République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 juin 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 9e session - 30e séance
PL 7417-A et objet(s) lié(s)
5. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission des finances s'est réunie à deux reprises pour traiter les deux projets de loi qui vous sont soumis.
M. Daniel Ducommun a présidé nos travaux qui se sont déroulés en présence de M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, et M. J.-P. Pangallo, que nous remercions pour leur disponibilité.
Le présent rapport porte sur les projets 7417 et 7413 qui sont directement liés.
En effet, la création d'une fondation intercommunale des communes de Satigny, Russin et Dardagny se justifie pour répondre aux exigences de gestion d'un établissement médico-social pour personnes âgées, tel que celui projeté, et le projet 7413 nous propose une demande de crédit pour sa construction.
Travaux de la commission
Avant le début de ses travaux, la commission des finances a reçu un préavis favorable aux deux projets de la majorité de la commission des affaires sociales.
Les oppositions ou les grandes réserves aux projets sont toutes venues de la gauche et des Verts, laissant un goût amer inexplicable, autrement que par une argumentation vaseuse tendant à faire croire que cet établissement du Mandement ne répondait pas à un besoin.
Ces oppositions donnent le sentiment que la gauche entend garder le monopole de juger de la catégorie de ceux qui ont le droit d'avoir une maison de retraite à proximité de leur famille, comme si leur obsession de la lutte des classes devait se poursuivre au-delà de la vie active, comme s'ils considéraient privilégiées les personnes âgées de nos campagnes, comme s'ils voulaient nous imposer une aide aux personnes âgées à deux vitesses.
La majorité considère regrettable de politiser des projets de ce type et pour ceux qui s'en défendront, il faudra qu'ils nous expliquent les raisons, d'un rapport de minorité.
Projets répondant à un besoin
Sans être un spécialiste de la planification gérontologique ou de l'évolution démographique, tout un chacun peut constater un vieillissement significatif de la population ces dernières décennies.
Tous s'accordent à reconnaître le défi colossal à relever pour les générations futures que représente la prise en charge, toujours plus importante, des personnes âgées. Tous, sauf les adversaires de ces projets qui tentent de banaliser ce phénomène du besoin à croissance démultipliée.
M. Gonczy, directeur adjoint à la direction du DASS, a confirmé le besoin, dans ce cas particulier, de la «Résidence Mandement», sous les angles quantitatif et qualitatif.
Au niveau de l'aspect quantitatif, la région ne dispose que d'un établissement médico-social avec la pension du Nant-d'Avril qui possède une capacité d'accueil de 40 lits. Cet établissement s'est spécialisé au fil du temps dans l'accueil de personnes souffrant de troubles psychiques.
Par ailleurs, comme le relève notre collègue Claude Blanc, ancien conseiller administratif de Meyrin, les habitants de sa commune et de Vernier sont très intéressés à la construction de cet établissement, et sont reconnaissants aux communes du Mandement d'avoir pris cette initiative dont ils pourront bénéficier.
Investissement
La commission des finances a pu se convaincre, par un tableau comparatif, que le coût de construction se situait dans la bonne moyenne des coûts de construction des établissements de même type.
Vote
La commission des finances s'est prononcée en faveur de ces projets avec les résultats suivants.
Projet de loi 7413:
8
oui
(4 L, 2 R, 2 DC)
2
non
(1 Ve, 1 AdG)
et
3
abstentions
(2 S, 1 AdG)
Projet de loi 7417:
8
oui
(4 L, 2 R, 2 DC)
1
non
(1 AdG)
et
4
abstentions
(2 S, 1 Ve, 1 AdG).
Conclusion
Les conseillers municipaux des communes de Satigny, Russin et Dardagny ont accepté à l'unanimité ces projets et alloué un crédit de prèsde 7 millions de francs pour financer leur part à l'investissement des13 925 600 F.
Il est tout de même stupéfiant de voir l'alliance gauche-Verts contester ces projets, alors que leurs amis politiques des communes intéressées les soutiennent à l'unanimité.
Il est tout de même incroyable que les adversaires de la construction de cet établissement pour personnes âgées soient si peu sensibilisés aux graves conséquences d'une politique insouciante en matière de vieillissement de la population.
Trois communes vouent une attention exemplaire à leurs aînés et nous devons les féliciter et les remercier.
En guise de marque de reconnaissance, la majorité vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter les projets de loi 7417 et 7413.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Les 3 900 lits des établissements médico-sociaux (EMS) sont un élément primordial de l'aide aux personnes âgées. Ce secteur évolue en interdépendance avec l'aide à domicile et les établissements hospitaliers. Les personnes âgées y séjournent moins longuement, elles y entrent plus tardivement, plus dépendantes physiquement et/ou psychiquement. Le système de financement subit des modifications importantes par la LaMAl et prochainement par un nouveau projet cantonal de subventionnement.
Il y a quelque sept ans, la Confédération a décidé d'interrompre son aide à l'investissement pour les EMS. Le canton de Genève (son Grand Conseil) s'est alors rué sur les dernières opportunités de ce subventionnement en planifiant une série d'établissements, réalisés peu après.
Surdoté en lits et du fait de la nouvelle loi sur l'aide à domicile, Genève a décrété un moratoire en 1992. Le développement de l'aide à domicile, adopté en votation populaire, avait notamment pour objectif de permettre le maintien à domicile de personnes âgées préférant bien souvent cette solution à une institutionnalisation.
Le probable effet de cette loi et le taux élevé de lits en EMS dans le canton ont allégé la pression sur les listes d'attente, voire provoqué l'apparition de lits vacants. La liste en est tenue à jour par les services du DASS. Une discrimination se fait jour à l'égard de lits plus ou moins recherchés, lits plus ou moins adaptés aux besoins, lits plus ou moins médicalisés, lits reconnus ou non par le DASS et subséquemment par les assurances. Dans le but de remplir les lits, certains établissements accueillent alors des personnes avec handicap psychique en âge non-AVS. Dans le secteur du Mandement, c'est le cas de la pension du Nant d'Avril pour 20 de ses 40 lits.
L'actuel projet de « Résidence Mandement » retenu par le Conseil d'Etat, au moment du moratoire, sous la rubrique « projets acceptés parce correspondant à un besoin ou à des mesures de rationalisation » fait partie d'un vaste aménagement d'un nouveau centre de village à Satigny. La gestion de l'EMS prévu sera confiée à une fondation associant les communes de Satigny, Russin et Dardagny.
Les députés ni pour, ni contre le projet, ont tenté de faire leur travail de député, de se forger une opinion sur le bien-fondé du projet. La question a paru inopportune et c'est le traitement qui a été réservé à cette question qui provoque le rejet du présent projet.
Consultée, la commission des affaires sociales a rendu un avis sommaire à l'issu d'un court débat. Le DASS ayant fourni, pour nourrir l'analyse, des données datant de 1992, les liens amicaux des députés avec les élus des communes concernées, la pertinence de promouvoir la construction en général et l'engagement pris 1992 par le Conseil d'Etat d'entrer en matière sur cet établissement, ont fait le reste et motivé l'adhésion de la majorité de la commission des affaires sociales.
Non résolue, la question du besoin a été reposée en commission des finances, commission rapporteuse. Il a été rappelé que le Grand Conseil est toujours en attente d'un rapport sur l'aide à domicile et qu'il devra, à l'occasion du prochain budget, prendre position sur l'aide à domicile dont le financement assuré pour quatre ans, touche à son terme. Rappeler aussi que le Conseil d'Etat présentera cette année encore une planification des lits hospitaliers, telle que la LaMAl l'y oblige, qu'il présentera aussi un nouveau projet de subventionnement des EMS et que les recours relatifs à la reconnaissance des EMS ne sont pas encore tranchés par l'autorité fédérale. De plus, le Conseil d'Etat a fait savoir qu'il prévoit de reconduire le moratoire.
Ni les communes concernées, ni le département n'ont fourni d'analyse actualisée établissant le besoin. Pire encore, le taux de lits disponible dans le secteur considéré étant supérieur à la moyenne cantonale, le besoin initial des communes, c'est transformé en cours de discussion en besoin pour les communes voisines de Meyrin et Vernier. Autrement dit, les communes de Satigny, Russin et Dardagny constituent une fondation et investissent pour les besoins des communes environnantes. Que nenni: le projet présenté au Grand Conseil ne le dit pas, mais un étage au moins est conçu de façon modulable, afin de servir de studio ou de petits appartements.
La légèreté avec laquelle le projet est défendu, malgré l'élaboration tardive d'un argumentaire opportuniste par le département, ne permet pas d'accepter le projet. Mais est-ce qu'on nous demande notre avis ? L'avis de soumission publique pour la construction de la «Résidence Mandement» est déjà paru dans la Feuille d'avis officielle le 7 juin, le délai échu le 20 juin et à l'heure où le Grand Conseil traitera du projet les travaux peut-être déjà engagés. Comme dit le président de la commission des finances, les communes concernées ont déjà voté 20 millions de francs pour un parking, une route et des aménagements extérieurs... une bonne raison en somme pour voter à notre tour un crédit au titre de subvention cantonale pour la construction de la « Résidence Mandement » ! ?...
Premier débat
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). La commune de Satigny a écrit une lettre au président du Grand Conseil, j'en demande lecture.
La présidente. Monsieur le secrétaire, veuillez lire cette lettre.
LETTREpage 2
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Lorsque l'on n'est ni pour ni contre un projet, comme le dit Mme Maulini-Dreyfus, je ne comprends pas pourquoi on s'exprime dans un rapport de minorité qui, de surcroît, comporte des affirmations inexactes, comme la lecture de cette lettre vient de nous le prouver.
S'il est vrai que les trois communes concernées ont déjà délibéré ce n'est pas pour mettre le Grand Conseil devant le fait accompli, mais bien pour gagner du temps et commencer la construction, cette année encore, si la décision de notre parlement est positive.
Mme Maulini-Dreyfus ignore peut-être la durée des délais référendaires après délibération et celle, non moins longue, des arrêtés du Conseil d'Etat. Il est également faux de prétendre que les communes concernées ont déjà voté une somme de 20 millions pour un parking, une route, etc. Seul le Conseil municipal de la commune de Satigny a libéré une somme de plus de 9 millions pour des constructions à Satigny uniquement. Il est vrai que ces constructions se situent à proximité de la maison projetée.
Ce rapport de minorité établit un parallèle entre le maintien des personnes âgées à domicile et cette résidence. Or Mme Maulini-Dreyfus, en raison de sa profession, sait pertinemment que ce maintien n'est possible qu'avec un soutien familial accru et l'aide de nombreux bénévoles. Dans les communes rurales ce soutien est bien réel, mais, si les trois communes du Mandement ont étudié l'opportunité de cette résidence, c'est bien parce que les services cités ne suffisent plus, à un certain stade de la vieillesse.
Le DIER, auquel sont rattachées les communes, encourage les fondations intercommunales, qu'elles soient sportives, culturelles ou, comme dans ce cas, à but social; c'est vraiment une vision d'avenir. Si vous acceptez ce projet que je vous recommande vivement, nous aurons cautionné la première fondation intercommunale pour la construction d'un établissement médico-social pour personnes âgées, ayant fait l'objet d'une vaste étude d'opportunité et répondant à un réel besoin.
M. David Revaclier (R). Le groupe radical est bien évidemment favorable aux deux projets de lois proposés à l'approbation de notre Grand Conseil. Le projet de loi 7417, qui propose la création d'une fondation intercommunale de droit public chargée de la gestion de la Résidence Mandement, est conforme aux exigences liées à la gestion de ce type d'établissement. Le projet de loi 7413, qui a trait à la demande de crédit au titre de subvention cantonale unique pour la construction, à Satigny, d'un établissement médico-social pour personnes âgées pour les trois communes du Mandement, concrétise le souhait des autorités communales qui se sont préoccupées, au début des années 90, du phénomène de vieillissement de la population durant les dernières décennies et des mesures à prendre pour répondre aux besoins futurs des habitants de leur commune respective, étant donné que rien n'avait été entrepris dans ce domaine.
C'est pourquoi ces communes ont décidé d'élaborer un projet commun - c'est une première - de construction d'un établissement médico-social répondant aux exigences actuelles pour ce genre d'hébergement. Ce projet, après avoir obtenu le feu vert du DASS, a été accepté par le Conseil d'Etat le 15 juin 1992. Il répond à un besoin réel sur les plans quantitatif et qualitatif. Les familles du Mandement concernées par le problème délicat de la prise en charge des personnes âgées, dont le maintien à domicile est devenu impossible, attendent avec impatience la construction de cet établissement. Disposer d'une résidence proche représente un avantage évident : cela facilite la vie quotidienne des habitants. Le douloureux problème de l'hébergement de personnes âgées trop dépendantes sera atténué, puisqu'elles pourront, si elles le désirent, passer leurs dernières années dans le lieu où elles ont vécu, évitant ainsi le déracinement et toutes ses conséquences. De plus, ce chantier de plus de 13 millions de francs, qui pourrait démarrer sous peu, serait bienvenu : personne n'ignore les grandes difficultés des entreprises de la construction liées à la crise persistante.
Quant aux propos figurant dans le rapport de minorité de notre collègue, Mme Maulini-Dreyfus, ils sont à la fois déconcertants et consternants ! Les arguments, qui tendent à démontrer que ce projet de construction ne répond pas à un besoin, relèvent d'un esprit partisan, étroit, et non d'une analyse sérieuse. Ces informations sont fallacieuses. De plus, les allusions insidieuses concernant les liens amicaux qu'ont certains députés avec les élus des communes concernées - ce qui est une chose tout à fait normale - et leur but qui serait, paraît-il, d'aider à faire aboutir ce dossier, méritent notre plus grand mépris. (Exclamations.) Il en est de même des sous-entendus inexacts et diffamatoires concernant la soi-disant somme de 20 millions votée par les communes pour les aménagements extérieurs de la future place du village. La route d'accès et le parking font partie intégrante du projet de construction envisagé; ils sont indispensables, et il faut le souligner.
Le groupe radical regrette que la rapporteuse de minorité ait cru bon d'ironiser et de politiser le débat sur cet objet sérieux qui, assurément, méritait mieux.
Pour notre part, nous tenons à féliciter et à remercier les autorités communales, ainsi que leur Conseil municipal respectif, d'avoir pris l'initiative d'élaborer en commun le projet de construction de cette résidence pour personnes âgées. Cette réalisation nécessaire est attendue par l'ensemble des habitants de Dardagny, Russin et Satigny, et répondra tout à fait aux besoins actuels de la population.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir accepter, Mesdames et Messieurs les députés, les conclusions de l'excellent rapport de majorité de notre collègue, M. Annen, et, par conséquent, d'accepter cette demande de crédit.
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste est divisé sur ce projet de loi. Afin de ne pas multiplier les prises de parole ni allonger inutilement les débats, je tenterai l'exercice difficile de vous exposer les arguments qui ont convaincu une partie du groupe et ceux qui font douter le reste de la fraction socialiste.
Les arguments en faveur du projet ne recoupent pas tout à fait ceux développés par M. Annen dans son rapport de majorité.
Nos arguments sont les suivants : premièrement, ce projet n'était pas compris dans le moratoire de 1992. Par conséquent, les communes ont reçu le feu vert du département de l'action sociale et de la santé et ont donc continué à réfléchir sur leur projet. Il serait pour le moins curieux que le canton revienne sur sa décision et remette en cause la parole donnée. Dans ce cas, il mettrait en jeu sa crédibilité.
Deuxièmement, les listes d'attente des pensions sont un peu moins longues. Mais toutes les pensions n'ont pas la même qualité. La création de nouvelles pensions permettrait de fermer celles qui ne sont plus adaptées aux besoins, notamment celles dont les chambres sont occupées par plusieurs personnes, ce qui n'est plus admissible aujourd'hui.
Troisièmement, le secteur de Dardagny/Meyrin n'est pas suréquipé en pensions pour personnes âgées.
Enfin, il a été dit que la pension du Nant d'Avril, construite dans la même commune, accueillait, pour l'essentiel, des patients psychiques, dont certains n'ont pas 65 ans. Il existe une demande pour cette population, mais ce type d'établissement n'est certainement pas la solution la plus satisfaisante. Cependant - il faut bien le reconnaître - par rapport aux personnes qui ont des difficultés d'ordre physique, le système de soin et de maintien à domicile n'est pas développé.
Les arguments de Mme Maulini-Dreyfus font douter une partie des socialistes. Il est vrai que les statistiques du département sur les pensions sont trop peu nombreuses pour permettre d'y voir clair. Si elles nous renseignent quantitativement, elles n'apportent, en revanche, aucun éclaircissement sur leur qualité. Il y a là une grave lacune !
D'autre part, la manière de traiter la problématique liée aux pensions pour personnes âgées n'est pas satisfaisante. Leur financement doit être revu, ainsi que le contrôle de leur qualité. Enfin, ce projet aurait mérité probablement une étude plus approfondie, et, comme le relève Mme Maulini-Dreyfus dans son rapport, les autorisations de construire ont déjà été déposées, alors que le parlement ne s'est pas encore prononcé.
J'ai tenté l'opération difficile de vous donner les deux points de vue de mon groupe; j'espère avoir réussi !
Une voix. Que diront les journalistes ?
M. Bernard Clerc (AdG). Le moins que l'on puisse dire, c'est que je n'ai pas été convaincu par ces projets de lois ! De plus, les éléments qui nous ont été apportés en commission des finances ont renforcé ma décision de voter contre ce projet.
Du point de vue de la forme, je soutiens entièrement le rapport de minorité de Mme Maulini-Dreyfus. Il est exact qu'un certain nombre de travaux liés à ce projet ont déjà débuté. Il est pour le moins curieux de constater, dans la «Feuille d'avis officielle», que deux jours après le vote en commission des finances, le 5 juin, la Fondation procédait à des appels d'offre, alors que, en tant que fondation, elle n'avait pas encore reçu l'aval de ce parlement. Ces procédés sont quelque peu cavaliers !
Sur le fond, la question du besoin n'a pas été démontrée. La première considération générale est la suivante : étant donné les progrès de la médecine et le développement de l'aide à domicile, la mise en pension d'un certain nombre de personnes âgées dépendantes a tendance à diminuer.
En général, on admet, pour les institutions de ce type, par région, un nombre de lits ne dépassant pas le taux de 6% de la population à l'AVS. Or ce taux est déjà atteint dans le secteur du Mandement; avec la nouvelle pension proposée, il sera d'environ 13 %.
Par ailleurs, dans ce projet, il est question de lits de type A. Tout le monde sait aujourd'hui que ce genre de lit n'est pas utilisé dans les pensions pour personnes âgées. Il s'agit donc d'une erreur de conception. En effet, ce concept date de 1988; les choses ont eu le temps d'évoluer !
On prétend qu'il faut construire cette pension dans le secteur du Mandement, afin que les quelques personnes âgées de cette région recourant à ce type de prise en charge puissent demeurer dans leur contrée. Mais alors, Mesdames et Messieurs les députés, pour rester cohérents, il faut construire cette pension dans le secteur Vernier/Meyrin où le nombre de personnes âgées ayant besoin de ce genre de soutien est beaucoup plus élevé. Elles ont, elles aussi, de bonnes raisons de rester dans leur environnement immédiat !
Je ne suis pas convaincu par ce projet de loi. La meilleure des choses à faire est de suspendre la décision en attendant le rapport prévu au sujet de l'aide à domicile. Pour toutes ces raisons, je voterai non.
M. Max Schneider (Ve). A première vue, il peut paraître choquant de parler de ce genre d'institution. Mais il est beaucoup plus choquant de mettre les personnes âgées dans des «boîtes» et de les y oublier en prenant soin de payer leur pension, bien souvent très importante, puisqu'il s'agit de plus de 6 000 F par mois.
Mme Maulini-Dreyfus a eu le mérite de poser des questions que l'on aurait dû, de toute façon, se poser un jour. D'habitude, M. Revaclier est très modéré, mais, aujourd'hui, il a mis des lunettes opaques qui l'empêchent d'y voir clair ! Il ne parvient pas à anticiper et à comprendre que ce genre d'infrastructure entraîne de lourdes charges.
M. Revaclier outrepasse les limites autorisées en disant que les réflexions de Mme Maulini-Dreyfus méritent le plus grand mépris. Il prétend que son analyse n'est pas sérieuse, alors que ma chère collègue travaille dans ce domaine qu'elle connaît fort bien. Monsieur Revaclier, c'est vous qui n'êtes pas sérieux et qui êtes méprisant. Je regrette beaucoup les paroles que vous avez prononcées ; cela ne vous ressemble guère ! Je souhaite que nous puissions, à l'avenir, reprendre ce débat avec un peu plus de sérénité.
Cette politique, menée dans l'ignorance des structures existantes, comme l'aide à domicile, va à l'encontre, non seulement des principes économiques, mais aussi humains. En effet, il n'est pas normal de reléguer les vieillards dans des instituts une fois qu'ils ne sont plus rentables économiquement. C'est une incohérence de notre système social.
Il serait bon de mettre en relation certaines structures déjà existantes, l'aide à domicile par exemple, ou alors d'imaginer d'autres possibilités de vie pour les personnes âgées : la construction de petites maisons gérées selon un système différent dans lesquelles on pourrait accueillir trois ou quatre personnes âgées. Cette formule serait moins coûteuse et beaucoup plus conviviale, et elle évite les trop grandes concentrations et les cantines.
Je vous parle en connaissance de cause : ma mère est actuellement dans une de ces institutions, et j'en ai visité plusieurs. Malgré les soins attentifs des infirmières, les personnes âgées souffrent de solitude; elles sont parfois délaissées, victimes de comportements qui manquent d'humanité. (Brouhaha.) Malgré le luxe de ces maisons et leur coût, la chaleur humaine manque. Voilà pourquoi une réflexion sur les soins à domicile est nécessaire.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse de minorité. Aujourd'hui, le rapport est contesté en plénière, tout comme il l'a été dans les commissions, respectivement la commission des affaires sociales et celle des finances. Mais il est rarement contesté sur le fond.
Lors de la réunion des chefs de groupe, j'avais proposé que ce projet, concernant un crédit pour la Résidence Mandement, passe d'abord à la commission des affaires sociales, puis à celle des finances qui est la commission rapporteuse. Cette proposition se justifie par le fait que, le moratoire sur les établissements pour personnes âgées touchant à sa fin, il est indispensable que les membres de la commission des affaires sociales connaissent les besoins et la planification pour le canton, puisque leur décision doit tomber après l'échéance dudit moratoire.
Le projet a été renvoyé à la commission des affaires sociales qui «en deux coups de cuillères à pot» a décidé que :
Premièrement, le secteur de la construction avait besoin de commandes. Selon certains députés, ce motif justifiait pleinement la construction d'une résidence pour personnes âgées.
Deuxièmement, les chiffres donnés par le département de l'action sociale et de la santé, à savoir ceux de 1992, soit avant le développement du service de l'aide à domicile, avant la réduction du nombre de lits hospitaliers, avant les problèmes liés aux assurances et avant les budgets, pouvaient servir à l'analyse de 1996.
Ces deux raisons m'ont paru insuffisantes, et, en commission des finances, j'ai reformulé la question du besoin.
J'estime, comme vous, que ces trois communes ont bien travaillé en se rassemblant sur un tel projet. Comme vous, je trouve que la création d'un nouveau centre à Satigny, l'ancien ayant été défiguré par la route qui le traverse, est une excellente idée.
Prévoir un centre autour d'une pension pour personnes âgées est une idée originale, et les aménagements prévus sont certes très beaux, comme le réaménagement de l'entrée de la crèche, la place du village, y compris la modération du trafic sur la route d'Aïre, soit un concept en entier.
Cependant, un bon concept n'autorise pas les responsables cantonaux à construire un établissement pour personnes âgées à cet endroit et cette année.
Nous avons pris connaissance des données cantonales, région par région, et, comme l'a rappelé M. Clerc, la région du Mandement dépasse le taux de 6% de la moyenne cantonale du nombre de lits pour personnes âgées. Evidemment, on peut arguer que la pension du Nant d'Avril, qui existe depuis plus de vingt ans, a quarante lits et une autorisation d'établissement pour personnes âgées, dépendantes physiquement et appartenant à la catégorie B1.
Ensuite, on nous a décrit le cas d'une petite pension de quatre ou cinq lits, dont le propriétaire ne voulait pas augmenter l'effectif afin de ne pas être soumis aux exigences du contrôle cantonal. Or, depuis que j'ai écrit mon rapport, il s'est révélé que cette petite pension a aussi un projet d'extension, lequel n'est pas soutenu par les autorités cantonales ni par les autorités communales. Personne ne parle de cette bagarre lors de la présentation du projet.
L'établissement du Nant d'Avril qui avait obtenu quarante lits pour personnes âgées, dépendantes physiquement, a vu son autorisation modifiée sans que les députés qui étudient cette question en soient avisés. Ce changement d'autorisation s'est produit à la mi-mai de cette année, mais nous n'en avons même pas été informés ! Le département des affaires sociales, qui a modifié l'autorisation, accorde une autorisation à la pension du Nant d'Avril pour la catégorie de pensionnaires B2, souffrant de dépendance psychique. Il est ensuite facile aux maires des communes concernées d'écrire une lettre pour dire que la rapporteuse de minorité ment, et qu'ils n'ont pas de lits B1. Ceci est vrai depuis la mi-mai, et j'estime que ce genre de manipulation, survenue pendant que nous discutions du projet, n'est pas acceptable.
Deuxièmement, il est vrai que la Résidence du Nant d'Avril avait déjà accueilli des personnes dépendantes psychiquement. Que s'est-il donc passé ? Il y a quelques années, la Confédération a décidé d'interrompre son aide à l'investissement pour les EMS. C'est alors que des «soldes» ont eu lieu dans ce parlement, et que ce Grand Conseil s'est rué sur les dernières opportunités de ce subventionnement en planifiant une série d'établissements médico-sociaux, sans trop réfléchir. Par la suite, on s'est rendu compte qu'on en avait prévu un peu trop !
Après cette série de constructions, le canton de Genève, par arrêté du Conseil d'Etat, a déclaré un moratoire sur le nombre de lits en EMS, facteur extrêmement important de notre politique sociale. Dans ce canton, il y a plus de lits en EMS qu'en hôpitaux, et c'est normal. Simplement, nous en avons un peu trop et, comme vous l'avez compris ce matin, nous n'avons pas les moyens de réaliser tous nos projets.
La première manipulation consiste à changer l'autorisation pour que la région concernée par le projet Mandement puisse affirmer ne pas avoir de lits pour personnes âgées dépendantes physiquement.
La deuxième manipulation réside dans le fait suivant : n'ayant pas reçu l'autorisation de reconnaissance de la part du DASS et des assurances, une série d'établissements médico-sociaux ont fait recours auprès du Tribunal fédéral. La Résidence du Nant d'Avril est dans ce cas. En plus du rapport sur l'aide à domicile et de la planification du nombre des lits, qui doit être effectuée dans ce canton conformément à la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie, nous pourrions attendre les résultats du jugement du Tribunal fédéral pour savoir combien de lits ce canton conserve dans le secteur médico-social.
Je peux comprendre que ce projet doive se réaliser au plus vite, étant donné l'interdépendance de la construction et des agencements prévus au centre du village. Mais de là à me faire croire que le besoin a été étudié et qu'il est reconnu... Madame Mottet-Durand, vous avez dit, tout à l'heure, qu'il y avait une vaste étude d'opportunité. Si vous en avez connaissance, informez-moi, s'il vous plaît ! J'ai suivi les travaux dans les deux commissions, mais j'attends encore la vaste étude d'opportunité.
Certaines personnes bénéficient de l'aide à domicile et d'autres ont besoin d'une institution. Nous savons que, dans ce canton, l'aide aux personnes âgées passe par trois secteurs : hospitalier, aide à domicile et établissement médico-social. Aucun des trois ne sera éliminé, car les trois se justifient. Mais il faut savoir planifier la répartition. Or faire plaisir à quelques communes ayant prévu d'aménager le centre de leur village ne convient pas à une bonne planification. Je prétends que la vaste étude d'opportunité n'existe pas.
M. Revaclier assure que, bien évidemment, le groupe radical est favorable. Plus je réfléchis à ce problème, plus je reçois de téléphones concernant mon rapport de minorité, et plus je pense que cette histoire est «radicalo-radicale» ! Ainsi, il n'est pas étonnant que le groupe radical y soit entièrement favorable.
Il faut encore savoir que M. Revaclier possède une vaste connaissance du sujet qui lui permet de dire à quel point ce projet répond aux besoins réels ! Pour s'en convaincre, il suffit de lire dans le Mémorial les interventions qu'il a faites l'an dernier. Sur cinq interventions, principalement des résolutions, deux concernent la gestion des déchets, deux parlent de la promotion des vins suisses, et une est en faveur d'une fondation à Russin. C'est dire tout le crédit que l'on peut accorder à vos affirmations, Monsieur Revaclier, vous qui prétendez que ce projet répond à de réels besoins ! Toutefois, si vous désirez apporter des détails sur les besoins réels, vous êtes le bienvenu.
Pour terminer, le montant de 20 millions est aussi contesté. Il est vrai que le travail de député, qui essaie de comprendre, au gré des informations que l'on veut bien lui donner pour compléter son rapport de minorité, est rendu difficile lorsque les connaissances personnelles relatives aux sujets traités - comme les structures de l'administration ou celles de la commune - font défaut.
Le président de la commission des finances a introduit la discussion en disant que la commune s'était déjà engagée pour une somme de 20 millions sans préciser qu'elle concernait l'ensemble du projet. En effet, sont compris dans ce montant : la construction d'un parking, d'une route, de logements, d'un commerce, d'un centre médico-social, d'un cabinet médical, de l'aménagement d'une crèche et de la place du village. Et ce tout est interdépendant de la construction de l'EMS.
Je conclus par la question suivante : le fait de s'être engagé pour tous les autres aménagements justifie-t-il que le canton reconnaisse le besoin de construire une résidence pour personnes âgées au Mandement ?
C'est dire à quel point il est difficile de s'y retrouver parmi ces différentes données ! Monsieur Revaclier vient de nous parler de 13 millions; la lettre de Jean-Michel Gros, adressée à la commission des affaires sociales le 16 avril 1996, fait état de 20 millions; le rapport de M. Annen, de 7 millions ne concernant que la part de la fondation pour l'EMS, alors que, dans la lettre des maires, il est mentionné 9 664 000 F pour les autres structures que l'EMS. Si l'on fait le compte, soit environ 10 millions plus 7 millions, on arrive à 17 millions. Certains annoncent 19 millions. D'autres, 20 millions.
Peu importe, mais le fait est que ces constructions sont interdépendantes, et que personne n'a supporté la moindre des questions à ce sujet. D'ailleurs, le fait que nous en traitions dans le cadre du DIER est bien le signe que la préoccupation de la majorité a été celle d'accréditer une décision communale, plutôt que de traiter ce problème en partant d'un besoin réel en politique sociale.
Une voix. C'est très bien Gabrielle !
M. Bernard Lescaze (R). Curieusement, ceux qui ne cessent de nous dire qu'il n'y a pas assez d'équipements sociaux ou que nous sommes en retard attaquent, et avec quelle vigueur, un équipement social !
Il est particulièrement curieux de voir les agneaux verts s'attaquer aujourd'hui aux panthères grises ! Et il est encore plus étrange de voir la rapporteuse de minorité s'attaquer, sous prétexte qu'elle a une compétence professionnelle que je ne saurai lui dénier, à cet excellent projet. Nous ne lui reprochons pas de parler, souvent, de sujets sur lesquels elle n'a aucune compétence, comme nous le constatons à la commission des finances. Elle me fait penser à ces bibliothécaires, pour lesquelles l'idéal d'une bibliothèque...
M. Max Schneider. Pas d'attaque personnelle !
M. Bernard Lescaze. Monsieur Schneider, nous ne vous avons pas sonné, alors veuillez rester à votre place !
Une voix. C'est très bien, Bernard !
La présidente. Monsieur Lescaze, poursuivez ! Ne vous laissez pas perturber par M. Schneider !
M. Bernard Lescaze. Oui, Madame, mais vous pourriez aussi intervenir, car vous avez une cloche, à côté de vous ! (Rires.)
Une voix. Laquelle ?
M. Bernard Lescaze. Il est évident, Madame la présidente, que je parle de la petite sonnerie qui se trouve à votre gauche. (Rires.) A votre gauche !
La présidente. Trêve de plaisanterie !
M. Bernard Lescaze. Ouais ! A mon avis, la rapporteuse de minorité s'apparente à ces bibliothécaires pour lesquelles l'idéal est d'avoir des livres empoussiérés, bien rangés et non utilisés.
En ce qui nous concerne, les établissements médico-sociaux sont faits pour être utilisés, et je ne doute pas que, si les représentants des trois communes de Dardagny, Russin et Satigny veulent cet équipement, ils savent, étant proches de leurs habitants, qu'il sera utilisé.
D'après vous, la commission sociale s'est penchée sur ce sujet avant la commission des finances. Vous n'avez pas obtenu de réponse à la question d'opportunité posée, paraît-il, à la commission sociale. J'émets un doute, puisque je n'y siège pas. Il est certain, par contre, que nous avons reçu, à la commission des finances, une lettre signée par la présidente de la commission sociale n'apportant guère de renseignements. Nous avons exigé davantage de renseignements et nous en avons obtenu; vous semblez passer aux pertes et profits l'excellente note fournie par le département de l'action sociale et de la santé qui répondait à un certain nombre d'objections très curieuses.
Par exemple, lorsque, à la commission des finances, le député Clerc, qui est un spécialiste de la statistique, a voulu prouver que le besoin en homes pour personnes âgées n'était pas garanti, il a prétendu que le nombre des octogénaires diminuerait lors des prochaines années. Malheureusement, son argumentation sur cette baisse probable n'étant pas fondée, elle est restée peu convaincante. Je mets sérieusement en doute ses propos pour d'autres raisons, liées à la démographie. Je pense qu'il s'appuyait essentiellement sur les statistiques élaborées suite à l'épidémie de grippe espagnole qui a eu lieu voilà quatre-vingts ans ! Mais depuis, Monsieur Clerc, l'allongement de la durée de vie fait que, en réalité et malgré vos statistiques, la proportion d'octogénaires ira croissant dans ce canton.
Par ailleurs, on s'étonne des remarques concernant la date de publication de l'autorisation de construire; elles révèlent une méconnaissance parfaite des mécanismes selon lesquels les municipalités agissent. Par exemple, à la Ville de Genève, lorsqu'un projet arrive devant le Conseil municipal pour être accepté ou refusé, la municipalité possède déjà, en général, l'autorisation de construire. Je rappelle qu'elle ne signifie pas l'ouverture de chantier et le début des travaux, mais, si on ne veut pas perdre de temps, être économe et avoir une bonne gestion des deniers publics, il est sage d'avoir déjà l'autorisation de construire.
Les arguments avancés par la minorité prouvent qu'elle cherche à s'opposer, par tous les moyens et pour des raisons obscures, à cet établissement médico-social. D'ailleurs, elle ne veut pas prendre en considération l'avis des communes. C'est d'autant plus intéressant que ces mêmes partis minoritaires ne cessent de prôner la démocratie de quartier et le respect de la volonté communale.
Mesdames et Messieurs de la minorité, ne faites pas d'opposition stérile, soyez cohérents ! Sans arrêt, vous avez poussé à l'équipement social et médical de ce canton. Le jour où, comme par hasard, il pourrait se développer dans une région du canton qui vous intéresse moins, vous vous y opposez sans avoir les bons motifs pour le faire ! (Applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). Mme Maulini-Dreyfus a dit tout à l'heure que ce projet était un projet «radicalo-radical». Vous pensez bien que, si tel était le cas, je ne lui apporterai pas mon appui ! (Rires.)
Et pourtant, je parlerai de deux interventions qui m'ont frappé. D'abord, j'ai trouvé que M. Schneider a dépassé les bornes, à son tour, quand il a décrit les «boîtes» où on met les vieux. J'ai un peu d'expérience en la matière; s'il est vrai que nous sommes souvent pris d'angoisse en rendant visite à des personnes âgées dans ce genre de maison, ce n'est pas la qualité des services qui est en cause, mais la misère humaine qui y est rassemblée. Je vous assure que ces misères rassemblées, même si elles nous étreignent le coeur, ne nous empêchent pas d'apprécier la qualité de l'accueil réservé à ces personnes qui, souvent, n'ont plus toutes leurs capacités.
Pour ma part, j'ai une très grande reconnaissance envers ceux et celles qui consacrent leur vie à s'occuper de ces personnes, dont nous, les valides, ne pouvons plus assumer la garde, car cela pose beaucoup trop de problèmes. Il faut avoir un peu plus de respect, Monsieur Schneider, quand on parle de ces gens-là ! (Exclamations.)
Quant à vous, Monsieur Clerc, le reproche que je vous adresse est beaucoup plus véniel. (L'orateur rit.) Vous prétendez que cette maison serait mieux adaptée à la région de Meyrin ou de Vernier qu'à Satigny. Cela prouve au moins que vous n'êtes probablement jamais allé dans cette région et que vous n'en connaissez pas la structure. Qu'elle soit à Meyrin ou à Satigny, c'est exactement la même chose !
En fait, les communes de la région offrent dans leur ensemble un certain nombre d'activités, chacune selon sa vocation. Meyrin, par exemple, a construit des installations sportives importantes, parce qu'elle avait, à l'époque, la population la plus jeune de Suisse. Mais il est bien entendu que les gens du Mandement utilisent ces installations sportives. Il existe une interdépendance. Il semble opportun, aujourd'hui, de construire une maison pour personnes âgées à Satigny; l'interdépendance se manifestera aussi pour ce projet, et j'en suis très heureux ! Je ne dis pas que j'ai déjà réservé une place, mais on ne sait jamais ! C'est pourquoi je vous recommande d'encourager ces communes qui ont pris une initiative que je salue.
M. Bernard Annen (L), rapporteur de majorité. Un tel projet aurait dû, en tout cas, remporter une forte majorité. Je suis étonné face à ces oppositions et ce rapport de minorité. En commission, nous avons tenté de connaître la cause de l'existence de ce rapport de minorité, mais cela n'a pas été possible.
Mme Maulini-Dreyfus et M. Clerc se sont opposés très fermement à ce projet et prétendent qu'il a été traité au pas de course. Je m'inscris en faux contre cette affirmation pour deux raisons.
Premièrement, comme l'a dit M. Lescaze, la commission des finances n'a pas obtenu les informations suffisantes dans un premier temps. Ensuite, elle a demandé des rapports complémentaires. Deuxièmement, ces deux députés font partie des deux commissions, et, par conséquent, ils ont pu, tout à loisir, poser leurs questions et recevoir les réponses.
Lorsque l'on évoque le moratoire, Madame, il faut avoir la courtoisie de dire, comme cela nous a été très clairement expliqué en commission, que la Fondation du Mandement n'en faisait simplement pas partie. C'est pourquoi les communes précitées ont proposé ce projet. Il faut donc remettre les choses à leur place !
Le projet ayant été élaboré, voilà quelque temps, et les délibérations du Conseil municipal ayant eu lieu, la demande de traiter cette affaire en urgence a été faite. Même si les autorisations avaient été demandées, tout cela aurait été fait sous réserve de l'acceptation du Grand Conseil.
Il ne me paraît pas loyal de dire que vous êtes mise devant le fait accompli, car si ce parlement venait à refuser ce projet ce dernier serait simplement modifié pour être affecté à d'autres constructions. Je ne reviendrai pas sur le nombre de places de parking; vous vous êtes trompée, mais vous avez fait amende honorable, dont acte ! Ne revenons pas sur les travaux de commission !
Au plan politique, les partis des trois communes en question soutiennent ce projet. Mais comment se peut-il que certains d'entre nous soient aussi restrictifs au nom d'une politique globale ? Chacun sait aujourd'hui que la population vieillit et que les défis que les jeunes devront relever sont extraordinairement importants. De 1987 à 1991, une augmentation de près de 15% des personnes de plus de 80 ans a eu lieu dans ce canton. Les chiffres sont là, il faut agir ! Vous ne pouvez pas être insensibles à ce problème du vieillissement de la population. Par conséquent, personne ne devrait contester ce projet. J'ai été frappé par l'acharnement de nos adversaires. Je ne comprenais pas; j'étais persuadé qu'il allait passer comme une lettre à la poste. J'ai demandé à Mme Maulini-Dreyfus, qui habite dans la région, si des conflits existaient entre les habitants. Elle ne m'a pas répondu, et, aujourd'hui encore, nous ne comprenons pas une telle opposition.
Hier soir, nous parlions de création de postes de travail. Je ne comprenais pas comment l'on pouvait rester indifférent à ce sujet, ainsi qu'à la construction de maisons pour personnes âgées. Mais, à force de chercher, j'en ai conclu que nos adversaires politiques voulaient faire des différences entre les homes publics, privés ou semi-privés. Le combat politique se situe à ce niveau. C'est bien triste et je le regrette. Notre but doit être commun, et nous devons assurer aux personnes âgées les soins qu'elles méritent.
Madame Maulini-Dreyfus, je vous félicite pour le métier que vous faites, ainsi que tous ceux qui s'occupent des personnes âgées. Mais alors, aidez aussi ceux et celles qui veulent les faire profiter de structures, non pas en pleine ville, ni dans les grandes communes urbaines comme Meyrin ou Vernier, mais à la campagne !
Il n'est pas normal de ne pas tenir compte du fait que les personnes âgées veulent rester proches de leur famille et vivre à la campagne. Il n'est pas normal que l'on s'occupe uniquement d'une certaine catégorie de personnes âgées. C'est la raison pour laquelle je vous demande de ne pas politiser cette affaire et de soutenir ce projet qui le mérite amplement.
M. Christian Grobet (AdG). J'avoue ressentir un profond malaise, Monsieur Annen, à l'occasion de ce débat que nous ne voulons pas politiser; nous tentons, au contraire, d'analyser ce projet de manière cohérente.
Tout d'abord, vous avez insisté pour traiter ce projet en urgence sous prétexte qu'il avait déjà été voté par la commune. Il n'est pas normal de devoir traiter en urgence un projet évoqué en 1992. Trop souvent, hélas, nous sommes saisis de projets de lois, à la dernière minute, par le Conseil d'Etat qui compte peut-être sur les voix d'une majorité automatique et peu critique. Ces projets de lois sont souvent mal rédigés : celui que nous traitons est arrivé très tard et sa teneur est incomplète. Cela n'est pas excusable !
A ce sujet, on a parlé du moratoire de 1992. Madame Maulini-Dreyfus, bien que je souscrive à votre propos, je ne pense pas que nous ayons fait les «soldes». La volonté du gouvernement et d'un certain nombre de partenaires de profiter des subventions fédérales a conduit à la création d'un nombre assez important d'établissements pour personnes âgées. Au point que M. Segond, dont on regrette l'absence à ce débat, a considéré qu'il n'était pas possible de continuer sur cette voie et qu'il fallait prononcer un moratoire. Le moratoire ne signifiait pas encore, Monsieur Annen, que les deux projets non soumis au moratoire, concernant d'éventuelles constructions, dans le Mandement et la Champagne, seraient forcément retenus par le Conseil d'Etat, mais, simplement, qu'ils n'étaient pas définitivement «gelés», et que la décision était réservée.
A l'époque, M. Guy-Olivier Segond, dont je salue le courage politique, est intervenu pour nous avertir des conséquences liées au fait de construire trop d'établissements, soit un coût très élevé et des lits inoccupés. Il n'est pas facile d'intervenir dans ce domaine, et de très fortes pressions ont été exercées, en particulier, de la part d'une paroisse catholique à la route de Drize qui désirait obtenir les autorisations pour construire une nouvelle pension pour personnes âgées.
Monsieur Lescaze, si l'on applique le principe de la cohérence, la première chose à faire en cas de moratoire, c'est le point de la situation et l'évaluation des demandes qui restent insatisfaites avant d'élaborer un nouveau projet. Nous ne sommes pas opposés à la construction d'une maison pour personnes âgées, mais nous aimerions être certains que la demande est réelle et qu'il n'y aura pas de conséquences sur la politique sociale générale de l'Etat. En raison de la situation financière particulièrement préoccupante de ce dernier, notre premier souci est de préserver l'acquis actuel et le fonctionnement des établissements existants.
Mesdames et Messieurs les députés, vous, en particulier, sur les bancs d'en face et des radicaux, comme vous, j'ai lu dans la presse, voilà une dizaine de jours, que M. Guy-Olivier Segond a annoncé pas moins de cent licenciements de collaborateurs dans les restaurants des établissements hospitaliers genevois, pour des questions de budget. Alors, Monsieur Annen, c'est facile de parler de création d'emplois lorsque, dix jours auparavant, dans le secteur social, on annonce le licenciement de cent personnes.
Notre première préoccupation, Monsieur Lescaze, au nom de la cohérence, est de nous assurer que les prestations sociales et les emplois actuels sont préservés, avant de nous lancer dans de nouveaux projets. Il n'y a pas de miracle; vous connaissez le problème des vases communicants ! Nous désirons savoir - et je regrette que M. Segond ne soit pas là - combien cette pension pour personnes âgées coûtera à l'Etat.
M. Claude Blanc. Moins que le Bachet-de-Pesay !
M. Christian Grobet. Monsieur, il s'agissait du projet de M. Fontanet, vous le savez mieux que moi. Alors, allez vous plaindre auprès de lui ! J'ai cherché à faire des économies sur ce projet. (Brouhaha.) Vous êtes vraiment mal tombé, Monsieur Blanc ! On refera l'histoire et on vous la racontera avec M. Fontanet.
Cette loi est assimilable à une loi «grands travaux» et, d'après l'article 5, elle est soumise à la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat. Que dit-elle ? Qu'un crédit d'investissement doit être accompagné d'une première estimation des frais probables de fonctionnement. Or, dans le projet de loi, rien n'indique combien cette pension pour personnes âgées coûtera à l'Etat. En lisant les annexes relatives à ce projet, j'ai vu que, à part la mise à disposition du terrain par la commune, cette pension pour personnes âgées dont vous relevez «l'opportunité», pour reprendre les propos de M. Blanc, ne coûte pas un sou à ces «généreuses» communes - je pense que vous l'aurez constaté !
Fort habilement, il se trouve que les communes ne débourseront pas un sou, puisque la part des coûts de construction à leur charge, comme indiqué dans le projet de loi, est couverte par un emprunt hypothécaire, Monsieur Lescaze, et que les amortissements et les intérêts hypothécaires se retrouvent dans le budget prévisionnel de ladite pension à charge des pensionnaires.
Finalement, les communes se bornent à mettre un terrain à disposition dont on désirerait connaître le prix de revient. Il ne s'agit pas d'un projet communal, mais cantonal payé à fonds perdus, pour une bonne part, par l'Etat. Les communes ne paient quasiment rien, si ce n'est le prix de revient du terrain.
Pour le surplus, les intérêts et les amortissements figurent dans le budget d'exploitation de la pension. Bien entendu, les charges financières résultant de l'investissement de l'Etat n'y figurent pas, puisqu'on les retrouve dans le budget de l'Etat. Je désire compléter en disant que, dans les produits d'exploitation, on indique les recettes des clients privés et assistés. Or vous savez que, dans ce type d'établissement, il n'y a quasiment pas de clients privés. Pratiquement tous les clients sont assistés. C'est en vertu de cela que M. Segond a demandé un moratoire vu l'explosion des frais à la charge du service d'assistance médicale.
Combien coûteront à l'Etat les pensionnaires assistés ? Cette donnée aurait dû figurer dans le projet de loi en vertu de l'article 52 de la loi sur l'administration des communes. En guise de conclusion, au nom de la cohérence que vous avez évoquée tout à l'heure, Monsieur Lescaze, ce projet de loi est incomplet. Comme l'a dit, à juste titre, Mme Maulini-Dreyfus, il ne dit pas la vérité.
On nous promet beaucoup de rapports : sur l'énergie, l'aménagement du territoire, les parkings d'échange, les transports publics, la rade... ah, non, pas celui-là... j'oubliais... (Rires.) ...mais on ne les voit jamais ! La sagesse eût commandé que le rapport établi par le Conseil d'Etat puisse être étudié par les députés. Monsieur Segond, dites-nous si nous pouvons consulter ce rapport, car il nous permettrait de nous prononcer au mois de septembre, par exemple, en connaissant tous les tenants et aboutissants de ce projet de loi.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse de minorité. D'abord, M. Lescaze estime qu'«ils» savent, «ils» étant les représentants des trois communes.
Je leur ai demandé ce qu'ils savaient, et ils ont déclaré vouloir répondre à un besoin. En commission des finances, j'ai voulu connaître par quels moyens ils avaient évalué ce besoin. La réponse fut à peu près inexistante. J'ai pensé qu'ils avaient fait un sondage auprès des personnes vivant depuis longtemps dans cet endroit, leur demandant si, une fois devenues vieilles et dépendantes, leur désir serait de séjourner dans un EMS proche d'où elles avaient vécu. Leur réponse fut forcément affirmative. Une fois ce sondage fait et ce besoin établi, on se dit que le secteur concerné n'est pas aussi bien loti en établissements pour personnes âgées que les autres parties du canton.
Ensuite, le DASS a envoyé une réponse opportuniste disant que, si le secteur concerné est déjà suffisamment bien loti, et même, si l'établissement pour personnes âgées, déjà existant, a accueilli des personnes ayant des problèmes d'ordre psychique, comme cela se fait dans chaque établissement afin d'occuper les lits disponibles, cela n'a pas d'importance, car s'ils ont trop de lits disponibles, les communes voisines, Vernier et Meyrin en auront besoin. Ainsi, le premier argument qui consistait à dire que les gens resteraient sur place tombe, et on l'échange contre un argument de solidarité avec les autres communes qui, elles, ont fait des équipements sportifs. Ces trois communes, si généreuses, créent une fondation pour répondre aux besoins des populations des communes voisines. Voilà la réponse !
Une telle analyse peut se faire en tout temps. Mais le fait est que nous sommes dans une situation financière précaire, où tout est remis en cause, y compris le financement de l'AVS. Nous ne pourrons pas tout faire et surtout pas plaisanter.
Monsieur Lescaze et, tout particulièrement, Monsieur Annen, vous êtes extrêmement choqués par le fait que nous émettions un doute, M. Clerc et moi-même, qui sommes très préoccupés par les questions concernant les personnes âgées et la politique sociale. M. Annen pense que j'ai une raison cachée pour m'opposer à ce projet, alors que, comme vient de le dire M. Grobet, c'est une question de cohérence. Si vous voulez défendre un projet, alors faites-le en nous donnant des arguments solides. Il est inutile de dire n'importe quoi et de faire des demandes incohérentes. Vous savez pertinemment que nous ne pourrons pas assumer les conséquences de tels projets !
Lorsque, en commission des finances, les défenseurs si bien avisés de ce projet, expliquent qu'ils ont besoin de lits de catégorie A, ils prouvent leur méconnaissance totale en matière de politique sociale. En effet, ce type de lits correspond à une catégorie de personnes âgées non dépendantes, qui, lors des années précédentes, avaient le droit d'entrer en établissement médico-social. A l'époque, on considérait, peut-être à juste titre, qu'il valait mieux mélanger les genres et ne pas former une seule structure comportant des gens très gravement atteints. En plus, on pensait qu'une personne devait s'installer dans son dernier lieu de vie, alors qu'elle était encore indépendante, qu'elle pouvait l'investir et reconnaître son environnement, aller et venir à sa guise. Auparavant, nous pouvions offrir ce luxe à nos aînés. Or, il semble que nous ne le ferons plus.
Premièrement, le besoin n'a pas été démontré, et, deuxièmement, les défenseurs de ce projet, au même titre que les membres des communes qui y ont participé, sont incompétents.
Je vous remercie, tout de même, de m'accorder un crédit en pensant que j'ai moi-même des compétences dans ce domaine. Je ne comprends pas que vous cherchiez une raison inavouée derrière notre doute. En fait, je ne comprends pas que vous ne compreniez pas notre doute ! Il est légitime et n'a rien à voir avec le respect que nous portons aux personnes âgées. D'ailleurs, je vous ai prévenus en commission, lorsque la guerre sur ce sujet a commencé : si jamais on essaie d'utiliser contre moi l'argument que je n'aime pas les personnes âgées, alors je m'en défendrai avec force et je ne lâcherai plus le micro pendant trois heures !
M. Max Schneider (Ve). Je regrette que cet important débat de choix de société se déroule en urgence. La députée libérale a étudié tous les aspects du problème, mais elle n'en révèle rien ! Hier au soir, déjà, au sujet de La Pallanterie, on voulait nous faire croire qu'il n'y avait plus de problème !
M. Blanc a rendu hommage au personnel des homes pour personnes âgées. Personnellement, nous souhaitons choisir le meilleur accueil pour nos propres parents, et non des mouroirs où on les «stocke», sans leur offrir d'animation. Aussi faut-il reparler des soins à domicile et trouver des innovations en faveur des personnes dépendantes. Dans la conception globale des plans directeurs de l'aménagement du territoire, des implantations dans des villages ou à la campagne pourraient être envisagées pour le bien-être de ces personnes dont le nombre s'accroît.
M. Bernard Clerc (AdG). Ce serait facile, et aussi démagogique, de voter un crédit pour les personnes âgées. Se targuant de faire partie des gestionnaires de l'Etat, M. Balestra nous reprochait des dépenses inconsidérées; or l'Etat doit répondre à des besoins précis, et la nécessité de cette résidence reste encore à démontrer.
Si les trois communes le jugent nécessaire, elles peuvent construire des logements bon marché pour répondre à une demande beaucoup plus forte que la seule demande de placement pour personnes âgées.
Au début de la discussion en commission des finances, les représentants du parti libéral - à l'exception de M. Annen - avaient des doutes; ils n'étaient pas aussi convaincus qu'aujourd'hui ! Les informations semblaient insuffisantes, mais, en fait, elles n'étaient plus d'actualité, et les chiffres ne prouvaient pas la nécessité de cette résidence.
M. Lescaze a choisi d'ironiser sur la grippe espagnole, mais, moi, je me fie aux projections démographiques du service cantonal de la statistique qui indique une diminution du nombre d'octogénaires prévue jusqu'en 2005 environ.
M. Bernard Annen (L), rapporteur de majorité. Vos propos, Mon-sieur Grobet, m'obligent à reprendre la parole. A dessein, vous confondez diminution d'effectif et licenciement. Or, dans le cas qui nous occupe, il s'agit de départs volontaires ou de départs à la retraite anticipée avec des possibilités de reclassement, on ne saurait donc parler de licenciement.
Avec quel aplomb vous oubliez vos méthodes de travail, lorsque vous étiez conseiller d'Etat ! Pendant huit ans, je suis allé chaque semaine à votre département et je vous ai systématiquement entendu dire que vos dossiers étaient urgents. Tout à l'heure, vous évoquiez la loi, mais les incidences sur les frais de fonctionnement ne figuraient pas dans la plupart de vos projets d'investissement ! Redevenu député, vous avez enfin pris connaissance des obligations d'un conseiller d'Etat !
Je dois également revenir sur vos propos, Madame Maulini-Dreyfus, car vous ne pouvez ignorer les listes d'attente du Petit-Saconnex ! Le professeur Gilliand n'est pas libéral, Mme Dreifuss non plus, et pourtant ils admettent l'importance du défi et le nombre croissant d'octogénaires ! Nous voulons créer un nouveau lieu d'accueil de qualité, et vous vous y opposez ! Je me réjouis tout de même que vous émettiez quelques doutes, mais comment pouvez-vous écrire un rapport de minorité sur cette base-là ? C'est donc essentiellement un rapport de politique politicienne !
Nous devons tous relever le défi et résoudre la problématique des personnes âgées. Mais nous n'y parviendrons pas avec des invectives!
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse de minorité. Dites-le aux maires des trois communes, auteurs de la lettre adressée au président du Grand Conseil, qu'on ne résout pas un tel problème avec des invectives !
Il s'agit bien d'un défi, mais il ne suffit pas d'évoquer le nombre croissant des personnes âgées pour justifier le besoin de lits supplémentaires en établissements médico-sociaux. Premièrement, étant donné les rapports au Tribunal fédéral, et dans l'attente des jugements, nous ne pouvons déterminer le nombre de lits que nous devons subventionner.
Deuxièmement, nous attendons la planification hospitalière avec ses répercussions et son interaction avec le développement de l'aide à domicile et le secteur EMS.
Troisièmement, pour relever ce défi de l'institutionnalisation ou, à tout le moins, des soins aux personnes âgées, il faudrait souligner que si les personnes concernées occupaient des lits adéquats, selon le principe développé par M. Gilliand dans son rapport, il faudrait beaucoup plus de lits EMS, et dix «Mandement» supplémentaires ! En effet, bon nombre de personnes hospitalisées dans les HUG et les non-HUG pourraient occuper des lits de pension, de façon transitoire ou définitive. La proportion serait probablement d'un tiers en gériatrie - si la planification existait et, surtout, si le placement en institution ne correspondait pas à la ruine des uns et à l'assistance de presque tous, provoquant ainsi une résistance supplémentaire des familles et des personnes concernées.
La situation n'est vraiment pas claire; tous vos sous-entendus sur d'éventuelles raisons de refus et toutes vos invectives sont totalement inutiles, inadéquats, inopportuns. Vous allez accepter un projet qui n'a pas de motif démontré. Vous n'estimez pas qu'il faut planifier notre réponse aux besoins des personnes âgées de notre canton.
M. Christian Grobet (AdG). Vous avez l'art, Monsieur Annen, de transformer les propos : vous évoquez la création d'emplois pour justifier ce projet de loi. Pour ma part, je relève qu'au moment où l'on parle de création d'emplois la suppression de cent postes dans les restaurants hospitaliers est inéluctable. Quant au reclassement, on attend !
J'aurais pu parler des nombreux autres postes supprimés dans les établissements hospitaliers. Je me suis borné à ce cas précis. M. Segond a l'air préoccupé, on le serait à moins ! On ne peut - en vertu des vases communicants - augmenter les charges à un endroit pour les réduire ailleurs. On constate depuis trois ans une réduction constante du personnel des établissements hospitaliers; c'est une grave préoccupation pour nous. M. Segond peut-il faire une déclaration au nom du Conseil d'Etat pour nous assurer qu'il n'y aura plus de suppression de postes de travail ?
M. Claude Blanc. Mais oui, mais oui !
M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Je souhaite répondre globalement aux différentes interventions.
En février 1992, le peuple genevois a adopté, à la majorité des deux tiers, une loi sur l'aide à domicile et un centime additionnel. L'adoption de cette loi a eu trois conséquences.
La première est un développement de l'aide à domicile. La deuxième est un effet de transfert, soit une réduction des journées d'hospitalisation et du personnel qui se poursuit - j'y reviendrai en fin de réponse, Monsieur Grobet - avec la suppression de cent postes sur les trois cent soixante des cuisines hospitalières. La troisième conséquence est le moratoire sur la construction d'établissements médico-sociaux destinés aux personnes âgées.
La décision sur le moratoire concernant les établissements médico-sociaux avait été préparée conjointement par le département de l'action sociale et celui des travaux publics sur la base d'une série de critères et, en particulier, sur la base de l'analyse de ce qu'on appelle «le taux institutionnel» dans les vingt-deux secteurs socio-sanitaires du canton.
Le Conseil d'Etat avait, alors, rangé en trois catégories les différents projets d'EMS. Il y avait ceux dont la construction en cours se poursuivait naturellement, ceux qui étaient annoncés et répondaient à un besoin, et ceux enfin annoncés, mais dont le besoin n'était pas vérifié et dont la construction ne se réaliserait pas pendant la période de quatre ans du moratoire.
Dans la décision du Conseil d'Etat de 1992, la Résidence Mandement s'inscrivait dans la deuxième catégorie : «établissement annoncé et répondant à un besoin». Ainsi, il n'était pas soumis au moratoire. Ce projet de loi a été déposé pour cette raison.
A la commission sociale, d'abord, à celle des finances, ensuite, on a compris qu'en 1992 il s'inscrivait dans la deuxième catégorie, mais les chiffres datant de cette époque sont-ils encore valables ? Nous avons fourni une explication complémentaire et détaillée à la commission des finances.
Le taux d'institutionnalisation est la relation existant entre le nombre de personnes âgées du canton et le nombre de personnes hébergées dans les EMS. Sur l'ensemble du canton, le taux de 6,61% correspond au nombre total des personnes âgées placées dans ces institutions.
Le canton est divisé en vingt-deux secteurs socio-sanitaires. Dans le secteur du Mandement, ce taux, de l'ordre de 6%, est légèrement inférieur au taux cantonal. Dans le secteur voisin, celui de Vernier, le taux est d'environ 2,5%. Si le secteur socio-sanitaire du Mandement était une île, la construction de cette maison ne se justifierait pas. Mais la construction se justifie par rapport aux deux autres secteurs socio-sanitaires voisins dont le taux est de 2 versus 6 pour le plan cantonal.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, ne faisant pas une analyse étroite et ne considérant pas la région Champagne/Mandement comme une île mais comme une partie du territoire cantonal, tenant compte des faibles taux d'institutionnalisation du secteur de Vernier, a déposé ce projet de loi. Toutes ces données figurent de façon détaillée dans le projet de loi 7413.
Quel est le coût pour l'Etat ? C'est vrai, Monsieur Grobet, que ce coût n'est pas indiqué dans l'exposé des motifs ou les annexes, mais on peut l'évaluer facilement : les produits d'exploitation sont constitués pour deux tiers par les prestations d'assistance médicale servies par l'OCPA. En effet, deux tiers des personnes âgées placées dans ces institutions ne peuvent pas payer le prix de pension. De ce fait, elles reçoivent une aide de l'OCPA sous forme de prestations d'assistance médicale.
Le coût varie, selon les pensions, de 75 000 F à 100 000 F annuellement. La Résidence Mandement compte quarante-cinq lits. Les deux tiers représentant trente lits, la dépense supplémentaire annuelle s'élève ainsi, pour l'OCPA, à environ 3 millions. Cette dépense sera probablement inférieure : selon la nouvelle loi sur l'assurance-maladie, une partie des frais d'exploitation - la partie relevant de soins et d'activités médicales - est dorénavant à la charge de l'assurance-maladie. On ne peut pas la définir exactement, mais elle se situe entre 60 et 100 F par jour, pour un prix moyen de 250 F. De telle sorte que la dépense pour l'Etat et pour l'assurance-maladie est de 3 millions par an; une partie étant supportée par l'assurance-maladie, la dépense à la charge de l'Etat est réduite. Elle sera certainement de l'ordre de 2 millions.
La suppression de postes dans les cuisines des HUG n'a qu'un rapport très indirect avec la question de la résidence du Mandement. Le secteur hospitalier comprend une importante partie hôtelière : les hôpitaux sont les plus grands hôtels de Genève d'après le nombre de repas et de lits. Les cuisines comptent trois cent soixante postes occupés par du personnel de cuisine et de restauration préparant les petits déjeuners, les déjeuners et les dîners. Les analyses indiquent que quatre-vingts à cent postes doivent être supprimés pour transformer la cuisine artisanale actuelle en cuisine industrielle.
J'ai annoncé cela au terme de toute la procédure de préparation aux syndicats représentant le personnel hospitalier, et, conformément aux procédures de concertation, nous examinons comment appliquer les dispositions légales relatives aux suppressions de postes. Cela n'a qu'un rapport indirect avec l'EMS du Mandement : si on développe l'aide à domicile, cela a une conséquence sur le fonctionnement hospitalier. Comme le soulignait le professeur Gilliand, un de buts était de placer les malades aux bons endroits : ceux qui ont besoin de soins de base ne doivent pas forcément être placés dans un hôpital universitaire avec une qualité et un coût de prestation qui ne sont pas nécessaires. Si nous arrivons à supprimer tous ces postes dans les HUG avec toutes les mesures légales et d'accompagnement prévues, nous aurons atteint, Monsieur Grobet, l'effectif de réduction de postes assigné.
PL 7417-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7417)
LOI
concernant la constitution d'une fondation intercommunale des communes de Satigny, Russin et Dardagny pour le logement et l'accueil des personnes âgées «Résidence Mandement»
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 175 de la constitution genevoise;
vu les articles 1 et suivants de la loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, notamment 30, lettre t, et 72;
vu les délibérations des conseils municipaux des communes de Satigny, du 14 novembre 1995, et de Russin et Dardagny, du 9 novembre 1995;
vu l'arrêté du Conseil d'Etat, du 4 décembre 1995, approuvant lesdites délibérations,
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Il est créé sous le nom de «Fondation intercommunale des communes de Satigny, Russin et Dardagny pour le logement et l'accueil des personnes âgées «Résidence Mandement», une fondation de droit public, au sens de la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958.
2 Cette fondation est dotée de la personnalité juridique. Elle est placée sous la surveillance des conseils municipaux des communes de Satigny, Russin et Dardagny.
Art. 2
Les statuts de la «Fondation intercommunale des communes de Satigny, Russin et Dardagny pour le logement et l'accueil des personnes âgées «Résidence Mandement», tels qu'ils ont été approuvés par les délibérations des communes concernées, les 9 et 14 novembre 1995, joints en annexe à la présente loi, sont approuvés.
PL 7413-A
Ce projet est adopté en premier et en deuxième débat.
Troisième débat
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Vu l'importance de ce vote, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent le projet répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Par 54 oui contre 8 non et 14 abstentions, ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
Ont voté oui (54) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Claude Basset (L)
Roger Beer (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Hervé Burdet (L)
Micheline Calmy-Rey (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Anne Chevalley (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Jean-Claude Genecand (DC)
Henri Gougler (L)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
Yvonne Humbert (L)
Pierre Kunz (R)
Claude Lacour (L)
Gérard Laederach (R)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
René Longet (S)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Laurent Moutinot (S)
Vérène Nicollier (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Micheline Spoerri (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Michèle Wavre (R)
Ont voté non (8) :
Bernard Clerc (AG)
Luc Gilly (AG)
Sylvia Leuenberger (Ve)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)
Chaïm Nissim (Ve)
Vesca Olsommer (Ve)
Evelyne Strubin (AG)
Pierre Vanek (AG)
Se sont abstenus (14) :
Jacques Boesch (AG)
Matthias Butikofer (AG)
Claire Chalut (AG)
Sylvie Châtelain (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Anita Cuénod (AG)
Laurette Dupuis (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Christian Grobet (AG)
Liliane Johner (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Max Schneider (Ve)
Yves Zehfus (AG)
Etaient excusés à la séance (14) :
Luc Barthassat (DC)
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Jean-Luc Ducret (DC)
Catherine Fatio (L)
David Hiler (Ve)
René Koechlin (L)
Pierre Meyll (AG)
Jean Opériol (DC)
Danielle Oppliger (AG)
Barbara Polla (L)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Andreas Saurer (Ve)
Philippe Schaller (DC)
Etaient absents au moment du vote (9) :
Fabienne Bugnon (Ve)
Marlène Dupraz (AG)
Bénédict Fontanet (DC)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Michel Halpérin (L)
Dominique Hausser (S)
Jean Spielmann (AG)
Présidence :
Mme Christine Sayegh, première vice-présidente.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7413)
LOI
ouvrant un crédit au titre de subvention cantonale pour la constructionde la «Résidence Mandement», établissement médico-social pour personnes âgées, à Satigny
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Subventiond'investissement
Article 1
Un crédit de 7 257 000 F est ouvert au Conseil d'Etat, au titre de subvention cantonale d'investissement pour la construction de la «Résidence Mandement», établissement médico-social pour personnes âgées, à Satigny.
Il se décompose de la manière suivante:
a) construction, y compris renchérissement........7 188 000 F
b) Fonds cantonal de décoration et d'art visuel (1% du montant de la construction)................ 69 000 F
Budgetd'investissement
Art. 2
Ces crédits sont répartis en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 1997 sous la rubrique 84.31.00.565.45.
Financement
Art. 3
Le financement de ces crédits est assuré par le recours à l'emprunt dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 pour le Conseil d'Etat fixant à environ 250 000 000 F le maximum des investissements annuels, dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Amortissement
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et porté au compte de fonctionnement.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art. 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
La séance est levée à 11 h 55.