République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7385-A
6. Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les budgets d'exploitation et d'investissement des Services industriels de Genève pour l'année 1996. ( -) PL7385
 Mémorial 1995 : Projet, 6181. Renvoi en commission, 6188.
Rapport de majorité de M. Pierre Ducrest (L)
, commission de l'énergie et des Services industriels
Rapport de minorité de M. Chaïm Nissim (Ve), commission de l'énergie et des Services industriels

La commission, sous la présidence de M. Roger Beer, a examiné le budget 1996 des Services industriels de Genève lors des séances des 17 et 24 novembre et 8 décembre 1995.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie, et M. Genoud, directeur de l'office cantonal de l'énergie, assistaient à ces travaux.

Les Services industriels étaient représentés par M. Louis Ducor, président, accompagné de M. Florio, secrétaire général, et de MM. Derron, Giacasso, Michelet, De Siebenthal et Wohlwend, directeurs des différents services.

Les explications ainsi que les documents remis à la commission permettent de retenir les éléments suivants:

- le budget présente un déficit de 25 590 400 F, les recettes s'établissant à 697 312 000 F et les dépenses à 722 902 400 F.

Recettes

- L'appréciation des recettes tient compte d'une augmentation des ventes d'électricité de 2,2% par rapport au budget 1995 et de 1% pour le gaz. Les ventes d'eau restent stationnaires.

- Suite au refus du Conseil d'Etat, les tarifs demeurent inchangés si ce n'est pour les droits de raccordement (environ 4,6 millions de francs supplémentaires).

Dépenses

- Les charges financières sont en augmentation de 11 millions et passent à 60 900 000 F. Elles sont dues à l'importance des investissements consentis au cours de ces dernières années.

- Augmentation du prix de l'énergie achetée à l'extérieur du canton, notamment à EOS.

- Les frais de personnel enregistrent une diminution de la masse salariale de 8 251 000 F par rapport au budget 1995 (-4,19%).

Investissements

Le budget d'investissement s'élève à 56 296 100 F. Cette somme se répartit dans différents travaux qui sont prévus, soit:

- renouvellement et renforcement des réseaux eau, gaz, électricité;

- fin des travaux de rénovation de l'usine de Verbois;

- fin de la construction du poste 130 kV de la Zimeysa;

- fin de la construction du réservoir de Bessinge;

- travaux de construction d'une station de pompage d'eau.

Mesures prises pour réduire les charges

Face à la situation déficitaire, le Conseil d'administration des Services industriels a réagi en prenant les mesures suivantes:

- Limitation des investissements à 500 millions de francs pour les cinq prochaines années en reportant certains projets tout en maintenant l'évolution dans les réseaux.

- Réduction des charges de fonctionnement d'environ 30 millions de francs sur quatre ans en agissant sur tous les paramètres à disposition (frais généraux, effectifs, conditions salariales, etc.). L'objectif est une diminution des charges d'exploitation de 10%.

- Le budget 1996 prévoit une réduction de 16,9 postes de travail, ce qui entraînera une réduction d'effectif de 120 postes d'ici à la fin de 1999. Les négociations avec le personnel ont permis de conclure un accord qui permet une économie de plus de 5 millions de francs par rapport au statu quo. Compte tenu des réductions d'effectifs effectuées, la masse salariale est de plus de 8 millions de francs inférieure au budget 1995.

N. B.: Cet accord a été entériné par l'assemblée du personnel du 4 décembre.

Travaux de la commission

L'ensemble de la commission est très surprise du déficit annoncé. Il est regrettable que les Services industriels maintiennent une politique de haute conjoncture à une époque où la prudence est de mise. La majorité des députés ayant soutenu le plan de redressement des finances de l'Etat arrive difficilement à comprendre qu'une entreprise autonome mais sous contrôle de l'Etat ne suive pas une démarche d'assainissement de ses finances.

Les mesures proposées sont cosmétiques et les objectifs d'équilibre des finances ne pourront pas être atteints sans une remise en cause profonde du fonctionnement des Services industriels et l'exploitation de toutes les synergies potentielles.

Les commissaires remarquent un manque de maîtrise des frais spécifiques, c'est-à-dire les fournitures achetées à EOS et GAZNAT. La participation des SIG aux conseils d'administration de ces sociétés devraient leur permettre d'intervenir pour influencer la stabilité des tarifs.

La commission prend note des négociations envisagées entre le Conseil d'Etat et les Services industriels, qui porteront sur tous les points fondamentaux pour permettre une politique énergétique cohérente pour le canton. Elle regrette toutefois de devoir voter ce budget sans avoir une assurance que ces négociations trouvent une solution puisqu'elles dureront jusqu'au mois de mars 1996. Elle espère que le Conseil d'Etat viendra devant les députés avec un projet qui tienne compte de tous les paramètres de la situation économique actuelle.

Conclusion

La commission, à la majorité de 9 voix (5 L, 2 R, 2 PDC) et 6 abstentions (2 S, 1 Ve, 2 AdG), vous propose l'adoption de ce projet de loi.

Rapport de la minoritÉ

Préambule

Bien que signé par un seul d'entre nous, le présent rapport représente l'opinion de la Coordination Energie.

1. Introduction: D'où viennent les problèmes des SIG?

Les SIG ont joué au jeu de l'avion, comme d'autres, plus que d'autres peut-être, pendant les années folles. Chaque année la consommation de fluides augmentait de 2,5 à 3% par rapport à l'année précédente, de sorte que les rentrées suivaient le même chemin, et que les patrons de la boîte étaient encouragés à faire des investissements somptuaires et «prématurés» comme ils le disent pudiquement aujourd'hui. Je n'en donnerai ici que 2 exemples:

1. Le nouveau bâtiment du Lignon, qui propose 60% de surfaces en plus par employé, est une conception énergétique si obsolète qu'il consommera 59% d'énergie primaire de plus que l'ensemble des bâtiments existants. (Ce calcul tient compte du fait que le gaz a une valeur énergétique moindre que l'électricité, et qu'on ne peut donc ajouter simplement les kWh gaz aux kWh électriques.)

2.  La nouvelle sous-station de la ZIMEYSA, qui va coûter 38 millions de francs et dont le bâtiment est surdimensionné d'un facteur 4 par rapport aux besoins actuels (facteur 4 dont il faut déduire, il est vrai, une part eu égard au fait que la sous-station de la Renfile est surchargée). Cette politique d'investissements «prématurés» fit que les SIG se retrouvèrent bien dépourvus lorsque l'hiver fut venu. En effet, depuis 4 ans la consommation stagne, et le manque à gagner se fait durement ressentir. De plus, un malheur n'arrive jamais seul: EOS, le principal fournisseur des SIG, doit lui aussi augmenter ses tarifs de manière massive (+30 millions en 2 ans !, p. 105 du budget), pour payer ses propres investissements prématurés: les 2 les plus extravagants sont Cleuzon-Dixence, 1,5 milliard, et la ligne THT Galmiz-Verbois, 400 millions. Ces 2 ouvrages ne se justifient que par la revente vers la France nucléaire de courant de pointe à haut prix. Or, cette revente à bon prix n'est plus à espérer vu la situation de marché pléthorique qui règne en France en ce moment, et vu l'ouverture des marchés aux kWh très bon marché de l'Est européen. Voilà donc EOS bien dépourvue à son tour, et obligée elle aussi d'augmenter ses tarifs, massivement on l'a vu.

En fait, ces 2 sociétés paient aujourd'hui de n'avoir pas compris ce que nous leur disions depuis longtemps: «Investissez dans les économies d'énergie», leur disions-nous, «au moins là où elles sont immédiatement rentables, vous éviterez ainsi de voir la consommation augmenter, et vous pourrez éviter certains investissements dans la production ou la distribution, puisque vous trouverez dans le potentiel d'économies chez vos clients des kWh moins chers que ceux que vous devriez autrement produire et distribuer !» Le Least Cost Planning, le Demand Side Management, la politique énergétique, c'est ça ! «Diversifiez vos sources d'approvisionnement, construisez des couplages chaleur-force, comme à Bâle, ne comptez pas sur des contrats à très long terme avec les centrales nucléaires françaises», leur disions-nous, mais là encore, autant pisser dans un violon, ils ne nous écoutaient pas. Devant le refus du Conseil d'Etat d'accepter la troisième hausse de tarifs de 6%, les SIG se voient donc contraints de présenter un budget déficitaire de 25 millions de francs.

SIG: Déficit prévu, sans hausses des tarifs, et avec limitation des investissements et des charges salariales

Et encore, le déficit aurait été bien plus grave si les SIG n'avaient déjà pris 2 mesures:

1. limitation des investissements à 100 millions de francs par an, alors qu'ils avaient dépassé les 200 millions par an depuis 3 ans;

2. limitation des charges d'exploitation (salaires essentiellement) de 8 millions de francs par an, soit 30 millions en 4 ans.

Cette limitation des salaires de 30 millions représente grosso modo 10% des charges. Le chiffre d'affaires est de 625 millions, mais 325 millions vont à EOS pour des achats de courant.

2. Face à cette situation, quelles solutions sont proposées?

2.1  Les libéraux ne veulent pas augmenter les tarifs, pour ne pas étrangler les industriels, et proposent de serrer la vis aux employés, comme l'a déjà fait l'Etat. Mais....

Nous sommes dans une situation pour le moins paradoxale !

D'un côté:

- on nous propose de voter «à la confiance» un budget, cela dans l'attente de discussions entre le Conseil d'Etat et les SIG, portant notamment sur une question aussi centrale en matière budgétaire que celle des tarifs. Celle-ci ne sera pas réglée avant trois mois, et personne ne peut dire aujourd'hui combien on paiera les fluides au 1er avril;

- personne ne peut dire non plus comment les SIG s'intégreront dans le dispositif nécessaire de mise en place d'une nouvelle politique énergétique cantonale dont ils sont forcément l'un des acteurs principaux et ce que sera «la mise en oeuvre d'une stratégie de gestion de la demande (DSM)» ou «les efforts de l'entreprise en vue d'une meilleure maîtrise de l'énergie» (p. II du préambule au budget).

D'un autre côté:

- on nous propose un budget qui se présente comme le premier volet d'un plan quadriennal qui comporte une première attaque massive à la masse salariale (4,19% de moins qu'en 1995 !) sur laquelle on économise plus de 8 millions de francs cette année et qui devrait se traduire par une perte nette (pour l'entreprise et pour le canton) de 120 postes de travail d'ici à 1999. Cela dans le prolongement d'une réduction d'une quinzaine de postes déjà effectuée en 1995!

Cette double démarche reflète les dogmes néolibéraux dans toute leur stupidité. S'attaquer à l'emploi, s'attaquer aux salaires, ce sont deux a priori qu'on ne prend même pas la peine de mettre en relation avec une politique globale de l'entreprise de service public, visant à lui permettre d'assumer son rôle au service de la collectivité.

Les libéraux ont donné à fond dans ce sens en mettant en scène en commission une «menace» d'un refus de voter ce budget «déficitaire» des SIG, cela jusqu'à ce que se tienne l'assemblée du personnel des SIG du 4 décembre devant se prononcer sur l'accord avec le personnel.

Cette assemblée, mise sous pression, a accepté pour cette année l'accord proposé: le personnel a donc consenti à sacrifier 8 millions de francs sur la masse salariale et on entend ici et là s'élever des louanges pour le remercier d'avoir été si «raisonnable».

Il n'est pas inutile donc de signaler que dans cette même assemblée a été votée une résolution réaffirmant notamment, et entre autres, une volonté légitime de maintien pour l'avenir de la compensation du renchérissement et surtout une exigence du maintien des effectifs au nom de la préservation... du service public.

Dans le même sens, il est à nos yeux impensable de mettre le doigt dans un engrenage de suppression d'emplois au SIG. Cela non seulement parce que c'est un objectif prioritaire de lutter contre le chômage, mais aussi et surtout parce que la mission des SIG doit se développer dans le sens d'un service à la clientèle visant à la maîtrise de sa consommation énergétique (notamment électrique). Cette production de négawatts (des kWh économisés) représente non seulement une nécessité pour mener une politique énergétique conforme aux objectifs cantonaux mais aussi un rapatriement et une création de places de travail dans notre canton.

A terme, un engagement ferme dans une politique de ce type devrait plutôt se solder par une augmentation du nombre des employé-e-s des SIG, par un renforcement de la place et du poids de cette entreprise publique sur la scène énergétique et non par son effacement. Il est vrai que cette perspective prend le contre-pied des rêves de privatisation défendus par le lobby national des «gros consommateurs» dans le récent rapport fédéral, dit rapport «Cattin».

On le voit, notre opposition à la suppression d'emplois au SIG ne saurait d'aucune manière s'interpréter comme l'expression d'une quelconque volonté conservatrice de maintenir le statu quo, par rapport auquel nous avons toujours joué un rôle de critiques. Il y aura sans aucun doute, en concertation étroite avec le personnel et en réussissant à mobiliser celui-ci, des mesures de réforme et de restructuration à entreprendre. Elles ne sauraient cependant avoir pour préalable des coupes claires dans le nombre de postes de travail.

2.2  M. Philippe Joye, sacrifiant à la mode, propose un audit des finances de l'entreprise, pour clarifier certaines questions peu claires jusqu'ici. Par exemple, la question des réserves latentes (question de M. Mauris) ou celle du fond de renouvellement (question de Mme Reusse-Decrey). D'autres questions devront être abordées dans cet audit, comme par exemple le fait qu'à teneur de l'article 33 de la loi sur les SIG (L 2 13), les répartitions des frais entre l'Etat et les SIG, en cas de renouvellement de réseaux des SIG, sont calculées en tenant compte d'un amortissement de 10 ans, alors qu'ils peuvent durer beaucoup plus longtemps. D'autres questions importantes, comme celles du rabais et de la redevance dues aux communes devront également être abordées dans cet audit. Il propose à l'issue de cet audit de mettre sur pied une proposition de politique financière des SIG, qui devrait évidemment englober la question de la politique énergétique. Ce texte d'accord Etat-SIG sera soumis à notre commission fin mars 1996, et dans ce cadre-là des hausses de tarifs pourraient intervenir. D'ici fin mars, M. Joye nous demande d'approuver le budget et d'espérer que les questions importantes encore pendantes seront réglées d'ici là.

En plus du texte de l'accord SIG-Conseil d'Etat, promis pour fin mars, M. Joye nous promet aussi, pour 1996, 3 choses:

- un texte de prise de position sur les rapports CERA-Logilab (les 2 rapports sur la sortie du nucléaire);

- un projet de conception cantonale de l'énergie, qui doit être votée à chaque législature comme le demande la loi;

- la mise au budget 1997 d'un crédit de 10 millions de francs, affectés à la politique énergétique. Ce «fonds pour la politique énergétique» serait alimenté pour partie aussi par les SIG.

2.3 Propositions de la Coordination Energie

Nous proposons une véritable politique énergétique: investir chez le consommateur lorsque les kWh économisés sont moins chers que les derniers kWh produits et transportés. Compléter avec des kWh produits avec du gaz ou du mazout, pour nous désengager progressivement du nucléaire, avec son cortège macabre et terrifiant de déchets radioactifs et d'accidents toujours possibles. Financer ce virage progressif de notre politique énergétique avec un fonds de politique énergétique, alimenté par une légère hausse des tarifs.

Pour la grande majorité des consommateurs, la facture d'électricité ne représente, même aujourd'hui après 2 hausses de 6%, que 1 à 2% de leurs dépenses. De même, pour la plupart des entreprises, la facture d'électricité ne représente que 1,5% des charges (voir l'exemple du Crédit suisse dans l'étude de la GESE en 1988). Or, dans une perspective de développement durable, il est recommandable globalement d'augmenter les tarifs, rendant ainsi rentables certaines mesures d'économies, qui contribueront, d'ailleurs, à combler le surcoût modeste lié à cette hausse des tarifs. Cependant, pour aider certains industriels, dont l'activité est forte consommatrice d'énergie électrique, il faudra investir en priorité chez eux dans l'amélioration du rendement de leurs appareils.

De plus, il nous semble intéressant d'étudier également une restructuration des tarifs. Il ne nous semble pas sain, dans une perspective de développement durable toujours, de favoriser les gros consommateurs (tarif Em) aux dépens des petits (tarif Ed). Certes, une partie de ces rabais s'expliquent par les frais de transformation et de raccordement des gros, qui sont bien sûr moindres. Mais n'est-ce pas là aussi un encouragement au gaspillage?

Il existe de multiples exemples de projets d'économie d'énergie réussis et rentables. Permettez-moi, chers collègues, d'en présenter ici un exemple supplémentaire, entrepris par moi-même, dans le cadre d'un mandat d'Energie 2000, chez CIBA à Monthey, et qui est assez illustratif:

Le bâtiment des informaticiens de chez CIBA a vu sa consommation réduite de 25%, rien qu'en éteignant les écrans des serveurs et en programmant la climatisation pour éviter de climatiser certaines pièces vides la nuit! La dépense est rentabilisée en 6 mois, même aux tarifs très bas de CIBA. D'autres entreprises pourraient suivre cet exemple, faisant ainsi preuve de civisme écologique et d'intelligence financière !

Voir ci-après les courbes de charge du bâtiment des informaticiens de CIBA, avant et après mon intervention:

 Première courbe: avant / Deuxième courbe: après

3. Conclusion

Nous nous sommes abstenus en commission, parce que nous voulons croire que l'arrangement qui doit être pris entre le Conseil d'Etat et les SIG au printemps 1996 ira dans le sens de nos préoccupations. Mais nous n'en sommes pas sûrs. Certes, M. Joye a eu jusqu'ici une politique beaucoup plus transparente et volontaire que son prédécesseur sur ce sujet: les rapports CERA-Logilab ont été commandés et publiés (après que nous les avons «trouvés sur le paillasson» de Contratom). Le texte de la convention SIG - EOS, qui nous engage jusqu'en 2008, nous a également été distribué, après que nous avons occupé le bureau de M. Ducor. Le bureau de M. Genoud (OCEN) a été adjoint au département des travaux publics et de l'énergie, et les rapports sur les bâtiments de l'Etat sont enfin publiés. Certes aussi, les positions de M. Genoud (directeur de l'OCEN) ont énormément évolué ces derniers temps, au point que même lui maintenant admet la possibilité de se désengager d'une partie au moins de nos engagements nucléaires. (Il est intéressant de constater ici, en passant, que les rapports CERA et Logilab montrent que le kWh gaz est moins cher que le kWh nucléaire français !) Mais les SIG sont une grosse boîte, aux inerties lourdes, et il n'est pas facile de prendre le virage que nous proposons, cela présuppose une évolution des mentalités et des gestions, l'entreprise doit désormais se considérer d'avantage comme une entreprise de services à la clientèle que comme une entreprise de production, et des problèmes de gestion nouveaux vont apparaître, qu'il sera toujours tentant de résoudre par d'anciennes recettes !

Premier débat

M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Trois séances ont été nécessaires pour parvenir au terme de nos travaux sur le budget des Services industriels. Le résultat qui montre 25 millions de déficit a préoccupé la commission de l'énergie et des Services industriels. Il faut le mettre en relation avec le budget 1995, qui prévoyait un déficit de 4,1 millions de francs, compte tenu de 15 millions de rentrées supplémentaires, pour la vente de terrains, ainsi que des comptes rendus de 1994, qui présentaient un déficit de 4,5 millions de francs.

Le déficit de ce budget est grave, en cette période où l'Etat fait un effort pour assainir ses finances et où d'autres institutions, telles que les institutions communales, tentent de trouver des solutions pour équilibrer leurs finances. Dans le secteur privé également, les industries et autres institutions essaient, tant bien que mal, de se sortir du marasme économique. Il est donc regrettable qu'une institution autonome, comme celle des Services industriels, nous présente un budget déficitaire d'une telle ampleur.

Ce budget a déjà été comprimé, puisque le personnel a admis une réduction de la masse salariale de près de 8 125 000 F. Il l'a fait en connaissance de cause, sans aucune pression, contrairement à ce qui a été écrit dans le rapport de minorité, mais en étant conscient que nous traversons une période difficile.

Il s'agit pour les Services industriels de diminuer de manière drastique les frais d'exploitation. Néanmoins, le plan présenté est insuffisant. Il ne permettra pas de repartir de zéro, bien que les frais d'investissement aient été diminués. Les entreprises de construction seront directement touchées par ces mesures, car elles représentent un quart des investissements des Services industriels et, lorsqu'on sait que ce secteur économique est déjà sinistré, cela demande réflexion.

Il est vrai que les Services industriels sont pris dans un premier carcan, celui de la constitution genevoise, notamment les articles 158 à 160 et également celui des fournisseurs, soit EOS et GAZNAT, qui augmentent les prix, avec des répercussions sur les tarifs de l'énergie. Les Services industriels ont des participations aux conseils d'administration d'EOS et GAZNAT et pourraient exercer une pression, afin d'éviter une cascade d'augmentations de tarifs, dont les usagers font, en fin de compte, les frais.

Le Conseil d'Etat va étudier, d'ici à fin mars, la réorganisation des Services industriels. En effet, ce n'est pas, au moyen d'une augmentation des tarifs, qu'on parviendra à une solution, mais en analysant le fonctionnement de l'entreprise SIG - un audit est d'ailleurs en cours. En attendant son issue, nous voterons ce budget du bout des lèvres, mais avec l'espoir que le Conseil d'Etat trouvera la solution qu'il devra présenter aux députés.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. J'ai résumé en une demi-page, à l'intention de ceux qui n'auraient pas eu le temps de le lire, mon rapport qui vous a été remis tardivement.

Celui-ci comporte une analyse de trois pages à propos des difficultés des Services industriels, évoquées par mon préopinant. A la lecture de leur projet de budget déficitaire, nous ne pouvons que regretter que les SIG n'aient pas écouté ce que nous disons depuis dix ou quinze ans, à savoir qu'il faudrait investir dans les économies d'énergie, là où celles-ci sont possibles. Cela reviendrait moins cher que les investissements dans la production et le transport.

Les SIG ont investi massivement dans ce qu'ils appellent pudiquement les «investissements prématurés». Je donne dans mon rapport quatre exemples de ces investissements prématurés : Le Lignon surdimensionné; la nouvelle station de transformation de la ZIMEYSA surdimensionnée d'un facteur 4, et d'autres investissements, eux aussi prématurés, effectués par le fournisseur principal d'EOS - Cleuzon-Dixence - pour l'exportation du courant de pointe à destination de la France nucléaire - dont elle n'a plus besoin aujourd'hui; ainsi qu'une ligne THT de 400 millions, elle aussi inutile, car elle n'est destinée qu'à des exportations de courant vers la France.

Par ces gros investissements dans la production et le transport, appelés aujourd'hui «investissements prématurés», les SIG sont aujourd'hui bien dépourvus, parce que la consommation n'a pas suivi, comme c'était d'ailleurs prévisible, la croissance s'étant arrêtée depuis quatre ans, ce qui fait que les SIG se trouvent actuellement dans les chiffres rouges.

Cette mauvaise politique a donc abouti au résultat prévu : la consommation stagnant, les tarifs augmentent de même que les déficits. Face à cette situation, quelles sont les trois solutions envisagées par la commission ?

La solution des libéraux consiste à «serrer la vis aux employés» comme cela se fait dans les communes et l'Etat. (L'orateur est interrompu.) ...«serrer la vis» n'est effectivement pas l'expression que vous avez employée, mais ce sont mes termes ! Cela signifie : comprimer les frais d'exploitation. Mais cette analyse est un peu courte, car elle ne pose pas la question du choix de la politique énergétique.

La deuxième solution, celle de M. Joye, propose de le laisser négocier jusqu'à fin mars un contrat fixant la question des tarifs, celle du personnel, et celle de la politique énergétique. Nous pouvons croire que M. Joye va réussir dans la négociation qu'il va entreprendre avec les Services industriels. En tant qu'écologiste, j'ai plutôt tendance à faire confiance à ceux qui disent «laissez-moi essayer, je veux tenter quelque chose». Je vous fais donc confiance, Monsieur Joye, et souhaite que vous réussissiez. Je m'abstiens, dans cette logique, de voter négativement le budget présenté ce soir, ce qui pourrait être interprété comme un manque de confiance dans votre engagement.

La troisième solution, notre solution de la Coordination Energie, consiste à dire que nous voulons une politique d'investissements pour des économies d'énergie et nous disons comment nous entendons financer cette politique en proposant une légère hausse des tarifs.

Une partie de cette hausse... (L'orateur est interrompu par M. Vaucher.) J'y viens, Monsieur Vaucher ! ...servirait à diminuer le déficit des SIG, une autre à créer un fonds de politique énergétique destiné à aider les industriels, qui auraient des difficultés à payer la hausse, en finançant les transformations de leurs appareils pour en augmenter le rendement et l'efficacité et réduire leur consommation d'énergie.

Il n'y aura pas davantage de déficit, car, parmi ces industriels, nous envisageons d'en sélectionner dix - ceux qui auraient le plus de peine à supporter la hausse des tarifs - afin de les aider à diminuer leur consommation de 10 à 15%. Ils paieront donc moins de factures, mais l'ensemble des consommateurs subira une augmentation des tarifs, suivie d'une augmentation des dépenses.

Pour imager mon propos, votre propre dépense, Monsieur Ducrest, doit représenter 1 à 2% de la consommation de votre ménage; cette même dépense énergétique représente, pour une entreprise comme le Crédit Suisse, 1,5% de ses charges et ce montant peut augmenter de 2 à 3% sans la mettre en péril. Cela ne serait peut-être pas le cas pour d'autres entreprises que nous voulons aider en priorité. J'espère que le contrat que M. Joye va conclure avec les SIG comprendra aussi un aspect de politique énergétique.

M. Henri Duvillard (PDC). Année après année, le budget des SIG délie les langues, que ce soit en commission ou en séance plénière. C'est à se demander si l'énergie dépensée par les députés de tous bords n'égale pas celle fournie par le barrage du Seujet ! Vous devriez vous pencher sur le sujet, Monsieur Nissim !

Cette année, en plus du débat typiquement énergétique occasionné par l'approbation du budget, vient se greffer celui du déficit budgétaire pour 1996, qui se monte à 25,5 millions. A propos du niveau énergétique, le discours que l'on peut tenir n'évolue que peu par rapport à ceux tenus lors des dix dernières années. Sans vouloir écarter cet important sujet, il me semble indispensable de parler ici du budget proprement dit et de son déficit.

Si l'on en croit les déclarations de la direction des SIG - je n'ai aucune raison de mettre leur parole en doute - selon un graphique daté de 1989, nous aurions dû, dès cette époque, nous préoccuper davantage de voir la courbe des résultats passer au-dessous de la barre de zéro. Nous ne pouvons pas, dans cette période de crise, nous satisfaire de ce résultat déficitaire. Comme un grand nombre d'entreprises privées, qui se sont retrouvées devant les mêmes difficultés et ont su réagir vite, sans pour autant augmenter leurs prix - certaines ont même été contraintes de les baisser - sans recourir aux augmentations de tarifs, les SIG se doivent de tout tenter pour revenir au-dessus de la barre.

Je fais confiance au Conseil d'Etat, à la direction des SIG qui vont, comme annoncé, se rencontrer dès le mois de janvier et préparer un plan de redressement, en s'appuyant sur le plan de réforme déjà mis en place, auquel s'ajoutent d'autres mesures, telles que discussions avec les communes, suppression ou modification de lois ou règlements dépassés, réserves latentes, intérêts sur investissements, etc.

Le groupe DC vous invite à accepter ce budget. Il attend beaucoup des négociations qui auront lieu au début de l'année 1996. Il remercie le personnel des SIG d'avoir accepté le protocole d'accord de politique salariale signé entre la direction et la commission du personnel.

M. Max Schneider (Ve). A la lecture du rapport et du budget des investissements, pour le renforcement des réseaux d'eau, de gaz et d'électricité, je crois que nous allons en sens contraire des économies dont parlait M. Duvillard. Les SIG vont effectivement augmenter leurs recettes s'ils vendent plus d'eau, de gaz ou d'électricité, mais c'est contraire aux accords que nous avons signés à Rio qui doivent favoriser l'efficacité et la rentabilité de notre économie. Notre économie peut être efficace en consommant moins d'énergie.

Il est impossible de conduire une nouvelle politique énergétique si nous continuons à renforcer et à augmenter la vente de nos fluides. Notre compétitivité peut en être affectée à terme, et nous devrions au contraire encourager les entreprises et les aider à financer les économies d'énergie, comme l'a souligné mon collègue, M. Nissim.

Les 8 millions que nous allons épargner sur la masse salariale des SIG ne sont pas une solution, car nous avons besoin de personnel, non seulement pour vendre de l'eau, du gaz ou de l'électricité mais pour travailler sur les programmes d'économies d'énergie et transformer la politique énergétique genevoise.

M. Ducrest nous dit que notre présence dans les conseils d'administration d'EOS et GAZNAT devrait nous permettre d'influencer les tarifs à la baisse ou en tout cas de les maintenir au prix le plus bas possible. Malheureusement, ces grands trusts sont de véritables monopoles qui ont le pouvoir d'acheter d'énormes quantités d'énergie à l'étranger, et nous n'avons que peu de possibilités d'action.

Nous souhaitons que les SIG retirent les fonds qui ont été versés à EOS, pour le nucléaire français, mais c'est un voeu pie. Nous aurons sans doute peu d'influence pour ce qui touche les taxes ou les augmentations de tarifs. Nous pourrions souhaiter - c'est la voie proposée par un libéral - que nous, les écologistes, au lieu d'être contre la vente des fluides, nous soyons partisans de créer des taxes incitatives, afin que les gens travaillent dans le sens de l'économie de marché, tout en consommant moins.

Nous vous proposons également d'accepter l'augmentation des tarifs des SIG, non pas pour que ceux-ci gaspillent davantage dans des investissements inutiles en vue d'augmenter leurs ventes, mais pour la mise en place d'un changement de la politique énergétique, nécessaire à notre compétitivité, tant sur le plan national qu'international. Un libéral doit voir les coûts directs et indirects de la politique induite par les SIG, pour l'ensemble de notre économie.

Une voix. Et un radical ?

M. Max Schneider. Oh, je pense qu'un radical doit suivre un libéral, mais s'il suivait l'avis des écolos, j'en serais ravi ! (Rires.)

Il faut bien se dire que si nous augmentions la consommation d'eau, nous devrons augmenter, dans la même mesure, la capacité de toute la chaîne du traitement de l'eau; cela veut dire que chaque fois que nous augmentons la part de notre consommation d'un m3 d'eau, nous augmentons d'un kWh notre consommation d'énergie électrique pour son pompage, son traitement et son retraitement.

Les choses vont de pair, et il est temps de changer de politique. Mais, pour cela, je ne sais pas si nous pouvons faire entière confiance à M. Joye. Nous verrons d'ici la moitié de l'année prochaine quelles décisions seront prises et le tournant que nous prendrons - ou ne prendrons pas. Pour cette raison, les écologistes s'abstiendront.

M. Pierre Vanek (AdG). Je souscris à l'essentiel de ce qui figure dans le rapport de minorité, excellent par ailleurs, présenté par mon ami Chaïm Nissim et n'interviendrai que sur quelques points.

Je ne sais pas si M. Schneider a raison de faire confiance aux politiques libérales en matière d'énergie. Nous avons vu le programme des grands patrons ultralibéraux dont nous avons eu les comptes rendus aujourd'hui, leur seule politique énergétique consiste à considérer que l'Etat n'a rien à faire - comme d'ailleurs dans tous les autres domaines - et qu'il faut complètement déréglementer le marché de l'électricité et privatiser les entreprises comme les SIG.

Ce type de politique n'est pas acceptable pour nous. L'Etat doit jouer - les citoyens l'ont voulu à Genève - un rôle en matière énergétique. J'ai quelques inquiétudes en entendant le rapporteur de majorité présenter les Services industriels comme étant «dans le carcan de la constitution genevoise, notamment des articles 158 et 160C». Notre constitution n'est pas un carcan, mais un moyen par lequel les citoyens ont donné des objectifs à une grande entreprise publique qu'il s'agit de développer et qui doit, comme l'a souligné Chaïm Nissim, renforcer son activité dans le domaine de la gestion de la demande pour une meilleure maîtrise de l'énergie.

Ces éléments figurent à la page 2 du préambule du budget, comme faisant partie des objectifs des SIG. Ils vont, à l'évidence, demander quelques reconversions dans les pratiques des SIG. Si nous avons critiqué, par le passé, un certain nombre de choses faites par cette entreprise - notamment les investissements qui se traduisent par des charges financières particulièrement lourdes - nous devons défendre aujourd'hui cette entreprise et favoriser son développement.

Avant même que nous nous soyons prononcés sur sa nécessité, je pense qu'une augmentation modérée des tarifs des SIG est possible et supportable. Par analogie, dans le cas des TPG, on nous a expliqué que l'augmentation de 17% de la carte orange est possible et supportable par les usagers, et nécessaire à l'entreprise pour tourner. Mais à la différence de la politique visant à encourager l'usage des transports publics, celle-ci devrait encourager, dans le cas des SIG, la diminution non pas des services mais de la consommation publique de fluides, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, car je me suis souvent exprimé à ce sujet dans cette enceinte. (Manifestations.) Mais ne vous faites pas d'illusions, vous m'entendrez encore !

Ce budget est - et je suis d'accord sur ce point avec le rapporteur de la majorité - assez préoccupant. Au sujet des 25 millions de déficit, il faut rappeler, ce qui n'est pas évident pour tous les députés, qu'ils proviennent de l'attribution au fonds de renouvellement des SIG d'une somme de 33 millions. La prise en compte de cet élément est de nature à relativiser le déficit.

Au sujet de la politique du personnel, la mesure qui a été prise, au cours de l'année, de diminuer de 8 millions la masse salariale représente 4,19% du budget. Elle est présentée, par le rapporteur de majorité dans son intervention de tout à l'heure, comme une mesure «cosmétique légère», selon ses propres termes. Pourtant cette opération est le préambule à un plan quadriennal de réduction massive de cent vingt postes de travail, jusqu'en 1999; il faut préciser qu'il n'y a pas eu d'accord du personnel à ce sujet.

On nous promet, pour le 1er avril, une restructuration accompagnée d'une réflexion sur la question des tarifs. Mais une chose est certaine c'est qu'on veut, dès aujourd'hui, nous faire voter et cautionner, à travers ce budget, des suppressions de postes. A l'évidence, une telle politique est contraire à la politique de maintien et de développement de l'emploi dans ce canton et contraire au but des SIG d'assumer de nouvelles tâches en tant qu'acteurs sur la scène énergétique genevoise, notamment pour la maîtrise de l'énergie.

La distorsion provoquée par le fait qu'on nous demande de nous prononcer aujourd'hui, sur ce plan quadriennal de réduction des frais - appelés pudiquement «frais d'exploitation» - qui sont en réalité des frais de personnel, et la demande d'un vote de confiance pour une politique de l'entreprise qui sera réglée au début de l'année prochaine, nous pose un problème grave, et conduit notre groupe à ne pas voter ce budget.

M. Roger Beer (R). Une fois de plus, nous refaisons tous les débats et entendons toutes les approches et théories sur la façon de mieux gérer les Services industriels !

En tant que président de la commission, je suis obligé de me distancer du rapport de majorité qui, me semble-t-il, est un peu restrictif par rapport à ce qui a été dit et décidé en commission. (Protestations, brouhaha.)

Monsieur Ducrest, dans votre rapport, en page 3, vous réduisez les travaux de la commission à trois paragraphes seulement, alors que nous avons passé des heures à discuter. Ce qui me semble plus grave, c'est que vous réduisez les travaux de la commission aux vues libérales par rapport à l'assainissement des SIG. On a beau être radical et cousins...

M. John Dupraz. Ah non, non, non ! (Rires.) A Berne, on est cousins, mais pas ici !

M. Roger Beer. Monsieur Dupraz, s'il vous plaît !

Le parti radical votera le budget des SIG avec un certain nombre de cautèles que j'ai déjà exprimées. Dans votre rapport, vous critiquez les investissements, mais, en même temps, vous dites que l'on ne peut pas diminuer les investissements, parce que la construction est en crise. Je crois que le rôle des SIG ne consiste pas à soutenir le secteur de la construction, même s'il paraît normal qu'une régie fournisse du travail à Genève. Présenter cela comme créneau des SIG est une formulation que je ne peux pas accepter.

Nous pouvons fort bien nous prononcer pour une augmentation des salaires et des tarifs ici, et une diminution ailleurs; le président Joye nous l'a déjà dit en commission et le président Ducor, avec son équipe, nous l'a expliqué. Mais cela ne ressort pas du tout dans votre rapport, ce qui est dommage. Cela ne ressort pas non plus de l'excellent rapport de minorité. Un essai de concertation a lieu entre les SIG et le Conseil d'Etat et c'est à ce propos que nous devons nous prononcer. Il est délicat pour les députés et la commission de l'énergie de devoir jouer le rôle d'arbitre des conflits entre SIG et Conseil d'Etat.

Nous ne sommes pas face à une entreprise qui ne fait rien pour tenter d'assainir sa situation, et je regrette vos propos, Monsieur Ducrest, aussi bien que les vôtres, Monsieur Nissim ! Les choses sont sensiblement plus complexes. Nous sommes saisis de différentes propositions, dont votre proposition de motion au sujet de laquelle le groupe radical ne refera pas de débat et que nous renverrons à la commission de l'énergie.

Il me paraît important d'avoir toutes les approches possibles et de rendre compte de ce qui a déjà été fait aux Services industriels. Le personnel a été réduit; on peut critiquer les bâtiments, mais ils ont coûté infiniment moins que prévu, même s'ils donnent l'impression d'être luxueux. Je reconnais que les membres de la commission étaient de mauvaise humeur, mais je trouve que votre rapport est rédigé sur un ton plutôt désagréable; il est tendancieux et ne reflète pas ce qui a été dit, même si vous avez eu peu de temps pour le rédiger. Réduire six heures de discussions à trois paragraphes, c'est faire injustice aux personnes auditionnées.

Le groupe radical votera ce budget, mais, Monsieur le conseiller d'Etat Joye, nous espérons vivement ne pas nous faire «rouler» dans le rapport qui sera remis fin février début mars.

M. Max Schneider (Ve). J'aimerais pouvoir répondre à un membre du conseil d'administration des SIG, qui nous demande de faire confiance à la politique libérale. Il faut remettre les pendules à l'heure ! L'étude libérale des prix, dans le bon sens du terme, consiste à examiner ce que nous coûte effectivement l'achat d'un kWh, avec les frais indirects qui en découlent.

L'autre alternative d'une politique libérale consiste à examiner si nous devons produire une partie de cette énergie ou si nous devons diminuer la consommation d'énergie, à la lumière des coûts engendrés par une libre économie de marché. Quel serait le montant de cette réduction des coûts de la production d'énergie ?

S'il est possible d'acheter de l'énergie bon marché à l'étranger, il faut aussi considérer qu'en payant plus cher l'énergie produite en Suisse nous pouvons favoriser la création d'emplois. Une étude économique de marché doit être faite, dans une perspective d'économies d'énergie. C'est pour cette raison que j'ai parlé d'une comparaison ou d'une étude libérale des coûts de l'énergie.

Au sujet de l'encouragement à la construction, je tiens à vous dire, Monsieur le rapporteur de la majorité, qu'une diminution de la consommation, avec une augmentation des tarifs aujourd'hui, dans notre République, même si elle est progressive durant les prochaines années, va aussi permettre la création d'emplois, non seulement dans le secteur de la construction, mais dans le secteur de l'électricité, du chauffage, des sanitaires, etc. Bien des secteurs professionnels vont en bénéficier. Nous créerons davantage d'emplois à Genève en menant une politique de diminution de consommation d'énergie et d'augmentation de l'efficacité énergétique qu'en voulant diminuer nos tarifs et augmenter nos ventes.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Beaucoup de choses ont déjà été dites, et je ne vais donc pas les répéter.

Depuis des années, nous attirons votre attention sur les projections démesurées faites par les Services industriels, qui, dans l'euphorie, ont construit, se sont agrandis, etc. Nous étions d'avis que le château du Lignon n'était pas un projet raisonnable; nous avons régulièrement demandé la progression des tarifs et des investissements dans un programme d'économies d'énergie.

Que dire aussi de l'apparition soudaine d'un fonds de renouvellement dans lequel un certain nombre de millions sont versés, alors qu'autrefois - comme la loi le prévoit - c'est sur le bénéfice que ces millions étaient pris et affectés à des fonds de constructions nouvelles ou de renouvellement. Aujourd'hui, on a l'air étonné de ce budget déficitaire.

Il faudrait voter ce soir, comme si de rien n'était, avec la perspective, d'ici avril, d'augmentation des tarifs par arrêté du Conseil d'Etat, après discussions et négociation avec les Services industriels. Or il n'est pas concevable, pour nous, de voter un budget dont on sait pertinemment que les chiffres vont être modifiés d'ici quelques mois.

En outre, comment approuver un budget qui prévoit une politique de pression très forte sur le personnel durant quatre ans ? Ce budget, pour la première fois déficitaire, doit être une sérieuse sonnette d'alarme, Monsieur Ducrest, et les mesures internes d'économie de personnel ne suffiront pas pour sortir des chiffres rouges; il faudra même une politique énergétique différente.

Nous espérons que les études en cours sur les rapports LOGILAB CERA et «Comment sortir du nucléaire» nous apporteront des solutions. Mais, en l'état, nous ne pouvons voter un budget sur lequel il y a encore de nombreuses zones de flou et qui présente une politique restrictive en matière d'emplois.

M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Le rapport de majorité a été fait entre vendredi soir 18h et ce soir. Il vous est remis imprimé sur vos bancs.

Monsieur Beer, vous critiquez le rapport de majorité, alors que celui-ci démontre nettement le point de vue des Services industriels, négatif en ce qui concerne son budget, avec toutes les explications qui sont au demeurant normales. Je pensais que ce rapport avait du corps... (Rires.) ...je le maintiens !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. J'avais dit une fois à M. Nissim qu'il était utopique, pour ne pas dire irrécupérable ! Cela aussi, je le maintiens. Vous nous proposez que les dix plus grands consommateurs d'énergie du canton soient pris dans un carcan de réduction d'énergie. Comme je l'ai dit à M. Vanek, en d'autres termes, nous devons comprendre que s'ils consomment moins les SIG percevront moins d'argent et, par conséquent, le déficit augmentera.

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Ils s'y retrouveront !

M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. D'autre part, il faut savoir que, depuis 1991, l'économie est en perdition et que les grands consommateurs du canton seront tentés de quitter le canton, si l'on augmente la charge de leurs frais d'exploitation. Ces grands consommateurs sont des producteurs d'emplois, et, par conséquent, nous devons préserver ces emplois.

Je n'irai pas jusqu'à danser la «samba de Rio» avec M. Max Schneider, dont nous avons de la peine à comprendre les allégations, mais il faut savoir que c'est aujourd'hui que le «feu est dans la maison», alors que les particuliers, les industries ont besoin d'énergie.

Nous devons tenir compte de la cherté de notre franc et de la nécessité de vendre nos produits sur le marché international. Si l'on augmente les tarifs d'énergie, les frais d'exploitation des entreprises augmenteront également, et, par conséquent - le prix de leurs produits devant rester compétitif - il faudra agir sur les salaires et les emplois de ces entreprises; ce n'est pas ce que nous souhaitons.

En ce qui concerne les frais d'exploitation des SIG, nous pouvons trouver des solutions, non seulement dans le cadre de leur personnel mais d'autres éléments permettant des économies vont nous être présentés par l'audit. Nous faisons confiance au Conseil d'Etat qui nous donnera sa réponse à fin mars, et c'est en confiance que nous voterons ce budget.

M. Alain-Dominique Mauris (L). Il est grand temps de ne plus repousser un débat en profondeur au sujet des SIG. Trois séances de deux heures en commission ont été nécessaires, ce qui n'est pas un hasard, mais plutôt l'aveu que tous les commissaires n'ont pas été convaincus.

Pour certains c'est par rapport à la politique des prix, pour d'autres c'est par rapport à la politique des investissements ! Bref, il y a quelque chose à faire. Le signal d'alarme, ce sont les déficits. De 4 millions sur les comptes de l'année dernière, le déficit est prévu à 25 millions et devrait avoisiner 100 millions d'ici quelque temps : c'est trop !

Notre navire de la rue du Stand prend l'eau. (Manifestation, brouhaha.) Chacun s'accorde à vouloir tirer la sonnette d'alarme, mais cette sonnette n'a pas rencontré d'écho, et personne ne se précipite au portillon pour assumer la responsabilité de la situation actuelle.

Nous relevons certainement un conflit de compétence entre le Conseil d'Etat, le conseil d'administration et notre parlement. Il serait bon de redéfinir les rôles : qui peut décider quoi et comment.

Nous avons été malmenés et nous devons voter ce budget à l'emporte-pièce, dans la précipitation. On nous a promis des mesures : nous y croyons et souhaitons les voir. Il serait illusoire de vouloir redéfinir cette politique ce soir, et il serait plus sage d'attendre certaines conclusions. Des déclarations divergentes ont été faites, notamment sur les réserves latentes, et il serait temps qu'on nous dise exactement, de part et d'autre, ce qu'on entend par ces réserves latentes et ce que nous pouvons en faire.

Des audits répétés ont été effectués; c'est à la mode et c'est bien, mais cela coûte cher et nous espérons qu'il en résultera des conclusions constructives que nous pourrons appliquer. Il est vrai, Monsieur Vanek, qui parlez de l'augmentation des tarifs, que nous avons déjà eu trois fois 6% d'augmentation des tarifs. Il serait bon que nous puissions mesurer les coûts réels des prestations offertes par les pouvoirs publics et examiner qui doit les payer.

Il faudrait redéfinir les besoins et les prestations offertes par nos Services industriels. On ne développe pas une entreprise sur fond de crise financière, surtout lorsque celle-ci ne parvient plus à générer des bénéfices, mais des pertes. Nous devons donc assainir. Le personnel est mis à contribution, mais il s'agit de son entreprise, de ses idées et des consommateurs qui doivent également être pris en compte; chacun doit apporter sa contribution pour redresser la situation.

Le navire, qui a changé de port entre-temps, doit faire de sérieuses économies à l'instar de l'Etat et des communes qui en font également. Nous attendons aussi de la part du personnel un engagement dans ce sens; ce qu'il a d'ailleurs déjà démontré.

A la suite de notre abstention en commission de l'énergie, nous pensons, ce soir, que nous ne pouvons pourtant pas laisser les SIG sans budget. L'avertissement que nous donnons est clair. Le Conseil d'Etat et le conseil d'administration vont se rencontrer. Ils savent ce que nous avons dit, ce que nous pensons, et doivent nous apporter des réponses concrètes. Le vote que nous faisons ce soir n'est pas un vote sur le budget, mais un vote de confiance.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je ne voudrais pas qu'il y ait un malentendu entre nous, Monsieur Beer, parce que je tiens beaucoup à des interlocuteurs tels que vous, qui êtes la charnière et pouvez influencer la politique beaucoup plus efficacement que nous ou eux.

Une voix. C'est radical, je crois !

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Vous avez dit quelque chose de juste à propos des libéraux qui veulent «serrer la vis aux employés» et n'ont pas d'autre politique à proposer. Je voudrais pourtant introduire quelques nuances sur nos propos. Nous ne souhaitons pas simplement payer davantage les ouvriers, tout en augmentant les tarifs. Ce que nous voulons, c'est une autre politique énergétique, comme cela a été fait aux Etats-Unis avec le «least cost planning» et le «demand side management». Des compagnies privées ont ainsi vu leurs actions monter, leurs ventes baisser en nombre de kWh et leurs bénéfices augmenter, par le jeu de la diminution des kWh et l'augmentation des tarifs. Et c'est cette politique que nous voulons.

S'il s'agit de payer moins certains employés, qui le sont trop actuellement, ou d'apprécier différemment leurs performances, avec des nuances, nous pouvons être d'accord. Nous ne sommes pas forcément partisans de maintenir bêtement certains privilèges ! Notre objectif est plus nuancé que vous ne le dites.

Notre politique énergétique n'est pas un carcan mais une possibilité que nous offrons à certains industriels, qui dépensent beaucoup d'argent, d'investir chez eux pour améliorer le rendement de leurs machines, avec l'argent des SIG, en vue d'abaisser leur consommation en kWh, pour compenser l'augmentation des tarifs. C'est une politique qui nous permettra de sortir du nucléaire tout en maintenant l'entreprise des SIG dans les chiffres positifs.

C'est ce que nous souhaitons, mais c'est difficile à comprendre pour un libéral. Toutefois, M. Mauris l'a compris; pourtant il est libéral ! Donc cela ne devrait pas être impossible. (Rires.)

M. John Dupraz (R). Décidément le budget des SIG soulève toujours des discussions interminables, et j'entends toujours les mêmes arguments.

Vous m'étonnez, Monsieur Nissim, quand vous faites référence au modèle américain, car la société américaine n'est pas un modèle !

En ce qui concerne le rapport de majorité, ce n'est pas parce qu'on ne dispose que de peu de temps que le rapport ne doit pas être excellent, Monsieur Ducrest. J'ai été très étonné par vos propos et trouve vos remarques acerbes et très sévères pour les responsables des SIG, soit en ce qui concerne son président, soit en ce qui concerne son conseil d'administration.

Je vous rappelle que tous les partis ici présents sont représentés dans ce conseil d'administration. Les SIG ont une planification très rigoureuse qui a commencé sous la présidence du père de notre actuel président et ils ont régulièrement fait les investissements nécessaires pour fournir à la population et aux industries les fluides et les énergies nécessaires.

Il est facile de périphraser en disant que la situation est grave, qu'il y a des déficits... Il faut avoir un élément supplémentaire à l'esprit : les SIG ont acheté la compagnie des eaux d'Arve et les personnes qui dirigeaient cette société ont fait de grands bénéfices durant des années en n'investissant plus. Ils auraient été capables de vendre du sable aux bédouins et de gagner de l'argent ! (Rires.) Mais ils ont laissé un réseau pourri qu'il a fallu reconstruire et qui fournissait l'eau la plus avantageuse d'Europe centrale, pays de Gex compris. En conséquence les SIG ont dû investir, par exemple, dans les réservoirs du coteau de Bernex, que M. Mauris a certainement inaugurés. Mais ces investissements sont faits pour cent ans.

Le bâtiment du Lignon, tant décrié, va permettre une rationalisation du travail et un meilleur rendement dans le fonctionnement des SIG.

Madame Reusse-Decrey, vous évoquez une pression sur le personnel des SIG; je crois qu'il n'y a pas d'organisme ou d'organisation où le contact et le dialogue soient aussi permanents entre le président, la direction et le personnel. Vous propos sont inadéquats et inacceptables !

M. Vanek a une solution à tout, mais il vous faut choisir, Monsieur Vanek, ou bien vous siégez au conseil d'administration des SIG et vous faites vos remarques à ce conseil, ou bien vous vous taisez ici ! On ne peut pas être aux deux endroits à la fois : c'est profondément choquant ! Il y a un autre administrateur dans cette salle, mais il a la pudeur de garder le silence... (Applaudissements.) C'est le minimum de ce qu'on peut demander à un député. Ou bien on est administrateur d'une entreprise et on la gère ou bien on est député et on fait son «boulot» de politicien. Votre attitude est inacceptable et choquante.

Le groupe radical votera ce budget sans arrière-pensées, avec la certitude que le Conseil d'Etat et le conseil d'administration des SIG sauront trouver des solutions adéquates à la légère hausse des tarifs des prestations et des solutions indispensables pour pouvoir continuer de fournir les fluides et l'énergie nécessaires à la population et aux entreprises de ce pays.

M. Claude Blanc (PDC). M. Dupraz a déclaré en termes violents ce que je voulais dire calmement. Il y a depuis toujours un certain nombre de députés qui sont administrateurs des Services industriels, entreprise publique, en vertu de mandats qui leur ont été confiés soit par le Conseil municipal, soit par le Grand Conseil, soit par le Conseil d'Etat.

Ces députés-administrateurs des Services industriels se sont abstenus de se montrer juges et partie dans les débats, en pensant à juste titre que s'ils intervenaient ils constitueraient en quelque sorte un mini-conseil d'administration et que les autres députés n'auraient plus qu'à tenir les chandelles.

En tant que novice... (Exclamations.) ...M. Vanek a rompu, probablement sans le vouloir... Je voulais dire administrateur-novice. Il a donc rompu ce «gentlemen's agreement», mais j'espère que ce n'était qu'une parenthèse et que nous pourrons poursuivre dans la politique que nous nous étions fixée, sans intervenir dans le domaine des SIG.

M. Pierre Vanek (AdG). M. Nissim me propose aimablement une solution à ce dilemme consistant à parler pour moi. Vous me permettrez tout de même de vous dire ceci, avant qu'il ne s'exprime.

Je suis... (Exclamations.) Si vous voulez «bêler», faites-le ailleurs ! Si j'ai été nommé au conseil d'administration des SIG par le Conseil municipal de la Ville de Genève, ce n'est pas vraiment par hasard, mais parce que la majorité de ce conseil savait que je défends depuis quelques années un certain nombre d'idées et de principes. (L'orateur est à nouveau interrompu.) Si vous insistez pour prolonger ce débat...

Monsieur le président, j'attends le silence pour continuer à m'exprimer !

Le président. Monsieur le député Vanek, veuillez poursuivre, s'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. Si j'ai été nommé au conseil d'administration des SIG ce n'est pas parce que j'y aurais des intérêts personnels, mais parce que je défends, avec cohérence, des idées - avec lesquelles on peut ne pas être d'accord - que j'ai également exprimées dans cette enceinte ou ailleurs depuis longtemps.

A la lecture de ce statut, ce mandat relève du politique aussi. C'est un signal donné par la Ville qui souhaite que ce discours soit tenu au conseil d'administration des SIG dans leur situation particulière. Je ne vois par pourquoi je ne pourrais pas m'exprimer dans cette enceinte. Je ne perçois pas la contradiction soulevée par mes deux préopinants.

La situation est différente pour un certain nombre de députés, lorsqu'il y a un intérêt personnel en jeu. Je suis d'ailleurs intervenu à plusieurs reprises pour rappeler l'article 24 du règlement. Vous m'accorderez, Messieurs, que je n'ai aucun intérêt personnel ou privé dans la marche des SIG, à part mes idées que j'expose dans cette enceinte à visage découvert, depuis fort longtemps. Je ne vois pas pourquoi je devrais arrêter. Je pourrais le faire, car nous sommes un groupe suffisamment nombreux pour que d'autres s'expriment aussi sur ce sujet, mais je ne vois pas la nécessité de me taire.

M. Max Schneider (Ve). M. Ducrest m'a invité à danser la samba avec lui à Rio... et je ne sais plus à qui je dois m'adresser ! Dois-je m'adresser au président du Grand Conseil, au président du Conseil d'Etat ou au président du DTPE ?

Le président. Choisissez le meilleur, Monsieur le député ! (Hilarité.)

M. Max Schneider. Je souhaite de tout coeur que l'ensemble des députés de ce Grand Conseil reçoivent par écrit les conventions que la Suisse a accepté de signer à Rio, de manière que nous puissions mieux nous comprendre avec M. Ducrest.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je souhaite voler au secours de mon ami Pierre Vanek pour dire que lui, au moins, agit dans la transparence ! Et chacun sait le rôle qu'il joue à Contratom.

Cela n'a pas toujours été le cas de certains députés dans cette salle qui ont défendu des intérêts privés et publics de façon pas tout à fait claire. Je me souviens d'un cas qui m'avait particulièrement choqué : M. Halpérin avait défendu un de ses clients - un marchand d'armes qui avait vendu de grosses quantités d'armes à l'Iran - à huis clos, parce qu'il désirait être naturalisé. Personne, dans ce Grand Conseil, ne savait que ce candidat était un client de M. Halpérin, et ce dernier avait appuyé sa naturalisation. C'est un cas parmi d'autres !

M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, je demande une motion d'ordre, pour que nous puissions continuer sur l'objet de ce soir...

Le président. Permettez que M. le député Halpérin prenne la parole.

M. Michel Halpérin (L). Puisque M. Nissim déclare en public des choses de ce genre, il devrait avoir la mémoire suffisante pour se souvenir que c'est moi qui ai donné l'information, avant même de prendre la parole !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La problématique des SIG peut être abordée de plusieurs manières.

Celle de M. Schneider qui souhaite l'arrêt du renforcement du réseau d'eau et d'électricité. Je souscris aux accords de Rio, Monsieur Schneider, mais si vous votez pour la création d'une nouvelle zone industrielle, je dois aussi l'équiper. Il y a là des contradictions évidentes.

L'idée des taxes incitatives sont louables en soi, mais, malheureusement, dépassées. Notre préoccupation est de faire en sorte que les entreprises puissent être rentables. On nous parle d'économies sur les machines qui sont en service dans les entreprises, depuis longtemps, par les entreprises elles-mêmes. L'approche de Mme Reusse-Decrey est juste, car elle touche du doigt un point sensible du budget qui nous est soumis, en particulier au vu des écarts qui s'accroissent chaque année.

Monsieur Nissim, vous dites que nous sacrifions à la mode des audits, mais c'est précisément à cause de cela et parce que j'ai voulu mettre en oeuvre l'article 23 de la loi sur les Services industriels, qui permet au Conseil d'Etat de vérifier en tout temps et comme il l'entend le fonctionnement des SIG, que nous avons probablement pu déboucher sur une recherche de solutions rapides, ce qui était indispensable.

Il y a longtemps qu'avec une autre membre du conseil d'administration ici présente, Mme Chevalley, nous demandons - pour ma part depuis huit ans - qu'un audit soit fait par une société fiduciaire privée. Cet audit est en place, pour contrôler l'aspect financier : les éléments du puzzle s'assemblent.

Si, d'autre part, j'ai mis en place le rapport CERA LOGILAB c'est pour répondre aux questions de coordination «Energie 2000» et si nous demandons un délai pour travailler avec les SIG à une conception cantonale de l'énergie, ce qui ne s'était encore jamais fait de manière aussi concentrée, avec l'apport de collaborations externes, c'est parce que nous avons envie de déboucher sur une conception cantonale de l'énergie qui soit le reflet des préoccupations actuelles de l'ensemble des députés qui se trouvent dans cette enceinte.

Nous ne pourrons pas satisfaire tout le monde; nous aurons sans doute des divergences en matière d'énergie nucléaire, mais nous aurons au moins traité l'ensemble d'une dizaine de questions, parmi d'autres, que je vais évoquer rapidement et qui me semblent très importantes pour parvenir à une solution concertée sur le mode de fonctionnement des SIG, d'«Energie 2000» et tous les acteurs de la politique énergétique de notre canton.

Je tiens à remercier M. Ducor et son équipe. Même si nous avons eu des rapports parfois tendus, il n'a pas attendu 1995 pour évoquer les problèmes existants. En 1983 déjà, il tirait la sonnette d'alarme. Les problèmes que nous devons aborder simultanément, et c'est là que réside la difficulté, sont :

- Les problèmes du personnel que je tiens à remercier d'avoir souscrit à l'accord qui leur a été proposé par la direction;

- Le rapport LOGILAB concernant l'énergie nucléaire. 40% de l'énergie électrique sont en jeu. C'est très important : nous ne pouvons pas aller de l'avant sans avoir traité cette question.

- Nous devons également amplifier les efforts dans le domaine des énergies de substitution et nous en sommes conscients. Nous devons changer la loi sur l'énergie solaire pour y ajouter d'autres énergies de substitution et leur subventionnement.

- Il y a plusieurs mois, j'ai proposé 10 millions, pour pouvoir disposer de liquidités pour des projets d'économies d'énergie réels, à répartir selon un mode qui devra être défini avec les SIG. Le fonds de la politique énergétique pour améliorer le rendement des appareils en fait partie.

- Je voudrais que nous puissions revoir le détail des structures de bilan des SIG. C'est absolument indispensable.

- Je voudrais que nous repensions la question des capitaux des SIG.

- Faut-il que nous recapitalisions cette société et, dans l'affirmative, de quelle manière : privée, publique ou mixte ?

- Faut-il réfléchir aux structures de direction ? Le poste de PDG est-il encore concevable en Suisse, alors que nous avons des structures souvent différentes ?

- L'équilibre général des SIG qui sont un maillon capital de l'économie de l'énergie dans le concert romand. Nous savons que si nous touchons, même à peu de choses, dans l'organisation des Services industriels, les répercussions en cascade peuvent être importantes.

Toutes ces questions, le Conseil d'Etat se les pose, et je puis vous dire que ce n'est pas Philippe Joye qui mène les discussions, comme vous l'avez laissé entendre, Monsieur Nissim. Elles le sont au sein du Conseil d'Etat, en plein accord avec la direction des SIG.

Pour toutes ces raisons, nous avons besoin, dans le bilan de 1996, d'une structure qui nous précise les engagements des SIG, pour que nous puissions comprendre les imbrications qui existent entre notre compagnie cantonale et les autres compagnies dans lesquelles nous avons des parts.

Tout est une question d'équilibre entre la production, le transport et la distribution de l'énergie, qui évoluent à grande vitesse. Ce qui était à la mode il y a une année ou deux est maintenant dépassé. C'est un très vaste programme qui servira de base à une discussion intense, qui devra déboucher sur une conception cantonale sérieuse de l'énergie et vous sera fourni dans le courant de l'année prochaine.

Je vous demande donc - je remercie les partis qui ont déjà pris position dans ce sens - de voter ce budget !

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

approuvant les budgets d'exploitation et d'investissementdes Services industriels de Genève pour l'année 1996

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 160, alinéa 1, lettre a, de la constitution genevoise, du 24 mai 1847;

vu l'article 37, lettre a, de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève, du 5 octobre 1973,

Décrète ce qui suit:

Article 1

Budget d'exploitation

Le budget d'exploitation des Services industriels de Genève est approuvé conformément aux chiffres suivants:

a)  recettes:

697 312 000 F,

b)  dépenses:

722 902 400 F,

c)  résultat:

-25 590 400 F.

Art. 2

Budget d'investissement

Le budget d'investissement des Services industriels de Genève, s'élevant à 56 296 100 F, est approuvé.

Art. 3

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996.