République et canton de Genève

Grand Conseil

No 45/VII

Vendredi 8 novembre 1996,

nuit

Présidence :

Mme Christine Sayegh,présidente

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, MM. Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Fabienne Blanc-Kühn, Nicolas Brunschwig, Marlène Dupraz, Laurette Dupuis, Christian Grobet, Janine Hagmann, Liliane Johner, Jean-Pierre Rigotti, Micheline Spoerri et Olivier Vaucher, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

La présidente. Le projet de loi suivant est parvenu à la présidence :

PL 7542
de Mme et MM. Daniel Ducommun (R), Geneviève Mottet-Durand (L) et Olivier Lorenzini (DC) modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 1). ( )   PL7542

Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

 

 b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

La présidente. Les demandes d'interpellations suivantes sont parvenues à la présidence :

I 1975
de Mme Sylvia Leuenberger (Ve) : HES non-OFIAMT : quelle planification ? ( )  I1975

Cosignataires : Micheline Calmy-Rey, Nelly Guichard, Bernard Lescaze, Elisabeth Häusermann, Vesca Olsommer.

I 1976
de Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S) : M. Haegi : «L'insou-tenable légèreté de l'être» ! ( )   I1976

Cosignataires : Dominique Hausser, Liliane Charrière Urben, Alexandra Gobet, Nicole Castioni-Jaquet, Laurent Moutinot.

 

Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

e) de questions écrites.

Néant.

M 1094
4. Proposition de motion de Mmes et MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, Michel Ducret, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Elisabeth Häusermann, Pierre Kunz, Gérard Laederach, Bernard Lescaze, David Revaclier, Marie-Françoise de Tassigny, Jean-Philippe de Tolédo et Michèle Wavre pour la relance de l'activité économique et l'augmentation de l'attrait fiscal de Genève pour les personnes morales. ( )M1094

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- que l'arrêté fédéral en faveur des zones économiques en redéploiement (arrêté «Bonny», RS 951.93, publié au RO 1996, pages 1918-1921) permet aux entreprises d'obtenir des avantages financiers et des allégements fiscaux de la Confédération;

- que cet arrêté s'applique à l'ensemble du canton de Neuchâtel et aux principaux districts du canton de Vaud, mais pas au canton de Genève;

- que les considérations fiscales remplissent une fonction importante pour les entreprises lors du choix du lieu de leur installation en Suisse;

- que l'exclusion du canton de Genève du champ d'application de l'arrêté fédéral en faveur des zones économiques en redéploiement crée une distorsion de concurrence qui nuit au développement de Genève;

- que le canton de Genève souffre depuis plusieurs années d'une grave crise structurelle et a perdu de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur secondaire;

- que le niveau élevé de chômage ne pourra être réduit que par la création de nouveaux emplois;

- que les entreprises existantes tendent à réduire leur personnel et qu'il est donc nécessaire d'attirer de nouvelles entreprises à Genève;

- que tout ou partie du canton de Genève peut être considéré comme une zone économique en redéploiement,

invite le Conseil d'Etat

1. à examiner sans délai si tout ou partie du canton de Genève remplit les conditions légales prévues par l'article 2 de l'arrêté fédéral du 6 octobre 1995 en faveur des zones économiques en redéploiement;

2. à intervenir auprès du Conseil fédéral et du département fédéral de l'économie publique afin que l'ordonnance du 17 juin 1996 concernant la détermination des zones économiques en redéploiement soit modifiée au plus vite pour inclure tout ou partie du canton de Genève.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La nécessité de relancer l'activité économique dans le canton de Genève est reconnue par tous. Notre canton est frappé depuis plusieurs années par une crise économique sans précédent qui anéantit notamment une large partie de son secteur secondaire. La conséquence de cette situation est une forte aggravation du chômage et des problèmes sociaux.

Face à cette situation, il est impérieux de réagir. La politique des grands travaux menée par le Conseil d'Etat, et confirmée dans le budget 1997, ne suffit pas pour relancer l'activité économique. Il faut agir de manière plus large en rétablissant l'attractivité du canton de Genève.

Le projet de loi relatif à l'amélioration de l'attrait fiscal de Genève pour les personnes morales, la diminution de la dette de l'Etat et de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, déposé par le groupe radical au Grand Conseil, poursuit cet objectif en prévoyant des exonérations importantes pour les nouvelles personnes morales.

Toutefois, ces mesures cantonales ne suffisent pas toujours. La concurrence entre les cantons est vive et nos voisins accordent le plus souvent des conditions tout aussi favorables. Dans ce cas, l'élément déterminant pour le choix des entreprises est le montant des impôts fédéraux directs. Or, seul l'arrêté fédéral du 6 octobre 1995 en faveur des zones économiques en redéploiement prévoit la possibilité d'une exonération de l'impôt fédéral pendant dix ans au plus, dans les régions auxquelles il s'applique.

Dans le canton de Vaud, il suffit d'observer le nombre de nouvelles entreprises installées le long de l'autoroute Genève-Lausanne pour mesurer l'effet de cette mesure, couplée aux allégements fiscaux cantonaux. La situation est similaire dans le canton de Neuchâtel.

Ne bénéficiant pas des mesures prévues par l'arrêté fédéral du 6 octobre 1995 en faveur des zones économiques en redéploiement, le canton de Genève est gravement désavantagé par rapport aux cantons voisins. Face aux nouvelles entreprises, il ne peut pas toujours être concurrentiel sur le plan fiscal.

De même, les entreprises genevoises qui investissent, développent de nouveaux produits ou créent des emplois en ouvrant de nouvelles unités de production sont désavantagées par rapport aux entreprises situées dans les zones couvertes par l'arrêté Bonny. Elles ne peuvent profiter ni des cautionnements ni des contributions au service de l'intérêt des crédits d'investissement prévus par cet arrêté.

En conséquence, la motion qui vous est soumise vise à obtenir du département fédéral de l'économie publique que tout ou partie du canton de Genève soit au plus vite inscrit parmi les régions bénéficiant de l'arrêté fédéral.

Pour ce faire, il appartient au canton de démontrer, conformément à l'article 2 de l'arrêté, que certaines des communes genevoises, liées entre elles du point de vue géographique ou du marché du travail, souffrent d'un chômage actuel ou imminent dépassant la moyenne nationale ou bien ont subi ou risquent de subir une forte diminution du nombre des emplois.

Le niveau et le potentiel de développement de Genève devraient confirmer l'analyse effectuée en matière d'emploi, dans la mesure où le canton subit une récession et une situation permanente de grave désavantage concurrentiel face aux entreprises de France voisine.

L'extension de l'arrêté fédéral à Genève ne coûtera rien au canton mais permettra au contraire d'attirer de nouvelles entreprises, de créer des emplois et donc de contribuer à redresser l'équilibre fiscal du canton puis de diminuer le niveau général des impôts.

Pour tous les motifs exposés ci-dessus, les proposants de la présente motion vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à lui réserver le meilleur accueil.

Débat

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Je constate que les questions liées à la fiscalité intéressent beaucoup le Grand Conseil... surtout après le dîner !

Cette motion complète idéalement le projet de loi 7537 du parti radical; ces deux éléments visent à former un projet global, bénéfique pour l'avenir de Genève. Le projet de loi 7537 parle de fiscalité cantonale, tandis que cette motion a trait à la fiscalité fédérale.

En vue d'obtenir les avantages de l'arrêté Bonny pour Genève, notre conseiller national Jean-Philippe Maitre a déjà fait un certain nombre de démarches auprès du Conseil national. Cette motion a pour but de soutenir ses démarches.

Le déficit chronique du canton de Genève pourrait être réduit si ce dernier pouvait bénéficier de l'arrêté fédéral. En effet, il serait rendu plus attractif pour de nouvelles entreprises, fiscalement parlant. Au lieu de choisir des lieux d'accueil, comme le canton de Vaud ou de Neuchâtel, qui eux en bénéficient déjà, elles pourraient s'installer dans notre canton. En choisissant Genève, les entreprises y créeraient des emplois et relanceraient la consommation en accélérant la reprise économique.

A l'heure de la mondialisation, de la globalisation, il est important de reconsidérer le phénomène de délocalisation. Généralement, on ne constate que le départ des entreprises quittant le canton, sans tenir compte du fait que d'autres entreprises sont susceptibles de s'y établir, moyennant certains avantages, naturellement. Ces deux propositions du parti radical ont pour but d'inverser le flux de délocalisation et de permettre à certaines entreprises de s'installer dans le canton de Genève avec une certaine sérénité.

Cette vision du phénomène de délocalisation est innovante. Il est temps d'être imaginatifs et audacieux : «Une fois n'est pas coutume !» pour reprendre l'expression des Verts au sujet de la discussion immédiate. Ce projet, cette motion et ses modalités d'application pourront être discutés en commission fiscale. On pourrait éventuellement les transformer en résolution, afin d'aider notre conseiller national dans ses démarches pour l'obtention d'avantages pour Genève.

Je désire répondre à Mme Calmy-Rey au sujet du premier projet sur la défiscalisation cantonale. Elle prétend que la charge fiscale suisse est faible et que cela ne constitue, en aucun cas, un avantage suffisant pour que les entreprises choisissent notre région.

La présidente. Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Jean-Philippe de Tolédo. Au contraire, il me semble que la défiscalisation cantonale et fédérale est un avantage certain pour les entreprises désirant s'installer dans notre région. Tout comme M. Clerc, je pense que cela favorisera la création d'emplois.

MM. Hiler et Vaudroz ont soulevé un point important. En effet, si l'exonération fiscale devient automatique, on risque d'aboutir à une défiscalisation totale pour toutes les entreprises. J'avoue que ce point doit être amélioré dans notre projet, afin d'éviter ce cas de figure. Le choix des entreprises devra être opéré judicieusement en fonction des différents secteurs économiques à développer.

M. Hiler s'étonne du fait que j'aie des idées concernant le développement durable. Je tiens à citer ici M. Chaïm Nissim, expert en développement durable, qui a parfaitement compris mon message. Il a reconnu que l'extinction de cette dette de 8 milliards, qui sera à charge des générations futures, concerne le développement durable. Je le remercie d'avoir compris, et j'espère que les autres députés feront de même.

Monsieur Hiler, vous prétendez qu'avec ce genre de propositions on marche sur les plates-bandes du Conseil d'Etat. Telle n'est pas notre idée. Au contraire, ce genre de projet est de nature à l'aider dans sa démarche qui comporte trois étapes en vue de réduire le déficit.

Il s'agit, en premier lieu, de la réduction des frais. (Eclats de rire; le député est interpellé.) Mais il sait que nous voulons l'aider ! Nous ne voulons que cela ! D'ailleurs, M. Vodoz, fait partie de la grande famille libérale qui représente nos cousins... (Rires.) ...germains... sur certains plans. On ne déballera pas le linge sale en...

La présidente. Continuez, sinon je ne pourrais pas faire régner le calme dans cette assemblée !

M. Jean-Philippe de Tolédo. Ce projet de motion concernant la défiscalisation est important. On sait que certaines entreprises renoncent à s'installer à Genève; elles choisissent bien évidemment les endroits où elles bénéficient de ces avantages. Nous devons aussi les leur offrir, inverser le flux de délocalisation et créer des emplois.

Des voix. Bravo !

M. René Longet (S). Dans un premier temps, l'idée d'élargir le rayon d'action de l'arrêté Bonny nous paraît intéressante. Dans un deuxième temps, étant donné la situation de crise en Suisse, il nous semble que le pays entier devrait être soumis à cet arrêté. A ce moment-là, les avantages comparatifs qu'il offre n'existeraient plus.

Toutefois, la solution que vous préconisez, tout en ne nous paraissant pas fausse, nous semble ne pas traiter le vrai problème. Nous souhaiterions examiner cet élément en commission, mais il nous plairait de relancer la recherche d'une réelle harmonisation fiscale en Suisse, tout en connaissant les difficultés d'une telle ambition.

En effet, il est aberrant de constater à quel point ce petit pays, qui connaît de graves problèmes économiques, comporte de disparités fiscales d'un canton à l'autre. La concurrence est grande et, finalement tout le monde y perd. C'est pourquoi cette motion, qui a pour but de soutenir les démarches au niveau national - comme vous l'avez dit, Monsieur de Tolédo - devrait aussi déboucher sur une incitation nouvelle à l'harmonisation fiscale au niveau fédéral.

M. David Hiler (Ve). Monsieur de Tolédo, je vous ai simplement reproché de ne pas «faire un pas suffisant» en direction du développement durable. D'ailleurs, je me propose d'amender votre projet à la lettre a, comme suit : «100% pour le remboursement de la dette de l'Etat de Genève.»

En ce qui concerne la motion, si Genève doit recevoir des avantages de la Confédération, je crains, quels que soient les critères pris en compte, que l'ensemble du pays ne doive être mis au bénéfice de l'arrêté Bonny.

Nous sommes prêts à étudier cette motion en commission, mais en nous souvenant que l'état des finances fédérales ne permet pas, me semble-t-il, d'accorder à tous une baisse de l'imposition fiscale.

Actuellement - et il conviendrait d'y être quelque peu sensibles - la Suisse alémanique a tendance à nous voir venir avec nos «grands pieds» lorsque nous lui réclamons une aide ! Ce qui s'est passé avec l'assurance-maladie et d'autres sujets, qui nous tiennent très à coeur, risque de se reproduire si nous n'admettons pas, malgré tout, que le niveau de vie à Genève est supérieur à celui d'une bonne partie de la Suisse et que le rôle de nouveau pauvre, que nous inventons, risque bien de ne pas convaincre nos Confédérés. Ces derniers risquent aussi de nous dire la vérité, soit que si nous organisions mieux la disposition de nos richesses nous viendrions à bout de cette crise. Or, il est indéniable que nous avons des richesses qui devraient nous le permettre.

M. Claude Blanc. Ah, si tu le dis !

M. Daniel Ducommun. Bravo Bug's Bonny !

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Le 15 novembre 1995, le Conseil d'Etat écrivait, entre autres, ce qui suit au Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz : «...Nous devons malheureusement constater, jour après jour, que la décision du Conseil fédéral du 20 octobre 1994, concernant la "détermination de régions dont l'économie est menacée", a subitement créé de véritables inégalités de traitement entre les cantons, provoquant ainsi une réelle distorsion de concurrence, à la fois peu souhaitable et contraire aux objectifs visés par l'arrêté Bonny.

Tenant compte de ce qui précède, nous vous demandons formellement, sur la base du document complet qui vous a été remis, d'inclure dans la prochaine révision de la liste des régions dont l'économie est menacée, les communes de Carouge, Genève-Ville, Meyrin, Plan-les-Ouates, Satigny et Vernier, soit celles sur lesquelles sont situées de très importantes zones industrielles. Ne pas accéder à une telle demande équivaudrait pour la Confédération à empêcher notre canton de maintenir un secteur industriel indispensable pour l'équilibre de son économie. Ces régions genevoises méritent, à notre sens, tout autant de bénéficier des dispositions de l'arrêté Bonny que, pour ne prendre que quelques exemples, les suburbaines de la ville de Lausanne appartenant au district de Morges, le district de Rolle ou la ville de Neuchâtel.»

Nous attendons encore la réponse. Nous sommes donc très fermement intervenus, et, si ce projet de motion nous est renvoyé ou qu'on le renvoie en commission, il viendra compléter la demande formelle que nous avons faite au nom du canton, voilà une année.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission fiscale.

PL 7516
5. Projet de loi de Mme et MM. Michel Balestra, Henri Duvillard, Pierre Kunz, Armand Lombard, Jean-Philippe de Tolédo, Jean-Claude Vaudroz, Anne Chevalley, Hervé Dessimoz et Jean Opériol modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (D 3 1,3). ( )PL7516

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit:

CHAPITRE II

Impôt sur le bénéfice

SECTION 2

Calcul de l'impôt

Art. 20 (nouvelle teneur)

1 Le taux de l'impôt sur le bénéfice net est fixé à 9,75%.

2 Toutefois ce taux est réduit à 4% pour une première tranche de bénéfice imposable, ne dépassant pas 10% du capital imposable et au maximum 300 000 F, pour la part de cette première tranche qui fait l'objet d'une distribution aux actionnaires.

Art. 25 (nouvelle teneur)

L'impôt dû par les associations, fondations, fonds de placement et autres personnes morales est calculé en divisant leur bénéfice imposable en tranches taxées selon le tableau suivant:

Bénéfice

Taux de

Impôt maximum

Impôt total

(tranches)

la tranche

de la tranche

F

F

%

F

1 à 40 000

5  

2 000

 2 000

40 001 à 70 000

5,5

1 650

 3 650

70 001 à 100 000

6  

1 800

 5 450

100 001 à 200 000

7  

7 000

12 450

200 001 à 300 000

8  

8 000

20 450

300 001 à 400 000

9  

9 000

29 450

400 001 et au-dessus

 9,75

-

-

CHAPITRE III

Impôt sur le capital

SECTION 2

Calcul de l'impôt

Art. 33 (nouvelle teneur)

1 L'impôt sur le capital propre est de 0,3% pour la part du capital inférieure ou égale à 5 000 000 F.

2 Pour la partie supérieure du capital propre, l'impôt est de 2%.

Art. 36 (nouvelle teneur)

Le capital propre des associations, fondations, fonds de placement et autres personnes morales est divisé en tranchées taxées selon le tableau suivant:

Tranches

Taux de

Impôt maximum

Impôt total

F

la tranche

de la tranche

F

%

F

1 à 50 000

0,75

  37.50

  37.50

50 001 à 150 000

1,0 

100.-

 137.50

150 001 à 300 000

1,25

 187.50

325.-

300 001 à 500 000

1,5 

300.-

625.-

500 001 à 750 000

1,75

 437.50

1 062.50 

750 001 et au-dessus

2,0 

-

-

EXPOSÉ DES MOTIFS

Préambule

Tous les analystes sont désormais d'accord: c'est grâce au développement de l'activité des PME qu'à Genève, comme dans le reste du monde occidental, nous pourrons faire face efficacement au défit de l'emploi. Or les PME en création ou existantes souffrent chez nous de graves handicaps qu'on peut classer en trois groupes:

- elles sont, d'une part, étranglées par une législation sociale excessivement coûteuses et par une multitude de règlements paralysants;

- elles sont, d'autre part, pénalisées par une fiscalité dissuasive;

- enfin, elles souffrent d'un accès insuffisants au marché des capitaux.

Ce projet de loi a pour ambition de lever au moins partiellement les obstacles des deux derniers groupes de problèmes auxquels se heurtent les PME, de favoriser ainsi le développement de ces dernières et conséquemment la création d'emplois. Il est fondé sur la conviction que la réduction des recettes fiscales ainsi engendrées par l'Etat se trouvera compensée avant longtemps par des rentrées nouvelles d'impôt sur le revenu, rentrées fournies aussi bien par les personnes morales dont l'activité se trouvera dynamisée que par les personnes physiques qui occuperont les emplois nouvellement créés grâce aux mesures proposées.

Ce projet de loi s'inscrit parfaitement, il convient de le noter, dans le cadre des mesures annoncées durant l'été par le Conseil fédéral en vue de renforcer l'activité des PME. Il devrait de surcroît jouer un rôle non négligeable dans la lutte que les autorités politiques doivent impérativement et urgemment engager contre la menace déflationniste qui pèse sur notre économie.

Taux unique d'imposition sur le bénéfice...

Chacun s'accorde aujourd'hui pour reconnaître la nécessité de substituer au système de taxation actuel du bénéfice des personnes morales, taxation fondée sur l'intensité du rendement, un système d'imposition à taux fixe. La seule question qui subsiste est celle du taux à appliquer.

Pour les auteurs de ce projet de loi, ce taux doit être fixé à 9,75%. Un taux plus élevé ne permettrait guère en effet de concrétiser l'objectif poursuivi par tous les milieux conscients des enjeux économiques et sociaux de l'heure, à savoir relancer l'activité économique et la création d'emplois.

... réduit pour une partie du bénéfice distribué

A l'évidence un des obstacles majeurs auxquelles se heurtent les PME suisses dans l'accès aux capitaux dont elles ont besoin réside dans ce qu'il est convenu d'appeler «la double imposition de leurs bénéfices». Lorsque ceux-ci sont distribués ils sont en effet taxés une première fois en tant que bénéfice de l'entreprise puis en tant que revenu de l'actionnaire. Chacun peut comprendre que cette «spécialité helvétique unique» est extrêmement dissuasive pour les investisseurs qui préfèrent souvent placer leurs capitaux sur les marchés financiers qui font l'objet d'une fiscalisation plus intelligente.

On rappellera ici que la double imposition de la société et de l'actionnaire a été introduite en Suisse seulement entre les deux dernières guerres, les dividendes n'ayant jusque-là jamais été soumis à l'impôt au niveau de l'actionnaire.

Il n'est pas dans les compétences du Grand Conseil de modifier le droit fédéral à l'origine de ce handicap. Mais le Grand Conseil peut en atténuer significativement les effets en introduisant dans la LIPM la notion d'un taux réduit applicable à une partie du bénéfice distribué sous forme de dividendes. C'est ce que visent les auteurs du présent projet de loi en proposant de ramener à 4% le taux fixe applicable à une première tranche de bénéfice distribuée aux actionnaires, à la double condition pourtant que cette tranche de bénéfice distribuée ne dépasse pas 10% du capital imposable et au maximum 300 000 F.

Ce rendement de 10% n'est pas choisi arbitrairement. Il correspond en effet à une rémunération raisonnable des capitaux investis par un actionnaire dans une entreprise industrielle, un actionnaire qui se sentira donc davantage qu'aujourd'hui incité à s'engager financièrement dans une PME.

Cette réforme, si elle est adoptée par le Grand Conseil comme elle l'a d'ailleurs déjà été dans d'autres cantons (Berne, Saint-Gall, Schaffhouse, Soleure, Argovie, Thurgovie) et certains pays voisins, contribuera donc à améliorer efficacement l'accès des PME au marché des capitaux. De plus, en atténuant la double imposition économique, cette réforme devrait inciter plus que dans le passé les sociétés à distribuer une partie au moins de leurs bénéfices annuels, créant ainsi une assiette supplémentaire à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et favorisant la régularité des recettes de l'Etat.

Un taux d'impôt sur le capital des personnes morales diminué nettement

L'impôt sur le capital des sociétés constitue une aberration économique. Il est en effet dû même lorsque l'entreprise essuie des personnes d'exploitation. Jusqu'à il y a encore quelques années, les défenseurs de cet impôt pouvaient arguer du fait que peu d'entreprises se trouvaient confrontées à cette réalité. Désormais la sévère concurrence avec laquelle nous devons vivre dans un monde ouvert rend cet argument obsolète. L'impôt sur le capital des PME contribue de plus en plus souvent à détériorer la situation financière de sociétés déjà fragilisées par les circonstances économiques. Il conviendrait donc de l'abolir purement et simplement comme l'ont déjà fait tous les pays de l'Union européenne.

Malheureusement cette abolition n'est pas possible en raison des normes contraignantes de la LHID qui oblige les cantons à percevoir un impôt sur le capital et les autres fonds propres des personnes morales. Ces cantons sont cependant libres de fixer le taux de cet impôt. Il reste donc possible de réduire ce taux de manière à ne lui conserver qu'une importance symbolique.

C'est ce que préconisent les auteurs du présent projet de loi en ramenant le taux d'imposition du capital à 0,3%. Comme il s'agit pour eux de prendre des mesures d'incitation principalement en faveur des PME ils demandent que ce taux réduit ne s'applique que jusqu'à concurrence de 5 millions de francs de fonds propres.

Conclusion

Les réformes proposées, il faut le dire clairement, ne visent pas à garantir simultanément la neutralité en terme de recettes fiscales annuelles de l'Etat. Si elles sont adoptées, ces mesures conduiront indubitablement, dans un premier temps, à une baisse de recettes de l'Etat.

Aux yeux des auteurs du projet de loi, elles se justifient néanmoins parce qu'elles sont fondées sur un constat évident depuis quelques années à Genève: le maintien des recettes fiscales de l'Etat à leur niveau antérieur à la crise constitue un objectif illusoire sans renforcement de la fiscalité sur les entreprises et les personnes physiques. Or, les nouvelles données de l'économie mondiale, la globalisation de celle-ci et la concurrence rigoureuse que subit notre pays, excluent sous peine de mort de notre tissu économique un tel renforcement de la pression fiscale.

Il faut cesser de ne voir dans la réduction de la ponction fiscale que l'inconvénient de la perte de recettes pour l'Etat. Il est au contraire nécessaire d'insister désormais sur les avantages d'une politique fiscale, volontariste et ciblée, destinée à stimuler l'attrait et l'activité de la place commerciale, industrielle et financière genevoise.

Empruntons donc avec détermination cette voie nouvelle, celle de la relance de l'activité économique et de l'emploi par la baisse de la fiscalité, même si cette voie, à court et moyen termes, doit s'accompagner de la réduction des charges de l'Etat et de certaines de ses prestations. L'assainissement de nos finances cantonales dans le cadre et le délai fixés par le plan de redressement voté par le peuple genevois ainsi que la nécessaire réduction de la dette publique nous y contraignent en effet. A charge au gouvernementde réaliser les économies requises et de procéder aux choix qui s'imposentde manière intelligente, c'est-à-dire sélectivement et non pas linéairement.

Merci d'avance, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à ce projet de loi.

Préconsultation

Des voix. Allez Vaudroz, allez !

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Si ce projet de loi nous obligeait, à court terme, à nous accommoder de pertes de recettes fiscales - comme certains le prétendent - les mesures qu'il contient constitueraient un investissement pour l'avenir. A long terme, elles contribueraient au maintien et à l'accroissement de nos recettes fiscales.

Ces mesures proposées doivent être considérées comme des objectifs prioritaires. En effet, l'ensemble des analyses effectuées par les milieux économiques confirment que des conditions fiscales attrayantes sont susceptibles de maintenir la compétitivité de nos entreprises. D'ailleurs, ce projet de loi vise trois points en particulier :

- Premièrement, contribuer à stimuler notre tissu économique directement par l'entrepreneur.

- Deuxièmement, atténuer notablement les effets d'une double imposition qui est pénalisante, imposition sur le capital et sur le bénéfice. Cet impôt sur le capital contribue à détériorer, dans des périodes difficiles comme celle que nous vivons, la situation financière des sociétés déjà fragilisées par les circonstances économiques.

- Troisièmement, tenter de favoriser l'arrivée de nouveaux capitaux, ce qui est important pour nos PME et PMI.

Même si le groupe DC ne partage pas la totalité des propos de l'exposé des motifs, le parti démocrate-chrétien est convaincu qu'il faut trouver des solutions dynamisantes pour nos entreprises; d'une part, pour maintenir l'emploi et, d'autre part, pour stimuler les investissements de nos entreprises. Cela leur permettra, d'ailleurs, d'être compétitives dans les marchés futurs et, à long terme bien évidemment, d'accroître les recettes fiscales.

Avec ce projet de loi, nous sommes bien loin de faire une révolution, puisque même le Conseil fédéral a fait six propositions de mesures pour une réforme de la fiscalité des entreprises qui vont dans le même sens que ce projet de loi...

La présidente. Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Jean-Claude Vaudroz. Mesdames et Messieurs les députés...

La présidente. Monsieur Vaudroz, un peu de dynamisme, s'il vous plaît ! (Rires et Brouhaha.)

M. Jean-Claude Vaudroz. C'est mon collègue !

La présidente. Allez, allez !

M. Jean-Claude Vaudroz. C'est mon collègue Genecand, Madame la présidente...

La présidente. Oui, Monsieur Vaudroz, allez-y, allez-y !

M. Jean-Claude Vaudroz. Il n'est pas encore sorti de son pétrin !

Des voix en choeur. Allez, Vaudroz, allez, Vaudroz, allez !

La présidente. Comme vous parlez de dynamisme, je vous encourage !

M. Jean-Claude Vaudroz. Ecoutez, Madame la présidente !

(La présidente fait tinter sa cloche.)

Des voix en choeur. Allez Vaudroz, allez ! (Rires.)

M. Jean-Claude Vaudroz. Madame la présidente, je crois que mon collègue Genecand n'est pas encore sorti du pétrin... (Rires.) ...mais, véritablement, il me perturbe ! (Rires.) Je dirai encore que le temps presse et qu'il faut agir vite, donc dès maintenant !

Des voix. Bravo !

M. Gilles Godinat (AdG). Plusieurs observations ont déjà été faites au sujet de ces différents projets de lois qui touchent à la substance fiscale.

La présidente. Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Pierre Vanek, s'adressant à l'orateur. Tu attends que le silence soit rétabli et puis, lorsqu'ils se taisent, tu recommences ! (Exclamations.)

La présidente. Monsieur Vanek, en principe, il convient de demander la parole avant de s'exprimer !

M. Pierre Vanek. Excusez-moi, Madame la présidente !

La présidente. Poursuivez, Monsieur Godinat !

M. Gilles Godinat. Rassurez-vous, je vais à l'essentiel ! Je soulignerai quatre points déjà évoqués par Mme Calmy-Rey.

Premièrement, dans les comparaisons au plan international - et M. Villiger l'a reconnu dans la presse - l'industrie suisse est en position favorable et Genève également.

Deuxièmement, au plan fiscal, les études montrent que ce facteur est secondaire dans l'implantation des entreprises; ce fait est reconnu, y compris par le département de l'économie publique.

Troisièmement, plusieurs études ont montré que les abaissements fiscaux pour les entreprises n'avaient pas d'effets significatifs sur la création d'emplois.

Enfin, globalement, l'effort contributif des revenus du capital reste nettement plus faible que celui des revenus du travail.

Cela dit, les deux problèmes posés par ce projet de loi sont les suivants :

Premièrement, la modalité de passage du taux proportionnel au taux progressif, d'une part, et, d'autre part, la prétention à ne favoriser que les petites et moyennes entreprises.

Deuxièmement, le problème est celui du passage du taux progressif au taux proportionnel. Nous avons voulu, par notre initiative fiscale, corriger la distorsion en montant le palier à 8%. Vous reconnaissez, aujourd'hui, qu'une partie du secteur des entreprises, ainsi que celui des banques, des assurances et les sociétés immobilières en voie de dissolution ont bénéficié de ce privilège fiscal avec l'intensité de rendement. Ce fait est connu de tous. Or, dans votre proposition, vous faites un cadeau fiscal en portant la première tranche de bénéfices à 4% à l'ensemble des entreprises. Les PME en profiteront, bien sûr, et l'ensemble des entreprises bénéficiera de ce cadeau fiscal.

En commission fiscale, les experts nous ont recommandé, pour passer du taux progressif au taux proportionnel, d'avancer par paliers et, notamment, de passer par les deux étapes 7 à 12,5%; et ensuite 8 à 11,1%.

Votre proposition est brutale, notamment sur le deuxième point qui concerne le capital. Alors qu'il s'agit de l'impôt le moins volatile et le plus sûr du point de vue fiscal, vous proposez une réduction de l'ordre de 50% ! Ainsi vous provoquez une perte de substance dans les caisses de l'Etat de l'ordre de 100 millions pour les collectivités publiques. Nous vous reprochons de ne pas avoir estimé le montant réel de cette perte et d'avoir pris cette responsabilité sans garantie pour la création d'emplois.

Il ne s'agit pas d'un projet préélectoral, mais d'un projet s'inscrivant dans une phase de politique néolibérale offensive, raison pour laquelle notre groupe ne soutiendra pas ce projet.

Mme Micheline Calmy-Rey (S). J'ai dit tout à l'heure, Monsieur de Tolédo, que le problème de la fiscalité à Genève et dans notre canton n'était pas un problème de niveau et que Genève était bien placé au plan international. Mais cela ne signifie pas que notre système ne souffre pas d'un certain nombre de défauts.

Le taux d'imposition du bénéfice des sociétés est lié au rendement du capital, soit au rapport entre le bénéfice net et la somme du capital social et des réserves. Pour un bénéfice donné, les entreprises fortement capitalisées paient moins d'impôts que les entreprises ayant plus de fonds étrangers. Les entreprises ainsi privilégiées sont les banques, les assurances, les sociétés financières et immobilières.

L'impôt sur le capital est là pour corriger le désavantage des sociétés fortement capitalisées. Il est donc lié au système d'imposition que nous connaissons aujourd'hui. Dans la même idée, existe le système de la double imposition économique, c'est-à-dire favorisant le financement des entreprises par les fonds propres, les bénéfices distribués étant imposés deux fois, une fois comme bénéfices et une autre fois dans le cadre de l'imposition des ménages.

Le projet de loi que vous déposez intervient sur tous ces points. Il instaure le taux proportionnel de l'imposition des bénéfices à 9,75%.

Le parti socialiste a déposé un projet d'imposition de taux proportionnel à 12%. Or la commission fiscale, qui travaille sur ce projet depuis plus d'un an, s'est adjoint les compétences des experts de l'université et est à même d'évaluer la proposition de l'Entente en termes de répartition de la charge fiscale.

L'adoption d'un taux proportionnel à 9,75% - les calculs ont été faits à la commission fiscale sur 10%, et on peut faire l'analogie sur la répartition de la charge fiscale, pour un taux de 9,75% - conduirait à alléger une part très substantielle des bénéfices du secteur secondaire, c'est-à-dire des entreprises de l'horlogerie, de la bijouterie, du bâtiment et du génie civil.

Par contre, dans le secteur tertiaire, une majorité des entreprises et des emplois serait plus fortement imposée que ce n'est le cas actuellement. Par conséquent, les banques, les sociétés immobilières, les assurances, les sociétés financières seraient pénalisées par le projet de loi que vous déposez, Mesdames et Messieurs de l'Entente.

M. Claude Blanc. C'est bien ce qu'on veut !

Mme Micheline Calmy-Rey. C'est ce que vous voulez, oui ! Donc, tout comme les socialistes, vous visez à une répartition différente de la charge fiscale. Bien sûr, vous corrigez votre audace presque immédiatement en introduisant un certain nombre de conditions ou de correctifs, tels qu'un taux réduit pour le bénéfice distribué à certaines conditions et une baisse très forte de l'impôt sur le capital pour la part du capital égale ou inférieure à 5 millions de francs.

Ces deux correctifs sont bien pensés, en termes électoralistes du moins, puisqu'ils touchent un grand nombre d'entreprises. Toutefois, je ressens une certaine incertitude et une forte réticence. L'incertitude vient du fait que, d'une part, votre priorité avouée est de diminuer le taux d'imposition des PME et, d'autre part, de ce que votre projet n'allégera pas forcément l'imposition des entreprises les plus fragiles. En effet, en termes d'économie d'impôt, il favorisera les entreprises dont les dividendes et le capital sont proches des maximums que vous fixez, donc les entreprises les plus importantes, sous réserve de ces maximums, précisément. Ensuite, je suis réticente par rapport au fait que vous abandonniez le principe de la neutralité fiscale, qui garantit les rentrées fiscales actuelles.

Or de l'abandon de ce principe résulte une diminution d'environ 70 millions de recettes pour l'Etat. Il est donc impensable que notre groupe accepte un projet qui engendrerait une telle perte fiscale. Cela étant, je me réjouis de travailler à ce projet en commission, en même temps qu'à celui du projet socialiste, et je ne désespère pas de vous convaincre de la nécessité de vous rallier au principe de la neutralité fiscale.

M. Michel Balestra (L). Les entreprises de notre canton sont victimes de la crise. Les faillites, les cessations d'activités, les diminutions de personnel et le chômage sont le résultat de cette conjoncture morose.

Si les statistiques de septembre faisaient de Genève le seul canton dans lequel le chômage diminuait, malheureusement celles d'octobre, publiées aujourd'hui, font état d'une légère augmentation du nombre de chômeurs, et donc d'une petite rechute. Genève est un canton convalescent dans une Suisse malade. Afin qu'il guérisse, nous devons lui administrer des vitamines.

Chacun propose ses vitamines et n'est pas d'accord avec celles prescrites par les autres. Ce projet de loi vise à alléger la fiscalité des entreprises, mais surtout à diminuer l'imposition du capital et d'une partie du bénéfice redistribué. Ces mesures devraient faciliter la recherche de capitaux pour des PME qui créent 90% des postes de travail dans notre pays.

Donner la priorité à l'emploi, c'est évidemment renforcer ce secteur des PME qui en est le principal créateur. En effet, si les PME sont plus flexibles et s'adaptent mieux que les grandes entreprises à des marchés de niches, elles sont aussi beaucoup plus fragiles que leurs grandes soeurs, essentiellement, à mon sens, parce que trop peu capitalisées et très sensibles aux conditions offertes par leur environnement économico-social. Si les grandes entreprises peuvent délocaliser leur production, dès qu'il n'est plus possible de la réaliser dans leur pays d'origine, les petites et moyennes entreprises, qui sont plus fragiles, meurent. Dès lors, de quelle manière, Monsieur Godinat ou Madame Calmy-Rey, favoriser l'investissement en capital dans des PME sans donner un signe clair par une incitation fiscale évidente ?

Heureusement, si certaines entreprises meurent, d'autres naissent et les statistiques font état, aujourd'hui, d'un nombre record de créations d'entreprises en Suisse. C'est à ces occasions, douloureuses pour la mort, et heureuses pour la naissance, qu'un grand nombre d'emplois disparaissent ou sont créés.

Ceux qui pensent que ce seul projet de loi ne résoudra pas ce problème, identifié depuis longtemps mais jamais résolu, ont bien raison. Mais j'ai parlé d'une cure de vitamines et non pas d'un sirop Typhon, universelle panacée, comme le dit si bien la chanson. Pourtant, ce projet est un signe clair de notre volonté de favoriser les investissements générateurs d'emplois dans des entreprises établies dans notre canton. A mon sens, c'est déjà beaucoup !

Trop souvent, nous avons tendance à imaginer qu'il faut favoriser la venue de nouvelles entreprises sans penser qu'il est nécessaire, en priorité, de renforcer celles que nous avons déjà. L'ensemble de ce débat sur la fiscalité, conduit par des forces politiques pleines de bon sens, fait évoluer la marche dans la bonne direction. Puisse notre Conseil, en général, et la commission fiscale, en particulier, en extraire la substantifique moelle, afin de permettre le retour de Genève sur la route du succès !

M. Pierre Kunz (R). Il est réjouissant que ce soir, enfin, ce Grand Conseil se penche sur des projets fiscaux iconoclastes et nouveaux. Il est bon que nous nous engagions sur des voies nouvelles et que nous puissions traiter en même temps de quatre ou cinq projets de cette nature.

A ce stade, il me paraît nécessaire de rappeler aux conservateurs que sont devenus les mouvements de gauche... (Rires.) ...à tous les inquiets de la neutralité des recettes, à tous les sceptiques et les découragés de tous bords, ce que disait et répétait le président Roosevelt... (Rires sur les bancs de la gauche.) ...un de vos amis, dans les années 30... (Brouhaha.) - Eh oui ! - ...pour convaincre la classe politique justement, l'intelligentsia, et les médias américains d'adhérer au New Deal : «Ce dont le pays a besoin, ce qu'il demande - disait-il - est un ensemble de réformes audacieuses. Choisissons des solutions et essayons-les !».

Des voix. Aahh ? Oohh !

M. Pierre Kunz. Mais c'est votre ami Roosevelt qui s'exprimait ainsi ! (Brouhaha.) Si elles ne conviennent pas, admettons-le franchement et essayons alors autre chose. Mais, par-dessus tout, Mesdames et Messieurs les députés, le président Roosevelt poursuivait...

Des voix. Encore !

M. Pierre Kunz. Attendez, je n'ai pas fini !

La présidente. Mais alors, dites tout ce qu'il disait... Allez-y!

M. Pierre Kunz. Et il poursuivait : «Les dogmes du passé tranquille sont inaptes au présent tempétueux.» (Brouhaha.)

La présidente. Un peu de silence s'il vous plaît !

M. Pierre Kunz. Il y a bien longtemps que je me demandais à qui me faisait penser M. Blanc ! (Brouhaha.)

Des voix. A Roosevelt !

La présidente. Parlez-vous bien de la motion, Monsieur Kunz ?

M. Pierre Kunz. Madame la présidente, vous me permettrez de répondre, étant donné que j'ai été interrompu !

La présidente. C'était juste pour savoir de quoi on parlait !

M. Pierre Kunz. Alors, attendez, je vais d'abord répondre à M. Blanc !

M. Claude Blanc. J'ai rien dit du tout ! (Eclats de rire.)

M. Pierre Kunz. Bon, alors je renonce à lui répondre, pour gagner du temps !

La présidente. Je sais bien qu'il y a eu le repas, mais tout de même ! (Exclamations.) Mais enfin, Monsieur Kunz, poursuivez ! Ne vous laissez pas impressionner ! Allez !

M. Pierre Kunz. J'attends, Madame la présidente, que vous rétablissiez l'ordre !

La présidente. Oh, mais il ne se rétablira pas; il faut continuer à parler !

M. Pierre Kunz. J'ai tout le temps, Madame la présidente !

La présidente. Non, justement, votre temps est limité ! Allons-y !

M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs les r... députés... (Eclats de rire.) ...nous sommes...

Une voix. Ça suffit !

La présidente. Cela fait plus de cinq minutes... (Rires et applaudissements.) Je vous en accorde encore une, mais dans le silence ! Dans le silence, Monsieur Dupraz ! Voulez-vous vraiment que je suspende la séance ? Continuez, Monsieur Kunz, il vous reste une minute pour conclure !

M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs les députés, nous, les radicaux, sommes convaincus que la relance économique est possible. Elle passe, notamment, par l'amélioration - et cela a déjà été dit - des conditions fiscales des PME qui forment le tissu économique. Il faut préciser d'emblée que cette action sur la fiscalité des PME ne suffira pas. Elle doit s'accompagner d'un élargissement de l'assiette fiscale, pour les personnes physiques comme pour les personnes morales.

S'agissant des personnes morales, pour les entreprises en général, certains ont prétendu que si on faisait un cadeau fiscal à ces entreprises, elles n'auraient aucune raison de répercuter ces avantages en créant des emplois.

Eh bien, c'est mal connaître les conditions de concurrence sévères qui règnent sur les marchés et le fonctionnement de l'entreprise, par la même occasion ! Il est pourtant aisé de comprendre que si la rentabilité d'une entreprise augmente, elle deviendra plus compétitive...

Des voix. Aaahhh ? Bravo !

M. Pierre Kunz. ...et elle vendra donc mieux ! Et si elle vend mieux, elle entreprendra de fabriquer davantage, et elle finira bien, vous en êtes certainement convaincus, par embaucher, puisqu'elle disposera de débouchés supplémentaires, surtout si, de surcroît, elle peut accéder plus aisément au marché des capitaux. C'est exactement à cela que vise le projet de loi !

Des voix. Bravo !

M. David Hiler (Ve). J'estime que le député Kunz a fait le tour de la question, et je renonce à mon temps de parole. (Rires et applaudissements.)

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Madame la présidente, je renonce... pour d'autres raisons ! (Rires.)

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.

PL 7525
6. Projet de loi de Mme et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, René Longet, Christian Ferrazino, Gilles Godinat et Chaïm Nissim allouant une subvention à la Fondation Elapsoïdea. ( )PL7525

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Une subvention de 50 000 F est allouée à la Fondation culturelle Elapsoïdea comme participation au fonctionnement du Vivarium.

2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.

Art. 2

Cette subvention est subordonnée à l'octroi de subventions complémentaires provenant de:

a) la Ville de Genève;

b) la commune de Meyrin.

Art. 3

L'urgence est déclarée

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le Fondation culturelle Elapsoïdea est née en 1982 sous l'impulsion de plusieurs herpétologues amateurs de Genève. Dix ans après sa création, elle inaugure (22 novembre 1992) un vivarium public au 32A, rue du Cardinal-Journet à Meyrin.

Pour financer la construction du bâtiment dont le coût total est de 2 400 000 F, les membre du Conseil de fondation réussissent à récolter en 1991-1992 plus de 600 000 F qui constitueront leurs fonds propres, obtiennent du département des travaux publics un droit de superficie et contractent auprès de la Banque cantonale de Genève un prêt hypothécaire de 1 750 000 F.

Aujourd'hui, les membres de la Fondation sont dans l'impossibilité d'assumer tout le poids financier que représente le fonctionnement de l'institution. La Fondation a besoin pour survivre d'une subvention annuelle de 110 000 F.

Dans la conjoncture économique actuelle, toutes les démarches entreprises par la Fondation pour l'obtention de sponsoring ou soutiens privés se sont avérées négatives. Sans une aide urgente des autorités, le Vivarium sera contraint de fermer ses portes en cette fin d'année. C'est pourquoi les membres de la Fondation estiment désormais indispensable d'obtenir une subvention de l'Etat de Genève (50 000 F), de la Ville de Genève (30 000 F) et de la commune de Meyrin (30 000 F).

L'utilité du Vivarium ne fait aucun doute, en atteste le nombre croissant de visiteurs (plus de 70 000 depuis son ouverture). Des milliers d'enfants du canton et des régions avoisinantes s'y rendent chaque année, ainsi que plusieurs clubs d'aînés et personnes de l'université du troisième âge.

La Fondation dispense des cours pour les jeunes, elle possède une école d'herpétologie qui accueille chaque année 80 jeunes. La Fondation dispense également des cours de formation continue, elle forme les pompiers et des associations de samaritains.

La Fondation met à disposition des écoles du matériel pédagogique et une bibliothèque spécialisée, elle fournit du venin aux laboratoires de recherches.

La Fondation possède la base de données la plus performante du monde concernant les serpents venimeux et le traitement des morsures (plus de 45 000 références). Elle travaille en étroite collaboration avec l'Hôpital cantonal universitaire en cas d'urgence.

De plus, la Fondation, en accord avec les offices vétérinaires, fédéral et cantonal, récupère chaque année plus de 100 reptiles et insectes. Elle sensibilise les amateurs à la réglementation en vigueur et constitue un relais de qualité. Elle est une étape pour les candidats qui souhaitent obtenir le certificat fédéral de capacité pour gardiens d'animaux sauvages et exotiques.

Le bénévolat des quatre membres de la Fondation dépasse aujourd'hui les 100 000 heures de travail. La qualité de leur travail n'a jamais été démentie.

Persuadée de l'utilité du Vivarium, la Banque cantonale de Genève a consenti à capitaliser les intérêts impayés et à accorder un allégement des charges de la dette hypothécaire en appliquant un taux préférentiel de 3%. Il faut maintenant que cet effort soit appuyé solidairement par des collectivités publiques, d'où le principe de ce projet de loi.

En conclusion, le Vivarium Elapsoïdea offre non seulement un lieu à caractère culturel et social, mais il contribue en outre régulièrement à divers types de formation et remplit une mission non négligeable sur le plan médical.

C'est pourquoi nous pouvons vous proposer de prélever sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat une subvention de 50 000 F, subordonnée à l'effort d'autres collectivités, et vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi afin de permettre au Vivarium de rester un lieu vivant.

4

Préconsultation

M. John Dupraz. C'est le serpent à sonnettes du Grand Conseil ! (Brouhaha.)

La présidente. Monsieur Dupraz ! On va écouter M. Blanc !

Une voix. Ça m'étonnerait ! (Brouhaha.)

M. Claude Blanc (PDC). Il y a quelques années, un certain nombre de personnes, probablement animées de bonnes intentions, mais n'ayant pas beaucoup étudié le problème qui se posait, ont décidé, d'une manière quelque peu téméraire à mon avis, de tenter une Xe expérience pour créer un musée. En effet, ce type de création est assimilable à tous les musées de notre canton qui nous coûtent la peau des fesses, si ce n'est celle du serpent ! (Rires.) On aurait pu y penser avant !

En lisant dans le projet du budget de fonctionnement de l'an prochain que les recettes de la Fondation Elapsoïdea couvrent la moitié de ses dépenses, je constate, en effet, que les participants à cette entreprise audacieuse ont fait preuve d'une certaine témérité. Vraisemblablement, ils n'en ont pas assez étudié les tenants et les aboutissants.

Etant proche des pouvoirs publics de ma commune, je me suis inquiété de ce qui se passait. Les promoteurs ont contacté les autorités communales en leur demandant un «coup de pouce», afin de lancer leur fondation. «Pour le reste - ont-ils dit - nous nous engageons à nous financer nous-mêmes.» Alors, la commune de Meyrin, naïve, a fait un geste initial en leur versant 50 000 F. M. Vodoz nous dira ce que l'Etat a versé. A mon avis, la banque hypothécaire s'est avancée inconsidérément dans ce projet, mais on verra tout à l'heure que ce n'est pas la première fois ! Ce qui devait arriver est arrivé : on s'aperçoit que cette affaire n'est pas viable, et on demande aux pouvoirs publics de suppléer à la somme qui manque au budget, soit la moitié de celui-ci.

Si, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous engagez à verser le montant de 50 000 F qui vous est demandé, subordonné à 30 000 F pour la Ville de Genève et à 30 000 F pour la commune de Meyrin, c'est à «perpète» que vous vous condamnez à verser de l'argent ! Il convient de savoir que le Conseil administratif de la commune de Meyrin a fait une proposition au Conseil municipal avec un préavis négatif. Il estime avoir déjà donné, et n'a pas la possibilité de soutenir une entreprise aussi téméraire.

Quant au financement de ce projet de loi, permettez-moi de m'étonner davantage ! De qui se moque-t-on ? La proposition de prélever cette somme sur le droit des pauvres est aberrante. Mais avez-vous pensé à l'énormité de ce que vous avez avancé ? On sait bien pourquoi le droit des pauvres existe ! Ce n'est sûrement pas pour payer les fantasmes «serpentins»... (Rires.) ...de certains téméraires. Je ne pense pas que nous ayons le droit d'utiliser le droit des pauvres pour se moquer du monde !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je répondrai à M. Blanc qui estime que les députés signataires de ce projet de loi sont téméraires. Eh bien oui, Monsieur Blanc, nous aimons vivre dangereusement, et nous assumons !

Ensuite, j'aimerais vous dire que ce projet de loi a deux particularités. Vous les avez soulignées. La première, en effet, concerne ce crédit que nous demandons, qui est subordonné à l'octroi d'autres crédits d'autres collectivités, de manière que les efforts soient conjoints pour la survie du vivarium. La Banque cantonale a fait le premier pas, puisqu'elle a accepté de faciliter les problèmes hypothécaires du vivarium.

Oui, Monsieur Blanc, vous avez raison, la survie du vivarium dépend d'un choix. Le parlement décidera si c'est le bon, mais il faut décider maintenant s'il doit fermer ses portes ou si plusieurs collectivités s'unissent pour le faire vivre.

Le deuxième point que vous avez souligné concerne le prélèvement sur le droit des pauvres. En effet, Monsieur Blanc, dans l'article de loi, il est écrit que le droit des pauvres est versé à raison de 30% à l'Etat pour être affecté à des activités et à des entreprises en faveur de la santé publique et du bien-être social. Le vivarium répond à l'un des aspects de cet article de loi sur le droit des pauvres, puisque ses membres donnent des cours de formation et de premier secours aux samaritains, aux pompiers et, certaines années, aux ambulanciers et qu'ils mettent à disposition du sérum pour l'hôpital. C'est pour cette raison que nous avons rédigé ainsi ce projet de loi. Maintenant, si vous avez d'autres idées pour trouver ce financement, je suis ouverte à vos propositions.

M. Max Schneider (Ve). Notre groupe s'est beaucoup concerté à propos de ce financement. Il émet certaines réserves quant au coût annuel de cette fondation. A part la charge salariale, le service de la dette, dont Mme Reusse-Decrey a parlé et qui, apparemment, est réglé, la charge de fonctionnement est extrêmement élevée. Elle résulte d'un chauffage électrique... (Brouhaha.) ...nécessaire pour maintenir une température relativement élevée au sein de ces locaux.

Toutefois, si l'on devait apporter un soutien financier à cette fondation, il conviendrait de faire une analyse énergétique de cet ensemble et trouver un moyen de chauffage plus adapté, afin de réduire ces charges de fonctionnement. L'OCEN a déjà investi pas mal d'argent pour l'éclairage. Je propose donc le renvoi en commission, afin que l'on puisse, entre autres, étudier cette question.

Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Je demande la discussion immédiate.

La proposition de discussion immédiate est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Une voix. Assis et couché !

Le sautier compte les suffrages.

La proposition de discussion immédiate est adoptée par 35 oui contre 34 non.

Premier débat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je dirai juste deux mots sur la discussion immédiate. Votre demande est de bonne guerre, après ce qui s'est passé tout à l'heure. Nous entamons la discussion, puisqu'elle a été demandée et acceptée. (Brouhaha.)

Des voix, imitant le sifflement des serpents. SSSSSSSSS !

La présidente. Chut, les serpents dorment la nuit !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. J'avise que je demanderai l'appel nominal, et tous ceux qui voteront «non» auront une mygale sur leur paillasson demain matin ! (Eclats de rire.)

La présidente. Poursuivez, Madame Reusse-Decrey !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Je désire dénoncer une chose ici. Le jour où ce projet de loi a été déposé, il était signé par tous les partis. Le Conseil d'Etat ayant appris le dépôt de ce projet de loi a visiblement repris une partie de ses troupes en main, et, comme par hasard, un certain nombre de signatures a disparu. C'était justifié pour certaines, mais pas pour toutes. Je suis surprise de voir, en particulier, deux des signataires de ce projet de loi voter ce soir la discussion immédiate pour le rejeter.

S'ils ont envie de dire qui ils sont, ils le diront eux-mêmes ! Je pense à deux personnes, en particulier, qui n'avaient aucune raison de retirer leur signature et qui, ce soir, ont voté contre ce projet de loi. Je demande à ces deux personnes pourquoi il faut voter en discussion immédiate et, surtout, pourquoi il faut voter non à ce projet de loi.

Premièrement, le vivarium - je l'ai dit - apporte un certain nombre d'aspects positifs sur la question de la santé et de la formation aux premiers secours. M. Haegi a été très surpris d'apprendre que, si le vivarium fermait, ce serait le travail du vétérinaire cantonal de s'occuper, environ trois cents fois par an, des animaux exotiques, plus ou moins charmants, que des touristes bien intentionnés ramènent de leurs voyages et abandonnent peu de temps après. C'est lui qui les amène immédiatement au vivarium; si ce dernier ferme, le vétérinaire cantonal se débrouillera !

Le deuxième aspect concerne les écoles. Il serait intéressant que Mme Brunschwig Graf nous indique le nombre de classes qui, annuellement, se rendent au vivarium.

En troisième lieu, il y a l'aspect de la formation. Le vivarium est habilité à former des candidats à l'obtention du CFC de gardien d'animaux sauvages et exotiques.

Enfin, le vivarium possède une base de données unique au monde, qu'il a élaborée patiemment.

Il me paraît que tous ces éléments suffisent à convaincre que ce vivarium doit continuer à exister.

M. Pierre Kunz (R). Chaque année, ce Grand Conseil vote des millions de francs de subvention en faveur d'associations, d'institutions et de fondations pour l'unique raison qu'elles ont toujours reçu ces sommes, sans se demander, en toute sincérité, en quoi elles sont réellement utiles à notre communauté genevoise.

Or, nous savons - en tout cas, moi je sais - ce que Elapsoïdea fait pour notre canton ! Et nous savons, par expérience, l'engagement, la ténacité et les compétences de ceux qui oeuvrent au sein de cette fondation. Voilà pourquoi il est utile, surtout en discussion immédiate, que nous décidions que l'Etat doit aider, pas tout seul bien sûr, cette fondation à survivre.

M. Bernard Lescaze (R). Le problème posé par cette fondation et son vivarium est connu, non seulement de ce Grand Conseil mais de plusieurs communes. Au-delà de l'intérêt, sur lequel nous pourrons revenir, des activités qui s'y déroulent, il faut, malgré tout, rappeler la sécheresse de quelques chiffres. La fondation ne serait pas dans cet état si elle n'avait pas consenti, de manière très imprudente, à faire un investissement disproportionné par rapport à ses moyens, en construisant elle-même un vivarium et, pour ce faire, en empruntant des fonds.

En réalité, la subvention qu'on nous demande, en nous disant que les élèves viendront, et que ce sera très intéressant pour eux, doit servir essentiellement, à couvrir une partie - pas la totalité, car les banques ont déjà fait un effort - des importantes charges immobilières que la fondation a sur le dos.

Nous l'avons déjà dit dans un autre cénacle, à savoir en ville, ses activités sont intéressantes. On pourrait imaginer une aide au fonctionnement réel de la fondation, car son budget prévoit, hors charge immobilière, 100 000 F de déficit par an. De temps en temps, on doit tout de même reconnaître que les membres de cette fondation calculent largement. Par exemple, l'an dernier, ils avaient prévu 355 000 F de rentrées et n'ont eu que 80 000 F de recettes. Mais peu importe ! On pourrait imaginer de les aider, à condition qu'ils soient déchargés du «boulet» que constitue la dette de leur immeuble. Or, à mon avis, il n'appartient pas à l'Etat, ni à la Ville de Genève - puisque le vivarium n'est pas sur son territoire - de prendre en charge, soit les frais immobiliers du vivarium, soit de racheter leur immeuble avec les charges hypothécaires afférentes. Si une commune doit le faire, c'est bien celle de Meyrin ! Je suis heureux de voir que, dans cette assemblée, au moins un député qui est proche de Meyrin, semble être d'accord avec mes propos.

Que Meyrin fasse d'abord l'effort ! Nous, en tout cas, nous ne sommes pas d'accord, et pensons qu'il n'est pas normal que ce Grand Conseil soit appelé à voter une subvention qui ne servira pas tant à développer ou à maintenir les activités du vivarium qu'à payer les charges immobilières que, pour l'instant, cette fondation ne paie pas.

Au-delà des 2,4 millions de départ figurant dans la proposition des députés qui la soumettent au vote, s'ajoute un arriéré de dette s'élevant à plus de 2 millions. C'est dire que, sur le plan financier, la fondation est dans une situation très délicate et que nous ferions presque de l'acharnement thérapeutique en maintenant artificiellement cet établissement, alors que sa situation doit d'abord être assainie.

A ce moment, lorsque la fondation n'aura plus que les charges normales relatives aux visites du vivarium, à l'aspect didactique concernant les élèves des écoles, aux échanges avec d'autres vivariums - cela fait aussi partie de ses activités - nous pourrons entrer en matière. Mais, pour l'instant, c'est prématuré, car aucun des problèmes réels de la fondation n'est résolu et nous ne pouvons pas le faire par le vote de ce projet de loi. En l'état, nous sommes donc contre ce projet de loi.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Lescaze nous propose d'attendre pour intervenir que le vivarium n'existe plus. Il ne se soucie que des problèmes financiers du vivarium en omettant deux choses :

La première - et c'est curieux de votre part, Monsieur Lescaze - est de négliger l'apport important de fonds propres s'élevant à plus de 600 000 F, récoltés par la fondation provenant de fonds privés, pour jeter les bases de cette fondation. Un effort non négligeable a été fait pour lancer ce projet. Aujourd'hui, il s'agit d'un appel de fonds, en l'occurrence relativement modeste, par le biais d'une subvention de 50 000 F. Vous prétendez que la commune de Meyrin doit faire l'effort en premier de soutenir le vivarium et que ce dernier doit trouver d'autres solutions pour assainir sa situation. Or, si nous ne votons pas cette subvention, il y a fort à craindre que le vivarium ne puisse plus continuer ses activités.

D'autre part, Monsieur Lescaze, vous ne pouvez pas limiter votre intervention à une analyse strictement financière en occultant le rôle éducatif que cette fondation joue. Même en admettant que vous vouliez l'occulter - et M. Unger serait mieux placé que moi pour le rappeler - vous ne pouvez pas nier, outre le caractère culturel et social de cette fondation, qu'elle a une mission beaucoup moins connue, celle qu'a rappelée, tout à l'heure, Mme Reusse-Decrey et qui revêt une très grande importance. Il s'agit d'une activité concernant la santé publique : la création d'antidotes à partir du venin de serpents mis au service de l'hôpital, ce qui permet de sauver des vies humaines.

Par conséquent, celles et ceux qui ont demandé la discussion immédiate, l'ont fait, je l'espère, pour accepter cette subvention, comme l'a rappelé M. Kunz, tout à l'heure, puisque ce Grand Conseil peut se reconnaître dans les objectifs qu'elle poursuit. En tout cas, si on devait occulter l'aspect culturel et éducatif - comme M. Lescaze l'a fait - il me semble que l'on pourrait difficilement négliger l'aspect médical. Il serait particulièrement grave que le Grand Conseil manifeste le mépris le plus total pour cette fondation en refusant la subvention, particulièrement modeste, qui est proposée.

M. Armand Lombard (L). L'intervention de mon collègue Ferrazino m'intéresse, car elle attire notre attention sur la véritable utilité de cette fondation, ce qui n'a pas encore été fait dans ce débat.

Monsieur Ferrazino, sans bien connaître cette fondation, je reconnais son importance dans un lieu comme Genève. Je m'imagine, sans pouvoir l'affirmer, que des centres pour serpents venimeux, autres que celui de la fondation Elapsoïdea, existent dans des régions où il n'y a pas besoin de «cultiver» au chaud des vipères et autres sortes de bestioles... Sans doute, doit-on pouvoir en trouver dans les partis libéraux, non pas seulement à Genève, mais ailleurs dans le monde.

Sans vouloir diminuer la valeur du travail de cette fondation, il ne faut pas en surestimer l'importance, ni pour Genève ni pour les vies humaines qui en dépendent. D'ailleurs, elles n'en dépendent certainement pas.

Je regrette que cette fondation soit victime d'un certain nombre de décisions prises dans une période euphorique appartenant au passé, où tout le monde a pu bénéficier facilement de subventions et durant laquelle les milieux bancaires ont octroyé des crédits, entre autres, à ceux qui ont entrepris de réaliser cette fondation. Il est vrai que, à l'époque, on a vu trop grand. De pareilles suites financières sont apparues dans de multiples situations, mais l'Etat n'a pas l'obligation, ni ce Grand Conseil d'ailleurs, de réparer les erreurs de base, navrantes, il faut le reconnaître, qui ont été commises. Les banques responsables, qui ont octroyé des crédits, doivent se préoccuper de ce genre de situation.

Je ne comprends pas pourquoi une entreprise privée qui sauve des vies - en admettant qu'elle les sauve; c'est peut-être possible, après tout - ne trouve pas le financement nécessaire par le biais de subventions privées. Pourquoi l'Etat devrait-il sauver cette entreprise, alors que, vraisemblablement, la vente du projet auprès des membres de la fondation n'a pas été suffisante ? Combien d'autres sociétés dans la cité ont, me semble-t-il, des projets moins intéressants que celui-là, et vivent du soutien de leurs membres ?

Dans ce projet de loi, il apparaît que, dans la conjoncture économique actuelle, toutes les démarches entreprises par la fondation en vue de l'obtention de soutiens privés se sont avérées négatives. Alors, pourquoi le jardin botanique, le musée d'histoire naturelle obtiennent-ils des fonds privés en plus des subventions accordées par la Ville ? La participation des membres extérieurs est très importante et soutient de telles entreprises.

Donc, malgré tout le respect que j'ai pour cette fondation, ce n'est ni à notre Grand Conseil ni aux contribuables de financer un tel projet. Cette fondation doit assainir ses bases financières, et c'est difficile, puisque auparavant des efforts financiers sont à faire sur le plan immobilier. Elle doit s'adresser au secteur privé et au secteur bancaire avant de demander une aide à l'Etat. C'est pourquoi nous nous opposerons à ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Je reprends au vol les propos de M. Lombard pour affirmer que le monde médical n'a pas attendu l'apport significatif de cette fondation pour résoudre les problèmes inhérents à la thérapie par les venins de serpents.

Il est vrai que cet apport est utilisable, mais on ne nous fera jamais croire qu'il est indispensable aux progrès de la médecine et à la thérapie susmentionnée. Cette dernière lui est bien antérieure, et peut donc s'en passer.

Lors de son intervention, M. Lescaze a fait l'honneur à M. Kunz de penser qu'il était de Meyrin. Je lui dénie cet honneur. M. Kunz habite Laconnex et travaille à Vernier. Il n'a donc rien à voir avec le budget de la commune de Meyrin dont il n'est aucunement contribuable. Par conséquent, j'affirme que la commune de Meyrin a été abusée, à l'époque, par les promoteurs de la fondation qui lui ont fait croire qu'un simple coup de pouce initial leur suffirait. Aujourd'hui, on nous dit que ce coup de pouce initial ne suffit pas et que le budget doit être financé, pour moitié, par les pouvoirs publics.

Si nous avons été crédules à une certaine époque et que l'on a spéculé sur notre naïveté, cela ne signifie pas que nous devons persister dans l'erreur. Par conséquent, nous devons mettre un terme à cette expérience désastreuse.

M. Hervé Burdet (L). Je suis toujours surpris de voir à quel point ce Grand Conseil a la mémoire courte.

En effet, en date du 30 novembre 1995, il a déposé sur son bureau, à titre de renseignement, un rapport de ma main sur la fondation Elapsoïdea. Ce rapport, pour l'essentiel, décrivait tout ce qui a été dit ce soir et soulignait, à l'unanimité de la commission, la gravité de la situation financière de la fondation qui devait absolument trouver un arrangement pour son bâtiment. Celui-ci a la particularité d'être sis sur un terrain propriété de l'Etat - première collectivité publique impliquée - dans la commune de Meyrin - seconde communauté impliquée. L'endettement est si lourd que la fondation n'aura jamais, à vue humaine, les moyens de le couvrir.

Mme Reusse-Decrey m'accuse d'avoir voulu signer le projet de loi, puis de m'être dérobé. Mme Reusse-Decrey voudra bien reconnaître que je lui ai expliqué que l'article 1, qui alloue une subvention de 50 000 F, équivaut à un emplâtre sur une jambe de bois et que l'intervention du droit des pauvres est impossible; que l'article 3, qui décrète l'urgence, n'est pas de mise.

A partir de là, je présume que ce Grand Conseil proposera d'enterrer ce projet de loi qui ne tient pas debout. Mais il faut bien savoir que soit l'Etat, propriétaire du terrain, soit la commune de Meyrin, dans laquelle ces installations sont situées, soit la Ville de Genève qui, traditionnellement, s'occupe des musées dans cette République, devront, tôt ou tard, prendre la situation en main, parce que tous, ou l'un ou l'autre, en hériteront.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Sans refaire l'histoire, nous reconnaissons que des erreurs financières ont été commises. Mais quand M. Lescaze nous conseille d'attendre et d'assainir quelque peu les finances pour juger de l'opportunité ou non d'un soutien; quand j'entends M. Lombard tenir le même discours et dire : «Il faut revenir à des budgets plus modestes et on verra...», je réponds que nous ne verrons rien ! A défaut d'une garantie d'octroi de subvention, le vivarium fermera le 31 décembre.

Je fais remarquer à M. Lombard que ce n'est ni l'Etat ni le Grand Conseil qui subventionneront en totalité le vivarium. Il s'agit de lui allouer 50 000 F, en association avec d'autres collectivités. C'est donc un effort conjoint.

Monsieur Burdet, excusez-moi ! Vous avez signé les articles que vous venez de critiquer; je ne les ai pas changés après votre signature. (Exclamations.) Non, je n'ai rien changé à ce que M. Burdet a signé ! Alors qu'il ne dise pas que ces articles sont mauvais !

On a critiqué la gestion et d'autres choses encore. Ceux qui connaissent les lieux et le travail important qui s'y effectue auront relevé, dans le budget, un montant de 80 000 F pour les salaires et les charges sociales. Cela signifie l'importance du bénévolat. Chacun fait des efforts. Et la BCG, depuis le rapport de M. Burdet, a donné un premier signe dans ce sens en incitant d'autres collectivités à faire de même. C'est cela qui a changé depuis votre rapport, Monsieur Burdet !

Je souligne que cette demande de subvention ne constitue pas un oreiller de paresse. Il faut un investissement humain énorme pour qu'un tel lieu fonctionne avec seulement 80 000 F de salaires.

M. Hervé Dessimoz (R). Je m'exprime en tant que député représentant la collectivité de Meyrin.

En 1991, lors de l'octroi du droit de superficie par l'Etat de Genève, j'ai relu le Mémorial. A l'époque, je m'étais opposé à la proposition du président d'alors du département des travaux publics de concéder ce droit de superficie à la fondation Elapsoïdea, car j'estimais les prévisions budgétaires annoncées totalement irréalisables.

En cela, je considère qu'il faut avoir un comportement logique, nonobstant l'histoire, les événements, l'existence même de cette construction sur le territoire de notre commune, du fait que beaucoup d'enfants de ma connaissance, les miens et leurs amis, portent une attention particulière à ce lieu et aux animaux qu'il accueille.

C'est peut-être le moment de mener une réflexion sur les décisions qui ont été prises et celles que nous prendrons. En effet, le projet de loi traite le sujet d'une manière cavalière. Il le présente comme s'il s'agissait simplement de voter une clause d'urgence et d'octroyer 50 000 F pour sauver, soi-disant, une institution.

Figurez-vous que de nombreuses institutions, existant dans le monde économique, mériteraient les efforts demandés ce soir ! Je ne veux mettre la faute sur quiconque, une majorité de ce parlement ayant voulu la création de cette fondation et la BCG ayant consenti un prêt au taux de 3% - à faire rêver les commerçants qui cherchent à sauver des emplois, Madame Reusse-Decrey ! - mais ne nous reprochez pas d'exiger un temps de réflexion et une totale transparence quand ladite fondation ne fait même pas figurer dans son budget le droit de superficie octroyé par l'Etat, alors que celui-ci est censé lui fournir encore 50 000 F !

Je vous propose de reprendre votre projet de loi et de le présenter à nouveau en toute transparence, avec la réalité des chiffres que vous exigez de M. Vodoz lors de la soumission du budget. Cette réalité des chiffres est également exigée des patrons qui doivent fermer leur entreprise et qui sont accusés d'incompétence, parce qu'ils mettent au chômage des collaborateurs auxquels ils tenaient beaucoup.

Pour avoir assumé ce débat, pour n'avoir pas appuyé cette demande, mais pour apprécier le travail des collaborateurs d'Elapsoïdea, je pense utile de mener une réflexion globale...

Une voix. En commission ?

M. Hervé Dessimoz. Pas en commission, à moins que vous ne retiriez l'article 3, parce que ça, c'est trop ! Vous n'admettriez pas la clause d'urgence pour la dizaine de projets de lois que je suis à même de vous présenter pour sauver des entreprises genevoises !

M. Pierre-François Unger (PDC). M. Ferrazino m'ayant attribué je ne sais quels défauts ou qualités, son langage n'étant pas toujours d'une droiture évidente... (Rires.)

M. John Dupraz. Tu te laisses dire ça ?

M. Pierre-François Unger. ...je désire apporter quelques précisions à ses propos. Il a énoncé des choses exactes, s'agissant de faits scientifiques touchant à la fondation, et d'autres inexactes.

La fondation ne procure pas des antidotes à l'hôpital par grandeur d'âme, puisque leur fourniture relève d'une obligation, entrée en vigueur le 25 juin 1986, et figurant dans le règlement M 6 5. Cela antidate l'existence même de la fondation, alors que les collectionneurs d'animaux venimeux existaient déjà, j'en conviens, et qu'ils avaient accepté de fournir les sérums correspondants aux risques qu'ils encouraient et faisaient encourir à la population.

En revanche, cette fondation offre, sur le plan scientifique, une banque de données de tout premier ordre et de niveau mondial, ainsi que des venins - pas des sérums ! - d'un intérêt biologique fascinant, puisqu'il n'existe pas un seul laboratoire de biologie moléculaire au monde qui n'utilise telle ou telle molécule de venin pour tester des actions biologiques de certaines protéines.

Dès lors, nous pouvons décider la fermeture de la fondation et, par conséquent, la perte de ces deux richesses. Nous pouvons aussi laisser brûler une bibliothèque...

En ce qui me concerne, je ne voterai pas ce projet de loi, parce qu'il recourt à un mode de financement - le droit des pauvres - qui ne me semble pas convenable. De plus, la clause d'urgence ne me paraît pas évidente, puisqu'elle a été quasiment sollicitée, il y a une année, et qu'en fait sa demande est renouvelée aujourd'hui.

Je regrette que ce projet de loi n'aille pas en commission. Il aurait été intéressant d'entendre les représentants de l'université. Nous aurions pu discuter, au moins, du rachat de la banque de données et de l'entretien éventuel du vivarium en raison de son extraordinaire richesse biologique et scientifique pour la recherche médicale.

Je demande donc le renvoi de ce projet en commission.

M. René Longet (S). Après avoir entendu MM. Unger et Dessimoz, toute personne de bon sens admettra que nous menons, depuis une demi-heure, un débat de commission, et qu'il ne vaut pas la peine que nous nous disputions pour 50 000 F si la valeur des travaux d'Elapsoïdea est celle évoquée par M. Unger. D'ailleurs je n'en doute pas, puisque j'ai cosigné le projet de loi.

Nous pouvons en rester là si le Grand Conseil renvoie le projet en commission.

Je voudrais simplement attirer votre attention sur le budget, figurant à la page 4, qui a suscité des critiques totalement contradictoires : pour les uns c'est un gouffre; pour les autres un emplâtre sur une jambe de bois ! Ce budget a été calculé au plus près. Il présente un déficit d'environ 110 000 F, dont la répartition est prévue, notamment par le projet de loi, et sans que le canton en assume la totalité. Ce n'est donc pas une solution de facilité. Les efforts sont répartis et les collectivités citées, à savoir la Ville de Genève et la commune de Meyrin, n'entreront en action que si elles le veulent, l'octroi de notre propre subvention étant lui-même lié à leur décision.

Ce système évite l'effet dominos, car il oblige les collectivités à se concerter, et c'est ce qu'elles doivent faire.

Je pose la même question que M. Burdet : que se passera-t-il si personne ne fait rien ? Qu'adviendra-t-il des animaux ? Où les caser ?

Traiter ce problème par le biais des structures existantes, gérer le transfert des reptiles, reviendra bien plus cher que de profiter du savoir-faire de bénévoles et de professionnels dans des lieux adéquats. Il est donc un peu facile de prétendre, aujourd'hui, qu'il est impossible de sauver cette institution. Elle représente un capital en termes de connaissance, de compétence et d'expérience. Il serait irresponsable de la supprimer pour une somme de 50 000 F, puisque ce serait à nous d'assumer la gestion des installations, une fois l'institution fermée !

Il faudra considérer tous ces problèmes en commission, dresser un inventaire, analyser objectivement la situation et trouver une solution pour assumer ce qui existe, et dont beaucoup, ici, ont dit grand bien.

M. Michel Ducret (R). La question qui nous est posée est la suivante : faut-il assumer ce qui existe dans la structure actuelle ? Nous avons accepté la discussion immédiate, parce que vivarium et fondation sont deux choses différentes.

Nous avons affaire à un groupement qui a réussi à édifier une institution, certes intéressante, mais qui demande maintenant de l'argent à la collectivité publique - outre les nombreux avantages accordés lors de sa création - après avoir juré ses grands dieux que le fonctionnement et la rentabilité seraient totalement assurés par des bénévoles. Tout indiquait que cela ne pourrait être le cas, au point que le Conseil municipal de la Ville de Genève l'avait reconnu et avait refusé sa subvention de départ à l'époque. Cela n'a pas empêché ensuite le Conseil administratif de faire don d'un minibus à la fondation sans en référer au Conseil municipal.

Maintenant, nous sommes en face d'un budget avec ses salaires et ses charges. Le bénévolat se dissout peu à peu dans les réalités !

Nonobstant l'intérêt et les aspects culturels et scientifiques de l'institution, nous ne pouvons accepter l'octroi d'une subvention, en raison de ce qui s'apparente à une quasi-escroquerie morale, et non à des erreurs, comme l'ont prétendu certains préopinants.

Face aux inconséquences économiques de sa gestion et de ses prévisions, que cette fondation renonce ! Si le vivarium doit subsister, qu'il soit offert à une collectivité en échange de bons soins, et que la dette immobilière, trop lourde dès le départ, soit assainie.

Nous ne pouvons subventionner cette fondation, car nous avons été trompés. Ne serait-ce que pour cela, ce projet de loi est inacceptable.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Après avoir écouté les interventions de MM. Dessimoz et Unger, les auteurs du projet de loi sont d'accord de retirer la clause d'urgence, qui supprime le droit au référendum.

Comme nous voulons bien amender le projet de loi dans ce sens, nous redemandons un vote formel de renvoi en commission.

M. Pierre Meyll (AdG). J'interviens sur le renvoi en commission. Lors de notre séance du 30 novembre 1995, nous avions relevé ce qui suit dans le rapport : «La fondation souligne qu'elle a reçu environ cinquante-quatre mille visiteurs depuis octobre 1992 - dix mille adultes, dix mille jeunes, dix mille élèves et quinze mille gratuités diverses - soit à peu près vingt mille visiteurs par an. Elle fait donner par des bénévoles des cours de familiarisation avec les reptiles chaque année et a ainsi contribué à la formation de quatre-vingts élèves, cent cinquante pompiers et d'un bon nombre de samaritains. Elle a collaboré avec l'office vétérinaire cantonal et surtout l'office vétérinaire fédéral pour prendre en charge quelque deux cent cinquante reptiles depuis sa création.»

Si l'on reproche à ces gens une gestion d'amateur, alors prenons le mot «amateur» dans son sens étymologique, c'est-à-dire «aimer». De nombreux bénévoles travaillent effectivement pour cette association. Les salaires sont uniquement dus aux personnes qui ont la réelle occupation professionnelle d'assurer, chaque jour, l'entretien des reptiles et de l'immeuble. Il s'agit là de tâches journalières qui doivent être rétribuées.

Le projet de loi peut être revu en commission d'une manière plus sereine.

M. Ducret exagère en affirmant que ces gens ont trompé la communauté. J'ai eu connaissance de ce vivarium à l'occasion de différentes expositions organisées à Balexert, et, bien que je ne partage pas les idées de M. Kunz, je reconnais la valeur de son mécénat en l'occurrence.

Je vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission et de revoir les comptes. En effet, le droit des pauvres y figure pour un montant de 10 000 F, alors que ce sont les gens de la fondation qui sont pauvres.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

PL 7465-A
7. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH). ( -) PL7465
Mémorial 1996 : Projet, 3511. Commission, 3514.
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission des finances

Dans sa séance du 11 septembre 1996, la commission des finances a examiné le projet de loi 7465 visant à l'approbation des modifications apportées aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH). En abaissant de 24 à 16 le nombre des membres du comité de gestion de la CEH, cette modification de statuts a pour but d'introduire dans la CEH la nouvelle structure établie par la loi sur les établissements publics médicaux (K 2 1) à teneur de la révision du 5 janvier 1995. Les établissements hospitaliers ont été réduits alors de 5 à 2, diminuant d'autant le nombre d'employeurs, selon la législation fédérale (LPP). C'est ainsi que les hôpitaux universitaires de Genève (HUG) sont désormais régis par un conseil d'administration de20 membres contre, précédemment, 4 conseils d'administration comportant64 membres.

La nouvelle structure du comité des gestion de la CEH comprendrait16 membres, à raison de 4 membres nommés par l'employeur HUG et4 membres élus par les assurés, les 8 autres membres correspondant à l'article 82, lettres b à f, inchangé.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, a rappelé que les représentants de la CEH s'opposaient à la réduction du nombre des membres du comité de gestion qui affecterait avant tout les représentants de l'hôpital cantonal. M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat, a, pour sa part, signalé que le projet de loi présenté pouvait être considéré comme une conséquence de la réforme hospitalière votée par ce Grand Conseil, il y a deux ans. Sur le plan juridique, les quatre employeurs précédents ont été supprimés pour n'en conserver qu'un seul: le Conseil d'administration des HUG. Cette nouvelle organisation présente un gros avantage pour le personnel, notamment en cas de changement d'affectation, puisque ces derniers ne réintroduisent plus la période probatoire, la période de trois ans et l'acte de nomination, comme auparavant dès que l'on passait d'un établissement à l'autre.

Ce projet de loi n'a certainement pas une portée politique fondamentale, mais il vise à la mise en ordre du comité de gestion de la CEH pour l'adapter à la nouvelle donne hospitalière. La diminuition du nombre de membres devrait avoir une heureuse influence sur l'efficacité du comité de gestion.

En réponse à une interrogation de la commission, le conseiller d'Etat Segond a souligné que la représentation par site avait toute son importance dans le cadre du fonctionnement ordinaire des hôpitaux, mais non dans le cadre du fonctionnement de la caisse de retraite, où l'appartenance de l'employé actif aux différents sites n'a pas de sens. La gestion de la CEH ne dépend pas, en effet, du nombre de sites. D'ailleurs, la multiplicité des sites fait que tous ne pourraient être représentés, même en conservant un Comité de gestion élargi à 24 membres.

La question de la transmission des informations, qui serait facilitée en cas de représentation par site, a été abordée par la commission qui a cependant jugé que les relais souhaités pouvaient s'effectuer par des circulaires et que les avantages de la simplification apportée par la modification des statuts présentée l'emportaient très largement sur des inconvénients non démontrés. Pour ces motifs, la commission des finances vous recommande, Mesdameset Messieurs les députés, d'approuver le projet de loi tel que présenté, par 7 oui (2 L, 2 R, 2 DC, 1 Ve) contre 4 non (2 S, 2 AdG).

Premier débat

M. Dominique Hausser (S). Rassurez-vous, Madame la présidente, je parlerai moins de deux minutes !

La présidente. Vous avez tout votre temps, Monsieur le député, nous sommes en premier débat.

M. Dominique Hausser. Les socialistes s'opposent à ce projet de loi et, ce faisant, soutiennent le conseil d'administration qui considère bien fonctionner avec vingt-quatre membres, répartis en groupes de travail dynamiques et de taille adéquate. La réduction d'un tiers de ce conseil d'administration en perturbera le fonctionnement.

Par ailleurs, la démarche consiste à revoir la structure en ne touchant qu'aux délégués des hôpitaux universitaires de Genève, sous prétexte que les autres institutions ne peuvent être fractionnées du fait que les employeurs, respectivement les employés, n'ont qu'un représentant. C'est ce que le Conseil d'Etat nous a dit.

Le mieux étant l'ennemi du bien, je vous recommande de maintenir la structure actuelle du conseil d'administration de la CEH et de rejeter ce projet de loi.

M. Bernard Clerc (AdG). Je relève que le rapport de M. Lescaze ne fait pas mention de la position de la CEH, qui a été auditionnée par la commission. L'usage aurait pourtant voulu que référence soit faite à la position des organes de la caisse, qui ont unanimement déclaré leur opposition à ce projet de loi.

On veut, en quelque sorte, le bonheur des personnes concernées contre leur gré. Nous n'acceptons pas cette manière de faire, d'autant plus que les responsables de la caisse nous ont expliqué que leur travail, notamment en commission, nécessitait la collaboration des vingt-quatre membres actuels. Eu égard à la disponibilité des membres du personnel dans les organes de la caisse, une représentation plus réduite ne permettrait plus d'assumer les tâches nécessaires.

C'est pourquoi notre groupe ne votera pas ce projet de loi.

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Il est clair que lorsqu'il s'agit de réduire le nombre de membres de conseils - d'administration ou de fondation - ceux qui sont en place, craignant pour leur mandat, s'y opposent, et je regrette que certains députés se fassent l'écho de telles revendications.

Je m'en étonne d'autant plus que ces mêmes députés ont accepté récemment, sans coup férir, la diminution des membres du conseil d'administration de l'Hospice général. Voici quelques années, on a également abaissé le nombre des membres du conseil d'administration de la BCG.

Les explications fournies par le chef du département de l'action sociale et de la santé sont parfaitement claires à cet égard. Elles coïncident avec la tendance générale à une certaine réduction des membres des conseils d'administration en Suisse, de façon à les rendre plus efficaces.

D'ailleurs, la diminution de vingt-quatre à seize n'est pas drastique. Le motif invoqué, à savoir qu'il n'y a plus qu'un seul hôpital universitaire, est parfaitement valable, à partir du moment où la nouvelle loi sur l'hôpital universitaire de Genève a été adoptée. Je crois me souvenir que tant le parti socialiste que l'Alliance de gauche avaient accepté cette loi. Il s'agit de l'appliquer logiquement jusqu'au bout. Il me semble d'ailleurs que sur ce point-là j'étais parfois plus réservé, à titre personnel, que les députés qui viennent de s'exprimer.

C'est pourquoi je vous demande de voter le projet de loi tel qu'il a été accepté par la majorité de la commission des finances.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyancedu personnel des établissements publics médicaux du cantonde Genève (CEH)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Champ d'application

1 Les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH) sont approuvées.

2 Les textes modifiés sont annexés à la présente loi.

Art. 2

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er mars 1998.

ANNEXE

Modifications des statuts (CEH)

Art. 82 (nouvelle teneur)

B. Comité Composition

1 Le comité est désigné pour 4 ans. Son mandat commence le 1er mars de l'année qui suit celle du renouvellement du Conseil d'Etat et du Grand Conseil. Il comprend 16 membres, soit:

a) Hôpitaux universitaires de Genève:

  1° 4 membres nommés par l'employeur,

  2° 4 membres élus par les assurés;

b) Clinique de Joli-Mont et clinique genevoise de Montana:

  1° 1 membre nommé par l'employeur,

  2° 1 membre élu par les assurés;

c) Etablissements publics socio-éducatifs pour person-nes handicapées mentales:

  1° 1 membre nommé par l'employeur,

  2° 1 membre élu par les assurés;

d) Autres institutions affiliées à la CEH:

  1° 1 membre nommé par l'employeur,

  2° 1 membre élu par les assurés;

e) Le chef du département de l'action sociale et de la santé ou le coordinateur des caisses de prévoyance publiques cantonales;

f) Un pensionné de la CEH, élu par les membres retraités.

PL 7304-A
8. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi instaurant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée (B 5 16). ( -) PL7304
Mémorial 1995 : Projet, 6012. Commission, 6013.
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission des finances

A la fin de l'année dernière, le Conseil d'Etat déposait un projet de loi, à propos de l'encouragement à la retraite anticipée, qui n'était en réalité qu'une «modification rédactionnelle permettant d'assurer l'égalité de traitement entre femmes et hommes dont l'âge légal de la retraite est fixé à 62 ans, soit exclusivement le corps enseignant primaire et une partie du personnel manuel des départements des travaux publics et de l'énergie (DTPE) et de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIEAR)».

En effet, dans l'ancienne version, un homme pouvait toucher une rente temporaire jusqu'à 65 ans, alors que, pour une femme, la rente temporaire s'arrêtait dès l'ouverture du droit à la rente AVS (62 ans), alors même que leur âge légal de retraite était fixé pour l'un et l'autre sexe à 62 ans.

L'acceptation du projet de loi proposé aura pour effet que la rente temporaire ne sera plus servie pour les hommes comme pour les femmes relevant du cas précité à partir de 62 ans.

Le 10 janvier 1996, la commission des finances a entendu le conseiller d'Etat M. Olivier Vodoz et M. Patrick Pettmann, directeur du département des finances. Ils ont souligné que ce projet de loi ajoutait une condition à l'article 3, alinéa 1, permettant de rétablir l'équation résultant du PLEND, soit la proportionnalité entre l'anticipation de l'âge de la retraite et la durée du PLEND. Cette modification rédactionnelle est apportée à la demande du DIP qui avait constaté cette inégalité de traitement entre hommes et femmes.

Certes, au niveau de l'Etat, une clause d'interdiction empêche les bénéficiaires du PLEND de travailler en temporaire dans des organismes étatiques ou paraétatiques. Une liste des personnes au bénéfice du PLEND a été dressée pour pouvoir permettre des contrôles, car si ce phénomène est possible, au sens de la loi, pour le secteur privé, il ne correspond en tout cas pas à l'esprit du PLEND qui représente également un élément de luttre contre le chômage. La commission des finances, ce jour-là, vota une première fois le projet, à l'unanimité des onze membres présents.

Toutefois, des fonctionnaires du secteur manuel ont fait part de leur opposition, en raison de revenus prétendument insuffisants si la modification était adoptée. Ces deux fonctionnaires avaient, en effet, été engagés avant le 1er juillet 1976, soit avant le passage de l'âge légal de la retraite de 62 à 65 ans.

Face à cette situation, la commission a décidé d'auditionner les représentants de l'Intergroupe du personnel manuel de l'Etat, tandis que pour préciser la portée de la modification envisagée, M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, adressait au président de la commission, M. Daniel Ducommun, en date du 18 mars 1996, une lettre ayant la teneur suivante:

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Dans sa séance du 3 avril 1996, la commission a reçu MM. Thierry Hostettler, Jean Resin et Daniel Sormanni, de l'Intergroupe du personnel manuel de l'Etat. Ces derniers ont souligné que, pour eux, le projet de loi constituait une discrimination entre le personnel manuel engagé avant le 1er juillet 1976 et celui engagé après, puisque les uns peuvent toucher 5 ans de PLEND jusqu'à 62 ans seulement et les autres 5 ans de PLEND jusqu'à 65 ans. Ils ajoutent que 80 à 90% du personnel engagé sous le régime des 62 ans a continué à travailler jusqu'à 65 ans. Or, l'un des objectifs du PLEND était de ne pas créer une situation précaire pour ceux qui souhaitaient le prendre. La modification proposée irait à l'encontre de cet objectif puisqu'elle toucherait surtout les revenus «modestes» de certains fonctionnaires manuels. En conclusion, les représentants de l'Intergroupe déposent auprès de la commission un projet d'amendement éventuel (voir annexe 1).

Dans sa séance du 24 avril 1996, la commission des finances est revenue une dernière fois sur le sujet en présence de M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, qui a proposé de maintenir le projet de loi sans changement ni amendement, et de M. Patrick Pettmann, directeur au département des finances.

Il est alors précisé par les deux responsables que le projet avait été élaboré en tenant compte d'une information selon laquelle les deux départements concernés, DTPE et DIEAR, n'entendaient plus prolonger les contrats des personnes engagés avant le 1er juillet 1976 au vu de la conjoncture actuelle. Il est vrai que la situation des travailleurs manuels est assez différente de celle des enseignants du primaire, qui doivent quitter impérativement leur poste à 62 ans. Souvent, ces travailleurs manuels n'ont pas encore atteint le maximum du droit à la retraite, ce qui les incite à prolonger leur engagement.

Un fait nouveau est apparu. Les prolongations restent toujours possibles et il suffit de les demander. Dans ces conditions, il est évident que le projet de loi peut être laissé en l'état, la limite d'âge étant en fait de 65 ans pour toutes les personnes du secteur manuel, compte tenu de cette possibilité.

Après enquête, on constate que la quasi-totalité des travailleurs manuels engagés avant le 1er juillet 1976 font la demande d'une prolongation afin d'avoir le plus d'annuités possible. Il s'agit donc de ne pas léser des travailleurs n'atteignant pas des montants de cotisation suffisants.

Le but est d'éviter qu'un travailleur manuel qui arrive à 61 ans et demi touche un PLEND sur 5 ans, mais de confirmer que ceux engagés avant le 1er juillet 1976 peuvent prolonger leur travail jusqu'à 65 ans. L'article 16 du Règlement B 52 mentionne bien cette possibilité. Sur cette base, et moyennant l'accord formel des responsables de personnel concernés, il n'y a plus d'empêchement à voter le projet de loi proposé. Il convient toutefois de mentionner que le revenu des 69 personnes concernées oscille entre 70 000 F et 115 000 F par an.

Prenant acte de ces déclarations, la commission des finances a confirmé, le 24 avril 1996, son vote à l'unanimité en faveur de l'adoption du projet de loi 7304. Elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même, après avoir pris connaissance, en annexe, des lettres de confirmation de l'accord intervenu signées par les conseillers d'Etat responsables du DTPE et du DIEAR.

Annexes: 1. Projet d'amendement de l'Intergroupe du personnel manuel de l'Etat.

 2. Lettres de MM. Philippe Joye et Claude Haegi, conseillers d'Etat.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

11

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Pour rassurer d'avance les députés qui se plaindraient que le personnel n'ait pas été écouté, j'ai joint à mon rapport l'échange intégral des lettres et demandes. Aujourd'hui, je puis dire que les gens que ce projet de loi inquiétait en sont maintenant satisfaits.

M. Bernard Clerc (AdG). Nous avions voté ce projet, parce qu'une solution avait été trouvée en commission. En effet, on nous avait dit que les chefs des deux départements concernés acceptaient que les personnes engagées avant 1976 puissent continuer à travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite, pour ne pas être prétéritées.

Nous avons reçu les lettres après avoir voté le projet, ce que M. Lescaze reconnaîtra volontiers. Leur teneur, telle que publiée en pages 10 et 11, diffère de ce que l'on nous a dit en commission, à savoir que les personnes concernées pouvaient continuer à travailler jusqu'à l'âge légal de leur retraite.

Or la lettre de M. Philippe Joye dit textuellement : «Il ne faudrait pas que, suite aux récentes tractations, les collaborateurs concernés donnent une interprétation différente en concluant que ce qui était une faculté deviendrait un droit.» M. Haegi s'exprime de même : «Une poursuite des rapports de service jusqu'à 65 ans est possible, mais n'est pas systématique et ne constitue pas un droit absolu.» Cela veut dire que la promesse d'une retraite normale n'est pas garantie, puisque les chefs des départements pourront décider, si je puis dire, à la tête du client.

Nous serions d'accord de voter ce projet pour autant que nous ayons la garantie formelle que ces personnes, si elles le demandent, puissent continuer à travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite.

M. Laurent Moutinot (S). J'abonde dans le sens de M. Clerc.

La législation sur le PLEND est lacunaire. En effet, les soixante-neuf travailleurs manuels engagés avant le 1er juillet 1976 pouvaient, en vertu de l'ancienne législation, bénéficier d'un PLEND de huit ans, alors que celui-ci n'est que de cinq ans.

Il fallait donc corriger cela. Or le projet qui nous est soumis a pour effet de réduire le PLEND à cinq ans et d'introduire une autre lacune, à savoir que ces travailleurs ne peuvent bénéficier du PLEND que de 57 à 62 ans : entre 63 et 65 ans, on ne sait diable de quoi ils vivront !

L'intergroupe des travailleurs manuels, entendu pas la commission des finances, a proposé d'aligner, purement et simplement, le PLEND sur les autres catégories professionnelles, soit sur la durée de 60 à 65 ans. La commission a refusé cette proposition, et vous en avez expliqué la raison, Monsieur le rapporteur : vous avez argué d'un fait nouveau, à savoir que la prolongation de l'engagement, au-delà de 62 ans, était possible pour ces travailleurs.

L'intergroupe des travailleurs manuels en a pris acte, comme l'a dit M. Clerc, mais il faut que cette possibilité soit sérieuse, reconnue, et qu'il n'y ait pas de refus, comme cela a été le cas récemment.

Par conséquent, Monsieur Vodoz, nous ne pouvons accepter ce projet de loi que si vous nous confirmez catégoriquement qu'il ne s'agit pas simplement d'une faculté laissée au bon vouloir des chefs de département, mais véritablement d'une politique qui sera poursuivie dans le sens de la précédente, c'est-à-dire l'acceptation des demandes de prolongation d'engagement de cette catégorie de fonctionnaires qui figurent dans les basses classes salariales de l'Etat, parce qu'exécutant des tâches manuelles.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'entends clairement confirmer ici ce que j'ai déclaré, d'une part, à la commission des finances et, d'autre part, ce que j'ai dit à mes collègues, après avoir reçu leurs deux lettres, conformément à ce que j'avais demandé et à ce qui avait été avalisé par la commission.

En d'autres termes, il ne s'agit pas, pour cette petite catégorie du personnel, de refuser - sauf survenue d'un cas de force majeure qui n'aurait rien à faire avec l'âge de 62 ans - la possibilité de prolonger l'engagement jusqu'à l'âge de 65 ans, comme il est d'usage dans les deux départements qui emploient encore des travailleurs manuels.

Par conséquent, j'affirme ici - et je le confirmerai mercredi au Conseil d'Etat - que ces travailleurs bénéficieront de cette prolongation exceptionnelle de 62 à 65 ans, en raison du niveau de leur salaire et de leur entrée dans la fonction publique souvent plus tardive que celle des collaborateurs des autres catégories professionnelles.

M. Laurent Moutinot (S). Monsieur Vodoz, compte tenu des assurances que vous nous donnez, le groupe socialiste votera ce projet de loi.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi instaurant des mesures d'encouragementà la retraite anticipée

(B 5 16)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi instaurant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée, du 15 décembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 3, al. 1 (nouvelle teneur)

Rente temporaire

1 Jusqu'à l'âge où le membre du personnel peut nor-malement prétendre à une rente de l'AVS, mais au maxi-mum pendant une durée égale à la différence entre la date de démission et l'âge légal de retraite fixé par les dispositions statutaires qui lui sont applicables, une rente temporaire égale à 20% du dernier traitement mensuel de base à l'exclusion de toute indemnité peut être versée par l'employeur sous forme mensuelle, dès la fin des rapports de service. Dans tousles cas, la durée du versement de la rente temporaire nepeut excéder 5 ans, à dater de la cessation des rapports de service.

Art. 2

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996.

PL 7393-A
9. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (jugements arbitraux) (D 3 6). ( -) PL7393
Mémorial 1996 : Projet, 1552. Commission, 1553.
Rapport de majorité de M. Michel Halpérin (L), commission fiscale
Rapport de minorité de M. Gilles Godinat (AG), commission fiscale

La commission fiscale du Grand Conseil, sous la présidence de M. Nicolas Brunschwig, a consacré une partie de ses séances des 2, 16 et 30 avril à l'examen de ce projet de loi.

Le texte proposé par le Conseil d'Etat. le conseiller d'Etat Olivier Vodoz, président du département des finances, de revoir les conditions financières dans lesquelles il est procédé à l'imposition, par prélèvement d'un droit d'enregistrement, des sentences arbitrales rendues à Genève lorsqu'elles doivent être déclarées formellement exécutoires par un tribunal étatique.

Il est rappelé que l'arbitrage est un mode de résolution des conflits par recours à des juges désignés par les parties, juges qui ne sont pas nécessairement des magistrats professionnels. Il est fréquemment recouru à l'arbitrage dans des litiges à caractère hautement technique (l'arbitre est dans ces cas-là le plus souvent un expert) ou dans des conflits à caractère commercial que les parties, pour des raisons de compétence, d'efficacité, de rapidité ou de discrétion, ont choisi contractuellement de soumettre à l'arbitrage plutôt qu'à la justice publique.

L'arbitrage commercial est largement répandu. Il est réglementé et structuré très fréquemment par des instances constituées à cet effet, par exemple la Chambre de commerce internationale à Paris.

Genève, depuis longtemps, a une tradition d'arbitrage, soit sur des questions relevant du droit international public (affaire de l'Alabama, de l'Enclave de Taba, etc...) soit également dans le domaine du droit privé.

La Chambre de commerce et d'industrie de Genève a mis au point son propre règlement d'arbitrage.

Notons aussi que l'arbitrage fait l'objet d'une législation spécifique suisse (Concordat sur l'arbitrage approuvé par le Conseil fédéral le 27 août 1969; Loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 dont le chapitre XII est consacré à l'arbitrage international).

Lorsqu'une sentence arbitrale est rendue, elle est, normalement, exécutée par les parties à la cause.

Mais si l'une d'entre elles se soustrait à cette exécution, sa mise en force suppose l'enregistrement par un tribunal public qui lui donne ainsi sa force obligatoire et permet son exécution forcée.

C'est cette procédure d'enregistrement qui est soumise à prélèvement d'un droit en vertu de l'article 124 de la loi sur les droits d'enregistrement.

Dans sa teneur actuelle, la disposition précitée prévoit un droit proportionnel au montant de la sentence. C'est dire que dans des litiges importants, le montant de droit peut être extrêmement élevé. Cette situation se révèle pénalisante pour Genève puisque les autres cantons ne connaissent pas, ou pas au même niveau, cet enregistrement à taux proportionnel.

Ainsi, les praticiens de l'arbitrage tendent à préférer situer hors de Genève, par exemple dans le canton de Vaud, le siège du tribunal arbitral.

Après vérification, le département des finances a pu déterminer qu'entre 1984 et 1995 seules dix décisions d'arbitrage avaient été enregistrées, produisant des recettes fiscales globales d'environ 20 000 F.

La proposition du Conseil d'Etat consistait donc à plafonner les droits d'enregistrement à un maximum de 100 000 F (correspondant à un montant litigieux de 10 000 000 F). Majoré des centimes additionnels, c'est donc un total de 21 000 F qui serait mis à la charge de la partie souhaitant l'enregistrement de la sentence.

La commission a procédé à l'audition d'un représentant de la Chambre de commerce et d'industrie, Me Jacques Revaclier, avocat pratiquant à Genève et notamment dans le domaine de l'arbitrage et de Mme Neuenschwander, directrice de la division de l'enregistrement, des successions et des impôts fonciers.

Au cours de son audition, Me Revaclier a souligné que si le canton de Vaud perçoit également des droits proportionnels, ils sont plafonnés à 1 800 F; le canton de Fribourg est en train d'abroger purement et simplement les droits d'enregistrement en matière arbitrale; quant aux cantons qui sont souvent sièges d'arbitrage, Zurich, Bâle-Ville, Berne et le Tessin, ils perçoivent au maximum 3 000 F.

Au cours de son audition, le représentant de la Chambre du commerce a fait également remarquer que la rédaction de l'article 124 laissait à désirer.

** *

La commission a renoncé à une nouvelle rédaction de l'article 124. En effet, il est apparu que l'ensemble de la loi sur le droit d'enregistrement est en train de faire l'objet d'une refonte au sein de l'administration.

Si la rédaction de l'article 124 paraît aujourd'hui peu satisfaisante, il est préférable, de l'avis de la commission, de s'en tenir en l'état au seul sujet du montant des droits et de permettre à l'administration de présenter, quand elle sera prête, une proposition de remise en forme de l'ensemble de la loi.

C'est en définitive par 8 oui contre 4 abstentions (S et ADG) que l'entrée en matière a été acceptée.

Soucieux de marquer clairement la vocation arbitrale de Genève, certains commissaires ont souhaité s'écarter du projet de loi 7393 en plafonnant à 1 500 F le montant des droits d'enregistrement prélevés. Il leur apparaît en effet que, d'une part, les recettes fiscales pour Genève sont de toute façon insignifiantes puisque seule une petite fraction des arbitrage donne lieu à enregistrement, donc à prélèvement d'un droit. D'autre part, si le canton fait l'effort d'assurer à Genève une compétitivité raisonnable dans le domaine de l'arbitrage, il est à préférer que cet effort se traduise concrètement, de sorte que Genève soutienne favorablement la comparaison avec les autres cantons suisses et en particulier Zurich.

Le président du département s'est rallié à ce point de vue.

La commission s'est ensuite attachée à ce que la modification proposée, portant sur l'article 124, alinéa 4, soit doublée d'une modification identique de l'article 124, alinéa 2, lettre b) (enregistrement de sentences homologuant des accords transactionnels entre parties).

Cet amendement a été adopté par 7 oui (L, PDC, R) contre 4 non (ADG, V et S) et une abstention (S).

L'amendement supplémentaire portant tant sur l'alinéa 2 que l'alinéa 4 de l'article 124 et prévoyant qu'il ne sera perçu aucun centime additionnel a été également adopté par 7 voix contre 4 et 1 abstention.

Sur le vote d'ensemble, le projet de loi 7393, tel qu'amendé par la commission fiscale, a été adopté par 7 oui (L, R, PDC) contre 5 non (S, ADG, V).

La majorité de la commission fiscale a donc l'honneur de vous prier d'accepter le projet de loi 7393 amendé.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition du Conseil d'Etat

Dépôt: 4 décembre 1995

PL 7393

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur les droits d'enregistrement(jugements arbitraux)

(D 3 6)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit:

Art. 124, al. 4, lettre b (nouvelle teneur)

b) à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut excéder la somme de 10 000 F, sur toute condamnation au paiement de sommes ou à des prestations;

 Certifié conforme Le chancelier d'Etat: Robert HENSLER

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

«L'arbitrage international dit «privé» ou «commercial» n'a cessé de prendre de l'importance à notre époque. (...) L'arbitrage, aussi bien interétatique que «privé», correspond à une vieille tradition suisse et notre pays est fidèle à sa vocation en accueillant depuis fort longtemps sur son sol des arbitrages de tout genre, dont l'objet n'a souvent aucune ou peu de relations avec la Suisse ou ses habitants. Pareille réputation doit être préservée.» (Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur le droit international privé, FF 1983 I, p. 442-443.)

La renommée internationale de Genève est notoire: Genève est par excellence la ville internationale.

Elle se veut particulièrement attractive et compétitive. Ainsi, récemment encore, soit durant l'année 1994, non seulement la Cour AELE et l'Organisation mondiale du commerce ont établi leur siège dans notre canton ainsi que la Cour de la CSCE, mais encore le Centre international d'arbitrage de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a pris ses quartiers à Genève. En collaboration avec le milieu arbitral, la mise en place d'une Cour internationale spécialisée dans les litiges commerciaux est examinée.

On mentionnera également le nombre important d'arbitrages soumis par les parties aux règles de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève (CCIG), voire de la Chambre de commerce internationale (CCI, dont le siège est à Paris) qui se déroulent à Genève et qu'il serait dommage de voir diminuer.

Actuellement, tout jugement arbitral statuant sur un litige entre étrangers rendu exécutoire par le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève est obligatoirement soumis à la formalité de l'enregistrement (article 124, alinéa 4, de la loi sur les droits d'enregistre-ment - ci-après LDE). Ainsi, un droit proportionnel de 1%, plus centimes additionnels de 110% - soit un taux global de 2,1% - est perçu sur toutes condamnations au paiement de sommes ou à des prestations (article 124, alinéa 4, lettre b, LDE).

Lors de l'élaboration de cette loi dans la seconde moitié des années 60, la volonté d'imposer les étrangers choisissant Genève pour arbitrer leurs différends a été clairement exprimée. Un taux de 1% a alors été fixé pour ne pas pénaliser financièrement ce genre d'opérations (Mémorial du Grand Conseil 1965, p. 915, et 1968, p. 3241).

Or, avec l'importance des indemnités en dommages et intérêts auxquelles une partie peut de nos jours être condamnée, un impôt, même au taux relatif de 2,1%, devient prohibitif.

Il convient d'ajouter à cela que Genève est, avec Fribourg, le seul canton suisse à percevoir un droit d'enregistrement sur les sentences arbitrales. Une telle situation est bien évidemment pénalisante pour Genève en regard des places concurrentes que sont Zurich, Bâle, voire Lausanne et Berne.

Par conséquent, nous vous proposons de faire plafonner le montant du droit proportionnel à 10 000 F, ce qui représente 1% de 10 000 000 F. Compte tenu des centimes additionnels actuels, le montant maximum de l'impôt s'élèverait ainsi à 21 000 F.

Tels sont les motifs pour lesquels, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions de bien vouloir approuver le présent projet de loi.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Les enjeux du projet de loi 7393 sont à saisir davantage dans l'ordre des principes que dans l'ordre quantitatif des recettes fiscales.

Comme il ressort de l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, l'activité d'arbitrage, tant sur le plan politique que sur le plan commercial, a placé Genève à quelques occasions, sous les feux de la scène internationale. Une salle illustre de notre Hôtel de ville en évoque un épisode flatteur pour Genève : la salle de l'Alabama.

L'arbitrage est déjà largement décrit dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, ainsi que par le rapporteur de majorité.

Il suffit, ici, de rappeler que l'arbitrage commercial a pris une importance croissante, en lien avec les conflits d'intérêts de groupes économiques en rivalité sur le marché mondial.

La Suisse ne connaît pas d'instance constituée adaptée à cette situation, mais la pratique privée s'est développée par l'entremise des services juridiques privés, soumis aux règles de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève (CCIG), ou à celles de la Chambre de commerce internationale.

La loi genevoise prévoit dans la partie consacrée aux droits d'enregistrement (LDE), que tout jugement arbitral qui prend force exécutoire lorsqu'il est enregistré par un tribunal public, est soumis à une imposition proportionnelle de 1%, plus les centimes additionnels, soit actuellement 2,1%, concernant le montant des sentences arbitrales.

En comparaison intercantonale, le principe d'un tel prélèvement ne concerne que Genève et Fribourg. La Chambre de commerce et d'industrie de Genève (CCIG) avait demandé en juin 1995 au président du département des finances, M. Vodoz, de plafonner un tel prélèvement à 1 500 F prenant ainsi exemple sur les émoluments pratiqués dans d'autres cantons (VD: 1 800 F, ZH: 3 000 F, BS: 1 500 F).

Le Groupe genevois d'arbitrage, membre de l'Association suisse d'arbitrage, appuyait cette demande, envisageant même, de concert avec la CCIG, la suppression pure et simple des droits d'enregistrement.

Les travaux de la commission se sont concentrés sur la nécessité ou non de garder un taux proportionnel et sur le principe du plafonnement.

La loi sur les droits d'enregistrement est actuellement en révision et la responsable de cette division au sein de l'administration fiscale,Mme Neuenschwander, a insisté pour que la commission conserve le principe de la proportionnalité afin de préserver la systématique de la loi.

La commission a respecté ce principe.

Par contre, la question du plafonnement a fait l'objet de controverses dans la commission.

Le président du département des finances, M. Vodoz, s'est fait l'avocat d'un alignement sur Zurich, à savoir plafonner les droits d'enregistrement à hauteur de 3 000 F.

Un amendement proposé par le rapporteur de majorité visait à supprimer le prélèvement des centimes additionnels, afin d'entrer en concurrence avec la place financière zurichoise.

C'est précisément cette logique que nous contestons. En effet, entrer dans la spirale de la concurrence fiscale intercantonale est destructeur pour l'avenir des recettes fiscales, et, à terme, amène un abaissement général des rentrées fiscales et ne fait qu'aggraver la crise budgétaire.

Les informations obtenues auprès de l'administration révèlent que depuis deux ans, le canton concurrent voisin, le canton de Vaud, dont le régime est plus favorable en la matière que notre canton, n'a connu aucun jugement arbitral. Seule la concurrence zurichoise est une réalité, et cela reste à démontrer.

Enfin, il aurait été préférable, à notre avis, d'attendre la révision complète de la LED, actuellement en cours, plutôt que de précipiter une modification partielle, dont la portée réelle est plutôt d'ordre symbolique.

La majorité de la commission tient toutefois à donner un signal pour suivre la demande de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève. Nous ne pensons pas qu'une modification précipitée a valeur d'un signal, et le respect du travail en cours au sein de l'administration fiscale nous paraît prioritaire.

Pour ces motifs, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, pour le moins, de respecter le principe d'un plafonnement identique à celui pratiqué à Zurich, afin d'éviter la sous-enchère fiscale.

Premier débat

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de minorité. Une erreur typographique figure dans mon texte, mais peu importe. Par contre, je souhaite proposer un amendement qui ne figure pas dans mon rapport, parce que je le supposais implicite dans le projet de loi du Conseil d'Etat. Afin de donner un signal inverse à l'évolution récente de certaines propositions sur la fiscalité, je désire, effectivement, à la lettre b), alinéa 4, de l'article 124, porter le montant de 10 000 F à 20 000 F. Ce serait un plafond tout à fait acceptable, étant donné les enjeux soumis aux jugements arbitraux. De plus, la place de Genève présente un attrait suffisant pour que ce montant ne soit pas dissuasif.

La présidente. Votre amendement porte donc sur la modification, à l'article 124, alinéa 4, lettre b), du montant de 1 500 F ainsi porté à 2 000 F... Non, à 20 000 F ! Le projet de loi, lui, indique le montant de 1 500 F.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, je ne m'étonne pas de votre lapsus tant la proposition qui nous est faite est étrange, pour ne pas dire pittoresque !

Le projet de loi qui vous est soumis est, économiquement, d'une modestie totale. Nous parlons actuellement des taxes d'enregistrement prélevées lorsqu'un jugement, rendu par des arbitres, doit - parce qu'il est difficilement exécutable par l'une des parties - être enregistré par la caisse du tribunal pour acquérir sa force obligatoire qui permet de l'appliquer, au besoin de force et au besoin à l'étranger.

Depuis le XIXe siècle en tout cas, Genève attire non seulement l'arbitrage de droit international public, comme dans l'affaire de l'Alabama ou celle de Tabah entre l'Egypte et Israël, mais aussi des arbitrages de caractère privé, qui sont un des facteurs dans lesquels une activité entrepreneuse importante est exercée en des circonstances renforçant l'internationalité de notre ville.

Nous avons constaté que le système actuel prévoit le prélèvement d'une taxe, proportionnelle aux montants litigieux en jeu, très élevée dans son énoncé : lorsque l'arbitrage porte sur des millions, le droit d'enregistrement porte sur des dizaines ou des centaines de milliers de francs, avec, pour résultat, que les arbitrages tendent à être rendus ailleurs, par exemple dans le canton de Vaud ou à Zurich, où il n'y a, pour ainsi dire, pas de taxe d'arbitrage.

Au demeurant, prélever plusieurs dizaines de milliers de francs pour un simple tampon apposé sur un acte relève plutôt de l'impôt que de la taxe.

Cela dit, la commission a estimé que nous ne devions pas rester en rade sur de telles propositions et que nous devions être plus compétitifs, notamment en regard de Zurich.

C'est très exactement ce dont nous avons discuté cet après-midi, sauf qu'ici l'échelle est modeste. Jugez plutôt ! Entre 1984 et 1995, le canton de Genève a encaissé 20 000 F en tout et pour tout. Pourquoi ? Parce que les amateurs d'arbitrage sont allés ailleurs !

Ce que propose M. Godinat, avec une logique extraordinaire pour rapatrier à Genève ce qui ressemblerait à une activité profitable, est de faire en sorte que l'on gagne en une fois ce que l'on n'a pas su gagner en dix ans. Je vous demande qui dit mieux dans cette salle !

M. Dominique Hausser (S). Les commissaires libéraux, fidèles à leur conduite qui tend à réduire comme peau de chagrin les recettes fiscales, n'ont évidemment pas laissé passer ce projet de loi dont le but était de plafonner à 10 000 F le montant des droits d'enregistrement d'une sentence arbitrale.

C'est ainsi qu'un projet amendé par la commission, limitant le droit d'enregistrement à 1 500 F, sans perception de centimes additionnels, vous est proposé ce soir.

Les arguments à l'appui du rapport de majorité ne sont malheureusement pas du tout convaincants, car l'arbitrage est bien présent à Genève. Zurich ne nous fait pas concurrence, Monsieur Halpérin. Cela a été clairement démontré lors d'une récente journée d'étude sur la médiation, où la place de Genève, dans l'arbitrage, a été évoquée à plusieurs reprises.

De surcroît, l'enregistrement des sentences arbitrales est de moins en moins exigé dans la plupart des pays, et vous le savez très bien.

S'il est exact que la masse fiscale, dans cette affaire, est très faible et que la perte effective est évaluée à quelques milliers de francs, cela ne constitue pas un motif suffisant pour vider complètement une norme de sa substance.

Le groupe socialiste est opposé au principe de la réduction des impôts. En le disant, il ne fait que le répéter une fois de plus.

En l'espèce, le projet de loi proposé, à l'origine, par le Conseil d'Etat démontrait que l'impôt devenait prohibitif pour les montants très importants soumis à l'arbitrage, et c'est pourquoi le groupe socialiste a accepté son plafonnement à 10 000 F.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de revenir au projet initial et avons déposé des amendements en conséquence.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. M. Hausser, qui n'était pas à la commission et parle, par conséquent, par ouï-dire, n'est pas plus convaincant que M. Godinat.

S'il propose un rabais de 20 000 F à 10 000 F, il n'est toujours pas compétitif et toujours pas dans la ligne. Il croit savoir que Zurich n'est pas une concurrence pour Genève, il se trompe, mais il est parfaitement excusable, l'essentiel étant que nous ne nous trompions pas en votant. (Rires.)

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de minorité. Contrairement à ce que dit M. Halpérin, je pense que les 20 000 F encaissés ces dix dernières années démontrent le faible rendement des opérations d'arbitrage pour les caisses de l'Etat.

Le fait de relever le plafond à 20 000 F ne poserait aucun problème, puisque nous n'avons pas la preuve que les arbitrages se sont déplacés dans d'autres cantons. Par exemple, cela n'a pas été le cas pour le canton de Vaud ces deux dernières années.

Tant que nous n'avons pas la preuve que Genève perd de son importance en fait de jugements arbitraux, nous pouvons estimer qu'un plafonnement à 20 000 F n'est pas dissuasif. D'ailleurs, il n'y a même pas de plafond actuellement ! Et la proposition du Conseil d'Etat émane de cette lacune. Ces 10 000 F sont tout à fait aléatoires ! On aurait tout aussi bien pu inscrire 10 000, 15 000  ou 20 000 F !

Nous proposons 20 000 F comme signal politique, car nous ne voulons pas entrer dans une spirale de sous-enchère fiscale. D'autre part, nous tenons à ce que Genève demeure une place d'arbitrages; aussi sommes-nous certains que ce montant de 20 000 F n'est pas dissuasif.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. Le raisonnement tenu par M. Godinat est celui d'un marchand qui, n'ayant qu'un seul produit dans sa vitrine, entendrait le vendre 20 000 F. Ne le vendant pas, il déciderait d'attendre, des siècles durant, qu'un amateur éclairé se présente enfin.

Je préfère avoir plusieurs produits dans ma vitrine, à 1 000 F pièce ou à 1 500 F, comme le projet le prévoit, et avoir la chance d'en vendre quelques-uns. Cela améliorera peut-être un peu les recettes de l'Etat; cela fera plaisir aux serpents ou à quelqu'un d'autre !

Quant à la concurrence, vous oubliez, mon cher collègue, que nous avons entendu un représentant de la Chambre du commerce et de l'industrie nous expliquer que les prix pratiqués ailleurs étaient plus intéressants que les nôtres et qu'un certain nombre d'arbitrages avaient lieu pas loin d'ici, à Rolle, à Mies, à Nyon, des endroits aussi aérés et agréables que notre bord du lac, parce qu'il était plus raisonnable de les tenir là-bas qu'ici.

C'est tout, c'est simple et c'est de bon goût !

M. Bernard Lescaze (R). J'abonde dans le sens des arguments du rapporteur de majorité, et précise qu'il ne s'agit pas de surenchère ou de sous-enchère fiscale, puisque le rapporteur de minorité lui-même a signalé que les montants en jeu, pour l'Etat, resteraient relativement modestes.

Nous souhaitons maintenir, voire développer, la tradition de l'arbitrage à Genève. Il ne faut pas oublier qu'elle apporte un volume d'affaires au secteur privé, aux avocats, aux entreprises, etc. C'est cela que nous souhaitons garder à Genève, indépendamment de la valeur intellectuelle offerte par certains arbitrages. C'est pour cela que nous suggérions cette diminution du taux maximal d'imposition.

En conséquence, le groupe radical votera le rapport de majorité et n'acceptera pas les amendements de minorité. Dans le projet soumis, il n'y a pas une logique quelconque de sous-enchère fiscale, ni de spirale. Soyez-en assurés !

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

 Art. l24, al. 2, lettre b (nouvelle teneur) et lettre c (nouvelle)

La présidente. Nous votons le premier amendement portant sur la lettre b), dont la teneur correspond à l'énoncé de la loi actuelle :

«aux droits proportionnels prévus par la présente loi, sur tous les actes et opérations mentionnés dans ladite convention, à l'exception de ceux qui font l'objet du litige;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

La présidente. Cet amendement propose également d'abroger la lettre c), à l'alinéa 2 du même article.

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de minorité. Veuillez m'excuser, Madame la présidente, mais je ne vois pas de quels amendements vous parlez.

La présidente. Ce sont les deux amendements dont M. Hausser vient de parler. Il a demandé que l'on rétablisse la loi à l'article 124, alinéa 2, lettre b. Ensuite, nous voterons les deux amendements de l'article 124, alinéa 4, lettre b. Vous demandez vous-même que le montant soit plafonné à 20 000 F et le député Hausser qu'il le soit à 10 000 F.

M. Dominique Hausser (S). Madame la présidente, dès l'instant où notre proposition d'amendement a été refusée, les autres amendements tombent d'eux-mêmes. Je vous propose de passer directement à l'amendement de M. Godinat.

Mis aux voix, l'article 124, alinéa 2, lettre b (nouvelle teneur) et lettre c (nouvelle) est adopté.

Art. 124, al. 4, lettre b (nouvelle teneur)

La présidente. Nous votons l'amendement de M. le député Godinat à l'article 124, alinéa 4, lettre b :

«à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut excéder la somme de 20 000 F, sur toute condamnation au paiement de sommes ou à des prestations;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 124, alinéa 4, lettre b (nouvelle teneur) est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi sur les droits d'enregistrement(jugements arbitraux)

(D 3 6)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit:

Art. 124, al. 2, lettre b (nouvelle teneur)lettre c (nouvelle)

b) à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut excéder la somme de 1 500 F, sur l'obligation de payer une somme ou sur tous engagements similaires; il n'est perçu aucun centime additionnel sur ces droits.

c) aux droits prévus par la présente loi, sur tous les autres actes et opérations mentionnés dans ladite convention et ses annexes, à moins que lesdits actes et opérations n'aient été préalablement enregistrés.

Art. 124, al. 4, lettre b (nouvelle teneur)

b) à un droit proportionnel de 1%, qui ne peut exéder la somme de 1 500 F, sur toute condamnation au paiement de sommes ou à des prestations; il n'est perçu aucun centime additionnel sur ces droits.

M 1039-A
10. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et M. Fabienne Bugnon et Max Schneider concernant le soutien aux objectifs poursuivis par la Fondation «Max Havelaar». ( -) M1039
Mémorial 1996 : Développée, 1667. Adoptée, 1673.

Le 14 décembre 1995, Mme Fabienne Bugnon et M. Max Schneider invitaient le Conseil d'Etat à utiliser les produits portant le label «Max Havelaar» dans tous les distributeurs de boissons dont il est le propriétaire (thé, café) et à informer les usagers de son choix.

Pour répondre aux motionnaires, le Conseil d'Etat a fait appel aux services de l'administration fournisseurs ou connaissant la gestion des cafétérias situées dans des locaux étatiques, soit l'Economat cantonal et le service du département de l'instruction publique préposé à la surveillance des restaurants scolaires.

D'entente avec le fournisseur, l'Economat cantonal a introduit sans augmentation de prix le café «Max Havelaar» à la cafétéria de l'Hôtel des finances qui est géré en régie directe. Il n'a pas informé les consommateurs du changement, afin de noter leurs éventuelles réactions. A ce jour, aucune réaction négative n'a été enregistrée. A signaler pourtant que la commission du personnel du département est plusieurs fois intervenus à propos de la qualité d'autres produits offerts par la cafétéria.

Soucieux de participer à une action de sensibilisation des consommateurs aux problèmes des relations commerciales nord-sud, le Conseil d'Etat se propose d'encourager la consommation du café «Max Havelaar» dans les cafétérias de l'Etat et des établissements publics.

C'est ainsi que, dans le courant de l'automne 1996, les Hôpitaux universitaires de Genève offriront à la vente le café «Max Havelaar» dans toutes les cafétérias placées sous leur responsabilité. Plusieurs cafétérias d'établissements scolaires l'ont déjà introduit, dans certains à la demande des élèves.

A noter toutefois que ce café n'est disponible actuellement que pour les machines à percolateur. D'autre part, la torréfaction jouant un grand rôle dans le goût du café, il conviendra d'être particulièrement attentif à ce facteur.

S'agissant de l'information, le Conseil d'Etat demandera aux responsables de l'intendance des bâtiments de l'Etat d'installer des panneaux d'information adéquats dans les cafétérias.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie le Conseil d'Etat d'avoir répondu à notre motion dans un délai aussi rapide.

Au nom de l'aide indirecte au tiers-monde, la motion demandait à l'Etat d'utiliser les produits portant le label «Max Havelaar» pour les distributeurs de boissons dont il est le propriétaire.

Dans l'alinéa 2, d'autre part, elle lui demandait d'informer les usagers des raisons de son choix. Selon le rapport, cela n'a pas été fait, afin de pouvoir noter les éventuelles réactions. A ce jour, aucune réaction négative n'a été enregistrée, et j'ose espérer qu'après ce bilan les usagers seront informés. Il s'agit en effet d'un point important de la motion : l'Etat doit dire quelle est sa politique dans ce domaine.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

P 1090-A
11. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la pétition concernant la gestion de la Banque cantonale de Genève. ( -)P1090
Rapport de Mme Claire Torracinta-Pache (S), commission des finances

Transmise à la commission des finances par la commission des pétitions, la pétition 1090 a été étudiée lors de nos séances des 20 mars, 17 avril, 22 mai et 11 septembre 1996, présidées par M. Claude Blanc.

Rappel

La Banque hypothécaire du canton de Genève et la Caisse d'épargne de la République et canton de Genève ont fusionné en 1993 pour donner naissance à la Banque cantonale de Genève (loi D 2 4), ci-après BCG.

La loi indique à son article 4, alinéa 1, que «le canton de Genève garantit le remboursement en capital et intérêts des dépôts d'épargne et de prévoyance auprès de la banque». Et à son article 5, alinéa 1, que «la Banque cantonale de Genève est soumise à la surveillance bancaire de la commission fédérale des banques conformément aux dispositions de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, du 8 novembre 1934».

Première discussion

La pétition que vous trouverez en annexe comprend deux volets et traite de deux affaires différentes. La première met en cause l'ancienne Banque hypothécaire du canton de Genève et concerne directement le pétitionnaire, M. Chazaud. Son traitement exigeait la levée du secret bancaire, ce qu'a fait M. Chazaud par écrit. La deuxième affaire concerne l'actuelle BCG mais le pétitionnaire n'est pas lui-même impliqué. Le secret bancaire n'a donc pu être levé et la commission des finances a décidé de ne pas la traiter.

La surveillance de la gestion de la BCG n'est pas du ressort du Grand Conseil. Néanmoins, et après discussion, la commission des finances a estimé que le pétitionnaire ayant fait usage d'un droit démocratique, sa pétition devait être traitée comme n'importe quelle autre et qu'il devait être entendu.

Audition du pétitionnaire

M. Chazaud a été reçu par la commission des finances le 20 mars 1996, séance au cours de laquelle il a fourni de nombreuses informations et documents complémentaires concernant ses griefs à l'encontre de la Banque hypothécaire. Précisons que toutes les allégations de M. Chazaud sont corroborées par des pièces écrites. L'affaire, assez complexe, peut se résumer de la manière suivante:

 Le 7 avril 1988, la société Belfinco Finance S.A. signe devant notaire une convention d'achat des actions de la société immobilière «La Proue», propriétaire d'un immeuble sis 81-83, avenue de Champel. A cette date, la banque n'a pas confirmé par écrit le crédit, mais le notaire assure les administrateurs de Belfinco Finance S.A. que tout est en ordre et qu'il a l'accord oral de la banque.

 Le 16 avril 1988, une expertise est produite par la banque. Elle indique que l'objet date vraisemblablement de la fin du XIXe siècle, qu'il a été entièrement rénové et qu'il risque d'être classé. La valeur de gage est estimée à 11 450 000 F.

 Le 21 avril 1988, soit 14 jours après la signature de l'acte, la banque confirme à Belfinco Finance S.A. l'octroi du prêt; avec comme codébiteurs solidaires, MM. Chazaud et Strebel. (Ce dernier est aujourd'hui à l'étranger et a donné toute procuration à M. Chazaud pour défendre ses intérêts.)

 Après analyse du document, une nouvelle expertise est demandée par les débiteurs. Confiée par la banque à un autre expert, elle conclut, le 16 mai 1988, soit un mois après la première, que l'immeuble date de 1979 et que sa valeur de gage est de 4 750 000 F.

 Curieusement, le 26 mai 1988, la banque se contente de demander au premier expert de modifier le paragraphe concernant la date de construction.

 La seconde expertise disparaît ensuite du dossier (en tout cas momentanément). Elle sera réclamée aux débiteurs par la nouvelle direction de la banque, le 22 mai 1992.

 Le 21 juillet 1988, après discussions et interventions, la banque est contrainte de reporter le prêt, accordé à Belfinco Finance S.A. Mais elle maintient la société engagée pendant 5 ans et demi, ce qui cause de graves préjudices à cette dernière: ruptures de contrats pour cause de renseignements bancaires négatifs, impossibilité de rendre les bilans aux différents services fiscaux, mise en liquidation en décembre 1993.

 Le 23 décembre 1993, suite à l'intervention d'un avocat, la banque confirme avoir libéré, avec «effet rétroactif», la société Belfinco Finance S.A. depuis le 21 juillet 1988.

M. Chazaud explique encore qu'il a dénoncé ces faits à la commission fédérale des banques. Cette dernière lui a répondu que «tout tiers ou client qui dénonce une banque à la CFB demeure étranger à la procédure que celle-ci pourrait être amenée à ouvrir». Il n'est donc pas autorisé à connaître l'issue de sa plainte. Par ailleurs, il a déposé une plainte pénale contre la BCG.

M. Chazaud reconnaît avoir spéculé sur une plus-value ultérieure de l'immeuble ainsi que sur un développement du quartier... et avoir perdu. Mais il ajoute que la banque aussi a perdu des millions dans cette affaire et qu'une telle gestion met en péril les fonds déposés par ses clients. L'Etat qui accorde sa garantie sur les dépôts est donc concerné.

Audition de la BCG

Lors d'une première audition, les représentants de la BCG, MM. Ducret, président du Conseil d'administration, et Fues, directeur général, se montrent très réticents à répondre aux questions des commissaires.

Ils rappellent que c'est le Grand Conseil lui-même qui a transféré la surveillance de la BCG à la CFB, et que cette dernière a été saisie de cette affaire par M. Chazaud. La démarche du pétitionnaire les met dans l'embarras. Ils craignent que cela crée un précédent, que le Grand Conseil soit alors submergé de doléances de clients mécontents et que cela cause une certaine inquiétude dans l'opinion publique, ce qui nuirait à la BCG et n'est dans l'intérêt de personne dans ce canton. Ils estiment que la commission ne devrait pas entrer en matière sur cette pétition.

Suite à ces déclarations, la commission décide de suspendre l'audition afin de décider de la suite à donner à ses travaux.

La commission est partagée. Certains députés estiment que le parlement n'a pas à entrer en matière sur des relations de type privé, que la commission des finances n'en a pas les compétences légales et que, de surcroît, les faits remontant à 1988, ils sont antérieurs à la fusion et à la nouvelle loi.

D'autres commissaires précisent qu'il ne s'agit pas de se substituer à l'organe de surveillance des banques mais bien de poursuivre le travail parlementaire sur une pétition et d'y répondre par un rapport. Par ailleurs, les dysfonctionnements révélés par le pétitionnaire sont suffisamment graves pour que des explications soient données aux députés par les représentants de la BCG.

Finalement, la commission décide d'entendre à nouveau MM. Ducret et Fues, lors de la séance du 22 mai 1996.

Conscients que le parlement doit faire son travail et que des réticences à parler pourraient laisser penser qu'on veut cacher quelque chose, ces derniers se déclarent alors prêts à donner les renseignements en leur possession sur les accusations de M. Chazaud et sur les procédures suivies actuellement dans les dossiers délicats. De leurs explications, on retiendra les éléments suivants :

 M. Chazaud, qui se pose en victime, est un professionnel de l'immobilier ayant signé un acte d'achat sans être en possession de l'expertise.

 Ce dossier est malheureusement révélateur d'une certaine période. D'après les représentants de la banque, le premier expert a probablement tablé sur une densification du quartier. Sans même parler des autres erreurs. Suite à leur précédente audition, ils ont fait procéder à une nouvelle analyse qui évalue la valeur intrinsèque et de rendement de l'immeuble à 5 890 000 F. Lors de la fusion des deux banques, une provision de 7 millions de francs a été établie, ce qui est correct.

 M. Fues précise que la deuxième expertise - qui avait été réclamée par la banque à M. Chazaud en 1992 - était à nouveau dans le dossier quand lui-même en a pris connaissance.

 M. Ducret reconnaît que plusieurs dossiers sur lesquels a travaillé le premier expert ont posé des problèmes et que l'on s'est aperçu bien tardivement qu'il était trop «généreux».

 Les responsables de la banque de l'époque ont fait procéder à une deuxième expertise sur demande des débiteurs, sans qu'on en connaisse la raison. S'ils se sont contentés de la garder dans leurs tiroirs, la banque ne pouvait pas agir. Il est précisé que les deux personnes en question ont quitté l'établissement.

 Si la banque n'a pas dénoncé immédiatement le crédit, c'est peut-être parce que M. Chazaud a payé les intérêts jusqu'à ce que ses affaires périclitent. Ce qui a calmé les choses.

 Aujourd'hui, les procédures d'expertise ont changé. Toutes les estimations sont révisées par le collège des experts, désignés par la banque et soumis à des règles de conduite. Les services de contrôle reçoivent copie de tous les formulaires remplis par les experts. Des affaires telles que celle décrite par M. Chazaud ne sont plus possibles.

 Les demandes de crédit «couvert» de plus de 15 millions de francs et de crédit «en blanc» de plus de 5 millions de francs passent au Conseil d'administration. De plus, tous les crédits octroyés sont passés en revue une fois par mois par le contrôle du comité de banque. La BCG est largement au-delà des normes appliquées par d'autres établissements bancaires.

 La BCG est également en avance sur l'inventaire des dossiers nécessitant des provisions. Elle est en tête des banques cantonales en ce qui concerne le rapport crédits au bilan et provisions.

Suite de la discussion

Une discussion animée sur les différents éléments de la pétition et les compétences des uns et des autres dans cette affaire suit l'audition des représentants de la BCG. Des députés expriment leur satisfaction que ces derniers aient accepté de répondre avec franchise à leurs questions. D'autres font état de leur malaise par rapport à l'incroyable légèreté des responsables de l'époque. On se rejoint sur les appréciations suivantes. Le pétitionnaire est un spéculateur immobilier qui a joué et perdu ! De plus, en tant que professionnel de l'immobilier, il porte une part de responsabilité dans cette affaire. Aujourd'hui, après avoir tenté de négocier, il utilise le biais de la pétition pour régler ses comptes (si on peut dire !) avec la BCG. Il n'en demeure pas moins que les informations données à la commission des finances démontrent que des fautes ont été commises par les anciens responsables de la Banque hypothécaire, fautes dont M. Chazaud, ses associés et la banque elle-même ont fait les frais.

Conclusions

 Au vu du dossier et des informations apportées lors des auditions, il apparaît que des fautes ont été commises par des responsables de l'ancienne Banque hypothécaire ayant ensuite quitté l'établissement;

 qu'elles ont causé des préjudices à des privés ainsi qu'à la banque elle-même;

 que la nouvelle BCG a mis en place des procédures devant empêcher de tels faits de se reproduire;

 que l'Etat - qui apporte sa garantie sur les dépôts - n'est pas l'autorité de surveillance de la BCG;

 que la CFB a été saisie du dossier;

 qu'une plainte pénale a été déposée.

C'est pourquoi la commission des finances vous recommande à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignements.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Dépôt: 26 octobre 1995

P 1090

PÉTITION

concernant la gestion de la Banque cantonale de Genève

Mesdames etMessieurs les députés,

J'ai constaté que la gestion de l'ex-Banque hypothécaire du canton de Genève et celle de la Banque cantonale de Genève laissaient à désirer et mettaient en péril les fonds déposés par ses clients. Mes allégations sont basées sur deux affaires précises et toutes justifiées par pièces.

1. Immeuble sis 81-83, avenue de Champel

Sachant

 que le 16 avril 1988 un expert de la Banque hypothécaire du canton de Genève a établi, sur les instructions de la banque, une expertise de la propriété dont la valeur de gage s'élevait à 11 450 000 F;

 qu'après analyse de ce document par des débiteurs de la banque, il s'est avéré que cette expertise contenait plusieurs erreurs inadmissibles de la part d'un expert, architecte membre de la SIA;

 que devant l'évidence de ces erreurs, une contre-expertise fut exigée par les débiteurs et terminée le 16 mai 1988, soit un mois après la première, et que cette seconde expertise incontestable admet comme valeur de gage 4 750 000 F, soit 6 700 000 F de moins que la première expertise;

 que la banque, en pleine connaissance de cause, fit disparaître du dossier des débiteurs la seconde expertise afin de cacher la valeur réelle de ce gage immobilier à ses organes de contrôle internes et externes;

 que la banque a maintenu les débiteurs engagés à tort depuis 1988 et que ceux-ci ont déposé une plainte pénale, actuellement en cours;

2. Immeuble sis 7, rue Chaponnière

Sachant

 que le 7 juin 1994, la Banque cantonale de Genève a proposé par écrit le financement de cet immeuble, qu'elle avait au contentieux, aux conditions suivantes:

 100% du prix de vente, soit 5 050 000 F, alors que les arrêtés fédéraux urgents sur la spéculation immobilière étaient encore en vigueur;

 taux d'intérêt extraordinaire de 1,50% (taux fixe pendant 10 ans);

 que ce financement a été proposé à un client domicilié en Valais.

Attendu que ces faits ont été dénoncés et justifiés par pièces,

 à la Direction générale de la banque;

 aux deux organes de contrôle de la Banque hypothécaire du canton de Genève et de la Banque cantonale de Genève, soit respectivement les fiduciaires Société de Révision Bancaire (SRB) et Atag Ernst & Young (à noter que, curieusement, la SRB a aussi fusionné et fait maintenant partie du groupe Atag Ernst & Young);

 à M. Dominique Ducret, président du conseil d'administration des deux banques;

 que ceux-ci n'y ont donné aucune suite;

 que la preuve est faite que les bilans de la banque, présentés et approuvés depuis 1989, ne reflètent pas la réalité, puisque ses actifs sont largement surestimés

j'invite donc le Grand Conseil de la République et canton de Genève

à intervenir, compte tenu des faits allégués qui constituent, à mes yeux, la preuve que tant l'ex-Banque hypothécaire du canton de Genève que, actuellement, la Banque cantonale de Genève, a géré et gère dangereusement les fonds déposés par ses clients et, de ce fait, a mis et met en péril les intérêts de l'Etat de Genève, compte tenu de son statut de banque cantonale et de la garantie donnée par l'Etat sur les dépôts d'épargne dont elle bénéficie.

Patrick Chazaud

Rue des Bugnons 16

1217 Meyrin

Débat

Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse. Les faits que j'ai rapportés parlent d'eux-mêmes. Ils illustrent bien les caractéristiques des années folles du marché immobilier où les vendeurs, les acheteurs, les notaires, les experts et, bien sûr, les banquiers, rivalisaient d'audace et d'imprudence. Certains ont gagné, d'autres ont perdu ! Mais tous ont contribué à faire grimper les prix des biens immobiliers de façon exagérée et artificielle, et les répercussions sur les loyers ont été importantes.

Quels que soient leurs statuts, toutes les banques ont participé à ce phénomène : les grandes banques, les banques privées, les banques cantonales et l'ancienne Banque hypothécaire également. Mais l'affaire qui nous occupe révèle en plus de graves fautes professionnelles imputables à deux anciens dirigeants de la banque; des fautes qui ont porté préjudice à des privés et à la banque elle-même.

Après avoir reçu un nombre de documents considérable, établi les faits et auditionné les parties, que pouvait faire la commission des finances ? Rien, et c'est frustrant ! Aussi nous bornerons-nous à déposer ce rapport à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil, puisque la surveillance de l'actuelle banque cantonale n'est pas du ressort de l'autorité politique, mais de la Commission fédérale des banques. Il serait d'ailleurs bon que le public en soit informé, afin que nous ne soyons plus saisis d'affaires qui ne sont pas de notre ressort.

Certains craignaient qu'en traitant cette pétition nous jetions le discrédit sur la BCG. Or nous avons simplement essayé de remplir honnêtement notre devoir de députés ! Accepter de faire toute la lumière sur cette affaire et reconnaître les fautes passées ne peuvent que renforcer la confiance et le crédit accordés aux dirigeants actuels.

La BCG est une émanation de la volonté de l'ensemble de la classe politique, elle est en quelque sorte notre enfant à tous ! A ce titre, nos exigences à son égard sont justifiées, d'autant plus qu'elle bénéficie d'une garantie du canton.

En conclusion, je me contenterai d'émettre deux voeux. D'abord que de tels faits ne se reproduisent plus. Les nouvelles procédures devraient exclure les erreurs d'expertise, et, sur ce point, je crois que nous pouvons être rassurés. Et ensuite, après l'euphorie des années 80, que la Banque cantonale ne devienne pas trop timorée; qu'elle ne néglige pas le rôle anticyclique qui devrait être le sien dans la conjoncture actuelle !

M. Bernard Clerc (AdG). La pétition que nous devons traiter aujourd'hui est particulièrement intéressante : elle met le doigt sur les pratiques qui ont causé tellement de dégâts à l'économie de notre canton !

Et ce cas spécifique n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ! Mais nous n'en parlerions pas si l'auteur de la pétition n'avait pas décidé de rendre public ce que d'autres s'évertuent à garder confidentiel. Qu'il en soit remercié !

Cette affaire est exemplaire : la Banque hypothécaire du canton de Genève, jouissant de garanties publiques, s'était adjoint les services d'un expert dont on reconnaît aujourd'hui la «générosité» en expertises foncières. Les responsables de l'époque n'hésitaient pas à lui demander de modifier son rapport pour établir, à l'évidence, une expertise de complaisance. Or cela s'appelle un faux !

Sans refaire tout l'historique de cette affaire, relatée dans le rapport de Mme Torracinta-Pache, il est intéressant de mettre en évidence à quel point les banques - et non seulement celles jouissant de garanties de l'Etat - ont alimenté ces phénomènes spéculatifs. En effet, sans crédits bancaires, la vague spéculative des années 80 n'aurait pas pu se développer aussi démesurément.

Les provisions de plusieurs milliards constituées par les établissements bancaires sont révélatrices de l'ampleur du phénomène. Et c'est d'autant plus choquant que ces mêmes établissements rechignent aujourd'hui à accorder des crédits aux petites et moyennes entreprises en difficulté, ou à celles qui cherchent à innover.

Ainsi, l'héritière de la Banque hypothécaire, la Banque cantonale de Genève, a estimé trop risqué l'octroi d'un crédit de l'ordre de 10 millions pour sauver le journal «La Suisse» et les emplois qui s'y rattachaient, alors qu'elle a perdu près de 7 millions dans la seule affaire traitée par la pétition !

Mais les phénomènes spéculatifs ne sont pas dommageables pour tout le monde : si les derniers acquéreurs avant l'effondrement du marché sont les dindons de la farce, tous ceux qui ont acheté et revendu précédemment ont empoché leurs plus-values en n'ayant rien apporté en termes de création de richesses. C'est sans doute à ce niveau-là que le copinage et les liens d'intérêts jouent pleinement leur rôle.

Actuellement, ces pratiques scandaleuses continuent. La BCG, pour éviter de dévaluer certains de ses actifs, vend des immeubles à leur valeur de gage et manifestement au-dessus des prix du marché. Pour favoriser et financer de telles transactions, elle accorde des prêts hypothécaires correspondant au 100% des prix de vente, mais à des taux dérisoires au regard des taux hypothécaires. Dans le texte de la pétition figure un exemple qui n'a pas pu être traité par la commission : il s'agit d'un immeuble pour lequel une telle offre a été faite.

La BCG a déclaré à la commission que toutes ces pratiques appartenaient au passé grâce à de meilleurs contrôles - exercés en nombre suffisant - et au départ des responsables. Malheureusement, Mesdames et Messieurs les députés, elles sont encore d'actualité, et je vous citerai deux exemples.

Le premier concerne un prêt de 1,3 million accordé en 1989 pour l'achat d'un immeuble. En 1995, pour le même immeuble, on accorde un crédit de 1,6 million, soit 300 000 F supplémentaires. Et la même année, au mois de septembre, une expertise de cet immeuble en fixe la valeur à 846 000 F ! Toutes ces opérations sont effectuées par la BCG, qui a accordé un prêt hypothécaire représentant le double de la valeur réelle !

Dans le journal «La Gruyère» du jeudi 31 octobre 1996, un journaliste relate avec stupéfaction une vente aux enchères à Bulle : un immeuble estimé à 3 millions - avec un état des charges de 10 millions - a été rapidement acquis pour 7,1 millions par Finalsa SA, à Lausanne. Imaginez les réactions des acheteurs potentiels ! Un immeuble voisin, estimé à 1,2 million - avec un état des charges de 6 millions - a été adjugé pour 4,2 millions à la même société.

Or la BCG est créancière de ces deux immeubles, et, selon les informations du journaliste, Finalsa SA lui est étroitement liée. Il s'agit sans doute de l'une de ces sociétés de portage qui permettent de racheter les immeubles pour éviter une trop grande dévaluation des actifs de la banque. Qu'on ne nous dise pas, dans ces conditions, qu'il s'agit de pratiques anciennes et que les contrôles actuels sont excellents !

M. Claude Blanc (PDC). La commission des finances a accompli un travail délicat lors de l'examen de cette pétition : il s'agissait d'effectuer la synthèse entre les propos, les documents et ce qui se passait réellement dans notre établissement cantonal.

Mme Torracinta-Pache a relevé des faits étranges que nous regrettons, et je voudrais la remercier, au nom de la commission, de s'être acquittée de cette tâche avec autant de précision et de diplomatie.

Il est évidemment facile de faire un procès englobant tout le monde en citant des chiffres et des faits, mais pas de noms, de telle sorte que nous ne puissions pas vérifier ! (M. Clerc montre des documents.) M. Chazaud nous a présenté des faits le concernant, et le secret bancaire a été levé avec son accord. Mais il nous a également présenté des faits concernant des tiers, pour lesquels on ne pouvait pas obtenir la levée du secret bancaire. On peut, dès lors, tout dire et tout supposer !

La commission n'aurait pas dû accepter ce dossier, compte tenu d'une loi votée par le Parlement après la constitution de la Banque cantonale de Genève, dont nous avons expressément confié le contrôle à la Commission fédérale des banques. Cette commission n'est formée ni de plaisantins ni de gens complaisants, et je suis convaincu que nous pouvons leur accorder notre confiance pour vérifier convenablement les activités actuelles de la BCG. Nous, nous n'avons pas accès aux pièces essentielles du dossier.

M. Pierre Kunz (R). Au préalable, je souhaiterais faire remarquer à M. Clerc qu'il aurait dû fournir ces exemples sensationnels en commission; cela nous aurait aidés ! Mais manifestement il ne connaît qu'une partie des affaires relatées, et certains éléments de la pratique bancaire lui font défaut...

La Banque hypothécaire - comme d'autres, pendant les années folles - a donc commis des erreurs en accordant à tort des crédits immobiliers. Mais les mesures adéquates prises au sein de la BCG et des autres banques dès le début des années 90 devraient empêcher la répétition de telles erreurs.

Il n'y a donc pas lieu de discréditer particulièrement la BCG sous le mauvais prétexte que l'Etat en est l'actionnaire et le garant. En acceptant cela, le Grand Conseil acceptait simultanément les risques inhérents aux activités de crédit et les pertes sur les débiteurs.

La commission des finances a pu s'assurer que les crédits au sein de la BCG étaient gérés de manière adéquate et conformément aux exigences de la Commission fédérale des banques. De l'avis des radicaux, il convient de suivre les conclusions du rapport de la commission et de clore ce dossier.

M. David Hiler (Ve). Il faut être relativement prudents dans ce genre d'affaires : par bribes, nous apprenons ce qui s'est passé dans des établissements à caractère public, mais il nous est évidemment beaucoup plus difficile d'intervenir dans les grandes banques suisses. Nous pouvons donner l'impression que les choses s'y passaient normalement, alors qu'un total désordre régnait dans les banques publiques. Aussi faudrait-il tenter de rappeler les responsabilités respectives.

En premier lieu, il convient de rappeler la lenteur des autorités fédérales à réagir à la vague spéculative, et cela a joué un rôle dans la catastrophe finale. Les fameuses mesures «antisurchauffe» prises de manière assez précoce dans les années 60 avaient limité les dégâts. Les arrêtés fédéraux urgents sont arrivés beaucoup trop tard, au moment où ils en devenaient même contreproductifs. Cinq ans auparavant, ils auraient permis d'éviter certaines pratiques relativement scandaleuses, à Genève notamment.

Une autre responsabilité non négligeable est celle des nombreux architectes acceptant de signer des expertises de pure complaisance. Je m'étonne qu'aucun d'entre eux ne se soit retrouvé devant les tribunaux ! Lorsqu'en se parant d'un titre on induit volontairement son client en erreur, il conviendrait d'être poursuivi. Ce ne sont pas tant les affaires qui m'inquiètent - il y en aura toujours - que le laxisme envers ces actes «problématiques» du point de vue de l'honnêteté, et inadmissibles si l'on se réfère aux règles déontologiques.

Ces pratiques concernaient l'ensemble des banques cantonales de l'époque. Connaissant un boum important, la Banque hypothécaire n'avait pas les structures adéquates pour gérer correctement ses crédits. Les importantes pressions qui la poussaient à accorder toujours plus de crédits, à se moderniser et à se montrer dynamique, ont provoqué ces faits extraordinaires. Lors de la fusion, le chef de cette banque a démissionné, mais sommes-nous sûrs que tous les responsables politiques siégeant dans l'ancien conseil d'administration aient jugé bon de se retirer pour laisser à d'autres le soin de mener à bien la nouvelle entreprise, compte tenu de ce qu'ils avaient laissé faire pendant les années 80 ? Je vous laisse comparer les listes pour constater qu'on pardonne facilement à Genève !

Que cela vienne d'un radical ou d'un socialiste, il est définitivement faux de prétendre qu'il existe des moyens d'éviter de tels faits dans les établissements bancaires. Des mesures peuvent être prises au niveau du pouvoir politique seulement. Les spéculations existent depuis le début du capitalisme commercial. La première - et l'une des plus célèbres - fut celle des oignons de tulipes de Hollande, qui a ruiné des centaines de milliers de gens, et cela réapparaît de façon périodique. Seuls les pouvoirs publics peuvent juguler une spéculation, et non des établissements soumis aux nécessités du marché.

En 1961, le Conseil fédéral avait d'abord demandé des mesures volontaires aux entreprises et aux établissements de crédit, mais, en 1964, il prenait les mesures autoritaires qui s'imposaient. Telle est la leçon à retenir !

Mme Claire Chalut (AdG). M. Kunz a relevé nos lacunes dans le domaine bancaire.

A propos d'une affaire qui a fait beaucoup de bruit, est-il vrai que des personnes, voire des personnalités, aient bénéficié de taux d'emprunt préférentiels, de l'ordre de 1 à 1,5% ? Dans l'affirmative, cela signifierait qu'il y a deux poids deux mesures !

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). J'aimerais revenir sur la question de la confiance indispensable envers une institution bancaire et sur vos propos, Monsieur Blanc. Selon vous, la Commission fédérale des banques est compétente pour juger de la correction des procédures bancaires; elle accomplit son travail, et il ne s'agit pas de notre problème.

Vous devriez vous rendre à la Comédie pour voir «Un ennemi du peuple», une pièce d'Ibsen vieille de près de cent ans. Elle pose exactement le même problème : dans une communauté, semblable à la nôtre, dans une ville balnéaire, surgit un grave problème de pollution des eaux d'une ville balnéaire. En dénonçant ce fait, le médecin des thermes finit dans la peau d'un ennemi du peuple. Il met tout le monde en péril. On ne veut pas voir le problème, on l'accuse de mentir et on continue de faire confiance aux autorités.

Il m'a fallu un certain courage pour vous affronter voilà quelques années au sujet de spéculations dont j'avais eu connaissance, comme chacun de vous, encouragée par la Banque cantonale. Je vous ai soumis des dossiers - j'en ai même confié un à M. Vodoz lors de la fusion des deux banques publiques - transmis par un courtier grugé. Cette affaire ressemblait étrangement à celle qui nous est soumise ce soir.

A l'époque, je vous demandais ce que nous pouvions entreprendre ensemble pour mettre fin à cette folie : surévaluation des biens découlant de rapport mensonger des architectes et mise en péril des banques accordant trop de crédits.

Cette situation n'est pas propre à Genève ou à la Suisse : le Japon a actuellement une économie quasiment paralysée par l'endettement de ses banques. Il lui reste le choix de faire marcher la planche à billets ou de restreindre le crédit en provoquant l'asphyxie des petites et moyennes entreprises.

Nous sommes donc responsables, car nous nous sommes tus, alors que nous savions parfaitement que cette spéculation des années 80 était mensongère et ressortissait de l'escroquerie. Or, aujourd'hui, on nous demande de regarder ce que nous avons couvert.

Il est vrai qu'il ne nous appartient pas de faire le travail de la Commission fédérale des banques. Cependant, j'approuve pleinement les propos de M. Hiler : notre devoir est d'orienter la politique économique et financière du canton. Nous en avons assez de nous laisser piloter dans tous les choix économiques. Nous avons galvaudé nos possibilités; il est temps de prendre la responsabilité politique de ce galvaudage.

M. Hervé Dessimoz (R). Nous vivons un psychodrame, et je me demande quand Genève décidera de regarder son futur. Pour répondre aux affirmations de M. Clerc faites avec une certaine circonspection et «obscurité», j'aimerais rappeler qu'en 1993 une grande majorité du Parlement et du peuple a eu le courage de créer la Banque cantonale avec la volonté d'en faire un instrument au service de chacun, et non de la politique du gouvernement.

Raison pour laquelle il a été demandé que l'organe de surveillance de la banque fût la Commission fédérale des banques, et non le Conseil d'Etat qui l'était légalement à l'époque. Le président actuel de la banque est intervenu au niveau du Conseil national pour faire modifier la constitution, les lois et les règlements qui régissent les agissements et les responsabilités de la Commission fédérale des banques. Heureusement que nous avons eu cette clairvoyance pour nous défendre face à M. Clerc et à tous ceux qui pourfendent la Banque cantonale de Genève !

Mme Chalut demandait de quel droit on prêtait à 3% et si l'on faisait des opérations de portage. Mais cela ne la choque pas que la Fondation Elapsoïdea obtienne un crédit à 3% ! (Applaudissements.) Aucun commerçant ou entrepreneur à Genève ne bénéficie d'un tel taux ! Il faut faire la part des choses, à un moment où la Commission fédérale des banques marque toujours sa confiance à la Banque cantonale de Genève.

Les grandes banques ont décidé de se détourner du risque dans l'immobilier : la SBS va provisionner 3 milliards sur l'immobilier malgré toutes les provisions déjà réalisées sur des opérations à risques, il y a plusieurs années déjà. La BCG, elle, n'a pas d'autres moyens que de conclure des affaires avec les Genevois, car elle n'a pas la possibilité d'obtenir des gains sur les produits dérivés. Mais elle arrive encore à porter l'économie genevoise à bout de bras; elle s'y efforce en tout cas.

Alors que les grandes banques décident de restreindre les crédits, les petites et moyennes entreprises reviennent à la BCG. Mais les gens à bout de souffle s'émeuvent que la BCG ne puisse répondre à leurs sollicitations, et que la banque des Genevois les «lâche» ! Alors que cette banque essaie de faire des efforts, on ressort de vieilles histoires et des arguments qui ont fait l'objet de longs débats dans le passé. Il conviendrait de faire une croix et de s'unir pour l'encourager à poursuivre son action en faveur de l'économie genevoise !

Bien entendu, la Banque cantonale a commis des erreurs, mais les Genevois ne doivent pas oublier le but recherché lors de sa création. L'Etat de Genève l'a dotée d'un capital supplémentaire de 150 millions, et les actionnaires ont accepté de faire un effort substantiel sur la perte de la valeur des actions pour assainir les comptes des deux banques et en faire un instrument au service de Genève.

M. Laurent Moutinot (S). Par souci de transparence, je vous indiquerai au préalable que j'étais administrateur de la Banque hypothécaire du canton de Genève pendant les deux dernières années précédant la fusion, soit bien après les faits relatés dans le rapport. (Rires.)

L'aspect gênant de ce débat, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le lien systématique qui s'établit entre la Banque cantonale et la spéculation immobilière. Vous connaissez mon engagement, depuis près de vingt ans auprès de la défense des locataires, et vous savez que la spéculation immobilière est l'une des choses que je déteste le plus. Je la déteste également lorsqu'elle est pratiquée par la Banque cantonale ou à l'époque par les deux banques.

Il est vrai, Monsieur Clerc, que, malgré tous ses efforts, la Banque cantonale - avec laquelle je n'ai plus aucun lien ni mandat : que M. Lombard se rassure ! - n'est pas à l'abri d'erreurs. Mais il faut lui donner acte de l'importance des mesures qu'elle a prises pour les éviter, et le plus important est de réaffirmer son rôle dans l'économie genevoise.

Sa création est une vieille revendication de la gauche que la droite a fait échouer pendant des décennies, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente ! Nous la saluons, car elle a la capacité à certains égards de mener une politique bancaire différente : alors que les grandes banques se retirent du tissu économique genevois, elle peut apporter une aide aux petites et moyennes entreprises.

Je crois distinguer dans mon propre parti et dans l'Alliance de gauche des critiques envers la Banque cantonale, qui ressemblent à celles que provoque de façon excessive une personne que l'on aime. A gauche, nous souhaiterions que cette banque soit parfaite, qu'elle ne fasse que des investissements irréprochables et qu'elle n'ait qu'une activité de soutien à des entreprises écologiques, sociales et charitables !

Malheureusement, malgré les efforts exigés dans cette direction, elle ne peut pas y parvenir de façon infaillible. Par conséquent, nous devons continuer à être sévères et vigilants à l'égard de toutes les erreurs qu'elle pourrait commettre. Mais, pour éviter le sabotage et le risque d'affaiblir un instrument indispensable au maintien et au développement de l'économie genevoise, ces critiques ne doivent pas être faites sur la place publique.

D'après les derniers comptes que tout le monde a pu voir, la BCG a provisionné 1 milliard pour les risques qu'elle encourt dans ces malheureuses affaires immobilières du passé. Cela représente le coût de la traversée de la rade, et cela doit être suffisant pour nous rassurer, ainsi que les épargnants !

M. Claude Blanc (PDC). A la suite de votre intervention, Madame Deuber-Pauli, je voudrais rappeler que le but de la création de la Banque cantonale - contrairement à ce que vous-même ou vos amis auraient souhaité - n'était pas de placer un établissement bancaire sous la tutelle de l'Etat. Il s'agissait de mettre à disposition de la population un établissement bénéficiant de l'appui de l'Etat.

Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ne sont pas des banquiers ou des réviseurs bancaires. Lorsque nous avons constitué la Banque cantonale, la législation fédérale ne permettait pas encore de la placer sous la surveillance directe de la Commission fédérale des banques. Comme des discussions étaient en cours, nous avions expressément réservé cette possibilité dès que les Chambres fédérales permettraient une telle opération. Nous l'avons fait aussitôt, pour nous décharger d'une responsabilité que nous ne sommes pas en mesure d'assumer.

Certains voudraient en savoir davantage et devenir les véritables tuteurs de cette banque; mais vous feriez fuir les clients, Mesdames et Messieurs les députés ! Avec vos idées sur le monde bancaire, il ne resterait bientôt plus qu'un cadavre sans chair ! Et s'il est vrai que des erreurs ont été commises, toutes les mesures nécessaires ont été prises pour garantir une bonne surveillance. Nous n'avons pas à nous en mêler.

Mme Claire Chalut (AdG). Je souhaite dire à M. Dessimoz que je n'ai pas employé l'expression «de quel droit». Ce n'est en tout cas pas à lui que j'ai posé la question, puisqu'il ne lui appartient pas d'y répondre. Par ailleurs, il est très mal placé pour me donner des leçons !

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Compte tenu de la tournure que prend ce débat, je souhaiterais faire deux remarques.

Comme M. le député Moutinot, vous êtes nombreux à affirmer clairement qu'il y a un avenir pour les banques cantonales de ce pays. Elles devront probablement se regrouper davantage. Mais, au moment précis où les grands établissements bancaires se retirent géographiquement et quantitativement, il est indispensable d'avoir une banque de proximité qui puisse jouer pleinement son rôle dans un environnement économique cantonal et régional.

Nous devrons bientôt réinventer le métier de banquier pour que certains entrepreneurs puissent trouver les personnes prêtes à assurer un certain nombre de risques, comme par le passé. L'activité économique pourrait ainsi se développer. Au sujet du débat que nous venons d'avoir sur l'aide aux entreprises et aux personnes morales de ce canton, je pense que les sociétés qui voudraient se créer ont davantage besoin de crédits que d'allégements fiscaux.

Mais il est difficile de trouver les crédits nécessaires, car il faut donner des garanties immédiates, ce qui ne facilite pas l'éclosion de l'activité économique; nous en débattrons en commission. L'une des voies serait d'affecter une petite partie du produit de l'impôt des personnes morales pour créer un fonds permettant de garantir des crédits, sans réduction substantielle de la fiscalité et des personnes morales.

L'avenir des banques cantonales est donc incontestable. Lors de la fusion, et dans les limites de son pouvoir, le gouvernement a toujours insisté pour mettre en place les procédures les plus sophistiquées et permettre des contrôles et des appréciations des dossiers présentés. L'erreur est humaine, mais j'ai la conviction que les procédures indispensables sont en place.

Lors de mon arrivée au Conseil d'Etat, en décembre 1989, l'une de mes premières décisions fut de renoncer à siéger dans le conseil d'administration de la CEG. Pas tant à cause d'affaires dont j'aurais eu connaissance, mais plutôt parce qu'un mandat d'administrateur est un mandat à plein temps incompatible avec celui de conseiller d'Etat. Et j'ai toujours dénoncé cette erreur, cette incompatibilité, lors d'entretiens avec des collègues, chefs du département des finances d'autres cantons et présidant même souvent les conseils d'administration des banques cantonales.

J'ai fait modifier la loi, et je me suis fait remplacer au conseil d'administration, afin de laisser la place à des personnes pouvant assumer pleinement leurs responsabilités.

Avec votre appui, nous avons été le canton moteur de cette révision de la loi fédérale permettant aux banques cantonales de se soumettre, si elles le désiraient, au contrôle des spécialistes de la Commission fédérale des banques, et non plus au contrôle politique. Cette modification obtenue, nous avons été le premier canton à entreprendre ces démarches importantes, et d'autres ont suivi. Vu la complexité des affaires et du monde économique, je m'en félicite tous les jours. Il est en effet inconcevable d'imaginer qu'un gouvernement cantonal - fût-il composé de gens particulièrement brillants - puisse contrôler les affaires et l'organisation bancaires.

A propos de la pétition de M. Chazaud, j'aimerais rappeler que la Banque hypothécaire de Genève - à l'époque, la banque des communes - ne bénéficiait pas de la garantie de l'Etat. Et, sous réserve des bons de jouissance acquis à l'époque, ce dernier ne participait pas à sa gestion. Ceci n'explique pas cela, mais, pour le bon ordre de l'histoire, j'entendais le rappeler.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des finances (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

P 1111-A
Pétition pour une nouvelle maturité qui intègre 25 ans d'expérience de la section artistique. ( -)P1111
Rapport de Mme Sylvia Leuenberger (Ve), commission de l'enseignement et de l'éducation
P 1125-A
Pétition pour une nouvelle maturité de qualité. ( -)P1125
Rapport de Mme Sylvia Leuenberger (Ve), commission de l'enseignement et de l'éducation
M 1093
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Jacques Boesch, Mireille Gossauer-Zurcher, Sylvia Leuenberger, Elisabeth Häusermann, Henri Gougler, Janine Hagmann, Vérène Nicollier, Claude Howald, Pierre-François Unger, Roger Beer, Janine Berberat, Liliane Charrière Urben, Nelly Guichard, Pierre Vanek et Erica Deuber-Pauli sur la mise en place de la nouvelle maturité gymnasiale. ( )M1093

12. a) Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier les objets suivants :

La commission de l'enseignement, sous la présidence de M. Jacques Boesch, et en présence de Mme Extermann, directrice de l'enseignement secondaire postobligatoire, s'est réunie pendant dix séances (du 22 mai au18 septembre) afin d'étudier les 2 pétitions suivantes:

(P 1111)

PÉTITION

«Pour une nouvelle maturité qui intègre 25 ans d'expériencede la section artistique»

Le Collège de Genève s'apprête à fêter le 25e anniversaire de la section artistique, dont il tire un bilan positif. Genève a joué un rôle de pionnier en permettant l'obtention d'une maturité tout en offrant une formation importante dans les domaines de la musique et des arts visuels, fondements de notre culture.

Nous demandons aux députés du Grand Conseil, dans la mesure de leurs compétences:

1. de tout mettre en oeuvre pour que les possibilités offertes par la nouvelle réglementation fédérale (ORRM) d'intégrer l'expérience genevoise de la maturité artistique soient exploitées entièrement et que Genève continue de jouer dans ce domaine un rôle précurseur;

2. que, le cas échéant, une demande de dérogation selon l'article 19 de l'ORRM puisse être déposée en faisant valoir le modèle genevois de la maturité artistique comme «expérience pilote»;

3. de recevoir une délégation de pétitionnaires et de les entendre exposer leurs motifs.

N.B. : 2 212 signatures

Des maîtres d'artdu Collège de Genèvep.a. François Brun

5, rue des Cordiers1207 Genève

(P 1125)

PÉTITION

pour une nouvelle maturité de qualité

Considérant:

- le peu de cas fait de l'avis des maîtres au sein des diverses instances de consultation;

- la désinvolture avec laquelle sont occultés les choix antérieurs et le passé de l'élève;

- la perte de temps que subiront certains élèves obligés de refaire au collège ce qu'ils ont déjà fait au cycle d'orientation en raison des troncs communs imposés par le prétendu choix en connaissance de cause;

- les promesses de qualité faites par les auteurs du projet de la nouvelle maturité,

les maîtres du collège Claparède soussignés

- demandent instamment aux autorités scolaires et politiques de veiller à ce que l'élève qui le souhaite puisse, à travers les enseignements proposés, trouver une formation au moins égale à celle dispensée antérieurement, notamment en langues, en sciences et en arts;

- demandent l'instauration de niveaux d'enseignement différenciés dans leurs objectifs et leurs méthodes lorsque l'intérêt de l'élève le dicte.

N.B. : 83 signatures

François Baeriswylet Robert Tournaire

Enseignants du collège Claparède

61, chemin de Fossard

Case postale 392

1225 Chêne-Bourg

Introduction: cadre général de la nouvelle ORRM

La commission de l'enseignement, grâce à ces deux pétitions, a pris connaissance de l'importance de l'application de la nouvelle ORRM (ordonnance fédérale concernant la réglementation de la reconnaissance des certificats de maturité cantonaux acceptée par le Conseil fédéral le 16 février 1995), qui va transformer notre maturité actuelle pour l'horizon tout proche de 1998. Elle en a profité pour se renseigner abondamment à ce sujet et faire figurer les données rassemblées dans ce rapport.

Pour bien comprendre la portée de l'ORRM, on se rapportera au texte suivant extrait des commentaires de la commission suisse de maturité:

5

6

En résumé, voici ce que signifiera cette application pour Genève:

Le certificat de maturité, actuellement en vigueur à Genève, résulte de systèmes très diversifiés, nés à des époques différentes: il existe des maturités de type A, B, C, D, E, reconnues sur le plan fédéral, ainsi que la maturité cantonale artistique. De plus, les collèges offrent des structures non homogènes selon les établissements et qui n'ont, de surcroît, pas les mêmes règlements:

- 5 collèges à sections;

- 3 collèges à options (Rousseau, Sismondi et de Staël).

Vu cette grande diversité, le département de l'instruction publique (DIP) a choisi, pour l'application de l'ORRM, de procéder à une mise à plat du système actuel. La grande nouveauté sera un système homogène articulé autour d'options, où l'élève sera appelé à effectuer des choix et à élaborer un projet personnel de formation. Il n'y aura donc plus qu'un seul type de maturité, mais colorée différemment selon les choix de l'élève.

Ce type unique de certificat sera constitué comme suit:

- 5 disciplines fondamentales obligatoires: langues (français, une2e langue nationale, mais disparition de l'obligation de l'allemand,+ une à choix), mathématiques et sciences expérimentales (mathématiques, physiques, chimie et biologie), sciences humaines (histoire, géographie, économie et droit), arts (arts visuels ou musique), travail de maturité. Puis l'élève devra choisir:

- une option spécifique parmi 7 disciplines (ce qui constituera l'approfondissement: la coloration de la maturité);

- une option complémentaire moins poussée parmi 11 disciplines.

(Voir annexe A.)

Cela implique une interdisciplinarité accrue et une collaboration plus étroite entre les enseignants. La notion de classe n'aura plus le sens classique, puisque les élèves se trouveront regroupés en fonction de leurs choix.

La procédure pour arriver aux propositions définitives est la suivante:

Une commission technique cantonale (CTC) a été mise sur pied, début 1995, par la présidente du DIP. Elle est composée d'un membre de la DGPO (Direction genérale de l'enseignement postobligatoire), 12 maîtres (1 par établissement), 2 maîtres représentant les syndicats, 5 directeurs du collège,2 directeurs de l'ESC (école supérieure de commerce).

Elle a pour mission de définir les principes devant régir à Genève l'application de la nouvelle ordonnance. La présidente du DIP entérine les propositions faites par le CTC (annexe A). Puis, en se fondant sur les principes émis par la CTC, les directeurs et la direction générale élaborent une grille horaire de référence. Ce cadre de travail permet aux présidents de groupes des écoles concernées d'établir les objectifs et les programmes des disciplines à l'intérieur des domaines d'études. Cette phase d'étude est encore en cours.

Depuis septembre 1995, le travail est mené à plusieurs échelons: établissements, conférences de présidents de groupe (PG), CTC. Quelque200 PG s'interrogent sur l'articulation de l'enseignement entre cours fondamentaux, option spécifique et option complémentaire.

Concernant l'aspect financier, les coûts ne seraient pas plus élevés qu'actuellement. Il y aura des frais liés à la mise en place de la nouvelle structure et à la formation continue de certains enseignants. A long terme, le coût par collégien devrait être le même qu'aujourd'hui.

Voilà pour le cadre général résultant de l'obligation des cantons d'appliquer cette nouvelle réglementation fédérale.

Mais il est clair que tout changement, et celui-ci en est un de taille, suscite des réactions, des réticences, des inquiétudes, des incompréhensions. Et c'est à ce point d'élaboration que les réactions des enseignants nous sont parvenues sous forme de pétitions. Notre commission a ainsi réalisé que les problèmes posés par les futurs acteurs de ces changements ne pouvaient pas simplement être écartés d'un revers de main.

Auditions

I. concernant la pétition 1111 «pour une nouvelle maturité qui intègre 25 ans d'expérience de la section artistique»

Historiquement la section artistique a été créée à l'initiative de Samuel Baud-Bovy qui était directeur du Conservatoire de musique et qui souhaitait introduire les arts dans une formation gymnasiale. Grâce à André Chavanne et à l'effort des enseignants concernés, un programme a pu être rapidement établi et la section a vu le jour en 1970. Elle a permis d'introduire la connaissance dite «sensible» (par opposition à «théorique» ou «rationnelle») dans l'enseignement gymnasial et, grâce à cela, d'assurer une formation supérieure à des jeunes qui n'auraient pas pu y avoir accès dans les sections classique, latine, scientifique, moderne ou commerciale. Le programme de la maturité artistique genevoise était limité cependant à une reconnaissance cantonale. Elle ne répondait pas aux exigences fédérales de l'ORRM. Donc, elle ne peut, apparemment, pas être maintenue dans le cadre de l'application de l'ordonnance fédérale.

a) des enseignants, auteurs de la pétitions 1111

Ces enseignants ont exprimé clairement leur souci face à la nouvelle maturité. Ils craignent que la disparition de la section artistique au profit d'options en art, avec un nombre d'heures moins important, ne provoque une grande perte en matière d'approfondissement des arts. Ces options ne démarrant réellement qu'en 2e année, car en 1re année les élèves étudient conjointement les art visuels et la musique; par conséquent, le nombre total d'heures leur étant attribué diminuerait encore. Ils ne demandent pas d'augmentation des heures hebdomadaires, mais de pouvoir commencer certains cours de base dès la 1re année. Il leur semble qu'avec une modification de la dotation horaire ce problème pourrait être résolu.

Concernant le cas de la musique, actuellement, les cours sont donnés au Conservatoire de musique et la note du Conservatoire est prise en compte pour l'obtention du certificat de maturité, ce qui permet à des élèves musiciens de travailler leur instrument tout en pouvant suivre le collège en même temps. Cela ne sera plus le cas avec la nouvelle maturité. Toutefois, suite à une question posée à Mme Extermann, cette dernière répond que certains cas particuliers pourraient faire l'objet d'exceptions.

b) des directeurs des collèges de Saussure, Claparède, de Staël et Rousseau

Ceux-ci estiment globalement que les arts ne seront pas perdants dans la nouvelle ORRM. Ils pensent que si, effectivement, l'option art de la nouvelle ORRM perd un peu en approfondissement, elle gagnera en nombre d'élèves qui la choisiront et ils considèrent cela comme un plus, comme une ouverture. Certains directeurs soulignent que, pour l'option artistique, le découpage en heures de 45 minutes est dépassé car l'enseignement des arts se pratique sur des périodes plus longues. Parfois, il s'agit de jours entiers. Il serait, par conséquent, plus adapté de ne plus parler de dotation horaire mais de revoir cet enseignement spécifique en terme de période. Cela, d'autre part, favoriserait l'interdisciplinarité. Elément important aux vues de la nouvelle ORRM. Proposition qui serait à étudier selon certains commissaires.

c) des délégués maîtres à la CTC

Ces maîtres estiment qu'il y a un double déficit démocratique et pédagogique dans la façon dont a été élaboré le nouveau règlement fédéral. Ils reconnaissent que la présidente du DIP a cependant oeuvré pour conserver les spécificités genevoises.

Leurs plus grandes craintes sont que le nouveau système conduise à un nivellement par le bas, que le choix d'options permettent à certains élèves une maturité au rabais et qu'ensuite ces élèves se fassent éliminer aux examens de 1ère année universitaire. Ils redoutent que la 1re année de maturité ne devienne un tronc commun avant les vrais choix, d'où perte d'une année gymnasiale. Ils ont l'impression que le système genevois actuel est plus souple et plus en avance que ce qu'on va leur proposer. Ils dénoncent un pouvoir excessif des instances de direction par rapport aux maîtres au niveau des prises de décisions, ils regrettent de n'avoir pas pu mieux se faire entendre.

Mais ils reconnaissent que, devant l'obligation d'appliquer le règlement fédéral, ils se plieront, estimant que si leur analyse avait été mieux prise en compte, leur travail aurait été plus aisé. Ils manifestent clairement le désir que l'on conserve au maximum les spécificités genevoises. Ils sont certains, par ailleurs, qu'il ne sera pas possible d'offrir toutes les options dans tous les établissements, à cause des coûts que cela représenterait et plaident en faveur d'un concept de régionalisation. Enfin, ils regrettent que l'allemand ne soit plus obligatoire, ce qui leur paraît porter préjudice aux futurs emplois et formations dans notre pays.

d) des directeurs délégués à la CTC

Les directeurs considèrent que le projet de nouvelle ORRM devrait être un projet rassembleur. Grâce à l'expérience acquise ces 20 dernières années, ce ne sera pas un départ à l'aventure. Le système à options est un système connu. L'élève peut construire son profil personnel à l'aide de choix. Il est responsabilisé.

Ils sont conscients que la régionalisation est un point de vue à étudier.

II. concernant la pétition 1125 «pour une maturité de qualité»

La commission a été également saisie d'une pétition des enseignants du collège Claparède. Ils s'inquiètent du fait qu'ils ont eu l'impression de n'être pas entendus dans leur requête. Ils souhaitent que la nouvelle maturité soit d'un très bon niveau, mais au moins égal à celui dispensé antérieurement, notamment en langues, en sciences et en arts. Ces maîtres expliquent que la nouvelle maturité prétérite les mathématiques (moins d'heures et les deux niveaux de mathématiques sont un leurre), ainsi que l'anglais. Cette langue, utilisée pratiquement universellement et dans la plupart des professions, n'est plus obligatoire et enseignée sur 3 ans seulement, selon les cas ! (la rapporteuse trouve cela très inquiétant).

Position du dip

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, explique qu'elle a eu le souci de défendre les particularités genevoises au sein de la commission fédérale qui a examiné l'ORRM. Elle a réussi à imposer des variantes de pourcentages horaires afin de conserver plus de souplesse pour l'application et l'approfondissement des disciplines selon les souhaits de chaque canton. Si la nouvelle ORRM entre en vigueur dès 1998, c'est que les premiers diplômes devront être délivrés en 2002. Une information auprès des cycles d'orientation est prévue.

Elle souligne que le cursus de 13 ans est maintenu à Genève, ce qui veut dire que les études gymnasiales en vue de l'obtention du certificat de maturité durera obligatoirement 4 ans.

Elle précise que la grille horaire, source d'inquiétude de la part des enseignants, n'est pas, à ce jour, définitivement arrêtée. Que ce n'est qu'après avoir écouté tous les voeux que la commission paritaire se prononcera pour déterminer la dotation horaire des différentes disciplines. La CTC se réunirait moins souvent à l'avenir et des groupes plus ciblés pédagogiquement seraient mis en place pour compléter les informations nécessaires à la prise de décision.

En ce qui concerne la maturité artistique, elle est consciente que ce problème est délicat. Elle a appris par la commission fédérale de maturité qu'un projet de maturité artistique cantonale, selon l'article 19 de l'ORRM qui prévoit que des expériences pilotes peuvent faire l'objet d'exceptions, n'entrait pas dans ce cadre et ne pourrait pas être considérée comme exceptionnelle.

Elle préconise que la proposition d'options artistiques, moins poussées certes, car moins approfondies que dans la maturité artistique, permette justement à un plus grand nombre d'élèves de s'ouvrir à l'intelligence sensible. De plus, même en choisissant cette option artistique, la reconnaissance du certificat sera fédérale et non plus simplement cantonale. Cela est considéré comme un net avantage de sa part.

Quant au nombre d'heures retenu pour l'option artistique (25 heures minimum hebdomadaire réparties sur 4 ans selon les professeurs, contre40 heures actuellement dans la maturité artistique), la présidente répond que le problème n'est pas encore tranché.

A l'étonnement de commissaires ayant constaté que l'on pouvait modifier certaines disciplines dans le plan imposé par l'ordonnance fédérale (comme la philosophie), il a été répondu que Genève avait choisi d'imposer toutes les branches en disciplines fondamentales et d'ajouter, en plus, la philosophie aux sciences humaines.

Débat de la commission

Au terme de ces auditions, la commission a été d'avis que les pétitions qui lui ont été soumises ont soulevé des problèmes importants. Elle a décidé qu'il convenait d'y répondre en établissant un inventaire des problèmes cités et de les présenter sous forme de motion au Grand Conseil.

Les commissaires veulent ainsi marquer politiquement les axes qu'ils souhaitent voir figurer dans l'application genevoise de l'ORRM. La commission est consciente qu'elle n'est pas compétente pour intervenir de façon concrète dans le détail des dotations horaires. Elle admet que son rôle est celui d'un médiateur pour que le dialogue se poursuive dans les meilleures conditions possibles entre les forces de direction et les enseignants.

La commission a décidé, à l'unanimité, de ne pas voter ces pétitions avant que le texte de la motion soit adopté majoritairement. Un petit groupe a été désigné pour rédiger le texte de la motion.

Le mandat donné était de se baser sur les désirs des partis de l'entente, spécialement d'une commissaire libérale, de rester positif, de relever les bons côtés de la nouvelle ORRM, de souligner le fait que l'obligation de modifier la forme des études gymnasiales ne pouvait pas être contrecarrée, qu'il ne fallait pas retarder les travaux du département, mais qu'il était prépondérant de se préoccuper des inquiétudes des enseignants. Le PDC a insisté pour rappeler que le certificat était un passeport pour l'université sans condition.

L'alliance de gauche et les écologistes se rallient à la proposition de motion tout en soulignant très clairement leurs préoccupations. Ils désirent que la filière artistique soit renforcée, que les acquis obtenus grâce à la maturité cantonale artistique ne soient pas perdus; qu'une souplesse d'application permette à des élèves plus artistes que scolaires, qui n'auraient jamais suivi d'études gymnasiales si la maturité artistique n'avait pas existé, d'avoir accès à la nouvelle ORRM, d'y trouver leur compte et continuer d'apporter leur vision plus sensible que rationnelle dans nos collèges. Vision qui fait si cruellement défaut à notre monde d'aujourd'hui (propos n'engageant que la rapporteuse). L'ADG et les Verts souhaitent voir se poursuivre la concertation entre les enseignants et les forces de direction.

Une idée de base qui tient très à coeur de l'alliance de gauche, et que partage le PDC, est l'identité que conférait aux études la maturité à sections (esprit littéraire, scientifique, latiniste, etc.). Identité qui permettait aux élèves de se situer clairement. Et qui risque de disparaître dans la nouvelle maturité à options où l'approfondissement est moins fort, où les options risquent de démarrer plus tard, où la notion de classe disparaît. L'idée retenue pour répondre à cette préoccupation est de choisir les options et notamment de commencer l'approfondissement en art le plus tôt possible, à savoir dès la1re année.

D'ailleurs, d'une manière générale, la commission est d'avis que les options se prennent progressivement dès la 1re année avec des passerelles de bifurcation ultérieure.

Les socialistes portent l'accent sur le confort de l'élève et la démocratisation concrétisée par l'ouverture des options. Ils déclarent que l'abandon des sections donne des résultats intéressants, c'est pourquoi ils tiennent à ce qu'on parle d'enrichissement plutôt que d'appauvrissement dans la nouvelle maturité. De par cette opinion, les socialistes rejoignent le point de vue libéral.

La commission dans son ensemble propose de renoncer de parler des filières commerciales professionnelles et gymnasiales, étant donné qu'une motion à ce sujet a été votée par la commission de l'université.

La commission, finalement, après un long et fort intéressant débat débouchant sur maints amendements émanant de tous les bords politiques (ce Grand Conseil me pardonnera de ne pas les avoir tous énumérés, mais d'en avoir résumé les principales composantes ci-dessus), soumet à l'approbation de votre Conseil la motion, votée à l'unanimité, moins 2 abstention de l'alliance de gauche.

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse. Je vous remercie, Madame Brunschwig Graf, de votre présence. Nous avons demandé d'inscrire ce point à l'ordre du jour pour être sûrs que cette motion soit bien entre les mains de la présidente du département, avant que les décisions ne soient prises concernant la nouvelle maturité. Je souhaiterais rappeler brièvement l'enjeu de cette motion à l'attention des personnes qui ne connaissent pas très bien ce dossier.

Le certificat de maturité à sections actuel va disparaître au profit d'un certificat de maturité unique, mais avec un choix d'options. Et ceci en conformité avec l'ordonnance fédérale.

A travers diverses pétitions, certains enseignants ont exprimé leurs soucis au sujet de la perte de la maturité cantonale artistique, qui a permis à de nombreux jeunes de suivre une formation gymnasiale grâce à cette filière moins traditionnelle. Elle a apporté au sein du collège de Genève un complément de connaissances sensibles, indispensables à la connaissance rationnelle. Cette perte n'est compensée que partiellement par la nouvelle option en art.

Cette préoccupation est partagée par des députés de tous les partis qui ont déposé cette motion. Par conséquent, nous demandons au DIP de tenir compte de ces revendications, de ne pas diminuer les heures d'enseignement en art et de commencer les cours fondamentaux dès la première année, afin de ne pas perdre la première année en approfondissement des arts.

Nous demandons au département de l'instruction publique de poursuivre la concertation avec le corps enseignant. Par ailleurs, un autre point fondamental est exprimé par le dépôt d'une nouvelle pétition : il s'agit de ne pas supprimer la quatrième année des langues vivantes, l'anglais en particulier, moyen universel de communication.

Je n'ai pas mentionné les motionnaires, mais j'ai remis la liste au sautier. Madame la présidente, n'oubliez pas de faire voter le dépôt sur le bureau du Grand Conseil des pétitions 1111 et 1125 !

La présidente. Sont-elles classées ou déposées ?

Mme Sylvia Leuenberger, rapporteuse. Elles sont déposées à titre de renseignement... C'est la même chose.

La présidente. Pas tout à fait !

Mme Sylvia Leuenberger, rapporteuse. J'ai oublié de mentionner que le dépôt de la motion entraînait le classement des deux pétitions.

Mme Janine Berberat (L). Je voudrais préciser qu'il s'agit du dépôt sur le bureau du Grand Conseil des deux pétitions, et il en émane la motion reprise par l'ensemble de la commission.

La présidente. Si tout le monde est d'accord, c'est parfait !

Mme Liliane Charrière Urben (S). Il est vrai que ce sujet arrive tardivement, mais, vu les délais, il est important de l'aborder ce soir. On parle une fois tous les vingt-cinq ans de cet important sujet qu'est la maturité; il faut donc lui consacrer un peu de temps ce soir.

J'aimerais relever la brièveté de ce rapport qui confine au raccourci, voire au survol. Lorsque brièveté est synonyme de densité, on peut s'en réjouir et s'en satisfaire. Mais ce rapport est si bref qu'il nous semble sommaire. Imaginez que l'on évoque Notre-Dame de Paris en disant : c'est l'histoire d'un bedeau bossu amoureux d'une gitane givrée. Ce serait un peu court et approximatif.

Nous avons passé dix séances sur ce sujet, et seules une soixantaine de lignes composent le rapport. Cela confine effectivement à l'exploit. Il y avait beaucoup à dire sur la nouvelle mouture de la maturité, issue des directives de l'ordonnance fédérale concernant le règlement de la reconnaissance des maturités, et notamment sur le cadre fédéral.

L'ORRM, restée cinq à six ans en gestation, laisse relativement peu de place à chaque canton pour se retourner et trouver une attitude, une marque typiquement cantonale. Si nous voulons que nos titres soient reconnus à l'extérieur du canton et à l'étranger, il faudrait qu'ils le soient en Suisse.

J'aimerais vous demander de corriger quelques petites erreurs. On lit à la page 9 : «Ces options ne démarrant réellement qu'en 2e année, car en 1re année les élèves étudient conjointement les arts visuels et la musique;». Or à la page 16, l'annexe vous indique très clairement qu'il s'agit de choisir dès la première année entre «les arts visuels ou la musique». Cette correction est importante, surtout pour les collégiens.

Il faut corriger une autre erreur ou approximation : on dit que l'enseignement de l'anglais se fera sur trois ans, mais, à notre connaissance, rien n'est arrêté. Il est donc inexact de dire qu'on abandonnera cette langue en 4e année. La grille horaire n'est pas définitive, et il y a de fortes chances que cette langue soit maintenue pendant quatre ans. Il faudrait tenir compte de cette modification.

On constate la même approximation au sujet d'autres options qui s'inscriraient au programme de 2e année. Pour ne pas être trop longue, je ne citerai pas d'exemples, mais ces options peuvent se prendre en 1re année, déjà. (Brouhaha.)

Pour en revenir à la brièveté du rapport, il nous aurait été utile, ainsi qu'aux parents qui liront éventuellement le Mémorial et surtout aux futurs élèves du collège, de trouver au moins en annexe les deux premiers articles de l'ORRM où figurent les généralités et les buts. On aurait également pu ajouter le plan d'études. (Brouhaha.)

Ce serait une attitude nostalgique et romantique de s'attacher aux filières et aux différents secteurs actuels. Comme les souvenirs de service militaire, ces filières nous ont peut-être laissé des souvenirs impérissables, mais les ouvertures proposées par le nouveau système sont appropriées. Elles permettent une orientation plus ou moins marquée vers un domaine sans différencier la maturité à l'issue des études.

Dans sa conclusion, la rapporteuse déclare que les socialistes rejoignent l'opinion des libéraux. Mais on pourrait renverser la phrase : les libéraux ont peut-être rejoint l'opinion des socialistes ! (Brouhaha.) L'ORRM est un bon projet qui permet aux élèves d'obtenir des options plutôt artistiques. Elle élargit le cercle des bénéficiaires, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse. Si Mme Charrière Urben a été déçue de ne pas obtenir ce rapport, elle aurait pu déposer un rapport de minorité !

M. Armand Lombard (L). Je ne vais pas me livrer à un discours exhaustif, car nous sommes tous d'accord sur ce projet.

Je souhaite néanmoins relever un point important quoique peu souligné : dans le cadre de cette motion, il n'a pas été suffisamment fait allusion au sort de l'élève. (Brouhaha.) Grâce à ce nouveau projet de maturité, il aura certainement plus d'autonomie, une plus grande capacité à se développer et à choisir sa propre voie, et non plus des voies toutes tracées comme c'était le cas sous les précédentes législations.

C'est un réel progrès, favorable à la formation des jeunes, à leur ouverture sur le monde. Je remercie les membres de la commission qui ont travaillé à cette motion et la cheffe du département pour son soutien.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Compte tenu du peu d'intérêt que vous manifestez pour un sujet aussi important, mon intervention ne durera que quelques secondes !

Nous aurons l'occasion d'y revenir en février, lorsque nous déposerons la loi. Et vous constaterez à ce moment-là que la maturité ne se met pas en place de pétition en pétition.

Madame Leuenberger, nous avons décidé de répartir l'enseignement de l'anglais sur quatre ans.

Enfin, j'aimerais émettre un voeu : que les députés veillent à ne pas être les «objets» successifs des pétitions à venir ! Chaque enseignant de chaque branche demandera le maximum, mais, comme le rappelait M. Lombard, il s'agirait, in fine, de se poser la question de l'intérêt des élèves.

P 1111-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

P 1125-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 1093

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

de la commission de l'enseignement et de l'éducation

sur la mise en place de la nouvelle maturité gymnasiale

LE GRAND CONSEIL,

considérant que:

- que la pétition 1111 «pour une nouvelle maturité qui intègre 25 ans d'expérience de la section artistique», déposée par les maîtres d'art du Collège de Genève et la pétition 1125 «pour une nouvelle maturité de qualité» déposée par des enseignants du collège Claparède, posent un problème important;

- que ce problème concerne l'ensemble de la réforme en cours de la maturité genevoise dans le cadre de l'application cantonale du règlement de l'ORRM, dont les objectifs sont notamment d'offrir aux élèves, dans la perspective d'une formation permanente, la possibilité d'acquérir de solides connaissances fondamentale, de développer leur ouverture d'esprit et leur capacité de jugement indépendant, ainsi que d'entreprendre, sans autres exigences, des études supérieures;

- que le passage d'une maturité à sections (classique, latine, moderne, scientifique, artistique et économique) à une maturité sans type, articulée autour d'options, ne doit pas faire courir le risque d'un appauvrissement de la formation, sous couvert d'harmonisation fédérale;

- que l'identité des études gymnasiales, telle qu'elle existe dans les maturités actuelles, offre pendant 4 ans des possibilités d'approfondissement des connaissances assurant la cohérence de la formation,

invite le Conseil d'Etat

-  à partager les préoccupations du Grand Conseil attaché à la qualité des études gymnasiales à Genève;

- à veiller à rapprocher les modalités de la réforme imposée par l'ordonnance fédérale des meilleures caractéristiques des voies gymnasiales genevoises actuelles;

- à favoriser le choix progressif des options dès la 1re année gymnasiale et à rendre possibles des modifications de choix par la mise en place de passerelles;

- à prévoir des dotations horaires raisonnables qui garantissent aussi bien l'approfondissement des disciplines choisies qu'une gestion souple du système d'options, notamment la possibilité d'options supplémentaires;

- à maintenir et adapter la particularité genevoise de la formation pour adultes;

- à favoriser la poursuite de la concertation, notamment dans le cadre de la commission technique consultative (CTC), entre les divers partenaires concernés (direction générale, équipes de direction, conférence(s) des présidents de groupe, groupes de disciplines, représentants des enseignants;

- à prévoir, dès maintenant, une information approfondie sur l'ORRM destinée aux enseignants des divers ordres d'enseignement, aux élèves et à leurs parents.

Annexes.

ANNEXE A

ANNEXE B

PG = présidents de groupes de discipline.

ANNEXE C

 

La séance est levée à 23 h 30.