République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 janvier 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 3e session - 1re séance -autres séances de la session
No 1/I
Jeudi 25 janvier 1996,
soir
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Luc Barthassat, Claude Blanc, Anita Cuénod, Erica Deuber-Pauli, Laurette Dupuis et Catherine Fatio, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 14 et 15 décembre 1995 est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Le Le président. Le point 31 (M 802-B) est renvoyé à nos prochaines séances, car il doit être complété par un rapport de M. Maitre, conseiller d'Etat, sur le même objet.
Le point 51 (R 308) sera traité immédiatement après le point 49 (PL 7290-A).
Le point 54 sera traité dans l'ordre suivant : PL 7403; M 1043; PL 7230 A et PL 7237-A.
5. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
Le président. Je vous informe que la sortie annuelle du Grand Conseil aura lieu le samedi 31 août.
Le programme vous sera communiqué en temps utile, mais vous pouvez d'ores et déjà bloquer cette date dans votre agenda.
6. Correspondance.
Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence:
Il en est pris acte.
Il en est pris acte. Ce document a été distribué à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Le service du Grand Conseil transmettra au DIER les demandes supplémentaires des députés concernant ce rapport.
Il en est pris acte et, vu son intérêt, ce document figurera au Mémorial.
Annexe C 383
Megevand...
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Le président. D'autres lettres nous sont parvenues :
Il est pris acte de ces courriers.
Ces lettres seront traitées au point 14 de notre ordre du jour.
Cette lettre sera traitée au point 41 de notre ordre du jour.
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence :
Mme Fabienne Bugnon(Ve). J'aimerais que la dernière pétition citée, concernant le Label Max Havelaar, soit lue au point 59 de l'ordre du jour, étant donné qu'elle poursuit le même but que la motion 1039.
Le président. Il en sera fait selon vos désirs, Madame la députée !
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
En outre, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Enfin, la commission d'aménagement du canton nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante :
Il en sera fait ainsi.
7. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Le président. La proposition de résolution suivante est parvenue à la présidence :
Mme Alexandra Gobet(S). En accord avec le président, je vous signale, s'agissant du projet de résolution intitulée : «Les dortoirs de la mort», que nous tenons à la disposition des personnes qui voudraient l'obtenir avant le mois prochain deux cassettes vidéo de la diffusion de «Temps présent».
Le président. Cette proposition de motion figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Le président. Le Conseil d'Etat a répondu à la question écrite suivante :
Q 3295
de M. Hugues Boillat (DC)
Dépôt: 24 octobre 1989
Liberté de culte ?
A Genève, la tolérance religieuse est une acquisition remarquable pour notre génération en particulier, et il est heureux de voir que nos hôtes islamiques peuvent se recueillir dans une magnifique mosquée en nos murs. Le Conseil d'Etat ne jugerait-il pas opportun de rappeler amicalement à nos hôtes que la réciprocité dans certains pays serait bénéfique pour tous ?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 4 décembre 1995
Nous rejoignons volontiers l'auteur regretté de la question pour souhaiter que l'attitude de tolérance pratiquée à Genève. comme en bien d'autres communautés civiles, gagne bientôt toutes les sociétés de la Planète. Le Conseil d'Etat, à ce titre et dans les limites de ses compétences, reprendra volontiers à son compte à chaque occasion le message de tolérance de Voltaire tel qu'il est évoqué par Jean Starobinski dans l'ouvrage édité à l'occasion du Tricentenaire, que nous nous permettons de citer:
«Voltaire croyait que l'histoire récente allait dans le sens de l'adoucissement. Il voulait effacer les traces de l'esclavage et du servage, mais n'allait pas jusqu'à prôner l'exacte égalité des conditions. Il était persuadé que le luxe des nouvelles capitales et l'essor du commerce amélioreraient le sort général de l'humanité. Il souhaitait qu'on persévérât sur cette voie. [...] Il souhaitait qu'il fût permis d'adorer Dieu à travers des cultes et des croyances différentes, sans inquiéter quiconque au nom d'un dogme impératif.»
8. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. B. S. , 1947, Italie, convoyeur, recourt contre le solde de la peine d'emprisonnement.
M. René Longet (S), rapporteur. Le premier cas qui nous est soumis ce soir est celui de M. B. S., Italien, né en 1947, condamné le 29 mai 1995 à cinquante jours d'emprisonnement, moins cinq jours de préventive et à 1 600 F d'amende pour conduite en état d'ébriété. Le sursis n'a pas été accordé vu les antécédents, et, comme vous le voyez, le préavis de la commission recommande le rejet du recours.
Voici en quelques mots notre appréciation de ce dossier. En analysant la situation, nous avons constaté que la conduite en état d'ébriété de M. B. S. n'était pas un cas unique, puisqu'il y a eu quatre retraits de permis : en 1985, en 1988, en 1990 et en 1995, à chaque fois pour le même motif : alcool au volant; dont une fois avec accident et dégâts matériels et trois condamnations, en comptant celle-ci, durant le même laps de temps, l'une en 1987 et l'autre en 1990, pour le même motif. Nous avons constaté qu'il y avait véritablement un «abonnement» par rapport à un comportement tout à fait dangereux pour autrui. Certains autres antécédents ne sont du reste pas favorables non plus à l'appréciation de ce dossier.
D'autre part, il faut savoir que M. B. S. a quitté la Suisse en juillet 1995, après trente-trois ans passés dans notre ville. Après avoir réglé son dû fiscal et après avoir libéré son deuxième pilier, il est parti définitivement pour l'Italie.
Le recours en grâce était motivé par son désir de pouvoir revenir à Genève voir ses deux filles majeures, et ses frères et soeurs. Par ailleurs, il est divorcé. Dernière information : le Parquet était d'accord d'abaisser l'amende, mais ne voulait pas discuter au sujet de la peine d'emprisonnement.
Notre préavis est négatif sur ces deux points, pour les raisons que je viens de donner.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. D. P. , 1942, Vaud, sans profession, recourt contre le montant de l'amende.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R), rapporteuse. M. D. P., originaire du canton de Vaud, né en 1942, divorcé et père de deux enfants, a été condamné, le 24 juillet 1995, pour infraction à la loi fédérale sur la circulation routière pour violation des règles et conduite de véhicule en état d'ivresse, à nonante jours d'emprisonnement avec sursis et 2 400 F d'amende. Il recourt contre cette amende.
En raison de problèmes de santé très sérieux et de sa situation financière très difficile, la commission vous invite à réduire le montant de l'amende de moitié et de la fixer à 1 200 F.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de l'amende à 1 200 F) est adopté.
M. M. Y. , 1957, France, sans profession, recourt contre le montant total des amendes dues, soit 2 420 F.
Mme Janine Berberat (L), rapporteuse. M. M. Y. a trente-huit ans. Il est d'origine française et vit à Saint-Ferréol en France voisine. Il est marié et père d'un enfant de seize ans. Sans profession, il est au bénéfice d'une pension pour invalidité. M. M. Y. s'est vu infliger plusieurs contraventions, entre décembre 1992 et avril 1994, pour dépassements de vitesse et inobservations de signaux de prescription, ce qui représente un montant de 2 420 F sans les frais, convertible en soixante-huit jours d'arrêts. M. M. Y. n'a aucun antécédent judiciaire et recourt contre la totalité du montant en invoquant son état de santé. Il dit avoir un sida évolutif.
A part l'envoi de son recours en grâce et un justificatif de droit aux allocations invalidité, M. M. Y. n'a jamais ni répondu aux propositions d'échelonnement de paiement ni envoyé, à notre demande comme à celle de la commission précédente, un certificat ou une simple attestation justifiant son état de santé.
L'intime conviction des députés pour accorder la grâce se construit aussi avec la participation du requérant. Dès lors, et compte tenu du trop peu d'informations en notre possession, la majorité de la commission se rallie à l'avis du procureur général et vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, le rejet de ce recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. S. E.-H. , 1945, Algérie, fonctionnaire OMM, recourt contre la peine de trois mois d'emprisonnement infligée le 13 février 1992, confirmée le 9 novembre 1992, et dont le sursis de cinq ans a été révoqué le 29 août 1994, et plus précisément, pour un ajournement temporaire de l'exécution de la peine pour une durée de cinq ans.
2ème recours en grâce
M. Michel Balestra (L), rapporteur. M. S. E.-H. est d'origine algérienne. Il est né le 28 juin 1945. Il a été condamné, pour violation d'une obligation d'entretien et détournement d'objets mis sous main de justice, le 10 avril 1991, à quinze jours d'emprisonnement avec un sursis de deux ans.
Le 13 février 1992, il est condamné à trois mois d'emprisonnement avec un sursis de cinq ans. Le maintien du sursis étant conditionné au paiement de la pension alimentaire et au paiement de 500 F par mois pour l'arriéré, le jugement est confirmé en appel le 9 novembre 1992.
Le 29 août 1994, le Tribunal de police, statuant par défaut, condamne le recourant à deux mois d'emprisonnement pour violation d'une obligation d'entretien et révoque le sursis accordé le 9 novembre 1992. Le 1er décembre 1994, le tribunal confirme son jugement du 29 août 1994 et met le condamné au bénéfice d'un sursis de trois ans pour la peine d'emprisonnement de deux mois. Il confirme la révocation du sursis accordé par la Cour de justice le 9 novembre 1992.
De plus, M. S. E.-H. est condamné à une expulsion de trois ans avec un sursis de trois ans. Ce jugement est confirmé en appel le 4 mai 1995. Ce recours en grâce est, en fait, un second appel déguisé. Le Grand Conseil, lors de sa séance d'octobre 1995, avait d'ailleurs déjà refusé la grâce de M. S. E.-H..
La commission de grâce vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de confirmer notre décision du 9 octobre 1995 en rejetant, encore une fois, ce recours en grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Isabelle Rastoldo, présentée par le Rassemblement pour une politique sociale du logement.
Mme Isabelle Rastoldo est élue tacitement. Elle prêtera serment ce soir.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Alberto Velasco, présentée par le Rassemblement pour une politique sociale du logement.
M. Alberto Velasco est élu tacitement. Il prêtera serment ce soir.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Philippe Schaller, présentée par le parti démocrate-chrétien.
M. Philippe Schaller est élu tacitement. Il prêtera serment ce soir.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Jacques Hämmerli, présentée par le parti radical.
M. Jacques Hämmerli est élu tacitement.
M. Roger Beer (R). Mon interpellation urgente concerne les sectes. En matière de sectes, les médias ont eu, ces dernières années, quelques affaires dramatiques à «se mettre sous la dent» !
Je n'ai pas envie ni besoin de revenir sur les épisodes et les conséquences de l'affaire dite de «l'Ordre du temple solaire». Mais nous espérons, toutes et tous, à tous les niveaux, que ces suicides ou ces meurtres collectifs ne se reproduiront plus. Mais que savons-nous et que faisons-nous pour éviter ces issues dramatiques ?
La tuerie de décembre dernier, en France voisine, a placé la justice suisse, et en particulier la police genevoise, sous les feux de la rampe. Au cours de mes vacances, j'ai été contraint à ne lire que la presse française qui s'est montrée très sévère, ce qui est grave. Que n'ai-je pas lu dans les journaux français sur le laxisme de la justice suisse, sur les cachotteries de la police genevoise et, enfin, sur l'indifférence de nos autorités en la matière !
Ces affaires de sectes nous touchent, nous concernent tous et, simultanément, nous laissent impuissants devant la détermination de personnes convaincues, d'une part, de leur bon droit et, d'autre part, de leur vérité. Ces dernières semaines, j'ai lu avec une certaine satisfaction que le Conseil d'Etat et, plus particulièrement, vous, Monsieur Gérard Ramseyer, en tant chef du département de justice et police, aviez la ferme intention de réagir. C'est très bien, et je vous en félicite.
C'est d'ailleurs dans ce contexte que je me réjouis que le Grand Conseil soit prochainement saisi du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition concernant la Scientologie.
En attendant, ce soir, je vous demande, devant ce parlement, de nous donner de plus amples renseignements sur les actions d'ores et déjà entreprises et sur les directives données à vos collaborateurs pour veiller à ce que de tels excès, qui condamnent vraisemblablement des innocents et surtout des enfants dont on ne saurait imaginer qu'ils soient volontaires, ne puissent plus se reproduire.
Est-il possible d'exiger une plus grande transparence, ou d'avoir simplement connaissance des statuts de ces différentes associations à caractère sectaire ? Pouvez-vous obtenir des renseignements sur la liberté d'entrer, d'adhérer, mais aussi de sortir de ce genre d'associations ? Que faites-vous, notamment en collaboration avec le département des finances, pour connaître ou vérifier l'origine et l'utilisation des fonds à disposition de ces associations, fonds qui semblent parfois bien faramineux ?
Enfin, quelle est l'attitude du Conseil d'Etat face à ces excès qui ébranlent le fondement même de notre démocratie et de notre Etat de droit, notamment en ce qui touche des notions telles que : liberté d'expression, liberté de pensée et, même, liberté d'association ?
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 45 de notre ordre du jour.
M. Bernard Clerc (AdG). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Guy-Olivier Segond, président du département de l'action sociale et de la santé et président du Conseil d'Etat. Elle concerne les tarifs médicaux entrés en vigueur au 1er janvier 1996. A défaut d'accord entre les caisses maladie et les prestataires de soins, le Conseil d'Etat a adopté un nouveau tarif, contre lequel les caisses maladie ont d'ailleurs recouru.
A ce sujet, j'aimerais relever que pour les psychiatres psychothérapeutes l'augmentation est de 41% des points de la psychothérapie de plus de quarante-cinq minutes. Les point passent ainsi de deux cent vingt-sept à trois cent vingt. Cumulée à la consultation de base, la séance passe de 137,50 à 184 F, dès le 1er janvier 1996, soit une augmentation de 34%. Il faut relever que, en 1991 déjà, les tarifs avaient augmenté puisque la valeur du point était passée, pour l'ensemble des prestations du corps médical, de 45 à 50 centimes.
Une telle augmentation de 34% est évidemment sans aucun rapport avec la hausse du coût de la vie pendant cette période, et je demande au président du département de nous indiquer comment il peut justifier de telles augmentations dans la période actuelle de hausse des coûts de la santé.
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 57 de notre ordre du jour.
Mme Claire Chalut (AdG). Le Conseil d'Etat, et plus particulièrement le département de justice et police, a-t-il peur des aumôniers ?
Depuis des années, l'Agora, c'est-à-dire l'aumônerie genevoise économique auprès des requérants d'asile, fait un travail auprès des réfugiés, travail qui a largement fait ses preuves. Les membres de l'Agora rendent notamment visite, chaque semaine, aux personnes internées à la maison d'arrêts de Favra. L'entrée en vigueur de la loi fédérale inique, dite «des mesures de contraintes», a obligé le Conseil d'Etat à modifier le règlement de la maison de Favra. Résultat de l'opération : l'Agora est aujourd'hui empêchée de poursuivre sa tâche, ce qui lui a été confirmé par le département de justice et police. En fait, et plus précisément, le Tribunal administratif a dû intervenir à plusieurs reprises auprès du Conseil d'Etat pour l'obliger à effectuer cette modification. En effet, la lecture du règlement nous apprend que la Croix-Rouge serait désormais chargée de faire le travail auprès des requérants, à savoir préparer dans la discrétion l'expulsion des personnes visées par les mesures administratives fédérales ! On se met ainsi à l'abri de la critique que ces expulsions pourraient soulever.
On observe également que ce règlement ne répond pas à la loi fédérale qui précise que les personnes en attente de leur expulsion doivent bénéficier d'un règlement plus souple. Or ce règlement soumet personnes condamnées et requérants au même régime avec tous les inconvénients liés à celui-ci. Mais, me direz-vous, un ordre c'est un ordre ! En effet, c'est de façon pour le moins inélégante qu'Agora a été évincée, alors qu'on lui promettait d'être associée à cette modification.
J'ai lu récemment quelque part qu'il fallait «des mains pour penser» ! Mais, alors, à quoi sert la tête ? Je pense que cela s'applique assez bien dans ce cas.
Je vous livre mes questions.
Monsieur Ramseyer, pouvez-vous me dire quelles sont les motivations, ou celles du Conseil d'Etat, d'avoir enlevé à Agora la possibilité de poursuivre son travail à Favra ? Pourquoi le canton, alors que rien ne l'en empêche, n'a-t-il pas retenu cette possibilité ? Pourquoi le règlement actuel n'a-t-il pas été rédigé dans le sens voulu aussi bien par la jurisprudence fédérale que par la loi elle-même ? Qu'attend le canton pour s'y soumettre ?
Et, enfin, pourquoi soumet-on les requérants au régime appliqué aux personnes condamnées au plan pénal ?
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 45 bis de notre ordre du jour.
M. Christian Ferrazino (AdG). Mon interpellation s'adresse à M. Joye et concerne les conditions d'acquisition par l'Etat de Genève de la parcelle de M. Falquet de Collonge-Bellerive, dans le cadre du projet Reuters.
Nous avons écrit, il y a une quinzaine de jours, au Conseil d'Etat à ce sujet pour dénoncer, précisément, les conditions scandaleuses de cette transaction. Aujourd'hui nous n'avons toujours pas de réponse. Nous avons réécrit, mais nous pensons que M. Joye veut peut-être réserver la primeur de ses déclarations pour le Grand Conseil, raison pour laquelle je l'interpelle aujourd'hui.
Je rappelle de quoi il s'agit. Il existe une disproportion totale entre ces deux prestations. D'une part, cette petite parcelle agricole de 3 500 m2 environ appartenant à un privé, qui vaut grosso modo entre 10 et 12 F le m2 c'est-à-dire entre 45 000 et 50 000 F au maximum pour la totalité de cette parcelle, et, d'autre part, une parcelle propriété de l'Etat de plus de 1000 m2 située en zone à bâtir avec une villa construite, qui peut être estimée, au bas mot - je dis bien au bas mot - à environ un million.
D'ailleurs, vous savez très bien, Monsieur Joye, que le Tribunal administratif a confirmé une décision de la commission d'estimation, il y a très peu de temps, pour une parcelle située au Petit-Saconnex, dans un complexe de faits tout à fait identique. Ce n'était pas une villa en maçonnerie, mais un petit chalet, et le Tribunal administratif a confirmé l'estimation d'un million environ de cette parcelle. C'est dire que, dans le cas qui nous occupe, nous avons véritablement deux valeurs totalement disproportionnées en présence, d'un côté 50 000 F pour un terrain agricole et, de l'autre, un million environ pour une parcelle appartenant à l'Etat.
Vous avez publiquement déclaré, Monsieur le président, que le terrain cédé par l'Etat vaudrait moins, mais vous vous êtes bien gardé de rendre publiques les valeurs qui ont été retenues dans le cadre de cette transaction. Comme vous le savez, quand les choses ne sont pas dites, on peut penser que c'est parce qu'il y a quelque chose à cacher. Si ce n'est pas le cas, je vous demande d'indiquer au Grand Conseil quelles sont les valeurs estimées à la fois de ce terrain agricole et de la parcelle située en terrain à bâtir, propriété de l'Etat.
Monsieur le président, nous étions déjà scandalisés par ces disproportions évidentes, et je comprends que vous ne le criiez pas sur les toits, car de 50 000 F à un million il y a un monde, mais nous avons encore appris autre chose : il semblerait que l'Etat ait versé des indemnités supplémentaires.
Voici mes questions :
Est-il exact que l'Etat ait versé une indemnité supplémentaire pour des travaux dans la villa ? Le cas échéant, pour quel montant ?
L'Etat s'est-il engagé à verser d'autres indemnités ? Et, si oui, pour quel montant ?
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 26 bis de notre ordre du jour.
M. Andreas Saurer (Ve). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Maitre et concerne le poste de médecin du travail de l'OCIRT, l'office cantonal de l'inspection des relations du travail.
Le titulaire actuel occupe un poste à 80% et prend sa retraite au mois d'août de cette année. Que va devenir ce poste ? En effet, selon certaines rumeurs, il semble que le département, voire le Conseil d'Etat, envisage la suppression de ce poste en prétextant que son activité pourrait très bien être assumée par des médecins du travail privés, voire par le service romand de médecine du travail dont le siège est à Lausanne.
Personnellement, en tant que médecin du travail privé, j'ai des doutes que cette activité puisse être assumée dans de bonnes conditions par un médecin privé. En effet, dans la situation actuelle, le médecin du travail participe à un colloque hebdomadaire où il discute l'ensemble des problèmes soulevés et présentés par l'OCIRT. Il peut ainsi intervenir, de sa propre initiative, sur certains sujets. Son activité et ses interventions ont été fort appréciées par l'ensemble des partenaires sociaux, aussi bien par les travailleurs que par le patronat. Cette activité exige une grande disponibilité. Or un médecin du travail privé, qui poursuit son activité de médecin généraliste, ne dispose pas du temps nécessaire. Ce n'est donc pas la solution adéquate.
Quant à l'ordonnance fédérale de la LAA, entrée en vigueur au début de cette année, elle exige le titre de médecin du travail pour les médecins engagés par un certain nombre d'entreprises. Leur organisation, leur engagement et leur coordination demandent du temps. On pourrait envisager de confier cette coordination au médecin du travail de l'OCIRT.
Il serait étonnant, et même contradictoire, que le canton de Genève supprime ce poste, puisqu'il fut l'un des premiers à le créer. Et cela au moment même où l'engagement du médecin du travail est rendu obligatoire par la LAA. Sur le plan politique, l'Etat serait en contradiction avec l'esprit fédéral, alors que le département fait régulièrement allusion à la législation fédérale. La suppression de ce poste serait davantage le reflet de l'esprit rouspéteur des Genevois que d'une décision mûrement réfléchie.
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 53 bis de notre ordre du jour.
M. René Longet (S). J'ai deux interpellations urgentes à développer.
La première s'adresse à M. Vodoz et concerne l'application, au début de l'année 1995, des révisions de conception de la fiscalité que nous avions votées ici, le 23 septembre 1994. Nous avions un peu modifié la progression fiscale, non pas dans sa substance mais dans sa conception. La courbe est devenue plus lisse; on est passé de l'escalier à la courbe. On a commencé plus vite, et, lorsque le Grand Conseil a accepté les modifications des articles 30 et suivants de la LCP, vous aviez dit, Monsieur Vodoz, qu'il était clair que ces mesures seraient globalement neutres. Il ne s'agissait en aucune manière de modifier l'assiette fiscale; il s'agissait d'ajustements, dans une mesure limitée.
Ces deux modifications deviennent sensibles dans l'établissement du bordereau pour 1995, qu'un certain nombre de personnes ont reçu dès début janvier. Nous constatons le peu d'informations diffusées au sujet de la modification du mode de calcul. Des contribuables sont très étonnés de voir l'évolution de leur taxation qui n'est pas du tout conforme à l'évolution de leurs revenus. Si le message a été émis concernant le sens de notre décision, il n'est pas passé. Il faudrait expliquer ces effets pervers. Enfin, sur les bordereaux envoyés, il est difficile de savoir comment s'y prendre en cas de réclamation.
La volonté du législateur était claire : il ne s'agissait pas d'une augmentation d'impôts déguisée. A cette situation de surprise et de flou s'ajoute un nombre considérable d'erreurs informatiques, comme vous l'avez dit vous-même, Monsieur Vodoz. L'introduction d'une innovation technique a semé le trouble parmi les contribuables, et nous attendons une réponse précise à cette question : comment va-t-on informer et comment va-t-on garantir cette neutralité qui avait été la condition de cette modification ?
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 60 bis de notre ordre du jour.
M. René Longet (S). Ma deuxième interpellation s'adresse à Mme Brunschwig Graf.
Elle concerne les articles de presse de ce jour rapportant l'intervention du syndicat des services publics au sujet du théâtre subventionné des «Marionnettes de Genève». Il s'agit d'un double problème : d'une part, celui des relations de travail dans cette institution et, d'autre part, celui des prestations et des rapports qualité/prix. Puisque la Ville de Genève a été alertée et que plus de 50% des subsides proviennent du DIP, je voudrais avoir la garantie que ces deux entités subventionnantes travaillent bien de concert pour évaluer les conditions de travail et le soutien apporté à cette institution. Je souhaiterais connaître la marche à suivre que vous envisagez, vu que le DIP est très directement concerné.
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 48 bis de notre ordre du jour.
M. Jean Spielmann (AdG). J'aimerais évoquer le problème de l'abattage des arbres sur la parcelle de l'ancien Sécheron et du foyer de l'avenue Blanc, suite à la démolition de la maison et à une autorisation d'abattage de quelque cent trente arbres, sans que cela ne soit publié. Le Tribunal administratif a décrété la nullité de cet abattage, mais deux des plus beaux spécimens conservés à la demande expresse du service cantonal des forêts... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, réservez votre énergie pour le point 14 de notre ordre du jour !
M. Jean Spielmann. Dans la «Feuille d'avis officielle» du 22 décembre, le Conseil d'Etat donnait l'autorisation d'abattre ces deux arbres, malgré le dossier évoqué, ce qui a provoqué différents recours. Je demande au Conseil d'Etat s'il a l'intention d'attendre la fin des procédures en cours pour abattre ces deux arbres et continuer ainsi sa «politique du bulldozer» !
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 34 bis de notre ordre du jour.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Mon interpellation s'adresse soit à M. le conseiller d'Etat Ramseyer soit à M. Guy-Olivier Segond, président de la délégation du Conseil d'Etat auprès des réfugiés. Elle reprend en partie les points traités par Mme Chalut.
J'aimerais cependant rappeler certains faits au sujet de la suppression de l'autorisation de visite accordée aux aumôniers de l'Agora, à Favra :
Le Conseil d'Etat a mené un combat très ferme auprès des autorités fédérales, afin que les aumôniers de l'Agora puissent avoir accès aux centres d'enregistrement de requérants d'asile. Ce combat très important fut gagné et joua le rôle de précédent. C'est ainsi que, récemment, les autorités des Eglises sur le plan suisse ont signé un accord avec l'ODR permettant aux aumôniers d'avoir des entretiens avec les personnes retenues dans différents centres d'enregistrement.
De plus, M. Ramseyer, lui-même, nous disait, le 18 octobre 1995 dans ce Grand Conseil, que depuis le 8 août dernier deux délégués des Eglises avaient un accès illimité aux personnes faisant l'objet d'une détention administrative et pouvaient s'entretenir avec elles sans témoin. La récente décision du Conseil d'Etat d'octroyer aux seuls services de la Croix-Rouge le droit de rencontrer des personnes détenues à Favra est d'autant plus incompréhensible. Il n'y a pas d'incompatibilité entre ces deux organismes. Ils peuvent poursuivre leur travail en parallèle et il n'y a aucune raison de l'attribuer exclusivement à la Croix-Rouge.
Vous allez certainement me répondre que l'article 17 de ce nouveau règlement autorise les détenus à faire appel à un aumônier de leur confession. Si c'est prévu dans le texte, vous savez fort bien que dans les faits cette décision ne peut guère se concrétiser, tout d'abord, parce que les détenus n'ont pas accès au téléphone et, d'autre part, leur demande doit passer par les aumôniers de Champ-Dollon, qui doivent ensuite restituer cette demande aux aumôniers de l'Agora. Enfin, ils devraient pouvoir faire appel à un aumônier de leur confession, mais leur lieu d'origine rend cette demande extrêmement aléatoire.
J'ose espérer que le Conseil d'Etat va démentir une explication qui circule, à savoir qu'il souhaiterait mettre à l'écart ceux qui se sont permis quelques critiques et qu'il préférerait travailler avec la Croix-Rouge qui a pour habitude d'oeuvrer dans la discrétion et selon la loi du silence ! Espérons que cette explication sera démentie et que les aumôniers pourront reprendre leur travail dans les plus brefs délais à la Maison de Favra.
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 44 quater de notre ordre du jour.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Cette interpellation s'adresse à M. Jean-Philippe Maitre, responsable du département de l'économie publique.
Elle concerne les rôles de l'office cantonal de conciliation et du Conseil d'Etat dans le conflit de travail opposant le groupe Elvia et le syndicat Action. Ce conflit a été porté, en 1995, devant l'office cantonal de conciliation qui a décidé de transmettre le dossier au Conseil d'Etat. Celui-ci a refusé de traiter cette question, estimant que l'office devait rendre une recommandation et auditionner d'autres syndicats. Cela m'amène donc à constater qu'aucune conciliation n'est intervenue depuis plus de quatre mois. Les tensions n'ont cessé d'augmenter, les conditions de travail et la communication à l'intérieur de l'entreprise se sont gravement détériorées. La tension monte également entre l'entreprise et le syndicat Action.
Considérant les compétences de l'office cantonal de conciliation, estimez-vous que ses moyens d'action soient suffisamment importants pour qu'il puisse intervenir dans un tel conflit ? Son existence repose sur une loi de 1918 comprenant un seul et unique article, ainsi que sur un règlement n'octroyant que peu de pouvoir à cet office. En effet, il n'a pratiquement aucun moyen pour imposer ses règles de jeu et son arbitrage. Le seul moyen à sa disposition est une amende pouvant s'élever de mille à cinq mille francs en cas de récidive. Dès lors, n'est-il pas souhaitable de doter l'office de conciliation d'une meilleure assise et de moyens accrus pour qu'il puisse pleinement tenir le rôle qui est le sien ? Et en l'absence d'un tel renforcement, n'est-il pas légitime d'en appeler au Conseil d'Etat en fonction des pouvoirs réels et symboliques qui sont les siens ?
Le président. La réponse à votre interpellation interviendra au point 53 ter de notre ordre du jour.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Je voudrais m'adresser à M. Ramseyer non seulement parce qu'il aime les femmes mais parce qu'il est également responsable du bureau de l'égalité entre hommes et femmes. Un événement s'est produit, lors d'une discussion, et a suscité certaines observations de la part des députés. On a entendu dire, je cite : «Vous savez que les lois sont comme les belles filles, c'est parfois fait pour être violé.» Ce débat était clos... (Brouhaha.) Le député incriminé s'est excusé. Mais Viol-Secours qui avait pris l'initiative d'une intervention a obtenu certaines réponses de députés et de moi-même. Ces réponses relevaient qu'il existe certaines attitudes sexistes au parlement.
La dernière lettre de Viol-Secours nous invite à : «...réfléchir aux attitudes sexistes qui sévissent lors des séances, ainsi qu'aux mesures à prendre pour éliminer ce climat de misogynie. Pour parvenir à une participation égalitaire des femmes en politique, ces dernières doivent pouvoir travailler dans la dignité et le respect.» Je suis d'accord avec cette position.
Hier, à la Radio romande, notre président du Grand Conseil, premier citoyen de notre République et membre d'un parti appelé démocrate-chrétien, évoquait cette affaire en disant que cette phrase l'avait amusé. Je l'ai interpellé directement et il a confirmé que cela l'amusait. Moi, ça ne m'amuse pas ! Je pense que le sexisme ordinaire - ainsi que le racisme ordinaire - existe. (Brouhaha.) Nous nous trouvons dans un endroit important et, dans notre fonction, nous ne pouvons pas dire n'importe quoi.
Je vous prie donc, Monsieur le président, d'envisager de mandater le bureau de l'égalité pour savoir quelle est la situation dans les institutions parlementaires - et communales, éventuellement - pour faire une étude et, éventuellement, des propositions. (Brouhaha.)
Le président. Concluez, Madame la députée !
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. C'est fini, Monsieur le président !
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 44 quinquies de notre ordre du jour.
Mme Alexandra Gobet (S). Cette interpellation s'adresse à M. le conseiller d'Etat Philippe Joye au sujet de la modification du PLQ sis chemin Rieu/rue Pedro-Meylan, et improprement désigné «extension de l'immeuble Reynolds Tobacco». Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez communiqué le PLQ 28735 à la Ville de Genève pour préavis. Ce projet accroissait la surface de l'immeuble, propriété de M. Saadi, de 1 400 m2 supplémentaires de bureaux.
L'émergence de ce PLQ aurait été, selon vous, justifiée par le besoin du locataire Reynolds Tobacco de réunir la totalité de son effectif sous le même toit, alors que l'arrivée de cent cinquante employés supplémentaires était annoncée par cette firme. Le 16 janvier 1996, à l'unanimité des groupes politiques présents, la Ville de Genève rendait un préavis défavorable à cause de l'aspect architectural déplaisant, mais surtout parce que le directeur de Reynolds Tobacco avait admis en commission que l'extension considérée n'absorberait au mieux que soixante à quatre-vingts collaborateurs supplémentaires. Ainsi, les locaux loués au chemin des Vergers et à la route de Malagnou subsisteraient, et d'autres locaux deviendraient nécessaires pour le solde de l'extension. D'autre part, M. Petruzzello, le directeur, avait confirmé que si le PLQ était refusé, l'entreprise s'installerait dans d'autres immeubles du quartier. Le lundi 22 janvier 1996, vous avez, Monsieur Joye, fait part à la presse de votre volonté de vous asseoir sur le préavis unanime de la Ville de Genève qui invitait à la recherche d'autres solutions existant dans ce quartier et vous avez témoigné de votre volonté de réduire de deux étages l'extension envisagée.
Avant que la Conseil d'Etat ne se prononce sur cet objet, j'aimerais vous adresser trois questions. La première concerne l'extension du bâtiment de M. Saadi. Si l'on supprime deux étages, comment pourrait-on loger sous un même toit les cent cinquante employés supplémentaires de Reynolds Tobacco ? Le projet initial de neuf étages ne pouvait en accueillir que soixante à quatre-vingts. Quelque chose m'échappe !
La construction des bureaux exigerait au minimum trois ans, même sans les oppositions. Si le PLQ que vous vous proposez d'adopter n'apporte ni une solution véritable ni une solution immédiate au besoin incontestable d'extension de Reynolds Tobacco, quel est alors l'intérêt public ou privé prépondérant qui vous amène à adopter néanmoins ce PLQ ?
Pourquoi le département fait-il le choix d'un nouvel affrontement avec la Ville de Genève, plutôt que de prendre en compte les négociations que Reynolds Tobacco avait déjà engagées pour reprendre les surfaces de l'ancienne piscine de Rieu. Il pourrait également examiner avec Reynolds Tobacco la conjugaison d'une extension avec des bureaux actuellement libres dans ce périmètre. Il y a, par exemple, 2 000 m2 disponibles dans l'immeuble de MM. Magnin et Jacquet, à la route de Florissant, immeuble géré par la régie Naef. Il y a, également, l'immeuble situé à l'avenue Eugène-Pittard 38, géré par la SPG, d'une surface de 1 345 m2.
Si j'avais eu le temps de faire plus de téléphones, cet après-midi, j'aurais pu vous apporter d'autres références. Je vous remercie de vos réponses.
Le président. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 26 ter de notre ordre du jour.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Lors de sa séance du 21 septembre 1995, le Grand Conseil renvoyait en commission le projet de loi 7292. A cet effet la commission du logement s'est réunie les 25 septembre, 9, 16 octobre, 6 novembre et 4 décembre 1995 sous la présidence de M. Jean-Claude Genecand, puis les 11, 18 décembre 1995 et 8 janvier 1996 sous la présidence de M. Thomas Buchi. Assistaient à ces séances de commission M. Claude Haegi, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER), M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), Mme Sylvie Bietenhader, directrice de la police des constructions, Mme Karin Salibian, secrétaire adjointe, MM. Louis Cornut, chef de la division des études d'aménagement au DTPE, et Pascal Chobaz, chef du service juridique de la police des constructions au DTPE. En outre, M. Edi Da Broi, chef de la division administrative de la police des constructions au DTPE, assistait à la séance du 4 décembre 1995.
Chronologie
Suite à l'adoption par le Grand Conseil, le 17 octobre 1962, d'une loi portant le titre de «loi restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie de logements», le canton de Genève se dotait d'éléments légaux pour éviter des abus dans le domaine des démolitions d'immeubles. Cette loi fut modifiée à plusieurs reprises, notamment, dès 1983 selon la chronologie suivante:
26 juin 1983
Par une initiative du parti socialiste déposée en 1977 et acceptée en votation populaire le 26 juin 1983, la loi a pris un caractère permanent, alors qu'elle était jusque-là liée à la pénurie de logements et donc temporaire. C'est à cette occasion qu'elle fut nommée «loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation» (LDTR).
10 mars 1985
Suite à une initiative populaire du Rassemblement pour une politique sociale du logement (RPSL), l'ancienne loi a été complétée par un nouvel article 9A visant à interdire la pratique des congés-ventes (IN 17) entré en vigueur le 10 mars 1985.
22 juin 1989
En 1987, le RPSL lançait une nouvelle initiative (IN 20), qui a été ensuite jointe au projet de loi 6883 (modifiant la numérotation de la loi en reprenant les modifications antérieures). Dès lors, les travaux de réparations importants furent soumis à autorisation, à l'exception de l'entretien des immeubles impliquant des travaux et des hausses de loyers raisonnables qui ne sont pas soumis à la loi. L'initiative et le projet de loi ont débouché sur la loi actuelle du 22 juin 1989.
17 octobre 1992
Une importante limitation au droit de la propriété privée est intervenue en 1992 (entrée en vigueur le 17 octobre 1992) avec l'introduction dans la loi d'un nouveau chapitre IV intitulé: «Mesures visant à lutter contre la pénurie de logements locatifs, prévoyant une procédure d'expropriation des logements inoccupés».
C'est donc progressivement que cette loi, tout en gardant des aspects positifs, est devenue plus contraignante. Elle a acquis avec le temps le caractère d'une loi d'interdiction.
La conjoncture, les tracasseries et les recours de tous genres ajoutés aux contraintes de la loi ont découragé les investisseurs institutionnels ainsi que les propriétaires de rénover et maintenir le patrimoine bâti.
Il est donc logique d'assouplir cette loi tout en gardant le fond, en adaptant ou modifiant certains articles pour que son application réponde au besoin des investisseurs et propriétaires, et surtout, en cette époque de disette, de fournir et de maintenir les emplois de l'industrie du bâtiment. Le projet de loi 7292 va dans ce sens puisque seules les démolitions et les changements d'affectation sont soumis à dérogation, alors que les transformations et rénovations sont autorisées à certaines conditions.
De plus, le projet de loi 7292 prend en compte, dans l'appréciation des besoins prépondérants de la population, des critères tels que la surface des pièces et des appartements, le lieu de situation de l'immeuble, le genre de logements existants après travaux (transformés ou reconstruits), le prix de revient des logements créés et les exigences liées à la préservation du patrimoine
De même, le projet de loi 7292 institue un intérêt privé prépondérant pour le locataire désireux d'acheter son logement, pour autant que les locataires restants obtiennent la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de le quitter.
Auditions
Asloca et Rassemblement pour une politique sociale du logement (MM. Lachat, de Dardel et Sommaruga)
Les auditionnés ne sont pas d'accord avec le projet de loi 7292. Ils estiment que la LDTR, voulue par le peuple en votation populaire, a fait ses preuves, qu'il n'y a pas lieu de la modifier et que ce projet ne résoudra pas les effets négatifs de la conjoncture actuelle. Ils citent notamment quatre points inacceptables soit: les transformations générant des hausses de loyer de moins de 15% sortant du champ d'application de la loi, l'appréciation du loyer admissible devenant approximative, les changements d'affectation faciles et les ventes d'appartements loués autorisés sans autre examen. Le rassemblement préférerait que l'on inventorie et modifie les dispositions réglementaires et légales d'ordre technique générant des surcoûts dus aux rénovations et, en cas de collision de normes, que l'on privilégie les exigences de la LDTR.
Association genevoise des architectes (M. Gabriel Duboule, président)
Les architectes genevois sont préoccupés par les pertes d'emplois notoires dans leur profession. La LDTR actuelle est dissuasive et n'encourage pas les propriétaires à investir. De plus, l'ambiguïté entre cette loi et la loi générale sur le logement (LGL) pose de nombreux problèmes d'interpénétration menaçant ainsi le patrimoine bâti qui demande des rénovations essentielles rapidement. La survie des bureaux d'architectes et la relance dans les rénovations démontrent que ce projet de loi vient à point nommé, même s'il ne va pas assez loin, pour assurer une meilleure souplesse d'action dans la lutte pour préserver l'emploi dans la branche de l'architecture genevoise.
Syndicat de l'industrie et du bâtiment (SIB, M. Jan Doret), Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT, M. Aldo Messina), Syndicat de l'industrie, de la construction et des services (FTMH, M. Alfiero Nicolini), Syndicat chrétien de la construction (FCTC, M. Pasquale Reale)
Les représentants des syndicats exposent leurs préoccupations quant au secteur de la construction qui a perdu 10 000 emplois en 5 ans. Ils rappellent qu'en 1993 déjà des propositions concrètes de leur part avaient été faites pour le maintien et la relance de la branche. Ils se disent prêts à cautionner une amélioration de la LTDR si certaines conditions sont réalisées au travers de ce projet de loi. Préférant une position constructive, ils restent convaincus que les intérêts de la profession et des locataires à bas revenus peuvent se rejoindre si des mesures raisonnables sont prises. Les syndicats sont ouverts à une modification de la LDTR qui viserait à faciliter et inciter l'entretien et la rénovation, par l'introduction d'un bonus à la rénovation, par des exonérations fiscales et même par l'amélioration de l'aide à la personne. D'autre lois et règlements directement liés à la LDTR devraient être revus (LCI, RLCI, LGL, etc.).
Société des régisseurs de Genève (M. Léonard. Vernet, président, et M e Anna Pastorini Venetz)
Les régisseurs de Genève sont, en leur qualité d'exploitants d'immeubles, confrontés en première ligne à l'application de la LDTR. Cette loi conjoncturelle, aujourd'hui disproportionnée, est un frein psychologique pour les investisseurs institutionnels qui représentent les plus importants clients. Actuellement, de nombreuses caisses de pensions alémaniques ont renoncé à investir et, même plus, ont réalisés leurs avoirs dans le canton, craignant que le contrôle de l'Etat que la loi institue porte atteinte à la liberté contractuelle. Tout cela au détriment de l'économie genevoise. Ce projet de loi est donc intéressant bien qu'il n'aille pas assez loin dans la libéralisation. Il y aurait lieu d'adapter certains articles pour les clarifier ou les modifier, telles les mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs et assujettis dont le taux de vacance de 2% pourrait tomber à 1,5% ainsi qu'il est admis par le Conseil fédéral. De même, supprimer le chapitre concernant les expropriations temporaires de l'usage des appartements locatifs laissés vides, car il concerne un domaine totalement différent du reste de la loi et n'a d'ailleurs jamais été appliqué.
Chambre genevoise immobilière (CGI, MM. Pierre Félicité, président, et Mark Muller, secrétaire-juriste)
Ce projet de loi, bien qu'il manque de dynamisme, est un pas dans la bonne direction. La chambre genevoise souhaite conseiller à ses membres d'entreprendre des travaux de rénovation de leurs immeubles. Ils doivent y trouver un intérêt, cela dans des conditions économiques avec des contraintes supportables, ce qui n'est pas le cas avec la LDTR actuelle. Le léger assouplissement prévu dans le projet de loi permettra une reprise de l'industrie de la construction au moyen de travaux de rénovation et il est important qu'il puisse entrer rapidement en vigueur. L'amélioration de la systématique générale de la LDTR en traitant séparément les démolitions, les changements d'affectation et les transformations est à saluer bien que, en allant plus loin dans la réflexion, il eût été souhaitable de scinder la loi en plusieurs, chacune traitant d'un thème distinct comme les travaux de démolitions et de transformations, les changements d'affectation, l'expropriation de l'usage de logements laissés abusivement vides et l'aliénation des appartements destinés à la location. Après examen, il est aisé de voir que les principales modifications bienvenues sont la notion de loyer répondant aux besoins prépondérants de la population, le meilleur traitement des cas dans lesquels le loyer appliqué avant les travaux est déjà manifestement supérieur aux besoins de la population et la soustraction des appartements de 6,5 et 7 pièces des catégories d'appartements où sévit la pénurie. Il convient d'être attentif aux autres modifications mineures qui risqueraient d'être plus restrictives que la loi actuelle.
Association des promoteurs constructeurs genevois (APCG, M. Thierry Barbier-Mueller, président, Mme Anna Pastorini Venetz, M. P. Fichot)
L'association est interpellée directement par la LTDR, intervenant quotidiennement dans deux secteurs essentiels du marché: la production (métiers du bâtiment) et la demande (investisseurs institutionnels pour la plus grande part). L'assouplissement de la LTDR devient vitale pour la survie des emplois dans le domaine de la construction, et la diminution des contraintes légales doit intervenir pour redynamiser l'investissement dans le canton. Il faut savoir que le «Sonderfall Genf» jouit aujourd'hui d'une mauvaise réputation auprès des investisseurs d'outre-Sarine. C'est donc un signal psychologique qu'il faut donner afin de susciter la confiance des investisseurs. Le projet de loi, laissant une meilleure ouverture pour entreprendre des travaux de rénovations, essaie modérément d'inciter à une reprise dans les métiers du bâtiment très touchés. On peut regretter toutefois le manque d'unité de matière dans une loi qui, à elle seule, traite de la transformation et de la rénovation d'une part, puis de la vente d'appartements loués, de l'expropriation de logements vides et d'autres éléments d'autre part. De plus la nouvelle mouture de la loi n'empêche pas les blocages intempestifs de travaux dus souvent à l'égoïsme du plus petit nombre.
Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB, M. G. Barillier,MM. J. Gautier et J.Blanc)
Depuis 1989, la situation dans l'industrie genevoise du bâtiment s'est constamment dégradée. De 20 000 emplois à cette époque, il n'en reste que 10 704 au 31 août 1995. Entre 300 et 500 entreprises, génératrices d'emplois, ont disparu. C'est dire qu'un projet de loi assouplissant les contraintes dans le domaine des rénovations est nécessaire et urgent. Le projet de loi 7292 ne va pas assez loin mais permettra de combattre le vieillissement du parc immobilier et contribuera ainsi à la relance de l'industrie du bâtiment. Il faut savoir que les travaux de rénovations sont le seul segment possible d'un développement en Suisse et ailleurs et que, selon une étude du Centre saint-gallois de recherches conjoncturelles (SGZZ), Genève rénove deux fois moins vite que les autres cantons. Cette différence se traduit par un manque à gagner d'environ 300 millions de francs, de fait un potentiel de 3000 emplois. Il est extrêmement important de redonner confiance aux investisseurs et seules des conditions intéressantes sont capables de déclencher auprès d'eux ce choc psychologique assurant la relance. Consciente des enjeux, la FMB est en discussion avec tous les partenaires sociaux, dans le domaine de la construction, pour trouver un consensus sur les modifications de la LTDR qui sont essentielles pour la reprise de l'économie de la construction, les emplois et les places d'apprentissage.
Association suisse des entrepreneurs généraux (ASEG, MM. Giampietro Mondana et Pierre Zendalli)
L'association, qui regroupe huit des plus grandes entreprises générales de Suisse, est préoccupée du mauvais climat qui sévit dans la rénovation du patrimoine bâti à Genève. Elle constate que, face aux lois contraignantes dans le domaine, les investisseurs sont découragés et se retirent de Suisse romande et plus particulièrement de Genève. Les chiffres à ce sujet sont éloquents car ils montrent que, si le 15% est investi dans la rénovation en moyenne, 20 à 30% le sont dans les grandes villes alémaniques et seulement un petit 10% à Genève. L'impact sur les pertes d'emplois est considérable et seul un assouplissement de la législation genevoise peut permettre d'entrevoir une solution au marasme économique dans les entreprises du bâtiment.
Association des habitants du centre et de la vieille ville (AHCVV, MM. Jean-Daniel Candaux et Alain Gallet)
L'association est soucieuse du maintien de l'habitat au centre-ville. Elle prône la mixité entre commerces, activités et habitat, mais aussi entre les diverses couches de la population. La LDTR permet de maintenir ces fragiles équilibres urbains au centre-ville et des craintes d'une réforme trop profonde de la loi sont à prendre en compte dans le maintien de ce qui est, en ne cédant pas uniquement à des critères économiques. Il faut veiller en tout cas à un contrôle des loyers après rénovations ou transformations de manière à ne pas créer en vieille ville un ghetto de gens privilégiés.
Note du rapporteur: Cette audition a eu lieu le 18 décembre 1995, après le vote d'entrée en matière. Elle a été regroupée avec les autres pour la clarté de lecture.
A la suite de ces auditions, la majorité de la commission décide d'interrompre ses travaux afin de laisser les partenaires sociaux de l'industrie du bâtiment dégager un possible aménagement consensuel de la LTDR. Elle prend en compte notamment des propos tenus lors des auditions des Syndicats du bâtiment et de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment.
Audition complémentaire du 4 décembre 1995
Délégation paritaire de la construction:
Partie syndicale (SIB, MM. Doret,Robert,Marco/ SIT, MM. Messina et Bossy/ FTMH M. Nicolini/ FCTC, M. Reale)
Partie patronale (FMB, MM. Barillier, Bertossa, Fragnière, Zaugg, Gautier et Blanc)
La délégation fait part du résultat de ses travaux de concertation. Elle précise que l'importance du problème a permis aux partenaires sociaux d'arriver à un accord total sur les modifications souhaitables de la LDTR et de la LCI. Les treize personnes qui composent cette délégation sont conscientes des enjeux essentiels que représente la survie des emplois dans le domaine du bâtiment. Au vu de la conjoncture difficile, c'est dans un esprit d'ouverture que les partenaires se sont réunis pour aboutir à une entente unanime sur les propositions qu'elle vient faire à la commission dans le cadre du projet de loi 7292.
Ces propositions sont articulées en trois volets qui forment un tout:
- une modification de la LDTR (certains articles);
- un projet de loi visant à encourager temporairement l'entretien et la rénovation du domaine bâti (bonus conjoncturel à la rénovation);
- la modification des articles 56A et 56B du règlement d'application de la LCI visant les normes de transmission thermique et l'indice de dépense de chaleur.
Première partie
Les partenaires sociaux ont cherché à sortir de la loi tout ce qui pouvait être considéré comme utile aux droits des locataires, et ce qui pouvait être une ouverture pour les rénovations. Le groupe de travail propose de ce fait des modifications au texte du projet de loi 7292 en ce qui concerne les articles suivants:
Modifications et adjonctions:
Art. 1, lettre b: l'encouragement à des travaux d'entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d'habitation.
Art. 3, lettre c: la création d'installations nouvelles (suppression du mot «plusieurs»).
Art. 3, lettre d: d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l'alinéa ci-dessous.
Art. 3, al. 2: les travaux d'entretien ne sont pas considérés comme travaux de transformation (nouvelle teneur).
Art. 6, al. 2, lettre c: remplacer «lieu de situation de l'immeuble» par «genre de l'immeuble».
Art. 8: 1. Si une dérogation est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier, le département peut l'accorder si les circonstances le justifient notamment:
- le maintien ou le développement des activités existantes, ou
- les conditions d'habitation précaires dans un immeuble ou
- lorsque le bâtiment est déjà principalement affecté à d'autres buts que le logement.
2. En cas de changement d'affectation, les surfaces de logements supprimés seront compensées par la réaffectation simultanée de surfaces commerciales ou administratives en logements. Dans ce cas, les locaux réaffectés au logement doivent être d'une surface au moins équivalente, situés en règle générale dans le même quartier et offrir des conditions de logement et de loyer au moins équivalentes.
3. Lorsque la réaffectation de surfaces commerciales ou administratives en logement s'avère impossible et que le requérant invoque un intérêt privé prépondérant, le département peut, à titre exceptionnel et sur préavis des associations immobilières, de locataires, patronales et syndicales de la construction, admettre une compensation financière. Il fixera alors un montant compensatoire, égal à la plus-value réalisée par le propriétaire sur le logement réaffecté. La somme doit être versée en faveur d'un fonds de logement social.
Art. 9, al. 1, lettre e: pour les travaux de rénovation (nouveau).
Art.9, al. 1, lettre c: du genre de l'immeuble
Art. 15: 1. L'Etat encourage l'entretien régulier des immeubles d'habitation et les rénovations, notamment par:
- des conseils et renseignements aux propriétaires et locataires concernés;
- des subventions à fonds perdus (al.2 à 4);
- un bonus à la rénovation, par voie législative ou réglementaire;
- des dérogations exceptionnelles à d'autres dispositions légales et réglementaires (al. 5).
2. Lors de travaux de rénovation, le propriétaire peut demander à bénéficier des subventions prévues pour les immeubles des catégories 1 à 4 (HLM, HBM, HCM et HM), de l'article16 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, si les loyers pratiqués après travaux permettent de maintenir les logements dans une catégorie de loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population.
3. Dans ce cas, et en dérogation à l'article 31 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, le propriétaire ne peut être requis de résilier le bail des locataires en place en cas de dépassement des normes de revenus.
4. Les locataires d'immeubles soumis à la loi ne bénéficiant pas de l'aide cantonale au logement peuvent demander à recevoir l'allocation de logement prévue à l'article 30A de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977.
5. Le département peut déroger à d'autres dispositions légales ou réglementaires si ces dispositions sont de nature à renchérir notablement le coût des travaux de rénovations.
Art. 30, al. 3: Afin de prévenir le changement d'affectation progressif d'un immeuble locatif, le désir d'un locataire en place d'acquérir son logement n'est présumé l'emporter sur l'intérêt public que si les conditions suivantes sont réunies:
a) 60% des locataires en place sont désireux d'acquérir leur logement.
Variante: 60% des locataires en place ne s'opposent pas à cette acquisition.
b) A défaut de cette majorité, le locataire peut acquérir son logement s'il y réside depuis 6 ans au moins.
c) Dans les deux cas cependant, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir.
N. B. Les textes soulignés sont des modification aux teneurs du projet de loi 7292.
Deuxième partie
Les partenaires proposent par le biais d'un projet de loi d'instaurer un bonus conjoncturel à la rénovation. Ce système, limité dans le temps, vise à encourager temporairement l'entretien et la rénovation du domaine bâti. Il a comme avantages notoires de contribuer à la sauvegarde d'un patrimoine architectural de qualité à Genève, de développer la formation et le perfectionnement professionnel dans les métiers du bâtiment, d'inciter les propriétaires à réaliser des travaux d'entretien et de rénovation de leurs immeubles et des logements, d'assurer un parc de logements dont le confort et les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population et enfin, de maintenir et de créer des emplois dans l'industrie de la construction.
La crise que traverse actuellement la construction est aiguë puisque cette branche a perdu près de 30% de ses entreprises et la moitié de ses effectifs d'emploi depuis 1989. Au 6 septembre 1995, 930 chômeurs complets étaient recensés dans les métiers de l'industrie genevoise du bâtiment. C'est en donnant un coup de pouce dans la rénovation du domaine bâti que l'Etat doit montrer la voie pour vaincre la timidité de l'investissement dont souffre ce genre de travaux et pour participer à la lutte contre le chômage dans ces professions. Le système du bonus ne met pas en danger le plan quadriennal de rétablissement des finances cantonales et assure en outre un retour fiscal non négligeable. Du point de vue économique, pour autant que les bénéficiaires confient les travaux à des entreprises appliquant les conditions de travail découlant des conventions collectives, il devrait générer un volume important de travail en raison de son rôle multiplicateur. En effet, si l'on considère que le manque à gagner actuel dans le secteur de la rénovation est de 300 millions de francs, le bonus alloué devrait permettre de dégager à lui seul près du tiers de ce montant par un subventionnement estimé de 10%, représentant 10 millions de francs de crédit annuel.
Technique du bonus
• un crédit de 20 millions de francs est alloué au Conseil d'Etat réparti en 2 tranches annuelles et inscrit aux budgets d'investissements 1996 et 1997.
• Le financement du crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans les limites des 250 millions annuels du plan quadriennal.
• Le crédit est amorti chaque année d'un montant calculé sur la valeur résiduelle et porté au compte de fonctionnement.
• A la date d'expiration du système bonus, si le taux de chômage annuel est supérieur ou égal à 4%, le Conseil d'Etat pourra proposer de proroger le système.
• Le crédit est utilisé sous forme de bonifications aux propriétaires.
• Une commission de contrôle est formée de tous les partenaires sociaux, soit les milieux immobiliers, les associations de locataires, les syndicats, les associations patronales de la construction ainsi que l'Etat.
• Peuvent bénéficier de la subvention les propriétaires ayant déposé une demande d'autorisation pour des travaux de rénovation au sens de la LDTR.
• La subvention individuelle n'excédera pas 15% du coût des travaux de rénovation donnant droit à rémunération du capital investi. Cette subvention doit permettre des travaux dans des immeubles vétustes dont les loyers se situent largement en dessous des besoins prépondérants de la population ou d'encourager les rénovations dans des immeubles dont les loyers après travaux dépasseraient les besoins prépondérants dans des proportions raisonnables.
• La commission de contrôle peut faire appel à des experts au sujet des travaux à entreprendre. La subvention est fixée avant les travaux et payée après leur exécution. L'Etat peut agir par des exonérations de taxes et émoluments.
• Le requérant présente sa demande au département des travaux publics et de l'énergie qui convoque la commission de contrôle. Celle-ci rend un avis dans les 30 jours au département qui alors se prononce sur l'attribution et le montant alloué. La décision est susceptible d'un recours au Conseil d'Etat.
Troisième partie
La modification du règlement d'application de la loi sur les constructions et installations diverses du 27 février 1978 (RALCI-L, 5.4) interpelle directement le Conseil d'Etat. Les articles visés, 56A et 56B, traitent particulièrement les normes de transmission thermique et l'indice de dépense de chaleur. C'est le troisième volet des propositions émises par le groupement de travail paritaire. Bien que n'intervenant pas directement dans l'étude du projet de loi modifiant la LDTR, cette proposition fait l'objet aussi d'un consensus qui devrait trouver une réponse ultérieure aux travaux de la commission.
Analyse des commissaires
La majorité de la commission est satisfaite de l'issue des pourparlers entre les partenaires sociaux. Elle y voit une volonté et une clairvoyance de personnes responsables désireuses de tout faire pour maintenir l'emploi et relancer les travaux dans l'industrie du bâtiment dans une période difficile. Il est à relever que toutes les modifications souhaitées et toutes les propositions apportées dans le cadre de la LDTR sont faites dans le respect des locataires en permettant de sauver le patrimoine bâti. La majorité de la commission demande au Conseil d'Etat d'inclure dans le projet de loi 7292 les propositions des partenaires sociaux , y compris le bonus à la rénovation, afin d'avoir un outil complet permettant d'agir rapidement au bénéfice de l'industrie du bâtiment dont les emplois sont très touchés, ce qui a pour une part motivé le projet de loi étudié par la commission.
Travaux de la commission
La commission est informée que le Conseil d'Etat, ayant rencontré les partenaires sociaux, a décidé de regrouper dans le projet de loi 7292, d'une part, les éléments renvoyés à la commission et, d'autre part, les propositions du groupe de travail de la commission paritaire. Sur cette base, la commission vote l'entrée en matière qui est acceptée par 9 oui (L, R, DC) et 5 non (AdG, S, Ve).
Suite à ce vote la minorité annonce qu'elle ne participera pas à la suite des travaux en s'abstenant de prendre position sur les différents articles ainsi qu'au vote final. La majorité regrette cette prise de position qui va à l'encontre d'une discussion démocratique portant sur des sujets primordiaux que sont les emplois, le chômage et l'économie genevoise. Elle constate, que seule, elle est amenée à lutter contre la dégradation sociale due à la crise qui frappe actuellement le canton dans son industrie du bâtiment.
La commission poursuit la lecture des articles du nouveaux texte modifié présenté par le Conseil d'Etat. Tous les articles sont acceptés par la majorité de la commission, la minorité refusant de voter. Une exception toutefois pour l'article 3, alinéa 2, ou un amendement, demandant de fixer une limite en pour-cent concernant les travaux d'entretien, est refusé par la majorité.
La minorité annonce qu'elle interviendra en séance plénière par le dépôt de divers amendements notamment sur l'incidence découlant de ce projet projet de loi 7292 sur d'autres lois telle que la LGL.
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Vote final.
La commission du logement, à la majorité (8 oui, L, R, DC; 6 non, Adg, S, Ve/1 abst., DC) vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, l'adoption de ce projet de loi.
Annexe
Lors de sa dernière séance du 8 janvier 1996, la commission a reçu une délégation des chefs des petites entreprises et artisans du bâtiment. Celle-ci a remis à la commission un manifeste qui demande expressément d'activer la mise en oeuvre de cette loi au vu de la situation dramatique dans laquelle se trouvent les entreprises. Par cette manifestation spontanée, la délégation entend montrer le risque, journellement accru, de pertes d'emplois et d'aggravation du chômage. Ils se sentent directement concernés pour la survie des entreprises genevoises de l'industrie du bâtiment et attendent des pouvoirs publics une prise de responsabilité salutaire.
PROJET DE LOI
sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation
(L 5 9)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
CHAPITRE I
Préambule
Article 1
But
La présente loi a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel des zones urbaines.
A cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, elle prévoit notamment :
a) des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation;
b) l'encouragement à des travaux d'entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d'habitation;
c) des restrictions quant à l'aliénation des appartements destinés à la location;
d) l'expropriation temporaire de l'usage des appartements laissés vides sans motif légitime.
Art. 2
Champ d'application
1 Est soumis à la présente loi tout bâtiment:
a) situé dans l'une des zones de construction prévues par l'article 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, ou construit au bénéfice des normes de l'une des 4 premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement;
b) comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation.
2 Ne sont pas assujetties à la présente loi les maisons individuelles ne comportant qu'un seul logement, ainsi que les villas en 5e zone comportant un ou plusieurs logements.
Art. 3
Définitions
transformations
1 Par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet :
a) de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation;
b) la création de nouveaux logements, notamment dans les combles;
c) la création d'installations nouvelles d'une certaine importance, telles que chauffage, distribution d'eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines;
d) d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l'alinéa 2 ci-dessous.
2 Les travaux d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation.
changement d'affectation
3 Par changement d'affectation, on entend toute modification, même en l'absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel. Sont également assimilés à des changements d'affectation :
a) le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels;
b) le remplacement de résidences meublées ou d'hôtels par des locaux commerciaux, lorsque ces résidences ou ces hôtels répondent aux besoins prépondérants de la population;
c) l'aliénation d'appartements loués, en application de l'article 39.
4 Il n'y a pas de changement d'affectation lorsque des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel ont été temporairement affectés à l'habitation et qu'ils retrouvent leur destination commerciale, administrative, artisanale ou industrielle antérieure.
Art. 4
Compétence
Le département des travaux publics et de l'énergie est l'autorité compétente pour l'application de la présente loi.
CHAPITRE II
Démolitions
Art. 5
Principe
Nul ne peut, sous réserve de l'octroi d'une dérogation au sens de l'article 6, démolir tout ou partie d'un bâtiment, au sens de l'article 2, alinéa 1, occupé ou inoccupé.
Art. 6
Dérogations
1 Le département peut accorder une dérogation
sécurité,
salubrité
a) lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité ou la santé de ses habitants ou des tiers et s'il n'est pas possible de remédier à cet état de fait sans frais disproportionnés pour le propriétaire. Dans ce cas, la construction nouvelle doit comporter une surface de plancher affectée au logement au moins équivalente;
intérêt public
b) lorsque l'intérêt public le commande, soit pour permettre la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement, de travaux publics ou la construction d'édifices publics;
intérêt général
c) lorsque la reconstruction permet une sensible augmentation de la surface de plancher affectée au logement, tout en tenant compte du maintien ou du développement du commerce et de l'artisanat, lorsqu'il est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier.
2 Le département accorde la dérogation si les logements reconstruits répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population; il tient notamment compte, dans son appréciation, des éléments suivants :
a) du genre des logements existants;
b) du prix de revient des logements reconstruits;
c) du genre de l'immeuble;
d) de la surface des pièces et des appartements.
CHAPITRE III
Changements d'affectation
Art. 7
Principe
Nul ne peut, sous réserve de l'octroi d'une dérogation au sens de l'article 8, changer l'affectation de tout ou partie d'un bâtiment au sens de l'article 2, alinéa 1, occupé ou inoccupé.
Art. 8
Dérogations
1 Si une dérogation est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier, le département peut l'accorder si les circonstances le justifient, notamment:
- le maintien ou le développement des activités existantes, ou
- les conditions d'habitation précaires dans un immeuble, ou
- lorsque le bâtiment est déjà principalement affecté à d'autres buts que le logement.
2 En cas de changement d'affectation, les surfaces de logements supprimées seront compensées par la réaffectation simultanée de surfaces commerciales ou administratives en logement. Dans ce cas, les locaux réaffectés au logement doivent être d'une surface au moins équivalente, situés en règle générale dans le même quartier et offrir des conditions de logement et de loyer au moins équivalentes.
3 Lorsque la réaffectation de surfaces commerciales ou administratives en logement s'avère impossible et que le requérant invoque un intérêt privé prépondérant, le département peut, à titre exceptionnel et sur préavis d'une commission consultative composée de représentants des associations immobilières, de locataires, patronales et syndicales de la construction, admettre une compensation financière. Il fixera alors un montant compensatoire, égal à la plus-value réalisée par le propriétaire sur le logement réaffecté. La somme doit être versée en faveur d'un Fonds de logement social.
CHAPITRE IV
Transformations
Art. 9
Principe
1 Une autorisation est nécessaire pour toute transformation au sens de l'article 3, alinéa 1. L'autorisation est accordée :
sécurité-
salubrité
a) lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers;
intérêt public
b) lorsque la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public le commande;
intérêt
général
c) lorsque les travaux permettent la réalisation de logements supplémentaires;
d) lorsque les travaux répondent à une nécessité ou qu'ils contribuent au maintien ou au développement du commerce et de l'artisanat, si celui-ci est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier;
e) pour les travaux de rénovation.
2 Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population. Il tient notamment compte, dans son appréciation, des éléments suivants :
a) du genre, de la typologie et de la qualité des logements existants;
b) du prix de revient des logements transformés ou nouvellement créés, notamment dans les combles;
c) du genre de l'immeuble;
d) de la surface des pièces et des appartements;
e) des exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine.
CHAPITRE V
Fixation des loyers et des prix en cas de démolitions ou de transformations
Art. 10
Principe
1 Le département fixe, lors de la délivrance de l'autorisation de démolition ou de transformation, le montant maximum des loyers des logements après travaux; il en fait de même pour les prix de vente maximaux des logements si ceux-ci sont soumis au régime de la propriété par étages ou à une autre forme de propriété analogue.
Exception
2 Le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévue à l'alinéa 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée et notamment lorsque les loyers après transformation demeurent peu élevés ou lorsque les logements à transformer revêtent d'ores et déjà, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, un caractère excédant manifestement les besoins prépondérants de la population.
Art. 11
Mode de calcul
Le département fixe le montant des loyers ou des prix de vente maximaux, en tenant compte :
a) du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur le 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au-dessus de l'intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève; le taux de rendement est fonction de l'incidence dégressive des amortissements;
b) de l'amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5%;
c) des frais d'entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération;
d) des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les articles 269 et suivants du code des obligations.
Art. 12
Durée du contrôle
Les loyers et les prix de vente maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l'Etat, pendant une période de cinq à dix ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de trois ans pour les immeubles transformés, durée qui peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde.
Art. 13
Affectation locative
Lorsqu'une autorisation est accordée, le département impose, en règle générale, l'affectation locative des logements pendant la durée du contrôle des loyers institué par l'article 12.
Art. 14
Modifications pendant le contrôle
1 Pendant la période de contrôle, les loyers et les prix de vente fixés par le département ne peuvent être dépassés.
2 Lorsque l'évolution des critères de fixation des loyers au sens des articles 269 et suivants du code des obligations le justifie, une demande de modification des loyers ou des prix peut être présentée au département, qui statue en regard des articles précités.
3 Toute hausse du loyer admise par le département reste soumise aux dispositions du droit fédéral sur le bail à loyer.
CHAPITRE VI
Encouragement à la rénovation
SECTION 1
BUTS ET MOYENS
Art. 15
Buts
1 L'Etat encourage l'entretien régulier des immeubles d'habitation et les rénovations, notamment par :
- des conseils et renseignements aux propriétaires et locataires concernés;
- des subventions à fonds perdus (al. 2 à 4);
- des dérogations exceptionnelles à d'autres dispositions légales et réglementaires (al. 5);
- un bonus à la rénovation (art. 16 à 24).
Moyens
2 Lors de travaux de rénovation, le propriétaire peut demander à bénéficier des subventions prévues pour les immeubles des catégories 1 à 4 (HLM, HBM, HCM et HM), de l'article 16 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, si les loyers après travaux correspondent aux besoins prépondérants de la population.
3 Dans ce cas et en dérogation à l'article 31 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, le propriétaire ne peut être requis de résilier le bail des locataires en place en cas de dépassement des normes de revenus.
4 Les locataires d'immeubles soumis à la loi ne bénéficiant pas de l'aide cantonale au logement peuvent demander à recevoir l'allocation de logement prévue à l'article 30 A de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977.
5 Le département peut déroger à d'autres dispositions légales ou réglementaires si ces dispositions sont de nature à renchérir notablement le coût des travaux de rénovation.
SECTION 2
BONUS CONJONCTUREL À LA RÉNOVATION
Art. 16
Buts
Les dispositions de la présente section ont pour buts :
a) d'inciter les propriétaires à réaliser les travaux d'entretien et de rénovation de leurs immeubles et des logements;
b) de maintenir et développer un parc de logements dont le confort et les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population;
c) de contribuer à la sauvegarde d'un patrimoine architectural de qualité à Genève;
d) d'encourager le savoir-faire, la formation et le perfectionnement professionnels grâce à la rénovation du parc immobilier;
e) de maintenir et de créer des emplois dans l'industrie de la construction.
Art. 17
Financement
1 Afin d'encourager la rénovation et de permettre la mise en oeuvre de ce bonus conjoncturel, le Grand Conseil allouera au Conseil d'Etat hors grands travaux un crédit d'investissement de 10 millions de F en 1996 et un autre crédit d'investissement de 10 millions de F en 1997, sous la rubrique n° 520100.534.01 à créer.
2 Le financement de ces deux crédits est assuré par le recours à l'emprunt.
3 Les crédits sont amortis chaque année d'un montant calculé sur la valeur résiduelle et portés au compte de fonctionnement.
4 Au-delà de 1997, le Conseil d'Etat devra évaluer les effets du bonus conjoncturel à la rénovation et présenter un rapport au Grand Conseil. Si le taux de chômage annuel est supérieur ou égal à 4%, le Conseil d'Etat pourra chaque année proposer au Grand Conseil de libérer un nouveau crédit d'investissement hors grands travaux d'un montant à définir.
Art. 18
Utilisation
Les crédits sont utilisés sous forme de subventions aux propriétaires d'immeubles d'habitation.
Art. 19
Commission d'attribution
1 Une commission est chargée de préaviser l'attribution des subventions aux conditions des dispositions de la présente section.
2 Elle se compose de représentants:
- de l'Etat,
- des associations immobilières,
- des associations de locataires,
- des associations patronales de la construction,
- des associations syndicales de la construction.
Art. 20
Ayants droit
1 Les propriétaires d'immeubles d'habitation qui ont déposé une demande d'autorisation de construire pour des travaux de rénovation fondée sur la présente loi peuvent demander l'octroi d'une subvention.
Procédure
2 La procédure détaillée d'attribution est déterminée dans le règlement d'application à la présente loi.
Art. 21
But de la subvention
1 La subvention allouée à un propriétaire d'immeuble doit viser principalement à :
a) permettre la rénovation d'immeubles vétustes et bon marché en maintenant, après travaux, des loyers se situant largement en dessous de ceux correspondant aux besoins prépondérants de la population;
b) permettre la réalisation de travaux de rénovation dans des immeubles où les loyers après travaux dépasseraient dans des proportions raisonnables les besoins prépondérants de la population.
Montant de
la subvention
2 En règle générale, la subvention n'excédera pas 15% du coût des travaux de rénovation donnant droit à rémunération du capital investi.
Art. 22
Attribution de la subvention
1 Lors de l'attribution de la subvention, il est tenu compte notamment de la vétusté et de la surface habitable des logements concernés. La commission d'attribution peut faire appel à des experts.
Contrôle et paiement
2 La subvention est fixée avant les travaux ; elle est payée après leur exécution et après que le département a contrôlé la conformité des travaux réalisés avec ceux autorisés.
Art. 23
Exonérations et facilités accordées aux propriétaires
Le département peut exonérer le requérant à une rénovation de toutes taxes, émoluments ou autres frais; il peut intervenir auprès de la commune concernée ou des Services industriels de Genève, pour que leurs taxes soient réduites ou supprimées pour la durée du chantier.
Art. 24
Décision
1 Le département, sur préavis de la commission d'attribution, statue sur chaque demande de subvention.
Voie de recours
2 Cette décision est susceptible d'un recours au Conseil d'Etat dans les 10 jours dès sa notification.
Procédure
3 La procédure devant le Conseil d'Etat est réglée par la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
CHAPITRE VII
Mesures visant à lutter contre la pénuried'appartements locatifs
SECTION 1
APPARTEMENTS ASSUJETTIS
Art. 25
Principe
1 Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du présent chapitre.
Définition de la pénurie
2 Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2% du parc immobilier de la même catégorie.
Exception
3 Les appartements de plus de 6 pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie.
SECTION 2
EXPROPRIATION TEMPORAIREDE L'USAGE DES APPARTEMENTS LOCATIFSLAISSÉS ABUSIVEMENT VIDES
Art. 26
Principe
Afin de remédier à la pénurie de logements, l'Etat peut acquérir par voie d'expropriation, conformément à la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1933, l'usage temporaire des appartements locatifs laissés vides de tout occupant sans motif légitime durant plus de 3 mois consécutifs.
Art. 27
Appartement vide
Est un appartement laissé vide tout appartement inoccupé qui n'est pas offert en location, ou qui fait l'objet d'une location fictive, ou qui ne trouve pas preneur parce que le loyer réclamé dépasse de manière abusive le loyer admissible en vertu du droit fédéral.
Art. 28
Motif légitime
Constitue notamment un motif légitime de maintenir un appartement vide le dépôt d'une requête en autorisation de démolir ou de transformer, lorsque sur la base du dossier, le département considère :
a) soit que la démolition est susceptible d'être autorisée;
b) soit que l'état de l'immeuble impose à l'évidence sa transformation hors la présence des occupants.
Art. 29
Obligation d'annoncer
Tout appartement laissé vide doit être annoncé par son propriétaire ou son gérant dans les 3 mois à l'office cantonal de la population. Celui-ci avise alors le département.
Art. 30
Demande de renseignements
Lorsqu'il constate ou apprend qu'un appartement demeure vide sans motif légitime, le département adresse une demande de renseignements au propriétaire. Il attire son attention sur les dispositions du présent chapitre et l'invite à indiquer par écrit dans les 15 jours les motifs pour lesquels et la date depuis laquelle l'appartement est laissé vide.
Art. 31
Sommation
1 Lorsqu'à l'expiration du délai de l'article 30, deuxième phrase, le propriétaire ne rapporte pas la preuve d'un motif légitime quant au maintien d'un appartement vide, ou lorsqu'il ne donne pas suite à la demande de renseignements, le département peut lui adresser une sommation. Il l'invite à relouer dans le délai de deux mois l'appartement vide, à un loyer abordable, soit au locataire de son choix, soit à une personne proposée par l'office du logement social.
2 La sommation mentionne que le refus d'y donner suite est passible, conformément à l'article 44, de l'amende administrative prévue à l'article 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, et qu'il ouvre la faculté à l'Etat de prendre des mesures prévues par l'article 32.
Art. 32
Exercice du droit d'expropriation
1 Si la sommation demeure infructueuse, le Conseil d'Etat examine si les conditions sont réunies pour déclarer d'utilité publique l'expropriation temporaire du droit d'usage de l'appartement concerné. Tel est le cas lorsque l'appartement dont il s'agit se trouve dans un immeuble dont les loyers répondent, ou répondaient jusqu'à récemment, aux besoins prépondérants de la population.
2 Le cas échéant, le Conseil d'Etat peut, indépendamment des sanctions visées à l'article 31, alinéa 2, déclarer d'utilité publique et décréter l'expropriation temporaire du droit d'usage de l'appartement concerné. L'urgence est présumée et l'arrêté du Conseil d'Etat ordonne la prise de possession immédiate.
Art. 33
Limites du droit d'expropriation
Le droit d'expropriation porte uniquement sur le droit d'usage de l'appartement vide et le propriétaire conserve son droit de propriété sur celui-ci, à l'exclusion du droit de l'utiliser. La mesure est temporaire, sans qu'elle soit limitée à 5 ans conformément à l'article 6 de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1933. Elle prend fin lorsque l'une des conditions de l'arti-cle 37 est réalisée.
Art. 34
Indemnité
1 L'Etat verse au propriétaire exproprié une indemnité fixée par le département. Elle correspond au loyer licite selon le code des obligations, éventuellement au loyer fixé selon l'article 10, alinéa 1, s'il s'agit d'un appartement ayant subi une transformation autorisée.
2 L'indemnité peut être modifiée par le département, après chaque période annuelle, dans la mesure admise par le droit fédéral.
Art. 35
Conditions de mise à disposition
1 L'appartement exproprié est mis à disposition d'une personne régulièrement inscrite à l'office du logement social et désignée par ce dernier. L'attribution est faite en priorité aux familles et aux personnes à revenus modestes. Le propriétaire de l'appartement est consulté au préalable. Il est invité, à nouveau, à conclure un bail avec la personne retenue, pour une durée suffisante moyennant un loyer abordable.
2 Le bénéficiaire de l'appartement est redevable envers l'Etat d'une indemnité d'occupation des locaux, fixée par le département.
Art. 36
Travaux et autres frais d'expropriation
1 L'Etat peut entreprendre dans l'appartement exproprié ou dans l'immeuble où il est situé, les travaux nécessaires pour rendre cet appartement habitable. Le département fait application à cet effet des articles 129 et 136 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988.
2 De même, l'Etat peut prendre en charge les autres frais d'exploitation nécessaires à l'habitation.
Art. 37
Fin de la mesure d'expropriation
La mesure d'expropriation est temporaire. Elle prend fin lorsqu'elle n'est plus justifiée et notamment dans l'un des cas suivants :
a) le propriétaire de l'appartement et le bénéficiaire concluent le bail;
b) le bénéficiaire de l'appartement le libère de son propre chef et le propriétaire consent à le remettre en location, pour une durée suffisante et à un loyer abordable;
c) le propriétaire a obtenu une autorisation de démolir ou de transformer l'immeuble et les travaux envisagés doivent nécessairement être exécutés hors la présence des occupants; dans cette hypothèse, le propriétaire doit préalablement s'engager à exécuter les travaux autorisés à bref délai et fournir à l'appui de son engagement des preuves concrètes;
d) le propriétaire de l'appartement justifie de l'existence d'un besoin réel des locaux pour lui-même ou pour ses proches parents ou alliés.
Art. 38
Dispositions sur l'expropriation
Les dispositions de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1933, relatives à la commission cantonale de conciliation et d'estimation ne sont pas applicables aux mesures prises en vertu du présent chapitre.
SECTION 3
ALIÉNATION DES APPARTEMENTSDESTINÉS À LA LOCATION
Art. 39
Aliénation
1 L'aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation, jusqu'alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où cet appartement entre dans une catégorie de logements où sévit la pénurie.
motifs de refus
2 Le département refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués.
exception
3 Afin de prévenir le changement d'affectation progressif d'un immeuble locatif, le désir d'un locataire en place d'acquérir son logement n'est présumé l'emporter sur l'intérêt public que si les conditions suivantes sont réunies :
a) 60% des locataires en place ne s'opposent pas à cette acquisition;
b) à défaut de cette majorité, le locataire peut acquérir son logement s'il y réside depuis 6 ans au moins;
c) dans ces deux cas cependant, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir.
motifs d'autorisation
4 Le département autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci:
a) a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue;
b) était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée;
c) n'a jamais été loué;
d) a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la présente loi.
relogement du locataire
5 Au cas où l'autorisation est délivrée, celle-ci peut être soumise à certaines conditions concernant le relogement du locataire.
CHAPITRE VIII
Dispositions générales
Art. 40
Procédure d'autorisation
1 Les articles 2 à 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, sont applicables par analogie aux demandes d'autorisation découlant de la présente loi.
2 Lorsqu'une demande est assujettie aux dispositions de l'une ou l'autre de ces lois, elle ne donne lieu qu'à l'ouverture d'une seule procédure en autorisation.
3 Lorsque plusieurs requêtes d'autorisation sont formées successivement à propos d'un même immeuble, le département les considère comme un tout, et révise, si nécessaire, ses décisions précédentes, déjà entrées en force, lorsque l'ensemble des travaux était prévisible, à l'origine.
Art. 41
Rapport technique
Le département peut, à l'occasion de l'examen de toute demande d'autorisation, requérir l'établissement d'un rapport technique sur l'état de l'immeuble en cause.
Art. 42
Restrictions
1 Les autorisations de construire prévues par l'article 1, alinéa 1, lettres a et b, de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, ne sont pas délivrées lorsque l'exécution des travaux qu'elles concernent rend nécessaires des démolitions ou transformations interdites par la présente loi.
2 L'autorisation de démolir peut être délivrée par le département alors même que le bâtiment est encore occupé. Dans ce cas, le département informe individuellement les locataires des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article.
3 L'autorisation de transformer ou de changer d'affectation stipule si les travaux imposent le départ ou non de tout ou partie des locataires. Le cas échéant, le département informe individuellement les locataires des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article.
4 L'ouverture du chantier est subordonnée au relogement des locataires touchés par l'autorisation définitive.
5 Lorsque le revenu des locataires est modeste, l'office du logement social assiste le propriétaire, afin que les locataires soient relogés à des conditions économiques et sociales satisfaisantes.
Art. 43
Consultation des locataires
1 Le propriétaire a l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsqu'il a l'intention d'exécuter des travaux au sens de la présente loi. Il leur expose son projet et les informe de la modification de loyer qui en résulte. Il leur impartit un délai de 30 jours au moins pour présenter leurs observations et suggestions éventuelles.
2 Le département veille que le propriétaire informe par écrit, individuellement, les locataires, de la liste des travaux autorisés et du programme d'exécution de ces travaux.
3 En cas de non-respect de l'obligation d'information et de consultation prévue à l'alinéa 1 du présent article, le département peut refuser la délivrance de l'autorisation requise. L'article 44 de la présente loi (sanctions et mesures) est réservé.
CHAPITRE IX
Sanctions et mesures
Art. 44
Sanctions et mesures
1 Celui qui contrevient aux dispositions de la présente loi est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les articles 129 à 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, et des peines plus élevées prévues par le code pénal.
2 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société de personnes dépourvues de la personnalité juridique ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom.
3 La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement de l'amende et des frais.
CHAPITRE X
Voies de recours
Art. 45
Commission de recours
1 Les décisions prises et autorisations délivrées par le département en application de la présente loi doivent être publiées dans la Feuille d'avis officielle et sont susceptibles d'un recours, dans les 30 jours, auprès de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988.
2 Toutefois, les sanctions relatives à des travaux entrepris sans autorisation ainsi que les décisions prises par le département ou le Conseil d'Etat en vertu des articles 17 à 29 ci-dessus sont susceptibles d'un recours dans le délai de 30 jours auprès du Tribunal administratif. Dans le cas d'application des articles 26 à 38, le recours n'a pas d'effet suspensif, sauf s'il est restitué à la requête du recourant.
composition de la commission de recours
3 Pour les causes relevant de l'application de la présente loi, la commission de recours siège dans la composition suivante :
a) le président;
b) un architecte représentant les milieux professionnels de sa branche;
c) un représentant d'organisation de sauvegarde du patrimoine et de l'environnement;
d) un représentant des milieux immobiliers;
e) un représentant des organisations de défense des locataires.
4 A cet effet, le Conseil d'Etat désigne 4 membres titulaires supplémentaires et 4 suppléants choisis sur proposition des organisations représentatives intéressées.
5 Les dispositions de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, concernant la durée du mandat et les causes de récusation des membres de la commission de recours sont applicables aux membres désignés en conformité des alinéas 3 et 4.
qualité pour recourir
6 Ont la qualité pour recourir auprès de la commission de recours et du Tribunal administratif contre les décisions prises en vertu de la présente loi, les personnes visées à l'article 60 de la loi de procédure administrative, du 12 septembre 1985, ainsi que les associations régulièrement constituées d'habitants, de locataires et de propriétaires d'importance cantonale, qui existent depuis trois ans au moins, et dont le champ d'activité statutaire s'étend à l'objet concerné.
Art. 46
Procédure
1 La procédure devant la commission de recours est réglée par la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
2 La commission de recours revoit librement les faits et le droit.
Art. 47
Recours au Tribunal administratif
Les parties peuvent recourir au Tribunal administratif contre les décisions de la commission de recours, dans les 30 jours à dater de leur notification.
CHAPITRE XI
Dispositions finales
Art. 48
Règlement
Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.
Art. 49
Clause abrogatoire
1 La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 22 juin 1989, est abrogée.
2 Cette loi demeure cependant applicable aux infractions commises avant son abrogation. Il en est de même des infractions commises en vertu de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 26 juin 1983, et de la loi restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie de logements, du 17 octobre 1962, conformément à l'article 19 de la loi abrogée.
Art. 50
Entrée en vigueur
1 La présente loi entre en vigueur dès le lendemain de la publication de l'arrêté de promulgation.
2 Ses dispositions s'appliquent aux demandes d'autorisation pendantes devant le département au jour de son entrée en vigueur, ainsi qu'à celles qui, à ce même jour, font l'objet de procédures pendantes devant la commission de recours ou le Tribunal administratif.
Art. 51
Modifications à d'autres lois (E 3,5 1)
1 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit :
Art. 8, al. 1, 105° (nouvelle teneur)
105°décisions du département des travaux publics et de l'énergie ordonnant des mesures ou infligeant des sanctions en cas de travaux entrepris sans autorisation (L 5 1, art. 150, et L 5 9, art. 45, al. 2);
Art. 8, al. 1, 108° (nouvelle teneur)
108°décisions de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation(L 5 9, art. 47);
(L 5 1)
La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit :
Art. 145, al. 4 (nouvelle teneur)
Composition de la commission
4 En cas de recours formé contre les décisions rendues en vertu de la présente loi et de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du .... (à préciser), la commission siège dans la composition prévue à l'article 45, alinéa 3, de cette dernière loi.
TABLE DES MATIÈRES
Articles
Chapitre I : Préambule 1-4
Chapitre II : Démolitions 5-6
Chapitre III : Changement d'affectation 7-8
Chapitre IV : Transformations 9
Chapitre V : Fixation des loyers et des prix en cas
de démolitions ou de transformations 10-14
Chapitre VI : Encouragement à la rénovation
Sect. 1 : Buts et moyens 15
Sect. 2 : Bonus conjoncturel à la rénovation 16-24
Chapitre VII : Mesures visant à lutter contre la pénurie
d'appartements locatifs
Sect. 1 : Appartements assujettis 25
Sect. 2 : Expropriation temporaire de l'usage des appartements
locatifs laissés abusivement vides 26-38
Sect. 3 : Aliénation des appartements
destinés à la location 39
Chapitre VIII : Dispositions générales 40-43
Chapitre IX : Sanctions et mesures 44
Chapitre X : Voies de recours 45-47
Chapitre XI : Dispositions finales 48-51
RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ
I. La LDTR, une loi voulue par le peuple
La dégradation de la situation de l'habitat (nombreuses démolitions d'immeubles d'habitation, transformations luxueuses d'immeubles vidés préalablement de leurs locataires, dépeuplement du centre-ville) est à l'origine de la LDTR, massivement approuvée par le peuple genevois le 26 juin 1983.
Cette loi fut ensuite complétée, à la suite de nouvelles initiatives populaires, notamment en mars 1985 (initiative contre les congés-ventes), puis en 1993 (initiative contre les logements vides).
Il s'agit donc d'une loi issue de plusieurs initiatives populaires visant avant tout à lutter contre les abus. Cette loi a fait ses preuves et demeure pleinement utile.
II. Une loi combattue dès son adoption
Les milieux immobiliers n'ont cessé de combattre cette loi, prétendant qu'elle constituerait une grave entrave à la liberté des propriétaires.
Les milieux des locataires - et avec eux la grande majorité de la population - ont cependant considéré que l'intérêt général commandait qu'un droit aussi fondamental que celui de se loger correctement à un loyer décent soit garanti en priorité.
III. Une loi toujours actuelle
La situation économique justifie que l'on continue à préserver le parc locatif bon marché. A défaut, les familles de condition modeste, de même que grand nombre de personnes âgées, se verraient délogées de leur cadre de vie et ne trouveraient pas de logements à des loyers conformes à leurs revenus.
Cette situation milite donc en faveur du maintien de la LDTR. Ce d'autant plus que le nombre des logements sociaux est en régulière diminution depuis plusieurs années.
Genève manque déjà cruellement de logements bon marché.
A en croire le Conseil d'Etat - qui vient précisément de céder aux suppliques des milieux immobiliers - la LDTR devrait être profondément modifiée pour relancer l'industrie de la construction.
Or, si le secteur du bâtiment, durablement frappé par la crise, a assurément besoin d'oxygène, cela ne doit toutefois pas conduire à l'adoption de mesures à couper le souffle aux locataires, qui ne parviendront tout simplement plus à payer les loyers des appartements rénovés.
N'oublions pas que la LDTR a pour finalité de maintenir des logements accessibles à la majorité des habitants de Genève. En ce sens, cette loi joue un rôle éminemment social et la situation économique actuelle (chômage, diminution du pouvoir d'achat) justifie que l'on continue à préserver le parc locatif bon marché.
Contrairement aux sempiternelles chansons des milieux immobiliers, la LDTR ne bloque nullement la rénovation des immeubles, mais permet de mieux maîtriser ce type de travaux, dans l'intérêt des locataires.
Elle permet d'éviter qu'une transformation d'immeubles ne soit le prétexte pour faire exploser les loyers sans tenir compte des dépenses effectives des travaux engagés et sans tenir compte de la nécessité de ces travaux.
IV. Une loi qui ménage les finances publiques
La LDTR ayant permis de conserver, dans le secteur libre, un important quota de logements à loyers abordables, a également permis de ménager les finances publiques.
Car autant d'anciens logements bon marché sauvegardés, autant de logements sociaux nouveaux que l'Etat n'a pas été amené à mettre sur le marché.
Imaginons les subventions et les exonérations fiscales supplémentaires que les pouvoirs publics auraient dû accorder si l'évolution des loyers des immeubles anciens n'avait pas été limitée par la LDTR et qu'il ait fallu construire, en périphérie, un nombre massif de nouvelles HLM.
Or, c'est précisément la situation à laquelle nous serions confrontés si le projet de loi 7292 devait entrer en vigueur. Les loyers des immeubles anciens prendraient alors l'ascenseur (c'est la raison d'être de ce projet de loi !), délogeant ainsi leurs locataires et obligeant indirectement l'Etat à mettre sur le marché de nouveaux logements sociaux, en compensation des logements bon marché sacrifiés dans le secteur libre.
V. Une loi attaquée à coups de hache
Le projet de loi aujourd'hui soumis au Grand Conseil va à fins contraires du but même de la LDTR, qui vise à maintenir un parc de logements accessible à tous et à éviter que des habitants ne soient chassés de leur logement par des augmentations de loyer qu'ils ne pourraient plus assumer.
Le projet de loi proposé, dès lors qu'il ne permettra plus de préserver cet habitat bon marché, remet en cause le fondement même de la loi actuelle, sans parler de ses conséquences sur les finances publiques (voir chiffre IV ci-dessus).
Le Grand Conseil est aujourd'hui appelé à se prononcer sur un compromis passé entre la FMB et certains syndicats (SIB/FTMH/SIT/FCTC) qui a, sur certains points, modifié les propositions initiales formulées par le Conseil d'Etat.
Ce nouveau projet a, en réalité, aménagé le texte initial qui avait été concocté par le Conseil d'Etat en y apportant quelques modifications. Il s'agit essentiellement d'un maquillage de façade, comme on le verra ci-dessous.
Quant au bonus à la rénovation (mesure temporaire proposée pour deux ans), il a été présenté séparément par les mêmes partenaires, s'agissant d'une mesure purement conjoncturelle. Toutefois, le Grand Conseil est aujourd'hui saisi d'un paquet ficelé, à l'initiative du Conseil d'Etat, lequel espère ainsi forcer la main du parlement, le cas échéant du souverain, en liant une bonne mesure (bonus conjoncturel à la rénovation) à des dispositions éminemment critiquables et, pour certaines d'entre elles, totalement inacceptables.
Parmi les dispositions nouvelles inacceptables contenues dans le projet de loi 7292, citons les quelques exemples suivants:
a) L'article 3, alinéa 2
Le projet de loi initial du Conseil d'Etat prévoyait que tous travaux ne provoquant pas de hausse de loyer supérieure à 15% échappaient à la loi. Les critiques furent nombreuses pour dénoncer les dangers d'une telle disposition qui n'aurait pas manqué d'inciter les propriétaires peu scrupuleux à augmenter systématiquement les loyers de 15%, sans se soucier du coût réel des travaux effectués.
Or, le nouvel article proposé par le projet FMB-syndicats et voté par la majorité de l'Entente au sein de la commission du logement, va encore plus loin, puisqu'il prévoit que «les travaux d'entretien régulier» échappent à la loi.
C'est dire que tous les travaux d'entretien régulier (y compris le changement d'un ascenseur, la réfection d'une toiture, etc.) seront autorisés par le département des travaux publics et de l'énergie sans autre examen, indépendamment de leur répercussion sur les loyers et de leur nécessité.
A ce sujet, notons que cette modification législative aurait également pour conséquence que les locataires ne seraient plus consultés ni informés préalablement, l'obligation d'information et de consultation prévue à l'article 34 du projet de loi 7292 ne visant, bien entendu, que les travaux expressément soumis à la loi !
b) Article 8
Cette disposition donne la possibilité de transformer des appartements en bureaux, grâce à des versements de sommes d'argent. Cette introduction de pots-de-vin légaux (compensation en argent) est tout simplement inadmissible, sans parler de l'absurdité qui consiste à vouloir supprimer des logements pour créer de nouveaux bureaux, alors qu'il existe une pléthore de locaux commerciaux vacants.
A noter, comme l'a reconnu d'ailleurs le Conseil d'Etat à l'appui de son exposé des motifs (PL 7292 déposé le 29 août 1995 devant le Grand Conseil, page 29), que la compensation en nature déjà (rocade d'affectation mètre carré par mètre carré) n'est «en l'état du droit actuel, pas conforme à la LDTR». Que dire des opérations de compensation en argent?
Le projet de loi donnera ainsi la possibilité au chef actuel du département de légaliser sa pratique non conforme à la loi et les changements d'affectation deviendront ainsi beaucoup plus faciles à obtenir.
c) Article 9, alinéa 2
Cette disposition bat en brèche la notion de loyer répondant aux besoins prépondérants de la population - telle que définie par une longue pratique du département et régulièrement confirmée par la jurisprudence des tribunaux - et donne ainsi au chef actuel du département la possibilité de légaliser ses décisions non conformes à la législation actuelle.
Il faut en effet savoir que la jurisprudence a récemment fixé le loyer répondant aux besoins prépondérants de la population dans une fourchette oscillant entre 2 400 F et 3 225 F la pièce par an.
En ajoutant, insidieusement, l'adverbe «notamment» à l'article 9, alinéa 2, de la nouvelle disposition, on ouvre la porte à toute interprétation nouvelle de la définition même du loyer répondant aux besoins prépondérants de la population et on donne ainsi les moyens au département de ne plus respecter - cette fois-ci en toute légalité ! - les seuls quantitatifs précis énoncés par la jurisprudence.
Les normes de référence pour apprécier les besoins prépondérants de la population sont ainsi volontairement élargies - et de façon non exhaustive («notamment») - ouvrant ainsi la porte à tous les arbitraires et à tous les abus !
d) Article 10, alinéa 2
Cette modification législative est encore plus absurde: les loyers qui sont déjà trop chers pourront devenir encore plus chers !
Ils échapperont à la loi, le propriétaire pouvant les augmenter, encore davantage, en toute liberté. Quant aux loyers modérés (comprenez: pas assez chers !), ils échapperont aussi au contrôle de l'autorité !
Cet affaiblissement de loi actuelle n'est pas seulement absurde, il conduit à vider le contrôle des loyers de son contenu. Les bailleurs seront ainsi amenés à augmenter les loyers le plus possible avant toute rénovation pour échapper ensuite à tout contrôle.
e) Article 39
Non seulement il ne se justifie pas d'affaiblir la protection des locataires contre les congés-ventes, mais on voit mal en quoi cette disposition serait de nature à encourager les rénovations, but prétendument poursuivi par le Conseil d'Etat !
VI. Pour une dissociation du bonus rénovations de la LDTR
Si tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il faut favoriser la rénovation et, par là même, favoriser une relance dans le secteur de la construction, et que le bonus à la rénovation est un bon moyen d'y parvenir, rien n'empêche le parlement d'adopter sans tergiverser le projet de loi y relatif.
Là encore, le Conseil d'Etat a voulu jouer aux apprentis sorciers en intégrant le bonus conjoncturel à la rénovation dans le projet de modifications de la LDTR en sachant que ce dernier ne serait jamais accepté par les milieux des locataires et en prenant ainsi le risque de faire capoter ledit bonus. Ce faisant, le Conseil d'Etat montre tout son «empressement» à consacrer dix millions de francs pour 1996, sous forme de subventions à fonds perdus, en faveur de la rénovation !
Soit le parlement entend véritablement accorder un accueil positif au bonus rénovation et alors il lui appartient de le dissocier du projet de loi visant à modifier la LDTR (ce qui se justifierait en outre par des raisons de techniques législatives: non seulement cela éviterait d'alourdir le texte actuel d'une dizaine de dispositions nouvelles, mais une séparation des deux lois éviterait surtout le mélange des genres, consistant à intégrer dans une loi de portée générale des dispositions conjoncturelles, donc limitées dans le temps), soit le parlement n'a aucune véritable intention de mettre en oeuvre le bonus rénovation et il accepte le chantage exercé par le Conseil d'Etat: «ou vous prenez tout, ou vous n'aurez rien» !
A noter qu'une telle manière de procéder est tout simplement inadmissible et démontre, s'il en était besoin, les véritables intentions du Conseil d'Etat: démanteler une loi considérée comme trop favorables aux locataires !
Si tel n'était pas le cas, rien ne justifiait que le gouvernement monocolore prenne l'initiative de ficeler deux des trois propositions formulées par la FMB et les syndicats.
Ce d'autant plus que ces derniers, quant à eux, ont énoncé leurs propositions de manière distincte, impliquant une modification de la LDTR, d'une part, et l'adoption d'une loi séparée pour le bonus rénovation, d'autre part.
Dès lors, vouloir lier le sort du bonus conjoncturel à la rénovation à un accord impossible sur la LDTR revient à vouloir l'enterrement - avant sa naissance - dudit bonus (ce qui n'est pas sans rappeler le sort qui a été réservé au bonus loyer !).
VII. Non à une politique du logement antisociale
La protection de l'habitat économique est un des objectifs fondamentaux d'une politique sociale du logement digne de ce nom.
Comme déjà rappelé, la LDTR a permis d'éviter:
- la disparition des habitations bon marché au profit d'habitations chères;
- les démolitions abusives d'immeubles;
- la désaffectation des logements en bureaux;
- les ventes de logements loués.
Vouloir démanteler cette protection de l'habitat - et indirectement des locataires - est tout simplement irresponsable.
Le projet de loi 7292 ne vise qu'à affaiblir la LDTR et à remettre en cause la protection d'un parc de logements à loyers abordables.
Or, cette protection est aujourd'hui plus que jamais socialement et politiquement nécessaire.
Les rénovations doivent être encouragées, mais elles doivent également être contrôlées dans leurs modalités et dans leurs conséquences sur les loyers. En ce sens, les rénovations doivent être encouragées dans l'intérêt général des habitants de ce canton.
Mais les rénovations d'immeubles ne doivent pas s'effectuer au détriment des habitants qui les occupent !
Accepter ce projet de loi c'est accepter de démanteler la protection du parc locatif existant. Nous ne pouvons que nous insurger contre cette déclaration de guerre adressée aux locataires et l'Alliance de gauche contribuera, avec la plus grande énergie, à faire en sorte que les lois de protection de l'habitat - acquises de haute lutte par les locataires de ce can-ton - ne soient pas vidées de leur substance à la demande d'un gouvernement qui se soucie bien peu du sort des locataires.
Par ailleurs, nous recommandons l'adoption du projet de loi 7110, déposé il y a plus d'une année déjà et qui est manifestement de nature à encourager l'entretien du parc locatif.
Le système proposé est plus favorable, et pour les locataires, et pour la rénovation, et permettrait de relancer le secteur de la construction. Ce d'autant plus que les effets de ce projet de loi sont durables et non limités dans le temps, comme le bonus à la rénovation.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous proposons comme mesure alternative, en lieu et place des solutions proposées par la majorité, que le Grand Conseil vote le projet de loi 7110 et refuse le projet de loi 7292, qui ne vise rien d'autre qu'à rendre inefficace une loi pourtant voulue par le peuple et constituant l'une des pierres angulaires de la défense de l'habitat et des locataires.
RAPPORT de LA deuxième minorité
«Une loi qui a fait couler beaucoup d'encre
La rénovation est devenue à la mode pendant les années 1970, mais, comme nous vivons dans une société essentiellement complexe, elle a aussi ses effets pervers. Au même titre que les opérations de démolitions-reconstructions, elle peut provoquer de substantielles augmentations de loyer. En 1983, le peuple accepte sans hésiter, à une majorité de deux contre un la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR), instaurant un contrôle sur ce type d'opérations.
Autre point de friction, lié à la pratique à grande échelle de la rénovation des immeubles anciens, le congé-vente. Il s'agit de la vente d'un immeuble, soit en propriété par étage, soit par le biais d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, sans que l'immeuble ait été préalablement vidé de ses locataires. Ceux-ci se voient proposer une alternative assurément désagréable: acheter leur appartement ou déguerpir. Cette pratique, presque unanimement décriée, a mis le Tribunal des Baux à rude épreuve. Une initiative visant à l'interdire est acceptée en 1985» (La Société Coopérative d'Habitations Genève et l'histoire du logement social à Genève 19e et 20e siècles, Bernard Lescaze, David Hiler et Anita Frey, 1994, pages 329 et 330).
Bref survol historique
Le 17 octobre 1962, le Grand Conseil a voté la loi restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie de logements. Cette loi posait comme principe, en son article 1, que: «Aussi longtemps que sévit la pénurie de logements, nul ne peut démolir ou faire démolir, en tout ou en partie, ni modifier ou faire modifier sensiblement la destination d'une maison d'habitation occupée ou inoccupée». Il est à noter que les travaux législatifs de l'époque se sont déroulés dans un climat pour le moins aussi passionnel et tendu qu'à l'heure actuelle et que notamment les députés du parti du travail et les socialistes avaient quitté la salle des délibérations lors des travaux de la commission, car le projet du Conseil d'Etat avait été édulcoré au point de le dénaturer par la majorité bourgeoise (mémorial 1962, pages 2297 et suivantes). En plénière, en revanche, les députés avaient eu la sagesse de voter un texte plus substantiel.
La législation de 1962 ne sera appliquée qu'avec mollesse, ce qui conduira en 1977 le parti socialiste genevois à lancer et faire aboutir l'initiative «Pour la protection de l'habitat et contre les démolitions abusives». Après de très longues batailles juridiques et parlementaires, la LDTR sera acceptée par le peuple genevois le 26 juin 1983 par 23 327 oui contre 12 182 non, soit dans la proportion de 65,7% contre 34,3%.
Peu après l'adoption de la LDTR apparut à Genève le phénomène des congés-ventes. Le Rassemblement pour une politique sociale du logement lança une initiative «Pour protéger les locataires contre les congés-ventes» qui sera acceptée par le peuple genevois le 10 mars 1985 par 48 759 oui, contre 21 229 non, soit par 69,7% contre 30,3%. La LDTR de 1983 se voyait dès lors dotée de dispositions soumettant à autorisation, selon des conditions strictes, la vente d'appartements loués.
En 1987, le Rassemblement pour une politique sociale du logement a fait aboutir l'initiative populaire «Pour la sauvegarde des logements à loyers abordables» (Mémorial 1988, page 1018) et suite à un compromis, cette initiative a débouché sur la nouvelle LDTR, du 22 juin 1989.
La LDTR sera enfin complétée par l'acceptation, le 27 septembre 1992, de l'initiative populaire cantonale «Contre les logements vides et la spéculation» par 51,3% des votants contre 48,7%. Ainsi ont été introduites dans la LDTR des dispositions permettant l'expropriation du droit d'usage des appartements laissés vides sans motif.
La LDTR, dans son état actuel, est le fruit de quatre initiatives populaires depuis 1977.
Les buts de la LDTR
La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie dans les quatre premières zones de constructions et dans les zones de développement. Pour parvenir à ce but, la LDTR prévoit les mesures suivantes:
1. Afin de préserver le parc de logements à loyers abordables, la LDTR restreint les possibilités de procéder à des opérations de démolition-reconstruction ou de transformations, ainsi que de changements d'affectation de logements en surfaces commerciales.
2. La LDTR encourage la rénovation des maisons d'habitation, notamment par un renvoi à la LGL (art. 8).
3. La LDTR restreint la vente des appartements destinés à la location.
4. La loi permet l'expropriation temporaire de l'usage des logements demeurés vides sans motif légitime.
Le détail de ces mesures sera repris plus bas dans l'examen des propositions de modification du projet de loi 7292.
Histoire d'une négociation boiteuse
Fin 1994 et début 1995 un groupe de travail comprenant des représentants des milieux immobiliers, des représentants des milieux de défense des locataires et des représentants de l'Etat a été réuni par le Conseil d'Etat pour étudier les problèmes posés par la LDTR et proposer, le cas échéant, des solutions. Ce groupe de travail a procédé au listing des différentes critiques formulées à l'égard de la LDTR. Le Conseil d'Etat s'est ensuite servi de cette liste pour élaborer son propre projet de modification de la LDTR hors de toutes négociations avec les partenaires sociaux intéressés. Il en est résulté le projet de loi 7292, déposé par le Conseil d'Etat le 29 août 1995 et traité en préconsultation par le Grand Conseil dans sa séance du 21 septembre 1995 (Mémorial 1995, pages 4541 et suivantes).
La Fédération des métiers du bâtiment et les syndicats du bâtiment se rencontrent régulièrement, notamment au travers d'un groupe de travail qui adressera le 4 décembre 1995 aux membres de la commission du logement du Grand Conseil un train de mesures « en faveur de la relance de l'industrie et de la construction » comportant :
1. Un projet de modification de la LDTR.
2. Un projet de loi visant à encourager temporairement l'entretien et la rénovation du domaine bâti (bonus conjoncturel à la rénovation).
3. Une proposition de modification des articles 56 a et 56 b du règlement d'application de la LCI concernant les normes de transmissions thermiques.
Les partenaires sociaux de l'industrie genevoise de la construction entendaient par là apporter «un soutien concret à la rénovation du domaine bâti» et considèrent leur proposition comme «vitale pour la relance de l'économie genevoise et la sauvegarde des places de travail dans l'industrie du bâtiment».
Ce paquet de mesures sera immédiatement traité par le Conseil d'Etat qui modifiera le projet de loi sur le bonus conjoncturel pour l'incorporer purement et simplement à la LDTR dans les articles 16 à 24 du projet qui vous est soumis. Le projet de modification de la RLCI sera, quant à lui, publié dans la Feuille d'avis officielle du 29 décembre 1995 avec toutefois plusieurs modifications par rapport au projet des milieux de la construction.
A ce stade du processus d'élaboration législative, deux remarques s'imposent:
1. Les partenaires sociaux de la construction ont souhaité apporter des mesures en faveur de la rénovation considérée à juste titre comme représentant un potentiel important et intéressant de travail, et par conséquent d'emplois. Dès lors, pourquoi diable ces partenaires sociaux ne se sont-ils pas limités au but avoué de leurs travaux, à savoir l'encouragement à la rénovation, et ont-ils débordé sur des sujets totalement différents, tels que les congés-ventes, la démolition-reconstruction ou la transformation? Que diraient les syndicats patronaux et ouvriers de l'industrie de la construction si l'ASLOCA et la Chambre genevoise immobilière se mettaient d'accord, aux fins de réduire les loyers, sur un train de mesures comportant la baisse des salaires et des revenus de la construction? C'est pourtant à une opération de ce genre que se sont livrés ces syndicats en cherchant à financer la résolution de leurs problèmes par des moyens prélevés sur les locataires.
2. Les syndicats de la construction ont présenté un train de mesures en trois volets, dont le Conseil d'Etat a fait un train de mesures ne comportant plus que deux volets en noyant le bonus à la rénovation dans la LDTR. Ce procédé n'est pas admissible car les partenaires sociaux de la construction, tout en défendant l'ensemble des mesures sur lesquelles ils se sont mis d'accord, ont volontairement présenté leur projet en trois volets, conscients que le sort de l'un ou de l'autre pouvait s'avérer différent et qu'il serait regrettable qu'un échec d'un volet entraîne l'échec d'autres volets.
La loi sur les démolitions et la démolition de la loi
Par diverses retouches, le projet de loi 7292 revient à vider de son sens la LDTR. Les principales modifications sont les suivantes :
1. Article 3, al. 2 «Les travaux d'entretien réguliers ne sont pas considérés comme travaux de transformation»
La limite entre l'entretien et la rénovation, voire la transformation, peut s'avérer très délicate. Sous une formulation apparemment anodine - il ne saurait être question de soumettre à la loi les travaux d'entretien courants au sens strict - la porte est grande ouverte à ce que soient exclus du champ d'application de la loi même des travaux d'entretien importants, puisqu'il suffit que cet entretien ait un caractère «régulier».
Est-ce de «l'entretien régulier» que de changer la chaufferie tous les 25 ans? A l'heure actuelle, la jurisprudence du Tribunal fédéral soumet ce type de travaux à la LDTR, alors qu'il est à craindre que l'article 3, alinéa 2, nouvelle teneur, ne vienne à soustraire ce type de travaux au champ d'application de la loi.
2. Article 8
Le projet assoupli de manière considérable les conditions du changement d'affectation en permettant que les surfaces compensatoires ne soient situées dans le même quartier qu'«en règle générale», ce qui introduit la possibilité de supprimer des logements, en ville, pour les remplacer par des bureaux, et de procéder à la compensation dans la couronne suburbaine. Le changement d'affectation est également encouragé par le système de la compensation financière due par le bénéficiaire d'une autorisation de changement d'affectation. Le système du «pot-de-vin légal» ne doit pas trouver place dans la législation genevoise.
3. Article 9
L'un des éléments essentiels de la LDTR est de prévoir que les autorisations de transformation ou de démolition-reconstruction ne sont délivrées que dans la mesure où les logements ainsi reconstruits ou transformés «répondent quant à leur genre, leur loyer ou leur prix aux besoins prépondérants de la population». Sur la base de cette disposition, la commission de recours LCI, puis le Tribunal administratif et le Tribunal fédéral ont fixé que ledit besoin prépondérant imposait que les loyers soient compris dans la fourchette entre 2400 F par pièce et par an et 3225 F par pièce et par an (SJ 1994, page 228; RDAF 1994, page 117). La définition proposée à l'article 9, alinéa 2, entraînera une modification de la jurisprudence, les critères décrits n'étant, de surcroît, pas limitatifs, puisque la loi précise que l'administration tient compte « notamment » des éléments prévus par la loi.
Dans le même article, le projet inverse le système actuel ou la transformation est interdite sauf dérogation justifiée, en posant comme principe que l'autorisation est accordée pour peu que les conditions d'octroi soient remplies. Sous ce discret changement de technique législative se cache une véritable révolution.
4. Article 10, al. 2
Le contrôle des loyers après transformation ou démolition-reconstruction est exclu du projet de loi «lorsque les logements à transformer revêtent d'ores et déjà, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, un caractère excédant manifestement les besoins prépondérants de la population». Cette disposition est inacceptable car elle revient à pénaliser le locataire déjà mal loti. En effet, la loi ne précise pas ce qu'elle entend par des loyers excédant «manifestement» des besoins prépondérants de la population, mais l'on sait, par exemple, qu'un loyer augmenté «sensiblement» au sens de l'article 270, alinéa 1, lettre b, CO, est considéré comme tel à partir d'une augmentation de 10% par la jurisprudence fédérale. Même en considérant que le mot «manifestement» a un sens plus restrictif, il n'en demeure pas moins que des logements à 3800 F ou 4000 F la pièce risquent fort de tomber dans cette catégorie, avec pour effet pernicieux que, dans des immeubles où les états locatifs sont très disparates, les locataires dont les loyers sont les plus élevés pourraient se voir infliger des hausses de loyer sans contrôle de l'administration, alors même que ceux dont les loyers restés plus modérés seraient soumis à contrôle. L'exemple de l'immeuble de luxe dont les loyers atteignent 12 000 F la pièce l'an est l'arbre qui cache la forêt et il ne faut pas oublier qu'un nombre important de locataires paient des loyers qui ne rentrent pas dans la fourchette du besoin prépondérant de la population, mais que ces loyers, et la situation des locataires qu'ils concernent, n'en sont pas pour autant hors de toutes considérations sociales.
5. Le projet (art. 39, al. 3) assouplit de manière notable les dispositions destinées à lutter contre le détestable fléau des congés-ventes. En effet, d'une part l'autorisation d'acquérir un appartement préalablement loué est rendue possible dès que «60% des locataires en place ne s'opposent pas à cette acquisition» au lieu de la condition actuelle selon laquelle «80% des locataires de l'immeuble sont désireux d'acquérir leur logement», ainsi, le pourcentage déterminant est restreint et la volonté d'acquérir son logement est remplacée par le simple fait de ne pas s'opposer à l'opération. De plus, un assouplissement majeur est introduit puisqu'il suffit que le locataire réside depuis 6 ans au moins dans son appartement pour qu'il puisse l'acquérir. Il convient de préciser ici que ce n'est pas l'acquisition de son logement qui est critiquée par le parti socialiste, mais les conditions dans lesquelles peut être classé le locataire en place mis sous pression. Le peuple neuchâtelois a d'ailleurs refusé récemment une modification allant dans le sens d'un pareil assouplissement.
Le bonus à la rénovation
Le parti socialiste soutient deux des trois volets du train de mesures proposées par l'industrie de la construction. Outre les modifications du RALCI, il soutient le projet de bonus à la rénovation, dont il demande par conséquent qu'il soit, comme prévu initialement par les partenaires sociaux, distinct du processus de refonte de la LDTR. L'incorporation dans la LDTR du bonus à la rénovation fait immanquablement penser à cette parabole retrouvée dans les manuscrits de Qumran:
«Un homme blessé gisait au bord de la route de Jéricho à Jérusalem. Il avait soif. Deux Samaritains vinrent à passer portant deux outres d'eau.
«A boire» réclama le blessé.
Le premier Samaritain voulu offrir une outre d'eau au blessé, mais le second lui dit: «Soit nous offrons les deux outres d'eau, soit aucune»
«A boire» réclamait le blessé.
Le premier Samaritain insistait: «Nous avons besoin de garder une outre d'eau pour les nôtres, mais nous pouvons offrir la deuxième outre au blessé».
Le deuxième Samaritain insista qu'il n'acceptait aucun partage et qu'il fallait donner les deux outres sinon rien. Comme il était le chef, son avis prévalu et le blessé mourut de soif» (pcc LM).
Outre les arguments d'ordre logique et politique, à l'heure où certains ont une conception très stricte du principe de l'unité de la matière, un argument technique milite en faveur de l'extraction du bonus à la rénovation de la LDTR: le bonus est un élément conjoncturel d'ordre financier et non une mesure de politique sociale de nature structurelle. Les différents bonus créés par la Confédération n'ont pas été incorporés dans le code des obligations, mais ont bel et bien fait l'objet de lois spéciales.
Nous formulerons deux propositions d'amendement concernant le bonus à la rénovation, soit:
1. L'article 21, alinéa 1, lettre b, est probablement mal rédigé, dans la mesure où on peut comprendre que la subvention est attribuée pour favoriser uniquement des travaux de rénovation conduisant à des loyers supérieurs au maximum correspondant aux besoins prépondérants de la population. On peut également se demander pour quelle raison à l'article 21, alinéa 1, lettre a, il n'est prévu que le cas des loyers se situant en dessous des besoins prépondérants de la population. Le bonus à la rénovation doit viser à encourager toutes les rénovations - il n'intervient pas dans un but d'aide au logement, mais dans un but d'aide à la construction et notamment de participer au financement des travaux. Le défaut de financement peut se faire sentir, en effet, pour un propriétaire indépendamment du montant des loyers de l'immeuble considéré. Il ne serait cependant pas raisonnable de subventionner la rénovation d'immeubles de luxe. L'article 21, alinéa 1, pourrait ainsi être rédigé de la manière suivante:
«La subvention peut être allouée pour tout projet de rénovation raisonnable et justifiée de maisons d'habitation, à l'exception des immeubles de luxe.
La subvention est allouée en priorité pour permettre la rénovation d'immeubles vétustes et bon marché en maintenant, après travaux, des loyers se situant en dessous de ceux correspondant aux besoins prépondérants de la population».
L'exception de luxe est bien connue en droit fédéral, puisque l'article 2 OBLF soustrait du champ d'application de certaines mesures protectrices des locataires les appartements «de luxe».
2. Il convient également de prévoir que le montant de la subvention ne peut pas être répercuté sur les loyers, ce qui est implicite dans le projet, mais éviterait des conflits si cette précision était apportée de manière explicite. L'article 21 doit ainsi être complété d'un alinéa 3 stipulant: «la subvention allouée ne peut pas être répercutée sur les loyers».
La relance de l'économie
Comme le rappelle le Conseil d'Etat en tête de son exposé des motifs, la modification de la LDTR a pour but d'intervenir «en faveur de la relance de l'économie genevoise, de la préservation, de la création d'emplois», étant rappelé «la situation dramatique de l'industrie du bâtiment, dont les difficultés influencent négativement d'autres secteurs économiques» afin que les travaux d'entretien et de rénovation du parc immobilier genevois permettent de combler la diminution des commandes de constructions de bâtiments neufs. C'est en prenant en compte ce but avoué, que le parti socialiste partage, que notre groupe soutient le projet de bonus à la rénovation et combat les modifications de la LDTR qui ne contribuent nullement à ce but, mais ont en revanche pour effet de prétériter la situation des locataires. Le parti socialiste considère en effet que c'est à l'ensemble de la population genevoise de faire les efforts nécessaires, à la relance économique, et non aux seuls locataires d'en supporter les frais.
Le volet de la LDTR relatif à l'encouragement à la rénovation est, de toute évidence, un point faible de cette législation et nous avions d'ailleurs proposé un projet de loi n° 7110, afin de favoriser des subventions à la rénovation par le biais de la LGL. Un tel projet, ou d'autres de même nature, est susceptible de fournir un instrument structurel d'intervention en faveur de la rénovation.
Par ailleurs, le département des travaux publics et de l'énergie a indiqué qu'il avait recensé toutes les autorisations de construire délivrées entre le 20 janvier 1991 et le 30 septembre 1995, à l'exception des projets de la Ville et du Canton (ainsi que des projets de moindre importance) pour constater que, sur 262 autorisations délivrées pendant cette période, seuls 179 chantiers avaient été ouverts. Ce sont donc 83 autorisations qui n'ont pas été utilisées et qui représentent plus d'un milliards de francs de travaux, soit un volume de travail pour 1000 travailleurs pendant 10 ans. La promotion de ces chantiers, prêts à démarrer, devrait être l'un des soucis majeurs du gouvernement afin de favoriser la relance. Ces projets ont en effet passé tous les obstacles prétendus ou réels de nature légale ou administrative et n'attendent en réalité pour démarrer qu'un financement. Il serait opportun que les responsables du département de l'économie publique, de concert avec les milieux intéressés, «vendent» ces projets aux investisseurs potentiels (Mémorial 1995, page 5709).
Enfin, un train de mesures de simplification de certaines normes doit être envisagé, dans le même esprit que celui qui a prévalu à la modification de l'article 56, lettre a, du RALCI le 18 décembre 1995. L'ampleur des travaux autorisés mais non effectués démontre à l'envi que ce n'est pas la LDTR qui empêche l'acte de construire ou de rénover, mais bien des éléments de nature conjoncturelle. On peut en avoir une seconde preuve en constatant que la LDTR, appliquée strictement par l'ancien chef du département des travaux publics n'a pas empêché le volume des travaux à Genève, à la fin des années 1980, d'atteindre des sommets faramineux, alors que l'application laxiste de l'actuel responsable du département ne favorise néanmoins pas la reprise.
La relance et le pouvoir d'achat des ménages
«Quand le bâtiment va, tout va.» Cet axiome, dont le caractère absolu demande à être nuancé, semble faire l'unanimité. Il importe toutefois, pour que l'acte de construire favorise la reprise économique, que les produits offerts rencontrent une demande solvable. Il convient dès lors d'observer:
- que les trop nombreuses surfaces commerciales vacantes rendent vaine la production de nouvelles surfaces commerciales et que les changements d'affectation doivent, par conséquent, être strictement limités;
- que le pouvoir d'achat des ménages, fortement mis à mal par l'évolution négative des salaires et l'augmentation, notamment, des primes d'assurance-maladie, réduisent d'autant les capacités desdits ménages à assumer des loyers élevés, ce qui implique une limitation stricte des prix des loyers.
Si, au contraire, le poste «loyer» vient à grever trop lourdement le budget des ménages, la consommation baissera et avec elle tout espoir de reprise s'évanouira. Si favoriser la relance par l'aide à la construction ou à la rénovation est un moyen à promouvoir, il ne faut pas que l'application laxiste de cette politique ne vienne à mettre à mal d'autres secteurs économiques tels que le commerce, et produire en définitive des effets contraires au but recherché.
Conclusions
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous invite à refuser les articles 1 à 15, et 25 à 51 du projet de loi, et à accepter les articles 16 à 24, l'article 21, sous sa forme amendée. Le titre même de la loi doit dès lors être modifié en reprenant le titre proposé par les partenaires sociaux de la construction à savoir: «Loi visant à encourager temporairement l'entretien et la rénovation du domaine bâti» (bonus à la rénovation)» et la numérotation des articles doit également être modifiée en conséquence.
RAPPORT DE LA TROISIÈME MINORITÉ
«A la fin des années soixante, l'activité immobilière ralentissant en périphérie, les opérateurs se sont intéressés à nouveau au centre-ville. Les prix du marché les incitaient fortement à démolir les immeubles anciens pour en reconstruire de neufs, à transformer des logements en bureaux ou à multiplier les appartements de prestige. Ce mécanisme provoquait une «rénovation diffuse» qui, immeuble après immeuble, était en passe de bouleverser les populations des quartiers et l'ensemble du paysage urbain. Approuvée massivement par le peuple le 26 juin 1983, plusieurs fois retouchée pour trouver sa forme aboutie le 22 juin 1989, la nouvelle loi pose qu'aucun immeuble de logements existant ne sera démoli, transformé ou réaffecté, sauf dérogation dont elle fixe les conditions précises: pour l'essentiel, le but est de remettre sur le marché des logements répondant, «quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, à un besoin prépondérant de la population». Située au croisement entre politique du logement, politique de protection du patrimoine et politique d'urbanisme, cette loi subit l'épreuvede nombreux recours de la part des milieux immobiliers. Elle est, en pratique, le principal instrument opératoire permettant de préserver l'habitat et de maintenir les populations dans les quartiers existants.» (L'aménagement du territoire à Genève. Institutions et procédures. Direction de l'aménagement, Département des travaux publics et de l'énergie, Etat de Genève, 1994, p. 32.)
Ces lignes sont tirées d'une publication officielle, parues en pleine période de crise, sous le «régime monocolore». Elles rappellent bien à propos la contribution décisive de la LDTR à l'aménagement du territoire, à la sauvegarde du patrimoine bâti et à la politique sociale du logement. Tard venus dans le monde politique, les Verts ne peuvent que rendre hommage à ceux qui n'ont pas épargné leurs efforts pour donner au peuple la possibilité d'adopter une telle loi.
Nous affirmons que, dans ses principes généraux, cette loi n'a nullement été rendue obsolète par la période de crise économique structurelle que nous connaissons, en Suisse, depuis la fin de 1989. Elle reste l'un des outils les plus performants et les moins coûteux dont dispose l'Etat pour orienter le développement urbain. Notre seul regret est, en somme, qu'elle ne soit pas entrée en vigueur plus tôt.
Comme toute loi, la LDTR est perfectible. Elle n'incite pas suffisamment les propriétaires à procéder à l'entretien régulier de leurs immeubles et certaines de ses clauses autorisent des marchandages détestables.
La LDTR comme bouc émissaire
Les milieux immobiliers n'ont jamais apprécié la LDTR et on ne saurait en être surpris. La LDTR est bel et bien une restriction importante de la liberté des propriétaires. Ceux qui ont été empêchés de se lancer dans des opérations très profitables ne sont guère enchantés de son existence. Le peuple toutefois a estimé que ces intérêts particuliers devaient s'incliner devant l'intérêt général et les faits lui ont abondamment donné raison.
Aujourd'hui, il est de bon ton dans les milieux immobiliers de présenter la LDTR comme un terrible frein à l'activité du secteur de la construction. Cette analyse serinée avec beaucoup de complaisance par les médias nous paraît spécieuse. Nous n'ignorons pas les difficultés actuelles de ce secteur et la détresse sociale que son effondrement provoque. La responsabilité en incombe pour l'essentiel à ceux qui ont favorisé ouvertement le gonflement de la bulle spéculative pendant les années grasses en voulant ignorer que, depuis des siècles, les grandes spéculations finissent toujours dans le plus profond marasme.
Si propriétaires, investisseurs et établissements de crédit montrent aujourd'hui la plus grande prudence (qu'il s'agisse de construire, de rénover ou d'entretenir des bâtiments), c'est évidemment parce que le marché leur est défavorable. La demande solvable fait défaut et les anticipations des investisseurs potentiels sont teintées d'un compréhensible pessimisme. La LDTR n'a jamais bloqué l'entretien ou la rénovation d'immeuble. Elle a seulement permis d'éviter que des rénovations servent de prétexte pour augmenter les loyers dans des proportions scandaleuses. La LDTR en définitive a eu le mérite d'empêcher la réalisation de mauvaises opérations immobilières, mais, et c'est le reproche quon peut éventuellement lui adresser, elle n'a pas promu d'opérations exemplaires sur le plan urbanistique et de la rénovation.
Les «comptes fantastiques» présentés par la FMB relèvent de la méthode Coué. L'assouplissement de la LDTR n'est pas une baguette magique. Ensemble, une modification du cadre légal et le «bonus conjonctuel à la rénovation» ne constitueraient au plus qu'un modeste coup de pouce.
Vider les poches des locataires ne favorise pas la relance
Du côté de l'Entente, on semble vouloir financer la relance du bâtiment par des augmentations de loyers. Il convient de rappeler ici que ceux que l'on aura ainsi ponctionnés - et particulièrement les plus modestes d'entre eux - auront ainsi simplement moins d'argent à dépenser, ce qui n'est pas de nature à relancer la consommation intérieure.
Nous disons pour notre part que les niveaux très élevés des loyers handicapent suffisamment l'économie genevoise pour que l'on n'aggrave pas la situation. Et sur le plan social, la crise actuelle exige plus que jamais que les locataires de conditions modestes jouissent d'une solide protection.
Faire passer les locataires modestes à la caisse, tel paraissait donc être la principale inspiration du projet de loi présenté par le Conseil d'Etat l'automne dernier. Rappelons que notre gouvernement se proposait de renoncer à tout contrôle pour des opérations entraînant des hausses de loyers jusqu'à 15%. Il entendait réserver l'application pleine et entière de la LDTR à certains quartiers désignés comme populaires.
Ce projet de loi était inacceptable et pour tout dire «bête et méchant». Sur la forme, l'absence totale de concertation présidant à son élaboration ne pouvait que susciter l'opposition résolue du Rassemblement pour une politique sociale du logement, avec à la clé un référendum victorieux. Sur le fond, le projet favorisait jusqu'à la caricature l'intérêt des propriétaires au détriment des locataires.
C'est donc sans hésitation que les Verts se sont ralliés aux sévères critiques exprimées par le Rassemblement. Nous n'avons pas jugé utile d'entrer en matière lors du travail en commission. Nous souhaitions que le Conseil d'Etat reconnaisse son erreur, retire son projet de loi et prenne le temps de négocier les nécessaires améliorations de la LDTR avec les principales organisations concernées.
Du curieux procédé des syndicats à l'intransigeance de l'ASLOCA
Les Verts ont été surpris, et à vrai dire déçus, que les syndicats du bâtiment, membres du Rassemblement, se lancent dans une négociation séparée. Nous ne pensons pas en effet que les syndicats aient vocation, en plus de défendre les travailleurs du bâtiment, de représenter les locataires. Force est de constater toutefois que, de mouture en mouture, le projet des partenaires sociaux est très différent de celui du Conseil d'Etat, même s'il reste très critiquable sur certains points.
Nous tenons donc à nous distancer de ceux qui ont utilisé les termes de «trahison» pour qualifier la démarche des syndicats. Le projet contient bel et bien des améliorations par rapport à la loi actuelle. Il peut favoriser dans une certaine mesure l'entretien régulier des immeubles, un objectif d'intérêt général. Il lui manque en revanche certains garde-fous et cette absence le rend, en l'état, dangereux pour les locataires. Mais si le Rassemblement n'avait pas été empêché d'entrer dans la négociation au moment opportun, nul doute qu'un compromis satisfaisant aurait pu être trouvé pendant le mois de décembre.
A l'issue d'une étude comparative attentive du nouveau projet de loi et de la loi actuelle, nous sommes arrivés aux conclusions suivantes:
1. En l'état le projet de loi 7292 n'est pas acceptable sous sa forme actuelle. S'il ne devait pas être amendé, nous le refuserons lors de la séance plénière du Grand Conseil. Il est probable, le cas échéant, que l'Assemblée générale des Verts décide de s'associer au référendum.
2. Un compromis acceptable pour toutes les parties est à portée de main.
Quelques améliorations à la loi actuelle
Nous considérons comme des améliorations à loi actuelle les modifications suivantes:
Article 1, lettre b
«l'encouragement à des travaux d'entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d'habitation» en lieu et place du simple «rénovation».
Article 6, alinéa 3, lettres b et c ainsi que article 9, alinéa 2
Il paraît effectivement équitable de tenir compte dans l'octroi d'une dérogation ou d'une l'autorisation du «genre de l'immeuble» et de «la surface des pièces et des appartements». A l'article 9, la prise en compte des exigences liées à la préservation du patrimoine est parfaitement légitime.
Article 9, alinéa 1
Le passage d'un régime d'interdiction avec dérogation à un système d'autorisation est souhaitable dans le cas de rénovation.
Et quelques indispensables garde-fous
Dans le projet des partenaires sociaux, trois points restent inacceptables. Ils ont trait au risque de hausses de loyers excessives. De telles hausses ne se justifient pas par l'intérêt général. Bien au contraire, maintenir un parc de logements à des loyers raisonnables favorise le développement durable, la diversité sociale de l'habitat et un aménagement du territoire fondé sur la mixité de l'habitat et des activités économiques.
a) Article 3, alinéa 2
«Les travaux d'entretien réguliers ne sont pas considérés comme travaux de transformation.»
Cette formulation pourrait aboutir à ce que des travaux considérables, avec un impact important sur les loyers, tel le remplacement d'un ascenseur ou la réfection d'une toiture, échappent au «contrôle LDTR». Elle doit absolument être complétée par:
«sauf s'ils entraînent un changement qualitatif de l'immeuble ou de l'affectation de ses logements.»
Cette précision découle d'un arrêt de principe du Tribunal fédéral, rappelé par un arrêt du Tribunal administratif genevois, du 1er décembre 1992, en la cause SI DU CREST LEVANT, et notamment dans le considérant suivant:
«L'examen de la nature des travaux n'est pas le seul critère à prendre en considération pour déterminer si de tels travaux échappent à la LDTR. Ceux-ci peuvent atteindre une ampleur telle qu'ils sont susceptibles d'aboutir à un changement qualitatif de l'immeuble. De même, l'augmentation des loyers consécutive à des travaux peut avoir pour effet d'entraîner un changement d'affectation qualitatif des logements. Les appartements ne sont plus accessibles aux personnes à bas revenus, en particulier aux personnes âgées, et ils ne répondent plus aux besoins de la population où sévit la plus forte pénurie (ATF du 10 octobre 1991 en la cause S.I. du Square-Bellevue I).»
b) Article 9, alinéa 2, 2e phrase
«Il tient compte, dans son appréciation, notamment des éléments suivants:»
Il est indispensable de supprimer le terme «notamment» qui crée une insécurité juridique pour les locataires. En effet, avec ce terme, l'autorité dispose d'une liberté d'appréciation pour appliquer d'autres critères que ceux visés par l'article 2, alinéa 2, en vue d'accorder l'autorisation. Or, le projet de loi cherche précisément à limiter les insécurités juridiques contenues dans la LDTR actuelle. C'est ainsi qu'il prévoit à l'article 9, alinéa 2, que l'autorité accorde l'autorisation (au lieu de peut accorder dans le droit actuel) si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population. Cette limitation de l'insécurité juridique est un objectif louable car il est de nature à inciter les propriétaires, notamment institutionnels, à engager les frais d'étude en vue de rénover leurs immeubles car ils savent à l'avance que si leur projet répond aux critères de la loi il sera autorisé, ce qui n'est pas le cas dans le droit actuel. Si la sécurité juridique est un objectif louable, les locataires doivent également pouvoir en bénéficier, ce qui n'est pas le cas avec le terme «notamment».
c) Article 10, alinéa 2
«Le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévus à l'ali-néa 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée et notamment lorsque les loyers après transformation demeurent peu élevés ou lorsque les logements à transformer revêtent d'ores et déjà, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix un caractère excédant manifestement les besoins prépondérants de la population.»
Les besoins prépondérants sont couverts par les loyers entre 2 300 F la pièce l'an et environ 3 225 F l'an, au maximum. Il est nécessaire de préciser, toujours dans le souci de la transparence et de la sécurité juridique, le niveau au-delà duquel les loyers ne sont plus fixés après transformation, mais laissés au libre jeu du marché. Or, la notion d'«excédant manifestement» est élastique et laisse donc un flou désagréable, qui peut inquiéter les locataires. Il faut donc fixer un plafond équitable dans la loi en complétant cet article par:
«soit un loyer à la pièce dépassant d'au moins de trois fois et demi le montant correspondant à ces besoins.»
Ces amendements n'entraînent pas une modification matérielle majeure des dispositions légales concernées et répondent à des critiques exprimées par l'ASLOCA. Il s'agit pour l'essentiel de précisions qui découlent du droit et de la pratique actuels. Avec ces amendements, il devient possible de réaliser une révision maîtrisée de la LDTR qui ne démantèle pas les acquis essentiels auxquels la population genevoise a maintes fois apporté son appui en votation populaire.
Les compensations financières sont un procédé détestable
Concernant l'alinéa 3 de l'article 8, il faut rappeler que le système de compensation financière est un procédé détestable susceptible de vider la loi de son sens. Nous n'ignorons pas que le département des travaux publics et de l'énergie s'appuie sur le droit actuel pour les autoriser, mais cela ne change rien à notre opposition viscérale à ce type de pratique.
On doit admettre que l'alinéa est rédigé de manière très restrictive et empêche toute opération spéculative, mais nous persistons à penser que cet alinéa, qui permet d'échapper à la loi moyennant le paiement d'une somme d'argent «pour la bonne cause», devrait être supprimé, à cause de son parfum désagréablement mafieux.
Ne pas tout confondre!
Le Conseil d'Etat suivi par la majorité de la commission du logement a voulu, pour des raisons de pure tactique politicienne, intégrer le bonus conjoncturel à la rénovation à la LDTR. Venant de ceux qui se sont montrés chatouilleux sur le plan de l'unité de la matière par «souci des droits du citoyen» lors du débat sur l'initiative syndicale, cet amalgame fait tout de même sourire. Contrairement au bonus à la rénovation, la LDTR n'est pas conjoncturelle. Il n'y aucune raison de contraindre le Grand Conseil et éventuellement le peuple à se prononcer en un seul vote sur deux objets totalement distincts. Les citoyens peuvent parfaitement vouloir une modification de la LDTR sans voir l'Etat intervenir financièrement. Inversement, d'autres citoyens peuvent souhaiter le statu quo pour la LDTR et la création d'un bonus investissement. La formule du «paquet ficelé» est donc nettement indésirable.
Concernant le «bonus conjoncturel à la rénovation», nous faisons nôtres les remarques du groupe socialiste sur la rédaction de l'article 21 et soutiendrons l'amendement proposé.
Conclusion
En l'état et sous réserve des amendements qui pourraient être acceptés en séance plénière, les Verts vous invitent à rejeter le projet de loi 7292.
Premier débat
M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. Nous sommes là ce soir pour parler de la LDTR et de sa modification. Cette loi, valable à une certaine époque, a profité à certains. Elle a été organisée de telle manière et alourdie de tant de restrictions qu'elle est devenue très contraignante. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une autre conjoncture et cette loi d'interdiction devait logiquement être affaiblie ou allégée. En effet, plus personne ne vient investir à Genève, où les propriétaires ont peur de rénover, car, à elles seules, les tracasseries administratives infligées les font douter du bien-fondé de leurs démarches.
Cela représente une énorme perte pour l'économie genevoise. C'est pour cette raison que ce projet vous est soumis ce soir. Il faut absolument que les investisseurs institutionnels et les propriétaires soient encouragés à rénover le patrimoine bâti. Bien sûr, il ne faut pas le faire d'une manière outrancière. Ce projet de loi a tenu largement compte de la protection des locataires. Huit séances ont été nécessaires pour venir à bout de ces travaux, pendant lesquels nous avons débattu, tranché, regardé tout ce qu'il y avait lieu de faire, afin que ce projet arrive en séance plénière avec toutes les adjonctions nécessaires.
La majorité regrette que la minorité ne se soit pas associée aux travaux de commission. Nous aurions pu parvenir ainsi à un consensus et à plus de sérénité. Quelques adjonctions vous seront proposées, et je pense qu'elles iront dans le bon sens. Lors de nos travaux, des gens responsables, des partenaires sociaux, des ouvriers, des employés, des patrons du bâtiment se sont rencontrés. Au vu de la conjoncture et des pertes d'emploi, ils sont parvenus à un accord grâce à un large esprit consensuel.
Le Conseil d'Etat a eu la sagesse de rajouter cet accord au projet qui vous est présenté ce soir grâce aux articles 16 à 25. Il s'agit notamment du bonus conjoncturel à la rénovation. A Genève, depuis 1989, plus de la moitié des emplois dans la construction ont disparu. Plusieurs centaines d'entreprises ont fait faillite au détriment de l'emploi. Il est désormais essentiel de sauver le bâtiment à Genève : les maçons, les menuisiers, les charpentiers, les couvreurs, les plombiers, les gypsiers-peintres, les électriciens, les architectes, les ingénieurs, les techniciens, les dessinateurs ainsi que les écoles qui forment des apprentis dans ce domaine. Le canton de Genève va-t-il se passer de tout ceci ? N'aurons-nous plus d'emplois dans la construction ? N'aurons-nous plus de professeurs ni d'apprentis ? Le canton de Genève va-t-il devenir une île où un bateau viendra nous apporter les matériaux de construction, les employés, le savoir-faire ? Les partenaires de la construction et le Conseil d'Etat ont dit non; des députés responsables vont également dire non, en votant le projet tel qu'il vous sera présenté ce soir.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. En réponse à ce que vient de dire M. Ducrest à propos du projet soumis ce soir, je dirais d'emblée que nous ignorons sa teneur précise du fait qu'il a beaucoup évolué et que vous l'avez peu présenté. Je me permets donc d'en parler rapidement, ce qui vous expliquera, Monsieur Ducrest, la raison pour laquelle l'Alternative n'a pas participé aux travaux de la commission du logement.
Rappelez-vous que le Conseil d'Etat a proposé, dans un premier temps, une modification de la LDTR, qui remettait totalement en cause les points essentiels de cette loi; vous connaissez les réactions qu'elle a suscitées. Ce projet de loi a été présenté au Grand Conseil en l'absence de toute concertation des partenaires sociaux. Face à cette méthode qui écartait de la concertation les associations de défense des locataires, vu le contenu de cette proposition, véritable déclaration de guerre aux locataires, nous avons refusé d'entrer en matière.
Dans un second temps, la FMB, les syndicats patronaux et les syndicats de la construction ont repris ce texte, conscients des éléments inacceptables qu'il contenait pour proposer, selon eux, une modification qui, elle, serait acceptable. Nous avons aussitôt réagi avec virulence pour démontrer que ce deuxième projet n'était non seulement pas meilleur que le premier projet du Conseil d'Etat mais plus dangereux, sur certains points, pour les intérêts des locataires. Les deux projets étant inacceptables, nous avons dit, effectivement, qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière dans le cadre des travaux de la commission.
Tout récemment, l'Entente s'est dite consciente, elle aussi, que certaines dispositions retenues n'offriraient pas satisfaction et qu'elle était prête à étudier les modifications nécessaires. Quant à moi, je dirai que les partis de l'Entente savent se montrer raisonnables quand ils sont affolés par la perspective d'un référendum, et c'est tant mieux ! Nous nous en félicitons, et cela démontre le bien-fondé de la ferme attitude de l'Asloca par rapport à vos propositions initiales de modifications qui aboutissaient tout simplement au démantèlement de la loi actuelle.
Monsieur Ducrest, nous sommes tous d'accord de prendre des mesures qui relancent l'emploi et insufflent de l'oxygène au secteur de la construction. (Brouhaha.)
Le président. Je demande aux amis de M. Gardiol, qui se trouvent à la tribune du public, de ne pas manifester !
M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Les amis de M. Gardiol auront encore l'occasion de manifester tout à l'heure !
Nous avons déposé... (Interruption de M. Annen.) M. Annen devrait prendre la parole, plutôt que de se livrer à ses invectives habituelles qui n'apportent rien au débat !
Tout à l'heure, nous verrons bien qui est réellement favorable à la relance dans le secteur de la construction ! En effet, David Hiler, Laurent Moutinot et moi-même avons déposé le projet de loi 7110, dont nous débattrons incessamment. Il incite aux travaux de rénovation moyenne en prévoyant d'accorder des subventions à fonds perdus pour ce faire et la droite l'a refusé ! Elle devra s'en expliquer ! Comment peut-elle se déclarer favorable à des mesures de relance et refuser les propositions que nous avons faites dans ce sens ? Simplement parce que ces propositions émanaient de l'Alternative !
Je ferme ici cette parenthèse en disant que le projet, tel qu'il va être présenté tout à l'heure - sous réserve de la totalité des amendements dont nous ne disposons pas encore - n'a absolument plus rien à voir ni avec le projet initial du Conseil d'Etat ni avec le projet de la FMB et des syndicats. Nous nous en félicitons, car vous avez évolué, je le reconnais et vous en rends hommage; en effet, hier soir, à 22 h., alors que nous étions réunis autour d'une même table, vous ne teniez pas les mêmes propos qu'aujourd'hui. Par conséquent, je constate que vous progressez rapidement et vous suggère de débattre longuement, car à ce rythme nous nous mettrons d'accord sur la totalité.
Je répète qu'il était inacceptable d'intégrer dans une loi, selon votre souhait, des pots-de-vin permettant à un propriétaire d'obtenir des autorisations. C'était raisonnable d'y renoncer.
Il n'était pas raisonnable non plus de vouloir mettre noir sur blanc, dans la loi, qu'un locataire ayant vécu un certain nombre d'années dans un appartement pouvait être amené à devoir acheter celui-ci. Nous craignions cette interprétation d'une telle disposition. Vous avez eu la sagesse d'y renoncer également.
Néanmoins, Monsieur Brunschwig, la totalité des amendements ne nous satisfait pas pleinement. Nous ne pouvons y souscrire sur deux points essentiels aux intérêts des locataires.
Le premier point ressort de l'article 6, alinéa 6, de la loi définissant la notion du besoin prépondérant de la population. Le projet soumis propose de modifier, certes faiblement, cette disposition en intégrant les mots : «...de tenir compte du genre de l'immeuble». Pourquoi, penserez-vous, donner de l'importance à un amendement d'apparence mineure ? Pour la simple raison que, lors de notre réunion d'hier soir, quand nous avons demandé aux quinze participants ce qu'ils entendaient par «genre d'immeuble», chacun a répondu différemment, ce qui est tout à fait normal. Si vous nous dites, Monsieur Ducrest, que cette notion ne fait que reprendre les dispositions connues en les ciblant à l'aide d'une petite nuance, nous vous comprendrons. Mais en voulant clarifier la loi, vous ne faites que la compliquer en intégrant cette notion floue !
Le deuxième point, plus important, suscite les réserves de l'Alliance de gauche. C'est l'article 39 sur les congés-ventes. Je reconnais que vous avez fait un grand pas en avant en acceptant de supprimer la disposition qui obligeait le département à autoriser l'aliénation d'un appartement occupé par le même locataire depuis plus de six ans. Toutefois, vous avez changé l'esprit de la loi actuelle, à savoir que le département ne peut refuser son autorisation si 80% des locataires d'un immeuble entendent acheter leur logement. Avec votre proposition, ce ne sont plus 80% de locataires «désireux d'acheter», mais de locataires «ne s'opposant pas à l'achat» ! Vous vouliez également abaisser ce pourcentage - et nous étions prêts à entrer en matière - de 80% à 60%.
Il est paradoxal, en effet, que le fait de vouloir acheter son appartement soit conditionné à l'accord de son voisin. Vous avez une notion du droit très extensible, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit conforme au droit fédéral. Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons souscrire à une disposition qui n'a quasiment aucune valeur juridique.
Plus important encore : si 60% des locataires d'un immeuble ne s'opposent pas, cela signifie que les 40% restants désirent acquérir leur appartement. Et là, Monsieur Ducrest, vous offrez un cadeau empoisonné aux propriétaires que vous dites vouloir défendre ! En effet, si 40% des locataires d'un immeuble peuvent devenir propriétaires de leur logement, ils seront minoritaires dans l'assemblée des copropriétaires. Par conséquent, en tant que membres minoritaires de cette assemblée, ils devront se plier à des décisions qu'ils n'auront peut-être pas voulues.
J'en termine avec cette première intervention en vous avouant notre incompréhension, Monsieur Ducrest, de cette disposition sur les congés-ventes. En effet, elle n'a rien à voir avec le problème de l'emploi. Ce n'est pas en vendant des appartements que vous créerez un seul emploi. Vous nous avez laissé entendre que vous défendiez l'emploi avec cette modification de la loi. C'est la démonstration que tel n'est pas le cas, puisque la disposition, essentielle à nos yeux, que vous ne voulez pas modifier, ne créera pas un emploi de plus. La transparence de vos objectifs a, dès lors, de quoi laisser songeur !
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de deuxième minorité. Bien qu'ayant le but louable de favoriser l'emploi dans la construction en encourageant la rénovation, le projet initial était inacceptable parce que préconisant des moyens inadmissibles. Il était intolérable que les locataires soient les seuls à faire les frais de cette relance.
Plus grave : si on alourdit le budget des ménages avec de trop fortes hausses de loyer, on les empêche, du même coup, de participer à la relance de la consommation, en particulier auprès du commerce de détail. La quadrature du cercle consiste à favoriser l'emploi dans la construction, par le biais des rénovations, sans affaiblir la protection des locataires.
Je ne retracerai pas les épisodes difficiles, nombreux et longs, qui ont fait que ce soir des amendements vous seront proposés, les uns par les partis de l'Entente, les autres par M. Hiler, M. Ferrazino et moi-même. L'acceptation des nôtres permettra au parti socialiste de voter la LDTR dans sa formulation actuelle. Nous voyons aussi d'un oeil extrêmement favorable les amendement supplémentaires qui pourraient vous être soumis par l'Alliance de gauche. Nous souhaitons que vous les acceptiez, car ils éliminent les dernières difficultés. Toutefois, nous n'en ferons pas dépendre notre vote en troisième débat.
La LDTR a été bénéfique pour Genève, et nous entendons qu'elle le soit encore. Les restrictions aux changements d'affectation ont permis à la ville - c'est un cas unique en Suisse et probablement en Europe - de regagner des habitants et d'éviter un exode dans la périphérie d'un centre de bureaux totalement mort. Malheureusement, la LDTR est venue trop tard pour certains quartiers, ceux-ci ayant été complètement vidés de leurs habitants.
D'autre part, nous ne comprenons pas pourquoi les congés-ventes sont apparus dans les discussions, puisqu'ils ne participent en rien à la relance des travaux de rénovation.
Ayant participé à toutes les batailles qui ont abouti à la LDTR actuelle, il m'est difficile d'admettre qu'il faille la modifier. Nous pouvons éventuellement le faire, sous réserve de recevoir des garanties. Il convient que vous vous exprimiez clairement et assuriez que les modifications intervenues ou les articles non amendés n'entraîneront pas de changements dans la pratique administrative. J'entends par là que les réelles innovations de la loi devront être suivies d'effets, alors que les dispositions inchangées, ou n'ayant subi que des retouches cosmétiques, devront être respectées comme auparavant.
Nous refuserons que, par le biais d'une modification légale, on en arrive à une pratique administrative conduisant au démantèlement de cette législation.
Le groupe socialiste souhaite que l'on rénove Genève avec les locataires et non pas contre eux; que l'on encourage les investisseurs sans pour autant prétériter les locataires.
Monsieur le président, dans le courrier que vous avez reçu au sujet de ce projet de loi figure une lettre, datée d'aujourd'hui même, du Rassemblement pour une politique sociale du logement. Je vous saurais gré d'en donner lecture.
Le président. Il en sera fait ainsi.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de troisième minorité. Nous notions, dans notre rapport de minorité : «...qu'un compromis acceptable pour toutes les parties était à portée de main». Il semble que cela sera le cas, au terme de très longues négociations et nonobstant les quelques heures de suspense à venir. Je le déclare d'emblée : le groupe des Verts acceptera le résultat sorti de nos discussions des dernières vingt-quatre heures.
Sans refaire l'historique du projet, je tiens, néanmoins, à exprimer un souhait. Compte tenu des obligations professionnelles de chacun, on ne se simplifie pas la vie en menant des négociations comme on l'a fait avec le dépôt du projet, sans consultation préalable. Pour des dossiers aussi importants pour Genève, nous devrions parvenir à conduire des procédures de dialogue et de négociation qui ne passent pas par le sauvetage du deus ex machina des partenaires sociaux. J'aimerais, en matière de dialogue, que l'on ne confonde pas solutions négociées et corporatisme. Les gens du bâtiment, qu'ils soient entrepreneurs ou ouvriers, ont leur avis à donner, cela va sans dire, sur l'effet de la LDTR sur l'avenir de leur secteur. Ils ne sont pas les seuls. La Chambre genevoise immobilière doit participer à ces négociations, l'Asloca aussi, et c'est ainsi que nous pourrons débloquer, à terme, certains dossiers aussi chers aux membres de l'Alternative qu'à ceux de l'Entente. Je pense notamment à la question de l'aide à l'accession à la propriété, laissée en suspens pour des raisons plus idéologiques que matérielles.
Je souhaite des procédures de consultation bien tenues, afin d'éviter tout le cirque et la perte de temps qui ont précédé le présent débat. Comme tout le monde, je porte ma part de responsabilité. Nous avons indiqué, dans notre rapport de minorité, les points cruciaux aptes à faire de la LDTR «nouvelle mouture» une loi non seulement admissible mais une très bonne loi. Pourquoi ? Parce qu'elle distingue clairement, contrairement à la précédente, le cas de la démolition toujours interdite, celui de la rénovation soumise à autorisation et celui de l'entretien qui, échappant à un certain nombre de contraintes juridiques, est encouragé de ce fait. Nous sommes favorables à ce principe, et je tiens à dire que nous n'abordons pas cette formule «à reculons»; nous la souhaitons vivement !
La LDTR n'est pas fondamentalement une loi en faveur de l'emploi. Elle n'est ni pour ni contre les locataires. C'est une bonne loi d'aménagement du territoire qui méritait d'être réactualisée au vu de la pratique, au vu de l'évolution de la conjoncture, en tenant compte de l'équilibre entre les différentes parties. L'aménagement du territoire, en effet, n'est pas une fiction : il touche des intérêts directs.
En revanche, quelques points ont suscité notre gêne, et les partenaires sociaux l'ont admise dès la parution de notre rapport de minorité. Il s'agissait de précisions assurant la sécurité du droit des locataires, puisque la nouvelle mouture de la LDTR assure celle du droit des propriétaires. Nous sommes satisfaits des solutions trouvées. Nous avons apprécié que les syndicats ouvriers défendent ces amendements auprès des syndicats patronaux. Au vu de notre rapport de minorité, il restait un point déterminant à régler : les compensations financières. Je suis très heureux qu'il l'ait été - reste à savoir si c'est pour longtemps - car il ne s'agissait pas de «politicaillerie». Nous, écologistes, ne pouvons entrer en matière sur le fait que l'on inscrive dans les lois la possibilité de les contourner, moyennant le versement d'une somme d'argent. Cela est inadmissible sur le principe et peu favorable à l'image de Genève, telle que nous nous la représentons. Nous sommes heureux que vous l'ayez compris et espérons que votre accord est basé sur des raisons autres que tactiques.
Nos amendements ayant été acceptés, nous sommes heureux de voter cette loi que nous considérons comme une bonne loi, ce d'autant plus que, sur deux ou trois points, notre argumentation différait de celle de M. Ferrazino, notamment en ce qui concerne l'article 6. Nous sommes contents que la notion «genre de l'immeuble» soit introduite. C'est une manière de protéger quelque peu, et nous l'avons toujours préconisé, les immeubles que l'on rénove. La notion du «genre de l'immeuble» nous est claire : avant 1945, on construisait en fonction des classes sociales. Il y avait des logements ouvriers, des logements petit-bourgeois, des logements bourgeois. Il est difficile de ne tenir pas compte du fait qu'un logement ait été construit, en 1920, pour des ouvriers, ou des petits-bourgeois ou encore des bourgeois. Nous apprécions, dès lors, que cette vision souple y apparaisse, car elle permettra de meilleures rénovations, la contrainte financière ne pouvant plus altérer certaines caractéristiques d'un immeuble. De plus, ladite notion concernera, en définitive, un nombre restreint d'immeubles, les gens riches étant bien plus rares que ceux appartenant à la classe moyenne. Ce n'est pas le point de vue de nos partenaires de l'Alternative, mais c'est le nôtre et celui de bon nombre d'historiens d'art de cette République. J'en ai eu encore la preuve, ce matin même, au téléphone.
Reste l'article 39 que nous estimons mal rédigé. Nous ferons la part des choses. A notre avis, cet article a une chance sur deux d'être cassé par le Tribunal fédéral. Qui vivra verra ! En nous accordant une semaine supplémentaire de réflexion, nous aurions pu trouver mieux. Mais abstenons-nous d'être plus royalistes que le roi - en l'occurrence l'Asloca - et c'est sans états d'âme particuliers que nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. J'ouvre le premier débat sur la prise en considération. Je demande à Mme la secrétaire de lire la lettre du Rassemblement pour une politique sociale du logement, datée du 25 janvier 1996.
Lettre lue = annexe lettre du Rassemblement
pour une politique sociale du logement du 25.1.96.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Lorsque notre assemblée traite du logement, le débat tourne immanquablement à l'affrontement gauche-droite. Ce soir, j'espère que nous saurons prendre du recul et tenir compte, en priorité, des mises au point faites par les partenaires sociaux de la construction au projet de loi 7292. Je suis convaincu que, dans le respect des idées de chacun et sans pour autant tomber dans des débats stériles, nous saurons nous entendre dans le but d'encourager la rénovation d'un patrimoine qui se dégrade, de soutenir l'emploi dans une branche sinistrée et de sauvegarder les droits des locataires et des habitants.
Notre groupe soutiendra ce projet de loi amendé par les partenaires sociaux, y compris le bonus, pour respecter ces négociateurs de l'impossible et en raison de la situation économique actuelle.
En quelques mots : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !
L'accord des partenaires sociaux est basé sur un paquet de mesures urgentes en faveur des rénovations comprenant l'assouplissement des normes d'isolation thermique dans le but d'abaisser considérablement le coût des rénovations des façades. Nous attendons, ce soir, une déclaration du Conseil d'Etat à ce sujet.
Le deuxième volet est la modification de la LDTR; le troisième, le bonus conjoncturel à la rénovation, intégré à la commission du logement dans le chapitre 6 de la LDTR. Cette intégration est une bonne chose, car la modification de la LDTR sans le bonus, de même que le bonus sans la modification de la LDTR, aurait empêché d'atteindre le but recherché par les partenaires sociaux de la construction. La modification de la LDTR est une mesure structurelle à long terme, alors que le bonus aura un effet immédiat et constituera une mesure conjoncturelle pour sauvegarder des emplois. En vertu de l'article 21 du projet de loi, il vise la réalisation de travaux qui, sans lui, ne pourraient être effectués. L'effet multiplicateur qui en résulte est important puisqu'en investissant 10 millions de francs, on générera, au minimum, 100 millions de francs de travaux en 1996, autant en 1997, soit 200 millions de francs de travaux équivalant environ à mille cinq cents postes de travail qualifié.
Vous aurez compris que le bonus, sans adaptation de la LDTR - solution proposée par les rapporteurs de minorité - ne serait qu'un emplâtre sur une jambe de bois, car il faudrait attendre au moins deux ans pour que l'adaptation de la LDTR déploie ses premiers effets. Deux ans représentent, précisément, la durée initiale du bonus, période au-delà de laquelle la demande aura été, je l'espère, stimulée.
La modification de la LDTR, telle qu'elle a été proposée, incitera les propriétaires à entreprendre des travaux d'entretien dans leurs immeubles, afin qu'ils ne deviennent pas des taudis; elle fera également revenir les investisseurs sur la place de Genève.
Je résumerai les modifications essentielles. Elles sont importantes, bien que M. Ferrazino vienne de les minimiser. Premièrement, la loi abandonne le système d'interdiction de principe de travaux au bénéfice du principe de leur autorisation. C'est un élément important d'un point de vue psychologique. De plus, il démontre la volonté du législateur d'entretenir le patrimoine bâti sans, pour autant, permettre n'importe quoi. Par rapport au texte actuel, la loi devient lisible, puisque structurée en chapitres qui définissent précisément les sujets traités. Elle introduit, en son article 15, la possibilité, pour les locataires, de faire appel à l'allocation personnalisée HM, ce qui est un avantage évident pour eux. Elle permet de sortir du contrôle de l'Etat les loyers des logements situés, avant transformations, manifestement en dehors des besoins prépondérants de la population, selon l'article 10, alinéa 2 amendé. Elle renforce la possibilité du locataire - du moins à ce stade du débat - d'acquérir son logement, s'il en exprime formellement le désir, supprimant tout risque, contrairement à ce que prétend M. Ferrazino, du retour aux congés-ventes. Elle introduit un bonus à la rénovation pendant deux ans, lequel permettra de sauver plusieurs centaines de postes de travail et d'entreprises, aux cahiers de commandes désespérément vides en ce début d'année.
Enfin, je rappelle que le compromis préservera au mieux les intérêts des locataires, puisque l'idée des partenaires sociaux était de relancer la construction sans porter atteinte à leurs droits. En outre, nous n'oublierons pas que la protection des locataires, découlant du code des obligations, continuera à s'appliquer à Genève. A ce point de mon intervention, je remarque que dans les cantons qui n'ont pas de LDTR on ne constate pas des augmentations massives de loyer ou des mises à la rue de locataires.
Le logement met en présence des intérêts différents : ceux des locataires, des investisseurs, des rentiers du fait de la propriété de leur fonds de prévoyance d'un parc immobilier important, et des places de travail. Ces intérêts sont parfois difficiles à harmoniser, mais, ce soir, votre vote doit les faire converger. En conclusion, je vous invite à voter ce projet de loi amendé dans l'intérêt général et à ne pas prendre position en fonction du résultat le plus payant électoralement. Faisons confiance aux partenaires sociaux du bâtiment, afin de relever le challenge qui nous est lancé dans un quotidien de la place : «Faut-il laisser la LDTR aux mains des politiciens ?» (Applaudissements.)
M. Bénédict Fontanet (PDC). Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de majorité pour son excellent rapport et l'assiduité avec laquelle il a suivi les négociations. Je tiens aussi à remercier M. Hiler et M. Moutinot avec lesquels nous avons travaillé ces derniers jours, pour la modération de leurs propos et leur sens du consensus. Par contre, Monsieur Ferrazino, je regrette votre attitude tout à fait intempestive ! Dire que nous nous sommes rendus à vos arguments parce que nous aurions peur d'un référendum est inexact. Moi, je n'appartiens pas à ceux qui ont peur du peuple et s'il avait fallu aller devant le peuple nous y serions allés, Monsieur Ferrazino. Vous vous en avez peut-être un peu peur, et vous aviez surtout peur pour votre fonds de commerce en venant à la table des négociations, et cela vous ne l'admettez pas ! (Exclamations et applaudissements.)
Je n'ai pas l'intention de polémiquer davantage, car je trouve désagréable de négocier avec quelqu'un pour se faire coincer à la sortie en se laissant dire que c'était par peur. Ni moi, ni les partenaires de l'Entente, ni les gens avec lesquels nous avons négocié n'avions peur de quoi que ce soit ! Nous sommes simplement des citoyens, des députés, des membres de ce parlement qui avons le sens de l'intérêt public et le sens de la cité. C'est dans cet état d'esprit que nous avons négocié et non pas dans la crainte ni dans la contrainte.
Le dossier de la LDTR est un dossier difficile et douloureux. Elle a été à l'époque indubitablement une législation conjoncturelle qui a eu des effets bénéfiques, je le reconnais très volontiers, dans le domaine du maintien de l'habitat en ville et de la protection des locataires. Elle a eu également des effets tout à fait négatifs, car elle a considérablement découragé l'investissement et a donc été un frein important.
Aujourd'hui, que constate-t-on ? Une large majorité de ce Grand Conseil le constate : le marché du logement à Genève se détend et des surfaces commerciales au centre-ville sont vacantes. Mais nous constatons également, c'est ce qui nous préoccupe avant tout, la situation dramatique de l'industrie et de la construction qui a perdu près de la moitié de ses emplois. Il y a indubitablement un gisement de travaux de rénovations et de transformations dans l'intérêt de la population qui pourra ainsi vivre dans des logements plus confortables.
La LDTR, dans sa teneur actuelle, quoi que vous en ayez dit, Monsieur Ferrazino, est très certainement un frein à l'investissement et elle est décourageante. Il fallait donc la modifier.
Je salue donc tout d'abord le courage du chef du département des travaux publics puis celui du Conseil d'Etat qui a initié la modification législative qui vous est soumise ce soir et qui a osé touché à ce monument quasi sacralisé que représente la LDTR. Lors du blocage dans la concertation - je ne reviendrai pas sur les épisodes nombreux et multiples de cette affaire - les partenaires sociaux, qui, eux, vivent la crise dans leur chair, ont pris le relais avec une efficacité remarquable et, grâce à la ténacité des syndicats du bâtiment et de la Fédération des métiers du bâtiment, nous avons trouvé un premier consensus.
Ensuite, un certain nombre d'entre nous, qui avons - je le répète - le souci de l'intérêt général et non le souci de l'intérêt particulier, eh bien, nous avons su trouver un consensus entre les partis politiques. «Tâche difficile, impossible, insurmontable» disaient, il y a quelques jours encore, certaines de nos gazettes favorites qui parlaient de la «guerre du logement» que l'on allait rouvrir et de l'incapacité des partis politiques à trouver un consensus sur le logement.
Eh bien, Mesdames et Messieurs, il n'en est rien, et j'espère que nous saurons ce soir, tous autant que nous sommes, dans l'intérêt des chômeurs, dans l'intérêt de l'économie genevoise, démontrer que nous nous battons dans un même sens, pour le maintien et le développement de l'emploi, parce que nous désirons que notre canton sorte de la morosité sans, bien sûr, que les locataires en souffrent, puisque la majorité des Genevois, hélas, sont locataires.
C'est dans ce sens que les partis politiques de l'Entente vous présenteront une série d'amendements qui figurent sur une même feuille que vous trouverez sur vos bureaux et qui reprennent intégralement les amendements résultant des dernières négociations qui ont eu lieu entre la FMB et les syndicats du bâtiment. Une autre partie de ces amendements résultent des négociations que nous avons eues avec les autres partis politiques présents dans ce parlement, ainsi qu'avec l'Asloca et nous vous inviterons à voter ces amendements avec le projet de loi.
Par ailleurs, mon groupe votera également les amendements proposés par M. Moutinot et M. Hiler, et nous espérons qu'ainsi, ce soir, nous saurons faire la démonstration aux Genevois que nous pouvons faire un bout de chemin ensemble dans le domaine du logement, de la construction, du chômage, dans l'intérêt de la collectivité. (Applaudissements.)
M. Thomas Büchi (R). Après des mois de travail acharné, voici enfin venu le moment pour notre Grand Conseil de prendre une décision qui, à n'en pas douter, est l'une des plus importantes de cette législature.
Depuis de nombreuses années, le débat du logement à Genève enflamme tous les milieux, titille et chatouille l'ego de chacun ! Sur le plan politique, il est devenu tellement passionnel qu'il n'y a plus d'objectivité réelle à en attendre. Chaque bloc reste campé sur ses positions.
Heureusement pour cette République, certaines personnes, en raison de la gravité de la situation, ont pris l'initiative, courageuse et nécessaire, d'entreprendre un assouplissement de la si controversée LDTR. Ici, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais remercier le Conseil d'Etat qui, en déposant ce projet de loi, a osé relancer ce débat dont l'issue de ce soir sera déterminante pour l'avenir de milliers de travailleurs et d'artisans.
Je vous rappelle tout d'abord certains faits :
En 1990, il y avait encore vingt-deux mille emplois dans la construction à Genève. Il en reste aujourd'hui neuf mille huit cents ! Sur les mille cinq cents entreprises recensées alors, cinq cents ont disparu. Savez-vous que nous occupions encore quatre mille six cents saisonniers il y a quatre ans. A fin 1995, il n'en restait, Mesdames et Messieurs les députés, plus que cinq.
C'est vous dire l'ampleur de la catastrophe. Quelles en sont les causes ? La crise économique actuelle ? Certes, oui ! Mais elle est bien loin de tout expliquer et, surtout, elle a bon dos ! N'oublions pas qu'en raison d'un carcan législatif beaucoup trop contraignant les investisseurs se détournent toujours davantage du marché genevois de l'immobilier politisé à l'extrême. Les chiffres le prouvent. Genève rénove son parc immobilier deux fois moins vite que le reste de la Suisse. Alors que les travaux d'entretien et de rénovation représentent actuellement le seul créneau d'avenir dans la construction.
De plus, insidieusement, en continuant cette politique de blocage, notre canton ouvre toute grande la porte à la création des taudis de demain !
Mesdames et Messieurs les députés, j'en viens aux mesures concrètes de relance qui vous seront soumises ce soir. Sachez que c'est en commission du logement, où le débat, trop passionnel, s'était enlisé, qu'une proposition commune des partenaires sociaux, la Fédération des métiers du bâtiment et quatre syndicats ouvriers, a permis une solution pleine de sagesse. Je rends hommage au travail fourni par les partenaires sociaux pour débloquer la situation. En effet, toutes ces personnes qui, par conviction, défendent des principes différents, se sont réunies autour d'une table et ont décidé de trouver un consensus. Cela est historique.
La LDTR a été amendée intelligemment pour préserver les intérêts de chacun : propriétaires, locataires, travailleurs et entrepreneurs. Elle incite surtout les propriétaires à entreprendre des travaux. L'intégration d'un bonus conjoncturel à la rénovation dans le projet de loi, réparti en deux tranches annuelles de 10 millions pour 1996 et 1997, permettra de concrétiser une politique d'incitation, puisque cet investissement générera plus de 200 millions de travaux, soit l'équivalent de deux mille postes de travail supplémentaires.
Sur cette base et en l'état des propositions du groupe de travail paritaire, notre commission a voté l'entrée en matière du projet de loi 7292 par 9 oui et 5 non. C'est à ce moment précis que tout a failli se gâter, principalement par votre faute, Monsieur Ferrazino ! Je vous rappelle ce que vous avez dit en commission : «Le problème de l'emploi dans le bâtiment n'est pas dans mes préoccupations. Je me bats uniquement pour la défense des locataires. En conséquence, dès à présent, nous nous abstiendrons de tout débat et nous ne prendrons pas part au vote final.» Vos propos ont été protocolés, Monsieur Ferrazino ! S'ils ne me surprennent pas, venant de vous, ils risquent de choquer plus d'un travailleur que votre parti prétend défendre.
C'est en cela qu'il faut saisir l'immense décalage qui peut exister entre le langage théorique d'un avocat et la réalité pratique, vécue quotidiennement par les travailleurs et les artisans sur les chantiers. (Applaudissements.)
Ce n'est pas l'envie qui me manque, ce soir, de brandir devant cette assemblée la canne des charpentiers dont je suis fier d'être l'un des porte-parole. Aussi je déclare que nous voulons en priorité des emplois pour sauver nos métiers. Cela ne sert à rien de nous battre pour les loyers les plus bas de la planète si personne, faute de travail, n'est en mesure de les payer.
Il est de notre devoir, et j'en appelle à la conscience de chacun, de voter ce soir le plan de relance majeure de cette législature. Le groupe radical y adhère pleinement. Quant aux amendements proposés, nous n'entrerons en matière que pour ceux ayant reçu l'assentiment des partenaires sociaux et ceux émanant du consensus trouvé lors des dernières négociations.
Je mets en garde tous ceux qui auraient des velléités de lancer un référendum. Ceux qui s'y risqueraient endosseraient de lourdes responsabilités à l'égard des chômeurs... (Exclamations.) Monsieur Ferrazino, vous n'avez pas encore déclaré, dans cette assemblée, que vous ne lanceriez pas de référendum. Ceux qui voudraient le faire doivent savoir que nous serons des milliers d'artisans et de travailleurs à nous battre. A la chape de plomb qui coiffe votre discours tout entier imprégné de démagogie, nous opposons, avec sérénité, notre détermination à mettre rapidement sur pied les mesures concrètes impatiemment attendues par les entreprises.
C'est pour ces raisons que le parti radical vous demande de voter ce projet de loi avec les amendements acceptés. (Applaudissements.)
M. Jean Opériol (PDC). Il importe d'insister sur des éléments comparables, qui existaient et prévalaient au moment de l'entrée en vigueur de la LDTR et tels qu'ils se présentent aujourd'hui.
En 1983, j'ai repéré cinq facteurs, totalement inversés aujourd'hui. Par ordre d'importance, je cite le chômage. A l'époque, quelques dizaines, très éventuellement quelques centaines de travailleurs étaient sans emploi. L'industrie du bâtiment était florissante et tournait, si je puis m'exprimer ainsi, à plein régime. La fâcheuse et scandaleuse politique des congés-ventes - que nous avons tous été d'accord de dénoncer - et la spéculation des années 80 sévissaient. Enfin, il manquait l'important chapitre du droit du bail, qui protège les locataires, entré en vigueur le 1er juillet 1990.
Aujourd'hui, le nombre des chômeurs est passé à quinze mille. Le droit du bail a été ajouté au code des obligations en 1990. La spéculation et les congés-ventes ont disparu. Le bâtiment est totalement sinistré. La situation s'est donc complètement retournée en quinze ans. Par conséquent, je trouve parfaitement légitime, pertinent et urgent d'accorder à cette loi, tous ensemble ce soir, le lifting qu'elle mérite.
Vous avez évoqué l'absence de liens apparents entre l'accession à la propriété, les congés-ventes et l'industrie du bâtiment. Détrompez-vous ! Si les gens accèdent de plus en plus à la propriété, grâce à l'assouplissement que nous apportons ce soir, il n'est pas douteux que le marché des appartements à louer va se restreindre. Les gens présents ici vous diront : «Justement, nous sommes là pour construire des immeubles locatifs s'ils venaient à manquer.» Des dizaines d'autorisations sont actuellement pendantes, du fait de la mauvaise conjoncture. Relançons la conjoncture et la construction d'immeubles locatifs repartira ! Par conséquent, l'objection sur l'accession à la propriété n'est pas fondée.
D'autre part, on verse sans cesse dans le manichéisme à propos des chômeurs et des locataires. Sur les quinze mille chômeurs précités, quatorze mille neuf cents sont sans doute des locataires. Et il serait grand temps de s'occuper de cette nouvelle catégorie de citoyens que j'appellerais les locataires-chômeurs. Autrement dit, va-t-on s'arc-bouter sur leurs conditions de location ou se décarcasser pour leur trouver du boulot ? Ma question est pertinente. Personnellement, je suis à même d'affirmer que ces gens-là, quand ils viennent nous trouver pour solliciter des baisses de loyer, parce qu'ils ont perdu leur emploi, nous parlent de leur travail bien plus que de leurs conditions de location.
Hier, la presse a écrit que la bataille du logement commençait. Rien de plus faux ! On n'engage pas une bataille contre le logement, on déclare la guerre au chômage. Si cette guerre se termine par la paix consensuelle qui s'esquisse ce soir, nous aurons accompli un exploit historique particulièrement opportun.
Nous avons beaucoup parlé du besoin prépondérant de la population, cité à maintes reprises par la loi et la jurisprudence. Je vous le dis et vous serez de mon avis : s'il est un besoin prépondérant, aujourd'hui, c'est bien celui de sauver les emplois, de trouver du travail et de relancer le bâtiment. Je suis convaincu que nous voterons cette loi et si les jusqu'au-boutistes, auteurs de référendums en puissance, persistaient dans leur attitude, ils rendront compte devant le peuple des chômeurs de leur intransigeance et de leur irresponsabilité. (Applaudissements.)
M. René Koechlin (L). M. Ferrazino a parlé de déclaration de guerre. Il nous considère, du moins en exprime-t-il le voeu, comme étant aux abois. Je vous rassure, Monsieur Ferrazino, vous n'êtes pas parvenu à nous affoler, ni vous ni vos référendums avortés, comme celui que vous avez formulé contre l'architecte cantonal, ce pauvre homme qui ne vous avait rien fait ! (Rires et exclamations.)
Nous avons refusé la proposition de l'Alliance de gauche, concernant le subventionnement des rénovations, pour le simple motif que le Conseil d'Etat nous a proposé un projet plus complet, plus concret, et qui n'était pas un vulgaire manifeste de bonnes intentions.
Monsieur Ferrazino, vous mélangez tout, car ce sont ces subventions, contenues dans le projet traité ce soir, qui auront pour effet de créer des emplois et, bien évidemment, pas l'acquisition d'un appartement par son locataire. Sur ce point, je partage, pour une fois, votre opinion. C'est une évidence ! En revanche, ce droit reconnu à un locataire d'acquérir son logement lui apporte une plus grande indépendance, la liberté de présider à sa propre destinée, sans devoir en référer à l'Etat seigneur, l'Etat vache à lait, que vous appelez de vos voeux, cet Etat tout-puissant, cet Etat tuteur général sans l'autorisation duquel le locataire, que M. Ferrazino et ses amis réduisent à l'infantile assisté, ne peut que se résigner à rester locataire.
Je salue les propos, beaucoup plus conciliants, des rapporteurs des deuxième et troisième minorités. Vos discours, Messieurs, reflètent bien l'esprit qui a présidé au dialogue que nous avons enfin pu engager sur cet important projet de loi dont dépendent, en grande partie, la relance dans l'industrie du bâtiment et une aide substantielle à la construction. Je vous rappelle que pour 10 millions de subventions l'on obtient à peu près 100 millions de francs de travaux. De plus, ce projet de loi constitue un soutien en faveur de l'emploi, un bonus qui bénéficie aux locataires qui en ont besoin, une décrispation du marché dans le domaine de la transformation et de la rénovation des bâtiments. Enfin, il apporte l'espoir d'enrayer le processus de dégradation du patrimoine bâti, processus que la LDTR, dans son état antérieur, a largement contribué à amorcer.
C'est avec satisfaction que notre groupe salue la réussite des travaux de commission et de tous ceux qui ont encore oeuvré ces derniers jours, voire ces dernières nuits, à faire aboutir ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). On a beaucoup parlé dans cette enceinte de l'importance de la LDTR, et pour cause, cette loi étant le fruit de quatre initiatives populaires !
La première initiative a été lancée en 1975. Que les plus jeunes ne soient pas au courant de ce qui s'est passé à l'époque, je peux le comprendre. En revanche, je suis frappé par l'amnésie de certains autres députés. Dans les années 50 et 60, les démolitions se sont succédé à Genève au point de susciter, en 1962, la première loi interdisant les démolitions et les transformations de maisons d'habitation. Cette loi, insuffisamment appliquée, est à l'origine de l'initiative de 1975 lancée pour stopper les démolitions incroyables qui avaient cours dans notre ville. Je rappelle qu'elle l'a été quand on s'apprêtait à démolir l'hôtel Métropole devant lequel, aujourd'hui, tout le monde se pâme d'admiration. On oublie que ce beau bâtiment devait être démoli, comme on oublie que le quartier des Grottes devait être entièrement rasé. Aujourd'hui, tout le monde se félicite de la rénovation et de la réhabilitation d'un des quartiers les plus sympathiques de notre ville.
Or, que voulait l'initiative de 1975 ? Non seulement des mesures plus strictes pour empêcher la destruction du tissu bâti genevois - il faut reconnaître que les mentalités ont évolué entre-temps - mais des mesures pour encourager la rénovation, car sans entretien des bâtiments existants, il n'y a pas de maintien. Beaucoup trop de propriétaires avaient négligé d'entretenir leurs immeubles, et cela bien avant la LDTR, dans le but de les vider de leurs locataires et de les démolir ensuite.
Parallèlement à des mesures plus restrictives en matière de démolition, l'initiative de 1975 proposait des mesures d'encouragement à la rénovation. Elle demandait notamment l'adoption d'un plan de la rénovation. Quand il s'est agi de concrétiser cette initiative, suite à un arrêt du Tribunal fédéral déclarant inconstitutionnelle la décision du Grand Conseil, je rappelle que ce sont les partis de droite qui, dans cette enceinte, ont supprimé certaines dispositions préconisées par l'initiative pour inciter à l'entretien des immeubles.
La LDTR n'a pas dissuadé la rénovation raisonnable qui a augmenté dès les années 80. Le nombre d'immeubles rénovés et les statistiques en font foi. Par contre, il est vrai que certaines opérations ont été bloquées en raison, vous le savez tout comme moi, de leur caractère spéculatif.
Quand j'entends M. Opériol parler de la spéculation, je me permets de sourire, parce que c'est bien la spéculation qui a causé ces dégâts extraordinaires dans le secteur immobilier genevois. La LDTR n'a pu l'empêcher, elle l'a tout juste atténuée. Prétendre que la spéculation a disparu est faux. Et quand on reconnaît qu'il faut lutter contre la spéculation, je m'étonne que l'on veuille la disparition des instruments qui permettent, précisément, de la combattre. Plus extraordinaires sont les propos de M. Opériol qui affirme que tout un chacun avait dénoncé les congés-ventes. Ce n'est pas vrai. Il serait plus juste de dire que si certains dénonçaient les congés-ventes, ils ne voulaient surtout pas prendre des mesures pour les empêcher. Le vote de 1985 de la deuxième initiative modifiant la LDTR a effectivement permis d'introduire une paix du logement, dans un domaine particulièrement sensible. Nous avions vécu une période épouvantable où des gens de condition modeste se voyaient confrontés à l'alternative de partir ou d'acheter leur appartement. Dès lors, rien d'étonnant que 80% de la population aient voté pour cette initiative ! Si, aujourd'hui, le problème des congés-ventes est résolu, ce dont nous nous félicitons, ce n'est pas le fruit du hasard, mais bien la conséquence directe du vote de cette initiative, par le peuple genevois, à une écrasante majorité. Par voie de conséquence, vous comprendrez les raisons pour lesquelles nous estimons qu'il est impossible de toucher à des dispositions qui, effectivement, ont fait leurs preuves. On ne peut, simultanément, se féliciter de la disparition des congés-ventes et porter préjudice aux dispositions légales qui visent à les interdire.
On a parlé de la LDTR en relation avec la crise extrêmement sévère traversée par le secteur du bâtiment. Cette crise n'est pas, elle aussi, le fruit du hasard. Dans la deuxième partie des années 80, certains ont stigmatisé le développement excessif et les dérapages en matière de construction, son volume, en francs constants, ayant triplé, à Genève, en moins de dix ans pour culminer à des sommets inégalés qui, d'évidence, ne pouvaient être maintenus. Le retour aux normes était inévitable, nonobstant le fait qu'avec près de 2 milliards de construction à Genève l'on atteint actuellement le double de ce qui se réalisait, il y a dix ans.
La situation ne nous satisfait pas pour autant, bien au contraire ! La pressentant, l'Alliance de gauche, avec les députés socialises et les Verts, ont déposé, il y a dix-huit mois, le projet de loi 7110 préconisant le subventionnement en matière de rénovation légère et moyenne d'immeubles. Ce projet a tout simplement été gelé, pendant plus d'une année, devant la commission ! Je rappelle qu'il reprenait des dispositions, datant de deux ou trois ans, refusées par les partis de droite.
Aujourd'hui, vous les refusez de nouveau, tout en donnant votre appui à une autre mesure : le bonus à la rénovation qui s'en inspire. Il y a donc un progrès. Vous nous avons enfin entendus lorsque nous disons qu'il fallait soutenir la rénovation, mais nous estimons que vous n'en avez pas encore assez entendu ! Si nous sommes d'accord avec les mesures d'un bonus à la rénovation, nous en relevons l'insuffisance. Elles sont limitées à deux ans. Ce sont des mesures conjoncturelles, comme rappelé par l'un des intervenants de vos bancs. Nous préconisons, nous, une aide permanente à la rénovation parce que si nous voulons maintenir le parc immobilier en bon état, l'entretien et la rénovation doivent être permanents. Par conséquent, une telle aide, limitée à deux ans, ne suffit pas. Il est vrai qu'elle peut être renouvelée et nous espérons, après cette première étape, un engagement pour un soutien permanent.
Quand M. Büchi affirme que ce plan de relance est le plan majeur de la législature, nous sommes inquiets, car 20 millions sont nettement insuffisants pour la relance. Nous osons en espérer de plus importants.
Les syndicats et nous avons présenté toute une série de propositions en matière d'emploi et vous, Monsieur Büchi, avez été de ceux qui ont balayé une initiative sur l'emploi d'un revers de main, au mois de septembre. Il est donc malséant, Monsieur Büchi, de dire que nous ne nous préoccupons pas des questions d'emploi. C'est se ficher du monde !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Comme la traversée de la rade !
M. Christian Grobet. Oh ! la la ! N'ouvrons pas le débat à ce sujet, Monsieur Joye, parce que je crains...
Le président. Non, non, je vous en prie !
M. Christian Grobet. Je souhaite simplement terminer mon intervention. M. Fontanet a cité un mauvais article, publié dans un quotidien de la place, connu pour ses attaches avec le milieu immobilier, article intitulé «Faut-il laisser la LDTR entre les mains des politiciens ?». La question est pertinente. Je dis résolument oui et la réunion de hier soir me conforte dans ma réponse. La tâche des politiciens est précisément d'essayer, comme cela a été dit sur les bancs d'en face, de rechercher l'intérêt général et non pas de privilégier les intérêts particuliers ou corporatistes. Aussi, Monsieur Fontanet, je trouve votre remarque sur le prétendu fonds de commerce défendu par M. Ferrazino particulièrement désagréable et malvenue, venant d'un membre d'un parti qui, lui, défend un fonds de commerce très précis. Je n'en dirai pas plus. Je souligne simplement que ces politiciens, décriés par un mauvais éditorialiste, ont eu la sagesse, la nuit portant conseil, d'éviter le piège - je souligne le mot - tendu par le Conseil d'Etat, à savoir user du prétexte de l'emploi pour tenter de démanteler la protection des locataires. C'est ce qui a été voulu !
Vous dites n'avoir pas eu peur du référendum; je vous crois volontiers. Toutefois, il est bien dommage que la réunion d'hier soir n'ait pas été ouverte au public, à l'instar du présent débat. En effet, je supposais que tout se terminerait rapidement puisqu'en réponse aux propositions de l'Asloca M. Fontanet avait énuméré les amendements qu'il acceptait. Eh bien non ! Il a fallu des interventions insistantes... (Interruption de M. John Dupraz.) Cela prouve que vous ne portez guère d'intérêt à la question, puisqu'on ne vous a vu ni hier soir ni lundi. Vous avez perdu une bonne occasion de vous taire, Monsieur Dupraz ! Je reconnais que les libéraux étaient venus en force, que le parti démocrate-chrétien était bien représenté. En revanche, le parti radical brillait par son absence, au point que nous nous sommes demandé s'il se rallierait aux amendements que nous négociions. Il est vrai que vous aviez un excellent avocat en la personne de M. Fontanet qui nous a affirmé qu'il représentait tout le monde. Nous l'avions compris d'emblée, mais il valait mieux qu'il nous le confirme.
Après cet exposé liminaire, alors que la séance devait être levée, les représentants de l'Alternative et du Rassemblement sont intervenus avec insistance pour que vous teniez compte des trois points essentiels que nous ne pouvions pas accepter, à savoir les pots-de-vin légaux, le démantèlement de la protection des locataires... (Protestations.) Des pots-de-vin légaux, parfaitement ! (Protestation de M. John Dupraz.) Vous feignez ne pas comprendre, Monsieur Dupraz, à croire que le terme vous gêne, mais tout le monde sait de quoi il s'agit...
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Dupraz ! Vous vous êtes bien tenu jusqu'à présent, alors persistez !
M. Christian Grobet. On lui expliquera tout à l'heure, à la buvette... (Brouhaha.)
Le président. Silence, s'il vous plaît ! Monsieur Grobet, vous parlez depuis huit minutes.
M. Christian Grobet. Il m'en reste deux, Monsieur le président, mais je n'en ferai pas usage. Je conclus en rappelant que nous avons fortement insisté sur trois points essentiels que nous ne pouvions accepter dans la modification de la LDTR. Nous vous avons demandé d'y réfléchir, en ajoutant qu'il serait regrettable que cette question vienne devant le peuple, parce que si nous ne voulons pas lancer un référendum pour le plaisir, nous en avons effectivement évoqué l'hypothèse. Nous prenons note que vous n'avez pas été effrayés par ce référendum et déduisons que c'est la voix de la sagesse, sinon l'Etre suprême, qui vous ont inspirés, pendant la nuit, à prêcher la bonne parole.
M. Pierre-Alain Champod (S). Le projet soumis ce soir traite d'un sujet très important pour le parti socialiste. Il concerne deux préoccupations majeures pour nous, à savoir l'emploi avec le volet «bonus» et la défense des locataires. C'est pourquoi le PS a participé activement aux négociations qui, vraisemblablement, aboutiront ce soir au vote de la loi.
La LDTR est-elle responsable de la crise du bâtiment ? C'est la thèse défendue par de nombreux orateurs, aujourd'hui et antérieurement. Personnellement, je ne le crois pas et je citerai deux faits qui me donnent raison. Malgré l'application de la LDTR, une activité très importante s'est développée, dans la branche de la construction, durant la deuxième moitié des années 80. D'autre part, à la question posée récemment par le député Moutinot à M. Joye, à savoir combien d'autorisations de construire étaient entrées en force sans que les travaux n'aient débuté, M. Joye a répondu que les chantiers non ouverts pour des travaux autorisés depuis plus de six mois représentaient un milliard de francs. Par conséquent, la crise du bâtiment a d'autres causes que la LDTR.
De nombreux mètres carrés de bureau sont inoccupés, en ville de Genève et en périphérie. En matière de prêts, les banques sont devenues prudentes, suite aux mauvaises expériences qu'elles ont faites durant la période de spéculation, c'est-à-dire à la fin des années 80 et au début des années 90. Le financement est difficile à trouver.
Aussi me suis-je demandé pourquoi les investisseurs boudaient notre canton et me suis souvenu qu'il y a quelques années on ne pouvait ouvrir une publication émanant de la Chambre immobilière ou des milieux libéraux sans lire un article intitulé : «Investisseurs, n'investissez plus à Genève, on ne veut plus construire.» A force d'être découragés, les investisseurs potentiels ont évidemment renoncé à investir. La morosité dans le secteur du bâtiment est aussi due à la diminution des revenus d'une grande partie de la population, notamment les travailleurs. Et seule la demande solvable intéresse les constructeurs d'immeubles. Par conséquent, plus la solvabilité des locataires diminuera, plus la demande s'affaiblira.
La LDTR est le maillon essentiel de la protection des locataires et, comme l'a relevé le député Hiler, de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, tous les chapitres de la LDTR ont été intégralement acceptés en votation populaire; le député Grobet vient de le rappeler.
Cela étant, le PS a toujours été favorable à toutes les mesures prises en faveur de l'emploi. Nous sommes donc pour un bonus destiné à relancer la rénovation et, par conséquent, stimuler l'emploi, mais nous n'accepterons pas qu'un problème de relance justifie un affaiblissement de la défense des locataires.
L'histoire de ce projet a été faite plusieurs fois. Il va sans dire que la première version du Conseil d'Etat nous était intolérable, dans la mesure où elle s'attaquait directement aux points essentiels à la défense des locataires. Ensuite, nous avons examiné un projet, nettement meilleur, négocié entre les syndicats et la FMB. Toutefois, il devait encore être amélioré et, ces derniers jours, de nombreuses personnes, en provenance de tous les partis et de différents milieux, ont contribué à trouver une solution. Nous les en remercions.
Si les amendements soumis ce soir sont acceptés, le parti socialiste acceptera de voter cette loi.
M. Michel Halpérin (L). On ne m'en voudra pas d'apporter un léger bémol à la satisfaction générale qui se manifeste ici, car le combat, si attendu, n'a pas eu lieu et probablement chacun s'en félicite en son for intérieur.
Nous nous attendions, les uns et les autres, à la guerre annoncée entre les locataires et un certain nombre d'autres protagonistes de la vie civile et civique de ce canton. Ce combat n'a pas eu lieu parce que les forces vives de ce canton, les syndicats, les associations intéressées et les partenaires sociaux, se sont rassemblés pour trouver, avec les groupes politiques concernés, les solutions de consensus. C'est un événement suffisamment important pour mériter d'être souligné.
Si j'apporte un bémol, c'est parce que nous avons eu, tout à l'heure, un beau moment d'éloquence du député Grobet, ancien chef du département des travaux publics, de 1980 à 1993, qui nous a expliqué à quel point tout ce qu'il avait mis en place, grâce aux initiatives populaires de 1975 et de 1985 - à l'égard desquelles il semble éprouver une pointe de nostalgie - avait contribué au mieux-être de ce canton.
Mais force est de remarquer, au moment où il a rendu les clés de son département - sans avoir fait beaucoup pour la relance, alors qu'il en avait la possibilité, je tiens à le dire - qu'il a laissé la situation économique de ce canton dans un état désastreux annoncé, ici même, dans ces années 1985 et 1986, alors que nous étions quelques-uns à nous inquiéter de ce surcroît d'Etat qui, dans sa détermination à tout réglementer, finissait pas décourager les meilleures volontés.
Vous vous racontiez tout à l'heure, je me raconterai un instant, on ne parle bien que de soi, chacun le sait. J'étais l'un des auteurs des avertissements précités et disais, à l'époque, que l'économie finit toujours par se venger des excès étatiques. Ces avertissements, qui n'ont pas été entendus parce que la conjoncture était autre, annonçaient exactement ce que je craignais : lorsque la crise a puni ceux qui abusaient du marché, elle a, du même coup, emporté dans ses vagues mortifères toutes les entreprises, tous les employés et les employeurs. Sans faire aucune discrimination, elle nous laisse aujourd'hui sur le flanc, un peu haletants et malheureux.
Depuis deux ans, nous avons un gouvernement homogène que d'aucuns, en face, disent monocolore. Nous avons soi-disant une majorité très forte au sein de ce parlement. Dans ce contexte, nous aurions pu - et on ne cesse de le dire en face - nous attendre à ce que le ménage libéral ou «libéralisateur» se fasse avec plus d'énergie. Par exemple, nous aurions pu nous attendre à la disparition complète de certaines lois par trop contraignantes et la LDTR aurait pu connaître ce sort.
J'observe, aujourd'hui, que si nous atteignons ce consensus, et sans demander qui a peur de qui, c'est tout simplement parce que ceux, dont vous dites qu'ils abusent de leur force, veulent ne pas en abuser, veulent tenir compte de la situation des uns et des autres, veulent favoriser le consensus et la relance volontaire de chacun sur la prise de position idéologique dont nous sommes constamment accusés. Une démonstration pareille à celle d'aujourd'hui, sur un sujet aussi majeur, venant de ceux constamment placardés comme auteurs d'un combat bilatéral ou binôme, où chacun veut imposer les règles de la force, méritait d'être soulignée.
Il ne faut tout de même pas que vous nous priviez du bénéfice des concessions majeures, octroyées par les bancs de l'Entente, sur des objets qui n'ont rigoureusement rien de modeste. Les concessions arrachées, au terme de négociations très serrées menées ces derniers jours, entament un peu ce qui aurait été un vrai toilettage de la LDTR, tel que beaucoup de milieux de l'économie genevoise l'auraient légitimement souhaité.
J'ai dit et répète que Genève souffre actuellement d'un excès d'étatisme et de rigidité. Les propositions récentes de la gauche, sur lesquelles nous voterons le mois prochain, consistent à confisquer encore un peu plus de la manne privée au profit de l'Etat avec l'augmentation des impôts. Je vous rappelle aussi l'initiative 105, que nous avons eu la sagesse de refuser. En effet, on voulait nous faire voter oui ou non sur huit pages imprimées de texte, un oui ou un non, trois oui ou trois non, sur quarante-cinq propositions. Cette initiative constituait un détournement de la démocratie, et son contenu, à plusieurs endroits, dénotait le renouveau de cet étatisme rampant que nous essayons, aujourd'hui, de repousser.
Le peuple de Genève n'est composé ni de locataires, ni d'employés, ni d'employeurs, ni d'entreprises. Il est composé de tout le monde. Les locataires sont aussi des travailleurs ou des employeurs et tous vivent à Genève, heureux ou malheureux, selon la conjoncture. Il ne sert donc à rien de vouloir dresser artificiellement une partie de la population genevoise contre une autre ou, mieux encore, une partie contre elle-même. Aujourd'hui, nous voulons la confiance, c'est-à-dire que l'Etat cesse de jauger chacune de nos volontés individuelles d'entreprendre des actions. Nous voulons respirer comme des hommes libres. Pour y parvenir, il faut moins de lois carcérales et la conviction que les autorités politiques, y compris ce Grand Conseil, cesseront enfin de nous bâillonner, de nous museler.
A cet égard, la LDTR rénovée n'est que le strict minimum. Néanmoins, je salue l'effort fourni pour que nous nous rassemblions sur un texte de convergence. C'est moins que ce que j'aurais espéré, c'est moins que ce que l'économie genevoise attendait de son parlement et de son gouvernement. Commençons et voyons si cela suffira ! (Applaudissements.)
M. Olivier Vaucher (L). M. Grobet a évoqué la première initiative de 1975, certes justifiée à l'époque. Aujourd'hui, la nécessité n'est plus du tout la même. La crise structurelle, et non conjoncturelle, oblige à revoir les lois dans le but de sauvegarder des emplois, contrairement à ce qu'affirment certains à la table des rapporteurs.
La spéculation pure, je vous le concède, doit disparaître en faveur de la construction encouragée. M. Grobet veut ignorer l'évolution des faits. Tout le monde me suivra si j'affirme que la folie des années 80 ne pouvait continuer. Cependant, aujourd'hui et après six ans de crise, on ne peut plus se permettre de constater seulement que l'on est allé trop loin. On doit faire tout ce qui est en notre pouvoir pour maintenir des effectifs déjà réduits de moitié.
Bien que la loi proposée soit totalement insuffisante pour encourager l'investisseur-constructeur - un propriétaire-constructeur vient de me confier qu'elle ne l'inciterait pas à rénover ou à rehausser légalement ses immeubles - elle offre, néanmoins, l'avantage de susciter quelques lueurs d'espoir.
En guise de conclusion, je vous demanderais, Monsieur le président, de procéder à la lecture de la lettre de trois entrepreneurs qui luttent pour maintenir des emplois.
Le président. Monsieur le deuxième secrétaire, veuillez donner lecture de la lettre de MM. Perrin, Erny et Andrey du 24 janvier 1996.
Annexe LETTRE
C 390
M. René Koechlin (L). Permettez-moi d'apporter une précision et une révélation à propos du discours de M. Grobet.
Si, comme lui, on ne considère que les immeubles transformés ou rénovés durant ces douze dernières années, on finit par en énumérer un certain nombre. Ce qui est préoccupant, voire inquiétant, ce sont tous les bâtiments, plus ou moins intéressants par leur architecture ou leur fonction, qui se dégradent lentement et inéluctablement pour le seul motif que le carcan législatif, en général, et la LDTR, en particulier, dissuadent leurs propriétaires d'entreprendre les travaux nécessaires.
Quant à la révélation, la voici pour la petite histoire : j'ai trouvé plutôt piquantes les allusions de M. Grobet à l'absence de M. Dupraz à la table des pourparlers, hier soir. Monsieur, vous avez pris une seule fois part à ces pourparlers : c'était précisément hier soir ! Et c'est la seule et unique fois que je vous y ai vu, moi qui ai assisté, sans exception, à toutes les réunions, internes à la commission, externes, ordinaires, extraordinaires, tôt le matin, tard la nuit. Monsieur Grobet, s'il est un point particulier où vos propos sont déplacés, c'est bien sur celui-là.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. D'entrée, je vous lirai une déclaration du Conseil d'Etat au sujet du troisième élément du train de la LDTR, à savoir le règlement d'application de la loi sur les constructions et installations diverses, concernant les normes techniques dans le domaine de l'isolation et du chauffage :
«Parallèlement à leurs propositions sur les modifications de la LDTR et la création d'un bonus à la rénovation, les partenaires sociaux de la construction avaient proposé au Conseil d'Etat une modification des articles 56 a) et b) du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses. Cette modification a été adoptée par le Conseil d'Etat le 18 décembre 1995. Diverses adaptations, d'ordre purement formel, ont été apportées aux propositions émises par les partenaires sociaux. Ces derniers estiment que deux de ces adaptations consacrent une divergence de fond par rapport à leurs propositions, divergence qui n'est pas souhaitée par le Conseil d'Etat. En conséquence, et pour éviter un débat inutile sur la formulation des textes en cause, le Conseil d'Etat, dans sa séance du 24 courant, a modifié les alinéas 2 et 3 de l'article 56 A, afin de les rendre parfaitement conformes aux textes proposés par les partenaires sociaux.»
Venons-en maintenant au principal. Il y a deux ans déjà, nous tenions, mon collège Haegi et moi, nos premières réunions concernant la LDTR, avec - à tout seigneur, tout honneur ! - le Rassemblement pour une politique sociale du logement.
Je tiens à rendre hommage à toutes celles et ceux qui sont intervenus, avec des partenaires variés, à travers les différentes phases fort complexes de l'élaboration de ce projet. Je remercie en particulier les collaboratrices et les collaborateurs de mon département et des autres départements. Et je salue le coup de pied magistral des syndicats du bâtiment à la classe politique !
Nous vivons un jour historique, celui où, parlant de logement, nous espérons déboucher sur le vote d'un projet de LDTR gardant l'essentiel de ses qualités, car elle en a, et s'adaptant à l'évolution actuelle. Permettez-moi quelques remarques :
L'article 8, alinéa 3 : je trouve bien de laisser tomber cet alinéa. Cette proposition permet de couper court à toute rumeur ou allégation de vente et de changement d'affectation. L'article 8 légalise, dès lors, la pratique ancienne, en la matière, du département des travaux publics et de l'énergie. Il faudra liquider un ou deux cas qui concernaient, par exemple, des échanges avec des soultes, comme celle de la BPS.
L'article 39, alinéa 3 : la suppression de cet alinéa, qui créait une présomption d'autorisation de vente d'un appartement en faveur du locataire y résidant depuis six ans, me paraît être une bonne chose.
Nous avons beaucoup évolué depuis 1975. Il n'a jamais été question de forcer. Nous avons voulu une approche incitative, et non plus exclusivement restrictive du texte de la loi. Du reste, c'est ce que nous essayons de faire dans l'ensemble de nos activités. Sans conteste, cela constitue un signal à l'ensemble des milieux concernés, pour les encourager à intervenir plus activement sur le marché immobilier genevois, qu'il soit local ou national.
Nous avons voulu lutter contre le grave vieillissement du parc immobilier locatif. Les immeubles se vendent toujours. Nous avons appelé à la mise en oeuvre de travaux de rénovation et d'entretien légers, créant ainsi un outil de relance économique permettant de garder un parc de logements au centre-ville. Moyennant certaines conditions, le bonus conjoncturel de 10 millions pourra être prolongé si votre Grand Conseil le décidait.
Nous avons pris en compte, dans les besoins prépondérants de la population, les critères tels que le genre de l'immeuble, la surface des pièces et des appartements, les exigences liées à la préservation du patrimoine, le genre, la typologie, la qualité des logements existants, ainsi que le prix de revient des logements créés, transformés ou reconstruits.
Nous légalisons l'ancienne pratique du département des travaux publics et de l'énergie de compensation, mètre par mètre, dans les opérations de changement d'affectation. Nous excluons des appartements de plus de six pièces ceux entrant dans une catégorie où sévit la pénurie, et nous instituons un intérêt privé prépondérant pour le locataire en place, désireux d'acheter son logement, ceci pour autant que 60% des locataires de l'immeuble ne s'y opposent pas et que les locataires restants - ceci est très important - obtiennent la garantie de ne pas être contraints soit de partir soit d'acheter leur appartement.
Comme l'a rappelé M. Champod, nous permettons le départ en construction d'autres types d'immeubles que ceux, plutôt grands, figurant dans l'immense «paquet» des réalisations en panne. En l'occurrence, nous travaillons sur des objets concernant les PME.
Je conclus en vous remerciant de voter ce projet de loi qui préserve les acquis sociaux des locataires, qui permet de rénover avec intelligence, discrétion et modestie - je pèse mes mots - un parc immobilier qui en a un besoin urgent, avec la collaboration des PME du bâtiment. (Applaudissements.)
Ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Titre et préambule
Le président. Une demande d'amendement à ce sujet est présentée par les partis démocrate-chrétien, radical et libéral.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Nous proposons que l'intitulé de la loi devienne :
«Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesure de soutien en faveur des locataires et de l'emploi)».
En ajoutant cette précision, nous marquons ainsi, ce soir, une volonté politique.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Le Bureau et les chefs de groupe ont décidé tout à l'heure d'interrompre la séance entre 19 et 21 h. En effet, de nombreux amendements doivent être présentés. Certains amendements sont communs à l'Entente et à l'Alternative. Par ailleurs, David Hiler, Laurent Moutinot et moi-même avons déposé plusieurs amendements spécifiques. Enfin, l'Entente va proposer d'autres amendements. Nous allons examiner tous ces amendements, ce qui prendra un certain temps. Je me demande donc s'il est bien opportun d'entamer ce débat maintenant. Il me semble qu'il serait plus judicieux, comme nous l'avons suggéré, de procéder au deuxième débat après la pause. Je le demande formellement.
Le président. La prestation de serment des juges que nous venons d'élire étant prévue à 20 h 30, je propose donc que l'on travaille jusqu'à 20 h 30, puis, avant la pause, nous procéderons à la prestation de serment. Je mets aux voix cette proposition.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de poursuivre les travaux jusqu'à 20 h 30 est adoptée par 48 oui contre 37 non.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de troisième minorité. Je souhaite que nous conservions le titre de la loi : «Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation», sans ajouter le texte entre parenthèses.
Tant qu'un référendum était en vue, je comprenais que certains, par souci de «précision», pouvaient souhaiter cet ajout. Mais, au sens strict, cette loi ne consiste pas en une mesure de soutien en faveur des locataires et de l'emploi. Elle en intègre divers éléments, et j'éprouve une certaine gêne en constatant qu'on insère dans des lois des éléments qui relèvent plus de la propagande que du contenu de la loi. Je propose donc une dénomination plus adéquate pour cette loi, à savoir le maintien du libellé initial.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Je partage pleinement l'avis exprimé par David Hiler dans la mesure où, et on l'a rappelé tout à l'heure, la LDTR est une loi d'aménagement du territoire et non une loi de politique économique ni de défense des locataires, même si elle a des effets indirects sur la défense des locataires. David Hiler a raison, le titre avait été proposé dans sa modification en vue d'un éventuel référendum. Mais, au vu de l'évolution des pourparlers et de la situation actuelle, je pense qu'il n'est plus nécessaire de le modifier. Pour nous, en tout cas, ce n'est pas un problème fondamental. Toutefois, un problème subsiste, car en ce qui concerne la constitutionnalité, le droit du bail - M. Opériol l'a rappelé tout à l'heure - relève de la compétence fédérale. Or, du strict point de vue juridique, le canton de Genève ne peut pas s'arroger des compétences en matière de droit de défense des locataires. M. Maitre sourit, lui qui nous rappelle toujours qu'il n'a pas de marge de manoeuvre, vu le peu de compétences dont Genève bénéficie. Il devrait le reconnaître lorsque le cas se présente réellement.
M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. La petite modification apportée dans le titre de cette loi justifie un grand changement à l'intérieur de la LDTR. En effet, les articles 15 à 25 changent dans le cadre du bonus conjoncturel à la rénovation, d'où l'effet des mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi. Le mot locataire y a pris place car beaucoup d'articles ont été changé en sa faveur. Je maintiens donc cet amendement.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Je partage entièrement l'avis du rapporteur de majorité et je tiens à rappeler que cette proposition provient des partenaires sociaux. Je vous engage vivement à l'accepter.
M. Bernard Clerc (AdG). Si on veut donner des indications quant au soutien apporté par cette loi, il faut être exhaustif et pas se limiter aux locataires et à l'emploi. Je vous propose donc de rajouter :
«(mesures de soutien en faveur des locataires, des propriétaires, des entreprises du bâtiment et de l'emploi)» !
Le président. Je mets aux voix l'amendement portant sur le titre de la loi visant à le compléter de la manière suivante :
«(mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi)».
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cet amendement est adopté par 44 oui contre 33 non.
Le titre, ainsi amendé, et le préambule sont adoptés.
Article 1
M. Bénédict Fontanet (PDC). Monsieur le président, j'espère que vous avez bien nettoyé vos lunettes et que vous verrez clair, car si on doit voter par assis et levé...
Le président. Il suffit, Monsieur le député ! (Brouhaha.)
M. Bénédict Fontanet. Certes, il suffit, Monsieur le président, et je mets immédiatement le holà à ma pernicieuse flagornerie et à mon persiflage !
Nous proposons de modifier la fin du paragraphe 1 de l'article 1 - je pense que cela ne sera pas contesté - de la manière suivante :
«La présente loi a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées à l'article 2.»
En effet, le texte qui était proposé, tel qu'il ressortait de la commission, n'avait pas de systématique par rapport aux différentes zones qui existent au plan légal dans notre canton. Nous vous prions de bien vouloir adopter cet amendement.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Nous nous y rallions d'autant plus que nous l'avons suggéré.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Le parti des Verts a proposé un amendement à la lettre b) de l'article 1. Est-il toujours d'actualité ?
M. David Hiler (Ve), rapporteur de troisième minorité. J'ai signalé dans mon intervention que les amendements que nous avions déposés ont souvent été repris sous une autre forme et que nous étions satisfaits. C'est pourquoi nos amendements - sauf celui repris avec MM. Moutinot et Ferrazino - sont retirés.
Mis aux voix l'article 1, ainsi amendé, est adopté, de même que l'article 2.
Article 3
M. Bénédict Fontanet (PDC). Nous proposons de préciser cette disposition en ajoutant, à l'alinéa 2, le terme «raisonnables» :
«2Les travaux d'entretien régulier et raisonnables ne sont pas considérés comme travaux de transformation.»
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Nous avons également déposé un amendement à l'alinéa 2 de l'article 3. La proposition d'amendement présentée par M. Fontanet prévoit que les travaux d'entretien régulier et raisonnables ne sont pas considérés comme des travaux de transformation.
Notre proposition stipule qu'en application de la jurisprudence actuelle des tribunaux, et plus particulièrement du Tribunal fédéral, seuls les travaux qui entraînent un changement qualitatif du logement ou de l'immeuble sont soumis à autorisation. J'attire votre attention sur la différence, peut-être ténue, existant entre ces deux propositions, mais puisque, soi-disant, le désir qui vous anime est de clarifier la loi, nous proposons d'utiliser des mots compréhensibles et qui ne soient pas susceptibles d'être interprétés. En effet, la terminologie utilisée, soit des «travaux d'entretien régulier et raisonnables», apparaît comme une notion résolument floue. Nous proposons donc la version suivante :
«2Ne sont pas considérés comme des travaux de transformation les travaux d'entretien courants, dans la mesure où ceux-ci n'entraînent pas un changement qualitatif de l'immeuble ou du logement, notamment par suite d'une augmentation des loyers.»
On peut faire confiance à cette terminologie, qui est celle utilisée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, en partant de l'idée qu'elle a adopté la définition la plus précise possible afin de permettre de différencier des autres les travaux d'entretien qui n'auraient pas de conséquence sur la qualité du logement. Voilà le sens de cette proposition, mineure il est vrai, en regard de celle proposée par M. Fontanet, mais qui a au moins l'avantage d'être clairement formulée. Il semble que nous ayons le même objectif. Par conséquent, autant le formuler le plus clairement possible.
Mis aux voix, l'amendement présenté par M. Ferrazino est rejeté.
Mis aux voix, l'amendement présenté par M. Fontanet est adopté.
Mis aux voix, l'article 3, ainsi amendé, est adopté, de même que les articles 4 et 5.
Article 6
M. Bénédict Fontanet (PDC). Afin de mettre en conformité l'article 6 avec l'article 9 de la loi, nous souhaitons rajouter, à l'alinéa 1, lettre b), les termes «d'intérêt public» :
«b) lorsque l'intérêt public le commande, soit pour permettre la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public, de travaux publics ou la construction d'édifices publics;».
Ainsi ce passage correspondra à la systématique adoptée dans la loi.
Nous proposons deux autres amendements à cet article. Le premier à l'alinéa 2 :
«2Le département accorde la dérogation si les logements reconstruits répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population; il tient compte, dans son appréciation, des éléments suivants : ».
Nous supprimons ainsi le terme «notamment».
Le deuxième amendement concerne à l'alinéa 2 la lettre d) (nouvelle teneur) :
«d) de la surface des pièces et des appartements, ainsi que de la surface des logements nouvellement créés.»
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de deuxième minorité. Une erreur s'est glissée dans les amendements proposés par M. Fontanet. A la lettre d), il s'agit en effet :
«du nombre de pièces et des appartements, ainsi que de la surface des logements nouvellement créés.»
Nous sommes d'accord avec cette version de l'amendement.
Le président. Je mets aux voix les amendements suivants :
à l'article 6, alinéa 1, lettre b) :
«b) lorsque l'intérêt public le commande, soit pour permettre la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public, de travaux publics ou la construction d'édifices publics;»
à l'article 6, alinéa 2 :
«2Le département accorde la dérogation si les logements reconstruits répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population; il tient compte, dans son appréciation, des éléments suivants : »
à l'article 6, alinéa 2, lettre d)
«d) du nombre de pièces et des appartements, ainsi que de la surface des logements nouvellement créés.»
Mis aux voix, ces amendements sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 6, ainsi amendé, est adopté, de même que l'article 7.
Article 8, alinéas 1 et 2
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de deuxième minorité. M. Hiler et moi-même proposons un amendement à l'alinéa 1 de l'article 8 consistant à changer «ou» en «et» :
«...si les circonstances le justifient, notamment :
- le maintien ou le développement des activités existantes, et
- les conditions d'habitation précaires dans un immeuble, ou
- lorsque le bâtiment est déjà principalement affecté à d'autres buts que le logement.»
Ainsi la troisième condition reste alternative.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Pour la bonne compréhension de la loi, il me semble préférable de faire des deux premiers paragraphes un seul paragraphe :
«...si les circonstances le justifient, notamment :
- le maintien ou le développement des activités existantes et les conditions d'habitation précaires dans un immeuble, ou
- lorsque le bâtiment est déjà principalement affecté à d'autres buts que le logement.»
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Nous n'avons pas cosigné cet amendement parce que nous en avons présenté un autre portant sur les alinéas 1 et 2 :
«Un changement d'affectation d'un logement peut être autorisé à titre exceptionnel, si un intérêt majeur le justifie et pour autant que cette dérogation soit compatible avec le maintien de l'habitat. Dans ce cas, des locaux d'activité d'une surface au moins équivalente, situés dans le même immeuble ou à proximité, offrant des conditions de logement et de loyer au moins équivalentes, doivent être affectés au logement.»
Nous sommes tous d'accord pour que l'alinéa 3 - celui que nous avons appelé les pots-de-vin légaux, n'en déplaise à M. Dupraz ! - soit supprimé. Cependant, nous divergeons quant aux alinéas 1 et 2 portant sur la compensation en nature, ce qui explique la présence de deux amendements. La proposition de MM. Hiler et Moutinot est plus favorable que le texte initial parce qu'on peut mieux se situer à partir de ses cautèles. Ainsi, la dérogation ne serait accordée que par le cumul de ces deux éléments. Nous pensons que de ce seul point de vue le maintien du développement des activités existantes ne serait pas suffisant pour permettre une dérogation, d'où le libellé de l'article 8, alinéas 1 et 2 que vous trouvez en page 2 et qui prévoit, sous une autre forme, la compensation en nature.
Mis aux voix, l'amendement présenté par M. Ferrazino est rejeté.
Le président. Je mets aux voix l'amendement suivant portant sur l'alinéa 1 :
«...si les circonstances le justifient, notamment :
- le maintien ou le développement des activités existantes et les conditions d'habitation précaires dans un immeuble, ou
- lorsque le bâtiment est déjà principalement affecté à d'autres buts que le logement.»
Cet amendement est adopté.
Article 8, alinéa 3
M. David Hiler (Ve), rapporteur de troisième minorité. Christian Ferrazino, Laurent Moutinot et moi-même proposons de supprimer l'alinéa 3 de l'article 8.
En effet, comme l'a dit M. Joye, il s'agit de supprimer un article pouvant susciter bien des rumeurs, soit la compensation en argent d'un certain nombre de dérogations, les «pots-de-vin légaux» comme les appellent certains. C'est l'un des points déterminants pour notre acceptation de la LDTR modifiée.
Mis aux voix, l'amendement consistant à supprimer l'alinéa 3 de l'article 8 est adopté.
Mis aux voix, l'article 8, ainsi amendé, est adopté.
Article 9
M. Bénédict Fontanet (PDC). Nous proposons à l'article 9 les mêmes modifications qu'à l'article 6 :
- supprimer le terme «notamment» à l'alinéa 2 :
«2Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population; il tient compte, dans son appréciation, des éléments suivants :»
- modifier à l'alinéa 2 la lettre d) (nouvelle teneur) :
«d) du nombre de pièces et des appartements, ainsi que de la surface des logements nouvellement créés;»
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Fontanet, il me semble qu'il fallait, pour la lettre e) de l'alinéa 1, reprendre la même définition que celle que vous aviez donnée pour les travaux d'entretien.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Pour les travaux d'entretien à l'article 3, alinéa 2, nous avons adopté le premier libellé, soit le libellé FMB. Il ne se justifie donc pas, Monsieur Grobet, de modifier la disposition que vous venez d'évoquer à l'article 9. S'agissant de cet aspect, cet article doit rester inchangé.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. L'Alliance de gauche propose également un amendement à cet article. Nous reprenons la proposition initiale formulée qui prévoit précisément à la lettre e) une spécification. Nous proposons le libellé suivant :
«pour les travaux de rénovation ou pour les travaux d'entretien soumis à la loi.»
Nous l'avons vu, les travaux d'entretien ne sont pas soumis à la loi dans leur ensemble. Comme l'a rappelé M. Fontanet, seuls certains travaux d'entretien qui sont visés à l'article 3, alinéa 2, sont soumis à la loi. Il fallait préciser que pour ces travaux une autorisation doit être obtenue. Nos amendements sont libellés dans le but d'éviter des confusions.
M. Bénédict Fontanet (PDC). M. Ferrazino, le libellé que nous avons adopté s'agissant de l'article 3, alinéa 2, me paraît très clair. Par contre, celui que vous suggérez me semble générer une confusion et je pense que nous devrions nous en tenir à la proposition initiale.
M. Christian Grobet (AdG). Je désire que M. Fontanet soit plus explicite en ce qui concerne l'amendement apporté à l'article 3, alinéa 2. Est-ce une pure clause de style, ou cet alinéa 2, tel que modifié, a-t-il une portée concrète comme nous avions cru le comprendre ? Si, dans le cadre de la définition des travaux de transformation, on a modifié le terme de «travaux d'entretien», il apparaît évident que cette définition doit se retrouver à l'article 9. Autrement, il existerait une contradiction entre ces deux dispositions. Quel est le but de la précision apportée à l'article 3, alinéa 2 ? S'agit-il, oui ou non, de travaux soumis à la loi ?
M. Bénédict Fontanet (PDC). Je renverrai M. Grobet au libellé de l'article 3, alinéa 1, qui prévoit : «1Par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet : [liste descriptive des travaux]. 2Les travaux d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation.» A contrario, si les travaux d'entretien ne sont pas considérés comme d'entretien régulier ou raisonnables, ils sont assimilés à des transformations, sans quoi cet alinéa serait vide de sens. Comme, dans l'hypothèse de travaux d'entretien extrêmement importants, non réguliers et non raisonnables, ils ne seraient pas considérés comme de simples travaux d'entretien, mais définis en tant que transformation. A ce moment, il n'est pas nécessaire d'apporter votre précision à l'article 9, puisque les choses sont claires, en raison de la systématique légale.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Les explications de M. Fontanet confirment cet amendement. Vu les garanties données, nous le retirons.
Par ailleurs, nous proposons d'ajouter un alinéa 3 (nouveau) à l'article 9 :
«3Lorsque les conditions prévues par le présent article ne sont pas réalisées, l'autorisation est refusée.»
Cet amendement n'apporte rien de plus. Il ne fait que préciser certains éléments.
M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. On peut garantir que l'autorisation sera refusée si les conditions ne sont pas remplies, mais ce point ne devrait pas faire l'objet d'un nouvel article dans la loi qui est déjà assez chargée.
M. Bénédict Fontanet (PDC). J'ai beaucoup de respect pour le fin juriste qu'est M. Ferrazino. Toutefois, il m'apparaît inutile d'indiquer, dans toutes les lois délivrant des autorisations, que l'autorité doit les refuser lorsque les conditions ne sont pas remplies, sauf si l'on considère que l'autorité est amenée à donner des autorisations lorsque toutes les conditions ne sont pas réunies. Nous n'imaginons pas un seul instant que cela puisse être le cas du Conseil d'Etat.
Mis aux voix, l'amendement présenté par M. Ferrazino est rejeté.
Le président. Je mets aux voix les amendements présentés par M. Fontanet :
«2Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population; il tient compte, dans son appréciation, des éléments suivants : »
«d) du nombre de pièces et des appartements, ainsi que de la surface des logements nouvellement créés;»
Ces amendements sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 9, ainsi amendé, est adopté.
Article 10
M. Bénédict Fontanet (PDC). Nous proposons l'article suivant :
«1Le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux; il en fait de même pour les prix de vente maximaux des logements si ceux-ci sont soumis au régime de la propriété par étages ou à une autre forme de propriété analogue.
2Le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévue à l'alinéa 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment :
a) lorsque les loyers après transformations demeurent peu élevés;
b) lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leurs loyers dépassent d'ores et déjà d'au moins 2 fois et demie les besoins prépondérants de la population.»
Cet amendement résulte des négociations entre les partenaires sociaux et la FMB, ainsi qu'entre les différents partenaires de ce Grand Conseil. Nous vous invitons à voter cet article ainsi libellé.
M. Bernard Clerc (AdG). N'ayant pas participé à ces longues et tumultueuses négociations, je me demande ce que l'on entend par : «des loyers qui demeurent peu élevés» et si, dans le fond, cette disposition ne conduira pas à la disparition des loyers les plus bas, comme on en trouve encore un certain nombre à Genève.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Nous n'avons pas d'objection à l'amendement de l'alinéa 1, puisque nous présentons la même modification.
Cependant, à l'alinéa 2 - «Le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévue à l'alinéa 1, lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment :» - M. Clerc a raison de se demander quels sont ces loyers très bon marché. Il existe deux sortes de loyers. Ceux dont le coût se trouve en dessous du loyer répondant aux besoins prépondérants de la population et ceux dont le coût est supérieur, selon cette nouvelle proposition, à deux fois et demie les besoins prépondérants de la population. Les tribunaux ont défini ce taux par une fourchette allant d'un minimum à un maximum. Je comprends qu'il s'agit de deux fois et demie le maximum du besoin prépondérant, autrement cela n'a pas de sens. Afin d'éviter des confusions, il convient d'expliciter très clairement les énoncés des articles de loi. Même si M. Gardiol hoche positivement la tête, j'estime qu'il vaut mieux les préciser, ainsi nous pourrons y souscrire. S'il s'agit d'une autre notion, nous devrons émettre des réserves.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Monsieur Clerc, les lois sont générales et abstraites et on ne peut pas toujours ni tout fixer ni tout déterminer. Le règlement du Conseil d'Etat, la pratique des autorités administratives et, le cas échéant, la jurisprudence des autorités administratives précisent la loi. Pour ce qui est des besoins prépondérants de la population, Monsieur Ferrazino, nous entendions deux fois et demie le montant maximum des loyers à la pièce, tel qu'il est fixé par la jurisprudence.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Le taux des besoins prépondérants de la population se situe dans une fourchette et pour que les appartements soient en dehors des normes de la LDTR, il faut que l'on retrouve cette même fourchette multipliée par deux fois et demie relativement aux besoins prépondérants.
Le président. Je mets aux voix l'amendement suivant :
«1Le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux; il en fait de même pour les prix de vente maximaux des logements si ceux-ci sont soumis au régime de la propriété par étages ou à une autre forme de propriété analogue.»
Cet amendement est adopté.
M. Christian Grobet (AdG). D'après le texte que l'on vient de voter, les loyers demeureront peu élevés après transformation. Quelles garanties avons-nous à ce sujet ? Comment cet objectif sera-t-il concrétisé ? La question de M. Clerc est restée sans réponse.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Les débats montrent le peu de clarté des modifications proposées. Pour ma part, j'en reste à l'explication donnée par M. Fontanet, puisqu'il est l'auteur de cet amendement. En tout cas, il l'a présenté. Il nous dit qu'il l'interprète comme étant deux fois et demie le maximum du taux des besoins prépondérants. Mais la notion est ambiguë en ce qui concerne les bas loyers, voire pas du tout précisée. Pour cette raison, nous préférons nous abstenir.
M. Jean Opériol (PDC). Monsieur Grobet, nous connaissons le prix des loyers après travaux au moment où l'on sollicite l'autorisation puisque, de toute façon, il faut donner l'état locatif pour l'obtenir.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Je voulais rectifier une chose, Monsieur le président, au risque de me faire fusiller par mes amis de l'Entente. Je ne présente pas les amendements en mon nom personnel, mais au nom des partis radical, Monsieur Lescaze, libéral et démocrate-chrétien. Je tenais à ce qu'il soit rendu justice. Nous avions convenu que je les présenterai. Vous me les avez généreusement attribués, Monsieur le président, mais ils n'émanent pas que de moi, loin s'en faut.
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de deuxième minorité. La phrase «Lorsque les loyers après transformations demeurent peu élevés.» est le texte légal actuel. Par conséquent, il ne saurait être interprété autrement que comme tel, puisqu'il ne sera pas modifié.
Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Ferrazino :
«2Le département peut renoncer [...] demeure peu élevé.»
Cet amendement est rejeté.
Le président. Je soumets à votre approbation l'amendement proposé par M. Fontanet ès qualités portant sur l'alinéa 2 :
«2Le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévue à l'alinéa 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment :
a) lorsque les loyers après transformations demeurent peu élevés;
b) lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leurs loyers dépassent d'ores et déjà d'au moins 2 fois et demie les besoins prépondérants de la population.»
Cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 10, ainsi amendé, est adopté, de même que les articles 11 à 14.
Article 15
M. Bénédict Fontanet (PDC). L'Entente rend grâce au député Barro qui a présenté cette suggestion, de façon à permettre le cumul des aides.
Nous proposons de modifier l'alinéa 4 de l'article 15 :
«4Les locataires d'immeubles soumis à la loi ne bénéficiant pas de l'aide cantonale au logement peuvent demander à recevoir l'allocation de logement prévue à l'art. 30 A, aux conditions fixées par l'article 39B de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977.»
Cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 15, ainsi amendé, est adopté, de même que l'article 16.
Article 17 (nouvelle teneur)
Le président. Nous sommes en présence d'un amendement du Conseil d'Etat.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Vous recevez toute une série d'amendements qui concernent le bonus. Ce sont des propositions formelles permettant de bien ancrer cette notion de bonus dans la loi. Il s'agit de prévoir la couverture financière des charges en intérêts et en amortissement, de modifier la rubrique «subventions accordées aux grands travaux», et non celle du «train annuel», et de voter un crédit de 20 millions en deux tranches, etc. Tout ceci figure à l'article 17 dont vous avez reçu les sept alinéas.
Le président. Vous avez trouvé sur vos bureaux un document émanant du Conseil d'Etat et concernant le bonus à la rénovation.
Feuille A4 Conseil d'Etat
Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par le Conseil d'Etat :
Art. 17
Crédit d'investis-sement
1Un crédit de 20 000 000 F est ouvert au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale d'investissement pour encourager la rénovation et de permettre la mise en oeuvre de ce bonus conjoncturel.
Budgets d'investis-sement
2Ce crédit est réparti en deux tranches annuelles de 10 000 000 F inscrites au budget d'investissement des années 1996 et 1997 sous la rubrique 52.01.00.568.01.
Financement
3Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels, dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Amortissement
4L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.
Evaluation
5Au-delà de 1997, le Conseil d'Etat devra évaluer les effets du bonus conjoncturel à la rénovation et présenter un rapport au Grand Conseil.
Nouveau crédit
6Si le taux de chômage annuel est supérieur ou égal à 4%, le Conseil d'Etat pourra chaque année proposer au Grand Conseil l'ouverture d'un nouveau crédit d'investissement d'un montant à définir.
Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
7La présente section est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 17, ainsi amendé, est adopté, de même que les articles 18 à 20.
Article 21
M. Bénédict Fontanet (PDC). Nous proposons un amendement consistant à compléter la fin de l'alinéa 2 de l'article 21 :
«2En règle générale, la subvention n'excédera pas 15% du coût des travaux de rénovation donnant droit à rémunération du capital investi et ne sera pas répercutée sur les loyers.»
Nous partageons cet amendement avec M. Moutinot et le groupe socialiste.
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de deuxième minorité. Nous acceptons cet amendement qui est conforme à nos voeux. Nous proposons un autre amendement à l'article 21 consistant à remplacer l'alinéa 1 actuel par un texte figurant à la page 53 du rapport de minorité :
«1La subvention peut être allouée pour tout projet de rénovation raisonnable et justifiée de maisons d'habitation, à l'exception des immeubles de luxe.
La subvention est allouée en priorité pour permettre la rénovation d'immeubles vétustes et bon marché en maintenant, après travaux, des loyers se situant en dessous de ceux correspondant aux besoins prépondérants de la population.»
L'amendement proposé a pour effet d'élargir le champ possible pour l'allocation de la subvention - et de ne pas simplement le limiter aux immeubles dont les loyers sont trop bas ou trop élevés - afin de permettre une intervention de ce bonus sur tous les projets de rénovation. En effet, le but du bonus n'est pas d'avoir un impact sur les loyers, mais de favoriser les projets de rénovation qui ont des difficultés à trouver un financement. Il s'agit d'ouvrir la porte à tous les projets à l'exception de ceux qui auraient un caractère luxueux. Comme la manne étatique n'est pas illimitée, il est précisé que la priorité est accordée aux immeubles à loyers modérés. Je pense que cette précision est préférable au texte actuel.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Il faut vous rappeler, Monsieur Moutinot, que l'introduction de ce bonus a pour but de faire démarrer des travaux de rénovation ou de transformation qui ne pourraient être réalisés sans lui. En somme, il représente le but principal de la modification de cette loi. De ce fait, je vous recommande d'en rester au texte actuel avec l'amendement des partis de l'Entente présenté par M. Bénédict Fontanet et de rejeter celui de M. Moutinot.
Le président. Je mets aux voix la proposition d'amendement de M. Moutinot :
«1La subvention peut être allouée pour tout projet de rénovation raisonnable et justifiée de maisons d'habitation, à l'exception des immeubles de luxe.
La subvention est allouée en priorité pour permettre la rénovation d'immeubles vétustes et bon marché en maintenant, après travaux, des loyers se situant en dessous de ceux correspondant aux besoins prépondérants de la population.»
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cet amendement est rejeté par 46 non contre 38 oui.
Le président. Je soumets à votre approbation l'amendement proposé par M. Fontanet ès qualités :
«2En règle générale, la subvention n'excédera pas 15% du coût des travaux de rénovation donnant droit à rémunération du capital investi et ne sera pas répercutée sur les loyers.»
Cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 21, ainsi amendé, est adopté.
Article 22
M. Christian Grobet (AdG). Ce bonus vise à encourager la création d'emplois. On pourrait disserter longuement sur les nombreux problèmes liés aux secteurs du bâtiment et de l'économie. En période de crise - et c'est paradoxal - dans certaines entreprises le personnel travaille de plus en plus, fait des heures supplémentaires, ce qui empêche la création d'emplois. Ceci est particulièrement vrai dans le secteur de la construction où les entreprises gardent leurs commandes au lieu de partager le travail. De nombreuses dérogations permettent de faire des heures supplémentaires le samedi et même le dimanche. Les syndicats ouvriers se sont plaints de ces multiples chantiers ouverts le samedi grâce aux heures supplémentaires.
Le but de cet amendement, puisque le bonus vise à créer des emplois, est de s'assurer que les entreprises qui en bénéficient jouent le jeu et renoncent à ces pratiques consistant à recourir à des heures supplémentaires au lieu de faire appel à des travailleurs supplémentaires.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de troisième minorité. Vous ne serez pas surpris que les écologistes, partisans du partage du travail, vous encouragent très chaleureusement à soutenir cette mesure.
Nous savons qu'en Suisse, d'après les statistiques, la multiplication du nombre d'heures supplémentaires explique, en bonne partie, le taux de chômage. Et quand l'Etat donne de l'argent, il peut exiger qu'il serve à le réduire.
Maintenant que le terme «emploi» a été retenu dans le titre de cette loi, cet amendement nous évitera de futures polémiques concernant les modalités de fonctionnement d'entreprises par rapport aux heures supplémentaires. Cette règle est énoncée clairement et je comprendrais mal que l'on s'y oppose dans ce parlement. Oui, Monsieur Brunschwig, je le comprendrais mal !
M. Bénédict Fontanet (PDC). Je comprends l'enthousiasme de M. Hiler, mais, tout à l'heure, il se souciait de la conformité entre notre droit cantonal et le droit fédéral. En effet, je ne suis pas du tout certain que cette disposition puisse prendre place dans une loi comme celle que nous sommes en train de voter ce soir. A mon sens, elle n'est pas compatible et la disposition que vous visez n'a absolument rien à voir ni à faire avec le texte de loi que nous sommes en train de voter, quand bien même nous sommes tout à fait sensibles aux conditions de travail des employés dans le secteur du bâtiment. Je vous invite à rejeter cet amendement.
M. Bernard Annen (L). Je ne pense pas que l'on ait jamais créé un seul emploi en imposant une telle loi à des entreprises quelles qu'elles soient, Monsieur Grobet. C'est une erreur ! Je ne comprends pas cette position. Bien que l'abus des heures supplémentaires soit discutable, il faut laisser les protagonistes discuter entre eux. Votre proposition est d'autant plus incongrue, Monsieur Grobet, que n'importe quel chef d'entreprise peut signer un engagement tel que celui-ci, occuper les heures supplémentaires de son personnel sur un autre chantier et le tour est joué. Laissez donc les partenaires sociaux discuter des conditions de travail. Cela ne doit pas figurer dans cette loi ! Par conséquent, quels que soient les appels de M. Hiler, je vous propose de renoncer à ce genre de proposition, inutile à mon sens.
M. Michel Balestra (L). Cette loi a l'avantage d'agir sur deux axes spécifiques. Le premier, celui du bonus qui doit donner une impulsion, et le deuxième, la libéralisation, mot que je mets plusieurs fois entre parenthèses, car ce que l'on est en train de voter est tout sauf libéral. Mais je me suis laissé dire que cela apportait un mieux à ce qui existait, alors je partage la fête avec beaucoup de plaisir mais, de grâce, n'ajoutez pas de rigidité à ce projet qui, finalement, risque de ne pas atteindre l'objectif que nous nous sommes proposé de lui faire atteindre.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Fontanet, je connais la longue habitude que vous avez reprise de vos prédécesseurs d'invoquer des pseudo-problèmes de constitutionnalité lorsque votre parti n'est pas d'accord avec une proposition pour des raisons politiques. Vous êtes un excellent juriste et vous savez, tout comme moi, que lorsqu'un canton accorde des subventions il est libre de fixer un certain nombre de conditions. Par conséquent, il ne viole pas le droit fédéral. Ce problème est purement politique et, d'ailleurs, vos amis libéraux l'ont parfaitement bien compris.
Monsieur Annen, permettez-moi de m'étonner de votre suggestion que les partenaires sociaux règlent ce problème entre eux dans la mesure où vous savez fort bien que ce problème n'a pas été réglé par eux. En effet, l'administration accorde les autorisations d'heures supplémentaires beaucoup trop facilement. Le samedi, le SIB envoie fréquemment des délégations afin d'obtenir l'interruption de chantiers.
Nous sommes favorables à toutes les mesures permettant la création d'emplois et nous intervenons, depuis des années, dans ce domaine. Aujourd'hui, nous vous proposons une mesure concrète. Vous verrez, vous y viendrez ! On s'est gaussé à tort des mesures prises, voici quelques années, en Allemagne, mais les gens qui s'occupent de l'emploi savent qu'une seule mesure permettra de le rétablir : la diminution du temps de travail. Tout le reste n'est que discours et il faudra que chacun fasse des sacrifices si l'on veut partager ce travail. Un des moyens pour y arriver est d'éviter les heures supplémentaires et, dans ce sens, l'intervention de M. Hiler est extrêmement pertinente. Vous êtes au pied du mur et nous verrons si vous êtes conséquents.
M. Andreas Saurer (Ve). J'approuve cette proposition extrêmement pertinente concernant les heures supplémentaires. Elle l'est pour nous tous. En effet, tous partis confondus, nous sommes attachés à la lutte contre le chômage. Selon l'Union syndicale suisse, environ 3%, soit la moitié du taux de chômage, pourrait être absorbé par la suppression des heures supplémentaires. M. Grobet a cité le cas de l'Allemagne où les partenaires sociaux et les représentants de l'Etat se sont assis autour d'une table, suivant une proposition des syndicats pour trouver une réponse à l'augmentation du chômage. La suppression des heures supplémentaires fut la réponse. C'est donc une proposition centrale.
Vous prétendez laisser faire les partenaires sociaux, mais, à un certain moment, il est fondamental que l'Etat et le monde politique assument leurs responsabilités et envoient un signal clair aux partenaires sociaux en leur disant clairement leur désaccord de travailler avec des entreprises qui occupent leur personnel en heures supplémentaires.
Vous avez demandé le changement du titre pour favoriser l'emploi. Allez donc jusqu'au bout du raisonnement, et ne soyez pas superficiels ! Ne faites pas de la chirurgie esthétique ! Essayez d'aller au fond des choses et acceptez cet amendement pour combattre le chômage.
M. Bernard Clerc (AdG). Je suis surpris de l'intervention de M. Annen qui nous dit, en substance : «Introduisez cet amendement dans la loi ! De toute façon, elle sera détournée par les entreprises !» Je trouve, Monsieur Annen, que vous avez une conception un peu particulière de votre travail de législateur.
Nous savons que, depuis 1991, le nombre d'heures supplémentaires a littéralement explosé dans notre pays. En 1994, le total des heures supplémentaires effectuées par les travailleurs de ce pays représentait l'équivalent de cinquante mille emplois. Vous le savez très bien, Monsieur Vaucher ! L'orientation politique de cet amendement apparaît donc très clairement et c'est la raison pour laquelle je demande l'appel nominal.
M. Bernard Annen (L). Je ne vois pas, Monsieur Clerc, en quoi la loi serait détournée. En effet, vous pouvez très bien appliquer l'amendement de manière stricte et vous respecterez la loi seulement dans la mesure où elle ne concerne qu'une catégorie infime de chantiers. Son efficacité est nulle... (Interruption de M. Clerc.)
Le président. Monsieur Clerc, s'il vous plaît !
M. Bernard Annen. Ce n'est pas bien grave, Monsieur le président, venant de M. Clerc, cela ne peut aller bien loin ! L'exemple de l'Allemagne a été cité. A ce jour ont-ils réussi à trouver une solution concernant les heures supplémentaires ? La réponse est non, mais ils en discutent, tout comme nous. Or, cela ne veut pas dire qu'il faut imposer une telle législation. La discussion n'implique pas forcément un accord. La diminution des charges sociales est un autre élément qui se discute en ce moment. D'ailleurs, j'y reviendrai dans un mois. L'Allemagne en discute aussi, mais peut-être que rien ne se fera.
Alors, on ne peut pas accepter cet amendement qui alourdit la loi. Il est erroné et ne convient pas aux métiers du bâtiment. De plus, il est superfétatoire, car n'aidant pas à créer un seul emploi supplémentaire, vous devez le savoir. Ceci me fait dire qu'il ne faut pas le voter.
M. Michel Balestra (L). Ce que cherche à nous démontrer M. le député Clerc, c'est que deux heures d'un médecin de Zurich, ajoutées à deux heures d'un médecin de Genève, plus deux heures d'un médecin de Bâle, additionnées à deux heures d'un député de Zurich, puis deux heures d'un député de Genève, et deux heures d'un député de Bâle, plus deux heures d'un ingénieur d'une ville X, et enfin deux heures d'un conseiller d'Etat d'une autre ville X, constitueraient un poste de pianiste à plein temps à Zanzibar. (Rires.)
Affirmer que l'addition des heures supplémentaires, de professions différentes, effectuées dans toute la Suisse, correspondrait à la création de cinquante mille postes de travail, c'est n'importe quoi, absolument n'importe quoi !
Ce dont l'économie du bâtiment a besoin, aujourd'hui, c'est d'une loi simple, accessible - dans le sens d'utile au plus grand nombre - qui ait un effet positif immédiat sur l'emploi.
Celle qui nous est proposée ce soir est déjà trop compliquée et pour ne pas l'alourdir encore nous devons refuser cet amendement.
M. Pierre Kunz (R). Je voudrais faire remarquer à tous les donneurs de conseil qui siègent sur les bancs de la gauche, et à tous ceux qui proposent de supprimer purement et simplement les heures supplémentaires, qu'il conviendrait de se demander pourquoi les entreprises demandent des heures supplémentaires à leurs employés. Savez-vous que ces heures coûtent plus cher aux employeurs que de créer des emplois supplémentaires ? S'ils les demandent, c'est parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement pour répondre aux exigences de leurs métiers.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous avions pris l'engagement d'interrompre nos travaux à 20 h 30 et il est 20 h 45, veuillez mesurer vos interpellations.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je suis très surprise de voir avec quelle vigueur les partis de l'Entente s'opposent à cet amendement. Finalement, il s'agit d'un amendement dont le champ ne s'étend qu'aux chantiers liés au bonus à la rénovation - soit à 100 millions de travaux - et non pas à tous les chantiers de la République. Il n'y a aucune raison sérieuse de s'y opposer, car il est normal pour l'Etat de vouloir contrôler les entreprises auxquelles il accorde ses subventions.
Vous venez de changer le titre de la loi en lui adjoignant la mention «pour l'emploi». Quelqu'un a même déclaré qu'il s'agissait d'une «guerre contre le chômage». Dans cette situation, toutes les mesures pour combattre le chômage sont bonnes à prendre, et je ne comprends pas la vigueur avec laquelle vous dénoncez cet amendement. Je vous engage à bien vouloir faire un effort en acceptant un amendement qui, somme toute, demande...
M. Bernard Annen. Il faut négocier cela !
Mme Micheline Calmy-Rey. Ce n'est pas la question, Monsieur Annen, vous êtes tout de même capable de réfléchir aussi en plénière !
Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît, acceptez cet amendement, qui serait un geste de plus en faveur de l'emploi dans le canton de Genève.
M. Christian Grobet (AdG). Il n'est pas nécessaire de négocier cette question, Monsieur Annen, parce que vous savez fort bien, en tout cas du côté des syndicats des travailleurs, que c'est une revendication constante; il n'y a donc rien de nouveau. Mais les syndicats ouvriers n'ont pas pu obtenir ce qu'ils souhaitaient lors d'accords entre partenaires sociaux. Il est donc légitime de soulever ce problème ici.
J'avoue être un peu surpris, Monsieur Annen, par la manière dont vous avez évoqué les accords qui sont intervenus en Allemagne. J'admets que ce ne sont pas des mesures généralisées, mais il y a eu des accords, que je veux qualifier d'exemplaires, dans un certain nombre de secteurs de l'économie. Au lieu de nier cette évidence ou de la sous-estimer, nous devrions au contraire nous en inspirer, car je pense que ce qui se fait en Allemagne est intelligent.
Lorsque nous avons proposé cet amendement, nous n'avions pas imaginé un instant que vous, les défenseurs de l'emploi, alliez vous opposer à une telle proposition qui est intéressante, parce qu'elle marque une volonté d'essayer de faire quelque chose.
Bien sûr, Monsieur Kunz, il y aura toujours des heures supplémentaires. Le problème n'est pas là ! Mais aujourd'hui les heures supplémentaires ont pris des proportions exagérées. Certaines entreprises utilisent ce procédé pour ne pas engager du personnel ou pour ne pas partager le travail entre les entreprises, ce qui aboutit à des absurdités.
Je suis d'autant plus étonné que vous refusiez la proposition que nous formulons qu'elle est dans l'intérêt de vos milieux. Je me souviens des paroles de quelqu'un qui sortait de vos rangs, un ancien conseiller d'Etat, M. Vernet, qui évoquait l'intérêt de faire durer les chantiers pour assurer du travail et maintenir ainsi les emplois, à défaut d'en créer.
Nous constatons aujourd'hui le paradoxe de vouloir réaliser les travaux plus rapidement que nécessaire - avec des heures supplémentaires - de sorte que, une fois le chantier terminé, l'entreprise se trouve sans travail. Les différents secteurs de l'économie - plus particulièrement dans celui de la construction - devraient travailler dans le sens de notre proposition.
Lorsque vous affirmez, Monsieur Annen, que cette mesure ne créera pas d'emplois supplémentaires, je suis préoccupé, car cela démontre un refus de tenter de trouver des solutions nouvelles. Cet amendement est rédigé d'une manière non contraignante et, contrairement à ce que vous prétendez, je doute qu'il ait les effets que vous supputez. Cela serait une première mesure qui pourrait servir d'exemple aux partenaires sociaux. Je regrette profondément que, dans le contexte actuel de la recherche d'innovation en matière de maintien et de création de l'emploi, vous n'ayez pas le courage de prendre une mesure aussi modeste.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le droit du travail a certainement besoin d'être amélioré, la question des heures supplémentaires est sérieuse, mais ce n'est pas ici le lieu d'en discuter. Le bonus va au propriétaire et non à l'entreprise, Madame Calmy-Rey. Je crois que le débat sur le droit du travail doit être fait dans le cadre des lois concernées.
Vous avez des préjugés sur les entreprises, Monsieur le député Clerc, lorsque vous dites qu'elles vont toutes «tricher». Ce n'est pas vrai, car il y a de bonnes entreprises et de moins bonnes. Mais, à nouveau, ce n'est pas le lieu de régler la marche des chantiers. Si vous instaurez une réglementation de ce genre, vous ne pourrez pas demander, un jour pluvieux, des heures supplémentaires pour pouvoir achever la couverture d'un toit. La situation deviendra semblable à celle de M. Dupraz, se trouvant devant la nécessité de rentrer ses récoltes avant la pluie.
Vous êtes en train de dévier le débat, alors que nous traitons du bonus à l'investissement. Les questions du droit du travail sont évidemment sérieuses, mais, je le répète, il n'y a pas lieu de les étudier ici.
Mme Claire Chalut (AdG). J'aimerais rappeler à M. Joye qu'il n'est pas du tout question de savoir si on doit faire des heures supplémentaires lorsqu'on est occupé à couler une dalle.
Depuis quelque temps, lorsque je vous entends, les uns et les autres, discuter ici, je constate que l'un veut moins d'Etat; qu'un autre souhaite moins de dépendance vis-à-vis de l'Etat; qu'un troisième pense que l'Etat ne doit pas se mêler de tout, etc.
Mais en même temps, on réclame des subventions à l'Etat, sans lesquelles on ne veut rien entreprendre, et l'on est complètement «à la botte de l'Etat»; bref, nous ne faisons rien sans nous être assurés d'en obtenir une participation. Vous êtes complètement incohérents !
M. Michel Ducret (R). C'est un soir de paradoxes ! Ce que vient de dire Mme Chalut est exact; mais il est également vrai que la majorité s'apprête à voter une loi qui maintient la possibilité des expropriations temporaires, pour les appartements laissés vides...
Au sujet de l'amendement de l'Alliance de gauche concernant les heures supplémentaires, la proposition aurait dû contenir la mention : «...sauf nécessité ou cas de force majeure». Lorsqu'on se trouve devant des problèmes de délais, les heures supplémentaires peuvent avoir des impacts favorables, car les retards se paient et ont des répercussions sur l'aspect économique du projet, ce qui ne peut être négligé. L'heure supplémentaire des artisans ne correspond pas à celle d'un employé de bureau; elle est suscitée par d'autres nécessités.
D'ailleurs, faudrait-il aussi interdire dans cette loi l'accès des appartements visés par ces mesures à des locataires qui emploieraient un peintre en bâtiment «au noir» pour rafraîchir leur cuisine ? Nous pourrions ajouter cet élément, car le travail au noir est devenu un mal endémique dans notre canton. Il coûte beaucoup d'argent aux entreprises et également, indirectement, à l'Etat qui ne perçoit aucun impôt pour ce travail. On pourrait donc aussi demander une telle adjonction et définir ce que le locataire, respectivement les entreprises, ont le droit ou non de faire ! Mais ce serait s'égarer.
Il vaut mieux inviter les intervenants à se syndiquer pour avoir des discussions sérieuses entre partenaires sociaux, plutôt que d'introduire, par la petite porte, un partage de l'emploi «à la petite semaine», qui ne s'exercerait que dans certains cas de rénovations de bâtiments bénéficiant du bonus à la rénovation.
Mme Alexandra Gobet (S). Les socialistes sont pour le moins déçus de voir que l'intérêt de l'Entente, pour la création d'emplois, s'arrête là où les intérêts des travailleurs commencent. Si nous pouvions être d'accord avec vous sur le fait que des mesures de relance dans le bâtiment sont absolument indispensables, nous devons rappeler que cette discussion porte sur les conditions auxquelles nous pourrons accorder une subvention cantonale. Nous sommes donc maîtres d'une subvention et pouvons encourager les entreprises, qui respectent, sinon l'ensemble des règles juridiques, du moins une ligne de conduite ou une ligne d'éthique que nous souhaitons voir suivie. Cela vaut également pour l'alinéa 3 rédigé par l'Alliance de gauche.
Nous nourrissions des doutes sur le fait qu'une partie des rénovations auxquelles vous songez constituent la manne que les entreprises attendent. Nous pensions effectivement que les problèmes provenaient d'autres causes. Nous pouvons comprendre que vous puissiez envisager, pour des raisons pratiques, que les heures supplémentaires soient nécessaires. On peut regretter que la notion de «cas de force majeure» n'ait pas été évoquée. Il n'en demeure pas moins que, dans le cadre d'un subventionnement cantonal - et je ne peux pas être d'accord avec M. Bénédict Fontanet - nous sommes entièrement libres d'encourager des entreprises à prendre l'engagement de ne pas demander des heures supplémentaires. Je ne vois pas en quoi cela serait anticonstitutionnel; si c'est là que s'arrête votre intérêt pour l'emploi, nous le regrettons.
Même si nous avions encore des doutes tout à l'heure, cela ne nous a pas empêchés de voter un certain nombre de dispositions que vous proposez, et je trouve pour le moins inconvenant que vous vouliez attribuer l'intégralité du bénéfice de la subvention aux employeurs et en refuser le partage avec les employés. C'est vraiment déplorable !
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Je souhaite répondre à Mme Chalut. Le bonus à la rénovation n'a rien de commun avec une subvention traditionnelle que l'Etat peut accorder dans certains cas. Si aujourd'hui la rénovation a besoin d'un bonus, c'est parce que pendant dix ou quinze ans les députés ont voté des ordonnances au niveau fédéral : l'ordonnance contre le bruit, l'ordonnance pour l'air, etc. Elles ont tellement renchéri le coût de la transformation que les locataires ne peuvent plus en supporter les répercussions. Il est évident que ce n'est pas une subvention au sens classique, mais une subvention destinée à compenser le renchérissement des coûts provoqués par l'irresponsabilité de ceux qui ont voté des lois totalement absurdes !
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Monsieur Gardiol, l'un de vos prédécesseurs a eu un mot malheureux en disant qu'il s'agissait d'un problème d'investissement. Nous avions tous compris qu'il s'agissait d'un problème d'emploi. Vous semblez également en douter. Je rappelle simplement que le fait d'accepter de donner des subventions pour des travaux de rénovation, sans donner des directives claires aux entreprises qui en bénéficient - ne serait-ce que par des signes comme ceux-ci - est tout simplement inadmissible de la part de l'Etat qui accepte de faire cette dépense.
Vous nous avez dit, Monsieur Joye, en donnant des exemples, qu'on peut formuler des hypothèses qui permettent de ne pas adopter cet article. Puisque l'heure est aux compromis, je vous propose le compromis suivant en tenant compte des observations de M. Joye. Nous proposons de rajouter à la fin de notre amendement : «...sauf en cas de force majeure». Cela vous permettra de terminer votre toiture en cas de pluie, Monsieur le président !
Comme nous ne souhaitons pas proposer aux députés de faire des heures supplémentaires - nous aimons appliquer ce que nous déclarons - nous vous proposons de voter cet amendement et de suspendre la séance.
M. Roger Beer (R). Cela fait un moment que je ronge mon frein. Je ne comprends pas comment nous travaillons. Je n'ai pas participé aux travaux de la commission, mais j'ai appris que l'Alliance de gauche s'était abstenue d'en débattre. Je suis donc étonné de la manière dont se déroule ce débat. Visiblement le travail de la commission, depuis quatre jours, consiste en des débats informels entre l'Entente, l'Alliance de gauche, les socialistes, les partenaires sociaux pendant les heures et en dehors des heures. Nous nous retrouvons réunis ici, alors que tout le monde était censé s'être mis d'accord, et voici près de trois heures que nous discutons de cette loi !
Je ne comprends pas ! Face à un tel désaccord, nous aurions pu décider de retourner en commission, puisque visiblement nous avons, ici, les débats que nous pouvons avoir en commission. Vous souhaitiez la présence de la presse, des appuis, du public. Le président mène les débats en continu, après un vote, précisant que nous allions terminer nos débats à 20 h 30, car les juges assesseurs devant être assermentés attendaient. Il est déjà 21 h, c'est inadmissible !
Le président. Monsieur Beer, nous allons procéder au vote par appel nominal comme cela a été demandé.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Nous avons proposé, suite à l'intervention de M. le conseiller d'Etat Joye, pour tenir également compte des observations de M. Ducret, d'amender cet amendement, il s'agit du texte que vous avez sous les yeux et comporte à la fin «...sauf cas de force majeure.»
Le président. Nous ajoutons donc cette précision à votre proposition d'amendement ainsi libellé :
«2La subvention est fixée avant les travaux; son attribution est conditionnée à un engagement des entreprises chargées des travaux de renoncer à demander l'accomplissement d'heures supplémen-taires par le personnel travaillant sur le chantier, sauf cas de force majeure.»
Que celles et ceux qui sont d'accord avec cette proposition d'amendement répondent par oui; et que celles et ceux qui la rejettent répondent par non. Madame la secrétaire du Grand Conseil, vous pouvez procéder à l'appel nominal.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Ont voté non (51) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Claude Basset (L)
Roger Beer (R)
Janine Berberat (L)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Hervé Burdet (L)
Anne Chevalley (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Jean-Claude Genecand (DC)
Henri Gougler (L)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Kunz (R)
Claude Lacour (L)
Gérard Laederach (R)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Philippe Schaller (DC)
Micheline Spoerri (L)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Michèle Wavre (R)
Ont voté oui (40) :
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Fabienne Bugnon (Ve)
Matthias Butikofer (AG)
Micheline Calmy-Rey (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Claire Chalut (AG)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Liliane Johner (AG)
Sylvia Leuenberger (Ve)
René Longet (S)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Chaïm Nissim (Ve)
Vesca Olsommer (Ve)
Danielle Oppliger (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Andreas Saurer (Ve)
Christine Sayegh (S)
Max Schneider (Ve)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre Vanek (AG)
Yves Zehfus (AG)
S'est abstenue (1) :
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Etaient excusés à la séance (6) :
Luc Barthassat (DC)
Claude Blanc (DC)
Anita Cuénod (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Laurette Dupuis (AG)
Catherine Fatio (L)
Etait absente au moment du vote (1) :
Marlène Dupraz (AG)
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret, président.
Mme Isabelle Rastoldo est assermentée. (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco est assermenté. (Applaudissements.)
M. Philippe Schaller est assermenté. (Applaudissements.)
La séance est levée à 21 h 10.