République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 février 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 4e session - 5e séance -autres séances de la session
No 5/I
Jeudi 29 février 1996,
soir
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Nicole Castioni-Jaquet, Sylvie Châtelain, Henri Gougler, Jean-Pierre Rigotti et Martine Roset, députés.
Le président. Nous avons appris le décès de Mme Aliette Aubert, ancienne députée, qui siégea sur les bancs du parti libéral de 1961 à 1981. Mme Aubert fut secrétaire du Grand Conseil en 1971 et vice-présidente en 1976.
Nous avons également appris le décès de M. René Guidini, ancien député, qui a siégé sur les bancs du parti libéral de 1969 à 1989 et fut deuxième vice-président en 1980.
Pour honorer la mémoire de nos deux anciens collègues, je vous prie de vous lever et d'observer un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un moment de silence.)
4. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 25 et 26 janvier 1996 est adopté.
5. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Le président. M. Jean Spielmann retire le projet de loi suivant dont il est l'auteur et qui figure au point 65 de notre ordre du jour :
Vous avez trouvé sur vos places un nouveau tirage des textes des projets de lois 7389 et 7390, respectivement les points 27 et 28 de notre ordre du jour, et la première page de la motion 1046, le point 37 de notre ordre du jour, qui contenaient des erreurs d'impression. Notre discussion aura lieu sur la base des nouveaux documents.
M. Pierre-François Unger (PDC). La commission de l'enseignement, dans son intégralité, demande la mise à l'ordre du jour du point 66 pour la reprise de notre session, demain à 20 h 30. Il s'agit du rapport de la commission de l'enseignement chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'instruction publique - création d'un centre d'enseignement professionnel technique et artisanal.
Le président. Cette proposition ne faisant pas l'objet d'opposition, il en sera fait ainsi.
Le point 9 de notre ordre du jour sera traité vendredi. Il comportera trois rapports de la commission de grâce.
6. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
Le président. Nous avons appris avec plaisir que notre collègue Martine Roset a donné le jour à un fils prénommé Louis. Il pèse 4,3 kg et mesure 53 cm. Nous adressons nos voeux de promptes relevailles et nos félicitations à la maman, nos compliments à l'heureux père et des souhaits de prospérité au nouveau-né. C'est, nous semble-t-il, la première fois qu'une députée en fonction, dans ce Grand Conseil, devient maman. Nous sommes donc tous très fiers de cette première ! (Applaudissements.)
Nous saluons à la tribune du public la présence de deux classes, l'une du collège de Cayla, sous la conduite de Mme Monique Pini, l'autre du collège de la Florence, sous la conduite de M. François Thion (Applaudissements.)
On me signale également que notre collègue député Florian Barro est devenu père d'un petit garçon prénommé Corentin. (Applaudissements.)
7. Correspondance.
Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence:
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
Ce courrier se rapporte au point 13 de notre ordre du jour.
Ce courrier sera traité au point 15 de notre ordre du jour.
Ce courrier sera traité au point 36 de notre ordre du jour.
Cette lettre sera traitée au point 31 de notre ordre du jour.
Ces lettres seront traitées au point 58 de notre ordre du jour.
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
8. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Le président. J'annonce que le Conseil d'Etat retire son projet de loi :
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :
Cosignataires : Nicole Castioni-Jaquet, Dominique Hausser, Micheline Calmy-Rey, René Longet, Fabienne Blanc-Kühn.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Sylvia Maierhans, présentée par le parti socialiste.
Mme Sylvia Maierhans est élue tacitement.
M. Christian Ferrazino (AdG). Mon interpellation s'adresse à M. Joye, à propos de son récent sondage.
Sous prétexte d'information à la population, vous aviez innové en la matière, Monsieur Joye, avec vos «Inforade». Aujourd'hui, il semble que c'est vous qui désirez être informé par cette même population pour savoir si votre bateau prend l'eau ou pas. C'est la première fois, Monsieur le président, que le Conseil d'Etat sollicite et paie un sondage d'opinion auprès de la population.
Cela pose un problème évident, ce sondage ayant été sollicité non pas par pur intérêt intellectuel mais pour savoir comment les partisans d'une traversée de la rade devront mener leur campagne. Il est inacceptable, Monsieur le président, d'utiliser les deniers publics pour financer votre campagne politique ! (Protestation de M. Claude Haegi.) Oui, Monsieur Haegi, c'est bien là un usage abusif des deniers publics !
Ma question... (Interruption de M. Claude Haegi.)
Le président. Je vous en prie, Monsieur le conseiller d'Etat, laissez parler M. Ferrazino !
M. Christian Ferrazino. M. Haegi est très dissipé, et ce n'est pas la première fois. Ma question ne s'adresse pas à vous, Monsieur Haegi, mais à votre collègue, M. Joye. Alors, permettez-moi de la lui poser... (Interruption de M. Philippe Joye.)
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous répondrez, selon l'ordre du jour, au député Ferrazino.
M. Christian Ferrazino. Je demande à M. Joye sur quelle ligne budgétaire cette somme de 30 000 F, à savoir le coût du sondage, a été prélevée. Il serait, en effet, scandaleux qu'elle l'ait été sur le crédit d'étude de la traversée. Nous avons tous en mémoire les considérants du procureur général, dans son ordonnance sur «Inforade». Il disait déjà que l'utilisation des deniers publics, pour ce genre d'exercice, relevait d'un usage abusif.
Aujourd'hui, Monsieur Joye, vous récidivez en demandant à la population de vous informer à son tour. Vous m'accorderez que cela n'a pas grand-chose à voir avec un crédit d'étude pour des frais de construction. Je vous demande donc, Monsieur Joye, de nous indiquer la somme exacte qui a été débitée sur ce crédit d'étude de 8 millions, ainsi que le montant des factures qui restent à payer. En d'autres termes, ledit crédit est-il épuisé ? Dans l'affirmative, a-t-il été dépassé ?
Ma dernière question est la suivante : quels sont les montants débités qui ne se rapportent pas aux frais d'étude ? Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, Monsieur Joye ! Combien a coûté «Inforade» en publicité, graphisme, montage, etc ? Combien ont coûté les autocollants, les cabas, bref tout le matériel de propagande que vous vous êtes ingénié à mettre sur le marché ? Combien a coûté le pavillon d'information, y compris les frais du personnel engagé pour le faire fonctionner ? Combien ont coûté les expositions de Palexpo, des quais de l'Immobilier et d'autres encore ? Combien ont coûté la maquette, la vidéo, étant rappelé que le crédit voté par le Grand Conseil prévoyait une rubrique de 600 000 F, et pas un sou de plus, pour l'ensemble des frais d'exposition et de maquettes, et non - faut-il le rappeler ? - pour des frais de propagande et de sondage des âmes ?
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 63 bis de notre ordre du jour.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Cette interpellation urgente s'adresse au département de l'instruction publique.
Je reviens sur la situation difficile et délicate de la branche de la carrosserie. Vous savez qu'il n'y a plus de convention collective dans ce secteur professionnel. Or le patron d'un garage et carrosserie de la rive droite a décidé d'imposer un horaire hebdomadaire de 42 heures à ses apprentis, bien que le contrat d'apprentissage n'ait pas été modifié.
Vous connaissez les problèmes spécifiques de cette branche professionnelle, Madame la présidente. L'apprentissage y est difficile au point qu'un audit, aux conclusions positives et constructives, a dû être fait en 1994. Visiblement, cet employeur, Auto-Stadium pour ne pas le nommer, va à l'encontre des buts visés pour les apprentis dudit secteur.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 66 bis de notre ordre du jour.
12. Interpellation urgente de M. Pierre-Alain Champod : Prestations complémentaires de l'OCPA. ( )
M. Pierre-Alain Champod (S). Mon interpellation s'adresse au département de l'action sociale et de la santé. Elle concerne les allocations versées aux bénéficiaires des prestations complémentaires de l'OCPA.
Il y a deux types de prestations, les unes découlant de la loi fédérale, les autres de la loi cantonale.
Jusqu'au 31 décembre 1995, le loyer et l'assurance-maladie étaient pris en compte pour déterminer le montant des allocations versées à chaque bénéficiaire. Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'assurance-maladie, il n'est plus possible de prendre en considération les cotisations d'assurance-maladie dans le cadre des prestations fédérales. Le canton ne dispose d'aucune marge de manoeuvre et doit appliquer le droit fédéral. En revanche, les prestations cantonales n'étant pas obligatoires, le canton est libre de fixer celles qu'il entend accorder aux rentiers les plus modestes.
Or, depuis le 1er janvier de cette année, la loi genevoise ne tient plus compte des cotisations d'assurance-maladie. Certes, les anciens bénéficiaires ne sont pas pénalisés, les subsides qu'ils reçoivent compensant la diminution des prestations complémentaires. Par contre, il n'en va pas de même pour ceux qui ont déposé une demande au début de cette année. Ceux et celles qui ont des prestations inférieures au montant de leurs cotisations d'assurance-maladie seront exclus du fait que celles-ci ne participent plus au calcul des prestations.
Voici un exemple : une personne âgée qui, l'an dernier, percevait une prestation de 200 F ne la recevra plus cette année. En revanche, étant au bénéfice des droits acquis, elle touchera la cotisation intégrale de son assurance-maladie, ce qui reviendra à peu près au même. Si cette personne dépose la même requête aujourd'hui, en faisant le calcul du montant de sa prestation, on arrive à un montant inférieur à la limite des prestations et cette personne n'aurait pas droit à des prestations de l'OCPA.
Compte tenu des modifications intervenues au niveau fédéral, le Conseil d'Etat aurait dû nous proposer, l'an dernier, un projet de loi sur les prestations de l'OCPA ou continuer d'appliquer la loi en vigueur.
Cette situation est inacceptable. Aussi déposerons-nous prochainement une motion sur les questions de fond.
Aujourd'hui, je me borne à demander au département s'il trouve normal de ne pas appliquer une loi votée par le Grand Conseil.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 19 bis de notre ordre du jour.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Permettez-moi d'interpeller une seconde fois M. le conseiller d'Etat Joye sur le sondage de la traversée de la rade.
Ce qui a motivé la commande de ce sondage, selon les propres déclarations de M. Joye au «Journal de Genève», est, je cite : «de prendre la température afin d'être sûr que les électeurs comprendront bien la formulation des questions qui se trouveront sur le bulletin de vote. Le cas échéant, il s'agira d'informer les citoyens pour que la compréhension soit exacte». En outre, M. Joye ne veut pas être accusé, je cite toujours, «d'avoir mal effectué son travail par ceux qui se battent pour la réalisation d'une traversée de la rade». Trois éléments sont à relever dans cette déclaration :
1. on souhaite une information sur l'état de l'opinion publique au sujet de la traversée de la rade;
2. la volonté sous-jacente de mener campagne;
3. la peur de se faire gronder par ses amis politique.
Ainsi, au désir d'informer s'ajoute la volonté de propagande !
Vous vous souviendrez que le chef du département avait déjà été interpellé en automne 1994 sur le même sujet, la traversée de la rade, et pour les mêmes raisons, à savoir l'ambiguïté manifeste de sa conception de l'information et sa compréhension fort limitée des mécanismes budgétaires. Une demande de levée d'immunité avait d'ailleurs été déposée à l'époque. M. Joye avait argumenté de sa conviction et du droit du gouvernement à informer sur de grands projets. Dont acte, Monsieur Joye ! Après tout, pourquoi ne pas considérer normal le fait de prendre la température de l'opinion publique avant une votation importante ? Oui, mais à la condition de diffuser l'intégralité du rapport, afin de permettre aux opposants et aux partisans de mesurer la qualité de l'information. (Dénégation de M. Philippe Joye.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez diffusé un dossier de presse et non le rapport complet. Manquent notamment toutes les variables socio-démographiques ! Les appartenances politiques et les habitudes de vote ne figurent pas dans le rapport que vous nous avez donné. Manquent également les tableaux croisés, dont précisément ceux en relation avec les variables socio-démographiques.
Je souhaite la transmission de tous ces éléments aux députés et aux partis politiques et, par conséquent, je vous demande ce que vous entendez faire à ce sujet.
Autre remarque : information n'est pas propagande. L'information se limite à donner la connaissance d'un fait; la propagande, elle, étant organisée pour influencer et diriger l'opinion. Je dis ici ma grande réticence face à la propagande d'Etat, car elle favorise d'emblée les partis de la majorité au pouvoir, en l'occurrence les partisans de la traversée de la rade, par rapport aux partis minoritaires.
A cet égard, certaines questions posées par l'institut de sondage mélangent les aspects factuels et les aspects persuasifs. La question 16, par exemple, est inadmissible. Dans ce même ordre d'idées, les questions 12, 17, 18 et 19 peuvent être citées. Les questions 22 à 27 sont destinées, elles, à «façonner» la campagne, ce qui nous convainc que ce sondage correspond à une motivation de propagande. Deux questions sur ce point :
1. Quelle sont vos intentions en termes de campagne ? Avez-vous celle de conduire une campagne sous le label du département des travaux publics ? Dans l'affirmative, quelles sont les prochaines activités prévues et pour quel prix ? Vous devriez, à mon sens, en informer complètement le Grand Conseil et la commission des travaux. Avez-vous l'intention de le faire ?
2. Si un nouveau sondage devait être commandé par vous - d'ores et déjà, vous en avez manifesté l'intention - pourriez-vous en informer la commission des travaux en lui soumettant, au préalable, la totalité des questions ?
La question financière constitue le troisième élément. Monsieur le président, vous financez un sondage avec des moyens provenant de l'ensemble des contribuables pour un objet que beaucoup ne veulent pas. Je vous demande sur quel budget vous avez prélevé les fonds nécessaires au financement de ce sondage, sur quelle rubrique budgétaire vous avez l'intention de débiter les moyens nécessaires à vos campagnes futures en faveur de la traversée de la rade - et la rubrique étant d'ores et déjà dépassée - je vous demande pourquoi vous n'avez pas demandé un crédit complémentaire à la commission des finances avant de commander le sondage.
Vous ne m'écoutez pas, alors je répète ma question...
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Oh, je m'en fous !
Mme Micheline Calmy-Rey. S'il vous plaît, Monsieur Joye ! Pourquoi n'avez-vous pas demandé à la commission des finances un crédit complémentaire pour financer ce sondage ? La rubrique est d'ores et déjà dépassée, tout le monde le sait, et je vous demande de revenir devant la commission des finances pour financer les prochaines activités de propagande que vous entendez mener concernant la traversée de la rade.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 43 ter de notre ordre du jour.
M. John Dupraz (R). Il n'est nul besoin de rappeler à ce Grand Conseil les drames et les massacres des membres de l'OTS.
Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Brunschwig Graf. Il y a quelques jours, une secte a distribué des tracts et des publications à des élèves sortant du collège de Saussure.
Il est inadmissible que les élèves et collégiens de ce canton soient interpellés de la sorte par un groupement pseudo-religieux. Je demande donc au Conseil d'Etat, et plus particulièrement à Mme Brunschwig Graf, les mesures qu'ils entendent prendre pour que ce type de harcèlement cesse immédiatement. (Applaudissements.)
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 66 ter de notre ordre du jour.
M. Roger Beer (R). Mon interpellation urgente concerne les parkings de Palexpo et de l'Arena. En effet, le Grand Conseil a largement soutenu les constructions de Palexpo, notamment celles de la fameuse halle 7 et de la non moins fameuse Arena. Ces équipements avaient fait l'objet de vives discussions au sein de ce parlement. Finalement, une saine majorité s'est dégagée pour faire accepter leur construction et leur financement partiel.
Me rendant personnellement et régulièrement dans ces bâtiments situés dans le triangle d'or de Cointrin, j'ai eu l'occasion d'assister, une fois de ma voiture et plusieurs fois d'un bus, à des dysfonctionnements directement liés à l'utilisation des différents parkings souterrains ou couverts.
Je ne tiens pas à revenir sur la triste prestation du tennis suisse lors de la récente coupe Davis, mais je signale simplement qu'après la déroute en salle, une débâcle non moins désastreuse attendait les spectateurs dans les parkings. Malgré la forte mise à contribution des transports publics, ils furent nombreux, parce que certains habitant en dehors de Genève, à profiter des parkings disponibles. Quelle n'a pas été leur surprise, voire leur colère, d'attendre plus d'une heure pour en sortir !
J'ai moi-même entendu des remarques à ce propos, après des spectacles donnés à l'Arena, ceux de Johnny Halliday, de Francis Cabrel, de David Bowie et la représentation de la comédie musicale «Starmania». Chaque fois, l'organisation de la sortie ou de l'évacuation des différents parkings souterrains s'est transformée en un véritable chaos, suscitant une perte de temps d'autant plus désagréable et stressante qu'elle suivait des événements culturels fort appréciés.
Mon interpellation s'adresse au Conseil d'Etat, voire au département de justice et police spécialement concerné en l'occurrence. Je leur demande d'intervenir pour que la fluidité du trafic devienne une réalité au sortir des spectacles de Palexpo.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 54 bis de notre ordre du jour.
M. Max Schneider (Ve). Mon interpellation s'adresse à M. Haegi.
L'automne dernier, nous avons déposé une motion demandant que cessent les importations des matériaux du Salève. Cette motion, également acceptée majoritairement par la Ville de Genève, est actuellement traitée par la commission de l'environnement qui attend des jours meilleurs pour visiter le site.
Que s'est-il passé depuis ? Durant tout l'hiver, les carrières ont été intensivement exploitées, sans aucune réserve, ainsi qu'en témoignent les habitants de Veyrier. Qu'en est-il aujourd'hui ? On est sur le point d'affecter les matériaux à la couverture partielle du parking de Saint-Antoine. D'où mon interpellation urgente, très urgente même...
Par conséquent, je demande au Conseil d'Etat, et plus spécialement à M. Haegi, qui s'est engagé à ce que ce patrimoine touristique ne soit pas détruit, d'intervenir auprès du conseil administratif, de tenir compte des témoignages des habitants et de la motion actuellement traitée par la commission de l'environnement, de considérer également son acceptation à une large majorité par la Ville de Genève, afin de faire cesser les importations de matériaux en provenance du Salève, et ce en attendant un programme de remise en état des carrières.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 45 bis de notre ordre du jour.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Cette interpellation urgente s'adresse à Mme Brunschwig Graf.
Madame la conseillère d'Etat, considérant l'article alarmiste de ce jour dans la «Tribune de Genève» sur la situation du parascolaire et considérant que deux ans se sont écoulés depuis la refonte des activités parascolaires, il nous semble judicieux que votre département procède à l'évaluation quantitative et qualitative du nouveau service mis en place à destination des enfants, en dehors de leur vie scolaire.
Il serait important, par le biais d'une enquête, de connaître le véritable taux de fréquentation, ainsi que les véritables besoins de la population en la matière et les incidences de l'aspect financier sur leur choix. Je vous remercie de me répondre dans les meilleurs délais afin de rassurer les parents.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente dans les meilleurs délais, soit au point 66 quater de notre ordre du jour.
M. Chaïm Nissim (Ve). Mon interpellation concerne M. Joye, mais fort heureusement elle ne traite pas de la traversée de la rade !
Elle porte sur l'incendie qui a éclaté à Verbois, causant des dégâts estimés à cent millions de francs.
J'ai deux questions toutes simples à vous poser, Monsieur le président :
1. Que s'est-il passé à Verbois ? Pourquoi l'incendie d'une machine, vraisemblablement un disjoncteur collé, s'est-il propagé à toutes les autres machines, et cela juste après les travaux importants entrepris en vue d'augmenter la puissance ?
2. Y a-t-il eu malfaçon, coulage, erreur humaine, incompétence ?
Et maintenant, voici deux questions plus difficiles :
Cet incendie vous met au pied du mur, Monsieur le président. Réussirez-vous à le sauter ou vous casserez-vous la figure ? En vertu de la constitution qui vous en fait l'obligation, vous nous promettez, depuis deux ans pour dans six mois, une conception énergétique rénovée qui tienne compte des rapports CERA et Logilab, et de notre volonté de sortir du nucléaire. Votre dernière promesse a été faite devant la commission de l'énergie pas plus tard que la semaine dernière.
Lassés d'attendre, nous avons soumis notre propre projet de conception au Grand Conseil, mais, dans l'attente du vôtre, il se trouve bloqué en commission.
Vous nous avez également promis, pour fin mars, un texte d'accord entre les SIG, l'OCEN et le Conseil d'Etat sur la politique tarifaire. Nous espérons vraiment qu'il nous parviendra à fin mars !
Cet incendie nous offre, aujourd'hui, une opportunité fantastique, celle de devoir nous lancer enfin dans une politique d'économie d'énergie et l'utilisation des énergies de substitution.
Tous les rapports concluent à l'avantage des économies d'énergie d'ores et déjà compétitives par rapport au coût nucléaire français de 7 centimes le kwh. Alors, pourquoi ne pas commencer par là ?
Quand disposerons-nous de votre projet de conception et de votre texte promis pour fin mars ? Quand commencerons-nous à investir dans les économies d'énergie ? Je sais que de timides débuts existent, mais je parle ici d'une véritable politique, financée par un fonds pour les économies d'énergie.
Ce fonds n'a toujours pas été créé, parce que dépendant, lui aussi, Monsieur le président, de vos promesses en matière de politique énergétique des Services industriels.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 63 quater de notre ordre du jour.
19. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier les objets suivants :
TABLE DES MATIÈRES
Pages
1. Historique 620
1.1. Avant-dernière tentative 620
1.2. Relance populaire 620
1.3. Suite donnée par les autorités 621
1.4. Etapes franchies jusqu'à mai 1994 621
1.5. Etapes franchies jusqu'à décembre 1994 622
1.6. Le 12 avril 1995: le Conseil d'Etat décide 622
1.7. Le 21 septembre 1995: présentation au Grand Conseil 623
2. Travaux de la commission. Auditions 623
2.1. Rappel des projets de lois déposés par le Conseil d'Etat 623
2.2. Liste des documents reçus 632
2.3. Travaux de la commission et auditions 633
2.4. Liste des motions et question écrite du Grand Conseil 638
3. Aspects financiers 638
3.1. Deux scénarios de base 639
3.1.1. Solution mixte 639
3.1.2. Financement assuré par le canton 639
3.2. Conséquences financières 639
3.2.1. Solution mixte 639
3.2.2. Financement par l'Etat 640
3.3. Effets sur l'impôt-auto 640
3.4. Une hausse supportable? 641
3.5. Audition du département des finances 641
3.5.1. Le financement de l'ouvrage et son raccordement
au réseau routier 642
3.5.2. La couverture des charges financières en totalité,
ou en partie, par des centimes additionnels sur
l'impôt-auto 642
3.5.3. Diminution de la durée maximale du prélèvement
des centimes additionnels 643
3.5.4. Péage: Réduction de la durée de prélèvement
des centimes additionnels 643
3.5.5. Présentation de la loi budgétaire annuelle 643
3.5.6. Autres couvertures financières possibles
3.5.7. Conclusion 644
Pages
3.6. Gestion et coût du projet. Méthode d'évaluation des risques 644
3.7. Offres d'entreprises générales 645
4. Aspects techniques des ouvrages 646
4.1. Aménagement du territoire 646
4.1.1. Introduction 646
4.1.2. Rive droite 647
4.1.3. Rive gauche 647
4.1.4. Conclusion 647
4.2. Traversée de la Rade en tunnel entre l'avenue de
France et le Port-Noir (moyenne traversée) 647
4.3. Traversée du Petit-Lac en pont entre le Reposoir
et Genève-Plage (grande traversée) 651
4.4. Tunnel de liaison au Plateau de Frontenex depuis
le Port-Noir 654
4.5. Tunnel de liaison au Plateau de Frontenex depuis
Genève-Plage (Bellefontaine) 656
4.6. Raccordements de Frontenex 659
5. Etudes d'impact 660
5.1. Généralités 660
5.2. Justification de l'étude de l'impact sur l'environnement
des projets de traversées de la Rade et du Petit-Lac 660
5.3. Documents reçus 661
5.4. Résultats de l'évaluation 663
5.5. Politique d'accompagnement 664
6. Effets sur la circulation 665
6.1. L'offre et la demande de transports 665
6.2. Les scénarios de référence 666
6.3. Analyse des prestations 667
6.4. La liaison au Plateau de Frontenex 668
6.5. Les études d'impacts 669
7. Aspects juridiques 669
7.1. Contreprojet indirect ou contreprojet direct? 670
7.2. Pourquoi un crédit de construction 671
7.3. Relations entre les différents projets de lois 672
8. Procédure de vote 673
9. Conclusions et recommandations de la commission 675
Liste des annexes 748
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Ces projets de lois, déposés par le Conseil d'Etat le 22 juin 1995, ont été renvoyés à la commission des travaux par le Grand Conseil lors de sa séance du 21 septembre 1995. Cette dernière a consacré plusieurs séances à les examiner:
· le 1er novembre 1994, après présentation du rapport du jury, une séance de présentation des projets, sous la présidence de M. René Koechlin;
· les 26 septembre, 10, 17 et 24 octobre et 7 novembre 1995, sous la présidence de M. Thomas Büchi;
· le 3 octobre 1995, sous la présidence de M. Dominique Hausser;
· enfin, les 14, 21 et 28 novembre 1995 et 9, 23 et 30 janvier 1996, sous la présidence de M. Hervé Burdet;
soit un total de 13 séances, ou quelque 35 heures.
La commission a bénéficié tout au long de ses travaux de l'aide et des conseils avisés des représentants:
1. du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), soit:
M. .
M. Arthur Harmann, ingénieur cantonal,
M. Serge Gobbi, secrétaire adjoint,
M. Pierre Vonlanthen, chef du service des ponts,
M. Jean-Daniel Favre, chef de la division de l'aménagement cantonal et régional;
2. du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER), soit:
M. .
M. Jean-Claude Landry, écotoxicologue cantonal,
M. Philippe Arrizabalaga, écotoxicologue cantonal adjoint;
3. du département de justice et police et des transports (DJPT), soit:
M. Frédy Wittwer, directeur de l'office des transports et de la circulation;
4. du département des finances (DF), soit:
M. Denis Roy, directeur des services financiers de l'Etat,
M. Benedikt Cordt-Møller, sous-directeur des services financiers de l'Etat,
M. Thierry Bohlinger, chef adjoint du service du budget et des plans quadriennaux.
1. Historique
Voici décrits ci-dessous, dans un ordre chronologique, les faits majeurs et déterminants qui permettent de mieux situer ces quatre projets de lois dans leur contexte.
Les premières propositions et discussions au sujet d'une traversée de la Rade remontent à plus de 40 ans.
Le dessinateur Leffel publiait déjà en 1964, dans la «Défense du Lac», une caricature intitulée «Sus.... à ce serpent de mer !». C'est dire si le dossier paraissait alors insoluble depuis longtemps.
1.1. Avant-dernière tentative
7-27 mars 1964: Salle du Faubourg, exposition des maquettes des six projets retenus par la commission d'urbanisme;
23 octobre 1964: un compromis entre Genève et Berne est négocié. Les RN de 3e classe sont modifiées en RN de 1re classe;
26 février 1969: puis une lettre de Berne à Genève:
«La traversée de la Rade conservera sa grande impor- tance pour le canton et la ville en tant qu'artère de circulation; son aménagement devra toutefois être pour- suivi en dehors du réseau des routes nationales»;
décembre 1969: le coup de grâce au profit de la «ruée vers l'Ouest» est donné. La traversée de la Rade est abandonnée au profit de l'autoroute de contournement.
1.2. Relance populaire
1969-1993: études puis réalisation de l'autoroute de contournement par l'ouest de la ville;
12 juin 1988: initiative populaire: la population genevoise vote à 68% des voix le principe d'une traversée de la Rade, afin:
- de décharger les quais d'une partie importante du trafic qui y passe ou, au moins, d'y rendre la circulation sensiblement plus fluide,
- de lancer l'étude de projets d'ouvrages qui soient situés entre le pont du Mont-Blanc et un axe avenue de France-La Nautique,
- d'assurer un financement adéquat de la part de la Confédération et de la Ville de Genève.
1.3. Suite donnée par les autorités
27 mars 1991: le Conseil d'Etat adopte les conclusions du groupe Etat- Ville:
- renoncer aux petite et moyenne traversées,
- étudier une solution périurbaine;
3 juin 1991: proposition au Grand Conseil d'ouvrir un crédit d'étude pour une traversée du Petit-Lac;
15 mai 1992: le Grand Conseil adopte la loi n° 6690 qui charge le Conseil d'Etat d'étudier les avant-projets:
- d'une traversée du Petit-lac, en amont de l'axe place Albert-Thomas - Genève-Plage,
- d'une traversée de la Rade par un tunnel reliant l'avenue de France au Port-Noir.
Ces traversées devaient être conçues avec un prolonge- ment, éventuellement en deuxième étape, par un tunnel jusqu'au Plateau de Frontenex.
(Pour mémoire, le crédit d'étude accordé était de 8 000 000 F.)
1.4. Etapes franchies jusqu'à mai 1994
décembre 1993: après l'élection du nouveau Conseil d'Etat, l'échéance des études, avancée d'une année environ, est fixée à l'automne 1994. Sept bureaux d'études ont travaillé sur des variantes de projets de ponts et de tunnels:
- sur différents tracés,
- avec leurs accrochages aux rives,
- avec leurs liaisons au réseau existant;
mai 1994: le jury retient neuf avant-projets présentés par quatre groupes. De plus, le jury propose:
- d'abandonner les accrochages au niveau du Port-Noir et du parc Barton,
- qu'une solution tunnel sous le centre William-Rappard devra être étudiée,
- qu'un pont haubané et un pont suspendu sur l'axe Bellefontaine-Reposoir devront être proposés,
- qu'une liaison vers le Plateau de Frontenex est indispensable pour justifier toute traversée.
1.5. Etapes franchies jusqu'à décembre 1994
octobre 1994: le jury, à l'unanimité, se prononce pour:
- un tracé sur l'axe Reposoir - Genève-Plage,
- une traversée de la Rade au moyen d'un pont haubané ou d'un tunnel immergé.
Par ailleurs, le jury est convaincu que:
- la traversée doit être associée à une liaison avec le Plateau de Frontenex,
- la traversée ne sera efficace que par la mise en place de mesures d'accompagnement au centre-ville,
- le pont est la meilleure solution pour des raisons coût de l'ouvrage, de ventilation, d'éclairage, de confort des usagers et d'accessibilité;
décembre 1994: rendu des avis de droit proposant des bases juridiques définitives pour les projets retenus ainsi que pour la procédure de vote prévue pour 1995 ou 1996.
1.6. Le 12 avril 1995: le Conseil d'Etat décide:
· de retenir la solution du contreprojet direct, telle que recommandée par le professeur Jean-François Aubert;
· de saisir le Grand Conseil de quatre projets de lois pour la construction:
- d'une moyenne traversée de la Rade en tunnel entre l'avenue de France et le Port-Noir,
- d'une grande traversée du Petit-Lac en pont entre le Reposoir et Genève-Plage (Bellefontaine),
avec des liaisons en tunnel au Plateau de Frontenex;
· de prévoir à moyen terme une liaison en tunnel entre le Plateau de Frontenex et la jonction de Sous-Moulin;
· de poursuivre ses négociations avec Berne afin de déterminer sa partici-pation adéquate;
· de fixer, sous réserve des débats au Grand Conseil, la votation populaire en 1996;
· de charger le département des travaux publics et de l'énergie, en colla-boration avec tous les départements intéressés, de préparer les quatre projets de lois précités.
Les deux autres points touchent à la poursuite des négociations avec la Ville de Genève et les communes de site, en vue d'une éventuelle partici-pation à l'ouvrage.
1.7. Le 21 septembre 1995: présentation au Grand Conseil
Les quatre projets de lois susmentionnés sont présentés au Grand Conseil qui les renvoie à la commission des travaux pour étude.
Comme vous pouvez le constater, la date de dépôt de ce rapport intervient 2802 jours après le vote populaire de l'initiative, acceptée à 68%, sur le principe d'une traversée de la Rade.
La chronologie de ces événements a d'ailleurs été retenue avec un humour décapant par le «Renquilleur» dans le journal «La Suisse», puis reprise par le «Journal de Genève».
Le nombre démesuré de jours écoulés depuis le vote de 1988 démontre que le feuilleton de la traversée de la Rade, qui préoccupe la population genevoise dans son ensemble, a assez duré.
Il est grand temps de soumettre ces projets de lois au peuple pour qu'il se détermine maintenant de façon définitive sur son choix !
2. Travaux de la commission. Auditions
2.1. Rappel des projets de lois déposés par le Conseil d'Etat
Les quatre projets de lois déposés par le Conseil d'Etat le 22 juin 1995 et présentés au Grand Conseil le 21 septembre 1995 sont les suivants:
PL 7259PROJET DE LOI«Tunnel»ouvrant un crédit de 490 000 000 F pour la réalisation d'un tunnelentre l'avenue de France etle Port-Noir (moyenne traversée)
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
vu la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, titre VI, impôts sur les véhicules à moteur et sur leurs remorques,
Décrète ce qui suit
Créditd'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 490 000 000 F pour la réalisation de la traversée de la Rade en tunnel entre l'avenue de France et le Port-Noir (moyenne traversée).
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Couverture financière
Art. 3
1 Les charges en intérêts et en amortissements de cet investissement, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du prélèvement supplémentaire de cinquante centimes additionnels, aux impôts sur les véhicules à moteur.
2 Ce prélèvement de cinquante pour cent sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 40 ans.
3 Le nombre de centimes additionnels et/ou la durée d'amortissement seront réduits par le Conseil d'Etat proportionnellement à la participation au financement de l'ouvrage résultant d'une subvention de la Confédération ou du produit d'un péage.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art. 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 5
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
PL 7260PROJET DE LOI«Pont»ouvrant un crédit de 430 000 000 F pour la réalisation d'un pontentre le Reposoir et Genève-Plage (grande traversée)
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
vu la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, titre VI, impôts sur les véhicules à moteur et sur leurs remorques,
Décrète ce qui suit
Créditd'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 430 000 000 F pour la réalisation de la traversée du Petit-Lac en pont entre le Reposoir et Genève-Plage (grande traversée).
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Couverture financière
Art. 3
1 Les charges en intérêts et en amortissements de cet investissement, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du prélèvement supplémentaire de cinquante centimes additionnels, aux impôts sur les véhicules à moteur.
2 Ce prélèvement de cinquante pour cent sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 40 ans.
3 Le nombre de centimes additionnels et/ou la durée d'amortissement seront réduits par le Conseil d'Etat proportionnellement à la participation au financement de l'ouvrage résultant d'une subvention de la Confédération ou du produit d'un péage.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art. 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 5
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
PL 7261PROJET DE LOI«Raccordement Tunnel»ouvrant un crédit de 220 000 000 F pour la réalisation d'un tunnelsur la rive gauche entre le tunnel sous la Rade (moyenne traversée)et le Plateau de Frontenex
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
Décrète ce qui suit
Crédit d'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 220 000 000 F pour la réalisation du raccordement par un tunnel routier sur la rive gauche entre le tunnel sous la Rade (moyenne traversée) et le Plateau de Frontenex.
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Financement
Art 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Amortissement
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art . 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 6
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
PL 7262PROJET DE LOI«Raccordement Pont»
ouvrant un crédit de 250 000 000 F pour la réalisation d'un tunnelsur la rive gauche entre le pont sur le Petit-Lac (grande traversée)et le Plateau de Frontenex
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
Décrète ce qui suit
Crédit d'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 250 000 000 F pour la réalisation du raccordement par un tunnel routier sur la rive gauche entre le pont sur le Petit-Lac (grande traversée) et le Plateau de Frontenex.
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Financement
Art 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Amortissement
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art . 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 6
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
2.2. Liste des documents reçus
Les membres de la commission ont reçu les documents suivants:
- Rapport intermédiaire du jury, daté du 16 mai 1994.
- Rapport final du jury, daté du 25 octobre 1994.
- Mémoire relatif aux impacts sur l'environnement de la moyenne traversée de la Rade en tunnel (30 août 1994) ainsi que son complément (9 octobre 1995).
- Mémoire relatif aux impacts sur l'environnement de la liaison en tunnel au Plateau de Frontenex depuis le Port-Noir (9 octobre 1995).
- Mémoire relatif aux impacts sur l'environnement de la grande traversée du Petit-Lac en pont (1er septembre 1994).
- Mémoire relatif aux impacts sur l'environnement de la liaison en tunnel au Plateau de Frontenex depuis Genève-Plage (Bellefontaine) (1er septembre 1994).
- Etude d'effets induits par une nouvelle traversée de la Rade ou du Petit-Lac à Genève (30 avril 1995).
- Rapport du groupe Etat-Ville, daté de mars 1991.
- Avis de droit du professeur J.-F. Aubert daté du 13 décembre 1994.
- Arrêt du Tribunal fédéral suisse du 29 mai 1989.
- OTC: Traversées de la Rade et du Petit-Lac. Evaluation des charges de trafic (15 décembre 1995).
- OTC - Flux de trafic intéressés par la traversée de la Rade.
- Rapport technique relatif à la traversée du Petit-Lac en pont (10 octobre 1995).
- Rapport technique relatif à la traversée de la Rade en tunnel (10 octobre 1995).
- Rapport technique relatif au tunnel de liaison entre le quai Gustave-Ador et le Plateau de Frontenex (10 octobre 1995).
- Rapport technique relatif au tunnel de liaison Bellefontaine-Frontenex (10 octobre 1995).
- Traversée en pont et tunnel de liaison: Cahier des charges du rapport d'impact sur l'environnement - 1re étape (15 décembre 1995).
- Traversée en tunnel et tunnel de liaison: Procédure EIE - 1re étape. Cahier des charges (11 décembre 1995).
- Procédure d'étude d'impact sur l'environnement en deux étapes.
- Note de synthèse des aspects juridiques.
- Exposé sur le financement de la traversée de la Rade du 17 octobre 1995.
- Traversée de la Rade en tunnel avec liaison au Plateau de Frontenex: Rapport d'impact, première étape, daté du 15 janvier 1996 et évaluation du service de l'écotoxicologue cantonal daté du 22 janvier 1996.
- Traversée du Petit-Lac en pont avec tunnel de liaison au Plateau de Frontenex: Rapport d'impact, première étape, daté du 15 janvier 1996 et évaluation du service de l'écotoxicologue cantonal daté du 22 janvier 1996.
- Plan de situation A3: Accrochage rive gauche de la moyenne traversée de la Rade en tunnel et liaison au Plateau de Frontenex.
- Plan de situation A3: Accrochage rive gauche de la grande traversée du Petit-Lac en pont et liaison au Plateau de Frontenex.
- Plan de situation A3: Accrochage rive droite de la moyenne traversée de la Rade en tunnel.
- Plan de situation A3: Accrochage rive droite de la grande traversée du Petit-Lac en pont.
- Cahier de photomontages des quatre projets présentés.
- Dépliant «Exporade - juillet 1995».
2.3. Travaux de la commission et auditions
Les commissaires ont consacré une part très importante de leurs travaux à auditionner divers groupements et associations. Ils ont non seulement écouté les observations que certains souhaitaient faire à propos des quatre projets de lois proposés, mais ils ont aussi sollicité les avis de plusieurs spécialistes. Dans un souci d'objectivité et de manière à pouvoir se forger un avis le plus précis possible, ils ont consulté pratiquement tous les milieux concernés.
Pour se rendre compte visuellement de l'impact que peuvent avoir ces projets, la commission s'est également rendue à plusieurs reprises «sur place» pour apprécier les deux tracés de franchissement ainsi que les implantations des divers accrochages.
Les travaux sont ici résumés de manière succincte, les aspects princi-paux étant développés séparément dans les chapitres suivants.
· Mardi 1er novembre 1994:
Présentation, par le chef du département des travaux publics et de l'énergie, des projets de traversée de la Rade. Audition du professeur R. Walther de l'EPFL («M. Rade»). Résultats et commentaires de ce dernier sur les projets «pont» et «tunnel» retenus par le jury pour une traversée périurbaine.
· Mardi 26 septembre 1995:
Présentation des différents projets en conformité avec les quatre projets de lois déposés par le Conseil d'Etat. Projection des vidéo-simulations du pont et du tunnel.
· Mardi 3 octobre 1995:
Visite guidée du site «rive gauche pont et tunnel», y compris Frontenex et du pavillon «Info-Rade». Quelques remarques mineures au sujet du problème foncier; d'une manière générale rien de particulier à signaler.
· Mardi 10 octobre 1995:
Présentation technique à Uni-Mail des deux projets retenus par les différents groupements de mandataires avec plans, coupes, diapositives, détails et questions techniques des commissaires (voir chapitre 4. «Aspects techniques des ouvrages»). Ont été auditionnés, dans l'ordre:
- le groupement tunnel, piloté par le bureau d'ingénieurs-conseils Bonnard & Gardel S.A., représenté par MM. J.-P. Widmer, F. Herrera, P. Durand, P. Bellwald et Y. Bohanes;
- le groupement Erbeia et Bouchardy, ingénieurs civils, pour le raccordement en tunnel correspondant jusqu'au Plateau de Frontenex, représenté par MM. J.-L. Bouchardy, C. Dubois, A. Henke, C. Boss et A. Ortis;
- le groupement GETRADE pour le pont piloté par le bureau d'ingénieurs Tremblet S.A. et représenté par MM. P. Moia, J.-F. Klein, M. Savary, J. de Heer et P. Andrey;
- le groupement GEOS pour le raccordement en tunnel correspondant jusqu'au Plateau de Frontenex, piloté par le bureau d'ingénieurs-conseils GEOS S.A. et représenté par MM. R. Marche, J.-J. Gerber et A. Villegas.
· Mardi 17 octobre 1995:
Aspects environnementaux par MM. J.-C. Landry, écotoxicologue cantonal, et Ph. Arrizabalaga, écotoxicologue cantonal adjoint. Découverte par les commissaires (ou certains d'entre eux) de disposer d'une étude d'impact avant le vote du Grand Conseil. Il faut relever qu'en ce qui concerne cette étude, une première étape accompagnant les projets est suffisante pour permettre au peuple de se déterminer. Une fois la solution retenue à l'issue du scrutin, un document détaillé et exhaustif fera partie intégrante du dossier d'exécution. M. le conseiller d'Etat C. Haegi, chef du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, a précisé qu'à ce jour les études d'impact ne sont pas assez avancées, notamment pour le tunnel dans le périmètre de l'initiative, puisqu'il avait été rejeté par le jury. Un délai au 22 janvier 1996 est demandé afin que les groupements de mandataires puissent achever leur étude d'impact, première étape, et ensuite le service cantonal d'écotoxicologie, service spécialisé, devra encore contrôler la validité et la conformité de ces études avant de les présenter à la commission.
L'ensemble des commissaires prend acte tout en regrettant que ce délai supplémentaire ralentisse considérablement leurs travaux.
Audition du département des finances, représenté par MM. D. Roy, directeur des services financiers de l'Etat, B. Cordt-Møller, sous-directeur des services financiers de l'Etat, et Th. Bohlinger, chef adjoint du service du budget et des plans quadriennaux (cf. Chapitre 3. «Aspects financiers»).
· Mardi 24 octobre 1995:
Visite guidée des sites «rive droite», puis présentation, à l'office des transports et de la circulation (OTC), de l'impact sur la circulation par M. F. Wittwer, directeur, sous forme de graphiques, cartes et simulations par ordinateur. Les hypothèses de calculs se réfèrent au concept «Circulation 2000». Certains chiffres et résultats sont contestés par des commaissaires de l'Alternative (voir chapitre 6. «Effets sur la circulation»).
· Mardi 7 novembre 1995:
Audition de l'Association de coordination des transports, représentée par Mme F. Chappaz (WWF), MM. P. Pillonel (ASPIC) et A. Marquet (ATE). Opposition aux projets et priorité aux TPG.
Audition du Groupement pour la sauvegarde de la Rade et du Petit-Lac, représenté par MM. J. Naef et G. Psarofaghis. Opposition au pont, désinformation des photomontages officiels, soutien au tunnel.
· Mardi 14 novembre 1995:
Audition de la Fédération des métiers du bâtiment (FMB), représentée par MM. G. Barrillier, F. Grin et J.-P. Cots. Effet multiplicateur des grands travaux selon l'étude neuchâteloise: 3 à 4 fois la somme investie; 800 à 900 emplois pourraient être occupés pendant toute la durée des travaux qui débuteraient à point lors de la fin du chantier de l'autoroute de contournement (évitement de Plan-les-Ouates).
Audition du Groupement transports et économie, représenté par MM. J. de Tolédo, président de la Fédération économique du centre-ville, et A. Meylan, secrétaire du Groupement: soutien aux 2 x 2 projets, sans prise de position précise. Divers documents sont remis.
· Mardi 21 novembre 1995:
Audition de Me P.-L. Manfrini et du professeur J.-F. Aubert (voir chapitre 7. «Aspects juridiques»).
· Mardi 28 novembre 1995:
Audition du Groupement «Sauvons la Rade», représenté par Mme M. Filipovski, MM. P. Schneider et A. Brülhardt. Opposition totale aux deux projets et, même, opposition au mandat constitutionnel de concrétisation de l'initiative.
Audition de la Société d'art public, représentée par Mme S. Paravicini, MM. D. Blondel et M. Brun. Opposition résolue au pont pour des raisons esthétiques (impact, éclairage, vision du lac, etc.) et en raison du plan de site en vigueur. Opposition modérée au tunnel en l'état des études, mais pas sur le principe d'une traversée. Selon la Société d'art public, une amélio-ration du projet tunnel pourrait rencontrer son approbation si l'impact visuel est réduit au maximum (accrochages et trémies d'accès).
· Mardi 9 janvier 1996:
Audition des TPG, représentés par M. Ch. Stucki, directeur. Voies prioritaires de métro (et de bus) sur le pont du Mont-Blanc indispensables, soit réduire l'offre pour les véhicules privés sur ce pont; pour lui la traversée est indispensable pour le métro léger, ou alors il faudra lui construire un franchissement propre (dans l'attente, le métro passerait sur les voies du tram 13). Il relève certains problèmes d'ordonnancement des travaux du tram 13 dans le quartier de Sécheron, si le tunnel est choisi. Utilisation de la nouvelle traversée pour la ligne de ceinture 11.
Analyse des aspects juridiques (voir chapitre 7.)
· Mardi 23 janvier 1996:
Présentation des études d'impact (pont et tunnel), première étape, par les groupements de mandataires et en présence des représentants des services spécialisés. Sont auditionnés:
- pour le groupement tunnel: MM. J.-P. Widmer, P. Durand et Y. Bohanes;
- pour le groupement pont: MM. P. Moia, J. de Heer et R. Marche.
Les aspects importants de ces études d'impact présentés en commission seront développés par ailleurs (voir chapitre 5. «Etudes d'impact»).
Il est par contre très important de rappeler que M. Ph. Arrizabalaga, écotoxicologue cantonal adjoint, certifie que les deux études d'impact, première étape, présentées sont d'excellente qualité et conformes à l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement (OEIE).
· Mardi 30 janvier 1996:
Discussion, amendements et vote final de la commission sur les projets de lois n° 7259 à n° 7262, selon la procédure proposée par le président de la commission:
- Entrée en matière (PL 7259):
9 oui (Entente) - 5 non (1 soc., 3 ADG, 1 PEG) - 1 abstention (1 soc.).
L'amendement proposé à l'article 3 par le département des finances est accepté (9 oui - 6 non).
La proposition de considérer que le projet de loi 7259 constitue la concrétisation de l'Iinitiative 16 est acceptée (9 oui - 1 non - 5 abstentions).
- Entrée en matière (PL 7260):
9 oui (Entente) - 5 non (1 soc., 3 ADG, 1 PEG) - 1 abstention (1 soc.).
L'amendement proposé à l'article 3 par le département des finances est accepté (9 oui - 6 non).
La proposition de considérer que le projet de loi 7260 constitue le contreprojet à l'initiative 16 est acceptée (9 oui - 6 non).
- Entrée en matière (PL 7261): 9 oui - 6 non.
L'adjonction d'un article 7 proposée par M. A. Saurer est refusée (6 oui - 9 non)
Le projet de loi est accepté (9 oui - 3 non - 2 abstentions)
La proposition de considérer le projet de loi 7261 comme un complément du projet de loi 7259 (Tunnel) est acceptée (9 oui - 5 abstentions).
- Entrée en matière (PL 7262): 9 oui - 5 non.
L'adjonction d'un article 7 proposée par M. A. Saurer est refusée (5 oui - 9 non)
Le projet de loi est accepté (9 oui - 5 abstentions).
La proposition de considérer le projet de loi 7262 comme un complément du projet de loi 7260 (pont) est acceptée (9 oui - 5 abstentions).
- Question subsidiaire: La proposition de soumettre au peuple la question subsidiaire en cas d'acceptation des deux traversées en tunnel et en pont est acceptée (9 oui - 5 abstentions).
(Voir chapitres 7.3. «Relations entre les différents projets de lois» et 8. «Procédure de vote».)
2.4. Liste des motions et question écrite du Grand Conseil
La commission prend acte que les projets de lois répondent aux motions suivantes:
- motion 519 du 24 juin 1988 de MM. Claude Blanc, Charles Bosson, Hervé Burdet, Philippe Joye, René Koechlin, Bernard Lusti, concernant la réalisation de la traversée de la Rade et la constitution d'une commission consultative.
- motion 557 du 27 janvier 1989, de MM. Claude Blanc, Philippe Joye et Jean Montessuit, concernant le financement de la traversée de la Rade.
- motion 569-I du 16 mars 1989, de Mme et MM. Claude Blanc, Jeanine Bobillier, Hugues Boillat, Hervé Burdet, Jean de Tolédo, Hermann Jenni, Philippe Joye, René Koechlin, Yves Odier, Jacques Torrent, André Vial, Olivier Vodoz, concernant l'étude effective et accélérée de la «moyenne traversée» de la Rade
ainsi qu'à:
- question n° 3534 du 17 février 1995 de M. Christian Grobet sur le financement de la Rade.
3. Aspects financiers
Les variantes étudiées pour le dépôt des projets de lois concernent la traversée en tunnel ou en pont, à laquelle s'ajoute la montée en tunnel jusqu'à Frontenex.
3.1. Deux scénarios de base.
La variante d'un financement entièrement privé a été abandonnée, notamment pour des questions de coût (loyer de 57 à 60 millions de francs), juridiques, et l'incertitude concernant l'autonomie financière du projet (péage).
3.1.1. Solution mixte. La traversée du plan d'eau et ses accrochages sont financés par une société privée, au bénéfice d'une concession pour la construction, la gestion et l'exploitation de l'ouvrage. L'Etat verse un loyer à la société concessionnaire.
Le canton doit alors financer, construire et exploiter les infrastructures d'accès au pont ou au tunnel, y compris le tunnel jusqu'à Frontenex.
3.1.2. Financement assuré par le canton. Le canton prend en charge le financement, la construction et l'exploitation de l'ouvrage de traversée, ainsi que les aménagements routiers d'accès. Cependant, quelle que soit l'option finale retenue, l'entretien et les frais d'exploitation seront financés par les recettes générales de l'Etat, pour un montant moyen de 5 à 6 millions de francs par an.
3.2. Conséquences financières
3.2.1. Solution mixte. Les coûts du projet seraient répartis comme suit:
· Compte d'investissement.
La tranche annuelle de travaux effectués pour les raccordements routiers représentera 45 à 55 millions de francs par an durant cinq à six ans sur une enveloppe générale de travaux d'investissements de 250 millions dont les charges en amortissements et en intérêts sont couvertes par l'impôt.
· Compte de fonctionnement.
a) Le montant du loyer à payer à la société concessionnaire pour la réalisation de l'ouvrage de traversée sera de l'ordre de 38 à 43 millions de francs dès la première année avec une indexation régulière (soit un montant de loyer trois fois plus important après 40 ans). Ce loyer sera financé par une hausse de l'impôt-auto. Ce loyer pourrait être réduit en cas de péage et l'impôt-auto revu à la baisse.
b) En raison des investissements effectués pour les raccordements, les charges financières annuelles en intérêts et en amortissements seront d'environ 11 à 13 millions par an. Il s'agit d'un prix moyen sur 40 ans.
Dans la situation financière actuelle du canton, il s'impose de trouver des revenus supplémentaires pour assurer la couverture des charges nouvelles engendrées par tout projet de traversée de la Rade; ce qui est du reste obligatoire en vertu de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993. Le Conseil d'Etat estime qu'une hausse de l'impôt-auto, qui est un des plus bas de Suisse, est envisageable.
3.2.2. Financement par l'Etat. Les coûts du projet sont répartis comme suit:
· Compte d'investissement.
a) La tranche annuelle de travaux effectués sur l'ouvrage de traversée, soit 85 à 95 millions par an durant cinq à six ans, n'entre pas dans les investissements dits «nets-nets» de 250 millions, mentionnés ci-avant. Ces charges en amortissements et intérêts seront en effet financées par une augmentation de l'impôt-auto.
b) La tranche annuelle de travaux effectués pour les raccordements routiers représente 45 à 55 millions de francs par an durant cinq à six ans sur une enveloppe générale de travaux d'investissements de 250 millions dont les charges en intérêts et amortissements sont financées par l'impôt.
· Compte de fonctionnement.
a) Les charges relatives à l'ouvrage de traversée proprement dit s'élèvent approximativement entre 23 et 26 millions de francs et sont à financer par l'augmentation de l'impôt-auto sur une durée de 40 ans.
b) Les charges annuelles en intérêts et en amortissements, résultant des investissements effectués pour les raccordements, se montent à environ 11 à 13 millions de francs en moyenne par année.
3.3. Effets sur l'impôt-auto
L'impôt-auto a rapporté, en 1994, 54 millions de francs, soit un impôt «moyen» de 210 francs. Donc, si l'on retient une base de 52 millions de francs (c'est-à-dire 54 millions, moins l'augmentation temporaire de l'impôt-auto, destinée à financer les études d'avant-projets chiffrés des traversées), une augmentation de l'impôt-auto de 44 à 50% - solution préconisée par le Conseil d'Etat - rapporterait environ 23 à 26 millions en fonction du projet définitivement retenu (pont ou tunnel).
- En cas de financement mixte, le loyer à verser à la société concessionnaire serait donc de 38 à 43 millions de francs, ce qui nécessiterait une hausse des recettes provenant de l'impôt-auto de 73 à 82% (sous la forme de centimes additionnels).
- En cas de financement par l'Etat de l'ouvrage de traversée, les charges à couvrir par l'impôt-auto provoqueraient une augmentation de l'ordre de 44 à 50%.
Quel que soit le type de financement, les raccordements sont réalisés et financés par l'Etat.
3.4. Une hausse supportable ?
L'impôt-auto à Genève est de 65,4 points (année 1992 avant l'augmentation temporaire de l'impôt-auto) sur la base d'un indice 100, représentant la moyenne suisse.
- Cet indice passerait à un niveau situé entre 94 et 98 points et resterait inférieur à la moyenne suisse si l'Etat réalisait lui-même l'ouvrage de traversée du plan d'eau.
- Cet indice passerait à un niveau situé entre 113 et 119 points, si c'est une société privée concessionnaire qui réalise l'ouvrage de traversée. Cet indice serait proche de celui du canton de Vaud. Autrement dit, dans cette hypothèse, l'automobiliste genevois paierait quasiment le même impôt-auto que le Vaudois.
Après études, le Conseil d'Etat a décidé, en l'état, de privilégier un mode de financement cantonal avec une hausse de l'impôt-auto, pour assurer la couverture des charges financières en amortissements et en intérêts découlant de la réalisation du pont ou du tunnel.
A ce jour, les scénarios de financement privé ne donnent pas de résultats satisfaisants. Le Gouvernement se réserve de revenir à ce système s'il s'avère qu'il est avantageux pour la collectivité; il poursuit par conséquent ses études.
Comme déjà dit, des recettes (le péage par exemple) ou un subventionnement de la Confédération, permettraient de revoir à la baisse l'impôt-auto. Dans cette hypothèse, il conviendrait d'effectuer des analyses complémentaires quant aux modes de financement.
3.5. Audition du département des finances
MM. Denis Roy, directeur des services financiers de l'Etat, Benedikt Cordt-Møller, sous-directeur, et Thierry Bohlinger, chargé de la planification financière, ont été auditionnés lors de la séance du 17 octobre 1995 et ont fait part des considérations suivantes:
3.5.1. Le financement de l'ouvrage et son raccordement au réseau routier
Afin que le coût de l'ouvrage soit clairement dissocié de celui de son raccordement, au réseau routier, deux projets de lois ont été élaborés, chacun ayant son propre mode de financement.
Ils sont néanmoins présentés ensemble afin que soit clairement connu le coût total de la réalisation.
La construction d'un tunnel ou d'un pont, au montant de 490, respective-ment 430 millions de francs entraînera des charges financières qui seront couvertes par une augmentation de l'impôt-auto.
Les travaux de raccordement au tunnel ou au pont, au montant de 220, respectivement 250 millions de francs, s'étaleront par tranches annuelles, comme cela a été fait pour le contournement autoroutier et l'évitement de Plan-les-Ouates. Ils seront compris dans le montant annuel de 250 millions de francs d'investissements dit «nets-nets» prévus au plan de redressement.
3.5.2. La couverture des charges financières en totalité, ou en partie, par des centimes additionnels sur l'impôt-auto
Le Grand Conseil a le pouvoir de voter les impôts, en vertu de la Constitution. Le projet de prélèvement de centimes additionnels sur l'impôt-auto est conforme aux dispositions de l'article 54 Cst. Depuis au moins trente ans, l'Etat de Genève, qui perçoit l'impôt-auto parmi les plus bas de Suisse, a tenu en réserve une augmentation de l'impôt-auto principalement dans la perspective d'un financement de la traversée de la Rade dont il est question depuis aussi longtemps.
Si les détenteurs genevois de véhicules à moteur avaient eu à s'acquitter d'un impôt-auto égal à la moyenne suisse, ou à celui de nos voisins vaudois, ils auraient eu à débourser au cours de ces 30 dernières années en valeur cumulée un supplément situé entre 600 millions et un milliard de francs. Ils ont donc été allégés de cette charge.
Le produit de 1 centime additionnel sur l'impôt-auto, soit de 1%, étant d'environ 1/2 million de francs, il s'ensuit qu'il faut en prélever 50 pour assurer la couverture intégrale des charges financières découlant de la construction d'un tunnel, ou 44 pour la construction d'un pont.
3.5.3. Diminution de la durée maximale du prélèvement des centimes additionnels
Ce prélèvement sera opéré sur une durée maximale de 30 ans, et non plus 40 ans comme prévu initialement, puisque le taux moyen d'intérêt sur 45 ans a été de 4,5% et que l'on peut par sécurité se positionner sur un taux de 5%, au lieu du taux précédemment retenu de 6% ayant régné sur quelques années seulement. Par rapport aux projets de lois n° 7259 et n° 7260, un amendement des articles 3 est proposé en conséquence.
3.5.4. Péage: Réduction de la durée de prélèvement des centimes additionnels
Comme il est prévu à l'alinéa 3 de l'article 3 relatif à la couverture financière, le Grand Conseil peut réduire le nombre des centimes addi-tionnels à percevoir, ou la durée de leur prélèvement, ou les deux à la fois, si l'introduction du prélèvement d'un péage devient non seulement possible mais probable, le Conseil fédéral ayant accepté le 16 août 1995 de présenter dans ce sens un message aux Chambres.
Afin de quantifier par hypothèse les conséquences financières résultant de la perception d'un péage, il faut se fonder sur les prévisions du département des travaux publics et de l'énergie, elles-mêmes reposant sur celles des experts. Avec une estimation moyenne de 30 000 passages et un prix minimum de 2 F par passage ponctuel et de 65 centimes par passage par abonnement, la recette annuelle se situerait aux alentours de 11 millions de francs. Cela permettrait, dès la mise en service de l'ouvrage, de réduire progressivement de moitié le nombre des centimes additionnels. Cela ramènerait ainsi notre canton parmi ceux qui pratiquent un faible taux de mise à contribution pour l'impôt-auto.
3.5.5. Présentation de la loi budgétaire annuelle
Dans le cadre de la loi soumise à la votation du Grand Conseil concernant le prélèvement des centimes additionnels, cette disposition est en cohérence avec notre système de prélèvement s'exprimant en centimes addi-tionnels, proche d'une expression plus moderne en pour-cent. Les autres cantons, où l'on trouve la quotité à Berne, les multiples à Zurich, etc., ont aussi leur spécificité pour l'appel à un effort fiscal supplémentaire.
L'augmentation des recettes par prélèvement de centimes additionnels ne constitue pas une affectation directe des recettes. Le produit de ces centimes additionnels s'ajoutent aux recettes générales pour couvrir l'augmentation générale des charges due aux intérêts et amortisssements sur l'emprunt contracté pour réaliser l'ouvrage.
3.5.6. Autres couvertures financières possibles
Comme l'indiquent les projets de lois, les centimes additionnels pourraient aussi être réduits si une subvention fédérale intervenait en lieu et place d'une autorisation de percevoir un péage, pour autant que la traversée du plan d'eau soit inscrite au réseau des routes principales suisses et se raccorde à des artères de même statut. Il semble cependant que l'introduction d'un péage soit la variante la plus probable en l'état.
Par ailleurs, des discussions sont à entreprendre avec la France car les travailleurs frontaliers profiteront assurément de l'existence de cet ouvrage et des facilités qu'il apportera dans leurs déplacements quotidiens au service de l'économie genevoise.
3.5.7. Conclusion
En résumé, les dispositions financières prévues dans les projets de lois présentés suivent rigoureusement les exigences du rétablissement de l'équilibre budgétaire voulu par décision du peuple. La sécurité de leur financement est assurée. Ils n'entraîneront pas d'aggravation des déficits publics.
3.6. Gestion et coût du projet. Méthode d'évaluation des risques
Pour tous projets, la maîtrise des coûts est un élément primordial. Les augmentations résultent de deux facteurs: 1) les changements et adaptations qui interviennent en cours de route à la demande du maître d'oeuvre, et 2) les risques non identifiés et/ou non maîtrisés liés au projet. Il importe aux promoteurs d'un projet d'identifier et de cerner au mieux ces risques afin d'être en mesure de projeter les coûts et de déterminer in fine la viabilité dudit projet.
Que ces projets soient financiers, techniques ou administratifs, le plus souvent une combinaison de ces trois éléments, la notion de risque prend une dimension très importante dès que ces projets ont une certaine ampleur de par leur coût, leur nature et leur durée.
Pour de grands projets, on ne peut pas parler de risque unique, de risque global ou de risque projet avant d'en avoir déterminé les composantes. En effet, nous avons affaire à une multitude de risques, dont l'importance et les conséquences varient très fortement en fonction de la durée du risque, de son incertitude et de sa probabilité.
Les nouvelles techniques aujourd'hui à disposition des entreprises, des banques et des collectivités emploient depuis quelques années la notion de modélisation du risque, en anglais plus communément appelée «Risk Scoring Models».
Ces modèles font appel à l'identification de tous les risques possibles et imaginables regroupés par catégorie, par type ou plus précisément par leur origine, qu'elle soit unique ou multiple, que les effets puissent avoir des conséquences dans la durée ou non, que ces risques soient eux-mêmes générateurs de risques ou non (effet de cascade).
L'idée de base est de déterminer pour chaque catégorie le risque minimum et le risque maximum, d'y attacher une probabilité et de lier cette probabilité aux différentes phases du projet le cas échéant. De cette manière on peut évaluer pour chacune des phases du projet la palette et l'étendue des risques, leur origine, leurs effets et surtout concentrer les études sur la minimisation du risque de ces éléments pour lesquels les conséquences sont les plus importantes.
Une fois les risques identifiés et catégorisés, un tableau d'allocation des risques est créé, ce qui permet alors d'appréhender au mieux tous les tenants et aboutissants d'un projet et de déterminer les coûts, par exemple, de chaque élément ou phase d'un projet. En additionnant ces coûts dits «maîtrisés», une entreprise peut alors s'engager sur la durée et le coût d'un projet puisque les effets des écarts-types sont connus.
Concrètement, le coût global peut être cerné si les éléments individuels qui constituent le projet (nature, type, financement, contraintes, etc.) sont arrêtés. La précision avec laquelle une entreprise déterminera le coût final est fonction du risque maximum qu'elle accepte de prendre, qui lui-même est défini par la capacité de l'entreprise à identifier les catégories de risques.
3.7. Offres d'entreprises générales
L'initiative populaire de 1988 (IN 16) demandait au Grand Conseil d'adopter une loi ouvrant un crédit pour la réalisation d'une traversée de la Rade. Compte tenu de la qualité des études disponibles, il a été possible, sur la base des dossiers élaborés par les groupements de mandataires et des considérations qui précèdent, d'obtenir de deux entreprises, d'une part, Karl Steiner Entreprise Générale S.A. et, d'autre part, la Société Anonyme Conrad Zschokke, des prix plafond garantis (voir Annexes 15 et 16).
Cette procédure exceptionnelle permet de faire l'impasse sur l'étape usuelle du crédit d'étude et démontre que les projets sont mûrs pour une décision, étant encore observé que lorsqu'une solution de franchissement sera définitivement retenue, il devrait encore être possible de reviser les coûts à la baisse au bénéfice du maître d'ouvrage, donc l'ensemble de la collectivité.
4. Aspects techniques des ouvrages
4.1. Aménagement du territoire
4.1.1. Introduction
La réalisation de la traversée de la Rade ou du Petit-Lac conditionne l'organisation de la partie nord-est de l'agglomération.
Il s'agit dès lors d'intégrer ces projets dans le cadre de l'aménagement du territoire, conformément à l'article 6 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT), du 22 juin 1979, et d'en apprécier les effets.
La nouvelle traversée du plan d'eau et la liaison avec le Plateau de Frontenex auront pour conséquences de «rapprocher» des espaces actuellement éloignés du fait de la présence du lac.
Cela peut être l'occasion de nouveaux développements, comme de risques de pression à des urbanisations non souhaitées; c'est là qu'intervient le plan directeur, actuellement en cours de révision. Ce document est élaboré en concertation et en collaboration entre l'Etat de Genève, les communes et les représentants de la région proche.
4.1.2. Rive droite
a) Traversée de la Rade en tunnel: L'insertion des accès à l'ouvrage relève davantage de considérations d'urbanisme que d'aménagement du territoire, comme, par exemple, les relations à assurer entre le quartier des Pâquis et les parcs.
Cependant, les perspectives de valorisation du quartier de Sécheron devront être analysées, de même que le projet de prolongement du tram 13 de Cornavin à la place des Nations.
b) Traversée du Petit-Lac en pont: Compte tenu du caractère résidentiel de la rive et de la présence d'espaces verts et d'équipements publics, l'utilisation du sol ne devrait pas être très modifiée, sauf, éventuellement, de manière ponctuelle.
Pour les deux projets: Les études porteront sur l'organisation de la région où sont implantées les organisations internationales, de celle de la partie nord du secteur de l'aéroport, voire au-delà, sur France, de l'axe Ferney-Gex et vers Meyrin
4.1.3. Rive gauche
Pour les deux projets: Le caractère résidentiel de la rive devrait se maintenir. Toutefois, des modifications ponctuelles ne sont pas à exclure, plus particulièrement à proximité de l'accrochage du tunnel.
Dans les deux hypothèses, le Plateau de Frontenex représente un espace à enjeu important: situé, en temps, grâce à la traversée, très près de la place des Nations et de l'aéroport, il pourrait être le lieu d'une opération d'aménagement urbain pour autant que le plan directeur puisse conclure qu'il est souhaitable d'implanter là une nouvelle «porte de Genève».
Un peu plus loin, mais pas très, la gare des Eaux-Vives, où l'Etat possède environ 5 ha de terrain, représente un autre enjeu d'aménagement dont le programme devra être précisé en tenant compte d'un autre grand projet d'infrastructure, à savoir le métro léger transfrontalier.
4.1.4. Conclusion
La traversée de la Rade ou du Petit-Lac avec la remontée à Frontenex ne sont pas seulement des ouvrages destinés à résoudre des problèmes de transports dans la partie nord-est de l'agglomération.
Ce nouveau «passage» aura des effets à plus ou moins long terme sur l'organisation spatiale et sur l'utilisation du sol.
4.2. Traversée de la Rade en tunnel entre l'avenue de France et le Port-Noir (moyenne traversée) (voir Annexes 1 à 5)
La moyenne traversée ne se prête pas à la réalisation d'un pont. L'espace de 25 m entre la surface du lac et le pont, à respecter pour la navigation, y compris les unités de la CGN, aurait pour conséquence de donner aux chaussées une déclivité beaucoup trop forte.
Le projet de moyenne traversée en tunnel, retenu par le Conseil d'Etat parce qu'il s'inscrit dans le périmètre défini par l'initiative de 1988, prévoit d'exécuter la partie rectiligne sous-lacustre du tunnel par immersion d'éléments préfabriqués. Bien que faisant appel à une technologie de pointe, cette solution est classique puisque l'on dénombre pas moins d'une centaine d'ouvrages similaires existant dans le monde et d'une dizaine actuellement en phase de réalisation en Europe.
Cette méthode consiste en l'aménagement, au large du mur de quai, d'un dock de préfabrication de 300 m de long par 140 m de large, à l'abri du batardeau prévu pour la construction de l'accrochage du tunnel à la rive gauche, réalisé dans le lac à l'aval du port de la Nautique.
Caractéristiques techniques
La longueur du franchissement du plan d'eau est d'environ 1500 m; 120 m en rive droite et 300 m en rive gauche réalisés in situ à l'abri de batardeaux étanches et 1 080 m réalisés en éléments préfabriqués par tronçons de 120 m de longueur qui seront immergés sur place, à l'intérieur d'un chenal creusé entre deux rideaux de palplanches ancrés. Le toit du tunnel est situé à une profondeur de 1 à 1,6 m sous le niveau actuel du fond du lac. Sa fondation se situe à environ 10 m sous ce niveau.
Recyclage des matériaux
Les sédiments extraits du fond du lac, environ 620 000 m3 foisonnés, seront, moyennant l'obtention d'autorisations spécifiques, évacués par barges et réimmergés dans le lac, soit dans les anciennes fosses d'exploitation de gravier aux Grangettes (VD), soit au large de Morges, soit encore dans les eaux genevoises sous forme d'une île ou de hauts-fonds littoraux. Des variantes de stockage en décharges terrestres, selon plusieurs scénarios possibles, sont également envisageables dans l'hypothèse où une réimmersion ne serait pas autorisée. Leurs coûts ne sont toutefois pas pris en compte dans les coûts annoncés.
Gabarit
Le tunnel de forme rectangulaire est dimensionné pour 2 x 2 voies de circulation, de 3,75 m de large, bordées de passe-pieds de 1,50 m et de galeries techniques. La largeur totale du tunnel est de 26,40 m. Les pentes longitudinales des trémies d'accès et de sortie sont de l'ordre de 8%. La hauteur libre du tunnel est de 4,50 m, les espaces latéraux et supérieurs étant réservés aux équipements de l'éclairage, de la ventilation, de la signalisation et de la régulation du trafic.
Accrochage rive droite
L'accrochage à la rive droite est prévu sous la forme d'une tranchée couverte d'environ 910 m de longueur sous l'avenue de France et la rue de Lausanne. Les accès et sorties au tunnel de traversée du plan d'eau consistent en une double trémie à l'avenue de France et en deux trémies unidirectionnelles décalées à la rue de Lausanne, l'une près de l'entrée de la Perle du Lac et l'autre à l'intersection avenue Blanc/chemin des Mines et la place Albert-Thomas. Cette conception a pour but de soulager le carrefour avenue de France - rue de Lausanne.
Accrochage rive gauche
La partie sous-lacustre de l'accrochage en rive gauche comprend le tunnel principal, qui fait en plan une courbe de 200 m de rayon, et un bras secondaire permettant l'accès aux deux trémies de sorties en direction de Genève et de Vésenaz, situées sur le quai Gustave-Ador de part et d'autre du chemin du Plonjon.
Une tranchée couverte située sous le quai précité, au droit du Port de la Nautique, relie le tunnel sous la Rade au tunnel de liaison au Plateau de Frontenex. La trémie d'accès au tunnel sous la Rade depuis le quai Gustave-Ador est implantée côté lac et parallèlement à cette galerie. En surface, un giratoire de 45 m de diamètre, prévu vers la place de Traînant, distribue les véhicules venant de Genève en direction de la rive droite, du tunnel de liaison au Plateau de Frontenex, de Vésenaz ou de la rampe de Cologny, ainsi que ceux venant de Vésenaz et de la rampe de Cologny en direction de Genève. Un aménagement permettant le rebroussement des bus TPG est également prévu dans le même secteur.
Equipements
Les dispositifs appropriés de collecte des eaux, les organes d'alimentation en énergie, les dispositifs de ventilation et ceux de régulation du trafic équipent l'ouvrage de traversée. Les installations de sécurité du tunnel comprennent un système de détection incendie, des bornes hydrantes, des niches avec extincteurs tous les 150 m, des possibilités de fuite avec balisage, une surveillance vidéo et téléalarme, des appareils de mesure de CO et d'opacité. La ventilation longitudinale est assurée de façon naturelle par le pistonnage des véhicules, l'air frais provenant des trémies d'accès au tunnel. En cas de trafic congestionné ou d'incendie dans le tunnel, la ventilation ou le désenfumage sont assurés par la mise en marche de ventilateurs de jet réversibles fixés sous la dalle de couverture, au-dessus des passe-pieds. La centrale de ventilation et les deux cheminées de 3,8 m de diamètre et de 10 m de hauteur sont implantées en rive droite à proximité de la place De-Châteaubriand.
Protection de la nappe souterraine
Des dispositions constructives particulières sont envisagées pour éviter tout risque de pollution des nappes phréatiques de la rive droite et, plus particulièrement, de la rive gauche due à des infiltrations, d'une part, pendant les travaux et, par la suite, lors de l'exploitation de l'ouvrage. D'autres dispositions sont également envisagées afin de restituer pour l'état de service une situation similaire à celle d'avant les travaux.
Méthode de construction
La méthode envisagée pour l'exécution sur les deux rives des galeries de liaison et accrochages, est la même que celle utilisée pour les tranchées couvertes du Bachet-de-Pesay et des Palettes, actuellement en construction dans le cadre du chantier de l'évitement autoroutier de Plan-les-Ouates, à savoir la mise en place de parois moulées et d'une dalle de couverture, puis, après remblayage et rétablissement localisé et par étape du trafic, excavation «en taupe» des matéraux et création d'un radier. Elle devrait permettre de limiter au mieux les emprises du chantier ainsi que la durée des travaux en surface, de façon à réduire au maximum les perturbations apportées au trafic et aux habitants des quartiers concernés.
La durée totale des travaux est estimée à 4 1/2 ans.
Coûts:
Le coût estimé du tunnel se décompose en trois volets:
- le coût de construction lui-même présenté par les auteurs du projet;
- un pourcentage de 30% de supplément admis d'emblée pour tenir compte des honoraires et des impondérables propres à des ouvrages de cette importance (hydrologie, géologie, géotechnique, etc.);
- un renchérissement des prix .
- Coût estimé du tunnel sous-lacustre:
- coût de la construction: 350 millions
- honoraires (15%), divers et
imprévus (15%): 100 millions
- renchérissement: 40 millions
- total: 490 millions
4.3. Traversée du Petit-Lac en pont entre le Reposoir et Genève-Plage (grande traversée) (voir Annexes 6 à 10)
La traversée du Petit-Lac par un pont haubané, dite «grande traversée», a été retenue par le Conseil d'Etat comme contreprojet.
Cette variante est conforme aux recommandations du groupe de travail Etat-Ville (1991) et du jury (mai et octobre 1994).
Caractéristiques techniques
Le pont courbe, d'une longueur de 1 642 m, est constitué d'un ouvrage principal et de deux viaducs d'accès. L'ouvrage principal, d'une longueur de 1 371 m, est un pont haubané à quatre mâts comportant trois travées centrales de 350 m et deux travées latérales de 160,5 m. Les viaducs d'accès comportent deux travées de 63,5 et 72 m. Les haubans, au nombre de 18 par demi-fléau, sont fixés au milieu du tablier et disposés sur une seule nappe axiale, assurant ainsi une grande transparence. La largeur du tablier en béton est de 33,45 m. Elle accueille 2 x 2 voies de circulation de 3,75 m de large et, de chaque côté du tablier, un trottoir et une piste cyclable, de 4,25 m de largeur. Les deux sens de circulation sont séparés par une berme centrale de 5 m de large, réservée à l'ancrage des haubans qui sont protégés par des parapets en béton de 1,20 m de hauteur. La section transversale du tablier a un profil aérodynamique qui permet de limiter fortement l'impact du vent.
En plan, répondant à un souci d'esthétisme, l'ouvrage s'inscrit dans une courbe régulière d'un rayon constant de 5 000 m. Le profil en long symétrique présente deux rampes de 6,25%; l'ouvrage principal est convexe avec un rayon de 12 000 m sur les 3 travées centrales.
Réalisation de l'ouvrage
La technique de construction de ce type d'ouvrage est parfaitement maîtrisée en Suisse. Les travaux pourront être exécutés par des entreprises locales avec des fournisseurs suisses.
L'ouvrage est intégralement fondé sur pieux. La hauteur des 2 mâts porteurs latéraux est de 98 m, celle des 2 mâts centraux de 108 m au-dessus du niveau moyen du lac. La travée principale, d'une longueur de 350 m et d'une hauteur de 30,4 m au-dessus du niveau des hautes eaux du lac permet le passage de tous les types de bateaux navigant sur le Léman.
Les accrochages aux rives se situent en dehors des entrées de la ville.
Accrochage rive droite
Pour la rive droite, bien que d'un coût élevé, la solution dite en Y, avec 3 galeries souterraines et sous-lacustres d'environ 800 m de longueur débouchant avec deux trémies sur la route de Lausanne à la hauteur du Reposoir, a été retenue puisqu'elle préserve le mieux l'environnement. La rive reste intacte, les nuisances sont localement supprimées et la vue est préservée. La ventilation des deux galeries est assurée de façon naturelle par le pistonnage des véhicules. En cas de trafic congestionné ou d'incendie, la ventilation ou le désenfumage seront assurés par des ventilateurs à jet réversible fixés sous la dalle de couverture et respectant le gabarit routier. Un giratoire prévu sur la route de Lausanne entre les deux trémies permet aux véhicules de changer de sens de circulation, mouvement impossible aujourd'hui.
Accrochage rive gauche
Pour la rive gauche, la solution retenue est celle de 3 voies couvertes d'environ 300 m entre le pont et le quai de Cologny, en amont de Genève-Plage (Bellefontaine). La continuité des voies de circulation entre le pont et le Plateau de Frontenex est assurée par un tunnel qui passe sous le quai de Cologny. En surface, un carrefour giratoire de 40 m de diamètre permet toutes les liaisons possibles en provenance ou en direction du pont, du Plateau de Frontenex, de Genève ou de Vésenaz. Une réduction des impacts visuels et sonores a été recherchée par un abaissement maximum du projet entre la culée du pont et le quai, ainsi que par une couverture partielle des voies d'accès au quai sous forme de jardins suspendus. Cet aménagement, partiellement construit sur pilotis pour éviter la formation d'eaux stagnantes, permet, le cas échéant, la création d'un port de plaisance et d'une extension de Genève-Plage, aménagements dont les coûts ne sont pas compris dans les coûts annoncés. Les cheminements piétonniers le long du quai sont préservés. D'autres, permettant l'accès au pont, sont aménagés au niveau supérieur de la couverture, où de larges espaces leur sont réservés. Une passerelle construite au-dessus de la route du quai permet de rejoindre aisément le chemin de Bellefontaine et le réseau piétonnier menant au village de Cologny.
Espace éco-biologique
En rive droite, l'idée d'aménager une île principale, pour partie accessible au public, et des petites îles comme éléments de transition entre le pont et les galeries sous-lacustres précitées a été retenue comme élément d'intégration paysagère et de compensation écologique par la création de milieux naturels. Elles offrent avec leurs lagunes un abri à la faune terrestre et ailée, ainsi qu'à la faune piscicole. Le public aura accès de manière contrôlée à ces aménagements qui, liés aux espaces verts et parcs existants, constitueront un nouveau but de promenade. Les piétons et les deux roues en provenance du pont peuvent, à partir de l'île principale, gagner la rive droite grâce à une passerelle de surface légère, qui pourrait être réalisée en bois indigène, matériau écologique qui s'intègre à la philosophie des îles, et placée suffisamment haut pour permettre le passage de certains bateaux (3 à 4 m minimum).
Recyclage des matériaux
Les matériaux nécessaires à la construction des îles proviennent pour une part des chantiers liés à la traversée du Petit-Lac et du tunnel de liaison au Plateau de Frontenex et, d'autre part, de chantiers de la région, voire de grands chantiers de Suisse romande. Les sédiments extraits en cours de chantier sont, dans la mesure du possible, utilisés également pour la création des îles. Ceux dont l'utilisation n'est pas possible sont traités avant d'être mis en décharge.
La durée totale des travaux est estimée à 4 ans.
Coûts:
Le coût estimé du pont se décompose en trois volets:
- le coût de construction lui-même présenté par les auteurs du projet;
- un pourcentage de 30% de supplément admis d'emblée pour tenir compte des honoraires et des impondérables propres à des ouvrages de cette importance (hydrologie, géologie, géotechnique, etc.);
- un renchérissement des prix .
- Coût estimé du pont:
- coût de la construction: 300 millions
- honoraires (15%), divers et
imprévus (15%): 90 millions
- renchérissement: 40 millions
- total: 430 millions
4.4. Tunnel de liaison au Plateau de Frontenex depuis le Port-Noir(voir Annexes 11 et 12)
Le tunnel de liaison au Plateau de Frontenex est un complément vivement souhaitable de la traversée de la Rade en tunnel (moyenne traversée). Il est un élément de la traversée de la Rade dans la mesure où il permet à cette dernière de décharger du trafic le centre-ville et les quais.
Caractéristiques techniques
La liaison Port-Noir - Frontenex s'inscrit directement à la suite de la traversée de la Rade par un raccordement souterrain de leurs galeries. Le prolongement de la tranchée couverte, amorcée sous le quai Gustave-Ador, et une trémie d'accès permettent de rejoindre le tunnel creusé dans le coteau de Cologny, sur la rive droite du Traînant. Une trémie de sortie en direction de Vésenaz complète la partie inférieure de l'ouvrage. Le mouvement entre le tunnel et la rive gauche en direction de Genève n'est par contre pas assuré. A la hauteur du Plateau de Frontenex, deux trémies à ciel ouvert de 65 m de longueur assurent le raccordement au réseau routier existant par l'intermédiaire d'un giratoire de 60 m de diamètre, qui reprend le trafic venant d'une partie de la rive gauche du canton, de la France et inversement.
La pente longitudinale du tunnel est de l'ordre de 5,75%; le plus petit rayon de courbure est en plan de l'ordre de 190 m.
Gabarit
La longueur totale de l'aménagement est d'environ 1 090 m. Les tranchées couvertes réalisées sous le quai Gustave-Ador et au Plateau de Frontenex, de 240 m, respectivement 125 m de longueur, sont composées de deux galeries rectangulaires séparées par une paroi intermédiaire. Chaque tube comprend une voie de circulation de 3,50 m de largeur et une voie d'arrêt d'urgence de 2,50 m de large; le profil est complété de chaque côté par un passe-pied de 1,50 m. Le tunnel de 660 m de longueur est composé de 2 tubes de section en «fer à cheval». Chaque tube comprend deux voies de circulation de 3,75 m de largeur et un passe-pied de 1,50 m sur chaque côté. La hauteur libre des tranchées couvertes et du tunnel est de 4,50 m. Leurs espaces latéraux et supérieurs sont réservés aux équipements de l'éclairage, de la ventilation, de la signalisation et de la régulation du trafic.
Equipements
Les installations de sécurité comprennent des possibilités de fuite de tube à tube avec balisage espacées de 300 m environ, des niches de secours avec extincteurs et téléphone tous les 150 m, des bornes hydrantes, des appareils de mesure de CO et d'opacité et des caméras de surveillance. La ventilation longitudinale des tranchées couvertes et du tunnel est assurée de façon naturelle par le pistonnage des véhicules, l'air frais provenant des trémies d'accès. En cas de trafic congestionné ou d'incendie dans le tunnel, la ventilation ou le désenfumage sont assurés par la mise en marche de ventilateurs de jet réversibles fixés en partie haute. La centrale de ventilation et les deux cheminées de 3,6 m de diamètre et de 24 m de hauteur sont implantées sur la rive droite du Nant de Traînant à proximité de la sortie du tube montant du tunnel.
Protection de la nappe souterraine
La tranchée couverte sous le quai Gustave-Ador est située dans les remblais, les dépôts lacustres ou le retrait würmien, au-dessus de l'alluvion ancienne. Son exécution est prévue au moyen de parois moulées, d'une dalle de couverture et d'un radier. La nappe profonde est protégée par la paroi moulée réalisée côté sud de la tranchée couverte qui est descendue jusque dans les formations imperméables. Cette solution offre l'avantage de confiner la nappe et de diminuer les pertes d'eau en direction du lac.
Dans sa pénétration dans le coteau de Cologny, la construction traverse la moraine würmienne et affleure l'alluvion ancienne. Au vu des interprétations actuelles de la stratigraphie du sol et du niveau de la nappe profonde, connus à ce jour, la partie inférieure du tunnel entre en contact, sur environ 100 m, avec la nappe profonde. Par des injections non polluantes pratiquées à partir de la calotte des tubes, une couche de sol étanche en forme de U est réalisée sous les tubes afin de permettre l'excavation «au sec» de leurs parties inférieures. Cette enveloppe n'occasionne aucune perturbation de la nappe pendant la phase chantier et augmente les garanties de protection au stade d'exploitation.
Méthode de construction
Les deux tubes du tunnel sont exécutés à partir du Plateau de Frontenex, soit par la méthode du bouclier à lances, soit selon la méthode «Jetting».L'eau rencontrée lors de l'excavation est évacuée par pompage à l'avancement.
Recyclage des matériaux
Une partie des matériaux excavés peut, selon le type et la qualité, être réutilisée pour des remblais, comme grave ou encore comme gravier à béton. Les matériaux à recycler ou à mettre en décharge représentent environ 290 000 m3 foisonnés.
La durée des travaux est estimée à 4 ans.
Coût estimé du tunnel de liaison avec le Plateau de Frontenex:
Le coût estimé du tunnel se décompose en trois volets:
- le coût de construction lui-même présenté par les auteurs du projet;
- un pourcentage de 30% de supplément admis d'emblée pour tenir compte des honoraires et des impondérables propres à des ouvrages de cette importance (hydrologie, géologie, géotechnique, etc.);
- un renchérissement différencié des prix compte tenu d'une réalisation étalée dans le temps.
- coût de la construction: 140 millions
- honoraires (15%), divers et
imprévus (15%): 40 millions
- renchérissement: 40 millions
- total: 220 millions
4.5. Tunnel de liaison au Plateau de Frontenex depuis Genève-Plage (Bellefontaine) (voir Annexes 13 et 14)
Le tunnel de liaison au Plateau de Frontenex est un complément vivement souhaitable de la traversée du Petit-Lac en pont (grande traversée). Elle est un élément de la traversée du Petit-Lac dans la mesure où elle permet à cette dernière de remplir pleinement son rôle de liaison périurbaine inter-quartier et de décharger du trafic le centre-ville et les quais.
Si on peut envisager de différer sa réalisation pour des raisons de coûts, il serait préférable de ne pas dissocier la construction des deux ouvrages.
Caractéristiques techniques
La liaison Genève-Plage - Frontenex a une longueur d'environ 1 205 m. Elle comprend l'ouvrage de raccordement, situé entre le giratoire du quai de Cologny et le chemin de Bellefontaine. D'une longueur d'environ 85 m, il abrite la jonction entre les deux voies du passage inférieur sous le quai en direction du pont et les bretelles de liaison entre le quai et le tunnel. La nappe étant, à cet endroit, située au-dessus du niveau des chaussées, une étanchéité en cuvette est prévue pour sa protection. Le tunnel est constitué de 3 tronçons, la zone de transition, la zone en profil normal et la zone sud en tranchée couverte. La zone de transition a une longueur de 95 m. Sa largeur passe progressivement de celle de l'ouvrage de raccordement à celle du profil normal à deux voies et le niveau de la nappe phréatique, qui passe d'un niveau situé au-dessus de la chaussée, à un niveau situé au-dessus du radier, y est protégée par une étanchéité en cuvette. La zone en profil normal a une longueur d'environ 715 m, les premiers 120 m avec radier pour protéger la nappe, alors que les 595 m suivants, en «fer à cheval» ne comportent plus de radier puisque la nappe y est protégée par plus de 4 m d'épaisseur de sol imperméable. Le dernier tronçon du tunnel, d'environ 135 m de longueur, est exécuté en fouille ouverte; le profil est alors à anneau unique avec étanchéité en extrados et drainage longitudinal. Au Plateau de Frontenex, l'aménagement se termine par une voie double en déblai, sur environ 175 m, pour aboutir à un giratoire de 84 m de diamètre qui reprend le trafic venant d'une partie de la rive gauche du canton, de la France et inversement.
Gabarit
Le tunnel de Frontenex est constitué de deux tubes à 2 x 2 voies de 3,75 m de largeur et un passe-pied de 1,35 m sur chaque côté; la hauteur libre est de 4,50 m, les espaces latéraux et supérieurs étant réservés aux équipements de l'éclairage, de la ventilation, de la signalisation et de la régulation du trafic. La pente longitudinale du tunnel est de l'ordre de 4,8%; les caractéristiques géométriques en plan sont bonnes, le plus petit rayon de courbure étant de l'ordre de 300 m.
Equipements
Le tunnel comprend trois locaux techniques, un à chaque portail et un au centre du tunnel. Chacun d'eux abrite les installations d'alimentation électrique et les dispositifs de contrôle et de commande de l'équipement. Le local technique du centre abrite en plus la centrale d'aspiration de l'air vicié et des fumées. Les installations de sécurité comprennent trois galeries de fuite de tube à tube dont une est carrossable, les niches de secours distantes de 125 m et équipées de téléphones et d'extincteurs, les bornes hydrantes, les appareils de mesure de CO et d'opacité, les luminancemètres et les caméras de surveillance. Trois modes de ventilation ont été considérés; l'autoventilation assurée de façon naturelle par le pistonnage des véhicules, l'air frais provenant des portails et trémies d'accès; la ventilation forcée où seuls les ventilateurs de jet fixés en partie haute sont mis en marche, l'air vicié étant rejeté aux portails; la ventilation avec aspiration utilisée en cas de trafic congestionné et d'incendie ou pour pallier, le cas échéant, une aspiration de l'air vicié sortant d'un tunnel par le tunnel voisin. Dans ce dernier mode, l'air du tunnel est aspiré par un avaloir situé en plafond à l'extrémité des tubes principaux et pulsé vers la cheminée d'évacuation. Celle-ci, de 5,0 m de diamètre et 10 m de hauteur, est située en bordure du Nant du Traînant, à mi-tunnel environ.
Protection de la nappe souterraine
Le tunnel se trouve toujours à faible profondeur en terrain meuble. La couverture maximum est de l'ordre de 33 m. La partie ouest du tunnel, voisine du quai de Cologny, se trouve dans les dépôts de sable et gravier des cailloutis morainiques profonds et traverse la partie terminale de la nappe de l'Arve qui, à cet endroit, se déverse dans le lac. Compte tenu de la configuration des ouvrages, l'écoulement potentiel de l'eau de la nappe se fera systématiquement depuis l'extérieur de l'ouvrage vers l'intérieur de l'ouvrage. Cette situation procure une protection très sûre contre la pollution de la nappe déjà protégée par un système de paroi et de voile continus prévu dans le secteur de Bellefontaine sur les 300 premiers mètres de l'ouvrage, côté ouest. La partie centrale et est du tunnel se trouve hors nappe, en entier dans la moraine würmienne constituée essentiellement de limon et de sable.
Méthodes de construction
Les constructions souterraines sont réalisées en montant depuis le quai de Cologny vers le Plateau de Frontenex. Les deux tubes du tunnel sont exécutés par la méthode du bouclier à lances. Les bretelles de liaison quai-tunnel sont réalisées à l'abri de parois moulées. La construction de l'extrémité est du tunnel, de la cheminée, du déblai et du giratoire de Frontenex se fait depuis Frontenex.
Recyclage des matériaux
Environ 45 000 m3 de matériaux excavés sont réutilisés sur place pour des remblais ou comme grave, alors que le solde, soit environ 120 000 m3, est utilisé pour la construction des îles formant la transition entre le pont haubané et les galeries sous-lacustres de liaison à la rive droite.
La durée des travaux est de l'ordre de 3 1/2 ans.
Coût estimé du tunnel de liaison avec le Plateau de Frontenex:
Le coût estimé du tunnel se décompose en trois volets:
- le coût de construction lui-même présenté par les auteurs du projet;
- un pourcentage de 30% de supplément admis d'emblée pour tenir compte des honoraires et des impondérables propres à des ouvrages de cette importance (hydrologie, géologie, géotechnique, etc.);
- un renchérissement différencié des prix compte tenu d'une réalisation étalée dans le temps.
- coût de la construction: 160 millions
- honoraires (15%), divers et
imprévus (15%): 50 millions
- renchérissement: 40 millions
- total: 250 millions
4.6. Raccordements de Frontenex
La traversée ne pourra jouer pleinement son rôle d'évitement du centre que si elle est prolongée, sur la rive gauche, par un tunnel la reliant au Plateau de Frontenex.
A cet effet, deux solutions ont été envisagées pour cette liaison qui correspondent à deux échéances différentes:
· à l'air libre par un tronçon du chemin de Grange-Canal, le chemin Frank-Thomas, l'avenue Godefroy et l'avenue de l'Amandolier rectifiée;
· en tunnel entre le giratoire de Frontenex et la jonction de Sous-Moulin à l'autoroute Blanche.
La proposition retenue est, dans un premier temps, de se contenter de la solution à l'air libre qui devrait suffire pour écouler le trafic attendu et planifier, à terme, la liaison routière en tunnel du Plateau de Frontenex à la jonction de Sous-Moulin.
L'amélioration du réseau routier sera ainsi progressive et en harmonie avec l'aménagement des quartiers.
5. Etudes d'impact
5.1. Généralités
Si le trafic et les nuisances actuelles qui y sont associées constituent la raison fondamentale d'une nouvelle traversée de la Rade ou du Petit-Lac, celle-ci ne peut être conçue que si son intégration dans le site, ses impacts sur l'environnement, le développement de la région, son insertion dans le système des transports et les coûts sont respectés.
L'étude d'impact, première étape, est considérée comme un instrument d'étude dynamique, visant à améliorer, partout où cela est raisonnablement possible, un projet donné ou à opérer un choix entre variantes d'un projet.
Cependant, il est indispensable que la volonté politique soit très affirmée et que l'on ait recours à des gestionnaires de projets de haute compétence interdisciplinaire.
5.2. Justification de l'étude de l'impact sur l'environnement des projets de traversées de la Rade et du Petit-Lac
La loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE), du 7 octobre 1983, prévoit dans son article 9, alinéa 1:
«Avant de prendre une décision sur la planification et la construction ou la modification d'installations pouvant affecter sensiblement l'environ-nement, l'autorité apprécie leur compatibilité avec les exigences de la protection de l'environnement; le Conseil fédéral désigne ces installations.»
Elles sont définies dans l'annexe 1 de l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement (OEIE), du 19 octobre 1988.
Les «routes à grand débit et autres routes principales» sont classées comme installations soumises à l'OEIE. Les projets de traversée de la Rade et du Petit-Lac correspondent à cette définition et doivent faire l'objet d'une étude d'impact au sens de la LPE.
Conformément à l'article 9, alinéa 2, de la LPE,
«L'impact sur l'environnement s'apprécie d'après un rapport requis conformément aux indications des services spécialisés et destiné à l'autorité compétente pour prendre la décision; ce rapport décrit notamment:
a) l'état initial;
b) le projet, y compris les mesures prévues pour la protection de l'environnement et pour les cas de catastrophes;
c) les nuisances dont on peut prévoir qu'elles subsisteront;
d) les mesures qui permettraient de réduire encore davantage ces nuisances, ainsi que leur coût.»
«L'EIE permet de déterminer si un projet de construction ou de modification d'une installation répond aux prescriptions fédérales sur la protection de l'environnement, c'est-à-dire à la loi sur la protection de l'environnement ainsi qu'aux dispositions concernant la protection de la nature, la protection du paysage, la protection des eaux, la sauvegarde des forêts, la chasse et la pêche.» (Article 3, OEIE.)
5.3. Documents reçus
Conformément à la planification arrêtée lors de la séance du 17 octobre 1995, la commission a reçu les rapports d'impact, première étape, le 16 janvier 1996.
Ces documents volumineux (env. 1000 pages) ont été simultanément distribués aux services spécialisés afin de procéder à leur évaluation. Les résultats de celle-ci ont été présentés à la commission par le service de l'écotoxicologue cantonal, le 23 janvier 1996.
Ces rapports d'impact, première étape, ont été jugés d'excellente qualité et contiennent toutes les informations nécessaires pour atteindre les objectifs fixés pour cette première étape.
Traversée de la Rade en tunnel et tunnel de liaison au Plateau de Frontenex
L'étude résumée d'impact d'Ecotec Environnement S.A. a pour pilote les bureaux Bonnard et Gardel Ingénieurs-conseils S.A., P. Erbeia et J.-L. Bouchardy.
L'analyse porte sur les ouvrages (tunnel et tunnel de raccordement), sur les techniques de construction, sur les mouvements de terre, sur le programme des travaux. Le trafic, les connaissances de base, les évaluations, les mesures d'accompagnement, le site, sont analysés.
Sous le chapitre «Aspects juridiques», il est traité de l'eau, de la pêche, des sédiments, des paysages, de la faune et de la flore, de l'aménagement du territoire, des déchets, mais aussi des chemins pédestres, ceci en corrélation avec les lois et ordonnances fédérales ou les dispositions cantonales.
Les effets du projet tunnel sont analysés très en détail, notamment l'eau du lac du point de vue physique, chimique, bactériologique, de même que les impacts sur la végétation et la faune (oiseaux, mammifères, batraciens, reptiles sont passés en revue). A chaque fois, des mesures de protection favorisant ces espèces sont proposées.
La protection de l'air, contre le bruit, contre les vibrations n'est pas oubliée. Un passage de l'ouvrage est consacré à la protection en cas d'accidents majeurs et de catastrophes.
Le rapport comporte une synthèse et un chapitre consacré aux mesures de compensation. Un deuxième volume présente les annexes.
Traversée du Petit-Lac en pont et tunnel de liaison de Frontenex
L'étude du bureau-pilote en environnement Ecoscan SA et des bureaux-pilotes GETRADE et GEOS souligne que la traversée du Petit-Lac par un pont a fait l'objet d'une planification environnementale très approfondie.
L'étude coordonnée des transports, le plan de mesures, «Circulation 2000», le plan directeur des transports publics sont passés en revue. Il en va de même pour le choix du tracé. Il est analysé selon ses différentes variantes du point de vue trafic, nuisances, paysages et nature, eaux souterraines.
Le choix des ouvrages répond aux mêmes soucis de tout étudier le plus à fond possible dans un langage compréhensible. Le projet retenu pour le pont est évidemment analysé avec un soin tout particulier. Il en va de même pour le tunnel de liaison au Plateau de Frontenex. Les accrochages, les portails de tunnel, les ouvrages annexes, les giratoires, tout est passé en revue.
Les analyses de la série d'îles sur la rive droite sont remarquables. Elles montrent combien ces îles peuvent enrichir notre milieu lacustre et le restaurer même, assurant des milieux lagunaires par exemple, qui permettraient d'accueillir des espèces actuellement moribondes. Roselières, vasières, bancs de sables et autres seront créés pour servir de havres aux oiseaux et aux poissons.
L'analyse des impacts en phase d'exploitation reprend les problèmes de bruit résultant de l'ouvrage, des accrochages, du bruit distant. Elle intègre les mesures antibruit et leurs coûts.
Pollution de l'air, climat, émissions de gaz, qualité de l'eau, tout est abordé et traité, en passant par les écosystèmes lacustres et terrestres, les impacts sur le paysage, sur les monuments et sites, sur l'archéologie et, bien évidemment, sur l'aménagement du territoire.
Là aussi, le cas de catastrophe est évalué.
Un deuxième volume reprend tout et analyse les impacts en phase de construction. Il contient également une synthèse d'une vingtaine de pages.
Ces études d'impact (première étape) sont très volumineuses. Dommage, car leur distribution pourrait convaincre chacun du sérieux des études qui ont été menées.
5.4. Résultats de l'évaluation
Il ressort des conclusions du service spécialisé que les rapports d'impact sur l'environnement, première étape, sont conformes aux cahiers des charges.
Les hypothèses formulées sont raisonnables. Les informations contenues dans les rapports d'impact, première étape, sont conformes aux directives fixées pour l'élaboration du cahier des charges. Elles sont complètes et exactes.
Ces rapports d'impact ne peuvent pas se limiter à l'étude des impacts sur l'environnement d'une «installation» définie à l'annexe 1 de l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement. En effet, la traversée n'est qu'un élément parmi les diverses mesures à mettre en place pour atteindre, notamment, les objectifs du plan des mesures OPair.
Les installations présentent des impacts «propres» liés à sa construction et à sa présence dans l'environnement. Les impacts «conjugués» liés à l'utilisation de ces installations sont complexes et nécessiteront des mesures d'accompagnement.
Tunnel
Les impacts «propres» à la traversée en tunnel sont:
- l'évacuation des matériaux d'excavation, qui pourrait conduire à une solution pouvant être considérée comme une mesure de compensation écologique;
- la turbidité de l'eau pendant la phase de chantier sera relativement importante mais admissible, compte tenu de son caractère transitoire;
- les rejets de la cheminée d'évacuation d'air vicié, en rive droite, posent un problème qui devra être résolu en deuxième étape.
Impact «conjugué» de la traversée en tunnel:
- Pour atteindre les objectifs du plan d'assainissement de l'air, il faut que l'ouvrage soit réalisé avec sa liaison au Plateau de Frontenex avec les mesures d'accompagnement correspondantes.
Pont
Bien que l'extension de Genève-Plage et la création d'un nouveau port soient décrites comme projets indépendants, elles sont toujours prises en compte dans l'évaluation des impacts de la traversée de la Rade, parfois même présentées comme mesures de compensation écologique. Ces mesures devront être étudiées plus précisément dans la deuxième étape.
Les impacts «propres» à la traversée en pont sont:
- la présence des îles qui constituera une amélioration sensible de la valeur écologique des rives genevoises. Il faudra que la conception et la réalisation soient clairement axées «milieu naturel»;
- la modification du paysage, malgré la qualité esthétique du projet qui ne peut pas uniquement être évaluée sur la base de critères objectifs.
Impact «conjugué» de la traversée en pont:
- Pour que l'ouvrage soit pleinement valorisé, il faut réaliser simulta-nément sa liaison avec le Plateau de Frontenex afin d'éviter d'importantes mesures d'accompagnement concernant, notamment, la gestion du trafic.
L'évaluation des impacts sur l'environnement des projets est conforme aux prescriptions sur la protection de l'environnement. Le rapport d'impact, deuxième étape, devra permettre de lever les réserves formulées.
5.5. Politique d'accompagnement
Pour trouver sa pleine efficacité, en fonction de l'objectif de respecter l'ordonnance sur la protection de l'air, la mise en place d'une nouvelle traversée routière de la Rade ou du Petit-Lac doit faire l'objet d'une politique d'accompagnement.
En effet, cette traversée est indissociable de la politique globale des transports dans Genève et sa région, telle que définie par les plans «Circulation 2000» et «Transports collectifs 2005».
Le plan de mesures pour respecter l'ordonnance sur la protection de l'air (OPair) prévoit («Circulation 2000») une diminution de 50% du trafic de transit par le centre-ville en le faisant passer de 200 000 à 100 000 véhicules/jour. Pour obtenir cette diminution, 1/3 de ce trafic sera encouragé à emprunter l'autoroute de contournement (dont l'effet sera complet grâce à la réalisation de l'évitement autoroutier de Plan-les-Ouates), 1/3 sera absorbé par le transfert des déplacements sur les transports publics («Transports collectifs 2005») et 1/3 détourné sur la future traversée.
Quelle est la politique d'accompagnement que permettra cet important désengorgement du centre-ville?
Tout d'abord une redistribution de l'espace des chaussées au profit des transports publics, des piétons et des deux-roues. Mais une requalification de certains lieux deviendra aussi possible, comme les quais, par exemple, en diminuant la part attribuée au transport individuel, en procédant à de nouvelles plantations et en améliorant les relations entre les quartiers et le lac.
Sur la base des prémices relatives à ces intentions d'aménagement figurant dans les rapports d'impact, première étape, la deuxième étape devra s'attacher à préciser ces mesures, à en faire un catalogue, à les chiffrer et à en fixer l'échéancier.
La future diminution du trafic de transit au centre-ville permettra ensuite d'en favoriser l'accès. Avec la création, en parallèle, de nouveaux parkings publics, comme celui de la place Neuve et celui du secteur de la place Grenus, on peut s'attendre à un effet bénéfique sur les commerces et l'économie du coeur de Genève.
Enfin, les transports publics profiteront aussi de ce nouvel état de fait grâce, plus particulièrement, à la création systématique de sites réservés à leur seul usage, par exemple sur le pont du Mont-Blanc.
La mise en oeuvre de l'ambitieux programme de développement appelé «Transports collectifs 2005» en sera ainsi facilitée. Rappelons que ce programme comprend la création d'un métro léger transfrontalier entre Annemasse-Cornavin et le CERN et plusieurs extensions du réseau de tramways.
La politique d'accompagnement globale à la réalisation de la nouvelle traversée sera l'occasion d'un véritable réaménagement du centre de Genève, vers une plus grande qualité de ses espaces et de ses accès, bénéfique pour les habitants non seulement de la ville, mais aussi pour ceux du canton, ainsi que pour ses visiteurs étrangers.
6. Effets sur la circulation
6.1. L'offre et la demande de transports
L'impact sur la circulation de la traversée du plan d'eau par un nouvel ouvrage routier dépend de très nombreux facteurs. En effet, les conditions de circulation sont le résultat de la conjonction de l'évolution de l'offre et de la demande de transports.
La demande de transports s'exprime sous la forme de valeurs quantita-tives de la mobilité de la population. Ces valeurs de mobilité indiquent le nombre de déplacements journaliers et leurs caractéristiques qui se composent du mode de transport utilisé et de la distance parcourue. Le nombre de déplacement est en parfaite corrélation avec le niveau de vie de la population; on constate, en effet, une évolution du nombre des déplacements qui varie en fonction de la conjoncture économique. Le moyen de transport utilisé (répartition modale) dépend de trois facteurs déterminants: la politique de stationnement au sein de l'agglomération, la qualité de l'offre des systèmes de transports (collectifs ou individuels) et la sensibilité de la population par rapports aux enjeux environnementaux. La distance parcourue, pour sa part, dépend essentiellement du développement de l'aménagement du territoire. En conséquence, l'évolution de la demande de transports est maîtrisable en fonction d'objectifs clairement définis et de développement parfaitement coordonné.
L'offre de transports, pour sa part, s'exprime par les aspects quantitatifs et qualitatifs des réseaux de transports collectifs ou individuels qui s'apprécient en terme de capacité, vitesses commerciales et confort.
6.2. Les scénarios de référence
Les études de la traversée du plan d'eau par un nouvel ouvrage routier se sont basées, tant pour le calibrage des ouvrages que pour l'évaluation des impacts, sur des scénarios fondés sur des valeurs moyennes de planification des transports.
Ces scénarios se composent principalement de trois hypothèses en terme de demande de transport et d'une alternative en terme d'offre.
Les hypothèses de demande de transports se composent des valeurs suivantes:
1. demande actuelle, basée sur les valeurs recensées en 1993;
2. demande future, basée sur une évolution d'environ 12% de la mobilité globale et une répartition modale identique;
3. demande future réduite, basée sur l'évolution de la mobilité globale et d'un transfert conséquent des déplacements individuels sur les transports publics.
L'alternative en terme d'offre de transports compare un ouvrage qui traverse le plan d'eau, se raccorde au Plateau de Frontenex et se raccorde:
a) au réseau de transport prévu pour 1997 en terme quantitatif et qualitatif;
b) au réseau de transport modifié consécutivement à la mise en place de mesures d'accompagnement liées à la construction de l'évitement de Plan-les-Ouates, d'une part, et la traversée du plan d'eau, d'autre part. Ces mesures d'accompagnement se caractérisent principalement par d'importantes diminutions de capacité des principales voies de circulation qui traversent le centre de la ville, accompagnées du développement du réseau des trams, de zones piétonnes, d'itinéraires vélos et d'espaces verts.
6.3. Analyse des prestations
Les constatations qui suivent sont la description du résultat de calculs informatiques réalisés sur la base des hypothèses d'exploitation de réseaux les plus probables. Plus que les chiffres absolus en eux-mêmes, ce sont les comparaisons qui constituent l'intérêt principal des résultats.
Compte tenu des incertitudes liées à l'évolution précise du réseau des transports collectifs (métro léger au lieu de métro automatique), la demande réduite, basée sur une part de marché plus importante des déplacements en transports publics, n'a pas fait l'objet d'une nouvelle analyse à l'aide d'un modèle. Il est néanmoins possible, sur la base des options définies dans le plan de mesures du canton de Genève (article 31 - OPair), d'évaluer l'impact du transfert modal des déplacements. Dans l'hypothèse d'une demande réduite, les valeurs de références pour l'étude de la traversée peuvent être diminuées d'environ 15% pour les valeurs journalières et d'environ 30% pour l'heure de pointe du matin.
Au vu de ce qui précède, les constatations suivantes peuvent être faites:
a) Une nouvelle traversée aura peu d'influence sur les prestations globales de trafic. Les kilomètres parcourus sont légèrement supérieurs mais la vitesse moyenne est améliorée par la diminution des encombrements en ville.
b) L'impact d'une traversée sans mesures d'accompagnement est relativement limité: diminution du trafic automobile d'environ 5% aux limites de la ville et d'environ 20% à l'hypercentre. Les mesures d'accompagnement auraient un impact beaucoup plus décisif avec des diminutions de trafic respectivement de 10% et 50% aux limites de la ville et à l'hypercentre. En conséquence, les mesures d'accompagnement au centre-ville auront, globalement, une influence prépondérante sur l'évolution des charges de trafic. Cette constatation est encore rendue beaucoup plus évidente par l'analyse, dans le détail, du trafic attendu aux heures creuses de la journée.
c) La localisation des accrochages aux rives implique des effets sur le trafic différenciés entre le projet du tunnel et celui du pont. L'accrochage du tunnel en rive droite, plus proche du centre-ville, génère, sans mesures d'accompagnement, un trafic supérieur à celui du pont (-14%). Avec les mesures complémentaires, le trafic journalier est identique sur les deux ouvrages. A l'heure la plus chargée de la journée, l'heure de pointe du soir, le trafic du pont est plus important (+12%).
L'analyse des prestations de trafic démontre qu'une nouvelle traversée du plan d'eau a pour principal intérêt un énorme potentiel de réaména-gement du centre-ville.
6.4. La liaison au Plateau de Frontenex
La liaison au Plateau de Frontenex a une influence tant sur l'évolution du trafic dans le secteur des rives du lac que sur celui du Plateau lui-même. Les études démontrent que la liaison de Frontenex alimente de façon prépondérante la traversée du plan d'eau. De la rive gauche, seule une partie du trafic des quais se dirige en rive droite; il ne représente que le quart du trafic du pont du Mont-Blanc. La moitié du trafic du pont du Mont-Blanc provient de l'axe de Chêne, et son origine provient pour plus de la moitié de l'est de cet axe. En conséquence, sans liaison au Plateau de Frontenex, le risque d'une diffusion du trafic au travers du village de Cologny et du quartier des Eaux-Vives est très important. Sans cette diffusion, l'alimentation de la traversée n'est envisageable que par le maintien d'un trafic important sur l'axe de Chêne jusqu'au centre-ville et sur le quai Gustave-Ador. L'objectif de l'initiative, diminuer de façon importante le trafic au centre-ville et sur les quais, est ainsi largement limité.
Quant à l'évolution sur le Plateau de Frontenex, on constate que, par rapport à la situation existante, cette liaison ne génère que très peu de trafic supplémentaire sur les routes d'accès du Plateau de Frontenex. L'attractivité de la traversée s'exerce principalement sur le trafic actuel, important (30 000 véh./jour), qui s'écoule dans le noeud routier principal à l'intersection du chemin de la Gradelle et de la route de Vandoeuvres. En effet, la plus grande partie du trafic actuel en direction de la route de Chêne, par différents itinéraires (chemin de la Montagne, Grange-Canal, Frank-Thomas, Frontenex), serait intercepté par la liaison avant d'entrer dans la zone urbaine. Seul le scénario d'une demande future non réduite (+12%) présente des augmentations de trafic, générées par une augmentation des déplacements plutôt que par la présence d'une liaison avec la traversée du lac.
En conséquence, la liaison avec le Plateau de Frontenex constitue une mise en valeur majeure d'un quelconque nouvel ouvrage de traversée du lac.
6.5. Les études d'impacts
Dans le domaine de la circulation, les études d'impacts démontrent clairement les principales conséquences d'une nouvelle traversée du plan d'eau.
Les scénarios, basés sur une demande de transport future non réduite, impliquent tous des impacts sur la circulation difficiles à gérer dans quelques carrefours.
Sur la rive gauche, les deux projets fonctionnent aux limites de la capacité de certains carrefours, à l'accrochage du quai comme sur l'itinéraire de la moyenne ceinture. Les difficultés de circulation attendues en périphéries du centre génèrent une diffusion du trafic sur les réseaux de quartier qu'il sera indispensable de maîtriser avec les mesures d'accompagnement.
Sur la rive droite, l'accrochage du pont, localisé à l'amont du réseau urbain, permet le bon fonctionnement des carrefours, l'utilisation optimum de l'autoroute de contournement et la décharge du réseau radial principal en périphérie. Le projet de tunnel, de par son accrochage sur un réseau urbain déjà saturé, implique, pour fontionner, d'importantes rétentions de trafic à l'entrée de la ville, tant aux heures de pointe du matin que celles du soir.
Sur les deux rives, les mesures d'accompagnement visant à limiter la capacité du réseau principal génèrent des reports de trafic dans les quartiers du centre-ville. Des mesures complémentaires seront à prendre pour protéger ces quartiers d'un nouveau trafic indésirable. L'étude d'impact, deuxième étape, devra encore le préciser.
7. Aspects juridiques
Lors de sa séance du 21 novembre 1995, la commision a procédé à l'audition de Me Pierre-Louis Manfrini, avocat, et de M. Jean-François Aubert, professeur de droit de l'université de Neuchâtel.
En effet, Me P.-L. Manfrini avait rédigé un avis de droit à l'intention des initiants, en février 1992, pour répondre à la question de savoir s'il était possible de permettre aux citoyens de se prononcer sur deux projets différents de traversée de la Rade (voir Mémorial des séances du Grand Conseil, 1992, page 2761 et suivantes).
Pour sa part, M. J.-F. Aubert a été consulté par le chef du département des travaux publics et de l'énergie au sujet de l'admissibilité d'opposer un contreprojet à un projet issu de l'initiative populaire (IN 16) «Pour une traversée de la Rade» (voir Annexe 17).
7.1. Contreprojet indirect ou contreprojet direct ?
Le rapport de la majorité de la commission des travaux concernant la loi n° 6690, votée le 15 mai 1992 par le Grand Conseil, décrit la procédure du contreprojet indirect préconisée par Me Manfrini: le contreprojet élaboré par le Grand Conseil est dit «indirect» car il ne peut pas être opposé directement à un projet issu d'une initiative dans un vote populaire, lequel est obligatoire pour ce dernier. Le contreprojet indirect, en effet, est adopté par le Grand Conseil selon la procédure législative ordinaire et soumis au référendum facultatif. Il est par ailleurs subsidiaire au projet issu de l'initiative: en cas d'acceptation du projet par le peuple, le contreprojet n'a plus aucune raison d'être.
Tout en reconnaissant les mérites juridiques de la procédure du contre-projet indirect, le professeur Aubert a souligné les défauts que cette méthode comporte du point de vue démocratique, dans la mesure, évidemment, où le Grand Conseil décide d'opposer un contreprojet au projet issu de l'initiative. Le professeur Aubert a rappelé que la loi constitutionnelle du 2 octobre 1992, entrée en vigueur le 23 mars 1993, précisait que les initiatives déposées avant son entrée en vigueur continuaient à être soumises à l'ancien droit. Or, l'ancien droit ne prévoyait la possibilité du contreprojet que dans le cadre d'une initiative formulée et était muet quant à cette même possibilité en présence d'une initiative non formulée.
Le professeur Aubert relève que l'initiative pour une traversée de la Rade est certes non formulée, mais très précise. Par ailleurs, le principe de non-rétroactivité contenu dans la disposition transitoire peut se comprendre comme une interdiction de nuire aux initiatives pendantes, déposées sous l'empire de l'ancien droit. Dans la mesure où elle ne lui porte pas atteinte, une disposition du nouveau droit, considéré comme une amélioration, peut s'appliquer à une initiative déposée sous l'empire de l'ancien droit.
Le professeur Aubert conclut que la proposition du contreprojet direct peut être considérée comme compatible avec le droit genevois, si l'on interprète largement l'ancien droit, et en recommande l'utilisation. La majorité de la commission se rallie à cette interprétation qui apparaît comme la plus claire et la plus démocratique vis-à-vis du peuple.
7.2. Pourquoi un crédit de construction
Ainsi que l'a rappelé Me Manfrini, l'article 52, alinéa 2, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (D.1.9) (LGF) stipule:
«Il ne peut être demandé l'ouverture d'un crédit que pour des travaux entièrement étudiés et dont l'exécution peut être entreprise immédiatement.»
Il est à noter que cette disposition figurait dans la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964, d'où elle a été reprise.
Il est vrai que les deux projets de traversée (pont et tunnel) n'ont pas été étudiés au point que leur exécution pourrait être entreprise «immédiatement», au lendemain de la votation populaire.
Selon Me Manfrini, la solution serait que le Grand Conseil se prononce sur un crédit d'étude complémentaire en vue de l'établissement d'un dossier d'exécution.
Cela étant rappelé, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit en l'espèce d'une règle que l'on peut qualifier de règle de procédure et non de fond. De plus, le but de l'opération n'est pas de tromper les citoyens, bien au contraire, mais de faire l'économie d'un vote populaire.
Le peuple ne comprendrait pas qu'il doive se prononcer une fois de plus pour un crédit d'étude complémentaire, s'agissant d'un objet dont le principe a été adopté en juin 1988.
Enfin, la loi sur la gestion administrative et financière (LGF) a pour objet de réglementer les questions financières relatives à un ouvrage et non pas l'ouvrage en lui-même et sa construction. La préoccupation essentielle du législateur est que l'ouvrage soit suffisamment étudié pour que son coût soit déterminé avec la précision nécessaire, et non pas que le premier «coup de pioche» ait lieu le lendemain de l'entrée en force du crédit.
Le fait de présenter un crédit de construction permet aux citoyens de se prononcer sur tous les aspects du projet et notamment ses implications financières: c'est là l'essentiel.
Pour chacun des projets présentés, une entreprise générale a pris un engagement contractuel sur le prix (voir chapitre 3.7. ci-dessus). La manière d'évaluer des coûts pour donner une offre forfaitaire est en pleine évolution et ne repose plus sur une simple rentrée de pré-offres de soumissions pour le 60% des montants, mais sur l'application de modèles financiers et statistiques englobés dans l'idée de management de risques. Ce genre de méthode n'est applicable que par des sociétés qui ont une grande expérience, comme c'est le cas en l'espèce.
La majorité de la commission considère que dès lors que le coût probable de l'ouvrage peut être déterminé avec précision, comme dans le cas présent, la loi est respectée.
En cas de vote positif des citoyens sur l'un ou l'autre des projets de traversée, la procédure qui devra être suivie est celle prévue par l'article 8, alinéa 1, de la loi sur les routes, du 28 avril 1967, selon lequel:
«Tout projet important de création ou de modification de voies publiques est soumis à l'enquête publique, selon la procédure définie pour l'adoption des plans localisés de quartier, au sens des articles 1 et suivants de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929, et au préavis de la commission d'urbanisme. Le Grand Conseil approuve, en outre, les projets importants de création ou de modification des routes cantonales.»
L'approbation du Grand Conseil s'effectue sous la forme d'une résolution.
7.3. Relations entre les différents projets de lois
Le Conseil d'Etat a proposé au Grand Conseil quatre projets de lois qui sont liés deux par deux :
· le projet de loi 7259 ouvrant un crédit de 490 000 000 F pour la réalisation de la traversée de la Rade en tunnel entre l'avenue de France et le Port-Noir (moyenne traversée) auquel se réfère le projet de loi 7261 «Raccordement Tunnel»;
· le projet de loi 7260 ouvrant un crédit de 430 000 000 F pour la réalisation de la traversée du Petit-Lac en pont entre le Reposoir et Genève-Plage (grande traversée) auquel se réfère le projet de loi 7262 «Raccordement Pont».
Le Conseil d'Etat a préféré traiter séparément les remontées, qui font l'objet d'une loi de crédit ordinaire de la compétence du Grand Conseil seul, sous réserve d'un référendum facultatif, des traversées proprement dites qui sont soumises au référendum obligatoire dès lors qu'elles sont issues d'une initiative populaire.
En effet, les remontées au Plateau de Frontenex ne sont pas visées par l'initiative acceptée par le peuple le 12 juin 1988. Elles ont cependant été soumises au Grand Conseil en même temps, par souci de clarté.
Il va de soi que ces «raccordements» ne se justifient qu'en cas d'acceptation du projet de traversée correspondant.
Il est apparu à la majorité de la commission qu'il convenait d'éviter le cas de figure saugrenu où les crédits concernant l'exécution des raccordements entreraient en force alors que par hypothèse les projets de traversée auraient été refusés.
Aussi, afin de dissiper tout malentendu, la majorité de la commission recommande au Grand Conseil de voter les lois relatives aux raccordements en deux débats, le troisième débat n'intervenant que pour adopter la loi relative au raccordement lié à la traversée qui aura, par hypothèse, été adoptée par le peuple. En cas de refus de toute traversée aucun des deux projets de raccordement ne sera voté par le Grand Conseil en troisième débat.
Ce mode de procéder, recommandé par la majorité de la commission, permet de faire l'économie d'un amendement aux deux projets de lois concernés, subordonnant ceux-ci au résultat du vote populaire.
8. Procédure de vote
La commission a entendu les arguments respectifs en faveur du système dit du contreprojet indirect, présenté par Me P.-L. Manfrini, et du contreprojet direct exposé par le professeur J.-F. Aubert.
Le premier n'offre aucun choix aux électeurs.
Le second est beaucoup plus satisfaisant sur le plan du respect des droits démocratiques des citoyens.
C'est cette solution qui est recommandée par la majorité de la commission.
Par conséquent, les questions à poser au souverain, qui découlent de la solution préconisée par le professeur J.-F. Aubert, sont les suivantes:
1. Acceptez-vous la loi n° 7259 du .... 1996 ouvrant un crédit deconstruction de 490 000 000 F pour la réalisation de la traversée de la Rade en tunnel (moyenne traversée) entre l'avenue de France et le Port-Noir (projet découlant de l'initiative 16 pour une traversée de la Rade)?
Répondre par oui ou par non: ............
2. Acceptez-vous la loi n° 7260 du ... 1996 ouvrant un crédit deconstruction de 430 000 000 F pour la réalisation de la traversée du Petit-Lac en pont (grande traversée) entre le Reposoir et Genève-Plage (contreprojet à l'initiative 16 pour une traversée de la Rade)?
Répondre par oui ou par non: ............
3. Question subsidiaire: Au cas où les deux projets n°s 1 et 2 sont acceptés, lequel des deux a-t-il votre préférence?
- Tunnel avenue de France - Port-Noir (Initiative 16)? o
- Pont Reposoir - Genève-Plage (contreprojet)? o
(mettre une croix dans la case correspondante).
Il convient de relever que cette manière de consulter les citoyens correspond à la procédure actuellement fixée par la constitution genevoise en matière d'initiative (art. 68, al. 2). Elle permet de poser de façon claire l'alternative projet - contreprojet, tout en réservant la possibilité de refuser les deux propositions.
Contrairement à ce que certains pourraient croire de prime abord, cette façon de poser la question aux citoyens, outre qu'elle est la seule possible en matière d'initiative et de contreprojet, ne favorise pas l'une ou l'autre des opinions en présence. En effet, les partisans d'une traversée répondront deux fois oui, aux questions 1 et 2, puis marqueront leur choix entre les deux projets en répondant à la question subsidiaire 3.
9. Conclusions et recommandations de la commission
A l'issue de ses auditions, réflexions et délibérations, la commission a procédé, le 30 janvier 1996, au vote final sur les quatre projets de lois soumis au Grand Conseil.
Tout au long de ses travaux qui se sont conclus par des votes acquis à une large majorité [9 oui (libéraux, radicaux, démocrates-chrétiens) - 5/6 oppositions/abstentions], la majorité de la commission a pu se convaincre:
· qu'une nouvelle traversée de la Rade est indissociable de la politique globale des transports dans Genève et sa région, telle que définie par les plans «Circulation 2000» et «Transports collectifs 2005»;
· qu'elle facilitera la réalisation du développement des transports publics;
· qu'elle permettra d'affecter à d'autres usages des espaces jusque-là réservés à la circulation automobile:
- nouvelles zones piétonnes,
- itinéraires pour deux roues,
- plantations et espaces verts,
- etc.;
· qu'elle facilitera l'accessibilité de la ville pour tous les usagers, favorisant ainsi le développement économique à court, moyen et long termes;
· qu'elle diminuera considérablement les nuisances (bruit, pollution) au centre-ville grâce à un trafic moindre et une plus grande fluidité de celui-ci: la qualité de vie s'en trouvera améliorée;
· qu'elle contribuera à un développement harmonieux de l'aménage-ment urbain (par exemple: place des Nations, place Neuve);
· qu'elle sera créatrice de milliers d'emplois répartis sur plusieurs années dans le secteur de la construction actuellement gravement touché par la crise (pour mémoire, en raison de l'effet multiplicateur, 1 F investi dans la construction génère 4 F dans l'économie).
La majorité de la commission est persuadée que l'ensemble des projets, examinés sous les aspects les plus variés, a été amené à un degré de maturité tel que le peuple peut désormais se forger un avis tout à fait objectif pour se déterminer, car:
· les dispositions financières prévues dans les projets de lois présentés s'inscrivent dans le cadre rigoureux des exigences du rétablissement de l'équilibre budgétaire voulu par le souverain. La sécurité de leur financement est assurée;
· grâce aux offres des entreprises générales garantissant un prix plafond, le coût des ouvrages est connu, permettant ainsi de voter sur un crédit de construction en toute connaissance de cause;
· les études d'impact, première étape, d'excellente qualité, sont certifiées conformes par le service de l'écotoxicologue cantonal et répondent à l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement (OEIE).
Comme le rappelle souvent le «Renquilleur», 2818 jours se sont déjà écoulés depuis le vote populaire de l'initiative (IN 16), acceptée à 68%, sur le principe de la traversée de la Rade. Ce feuilleton, qui concerne l'ensemble de la population genevoise depuis plus de 40 ans, trouve ainsi son épilogue !
Face à la décision historique et déterminante de notre Grand Conseil pour l'avenir de notre canton et de sa région, il est grand temps de soumettre ces projets de lois au peuple, conformément à la constitution, pour qu'il se détermine.
N'oublions pas l'essentiel: «Le Parlement propose et, en dernier lieu, les citoyens disposent.»
En conséquence, la majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter les quatre projets de lois à nouvelle teneur suivants:
(PL 7259)PROJET DE LOI«Tunnel»ouvrant un crédit de 490 000 000 F pour la réalisation d'un tunnelentre l'avenue de France etle Port-Noir (moyenne traversée)
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
vu la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, titre VI, impôts sur les véhicules à moteur et sur leurs remorques,
Décrète ce qui suit
Créditd'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 490 000 000 F pour la réalisation de la traversée de la Rade en tunnel entre l'avenue de France et le Port-Noir (moyenne traversée).
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Couverture financière
Art. 3
1 Les charges en intérêts et en amortissements de cet investissement, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du prélèvement de cinquante centimes additionnels, aux impôts sur les véhicules à moteur.
2 Ce prélèvement sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 30 ans.
3 Le nombre de centimes additionnels ou la durée de leur prélèvement, ou l'un ou l'autre, seront réduits proportionnellement à la participation au financement de l'ouvrage résultant d'une subvention de la Confédération ou du produit d'un péage.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art. 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 5
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
(PL 7260)PROJET DE LOI«Pont»ouvrant un crédit de 430 000 000 F pour la réalisation d'un pontentre le Reposoir et Genève-Plage (grande traversée)
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
vu la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, titre VI, impôts sur les véhicules à moteur et sur leurs remorques,
Décrète ce qui suit
Créditd'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 430 000 000 F pour la réalisation de la traversée du Petit-Lac en pont entre le Reposoir et Genève-Plage (grande traversée).
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Couverture financière
Art. 3
1 Les charges en intérêts et en amortissements de cet investissement, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du prélèvement de quarante-quatre centimes additionnels, aux impôts sur les véhicules à moteur.
2 Ce prélèvement sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 30 ans.
3 Le nombre de centimes additionnels, ou la durée de leur prélèvement, ou l'un et l'autre, seront réduits proportionnellement à la participation au financement de l'ouvrage résultant d'une subvention de la Confédération ou du produit d'un péage.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art. 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 5
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa , lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
(PL 7261)PROJET DE LOI«Raccordement Tunnel»ouvrant un crédit de 220 000 000 F pour la réalisation d'un tunnelsur la rive gauche entre le tunnel sous la Rade (moyenne traversée)et le Plateau de Frontenex
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
Décrète ce qui suit
Crédit d'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 220 000 000 F pour la réalisation du raccordement par un tunnel routier sur la rive gauche entre le tunnel sous la Rade (moyenne traversée) et le Plateau de Frontenex.
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Financement
Art 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Amortissement
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art . 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 6
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
(PL 7262)PROJET DE LOI«Raccordement Pont»
ouvrant un crédit de 250 000 000 F pour la réalisation d'un tunnelsur la rive gauche entre le pont sur le Petit-Lac (grande traversée)et le Plateau de Frontenex
LE GRAND CONSEIL
vu l'initiative populaire (IN 16) «pour une traversée de la Rade»,
vu le résultat de la votation cantonale, du 12 juin 1988, sur l'initiative populaire (IN 16), «pour une traversée de la Rade»,
vu la loi ouvrant un crédit d'étude pour les avant-projets chiffrés d'une traversée du Petit-Lac et respectivement d'une traversée de la Rade, du 15 mai 1992,
Décrète ce qui suit
Crédit d'investissement
Article 1
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de construction de 250 000 000 F pour la réalisation du raccordement par un tunnel routier sur la rive gauche entre le pont sur le Petit-Lac (grande traversée) et le Plateau de Frontenex.
Budgets d'investissement
Art. 2
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996.
Financement
Art 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Amortissement
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
Art. 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Utilité publique
Art. 6
L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ (LES SOCIALISTES)
concernant la traversée du lac (crédit de construction pour la réalisation d'un tunnel, projet de loi 7259; crédit de construction d'un pont, projet de loi 7260; crédit de construction de la liaison en tunnel avec le plateau de Frontenex, projet de loi 7261 complément au projet de loi 7259 et projet de loi 7262 complémentau projet de loi 7260)
1. Préambule
Le Conseil d'Etat a déposé devant le Grand Conseil, à sa séance de septembre 1995, le projet de loi (PL 7259: tunnel) visant à concrétiser l'initiative populaire pour une traversée de la Rade acceptée le 12 juin 1988 par le peuple de Genève.
Le Conseil d'Etat a également proposé un contreprojet de loi (PL 7260: pont) à cette initiative.
Le peuple aura à se prononcer sur ces crédits de constructions qui lui seront soumis en votation populaire tel que le prévoit la procédure rappelée dans le rapport de majorité de la commission ayant planché sur l'initiative (IN 16A page 5, 22 février 1988).
Comme de coutume, ce vote sera assorti d'une recommandation du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. La position exprimée par les socialistes dans ce rapport se réfère au préavis que le Grand Conseil devra faire au peuple genevois; elle ne remet en aucune manière en cause la nécessité et l'obligation de votation populaire.
Le Conseil d'Etat a par ailleurs soumis au Grand Conseil 2 projets de lois supplémentaires et complémentaires (PL 7261: complément au PL 7259 et PL 7262: complément au PL 7260). Il s'agit de crédits pour la réalisation d'une liaison en tunnel avec le plateau de Frontenex, complément indispensable à la traversée. Ces projets ne seront pas soumis au vote populaire. Si le parlement les approuvait, ils seraient soumis au référendum facultatif. L'un seulement des deux projets entrerait en force en lien avec le verdict populaire sur une traversée.
** *
Les travaux de la commission des travaux ont débuté le 26 septembre 1995 par un certain nombre de présentations générales et de visites sur les lieux des éventuels ouvrages. Celles-ci furent suivies de diverses auditions. Il n'y eut pratiquement aucune discussion à l'intérieur de la commission.
Il est rapidement apparu que le Conseil d'Etat n'avait toujours pas précisé la procédure et le calendrier de réalisation par les mandataires des études d'impacts. Ce n'est finalement qu'au début novembre qu'il a été à même de présenter un calendrier (procès-verbal de la commission des travaux du 14 novembre 1995). Ce calendrier a imposé un rythme de travail effroyable tant aux mandataires des divers projets qu'aux fonctionnaires de l'Etat et aux députés de milice du Grand Conseil. Lors du débat de préconsultation (Mémorial no 38 du 21 septembre 1995 page 4481), l'orateur démocrate-chrétien (au nom de l'Entente) souhaitait que la commission des travaux travaille en fonction des projets soumis et que ceux-ci reviennent aussi vite que possible de commission. Il laissait déjà entendre qu'il serait inutile que les commissaires de la commission examinent sérieusement ce dossier et qu'ils voteraient ces projets sans autre.
En effet, les députés de l'Entente n'ont semblé que modérément intéressés par une approche analytique de la question. Ils se sont contentés de fustiger celles et ceux qui refusaient d'avancer des arguments sans avoir les éléments factuels confirmatoires et se sont murés dans une vision dogmatique du dossier.
Aux diverses questions analytiques posées, peu de réponses ont été apportées durant ces quelques séances. Et… ce n'est qu'à partir du 15 janvier 1996 que certaines questions soulevées par les commissaires de l'Alternative ont trouvé réponse dans les rapports d'impacts 1re étape, de 500 pages pour chacun des projets. Il ressort cependant que le 30 janvier 1996, date du vote de la commission, plusieurs réponses n'avaient toujours pas été fournies à la commission. Malgré la masse impressionnante de papier que les commissaires ont reçue, certains documents promis n'ont pas été remis à la commission, malgré les demandes répétées.
Il est tout de fait surprenant que l'Entente n'estime pas nécessaire de s'informer correctement et complètement avant de voter un projet de loi engageant des travaux pour plusieurs centaines de millions de francs. C'est d'autant plus surprenant que les députés de droite sont les premiers à se plaindre que le Conseil d'Etat bafoue trop souvent l'autorité législative. Que diront-ils dans quelques années lorsqu'on leur présentera un crédit de bouclement qui laisserait apparaître de mauvais fonctionnements ?
Après ce préambule qui met en évidence le climat désagréable dans lequel se sont déroulés les travaux de la commission, passons à la prise de prise de position des socialistes concernant la pertinence et l'utilité d'une traversée de la rade.
** *
La suite de ce rapport abordera:
• au point 2, brièvement divers éléments d'aménagement du territoire, et en particulier la place et le rôle des transports;
• au point 3, l'impact d'une traversée routière, sur la circulation et les transports, le bruit, la pollution de l'air, l'environnement et le paysage;
• au point 4, les aspects financiers de ce projet, tant les effets directs qu'indirects sur les finances de l'Etat et des contribuables automobilistes;
• au point 5, les aspects juridiques sur le mode de votation, la forme des projets présentés par le Conseil d'Etat et les lacunes de ces projets de lois;
• au point 6, la traversée routière est mise en perspective de l'aménagement du territoire et la solution alternative de développement des transports publics répondant aux objectifs à atteindre est discutée;
• au point 7, sur la base de ces divers éléments, une conclusion résumera les arguments essentiels qui amènent les socialistes à préaviser négativement les projets de traversée proposés par le Conseil d'Etat et à recommander à la population genevoise de voter non tant pour le tunnel que pour le pont.
2. Aménagement du territoire: rôle des transports et de la circulation
Depuis une vingtaine d'années, l'aménagement du territoire et la planification des transports dans le canton de Genève ont divorcé. Toujours plus spécialisées, les études et les décisions se sont chaque fois décalées les unes par rapport aux autres (plan directeur cantonal en 1975, plan directeur des transports en 1980, plan directeur cantonal en 1989, «Circulation 2000» en 1992, etc.). Les conditions devraient être réunies aujourd'hui pour rendre une certaine cohérence au développement cantonal.
Ni les transports ni les infrastructures routières ne constituent un but en soi. Dans le cadre de l'aménagement du territoire, ce sont des instruments au service du développement de la société et de la préservation de ses ressources vitales. De fait, les grandes infrastructures (autoroutes, routes principales, chemins de fer inter-cités, RER, etc.) rendent possible d'habiter loin de son lieu de travail car elles permettent de se déplacer rapidement (Ascher, F., «Métapolis ou l'avenir des villes», Paris, Ed. Odile Jacob, 1995, et Plassard, F., «Le transport à grande vitesse et le développement régional». In: «Table ronde de la conférence européenne des ministres des transports», Paris, 1994, pages 35-87). Ces auteurs constatent que cette rapidité de déplacement est une des causes essentielles de la périurbanisation (ou rurbanisation, c'est-à-dire l'urbanisation des villages) par la construction de lotissements (par ex. sur la côte lémanique entre Versoix et Nyon).
La vitesse n'est donc pas utilisée pour limiter les durées et le nombre de déplacements, mais pour habiter plus loin de son lieu de travail et fréquenter dans le cadre de ses loisirs des lieux éloignés. Ce mécanisme est appelé générateur de trafic supplémentaire (trafic induit).
Les socialistes veulent un développement équitable, c'est-à-dire solidaire et durable.
2.1. Un développement solidaire
Les socialistes soutiennent le développement d'une ville aux dimensions humaines, propice à l'épanouissement de la vie individuelle et sociale. Cette ville doit s'organiser désormais à l'échelle transfrontalière, déjà inscrite dans les faits. Par rapport à la fuite à l'ouest provoquée par l'autoroute de contournement, il faut organiser et développer un axe urbain fort d'Annemasse à Ferney et Saint-Genis en passant par le centre de Genève. Cet axe regroupe déjà les trois quarts de la population et des emplois de l'agglomération transfrontalière, ainsi que la plupart des équipements centraux.
2.2. Un développement durable
Conjointement aux qualités urbaines, les espaces non bâtis - zones vertes et territoire agricole - constituent, avec la qualité de l'environnement, des ressources régionales de premier ordre, à la fois pour la population qui l'occupe et pour l'image internationale du bassin genevois. C'est un capital à préserver pour les générations futures. Compte tenu de l'ampleur atteinte par le système routier (le report modal vers les véhicules motorisés n'a jamais cessé d'augmenter), seuls les transports publics peuvent encore permettre de structurer le développement de l'agglomération transfrontalière et de répondre à la fois aux besoins sociaux et à ceux de l'économie sans atteindre davantage au capital sol et à l'environnement.
La traversée routière de la Rade est contraire à ces objectifs: de manière directe, par les ouvrages à créer, et indirecte, par les effets du trafic qu'elle induira, elle consomme les ressources de l'environnement, dont une bonne part ne sont pas renouvelables. En rapprochant les deux rives du lac elle ne manquera pas de favoriser l'exode du contribuable genevois, de favoriser la fréquentation des lieux commerciaux éloignés.
Par ailleurs, elle ne pourrait jouer un vrai rôle d'organisation de l'agglomération transfrontalière qu'au prix d'atteintes encore bien plus graves, en particulier sur la rive gauche, mais aussi sur la rive droite. L'autoroute de contournement a permis de relier le réseau autoroutier entre le nord et le sud de l'Europe; la traversée proposée du plan d'eau, de l'avis de tous les experts et mandataires, n'aurait pas de visée au-delà de l'aménagement local et régional Par ses répercussions techniques, mais surtout financières, elle est susceptible de compromettre définitivement le développement pourtant prioritaire des transports publics.
3. Impacts d'une traversée routière de la Rade
A quoi et à qui doit servir une traversée de la Rade est évidemment la première question qu'il faut se poser avant de mettre en route sa réalisation ?
L'initiative pour une traversée de la Rade (IN 16) définit les critères de la traversée de manière suivante:
• l'ouvrage devra être situé entre le pont du Mont-Blanc, d'une part, et un axe avenue de France - La Nautique, d'autre part;
• l'ouvrage devra permettre de décharger les quais d'une partie importante du trafic qu'ils reçoivent ou, à tout le moins, d'y rendre la circulation sensiblement plus fluide.
Les initiants, dans l'exposé des motifs qui accompagne l'initiative, soulignent qu'il importe de désengorger le centre-ville et les quais; de faire cesser une situation qui cause inutilement pollution, perte de temps, stress et gaspillage d'énergie; d'aménager des voies réservées aux transports publics et aux deux-roues sur le pont du Mont-Blanc.
Dans un cadre général visant à assurer et à développer la vitalité culturelle et économique du canton, les autorités de Genève, tant législative qu'exécutive, et ce depuis de nombreuses années, souhaitent améliorer l'accessibilité des personnes au centre-ville; elles sont par ailleurs tenues de prendre les mesures nécessaires pour répondre en particulier aux exigences de l'OPAir et de l'OPB. Les propositions développées dans les programmes TC 2005 et C 2000 visent précisément à atteindre ces objectifs.
3.1. Répartition géographique des habitants et des emplois à Genève
La répartition de la population dans la région genevoise met en évidence que la grande majorité des habitants est domiciliée en aval (à l'ouest) d'une ligne Meyrin - pont du Mont-Blanc - Chêne (voir Annexe 35). De même, plus des trois quarts des lieux de travail sont concentrés en ville de Genève, Carouge et dans une moindre mesure sur l'axe Cointrin, Meyrin.
L'analyse des mouvements pendulaires domicile - lieu de travail permet d'estimer l'importance des flux en particulier à l'heure de pointe du matin (étant entendu que la transposition à l'heure du soir est une approximation des flux des pendulaires qui ne retournent pas systématiquement et directement à leur domicile). Il est dès lors visible, sur la base du domicile et du lieu de travail, que les flux les plus importants se dirigent sur le centre-ville et ne sont pas concernés ni intéressés par une traversée de la Rade.
La traversée de la Rade, telle qu'elle est envisagée, non seulement ne répond pas aux besoins de la population et des travailleurs de Genève aujourd'hui, mais, de plus, elle ne sera d'aucune utilité dans la perspective de développement et d'aménagement du territoire suggérés par différents acteurs de la cité.
Le trafic induit par la traversée routière du lac touchera les habitants des rives gauche et droite du lac (voir point 2). En effet, on générera un trafic qui ne sera pas lié aux activités professionnelles entre la région d'Anières et la région de Versoix.
On incitera également un renforcement du trafic en direction du centre-ville en parfaite contradiction avec les objectifs visés. En effet, la libération de voies de circulation génère immédiatement un trafic constitué de nouveaux usagers. L'expérience du développement du S-Bahn à Zurich sans mesures d'accompagnement visant à limiter le trafic a mis en évidence 1) une forte utilisation des transports publics par les pendulaires et 2) le remplacement des pendulaires par du trafic liés à la consommation. La voirie qui devait être libérée pour les professionnels des petites et moyennes entreprises ne l'a pas été, par conséquent leur travail n'a pas été facilité.
3.2. Effets sur la circulation
3.2.1. Considérations méthodologiques
Divers scenarii développés à la demande du département des travaux publics et de l'énergie par Blaise Dériaz, ingénieur-conseil, servent de base à l'analyse des impacts sur la circulation et des conséquences du trafic sur la pollution à Genève.
Il importe de préciser les points méthodologiques suivants. En effet, les résultats proposés par Dériaz sont la conséquence d'un certain nombre d'hypothèses définies par le technicien et le chercheur. De plus, les simulations réalisées dépendent d'un modèle dont les paramètres sont prédéfinis. Par exemple, un carrefour ne peut être saturé, puisque le modèle adapte les flux de circulation de manière à ce que cela circule toujours. Ce modèle a une logique similaire à celle de la dynamique des fluides (si cela ne passe pas par ici, essayons de passer par là…).
La confrontation de diverses méthodes permet d'affiner les résultats et de diminuer la marge d'erreur. En conséquence, ces simulations fournissent des résultats plausibles, qui permettent de juger de manière comparative les diverses solutions envisagées.
3.2.2. Les divers scenarii
L'analyse comparative des diverses propositions (scénario 2220: situation comprenant l'autoroute de contournement, le tronçon de Plan-les-Ouates et les mesures d'accompagnement C97, scénario 3330: incluant la traversée en pont et la liaison avec Frontenex avec les mesures C-Rade et scénario 3430: incluant la traversée en tunnel et la liaison avec Frontenex avec les mesures C-Rade - voir en annexe les définitions précises [annexe 0] et les différents flux générés [annexes 19 à 21 et 33, 34]) met en évidence le peu d'impacts sur les flux tant aux heures de pointe, que sur le trafic par jour ouvrable moyen si ce n'est une augmentation de la circulation sur la moyenne ceinture et une réduction uniquement sur le pont du Mont-Blanc et sur le tronçon des quais compris entre la traversée et le pont du Mont-Blanc.
L'impact de la traversée en pont et de celle en tunnel diffère quelque peu sur la rive droite, cela étant lié aux points d'accrochage différents. Au niveau très local, cela favorise ou défavorise plus ou moins une région par rapport à une autre. Sur un plan plus global, les conséquences sont les mêmes.
L'ensemble des experts en transports, de même que les mandataires du tunnel, ainsi que ceux du pont (pour ces derniers, moins explicitement il est vrai), sont d'avis que la mise en service d'une traversée doit être précédée de mesures d'accompagnement et du développement de transports en commun pour que cette traversée prenne son sens, sous peine de saturation du réseau routier et particulièrement de la moyenne ceinture.
En ce qui concerne la moyenne ceinture, dont le trafic sera notablement augmenté par la mise en service de la branche autoroutière de Plan-les-Ouates et les mesures d'accompagnements associées (C97), il est indispensable pour les mandataires du tunnel de mettre en place les transports publics avant la réalisation de celui-ci. En effet, la réalisation de la traversée aboutira à une saturation de la moyenne ceinture (voir page 30 du rapport d'impact 1re étape pour la traversée en tunnel).
Les mandataires du pont précisent que les estimations qu'ils ont effectuées se basent sur les scenarii qui ne prennent pas en compte les baisses de trafic consécutives au transfert modal lié au programme TC 2005. Ils soulignent que, dans la mesure où la réalisation de TC 2005 sera effective, cela permettra d'accroître la réserve de capacité du réseau; cet avantage sera réduit à néant dans le cas d'une traversée.
Il ressort qu'une traversée permettrait de soulager quelque peu le pont du Mont-Blanc durant les heures de pointe. Elle ne diminuerait pas le nombre de pendulaires sur les pénétrantes parallèles au lac, spécifiquement le quai Gustave-Ador et la rue des Eaux-Vives sur la rive gauche et les quais du Mont-Blanc, Wilson et rue de Lausanne sur la rive droite. Au contraire, il y a un risque que, sur la rive droite, l'attente se prolonge pour les migrants pendulaires durant l'heure de pointe du matin. Les pénétrantes en ville de Genève risquent d'être d'avantage sollicitées, puisqu'elles vont accueillir des migrants pendulaires supplémentaires, provenant de la rive gauche pour rejoindre les zones de Sécheron, ONU et la rive droite (voir, entre autres, les analyses du laboratoire de cartographie, professeur Charles Hussy, de l'université de Genève - Avis d'experts, étude d'impact d'une traversée de la rade à Genève, mandat donné par le DTPE à l'université de Genève, Genève, avril 1995).
L'analyse de l'accessibilité (laboratoire d'économie appliquée, LOGILAB et laboratoire de cartographie, dans le cadre de l'avis d'experts réalisé par l'université de Genève) montrent, sur la base des scenarii de circulation de Blaise Dériaz, qu'avec une traversée:
1. l'accessibilité (mesurée en temps de parcours) ne sera améliorée que pour les habitants des rives du lac (région de Bellevue et région de Collonge-Bellerive, Jussy) pour autant qu'ils se rendent dans les mêmes régions (Collonge-Bellerive, Jussy et Bellevue);
2. l'accessibilité ne change pas, voire se détériore légèrement, pour tous les autres habitants du cantons quels que soient leur point de départ et leur destination;
3. les temps de parcours pour se rendre à son travail ne sont quasiment pas modifiés quels que soient le point de départ et la destination.
Aucun élément concret ne permet aujourd'hui d'estimer l'effet induit par la mise à disposition de nouvelles voiries, mais on sait d'expérience qu'une place libérée est immédiatement occupée par de nouveaux utilisateurs (voir supra, la discussion sur le trafic induit); il importe de ne pas perdre de vue cet aspect.
Une traversée ne pourra donc répondre à l'objectif de soulager de manière durable la circulation sur les quais et le pont du Mont-Blanc comme le demande l'initiative; elle n'améliorera pas la fluidité du trafic au centre comme le suggère le programme C 2000 et TC 2005.
3.3. Effets sur le bruit
Que cela soit avec l'une ou l'autre des traversées, la réduction du trafic en ville de Genève est très modeste puisqu'on observera seulement un allégement de 30-50% du pont du Mont-Blanc); par ailleurs, ce trafic est augmenté dans la région périurbaine (voir Annexes 30 à 32). Il ressort des deux rapports d'impacts que la réduction du bruit sera très modeste sur le pourtour du lac et dans l'hypercentre; il augmentera dans les quartiers périphériques et tout le long de la moyenne ceinture.
Les zones d'accrochage au bord du lac, du pont ou du tunnel, de même que la sortie/entrée du tunnel sur le Plateau de Frontenex entraîneront une augmentation du niveau sonore.
Il faut ajouter que le pont générera un bruit de fond permanent relativement important; la perception de ce bruit sera, bien entendu, influencée par divers facteurs, tels que bruits ambiants générés par d'autres sources, direction et force du vent, heures diurnes ou nocturnes.
La nature du bruit est très importante dans la perception de celui-ci. 50 dBA générés par une chute d'eau par exemple ne seront pas perçus, ni tolérés de la même manière que 50 dBA générés par le trafic automobile. Même si cela n'est pas prévu dans le projet actuel du pont, il ne sera pas étonnant que cet objet soit progressivement «emballé» pour réduire les émissions sonores. On se demande alors ce qu'il adviendra de son aspect aérien et transparent et il n'est pas certain que les ingénieurs soient très favorables à ce type de solution pour un pont haubané de la dimension de celui préconisé.
Dès l'instant où l'impact d'une traversée de la Rade est minime, voire nul, sur la densité et la fluidité de la circulation, hormis le délestage partiel du pont du Mont-Blanc, on ne peut espérer voir le bruit diminuer de façon notable, tout au plus le réduit-on en certains points pour l'augmenter en d'autres.
3.4. Effets sur la pollution de l'air
Les valeurs limites d'immissions des NOx (gaz principalement produits par les véhicules à moteur), telles que définies par l'OPAir, ne devraient pas être dépassées:
• plus d'une fois par année 80 mg/m3 en moyenne par 24 heures;
• 30 mg/m3 en moyenne annuelle;
• 100 mg/m3, valeur qui ne doit être mesurée annuellement par plus de 5% des mesures.
Toujours selon l'OPAir, les immissions ne devraient plus dépasser les valeurs limites depuis 1994. L'OPAir prévoit de limiter de façon préventive les émissions polluantes. Si, malgré les premières mesures prises, on constate que la pollution s'avère toujours excessive par rapport aux valeurs limites définies par l'OPAir, des mesures plus sévères doivent être prises.
La comparaison de l'impact des différents scenarii sur les émissions de NOx mettent en évidence que, si certaines mailles du réseau semblent quelque peu bénéficier d'une traversée, d'autres voient au contraire les taux de NOx augmenter.
Le service d'écotoxicologie relève dans son rapport du 22 janvier 1996 concernant les rapports d'impact 1re étape que les émissions totales diminuent légèrement au centre-ville à l'horizon 2005 pour les 2 objets, mais que les émissions globales augmentent en liaison avec une augmentation du trafic en périphérie (et plus particulièrement dans le périmètre de l'agglomération).
Les cartes concernant les immissions des NOx (c'est-à-dire les particules mesurées à la réception) montrent un certain allégement de l'hypercentre (où le nombre de logements est très faible). Cette stratégie de disséminer la circulation automobile ne diminue pas globalement la pollution de l'air, mais ne fait que la diluer et la répartir sur une plus grande surface, un plus grand territoire et mettre la santé de plus de personnes en péril potentiel. Il n'empêche qu'une traversée ne permettra pas descendre les taux de NOx au-dessous des valeurs limites définies par l'OPAir au centre-ville.
La diminution observée d'ici 2005 est la même avec ou sans traversée. Aujourd'hui, environ la moitié des véhicules à moteur sont équipés de catalyseurs. Les prévisions sont que, d'ici à l'an 2005, la quasi-totalité des véhicules seront équipés de catalyseurs. Par conséquent, les paramètres du modèle définissent une baisse des émissions qui ont un effet direct sur les immissions. Par contre, l'effet de la traversée est négligeable même à l'hyper-centre.
3.5. Effets sur l'environnement et le paysage
Le lundi 13 novembre 1995, Montréal fut choisie comme siège du Secrétariat permanent de la convention sur la biodiversité, au détriment de Genève; ce qui grippe le processus pour Genève d'acquérir le titre de capitale mondiale de l'environnement. Divers handicaps ont été soulignés pour justifier cette décision. On relève en particulier les lacunes de la politique cantonale en matière de protection de l'environnement. Plaider pour un renforcement de la voirie à destination du trafic automobile ne plaide pas en faveur de la «sensibilité» environnementale de Genève.
Les arguments qui suivent méritent d'être soulignés. Ils ne sont cependant pas des éléments fondamentaux pour la position des socialistes.
L'impact sur le paysage est principalement lié au pont. Contrairement à ce que l'on observe habituellement, les points d'accrochage d'un pont se trouvent dans les zones de rétrécissement de la zone à enjamber. Ici l'accrochage rive droite a été déplacé jusqu'au Reposoir qui se situe pratiquement dans le fond d'une baie. Et, de plus, on crée des îles pour terminer le pont en tunnel. Ces îles sont présentées comme une compensation écologique. Cela relève quelque peu du bricolage. Ces îles naturelles se trouvent donc à la sortie du tunnel, là où les concentrations en gaz d'échappement sont les plus élevées ! Les compléments d'information apportés à la commission des travaux ne sont pas très convaincants. En effet, les îles les «plus naturelles» seraient celles les plus éloignées (se situant entre 100 m et 200 m de la sortie du tunnel) et interdites d'accès au public. L'île abritant la sortie du tunnel serait accessible au public: belles promenades dominicales en perspective !
Les plages publiques de Genève-Plage et du Reposoir seront particulièrement touchées. Les perturbations phoniques seront accrues, la vision sur le «large» aura disparu.
Pour le tunnel, la sortie à proximité du carrefour de Sécheron ne favorisera pas l'amélioration de la qualité de vie de ce quartier déjà particulièrement touché par le trafic automobile. La réhabilitation des carrières sous-marines des Grangettes ne peut être que positivement saluée.Il se pose cependant la question du périmètre admissible (distance par rapport à l'ouvrage) des compensations écologiques.
3.6. En résumé
Les impacts d'une traversée (pont ou tunnel) peuvent se résumer en disant que:
• la traversée ne répond pas aux besoins d'une très forte proportion de la population du canton domiciliée et travaillant en aval du pont du Mont-Blanc;
• la circulation globale du canton ne sera pas modifiée; si le trafic diminuera temporairement sur le pont du Mont-Blanc et le pourtour de la Rade même, la moyenne ceinture a toutes les chances d'être saturée;
• les temps de déplacements d'un point à un autre globalement ne changent pas (à l'exception des trajets du style Versoix - Anières);
• les nuisances sonores ne seront pas réduites, elles augmenteront même aux points d'accrochage des ouvrages et sur la moyenne ceinture en particulier;
• la pollution de l'air (en particulier la concentration des NOx) ne sera pas réduite par une traversée, il y aura tout au plus un phénomène de dilution, de dispersion sur une plus grande surface, la diminution envisagée jusqu'en 2005 est liée à la diminution des émissions (effet lié au catalyseur);
• toutes les mesures de compensations proposées ne sont impérativement liées à la réalisation du projet, il n'est par conséquent pas garanti qu'elles soient réalisées; celles-ci diminueraient les impacts négatifs sans pour autant atteindre les objectifs définis et retenus par les autorités politiques cantonales et fédérales.
De l'avis tant des experts que des mandataires, une réduction de la demande est indispensable pour atteindre les objectifs fixés.
4. Aspects financiers
4.1. Mécanismes de financement
4.1.1. de la traversée bord à bord
Il est prévu par le projet de loi de financer la traversée bord à bord par une augmentation de l'impôt-auto pendant 30 ans.
Cette augmentation est de 44% pour le pont, ce qui représente 23 millions de francs par an ou 700 millions environ sur les 30 ans. Elle est de 50% pour le tunnel, ce qui représente 26 millions de francs par an, ou 800 millions environ pour les 30 ans.
Contrairement, à ce qu'avait annoncé le conseiller d'Etat Philippe Joye lors du débat de préconsultation (Mémorial n° 38 du 21 septembre 1995, page 4503), il n'a pas présenté à la commission des travaux les offres d'entreprises générales qu'ils auraient déjà reçues. Elles sont annexées au rapport de majorité (voir note supra et Annexes 15 et 16).
L‘entreprise Steiner spécifie dans son courrier du 21 septembre 1995 à M. Philippe Joye que le projet offert est conforme au projet de septembre 1994 du groupement mandataire du pont, en y adjoignant quelques compléments, comme l'accrochage rive droite remplacé par une jonction sous forme d'Y, l'éclairage du pont, la protection contre la foudre, la signalisation navale et aérienne, les jardins situés au-dessus de la galerie d'accrochage rive gauche et une passerelle piétonne enjambant le quai de Cologny. Elle garantit un prix de 430 millions de francs.
L'entreprise Steiner précise: «Le projet chiffré comprend la totalité des ouvrages nécessaires au franchissement du Petit-Lac, depuis l'entrée des trémies d'accès de la route de Lausanne jusqu'au et y compris le giratoire situé sur le quai de Cologny. En sont exclus les aménagements routiers de la route de Lausanne ainsi que les aménagements des berges de la rive gauche de part et d'autre de l'accrochage, soit notamment le nouveau port et l'extension de Genève-Plage.»
L'entreprise suggère qu'une éventuelle économie pourrait être faite selon la nature plus précisément étudiée des sous-sols. Est-ce que cette économie permettra de financer les objets exclus de l'offre de l'entreprise Steiner et qui sont nécessaires pour une réalisation complète de la traversée ?
L'offre en entreprise générale à prix plafond de la S.A. Conrad Zschokke du 2 février 1996 «… est à considérer comme base de négociation en cas d'adjudication de gré à gré, notamment dans le contexte d'un financement mixte ou privé de l'ouvrage». «En cas de mise en soumission, nous nous réservons la possibilité d'annuler cette offre et de la remplacer par une nouvelle offre répondant au cahier des charges définitif.»
Ces deux phrases laissent songeur. Une entreprise générale garantit un prix et ce quelle que soit l'évolution du chantier, pour autant que cela reste dans le cadre du cahier des charges original. Il est clair que la garantie de prix ne deviendra effective que lors de la réalisation du cahier des charges définitif, ce qui n'est le cas ni pour le pont, ni pour le tunnel. De même, il apparaît que les limites de ce qui appartient au cahier des charges font souvent l'objet de litiges, quel que soit le sens du litige d'ailleurs.
Plus important, il n'existe pas d'exemples récents d'ouvrages de génie civil qui aient été construits ces dernières années sans que les coûts explosent par rapport au devis initial (par ex. le tunnel sous la Manche, le tunnel de la Furka…). Il ne semble pas non plus que les devis préliminaires puissent être tenus au moment de la rédaction d'un devis plus détaillé (par ex. les NLFA).
4.1.2. du tunnel de liaison avec le plateau de Frontenex
Ces travaux seraient compris dans le montant annuel maximum de 250 millions de francs d'investissements nets prévus dans le plan de redressement. Aucune offre n'a été faite. Comment doit-on interpréter cette absence ?
4.1.3. des mesures d'accompagnement
Il n'est pas prévu de financement des mesures d'accompagnement indispensables à limiter les nuisances de la traversée. Vu les difficultés financières, on peut douter que le financement nécessaire à leur réalisation soit facilement débloqué.
4.2. Conséquences sur les investissements publics
Si le budget proposé pour la traversée devait être financé par l'augmentation de l'impôt-auto, les dépassements seront très vraisemblablement payés par les crédits ordinaires.
Choisir une traversée limitera tous les investissements pour d'autres objets, y compris ceux nécessaires aux mesures d'accompagnement et aux aménagements consécutifs à la réalisation d'une traversée. La construction ou la rénovation d'établissements publics, tels que bâtiments scolaires, universitaires, médicaux, hospitaliers, risquent d'être prétéritées. Des subventions tant aux organisations sociales ou sportives (la reconstruction du stade des Charmilles par exemple) pourraient être compromises. Le soutien à la relance des PME de la construction pourrait être compromis. En particulier, le développement de TC 2005, qui assure la réalisation des objectifs soulignés au début de ce rapport, sera très fortement compromis. On se retrouve alors dans une impasse puisque tant les experts et que les mandataires estiment indispensable le développement des transports publics pour alléger la demande de trafic et réduire la pollution. Les priorités seront déplacées au détriment des régions les plus défavorisées du canton.
4.3. Frais d'exploitation et d'entretien
Les frais d'exploitation sont estimés à 1% du coût de l'ouvrage. Ceux-ci s'ajouteront aux dépenses annuelles de l'Etat.
Pour le pont, ils s'élèvent à 4 900 000 F pour la traversée et 2 200 000 F pour la liaison avec Frontenex.
Pour le tunnel, ils s'élèvent à 4 300 000 F pour la traversée et 2 500 000 pour la liaison avec Frontenex.
Il s'agit d'une estimation financière et comptable qui ne prend pas en considération les caractéristiques des ouvrages. Selon les brefs commentaires fournis en commission des travaux, les frais d'exploitation seraient, en fait, très différents pour le pont ou pour le tunnel. Il en serait de même pour les frais d'entretien et de réparation des deux ouvrages.
La consommation d'énergie (ventilation et éclairage) du pont et de ses tunnels de liaison est estimée à 4 700 MWh par an (rapport d'impact 1re étape du pont, page 178). Aucune indication de consommation énergétique n'est fournie pour le tunnel sous-lacustre.
Peut-on supposer que ces coûts énergétiques sont les coûts essentiels de ces ouvrages ? Ces dépenses ne sont, par conséquent, que faiblement génératrices d'emplois. Ou doit-on considérer que les coûts d'exploitation et d'entretien sont largement sous-estimés ?
5. Aspects juridiques
5.1. Procédure de vote
Concernant la procédure de vote, deux solutions différentes ont été envisagées.
La première, défendue par un avis de droit de M. Pierre-Louis Manfrini, avocat, sollicité par le comité d'initiative, propose de soumettre au peuple uniquement la concrétisation de l'initiative (c'est-à-dire le tunnel) et dans un deuxième temps, si le projet «tunnel» est refusé par le peuple et si le Grand Conseil l'estime utile et nécessaire, de proposer un contreprojet indirect (un pont sur un tracé extérieur à celui délimité par l'initiative), soumis à référendum facultatif. L'argument se base sur le droit d'initiative défini dans la constitution avant la révision introduite par loi constitutionnelle du 2 octobre 1992. Selon lui, les initiatives déposées avant la modification de la constitution devraient suivre l'ancien droit.
La deuxième, défendue par un avis de droit du professeur Jean-François Aubert, à la demande du Conseil d'Etat, qui vise à offrir au citoyen la meilleure possibilité d'exprimer son choix. Elle s'appuie sur la constitution modifiée. Dans la mesure où le Grand Conseil l'estime nécessaire, un contre-projet direct peut être soumis au peuple. En 1992, le Grand Conseil préconisait une alternative à la traversée telle que préconisée par le texte de l'initiative et accordait un crédit d'étude de 8 millions de francs pour étudier une solution répondant à l'initiative et une solution dite périurbaine.
Pour le professeur Jean-François Aubert, un vote simultané des deux propositions, avec une question subsidiaire pour départager les deux projets en cas de double oui (méthode Haab), offre la meilleure solution d'un point de vue démocratique. Il souligne cependant les quelques efforts d'interprétation de la loi qui sont nécessaires avec cette solution. A l'analyse détaillée, il lui apparaît que les avantages de cette solution sont suffisamment importants pour qu'elle soit appliquée.
La commission des travaux s'est ralliée à cette solution qui est apparue à tous comme la plus raisonnable.
5.2. Crédit d'étude ou crédit de construction
En respectant à la lettre l'article 52, alinéa 2, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (D 1 9), «il ne peut être demandé l'ouverture d'un crédit que pour des travaux entièrement étudiés et dont l'exécution peut être entreprise immédiatement». Cette disposition était déjà présente dans la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964.
Les projets de traversées (pont et tunnel) n'ont pas complètement été étudiés et ne permettront pas de démarrer les travaux au lendemain de la votation populaire. Le Grand Conseil ne peut et ne devrait pas déroger à ces règles de gestion financière et administrative. Il ne serait donc pas possible de voter ces projets de loi, ni de les soumettre en votation populaire.
Pour le Conseil d'Etat, le peuple ne comprendrait pas un vote sur un crédit d'étude. Cela permet d'éviter 1) un vote supplémentaire et 2) les coûts liés à la réalisation complète de l'étude et de l'étude d'impact permettant l'ouverture du chantier pour chacun des ouvrages, alors que seul un des deux serait potentiellement construit.
Selon le Conseil d'Etat, les éléments fournis tant au législateur qu'au citoyen permettent de se faire une idée de l'impact de ces projets sur la ville et l'environnement. Ils ne fournissent cependant aucune indication sur l'utilité d'une traversée. Cela est dû au déficit volontaire du Conseil d'Etat de ne pas présenter les limites de la traversée pour répondre aux objectifs fixés, et de ne pas insister sur les solutions alternatives longuement étudiées par le Conseil d'Etat et l'administration (C 2000 et TC 2005); même des études complètes, exécutées par les mandataires, ne répondront pas à ces questions concernant l'utilité d'une traversée.
5.3. Le tunnel de liaison de Frontenex
Selon le Conseil d'Etat, c'est par souci de clarté que le crédit de construction du tunnel de liaison avec le Plateau de Frontenex a été proposé au parlement en même temps que les projets de financements des traversées bord à bord.
On se demande cependant pourquoi le crédit de construction concernant le tunnel de liaison n'est pas inscrit dans le projet de loi de la traversée proprement dite, puisqu'il apparaît clairement et unanimement que sans la liaison la traversée n'a vraiment plus aucun sens. Veut-on par là désamorcer les oppositions potentielles des électeurs de la rive gauche du lac (Cologny, Plateau de Frontenex…) ? Présenter les projets simultanément au Grand Conseil est un premier pas; vu l'absence de répercussion officielle des débats du Grand Conseil auprès de la population genevoise, on ne peut demander à chaque citoyen d'être au courant de tout ce qui a été débattu au parlement. Il est semble presque certain que les initiants ne peuvent que se rallier aux arguments techniques concernant la nécessité de cette liaison et n'entreprendront pas de recours. On aurait ainsi une parfaite transparence et le peuple n'aurait pas l'impression d'être une fois de plus trompé par omission.
Ce projet de loi présentant un crédit d'exécution ne respecte évidemment pas la loi (voir supra). En ne le votant qu'en 2 débats avant la votation populaire, selon la suggestion faite par les commissaires majoritaires de la commission des travaux, cela ne résoudra pas ce problème. Toute une série d'hypothèses viennent à l'esprit qui mériteraient d'être investiguées plus sérieusement; le temps étant limité par la hâte de l'Entente, il n'est malheureusement pas possible de le faire actuellement et les doutes persistent.
5.4. Mesures d'accompagnement
Il est parfaitement regrettable que les mesures d'accompagnement ne soient pas spécifiées dans les projets de loi; elles n'ont par conséquent aucune valeur impérative et il n'est pas du tout certain qu'elles soient un jour réalisées, en particulier en raison d'arguments financiers (voir supra).
6. Développement de prestige ou développement durable pour Genève
Un gouvernement responsable et véritablement désireux de satisfaire au mieux l'ensemble de la collectivité adoptera une perspective de développement durable plutôt que de construire des grands objets qui peut-être seront catalogués dans les musées virtuels du futur.
Il est vrai que le tram a failli se retrouver au musée. Il ne s'en est fallu que d'une voix au Grand Conseil pour que la ligne 12 disparaisse, quelques années après qu'on eut supprimé la ceinture en tram et les diverses autres lignes pour laisser la place à la voiture. On peut aujourd'hui relever les conséquences désastreuses de ces décisions, pour lesquelles des associations telles que l'ACS et le TCS ont joué un rôle important.
6.1. Des transports publics, des transports privés: quelle priorité ?
Jusque dans les années 70, la circulation automobile à Genève était facile. La situation s'est ensuite rapidement dégradée avec l'augmentation du nombre de véhicules tendant vers la capacité limite de l'espace urbain. L'automobile, source majeure de nuisances, a annexé une part de plus en plus importante de l'espace public par le trafic et le stationnement, au détriment des autres usagers de la ville. Les accidents de la route, malgré une réduction importante ces dix dernières années, le bruit et la pollution atmosphérique liés au trafic automobile sont aujourd'hui des problèmes de santé publique.
Assurer la complémentarité des transports est un voeu pieux si l'on ne favorise pas les transports en commun: même lorsque les transports collectifs sont plus rapides pour un déplacement donné, l'usager préfère bien souvent utiliser l'automobile, car elle offre privatisation et individualisation du déplacement (Kaufmann, V., Guidez, J.-M., «Les citadins face à l'automobilité», Paris, FIER, à paraître). Encourager un report modal sur les transports publics implique donc non seulement de les développer et d'améliorer leurs performances, mais également de limiter l'accès des automobiles dans les secteurs concernés (centre-ville et quartiers d'habitation en particulier) et d'articuler l'aménagement du territoire autour des infrastructures lourdes des transports collectifs (par exemple le RER de La Plaine). Sans ce type de mesures et comme le montrent toutes les statistiques d'évolution de la répartition modale (Salomon, I., Bovy, P., Orfeuil, J.-P. (Eds), «A billion trip a day. Tradition and transition in European travel patterns», Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 1993), le report modal se fait «naturellement» vers … l'automobile.
Pour atteindre l'objectif de TC 2005 (-40% de circulation dans l'hyper-centre, -25% en ville, et -10% sur l'ensemble du canton), il est nécessaire de diminuer de 40% le trafic pendulaire, ce qui implique une augmentation de 70% du nombre d'utilisateurs des transports publics. Cela nécessite tout d'abord d'inverser la tendance actuelle de report vers les transports individuels et de créer une dynamique de report d'usage sur les transports collectifs. Comme on le voit sur le graphique ci-après, le nombre de transports individuels estimé en 2005 sera toujours plus élevé que celui des transports publics.
Le développement des transports publics, associé à une politique stricte de gestion de l'accessibilité automobile, est une nécessité impérieuse et non un produit de luxe dont on pourrait se passer. C'est le seul moyen de retrouver et d'assurer une capacité de déplacements adaptée aux besoins de la population de Genève. Sans mesures de ce type, l'utilisation automobile ira croissant, poursuivant la tendance amorcée depuis les années 50.
Les principales mesures de réduction de la demande du trafic pour la réalisation de TC 2005 consistent à développer les transports publics par l'amélioration de leurs performances, à encourager par une politique incitative active leur utilisation, mais également à limiter l'accès au centre en diminuant le nombre de voies de circulation, en réduisant le nombre des places de parc pour les pendulaires.
Une réduction de 40% de la circulation aboutira également à une diminution de 40% de la circulation sur le pont du Mont-Blanc, ce qui permettra de libérer 2,4 voies sur 6; ce qui est largement suffisant pour y construire des rails de métro léger ou de tram, en résumé pour mettre les transports publics en site propre.
Le trafic induit par une traversée fera perdre tout le bénéfice très théorique du déplacement du flux du pont du Mont-Blanc et partiellement des carrefours d'accès sur la «nouvelle» traversée. Il en découle que la circulation des professionnels (en particulier les PME du domaine de la construction) ne sera pas donc facilités.
La saturation du réseau routier ne diminuera pas en augmentant le nombre de voies de circulation; c'est au contraire une incitation claire à l'utilisation de la voiture encore plus souvent que nécessaire.
Lors de sa séance des 25-26 janvier 1996, le Grand Conseil, conscient de l'importance du développement des transports publics a d'ailleurs voté à une très large majorité (les députés libéraux se sont abstenus) la motion 1036 concernant le développement des réseaux tramway, métro léger et chemin de fer de la région genevoise (qui se trouvent être les principales réalisations de programme TC 2005). Celle-ci demande au Conseil d'Etat de veiller à ce que le calendrier tel que défini dans le programme soit respecté et d'activer les travaux de réalisation chaque fois que cela est possible. Cette motion insiste sur le fait que le financement nécessaire soit assuré de façon à tenir le rythme des réalisations.
6.2. Création d'emplois: traversée ou transports publics
6.2.1. La traversée et la liaison avec le Plateau de Frontenex
Les estimations fournies par le laboratoire d'économie appliquée (professeure Gabrielle Antille) de l'université de Genève dans le cadre de l'avis d'experts demandé par le DTPE, avril 1995, suggèrent qu'entre 500 et 1 000 emplois directs dans la construction seront générés par les chantiers de la traversée et de la liaison avec Frontenex, sur la base de la durée prévue des travaux par les mandataires (44 mois pour le pont et 57 mois pour le tunnel).
Il ressort cependant du rapport des professeurs Alain Haurie et Jean-Philippe Vial (LOGILAB-HEC), de l'université de Genève, toujours dans le cadre de l'avis d'experts, que la capacité des entreprises genevoises ne permettrait d'absorber que la moitié environ des travaux et par conséquent la moitié des emplois. En prenant la durée maximum prévue par l'échéancier du Conseil d'Etat, c'est-à-dire 72 mois, cela permettrait d'absorber le 100% pour le pont et environ 80% pour le tunnel, pour une capacité financière moyenne des entreprises. Ce taux tomberait à 90% pour le pont et 65% pour le tunnel.
Par ailleurs, il semble difficile de croire, et d'être ainsi quelque peu rassuré, que le travail spécialisé nécessaire à la construction de ces ouvrages (et plus particulièrement pour la réalisation des tunnels) puisse être confié à des entreprises locales.
Les emplois générés par la construction de ces ouvrages sont relativement importants pendant la durée du chantier. Une fois les chantiers terminés, il n'y aura pratiquement aucun nouveau emploi généré.
6.2.2. TC 2005
TC 2005 va permettre de créer pour sa réalisation au moins autant d'emplois que le chantier d'une traversée du plan d'eau. En effet, si l'on en croit les budgets d'investissement liés au développement des transports collectifs, les sommes suggérées sont similaires. De plus, les municipalités profiteront certainement de ces chantiers pour compléter, rénover, adapter les sous-sols. Pour exemple, le chantier du tram 13 a permis à la Ville de Genève de changer tout le système de canalisation, d'entretenir le pont de la Coulouvrenière. Autre exemple: durant l'installation des rails pour le tram 16 à la rue du Stand et sur le quai de la Poste, il est prévu un important chantier de rénovation et de changement des collecteurs et des canalisations.
Une étude menée dans une vingtaine de villes allemandes a montré que le chiffre d'affaires des commerces au centre-ville n'est pas lié à l'accès par transport motorisé individuel (Apel, D., Lehmbrock, M., «Stadt Veträgliche Verkehrs Planung. Chancen zur Steuerung des Autoverkehr durch Parkraum Konzepte und Bewirtschaftung», Bonn, Deutsches Institut für Urbanistik, 1990). A Strasbourg, la revitalisation des commerces le long des artères du centre-ville a été dynamisée par la limitation de l'accès par les transports individuels et le développement des transports publics. Une enquête récente faite à Berne a montré que la valeur monétaire des achats était moins importante pour les clients se rendant en ville en voiture individuelle que pour les autres. En 1994, une enquête réalisée pour le compte du groupe d'évaluation C93 sur la perception de l'accessibilité du centre-ville de Genève a montré que moins d'un quart des acheteurs se rendent au centre-ville en voiture. Une traversée routière ne pourra que faciliter l'accès aux commerces périurbains comme Thoiry et Etrembières; ce qui ne peut qu'avoir un impact négatif sur le chiffre d'affaires des commerces du centre-ville.
Non seulement l'exploitation de nouvelles lignes de transports collectifs génère des emplois ayant une certaine valeur ajoutée, mais elle favorise la relance de l'économie locale. Elle facilite les déplacements professionnels, assurant une meilleur efficacité et un meilleur rendement, en libérant la voirie de tout un trafic improductif.
6.2.3. En résumé
Les emplois créés par l'un ou l'autre des programmes sont plus ou moins équivalents. TC 2005 offre l'avantage de générer, après la fin du chantier, des emplois de longue durée dans divers secteurs de l'économie genevoise et de contribuer ainsi durablement à la diminution du chômage.
7. Conclusions
7.1. Procédure
Le projet de concrétisation de l'initiative (tunnel) et son contreprojet direct (pont) doivent être soumis au peuple simultanément, assortis d'une question subsidiaire pour départager les deux propositions (méthode Haab). C'est la solution la plus démocratique.
Il est acceptable de proposer un crédit d'exécution, alors même que les travaux ne pourront se réaliser dès le lendemain de la votation. Il sera nécessaire de compléter les études pour la réalisation et tout particulièrement les études d'impact au sens de l'article 9 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement.
7.2. Préavis des socialistes sur les projets de traversée proposés par le Conseil d'Etat
Etant donné les objectifs à atteindre, c'est-à-dire, l'amélioration de l'accessibilité au centre-ville, la diminution des nuisances liées à la circulation automobile en particulier la réduction du bruit et de la pollution de l'air;
étant donné les données techniques, scientifiques et financières disponibles en 1996;
étant donné que les mesures de compensations ne sont impérativement liée au projet de traversée;
étant donné que la solution d'une traversée de la Rade telle que préconisée par le Conseil d'Etat, tant la concrétisation de l'initiative (tunnel), que le contreprojet (pont), ne permet pas d'atteindre ces objectifs, puisqu'elle ne réduit pas la demande, mais provoquera un trafic automobile induit, au contraire du programme TC 2005;
étant donné que la réalisation du programme défini par TC 2005 et C2000 est à même d'atteindre ces objectifs dans les prochaines années, en favorisant le report modal sur les transports publics et en réduisant ainsi la demande en matière de circulation privée;
étant donné que le financement simultané de la réalisation de TC 2005 et de la construction d'une traversée ne pourra se réaliser et qu'il est peu probable qu'un financement successif puisse être envisagé dans un proche avenir (la charge financière par annuité constante doit être assumée pendant 30 ans);
étant donné que les emplois créés par TC 2005 et la traversée sont approximativement équivalents pendant la durée du chantier et qu'ils seront plus nombreux après la réalisation des chantiers pour TC 2005, assurant ainsi un renforcement de l'économie en faveur, en particulier, des petites et moyennes entreprises du canton;
étant donné qu'une traversée sera payée par une forte majorité de la population domiciliée à Lancy, Vernier, Carouge ou Meyrin pour une minorité de la population qui habite à Cologny et travaille dans le quartier des organisations internationales ou une proportion encore plus faible qui habite Versoix et travaille à Thônex;
étant donné que la réalisation d'une traversée n'apporte aucune amélioration de la qualité de la vie pour Genève et la majorité de sa population et,
pour assurer, dans une perspective locale et régionale, un développement durable et harmonieux d'un Genève pour tous,
les socialistes préavisent négativement tant le projet de loi 7259 (tunnel) que le projet de loi 7260 (pont) et recommandent au peuple de voter non lorsque ces objets leur seront soumis en votation populaire.
** *
Mesdames et Messieurs les députés, pour suivre la procédure du Grand Conseil, les socialistes vous recommandent, comme l'a fait la minorité de la commission des travaux, de préaviser négativement le projet de loi 7259 (tunnel) et le projet de loi 7260 (pont) en les rejetant.
De même et logiquement, ils vous recommandent de rejeter les projets de loi 7261 et 7262 (liaison avec le Plateau de Frontenex).
RAPPORT DE LA DEUXIÈME MINORITÉ
1. Rappel historique
Les partisans de la traversée de la Rade ont lancé en 1985 une initiative populaire dans le but de faire pression sur les études en cours qui portaient à l'époque sur une petite traversée de la Rade de caractère urbain, visant à dédoubler le pont du Mont-Blanc, les alternatives de traversée plus au large ayant été abandonnées au profit de l'autoroute de contournement. Cette initiative non formulée ne portait pas sur un sujet précis mais demandait au Grand Conseil:
«d'adopter une loi ouvrant un crédit pour la réalisation d'une traversée de la Rade, répondant aux objectifs ou critères suivants:
• L'ouvrage devra être situé entre le pont du Mont-Blanc, d'une part, et un axe avenue de France-La Nautique, d'autre part.
• L'ouvrage devra permettre de décharger les quais d'une partie importante du trafic qu'ils reçoivent ou, à tout le moins, d'y rendre la circulation sensiblement plus fluide.
• L'ouvrage devra être financé en veillant notamment à obtenir une participation adéquate de la Confédération et de la Ville de Genève.»
L'adoption d'une telle initiative impliquait donc que l'Etat étudie un projet et le soumette à l'approbation du peuple. S'agissant d'une initiative non formulée, la constitution prévoit que, si le Grand Conseil accepte d'entrer en matière sur une telle initiative, l'Etat est tenu d'élaborer un projet concrétisant l'initiative, lequel projet doit ensuite être mis en votation populaire.
La constitution prévoit également qu'en cas de refus d'entrer en matière par le Grand Conseil, l'initiative doit être soumise telle quelle au peuple avec, comme conséquence, que l'Etat n'est tenu d'élaborer un projet la concrétisant que dans la mesure où le peuple l'a acceptée. Dans cette hypothèse, le projet de concrétisation devra être soumis au peuple lors d'une deuxième votation populaire.
C'est dans cette deuxième hypothèse que nous nous trouvons avec l'initiative 16, pour une traversée de la Rade, puisque la majorité de droite du Grand Conseil, bien que favorable à l'initiative, a décidé en avril l988 de la refuser, dans le seul but de provoquer une votation populaire qui fut fixée au 12 juin 1988, en même temps que la votation sur la loi concrétisant l'initiative pour des transports publics efficaces.
Le peuple s'est donc prononcé sur une initiative sans connaître l'emplacement exact de la traversée souhaitée, sa forme (pont ou tunnel), ses conséquences et surtout son coût. Dans sa notice explicative adressée aux citoyennes et citoyens appelés à voter l'initiative 16, le Conseil d'Etat concluait ses explications par le texte suivant:
«Que se passera-t-il après la votation? Si, en définitive, le peuple refuse l'initiative, les études seront interrompues. S'il l'accepte, des études seront engagées afin d'élaborer un projet précis qui sera alors soumis en votation lors d'une nouvelle consultation au cours de laquelle ce projet pourra être accepté ou refusé.»
Suite à l'acceptation de l'initiative par le peuple, sur le plan juridique, cette décision constituait une acceptation d'entrer en matière entraînant l'obligation pour l'Etat d'élaborer un projet la concrétisant, sur lequel le peuple serait à nouveau amené à se prononcer par oui ou par non.
Le Conseil d'Etat a saisi le Grand Conseil en juin l991 d'une demande de crédit d'étude d'un montant de 22 200 000 F dans le but d'étudier une traversée du Petit-Lac sous forme d'un pont (avec une variante en tunnel) raccordant la route de Suisse (au Reposoir) au quai de Cologny (en amont de Genève-Plage), tel que recommandé par une commission d'experts. Sur proposition de la majorité de la commission des travaux, le Grand Conseil décida en mai 1992 de ramener le crédit d'étude à 8 millions de francs en limitant l'étude à un avant-projet destiné à être mis en votation populaire, l'étude du projet définitif ne devant être engagée qu'en cas d'approbation par le peuple de cet avant-projet. Par ailleurs, le Grand Conseil décida que l'étude devait porter à la fois sur la traversée du Petit-Lac et sur une moyenne traversée de la rade reliant le Parc Mon-Repos au Port-Noir.
Entre-temps, le Tribunal fédéral, dans un arrêt du 29 mai 1989 portant sur un recours interjeté par certains citoyens contre la mise en votation de l'initiative 16, considéra que ce crédit d'étude aurait dû être mis en votation populaire, tout en rappelant, en page 9, la portée de l'ancienne loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique dont les dispositions concernées par le projet de la traversée de la Rade ont été reprises sans changement dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (articles 51 et suivants) de sorte que les considérants du Tribunal fédéral relatifs à ces dispositions sont toujours d'actualité:
«Elles [ces dispositions] définissent les étapes de l'élaboration d'un projet, de manière que le Grand Conseil n'ait pas à rejeter ou à renvoyer une demande de crédit au motif qu'il est insuffisamment renseigné. Enfin, invité par le peuple à légiférer sur l'ouverture d'un crédit, le Grand Conseil peut suivre les principes de la loi sur le financement des travaux d'utilité publique: il peut ouvrir, successivement, un crédit pour l'étude d'un ou de plusieurs avant-projets, puis un crédit pour l'étude d'un projet d'exécution et, enfin, un crédit pour la réalisation, en soumettant à chaque fois la loi à l'approbation du corps électoral, conformément à l'article 67, alinéa 2, Cst. gen. Il est en effet possible qu'une initiative populaire non formulée aboutisse à plusieurs lois distinctes (Auer, Problèmes et perspectives du droit d'initiative à Genève, page 30, chapitre 57, page 31, chapitre 60)»
Dès l'adoption du crédit d'étude, le Conseil d'Etat désigna un jury multidisciplinaire, formé de spécialistes de grand renom, afin d'organiser un concours de projets. En automne 1994, ce jury est arrivé à la conclusion que le projet de moyenne traversée ne pouvait pas être retenu car il était incompatible avec les exigences de la protection de l'environnement et les objectifs de réduction du trafic automobile du plan Circulation 2000. Le Conseil d'Etat propose donc de ne retenir que la traversée périurbaine du Petit-Lac sous forme d'un pont.
Sous la pression des auteurs de l'initiative et sous prétexte que cette solution ne répondait pas aux exigences de l'initiative 16, le Conseil d'Etat décide en mars 1995 de soumettre à l'approbation du peuple deux projets dans le cadre d'une procédure de vote novatrice, à savoir le pont franchissant le Petit-Lac et une moyenne traversée sous-lacustre
Lors d'une conférence de presse tenue en avril 1995, le Conseil d'Etat indique que le peuple se prononcera sur ces deux projets, avec une question subsidiaire au cas où ils seraient tous les deux acceptés. Il propose à ce moment deux projets de loi portant sur des crédits de 18 millions de francs destinés à financer la mise au point des projets définitifs au stade des plans d'exécution afin de pouvoir ensuite soumettre au Grand Conseil un crédit de construction répondant aux exigences de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat qui fixe les modalités de financement des ouvrages d'utilité publique et dont l'article 52 dit ce qui suit:
Art. 52
1 Un crédit d'investissement est autorisé sous forme de crédit d'ouvrage ou d'acquisition ou de crédit complémentaire pour des engagements entraînant des paiements au-delà de l'exercice budgétaire.
2 Il ne peut être demandé l'ouverture d'un crédit que pour des travaux entièrement étudiés et dont l'exécution peut être entreprise immédiatement.
3 Il doit être soumis à l'approbation du Grand Conseil, sous la forme d'une demande de crédit spécial pour les dossiers d'exécution. La demande est accompagnée:
a)
d'une description de l'ouvrage avec toutes ses parties, leur destination, leur surface et leur volume, la consommation d'énergie;
b)
d'une première estimation du coût probable des travaux;
c)
d'une première estimation des frais probables de fonctionnement.
Fin juin 1995, nouvelle volte-face du Conseil d'Etat qui décide de saisir le Grand Conseil de quatre projets de loi portant non plus sur des crédits d'étude complémentaire, mais sur des crédits de construction, alors que d'importantes études restent à réaliser. Deux projets de loi portent respectivement sur les deux variantes de la traversée de quai à quai dont le coût de réalisation, y compris les études nécessaires à leur mise au point, est estimé à 430 millions de francs pour le pont et à 490 millions de francs pour le tunnel. Les deux autres projets de loi portent respectivement sur les liaisons, sous forme de tunnels, de ces deux ouvrages avec le Plateau de Frontenex dont le coût de réalisation est estimé (études comprises) à 250 millions de francs pour la liaison entre le pont et le Plateau de Frontenex et à 220 millions de francs, pour la liaison entre le tunnel et le même Plateau. Le coût total de la traversée jusqu'au Plateau de Frontenex atteint dans les deux hypothèses 700 millions de francs, sans compter la liaison en tunnel prévue entre le Plateau de Frontenex et l'autoroute Blanche estimée à 300 millions de francs. Le projet de traversée de la Rade qui s'est transformé au fil du temps en une nouvelle autoroute en tunnel reliant le réseau autoroutier suisse au réseau autoroutier français, qui dédoublera l'autoroute de contournement en traversant une zone urbaine, c'est-à-dire en revenant à un concept totalement dépassé, abandonné il y a plus de vingt ans au profit de l'autoroute de contournement à l'extérieur de la ville. Ce nouveau projet de type autoroutier coûtera donc au total plus de 1 milliard de francs.
Nous tenons à souligner ici que le coût envisagé risque de connaître des dépassements. Rappelons à ce propos que l'autoroute de contournement a finalement coûté 50% de plus que les estimations initiales: avec le contournement de Plan-les-Ouates, on a dépassé les deux milliards, dont 30% à la charge du canton.
2. Les travaux expédiés en commission
La minorité avait clairement manifesté son intention de ne pas ralentir les travaux de la commission, mais avait insisté sur la nécessité d'un débat qui clarifie le plus possible les enjeux avec le maximum de transparence afin que le peuple puisse trancher lors de la votation en toute connaissance de cause.
Le rythme imposé n'a pas permis un travail serein pour un sujet de cette importance et de cette complexité. En particulier, les questions d'ordre juridique, mais surtout l'étude des rapports d'impact «1re étape»: les commissaires ont reçu le 16 janvier seulement une pile de documents de plus de mille pages, avec deux exposés extrêmement résumés la semaine suivante, une heure le 30 janvier pour poser des questions et un vote a été imposé le jour même alors que la date de la consultation populaire fixée au 9 juin pouvait être respectée avec une marge pour le débat au Grand Conseil.
La fin des travaux en commission a été bâclée!
Les questions juridiques
En avril l992, le rapport de la commission des travaux sur le projet de loi ouvrant un crédit d'étude pour la traversée du Petit-Lac présentait l'avis de droit de MMes Pierre Louis Manfrini et Daniel Peregrina, cité comme document fondamental par le rapporteur de l'époque, M. Burdet. En effet, la solution préconisée par les experts (traversée en pont) n'était pas assez attractive aux yeux du comité d'initiative 16. L'avis de droit établi à la demande de M. Jean de Tolédo proposait la procédure du «contreprojet indirect», qui revient à opposer un contreprojet à un projet de loi concrétisant une initiative. Ce contreprojet n'est toutefois pas soumis en votation populaire, mais suit la procédure législative ordinaire comme solution de rechange, au cas de rejet de l'initiative, en restant soumis au référendum facultatif.
Lors de l'audition de Me Manfrini le 21 novembre 1995, ce dernier confirmait son point de vue, à savoir que le contreprojet indirect offrait le choix entre deux projets avec les meilleures garanties juridiques. Il a par ailleurs insisté sur un autre aspect essentiel, à savoir le fait que les quatre projets de loi étudiés par la commission demandaient un crédit d'exécution. Or, selon la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, à l'article 52, alinéa 2, les crédits de construction ne peuvent être votés que pour des travaux entièrement étudiés (voir supra), après examen des études d'impact achevées, sinon il y a violation du droit cantonal et fédéral (art. 9 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement). Pour Me Manfrini, la seule solution consiste à renoncer à présenter un crédit d'exécution au profit d'un crédit en vue de dossier d'exécution où il n'y a pas besoin d'étude d'impact. Il convient de réserver le fait que le crédit d'exécution proprement dit sera voté à un stade ultérieur.
L'avis de Me Jean-François Aubert est plus nuancé. Dans son avis de droit adressé au chef du DTPE en décembre l994, il défendait le principe du contreprojet direct, soumis en votation populaire simultanément avec le projet de loi concrétisant l'initiative 16. Sans se prononcer sur l'opportunité du vote sur un crédit de construction à la phase actuelle de l'élaboration du projet, il suggère d'ajouter la question subsidiaire (méthode Haab), préconisée par le Conseil d'Etat, qui donne le maximum de garanties démocratiques dans la procédure de vote, et qui respecte la volonté des citoyens telle qu'elle s'est exprimée dans le vote du 12 juin l988. La solution Aubert, en ce qui concerne les modalités de vote, nécessite un effort d'interprétation mais respecte le mieux les droits démocratiques.
Selon la note de synthèse des aspects juridiques présentée par M. Gobbi, juriste au DTPE, «il est clair que la solution la plus ";correcte" juridiquement serait que le Grand Conseil se prononce sur un crédit d'étude complémentaire en vue de l'établissement d'un dossier d'exécution» mais «les électeurs ne comprendraient pas qu'ils doivent se prononcer sur un crédit d'étude complémentaire pour un projet dont le principe a été adopté en juin 1988».
Enfin, il faut mentionner ici l'avis de M. Gobbi sur les remontées au Plateau de Frontenex, lesquelles ne se justifient, selon lui, que si le projet de loi 7259 ou le projet de loi 7260 est choisi en votation populaire.
La question financière
Les crédits des projets de loi 7259 à 7262 seront répartis en tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement dès 1996 (art. 2 des 4 PL). Pour les projets de loi 7259 (Tunnel) et 7260 (Pont), il est prévu que les charges en intérêts et en amortissement seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat (!) sous forme d'annuités constantes, en augmentant l'impôt sur les véhicules à moteur de 50%! Le financement des raccordements au Plateau de Frontenex serait assuré par le recours à l'emprunt, dans les limites du cadre du plan financier quadriennal, à savoir en fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements devront être couvertes par les impôts ordinaires (et l'emprunt dans la mesure où le déficit du budget de l'Etat est couvert par ce dernier).
La volonté affirmée par le Conseil d'Etat de limiter le budget des investissements en période de crise est confirmée ici. Le financement du raccordement avec le Plateau de Frontenex grèvera d'autant d'autres investissements! Enfin, en l'état actuel, ni la possibilité du péage ni la participation financière de la Ville de Genève et de la Confédération n'ont été obtenues de sorte que l'une de trois conditions de l'initiative (voir annexe) n'est pas respectée!
Les habitants du canton devront donc passer à la caisse! Cela signifie concrètement que pour la traversée de quai à quai, le coût réel, en couverture financière par des «centimes additionnels» sur l'impôt-auto des charges annuelles en intérêts et amortissements, revient à 801,1 millions de francs pour le tunnel jusqu'en 2027 et à 699,2 millions de francs pour le pont pour la même année, soit environ 310 millions de francs seulement pour les intérêts et les amortissements en plus du montant de 490 millions de francs inscrits dans la loi pour la construction du tunnel et environ 270 millions de francs en plus du montant de 430 millions de francs inscrits dans la loi pour la construction du pont (voir Annexe). Pour le raccordement de Frontenex, l'investissement annuel compris dans l'enveloppe des 250 millions de francs des investissements annuels de l'Etat (investissements dits «nets-nets»), revient à 50 millions de francs par an pendant cinq à six ans.
Au total, avec les 100 millions de francs par an d'investissements pendant cinq ans pour la traversée quai à quai, le canton devra investir 150 millions de francs pendant cinq ans, intérêts et amortissements non compris. Une telle charge financière sur les pouvoirs publics avec la charge de la dette liée au déficit compromet évidement la réalisation de l'extension des transports publics prévue dans la loi de 1988. Le métro léger Annemasse-Meyrin prévu pour 2005 coûtera 535 millions de francs, soit 67 millions de francs par an. Cet investissement a été récemment confirmé comme prioritaire par notre Grand Conseil. Avec les 150 millions de francs de la traversée de la Rade et de Frontenex, on atteint bientôt les 220 millions de francs d'investissement par an jusqu'en 2002 rien que pour la politique des transports, alors que le budget d'investissements du plan quadriennal reste plafonné à 250 millions ! Restent 30 millions de francs par an pendant cinq dans les caisses de l'Etat pour l'ensemble des autres investissements! Cela est tout simplement absurde et inapplicable.
Le conflit avec la réalisation des transports publics est déjà atteint avec la seule enveloppe des 30 millions de francs par an. Dès 1999, ces 30 millions par an ne suffiront plus, selon M. Stucki, ce qui impliquerait d'étaler les travaux jusqu'en 2015! La loi de 1988 ne serait pas respectée!
Enfin, rappelons que pour les seuls frais d'exploitation une fois la traversée réalisée, il faudra compter 5 millions de francs par an, ce qui est totalement sous-estimé et ne couvrira probablement même pas les frais de police si l'on se réfère à la charge engendrée par cette tâche pour l'autoroute de contournement.
Sur les résultats de la 1re étape des études d'impact
La procédure adoptée par le Conseil d'Etat est un «raccourci» afin de pouvoir maintenir la votation sur les crédits de construction en juin 1996, sans la réalisation complète des études d'impact sur l'environnement, exigées par la loi fédérale sur la protection de l'environnement. Après avoir diminué le crédit d'étude en 1992 de 22,2 millions à 8 millions de francs, la majorité de ce parlement justifie le « saucissonnage » des études d'impact avec des arguments financiers! Selon le chef du DTPE, le coût d'une étude d'impact par projet avoisinerait 25 millions de francs. Etant donné la procédure de vote choisie par le Conseil d'Etat, M. Joye ne veut pas dépenser 50 millions de francs pour suivre la voie prévue par la législation sur les grands travaux. Les chiffres avancés par M. Joye semblent pour le moins exagérés. Nous devrons donc nous prononcer sur des études d'impact incomplètes pour une dépense de l'ordre du milliard de francs!
Comme nous l'avons dit plus haut, les volumineux rapports présentés à la commission le 23 janvier contiennent de nombreuses informations techniques s'adressant à des professionnels. Il est rigoureusement impossible à un député de milice de se faire une idée sérieuse et suffisamment approfondie après les auditions des mandataires sur de tels rapports en une semaine! Nous avons fait au mieux pour viser l'essentiel, mais cette façon inacceptable de travailler nous paraît dictée par la volonté que le Grand Conseil ne soit pas en mesure de mettre en évidence les graves inconvénients et les problèmes non résolus par le projet de traversée de la Rade.
a) Trafic
Les deux rapports d'impact-1re étape ont utilisé les données des études du bureau Dériaz de décembre 1995. Ce document rassemble des données sur le trafic et les émissions de NOx, avec 29 scénarios obtenus par combinaisons d'éléments d'offre et de demande de transports. Sans mettre en question la qualité technique et la pertinence de la démarche, nous avons été frappés par les hypothèses sur la demande. Par exemple, l'évolution des mouvements pendulaires qui a servi de base pour établir les matrices se fonde sur le recensement fédéral de la population de l990, ainsi que sur un extrait du fichier de la population de janvier 1993, comportant domicile et adresse officielle de l'employeur, une correction avec estimation, mais sans indication sur la marge d'erreur possible. Entre 1992 et 2005, l'augmentation des actifs et des emplois selon l'origine est estimée à 9,6% en moyenne, comprenant l'hypothèse d'une croissance de 25% de main-d'oeuvre venant de l'extérieur! Lorsque l'on sait que Genève a perdu plus de 30 000 emplois entre 1992 et l995, ces estimations nous laissent songeurs! De plus, l'hypothèse de base sur les destinations prévoit une croissance du trafic de 8,6% sur Genève-Carouge et de 15,5% sur le reste du canton, «où de nombreux emplois peuvent être implantés facilement» (Dériaz, décembre 1995, page 4). L'hypothèse sur l'évolution des moyens de transports projette dans le transport individuel (TI) normal (différence entre 1992 et 2005 des transports individuels) une croissance de 12,3% Elle est de 13,8% dans le TI réduit (demande réduite calculée pour correspondre aux objectifs du «Plan de mesures pour l'assainissement de l'air à Genève» du 27 mars 1991), en faisant une projection théorique du report des transports individuels (TI) sur les transports collectifs (TC) et les parkings d'échange (P+R). Ces quelques exemples pour illustrer les réserves que nous avons sur les estimations de l'évolution des transports ayant servi de base pour les 29 scénarios.
A ce stade, nous ne pouvons que regretter que le DTPE n'ait pas jugé indispensable de faire effectuer de nouveaux comptages précis de la circulation automobile, origines et destinations comprises, pour illustrer le besoin d'une nouvelle traversée de la Rade. Les seuls comptages détaillés pour une éventuelle traversée remontent à 1986 ! Pourquoi ce qui a pu être fait en 1986 ne l'a pas été en 1994 ou 1995, surtout après l'ouverture de l'autoroute de contournement?
Le rapport Dériaz souligne que l'OTC aurait préféré ne considérer que les scénarios basés sur le trafic actuel et sans autres mesures d'exploitation que celles existantes. «En effet, de nouvelles mesures sont toujours difficiles à faire passer et le trafic futur peut dépendre de nombreuses influences» (page 10). L'aspect aléatoire des scénarios est donc reconnu!
L'analyse des résultats des rapports d'impact, avec les réserves quantitatives que nous avons relevées, met en évidence, sur le plan qualitatif des données importantes:
sur le plan global:
«Au cordon de la petite ceinture, les charges de trafic sont sensibles d'une part aux mesures d'exploitation, d'autre part à la traversée. Il est intéressant, voire étonnant, de constater que les mesures d'exploitation sans traversée arrivent aux mêmes charges autour du centre qu'une traversée sans mesure (d'accompagnement)» (page 15)
«Au cordon de Genève et Carouge, les charges varient beaucoup moins. La traversée selon l'axe du pont avec des mesures arrive presque à stabiliser le trafic sur le pourtour de la ville. La traversée sur l'axe du tunnel étant en ville ne peut évidemment pas y arriver» (page 15). «Le trafic au cordon de la petite ceinture diminue avec la traversée seule de 8,1%, ce qui est peu comparé à l'effet combiné des mesures complémentaires qui permettent de réduire le trafic de 29,8%.» «Il est donc facile d'en conclure que les mesures d'exploitation ont certainement globalement une plus grande influence que la mise à disposition d'infrastructures même importantes (la traversée) dont la portée reste localisée sans mesures complémentaires d'exploitation» (page 16). Enfin, «les plans de charges des trajets empruntant la traversée montrent bien qu'au sud d'une ligne route de Meyrin-route de Chêne quasiment aucun mouvement ne passerait par le nouvel ouvrage» (page 24).
pour la traversée en tunnel:
Le rapport d'impact pour la traversée en tunnel constate qu'en matière de trafic, il y a saturation de l'accrochage sur la rive gauche, et au giratoire à la sortie du tunnel de Frontenex, «le nombre de voies d'entrée sur l'axe de la route de Vandoeuvres doit être augmenté pour garantir une bonne capacité», «certains axe d'entrée au giratoire devront avoir trois voies» (pages 25-26).
Sur la rive droite, une importante rétention de trafic venant de la route du lac au droit de la place Albert-Thomas de l'ordre de 40% est jugée indispensable. Concernant l'évolution du trafic journalier moyen des jours ouvrables (TJOM), «les augmentations de charge dues aux effets cumulés de la traversée de la Rade et aux mesures d'accompagnement «C-Rade», donnent un TJOM supérieur au TJOM de 88, c'est-à-dire avant l'ouverture de l'autoroute. Par conséquent, le fonctionnement de la majorité des carrefours sur la moyenne ceinture n'est pas assuré» (Annexe 33). «Il apparaît que la mise en service de la traversée de la Rade avec les mesures «C-Rade» doit être précédée par les mesures concertées à chaque grande réalisation du réseau routier (contournement autoroutier de Plan-les-Ouates) et par les mesures de développement du réseau des transports en commun (ligne 16 ou extension du réseau des trams) sous peine de la saturation du réseau routier et notamment de la moyenne ceinture» (page 30).
De plus, la réalisation de la traversée en tunnel entre directement en conflit avec la réalisation du prolongement de la voie du tram 13 en direction de la place des Nations, comme nous l'a confirmé M Stucki, directeur des Transports publics genevois. prolongement prévu dans la loi sur le réseau des transports publics de l988, ce qui va à l'encontre des mesures nécessaires.
pour la traversée en pont:
Le rapport d'impact sur la traversée en pont constate qu'en matière de charge de trafic, quelques carrefours ont une capacité d'utilisation théorique proche de la saturation. «La traversée associée à des mesures d'accompagnement dans l'esprit du plan de Circulation 2000, accentue la diminution sur le pourtour du plan d'eau et de plus, diminue fortement le trafic au centre-ville. Ces réductions sont obtenues par report du trafic sur le réseau périphérique» (page 103). L'appréciation générale est confirmée: «On remarque en effet que le traversée du Petit-Lac n'a qu'un effet mesuré à l'aval d'une ligne Meyrin-Chêne, à l'exception des voiries de la moyenne ceinture en raison des reports occasionnés par les mesures au centre-ville» (page 92). «Les mesures d'accompagnement de la traversée du Petit-Lac permettent surtout de réduire davantage les prestations kilométriques au centre. Ces mesures sont trois fois plus efficaces dans l'hypercentre que l'effet de la traversée elle-même» (page 433).
pour la liaison avec le plateau de Frontenex:
Le rapport Dériaz est formel: «La liaison du quai au Plateau de Frontenex est indispensable pour organiser logiquement et intelligemment les flux» (page 25). Le rapport d'impact «tunnel» relève que «si la liaison avec le Plateau de Frontenex n'est pas réalisée, le fonctionnement de l'accrochage sur la rive droite n'est pas assuré» (page 32). «La traversée de la Rade sans la liaison sur le Plateau de Frontenex ne peut être envisagée que comme une étape provisoire, en attendant la construction de la liaison dans le but de garantir l'organisation logique des circulation sur la rive gauche» (page 33). Le rapport d'impact «pont» souligne lui aussi qu'en ce qui concerne les impacts d'une traversée partielle (sans tunnel de liaison au Plateau de Frontenex) «la liaison partielle n'a pas de sens du point de vue du trafic et de la protection de l'environnement» (page 73).
b) Air
Logiquement, la pollution de l'air liée aux immissions de NO2 totales est le reflet de l'évolution du trafic. Les émissions de NOx en tonnes par année sont illustratives. Le scénario 2005 avec l'évitement de Plan-les-Ouates et mesures d'accompagnement C 93 montre une production de 1207 tonnes/an; avec les mesures C 97 la production monte à 1266 tonnes/an. Le scénario avec pont et mesures C-Rade: 1291 tonnes/an et 1281 tonnes/an si la liaison de Frontenex est réalisée. Le scénario avec tunnel et mesures C-Rade donne l279 tonnes/an et 1268 tonnes/an avec la liaison de Frontenex (voir rapport Dériaz). Ainsi, la pollution globale est nettement en augmentation, seule la répartition entre l'hypercentre et le reste du canton varie, selon les divers scénarios. Cela est parfaitement illustré par les Annexes 22 à 29 du rapport de majorité.
Le rapport d'impact «tunnel» précise que «globalement, sur l'ensemble du réseau routier du périmètre élargi, on note une augmentation des émissions annuelles de NOx de l'ordre de +5% par rapport à celles de l'état de référence sans les projets» (page 184). Le rapport d'impact «pont» révèle que «la contribution effective à la diminution des émissions dans l'hypercentre et la ville ( Genève et Carouge) de la traversée du Petit-Lac est de -21 tonnes de NOx sur un total de 227 t NOx, soit une réduction de 9,3% environ». Dans l'hypercentre, «les mesures d'accompagnement sont plus efficaces que l'effet direct du pont lui-même» (page 165). Si la réduction indispensable des émissions de NOx est effective dans l'hypercentre surtout, «le projet provoquera une augmentation des émissions de NOx du trafic routier de 74 tonnes/an suite à une augmentation globales des prestations kilométriques sur le canton» (page 170). Il faut rappeler ici que selon les estimations de l'office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), une part importante des émissions de NOx est produite aux vitesses élevées sur les autoroutes et autres grands axes.
c) Bruit
L'Annexe 30 met en évidence la nouvelle répartition des nuisances selon l'évolution du trafic. Le rapport d'impact «pont» montre qu'en rive droite, «malgré la diminution de bruit due au projet, l'article 8 de l'OPB ne sera pas respecté pour plusieurs façades exposées au bruit de la route de Lausanne». Sur la rive gauche, «malgré l'effet positif du projet, l'article 8 OPB ne sera pas respecté pour les façades exposées au bruit du quai Gustave-Ador» (page 110). L'Annexe 32 met en évidence les tronçons où les valeurs limites seront dépassées. Au bilan global, «l'article 9 OPB ne sera pas respecté pour 295 façades, réparties le long de 16 routes ou tronçons de routes, dont les principaux sont la route de Lausanne et quelques tronçons dans les secteurs des Eaux-Vives et de la Gradelle/Bel-Air. Le projet entraînera 46 nouveaux dépassements. En contrepartie, les niveaux sonores passeront en dessous des valeurs limites d'immission pour 56 façades, situées principalement le long des quais et dans le quartier des Pâquis» (page 124). En ce qui concerne le bruit généré par la trafic sur le pont et se propageant à longue distance en bordure du Petit-Lac et de la Rade, «il pourrait néanmoins affecter l'ambiance sonore dans les zones calmes (parcs, rives)» (page 104). Le rapport «tunnel» montre des effets liés essentiellement à l'évolution du trafic (page 208). Seule la réduction du trafic permet de diminuer de façon efficace et au moindre coût le bruit qui reste actuellement trop élevé sur plus de 300 km de routes dans le canton, dont 60 km subissent un bruit dépassant les valeurs d'alarme.
d) Eaux souterraines
Le rapport Ecoscan (pont) considère que l'impact en rive gauche «atteint la couverture de moraine compacte protégeant la nappe profonde. L'impact est considéré comme moyen» (page 26) «Le rejet des eaux de ruissellement de l'emprise de la tranchée d'accès au tunnel de Frontenex dans le Nant du Traînant est susceptible de poser des problèmes d'ordre quantitatifs (débits trop importants en regard de la capacité hydraulique du nant) et qualitatif si les mesures de protection prévues se révèlent insuffisantes. Cette constatation est d'autant plus vraie en cas d'accident avec déversement de liquides polluants et en cas d'incendie sur la chaussée (production d'eaux d'extinction polluées)» (page 224). La deuxième étape de l'étude d'impact devra préciser ces aspects. Il faut rappeler qu'au point d'accrochage et sur une longueur de l'ordre de 250 m, le tunnel de Frontenex se trouve dans la nappe phréatique exploitée. Le risque d'une contamination de l'eau potable, notamment en cas de pollution accidentelle, constitue un danger réel et inacceptable s'agissant d'une nappe phréatique représentant la plus importante réserve d'eau potable du canton!
e) Sol
Les impacts sur les sol terrestres se limitent à la construction du tunnel de liaison de Frontenex. La surface définitivement occupée par le projet et de 1,14 ha (11 400 m2). «La partie actuellement cultivée sera réduite approximativement de moitié en passant d'une surface de près de 2 ha à une surface utile de 1 ha» (Ecoscan, page 248). Le rapport d'Ecotec (tunnel) prévoit lui que «les impacts sur les sols sont relativement modérés, seule une surface de 20 000 m2 environ sera définitivement soustraite à l'activité agricole dans le haut du vallon de Traînant» (page 176).
f) Archéologie
«Deux sites préhistoriques lacustres sont touchés par le projet de traversée de la Rade en tunnel immergé avec des impacts directs et permanents se traduisant par la perte de surface de ces sites due à la présence même du tunnel, ces surfaces sont de 2 300 m2 pour le site du Plonjon et de 5 900 m2 pour celui des Pâquis soit respectivement 25% et 40%» (Ecotec, page 152). Une voie romaine sera traversée par le tunnel de Frontenex.
g) Pêche:
Les impacts sur la pêche professionnelle sont importants: pendant la durée des travaux, le secteur touché est celui où les pêcheurs réalisent 70% de leur chiffre d'affaires. «Ces travaux occasionneront donc probablement une diminution du revenu des pêcheurs professionnels de la Rade» (Ecotec, page 303). «L'impact principal consiste en une perte nette d'environ 5,5 ha de surface exploitable pendant les travaux», id., page 305).
h) Avifaune aquatique (oiseaux):
«La convergence des rives du Petit-Lac fonctionne comme un goulet orienté selon l'axe principal de la migration des oiseaux en automne. Les problèmes de déviation de trajectoire et de collision ne se posent donc pas uniquement pour les oiseaux liés au milieu lacustre, mais également pour tous les autres migrateurs. Si les cas de collisions contre les lignes électriques sont bien documentés, ceux contre des câbles de pont haubanés semblent peu connus.» «C'est pourquoi le projet de pont prévoit un éclairage en conséquence à cet égard» ( Ecoscan, page 437).
i) Phase de travaux:
L'aménagement de l'île dans le projet «pont» correspond à une plate-forme d'environ 10 000 m2. «Environ la moitié (550 000 m3) des matériaux nécessaires à l'aménagement des îles sera amené par camion, par l'autoroute et la route de Lausanne» (Ecoscan, page 442) Le trafic généré par le chantier représente environ 160 000 trajets sur la route de Lausanne pendant 2 à 4 ans, et 50 000 trajets sur une année dans la région de Frontenex (Ecoscan, page 393). On peut se demander si cette île n'est pas créée dans le but d'une simple décharge, ce qui va à l'encontre des objectifs de protection des sites naturels.
3. Les raisons d'un refus d'une traversée de la Rade
De nombreux groupements et associations ont déjà exprimé les plus vives critiques à l'égard des projets de traversée du Petit-Lac. Le conseil municipal de la Ville de Genève a voté une motion et un arrêté pour informer la population sur les méfaits de la traversée sur le territoire de la ville. Parmi les arguments avancés contre la traversée, ceux du comité «Sauvons la Rade» nous paraissent les plus développés et les plus solides, raison pour laquelle ils sont présents en annexe à ce rapport.
Un coût exorbitant
Une somme largement supérieure à un milliard de francs pour réaliser une traversée du lac et les raccordements nécessaires (notamment la traversée en tunnel entre le Plateau de Frontenex et Vallard), pour une cohérence sur le plan de la circulation, nous paraît démesurée par rapport au bénéfice réel d'une traversée pour le bien de la population.
Une charge supplémentaire considérable pour les contribuables
Le financement met à la charge du canton l'intégralité des coûts de la traversée. Ni le péage, ni la participation de la Confédération ne sont acquis aujourd'hui. L'emprunt public envisagé alourdi la dette cantonale (déjà près de 9 milliards) alors que le Conseil d'Etat a imposé des mesures restrictives sur les finances publiques très sévères depuis plusieurs années. L'augmentation de 50% de l'impôt-auto ne suffira pas et les impôts ordinaires devront également être augmenté car la charge des intérêts et amortissements viendra alourdir considérablement le budget, si la loi sur les transports publics est respectée.
Un doublet de l'autoroute de contournement
En fait, la traversée de la Rade est devenue une nouvelle autoroute de transit de 5,5 km avec la perpective de relier le réseau autoroutier suisse au réseau autoroutier français. Alors que l'autoroute de contournement a été choisie à l'époque en lieu et place d'une traversée de la Rade, l'actuel projet revient aujourd'hui à cette solution écartée à l'unanimité par ce Grand Conseil avec un risque majeur d'accroître le trafic dans l'agglomération urbaine, comme les rapports d'impact cités le confirment.
De graves atteintes à la qualité de vie
La pollution de l'air va croître contrairement aux mesures recommandées par l'OPair, article 31. Si la situation pouvait s'améliorer dans l'hypercentre, la charge globale sera en augmentation, ce qui va à l'inverse des mesures indispensable pour la protection de la santé des habitants et de l'environnement. Les normes de l'OPB restent trop élevées sur une grande partie du réseau routier genevois et la charge globale de trafic qui sera augmentée ne contribuera pas à régler ce problème sans des coûts élevés.
Un site de renommée mondiale est atteint
La beauté du site de la Rade et de ses environs sont reconnus site d'importance nationale. L'ouvrage en pont modifiera de façon considérable ce site splendide pour les beaux yeux de ceux qui rêvent à la Genève méga-cité de 800 000 habitants. Ce projet mégalomane est une menace pour la protection des monuments et sites.
Un projet «utile» pour une minorité
Seule une petite partie des pendulaires bénéficiera de la traversée pour un gain de temps maximum de quelques minutes et aux heures de pointe seulement! La grande majorité de population n'utilisera que rarement cette traversée si l'on observe les mouvements de circulation globaux dans le canton. L'axe de la traversée en rapport à la répartition géographique des habitants et des emplois montre que cette traversée ne répond à aucun besoin prioritaire du point de vue de la circulation pour l'ensemble de la population et favorisera surtout le trafic de transit régional.
Le développement des transports publics menacé
A l'évidence, l'application de la loi de l988 sur les transports publics est remise en question, voire remise aux calendes grecques. Le financement de la traversée de la Rade entre en conflit avec la réalisation du développement des transports publics, lesquels sont la seule garantie à terme d'une amélioration du trafic et de la qualité de vie en ville. Les mesures d'accompagnement, et plus particulièrement la réalisation des parkings d'échange (P+R) à l'entrée de la ville, favorisant le transfert modal, auront une bien plus grande efficacité sur la protection de l'environnement, la réduction du trafic en ville et la fluidité du trafic urbain. Il est nécessaire de rappeler ici que sans une diminution globale de la circulation automobile dans la zone urbaine, la charge polluante restera importante encore longtemps.
La qualité de vie en ville aggravée et une détérioration des conditionsde circulation
Les rapports d'impact mettent en évidence le fait que non seulement les projets envisagés ne vont pas améliorer les conditions de circulation dans le canton et en ville plus précisément mais au contraire les aggraver, ce qui démontre que seule une réduction du trafic par un transfert modal au profit des transports publics est de nature à améliorer la situation.
De plus, les rapports d'impact mettent en évidence la nécessité impérieuse de prendre des mesures d'accompagnement en ville si l'on veut atteindre les objectifs recherchés, à savoir décharger les quais (une des conditions de l'initiative), décharger le pont du Mont-Blanc et le centre-ville d'une partie importante du trafic automobile.
Or, non seulement les projets de loi soumis à l'approbation du Grand Conseil ne sont pas liés aux investissements considérés comme indispensables par les auteurs des rapports d'impact (développement de certaines lignes de TPG et réalisation des parkings d'échange) mais encore et surtout les projets ne prévoient pas la mise en place de la moindre mesure d'accompagnement, dont on peut au demeurant sérieusement douter qu'elles soient effectivement réalisées au vu de l'expérience des rues marchandes en ville ou de plans tels que «Tout doux les Pâquis».
Une relance pour le moins discutable
Bien sûr qu'un investissement de l'ordre du milliard de francs va avoir des effets bénéfiques sur l'emploi. Mais nous prétendons que l'effort pourrait être engagé ailleurs avec de meilleurs résultats sur l'activité économique à plus long terme. Par exemple, le développement de l'économie «verte» (économies d'énergie, énergies renouvelables, protection de l'environnement, etc.), la rénovation du parc immobilier, le développement des transports publics, mesures faisant appel à une multitude d'entreprises, ont des effets induits de longue portée et seraient bien plus bénéfiques à l'économie genevoise que le seul créneau du secteur de génie civil, réservé de surcroît à quelques grosses entreprises seulement. De plus, l'ouverture des marchés ne garantit absolument pas la création d'emplois pour la population genevoise. Nous voulons des emplois stables à long terme et non pas sur quatre ou cinq ans!
Pour conclure, toutes ces raisons nous amènent, Mesdames et Messieurs les députés, à vous recommander de renoncer à un projet de traversée de la Rade aujourd'hui. La situation économique du canton en l996 n'est plus celle de 1988! La crise a profondément modifié les données du problème et la population saura tranché entre le rêve de l988 et la réalité de 1996. Nous préconisons en conséquence que notre Grand Conseil recommande au peuple de rejeter l'initiative 16 et les deux projets de loi visant à la concrétiser, projets auxquels nous proposons néanmoins les amendements ci-après pour qu'ils répondent aux exigences de notre législation:
- soit l'un regroupant en un seul crédit la totalité du coût de chaque ouvrage, puisque le prolongement de la traversée de la Rade jusqu'au Plateau de Frontenex est indispensable, de l'avis tant du Conseil d'Etat que des experts;
- soit la dislocation du montant demandé en un crédit de suite d'étude et un crédit de construction, pour se conformer aux exigences de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat;
- soit la présentation conforme à la loi du 15 mai 1992 et aux articles 4/5 et suivants LCP de l'augmentation de 50% de l'impôt sur les véhicules à moteur avec pour effet de modifier les projets de loi 7259 et 7260 comme suit:
Propositions d'amendements:
(PL 7259)
Article 1
Crédit d'étude et d'investissement
Il est ouvert au Conseil d'Etat:
- un crédit d'étude complémentaire de 25 000 000 F
- et un crédit de construction de 685 000 000 F, soit 710 000 000 F au total pour la réalisation de la traversée de la Rade en tunnel (moyenne traversée) entre l'avenue de France et le Port-Noir, y compris le raccordement en tunnel au Plateau de Frontenex.
Article 3
Couverture financière
1 Les charges en intérêts et en amortissements de l'investissement lié au tunnel reliant l'avenue de France au Port-Noir, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du relèvement de 50% des barèmes arrondis au franc supérieur de l'impôt sur les véhicules à moteur.
2 Ce prélèvement de 50% sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 30 ans.
3 Le pourcentage de relèvement de l'impôt sur les véhicules à moteur et/ou la durée d'amortissement seront réduits par le Conseil d'Etat proportionnellement à la participation au financement de l'ouvrage résultant d'une subvention de la Confédération ou du produit d'un péage.
4 Le financement du raccordement en tunnel entre le Port-Noir et le Plateau de Frontenex est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et amortissements sont à couvrir par l'impôt.
(PL 7260)
Article 1
Crédit d'étude et d'investissement
Il est ouvert au Conseil d'Etat:
- un crédit d'étude complémentaire de 25 000 000 F
- et un crédit de construction de 655 000 000 F, soit au total 680 000 000 F pour la réalisation de la traversée de la Rade en pont (grande traversée) entre le Reposoir et Genève-Plage, y compris le raccordement en tunnel au Plateau de Frontenex.
Article 3
Couverture financière
1 Les charges en intérêts et en amortissements de l'investissement lié au pont entre le Reposoir et Genève-Plage, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du relèvement de 50% des barèmes arrondis au franc supérieur de l'impôt sur les véhicules à moteur.
2 Ce prélèvement de 50% sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 30 ans.
3 Le pourcentage du relèvement de l'impôt sur les véhicules à moteur et/ou la durée d'amortissement seront réduits par le Conseil d'Etat proportionnellement à la participation au financement de l'ouvrage résultant d'une subvention de la Confédération ou du produit d'un péage.
4 Le financement du raccordement en tunnel entre Genève-Plage et le Plateau de Frontenex est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Nous souhaitons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserviez un accueil favorable à nos propositions d'amendements.
RAPPORT DE LA TROISIÈME MINORITÉ
Afin d'éviter des décharges d'adrénaline néfastes, je suggère aux «âmes sensibles» de renoncer à la lecture du premier paragraphe, qui est polémique tout en étant juste, et de ne prendre connaissance de ce rapport de minorité qu'à partir du deuxième paragraphe !
1. La méthode de travail... ou la mise en place par le colonel Joye d'une garde prétorienne dirigée par le «sergent-major» Burdet appliquant scrupuleusement les principes de la «démocratie militaire» !
Plus de vingt heures de travail de commission et 15 kilos de documents représentant environ 2 000 pages nous ont été remis ! Quantitativement, la commission des travaux a donc fourni un travail tout à fait respectable. Se pose cependant la question de savoir quelle était la qualité du travail fourni par la commission.
Sur le plan juridique, tout d'abord. Après avoir assisté à une audition extrêmement instructive du professeur Aubert et de Me Manfrini qui montraient la complexité de la matière, la commission a consacré 15 petites minutes de discussion à ce sujet épineux. En fait, il s'est agi d'un bref échange de paroles entre le soussigné et le juriste du département.
En ce qui concerne l'analyse de l'impact de la traversée, plus particulièrement en matière de circulation, de pollution et de bruit, la commission a eu 5 jours pour lire et digérer les 1 000 pages des deux études d'impact, et 30 minutes pour poser des questions aux deux groupes mandataires dont chacun n'a eu que 30 minutes pour présenter les 500 pages de son étude d'impact d'un coût de 1 million de francs. Lors de la séance suivante, on nous a accordé encore une fois une heure pour pouvoir poser des questions au sujet des études d'impact sur l'environnement.
Non seulement ce forcing ne permettrait pas un travail sérieux dans la commission, mais il a également constitué un affront à l'égard des mandataires qui ont reçu le 18 décembre 1995 le cahier des charges et le 15 janvier 1996 - quatre semaines plus tard, Noël et Nouvel-An compris - ils devaient livrer l'étude d'impact de 500 pages ! Pour discréditer l'Etat, on ne peut guère faire mieux !
En résumé, deux heures d'audition et un quart d'heure de discussion pour le problème juridique, et pour les problèmes d'impact une heure et demie de présentation suivie d'une heure et demie de questions... Le reste, des auditions où les personnes auditionnées donnaient des informations que tout le monde connaissait déjà ou elles nous disaient qu'elles attendaient, comme nous, les études d'impact. L'organisation des travaux de la commission n'a donc guère permis un travail de qualité.
La situation était encore pire en ce qui concerne le fonctionnement qui était aussi éloigné de la démocratie que l'est la musique militaire d'une symphonie de Mozart. Ainsi, malgré les accords entre les partis de l'Entente et le parti socialiste, nos vaillants soldats de la garde prétorienne ont remplacé le candidat à la présidence du parti socialiste par leur fidèle serviteur, le «sergent-major» Burdet. Ce n'était que le premier d'une longue série de coups de force parmi lesquels on peut mentionner la suppression du débat approfondi sur la problématique juridique, pourtant accepté par la commission, qui s'est vu réduit à un petit échange d'un quart d'heure.
Passons sur les nombreuses petites mesquineries pour arriver à la dernière séance de commission du 30 janvier 1996. Brusquement, vers 18 h, M. Burdet voit «rouge», décide d'arrêter la discussion, donne l'ordre aux fonctionnaires d'évacuer les lieux, refuse de donner suite à la demande d'auditionner M. Deriaz qui a fait tous les scénarios concernant la circulation et passe aux votes. La manière de voter était par moment tellement incompréhensible, y compris pour les députés de l'Entente, qu'ils se trompaient. Cela ne posait cependant pas de problème car M. Burdet ne voyait aucun problème pour annuler des votes qui n'étaient pas conformes à ses prévisions et aux décisions du département.
Ce mode de fonctionnement est d'autant plus regrettable qu'il aurait été parfaitement possible de repousser le débat du Grand Conseil à fin mars, tout en maintenant la date de votation du 9 juin.
Terminons quand même sur une note positive... en ce qui concerne le conseiller d'Etat Haegi. C'est grâce à lui et au service cantonal d'écotoxicologie que des études d'impact ont été faites ! En effet, était-ce de l'ignorance, du mépris de la loi ou de la simple légèreté - toujours est-il que M. Joye était d'avis, lors de la séance de commission du 26 septembre, que nous étions en possesion de tous les documents nécessaires pour pouvoir voter ces lois mi-novembre (voir procès-verbal n° 40). Heureusement, M. Haegi a assisté à la séance du 17 octobre pour expliquer à M. Joye la procédure à suivre en matière de construction d'une oeuvre majeure comme la traversée de la Rade et l'obligation légale de fournir une étude d'impact digne de ce nom. Je tiens donc à remercier M. Haegi et le service cantonal d'écotoxicologie pour cette mise au point extrêmement précieuse.
2. Les problèmes juridique concernant la procédure de vote...ou comment aligner des noix sur un bâton
a) La principale question est de savoir si nous nous trouvons actuellement au stade d'un crédit d'étude ou d'un crédit de construction. Aussi bien les déclarations de Me Manfrini que l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 1989 (voir Annexe 18) indiquent que la votation de juin 1996 doit porter sur un crédit d'étude.
Ainsi, Me Manfrini (procès-verbal n° 47) estime que «les crédits de construction ne peuvent être votés que pour des travaux entièrement étudiés, faute de quoi il y a des étapes intermédiaires prévues par cette même loi.» ... «Si l'on passe à un crédit de construction, cela présuppose aussi qu'il faut que l'étude d'impact ait été exécutée» (ce qui, de l'avis de tout le monde, n'est pas le cas, car l'étude d'impact deuxième étape d'un coût approximatif de 25 millions de francs reste à faire - note du rapporteur). «S'il n'a pas été possible d'accomplir complètement une étude d'impact, c'est une violation du droit cantonal et fédéral.»
L'arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 1989 (voir Annexe 18) est encore plus clair. «Enfin, invité par le peuple à légiférer sur l'ouverture d'un crédit (par l'acceptation de l'initiative en 1988 - note du rapporteur), le Grand Conseil peut suivre les principes de la loi sur le financement des travaux d'utilité publique: il peut ouvrir, successivement, un crédit pour l'étude d'un ou de plusieurs avant-projets (crédit voté en avril 1992 permettant le concours - note du rapporteur), puis un crédit pour l'étude d'un projet d'exécution et, enfin, un crédit pour la réalisation, en soumettant chaque fois la loi à l'approbation du corps électoral». Il est donc parfaitement choquant que la majorité de la commission ait refusé toute discussion de l'exposé de Me Manfrini et de l'arrêt du Tribunal fédéral. Ce fonctionnement totalitaire est d'autant plus incompréhensible que le Conseil d'Etat lui-même a proposé ce mode de faire lorsqu'il a présenté, pour la première fois le 12 avril 1995, les projets de loi pour la traversée de la Rade.
b) La situation au sujet du tunnel de raccordement de Frontenex n'est guère plus simple. Tous les avis concordent pour dire qu'en matière de circulation, le raccordement de Frontenex constitue un élément indispensable sans lequel la traversée de la Rade n'a que des effets négatifs (voir chapitre 3 de notre rapport). De plus, selon l'initiative, «l'ouvrage devra permettre de décharger les quais», un objectif qui ne peut être atteint sans le tunnel de raccordement de Frontenex. La seule manière cohérente de procéder consisterait donc à présenter non pas quatre projets de lois mais deux projets de lois, un premier concernant le tunnel avec raccordement et un deuxième concernant le pont avec raccordement. Aussi bien Me Manfrini que le professeur Aubert estiment que l'intégration du tunnel de raccordement dans la loi demandant un crédit de construction pour concrétiser l'initiative constitue une solution juridiquement possible. Par conséquent, selon le professeur Aubert, «ce sera une question purement politique» (procès-verbal n° 47).
c) Il faut également mentionner le fait que la Rade de Genève fait partie, selon l'ordonnance sur les sites construits, du 9 septembre 1981 en application de l'article 5 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, des sites protégés (Inventar der schützenswerten Ortsbilder der Schweiz ou ISOS). Le canton ne doit-il pas demander une autorisation à la commission d'experts d'ISOS pour une transformation aussi importante que la construction d'un pont sur la Rade ? Cette question a été soulevée par M. Blondel, ancien député libéral et auditionné en tant que porte-parole de la Société d'art public. Le département n'a jamais répondu à cette question, elle reste donc posée.
d) Enfin, aussi bien l'idée de présenter un contreprojet direct (l'ancienne législation, à laquelle l'initiative sur la traversée de la rade est juridiquement soumise, ne prévoit pas la possibilité d'un contreprojet direct) que la proposition d'ajouter une question subsidiaire (en cas de double oui, lequel des deux projets a-t-il votre préférence ?) demandent, selon le professeur Aubert, des «efforts d'interprétation qui ne vont pas de soi: l'un sur la possibilité d'opposer, dans l'ancien droit, un contreprojet à une initiative non formulée»... et un autre «sur la possibilité d'appliquer le nouveau droit à la manière de voter (concerne la question subsidiaire - note du rapporteur). Il n'est pas certain que ces «efforts» rencontrent l'approbation du Tribunal fédéral» (Annexe 17).
e) Une dernière interrogation concerne les conditions dans lesquelles les études d'impact ont été élaborées. En effet, il est parfaitement inadmissible que les études d'impact aient été faites dans un cadre de concours et de concurrence. Si, dans certaines conditions, la concurrence peut favoriser la qualité, il y en a d'autres où elle va de pair, non pas avec des mensonges, mais avec des omissions et avec des imprécisions coupables.
Les bureaux qui ont fait les études d'impact de la traversée de la Rade étaient donc, de par leur mise en concurrence, incités à minimiser les effets négatifs. Ont-ils succombé à cette incitation ? On a fortement l'impression que l'étude d'impact du pont cache très nettement les problèmes de circulation au niveau de la moyenne ceinture.
Nous ne pouvons donc accepter que l'étude d'impact du pont et du tunnel n'ait pas été exécutée par le même bureau, qui aurait appliqué rigoureusement les mêmes calculs pour les deux projets et qui n'aurait pas été soumis à une pression sournoise, mais réelle, pour favoriser son projet aux dépens de celui des autres.
Sur le plan juridique, il nous semble que nous ne sommes plus en présence d'un simple «effort d'interprétation», comme le dit pudiquement le professeur Aubert, mais plutôt en présence d'une violation de la loi. Tout en précisant que les Verts souhaitent que le peuple se prononce en juin 1996 sur la traversée de la Rade, ce serait presque un miracle qu'il n'y ait pas de recours, tellement la construction juridique de cette procédure de vote est discutable et en contradiction avec le cadre légal.
3. La traversée de la Rade et la circulation
a) La traversée de la rade, moyennant les mesures d'accompagnement et le raccordement de Frontenex, déplace la circulation et les nuisances du centre vers la moyenne ceinture: Frontenex, Malagnou, Champel, Carouge, Grand-Lancy, Pont-Butin, avenue Wendt, rue Hoffmann, rue de Vermont (Annexes 19 et 20). Elle accentue un mouvement qui commencera à se faire sentir dès l'année 1997 avec l'ouverture de l'autoroute de contournement de PLO (Annexe 21). Ainsi, selon les tableaux de la page 29 de l'étude d'impact du tunnel, la circulation augmente: avenue Wendt +28%, route de Chancy au Petit-Lancy +10%, route de Saint-Julien à Carouge +31%, route de Vessy +35%, avenue Louis-Aubert +33%, route de Malagnou +30%.
En matière de fluidité de la circulation, relevons que la capacité de saturation de tous les carrefours de la moyenne ceinture, et cela pratiquement sans exception aucune, est dépassée aux heures de pointe du matin (Annexe 33). Par ailleurs, les auteurs de l'étude d'impact estiment que «le fonctionnement de la majorité des carrefours sur la moyenne ceinture n'est pas assuré» (étude d'impact, tunnel, page 27). Plus grave encore, la rétention à l'heure de pointe du matin sur la place Albert-Thomas reste identique, aux alentours de 30 à 35%, par rapport à la situation actuelle. L'entrée en ville de Genève aux heures de pointe ne sera donc en aucun cas facilitée.
Le désastre en matière de circulation est tel que les mandataires de l'étude d'impact du tunnel estiment à la page 30 de leur rapport que
«les analyses du trafic montrent que la traversée de la Rade et les mesures d'accompagnement «C-Rade» génèrent un important trafic sur la moyenne ceinture. Sur la base des aménagements connus à l'ouverture du contournement autoroutier de Plan-les-Ouates, on constate que la capacité de la moyenne ceinture est dépassée. Pour assurer le bon fonctionnement de la moyenne ceinture, il est indispensable de prendre des mesures concertées comme lors de chaque grande réalisation. On distinguera par ordre chronologique:
- le contournement autoroutier de PLO;
- le développement des transports en commun (y compris l'extension du réseau du tram et la construction du métro léger, selon l'affirmation des auteurs de l'étude faite lors de la séance de la commission du 23 janvier 1996);
- la traversée de la Rade.
Selon M. Wittmer et les mandataires, le problème est identique pour le pont.
Précisons à ce sujet qu'il est faux de prétendre que la mise en place d'un métro léger nécessite la construction d'une traversée de la Rade. En effet, dans un premier temps, cette liaison peut utiliser la voie 16 (rue du Stand - pont de la Coulouvrenière) et dans un deuxième temps, on peut envisager un élargissement du pont du Mont-Blanc pour pouvoir y mettre les rails du métro léger.
En revanche, le développement des transports publics permet de diminuer partout la circulation et les nuisances. En effet, le plan «Circulation 2000» d'août 1992 (page 36), qui concrétise le plan OPair, prévoit sans la construction de la traversée de la Rade, une très forte diminution de la circulation:
- centre-ville -51%,
- Genève et Carouge -45%,
- canton -27%
Les chiffres correspondants pour la traversée de la Rade (Analyse du trafic, heure de pointe du matin, décembre 1995, Blaise Deriaz):
- hypercentre -33%
- Genève et Carouge 0%
- canton +26%
Le développement des transports publics permet donc non seulement de diminuer la circulation et les nuisances dans tout le canton mais même pour décharger le centre-ville, les transports publics sont plus efficaces que la traversée de la Rade.
b) L'impact du tunnel et du pont en matière de circulation est globalement similaire, sauf en ce qui concerne le périmètre restreint de l'accrochage sur la rive droite.
Ainsi, la différence de charge au niveau du cordon de Genève et de Carouge pour le trafic journalier ouvrable moyen (TJOM) n'est que de quelques pour-cent: 413 700 voitures pour le pont et 429 300 pour le tunnel (Analyse du trafic, décembre 1995, Blaise Dériaz).
En ce qui concerne l'utilisation de la traversée, la différence est également assez minime: aux heures de pointe, le pont est un peu plus utilisé (5 981 véhicules sur le pont contre 5 505 dans le tunnel) mais pendant la journée, il y a un peu plus de voitures dans le tunnel (4 336) que sur le pont (4 089) (Analyse du trafic, décembre 1995, Blase Dériaz).
Enfin, même M. Wittwer, de l'OCT, «fait remarquer que les charges (du pont et du tunnel - note du rapporteur) sont pratiquement les mêmes» (procès-verbal n° 56) du 23 janvier 1996).
c) Sans mesures d'accompagnement, les effets de la traversée de la rade sont insignifiants.
En effet, une traversée de la Rade sans les mesures d'accompagnement entraînerait, pour le TJOM, une diminution de la circulation dans l'hypercentre de seulement 2,5%... on est loin des 25% prévus avec les mesures C-Rade ! Sachant la difficulté de leur mise en place, particulièrement à cause des nombreuses oppositions des milieux automobilistes - rappelons que les mesures d'accompagnement C93 de l'autoroute de contournement ne sont pas encore appliquées dans leur totalité - il est fort probable qu'elles ne verront le jour que très partiellement et que les effets positifs de la traversée de la Rade sont donc très nettement exagérés.
d) Selon Blaise Dériaz, qui a fourni les documents de base pour calculer les effets de la traversée de la Rade en matière de circulation, de pollution et de bruit, la liaison avec Frontenex «paraît primordiale et indispensable».
Ainsi «une bonne partie du trafic d'Arve-et-Lac avec la rive droite ne peut plus, sans liaison, atteindre facilement la traversée, il reste sur le pont du Mont-Blanc. Comme la capacité de ce dernier est diminuée par les mesures, le trafic des Eaux-Vives avec la rive droite se trouve piégé et se tourne vers la traversée. L'organisation des flux sans liaison est totalement illogique et aberrante puisque ceux venant de l'extérieur (Arve-et-Lac) continuent de passer par le centre alors que ceux de la ville (Eaux-Vives) prennent par l'extérieur !» (Analyse du trafic, décembre 1995, Blaise Dériaz).
L'étude d'impact pour le tunnel arrive à la même conclusion: «Si la liaison avec le Plateau de Frontenex n'est pas réalisée, le fonctionnement de l'accrochage sur la rive droite n'est pas assuré... La traversée de la Rade sans la liaison sur le Plateau de Frontenex ne peut être envisagée que comme une étape provisoire, en attendant la construction de la liaison dans le but de garantir l'organisation logique des circulations sur la rive gauche» (étude d'impact, tunnel, pages 32, 33).
4. La traversée de la Rade et l'impact sur l'environnement
a) Les nuisances augmentent sur la moyenne ceinture
L'Annexe 24 montre la différence entre la situation actuelle et l'ouverture du contournement de PLO avec les mesures d'accompagnement. Les Annexes 22 et 23 comparent la situation après la construction de la traversée de la Rade plus le raccordement de Frontenex et les mesures d'accompagnement avec la situation après l'ouverture de l'autoroute de contournement de PLO en 1997. Ces documents illustrent parfaitement bien le déplacement de la pollution qui, pour diminuer au centre-ville, se répand et augmente dans les quartiers périphériques de la ville et dans les régions suburbaines.
Si on compare maintenant les différents niveaux de pollution en 2005 avec (Annexes 28, 29) et sans traversée de la Rade (Annexe 27), on constate que leur différence est faible, surtout en regard de la situation actuelle (Annexe 25). L'assainissement - quoique tout relatif, la pollution continue à dépasser les normes fédérales - n'est donc pas attribuable aux effets de la traversée de la Rade mais à la généralisation du catalyseur.
En ce qui concerne le bruit, le phénomène est évidemment similaire. Rappelons qu'une augmentation du bruit de 3 dB(A) constitue un doublement de son intensité et signifie une augmentation de la circulation d'environ 50%. Ainsi, selon l'étude d'impact du pont (Annexe 32) le bruit augmente entre 1 et 3dB(A) aux endroits suivants: chemin de Grange-Falquet, chemin de la Montagne, chemin de la Gradelle, route de J.-J.-Rigaud, chemin de la Seymaz; rue des Eaux-Vives, place des Eaux-Vives, rue Adrien-Lachenal; avenue de la Paix, rue de Vermont; route de Lausanne, route de Chambésy, route de Prégny, chemin de la Palud, route des Romelles.
Le gain au centre de la ville est donc payé par les habitants des Eaux-Vives, de la Gradelle, de Chêne-Bougeries, de Malagnou, de Champel, de Carouge, de Lancy, du haut de la Servette, de Sécheron et de Prégny-Chambésy.
b) La traversée de la Rade et l'emploi
Il est indéniable que l'injection de 1 milliard de francs - le coût réel de la traversée de la Rade - dans le bâtiment permet de maintenir, voire de créer des places de travail. Il est également indiscutable que l'industrie du bâtiment, avec la fin du chantier de l'autoroute de contournement de PLO et du complexe immobilier des Charmilles, sera confrontée, dans les années à venir, à une importante surcapacité de production.
Il est cependant tout aussi évident que l'extension du réseau des transports publics permet de maintenir l'appareil de production du bâtiment autant que la construction de la traversée de la Rade.
Rappelons à ce sujet que personne ne demande le statu quo en matière de circulation. La question qui se pose est de savoir si, pendant les dix ans à venir, il faut construire une traversée de la Rade ou s'atteler à l'extension du réseau des transports publics. Il ne s'agit donc pas de ne rien faire, mais de choisir, et force est de constater que le choix de l'extension du réseau des transports publics permet de maintenir autant de places de travail que la construction de la traversée de la Rade.
c) La période du chantier
La construction du tunnel signifie que nous aurons pendant quatre à cinq ans l'équivalent du chantier de l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates aux Pâquis. En plus, il y aura 150 camions sur les deux rives qui feront chaque jour plus de mille trajets vers les gares de Sécheron et des Eaux-Vives. Une horreur pour les habitants de Sécheron, des Pâquis et des Eaux-Vives !
Enfin, selon le service cantonal d'écotoxicologie, «les impacts sur les eaux de la Rade seront relativement importants en ce qui concerne la turbidité», ce qui posera des problèmes certains pour la pêche.
d) Une densification de Frontenex et de la Gradelle
Avec la construction d'une traversée de la Rade nous assisterons inévitablement à une extension du tissu urbain avec une importante densification sur le Plateau de Frontenex et dans la région de Grange-Canal. Est-ce souhaitable ? Malheureusement, nous ne possédons pas de plan directeur d'un projet d'urbanisme pour cette région. Une fois de plus, l'Etat met «la charrue avant les boeufs». A la place de définir, dans un premier temps, un projet urbanistique d'avenir et d'envergure dans lequel les infrastructures de transport pourraient s'insérer, on envisage de construire une traversée de la Rade et la réflexion urbanistique ne viendra que dans un deuxième temps.
e) Qui utilisera la traversée de la Rade?
Les ponts actuellement existants sont orientés dans le sens nord-sud. En revanche, la traversée de la Rade assure une liaison est-ouest. Ainsi, étant donné son orientation et position géographique, la traversée de la Rade ne serait utilisée que par les personnes habitant et travaillant au nord de la ligne route de Meyrin - route de Chêne. On arrive ainsi à la constatation surprenante qu'il y a d'un côté ceux qui, tout en n'ayant pas l'occasion d'utiliser la traversée de la Rade (Malagnou, Champel, Carouge, Lancy), auront l'augmentation de la circulation et des nuisances, et, de l'autre côté, il y a ceux qui utiliseront la traversée et n'auront aucun inconvénient.
f) Le pont et l'esthétique
Laissons parler M. Blondel, ancien député libéral et porte-parole de la Société d'art publique: «Les mâts seront d'une hauteur comparable à celle du jet d'eau et les haubans, en raison de la courbure du pont, bien loin d'offir la transparence désirée, offriront une opacité bien réelle... L'ouvrage proposé n'aura l'aspect d'un pont que sur une faible partie de sa longueur totale, les avancées dans le lac constitueront de vrais barrages et la transparence escomptée sera illusoire» (texte remis par M. Blondel lors de l'audition du 28 novembre 1995).
En ce qui concerne la justesse des photomontages présentés par le comité de l'Entente contre le pont (le regroupement pour la sauvegarde de la Rade et du Petit-Lac), celle-ci a été reconnue explicitement par M. Joye lui-même (procès-verbal n° 45).
Avec le pont, nous assistons donc à la destruction d'un des plus beaux sites du monde. Imaginons un seul instant que les habitants de Zermatt construisent un téléphérique pour monter au Cervin !
g) Le tunnel, une autoroute dans la ville
Si l'impact du tunnel et du pont est identique en ce qui concerne le déplacement de la circulation du centre vers la moyenne ceinture, force est de constater que la situation est totalement différente en ce qui concerne l'ancrage sur la rive droite. En effet, l'ancrage du tunnel suppose une autoroute au centre de la ville, de surcroît à côté d'une école (école de Sécheron), une solution tellement aberrante que le jury l'a écartée pratiquement à l'unanimité et que le professeur Bovy, l'expert principal mandaté par le Conseil d'Etat et la Ville de Genève, l'a qualifiée de «la plus catastrophique».
Enfin, il faut être conscient que la solution du tunnel impliquerait probablement tôt ou tard la construction d'un tunnel sous le Grand-Saconnex car la capacité du réseau routier dans cette région aurait rapidement atteint son degré de saturation.
5. La traversée de la Rade et les aspects financiers
a) Le coût réel de la traversée de la Rade: 1 milliard de francs
La traversée rive à rive coûte environ 500 millions de francs, le raccordement à Frontenex 250 millions et si on ajoute tous les imprévus qui sont inévitables pour un tel ouvrage, les mesures d'assainissement que les mandataires du pont estiment à 70 millions de francs ainsi que les mesures d'accompagnement, y compris en matière d'infrastructure routière au niveau de la moyenne ceinture (particulièrement dans la région de la Gradelle, de Grange-Canal, de l'Amandolier et de Malagnou), nous sommes bien obligés d'admettre que le coût final de la traversée - pont ou tunnel - s'élève à 1 milliard de francs.
b) Le péage et la subvention de la Confédération sont une illusion
Le péage nécessite une décision de la Confédération et implique probablement un changement de la constitution; il est évident qu'une telle décision ne peut être prise uniquement pour la traversée de la Rade, le Sonderfall Genf a ses limites ! Une telle décision sera prise pour toute la Suisse et demandera donc de longues et fastidieuses discussions au niveau fédéral.
Ensuite, où installera-t-on les boxes de péage pour les automobilistes qui ne possèdent pas un abonnement électronique ? Enfin, rappelons qu'un seul passage par la traversée coûterait au moins 3 F... un montant qui ferait évidemment diminuer singulièrement l'utilisation de la traversée.
La subvention est encore plus illusoire car, pour que la Confédération puisse entrer en matière, il faut que l'ouvrage soit connecté au réseau suisse des routes principales, à savoir l'autoroute de contournement et l'autoroute Blanche.
c) Le financement: entièrement à la charge des habitants de Genève
L'investissement pour l'ouvrage rive à rive s'élève environ à 100 millions de francs par année pendant cinq à six ans et celui pour la raccordement à Frontenex environ à 50 millions de francs par année, également pendant cinq à six ans. L'investissement annuel total s'élève ainsi à 150 millions de francs. Si l'investissement de l'ouvrage rive à rive n'entre pas dans le budget officiel - il se pratique en quelque sorte hors budget - l'investissement du raccordement de Frontenex est prélevé sur le budget d'investissement ordinaire net dont le montant est limité à 250 millions de francs selon le plan quadriennal du 2 septembre 1992.
Les frais de fonctionnement, à savoir l'amortissement des investissements et les frais d'exploitation, s'élèvent à environ 50 millions de francs par année et cela pendant 30 ans: il s'agit des 25 millions de francs pour l'amortissement de l'ouvrage rive à rive (financé par le doublement de l'impôt-auto), des 15 millions de francs pour l'amortissement du raccordement de Frontenex et des 5 millions pour les frais d'exploitation.
d) Ce montage financier pose deux questions
1. Ce milliard, est-il bien investi ?
Comme nous l'avons déjà expliqué, en investissant la même somme dans l'extension du réseau des transports publics, nous aurions un résultat infiniment plus intéressant en matière de circulation, de bruit et de pollution.
2. La construction de la Rade implique-t-elle des renoncements dans d'autres domaines ?
Rappelons qu'elle implique une augmentation des frais de fonctionnement de 50 millions de francs par année, une augmentation qui pèse très lourdement dans la situation budgétaire actuelle et impliquerait une restriction budgétaire dans le domaine de la santé, du social et de l'éducation, des secteurs auxquels on a déjà demandé de gros sacrifices.
Plus grave encore, en matière d'investissement, elle entrerait en contradiction frontale avec l'extension du réseau des transports publics. En effet, la fin de son extension avec un métro léger entre Annemasse et Meyrin est prévue, selon la loi, pour dans moins de 10 ans, à savoir pour l'an 2005. Selon le rapport de la commission des transports accompagnant la motion 1036, sa réalisation demande 535 millions de francs, à savoir 67 millions par année. La priorité de ce projet a été réaffirmée par le Grand Conseil en votant la motion 1036 lors de la séance de janvier 1996 et en étant conscient que cette motion entre, sur le plan financier, en contradiction avec la construction de la traversée de la Rade. En ajoutant à ces 67 millions de francs les 50 millions pour le raccordement de Frontenex, on constate qu'environ 125 millions de francs seraient investis dans les transports, à savoir la moitié du budget d'investissement annuel net qui, rappelons-le, a été limité par le plan quadriennal du 2 septembre 1992 à 250 millions de francs. Cela n'est évidemment pas possible. Nous sommes donc bien obligés de choisir entre l'extension du réseau des transports publics et la traversée de la Rade.
6. «Circulation 2000» et la traversée de la Rade
Le Conseil d'Etat prétend que le plan «Circulation 2000» n'est pas un «self-service» où on peut prendre ce qui nous arrange pour laisser ce qui nous dérange. Il y a du vrai... mais:
a) le plan directeur a également prévu un scénario sans traversée de la Rade, un scénario qui a été totalement abandonné par la suite;
b) on constate que les objectifs intermédiaires du plan «Circulation 2000» et du plan OPair - diminution des pendulaires, diminution du bruit, mesures d'accompagnement, diminution de la pollution - ne sont pas atteints;
c) comme nous venons de l'expliquer, pour des raisons financières et indépendamment de toute considération politique, il n'est plus possible de construire jusqu'en l'an 2005 et la traversée de la Rade et l'extension du réseau des trams avec le métro léger.
Il est donc inévitable de réviser le plan «Circulation 2000».
7. Comment respecter la volonté populaire et refuser la traverséede la Rade ?
Dans les faits, le Grand Conseil est appelé à se prononcer sur deux questions:
a) Les propositions de traversée de la Rade constituent-elles une concrétisation de l'initiative populaire acceptée en 1988 ? Il s'agit d'une question juridique.
b) Est-ce que vous êtes pour ou contre la traversée de la Rade. Il s'agit de toute évidence d'une question politique.
La réponse à la deuxième question ne pose évidemment pas de problème aux Verts; nous étions et nous restons opposés à toute traversée de la Rade.
En revanche, la réponse à la première question est plus délicate. Malheureusement, le climat dans la commission lors du vote final était tellement détestable qu'il n'était même pas possible de soulever ce problème.
Pour répondre à cette question, il est utile de se rappeller que l'initiative acceptée en 1988 demandait au Grand Conseil d'adopter une loi ouvrant un crédit pour la réalisation d'une traversée qui devait répondre à trois objectifs: le respect d'un périmètre, la diminution de la circulation sur les quais et une participation financière de la part de la Ville et de la Confédération.
En ce qui concerne le périmètre, seul le projet tunnel y répond; le pont se situe clairement en dehors du périmètre fixé par l'initiative.
Au sujet de la diminution de la circulation sur les quais, aussi bien le raccordement de Frontenex que les mesures d'accompagnement sont indispensables. Cependant, ni l'un ni l'autre ne figurent dans les lois concrétisant l'initiative et soumis en votation populaire.
Enfin, en matière de financement, ni la Confédération ni la Ville de Genève n'y participent.
De toute évidence les projets de loi ne répondent pas à deux des trois objectifs définis par l'initiative; ils ne constituent donc pas une concrétisation acceptable de cette dernière. Par conséquent, la réponse à la première question est également un non catégorique.
Très attachés au respect des droits populaires et pour que les projets de loi concrétisent honnêtement l'initiative, nous proposons trois amendements:
a) Pour les raisons évoquées précédemment (chapitres 2 et 3), nous proposons que les projets «raccordement» soient intégrés dans les projets «rive à rive», à savoir que le projet de loi 7261 soit intégré dans le projet de loi 7259 et que le projet de loi 7262 soit intégré dans le projet de loi 7260.
b) Au cas où cette proposition devait être refusée, nous proposons qu'un article 7 soit ajouté au projet de loi 7261 et au projet de loi 7262.
«Art. 7 La présente loi n'entre en vigueur que si le crédit pour la réalisation d'un tunnel (PL 7261) / d'un pont (PL 7262) est accepté en votation populaire.»
Précisons que nous reprenons tout simplement la proposition faite par le département lors de la séance de la commission des travaux du 9 janvier 1996.
Pour des raisons obscures qui n'ont pas été explicitées, cette proposition a été abandonnée en faveur d'un vote en deux débats des projets de loi «raccordement», le troisième débat étant prévu lors d'une séance qui aura lieu après la votation populaire du mois de juin. Cette procédure en deux débats constitue une manoeuvre absolument scandaleuse. En effet, quelle est la garantie que le raccordement vers Frontenex sera effectivement voté par le Grand Conseil au cas où le peuple accepterait une traversée de la Rade ? Il n'y en a aucune ! Le seul langage clair et honnête à l'égard de la population consiste soit à voter en trois débats les raccordements vers Frontenex soit à les refuser.
c) Nous proposons qu'on ajoute un article 6 aux projets de loi 7259 et 7260.
«Art. 6 Les mesures d'accompagnements C-Rade, d'un coût de plusieurs dizaine de millions de francs, sont mises en place en même temps que l'ouverture de la traversée de la Rade.»
En effet, aussi bien les mandataires que l'OCT et le rapport Dériaz ont insisté sur le fait que la traversée de la Rade sans les mesures d'accompagnement n'est pas envisageable.
8. Conclusion
«Il est illusoire de penser que la traversée par la Rade constitue une alternative: elle serait d'un coût prohibitif et provoquerait des dégâts irréparables à l'environnement.»
Fédération des syndicats patronaux (FSP)
Prise de position lors des votations cantonales du 15 juin 1980 concernant l'autoroute de contournement.
Une fois, n'est pas coutume, nous sommes entièrement d'accord avec la FSP.
Le problème de fond que pose la traversée de la Rade est double:
a) Pour des raisons financières, il n'est pas possible de consacrer la moitié du budget d'investissement ordinaire à des travaux d'infrastructure de transport. Nous sommes donc bien obligés de choisir entre la traversée de la Rade et l'extension du réseau des transports publics.
b) Selon l'étude d'impact sur l'environnement, la traversée de la Rade doit être précédée par la mise en place de l'extension du réseau des transports publics avec le métro léger.
Nous n'avons donc pas l'argent pour mener à bien les deux projets en même temps et les effets de la traversée de la Rade sur la moyenne ceinture nécessitent l'extension préalable du réseau de transports publics. Par conséquent, il ne nous reste qu'à abandonner la traversée de la Rade et à mettre toute notre énergie dans l'extension du réseau des transports publics.
Par ailleurs, rappelons que:
- le pont entraîne la destruction d'un des plus beau site du monde;
- le tunnel amène une autoroute au centre de la ville;
- la traversée de la Rade:
- coûte un milliard,
- est un projet mégalomane qui s'insère dans la pensée des années 1950,
- ne fait que déplacer les problèmes de la circulation, du bruit et de la pollution du centre vers la moyenne ceinture.
En revanche, l'extension du réseau des transports publics:
- permet une diminution de la circulation, du bruit et de la pollution dans tout le canton avec le respect des ordonnances fédérales en matière de pollution et de bruit;
- offre un exemple parfait du développement durable permettant la mise en valeur de la ville de Genève en tant que capitale de l'environnement;
- facilite une adaptation fine à la situation budgétaire de l'Etat;
- constitue un projet d'envergure du XXIe siècle;
- répond à la crise du bâtiment et de l'emploi.
La Rade ne constitue pas, loin s'en faut, une nécessité pour que deux générations se sacrifient.
Mesdames et Messieurs les députés, nous faisons donc appel à votre courage pour que vous renonciez à un projet qui pour certains constitue probablement un rêve magnifique, mais qui est fondamentalement anachronique et inadapté pour résoudre les problèmes de circulation du XXIe siècle.
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233 tunnel
234 pont
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Premier débat
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Nous sommes le jeudi 29 février de l'an de grâce 1996 et sans Jules César qui, venant à notre rescousse, créa le 31 juillet, ce jour a failli ne pas exister. Jaloux, l'empereur Auguste a rajouté un jour de plus en août et Grégoire XIII, que l'on pourrait surnommer le Précis, a calculé qu'il faudrait 365 jours et un quart pour que le calendrier corresponde exactement à la rotation de la Terre autour du soleil. Mais pour nous, aujourd'hui, cette précision ne suffit plus. Le renquilleur a inauguré le calendrier de la rade qui, très précisément, nous situe au deux mille huit cent dix-huitième jour.
Jour historique, Mesdames et Messieurs les députés, puisque vous allez décider si ce calendrier s'arrête aujourd'hui ou si, comme je l'espère, il continuera à s'égrener pour aboutir à une inauguration de l'ouvrage et de la traversée du XXIe siècle. C'est au nom du Conseil d'Etat unanime que nous vous proposons de voter ces projets de lois concernant la traversée de la rade et, plus particulièrement, de répondre deux fois oui aux deux questions principales qui seront soumises en votation populaire.
L'initiative populaire de 1988 pour une traversée de la rade oblige le Grand Conseil à concrétiser cette initiative sous forme de loi. A ce sujet, je tiens à signaler que la remarque la plus souvent entendue en ville est la suivante : « On a assez attendu, passons au vote !».
A cet égard, les opposants à tout trajet de traversée portent une grande responsabilité. On peut comprendre qu'ils s'abstiennent lors du vote final du Grand Conseil. Par contre, il serait très dommageable de voter non face à l'opinion publique, car cela reviendrait à repousser encore la décision populaire. Nous avons assez lanterné.
Qu'il s'agisse des aspects techniques, des impacts sur l'environnement, de la sécurité du financement ou du prix des ouvrages, jamais projets n'ont été étudiés aussi minutieusement et n'ont bénéficié d'autant de garanties, entre autres, de prix. Financièrement parlant, nous avons un atout supplémentaire avec la progression très rapide au niveau fédéral de l'idée d'un péage. Les commissions des deux chambres nationales et l'Etat sont favorables à ce principe. Le Conseil fédéral procédera en deux étapes, la première accordant un régime exceptionnel à Berne et à Genève, la seconde consistant à modifier la Constitution.
Ce point est important et comme l'explique le rapporteur de la majorité, avec un péage de deux francs par passage et de 65 centimes à l'abonnement, la hausse de l'impôt prévue pour financer la traversée pourrait être ainsi réduite de moitié dès la mise en service du tunnel ou du pont. L'idée de l'utilisateur-payeur me paraît bonne.
Plusieurs députés regrettent qu'un tel ouvrage de traversée rende impossible un développement des transports publics. Cette idée est fausse. L'inverse est vrai. Ceux qui se sont donné la peine d'étudier de près le financement des grands travaux le savent. M. Olivier Vodoz comme président du Conseil d'Etat déclarait à votre Grand Conseil le jeudi soir 29 septembre 1995 : «Dès que l'ouvrage sera achevé et le centre-ville désengorgé, les voies ainsi libérées au coeur de l'agglomération permettront un développement des transports publics.» Il ne s'agit pas que de phrases. Le développement des transports publics est possible tout en respectant nos engagements financiers. Un tel développement s'inscrit dans le cadre d'une politique globale des transports. Non seulement il est souhaitable sur le plan de la circulation et de l'amélioration de notre qualité de vie, mais également sur le plan de l'emploi.
Nous traversons une crise économique sans précédent. Notre devoir est d'assurer des emplois en créant les infrastructures de demain qui nous permettront de vivre et de gagner notre vie. Nous savons tous que la construction d'un tel ouvrage représente un volume de travail important. Aujourd'hui, des centaines de personnes et des dizaines d'entreprises oeuvrent sur le chantier de l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates. Dès le mois de juin de l'an prochain, elles se retrouveront pratiquement sans travail.
La population genevoise nous demande de conclure. Les qualités des deux ouvrages ont été amplement décrites. La discrétion de l'un pourrait être apportée à charge de la valeur symbolique de l'autre. L'inverse est aussi vrai. Une collectivité comme Genève, qui joue un rôle international, ne peut pas se dispenser de valeurs symboliques et formelles correspondantes. Même si le geste architectural est plus symbolique dans un pont, l'audace du franchissement par tunnel lui reste acquise et relève d'un courage que les Zurichois, par exemple, n'ont jamais eu.
Le tunnel pourrait servir de générique à un film du type : «Le charme discret de la bourgeoisie, colognote de surcroît». La construction d'un pont pourrait, tel l'opéra de Sydney, redonner une valeur symbolique à Genève, valeur que l'on ne serait pas obligé de gommer du paysage chaque fois qu'il y aurait une bise force 5.
Je vous demande de voter ces projets de traversée de la rade et de vous engager, les uns et les autres, à expliquer clairement aux citoyens les enjeux du vote et la manière de procéder.
M. Thomas Büchi (R), rapporteur de majorité. C'est un honneur et un grand privilège de pouvoir, après le Conseil d'Etat, ouvrir ce soir le débat sur la traversée de la rade. Ce débat préoccupe l'ensemble des citoyens de ce canton depuis bientôt quarante ans. Aujourd'hui, à l'issue de nos travaux parlementaires, nous avons la responsabilité de voter ces projets de lois afin de les soumettre au peuple qui attend avec impatience, depuis deux mille huit cent dix-huit jours, de se prononcer, comme nous le rappelle sans cesse et non sans humour le renquilleur.
Au nom des partis libéral, démocrate-chrétien et radical, je remercie le Conseil d'Etat, auteur de ces quatre projets de lois, qui nous a proposé avec courage, détermination et clairvoyance une solution réaliste et pragmatique aux problèmes difficiles liés au trafic du centre-ville. Il concrétise ainsi l'initiative populaire de juin 1988 et respecte ses engagements pris vis-à-vis de ses électeurs lors de la campagne électorale de 1993.
Au nom de la commission des travaux, je remercie tous les cadres supérieurs de l'administration qui nous ont assistés tout au long de nos séances de travail avec objectivité, impartialité et une rare compétence qui mérite d'être soulignée. Au fil des treize séances, totalisant trente-cinq heures d'audition, de délibérations et de réflexion, la majorité de la commission a pu se convaincre qu'une nouvelle traversée de la rade est nécessaire et primordiale. Elle est un complément indispensable et indissociable à la réalisation de la politique des transports publics, définie dans «Circulation 2000» et TC 2005.
En effet, il est impossible de développer ceux-ci sans un report du trafic routier sur d'autres artères. Imaginez le capharnaüm engendré en ville de Genève si l'on venait à supprimer deux voies de circulation sur le pont du Mont-Blanc et ses accès durant les travaux qui dureront plusieurs années pour permettre la mise en place des voies du tram. Eh bien, bonjour l'ambiance ! Il est impératif d'offrir des itinéraires de substitution au trafic routier. Sans cela, des centaines de milliers d'heures seront perdues par l'économie en attente et en stress improductifs. On ne peut pas minimaliser cette situation en proposant que le métro léger transite par les rues basses puis par la ligne 16 en rejoignant Cornavin. Ce détour nuirait tant à l'efficacité de ce métro qu'il serait absurde de le construire.
La traversée de la rade facilitera grandement l'accès au centre-ville pour les usagers qui doivent impérativement s'y rendre et apportera une bouffée d'oxygène indispensable au développement économique des commerces déjà touchés par la crise économique.
Les nuisances engendrées par le bruit et la pollution seront considérablement diminuées en ville grâce à un trafic moindre et plus fluide. Les annexes au présent rapport prouvent que les valeurs-limites constamment dépassées ne le seront plus. Grâce aux mesures d'accompagnement adéquates on pourra affecter à d'autres usages les surfaces aujourd'hui réservées à la circulation automobile. On améliorera la qualité de vie en créant des zones piétonnes. Grâce à l'aménagement de nouveaux espaces verts, la ville deviendra à nouveau respirable.
En juin 1997, le canton de Genève aura achevé son réseau autoroutier. Cet ouvrage créera un volume de travail indispensable aux métiers de la construction en proie à la crise qui perdure. En effet, ce chantier est destiné à occuper quelque sept à huit cents travailleurs par an. En plus de son effet multiplicateur, cette réalisation viendra nourrir d'autres secteurs économiques favorisant ainsi une relance économique qui tarde à s'ébaucher.
La majorité de la commission est convaincue que ce projet est mûr pour être soumis au peuple. Tous les aspects du dossier ont été minutieusement abordés et étudiés. Chaque citoyen peut se forger une opinion objective. La procédure de vote proposée est d'une transparence totale, car elle permet de poser de façon claire l'alternative projet ou contre-projet, tout en réservant la possibilité de refuser toute option de traversée. De plus, les dispositions financières prises respectent rigoureusement le plan quadriennal de redressement des finances publiques voulues par le peuple. En augmentant l'impôt-auto, on introduit une mesure juste et sage puisqu'on applique ainsi le principe de l'usager-payeur.
L'augmentation effective de l'impôt-auto sera de 44% pour le pont et de 50% pour le tunnel sur une durée de trente ans. Malgré tout, ce taux sera inférieur de plusieurs pour-cent à la moyenne suisse. Le coût des ouvrages est également connu grâce aux offres d'entreprises générales garantissant un prix plafond maximum de 430 millions pour le pont et de 490 millions pour le tunnel. Dès lors, il est possible de voter un crédit de construction en toute connaissance de cause.
Les études d'impact sont d'excellente qualité et je rends hommage à leurs auteurs d'avoir réussi à réaliser ce travail titanesque de plus de mille pages en respectant les délais au jour près. Elles sont certifiées conformes et répondent à l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement.
La majorité de la commission a conclu que ce feuilleton concernant l'ensemble de la population genevoise depuis si longtemps doit trouver son épilogue maintenant. Notre Grand Conseil doit prendre cette décision historique de voter ces quatre projets de lois avec les amendements acceptés en commission pour que le peuple, conformément à notre constitution, puisse se déterminer.
De mon point de vue personnel, Genève a besoin de créer un symbole mobilisateur pour retrouver foi en l'avenir et se libérer de cette morosité qui l'étouffe. Nous marchons inexorablement vers le XXIe siècle, franchissons ce cap en construisant la traversée de la rade.
M. Dominique Hausser (S), rapporteur de première minorité ad interim. Contrairement aux dires de M. Joye, nous ne votons pas «non» ce soir dans le but d'éviter une votation populaire - la constitution l'impose et elle aura lieu - mais bien parce qu'il est de notre droit, à nous, parlementaires, de donner un préavis négatif à l'objet en discussion ce soir.
Quelque trente-cinq heures ont été nécessaires en commission pour auditionner l'ensemble des fonctionnaires, des mandataires et des experts qui ont travaillé sur ce dossier. Le temps réel consacré aux discussions s'élève à deux ou trois heures environ. De fait, les quelque deux mille pages de documents mises à notre disposition à la commission des travaux ont nécessité en tout deux cents heures de lecture et de réflexion pour aboutir au rapport que j'ai écrit. Il en est probablement de même pour mes collègues.
Gilles Godinat, le rapporteur de deuxième minorité, met très bien en évidence tant les incohérences du parlement et ses difficultés de travail que la gestion fantaisiste de ce dossier menée par le Conseil d'Etat.
En 1991, ce dernier soulignait que les experts avaient mis en évidence l'aberration que représentait, en matière de circulation, une traversée de la rade dans le périmètre retenu par les initiants. Au début 1995, le Conseil d'Etat se précipitait et imposait, avec l'aide des députés de l'Entente, un rythme de travail dantesque à toutes les parties. Je ne pense pas que les députés de la commission des travaux ont été les plus mal lotis dans cette affaire.
Les mandataires et les fonctionnaires des différents départements ont eu un travail infernal. Le service d'écotoxicologie, par exemple, qui devait évaluer les rapports d'impact de première étape, a eu trois jours pour ce faire. On voit avec quelle légèreté les députés de l'Entente de la commission des travaux ont travaillé. Ils ne font pas honneur à la classe politique dont l'image n'est pas très bonne en ce moment si l'on en croit le petit sondage que le Conseil d'Etat a fait voici quelques jours.
Lorsque l'on veut aménager un territoire, on réfléchit aux objets nécessaires à cet aménagement. C'est le contraire pour la traversée de la rade. On construit le pont et on organise l'aménagement en conséquence. Bonjour l'aberration en termes de planification et de gestion ! Par ailleurs, les transports et les routes doivent servir le développement de la collectivité et préserver les ressources vitales. Elles ne sont pas là comme un but en soi.
La traversée de la rade doit être conçue en fonction de l'agglomération genevoise. Elle n'a pas d'autre rôle à jouer. L'autoroute de contournement a déjà assuré la liaison nord-sud européenne, et ce n'est pas le détour de cinq kilomètres de la ville de Genève qui importe dans un trajet Hambourg-Gênes, par exemple.
Quels sont les buts locaux visés ? Ils sont clairs et ont été explicités tant par les initiants que par les autorités politiques aussi bien législatives qu'exécutives. Tout d'abord, il s'agit d'améliorer la fluidité du trafic, particulièrement aux heures de pointe, soit environ deux fois une heure trente par jour, et l'accessibilité au centre-ville pour freiner la fuite des commerçants, des acheteurs et de ses habitants.
Enfin, il s'agit de prendre les mesures nécessaires en vertu de l'ordonnance sur la pollution de l'air et sur le bruit pour limiter cette pollution et les excès de bruit dans l'ensemble de l'agglomération. Comment fait-on pour vérifier si cette traversée a des chances d'atteindre les objectifs retenus ? On a défini différentes hypothèses et, sur cette base, on a construit différents scenarii dont la vraisemblance doit être estimée. Les résultats sont également basés sur un modèle dont un certain nombre de paramètres sont prédéfinis. Ces modèles ont leurs limites et M. Godinat l'exprime très bien dans son rapport. Il met en évidence les points discutables.
Cependant, les scenarii retenus reflètent les situations les plus difficiles à gérer en matière de circulation individuelle. Par ailleurs, les mêmes scenarii ont été utilisés pour examiner toutes les situations, soit la circulation dans un tunnel, sur un pont ou sans l'un ni l'autre. Par conséquent, nous avons toutes les données en main pour tirer les conclusions.
Les objectifs sont-ils ou non atteints ? Que se passera-t-il si l'on compare les flux de circulation comprenant une traversée de la rade, la liaison de Frontenex et les mesures d'accompagnement avec ceux d'une situation comprenant l'autoroute de Plan-les-Ouates et les mesures d'accompagnement associées mises en vigueur ?
Tout d'abord, il est évident que l'impact sera positif sur le pont du Mont-Blanc. En rajoutant quelques voies de circulation juste à côté, les voitures, tout comme le principe de la dynamique des fluides, se répartiront au mieux sur l'ensemble des voies de circulation. Toutefois, contrairement à ce qu'affirme le rapporteur de majorité, l'impact sur l'hypercentre sera extrêmement faible, voire nul, sur la plaine de Plainpalais et l'avenue du Mail; cela correspondra à une diminution d'une centaine de véhicules par vingt-quatre heures, soit environ quatre voitures de moins à l'heure.
Par contre, l'impact sera très négatif sur la moyenne ceinture avec une augmentation beaucoup plus importante de la circulation entre quarante et deux cents véhicules par heure. Si les mesures d'accompagnement suggérées ne sont pas prises, la situation sera pire.
Les temps de parcours et les vitesses de déplacement ne changeront pas, sauf pour ceux qui habitent les pourtours du lac. Par exemple, si l'on veut se rendre à l'hôpital, le temps de déplacement reste le même, et ce à partir de n'importe quelle provenance du canton.
En résumé, l'effet sur la circulation ne permet pas d'atteindre les objectifs définis. Je vous fais grâce de la démonstration pour le bruit et la pollution de l'air, ceux-ci étant directement liés au trafic motorisé, ils ne s'amélioreront donc pas puisque la circulation ne changera pas.
Si l'on observe une baisse des concentrations annuelles du dioxyde d'azote, elles demeureront les mêmes avec ou sans traversée de la rade. En 2005, les taux estimés dépasseront toujours les limites acceptables dans le centre-ville. En résumé, avec cette traversée, les objectifs en matière de pollution et de bruit ne seront pas atteints et je ne parle pas des effets induits d'une augmentation de la voirie automobile.
Qui utilisera cette traversée ? Les problèmes de trafic évoqués sont souvent liés aux pendulaires qui se rendent de leur domicile à leur travail. Or près des trois quarts des emplois sont situés au centre de l'agglomération, soit en aval du pont du Mont-Blanc et trois quarts des habitants se situent à l'ouest du canton, toujours en aval du pont du Mont-Blanc. Ils n'auront donc aucune raison d'utiliser une nouvelle traversée. Les pendulaires en provenance du canton de Vaud viennent plutôt au centre-ville et n'auront donc pas intérêt à utiliser une traversée. Par ailleurs, les temps de parcours ainsi que la vitesse resteront identiques pour la majorité des travailleurs de ce canton.
Sans mesures d'accompagnement, l'impact d'une traversée ne sera pas nul, mais négatif. Hélas, ces mesures d'accompagnement ne sont pas prévues dans ces projets de lois et on ne sait pas si elles seront financées et réalisées. J'y reviendrai. Mais il y a pire. En effet, tous les experts et mandataires expliquent que les mesures d'accompagnement et de développement des transports publics devraient se faire avant la construction d'une traversée pour être efficaces.
Rapidement, voici quelques aspects financiers importants. La traversée d'une rive à l'autre coûterait 330 millions ou 490 millions selon l'objet retenu. La liaison avec Frontenex reviendrait à 220 ou 250 millions selon le projet retenu, ce qui signifierait un coût estimé de 680 à 710 millions de francs. Les financements des aménagements et des mesures d'accompagnement n'ont pas été prévus. Ainsi, nous sommes bien près du milliard. Les dirigeants des entreprises qui ont fait leurs offres se sont engagés sur le projet de traversée bord à bord en précisant d'emblée un certain nombre de réserves. Ils pensent à l'avenir de leur entreprise et savent, tout comme nous, qu'aujourd'hui aucun ouvrage d'une telle importance ne peut être construit avec les crédits proposés et surtout pas sur la base de devis estimatifs. La traversée bord à bord reviendrait à augmenter l'impôt-auto pendant trente ans, ce qui devrait rapporter entre 23 et 26 millions si le nombre de véhicules immatriculés reste le même. Tous les automobilistes paieront, y compris la majorité de ceux qui n'utiliseront pas cette traversée. Même avec un hypothétique péage, il n'est pas prévu de faire payer uniquement les utilisateurs au prix réel de cette traversée, car il serait bien trop élevé.
Pour la liaison de Frontenex, tous les contribuables paieront pour un objet qui ne répond pas aux besoins de la population, qui prétérite de nombreux investissements nécessaires et, en particulier, le développement des transports publics qui, selon les diverses analyses qu'on nous a présentées, répond aux objectifs avec les coûts de fonctionnement et d'entretien.
Pas moins de 50 millions seront payés les trente prochaines années par les automobilistes et les contribuables de ce canton pour un truc qui ne répond pas aux objectifs prévus.
Le Conseil d'Etat, qui prétend jouer la transparence et informer les responsables, n'a transmis les documents de ce dossier aux membres de la commission et aux députés - et pas encore à la population - que suite à une très forte insistance.
Nous avons déjà parlé du premier exemple concernant le sondage publié parce que la télévision l'avait présenté. Pour citer un deuxième exemple, les documents remis à la commission comprenaient une étude réalisée par l'université de Genève, datée du 30 avril 1995. Nous n'en avons reçu qu'une courte synthèse et il a fallu attendre la fin du mois de janvier pour que je reçoive les annexes, soit l'ensemble des rapports. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que la synthèse avait été gommée de toutes les réserves émises dans les différents rapports par tous les auteurs en faveur de la traversée de la rade. J'ai même trouvé un rapport rendu au Conseil d'Etat, expurgé par l'artisan de la synthèse de tous les commentaires gênants, et ceci sans que les auteurs dudit rapport en aient été informés.
Si le Conseil d'Etat veut informer, il ne peut se contenter de fournir des éléments techniques sur un projet, mais il doit replacer ces objets en fonction des objectifs à atteindre et des capacités financières du canton. Jusqu'à ce jour, il a été partiel et partial. Au vu de ce qui précède, ce Conseil d'Etat ne peut se prétendre responsable et être capable de gérer efficacement les affaires de la cité.
Enfin, le Conseil d'Etat veut un symbole pour l'entrée de Genève dans le XXIe siècle. Alors qu'il choisisse un vrai symbole digne de Genève, par exemple une pyramide en béton coûtant un milliard, construite sur le coteau de Cologny avec vue imprenable sur notre joyau local qu'est la rade ! Si nous en avions les moyen, pourquoi pas ? Une traversée n'a rien de symbolique. Elle ne répond pas aux problèmes de circulation et ne diminue pas la pollution. Elle serait payée par ceux qui ne l'utiliseront pas et qui seront importunés par les conséquences de cette traversée. Elle n'assurera pas plus d'emplois que le développement et la mise en place de TC 2005. Elle coûtera cher, prétéritera les véritables priorités sociales, éducatives et économiques de notre canton. C'est pourquoi nous donnons un préavis négatif à ces objets.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de deuxième minorité. En préambule, je désire faire une remarque à M. Joye, président du département. J'ai été désagréablement surpris de ne recevoir qu'avant-hier les deux rapports du service cantonal d'écotoxicologie concernant l'évaluation des études d'impact, rapports que j'ai lus attentivement en l'espace de deux jours. Je trouve inadmissible, Monsieur Joye, de ne pas avoir reçu ces documents à temps, car ils auraient été utiles à la rédaction de mon rapport.
Deux questions fondamentales se posent dans le débat de ce soir auxquelles il est impératif de répondre. La traversée de la rade est-elle vraiment prioritaire et indispensable si l'on tient compte des différents enjeux ? D'une part, la situation économique et sociale que nous connaissons depuis le début des années nonante et, d'autre part, les objectifs du plan de mesures OPair de 1991, de la réalisation de «Circulation 2000» et de TC 2005.
Nous ne sommes plus dans la période euphorique des années quatre-vingt ou tout semblait possible et durant laquelle les milieux de la construction ont connu un emballement que la collectivité doit payer aujourd'hui. Le paradigme a changé. Nous ne sommes plus dans la complémentarité, mais dans le régime des priorités. L'investissement pour une traversée nous paraît aujourd'hui disproportionné, exorbitant au regard des besoins généraux de la population de ce canton en matière de développement et de relance économique, y compris dans le domaine des infrastructures. Le problème de l'emploi est la préoccupation principale de la population.
Ce projet n'est de loin pas la meilleure réponse des pouvoirs publics à ces besoins. Je suis convaincu, et vous le serez comme moi, qu'il y a d'autres moyens que celui d'investir un milliard des deniers publics dans la construction d'une traversée d'un plan d'eau pour relancer l'économie genevoise et créer des emplois.
Je ne m'étendrai pas sur les contradictions budgétaires, mais je trouve choquant que l'on dispose de l'impôt-auto pour le financement de la traversée quai à quai. On ne cesse de nous dire que les impôts affectés sont contradictoires avec la politique budgétaire de l'Etat et on nous reproche les propositions que nous faisons dans ce sens. Or voici bel et bien un exemple d'impôt affecté.
Votre politique budgétaire, qui consiste à faire passer un investissement se montant à huit cents millions avec les intérêts dans le budget de fonctionnement, alors que cette somme doit apparaître dans celui des investissements, est une supercherie, même si le financement des amortissements et des intérêts passe au budget de fonctionnement. Il est inadmissible, du point de vue de la gestion de la comptabilité de ce canton, qu'on essaie de nous faire croire que le financement d'une traversée quai à quai relève du budget de fonctionnement. (Brouhaha.) Je suis prêt à en discuter avec vous, Messieurs.
Ce projet de traversée de la rade est contradictoire avec la politique des transports de ce canton. Il ne répond pas aux conditions de l'initiative de 1988. Je ne parle pas du plan financier dont il était question que le financement soit partagé entre la Confédération, le canton et la Ville de Genève, en particulier. Or, on constate qu'il n'y a aucune garantie à ce sujet, contrairement à ce qui était demandé par l'initiative de 1988.
Les rapports concernant les objectifs de la politique des transports et de la circulation dans le canton sont formels - et nous y reviendrons dans le détail, si vous le souhaitez - : sans les mesures d'accompagnement, estimées indispensables par tous les experts, si l'on veut que la traversée de la rade ait une cohérence du point de vue du trafic, aucune amélioration suffisante et significative de la circulation en ville de Genève ne peut être prouvée. L'accessibilité - avec quelque moyen de transport que ce soit - par la traversée de la rade seule, est dérisoire. Comme mon collègue Hausser vient de vous le dire, seuls des gains de quelques minutes sont à espérer pour les bénéficiaires de cette traversée dont aucune évaluation chiffrée n'a été faite depuis 1986. Nous ne savons toujours pas qui en seront les utilisateurs réels. L'estimation est de l'ordre de 12 à 15% des automobilistes de ce canton.
Nous voulons définir clairement les priorités. Pour la création d'emplois, nous sommes convaincus que d'autres investissements sont prioritaires dans le domaine de la construction. M. Joye, lui-même, a fait remarquer dans un journal de la place financière genevoise que le parc immobilier genevois est à 19% de rénovation par rapport à 40% dans la moyenne suisse. En matière de rénovation de notre parc immobilier, notre retard est considérable. Par conséquent, nous pouvons développer l'emploi dans ce secteur...
Une voix. On en parlait il y a un mois !
M. Gilles Godinat, rapporteur de deuxième minorité. ...et nous avons toujours été favorables aux investissements...
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le conseiller d'Etat, calmez-vous ! (Brouhaha.)
Une voix. Il est frappé d'amnésie ! (Brouhaha.)
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Vous êtes des crêpes. Ici, c'est mieux qu'à la Revue !
Une voix. Merci, Monsieur Haegi. Il faudrait juste nous préciser où est la scène.
M. Michel Balestra. C'est le triumvirat des toubibs qui parlent de circulation.
M. Gilles Godinat, rapporteur de deuxième minorité. Ce qui prouve bien que c'est un problème de santé, mon cher Balestra ! (Rires.)
Le président. J'observe que vous avez l'intention de vous détendre pendant quelques minutes, alors prenez votre temps ! (Le silence se fait peu à peu.) Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Gilles Godinat, rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'ai beaucoup apprécié la remarque de M. Balestra et je vais le prendre au mot. Il est tout à fait approprié que trois toubibs se penchent sur le problème de la pollution en rapport avec la santé de la population. (Applaudissements.)
Le président. Vous avez terminé, Monsieur le député ?
M. Gilles Godinat, rapporteur de deuxième minorité. Non, pas encore.
Le président. Alors ? (Rires et commentaires.)
M. Gilles Godinat, rapporteur de deuxième minorité. Voici un deuxième exemple d'investissement prioritaire, soit le domaine de l'économie verte, donc le développement des énergies renouvelables. Vous savez que ce secteur est privilégié dans ce canton. Nous pensons que ce milliard pourrait être investi dans ce domaine et qu'il aurait des effets, à plus long terme, bien préférables à cette traversée.
Nous avons accumulé beaucoup de retard sur le plan des transports. Après avoir démantelé tout le réseau de tramway, nous devons le reconstruire. Alors que pendant plus de trente ans, nous avons donné la priorité à l'automobile dans ce canton, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons le devoir civique d'accorder la priorité aux transports publics. Cette situation met en danger l'application de la loi sur la réalisation d'un réseau de transports publics dans ce canton que nous avons votée dans ce parlement, et nous vous le démontrerons ce soir.
M. Andreas Saurer (Ve), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés... (Rires.) Vous êtes certainement des patients qui s'ignorent pour reprendre la formule du docteur Knock. (Hilarité.) Néanmoins, je crois que votre santé n'est pas trop mauvaise, non pas à cause du corps médical, mais à cause des conditions de vie qui ne sont pas si dramatiques à Genève, y compris en ce qui concerne la circulation.
Comme mes préopinants, j'ai regretté le climat quelque peu détestable qui a régné dans la commission, particulièrement vers la fin de travaux, car nous avons été soumis à un rythme inadmissible...
Une voix. C'est inhabituel.
M. Andreas Saurer, rapporteur de troisième minorité. ...et nous n'avons pu travailler dans des conditions acceptables. En plus, j'ai dû constater que le département ainsi que M. Joye ne maîtrisaient pas le sujet. Comme vous l'avez constaté, nous avons reçu une étude d'impact de plus de mille pages, mais, au tout début des travaux de la commission, il s'est avéré que M. Joye ignorait totalement la nécessité de produire une étude d'impact. M. Haegi a dû venir en personne à la commission pour lui expliquer la procédure à suivre concernant l'investissement probablement le plus important de cette décennie. Je trouve extrêmement grave qu'un conseiller d'Etat ait de telles lacunes en matière de procédure.
Le fait que les mandataires aient disposé d'un seul mois pour fournir l'étude d'impact est également inadmissible. D'ailleurs, certains d'entre eux se sont même demandé s'ils voulaient vraiment accepter cette demande étant donné sa non-conformité. Enfin, je ne pense pas qu'il soit suffisant de donner trois jours aux services cantonaux compétents pour faire une appréciation sérieuse de cette étude d'impact. Cela n'est pas un fonctionnement acceptable des pouvoir publics.
La politique du département s'est donc caractérisée par de l'à-peu-près et du «il n'y a qu'à», et l'information a été remplacée par de la publicité. Je fais allusion aux sondages, bien sûr. Permettez-moi maintenant, Monsieur Büchi, de donner quelques précisions concernant votre rapport, car vous semblez avoir été contaminé par la méthode de l'à-peu-près du département.
A la page 7, vous faites allusion à la conférence de presse du Conseil d'Etat du 12 avril 1995, où il a proposé de présenter au Grand Conseil quatre projets de lois, dites-vous, pour la construction. A ce moment-là, il ne s'agissait pas de projets de lois pour la construction, mais de simples crédits de dix-huit millions chaque fois, pour l'étude. A la page 8, vous écrivez que la votation était prévue pour 1996. Non, lors de cette conférence de presse, et sur la base de documents que le Conseil d'Etat nous a distribués, la votation a été prévue pour le 26 novembre 1995.
Venons-en maintenant aux problèmes juridiques. La question est de savoir si nous nous trouvons au stade d'un crédit d'études ou d'un crédit de construction. Je vous signale que l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 1989, qui prenait position par rapport à cette initiative particulière, a mentionné un crédit accordé pour l'étude d'un ou de plusieurs avant-projets, ce qui correspond au crédit voté en 1992. Ensuite, il mentionne un crédit pour l'étude et, enfin, un crédit pour la réalisation. Ici, je cite l'arrêt du Tribunal fédéral : «...en soumettant chaque fois la loi à l'approbation du corps électoral». Que nous ayons tous, et tous bancs confondus, oublié de soumettre le crédit d'études de 1992 à la votation populaire, je le regrette et j'assume ma responsabilité, tout comme vous, je pense.
Après ce crédit pour l'étude de plusieurs avant-projets - je me base sur l'arrêt du Tribunal fédéral - il est donc question d'un crédit d'études et non pas d'un crédit de construction. Juridiquement parlant, la procédure n'est pas conforme. Toutefois, je précise que les milieux écologistes ne lanceront pas de recours contre cette procédure de vote, tout en estimant qu'elle est extrêmement fragile sur le plan juridique.
En matière de circulation, la traversée de la rade, rive à rive, pont ou tunnel, aura très peu d'effets sur la circulation. Voici un exemple : avec un tel ouvrage, la circulation journalière sur le pont du Mont-Blanc passerait de nonante mille à un peu moins de quatre-vingts mille voitures. Dans l'hypercentre, la circulation diminuerait de 2%, Monsieur Büchi. Nous sommes loin des 20% que vous mentionnez à la page 52 de votre rapport.
Nous avons reçu à la commission des travaux, entre autres, le rapport de M. Dériaz, mais comme ce n'est pas de la publicité en faveur de la traversée, M. Joye n'a pas jugé utile de le diffuser.
En ce qui concerne maintenant le tunnel de raccordement vers Frontenex et les mesures d'accompagnement, le rapport de M. Wittwer mentionne que les mesures d'accompagnement présentées par les mandataires sont très lacunaires. M. Wittwer continue en précisant que l'OTC aurait préféré ne considérer que les scenarii basés sur le trafic actuel sans autres mesures d'exploitation que celles existantes, car leur mise en place est extrêmement aléatoire.
En effet, les mesures d'accompagnement sont certainement importantes, mais M. Wittwer estime qu'elles sont le reflet d'un choix politique. D'ailleurs, quand on considère les difficultés que le Conseil d'Etat a eues pour appliquer les mesures d'accompagnement de l'autoroute de contournement, on imagine aisément que celles prévues pour la traversée de la rade tarderont à être mises en service.
Considérons maintenant la traversée de la rade avec les mesures d'accompagnement. Effectivement, nous constatons une diminution d'environ 25% de la circulation au centre-ville. Mais nous nous trouvons dans un système de vases communicants et nous assistons, en fait, à un simple déplacement de la circulation qui fait qu'au niveau de l'agglomération, la circulation augmente de 30%. Par conséquent, nous n'assistons pas à une diminution de la circulation, mais à un déplacement, toujours selon M. Wittwer, vers les Eaux-Vives et les Pâquis et sur la moyenne ceinture touchant les quartiers de la Gradelle, Malagnou, Champel, Carouge, Grand-Lancy et le haut de la Servette, des régions extrêmement habitées. Bien sûr, la circulation diminue au centre-ville mais elle est déplacée sur la moyenne périphérie qui est aussi habitée que le centre-ville.
Les mandataires de l'étude d'impact, bien conscients du problème, préconisaient, par ailleurs, de réaliser l'extension du réseau des transports publics avant la construction de la traversée de la rade. Monsieur Joye, je souhaiterais que vous soyez un peu plus sérieux. Ce que vous venez de dire est en flagrante contradiction avec ce qui est mentionné dans le rapport d'impact, et vous le savez. C'est donc un mensonge de dire qu'il faut construire la traversée de la rade avant l'extension du réseau des transports publics. Je cite : «A savoir que l'extension du réseau des transports publics doit précéder la traversée de la rade.» Cette phrase est écrite dans le rapport d'études d'impact concernant le tunnel à la page 30.
En ce qui concerne l'utilisation de la traversée de la rade et en tenant compte des mesures d'accompagnement, j'ai fait un petit calcul : on constate qu'environ vingt mille automobilistes, soit 5% de la population, l'utiliseront plus ou moins régulièrement. Pour les nuisances sur la moyenne ceinture, 30% de la population sera touchée, et, pour les frais, 100% de la population participera au financement. On nous propose donc un objet utile soit, mais uniquement pour 5% de la population.
Mais, me direz-vous, il faut faire quelque chose. Bientôt il faudra développer les transports publics. En me basant sur la page 36 de «Circulation 2000», document que le Conseil d'Etat nous présente régulièrement, je constate qu'avec l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates et le développement des transports publics, la circulation au centre-ville peut être diminuée de 50% et de 25% dans l'ensemble du canton. Donc, infiniment plus que ce que nous pouvons faire avec la traversée de la rade.
Au début de cette année, nous avons voté une motion demandant au Conseil d'Etat de consacrer 67 millions par an à l'extension du réseau des transports publics, comme c'est prévu par la loi. Si, à cette somme, nous ajoutons les 50 millions nécessaires par année, uniquement pour la connexion de Frontenex, cela fait 125 millions de frais d'investissement sur un crédit d'investissement total de 250 millions. Donc, la moitié de l'investissement net serait utilisé pour l'infrastructure des transports.
Voyez-vous, Monsieur Büchi, c'est possible financièrement. On peut rester dans l'objectif financier défini par le Conseil d'Etat. Mais, évidemment, on se pose la question de savoir quels investissements ne seront pas faits. Je doute que le canton veuille consacrer la moitié de son crédit d'investissement à l'infrastructure des transports publics.
Par exemple, lorsque nos milieux demandent une augmentation des subventions aux transports publics, vos milieux nous demandent systématiquement où nous envisageons de prendre l'argent et quels secteurs seront touchés par les diminutions que nous y apporterons. Je vous pose la même question. Vous voulez consacrer la moitié des investissements à la traversée de la rade et à l'extension du réseau TPG. Financièrement, c'est possible, mais où prendrez-vous l'argent ? Tout à l'heure M. Godinat parlait de la vétusté du parc immobilier. Je ne pense pas que nous pouvons nous permettre de prélever impunément des millions qui devraient être investis dans ce secteur.
Selon les Verts, dans les dix ans à venir, nous ne pourrons pas construire la traversée de la rade pour un milliard et l'extension du réseau des transports publics pour 600 millions. Il nous faut choisir et ce choix est facile. Premièrement, il est clair que l'extension du réseau des transports publics est meilleur marché. Deuxièmement, il permettra une diminution plus importante du trafic et des nuisances au centre-ville et, troisièmement, du point de vue de la création d'emplois, c'est la même chose.
Enfin, je vous cite une déclaration de la Fédération des syndicats patronaux qui date de 1980. Il y a quinze ans, voici ce que la FSP disait : «Il est illusoire de penser que la traversée par la rade constitue une alternative. Elle serait d'un coût prohibitif et provoquerait des dégâts irréparables à l'environnement.» Apparemment, les problèmes liés à la traversée de la rade sont toujours exactement les mêmes.
Pour terminer, permettez-moi de faire une comparaison entre la traversée de la rade et le veau d'or. Comme Moïse tardait à descendre du Mont Sinaï où il était allé chercher les tables des dix commandements, le peuple juif s'impatienta et demanda à Aaron, le remplaçant de Moïse, une statue à adorer comme les autres peuples. Aaron fut effrayé en pensant au péché que cela représentait. Mais n'osant refuser, il demanda au peuple de lui remettre tous les bijoux en or qu'il possédait pour en faire un veau d'or. Lorsque Moïse revint au camp, sa colère éclata, il jeta les tables à terre et les brisa au pied de la montagne. Il s'empara du veau d'or et le brûla.
Non seulement, on peut associer le veau d'or à la traversée de la rade, mais aussi une partie du peuple genevois au peuple juif qui tenait davantage à avoir un objet brillant et prestigieux, mais inutile comme le veau d'or, plutôt qu'un objet moins clinquant, mais infiniment plus utile comme un réseau performant de TPG. (Rires et applaudissements.)
Enfin, le Conseil d'Etat me fait étrangement penser à Aaron qui savait pertinemment qu'il faisait une erreur en construisant le veau d'or, tout comme la majorité des conseillers d'Etat savent, en leur for intérieur et quand ils seront seuls dans l'isoloir, que dans la situation actuelle, la traversée de la rade est une aberration. J'espère simplement que le peuple genevois n'aura pas besoin d'un Moïse et qu'il se rendra compte au plus tard le 9 juin que la traversée de la rade ne vaut pas plus qu'un veau d'or. (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R). Le corps médical ayant terminé d'ausculter à sa manière l'état de la circulation et des transports genevois, puis diagnostiqué bibliquement les maux de notre économie, je propose que nous donnions la parole à ceux qui affrontent concrètement ces problèmes. Je veux parler des dirigeants d'entreprises genevoises qui vous ont envoyé une lettre, Monsieur le président, dont j'aimerais que l'on donne lecture.
Le président. Cette demande est-elle appuyée ? Oui ? Par conséquent, je vous demande, Madame la première secrétaire, la lecture de la lettre du Cercle des dirigeants d'entreprises, datée du 28 février 1996.
Annexe : lettre du Cercle des dirigeants d'entreprises.
M. David Revaclier (R). Dans quelques instants, par un vote qu'on peut qualifier d'historique, notre Grand Conseil va se déterminer sur les quatre projets de lois tels qu'ils ressortent après leur examen devant la commission des travaux.
Il s'agit, tout d'abord, des deux projets de lois de traversée qui feront l'objet de votations populaires en juin prochain. Puis des deux projets de raccordement au Plateau de Frontenex qui concernent uniquement notre parlement. Après des études complètes et approfondies de ce volumineux dossier, la majorité de la commission des travaux est convaincue qu'il est indispensable de relier les deux rives du lac par un ouvrage en amont du pont du Mont-Blanc, situé en plein coeur de la ville avec toutes les conséquences qui en découlent : nonante mille véhicules empruntent quotidiennement cet axe !
Cette nouvelle traversée allégerait une grande partie du trafic de transit qui encombre ce pont. Cela rendrait le centre-ville nettement plus accessible aux véhicules dont c'est la destination. La communication entre les deux rives du lac serait facilitée grâce à une diminution appréciable du temps de trajet et éviterait le stress. Cette nouvelle traversée et son raccordement au plateau de Frontenex permettraient, à l'aube du XXIe siècle, de réaliser enfin le bouclement si nécessaire de la moyenne ceinture. Cette amélioration serait primordiale pour le développement futur de notre cité.
Genève, ville internationale, doit soigner son image de marque et assurer une qualité de vie pour demeurer attractive. Il faut la doter d'infrastructures répondant aux nécessités de notre époque. Il n'y a pas d'autre alternative pour atteindre ce but et concrétiser les objectifs de la politique globale de la circulation à Genève et dans ses environs, définie dans les concepts «Circulation 2000» et «Transports collectifs 2005». Il faut franchir le plan d'eau. Prétendre le contraire c'est nier l'évidence !
Une nouvelle traversée est indispensable au développement des transports publics. En effet, deux voies de circulation pourront être libérées sur le pont du Mont-Blanc pour le passage en site propre du futur métro léger. La complémentarité des moyens de transport est nécessaire et conforme aux voeux de la majorité des électeurs et des électrices selon les votations de juin 1988, favorables à des transports publics efficaces et à la traversée de la rade.
Genève a besoin d'un grand projet pour mobiliser de nouvelles énergies et raviver son économie en difficulté. La mise en chantier de ces travaux d'envergure exceptionnelle donnerait un coup de fouet bénéfique, particulièrement dans les secteurs du génie civil et de la construction, durement touchée par la crise. Ainsi, de nombreux emplois pourraient être créés pendant plusieurs années.
Les rapports de minorité sont conformes à la philosophie de leurs auteurs et reflètent leur aversion... (Exclamations.) ...contre l'automobile, responsable à leurs yeux de tous les maux. Ils réfutent pour cette raison la notion de complémentarité des modes de transport. Ce raisonnement est faux, car il ne peut pas y avoir de transports publics performants sans nouvelle traversée, c'est élémentaire ! Quant aux coûts annoncés par les opposants, ils relèvent de la plus haute fantaisie.
Le groupe radical tient à exprimer sa gratitude au Conseil d'Etat pour avoir pris ses responsabilités avec détermination, afin de résoudre une fois pour toutes le problème lancinant de la traversée de la rade, qui alimente la chronique locale et extra-frontalière depuis des décennies. Nous félicitons notre gouvernement resté fidèle à ses engagements et qui a proposé à notre Grand Conseil, le 22 juin 1995, les quatre projets de lois de qualité dont nous débattons ce soir.
Les électeurs et électrices de ce canton pourront voter des crédits de construction en connaissant le coût réel des ouvrages, ainsi que les propositions de financement selon le principe de l'utilisateur-payeur, c'est-à-dire par l'impôt-auto.
Nous tenons à remercier le rapporteur de majorité, notre collègue, M. Thomas Büchi, député, pour son rapport de grande qualité. Nous adressons également nos remerciements à M. Philippe Joye, conseiller d'Etat, chef du département concerné, ainsi qu'à ses principaux collaborateurs, les hauts fonctionnaires du département, qui nous ont sans cesse prodigué leurs conseils avisés. En conséquence, le groupe radical est convaincu du bien-fondé des projets de lois proposés à l'approbation de notre Grand Conseil et vous demande de les accepter tels qu'ils nous sont présentés dans le rapport de majorité.
M. Hervé Burdet (L). C'est en qualité de président de la commission des travaux que j'aimerais prendre la parole. D'abord pour remercier le rapporteur de majorité dont je partage l'avis, ainsi que les trois rapporteurs de minorité qui ont également fourni un travail très important. Je leur présente mes excuses pour le rythme de travail accéléré dont ils se sont plaints. Les fonctionnaires, et même le président de la commission, ont travaillé très activement, afin que le peuple puisse enfin en découdre et dire ce qu'il veut avant la fin des travaux parlementaires de l'été, afin que le Grand Conseil en finisse une bonne fois.
Pour effectuer leurs travaux parlementaires, les deux rapporteurs de minorité, MM. Godinat et Hausser, ont beaucoup souffert et renâclé, je l'admets très volontiers. Mais je ne peux pas partager un certain nombre d'affirmations du rapport de minorité de M. Saurer qui pratique l'invective - pour ne pas dire l'insulte personnelle. Quand on me taxe de caporalisme parlementaire et d'autoritarisme personnel, je ne relève même pas l'insulte. Mais quand on laisse planer sur la commission des travaux le doute et l'insinuation d'un bâclage, c'est faux et je réagis ! Les travaux ont été rapides et sérieux, les fonctionnaires aussi. Je vous rappelle, Monsieur Saurer, que les votes de la commission ont tous été acquis par une majorité constante : neuf députés de l'Entente contre un certain nombre de chahuteurs - dont vous faisiez partie - dans la mesure où les opposants sont restés dans la salle. On en reparlera ! Je n'insiste pas sur les atteintes personnelles, mais j'affirme que les travaux de la commission ont été parfaitement démocratiques. Aucune décision n'a été prise sans être soumise aux votes, tous protocolés - en particulier ceux du 30 janvier qui vous sont restés sur l'estomac - et approuvés à l'unanimité de la commission, sans opposition, sans abstention, sans même une opposition des Verts de votre groupe. Ainsi, le processus démocratique, entériné le 6 février à la suite du vote du 30 janvier, était parfaitement acquis. Au sujet de M. Joye, vous avez prononcé le mot de mensonge, Monsieur Saurer. Moi, j'affirme que le député Saurer ment...
Une voix. On le sait !
M. Hervé Burdet. Je vais vous en donner la preuve. D'autre part, je ne comprends pas pourquoi M. Godinat le rejoint; il avait apparemment bien lu ses documents... Mais M. Saurer, qui est un spécialiste de la désinformation, feint d'oublier les conclusions des rapports sur la traversée de la rade en tunnel ou en pont, rapports présentés par les services de l'écotoxicologue cantonal le 22 janvier. Ils ont été remis à la commission le 30 janvier.
Ceux qui avaient omis de prendre leur exemplaire sur la table des rapporteurs l'auront reçu à domicile le 1er février, signé et daté par l'ingénieur cantonal.
Mais M. Saurer est capable de faire beaucoup plus fort ! (Brouhaha.) Il ameute l'un des quotidiens locaux le 25 février, près d'un mois après réception du document ! Il arrive à convaincre un journaliste ici présent qu'il s'agit d'un scoop majeur et que les Verts vont mettre à disposition de la population un document secret, dissimulé par M. Joye. Or ce dernier avait donné l'ordre d'envoyer ce rapport aux députés et se trouve injustement traité de menteur. C'est donc M. Saurer qui ment ou qui désinforme, et je félicite M. Barth pour ce «beau scoop». Les invectives et la désinformation masquent, chez le député Saurer et certains de ses collègues, le flou du discours et la faiblesse des arguments. Le centre du débat reste la traversée de la rade. Le Grand Conseil et le peuple doivent se prononcer aussi vite que possible. (Applaudissements.)
M. René Koechlin (L). Je ne m'étendrai pas sur les arguties des rapporteurs de minorité. Ils parlent de la légèreté du Conseil d'Etat et de l'extrême rapidité d'exécution des travaux de la commission - qui ont pourtant duré six mois. Seul un esprit engourdi par les brouillards de procédés dilatoires peut les trouver trop courts ! Les rapporteurs soulèvent maintes questions au sujet de la circulation et de ses nuisances avec leur chapelet de contrevérités et autres utopies.
Messieurs, vous oubliez un certain nombre de considérations et autres faits bien réels. Il y a huit ans, le peuple votait simultanément - et à une forte majorité - deux initiatives. L'une proposait des transports publics efficaces et l'autre une traversée de la rade. Pour répondre à la première initiative, nous avons créé le tram 13 et pris des mesures pour accroître sensiblement l'offre et la fréquentation des transports publics. Pour les responsables de ces derniers, il importe avant tout de soulager d'une partie du trafic privé le pont du Mont-Blanc (40%), les quais (30%) et le centre-ville (50%).
Parce qu'elle permet d'atteindre cet objectif, la traversée de la rade, par un pont ou par un tunnel, assortie de ses mesures d'accompagnement, constitue, par conséquent, une des conditions nécessaires à l'amélioration du trafic urbain et au développement des transports publics. Ainsi, en concrétisant la seconde initiative votée en 1988, nous favorisons l'efficacité de ceux-ci. La constitution et notre devoir de député nous obligent à soumettre au souverain cette matérialisation de l'initiative non formulée sur la rade. Que cela vous plaise ou non, Messieurs !
En proposant au scrutin populaire un projet et un contre-projet concrétisant l'initiative, nous ne faisons que remplir notre mission. C'est pourquoi les termes des trois rapports de minorité me surprennent considérablement, car aucun ne propose quoi que ce soit pour concrétiser l'initiative; c'est le néant le plus total. En revanche, vous développez, Messieurs... (Rires.)
M. Claude Blanc. Vous débloquez ! (Applaudissements.)
M. René Koechlin. Vous développez des arguties contre le principe d'une traversée accepté depuis belle lurette par le peuple. On peut se demander quelle idée vous vous faites de votre fonction de député. (Brouhaha.) Calmez-vous, moi, je suis très calme. Nous savons que vous menez une politique d'opposition qui consiste à saper tous les projets de la majorité. Or une politique d'opposition n'est pas forcément destructrice et nihiliste. Vous pourriez faire une autre proposition pour matérialiser l'initiative adoptée par le souverain. La vacuité de vos réponses prouve que vous n'avez rien de mieux à lui soumettre. Cette carence des partis d'opposition nous conforte dans l'idée que les deux projets proposés ce soir par le Conseil d'Etat et la majorité de la commission sont les bons. Il faut donc les voter et les soumettre sans délai au choix du souverain.
Les ouvrages sont bien étudiés et le loyer de leur financement sera essentiellement payé par les usagers grâce à l'augmentation de l'impôt-auto, d'une part, et le prélèvement d'un possible péage, d'autre part. Les frais d'entretien et d'exploitation, estimés à 6 millions par an, seront couverts par les recettes courantes de l'Etat. Le plan financier est bien étudié et ses charges annuelles ne sont pas exorbitantes.
Nous saluons l'énorme effort fourni depuis des mois par les collaborateurs des départements des travaux publics et de l'énergie, de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, des finances ainsi que de tous les mandataires pour faire aboutir ce dossier extrêmement complexe et complet. Nous les en remercions chaleureusement. Votons maintenant pour que le peuple puisse enfin se prononcer sur le projet qui traverse la rade, qui renverse les préjugés et qui bouleverse nos habitudes ! (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Je vais essayer de bouleverser vos habitudes, Monsieur Balestra ! Je serai bref, car, finalement, c'est le peuple qui décidera au mois de juin. Nous, nous ne pouvons que lui indiquer comment voter et essayer de l'informer le plus objectivement possible. Le peuple, selon le dernier sondage tant critiqué de M. Joye, ne s'estime pas très bien informé. J'ai quatre idées «courtes» à vous proposer.
1. Les bouchons, actuellement, se situent au centre-ville et sur le pont du Mont-Blanc. Selon les rapports d'impact, ces régions seront libérées, la circulation deviendra plus fluide, les taux de pollution et de bruit vont diminuer. En revanche, la moyenne ceinture va être, elle, engorgée. Voulons-nous vraiment payer 700 millions pour déplacer les bouchons du centre de la ville vers la moyenne ceinture ?
2. A la page 30 du rapport d'impact sur le tunnel, on nous explique longuement pourquoi il faudrait étendre les transports publics avant d'adopter les mesures de compensation et de construire la traversée de la rade. M. Blanc faisait remarquer qu'il s'agissait du rapport sur le tunnel. Les mandataires du pont étaient d'accord, eux aussi, avec cette idée-là; leurs calculs et leurs ordinateurs sont les mêmes.
Une fois de plus, c'est un problème de démocratie : les mandataires ont été mis en concurrence et chacun avait évidemment intérêt à biaiser un peu ses résultats pour que son projet semble plus joli, plus «bandant»... (Rires.) ...plus intéressant - Merci, Monsieur Froidevaux - que ceux des concurrents. C'est pour cette raison que les mandataires du pont ont évité de dire toute la vérité en trichant un peu. Mais le respect de l'esprit de la loi fédérale EIE, l'accès du peuple à l'information et le fonctionnement de la démocratie posent un gigantesque problème.
3. Ma troisième remarque concerne les mesures C-Rade qu'on ne nous a jamais présentées et pour cause ! Le Conseil d'Etat sait fort bien que ces mesures sont hautement politiques et qu'elles ne vont pas plaire à certains commerçants, exactement comme les mesures d'accompagnement de l'autoroute de contournement. M. Ramseyer a eu beaucoup de peine - et son prédécesseur, M. Ziegler, encore plus - à les faire accepter. Elles ne l'ont, d'ailleurs, pas toutes été et les mesures C-Rade pourraient bien rencontrer, elles aussi, de gros problèmes politiques. Nous allons avoir des bouchons encore plus importants que ceux prévus par les mandataires. Pensez-y !
4. J'aimerais répondre à M. Koechlin qui est beaucoup plus gentil que M. Burdet. (Rires.) Il affirme que les trois rapports de minorité ne proposent rien pour concrétiser l'initiative, alors que le peuple souhaite voter sur un sujet concret. Mais les trois rapports proposent des amendements, notamment pour joindre le projet essentiel au raccordement de Frontenex. C'est un élément d'information publique sur un projet complet et non pas sur un projet tronqué. Le projet du pont ou du tunnel ne fonctionnera pas. Les rapports d'impact sont clairs et vous le savez très bien, Monsieur Koechlin.
Les rapporteurs de minorité proposent de faire voter le peuple et non pas d'éviter le vote sur des projets complets. C'est une contribution positive à la démocratie et la raison des projets d'amendements qui vont vous être présentés tout à l'heure. Nous ne refusons donc pas la démocratie, contrairement à ce que vous prétendez, Monsieur Koechlin.
Encore une petite réponse à M. Burdet qui est malheureusement parti. Il reproche à M. Saurer de cacher son manque d'arguments sous des mensonges. Or M. Saurer n'a effectivement pas reçu ce rapport, d'où ce malentendu. Nous voulons informer le peuple pour qu'il vote, lui fournir une prédigestion, lui indiquer quels sont les impacts auxquels il doit s'attendre et combien ça lui coûtera. Il ne devra pas débourser 430 ou 490 millions mais bien 680 à 710 millions.
Une dernière petite remarque pour les amis de M. Balestra, les gens qui habitent Cologny et qui ne veulent pas du pont. (Brouhaha.) Ceux-là mêmes qui ont investi 14 000 F dans la «Tribune de Genève» la dernière fois qu'on a voté sur ces quatre projets... (Rires.) ...pour dire que ce pont est horrible ! Monsieur Balestra, qui est ce monsieur, votre ami, qui a signé ce tract d'une page entière ? (Brouhaha.)
M. Olivier Vaucher. Mais oui, c'est vrai !
M. Chaïm Nissim. C'est pour soutenir la presse ! C'est pour soutenir un journal moribond ! Pour les amis de M. Balestra et pour lui-même, je souhaiterais qu'il y ait autant de gens parmi les pauvres des Eaux-Vives pour se payer des pages à 14 000 F et expliquer aux habitants ce que deviendra leur quartier avec un tunnel et des cheminées d'évacuation. Il en va de même pour les gens de Sécheron avec le bruit des camions traversant la ville. Les gens des petits quartiers devraient avoir les moyens de se défendre aussi bien que vos amis, Monsieur Balestra !
M. Pierre Meyll (AdG). La traversée de la rade est un serpent du lac qui a souvent contourné la démocratie. A la fin des années cinquante, il y avait des projets monstrueux pour traverser la ville avec des raccordements aux autoroutes. A cette époque, on a proposé des traversées par le Vengeron, le long des quais, des quais du Rhône, passant par le carrefour du Mont-Blanc en dénivelé. L'autoroute arrivait entre le premier et le deuxième étage de l'hôtel des Bergues avec vue dans les chambres !
Un architecte de l'époque, M. Jean-Jacques Deriaz, a lancé un référendum voté par le peuple le 4 décembre 1960. La descente du Vengeron a été refusée pour éviter la poursuite du bétonnage en direction de la ville. La sanction populaire fut telle que le père du projet, M. Jean Dutoit, magistrat radical, a été projeté hors du Conseil d'Etat ! M. François Peyrot, magistrat libéral, l'a remplacé et s'est trouvé dans une situation difficile. Le Conseil d'Etat genevois a prié le Conseil fédéral de le sortir de cette situation. Ce dernier a envoyé le 11 avril 1962 une lettre qui expliquait, à la demande du Conseil d'Etat, le cas de la ville de Lucerne et de Morges pour ne pas respecter la décision populaire. J'ai des photocopies de cette lettre pour ceux qui en désirent.
Il y avait là, déjà, un déni de démocratie. Le peuple ne voulait pas de cette jonction avec la route Suisse qui dirigeait toute la circulation sur la ville. Sans ce déni, il n'y aurait pas de Vengeron ni de problème avec une route Suisse surchargée par la sortie de l'autoroute. Avec une sortie côté lac, on retrouve les utilitaires et les touristes. A cause de cette situation anormale, on a dévié toute une circulation et créé tout un problème.
Au mois de mars 1964, on organisa une exposition à la Maison du Faubourg sur les traversées de la rade, déjà devisées à environ 250 millions. Ces traversées passaient par une tranchée ouverte qui arrivait dans la région de Frontenex, à la Gradelle. De là, un projet grandiose de tunnel fut imaginé pour rejoindre ce qui allait devenir l'autoroute Blanche à Vallard.
Le financement aurait été supportable à cette époque. Mais lorsqu'on s'est rendu compte qu'il fallait déclasser autant de terrains et exproprier autant d'habitants de villas, on a abandonné cette idée, c'était trop onéreux. Nous n'avions déjà pas la possibilité de disperser le trafic au-delà de la Gradelle, comment pourrions-nous le faire maintenant ? Cette décision de construire le Vengeron a coûté très cher au canton de Genève. Le conseiller d'Etat Chavanne indiquait que la traversée des bancs de molasse du Vengeron avait coûté l'équivalent de deux écoles, pour le moins. Imaginez ce que cela pouvait représenter à l'époque.
Les études des projets actuels et le travail effectué en commission des travaux ont été mal faits. Lorsqu'un projet mobilise des gens qui vont appliquer la majorité automatique, on n'arrive pas à avoir une discussion réelle. Lorsque des députés affirment, dans les couloirs, que ça ne leur plaît pas, mais qu'ils votent en bloc, il est normal de retrouver cette majorité automatique 9 à 6, constamment.
Personne, à droite, ne prend l'initiative et les questions essentielles ne sont pas posées par la majorité. Personne ne se soucie de trouver le meilleur projet, la majorité suit les ordres, c'est inacceptable ! Vous devriez respecter votre serment et voter en votre âme et conscience et non lever le bras simplement pour faire plaisir aux bétonneurs. Faites preuve d'un peu plus de fierté !
Nous pourrions reporter le financement acquis sur les transports publics qui deviendraient efficaces et déchargeraient le centre-ville. Rien ne se fait dans ce domaine. J'entends encore M. Stucki et la direction des TPG exprimer leurs craintes devant la commission des travaux au sujet du développement futur des transports, compte tenu des coûts de la traversée de la rade. Vous les avez aussi entendus, ne gaspillez pas les deniers publics pour une traversée illusoire desservant une minorité ! Pour terminer, j'aimerais dire à M. Philippe Joye qu'au charme exquis de la bourgeoisie je préfère le charme réel d'une rade respectée.
M. René Longet (S). Pont ou tunnel, voilà la question ! Chaque variante mérite d'être étudiée pour elle-même : le tunnel, pour ses emprises dans les quartiers; le pont, pour la modification durable d'un site d'intérêt international. Et tout le monde sait que l'insertion dans les réseaux de routes n'a été réglée dans aucun des deux projets. Pour nous, socialistes, la querelle des modalités est subordonnée à la querelle du principe, du pourquoi.
A nous, les cent élus, la République demande de réfléchir de toutes nos forces à l'intérêt général et de répondre aux angoisses de nos concitoyens. Vous vous apprêtez à voter d'un coeur léger 600 à 700 millions, peu vous importe ! D'autres problèmes sont à l'étude, mais vous nous implorez de dire oui, Monsieur Koechlin. Et lors d'un débat auquel nous participions tous deux, vous prétendiez que deux fois 600 millions était dérisoire et qu'on les trouverait... Voilà le discours actuel, le jour même où nous apprenons l'existence de cinq cent mille pauvres dans le pays le plus riche du monde, et à la veille d'un autre débat où les mêmes personnes nous diront qu'il n'y a pas d'argent pour l'ajustement des allocations familiales, Monsieur Koechlin !
Vous choisissez ce moment où l'assurance-maladie prend les citoyens à la gorge, où les salaires stagnent, voire diminuent, pour faire un trou de 650 millions dans la caisse. Cette traversée de la rade est une opération de diversion quand on ne sait rien faire d'autre. La République a besoin d'une politique économique et sociale digne de ce nom. Nous ne cessons de faire des propositions à ce sujet; elles passent au compte-gouttes, en fonction de votre majorité ! Mais nous n'avons pas besoin d'ouvrages de prestige qui coulent dans le béton, pour les générations futures, le cocorico d'une législature finissante et sans idées.
L'argent public et celui des automobilistes doivent être bien investis. La traversée de la rade est une mauvaise réponse à une mauvaise question. Et le seul argument constamment entendu est le suivant : «Ça fait quarante ans qu'on la réclame !». Le compte à rebours lancinant d'un journaliste en mal d'imagination ne suffit pas à justifier une pareille dépense. Aux questions qui lui sont posées, nous souhaitons que le peuple réponde non. Les choses qui étaient vraies et désirables il y a quarante ans ne le sont plus nécessairement aujourd'hui. Depuis, il y a eu l'ordinateur, les voyages spatiaux, les multimédias. Internet et le développement durable ont été inventés. On a redécouvert les transports publics, la ville et la vie ont beaucoup changé.
Vous nous proposez un grand saut en arrière dans les années cinquante, mais nous avons une autre idée de l'avenir, Monsieur Joye. La traversée de la rade est une triple erreur par l'urbanisme, la politique des transports et les finances. Je m'inscris en faux contre le propos liminaire de M. Joye, car la politique des transports ne peut pas - et prétendre le contraire serait irresponsable - financer à la fois une offre de transports publics efficaces et la traversée de la rade. C'est impossible dans la situation financière actuelle. Et le péage, qui n'est pas pour demain, ne représente pas une garantie.
Pour la cohérence du système, on ne peut pas sauter du tram 13 à la traversée de la rade. Cette politique d'investissement en zigzag ne donnera rien. Il y a un mois, nous avons voté pour rejeter - à juste titre - la proposition de M. Blanc, car nous refusions de lier les choses dans le sens qu'il souhaitait. A cette même époque, nous avons voté une motion où le Grand Conseil réaffirmait que le plan de développement des transports publics devait être réalisé en 2005. Le métro léger et le prolongement des voies au-delà du tram 13, jusqu'à la place des Nations et Lancy, coûteront environ 650 millions.
La loi sur le réseau de transports prévoit une participation de l'Etat de 30 millions au maximum. Il y a encore neuf années budgétaires jusqu'en 2005 et il manque environ 400 millions. Le métro léger pour Annemasse exige une solution de rechange à voie normale pour assurer la liaison ferroviaire avec la Haute-Savoie. Cette liaison La Praille/Archamps coûtera environ 600 millions, soit 1,2 milliard, dont seul un tiers ou un quart est financé.
Messieurs du bâtiment - puisqu'il n'y a pas de dame dans ce secteur ! - voulez-vous poursuivre un fantasme ou les emplois vous intéressent-ils ? Des travaux de transports publics pour 1,2 milliard vont être exécutés par nos entreprises du bâtiment, mais on dirait que cela ne vous intéresse pas ! Quant à moi, je préfère un tiens à deux tu l'auras, et le réseau dont nous avons besoin représente des emplois sûrs. (Exclamations.) Le Syndicat de l'industrie et du bâtiment a effectué une étude au niveau suisse. Elle nous dit qu'en matière de transports publics et d'économie d'énergie il y a un gisement d'emplois beaucoup plus important que dans les ouvrages routiers. Ce n'est pas pour l'emploi qu'on fait la traversée de la rade, mais à cause d'une fixation historique passéiste dont on ne veut pas sortir. (Brouhaha.)
Monsieur Brunschwig, les votations du 12 juin 1988 ont donné les scores respectifs de 80% pour la réalisation du réseau des transports publics et de 68% pour la traversée de rade, ça donne une petite idée des préférences. (Brouhaha.) Il y avait deux votes le même jour, ce qui permet un classement dans les priorités. On évoque la clause du besoin, mais personne ne l'a jamais prouvé : nous n'en aurons la preuve qu'à l'achèvement de l'offre de transports publics. La tâche des prochaines années est de suivre le plan de développement des transports publics. A son achèvement, si d'autres que nous auront la conviction qu'il faut revenir à cet ouvrage, libre à eux !
La logique des années cinquante est simple, linéaire, démodée. Les déplacements en voiture nécessitent toujours plus de routes, c'est un cercle vicieux. Inventons du neuf pour l'avenir et misons sur la cohérence dans le système des transports !
M. Claude Blanc (PDC). Genève est un pont, elle est née d'un pont en l'an 58 av. J.-C. Je ne remonterai pas aussi loin que M. Saurer qui citait le veau d'or, et ne céderai pas au plaisir de rappeler que sous la conduite de Moïse et d'Aaron, le peuple juif a fui la servitude en traversant la mer Rouge à pied sec. (Rires.) Cette Genève-pont fut le premier lien entre le monde romain et le monde gaulois. Elle a, depuis deux millénaires, la vocation de relier deux parties de l'Europe. Au bout d'un lac d'environ cent kilomètres, elle occupe une place providentielle pour traverser le Rhône. Toute son histoire est une histoire de communication, de commerce. Sa vocation de centre international et régional doit offrir des possibilités de rencontres.
Certains prétendent ne pas vouloir construire une traversée de la rade pour «les Savoyards et les Tiocans qui mangent notre pain». Mais soyons contents de les avoir, ils ont participé à notre prospérité et nous sommes heureux de leur offrir une nouvelle possibilité de rejoindre le Salève et le Jura !
Notre économie est exsangue après avoir souffert d'anorexie et d'un complexe de culpabilité. Les docteurs Diafoirus, assis en face de moi, prescrivaient des saignées tous les quinze jours. (Rires.) Comment réanimer notre malade ? Vous proposiez une ou deux motions par séance du Grand Conseil, quelques initiatives, du style emplâtre sur une jambe de bois, et des remèdes homéopathiques, Monsieur Saurer.
Nous devons montrer que notre canton est prêt à empoigner ses problèmes et à faire redémarrer l'économie. Les décideurs économiques, qui viennent ou ne viennent pas à Genève, attendent la fin de notre langueur et un signe de renouveau. Nous nous laissons aller, et Reynolds, par exemple, las des tergiversations et des complications, renonce. M. Schneider nous trouvera des emplois de proximité et d'autres trucs pour occuper quelques dizaines de personnes à fabriquer des cadrans solaires... (Brouhaha.) ...ou des capteurs, c'est la même chose, ça ne sert à rien ! (Rires.)
Je suis partisan du pont, c'est mon droit. (Rires.) J'ai le sentiment que ce pont sera beau. Il y a cent ans, lors de l'exposition universelle à Paris, un ancêtre de M. Koechlin inventa la tour Eiffel et déclencha un tollé. Il fallut promettre de détruire cette horreur après l'exposition. Mais, maintenant, on n'arrive plus à imaginer cette ville sans la tour Eiffel. Le pont s'intégrera très bien dans notre ville, et cet élément nouveau prouvera notre créativité. M. Joye a disparu à la buvette... (Rires.) J'aurais aimé lui dire combien nous avons apprécié son enthousiasme pour le projet dès son arrivée aux travaux publics, malgré quelques débordements. Il a prouvé à la face du monde qu'on peut gouverner sans être triste. (Chahut.) Je souhaite ardemment que le peuple accepte le pont le 9 juin, ce projet est bon et utile, et M. Joye l'aura bien mérité ! (Applaudissements et rires.)
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je souhaiterais la lecture de la lettre du Conseil administratif de la Ville de Genève.
Le président. Cette demande est-elle appuyée ? Je demande au deuxième secrétaire, M. le député Nissim, de procéder à cette lecture.
Annexe Ville de genève
lettre
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). De nombreux arguments ont déjà été développés au sujet de la circulation, du peu d'effets positifs de la traversée sur la fluidité du trafic, de l'aggravation des nuisances pour de très nombreux habitants de notre canton, qu'il est aberrant, actuellement, de placer un milliard dans un projet en faveur de l'automobile plutôt qu'en faveur du développement des transports publics. J'aimerais compléter ces arguments.
L'ère des autoroutes en pleine ville est terminée. A Morges, l'autoroute a littéralement coupé la ville en deux parties. Cette erreur a été reconnue malheureusement trop tard, mais on a cessé de la reproduire. Partout, on a délibérément évacué tout projet d'autoroute passant au travers des villes au profit d'autoroutes de contournement. Toutes les grandes cités d'Europe ont évolué dans ce sens. A Genève, accrochés à un ancien projet devenu mythique, nous allons refaire les erreurs du passé. Avec la traversée de la rade, vous amenez en ville et à travers les communes urbaines une autoroute à quatre voies. Votre projet n'est pas tourné vers l'avenir, mais vers le passé. Votre viaduc, il est caduc !
Autre point de comparaison intéressant : le péage. Les finances de l'Etat étant dans une situation pour le moins difficile, et l'impôt-auto ne pouvant être augmenté très fortement - au risque d'effrayer les électeurs - tout est mis en oeuvre pour obtenir l'autorisation d'instaurer un péage. Là aussi, il vaut la peine d'aller voir ce qui se passe en Europe. Dans nombre de grandes villes, les autorités se rendent compte que le péage est un frein important à l'utilisation d'un axe routier. Et les automobilistes, plutôt que de passer à la caisse, transitent en se faufilant dans les petites rues. Certaines autorités de ces villes ont pris la décision de racheter des tronçons d'autoroutes de contournement, afin de les libérer du péage et ne laisser subsister aucun élément dissuasif par rapport à leur utilisation.
A Genève, on fait l'inverse : on construit une traversée sous prétexte de décharger les quais et, en même temps, on engage des mesures dont on connaît les effets dissuasifs sur les automobilistes. Ils préféreront se faufiler en ville pour échapper au péage. Décidément, Genève est incapable de tirer les leçons de ce qui se passe ailleurs.
D'ailleurs, certains doivent être un peu sceptiques sous la coupole fédérale. D'une part, Genève exerce une pression énorme pour obtenir le droit de faire payer l'utilisation de la rade. Parallèlement, Genève implore Berne de lever l'obligation de la vignette autoroutière pour le contournement, en invoquant son effet dissuasif. C'est pour le moins contradictoire !
Reste encore l'argument que la rade est le seul moyen de permettre aux TPG de se développer, tout particulièrement sur le pont du Mont-Blanc. Rappelons deux points. Les TPG doivent en effet se développer : le peuple l'a demandé, la loi l'exige. Or développer les TPG doit impliquer un transfert modal entraîné par un attrait accru et des mesures d'accompagnement, dont une diminution du recours à la voiture. Ce développement ne signifie pas, comme vous l'envisagiez, reporter le trafic automobile un peu plus loin, sur une traversée de la rade.
Quant à l'impossibilité de développer les TPG sur le pont du Mont-Blanc sans perturber la circulation, je vous renvoie à l'exemple du pont de la Coulouvrenière et à la mise en fonction du tram 13. Que n'aviez-vous pas prédit comme effets désastreux sur ce pont, vu la décision d'introduire des lignes de tram dans les deux sens ! Or on peut constater des effets inverses : le tram a entraîné une amélioration de la fluidité du trafic et son empiétement ne gêne en aucune manière la circulation.
Un dernier point concernant l'emploi. On argumente sans cesse que la traversée de la rade est indispensable pour sauver l'économie et des emplois. Ma première question, face à un tel raisonnement, est : qu'allez-vous bétonner pour sauver des emplois après l'achèvement des travaux de la rade ? Mais c'est votre stratégie qui nous inquiète plus fondamentalement. Elle n'apporte pas de réponse sur le long terme, elle est essentiellement définie en termes économiques. Elle ne se préoccupe guère de ses conséquences sur les relations sociales, sur la qualité de la vie et sur l'environnement.
Vous semblez considérer l'approche économique comme la seule fondée scientifiquement. Permettez-nous d'affirmer qu'elle doit intégrer d'autres dimensions : sociales, culturelles et écologiques. La traversée de la rade, comme instrument de reprise de croissance, est non seulement un mirage, mais un mirage de courte durée, faisant oublier qu'un investissement de cette importance n'a de sens que s'il s'inscrit dans la mise en oeuvre d'un avenir créateur d'emplois, d'activités sociales, culturelles et économiques durables, ce que n'offre visiblement pas un ouvrage de béton une fois terminé.
Il faut être aveugle pour ne pas constater que des questions aussi brûlantes que celles de l'emploi et de la pauvreté ne sont et ne peuvent pas être résolues par les seuls mécanismes du marché.
Il faut être aveugle pour continuer à croire que maximaliser le profit monétaire est un substitut acceptable à des objectifs d'intérêt collectif de notre société toute entière.
Pour toutes ces raisons, nous disons non à la traversée de la rade et revendiquons, Monsieur Joye, ce droit de dire non. Depuis quand, dans ce parlement, sommes-nous condamnables d'avoir un avis et de l'exprimer ?
Nous le réaffirmons : oui, nous avons à coeur que le peuple puisse se prononcer, mais nous l'engageons à dire non. (Applaudissements.)
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je prends la parole malgré toutes les excellentes argumentations exprimées dans nos rangs, car on a très peu parlé du site concerné. La rade de Genève n'est pas n'importe quel espace. Ce n'est pas un espace donné par la nature seule, mais abondamment travaillé par la communauté pour en faire un espace envié, qui figure parmi les plus beaux sites du monde. Entre Alpes et Jura, traversée par le Rhône et l'Arve, Genève doit à toute cette eau une bonne part de son indépendance économique et de son développement historique. Et au cirque de montagnes couronné par le Mont-Blanc, son attrait à l'époque du tourisme moderne, dès la fin du siècle des Lumières.
C'est le travail d'aménagement de la communauté. La hauteur du plan d'eau n'a cessé de varier dans l'histoire, et son histoire naturelle existe avec des variations très importantes. Jusqu'au XVIIIe siècle, les rives des Pâquis et des Eaux-Vives étaient régulièrement inondées par les crues saisonnières. Les premières maisons de maître, construites au large des fortifications de la ville, l'ont été à l'écart des rives, un peu en hauteur, comme à Montchoisy ou à Frontenex.
Au début du XIXe siècle, on doit à l'initiative des libéraux - les affairistes de l'époque issus de la Révolution française - l'aménagement de la rade. Après un vidage de l'industrie, ils créèrent des quais, un pont - celui des Bergues - des immeubles résidentiels et la petite rade, un des sites les plus élégants dont puisse rêver une ville.
A la démolition des fortifications, on doit, toujours à cette même classe de concepteurs dominée par la figure du général Dufour, un deuxième pont, celui du Mont-Blanc, et surtout la magnifique jetée actuelle avec le début des quais qui constituent l'avancée de la rade vers l'amont.
Enfin, on doit à un concours organisé pour le 600e anniversaire de la Confédération, en 1891, les quais actuels des Eaux-Vives, du côté du Mont-Blanc, ainsi que le jet d'eau. Après la première guerre mondiale, la Ville de Genève organisait un nouveau concours, pour la poursuite de quais jusqu'au parc Mont-Repos d'un côté, et à Genève-plage de l'autre. Cet aménagement s'est complété par l'achat ou la cession ou le legs des parcs du Jardin botanique. Ils forment aujourd'hui, aux frontières de la ville, un extraordinaire cirque de verdure, un élément attrayant supplémentaire.
Le rapport, extrêmement harmonieux, entre la ville et son environnement rural, figure parmi les plus beaux, mais il est mis en cause aujourd'hui. Lors d'une discussion, des dirigeants de l'Office du tourisme de Genève affirmaient qu'il suffisait - au Japon, aux USA, ou dans le sud-est et les pays du Golfe - de déployer quelques affiches de ce site pour se dispenser de tout discours, le déclic étant immédiat. Les agents de marketing de Genève ont ainsi un argument économique et financier de toute première catégorie !
M. Koechlin nous dénie le droit d'être contre, parce que le peuple a exprimé sa volonté en faveur d'une traversée. Mais vous n'avez pas, Monsieur Koechlin, à nous dénier ce droit. J'avais vingt ans, lorsque le réseau de tramways a été démantelé. Je n'avais pas la parole et je n'étais pas inscrite dans un mouvement d'opposition, à cette époque, autre que celui du café du commerce et de l'université. Mais nous n'avons jamais été entendus sur l'absolue bêtise qu'ont représenté ce démantèlement et d'autres aménagements autour du Rhône et des quais, ainsi que certaines dispositions favorables au trafic automobile.
Aujourd'hui, nous espérons être entendus. Nous n'avons pas l'intention de ne pas rendre hommage aux travaux des ingénieurs qui ont étudié les différents projets de pont et de tunnel. Mais l'enjeu de la politique urbaine se situe-t-il sur un pont ou un tunnel ? J'aimerais citer Umberto Eco. Lors d'une conférence sur les eurocités, il faisait une projection sur la ville de demain et tirait les conclusions suivantes : on s'y rendra pour la culture, le tourisme, les échanges humains, la communication, la formation. Une ville dont l'industrie aura probablement été bannie et où la qualité de vie sera un atout majeur pour sa survie en tant que ville européenne. Il le disait aux représentants des villes d'Europe réunis à Bologne et je ne veux pas oublier cet argument.
Face aux villes européennes, pourrons-nous brader notre rade, fruit d'un travail de plusieurs siècles d'urbanistes, d'architectes, d'investisseurs, en imaginant un ouvrage dont la substance n'est pas en cause, mais bien l'opportunité historique. Tout le monde, dans nos rangs, affirme que c'est un ouvrage obsolète parce qu'on ne fait plus venir de voitures en ville. S'il n'est pas un pont urbain qui relie les quartiers les uns aux autres, il ne peut être qu'un viaduc autoroutier.
Il y a plus de dix ans, le développement d'un projet, effectué en partie à l'école d'architecture, s'intitulait : «Cinq cents mètres de ville en plus». C'est le seul projet intelligent pour justifier un pont. Il prévoyait la construction d'une ville au bas du coteau de Cologny jusqu'à Vésenaz, là où il fait bon vivre avec des qualités de logements exceptionnelles. Cette tête de pont aurait été reliée à l'autre rive, où aurait pu se développer un quartier moins important.
Tout autre projet de pont - a fortiori un tunnel - n'est qu'un tronçon d'autoroute, et nos discussions actuelles sur le péage et la circulation automobile le prouvent. Ce n'est en aucun cas, Monsieur Blanc - il n'est plus là - une préoccupation esthétique. La seule que nous puissions avoir, c'est reconnaître l'extraordinaire beauté du site dont nous avons hérité. Je vous invite à le léguer à nos successeurs, afin de n'avoir pas honte, un jour, de l'avoir détruit.
Mme Marlène Dupraz (AdG). Je me mets à la place du citoyen, car lorsque que j'arrivais ici sous le porche de l'Hôtel de Ville, j'avais cru que l'on a commencé à inaugurer le pont et le tunnel. Excusez-moi, mais avec cette démonstration à l'entrée je me disais qu'il manquait la fanfare pour cette inauguration. Mais c'était une anecdote et je passe aux choses un peu plus sérieuses.
La traversée de la rade était une expression qui parlait de son époque où une conjoncture était «ivre-ment» prometteuse, où l'automobile symbolisait l'émancipation économique pour les citoyens, où la circulation urbaine et suburbaine ne faisait pas l'objet de préoccupations autant prioritaires. C'était une époque où la modélisation du trafic n'était connue que de pays qui vivaient déjà ce mal irréversible. Sans connaître la construction de l'automobile dans nos frontières, nos importations et l'encouragement à la voiture ont amené les mêmes résultats. Aujourd'hui, nous vivons une autre conscience et avons de meilleures connaissances en matière de circulation et leurs problématiques sont nettement mieux cernées.
Pont-tunnel, tunnel-pont. Le Conseil d'Etat et son chef du département des travaux publics n'ont qu'une ronde obsession : - à partir d'une intention vieille comme la prospérité des décennies précédentes - briller aux yeux du monde entier, apporter la caution au modèle économique à l'américaine, réaffirmer leur fidèle tradition à la vanité de mondialité et, enfin, démontrer à leurs idoles qu'ils sont bien le sous-produit des USA attendu par les sociétés libéro-reaganiennes.
Où donc est passé le débat sur les problèmes de la circulation du centre-ville ?
C'est dans cet esprit-là que la commission des travaux était pendant des mois - aussi disait M. Koechlin - six mois ! Il s'agissait beaucoup de séduction pour le produit. Et toute la commission en était conditionnée. Les députés absolument infantilisés et les fonctionnaires soigneusement sélectionnés pour cette opération. Ils étaient transformés en zélés promoteurs publicitaires et commerciaux : séances de diapositives, tourisme guidé sur les deux rives du lac, audition des potentiels soumissionnaires..., et j'en passe !
Le but visé était celui de nous convertir à la religion consommante. Puisque l'esprit de consommation devait faire son oeuvre, on n'hésita pas à se mettre dans la peau de l'acheteur. M. Joye nous confia avec spontanéité, devenu soudainement lumineux, qu'il avait toutefois abordé une entreprise chinoise qui nous réaliserait l'ambition pour moins cher que tout autre avec son personnel, à n'en pas douter, hautement qualifié. De solides garanties de maintien de prix était promises.
A nous donc de tirer conclusion sur les prétendues créations d'emplois. Il était manifestement confronté en permanence aux problèmes des dépenses avec les promesses d'emplois. Que dire de l'information occultée tout au long de l'étude de ce dossier ? Les rapporteurs de minorité l'ont bien souligné, la droite du Grand Conseil et le Conseil d'Etat n'ont cessé de pratiquer l'opacifiscence depuis leur arrivée au pouvoir. Il a fallu beaucoup d'énergie pour leur tirer les vers du nez.
Ailleurs, comme au sein des commissions, c'était un véritable matraquage commercial. La droite pontifiante s'en est relativement bien tirée du fait qu'on n'a jamais pu s'accorder le temps ni aucun moyen de reconsidérer les véritables noeuds du problème que suscitait ce vieux projet, à savoir le désengorgement du trafic automobile en ville. On s'en est même dangereusement écarté et je dirais pourquoi dans un instant, lorsque qu'on passera au chapitre de la circulation.
Quant au responsable du tourisme genevois qui s'inquiétait, hachant son interprétation des choses en termes comptables de nuitées, comme il l'a fait récemment dans une rencontre culturelle avec M. Vaissade et M. Barre, maire de Lyon, on pourrait peut-être lui donner certaines réponses en espérant qu'il réfléchira un peu moins, mais un peu mieux. Au lieu de compter les nuitées, il comptera les voitures et les passages sur le pont ou dans le tunnel.
Il aurait pu se dégager de ce dossier des aspects intéressants qui n'auraient pas dû échapper aux milieux économiques et si nos «responsables» de l'économie étaient sincères, ils auraient manifesté un signe d'interpellation et seraient intervenus pour que deux points soient pris en sérieuse considération et mis à l'étude de manière plus approfondie.
Le premier point : le tourisme : risques, dynamique, structurés et enjeux que causerait cette traversée. Le deuxième point : le trafic. Initialement il s'agissait de désengorger le centre-ville et les pendulaires. Le résultat est que nous ne parlons plus que de liaison pont-tunnel qu'impliquerait à son tour le concept de la traversée elle-même. Il est réaffirmé dans le rapport que le projet est de relier la route Blanche au pont ou tunnel à l'autre côté, à l'autoroute de Lausanne.
Ces liaisons font indéniablement un appel à la circulation tout comme un appel d'air dans un fourneau en pleine combustion. Vous n'êtes ni dupes ni ignorants que Genève-Vallard constitue un véritable cauchemar en période de vacances et les weeks-end d'hiver. Ces liaisons dessinent un véritable axe nord-sud, sud-nord pour les poids lourds internationaux.
Si ma mémoire est bonne, une résolution de l'Entente a été déposée pour déroger à la loi sur les poids lourds pour les camions étrangers qui traverseraient notre territoire. La traversée, incontestablement, sera l'aboutissement d'une série de négociations qui portent notamment sur la reconnaissance de la liaison d'une dizaine de kilomètres comme route nationale. Dès lors, quel sort sera-t-il réservé aux communes touchées par ce tracé ? Auront-elles encore leur mot à dire ?
En conclusion à la préoccupation première, le trafic des poids très lourds de 38 tonnes, voire 40 tonnes clandestines, traversera nos localités. Un document nous avait été remis par M. Joye, il nous familiarise à cette idée des centres éloignés. Faut-il comprendre que ces centres éloignés transformeront nos villages en noeuds autoroutiers ?
Quant au chapitre des emplois, nous n'y croyons plus. Nous avons pu vivre l'expérience de Reuters. D'abord quelques centaines d'emplois nous ont été promis. Quelques dizaines d'emplois subsistaient aux arguments mensongers du Conseil d'Etat et du département de l'économie. En fin de compte, nous avions appris, à fin juin par la presse, quelques licenciements chez Reuters avant même que cette institution ait engagé les travaux de sa réinstallation sur ce magnifique plateau de la Pallanterie. La carte de visite de Reuters a beaucoup obligé notre Conseil d'Etat. Par contre, à ce jour, rien n'oblige le Conseil d'Etat à nous révéler la teneur du droit de superficie consenti à Reuters. Voilà pour l'emploi et la gestion de nos biens collectifs ! Souvenons-nous en !
Après tant d'indignations justifiées des opposants, on est en droit de dire que la majorité et son gouvernement seront responsables de l'explosion du trafic routier et autoroutier genevois du saccage de notre canton, et de la lourde dette pour l'investissement de pas moins d'un milliard de francs pour nos futures générations, alors que tant est à faire...
Le président. Madame la députée, il vous reste trente secondes.
Mme Marlène Dupraz. Oui, ...tant est à rétablir de ce que vous avez ôté à l'éducation et à la formation des jeunes. Vous êtes responsables de la pauvreté gagnante des classes moyennes et du fossé toujours plus profond entre riches et pauvres. Les clivages, n'en doutons pas, seront le facteur fatal des conflits larvés ou ouverts dans toutes les couches sociales. Vous êtes responsables aussi de l'aggravation du chômage local, car, on s'en souvient, la majorité travaille à faire admettre l'emploi des travailleurs étrangers par le biais...
Le président. Madame la députée, je suis responsable de faire respecter le temps de parole et je vous demande de conclure.
Mme Marlène Dupraz. J'arrive à la fin, je conclus ...de l'ajustement des grosses entreprises installées sur notre territoire ou non installées sur notre territoire. Vous êtes responsables du futur dumping salarial également.
En conclusion, au bout de cette course, les yeux fermés sur votre rêve mégalo-maniaque, vous n'avez songé... (Exclamations.) ...à aucun moment...
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît !
Mme Marlène Dupraz. ...à différer - j'ai encore deux lignes et puis c'est bon - ces projets dispendieux. Il s'agit là d'un caprice d'un peu plus d'un milliard, un caprice absolument inacceptable, c'est pourquoi nous recommandons le rejet de ce projet. (Exclamations.)
Le Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'ambition, et j'espère que vous la partagez, de terminer le premier débat avant la pause. Nous avons encore une dizaine d'orateurs à entendre avant le conseiller d'Etat.
M. Michel Ducret (R). J'ai été quelque peu interloqué en lisant les rapports de minorité, surtout celui de M. Saurer. Ce dernier fait preuve de la plus grande mauvaise foi en se plaignant - et en quels termes ! - que l'étude de ces dossiers a été menée au pas de charge, alors qu'en réalité cette affaire traîne depuis 1964.
Au fond, le rapport du député Saurer n'est que le fruit d'une attitude négative qui l'a fait venir à la table de la commission en étant tellement convaincu qu'il fallait rejeter ce projet que je ne vois guère de quoi il peut bien se plaindre. A part peut-être que l'étude en commission n'a pas assez traîné à son goût. Enfin, tout cela se traduira par une votation populaire, et c'est sans doute bien ainsi.
A lire les rapports de minorité qui, sans doute, recèlent quelques renseignements intéressants, il m'est apparu que la question essentielle n'a pas été posée, à savoir que fera Genève en cas de refus de cette nouvelle traversée ? Quelles seraient les conséquences d'un tel refus ?
De cela, pas un mot, mais un grand silence qui se traduit par «rien». Voilà ce que propose la gauche genevoise, soit l'augmentation des impôts sans objectif concret, d'une part, et, d'autre part, l'augmentation des dépenses générales. Bien sûr, on prétend développer les transports publics, mais on est prêt à les laisser s'engluer dans un trafic urbain trop important. Ensuite, il ne faudra pas compter sur les responsables qui se montreront incapables de ne pas mettre à mort l'économie dont nous vivons tous par des mesures inadaptées.
D'ailleurs, on voit comment les opposants représentés par la gauche genevoise, politiquement majoritaire au Conseil administratif de la Ville de Genève, développent les transports publics : en imposant, par incurie, deux ans de retard à la ligne de tram 16. Serait-ce donc une fine stratégie pour contrer la rade, puisque M. Saurer a déclaré qu'il serait bon de développer les TPG avant de mettre en service la nouvelle traversée - mais pas avant de la construire ? Ou est-ce la concrétisation du «ne rien faire» dont je parlais plus haut ? Quelle belle démonstration la gauche effectue-t-elle en voulant nous donner la leçon ! D'ailleurs, Mme Reusse-Decrey qui prône de contourner la ville au lieu de traverser la rade sera au premier rang pour s'opposer au contournement qui passera par Troinex. Elle le fait d'ailleurs déjà.
L'aspect transports publics est sans doute un des éléments les plus intéressants de toute cette affaire. Savez-vous que le métro léger proposé aujourd'hui par les experts mandatés par le Conseil d'Etat implique, pour être attractif, une relation directe et efficace entre Rive et Cornavin ? Cette utilisation du pont du Mont-Blanc est une condition essentielle pour réaliser la ligne de ce métro léger allant du CERN à Annemasse. Sinon, nous serons contraints de revenir au métro souterrain automatique, réduit au trajet Rive-Meyrin et totalement hors de la circulation générale que vous n'aurez pu restreindre.
Une fois encore, M. Saurer se demandera où trouver de l'argent, car le coût estimatif de ce métro automatique s'élève au moins à 1,4 milliard entre Rive et Meyrin sans les surprises du sous-sol. Par contre, le coût du métro léger Annemasse/Rive/Meyrin/CERN s'élève à quelque 500 à 600 millions. La différence est d'environ 800 à 900 millions. Voilà donc l'argent que vous cherchez !
L'option «métro léger» retenue par le Conseil d'Etat dans sa grande sagesse est, en outre, plus conforme aux voeux exprimés voici quelques années par les associations d'usagers des transports publics, ainsi que par certains groupes politiques et, notamment, les Verts. A elle seule, elle permet financièrement de mettre en place cette fameuse traversée de la rade qui n'aura toute sa valeur que pour autant qu'elle permette de diminuer les nuisances d'un trafic inutile en ville de Genève, tout en autorisant des mesures sérieuses en faveur des transports publics sur les pénétrantes.
Au nom d'une vue d'ensemble de notre système de déplacement, le parti radical genevois soutient ce projet qui est une clé de notre avenir et auquel les opposants n'ont aucune contre-opposition réaliste et concrète à formuler.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je serai brève, mais je tiens à rappeler qu'à cette heure même les délégués du monde entier discutent à Genève des conséquences de l'effet de serre. Ils sont unanimes à déclarer le danger réel et la nécessité d'agir immédiatement. De son côté, le Conseil national a une position avancée sur ce sujet et préconise la réduction du trafic automobile comme étant une des premières mesures à prendre. Et, au même moment, ce Grand Conseil va proposer au peuple un objet routier d'environ un milliard qui augmentera le trafic automobile en général et contribuera à l'augmentation de l'effet de serre, ce qui est absolument surréaliste. C'est pourquoi je voterai non à ces deux projets.
D'autre part, il suffit d'observer comment la population se déplace aujourd'hui pour constater qu'elle est beaucoup plus maligne et adaptée qu'on ne le suppose. L'augmentation spectaculaire des scooters en ville démontre que les gens ne vont pas attendre dix ans le règlement des problèmes de la circulation. D'ores et déjà, ils trouvent des solutions rapides et simples. Aussi, quand la traversée sera réalisée, elle ne correspondra peut-être plus du tout à l'évolution du trafic.
M. Jean-François Courvoisier (S). Il est évident que je soutiens tous les arguments de mes collègues qui ont la sagesse de s'opposer à ces projets démentiels.
J'ajoute que ceux et celles de ma génération ont d'authentiques raisons d'être horrifiés par l'enlaidissement progressif, au cours des dernières décennies, de notre ville et de notre canton. Le comble de l'ironie est que l'on peut lire, sur la hideuse façade de La Placette qui a remplacé ce qui fut, autrefois, le beau quartier de Saint-Gervais, «Jean-Jacques, aime ton pays».
A cause de mon soutien au groupe «Pour une Suisse sans armée», certains me reprochent de manquer de patriotisme. Mais ma patrie est ailleurs, c'est celle que chantait notre grand Jaques-Dalcroze dans «Le Pays romand», quand il disait : «Et les choses qu'on voit, tant de vieux les ont vues, le passé a formé notre amour pour les choses, les amours sont écloses, c'est si simple d'aimer.»
De ce que l'on voit et que l'on aime, restent les superbes demeures des siècles passés, quelques beaux quartiers, choses que nous devons à nos aïeux. Mais il y a surtout notre lac que nous devons à la providence et la situation exceptionnelle de notre ville sur ses rivages. Paysage unique au monde, que je chérissais déjà dans mon enfance quand je me baignais à la Pointe-à-la-Bise et que je fêtais le 1er Août au chemin de Ruth. J'admire toujours ce lac quand je rejoins Genève par l'une ou l'autre de ses rives.
Cette patrie qui est mienne n'est pas menacée par une armée étrangère, mais par le lieutenant-colonel Philippe Joye qui, par mégalomanie, n'hésite pas à détruire l'un des plus beaux joyaux de notre pays, le bout du lac Léman, ou ses rives par des accès à un tunnel.
Je fais remarquer que notre canton a une vocation touristique. Comme seuls les arguments économiques semblent intéresser mes collègues de droite, je dirai qu'il n'y a pas besoin d'être Jérémie pour prévoir que, lorsque Genève ressemblera à la banlieue d'une grande ville américaine, les touristes ne s'y arrêteront plus et ce sera la ruine des hôtels et des restaurants situés sur nos quais.
Puisque M. le président Joye n'a pas le courage de renoncer à son projet, comme le lui demandait le journaliste Daniel Cornu dans la «Tribune de Genève», au printemps dernier, nous devons refuser ces crédits gigantesques pour sauver le visage aimé de la patrie et éviter aux contribuables une dépense aussi ruineuse qu'inutile. Nous espérons que notre population ne laissera pas commettre ce crime irréparable.
M. René Koechlin (L). Ayant été interpellé à diverses reprises, je réponds à des déclarations inexactes.
Vous faites partie des gens, Monsieur Longet, qui, comme le dit La Rochefoucauld «montrent une mine attentive en même temps que l'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement pour ce qu'on leur dit et une précipitation pour retourner à ce qu'ils veulent dire, au lieu de considérer que c'est un mauvais moyen de plaire aux autres que de chercher si fort à se plaire à soi-même et que bien écouter et bien répondre est une des plus grandes perfections que l'on puisse trouver dans la conversation». Fin de citation ! (Applaudissements.)
Premièrement, je ne vous ai pas demandé de voter oui. Je vous ai prié de nous dire ce que vous proposiez pour concrétiser l'initiative votée par le peuple.
Deuxièmement, le double des 600 millions que vous prêtez à mes propos, lors d'un débat public, est probablement le fruit de votre imagination - bien que nous nous en soyons expliqués précisément à la buvette tout à l'heure - de votre imagination, dis-je, et de vos rêves libératoires du libéralisme.
Troisièmement, je n'ai ni dit ni prétendu que vous et votre parti n'étiez pas démocrates. J'ai simplement relevé que vous ne faisiez rien pour concrétiser une initiative votée par le souverain.
Je voulais également répondre à Mme Deuber, mais elle est absente. Je ne lui contestais pas son droit de dire non, mais je conteste sa prétention d'avoir présenté quoi que ce soit pour répondre à l'initiative car, concrètement, je n'ai rien vu de ses propositions.
Quatrièmement - et j'en reviens à M. Longet qui est reparti à la buvette - et m'adresse également à Mme Reusse-Decrey qui, elle, est dans la salle, pour leur dire qu'en matière de transports publics, depuis le vote de 1988 visant à les rendre plus efficaces, nous avons déjà dépensé 800 millions, à raison de 100 millions par an, pour en combler le déficit, et cela uniquement en ce qui concerne le budget de fonctionnement, sans parler du budget d'investissement qui s'approche du milliard. Alors ne dites pas que l'on ne dépense pas assez pour les transports publics !
Enfin, je dirai à M. Blanc, qui est dans la salle, que si par sentiment - nous savons bien que c'est un grand sentimental ! - il préfère le pont d'autres personnes, sentimentales elles aussi, par attachement au site de la rade, préfèrent le tunnel. Vous parliez de la tour Eiffel, Monsieur Blanc, qui, entre parenthèses, fut conçue par un de mes éminents ancêtres : il ne saurait être question, je suppose, de l'affubler d'un téléphérique pour en atteindre le sommet. De même, ne violons pas la rade avec un pont !
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Avant d'intervenir, je souhaiterais que vous donniez lecture de la lettre du Comité d'initiative pour une traversée de la rade, datée du 28 février 1996, puisque c'est grâce à ce comité que nous tenons, aujourd'hui, ce débat passionnant. Il serait donc intéressant de connaître son point de vue. Je vous remercie.
Le président. Cette demande étant appuyée, je vous prie, Madame la secrétaire, de bien vouloir donner lecture de cette lettre.
Annexe: lettre du Comité d'initiative pour une traversée
de la rade du 28.2.1996.
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). La meilleure façon de tuer un patient, c'est de mettre plusieurs médecins à son chevet ! (Rires.) MM. les rapporteurs de minorité Godinat, Saurer et Hausser en ont fait une brillante démonstration ce soir ! C'est aussi une façon de noyer le poisson...
Néanmoins, M. Godinat a souligné quelques points importants que je souhaite relever.
Monsieur Godinat, vous avez dit la nécessité d'établir des priorités, et c'est juste. Tout entrepreneur le sait, on ne peut pas faire les choses n'importe comment. En ce qui vous concerne, vous donnez la priorité aux transports publics, mais la population s'est exprimée différemment, et cela bien avant le vote de 1988. Rappelez-vous la priorité en toutes circonstances des transports publics refusée par le peuple. Par conséquent, vous êtes en train de commettre une erreur.
Pour un objet aussi important que celui de la traversée de la rade - et là, j'abonde dans votre sens - il est indispensable, si l'on veut mener une réflexion objective, de tenir compte de l'environnement socioéconomique dans lequel s'inscrit le projet. Personne, aujourd'hui, ne doute que nous ne traversions une grave crise psycho-économique, à Genève. M. le conseiller d'Etat Joye parle même de crise «gravissime». En effet, en dehors des composantes économiques classiques de la crise qui sont la baisse du pouvoir d'achat, la baisse de la consommation, l'augmentation du chômage, il y a la peur de l'avenir et la perte de confiance. Deux attitudes sont possibles dans un tel contexte.
La première, pessimiste, privilégie une vision à court terme et consiste à attendre que «ça passe». Elle suscite une démission qui s'accompagne, généralement, d'un activisme maladif dans le but de maintenir à tout prix ce qui existe, quand bien même que cela n'est pas viable, et M. Ducret en a fait une brillante démonstration, tout à l'heure.
L'autre attitude est optimiste et privilégie une vision à long terme. Elle cherche à tirer profit de la remise en question inhérente à toute crise, afin de trouver des solutions créatives et innovantes pour sortir de schémas manifestement inadaptés. Cette démarche se traduit par une politique ferme et ambitieuse d'investissement permettant de surmonter la situation de crise, mais il faut établir des priorités, Monsieur Godinat !
En ce qui concerne Genève, il faut briser le cercle vicieux de cette crise psycho-économique en nous engageant dans des projets qui assurent le développement à long terme de notre canton, créent une dynamique d'embauche et redonnent, par là-même, confiance et enthousiasme à ceux déprimés par la conjoncture défavorable.
Or la traversée de la rade est précisément l'archétype du projet qui présente les qualités d'être rassembleur, utile et porteur d'avenir. En effet, connaissez-vous beaucoup de projets de cette envergure qui cumulent autant d'avantages ? A savoir être réclamé par plus des deux tiers de la population à chaque consultation, c'est-à-dire à chaque sondage; générer une quantité importante d'emplois; assurer le développement à long terme de Genève; optimiser la complémentarité des transports publics et privés; diminuer considérablement - on parle de moins de 40% - la pollution et le gaspillage d'essence; avoir le soutien - et c'est exceptionnel ! - de tous les experts de la circulation et celui des syndicats; présenter une attractivité touristique; permettre l'évolution des plans obsolètes d'aménagement du territoire; être résolument porteur de relance économique et, finalement, avoir plusieurs options de financement, soit par le biais de fonds publics, c'est-à-dire l'impôt-auto, soit par les utilisateurs-payeurs, c'est-à-dire le péage, ou encore par les deux.
Qui pourrait croire qu'un tel projet, étonnant d'actualité et d'opportunité, est vieux de plus vingt ans ? En effet, c'est en 1975 qu'un député radical a déposé la première motion sur cet objet. A l'évidence, le projet de la traversée de la rade, qui vous est soumis ce soir, n'a pas pris une ride. On ne peut pas en dire autant des opposants qui s'acharnent désespérément à empêcher sa réalisation en avançant des arguments si passéistes et incohérents qu'on peut raisonnablement se demander s'ils ne radotent pas. Il faut, cependant, reconnaître qu'ils ont de la suite dans les idées et n'ont pas ménagé leur peine pour faire capoter le projet ! Ils ont tout essayé, heureusement en vain jusqu'à présent, mais ils n'ont pas encore dit leur dernier mot. Nous devons donc nous attendre à une salve nourrie d'oppositions, de recours variés, pour sauver les moules zébrées, le patrimoine vivant ou encore les intérêts d'une association qui n'a pas encore vu le jour, et dont le nom et les buts restent à définir.
En 1988, les Genevois ont voté à 68,4% la traversée de la rade. En 1993, la population genevoise a élu un gouvernement exceptionnel, homogène, sept sur sept. A ce jour, les engagements pris, en ce qui concerne la rade, ont été respectés, et les Genevois ne peuvent que se féliciter du bon choix de gouvernement qu'ils ont fait.
Sans ce gouvernement homogène et une Entente soudée, le vote de ce soir aurait eu peu de chance d'avoir lieu. C'est un vote historique d'un caractère exceptionnel, parce qu'essentiel pour l'avenir de notre canton. Il redonnera confiance et relancera l'économie, élément-clé de cet état social auquel nous tenons tous.
Ceux qui voteront ce soir en faveur de la traversée de la rade démontreront clairement leur volonté de tout faire pour rétablir un climat de prospérité. Par contre, ceux qui voteront contre prouveront, une fois de plus, que leur idéologie passe avant l'intérêt des Genevois et celui des chômeurs, avant le respect de la démocratie.
Afin que la population sache par qui elle est véritablement représentée, je demande le vote nominal à chaque projet de loi. (Appuyé.)
M. Christian Grobet (AdG). Plusieurs députés, dont M. Koechlin, nous ont dénié le droit de nous opposer au projet qui nous est soumis ce soir et nous reprochent de ne pas faire de propositions. M. Koechlin, qui s'est absenté et revient fort à propos, parce qu'aimant bien, sur ce point, faire la leçon aux autres, a réajusté... (Observation de M. Koechlin.) Vous n'avez pas été interrompu, Monsieur ! Nous vous avons même écouté avec délectation quand vous avez confirmé vos talents d'acteur qui ressortent d'ailleurs constamment dans vos interventions.
...a quelque peu réajusté son tir. En effet, il aurait été paradoxal que vous nous refusiez le droit démocratique de nous opposer à un projet et peut-être vous êtes-vous souvenu, quoi que vous n'en ayez rien dit, que les partis de l'Entente, voici quelques années, avaient voté, ici même, contre l'initiative. Il est vrai que depuis ce vote tactique, vous avez constamment évolué. Quant à nous, nous sommes restés constants dans notre opposition à ce projet, et c'est notre mérite, permettez-moi de vous le dire !
Monsieur Koechlin, vous savez pertinemment que ce n'est pas à nous de faire des propositions pour concrétiser cette initiative, du fait que nous y sommes opposés. Mais vous, vous n'en avez pas fait non plus ! C'est l'exécutif qui a présenté des propositions pour tenter de concrétiser cette initiative. Par conséquent, ne venez pas nous faire des reproches parfaitement ridicules !
Quand des propositions sont communiquées, il appartient à chacun de prendre ses responsabilités en émettant un avis positif ou négatif à leur sujet. Ces propositions, nous les considérons mauvaises pour plusieurs raisons. La principale - je tiens à l'affirmer, puisque certains, dont M. de Tolédo avec tout son lyrisme, l'ont évoquée - est la situation économique. C'est précisément à cause d'elle que nous refusons des projets que nous n'avons pas les moyens de nous payer. C'est une réalité économique. Certes, on peut toujours, et vous avez raison de le dire, trouver de l'argent pour s'offrir quelque chose de mirobolant, une «cathédrale» qui va marquer le passage d'un conseiller d'Etat... (Chahut.)
Une voix. Les TPG !
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Christian Grobet. Je constate que certains renient les projets qu'ils ont eux-mêmes votés. C'est comme M. Blanc qui vient de reprocher à la gauche de s'être opposée au projet Reynolds en oubliant que le PDC, au Conseil municipal, s'était joint à cette opposition. C'est une contradiction de plus de votre part, Monsieur Blanc, mais nous en avons l'habitude ! (Brouhaha.) J'aimerais, Monsieur le président, pouvoir m'exprimer dans le calme relatif dont ont bénéficié d'autres députés pour souligner que la situation financière de l'Etat ne permet pas d'assumer un projet aussi coûteux que celui qui nous est soumis ce soir.
Quand on parle de 700 millions, on parle d'un minimum. C'est un prix évalué en 1995, et il est évident qu'à la fin de l'ouvrage, quand on aura établi les plans définitifs, parce que j'ai aussi une certaine expérience dans ce domaine...
M. René Koechlin. Laissez-moi rigoler avec votre expérience !
M. Christian Grobet. Monsieur Koechlin, l'expérience des architectes et des entreprises...
Le président. Monsieur le député Koechlin, calmez-vous !
M. Christian Grobet. C'est là qu'on peut se rendre compte que M. Koechlin vient de passer pas mal de temps à la buvette ! L'expérience des architectes et des entreprises me fait dire que les coûts avancés pour un projet qui n'est pas au point, sans les plans d'exécution, sont souvent en deçà de ceux auxquels on parvient une fois le projet définitivement établi. Aujourd'hui, nous ne disposons pas d'un projet définitif, avec des plans d'exécution, et les coûts articulés sont des estimations qui seront en dessous de la réalité. En tout état de cause, avec l'augmentation des prix, c'est bien plus de 700 millions qui seront dépensés pour ce projet.
Par voie de conséquence, d'autres projets... (Interruption de M. Christian Ferrazino.)
Le président. Mais oui, Monsieur le député Ferrazino, venez à ma place !
M. Bernard Lescaze. Ferrazino président !
Une voix. Vous le faites rêver !
Le président. Revenons à notre débat ! Monsieur Grobet, poursuivez !
M. Christian Grobet. Ce projet empêchera la réalisation de toute une série d'autres projets et, en raison des charges financières supplémentaires sur le budget, augmentera les restrictions budgétaires dans beaucoup de domaines qui en souffrent déjà aujourd'hui.
C'est le motif essentiel de notre opposition à ce projet absolument disproportionné. Le deuxième motif est que nous nous sommes préoccupés, tout comme vous, n'en déplaise à M. de Tolédo, du problème de la relance. Nous pensons que ce projet est un mauvais projet de relance. Sans prévoir le pire, à savoir qu'en vertu des accords du GATT une entreprise extérieure au canton bénéficie de cette timbale et que, finalement, ces 700 millions échappent aux entreprises genevoises, on sait que les travaux du génie civil ne privilégieront qu'une catégorie très restreinte du secteur de la construction et un secteur mineur de l'économie. Peu nombreuses, en effet, sont les entreprises qui s'intéressent à ces travaux et espèrent obtenir un suivi après le chantier de l'autoroute de contournement.
On a évoqué des annonces publiées dans la presse pour des montants de 15 000, de 30 000 F, et toutes sortes de moyens de propagande mis en place. Puisque vous vous êtes inscrit pour intervenir, nous aimerions savoir, Monsieur Balestra, qui paie toutes ces annonces, parce que j'ai peine à croire, malgré votre engagement et votre générosité, que cet argent provient de votre porte-monnaie. Alors, faites-nous le plaisir de nous dire, tout à l'heure, qui paie ces annonces. Maintenant, je vous pose une question précise : pouvez-vous affirmer, ce soir, qu'aucune entreprise intéressée à l'ouvrage n'a participé au paiement des annonces dont vous êtes un des responsables ? Vous nous répondrez incessamment.
Si nous voulons relancer l'économie, il nous faut, effectivement, soutenir l'ensemble de ses secteurs et pas seulement un secteur déterminé. Ce sont la multiplicité des chantiers, je dirais même des petits chantiers, et la multiplicité des actions dans divers domaines économiques qui permettront d'assurer la relance, et certainement pas ce projet-ci qui insufflera simplement un ballon d'oxygène, pendant deux ou trois ans, à quelques entreprises du génie civil.
Le troisième motif de notre opposition à ce projet, c'est qu'il fait - c'est le cas de le dire ! - totalement fausse route. Mme Reusse-Decrey a eu raison de rappeler que l'on revient trente ans en arrière. On nous propose un ouvrage aux caractéristiques autoroutières, quoi qu'en dise M. Vaucher, avec deux voies dans chaque sens, un tunnel pour le passage des véhicules de gros gabarit, une route qui vise à relier directement le réseau autoroutier suisse au réseau autoroutier français, quand le tunnel annoncé entre le plateau de Frontenex et Vallard sera réalisé. Or amener une autoroute en pleine cité est une absurdité à laquelle, effectivement, toutes les villes européennes ont renoncé. Encourager un tel projet, c'est revenir à la fin des années soixante, époque à laquelle il avait été abandonné.
Par ailleurs, ce projet remet en cause le développement des transports publics. M. Koechlin prétend, sans nous dire comment - un coup de baguette magique, peut-être ! - que la circulation diminuera de 30 ou de 40% au centre-ville...
Le président. Compte tenu de la minute supplémentaire que je vous ai accordée, il ne vous reste plus que dix secondes, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Vous dites que la traversée de la rade réduira la circulation en ville. Je voudrais savoir sur quoi vous fondez votre affirmation, aucune mesure n'étant proposée. Je rappelle simplement qu'on avait chanté la même chanson lors de l'inauguration de l'autoroute de contournement et promis des mesures pour réduire la circulation en ville. Non seulement elles n'ont pas été prises, mais elles ont été partiellement démantelées du fait de leur remplacement par des dispositions de portée limitée. Aujourd'hui, vous nous chantez le même air en disant : «Faisons un nouvel ouvrage routier pour permettre le développement...».
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député, concluez !
M. Christian Grobet. Je conclus. Toutes les villes modernes, y compris les villes américaines, ont compris que le seul moyen de régler le problème du trafic, c'est de développer les transports publics et d'arrêter de construire des ouvrages routiers tels que celui proposé ce soir.
M. Luc Gilly (AdG). Je me rappelle avoir entendu dans ce parlement : «Montana ? Plus d'argent : tranchons dans le lard !» ou encore : «Les étudiants paieront leurs études !». Or, ce soir, l'Entente s'apprête à gaspiller un milliard de francs, alors que le déficit de Genève avoisine les 9 milliards. L'environnement social se dégrade de jour en jour, vous le savez aussi bien que moi. Vous êtes donc disposés à dépenser un milliard pour un projet que d'autres, mieux que moi, ont défini comme passéiste et mythique. J'ajoute qu'il symbolise la culture de l'automobile.
Pour les raisons exprimées par les opposants à cet ouvrage, Genève et sa cité doivent faire un choix de vie et d'environnement pour le bien-être de leurs habitants. Le projet repousse aux calendes grecques l'option indispensable consistant à diminuer le nombre de véhicules dans notre ville.
Vous savez fort bien que la traversée de la rade ne résoudra pas les graves problèmes de circulation au centre-ville, d'autant plus qu'une majorité d'entre vous - et cela n'a pas été dit clairement ce soir - approuvera avec conviction la construction ou l'agrandissement des trois parkings prévus au centre-ville, soit à la place Neuve, à la place Grenus et à la rue du Mont-Blanc. La farce est grossière : on fait une grosse propagande affirmant que, grâce à la traversée de la rade, les voitures ne passeront plus par le centre-ville et, simultanément, on construit des parkings pour les garer. Est-ce cela votre politique globale des transports à Genève ?
Comment comprendre votre politique quand toute autre ville européenne, sur des schémas identiques, refuse de faire affluer la circulation automobile en son centre ? Genève, future capitale de l'environnement ou ville la plus motorisée d'Europe ? Elle compte déjà six cent soixante-dix véhicules pour mille habitants. Alors, soyons sérieux !
Le seuil de saturation étant largement atteint aux heures de pointe, et pas seulement sur les quais, les mesures principales à prendre sont, à mon avis, les suivantes :
1. Continuer l'extension des transports publics genevois; certains chantiers peuvent commencer tout de suite, grâce aux entreprises locales et la main-d'oeuvre genevoise actuellement au chômage. Les plans sont prêts.
2. Mettre rapidement en chantier les parkings «park and ride» qui sont l'unique solution pour que diminue le trafic dans toute la ville et pas seulement sur les quais. Il faudra éventuellement prendre des mesures pour obliger les automobilistes à garer leur véhicule s'ils n'en ont pas un réel besoin au centre-ville. Le chantage au pont du Mont-Blanc sera ainsi supprimé et le tram pourra le traverser sans encombre. Il est illusoire de croire que seuls les parkings de dissuasion diminueront le flux des voitures en ville.
Demain, nous traiterons de la pétition des habitants de la Jonction qui, selon la presse, est largement repoussée par la droite. Les habitants de ce quartier, notamment ceux domiciliés à la rue des Deux-Ponts, subissent un trafic, un bruit et une pollution épouvantables ! Les piétons courent des dangers dès qu'ils traversent ce rond-point inextricable, et j'estime que la solution, pour la Jonction, fait partie de ces mesures d'ensemble, à savoir développer les transports en commun pour éviter que les voitures n'entrent au centre-ville.
3. La troisième mesure se rapporte évidemment aux finances. Ce soir, vous allez commettre un hold-up avec ce projet de traversée de la rade. Savez-vous pendant combien de temps la situation genevoise sera prétéritée ? Connaissez-vous le nombre de projets nécessaires, dont le développement des transports publics, au bien de Genève, de ses habitants, voire de ses touristes ? Dans le même ordre d'idées, on a besoin d'assainir nos rivières, ce qui coûtera beaucoup. Il faut aussi étendre le domaine cyclable et les zones piétonnes, rénover le parc immobilier, améliorer les services de la santé et de la scolarisation, accroître les réseaux culturels. Tout cela risque d'être compromis par deux kilomètres d'autoroute ! Pour le canton de Genève, c'est payer cher, et politiquement et financièrement !
Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de ces projets de lois en vue des votations et demande également le vote nominal.
M. Michel Balestra (L). Encore que je ne sois pas réellement obligé de le faire, j'affirme sur l'honneur, au député Grobet, qu'il n'y a pas d'entreprise dans le groupe pour la sauvegarde de la rade et du Petit-Lac. Monsieur Grobet, contrairement à ce que vous imaginez, je n'ai jamais été le valet de quiconque et je n'entends pas commencer cette carrière ce soir. Loin de moi l'idée de vous reprocher votre opposition à ce projet. D'ailleurs, Genève sait, depuis plus d'une décennie, que vous ne savez faire que cela, et le faites plutôt bien.
Je suis sidéré de constater que mes collègues des bancs d'en face confondent toujours investissement et fonctionnement. Je vais me livrer à une petite démonstration d'une aussi mauvaise foi que celle que vous nous avez faites ce soir : nous investissons, pour les cent prochaines années, 6 000 F par an dans un projet de traversée de la rade. Est-ce trop cher pour l'avenir de Genève ? Il est vrai que les intérêts et l'amortissement occasionneront quelques dépenses supplémentaires, mais nos enfants seront fiers de nous, comme nous sommes fiers de ceux qui ont construit la Genève d'aujourd'hui, notamment le pont du Mont-Blanc, le pont et le quai des Bergues, car je vous demande ce que nous ferions si nous ne les avions pas.
A vous entendre, la démocratie doit être une énorme machine, commandée par des ingénieurs. Eh bien, nous avons une autre idée de la démocratie. Nous pensons qu'en démocratie, peut-être à tort, c'est à la population, par le truchement de ceux auxquels elle a délégué sa suprême autorité, de choisir son avenir. Et c'est tant mieux, car mes citations ne seront pas bibliques, ni d'Umberto Eco, mais celles d'un philosophe contemporain, que je maîtrise beaucoup mieux que le précédent, M. Michel Colucchi, qui a déclaré, je cite : «Vous mettez un technocrate dans le désert, au bout de trois ans il faut importer du sable !». (Rires.) Il est vrai que, ces dernières années, certains politiques ont obtenu des résultats aussi mauvais que les technocrates de Coluche. L'histoire a heureusement établi qu'ils provenaient plutôt de vos bancs que des nôtres. D'ailleurs, la preuve en est, ce soir, que l'autoroute de contournement que vous avez tous combattue avec la dernière des énergies, est votre meilleur argument pour combattre la traversée de la rade.
Nous nous réjouirons de faire la traversée de la rade, car en la construisant, nous vous fournirons vos arguments de demain. (Applaudissements.)
Contrairement à mes préopinants, je respecterai les accords de l'Entente et ne parlerai pas du tunnel que je chéris, contrairement à mon collègue Blanc qui a parlé de son projet préféré, ...le bip ! Mais le débat est là : il ne s'agit plus de savoir s'il faut ou non une traversée de la rade, le principe en ayant été voté. Il sera concrétisé, au mois de juin, par un double oui et ce sera tant mieux, car, contrairement à ce que d'aucuns pensent, l'automobile est un moyen de transport moderne, indispensable au fonctionnement de notre économie. Les transports publics sont également nécessaires, mais dans une perspective complémentaire aux transports privés. Il s'agit là d'une vérité historique. Toutes les collectivités ayant négligé leur réseau routier ont fait la preuve du doute qu'elles avaient dans leur avenir et se sont rendu compte qu'elles n'en avaient pas. A contrario, toutes les collectivités qui ont développé leur réseau routier ont cru en leur avenir et ont prouvé qu'elles en avaient un.
La majorité de ce Grand Conseil, comme celle de la population genevoise, croit en l'avenir de Genève, développe son réseau TPG, réalise la traversée de la rade et entre dans le troisième millénaire avec ambition et confiance envers et contre vous ! (Applaudissements.)
Mme Evelyne Strubin (AdG). Comme le rapport de majorité le dit, il fallait que le coût de l'ouvrage de la traversée de la rade soit clairement dissocié de celui de son raccordement. Effectivement, en séparant ainsi les diverses sommes, on arrive à peu près à noyer le poisson dans la rade !
Alors remettons les pendules à l'heure ! Les coûts sont de l'ordre de 700 à 800 millions pour la traversée quai à quai; de 1,05 milliard pour la traversée et son raccordement à Frontenex; de 1,5 milliard pour la traversée avec le raccordement jusqu'à Vallard qui permettrait de rejoindre le réseau autoroutier, ce qui ouvrirait éventuellement la voie à une subvention de la Confédération.
Cela passe par l'augmentation annoncée de 44 à 50% de la taxe-auto durant trente ans. Alors, dites-moi qui, dans trente ans, sera là pour rétablir le coût de la taxe-auto ? Disons-le franchement au peuple : il s'agit d'une augmentation de l'ordre de 100 à 150 F par personne ad vitam aeternam. D'ailleurs, sommes-nous absolument sûrs que la taxe-auto suffira et qu'il ne faudra pas en passer par la fiscalité ? Rien n'est absolument défini.
A ces coûts, il faut ajouter tous les aménagements prévus : extension de Genève-Plage; passerelle au-dessus du quai, à l'accrochage rive gauche; passerelle d'accès à l'île; transport de terre pour la même île; aménagement de la gare des Eaux-Vives; valorisation de Sécheron, de la place des Nations, et j'en passe ! Ces aménagements ne sont pas tous chiffrés, mais on ne se demande même pas pourquoi !
Les risques d'augmentation du coût des travaux sont imprévisibles. Certes, les entreprises se sont engagées à respecter les coûts plafonds, mais les risques non maîtrisés et non identifiés subsistent. Rien ne nous prémunit contre une explosion des coûts. Dans les grandes lignes, on en est là en ce qui concerne les coûts.
Maintenant, parlons nuisances ! On peut dire que le bruit généré sera modéré au pourtour du lac et dans l'hypercentre. Par contre, il s'élèvera dans les quartiers périphériques, tout le long de la moyenne ceinture. Le niveau sonore augmentera dans les zones d'accrochage et le pont lui-même sera générateur d'un bruit de fond permanent en fonction du vent. Il est d'ailleurs déjà question d'un éventuel emballage du pont, ce qui non seulement nuira à sa grâce légère, tant vantée, mais occasionnera encore un coût supplémentaire. Au niveau de l'air, la pollution, bien que légèrement diminuée au centre, augmentera en périphérie, selon le trafic, intoxiquant une plus grande partie de la population. Toutes ces nuisances pour une ville qui tente d'acquérir le titre de capitale de l'environnement, n'est-ce pas un peu contradictoire ?
Les plages publiques, soit Genève-Plage et Le Reposoir, seront particulièrement touchées, sans parler de la dégradation d'un des plus beaux sites de Suisse. Alors, que nous propose-t-on en fait de compensation écologique ? Une île, ni plus ni moins ! On a vu mieux, comme compensation écologique, qu'une île polluée et partiellement accessible ! Et pourquoi cela ? Pour améliorer le trafic ? Nous répondons qu'il est faux de penser voir se désengorger le centre-ville, à moins que le centre-ville ne soit que le seul pont du Mont-Blanc. Par contre, les Eaux-Vives, Champel, La Gradelle, Malagnou et La Servette, entre autres, souffriront grandement de cette traversée de la rade, il faut le savoir ! De plus, de nombreux automobilistes nouveaux engorgeront Genève, car ils pourront venir de plus loin. Avec le raccordement au plateau de Frontenex, une nouvelle porte s'ouvre sur Genève. Et ce sera pire si l'on va jusqu'à Vallard. Merci pour les habitants des zones touchées qui se plaignent, depuis des années, de vivre dans des quartiers saturés de voitures «imparcables» !
En résumé, la traversée : c'est moche, ça pollue, ça coûte cher et ça ne sert à rien ! C'est une dépense qui pèsera sur les épaules de deux générations de Genevois. Quand je pense qu'on essaie de fermer une clinique pour trouver 5 millions et que là on jette un milliard par-dessus les moulins sans sourciller, cela démontre, une fois de plus, l'incohérence du Conseil d'Etat, et surtout celle de M. Joye qui a tant commis de boulettes et dit de mensonges qu'il espère redorer son blason avec la traversée de la rade et son soi-disant souci d'information à la population ! En outre, par sa mégalomanie galopante, il a considérablement augmenté les coûts de cette traversée.
Pour en finir, je ne souhaite qu'une chose, Monsieur Joye : la rade pour que votre bateau y coule et qu'on n'entende plus parler ni de vous et ni de vos projets démesurés et fantaisistes ! (Applaudissements.)
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). La question centrale dans cette histoire - je ne dirai pas dans cette affaire - n'est-elle pas de savoir si la traversée de la rade est prioritaire en termes d'emplois ? Voilà une bonne question, Monsieur le député Unger !
J'ai quelques doutes parce que les travaux, tant sur le pont que sur le tunnel, ne maintiendront que quelques centaines d'emplois. Et après la réalisation ? A part des nuisances pour les habitants et l'utilisation croissante de véhicules, je ne perçois pas réellement de développement d'emplois durables. En revanche, la construction du métro, elle, aurait généré des emplois spécialisés lors de sa construction d'abord, pour sa maintenance ensuite.
Même la Fédération des métiers du bâtiment demeure extrêmement discrète sur la question de l'emploi. Le rapport de majorité n'y consacre que quatre lignes. La Fédération des métiers du bâtiment déclare qu'il s'agira du maintien de quelques centaines d'emplois. Pourquoi cette association n'en dit-elle pas plus ? Peut-être parce que ces quelques centaines d'emplois ne seront même pas attribués aux Genevois et qu'elle éprouve quelque difficulté à soutenir un tel argument.
J'ignore si les médecins achèvent leurs malades, mais je suis certaine que les députés-pharmaciens se trompent d'ordonnance et de posologie. La position syndicale, à laquelle ils font allusion, porte sur un autre projet, celui Pont - Bellevue - Cologny, qui date de quelques années.
La Communauté genevoise d'action syndicale n'a donc pas encore donné son avis, et vous serez peut-être étonnés quand vous le connaîtrez. Des discussions que nous avons eues avec les ouvriers, il ressort que ceux-ci sont plus réalistes et plus raisonnables que vos partis de l'Entente, sans doute parce qu'ils vivent la nécessité cruciale d'un emploi durable.
M. Michel Halpérin (L). Ce débat est long, mais il est passionnant. Je voudrais apporter quelque contribution à la mesure de quelques-uns des chefs-d'oeuvre d'éloquence que nous avons entendus ce soir. J'aurais aimé, par exemple, répondre à quelques propos venant de la gauche sur l'inutilité d'augmenter les taxes-auto ou sur le caractère finalement indifférent du maintien ou du développement de quelques centaines d'emplois. J'aurais pu m'arrêter aussi sur les mythes raillés par notre ami, le député Gilly, m'étonner des tentations policières qui viennent soudain à M. Grobet ou encore de ses références littéraires, très belles. J'aime entendre ici M. Grobet nous citer Oscar Wilde et l'importance d'être constant, lorsqu'il nous explique, effectivement, qu'il a eu beaucoup de mérite, mais qu'il a maintenu infailliblement le cap malthusianiste par lequel il a réussi, non sans efforts, à briser Genève, sa croissance et son économie ! (Applaudissements.)
J'aurais voulu saluer les efforts métaphoriques, fournis tout à l'heure, et que j'ai particulièrement appréciés; l'image du cocorico coulée dans le béton n'est pas près de s'enfuir de nos mémoires, pas plus que cette idée que notre peuple est ringard, puisqu'il vote des projets qui ont cinquante ans de retard. Il faut donc que notre peuple marche la tête en arrière ! Il fallait avoir le courage de le dire, c'est fait, nous n'aurons donc pas à le faire à la place de ses auteurs.
Ce soir, j'ai l'objectif beaucoup plus modeste d'aborder rapidement un des sujets évoqués, en passant, par M. Grobet, et qui a retenu l'attention de tous les rapporteurs de minorité, dont l'un en particulier. C'est le problème de la nature des travaux et des crédits que nous pouvons voter aujourd'hui. Je crois qu'il faut s'y arrêter cinq minutes, car la question juridique posée n'est pas sans intérêt. M. Grobet disait que l'on ne pouvait pas voter ce genre de crédit aujourd'hui. Cette préoccupation apparaît dans les trois rapports de minorité, sous une forme particulièrement sèche dans le rapport de minorité de M. Saurer.
Que nous dit l'article, cité par chacun, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat ? Il nous dit qu'il ne peut être demandé l'ouverture d'un crédit - article 52, alinéa 2 - que pour des travaux entièrement étudiés, dont l'exécution peut être entreprise immédiatement. M. Grobet nous disait, avec son expérience de chef de département, que cela concerne les projets dont les plans d'exécution sont déjà faits. J'ai une interprétation personnelle - bien que fondée sur des expériences moindres que la vôtre - un peu différente, Monsieur le député.
L'article 51, alinéa 2, par le mot «exécution» qu'il contient ne signifie pas vraiment, comme le texte pourrait nous le faire croire, que les travaux doivent commencer demain matin. Il a une portée un peu différente qui apparaît si vous faites un simple exercice de lecture comparée. L'article 55 du même texte stipule, en effet, que : «Si un crédit d'investissement s'avère insuffisant avant ou lors de l'accomplissement du projet prévu...». C'est dire que si avant l'accomplissement du projet prévu, qui devrait être immédiat selon l'article 52, des dépassements apparaissent, c'est donc bien qu'il y a une distance entre le moment où l'on vote un crédit de construction et celui où il devient véritablement le commencement des travaux. D'ailleurs cela tombe sous le sens pour une deuxième raison : l'exécution proprement dite n'est pas le commencement des travaux. Les plans d'exécution, et tous les architectes qui ont eu l'occasion d'en établir vous le confirmeront, ne sont réalisés qu'après l'adoption des crédits de construction. Ce sont des plans de détail que l'on ne peut pas réaliser sérieusement avant de savoir que le programme va démarrer.
Il faut aussi se demander quel est le but de cette norme légale. La loi D - 1 - 9 sur la gestion administrative et financière de l'Etat n'est pas une loi d'aménagement, une loi d'urbanisme, une loi de construction, mais une loi, comme son titre l'indique, de gestion administrative et financière. Ses sous-titres sont tout aussi éloquents : ils évoquent le budget et les comptes, et l'article 52 fait partie du chiffre consacré aux modalités d'exécution du budget. Ce que le législateur, que nous étions au moment de la rédaction de ce texte d'ailleurs récent, a voulu, c'est que nous prenions l'habitude de gérer avec un peu d'attention les deniers de l'Etat.
Il ne s'agit donc pas de s'enquérir, aujourd'hui, du stade d'exécution, mais de savoir si nous connaissons les coûts de cette entreprise. M. Grobet dit que non, mais les rapports que nous avons sous les yeux prouvent le contraire. Nous avons des annexes qui sont des engagements d'entreprises avec des chiffres précis, évalués après le rapport - plus dubitatif que le mien - de Me Manfrini lorsqu'il a été interrogé. Cela s'explique du fait que son expertise était antérieure aux propositions faites, avant la fin de l'année, par les entreprises et aux rapports d'impact commencés avant que l'une des entreprises ne fasse son offre.
Par conséquent, entre le moment où M. Manfrini a déclaré à ceux que cela intéressait qu'il fallait que nous disposions d'abord d'études menées à un point suffisant, et celui des certitudes concernant les coûts, il s'est effectivement produit deux événements : la première étude d'impact et les propositions d'engagement des entreprises qui figurent en annexes à nos rapports.
Sur ce point spécifique, nous pouvons donc affirmer, sans risque d'erreur, que nous sommes aujourd'hui en mesure de voter conformément à l'article 52, alinéa 2, parce que nous connaissons les coûts dans lesquels nous nous engageons et que c'est cela qui compte.
Permettez une dernière remarque sur un autre sujet juridique retenu par les rapporteurs de minorité. Il s'agit de savoir s'il est convenable d'offrir un contreprojet direct à une proposition d'initiative comme celle que nous devons concrétiser. La réponse a fait l'objet de débats juridiques que vous avez tous suivis avec attention, et chacun a fait l'effort d'étudier les textes de Me Manfrini, auparavant celui de Me Bernard Ziegler, et celui, plus récent, de Jean-François Aubert.
Il faut que nous nous rendions compte que l'on peut tout dire et son contraire dans des matières juridiquement délicates. Je reprends brièvement les quelques arguments développés par M. Aubert pour rappeler que le contreprojet direct présente, effectivement, certains risques. Si on ne veut pas en prendre, disait le professeur Aubert, la procédure la plus sûre, celle qui a les meilleures chances de subir avec succès l'épreuve d'un recours de droit public, est celle du contreprojet indirect. Mais, d'un autre côté, la conclusion du professeur Aubert était qu'il n'y a pas de raison de s'opposer au contreprojet direct, que les anciens textes, dont nous assurons l'application aujourd'hui, qui ne prévoyaient pas ce type de contreprojet, alors qu'il l'est depuis 1992 par nos nouveaux textes constitutionnels. Le professeur Aubert expliquait qu'il fallait s'en tenir à cette interprétation si le contreprojet direct avait pour effet de nuire à l'initiative. Or, en écartant les arguties qui viendraient porter une nuisance véritable à une initiative comme celle-ci, le professeur Aubert était arrivé à la conclusion que ce contreprojet direct ne nuisait en rien à l'initiative, parce qu'il élargissait le périmètre sans empêcher les auteurs de l'initiative de voir aboutir leur propre projet. Et surtout le professeur Aubert concluait en disant que les dispositions transitoires de notre droit de 1992, appliquées avec souplesse, nous permettraient d'offrir enfin un vrai système démocratique aux citoyens. On les éloignerait ainsi d'un système binaire déployé dans le temps pour leur proposer l'éventail, beaucoup plus démocratique, d'une «triple alternative».
Alors venir dire, aujourd'hui, que des motifs juridiques formels s'opposent à une meilleure démocratie, à un meilleur exercice des droits par la population, est paradoxal. C'est la conclusion très nette du professeur Aubert qui dit, d'accord en cela avec M. Bernard Ziegler, que la solution du contreprojet direct est non seulement la meilleure mais qu'il faut l'essayer, parce qu'elle donne des droits de loin supérieurs au constituant et au peuple, leur permettant de trancher complètement le débat en une fois et avec une vue d'ensemble. C'est un avantage démocratique si important qu'on ne peut s'imaginer qu'il soit battu en brèche par le Tribunal fédéral, dont vous savez à quel point il est attentif à la volonté populaire.
C'est la raison pour laquelle ces considérations juridiques méritaient, à mon avis, d'être mentionnées. Elles n'ont pas donné lieu à un débat important ce soir, et pour cause, mais il nous fallait les évoquer pour que l'on ne pense pas que nous les avions oubliées. Nous sommes conscients du problème posé. Nous voulons plus de démocratie, et j'ai déjà eu l'occasion, en débat de préconsultation, de saluer le courage du Conseil d'Etat qui nous proposait des textes plus difficiles à expliquer. Les journaux nous ont appris que le public les avait parfaitement compris. Nous voilà donc dans une phase de démocratie directe, exceptionnelle de qualité et de transparence. Il faut nous en féliciter et, par conséquent, aller de l'avant avec courage, dans cette direction qui demande plus de talent pédagogique, mais qui nous ouvre aussi des horizons bien plus intéressants. (Applaudissements.)
M. Andreas Saurer (Ve), rapporteur de troisième minorité. Avant de revenir sur quelques points de fond, je désire répondre à M. Burdet.
Monsieur Burdet, vous avez raison : nous avons voté tout à fait correctement en commission. Le problème concerne le temps de la discussion. M. Koechlin parle de six mois; c'est vrai, les réunions de la commission se sont tenues durant cette période. Mais la discussion essentielle a duré deux séances à peine !
Ensuite je sais, Monsieur Burdet, que nos relations ne sont pas des plus conviviales. Je comprends même que vous puissiez penser que j'ai menti. Je vais donc vous expliquer comment les choses se sont passées.
Vendredi après-midi, on m'a téléphoné pour savoir si j'avais reçu l'étude d'évaluation du service cantonal d'écotoxicologie. Ne l'ayant pas reçue, j'ai téléphoné à M. Joye pour en savoir plus. M. Joye m'a répondu : «Oui, c'est vrai, nous avons cette étude, je peux vous la transmettre, à vous et aux trois autres rapporteurs.» Je lui ai demandé de poster rapidement ce document pour que je l'aie pour le week-end. Samedi matin, rien; lundi matin, toujours rien. Ce n'est qu'à ce moment que j'ai informé «Le Courrier» en lui transmettant le document que je croyais être le seul à avoir reçu. Le document a été publié mardi matin.
Il ne s'agissait donc pas d'un mensonge de ma part, Monsieur Burdet. Pour le reste, je reconnais que mon introduction était quelque peu polémique, mais je constate que mes arguments et les faits n'ont pas été réfutés.
J'en reviens au débat. Il me frappe par son caractère confus et son manque de substance. Il y a la prose «terrienne» de M. Revaclier, les propos «bellâtres» de M. Koechlin, les propos simplificateurs de M. Blanc pour qui Genève se résume à un pont et l'objectif de la rade, à pouvoir faire un cadeau à M. Joye !
Monsieur de Tolédo, vous parlez de noyer le poisson, de médecins tueurs. Alors, permettez-moi de vous dire que dans notre milieu on parle beaucoup d'interdisciplinarité et d'intervention en réseau. Nous apprenons, y compris dans les hôpitaux, à travailler en groupe. Votre vision est archaïque. Effectivement, dans les années quarante et cinquante, le corps médical fonctionnait de manière pyramidale. Aujourd'hui, nous pratiquons en réseau pour le bien du patient, mais je vois que votre état d'esprit, aussi bien pour la compréhension de la pratique médicale que pour les problèmes de circulation, reste attaché aux années cinquante !
Monsieur Ducret, vous parlez de la mise à mort de l'économie et déplorez que nous ne proposions rien. Je vous signale quand même que nous insistons lourdement sur l'importance du développement des transports publics dans nos trois rapports de minorité. Je suis surpris qu'en votre qualité de président d'une association voulant précisément favoriser les transports publics vous vous désintéressiez des transports publics. Pour vous, il suffit de tout «mettre» sur le pont et de voir ensuite !
Revenons aux différentes remarques que j'ai émises. Je n'ai pas entendu qu'on les réfutait sérieusement. Nous, rapporteurs de minorité, avons dit que sans la connexion vers Frontenex, sans les mesures d'accompagnement, les effets sur la circulation seront minimes. Personne n'a réfuté cet argument. Quand nous disions que les mesures d'accompagnement déplaçaient simplement la circulation, que les nuisances ne diminuaient à un endroit que pour augmenter à un autre, personne n'a réfuté cet argument. Quand, dans le cadre du développement des TPG, nous avons expliqué qu'il était possible de faire passer le métro léger sur le pont de la Coulouvrenière, puis d'envisager, dans un deuxième temps, l'élargissement du pont du Mont-Blanc pour une voie plus directe, personne n'a réfuté cette affirmation.
Enfin, vous passez, comme chat sur braise, sur les difficultés financières. Soudain, et cela m'étonne de vous qui êtes attachés à l'équilibre financier et à la rigueur budgétaire, nous avons l'argent pour investir 125 millions pour le réseau des transports publics et la traversée de la rade. Personne n'a répondu à ma question demandant quels sont les investissements qui doivent être diminués.
D'autre part, il semble que MM. de Tolédo et Koechlin confondent quelque peu sondage et vote. J'ai presque eu l'impression, à un moment donné, qu'il n'était plus nécessaire de voter. En effet, M. de Tolédo a insisté sur le fait que le peuple s'est exprimé, à plusieurs reprises déjà, pour la traversée de la rade. Aussi je conseille à M. de Tolédo de supprimer carrément le vote du 9 juin et de travailler avec des sondages. Ce sera plus économique, les votations coûtant relativement cher ! Sans doute ai-je une conception plus archaïque du respect des droits démocratiques, mais je tiens absolument à ce vote.
Néanmoins, je vous concède que nous sommes placés devant une difficulté. Il est vrai que le peuple nous a demandé de concrétiser une initiative. Nous sommes appelés à conduire une tâche juridique, d'une part, et à nous prononcer sur le fond du projet, d'autre part. Si nous pouvions voter séparément sur la concrétisation et sur le fond, nous aboutirions à un débat plus intéressant et moins confus. Notre constitution nous l'interdit. Il y aura donc un seul vote portant simultanément sur la concrétisation de l'initiative et sur le fond.
Du point de vue juridique, j'attire votre attention sur le fait que les projets de lois rive à rive ne sont pas conformes au texte de l'initiative qui demande explicitement une diminution de la circulation sur les quais. La loi formulée telle quelle, sans les mesures d'accompagnement et sans la connexion de Frontenex, ne concrétise pas l'initiative. Il est évident que si nous détenions la majorité dans ce Grand Conseil et au Conseil d'Etat, le projet de loi que nous proposerions pour concrétiser l'initiative serait très différent de celui qui nous est soumis.
Enfin, après avoir écouté M. Halpérin, je propose aux différentes commissions ayant des problèmes juridiques de se passer désormais des auditions du professeur Aubert, des avis de droit, etc. Faisons venir Me Halpérin ! (Applaudissements.) Cela permettra à l'Etat de faire des économies substantielles. De plus, nous bénéficierons d'un avis de droit parfaitement conforme aux désirs de la majorité. Nous pourrions même supprimer les arrêts du Tribunal fédéral, parce que M. Halpérin a démontré que le Tribunal fédéral, en fait, n'a pas très bien compris la procédure de vote de cette initiative. C'est une manière de procéder, c'est certainement votre conception du fonctionnement des commissions, des auditions, etc.
Quant à Me Manfrini, il est vrai qu'il a rédigé une expertise sous l'ancien système de droit, mais nous l'avons auditionné. A ce moment-là, il savait qu'une nouvelle législation était en vigueur, et d'autre part, il connaissait l'offre de la maison Steiner de 420 ou 450 millions. Malgré ces éléments, il a maintenu sa position de séparer le crédit d'étude du crédit d'exécution. Me Manfrini a donc agi en parfaite connaissance de cause, mais je me rends compte que Me Halpérin a des connaissances autrement plus importantes que les juristes plus ou moins officiels de la couronne ! Je vous recommande donc de l'auditionner dorénavant !
M. Hervé Burdet (L). Je constate que M. Saurer a commencé par jeter l'anathème en traitant le chef du département de menteur. Mais il se trouve fort ulcéré quand, lui-même, se fait traiter de menteur !
Je ne recommencerai pas la démonstration de tout à l'heure. Mais si vous ouvrez le rapport de la commission à la page 78, vous découvrirez que le document mystérieux, dont M. Barth et «Le Courrier» ont jugé bon de faire un scoop le 25 février 1996, est cité par M. le rapporteur de minorité Hausser, dans un rapport déposé le 13 février, daté lui-même du 22 janvier ! Si vous n'avez pas reçu le rapport, M. Hausser l'a reçu et moi aussi, et je l'ai adressé à quinze commissaires. (Brouhaha.) Je continue de prétendre que vous nous avez menti et que vous continuez à le faire. Le Grand Conseil jugera ! (Rires.)
Une voix. Chopé !
M. Pierre Meyll (AdG). Je me permets de répondre à M. Burdet, bien que je ne sois pas concerné. MM. Godinat et Saurer n'ont pas reçu ces rapports à cause d'une erreur administrative. On a tenu compte des titulaires de la commission et non des présents... (Brouhaha.) Il ne pouvait pas le savoir, et l'erreur incombe au président de la commission. C'est à lui de désigner les participants, afin qu'ils reçoivent les rapports. Monsieur Burdet, vous avez tort !
M. Dominique Hausser (S), rapporteur de première minorité ad interim. J'ai reçu le rapport du service d'écotoxicologie le 2 ou le 3 février, avec une note sur une carte format A6, tapée à la machine par l'ingénieur et datée du 1er février. Nous avons voté en commission le 30 janvier et, effectivement, nous avons reçu ces documents quatre jours après la fin des travaux.
M. Hervé Burdet (L). Il ne sera pas si facile de me démonter !
L'ensemble de l'exposé, sur lequel porte le rapport en question, a été présenté à la commission des travaux le 16 janvier. C'est à la demande de MM. les rapporteurs de minorité qu'il a été rédigé pour le 22 janvier. Il était effectivement à disposition le 30 janvier, mais ça n'en fait toujours pas un scoop pour le 25 février ! (Rires.) Rappelons que le centre de notre débat, aujourd'hui, c'est la traversée de la rade et le droit de décision du peuple, et non les arguties de M. Saurer à propos de M. Burdet !
M. Dominique Hausser (S), rapporteur de première minorité ad interim. Il est vrai que le service d'écotoxicologie a présenté les conclusions de son rapport en date du 23 janvier, lors de la séance de commission, en toute transparence. Nous avons demandé que l'on nous mette ces conclusions à disposition avant le 30 janvier. On nous a promis qu'elles seraient jointes au procès-verbal de la séance. Le rapport était daté du 22 janvier, mais le 30 janvier nous ne les avions toujours pas reçues; elles n'étaient pas jointes à ce dernier.
A l'évidence, cet exemple démontre bien les difficultés que nous avons rencontrées pour obtenir ces documents dans les délais, étant donné les discussions que nous devions avoir sur ces objets. Il est évident que se prononcer sur la base d'une présentation orale d'une trentaine de minutes par le service d'écotoxicologie n'est pas tout à fait la même chose qu'après une lecture approfondie d'un rapport de cinquante pages.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Pour l'autoroute de contournement, quelle serait la situation si le peuple avait suivi votre préavis, Mesdames et Messieurs les députés de la gauche, à ce sujet, il y a seize ans ? Vous refusez un ouvrage et quinze ans plus tard vous utilisez cet ouvrage pour répéter la même erreur au sujet de la traversée de la rade ! Dans trente ans, l'autoroute de contournement sera saturée. Pas question de la dédoubler. Elle est insérée dans la nature sans aucune marge de manoeuvre. Nous serons peut-être contents de disposer alors d'une réserve de trafic par la rade.
Je réponds aux diverses questions :
1. Construire les équipements de transport avant, pendant ou après ?
Je dirais simultanément. Nos budgets d'investissement sont organisés de cette manière.
2. Sondage.
Les personnes qui voulaient me mettre au clou pour abus d'information ont pris une claque exceptionnelle au Tribunal fédéral : cinq à zéro ! Qui dit mieux ? Eh bien, vous n'avez qu'à recommencer et vous en aurez une autre !
3. Publication du sondage, pourquoi ?
Le sondage n'a pas été publié parce que la télévision en a parlé : c'est tout à fait faux ! J'ai annoncé deux jours avant l'émission de Mme Speziali - lors d'une conférence tenue le jeudi 15 février - au groupe des dirigeants d'entreprises que je faisais un sondage et que, fait unique et historique, je publierai la totalité des résultats et des questions, ce que j'ai fait. C'était la première fois dans l'histoire de MIS Trend que la directrice de cet institut était conviée à commenter elle-même ses propres résultats sans aucune contrainte et sans aucune intervention de ma part. (L'orateur est interpellé.) Oui, bien sûr, c'est historique ! Lorsqu'une politicienne vaudoise de haut vol fait des sondages pour savoir comment marche sa publication, seuls les aspects positifs sont publiés.
4. «Une traversée n'a rien de symbolique.»
C'est une bien curieuse manière de traiter une ville fluviale - comme l'a souligné M. Blanc, que je remercie de son appui - (Rires.) ...comme Genève où les ponts sont la condition de sa survie.
5. La réalisation de la rade est-elle nécessaire ?
Quels sont les montants affectés ? Vous parlez toujours d'un milliard : nous parlons de 700 millions ! Nous ne sommes plus, Mesdames et Messieurs les députés, à l'époque Grobet... (Rires.) ...qui nous cause bien des soucis maintenant ! Nous avons septante-six crédits de bouclement en cause. Eh bien, je peux vous dire que cela se passe très mal. Nous avons 60 millions de dépassement à la Halle de fret et 10 millions qui se baladent dans la nature ! Le président de la commission a été obligé de constituer une sous-commission pour trouver ces 10 millions sous les tapis ! (Rires.) Alors, vraiment, où est le problème ?
6. Mesures OPair.
Pour ce qui est du plan de mesures OPair de M. Saurer, je vous renvoie à la page 36, troisième étape du scénario 3 du document C 2000 de l'OTC. Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet très technique, mais cela vaut la peine que vous le lisiez une fois complètement. Vous avez certainement dû vous arrêter au point 2 !
7. Etudes d'impact.
En ce qui concerne vos attaques sur les études d'impact, docteur Saurer, elles sont tellement au-dessous de la ceinture que je ne vous répondrai pas ! Inutile de dire que le prix de ces études avait déjà été inséré dans le budget initial élaboré par mon prédécesseur et la politique du département ne se caractérise vraiment pas par l'à-peu-près ni par l'amateurisme. C'est la première fois que ce Grand Conseil est saisi d'un crédit de construction avec, à la clé, des offres d'entreprises générales pour l'ensemble des ouvrages entrant en considération. On est loin de l'amateurisme de la présentation de certains projets, et de loin, dont je viens de vous parler précédemment.
8. Les aspects juridiques sont lacunaires.
M. Beer l'a très bien résumé en commission : la population a tous les éléments nécessaires pour voter. Le droit, dit «M. Aubert», n'est pas maltraité. La méthode Haab que nous proposons est la seule bonne pour répondre à trois questions avec six possibilités de réponse.
9. Ventilations des pourcentages de trafic rade/pont du Mont-Blanc/autoroute.
Vos ventilations, Monsieur Saurer, n'engagent que vous. Elles sont tout simplement fausses ! Cela a déjà été dit à plusieurs reprises ! Un tiers d'autoroute, un tiers de transfert modal et un tiers pour la rade. On a l'impression en vous écoutant que chacun reste calfeutré dans son quartier en tournant en trottinette dans le préau de l'école !
Comment expliquez-vous alors les bouchons que nous subissons régulièrement aux diverses entrées de ce canton ? Croyez-vous vraiment que les Genevois restent immobiles dans leurs appartements ?
10. Le veau d'or.
Mesdames et Messieurs les députés, le veau d'or d'Amon, bien plus qu'un objet visible, est l'expression d'une volonté passéiste de bloquer tous les projets pour retarder la mise à jour de notre réseau de transports publics et privés, au nom de principes éculés.
11. Les bouchons de circulation.
On dit parfois de moi que je suis un clown, mais vous, Monsieur Nissim, vous avez le diplôme ! (Rires et applaudissements.) Vous l'avez vu, tout à l'heure il faisait de la gymnastique sur les bancs ! Il parle de déplacement des bouchons. Mais, mon Dieu : quelle naïveté ! C'est un monde ! En créant un franchissement supplémentaire on diminue la circulation; cela me semble évident, et vous devriez pouvoir le comprendre !
12. Mandataires qui trichent.
Monsieur Nissim, vous parlez des mandataires qui trichent - et sur ce point je ne plaisante plus du tout. Comment pouvez-vous dire des choses pareilles ? Vous dites avec le sourire, comme cela en passant, en étant certain que tout le monde vous pardonnera toujours, sur un rythme que vous qualifiez de «bandant»... (Rires.) ...des choses qui sont à la limite de la diffamation ! Vous l'avez fait, pas plus tard qu'il y a deux jours, à l'égard de M. Ducor, président des Services industriels de Genève, à propos d'EOS. S'il vous plaît, modérez dorénavant vos propos, surtout quand tout un chacun a pu se convaincre de la qualité du travail fourni par les mandataires à la base de ces divers projets !
13. Coûts chiffrés.
Mme Strubin pense que nous n'avons pas chiffré les coûts de toutes les infrastructures dont elle parle ! C'est qu'elle n'est pas au courant; elle devrait aller se renseigner au 5, rue David-Dufour. Vous souffrez d'un manque visible d'information, et mes services se feront un plaisir de vous mettre au parfum ! (S'adressant à un député qui l'interpelle.) La prochaine fois emmenez Mme Strubin avec vous, cela lui évitera de tenir des propos aussi agressifs que totalement infondés !
14. La Rade, une opération de diversion ?
M. Longet prétend que nous faisons une opération de diversion, parce que nous ne savons rien faire d'autre. C'est une belle phrase pour qualifier une majorité d'électeurs qui s'est prononcée en 1988, à deux contre un, pour le principe de la traversée de la rade !
Monsieur Longet, il faut trois choses pour l'avenir de Genève :
1) Les transports publics et privés de la collectivité doivent être cohérents et coordonnés. On n'oppose pas l'un et l'autre : on les fait aller de pair.
2) Notre concept urbanistique des années 2010 et au-delà postule un franchissement supplémentaire pour relier les deux rives.
3) Il faut investir. Un gouvernement qui n'investit pas en période de crise est totalement irresponsable.
15. Dogmatisme libéro-reaganien.
Madame Dupraz, je vous laisse à vos concepts dogmatiques libéro-reaganiens, à vos attaques alambiquées, mais je retiendrai l'aspect positif concernant le tourisme. Vous avez au moins compris que les ouvriers du génie civil - qui importent fort peu à Mme Reusse-Decrey - ne seront pas les seuls à pouvoir trouver un emploi pendant la construction : les personnes s'occupant de tourisme dans cette ville en bénéficieront également, pendant la réalisation de l'ouvrage.
16. La touchante Mme Reusse-Decrey.
Oui, Mme Reusse-Decrey est touchante : elle était opposée à l'autoroute de contournement; elle est opposée à tout développement chez elle; elle est opposée au pont dont elle dit qu'il va couper la ville en deux, alors qu'au contraire il relie les deux rives. Le transfert modal que vous souhaitez aura bien lieu; il sera plus facile avec un ouvrage de plus !
17. Emploi, qualité de vie, soutien des moins bien nantis.
Madame, l'emploi, la qualité de la vie, le soutien des moins bien nantis, l'amélioration de l'environnement, ne sont l'apanage d'aucun parti dans cette enceinte. Les budgets genevois montrent, par rapport à ceux d'autres collectivités, combien nous tous sommes attentifs à ces composantes essentielles pour notre société. Mais sans travail, sans activités humaines : pas de salaires, pas d'impôts et pas de répartition !
18. Monuments et sites.
Mme Deuber-Pauli annule sans le vouloir la critique face à un franchissement de la rade. Elle a dit fort justement «La rade n'est pas un site naturel», puisqu'elle est le fait d'interventions humaines, violentes. Je prétends que certaines constructions de l'époque auraient été taxées du label «hors d'échelle» ! Regardez comme elles sont belles maintenant. L'intervention éventuelle d'un pont à l'endroit proposé est sans doute importante, mais elle est à l'échelle d'un site que nous aimons tous.
19. Pourquoi voter.
Monsieur Gilly, il ne s'agit pas ici de trancher, mais de proposer au peuple de choisir ce qu'il veut ! Qu'y a-t-il de grossier dans ce mode de faire ? Où est le manque de sérieux ?
20. Joye dictateur.
Monsieur Courvoisier, vous faites erreur ! J'ai beau être lieutenant-colonel, retraité de surcroît - depuis un mois, j'écris avec le stylo offert par M. Vodoz pour ma retraite - je n'ai aucun pouvoir pour retirer un projet de loi issu d'une volonté populaire manifeste. Il y a sept ans que cela dure. Je pousse tout simplement le «schmilblick» !
21. Les souvenirs de M. Grobet.
Je terminerai en parlant de M. Grobet. Sa vision est angélique... (Applaudissements et quolibets.)
M. Claude Blanc. C'est la meilleure de la soirée !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Laissez-moi finir dans le plus grand des silences, s'il vous plaît !
Je répète, il a une vision angélique... et totalement fausse du monde de la construction ! Il ne sait apparemment pas que les entreprises genevoises sont en mesure de construire la totalité des ouvrages dont nous parlons : 98,5% du coût total du tunnel est constructible et techniquement réalisable par des entreprises genevoises et 90,7% pour le pont. La différence réside dans les 9,3% des travaux de haubanage qui ne seraient pas réalisés par les entreprises du canton. Pour les tunnels de liaison avec le plateau de Frontenex, 21% de travaux de forage devraient être adjugés à d'autres entreprises.
Vous voulez nous faire la démonstration éclatante de la constance de vos opinions, Monsieur Grobet ! Mais je vais vous dire trois choses :
1) Tout d'abord, vous dites toujours la même chose, à seize ans d'intervalle !
2) Vous ne parlez pas des mêmes objets dans le même sens, tout en disant toujours la même chose !
3) Vous avez dû employer un papier carbone pour le discours de ce jour !
Ecoutez plutôt ce que vous disiez le 18 janvier 1980 à propos de l'autoroute de contournement - vous étiez rapporteur de minorité :
«En définitive, l'autoroute de contournement projetée nous paraît inacceptable à tous égards. Non seulement elle détruirait de manière irréversible certaines des plus belles régions de notre canton et occasionnerait des nuisances intolérables à de nombreux concitoyens, mais encore ne résoudrait-elle en aucune manière les problèmes de circulation routière de notre canton...» (Rires.) «...si ce n'est de façon insatisfaisante - ceux du trafic de transit vers le sud et l'ouest. Un trafic présumé de quinze mille...» - mettez trente-cinq mille - «...véhicules/jour ne saurait toutefois justifier un projet d'une telle ampleur ni d'un coût aussi élevé (700 millions de francs au minimum)».
Il s'agissait de 700 millions, mais c'est monté à un milliard ! (Rires et applaudissements.) Excusez-moi, mais comme j'étais de la fête, je n'en dirai pas le prix... sans l'inauguration ! (Hilarité.)
«En conséquence, la minorité refusera de préaviser favorablement au projet général d'autoroute de contournement et considère que le Conseil d'Etat doit étudier soigneusement d'autres solutions, telles que la traversée de la rade...» (Rires et applaudissements.)
Le président. S'il vous plaît ! Du calme !
Des voix de l'Entente. Ah, il est des nôtres ! Ah, il est des nôtres !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. M. Grobet continue par ma bouche : «En conclusion, la minorité vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à :
1) Rejeter le projet de loi 4922...
2) Renvoyer au Conseil d'Etat son rapport sur la motion 4881 en l'invitant à procéder à une nouvelle étude - objective - d'une traversée routière de la rade.
3) Renvoyer la pétition pour la traversée du lac au Conseil d'Etat dans le même sens.»
22. Conclusion.
Mesdames et Messieurs les députés, trêve de plaisanterie, je crois qu'il n'y a pas grand-chose à ajouter ! Ce problème doit être soumis au peuple, et je me réjouis de votre appui. (Ovation.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! (Applaudissements.) Nous ne sommes pas au Grand Théâtre !
M. Jean Spielmann (AdG). Cela fait quelques années que je participe à des débats dans ce Grand Conseil...
Une voix. Hélas !
M. Jean Spielmann. Oui, hélas, mais j'y serai peut-être encore pendant quelque temps ne serait-ce que pour apporter la contradiction ! Je n'ai encore jamais vu une telle manière de traiter les problèmes, ni jamais entendu un tel niveau d'interventions ! Je pense notamment à l'intervention de M. Joye. (Chahut.) J'ai en effet retenu quelques contradictions dans les propos qui ont été tenus.
La première...
Une voix. On s'en fout !
M. Jean Spielmann. Je sais bien que vous vous en foutez ! Votre attitude est totalement méprisante; elle n'a rien à voir avec un débat politique et un échange d'idées pour aboutir à un choix.
Le Conseil d'Etat - cela mérite d'être souligné...
Le président. Un peu de silence !
M. John Dupraz. Laissez parler Staline ! (Rires.)
Le président. Monsieur Dupraz !
M. Jean Spielmann. Le Conseil d'Etat, dans une situation politique telle que celle que nous connaissons aujourd'hui, serait irresponsable de ne pas assurer la relance par les investissements : c'est ce qui a été dit ! Il faut tout de même rappeler que c'est ce Conseil d'Etat qui a présenté le budget avec les plus fortes réductions d'investissement dans les domaines les plus importants pour relancer les activités : moins 65% d'investissement dans le domaine de la construction des bâtiments, et autant pour le volume d'investissement global ! Jamais encore, le Conseil d'Etat n'avait présenté un budget avec autant de réductions. Vous avez bien fait, tout à l'heure, Monsieur le conseiller d'Etat, de qualifier un tel Conseil d'Etat d'«irresponsable» ! (Contestation.)
Irresponsable, de plus, car vous avez développé votre argumentation sur le choix entre la traversée de la rade et l'autoroute de contournement. J'étais de ceux qui pensaient que cette dernière était nécessaire pour préserver le milieu urbain et drainer la circulation automobile, non pas par l'autoroute de contournement reliant les zones industrielles, mais en évacuant le trafic de transit du centre-ville. Ce choix a été fait, et il est malhonnête de dire, comme vous l'avez fait tout à l'heure, que ce choix devait pousser à faire une traversée de la rade, alors qu'il s'agissait du choix entre l'une et l'autre des variantes du contournement.
J'ai participé aux débats pour l'augmentation des coûts de construction de la traversée de la rade, parce que nous avons voulu préserver la presqu'île de Loëx. En effet, la facture a été augmentée de manière considérable pour réaliser une infrastructure intéressante et importante. Aujourd'hui elle a été réalisée. Le choix a été fait : le trafic de transit international se fait à l'extérieur de l'agglomération, et il ne s'agit pas de revenir en arrière avec la traversée de la rade dont le but est tout à fait autre. Nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises. Votre intervention est donc malhonnête !
Enfin, Mesdames et Messieurs qui riez, vous applaudissez à tout rompre la traversée de la rade, mais je me permets de vous remettre une nouvelle fois en face de vos contradictions. Vous êtes toujours incapables de faire le choix entre le pont ou le tunnel, de présenter une alternative crédible à la population. En raison de cette incapacité, vous renvoyez l'ascenseur au peuple. (Contestation.) Je ne suis pas sûr que la fuite devant vos responsabilités vous conduise à un résultat bénéfique !
Je dis depuis des années dans ce parlement que si vous n'arrivez pas à rendre ce dossier important crédible et à prouver l'utilité d'un investissement de plusieurs centaines de millions de francs, pour n'avoir pas étudié les raccordements d'un côté et de l'autre, vous n'obtiendrez pas satisfaction. La population ne comprendra pas la nécessité de réaliser la traversée de la rade, si vous n'avez pas le courage politique de choisir une option et de la présenter dans sa globalité. Vous faites de la politique à la petite semaine ! Vous aurez la sanction que vous méritez ! (Sifflets.)
M. Pierre Meyll (AdG). (Exclamations.) Merci, Monsieur le président. Je constate que mes interventions font toujours plaisir; c'est agréable !
J'ai rappelé au début de ce débat qu'il y avait eu déni de démocratie le 4 décembre 1960, lorsque le peuple s'est opposé à l'arrivée de l'autoroute sur la route suisse. Pourquoi ce référendum a-t-il eu lieu, le 4 décembre ? Je vais vous en expliquer la raison ! (Chahut.) Le gouvernement, alors de droite, s'est ingéré dans des affaires de pure démocratie et a contré la décision du peuple. Et maintenant vous venez nous dire que la décision du peuple devrait être respectée ! C'est vrai ! Mais pourquoi n'a-t-elle pas été respectée en 1960 ? Nous en payons maintenant les conséquences !
Il faut bien préciser que la nationale 1 se termine sur la route du Vengeron; on peut même dire qu'elle se termine au pont des CFF, parce que les piliers l'empêchent d'aller plus loin. C'est pourquoi nous avions pensé, à l'époque, que peut-être - les bureaux d'ingénieurs Aman et Whitney de New York qui avaient réalisé le pont de San Francisco étaient là - il fallait envisager une très grande traversée, parce que, justement, il n'était pas question de faire une autoroute de contournement. Mais lorsque l'autoroute de contournement a été votée par le peuple, qui a respecté la décision populaire ? Christian Grobet ! (Huées et contestation.)
Une voix. C'est un vrai scandale !
Le président. Laissez parler M. le député Meyll !
M. Pierre Meyll. Il a exécuté l'autoroute. En tant que président du département des travaux publics, Christian Grobet s'est engagé à réaliser une autoroute conforme à la volonté du peuple : à savoir protéger le site. Et c'est ce que vous lui reprochez maintenant ! Mais c'est ridicule ! Il n'a fait qu'affirmer ce que vous vouliez !
Pourquoi aurions-nous besoin de cette traversée ? Vous venez de le dire : pour en faire une autoroute afin de décharger la circulation dans le futur ! Cela veut dire que ce sera à l'usage du touriste. En effet, avec une orientation sur le lac il est évident qu'on ne ferait que traverser. Que voulez-vous voir ! Une colonne de voitures et de caravanes venant d'Allemagne ou d'ailleurs s'arrêter sur le pont pour admirer le paysage ? C'est stupide ! (M. Vaucher interpelle l'orateur.)
Le président. Je vous en prie, Monsieur Vaucher !
M. Pierre Meyll. Cette autoroute-pont n'a aucune raison d'être et nous persistons - en tout cas je persiste - à dire que mis à part pour les habitants de Cologny qui n'en veulent pas, elle ne servirait à personne !
M. Andreas Saurer (Ve), rapporteur de troisième minorité. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, nous estimons que ces projets de lois ne constituent pas une concrétisation honnête de l'initiative. Pour cette raison, nous voterons non à l'entrée en matière sur ces projets !
PL 7259-A, PL 7260-A, PL 7261-A, PL 7262-A
Le président. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent l'entrée en matière sur ces projets de lois répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Ces projets sont adoptés en premier débat par 51 oui contre 39 non et 1 abstention.
Ont voté oui (51) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Claude Basset (L)
Roger Beer (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Hervé Burdet (L)
Anne Chevalley (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Daniel Ducommun (R)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Catherine Fatio (L)
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Jean-Claude Genecand (DC)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Kunz (R)
Claude Lacour (L)
Gérard Laederach (R)
Bernard Lescaze (R)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Philippe Schaller (DC)
Micheline Spoerri (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Michèle Wavre (R)
Ont voté non (39) :
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Fabienne Bugnon (Ve)
Matthias Butikofer (AG)
Micheline Calmy-Rey (S)
Claire Chalut (AG)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Anita Cuénod (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Marlène Dupraz (AG)
Laurette Dupuis (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Liliane Johner (AG)
René Longet (S)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Vesca Olsommer (Ve)
Danielle Oppliger (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Andreas Saurer (Ve)
Christine Sayegh (S)
Max Schneider (Ve)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre Vanek (AG)
Yves Zehfus (AG)
S'est abstenu (1) :
Chaïm Nissim (Ve)
Etaient excusés à la séance (5) :
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Sylvie Châtelain (S)
Henri Gougler (L)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Martine Roset (DC)
Etaient absents au moment du vote (3) :
Pierre Ducrest (L)
Sylvia Leuenberger (Ve)
Armand Lombard (L)
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret, président.
La séance est levée à 21 h 50.