République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7393-A
9. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (jugements arbitraux) (D 3 6). ( -) PL7393
Mémorial 1996 : Projet, 1552. Commission, 1553.
Rapport de majorité de M. Michel Halpérin (L), commission fiscale
Rapport de minorité de M. Gilles Godinat (AG), commission fiscale

La commission fiscale du Grand Conseil, sous la présidence de M. Nicolas Brunschwig, a consacré une partie de ses séances des 2, 16 et 30 avril à l'examen de ce projet de loi.

Le texte proposé par le Conseil d'Etat. le conseiller d'Etat Olivier Vodoz, président du département des finances, de revoir les conditions financières dans lesquelles il est procédé à l'imposition, par prélèvement d'un droit d'enregistrement, des sentences arbitrales rendues à Genève lorsqu'elles doivent être déclarées formellement exécutoires par un tribunal étatique.

Il est rappelé que l'arbitrage est un mode de résolution des conflits par recours à des juges désignés par les parties, juges qui ne sont pas nécessairement des magistrats professionnels. Il est fréquemment recouru à l'arbitrage dans des litiges à caractère hautement technique (l'arbitre est dans ces cas-là le plus souvent un expert) ou dans des conflits à caractère commercial que les parties, pour des raisons de compétence, d'efficacité, de rapidité ou de discrétion, ont choisi contractuellement de soumettre à l'arbitrage plutôt qu'à la justice publique.

L'arbitrage commercial est largement répandu. Il est réglementé et structuré très fréquemment par des instances constituées à cet effet, par exemple la Chambre de commerce internationale à Paris.

Genève, depuis longtemps, a une tradition d'arbitrage, soit sur des questions relevant du droit international public (affaire de l'Alabama, de l'Enclave de Taba, etc...) soit également dans le domaine du droit privé.

La Chambre de commerce et d'industrie de Genève a mis au point son propre règlement d'arbitrage.

Notons aussi que l'arbitrage fait l'objet d'une législation spécifique suisse (Concordat sur l'arbitrage approuvé par le Conseil fédéral le 27 août 1969; Loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 dont le chapitre XII est consacré à l'arbitrage international).

Lorsqu'une sentence arbitrale est rendue, elle est, normalement, exécutée par les parties à la cause.

Mais si l'une d'entre elles se soustrait à cette exécution, sa mise en force suppose l'enregistrement par un tribunal public qui lui donne ainsi sa force obligatoire et permet son exécution forcée.

C'est cette procédure d'enregistrement qui est soumise à prélèvement d'un droit en vertu de l'article 124 de la loi sur les droits d'enregistrement.

Dans sa teneur actuelle, la disposition précitée prévoit un droit proportionnel au montant de la sentence. C'est dire que dans des litiges importants, le montant de droit peut être extrêmement élevé. Cette situation se révèle pénalisante pour Genève puisque les autres cantons ne connaissent pas, ou pas au même niveau, cet enregistrement à taux proportionnel.

Ainsi, les praticiens de l'arbitrage tendent à préférer situer hors de Genève, par exemple dans le canton de Vaud, le siège du tribunal arbitral.

Après vérification, le département des finances a pu déterminer qu'entre 1984 et 1995 seules dix décisions d'arbitrage avaient été enregistrées, produisant des recettes fiscales globales d'environ 20 000 F.

La proposition du Conseil d'Etat consistait donc à plafonner les droits d'enregistrement à un maximum de 100 000 F (correspondant à un montant litigieux de 10 000 000 F). Majoré des centimes additionnels, c'est donc un total de 21 000 F qui serait mis à la charge de la partie souhaitant l'enregistrement de la sentence.

La commission a procédé à l'audition d'un représentant de la Chambre de commerce et d'industrie, Me Jacques Revaclier, avocat pratiquant à Genève et notamment dans le domaine de l'arbitrage et de Mme Neuenschwander, directrice de la division de l'enregistrement, des successions et des impôts fonciers.

Au cours de son audition, Me Revaclier a souligné que si le canton de Vaud perçoit également des droits proportionnels, ils sont plafonnés à 1 800 F; le canton de Fribourg est en train d'abroger purement et simplement les droits d'enregistrement en matière arbitrale; quant aux cantons qui sont souvent sièges d'arbitrage, Zurich, Bâle-Ville, Berne et le Tessin, ils perçoivent au maximum 3 000 F.

Au cours de son audition, le représentant de la Chambre du commerce a fait également remarquer que la rédaction de l'article 124 laissait à désirer.

** *

La commission a renoncé à une nouvelle rédaction de l'article 124. En effet, il est apparu que l'ensemble de la loi sur le droit d'enregistrement est en train de faire l'objet d'une refonte au sein de l'administration.

Si la rédaction de l'article 124 paraît aujourd'hui peu satisfaisante, il est préférable, de l'avis de la commission, de s'en tenir en l'état au seul sujet du montant des droits et de permettre à l'administration de présenter, quand elle sera prête, une proposition de remise en forme de l'ensemble de la loi.

C'est en définitive par 8 oui contre 4 abstentions (S et ADG) que l'entrée en matière a été acceptée.

Soucieux de marquer clairement la vocation arbitrale de Genève, certains commissaires ont souhaité s'écarter du projet de loi 7393 en plafonnant à 1 500 F le montant des droits d'enregistrement prélevés. Il leur apparaît en effet que, d'une part, les recettes fiscales pour Genève sont de toute façon insignifiantes puisque seule une petite fraction des arbitrage donne lieu à enregistrement, donc à prélèvement d'un droit. D'autre part, si le canton fait l'effort d'assurer à Genève une compétitivité raisonnable dans le domaine de l'arbitrage, il est à préférer que cet effort se traduise concrètement, de sorte que Genève soutienne favorablement la comparaison avec les autres cantons suisses et en particulier Zurich.

Le président du département s'est rallié à ce point de vue.

La commission s'est ensuite attachée à ce que la modification proposée, portant sur l'article 124, alinéa 4, soit doublée d'une modification identique de l'article 124, alinéa 2, lettre b) (enregistrement de sentences homologuant des accords transactionnels entre parties).

Cet amendement a été adopté par 7 oui (L, PDC, R) contre 4 non (ADG, V et S) et une abstention (S).

L'amendement supplémentaire portant tant sur l'alinéa 2 que l'alinéa 4 de l'article 124 et prévoyant qu'il ne sera perçu aucun centime additionnel a été également adopté par 7 voix contre 4 et 1 abstention.

Sur le vote d'ensemble, le projet de loi 7393, tel qu'amendé par la commission fiscale, a été adopté par 7 oui (L, R, PDC) contre 5 non (S, ADG, V).

La majorité de la commission fiscale a donc l'honneur de vous prier d'accepter le projet de loi 7393 amendé.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition du Conseil d'Etat

Dépôt: 4 décembre 1995

PL 7393

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur les droits d'enregistrement(jugements arbitraux)

(D 3 6)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit:

Art. 124, al. 4, lettre b (nouvelle teneur)

b) à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut excéder la somme de 10 000 F, sur toute condamnation au paiement de sommes ou à des prestations;

 Certifié conforme Le chancelier d'Etat: Robert HENSLER

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

«L'arbitrage international dit «privé» ou «commercial» n'a cessé de prendre de l'importance à notre époque. (...) L'arbitrage, aussi bien interétatique que «privé», correspond à une vieille tradition suisse et notre pays est fidèle à sa vocation en accueillant depuis fort longtemps sur son sol des arbitrages de tout genre, dont l'objet n'a souvent aucune ou peu de relations avec la Suisse ou ses habitants. Pareille réputation doit être préservée.» (Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur le droit international privé, FF 1983 I, p. 442-443.)

La renommée internationale de Genève est notoire: Genève est par excellence la ville internationale.

Elle se veut particulièrement attractive et compétitive. Ainsi, récemment encore, soit durant l'année 1994, non seulement la Cour AELE et l'Organisation mondiale du commerce ont établi leur siège dans notre canton ainsi que la Cour de la CSCE, mais encore le Centre international d'arbitrage de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a pris ses quartiers à Genève. En collaboration avec le milieu arbitral, la mise en place d'une Cour internationale spécialisée dans les litiges commerciaux est examinée.

On mentionnera également le nombre important d'arbitrages soumis par les parties aux règles de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève (CCIG), voire de la Chambre de commerce internationale (CCI, dont le siège est à Paris) qui se déroulent à Genève et qu'il serait dommage de voir diminuer.

Actuellement, tout jugement arbitral statuant sur un litige entre étrangers rendu exécutoire par le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève est obligatoirement soumis à la formalité de l'enregistrement (article 124, alinéa 4, de la loi sur les droits d'enregistre-ment - ci-après LDE). Ainsi, un droit proportionnel de 1%, plus centimes additionnels de 110% - soit un taux global de 2,1% - est perçu sur toutes condamnations au paiement de sommes ou à des prestations (article 124, alinéa 4, lettre b, LDE).

Lors de l'élaboration de cette loi dans la seconde moitié des années 60, la volonté d'imposer les étrangers choisissant Genève pour arbitrer leurs différends a été clairement exprimée. Un taux de 1% a alors été fixé pour ne pas pénaliser financièrement ce genre d'opérations (Mémorial du Grand Conseil 1965, p. 915, et 1968, p. 3241).

Or, avec l'importance des indemnités en dommages et intérêts auxquelles une partie peut de nos jours être condamnée, un impôt, même au taux relatif de 2,1%, devient prohibitif.

Il convient d'ajouter à cela que Genève est, avec Fribourg, le seul canton suisse à percevoir un droit d'enregistrement sur les sentences arbitrales. Une telle situation est bien évidemment pénalisante pour Genève en regard des places concurrentes que sont Zurich, Bâle, voire Lausanne et Berne.

Par conséquent, nous vous proposons de faire plafonner le montant du droit proportionnel à 10 000 F, ce qui représente 1% de 10 000 000 F. Compte tenu des centimes additionnels actuels, le montant maximum de l'impôt s'élèverait ainsi à 21 000 F.

Tels sont les motifs pour lesquels, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions de bien vouloir approuver le présent projet de loi.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Les enjeux du projet de loi 7393 sont à saisir davantage dans l'ordre des principes que dans l'ordre quantitatif des recettes fiscales.

Comme il ressort de l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, l'activité d'arbitrage, tant sur le plan politique que sur le plan commercial, a placé Genève à quelques occasions, sous les feux de la scène internationale. Une salle illustre de notre Hôtel de ville en évoque un épisode flatteur pour Genève : la salle de l'Alabama.

L'arbitrage est déjà largement décrit dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, ainsi que par le rapporteur de majorité.

Il suffit, ici, de rappeler que l'arbitrage commercial a pris une importance croissante, en lien avec les conflits d'intérêts de groupes économiques en rivalité sur le marché mondial.

La Suisse ne connaît pas d'instance constituée adaptée à cette situation, mais la pratique privée s'est développée par l'entremise des services juridiques privés, soumis aux règles de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève (CCIG), ou à celles de la Chambre de commerce internationale.

La loi genevoise prévoit dans la partie consacrée aux droits d'enregistrement (LDE), que tout jugement arbitral qui prend force exécutoire lorsqu'il est enregistré par un tribunal public, est soumis à une imposition proportionnelle de 1%, plus les centimes additionnels, soit actuellement 2,1%, concernant le montant des sentences arbitrales.

En comparaison intercantonale, le principe d'un tel prélèvement ne concerne que Genève et Fribourg. La Chambre de commerce et d'industrie de Genève (CCIG) avait demandé en juin 1995 au président du département des finances, M. Vodoz, de plafonner un tel prélèvement à 1 500 F prenant ainsi exemple sur les émoluments pratiqués dans d'autres cantons (VD: 1 800 F, ZH: 3 000 F, BS: 1 500 F).

Le Groupe genevois d'arbitrage, membre de l'Association suisse d'arbitrage, appuyait cette demande, envisageant même, de concert avec la CCIG, la suppression pure et simple des droits d'enregistrement.

Les travaux de la commission se sont concentrés sur la nécessité ou non de garder un taux proportionnel et sur le principe du plafonnement.

La loi sur les droits d'enregistrement est actuellement en révision et la responsable de cette division au sein de l'administration fiscale,Mme Neuenschwander, a insisté pour que la commission conserve le principe de la proportionnalité afin de préserver la systématique de la loi.

La commission a respecté ce principe.

Par contre, la question du plafonnement a fait l'objet de controverses dans la commission.

Le président du département des finances, M. Vodoz, s'est fait l'avocat d'un alignement sur Zurich, à savoir plafonner les droits d'enregistrement à hauteur de 3 000 F.

Un amendement proposé par le rapporteur de majorité visait à supprimer le prélèvement des centimes additionnels, afin d'entrer en concurrence avec la place financière zurichoise.

C'est précisément cette logique que nous contestons. En effet, entrer dans la spirale de la concurrence fiscale intercantonale est destructeur pour l'avenir des recettes fiscales, et, à terme, amène un abaissement général des rentrées fiscales et ne fait qu'aggraver la crise budgétaire.

Les informations obtenues auprès de l'administration révèlent que depuis deux ans, le canton concurrent voisin, le canton de Vaud, dont le régime est plus favorable en la matière que notre canton, n'a connu aucun jugement arbitral. Seule la concurrence zurichoise est une réalité, et cela reste à démontrer.

Enfin, il aurait été préférable, à notre avis, d'attendre la révision complète de la LED, actuellement en cours, plutôt que de précipiter une modification partielle, dont la portée réelle est plutôt d'ordre symbolique.

La majorité de la commission tient toutefois à donner un signal pour suivre la demande de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève. Nous ne pensons pas qu'une modification précipitée a valeur d'un signal, et le respect du travail en cours au sein de l'administration fiscale nous paraît prioritaire.

Pour ces motifs, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, pour le moins, de respecter le principe d'un plafonnement identique à celui pratiqué à Zurich, afin d'éviter la sous-enchère fiscale.

Premier débat

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de minorité. Une erreur typographique figure dans mon texte, mais peu importe. Par contre, je souhaite proposer un amendement qui ne figure pas dans mon rapport, parce que je le supposais implicite dans le projet de loi du Conseil d'Etat. Afin de donner un signal inverse à l'évolution récente de certaines propositions sur la fiscalité, je désire, effectivement, à la lettre b), alinéa 4, de l'article 124, porter le montant de 10 000 F à 20 000 F. Ce serait un plafond tout à fait acceptable, étant donné les enjeux soumis aux jugements arbitraux. De plus, la place de Genève présente un attrait suffisant pour que ce montant ne soit pas dissuasif.

La présidente. Votre amendement porte donc sur la modification, à l'article 124, alinéa 4, lettre b), du montant de 1 500 F ainsi porté à 2 000 F... Non, à 20 000 F ! Le projet de loi, lui, indique le montant de 1 500 F.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, je ne m'étonne pas de votre lapsus tant la proposition qui nous est faite est étrange, pour ne pas dire pittoresque !

Le projet de loi qui vous est soumis est, économiquement, d'une modestie totale. Nous parlons actuellement des taxes d'enregistrement prélevées lorsqu'un jugement, rendu par des arbitres, doit - parce qu'il est difficilement exécutable par l'une des parties - être enregistré par la caisse du tribunal pour acquérir sa force obligatoire qui permet de l'appliquer, au besoin de force et au besoin à l'étranger.

Depuis le XIXe siècle en tout cas, Genève attire non seulement l'arbitrage de droit international public, comme dans l'affaire de l'Alabama ou celle de Tabah entre l'Egypte et Israël, mais aussi des arbitrages de caractère privé, qui sont un des facteurs dans lesquels une activité entrepreneuse importante est exercée en des circonstances renforçant l'internationalité de notre ville.

Nous avons constaté que le système actuel prévoit le prélèvement d'une taxe, proportionnelle aux montants litigieux en jeu, très élevée dans son énoncé : lorsque l'arbitrage porte sur des millions, le droit d'enregistrement porte sur des dizaines ou des centaines de milliers de francs, avec, pour résultat, que les arbitrages tendent à être rendus ailleurs, par exemple dans le canton de Vaud ou à Zurich, où il n'y a, pour ainsi dire, pas de taxe d'arbitrage.

Au demeurant, prélever plusieurs dizaines de milliers de francs pour un simple tampon apposé sur un acte relève plutôt de l'impôt que de la taxe.

Cela dit, la commission a estimé que nous ne devions pas rester en rade sur de telles propositions et que nous devions être plus compétitifs, notamment en regard de Zurich.

C'est très exactement ce dont nous avons discuté cet après-midi, sauf qu'ici l'échelle est modeste. Jugez plutôt ! Entre 1984 et 1995, le canton de Genève a encaissé 20 000 F en tout et pour tout. Pourquoi ? Parce que les amateurs d'arbitrage sont allés ailleurs !

Ce que propose M. Godinat, avec une logique extraordinaire pour rapatrier à Genève ce qui ressemblerait à une activité profitable, est de faire en sorte que l'on gagne en une fois ce que l'on n'a pas su gagner en dix ans. Je vous demande qui dit mieux dans cette salle !

M. Dominique Hausser (S). Les commissaires libéraux, fidèles à leur conduite qui tend à réduire comme peau de chagrin les recettes fiscales, n'ont évidemment pas laissé passer ce projet de loi dont le but était de plafonner à 10 000 F le montant des droits d'enregistrement d'une sentence arbitrale.

C'est ainsi qu'un projet amendé par la commission, limitant le droit d'enregistrement à 1 500 F, sans perception de centimes additionnels, vous est proposé ce soir.

Les arguments à l'appui du rapport de majorité ne sont malheureusement pas du tout convaincants, car l'arbitrage est bien présent à Genève. Zurich ne nous fait pas concurrence, Monsieur Halpérin. Cela a été clairement démontré lors d'une récente journée d'étude sur la médiation, où la place de Genève, dans l'arbitrage, a été évoquée à plusieurs reprises.

De surcroît, l'enregistrement des sentences arbitrales est de moins en moins exigé dans la plupart des pays, et vous le savez très bien.

S'il est exact que la masse fiscale, dans cette affaire, est très faible et que la perte effective est évaluée à quelques milliers de francs, cela ne constitue pas un motif suffisant pour vider complètement une norme de sa substance.

Le groupe socialiste est opposé au principe de la réduction des impôts. En le disant, il ne fait que le répéter une fois de plus.

En l'espèce, le projet de loi proposé, à l'origine, par le Conseil d'Etat démontrait que l'impôt devenait prohibitif pour les montants très importants soumis à l'arbitrage, et c'est pourquoi le groupe socialiste a accepté son plafonnement à 10 000 F.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de revenir au projet initial et avons déposé des amendements en conséquence.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. M. Hausser, qui n'était pas à la commission et parle, par conséquent, par ouï-dire, n'est pas plus convaincant que M. Godinat.

S'il propose un rabais de 20 000 F à 10 000 F, il n'est toujours pas compétitif et toujours pas dans la ligne. Il croit savoir que Zurich n'est pas une concurrence pour Genève, il se trompe, mais il est parfaitement excusable, l'essentiel étant que nous ne nous trompions pas en votant. (Rires.)

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de minorité. Contrairement à ce que dit M. Halpérin, je pense que les 20 000 F encaissés ces dix dernières années démontrent le faible rendement des opérations d'arbitrage pour les caisses de l'Etat.

Le fait de relever le plafond à 20 000 F ne poserait aucun problème, puisque nous n'avons pas la preuve que les arbitrages se sont déplacés dans d'autres cantons. Par exemple, cela n'a pas été le cas pour le canton de Vaud ces deux dernières années.

Tant que nous n'avons pas la preuve que Genève perd de son importance en fait de jugements arbitraux, nous pouvons estimer qu'un plafonnement à 20 000 F n'est pas dissuasif. D'ailleurs, il n'y a même pas de plafond actuellement ! Et la proposition du Conseil d'Etat émane de cette lacune. Ces 10 000 F sont tout à fait aléatoires ! On aurait tout aussi bien pu inscrire 10 000, 15 000  ou 20 000 F !

Nous proposons 20 000 F comme signal politique, car nous ne voulons pas entrer dans une spirale de sous-enchère fiscale. D'autre part, nous tenons à ce que Genève demeure une place d'arbitrages; aussi sommes-nous certains que ce montant de 20 000 F n'est pas dissuasif.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. Le raisonnement tenu par M. Godinat est celui d'un marchand qui, n'ayant qu'un seul produit dans sa vitrine, entendrait le vendre 20 000 F. Ne le vendant pas, il déciderait d'attendre, des siècles durant, qu'un amateur éclairé se présente enfin.

Je préfère avoir plusieurs produits dans ma vitrine, à 1 000 F pièce ou à 1 500 F, comme le projet le prévoit, et avoir la chance d'en vendre quelques-uns. Cela améliorera peut-être un peu les recettes de l'Etat; cela fera plaisir aux serpents ou à quelqu'un d'autre !

Quant à la concurrence, vous oubliez, mon cher collègue, que nous avons entendu un représentant de la Chambre du commerce et de l'industrie nous expliquer que les prix pratiqués ailleurs étaient plus intéressants que les nôtres et qu'un certain nombre d'arbitrages avaient lieu pas loin d'ici, à Rolle, à Mies, à Nyon, des endroits aussi aérés et agréables que notre bord du lac, parce qu'il était plus raisonnable de les tenir là-bas qu'ici.

C'est tout, c'est simple et c'est de bon goût !

M. Bernard Lescaze (R). J'abonde dans le sens des arguments du rapporteur de majorité, et précise qu'il ne s'agit pas de surenchère ou de sous-enchère fiscale, puisque le rapporteur de minorité lui-même a signalé que les montants en jeu, pour l'Etat, resteraient relativement modestes.

Nous souhaitons maintenir, voire développer, la tradition de l'arbitrage à Genève. Il ne faut pas oublier qu'elle apporte un volume d'affaires au secteur privé, aux avocats, aux entreprises, etc. C'est cela que nous souhaitons garder à Genève, indépendamment de la valeur intellectuelle offerte par certains arbitrages. C'est pour cela que nous suggérions cette diminution du taux maximal d'imposition.

En conséquence, le groupe radical votera le rapport de majorité et n'acceptera pas les amendements de minorité. Dans le projet soumis, il n'y a pas une logique quelconque de sous-enchère fiscale, ni de spirale. Soyez-en assurés !

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

 Art. l24, al. 2, lettre b (nouvelle teneur) et lettre c (nouvelle)

La présidente. Nous votons le premier amendement portant sur la lettre b), dont la teneur correspond à l'énoncé de la loi actuelle :

«aux droits proportionnels prévus par la présente loi, sur tous les actes et opérations mentionnés dans ladite convention, à l'exception de ceux qui font l'objet du litige;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

La présidente. Cet amendement propose également d'abroger la lettre c), à l'alinéa 2 du même article.

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de minorité. Veuillez m'excuser, Madame la présidente, mais je ne vois pas de quels amendements vous parlez.

La présidente. Ce sont les deux amendements dont M. Hausser vient de parler. Il a demandé que l'on rétablisse la loi à l'article 124, alinéa 2, lettre b. Ensuite, nous voterons les deux amendements de l'article 124, alinéa 4, lettre b. Vous demandez vous-même que le montant soit plafonné à 20 000 F et le député Hausser qu'il le soit à 10 000 F.

M. Dominique Hausser (S). Madame la présidente, dès l'instant où notre proposition d'amendement a été refusée, les autres amendements tombent d'eux-mêmes. Je vous propose de passer directement à l'amendement de M. Godinat.

Mis aux voix, l'article 124, alinéa 2, lettre b (nouvelle teneur) et lettre c (nouvelle) est adopté.

Art. 124, al. 4, lettre b (nouvelle teneur)

La présidente. Nous votons l'amendement de M. le député Godinat à l'article 124, alinéa 4, lettre b :

«à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut excéder la somme de 20 000 F, sur toute condamnation au paiement de sommes ou à des prestations;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 124, alinéa 4, lettre b (nouvelle teneur) est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi sur les droits d'enregistrement(jugements arbitraux)

(D 3 6)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit:

Art. 124, al. 2, lettre b (nouvelle teneur)lettre c (nouvelle)

b) à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut excéder la somme de 1 500 F, sur l'obligation de payer une somme ou sur tous engagements similaires; il n'est perçu aucun centime additionnel sur ces droits.

c) aux droits prévus par la présente loi, sur tous les autres actes et opérations mentionnés dans ladite convention et ses annexes, à moins que lesdits actes et opérations n'aient été préalablement enregistrés.

Art. 124, al. 4, lettre b (nouvelle teneur)

b) à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut exéder la somme de 1 500 F, sur toute condamnation au paiement de sommes ou à des prestations; il n'est perçu aucun centime additionnel sur ces droits.