s'en souvenir !
Voici quelques comparaisons : le revenu d'un professeur ordinaire en médecine fondamentale est de 130 000 à 187 000 F. A l'hôpital, le professeur ordinaire touche 310 000 F. Si mes informations sont justes, le salaire d'un conseiller d'Etat, placé en classe 33, est d'environ 215 000 F. (Rires.) Enfin, la majorité des médecins privés gagnent de 150 000 à 250 000 F.
Dès lors, certains arguent des responsabilités des professeurs de l'hôpital, de leur temps de travail. Je suis d'accord, les professeurs travaillent soixante heures, voire plus. Ils ont de grandes responsabilités, je le reconnais, mais ici nous sommes quelques-uns à avoir des responsabilités et à travailler soixante heures par semaine. Le travail politique n'est pas toujours gratifiant, mais nous le faisons. Quoi qu'on pense du Conseil d'Etat, il faut reconnaître qu'il travaille beaucoup, lui aussi... (Applaudissements.) ...du point de vue quantitatif, naturellement ! Pour ce qui en sort, c'est une autre affaire, mais il se donne de la peine !
Je peux encore citer les cadres de l'industrie privée qui travaillent, eux aussi, souvent plus de soixante heures par semaine. En fait, toutes les personnes assumant des responsabilités professionnelles travaillent souvent autant que le corps professoral.
D'où ces questions : trouvez-vous normal qu'un professeur qui fait de la recherche fondamentale gagne en moyenne 150 000 F et un professeur en clinique plus de 300 000 F ? Trouvez-vous normal que des fonctionnaires gagnent 100 000 F de plus par an que les conseillers d'Etat ?
Une voix. Et Martina Hingis, elle gagne combien ?
M. Andreas Saurer. Jusqu'à plus ample information, Martina Hingis n'est pas une employée de l'Etat de Genève ! Je reviens à la pratique privée. Les frais généraux, dans le privé, des médecins généralistes, internes et chirurgiens, sont de 50 à 60%. Seuls les médecins n'ayant pratiquement pas de matériel technique ont des frais généraux de 40%.
Le projet de loi préconise un prélèvement de 40%, prélèvement donc très inférieur aux frais généraux effectifs en ambulatoire privé. Permettez-moi de procéder à des calculs basés sur des situations précises, afin de voir ce qui se passera avec le nouveau règlement.
Je prends le cas d'un professeur ordinaire, chef de service. Son salaire hôpital/DIP est de 260 000 F. Ses notes d'honoraires s'élèvent à 1,35 million; avec les déductions prévues sous l'ancien système, il lui restait 950 000 F de ses honoraires et, avec le nouveau, il lui restera 450 000 F. Ainsi, avec l'ancien système : 1,2 million et avec le nouveau : 465 000 F.
Je prends un autre exemple, volontairement situé au bas de l'échelle. Un revenu hôpital/DIP de 160 000 F et des honoraires de 50 000 F. Sous l'ancien système, ce médecin touchait 195 000 F; sous le nouveau, il aura 190 000 F.
Le projet, reconnaissons-le, propose un «mécanisme» extrêmement doux, je dirais même scandaleusement doux, en regard des frais généraux en médecine ambulatoire nettement supérieurs à la rétrocession des cadres médicaux de l'hôpital.
Je terminerai par la question de savoir jusqu'à quel point la pratique privée est compatible avec le rôle d'un chef de service. Je vous ai cité l'exemple d'un chef de service qui avait envoyé des notes d'honoraires pour plus de 1,3 million. Il s'agit d'un chirurgien et l'on peut estimer l'heure de cette spécialité à 1 000 F environ. Il y a des chirurgiens qui gagnent plus, d'autres moins. Je calcule donc que 1,3 million divisé par mille représente mille trois cents heures consacrées à la pratique ambulatoire. Maintenant, je rapporte ces heures aux jours de travail et je trouve six à huit heures de travail quotidien dévolues à la pratique privée.
Pensez-vous que cette façon de faire permet de gérer sérieusement un service ? Pensez-vous qu'elle permet de garantir un enseignement de qualité ? J'en doute. Le cas est extrême, j'en conviens, mais il existe.
Nous sommes tout à fait opposés à un renvoi en commission. Nous vous proposons de voter le projet de loi sans les amendements libéraux.
Mme Micheline Spoerri (L). Je remercie M. Lescaze d'avoir tenté d'élever le débat. Apparemment, il n'a pas été suivi, et c'est regrettable.
J'interviens au nom de tout le groupe libéral. Je ne reviendrai pas sur l'argumentation développée par Mme Barbara Polla sur le fond, argumentation que j'approuve totalement, vous pouvez l'imaginer. Pour ma part, je souhaite appuyer sa demande de renvoi en commission pour les raisons suivantes :
Quoi qu'en disent certains, et notamment M. Armand Lombard...
Une voix. Tu n'auras pas de dessert, Armand !
Mme Micheline Spoerri. ...la commission de l'université a travaillé selon une procédure accélérée. J'en veux pour preuve que trois séances ont été consacrées à l'étude du projet de loi, dont une à l'audition du président du DASS, une à l'audition des représentants des ayants droit et la dernière, en séance extraordinaire, s'est tenue trois jours ouvrables après la précédente. Quelle performance ! Et ce d'autant qu'entre l'avis du département et celui des auditionnés, il n'y avait, et c'est le moins que je puisse dire, aucune unité de pensée, selon les termes du rapport de la commission. On est donc en droit de soutenir que cette discrépance méritait d'être analysée par la commission, notamment avec des demandes d'informations complémentaires que les commissaires auraient été bien inspirés de présenter.
Quoi qu'en ait dit M. le rapporteur, le règlement adopté par le conseil d'administration des HUG en date du 30 janvier 1996 et ratifié par le Conseil d'Etat le 7 février suivant faisait, au moment des travaux de la commission, l'objet d'un recours auprès du Tribunal fédéral pour violation du droit constitutionnel des ayants droit. Aucun commentaire, dans le rapport, ne fait état de ce recours.
Cela nous autorise à supposer qu'il n'a pas été évoqué lors des travaux de commission, mais, pour aller jusqu'au bout de ma pensée, je dirai que le doute subsiste dans mon esprit quand je lis, à la page 3 du rapport de mon très estimé ami, le député Bernard Lescaze : «Le présent projet de loi vise, par précaution juridique, à donner une base légale formelle au nouveau règlement.» Magnifique périphrase ! Elle pourrait signifier que, sachant que le règlement était à l'examen devant la plus haute autorité juridique de notre pays, mieux valait - passez-moi l'expression ! - «assurer le coup» par le biais d'une loi que prendre le risque que le règlement ne soit contesté, pour tout ou partie, par le Tribunal fédéral. Voilà le fond de ma pensée ! Cette interprétation expliquerait tout à fait aisément la procédure parlementaire accélérée qui, effectivement, a été adoptée.
Quoi qu'il en soit, je considère que ce recours devrait être examiné par la commission, même s'il est un peu tard.
Alors même que nous nous acheminons vers un processus de rapprochement entre le canton de Vaud et le canton de Genève en matière hospitalo-universitaire, j'ai été étonnée et inquiète de constater qu'aucune réflexion n'était faite dans le rapport, qu'aucune discussion n'y était relatée, concernant la prospective de ce rapprochement.
Dans l'optique Vaud/Genève, je ne crois pas qu'en adoptant cette procédure nous ayons de véritables chances d'aboutir. Nous risquons surtout d'aboutir à des situations conflictuelles, voire de crise, et je me permets, en toute modestie, de recommander aux commissaires, qui seront chargés des travaux de rapprochement Vaud/Genève, d'y être très attentifs.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer et sachant, par ailleurs, que la décision du Tribunal fédéral pourrait ne pas être inintéressante pour les travaux de notre Grand Conseil et qu'il n'y a, en réalité, aucun caractère d'urgence, permettez-moi d'appuyer la demande de renvoi en commission de l'université, afin que ce parlement travaille au plus près de l'intérêt de ses concitoyens.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Plusieurs d'entre vous l'ont dit, mais je vous le confirme : les professeurs de la faculté de médecine, qui ont la responsabilité d'un service hospitalier, reçoivent de l'Etat une double rémunération.
Un professeur ordinaire, en classe 28, reçoit un traitement hospitalier versé à 100%. Il reçoit ensuite un traitement académique, en classe 30, versé à raison de quatre dixièmes.
Ces traitements sont publics. Ils figurent dans le règlement B 5 7,9. Ils vont de 180 000 F, en début de carrière, à 250 000 F, en fin de carrière. Il peut s'y ajouter des indemnités de 90 000 F au maximum. A cette rémunération publique, qui est une rémunération à 140% en tout cas, s'ajoutent, pour cent six professeurs et médecins, une autorisation d'activité privée au sein des hôpitaux universitaires de Genève et l'autorisation de percevoir des honoraires privés pour cette activité.
En 1996, ces honoraires privés, touchés par cent six professeurs et médecins, se sont élevés à 16 961 632 F. Quatre-vingt-trois personnes avaient une rémunération privée inférieure à 100 000 F, treize avaient une rémunération privée se situant entre 100 000 et 200 000 F et dix en avaient une se situant entre 200 000 et 950 000 F.
En avril 1995, dans l'une de ses premières séances, le nouveau conseil d'administration des hôpitaux universitaires a demandé l'étude d'une nouvelle réglementation des honoraires privés, s'approchant, autant que possible, Madame Spoerri, de la réglementation existant à Lausanne pour les professeurs ayant une activité privée tout en assumant la responsabilité des services du CHUV.
Cette nouvelle réglementation n'a pas été étudiée par un juriste, dans le secret de son cabinet, et sans connaître les mécanismes hospitaliers, comme je l'ai lu et entendu dire. Elle a été étudiée et préparée par les professeurs Fulpius et Suter, doyens de la faculté de médecine, par le professeur Alain Junod, directeur médical de l'ensemble des HUG, et par M. Gobet, le directeur général.
Les principes et les modalités de cette nouvelle réglementation, quoi qu'on en dise aujourd'hui, ont été soumis au collège réunissant les professeurs chefs des services hospitaliers. Ce collège l'a approuvée, au scrutin secret, par une majorité des deux tiers.
Enfin, cette nouvelle réglementation n'a pas été adoptée à la hussarde mais après une longue discussion au sein du conseil d'administration, dans lequel tous les partis politiques siégeant au Grand Conseil sont représentés. Le conseil d'administration a adopté cette nouvelle réglementation, en janvier 1996, par treize oui, un non et une abstention.
Quelle est la différence essentielle entre l'ancienne réglementation et la nouvelle ?
Selon l'ancienne réglementation, étaient prévues une taxe de base de 30%, puis une taxe linéaire de 10% sur le reste des honoraires, quel que soit leur montant. Cette recette était inscrite, sans affectation, aux recettes générales de l'hôpital.
Selon la nouvelle réglementation, le taux de base est maintenu à 30%. Il est prévu qu'il peut être porté à 40% si l'hôpital devait payer, pour les honoraires privés, les cotisations de sécurité sociale - AVS, AI, assurances-chômage et autres.
L'ancienne taxe linéaire de 10% de l'ancienne réglementation est remplacée par une taxe progressive, au fur et à mesure de l'élévation dans l'échelle des revenus. Les recettes découlant de cette nouvelle réglementation ne vont plus aux recettes générales de l'hôpital : elles sont affectées aux départements et aux services dirigés par les professeurs qui reçoivent des honoraires privés.
Cette nouvelle réglementation introduit un système analogue à celui en vigueur au CHUV, à Lausanne. Elle figure en toutes lettres dans l'article 35 du projet de Concordat Vaud/Genève, qui a été adopté mercredi dernier par les deux Conseils d'Etat de Genève et de Vaud. Ce projet vous sera présenté d'ici une dizaine de jours.
De par ses effets, cette nouvelle réglementation permet d'encaisser environ 1,8 million supplémentaire sur les 17 millions d'honoraires privés. Elle a été acceptée par les deux tiers du collège des professeurs, au scrutin secret. Elle l'a été par le conseil d'administration des HUG par treize oui, un non, une abstention. Elle l'a été aussi, personne ne l'a souligné, par la commission de l'université à l'unanimité des membres : si j'ai bien lu, treize membres sur quinze étaient présents.
Trois instances se sont donc prononcées en sa faveur, à l'unanimité ou à des majorités de deux tiers.
Au nom du Conseil d'Etat, je vous demande d'accepter ce projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de la commission de l'université. Au-delà de tous les arguments évoqués dans le débat, cette nouvelle réglementation est à la fois un acte de justice et un acte de solidarité : après avoir demandé aux étudiants d'accepter l'augmentation des taxes universitaires, il est normal et juste de demander aux professeurs d'augmenter un peu leur participation au fonctionnement des hôpitaux. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Mis aux voix, l'article 11 A, note marginale (nouvelle teneur) est adopté.
Art. 11 B (nouveau)
Mme Barbara Polla (L). Le renvoi en commission n'ayant pas été accepté, je vous soumets deux amendements à l'article 11 B qui vous seront distribués immédiatement. Le premier modifie l'alinéa 3, le deuxième est un nouvel alinéa 4. Je vous en donne la lecture :
«3L'affectation d'une partie des recettes de la pratique privée aux activités visées à l'alinéa 2 s'effectue pour chaque période annuelle par un prélèvement sur la part des honoraires encaissés qui dépassent 100 000 F.»
«4Le taux de ce prélèvement supplémentaire est fixé à 10%.»
Je désire développer le premier amendement, qui est de ne pas effectuer de prélèvement supplémentaire sur les premiers 100 000 F d'honoraires d'activité privée.
Pourquoi faisons-nous cette proposition ?
La plupart des ayants droit qui se situent dans cette tranche d'honoraires sont des médecins adjoints. Ils ne sont pas encore professeurs, mais ils pourraient l'être demain. Nous avons un immense besoin de leurs services. Ils font fonctionner l'hôpital, ils assument de très lourdes responsabilités, ils font preuve d'une disponibilité maximale et, tout en enseignant, continuent à se perfectionner.
Ils sacrifient beaucoup de leur temps, de leur vie familiale, pour une profession qu'ils aiment, certes, mais surtout pour l'hôpital.
Encore heureux qu'ils aiment leur profession et qu'ils aient l'ambition de devenir, un jour, des professeurs, car, sans ce moteur, ils ne feraient pas ce qu'ils font !
Si ces jeunes voient non seulement leurs aînés pénalisés dans leur excellence et dans leur engagement, mais qu'ils se trouvent être la cible de prélèvements et de taxations supplémentaires, à un moment de leur carrière où leur âge moyen est de 40 ans et leur investissement familial particulièrement important, je me demande ce qui pourrait les retenir à l'hôpital.
Je reviendrai sur l'interrogation émise tout à l'heure, à savoir si les médecins ne travaillent que par intérêt financier, et tenterai de vous démontrer que leurs raisons sont tout autres.
Une grande menace plane sur la relève, et je regrette infiniment que vous sembliez vouloir l'ignorer. Cette menace existe, et je suis persuadée que certains d'entre vous en sont convaincus.
Si les médecins quittaient l'hôpital, ils pourraient opérer dans de meilleures conditions, en acquittant les taxations minimales pratiquées dans les cliniques actuelles et futures de notre canton. Vous savez que de nouvelles cliniques sont prévues, ce qui n'est probablement pas sans rapport avec ce projet de loi. Ce n'est pas la libérale que je suis qui dira que ce sera moins bien pour eux. En aucun cas ! Mais ce sera moins bien pour nous, nos patients, la qualité des soins à l'hôpital, pour l'université, enfin moins bien pour Genève et son avenir.
J'ai mentionné le grand nombre d'heures de travail d'un médecin adjoint dans le secteur hospitalier. Le salaire est confortable, mais pas excessif. Il peut être comparé à celui d'un enseignant, comme Mme Leuenberger l'a souligné en commission.
Si vous choisissez, avec cette taxation, de pénaliser la relève, la quantité et la qualité du travail fourni, vous vous exposerez à de graves conséquences.
Je ne parle pas d'un bénéfice ou d'une différence de bénéfice pour l'hôpital, mais si les médecins n'y opèrent plus en privé, qui sera le principal perdant ? L'hôpital lui-même !
En revanche, le bénéfice du premier amendement serait énorme pour la relève, car il serait compris de nos futurs professeurs qui doivent décider maintenant de leur investissement dans une carrière hospitalo-universitaire ou dans le privé, comme un signe positif indispensable pour une relève de qualité, surtout s'il est mis en relief par rapport à tous les autres problèmes de cette relève, problèmes auxquels M. Lescaze a fait allusion.
Maintenant, j'insiste sur un point qui n'a jamais été considéré. Pour devenir professeur, ambition légitime de tout médecin adjoint, l'on doit remplir un certain nombre de critères. Or la clientèle privée n'en fait pas partie. Par conséquent, le fait, pour un médecin adjoint, de suivre à l'hôpital une clientèle privée - le praticien jouissant déjà d'une certaine renommée et les patients voulant être traités par lui, en vertu de la liberté de choix du médecin - diminue sa disponibilité pour remplir les critères de la voie professorale. Ce médecin adjoint a donc besoin d'une incitation spécifique pour donner ses propres consultations. Il ne s'agit pas de l'inciter à travailler, puisqu'il éprouve de l'amour et de l'intérêt pour son métier, mais de l'inciter à s'occuper d'une clientèle privée au sein de l'hôpital.
Suivre un patient en privé à l'hôpital, c'est assumer toutes les responsabilités, alors que ces dernières sont habituellement remarquablement partagées. Or la responsabilité nécessite une incitation et les honoraires en sont une. La clientèle privée constitue un des rares moyens, si ce n'est le seul, d'apprentissage de la responsabilité complète envers un patient dans le cadre hospitalier.
Si nous votons cette loi, les médecins adjoints perdront cette incitation. Contrairement à ce que vous croyez, ils préféreront s'occuper de la consultation générale pour laquelle ils sont davantage aidés tout en ayant moins de responsabilités personnelles. Dès lors, nos concitoyens - qui le souhaiteraient, parce qu'ils estiment avoir ce droit pour avoir cotisé durant des années - ne pourraient plus avoir un rapport privé au sein de l'hôpital. Il n'y aurait plus de place pour cet apprentissage essentiel de la prise en charge globale et responsable d'un patient, comme c'est le cas dans le privé.
Ce sont les deux raisons pour lesquelles je vous invite instamment à accepter cet amendement. La première raison porte sur la relève, la deuxième, sur l'apprentissage médical complet.
Je rappelle encore que si les médecins adjoints ne subissent pas de prélèvements supplémentaires sur les premiers 100 000 F, cela ne signifie pas qu'ils ne seront pas taxés. M. le président Segond l'a rappelé tout à l'heure : ils ne seront taxés que de 30, voire de 40% si cela devient nécessaire.
Le deuxième amendement porte aussi sur la nécessité de l'incitation à la relève. Ne disons pas à nos futurs professeurs que plus on est compétent, travailleur, renommé, plus on est taxé ! Cet amendement comporte encore des considérations d'égalité devant l'impôt et d'autres motifs qui vous seront exposés, tout à l'heure, par ma collègue, Mme Micheline Spoerri.
Je demande l'appel nominal pour le premier amendement. (Appuyé.)
Une voix. C'est du chantage !
Mme Barbara Polla. J'interviendrai une troisième fois pour motiver le deuxième amendement, après que le premier aura été voté.
M. Pierre Kunz (R). Disons-le clairement : les radicaux ne sont pas du tout sensibles à l'argumentation de Mme Polla. Ils ne croient pas à la menace qui pèserait sur la relève.
Ils vous invitent tous à refuser ces amendements.
Mme Elisabeth Häusermann (R). Le Conseil d'Etat opte pour une ouverture internationale, intercantonale, régionale, économique de ce canton.
Favoriser et promouvoir des pôles d'excellence comme ceux dans le domaine des télécoms, banques, formation, consultation, c'est ce que j'ai entendu hier en préambule de la présentation de la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat de Genève.
Encourager, promouvoir, favoriser les pôles d'excellence, à l'image de la renommée internationale de notre canton, mille fois d'accord !
Or le projet de loi qu'on est en train de discuter maintenant opte exactement pour le contraire.
L'hôpital cantonal universitaire de Genève est un pôle d'excellence, faut-il le rappeler ?
Faut-il rappeler qu'après les premiers aux Etats-Unis, pour l'Europe c'est à Genève, dans notre hôpital, que les premiers pontages coronariens ont été faits, en 1968 déjà ?
Ce projet de loi est un exercice punitif, malgré le fait que certains ne seront pas d'accord. Découragement, perte de motivation pour tous ceux qui, par leur don, leur intelligence et leurs compétences, leur disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures, participent fortement à la renommée de cet hôpital.
Faut-il vraiment punir les gens qui ont des compétences et qui savent les utiliser ?
Ce pôle du savoir qui se perdra si les professeurs concernés trouvent des places ailleurs dans le canton, dans la région toute proche ou dans d'autres pays, est-ce que c'est ça que vous voulez ?
J'ai peur de l'exode des «mandarins» comme vous les nommez, de la perte de qualité et des actes médicaux, et de la formation des successeurs ! Je crains que ce pôle d'excellence qu'est notre hôpital cantonal aille se muer en un hôpital régional de deuxième classe. Les effets vont se faire sentir par toute la population. Est-ce que nous défendrons ainsi le droit de notre population à la qualité qui est celle encore aujourd'hui de l'hôpital cantonal ?
Pour ma part, pour au moins atténuer l'effet «Picsou» du canton, je voterai les amendements du parti libéral !
La présidente. Nous passons au vote de l'amendement de Mme Barbara Polla, portant sur l'alinéa 3 de l'article 11 B (nouveau), dont la teneur est la suivante :
«3L'affectation d'une partie des recettes de la pratique privée aux activités visées à l'alinéa 2 s'effectue pour chaque période annuelle par un prélèvement sur la part des honoraires encaissés qui dépassent 100 000 F.»
La présidente. L'appel nominal est-il appuyé ? Oui ! Par conséquent, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 30 oui et 5 abstentions.
Ont voté non (51) :
Roger Beer (R)
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Thomas Büchi (R)
Fabienne Bugnon (Ve)
Matthias Butikofer (AG)
Micheline Calmy-Rey (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Claire Chalut (AG)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Marlène Dupraz (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Claude Genecand (DC)
Luc Gilly (AG)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Nelly Guichard (DC)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Liliane Johner (AG)
Pierre Kunz (R)
Gérard Laederach (R)
Bernard Lescaze (R)
René Longet (S)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Chaïm Nissim (Ve)
Vesca Olsommer (Ve)
Danielle Oppliger (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
David Revaclier (R)
Andreas Saurer (Ve)
Philippe Schaller (DC)
Max Schneider (Ve)
Jean Spielmann (AG)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre Vanek (AG)
Michèle Wavre (R)
Yves Zehfus (AG)
Ont voté oui (30) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Claude Basset (L)
Janine Berberat (L)
Nicolas Brunschwig (L)
Hervé Burdet (L)
Anne Chevalley (L)
Jean-Claude Dessuet (L)
Jean-Luc Ducret (DC)
Catherine Fatio (L)
Bénédict Fontanet (DC)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Janine Hagmann (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Claude Lacour (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
Micheline Spoerri (L)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Se sont abstenus (5) :
Claude Blanc (DC)
Henri Duvillard (DC)
Henri Gougler (L)
Armand Lombard (L)
Pierre-François Unger (DC)
Etaient excusés à la séance (5) :
Anita Cuénod (AG)
Laurette Dupuis (AG)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Martine Roset (DC)
Evelyne Strubin (AG)
Etaient absents au moment du vote (8) :
Luc Barthassat (DC)
Hervé Dessimoz (R)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
René Ecuyer (AG)
Michel Halpérin (L)
Sylvia Leuenberger (Ve)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Présidence :
Mme Christine Sayegh, présidente.
Mme Micheline Spoerri (L). L'introduction du prélèvement progressif, en plus du taux de base, ressemble, à s'y tromper, à un impôt déguisé qui ne se fonde sur aucune base légale formelle. De plus, comme l'a dit Mme Polla, il est totalement dissuasif pour les ayants droit.
Imaginez quelle serait votre réaction si l'on vous confisquait, en plus de vos impôts habituels, une somme d'autant plus importante que vous travailleriez plus, à un degré supérieur de compétence !
Le taux progressif proposé dans le projet de loi est tout simplement inadmissible. Il est contesté dans le recours déposé au Tribunal fédéral, et je crois savoir que des tentatives menées dans ce sens, dans le canton de Zurich, ont été déclarées irrecevables par le Tribunal fédéral.
Par conséquent, je vous propose d'adopter l'amendement de Mme Polla.
Mme Barbara Polla (L). Je présume que mon groupe et moi-même perdrons la bataille en ce qui concerne ce deuxième amendement.
En revanche, j'ai gagné une bataille extraordinaire, car je n'avais jamais imaginé pouvoir faire peur à M. Blanc !
Cela dit, je retiens de la bataille que nous sommes en train de perdre que des parlementaires refusent l'excellence avec tout ce qu'elle signifie d'exceptionnel.
Notre deuxième amendement, qui introduit un prélèvement supplémentaire au taux fixe de 10%, reste notre dernière occasion de ne pas détruire l'excellence, à défaut de la reconnaître.
Monsieur Saurer, ce projet de loi n'est pas scandaleusement doux. Il est par contre scandaleux pour ceux qu'il vise.
Nul d'entre vous n'ignore que le PL 7461 a été conçu pour quelques personnes, notamment un chirurgien. Comme M. Saurer a détaillé ses revenus, je me permettrai de le nommer. Nous savons tous qu'il s'agit du professeur Faidutti.
On ne fait pas des projets de lois pour un seul individu. Si on estime qu'une personne ne se comporte pas comme il faut, on le fait savoir et on en tire les conséquences, sans passer par l'intermédiaire d'une loi.
Je ne suis pas là pour faire son apologie, mais je vous signale tout de même que ce chirurgien visite lui-même quotidiennement tous les patients de son service. Je vous pose la question : si vous-même ou l'un de vos proches devait se faire opérer du coeur, qui choisiriez-vous si ce n'est ce professeur ou quelqu'un formé par ses soins ?
Je souligne aussi que les 30% que rétrocède actuellement ce chirurgien à l'hôpital dépassent la totalité de son salaire. Cela signifie-t-il qu'il gagne trop et de façon illégale ? Absolument pas ! Il bénéficie d'un horaire légalement exceptionnel, parce qu'il fournit un travail exceptionnel. Cela ne l'a jamais empêché, parce qu'animé par la passion de son travail, d'opérer dans le cadre de ses fonctions publiques, notamment d'opérer des centaines d'enfants de Terre des Hommes. Cela ne l'a pas empêché de former les jeunes médecins. A la dure, certes. Mais, surtout, à l'excellence.
Je vous invite à reconsidérer votre point de vue et à adopter cet amendement. Je vous remercie de votre patience.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Je rappelle que ce prélèvement progressif, qui concerne quatre-vingt-trois personnes sur cent six, est finalement modeste. Il a pour objectif de créer des fonds - ils existent déjà en partie - qui permettront de soutenir la pratique d'activités liées au développement des services, de contribuer à la rétribution d'activités cliniques particulières, à raison des 40%, au maximum, du montant du fonds de service.
En aucun cas, on ne peut dire qu'il s'agit d'une fiscalité ou d'une mesure parafiscale, puisque ce prélèvement revient aux services qui ont permis d'obtenir la totalité du montant.
Par ailleurs, j'affirme clairement et nettement qu'en aucune manière ce projet de loi n'est dirigé contre quiconque. Personne n'a jamais imaginé l'établissement d'un projet de loi pour une personne en particulier ! Moi-même, en tant que rapporteur, je n'ai appris qu'en cours de débat, à la commission, le nom du professeur qui percevait les gains privés les plus élevés.
Je l'affirme très clairement, parce que les insinuations de Mme la députée Polla ne sont pas acceptables. Je l'invite fermement à se rappeler les propos de son collègue, M. Armand Lombard, qui a souligné, fort justement, que l'excellence et la qualité - que personne ne conteste à la plupart des professeurs de médecine, notamment au professeur cité par Mme Polla - ne se mesurent pas au revenu salarial.
M. Michel Balestra (L). Cyrano de Bergerac disait «C'est tellement plus beau quand c'est inutile !». Mon intervention a donc pour but de vous prouver que si nous tombions dans l'opposition, lors de la prochaine législature, les débats parlementaires ne se dérouleraient pas forcément plus vite. (Rires.)
Le débat de ce soir n'est pas facile, car nous parlons essentiellement d'argent, alors que nous devons préserver les conditions-cadres nécessaires à des soins de grande qualité pour tous les Genevois.
Quelles sont les conditions pouvant garantir des soins de grande qualité pour l'ensemble de la population, sans distinction de classes et de revenus ? En premier lieu, une infrastructure hospitalière moderne. Nous en avons une à Genève, et avons la chance d'avoir des hôpitaux de qualité et un personnel motivé.
La qualité des soins pour tous, dans un hôpital universitaire, dépend avant tout de femmes et d'hommes, leaders reconnus dans leur spécialité, capables de transmettre aux nouvelles générations la somme des expériences acquises, au cours d'une vie de travail, de congrès, d'études et de publications. Elle découle également de la possibilité de soigner toutes les pathologies, en accueillant des patients en nombre suffisant pour que les futurs médecins puissent se former correctement. Voilà l'objectif que nous devrions tous partager.
Les corollaires de la qualité des soins dispensés par des professeurs chargés de transmettre leur savoir sont une clientèle privée et des honoraires fixés par les assurances et non facturés par les praticiens eux-mêmes...
M. John Dupraz. C'est peut-être pour ça qu'on paie si cher !
M. Michel Balestra. Vous, qui êtes conseiller national, changez ce qui est acceptable et accepté au niveau fédéral, mais ne changez pas la loi au niveau cantonal dans le cas particulier !
Dans sa grande sagesse, le législateur a estimé que les frais engendrés par ces patients devaient être compensés par un prélèvement de 30% sur les honoraires facturés. C'est normal.
Aujourd'hui, la commission nous propose de faire passer ce prélèvement de base à 40%, ce qui reste acceptable, sous les réserves d'usage émises dans le rapport, notamment relatives à l'AVS. En tant que législateur, j'accepte un prélèvement de base allant jusqu'à 40%.
En revanche, Monsieur le rapporteur, je m'insurge contre un impôt confiscatoire pouvant atteindre 80% du solde pour alimenter les caisses internes des services.
Ce projet est exagéré. Il est de nature à démotiver les meilleurs qui enseignent et forment les générations montantes.
Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, l'argent n'est pas la première motivation des médecins et des professeurs ! L'argent n'a rien à voir avec leur excellence ! Mais si vous les prenez pour des «gogos», ils risquent de se fâcher !
Pour un gain à court terme, vous exposez notre système universitaire à la perte d'un capital irremplaçable d'intelligence, d'expérience et de savoir-faire. Cela ne serait pas bien grave si tous les citoyens pouvaient se faire soigner dans le privé, mais ce n'est pas le cas, et vous le savez bien !
En acceptant notre amendement, qui prévoit une taxe de base de 40%, n'en déplaise au rapporteur, plus 10% sur le solde, vous concrétiserez la philosophie de ce projet de loi non dépourvu d'intérêt, comme l'a rappelé Armand Lombard. Ce faisant, vous ne défendrez pas les intérêts financiers et particuliers de femmes et d'hommes exceptionnels qui sont assez grands pour les défendre tout seuls, mais garantirez l'avenir de notre hôpital universitaire de par la qualité des soins dispensés et le nombre des malades les souhaitant. Je vous remercie d'accepter notre amendement.
Mme Elisabeth Häusermann (R). Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez fortement insisté sur le vote qui a été fait par le collège des chefs de service. Vous avez dit que ce vote a été positif pour le projet.
J'aimerais vous demander si vous pouvez nous donner le texte de ce projet sur lequel les professeurs ont pu s'exprimer.
La présidente. Vous prononcez-vous sur l'amendement ?
Mme Elisabeth Häusermann. Ce qui a été voté est déjà l'échelle de rétrocession. C'est à partir de 100 000 F et cela ne commence pas de 0 à 100 000 F. C'est sur cela que les professeurs ont voté, et l'échelle progressive a un plafond plus bas que 80%.
M. Andreas Saurer (Ve). Je suis surpris de l'argumentation de M. Balestra et de Mme Polla.
Vous dites, tous les deux, que le problème n'est pas financier, alors que toute votre argumentation est exclusivement financière !
Vous dites aussi, Madame Polla, que ce projet de loi s'applique, finalement, à une seule personne. Non, Madame ! Une quinzaine, voire plus, de médecins cadres touchent des honoraires privés dépassant 100 000 F. Nous ne disons donc pas de contrevérités. D'autres que le professeur que vous avez nommé perçoivent des honoraires privés plus qu'honorables.
D'autre part, j'attire votre attention sur le fait que l'écrasante majorité des médecins cadres rétrocèdent des ristournes nettement inférieures aux frais généraux assumés par les médecins du privé, qui s'élèvent, pour les spécialistes, à 55% au moins.
Dernière remarque : j'estime que vous faites injure aux médecins hospitaliers en réduisant leurs qualités à une histoire d'argent. Je trouve cela parfaitement scandaleux ! Excepté certains, ces médecins, y compris les chirurgiens, ne travaillent pas pour gagner davantage. Leur motivation essentielle est le travail bien fait. J'estime donc que vous faites injure à la profession médicale hospitalière en la réduisant à une histoire de «pognon» !
M. Dominique Hausser (S). «C'est tellement plus beau quand c'est inutile !» a dit M. Balestra.
Par conséquent, Madame la présidente, je vous demande, en vertu de l'article 79 de votre règlement, d'interrompre immédiatement le débat. En effet, l'amendement proposé par les libéraux qui consiste à ajouter un alinéa 4 à l'article 11 B (nouveau) est incompatible avec l'alinéa 3 que nous avons accepté, tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.
On ne peut pas, en effet, proposer un taux fixe dans un alinéa 4 que l'alinéa 3 stipule déjà.
La présidente. C'est précisément pourquoi je demandais si l'on se prononçait sur cet alinéa.
M. Michel Balestra (L). Je rappelle qu'un projet de loi est voté en trois débats. Dès lors, nous pouvons revenir sur l'alinéa 3 dont il suffit de supprimer la dernière partie pour que notre alinéa 4 entre en force, afin de concrétiser la philosophie du projet dans l'intérêt général en n'introduisant pas un impôt confiscatoire !
La présidente. Monsieur le député, je vous propose de renoncer à ce nouvel alinéa 4, qui contredit l'alinéa 3, et d'intervenir en troisième débat. C'est ce que j'ai tenté de suggérer jusqu'à maintenant, mais je n'ai pas eu d'écho.
M. Michel Balestra. Je reviendrai en troisième débat.
La présidente. Je pense que c'est logique. L'auteur de l'amendement est-il d'accord ?
M. Michel Balestra. Madame la présidente, si nous étions immédiatement battus par septante voix contre trente, nous gagnerions du temps, parce qu'en troisième débat nous devrions vous expliquer ce qu'il faut supprimer à l'alinéa 3 et ajouter à l'alinéa 4.
La présidente. Nous passons donc au vote de l'amendement consistant à ajouter un quatrième alinéa à l'article 11 B (nouveau), dont la teneur est la suivante :
«4Le taux de ce prélèvement supplémentaire est fixé à 10%.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mme Micheline Spoerri (L). J'avais renoncé à prendre la parole, mais je dois vraiment dire au «professeur» Saurer qu'il n'a toujours rien compris à l'argumentation des libéraux. Si certains ont parlé chiffres dans cette enceinte, ce sont bien les auteurs du projet.
D'ailleurs, il n'y a que des chiffres dans ce projet !
Nous avons vainement essayé de vous faire comprendre que vous étiez en train de faire perdre confiance à toute une catégorie de futurs professeurs. Vous les avez déstabilisés et démotivés.
Il n'est pas seulement question d'argent dans cette affaire !
M. Christian Grobet (AdG). Ayant supposé que le débat se terminerait après le vote de l'amendement, je me suis abstenu, tout à l'heure, de répondre à M. Balestra. Mais je ne puis m'empêcher de prendre la parole, l'intervention qui vient d'avoir lieu étant vraiment de trop !
Elle est de trop, parce que cela devient insoutenable de subir, dès que l'on touche au moindre privilège, ce chantage constant qui consiste à nous prédire la catastrophe, la fuite à l'étranger et dans d'autres cantons de ceux qui ont des situations extrêmement privilégiées par rapport à la plupart de nos concitoyens. Cette argumentation est inacceptable !
Je vous rappelle, Madame, que plusieurs facultés de médecine de notre pays ont institué le numerus clausus et que la faculté de médecine de Genève le pratique sous une forme déguisée, trop de candidats médecins se présentant sur le marché. Dès lors, il est indécent et absolument faux de nous faire croire que nous compromettons la relève dans ce secteur public, particulièrement bien rétribué... (Brouhaha.) ...alors que de réels problèmes salariaux existent dans d'autres secteurs de la fonction publique et dans les services hospitaliers.
Vous verrez que la relève se fera. Je comprends la déception de celles et ceux qui gagneront un peu moins, mais je suis persuadé qu'ils seront motivés comme auparavant.
M. Michel Balestra (L). Nous aurons prouvé ce soir que nous sommes prêts à nous battre pour des principes, au-delà de toute arrière-pensée électoraliste. M. Grobet n'a pas ce courage : preuve en est sa différenciation entre les fonctionnaires aisés et les autres !
Mis aux voix, l'article 11 B (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur les établissements publics médicaux
(K 2 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980, est modifiée comme suit :
Art. 11 A, note marginale (nouvelle teneur)
Pratique privée
Bénéficiaires
Art. 11 B (nouveau)
Répartition des honoraires
1 Les bénéficiaires de la pratique privée participent aux charges d'exploitation des établissements publics médicaux à raison d'un montant s'élevant à 40% au plus des honoraires encaissés.
2 Du solde des honoraires encaissés, les établissements publics médicaux peuvent prélever un montant supplémentaire, affecté au soutien et au développement de leurs activités médicales et de recherche, ainsi qu'à la rétribution d'activités cliniques particulières.
Ils peuvent constituer à cette fin des fonds gérés de façon décentralisée dans leurs départements ou leurs services.
3 L'affectation d'une partie des recettes de la pratique privée aux activités visées à l'alinéa 2 s'effectue pour chaque période annuelle selon un taux progressif calculé par tranche d'honoraires encaissés. Ce taux, qui s'élève au départ à 10% peut atteindre, par tranche de 100 000 F, 80% au maximum pour la tranche d'honoraires supérieure à 700 000 F.
Art. 2
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
La séance est levée à 19 h 50.