République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 10 novembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 1re session - 48e séance -autres séances de la session
No 48
Vendredi 10 novembre 1995,
soir
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre et Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Claude Haegi, Philippe Joye et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anita Cuénod, Hervé Dessimoz, Marlène Dupraz, René Ecuyer, Luc Gilly, David Hiler, Pierre Kunz, Armand Lombard, David Revaclier et Michèle Wavre députés.
3. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
Assurance-maladie
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. A la suite des discussions dans la population sur les hausses de cotisations d'assurance-maladie, le Conseil d'Etat tient à vous faire la communication suivante qui répond, en même temps, à l'interpellation urgente développée hier par M. Bernard Lescaze :
1. De manière résumée, la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie, votée par le peuple suisse en décembre 1994, introduit pour tout le pays :
a) l'obligation d'assurance, ce qui supprime les réserves liées à l'âge, au sexe ou à l'état de santé;
b) la cotisation unique par caisse, qui garantit la solidarité entre les assurés, hommes et femmes, jeunes et âgés, individuels et collectifs;
c) la compensation entre les caisses maladie, les bénéfices des uns finançant les déficits des autres;
d) la prise en charge de nouvelles prestations dans l'assurance obligatoire, ce qui fait perdre une part de leur intérêt aux assurances complémentaires.
2. L'entrée en vigueur, le 1er janvier 1996, de la nouvelle législation fédérale entraîne, en moyenne, une hausse des cotisations d'environ 20%, qui s'explique, pour l'essentiel, par trois facteurs :
a) la suppression des subventions fédérales, dont l'incidence est estimée à 10 ou 11%;
b) la prise en charge d'importantes prestations : soins à domicile, soins dans les EMS, grossesses, frais de sauvetage et de transports, dont l'incidence est environ de 5%;
c) l'augmentation de la consommation, qui avait été freinée par les arrêtés fédéraux urgents, dont l'estimation est évaluée à 6%.
3. Près de la moitié de la hausse annoncée est donc due à la suppression des subventions fédérales pour un montant d'environ 1,4 milliard.
Avant la votation populaire, cette situation a été largement débattue, mais elle a été voulue. En effet, afin de mieux cibler l'aide publique, la législation fédérale prévoit de passer du subventionnement des caisses maladie - dont bénéficient, selon le système de l'arrosoir, tous les assurés - au subventionnement des assurés dont bénéficient les seuls assurés à ressources dites «modestes».
4. A Genève, cette politique a été mise en oeuvre progressivement ces dernières années. Les subsides aux assurés à ressources «modestes» ont évolué de la manière suivante :
a) 20 millions en 1994;
b) 42 millions en 1995;
c) 147 millions inscrits au projet de budget 1996.
5. Le 18 octobre de cette année, le Conseil d'Etat a pris, par règlement, les dispositions suivantes pour répartir ces 147 millions de subsides destinés à diminuer la hausse des cotisations :
5.1 Auront ainsi droit à un subside égal à la cotisation :
a) les personnes qui sont à l'assistance publique ou à l'assistance médicale;
b) les rentiers AVS-AI bénéficiaires des prestations complémentaires de l'OCPA;
c) les enfants mineurs de moins de dix-huit ans dont les parents ont un revenu imposable de moins de 42 000 F, ce revenu augmentant de 5 000 F par enfant.
5.2 Auront droit à un subside de 60 F par mois :
a) la personne seule ayant un revenu imposable inférieur à 30 000 F;
b) le couple ayant un revenu imposable inférieur à 42 000 F, ce revenu augmentant de 5 000 F par enfant mineur : moins de dix-huit ans.
6. Ces dispositions concernent très exactement cent deux mille cinq cent dix-neuf adultes et vingt-trois mille huit cent quarante-huit enfants. Les intéressés sont informés automatiquement pour bénéficier des subsides, les assurés doivent transmettre l'attestation «rose», qui leur est envoyée par le service de l'assurance-maladie, à leur caisse maladie.
7. En outre, tous les assurés peuvent faire baisser leurs cotisations :
a) en souscrivant des franchises à option dans l'assurance de base, qui permettent d'obtenir jusqu'à 40% de baisse des cotisations;
b) en adhérant à un réseau de santé HMO; le montant des cotisations est avantageux, mais le libre choix du médecin n'est plus garanti;
c) en changeant de caisse, mais en se souvenant qu'une caisse aux tarifs très avantageux a le droit d'augmenter ses primes rétroactivement en cas de difficultés financières, comme l'a démontré, d'ailleurs, la situation de l'Artisana.
8. Enfin, et c'est le plus important, Mme Dreifuss a confirmé, par écrit, que toutes les caisses qui sont au-dessus de la moyenne doivent présenter leurs comptes et leurs calculs à l'Office fédéral des assurances sociales. Aucune prime n'entrera définitivement en vigueur avant d'avoir été contrôlée.
9. En conclusion, le Conseil d'Etat considère que si certaines caisses maladie se sont comportées correctement en annonçant des hausses de 10% à 15%, souvent diminuées par les subsides, d'autres caisses ont manifestement abusé de la situation, n'hésitant pas à annoncer des augmentations de 50%. Si cette situation n'est pas corrigée, ces prochains jours ou ces prochaines semaines, le Conseil d'Etat examinera alors la possibilité de demander au Conseil fédéral de lui déléguer la surveillance des comptes, bilans et primes des caisses maladie exerçant leurs activités sur territoire genevois.
L'interpellation urgente 127 de M. Lescaze est close.
Le président. Je vous indique que Mme Elisabeth Häusermann représentera le Bureau à la commission des visiteurs officiels et que Mme Yvonne Humbert présidera la commission de réexamen en matière de naturalisation.
En outre, j'ai le plaisir de vous signaler la présence, à la tribune du public, de M. Jean-Jacques Mégevand, qui fut président de notre parlement, il y a quelques législatures ! (Applaudissements.)
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil s'est réunie mercredi 8 novembre pour étudier les candidatures proposées par le parti radical et le parti socialiste, suite aux démissions de Mme Françoise Saudan et de Mme Maria Roth-Bernasconi.
Pour le parti radical, il s'agit de la candidature de M. Gérard Laederach, né en 1939 et domicilié sur la commune de Satigny. M. Laederach exerce la fonction de directeur commercial, fondé de pouvoir de la société SCRASA. Cette fonction n'entraînant aucune incompatibilité avec la fonction de député au Grand Conseil, la commission vous prie de bien vouloir procéder à l'assermentation de M. Laederach.
La candidature présentée par le parti socialiste est celle de Mme Nicole Castioni-Jaquet, née en 1958 et domiciliée sur la commune de Plan-les-Ouates.
Mme Castioni-Jaquet exerce la fonction de mère au foyer et suit, en parallèle, des études universitaires. Elle est également juge au Tribunal des prud'hommes et juge assesseur au Tribunal des baux et loyers. Si la fonction de juge prud'homme n'entraîne aucune incompatibilité, selon l'article 21 de la loi portant règlement du Grand Conseil, celle de juge assesseur au Tribunal des baux et loyers est incompatible. C'est la raison pour laquelle Mme Castioni-Jaquet a écrit au président du Grand Conseil, en date du 9 novembre, la lettre suivante :
«Monsieur le président,
Etant donné les exigences de la constitution genevoise, je prends l'engagement de démissionner de mes fonctions de juge assesseur au Tribunal des baux et loyers.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, mes salutations distinguées.
Nicole Castioni-Jaquet»
La commission vous prie donc de bien vouloir procéder à l'assermentation de Mme Castioni-Jaquet.
Mme Nicole Castioni-Jaquet est assermentée. (Applaudisements.)
Le président. La commission est composée des membres suivants : Armand Lombard (L), Claude Lacour (L), Olivier Vaucher (L), Vérène Nicollier (L); Laurette Dupuis (AG), Claire Chalut (AG), Yves Zehfus (AG); Sylvie Châtelain (S), Nicole Castioni-Jaquet (S); Elisabeth Häusermann (R), Michèle Wavre (R); Henri Duvillard (DC), Pierre-François Unger (DC); Fabienne Bugnon (Ve).
La présidente de la commission, membre du Bureau, est Mme Yvonne Humbert.
Le président. La commission est composée des membres suivants :
Titulaires : Nicolas Brunschwig (L), Michel Balestra (L), Janine Berberat (L), Armand Lombard (L), Henri Gougler (L); Evelyne Strubin (AG), Claire Chalut (AG), Erica Deuber-Pauli (AG); René Longet (S), Micheline Calmy-Rey (S); Michèle Wavre (R), Marie-Françoise de Tassigny (R); Bénédict Fontanet (DC), Olivier Lorenzini (DC); Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve).
Suppléants : Pierre Ducrest (L), Claude Lacour (L), Claude Howald (L), Bernard Annen (L), Vérène Nicollier (L); Gilles Godinat (AG), Bernard Clerc (AG), Matthias Butikofer (AG); François Courvoisier (S), Liliane Charrière Urben (S); Michel Ducret (R), David Revaclier (R); Pierre Marti (DC), Claude Blanc (DC); Andreas Saurer (Ve), David Hiler (Ve).
Le président de la commission, membre du Bureau, sera désigné ultérieurement.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:
Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur)
1 La Cour de justice comprend 12 à 18 juges, dont un président, un vice-président, 10 à 20 juges suppléants, dont5 désignés pour siéger à la Chambre d'appel des prud'hom-mes, 10 juges assesseurs rattachés à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers, soit 5 choisis dans les groupements représentatifs des locataires et 5 dans les milieux immo-biliers, ainsi que 2 juges assesseurs et 4 juges assesseurs suppléants rattachés à la Chambre d'accusation pour l'examen des demandes de mise en liberté et de prolongation de la détention.
Art. 2
Modification à d'autres lois (E 2 2)
1 La loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 janvier 1990, est modifiée comme suit:
Article 1, lettre b (nouvelle teneur)
b) 15 juges titulaires et 20 juges suppléants à la Cour de justice;
(E 2 4)
2 La loi sur la juridiction des prud'hommes, du 21 juin 1990, est modifiée comme suit:
Art. 53, al. 1 (nouvelle teneur)
Composition
1 La Chambre d'appel est composée d'un président, juge, ancien juge ou juge suppléant à la Cour de justice, de2 prud'hommes employeurs et de 2 prud'homme salariés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Il est notoire qu'en période de basse conjoncture la Juridiction des prud'hommes éprouve énormément de peine à satisfaire à l'exigence de rapidité instaurée par le législateur fédéral dans l'intérêt des justiciables.
L'engorgement se situe principalement au niveau de la Chambre d'appel, dont les délais de convocation sont de plus de 7 mois.
Une réforme en profondeur de la juridiction, à laquelle sont associés les partenaires sociaux, est actuellement à l'étude, mais elle ne portera pas ses fruits avant le renouvellement de la juridiction, prévu en 1999.
Dans l'intervalle, il existe un moyen simple, économique et politi-quement neutre de restituer son efficacité à la Chambre d'appel.
Il s'agit d'élire 5 juges supppléants supplémentaires à la Cour de Justice, qui seront spécifiquement affectés à la présidence d'audiences prud'homales. Il conviendra, bien sûr, que ces nouveaux suppléants soient choisis parmi des avocats motivés et connaissant bien le droit du travail.
Selon les estimations du greffe de la juridiction, cette mesure permettra, à raison d'une audience par semaine et par suppléant, de revenir en une dizaine de mois à des délais de convocation satisfaisants, de l'ordre de 2 mois.
Sur le plan financier, il n'en découlera aucune dépense supplémentaire pour l'Etat, puisque les juges prud'hommes sont rétribués au casuel.
Tel est l'objet du projet de loi que nous vous soumettons à la demande du pouvoir judiciaire et auquel les partenaires sociaux adhèrent sans réserves.
Commentaire article par article
Loi sur l'organisation judiciaire
Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur)
Le nombre maximum de juges suppléants à la Cour de justice, actuellement de 15, passe à 20. L'indication expresse que 5 juges suppléants sont désignés pour siéger à la Chambre d'appel des prud'hommes fait obligation à la Cour de justice, à qui incombe de les désigner, de les affecter à cette juridiction. Ainsi se trouve évité le risque que ces forces vives nouvelles ne soient utilisées à d'autres tâches.
Loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire
Art. 1, lettre b (nouvelle teneur)
Le nombre des juges suppléants à la Cour de justice jusqu'aux élections générales d'avril 1996 passe de 15 à 20.
Loi sur la juridiction des prud'hommes
Art. 53, al. 1 (nouvelle teneur)
Le juge suppléant à la Cour de justice vient s'ajouter au juge ou à l'ancien juge de la Cour de justice en qualité de personne apte à présider la Chambre d'appel.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le présent projet de loi.
Préconsultation
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il est notoire qu'en période de basse conjoncture la juridiction des prud'hommes éprouve énormément de peine à satisfaire à l'exigence de rapidité instaurée par le législateur fédéral, dans l'intérêt des justiciables. L'engorgement se situe principalement au niveau de la Chambre d'appel, dont les délais de convocation sont de plus de sept mois.
Une réforme en profondeur de la juridiction, à laquelle sont associés les partenaires sociaux, est actuellement à l'étude. Malheureusement, elle ne portera pas ses fruits avant le renouvellement de la juridiction, c'est-à-dire en 1999. Dans l'intervalle, il existe un moyen simple, économique et politiquement neutre de restituer son efficacité à la Chambre d'appel. Il s'agit d'élire cinq juges suppléants supplémentaires à la Cour de justice, qui seront spécifiquement affectés à la présidence d'audiences prud'homales. Il conviendra, bien sûr, que ces nouveaux suppléants soient choisis parmi des avocats motivés et connaissant bien le droit du travail. Selon les estimations du greffe de la juridiction, cette mesure permettra, à raison d'une audience par semaine et par suppléant, de revenir, en une dizaine de mois seulement, à des délais de convocation satisfaisants, de l'ordre de deux mois.
Sur le plan financier, il n'en découlera, à terme, aucune dépense supplémentaire pour l'Etat, puisque les juges prud'hommes sont rétribués en fonction du nombre de cas qu'ils traitent.
Tel est l'objet du projet de loi que nous vous soumettons à la demande du pouvoir judiciaire et auquel les partenaires sociaux adhèrent, sans réserve. Dès lors, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais souhaité que, pour accélérer nos débats, nous puissions adopter immédiatement ce projet de loi.
J'ai cependant été informé que des questions devaient encore être posées, raison pour laquelle ce projet de loi sera discuté en commission. Je souhaiterais simplement - et je me fais l'interprète, je crois, de toutes les fractions politiques réunies dans cette enceinte - que ce point soit traité prioritairement au début de la prochaine séance de la commission judiciaire, car il y a urgence. Ce sujet doit être abordé rapidement : il en va de l'intérêt général.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Excusez-moi ! J'ai dû être inattentive, mais je n'ai pas vu que vous aviez déjà donné la parole à M. le conseiller d'Etat. Veuillez donc accepter que je fasse part de quelques remarques sur ce projet de loi.
Lors des travaux concernant la réforme de la loi sur la juridiction du Tribunal des prud'hommes, en juin 1988, notre groupe, dans un rapport de minorité défendu par notre ex-collègue Robert Cramer, avait alerté le Grand Conseil sur les dysfonctionnements de cette juridiction. Ce projet avait donné lieu à de longs débats en commission, puis en séance plénière. Après un nouveau retour en commission il a abouti, finalement, plus à une solution de compromis boiteux qu'à une réelle réforme de la juridiction des prud'hommes, alors que, pourtant, on s'accordait déjà à penser que celle-ci ne fonctionnait pas à satisfaction.
Les questions de fond ont été repoussées, et on a finalement procédé à ce qu'on pourrait appeler une «réformette». Nous payons aujourd'hui le prix du manque de volonté politique de l'époque : le Tribunal des prud'hommes est engorgé et les convocations à la Chambre d'appel se font attendre plus de sept mois. Je n'invente rien, puisque cela figure dans l'exposé des motifs !
Au lieu de prendre le mal à la racine et de prescrire des remèdes efficaces, le Conseil d'Etat nous propose, dans l'attente de la grande réforme qui devrait avoir lieu en 1999, à nouveau le faux remède : celui qui n'a d'utilité que pour soulager la crise aiguë ! Mais, au problème réel de la juridiction des prud'hommes, ce projet n'apporte aucune solution. Et sachant à quel rythme évoluent les travaux, tant entre les partenaires concernés qu'après, au niveau de la commission judiciaire du Grand Conseil, engorgée, elle aussi, il y a fort à parier que l'année 1999 ne nous amènera pas la grande réforme annoncée.
En 1988, notre groupe avait notamment insisté sur le fait que la complexité de la législation sur le travail laissait peu de marge d'interprétation aux personnes chargées de l'appliquer, car, quand bien même ces personnes le font avec toute la bonne volonté souhaitée, elles se trouvent souvent face à des employeurs représentés par des juristes plus à même de trouver une interprétation favorable à leurs mandants qu'aux travailleurs.
Et nous avions demandé, à l'époque, que ce point, qui nous semble être la cause essentielle du dysfonctionnement de la juridiction, soit revu avec la plus grande attention. Cela pour que les jugements ne s'effectuent pas au détriment des employés et qu'ils ne fassent pas, presque systématiquement, l'objet d'appels, comme c'est le cas actuellement pour près de la moitié d'entre eux. Les modifications prévues en 1999 devront absolument tenir compte de cette situation.
En ce qui concerne la solution factuelle proposée par le Conseil d'Etat, sur la base du projet de loi 7300, notre groupe a une position extrêmement réservée. Nous pensons que le fait d'engager des juges suppléants dans le but de faire fonctionner plus rapidement la juridiction est une erreur, car on détourne de cette manière la fonction initiale de juge suppléant, et cela pose un problème de principe.
Nous soutiendrons tout de même le renvoi de ce projet à la commission judiciaire, et nous espérons y entendre le président de la Cour de justice, afin qu'il nous explique, plus en détail que ne le fait ce projet de loi, pourquoi les juges actuels ne suffisent pas à accomplir cette tâche et pour quelle raison on souhaite que ces juges suppléants soient rattachés à une seule juridiction, tel que le prévoit l'article 29 dans son alinéa 1.
En conclusion, nous regrettons donc la formulation de ce projet, de même que son exposé des motifs qui reconnaît les dysfonctionnements, mais ne propose pas une réelle réforme, alors que l'urgence la motiverait.
Nous sommes, Monsieur le président, très attachés à ce que cette juridiction d'importance fonctionne à satisfaction. Et notre but n'est bien entendu pas d'en empêcher les améliorations - nous apprécions d'ailleurs que vous fassiez passer ce projet en priorité à la commission judiciaire - mais nous aimerions que le Conseil d'Etat choisisse les bonnes améliorations.
M. Bernard Lescaze (R). Je suis un peu stupéfait en entendant les propos de la préopinante.
En effet, elle reconnaît que les considérants du projet, plutôt catastrophiques quant au fonctionnement de la juridiction prud'homale, sont exacts. Elle affirme, d'autre part, son souhait de voir cette juridiction fonctionner mieux. Et, par ailleurs, elle mentionne que, jusqu'à présent, aucune véritable réforme n'a pu aboutir.
Alors, je pose deux questions :
a) Faut-il attendre le meilleur remède, en laissant le malade dépérir ? Ma réponse est négative !
b) Cette réforme, certes petite et modeste, est-elle utile ? Ma réponse est positive !
Pour ma part, j'aurais aimé que cette petite réforme puisse entrer le plus rapidement possible en vigueur. Je m'apprêtais à demander la discussion immédiate. Hier soir, j'avais d'ailleurs réussi à convaincre notre collègue Halpérin de ce mode de faire. Mais, j'entends maintenant que le chef du département est d'accord pour renvoyer ce projet en commission. Les propos de Mme Bugnon m'inquiètent quant à la rapidité du travail en commission.
Or, ce qui compte c'est malgré tout l'intérêt des travailleurs, Madame. Il ne me paraît pas normal que lorsque de petites sommes sont en jeu - peut-être sont-ce des petites sommes pour vous, mais elles sont importantes pour les travailleurs concernés - on fasse lanterner ces personnes pendant sept mois et davantage. Vos propos m'étonnent et la demande de réforme de fond, dont vous savez parfaitement qu'elle mettra plusieurs mois, voire plusieurs années avant d'entrer en vigueur, est une façon détournée de repousser ce projet aux «calendes grecques» - j'allais dire aux «calendes vertes» !
Pour ma part, quitte à être battu, je demande formellement la discussion immédiate.
M. Bénédict Fontanet. Je conçois la légitime impatience de notre collègue Lescaze, et je dirai que ce projet de loi est effectivement un emplâtre sur une jambe de bois, en ce sens qu'il y a beaucoup de causes actuellement pendantes devant la juridiction d'appel dans la Chambre d'appel des prud'hommes. Mais si elles sont nombreuses c'est que la qualité des jugements rendus en première instance n'est souvent pas considérable et bien affirmée.
La juridiction des prud'hommes, alors que le droit du travail au fil des années est devenu complexe et technique, fonctionne seulement avec des juges laïcs, et, aujourd'hui, il serait indubitablement nécessaire que la juridiction des prud'hommes, même en première instance, soit présidée par des juges, qu'ils soient juristes, avocats, juges au tribunal ou que sais-je. Mais il n'est pas satisfaisant que des jugements soient parfois rendus à la petite semaine dans une matière devenue très complexe, alors que les conflits du travail sont de plus en plus fréquents et que notre société connaît les graves problèmes du chômage. Monsieur Lescaze, c'est aussi une des causes de la multiplication des appels et donc de la surcharge de la Chambre d'appel !
Ce projet de loi sera peut-être une réponse partielle au problème actuel. Il permettra de pallier certainement une situation d'urgence, parce qu'il n'est pas admissible que des personnes attendent plusieurs mois en Chambre d'appel pour des litiges qui portent souvent sur des montants modestes, mais qui sont importants pour ceux qui les réclament. Néanmoins, il faudra indubitablement réfléchir sur l'organisation de la juridiction des prud'hommes et, plus particulièrement, sur la manière dont statue et siège le Tribunal de première instance, en quelque sorte, des prud'hommes qu'est la juridiction des prud'hommes.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Monsieur Blanc, rassurez-vous je ne vais intervenir à nouveau en préconsultation !
Je voudrais simplement répondre à M. Lescaze. Soit il ne m'a pas entendue soit il ne m'a pas écoutée. Mais les critiques qu'il vient de faire sont totalement inadmissibles. En effet, prétendre que le fait de poser des questions sur un sujet important revient à bloquer les travaux ou à être opposée aux droits des travailleurs est inadmissible !
M. Bernard Lescaze. Vous avez votre opinion, en conséquence j'ai le droit d'avoir la mienne !
Le président. Monsieur Lescaze, s'il vous plaît ! Vous n'allez pas «bâillonner» Mme Bugnon si elle a quelque chose d'intéressant à nous dire !
Mme Fabienne Bugnon. Je peux terminer, oui ?
J'ai moi-même affirmé que je soutenais la proposition du Conseil d'Etat de faire passer ce projet en priorité, alors que les projets à traiter à la commission judiciaire sont très nombreux. Je vous demande donc encore une fois de bien vouloir accepter son renvoi en commission.
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Lescaze nous émeut beaucoup en évoquant le sort des «pauvres travailleurs» et en se préoccupant subitement de cette situation ! Mme Bugnon vient de vous rappeler une deuxième fois - peut-être ne serait-il pas inutile de le redire une troisième fois, Monsieur Lescaze ! - que le dysfonctionnement de la juridiction des prud'hommes n'intervient pas uniquement au niveau de la Chambre d'appel. Celle-ci est peut-être la conséquence de ce qui se passe avant. Vous me direz que ce n'est pas parce que certains se situent au début qu'il ne faut pas régler ceux qui interviennent à la fin.
Ce projet de loi est effectivement une mesure cosmétique, qui ne va pas régler du tout en profondeur le problème qui nous préoccupe. Monsieur le président, dans votre intervention, que j'ai écoutée avec intérêt, vous avez finalement simplement fait une lecture fidèle de l'exposé des motifs du projet de loi, que j'avais pris soin, pour ma part, de lire avant ce soir, jusqu'au bout en m'attardant sur l'analyse effectuée, article par article.
Or, même l'exposé des motifs comporte des incohérences au niveau des dates, Monsieur Lescaze ! Dans l'introduction, vous parlez du renouvellement de cette juridiction, prévu en 1999. En page 3, on indique que les élections sont prévues en avril 1996. Bref, cet exposé comporte un certain nombre d'inexactitudes. Ne serait-ce que pour cela, alors qu'on n'est pas capable de nous soumettre un projet de loi correctement libellé, la moindre des choses serait d'accepter son renvoi en commission, pour, au moins, corriger les erreurs qu'il contient !
Pour cette raison mais également pour des raisons de fond qui ont été exposées par Mme Bugnon et auxquelles notre groupe souscrit totalement, je crois qu'il est nécessaire d'avoir une vue un peu plus globale de la question qui se pose au niveau du Tribunal des prud'hommes. En effet, Monsieur le président, si le droit du travail est un droit extrêmement compliqué touchant de nombreux litiges, il en est de même du droit du bail. Or, nous avons instauré un Tribunal des baux qui fonctionne parfaitement dans cette République, y compris au départ, soit au niveau de la commission de conciliation que les partenaires sociaux s'emploient à faire fonctionner au mieux des intérêts des parties concernées. Alors, on peut s'interroger et se demander pourquoi il n'en va pas de même au niveau du Tribunal des prud'hommes. Et je ne crois pas qu'on peut se satisfaire - et ce ne serait pas une bonne solution - d'une simple mesure cosmétique qui ne réglerait pas du tout le fond du problème, comme M. Fontanet l'a d'ailleurs reconnu dans sa précédente intervention.
Pour ces deux raisons : de forme, par les erreurs contenues dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, et de fond, par rapport aux problèmes soulevés tout à l'heure par Mme Bugnon, on ne peut décemment pas demander une discussion immédiate. M. Ramseyer l'a reconnu lui-même et ne l'a pas demandée. Monsieur Lescaze, j'aimerais simplement que vous nous évitiez de voter et vous suggère de retirer votre demande !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais d'abord vous signaler, Madame la députée, que lorsque nous avons lancé la petite réforme des prud'hommes, j'ai dû taper du poing sur la table, à peine trois mois après, pour qu'on veuille bien commencer à travailler, simplement parce que les interlocuteurs autour de la table ne s'acceptaient pas les uns les autres. C'est vous dire que les réformes ne se font jamais très vite.
La notion de grande réforme, quant à elle, est évidemment souhaitable et souhaitée. Elle butera sur des problèmes relativement chauds comme, par exemple, l'éligibilité des juges prud'hommes étrangers.
Monsieur le député, vous avez parlé d'emplâtre sur une jambe de bois, mais la jambe n'est pas de bois : elle est bien réelle ! C'est une jambe malade, qui est susceptible, dans un premier temps, d'être notoirement soulagée et, dans un second temps, d'être guérie.
Quant à vous, Monsieur Ferrazino, vous parlez de mesure «cosmétique». Si vous remarquez mes fautes de frappe, permettez-moi de remarquer vos erreurs de vocabulaire. Il ne s'agit pas de «cosmétique», mais de personnes qui attendent plus de dix mois qu'on veuille bien statuer sur leur sort ! Nous prenons une mesure à court terme et provisoire, pour permettre que les cas de ces personnes soient traités rapidement.
Cela étant, il ne faut pas parler de «cosmétique», mais d'un remède de cheval, en attendant d'effectuer une réforme de fond à laquelle nous sommes tous favorables.
Monsieur le président, je me rends compte que l'urgence ne paraît pas suffisante pour justifier une discussion immédiate. Je ne m'y attache donc pas. Je regrette simplement que l'on prenne environ trois ou quatre semaines de retard. Mais cela ne sera peut-être pas perdu si, à la prochaine séance de la commission judiciaire, nous débouchons sur une solution. Dans cette optique, j'ai pris note de votre souhait de rencontrer le président de cette juridiction.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Excusez-moi, Monsieur Ramseyer de prendre la parole après vous, mais j'avais demandé la parole avant, et le Bureau ne m'avait pas vue!
De toute évidence, le retard qui a été observé dans la convocation des audiences à la Chambre d'appel des prud'hommes est une entrave au bon déroulement de cette juridiction qui est chère à notre canton et qui est aussi indispensable pour régler des conflits de travail concernant les travailleuses et travailleurs. Aussi, ce projet de loi pourrait bien évidemment être plus nuancé, mais il constitue déjà un axe pour pouvoir remédier à ce retard important. Nous ne sommes donc pas favorables à une discussion immédiate. Nous souhaiterions que ce projet de loi puisse être étudié en priorité à la commission judiciaire, ce qui devrait être possible.
Par ailleurs, le groupe socialiste s'est parfaitement retrouvé dans le calendrier qui est évoqué, à savoir le renouvellement de la juridiction en 1999 ou les élections qui sont prévues en 1996. Je me mets à la disposition de mon collègue Ferrazino pour lui expliquer de quelles élections il s'agit ! (Rires et quolibets.)
M. Bernard Annen (L). En 1988, je participais à ces travaux et vous avez raison, Monsieur Ferrazino et Monsieur Fontanet : les partenaires sociaux n'étaient pas d'accord avec les avocats. A cet égard, les avocats pensaient qu'ils étaient les seuls à pouvoir étudier le droit et surtout le droit du travail. On se rend compte, malheureusement, que c'est un domaine qu'ils n'aiment pas beaucoup et auquel ils prêtent beaucoup moins d'attention qu'à d'autres. Peu d'avocats connaissent réellement l'ensemble des conventions collectives. En effet, en dehors du droit du travail et du code civil, il existe un certain nombre de conventions collectives qu'il n'est pas si évident que cela de connaître à fond.
Comme par hasard, Mme Bugnon nous a parlé de M. Cramer qui est avocat. Il défendait cette position et disait que la situation ne pourrait pas se débloquer en raison des engorgements. Ces engorgements auxquels nous assistons aujourd'hui proviennent - personne ne pourra dire le contraire - de la situation économique de notre canton. Cela engendre, beaucoup plus qu'à l'habitude, un certain nombre de conflits difficiles à régler, qui ne peuvent pas toujours se régler devant la juridiction normale des prud'hommes, et il est tout naturel d'avoir recours à la Cour d'appel. C'est à ce moment que l'on s'aperçoit que l'on peut avoir de bons avocats, Monsieur Ferrazino, mais aussi des avocats procéduriers qui augmentent ce phénomène d'engorgement. Cela est malsain, car, en définitive, ce sont les ouvriers qui en pâtissent le plus. Il m'apparaît totalement anormal que les délais d'attente soient aussi longs pour que les affaires soient enfin traitées.
Alors, renvoyons ce projet en commission, mais, je vous en supplie, faites-le passer en priorité, car cela est nécessaire. Quant au compromis typiquement helvétique qui serait la cause de ces engorgements, sachez, Madame Bugnon, qu'il a été trouvé par votre serviteur et par Mme la conseillère aux Etats, Christianne Brunner.
Le président. Monsieur Lescaze, désirez-vous retirer votre proposition de discussion immédiate ?
M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, puisque tout le monde dit que, malgré l'urgence, il faut renvoyer ce projet en commission, c'est bien volontiers que je retire ma proposition de discussion immédiate.
J'espère simplement que, en commission, on traitera du projet de loi lui-même, c'est-à-dire du texte : «Le Grand Conseil décrète...» et non pas d'une ou deux malheureuses erreurs qui auraient pu se glisser dans un exposé des motifs, car cela n'est pas le travail que nous devons faire en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Lors de la précédente législature, le Grand Conseil était régulièrement informé par un rapport du Conseil d'Etat sur l'état d'avancement des divers projets de transports publics.
Il a fallu attendre le printemps de cette année pour que le Conseil d'Etat présente le rapport prévu par la loi sur le réseau des transports publics genevois relatif à l'état d'avancement du futur réseau des transports publics à l'horizon 2005, études présentées de manière fort succincte.
A présent, la population a appris la mise à l'enquête publique d'une troisième voie CFF entre Coppet et Genève selon une option résultant d'un groupe de travail formé de représentants des CFF et des Conseils d'Etat genevois et vaudois.
La présente motion vise à ce que le Conseil d'Etat donne une information circonstanciée au Grand Conseil et, par là, à la population sur cet important projet ferroviaire pour Genève.
On a assez dit que Genève avait raté ses rendez-vous ferroviaires, et son désenclavement à cet égard est essentiel. Une bonne liaison ferroviaire avec la Suisse doit être la priorité des priorités dans ce domaine. Or, on sait que la ligne Genève-Lausanne est saturée et une des priorités de Rail 2000 portait précisément sur l'augmentation de capacité de la liaison ferroviaire entre Genève et la Suisse. Il était question à l'origine d'une troisième voie de chemin de fer quasiment sur toute la longueur de cette ligne, mais en tout cas entre Nyon et Genève. Aujourd'hui, cette troisième voie semble limitée au secteur Coppet-Genève.
Mais, surtout, on doit constater que le projet de la boucle visant à créer (en lieu et place d'une troisième voie sur territoire genevois) une nouvelle liaison ferroviaire entre Mies (ou Versoix) et Cointrin semble abandonné alors que cette nouvelle desserte est la seule solution permettant d'envisager un véritable développement du trafic ferroviaire entre Genève et Lausanne, vu la prochaine saturation de la gare de Cointrin qui est en cul-de-sac, tout en évitant les trains à vide roulant entre Cointrin et Cornavin avec les nuisances qui en résultent pour les riverains de cette ligne en zone urbaine.
Comment se fait-il que cette solution qui avait la faveur des CFF ait été abandonnée au profit d'une solution minimaliste, totalement insuffisante à moyen terme?
Il est vrai qu'en demandant simultanément aux CFF de réaliser plu-sieurs projets coûteux (TGV Genève-Mâcon, La Praille-les Eaux-Vives, Lötschberg) au lieu de se concentrer sur un seul projet, celui qui est prioritaire pour Genève, on risquait d'aboutir à des solutions insatisfaisantes. Il s'agit pour le canton de définir ses priorités sur le plan ferroviaire et la ligne principale pour Genève est bien celle reliant notre ville à Lausanne, tant pour nos déplacements nationaux, romands que régionaux. C'est donc celle-ci qui doit faire l'objet d'un développement à la mesure des besoins futurs.
Débat
M. Jean Spielmann (AdG). Je n'ai pas l'intention d'ouvrir le débat et de développer le sujet du transport collectif, notamment la politique des CFF et les conséquences du réaménagement de Rail 2000 sur le secteur genevois, plus particulièrement sur le tronçon Nyon-Genève. Il serait utile, pour l'ensemble de ce parlement et, via le parlement, pour la population, que le Conseil d'Etat accepte de faire un rapport sur la situation, afin que chacun puisse être informé. Je n'entends pas aller dans le détail, à moins que vous vouliez en discuter immédiatement ou que cette motion soit contestée, ce qui ne devrait pas être le cas.
Je vous propose de la renvoyer au Conseil d'Etat pour que ce dernier puisse nous faire un rapport circonstancié sur ce sujet. Ce dossier pourra ainsi être traité plus rapidement. En cas de contestation, je suis bien sûr prêt à développer le sujet. Mais il semble que la raison devrait l'emporter, en renvoyant directement cette motion au Conseil d'Etat.
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical dira : «Oui, mais» à cette proposition de renvoi à la commission des transports de la présente motion, en vue d'une meilleure information, je dirais plutôt d'une mise à jour de l'information de ce Conseil !
En effet, je m'étrangle en lisant le texte de l'exposé des motifs de la motion. Il faut savoir que, si la boucle de Cointrin est abandonnée, c'est peut-être une chose fort heureuse pour l'attractivité des relations de Genève avec la Suisse. Je vous signale que toute liaison qui partirait de Genève en passant par Cointrin, au lieu de partir directement en direction de Lausanne, demanderait pratiquement dix minutes de plus. Cela représenterait donc une perte d'attractivité terrible pour le chemin de fer qui ne deviendrait plus concurrentiel pour le trajet Genève-Lausanne. C'est donc un très mauvais projet que cette histoire de boucle ! Il tente de résoudre des problèmes réels pour les CFF, sans doute, mais par une mauvaise solution pour les usagers !
L'intérêt de la troisième voie, d'ailleurs essentielle pour le trafic régional, consiste à desservir Versoix et non pas les champs de pommes de terre qui se trouvent derrière l'aéroport ! On peut d'ailleurs plutôt s'offusquer que l'horaire prévu pour ce trafic régional soit si minimal. Lorsque cette troisième voie sera en service, on peut espérer que les habitants de la rive droite se verront offrir des horaires plus étoffés !
Mais surtout les propositions faites dans cet exposé des motifs tendent à favoriser le cul-de-sac helvétique et la non-ouverture à l'Europe ! Qu'on fasse le procès de cette dernière, passe encore : c'est le choix des motionnaires ! Qu'on fasse le procès des relations avec la France voisine et du rattachement au réseau européen : ce n'est plus de l'immobilisme ou du conservatisme blochérien, c'est être totalement rétrograde ! Cela sous prétexte d'un problème de nuisances occasionnées par les travaux de construction de cette troisième voie... En effet, je vous rappelle que les exigences en ce qui concerne la protection de l'environnement sont beaucoup plus importantes qu'autrefois et que cela oblige à une mise à jour de la ligne sur territoire genevois, nuisances qui ne toucheront, d'ailleurs, que quelques propriétaires de villa.
D'ores et déjà, notre groupe est favorable à cette troisième voie, à sa prompte réalisation, à une bonne utilisation de celle-ci pour le trafic régional et à une amélioration sérieuse de celui-ci.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je viens d'entendre que le renvoi en commission était demandé. Je serai donc bref.
Deux sujets doivent être étudiés en commission. Le premier a déjà été évoqué par mon collègue Meyll et moi-même. Il y a environ deux ou trois mois, nous avions présenté une motion concernant la fréquence des trains. Ce sujet a déjà été étudié en commission, et notre collègue Lorenzini doit déposer un rapport devant ce Grand Conseil.
L'autre concerne le bruit. Pas mal de riverains se sont inquiétés du fait que le nombre des murs antibruit avait été un peu réduit, en fonction du budget des CFF. Aussi, il faut que nous puissions voir si nous pouvons faire quelque chose par rapport à ce problème.
M. René Longet (S). Je soutiens le renvoi de cette motion en commission, renvoi demandé par les motionnaires. Nous devrons effectivement nous demander s'il est exact, comme les motionnaires le disent, que l'intérêt majeur, aujourd'hui, en matière d'investissement ferroviaire, se situe sur l'axe Genève/Lausanne, avec les problèmes liés à la troisième voie. Réside-t-il dans l'alternative consistant à réactiver l'idée de la boucle ? A-t-on d'autres objectifs ? Je vous rappelle que, avec la solution du métro léger Eaux-Vives/Annemasse, nous n'aurons plus la liaison ferroviaire à voie normale, avec le réseau SNCF. Il faudra donc envisager un projet La Praille/Archamps. Cela coûte un certain nombre de centaines de millions. Nous avons également des projets pour une liaison plus efficace, au-delà d'Annemasse.
Cette motion me semble utile dans la mesure où elle nous permet de mettre à plat nos stratégies de développement ferroviaire dans la région. La seule chose que nous devrons déterminer très attentivement est de savoir si nous devons mettre le paquet, avant tout, en direction du canton de Vaud ou s'il y a d'autres priorités. Il est donc tout à fait utile d'examiner ce point en commission.
Cela dit, je pense que la motion dont M. Nissim a parlé traite d'un autre volet de ce dossier qui n'a rien à voir. Cette motion a été transformée en résolution par la commission des transports, fait l'objet d'un rapport de M. Lorenzini, qui sera prochainement discuté dans cette enceinte.
C'est une bonne chose que nous votions d'abord celle-ci et que nous examinions la deuxième en commission. L'examen se fera aussi en deux étapes. D'une part, le problème de la troisième voie, d'autre part, des stratégies ou des priorités en matière d'investissement ferroviaire dans la région genevoise.
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais rassurer M. Ducret. Nous ne nous opposons pas à la troisième voie CFF. Nous avons simplement relevé que diverses options de développement du réseau ferroviaire entre Genève et Lausanne avaient été envisagées par les CFF. Le projet de boucle CFF avait tout de même été conçu par les CFF qui avaient un certain nombre de bonnes raisons pour préconiser cette solution qui n'impliquait du reste pas que tous les trains suivent l'itinéraire évoqué par M. Ducret. Cela pouvait être un train sur deux; diverses alternatives avaient été envisagées.
Le but premier de cette motion, il faut bien le dire, est d'abord d'obtenir des informations sur ce qui se passe. Nous avons beaucoup parlé de ces différents projets CFF, et la question des transports publics, et ferroviaires en particulier, intéresse tout de même directement notre Grand Conseil. Il nous semble donc anormal de ne pas être consultés ni même informés !
Deuxièmement, comme M. Longet l'a fort justement relevé, certaines priorités doivent être déterminées, en fonction des transports publics et des transports ferroviaires, en particulier. Nous savons que les moyens financiers de la Confédération sont limités et que, par voie de conséquence, il ne sera pas possible de tout faire. Pour nous, en tout cas, la priorité des priorités est de faire ce qui est envisagé depuis dix ans déjà et qui est toujours en attente : l'amélioration de la liaison entre Genève et le reste de la Suisse ! C'est finalement dans cette région, Monsieur Longet, que passe l'essentiel du trafic ferroviaire. Il ne s'agit pas de négliger les autres liaisons ferroviaires, mais nous savons que la ligne Genève/Lausanne est saturée et que nous avons pris du retard, hélas, avec le projet de Rail 2000 sur ce secteur prioritaire des voies CFF.
Nous serons mieux informés en commission et cela permettra peut-être d'arriver à ce qui a été fait dans le cadre du projet métro et du réseau tramway, c'est-à-dire d'avoir une motion qui fixe un certain nombre d'orientations. C'est effectivement le but de notre démarche.
M. Jean Spielmann (AdG). Je n'avais pas l'intention d'intervenir sur le fond, mais un certain nombre d'affirmations doivent être corrigées immédiatement.
Il n'est pas du tout dans l'intention des motionnaires de limiter la troisième voie : au contraire, elle doit être réalisée. Nous voulons encore moins prétériter ou ralentir les relations de la Suisse avec les autres pays. Nous parlons ici du trafic régional, de la mise en place de deux trafics sur un même axe. Des problèmes se posent pratiquement partout et sont souvent insolubles si on ne fait pas une troisième voie, lorsque le trafic régional doit être compatible avec le trafic intercity ou européen.
Si on laisse les voies en l'état et qu'on veut les utiliser de la manière la plus rentable possible, seuls les trafics international et interville pourront les utiliser. C'est certainement judicieux, mais cela se fera au détriment du trafic régional, car celui-ci ralentit et empêche le passage des grands convois. C'est pour cela qu'il faut un complément. Dans le développement de Rail 2000 ce complément consistait précisément à réaliser la boucle et la troisième voie.
Or, les propositions qui nous sont faites aujourd'hui suggèrent de supprimer six haltes entre Genève et Lausanne et de les raccorder par des bus. Elles proposent également de réduire les investissements prévus pour cette troisième voie et de supprimer la boucle. Si cette boucle a été prévue, ce n'est pas pour le plaisir de faire passer les intercity par Cornavin et Cointrin, augmentant ainsi le temps de distance avec l'ensemble de la Suisse, mais pour permettre une combinaison entre le trafic régional et les trafics à grande vitesse ! Cette voie supplémentaire offrira une possibilité multiple d'intégrer ces deux types de trafic tellement différents et peu compatibles, au niveau de la vitesse et de la fréquence des haltes.
Pour le complément je ne suis, pour ma part, pas persuadé de l'utilité de le renvoyer en commission pour refaire tous ces débats. Je préférerais que le Conseil d'Etat nous fasse un rapport circonstancié sur lequel nous pourrions débattre en commission, pour partir sur une base concrète et précise : soit les projets des CFF et les intentions du Conseil d'Etat. A partir de là, nous donnerons notre accord à la proposition du Conseil d'Etat ou nous manifesterons notre désaccord et nous ferons des propositions alternatives. Le Grand Conseil tranchera, en définitive. Il me semble donc plus judicieux et plus efficace de procéder ainsi plutôt que de recommencer les débats en commission, de trouver un consensus sur un texte de motion, pour la renvoyer ensuite au Conseil d'Etat, qui devra répondre. Le Conseil d'Etat possède des dossiers fournis, et des personnes compétentes au niveau du département peuvent nous faire un rapport qui nous permettra de prendre position.
Je propose donc de raccourcir la procédure et de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. En fonction de la réponse obtenue, soit nous débattrons soit nous serons tous d'accord avec les propositions présentées.
M. Pierre Meyll (AdG). Je ne suis pas membre de la commission des transports, aussi je me permettrai de faire quelques commentaires. En effet, ce sujet doit être discuté en commission.
Il est bien entendu que, lors de la réalisation de la troisième voie, le projet de la liaison entre Genève et le reste de la Suisse a été mal défendu par ceux qui en étaient chargés. Je n'accuse pas les absents !
A ce moment-là, il est évident que nous avons perdu la solution qui prévoyait la voie de rebroussement par Cointrin. N'en déplaise à M. Ducret, cette solution était beaucoup plus logique, parce que, au moment où on désirait un développement ou une rationalisation des moyens de transport pour Cointrin, il était beaucoup plus judicieux de faire arriver les trains directement de Lausanne à Cointrin, donc de desservir l'aéroport, ou de faire venir les trains par la boucle sur Genève. C'est un problème de transport facile à résoudre, bien évidemment à grands frais. Venant de Cointrin, une voie longeait l'autoroute - ce qui n'était pas un avantage pour la commune de Versoix - et rejoignait ensuite le bout droit de Mies. Cette voie de rebroussement était à l'étude, il y a environ cinq ou six ans, et laissait toujours la possibilité de réaliser une troisième voie, qui pouvait nous relier à Lausanne dans des conditions optimales de transport du millénaire prochain.
Il ne faut pas avoir une courte vue des choses; il faut considérer que cette troisième voie est une nécessité. Maintenant, nous sommes évidemment dans un cul-de-sac, parce que nous n'aurons qu'une espèce de troisième voie, qui - je vous l'ai déjà dit - ira seulement jusqu'à Coppet, qui deviendra ainsi la principale gare de la région. Ensuite nous n'aurons plus rien entre Coppet et Allaman pour reprendre une troisième voie qui, elle, sera beaucoup plus efficace entre Allaman et Lausanne. Nous nous trouvons à nouveau prétérités par le choix qui a été fait. C'est la raison pour laquelle nous devons absolument nous battre pour que la troisième voie se fasse, telle qu'elle est prévue actuellement. Mais il faut garder à l'esprit qu'une voie de rebroussement c'est la voie de l'avenir et que c'est le transport modal qui est en cause. Il faut insister sur ce point. J'espère que la commission des transports étudiera cette question sous cet angle.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. A partir du concept initial de base de Rail 2000, avec quatre trains intercity, deux trains directs et un train régional circulant chaque heure entre Lausanne et Genève, les CFF avaient étudié quatre types d'aménagement : une troisième voie, une voie de dépassement et de croisement, une quatrième voie Mies/Genève ou la boucle Genève/aéroport.
Face au dérapage financier du projet, le chef du Département fédéral a demandé aux CFF, en janvier 1993, de procéder à un réexamen complet du dossier avec le mandat de ne pas dépasser l'enveloppe budgétaire et de s'en tenir aux seuls éléments indispensables. La réponse des CFF à cette volonté a été Rail 2000, première étape. Pour la ligne Genève/Lausanne, un nouveau concept de transport a été trouvé : il permet une nette amélioration de la desserte régionale. Cette amélioration de l'offre exige une augmentation de la capacité de la ligne qui sera rendue possible par la réalisation d'une troisième voie entre Genève et Coppet pour 350 millions de francs.
L'abandon de la boucle estimée, selon les variantes, entre 600 millions et 1,2 milliard de francs, se base sur le redimensionnement du projet Rail 2000, le rapport coût/utilité et la solution satisfaisante trouvée avec la troisième voie.
Au point 37 de notre ordre du jour, M. le député Pierre Meyll a souhaité s'exprimer au sujet de cette troisième voie. Je n'anticipe donc pas. Mais j'aimerais vous dire en conclusion ce qui suit : Mesdames et Messieurs les députés, les débats sont toujours très utiles. Le débat de la commission des transports est particulièrement dense, d'une part à cause de la passion qui habite ceux qui y travaillent, d'autre part à cause de l'impulsion et de l'information générale que mon département a données.
Cette motion traite du trafic régional. Je ne vois pas d'inconvénient à en discuter en commission. Encore qu'à l'instar de ce que vient de déclarer M. le député Spielmann je suis prêt à fournir un rapport au niveau du Conseil d'Etat.
Messieurs les motionnaires, dans l'exposé des motifs, au dernier paragraphe, vous avez fait une allusion qui ne m'a pas convenu. Je cite : «...au lieu de se concentrer sur un seul projet...». Je ne veux pas polémiquer, je me contenterai de vous poser une question : sur quel seul projet nous sommes-nous concentrés jusqu'à maintenant et avec quel succès ? Succès : zéro; projet unique : zéro !
C'est la raison pour laquelle nous travaillons sur plusieurs axes dont Rail 2000, d'une part, TGV Léman/Mont-Blanc, d'autre part. Ce n'est pas la même problématique. Le premier cas traite de la desserte régionale et le second de l'ouverture de la Suisse sur la France. Et comme Rail 2000 était déjà en route, j'ai consacré mon énergie à TGV Léman/Mont-Blanc, parce qu'il n'y avait pas de projet concret sur ce point. Depuis quelque temps, vous le savez, ce dossier est ouvert et il est «sur rails», c'est le cas de le dire, avec le gouvernement français !
Voilà ce que je tenais à dire d'emblée. Je ne m'oppose pas au renvoi, bien sûr - cela ne relève d'ailleurs pas de ma compétence - de cette motion directement au Conseil d'Etat. Je suis prêt à vous fournir le rapport que vous souhaitez. Ce qui m'importe, avant tout, est de constater une nouvelle fois l'engouement de ce parlement pour les questions de transports.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je soutiens mon collègue Spielmann pour renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. Puisque M. Ramseyer est d'accord, nous gagnerons ainsi un temps précieux, ce qui est important vu le sujet.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
sur la 3e voie CFF
LE GRAND CONSEIL,
vu la mise à l'enquête publique par les CFF et le canton d'une troisième voie de chemin de fer entre Coppet et Genève,
invite le Conseil d'Etat
à lui faire rapport sur cet important projet ferroviaire et sur les motifs qui ont, semble-t-il, conduit à l'abandon du projet de boucle ferroviaire par Cointrin.
La motion M 918 a été renvoyée au Conseil d'Etat le 26 mai 1994. Comme c'est l'usage, s'agissant du fonctionnement d'une juridiction, le gouvernement l'a transmise au Pouvoir judiciaire, soit au procureur général, en le priant de bien vouloir se déterminer.
1. Avis de M. le Procureur général
M. .
«Toute approche de la situation du Ministère public suppose que soient préalablement rappelées les nombreuses fonctions que notre juridiction doit assumer et qui, trop souvent, sont ignorées des observateurs. A cette fin, je vous remets en annexe un tableau contenant quelques extraits des statistiques publiées dans le rapport de gestion du Pouvoir judiciaire, ainsi qu'une liste des tâches auxquelles notre juridiction doit faire face. La simple consultation de ces documents devrait suffire à convaincre tout un chacun qu'il est humainement impossible à huit magistrats, même assistés d'un greffier-juriste, de mener à bien leur mission sans négliger, faute de temps, certains aspects de celle-ci.
S'agissant tout d'abord du nombre des procédures pénales, il faut certes se réjouir de sa diminution, sensible depuis l'an dernier. La cause en réside sans doute dans un fléchissement - que l'on n'espère pas purement conjoncturel - de la criminalité dans le canton. Elle constitue aussi la conséquence des mesures ordonnés depuis 1990, avec la collaboration des entreprises ou institutions concernées, pour traiter certains comportements qui peuvent être sanctionnés sans intervention nécessaire du Parquet (vols à l'étalage de peu d'importance, usage abusif des transports publics) ou qui peuvent être prévenus par des mesures adéquates (usage abusif des comptes de chèques postaux). On ne peut ignorer cependant que, dans le même temps, les efforts entrepris pour intervenir plus efficacement en matière de criminalité économique ou dans la protection des victimes d'infractions à l'intégrité corporelle ou sexuelle, le sont au prix d'un investissement extrêmement important de la part des magistrats responsables.
Les non-spécialistes ignorent trop souvent la multiplicité des actes que les magistrats du Ministère public sont appelés à accomplir dans un même dossier pénal:
- conduite de l'enquête préliminaire;
- participation à l'instruction;
- participation aux audiences de la Chambre d'accusation;
- rédaction des ordonnances de classement, des ordonnances de condamnations, des réquisitions ou des feuilles d'envoi;
- assistance aux audiences de jugement;
- rédaction des écritures et assistance aux audiences devant les autorités de recours ou d'appel, y compris le Tribunal fédéral;
- rédaction des actes et écritures relatifs à toutes les actions connexes (confiscation, révocation de sursis, action en allocation aux lésés, demande d'indemnisation, réalisation ou destruction des objets confisqués, etc.);
- exécution des peines (écrous, suspensions, grâce, conversions d'amendes, etc.),
cela sans compter les multiples tâches annexes, fort mobilisatrices de temps (correspondance des détenus, droits de visite, préavis sur les taxations d'honoraires dus par l'assistance judiciaire, et autres tâches du même ordre).
A cela s'ajoute que le Ministère public, premier responsable de la poursuite pénale, ne peut ignorer la surcharge chronique dont souffrent d'autres juridictions. Il s'est donc attelé à assumer lui-même toutes les causes qui pouvaient l'être sans recourir à d'autres magistrats: s'en est suivie une augmentation considérable des ordonnances de condamnation du Parquet (50 en 1989, 1448 en 1992 !), dans le même temps où les renvois au Tribunal de police d'une part, les ouvertures d'information d'autre part, ont pu être notablement diminués.
L'impossibilité de faire face simultanément à toutes ces obligations conduit effectivement le Ministère public à négliger certains aspects de sa charge: les ordonnances de classement ne sont pas toutes notifiées, la participation aux audiences d'instruction, bien que plus régulière, reste largement insuffisante, la présence devant le Tribunal de police n'est que ponctuelle. D'une manière plus générale, les dossiers ne peuvent tous être traités avec une attention et une énergie suffisantes.
Du point de vue de l'organisation de la juridiction, la surcharge a pour conséquence:
- que le procureur général ne peut réserver assez de temps à la direction de la juridiction et doit assumer personnellement la conduite de trop nombreuses causes particulières;
- que les procureurs ne peuvent se consacrer à temps plein à la conduite des dossiers complexes auxquels ils sont prioritairement destinés;
- que les substituts sont trop souvent mobilisés pour des audiences ou des permanences, ce qui les empêche de faire face raisonnablement aux trop nombreuses causes qui leur sont confiées.
C'est dire en conclusion que, malgré tous les efforts entrepris, notamment dans le domaine de la rationalisation des tâches répétitives ou dans l'instauration d'une certaine spécialisation, un véritable renforcement du Parquet, conforme à la volonté du législateur en 1991, devrait nécessairement passer par le rétablissement des deux postes de substituts supprimés à cette époque.
Cela dit, les difficultés financières de l'Etat de Genève, qui avaient dicté ce dernier choix, restent plus que jamais d'actualité, comme vous le savez mieux que moi encore. Cette situation m'avait conduit jusqu'à ce jour à m'abstenir de joindre ma voix au choeur, déjà bien étoffé, des serviteurs de l'Etat qui répugnent à tout sacrifice. La récente décision du Grand Conseil, selon laquelle 3 millions de francs supplémentaires seront consacrés, dès l'an prochain, à la prévention de la toxicomanie, me fait douter d'avoir fait le bon choix.
Quoi qu'il en soit, vous savez qu'il existe un moyen financièrement accessible pour résoudre les problèmes évoqués plus haut: il s'agit de la fusion entre le Ministère public et l'Instruction, selon des modalités qu'il appartient à la commission que vous avez nommée de définir. A cet égard, il vous intéressera peut-être de savoir que, si mes renseignements sont exacts, le demi-canton de Bâle-Ville dispose de 26 procureurs qui instruisent et requièrent, pour une population de 160 000 habitants.
Si la fusion était réalisée à Genève, sans augmentation du nombre des titulaires, le canton disposerait de 23 magistrats chargés de la poursuite pénale (15 juges d'instruction actuels, 8 magistrats du Parquet) pour une population de plus du double de celle de Bâle-Ville et dans un canton qui, de surcroît, constitue une place financière importante. Même si comparaison n'est pas toujours raison, vous conviendrez que la proposition évoquée plus haut tient largement compte des difficultés financières de notre canton.»
2. Point de vue du Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat rappelle qu'un groupe de travail mis sur pied par le département de justice et police et des transports a reçu mandat d'étudier notamment la possibilité de réunir en une seule juridiction le Parquet et l'Instruction, sous l'autorité du procureur général. Ce groupe de travail, présidé par M. Pierre Marquis, président du Collège des juges d'instruction, est formé de magistrats (MM. Pierre Marquis, Pierre Heyer, président de la Cour de justice, et Salvatore Aversano, procureur), d'avocats (Mes François Canonica et Pierre De Preux, membres de l'Ordre des avocats, et Laurent Moutinot, membre de l'Association des juristes progressistes) et de hauts fonctionnaires du département de justice et police et des transports.
Lors du second semestre de 1994, un groupe de praticiens animé par Me Charles Poncet, avocat et conseiller national, a soumis au Conseil d'Etat un avant-projet de loi visant à instaurer une procédure particulière pour réprimer le crime organisé et la criminalité complexe.
Il s'agissait de fusionner les fonctions de procureur et de juge d'instruction pour le traitement des infractions se rattachant à ce type de criminalité.
Dans l'esprit de leurs auteurs, ces dispositions, dont la rédaction était pratiquement achevée, présentaient notamment l'avantage de pouvoir être adoptées rapidement, contrairement au projet de fusion complète du Parquet et de l'Instruction à l'étude devant le groupe de travail officiel.
Le département de justice et police et des transports a soumis cet avant-projet de loi en consultation et renoncé à répondre dans l'intervalle à la motion, en accord avec ses auteurs.
Les milieux intéressés suivants se sont exprimés:
- Collège des jusges d'instruction;
- Ministère public;
- Cour de justice;
- Association des magistrats du pouvoir judiciaire;
- Commission judiciaire du parti radical genevois;
- Ordre des avocats;
- Association des juristes progressistes.
A l'exception de l'Association des juristes progressistes, les réactions ont été unanimement négatives.
En résumé, il a été principalement reproché à cet avant-projet de:
- créer des inégalités de traitement entre catégories de justiciables par l'introduction de deux procédures différentes;
- conférer des pouvoirs exorbitants aux magistrats du Parquet, qui décideront seuls du choix de la procédure;
- proposer un système vraisemblablement contraire à la CEDH en conférant à une seule et même juridiction (la Chambre d'accusation) les pouvoirs de décerner le mandat d'arrêt et de se prononcer sur la prolongation de la détention;
- faire totalement l'impasse sur les coûts qu'entraînerait son application, étant précisé qu'à elle seule, l'augmentation des tâches conférées à la politice judiciaire entraînerait, selon les estimations du chef de la sûreté, l'engagement et la formation de 12 à 15 personnes supplémentaires, ainsi que la mise sur pied de l'infrastructure nécessaire à la tenue d'audiences importantes dans les locaux de la police.
En outre, il a été fréquemment relevé que le passage, même partiel, à un système de type accusatoire inspiré de celui en vigueur dans les pays anglo-saxons constituait une remise en cause fondamentale de notre procédure et qu'une telle réforme devait être précédée d'une réflexion de fond.
Le département de justice et police et des transports a soumis ces divers avis au groupe de travail.
Le Conseil d'Etat a donc renoncé à vous soumettre l'avant-projet du groupe animéa par Me Charles Poncet et le groupe mandaté par le département de justice et police et des transports a été invité à poursuivre ses travaux.
3. Conclusion
A l'instar de M. le Procureur général, le Conseil d'Etat est d'avis qu'il importe de connaître les résultats des travaux du groupe présidé par M. Pierre Marquis sur une éventuelle fusion du Parquet et de l'Instruction avant d'envisager une quelconque augmentation du nombre des substituts du Ministère public.
Le Conseil d'Etat ne manquera pas de revenir sur ce sujet lorsqu'il sera en possession du rapport du groupe de travail mandaté par le département de justice et police et des transports.
Annexes: extraits des statistiques du Ministère public
liste des tâches assumées par le Ministère public
(M 918)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- la modification de l'article 38 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ) intervenue le 28 novembre 1991 prévoyant la création de deux postes de procureurs;
- l'abaissement du nombre de substituts de deux unités ayant été opéré en vue de concilier ce qui précède avec les impératifs budgétaires de l'époque;
- les dysfonctionnements résultant de la situation actuelle au sein du Parquet;
- le réexamen de l'ensemble de ces problèmes en fonction de l'évolution du nombre des causes à traiter expressément réservé dans le rapport de la commission judiciaire à l'origine de la modification précitée;
- la nécessité de s'assurer que les buts clairement exprimés à l'occasion de la modification de la LOJ du 28 novembre 1991 soient concrètement atteints,
invite le Conseil d'Etat
- à rendre, en 1994 encore, un rapport sur la situation prévalant actuellement au sein du Parquet, principalement à la lumière des buts qu'a entendu poursuivre le Grand Conseil en décidant de la modification de la LOJ du 28 novembre 1991, qui permette notamment de décrire dans quelle mesure les deux procureurs ont actuellement la possibilité de mener leur mission, et d'évaluer l'incidence concrète de l'abaissement du nombre des substituts sur le fonctionnement du Parquet;
- à proposer le cas échéant divers remèdes aux dysfonctionnements constatés, en envisageant notamment la possibilité de faire remonter le nombre des substituts de 5 à 7.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
page 10Débat
M. Bénédict Fontanet. Je tiens à remercier le Conseil d'Etat pour son rapport, mais je dirais qu'il s'agit presque d'un rapport du procureur général au Grand Conseil plutôt que d'un rapport du Conseil d'Etat.
M. John Dupraz. Des preuves !
M. Bénédict Fontanet. Oh, des preuves, mon cher Dupraz ! Il suffit de lire ! Les trois quarts du rapport sont constitués par une lettre de M. le Procureur général au Conseil d'Etat !
En l'occurrence, s'agissant de la surcharge et des dysfonctionnements constatés au sein du Parquet, malgré les modifications législatives votées en 1991, il n'y a pas de grand changement. On nous parle d'une réforme partielle et privée qu'avait initiée notre excellent ancien collègue Charles Poncet et on nous indique que cette réforme, émanant de milieux privés publics, a été abandonnée. On nous dit également qu'une étude est en cours, sous la houlette du président du Collège des juges d'instruction, Pierre Marquis, pour savoir si oui ou non nous allons procéder à une fusion complète du Parquet et de l'Instruction. Mais il s'agit d'une oeuvre de longue haleine, parce que, si cela prend autant de temps que la dernière fois que l'on a dû modifier le code de procédure pénale, soit vingt ans, nous ne serons pas encore sortis de l'auberge pour savoir si oui ou non ces dysfonctionnements et ces difficultés constatés au Parquet pourront être résolus ou non.
Nous aurions bien aimé obtenir des réponses plus précises aux questions que nous nous posons. Elles sont d'autant plus d'actualité qu'aujourd'hui les deux procureurs, qui avaient été nommés pour assurer une certaine stabilité aux magistrats se trouvant au Parquet, sont tous les deux démissionnaires, alors que nous avions tous, et sur tous les bancs de ce Grand Conseil, souhaité qu'ils restent plus longtemps et que ces deux mêmes procureurs semblent avoir, outre cela, un certain nombre d'états d'âme. Mais, j'en suis certain, sur les bancs des partis de ce Grand Conseil on saura leur trouver, le cas échéant, des remplaçants !
La situation au Parquet n'est actuellement pas satisfaisante, puisque ces deux procureurs qui devaient assurer une certaine stabilité à l'Accusation et au Parquet partent.
Nous avons aussi le sentiment, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, à lire M. le Procureur général, que la juridiction est surchargée. Il est vrai que, pour fréquenter le Palais de justice, il n'y a pas de juridiction dans laquelle les magistrats n'expliquent pas être surchargés, même dans celles qui ne le sont notoirement pas ! Nous avons également le sentiment qu'un certain nombre de dysfonctionnements pourraient résulter du fait que, même s'il est tout à fait légitime que nos magistrats et, en particulier, le procureur se préoccupent de corruption et de répression de la criminalité internationale, certains magistrats sont plus intéressés par les infractions susceptibles d'être commises par des ministres au fin fond du Brésil, de l'Espagne, du Portugal ou encore de la France, que par la sécurité des citoyens genevois !
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques remarques que je souhaitais faire, et j'espère que le second rapport, qui devrait légitimement suivre celui qui nous est adressé aujourd'hui par le Conseil d'Etat, nous parviendra avant vingt ans, soit le temps qu'il avait fallu pour modifier le code de procédure pénale, voilà un certain nombre d'années.
M. Max Schneider (Ve). Je déplore évidemment également la démission de ces deux magistrats. Ce qui nous inquiète c'est ce que le procureur nous signale tout en haut de la page 4 : «La récente décision du Grand Conseil, selon laquelle 3 millions de francs supplémentaires seront consacrés, dès l'an prochain, à la prévention de la toxicomanie, me fait douter d'avoir fait le bon choix.» Alors, évidemment, si un procureur écrit de tels propos et envoie une lettre au président de la commission du département des finances, pour demander que les frais d'enquêtes, lors des saisies d'argent sur la drogue, soient d'abord pris sur la somme totale des frais qui s'élève à 300 000 F pour l'année 1995 avant d'être partagée. C'est bien évidemment inacceptable ! Ce n'est pas comme cela qu'un procureur doit travailler dans cette République.
Si le procureur a besoin d'aide, de moyens financiers et de personnes pour travailler, il est évident qu'il doit pouvoir en disposer. Il y a bien des problèmes d'argent sale dans notre République, aussi nous devons lui donner les moyens d'y mettre un frein.
Je profite de ce rapport intermédiaire, Mesdames et Messieurs, pour soulever ce point. Je demanderai tout simplement au Conseil d'Etat de ne pas tergiverser sur les décisions qui ont été prises, pratiquement à l'unanimité dans notre Grand Conseil, sur cet argent de la drogue qui devait être partagé de manière équitable et que l'on puisse verser ces fonds, sans plus attendre, au lieu de faire traîner ce dossier en commission judiciaire, laquelle a déjà bien des questions à traiter en ce moment. Dans les mois à venir, si la commission judiciaire décidait, à la majorité, de faire les décomptes des frais d'enquêtes, il faudra que ces frais soient déduits en 1996. Mais, pour l'année 1995, nous devons verser ces fonds, comme cela avait été décidé.
En conclusion, les remarques de M. le procureur, tant dans ce rapport que dans la lettre qu'il a écrite à notre Grand Conseil, ne me semblent pas très pertinentes. Si M. le procureur a besoin de fonds et de plus de moyens pour pouvoir travailler il faut les lui offrir, mais pas par ce biais !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui vient d'être dit.
D'abord, je relève que cette diminution ne me paraît pas être une certitude, si je lis la déclaration des procureurs à la presse. Cette affaire les concerne et n'est pas de notre ressort.
Quant au rapport du Conseil d'Etat qui serait, selon M. Fontanet, le rapport du procureur général, je me demande simplement pourquoi cette prévention contre le procureur général venant de milieux qui, par ailleurs, prônent le rôle d'arbitre du Conseil d'Etat. Je constate simplement que, depuis la page 4 de ce rapport, nous avons clairement évoqué ce qui était en cours et où les choses en étaient. Le prochain rapport qui vous sera fourni, Monsieur le député - avant vingt ans - vous précisera à quel stade en est le travail du deuxième groupe. Je vous rappelle qu'un groupe de travail sur la fusion Parquet et Instruction a proposé une réforme réduite et que cette proposition n'a eu, en somme, qu'un écho unanimement négatif. Le groupe officiel qui prévoit une réforme beaucoup plus en profondeur travaille sur ce sujet. Nous avons des soucis importants, car ce travail plus en profondeur bute sur les mêmes préavis négatifs. C'est une affaire à suivre.
Enfin, à la remarque de M. Schneider à propos du premier paragraphe de la page 4, je réponds - comme à Mme Elisabeth Reusse-Decrey - qu'il n'est pas question de «tergiverser» ou de «faire traîner». Nous avons toujours dit, et les chiffres le prouvent, qu'il s'agit de recettes totalement aléatoires, avec des années creuses et d'autres non. Nous espérons bien sûr tous que les années abondantes soient pour bientôt. Le fond du problème est de savoir si par «ressource» on entend ressource nette ou ressource brute. L'amertume de M. le Procureur général vient simplement du fait qu'en plus des fonds qui ont été soustraits, en quelque sorte, à la justice, on lui laisse, en plus, les frais pour l'obtention des ressources, ce qui ajoute à son amertume. Je répondrai sur ce point à Mme Reusse-Decrey tout à l'heure.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- la récente modification, par le Conseil d'Etat, du règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers et concer-nant l'application de la loi sur les mesures de contrainte;
- la décision de prolonger à 96 heures une détention strictement admi-nistrative, sans aucun contrôle judiciaire;
- le chapitre sur la liberté individuelle de la constitution genevoise, qui consacre le principe d'un contrôle de la détention par le juge au plus tard dans les 48 heures et auquel le Grand Conseil avait estimé en 1988 ne pas pouvoir déroger pour les détentions en vue du refoulement;
- le non-respect de la loi fédérale qui stipule clairement que les conditions et lieux de détention doivent être appropriés à des personnes n'ayant commis aucun délit,
invite le Conseil d'Etat
à modifier d'urgence le règlement du 3 mai 1995, respectivement du15 février 1995, en rétablissant le principe d'un contrôle judiciaire de la détention dans les 48 heures, le cas échéant en donnant cette compétence à un juge unique du Tribunal administratif plutôt qu'à une section formée de trois juges de ce tribunal et en définissant un régime de détention administrative dégagée des contraintes liées au secret et à la sécurité en matière de détention préventive.
1. Introduction
L'application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte, acceptée par le peuple le 4 décembre 1994, est un domaine dans lequel un certain nombre de précautions devaient être prises: elle peut entraîner des restrictions importantes de la liberté personnelle et les débats à son sujet perdent vite toute rationalité.
Loin de l'acharnement de quelques collectivités, motivé en grande partie par la présence de nombreux étrangers dépourvus d'autorisation de séjour sur la scène de la drogue à Zurich, Genève devait adopter un texte transitoire, sans retard, afin d'éviter le vide juridique provoqué par l'absence de normes cantonales adaptées au droit fédéral modifié. Dans une phase intermédiaire, la nouvelle loi donne compétence en la matière aux gouvernements cantonaux.
L'entrée en vigueur d'un règlement d'application devait parer à l'attrait qu'aurait exercé un canton limitrophe, dénué de législation dissuasive, sur des personnes mal intentionnées et anonymes à dessein. Par sa tradition d'accueil, la tolérance de sa population et le pourcentage déjà important de ressor-tissants étrangers établis ou travaillant sur son territoire, notre canton était particulièrement exposé.
Afin de préserver ce qui pouvait l'être des dispositions cantonales déjà en vigueur dans le domaine de la contrainte et de conserver la possibilité de s'opposer au tourisme criminel, le Conseil d'Etat a adopté un règlement d'application, modifiant le règlement existant, qui confirmait les compétences confiées jusqu'alors aux juges d'instruction et à la Chambre d'accusation en matière de contrôle de la détention administrative.
Notre Conseil a toutefois pris soin de faire une déclaration devant le Grand Conseil le 16 février 1995 (Mémorial 1995 I 575-578), par laquelle il réitérait sa détermination en faveur d'un recours modéré aux nouvelles dispositions fédérales.
On constate aujourd'hui que les engagements d'hier ont été tenus. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: alors que 455 personnes avaient fait l'objet d'une mesure de détention administrative en 1994, seuls 50 étrangers ont été détenus pendant les 6 premiers mois d'application du nouveau droit fédéral.
Au surplus, le Conseil d'Etat relève avec satisfaction que les directives limitatives données à l'administration ont été respectées et qu'elles n'ont souffert d'aucune exception. C'est ainsi qu'aucun mineur et qu'aucune famille n'ont, à ce jour, été l'objet des nouvelles mesures de contrainte du droit des étrangers entrées en vigueur le 1er février 1995.
2. Désignation de l'autorité judiciaire compétente
Pour garantir la continuité et l'efficacité des procédures, le contrôle de la légalité et de l'adéquation de la détention avait été confié au juge d'instruction, parce qu'il était membre de la seule juridiction cantonale en mesure d'assurer une permanence et de permettre l'audition des personnes mises en détention administrative dans les 48 heures qui suivaient. Le règlement transitoire prévoyait même la transmission du dossier au juge sans délai, de sorte qu'il pouvait s'en saisir en tout temps. Le texte actuel prévoit d'ailleurs toujours cette remise automatique du dossier par la police à l'autorité judiciaire compétente.
A ce sujet, le Conseil d'Etat remarque que le projet de loi déposé devant le Grand Conseil par des députés de presque tous les partis, dont la signataire de la motion, confiait la compétence de contrôler l'opportunité des détentions administratives aux mêmes instances.
La décision du Tribunal fédéral de disqualifier le juge pénal comme juge de la détention administrative a toutefois obligé le Conseil d'Etat à modifier son règlement transitoire et à revoir le délai de mise à disposition de l'autorité judiciaire compétente des personnes dont la mise en détention a été ordonnée.
Ainsi, le Tribunal administratif a remplacé les instances pénales alors en charge.
Il paraissait en effet d'autant moins opportun, pour des raisons d'économie et de compétence, de créer une instance ad hoc commise au seul contrôle de l'application des mesures de contrainte qu'une solution plus rationnelle était envisageable à moyenne échéance.
Au demeurant, cette formule correspond à la position exprimée à plusieurs reprises par le procureur général, en particulier dans une lettre au Conseil d'Etat du 29 mai 1995.
3. Modification du délai de mise à disposition
Pour pouvoir maintenir un délai de mise à disposition de l'autorité judiciaire de 48 heures, il aurait éventuellement fallu désigner un juge au Tribunal administratif comme juge de la détention administrative.
Toutefois, des problèmes pratiques importants se seraient posés à une juridiction ne comptant que cinq juges pour assurer une permanence. Par ailleurs, la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du29 mai 1970, ne prévoit pas de composition à un seul juge.
Au surplus, pour des raisons liées au respect du principe d'impartialité, il n'aurait pas été possible de désigner le Tribunal administratif comme autorité de recours contre les décisions d'un de ses propres juges, qui aurait alors dû statuer en instance unique.
Ainsi, en l'absence d'un double niveau de juridiction cantonal, le Conseil d'Etat a décidé qu'en matière de contrôle de la légalité et de l'adéquation de la détention administrative, le Tribunal administratif devait statuer en section de trois juges.
Cette solution offrait de meilleures garanties au justiciable, surtout dans une phase où la jurisprudence devait encore être établie.
Dans cette composition, le délai de 48 heures prévu initialement pour l'examen de la décision de l'officier de police ne pouvait plus être maintenu.
Le Tribunal administratif ayant décidé d'agender deux séances hebdomadaires fixes pour les auditions de détenus, soit le lundi matin et le jeudi après-midi, le délai prévu par la loi fédérale n'est cependant quasiment jamais utilisé dans les faits. De plus, si cette juridiction doit statuer dans les 96 heures, l'exigence de la transmission du dossier sans délai par la police a été conservée.
Contrairement à ce qu'affirme la signataire de la motion, le double délai de 24 heures prévu par l'article 15 de la constitution genevoise ne vise pas l'hypothèse de la détention administrative, mais exclusivement celle de la détention pénale préventive. Il paraît déplacé d'invoquer maintenant une norme cantonale de caractère pénal, alors que le Tribunal fédéral vient d'insister avec force sur l'importance de distinguer le domaine administratif du domaine pénal.
Les récents arrêts du Tribunal fédéral en la matière ont ainsi modifié les données du problème, au point que notre canton a dû adapter sa législation d'exécution.
4. Conséquences effectives de la modification réglementaire
Contrairement à ce que la motion laisse entendre, on constate que la modification du règlement cantonal transitoire intervenue le 31 mai 1995 a adouci l'application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte à Genève. Alors que 48 personnes avaient fait l'objet d'une mise en détention administrative du 1er février 1995 (date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les mesures de contrainte) au 6 juin 1995 (date de l'entrée en vigueur de la dernière modification réglementaire), seuls 17 étrangers ont été mis en détention depuis lors.
De même, alors qu'il y avait encore 24 personnes détenues pour des raisons administratives au 31 mai 1995, il n'y en avait plus qu'une au30 septembre 1995.
Au surplus, si la procédure devant l'autorité judiciaire est restée orale, conformément à la loi, les débats sont devenu publics et l'administration y est représentée. Après l'audience, les décisions sont rendues sur le siège suite à délibération. Le Tribunal administratif rend des arrêts dont la motivation est particulièrement détaillée.
De plus, l'accès au Tribunal fédéral, dont le souci et la volonté de veiller à une interprétation restrictive des nouvelles dispositions de contrainte sont manifestes, est plus rapide lorsqu'il n'y a qu'une seule instance cantonale. Dans cette première phase d'application du nouveau droit fédéral, l'expérience a démontré que cet élément pouvait avoir de l'importance et qu'il était opportun que la Haute Cour puisse définir avec promptitude les principes à respecter.
Il en est résulté une jurisprudence fédérale et cantonale univoque. Tant la police que l'office cantonal de la population s'y réfèrent et suivent son évolution avec attention.
Le Conseil d'Etat entend encore souligner que, dans sa dernière version, le règlement cantonal attribue à l'office cantonal de la population la compétence de prononcer la mise en liberté d'un étranger faisant l'objet d'une mesure de détention administrative. Si les efforts déployés par l'admi-nistration pour obtenir des documents permettant le refoulement restent vains, la libération ne dépend ainsi pas nécessairement d'une décision judiciaire.
5. Conditions de détention
S'agissant des conditions de la détention administrative, le Conseil d'Etat signale que les personnes arrêtées en application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte et du règlement cantonal transitoire sont détenues depuis le 22 juin 1995 à la Maison d'arrêt de Favra. Un étage leur est spécialement réservé.
Depuis le 8 août dernier, deux délégués des Eglises ont un accès illimité aux personnes faisant l'objet d'une détention administrative, avec lesquelles ils sont autorisés à s'entretenir sans témoin.
Dans un arrêt du 7 août 1995 rendu sur une demande de levée de détention, le Tribunal administratif a conclu que les conditions de détention étaient conformes à la loi fédérale.
6. Perspectives
Pour éviter la mobilisation systématique de trois juges du Tribunal administratif, par ailleurs occupés par d'autres attributions, le Conseil d'Etat est d'avis que la meilleure formule consisterait, à moyen terme, à rétablir en la matière un double niveau de juridiction, en confiant le premier contrôle de la légalité et de l'adéquation de la détention à une instance juridictionnelle en mesure de statuer dans les 48 heures, Le Tribunal administratif n'inter-viendrait alors plus que comme autorité cantonale de recours.
Si la rapidité d'accès au Tribunal fédéral pouvait être un avantage pour les personnes ayant fait l'objet d'une détention administrative alors que quelques notions demandaient encore clarification, elle n'aura plus, avec le temps et la jurisprudence dégagée, l'importance qu'elle a pu avoir dans les mois qui ont suivi l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les mesures de contrainte.
Pour ce qui est de la première instance de contrôle, qui serait de créer, plusieurs solutions paraissent envisageables. L'une d'elles, qui présenterait des avantages d'économie et de praticabilité, consisterait à augmenter les compétences de la future commission indépendante de recours en matière de séjour et d'établissement des étrangers, dont le droit fédéral impose la mise sur pied avant le 15 février 1997.
Le fait que cet organe serait principalement appelé à statuer sur recours n'empêcherait pas de lui confier des compétences de première instance dans le domaine voisin des mesures de contrainte.
Le désignation du président de cette commission, qui pourrait être suppléé par chacun des autres membres, comme autorité judiciaire chargée de contrôler la légalité et l'adéquation de la détention administrtive, pourrait aboutir au rétablissement à 48 heures du délai de mise à disposition. Au surplus, on éviterait par cette procédure la multiplication des juridictions.
7. Conclusion
Sept mois après l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les mesures de contrainte, le Conseil d'Etat estime que le canton est sur la bonne voie. La pratique actuelle et les chiffres relevés en sont la démonstration.
Conformément aux engagements pris devant le Grand Conseil le16 février 1995, les nouvelles dispositions sont appliquées avec mesure et circonspection. Le nombre de mises en détention a sensiblement diminué depuis la modification réglementaire du 31 mai dernier. Le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs fait qu'adapter sa réglementation transitoire à la jurisprudence du Tribunal fédéral.
En l'état, il n'a donc pas l'intention de modifier ces dispositions.
Si les autorités d'exécution doivent faire preuve de souplesse et de tolérance envers les innocents, les mineurs et les familles, elles doivent en revanche traiter avec la rigueur nécessaire les personnes qui mettent en péril l'ordre et la sécurité publics.
Les procédures et directives existantes permettent de distinguer des autres cette infime catégorie d'individus qui, par leur comportement, font du tort à des communautés étrangères entières résidant dans notre pays pour des motifs honorables. Le Conseil d'Etat est toutefois d'avis que les aménagements législatifs futurs contribueront à augmenter la sérénité et le discernement dans le traitement de cette délicate problématique.
Annexes:
- Tableau récapitulatif (application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte au 30 septembre 1995).
- Tableau comparatif de l'application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte par les autres cantons.
ANNEXES
carteDébat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Ce rapport tend à nous démontrer que tout semble aller au mieux dans le cadre de l'application de la loi sur les mesures de contrainte. L'étonnement de celles et ceux qui connaissent la réalité est, je dois l'avouer, assez grand. Je crains que le Conseil d'Etat ne soit un peu dur d'oreille et malvoyant face à la réalité. N'entend-il donc pas le tribunal administratif se plaindre systématiquement de la police et la police se plaindre systématiquement du tribunal administratif ? Ne perçoit-il donc pas les problèmes liés aux conditions de détention, problèmes qui, pourtant, lui ont été soumis par écrit ?
Je ne crois pas utile de porter mon intervention sur le plan juridique, celui-ci étant fort complexe; le Conseil d'Etat le reconnaît lui-même dans sa réponse.
Je voudrais, cependant, évoquer deux points : celui de la référence à notre constitution et celui de la détention.
Notre constitution, dans son chapitre sur la liberté individuelle, consacre le principe du contrôle de la détention par le juge dans les quarante-huit heures au plus tard. Le Conseil d'Etat, dans son rapport, estime que cela ne saurait concerner la détention administrative, le type de détention auquel nous avons affaire dans le cadre des mesures de contrainte. Je conteste cette interprétation pour deux raisons.
La première est que ce Grand Conseil avait estimé, en 1988, que ce qu'affirmait notre constitution dans le domaine pénal devait être appliqué, précisément, sur ce point-là et, par analogie, pour les détentions administratives. Cet aspect, en tant que tel, est absent de notre constitution, parce que l'article date de 1977 et que, à l'époque, on ne parlait pas de détention administrative en vue de refoulement.
La deuxième est que je vois mal comment l'on pourrait appliquer la loi plus sévèrement pour des détenus administratifs que pour des détenus pénaux.
Je maintiens donc que le délai de détention au-delà de quarante-huit heures n'est pas conforme à l'esprit de notre constitution.
Le deuxième volet de mon intervention porte sur les conditions de détention. Certes, il est tenu compte, maintenant, des exigences de la loi fédérale et les détenus administratifs ne cohabitent plus avec les détenus de droit commun. Il est vrai que la situation n'est pas simple ! Comment trouver un lieu qui réponde à de telles exigences ? Mais je ne crois pas que l'on puisse dire que les conditions actuelles de détention sont bonnes, la maison de Favraz n'est pas adaptée, et, pour le démontrer, je vous cite quelques exemples : la cabine téléphonique et la cafétéria sont inaccessibles; il est difficile de recevoir du courrier ou des visites; il n'y a pas d'activités sportives et d'ateliers d'occupation; les repas sont pris en cellule. Ces conditions de détention dépassent en dureté celles réservées aux cas pénaux... (Protestation de M. Gérard Ramseyer.) Si, Monsieur Ramseyer, cela vous a même été communiqué par écrit, en octobre dernier !
En l'état, il nous est donc difficile d'accepter ce rapport. De nombreux points font l'objet d'arrêts tant du Tribunal administratif que du Tribunal fédéral, et certaines de nos propositions antérieures doivent aussi, il est vrai, être corrigées sous l'angle de ce nouvel éclairage.
Par conséquent, je propose que ce rapport soit renvoyé à la commission judiciaire qui devrait incessamment commencer ses travaux sur la loi d'application des mesures de contrainte. Lesdits travaux n'en seront pas rallongés pour autant. Le rapport sera simplement intégré dans le cadre du travail de la commission judiciaire.
M. Bernard Clerc (AdG). Dans son rapport, le Conseil d'Etat se félicite d'un recours modéré aux mesures de contrainte. Faudrait-il encore s'entendre sur ce terme de «modéré» ! On nous assure qu'aucun mineur, qu'aucune famille n'ont fait l'objet des mesures de contrainte. Encore heureux !
Au 30 septembre, soixante-cinq personnes étaient détenues en fonction de ce droit qui, pour nous, est un droit d'exception. Soixante-cinq, c'est beaucoup trop, nous devrions être à zéro. Oui, à zéro, comme le canton de Fribourg et comme le canton de Vaud. Le canton du Jura ne compte qu'une détention de ce type. En résumé, si nous nous référons à la page 9 du rapport, l'on constate que Genève se place en tête des cantons romands.
Notre position, sur le fond, reste la même : appliquer le droit pénal, tout le droit pénal et rien que le droit pénal aux étrangers commettant des délits. En absence de tout délit, il n'y a aucune raison de procéder à des détentions administratives de ce type.
Le canton a la possibilité de geler l'application des mesures de contrainte, comme le fait, en réalité, le canton de Vaud, grâce au conseiller d'Etat Biéler. C'est une question de volonté politique qui met au premier rang le respect des principes fondamentaux de notre Etat de droit et non pas des mesures d'exception dictées, en fait, par la démagogie et la xénophobie.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Chaque fois que je contemple le paysage avec Mme Reusse-Decrey, elle voit le crépuscule et moi le point du jour !
Vous parlez, Madame, du problème de la détention. Je vous rappelle, une fois de plus, combien ce débat est surréaliste ! A l'époque où la campagne sur la loi des mesures de contrainte était en cours, vous-même, ceux qui vous sont proches et les milieux caritatifs me demandaient de ne rien changer à la pratique genevoise, et je me suis engagé dans ce sens. Auparavant déjà, les personnes dont on parle étaient incarcérées à Champ-Dollon. Je ne modifie en rien les promesses que j'ai moi-même faites. Et c'est vous qui, maintenant, demandez la réforme d'une pratique que vous ne vouliez pas changer !
Nous modifions cette pratique en plaçant les détenus à Favraz, un établissement plus souple que Champ-Dollon. Cela ne suffit pas : il faudrait encore que je vous invente un «Club Med» quelque part ! Je vous dis que nos recherches vont dans le sens d'une solution intercantonale, et que nous ne voulons pas construire une prison. Et, maintenant, c'est vous qui me le demandez ! Franchement, le débat est surréaliste !
Autre aspect surréaliste : vous vous plaignez du non-respect du délai de quarante-huit heures. Madame la députée, lors du débat sur l'intervention des juges d'instruction, ce délai de quarante-huit heures était en vigueur, mais vous avez brandi un arrêt du Tribunal fédéral qui nous a obligés à passer sous une autre juridiction, celle du Tribunal administratif. De ce fait la notion du délai de quarante-huit heures a été perdue. C'est de votre faute et non de la mienne !
Monsieur le député Clerc, vous exprimez des voeux, et moi je vous rappelle la volonté populaire sur laquelle vous vous appuyez, de façon réitérée. Le peuple a voté une loi et nous l'appliquons.
Vous dites que le droit pénal doit être appliqué. A ce propos, je vous signale, Monsieur le député, que l'une des causes des relations parfois difficiles de la police avec le Palais de justice est que ce dernier remet en liberté des délinquants pénaux que l'on ne peut pas refouler. En huit mois, on a relâché cent nonante-trois délinquants pénaux que l'on ne pouvait expulser. Ils n'ont pas été internés. Quarante et un ont récidivé en commettant soixante-quatre nouveaux délits. D'où de nouvelles arrestations par la police, d'où la mauvaise humeur de cette dernière qui ne cesse d'arrêter les mêmes individus. Alors, vous pouvez toujours prétendre que les lois de contrainte ont un rôle négatif, ce n'est pas mon avis !
Quant au renvoi de ce rapport en commission judiciaire, il me suggère de vous dire que l'on peut réinventer la roue éternellement. Aujourd'hui même, la presse signale un nouvel arrêt du Tribunal fédéral qui stigmatise l'attitude d'un juge zurichois. Dans deux ou trois semaines, en collaboration avec M. Biéler que vous citez fort à propos, nous aurons des nouveautés à vous proposer. De sorte que, tous les mois, il y aura quelque chose d'inédit. Je veux bien que l'on reprenne sans cesse les mêmes rapports et que l'on refasse l'histoire, néanmoins, je vous invite à plus de mesure. Nous travaillons tous, je présume, avec les mêmes ambitions sur les mêmes projets, mais il ne faut pas dépasser certaines limites. Actuellement, au niveau de la police, la situation est limite. Les conditions de détention seront peut-être améliorées si nous parvenons à trouver une solution intercantonale avec nos amis vaudois, voire avec le concordat romand. C'est tout ce que je peux vous dire.
Mais renvoyer ce rapport en commission pour reprendre la discussion ne servira à rien du tout, face à une situation éminemment évolutive.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission judiciaire est rejetée.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis 2 ans déjà, le Tribunal fédéral a cassé le jugement genevois concernant M. Sébastien Hoyos, l'employé brésilien de l'UBS.
Le 25 mars 1990, l'équivalent de 31 millions de francs suisses en monnaies étrangères auraient, selon l'UBS, disparu de son siège principal à Genève à l'issue d'un brigandage qualifié à l'époque de hold-up du siècle. Aucune coupure n'a été à ce jour retrouvée.
Suite au hold-up, M. Hoyos était emprisonné le 29 mai à la prison de Champ-Dollon. On lui reprochait d'avoir participé à la préparation du hold-up en fournissant au «cerveau» de l'affaire un plan des alarmes et d'avoir accepté de se faire frapper par l'un des gangsters. (Depuis, M. Hoyos souffre d'une surdité partielle d'une oreille.) En mai 1992, il est condamné à 7 ans et demi de réclusion pour brigandage, sans preuve formelle de complicité.
N'ayant jamais cessé de proclamer son innocence, ses avocats ont obtenu le 11 octobre 1993 l'annulation du jugement genevois par le Tribunal fédéral. Cette décision eut pour effet de le faire redevenir simple inculpé. La Chambre d'accusation de Genève refusant sa libération le maintint en détention à titre préventif en raison du risque de fuite. Le renouvellement de cette décision n'ayant pas été demandé, M. Sébastien Hoyos fut libéré le10 mars 1994 . Plus tard, il s'est rendu librement, et avec l'assentiment d'un juge, au Brésil à l'invitation d'une organisation des droits de l'homme de son pays. Revenu à Genève pour être à la disposition de la justice genevoise, il a apporté la preuve que le risque de fuite était sans fondement.
Cet homme qui a subi 4 ans de prison en exécution d'un jugement annulé par le Tribunal fédéral reste inculpé de complicité avec deux Corses arrêtés par la police française puis libérés, aucune charge n'ayant été retenue à leur endroit. La date du procès de réhabilitation de M. Sébastien Hoyos attend, pour être fixée, l'aboutissement de procédures compliquées (com-mission rogatoire) avec la France en vue d'entendre le témoin niçois qui aurait dit à un inspecteur de la Sûreté genevoise que les auteurs présumés du hold-up avaient mis en cause un Brésilien. Or, comment ces auteurs présumés peuvent-ils avoir eu un complice dans un brigandage qu'ils nient avoir perpétré et pour lequel ils ont d'ailleurs été mis hors de cause ?
Si M. Hoyos jouit actuellement de sa liberté, il reste un homme inculpé. Ses chances de retrouver un emploi sont pratiquement nulles; ses indemnités de chômage, basées sur un salaire de détenu, sont très basses. Après 4 ans de détention, l'opprobre d'une grave inculpation continue à peser sur un homme qui a droit que justice lui soit rendue et que les graves préjudices qu'il a subis - ils ne sont pas que matériels, M. Hoyos souffrant d'importants pro-blèmes de santé - soient réparés.
Débat
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Voilà deux ans, notre Grand Conseil était saisi d'une pétition concernant M. Hoyos. A cette époque, il était encore détenu à Champ-Dollon, après que le Tribunal fédéral eut cassé le jugement genevois. Vingt-cinq mille concitoyens de M. Hoyos et des personnalités genevoises invitaient le Grand Conseil à porter son attention sur des faits qui constituaient, à leurs yeux, des violations graves des droits de la défense et de la présomption d'innocence garantie par la Constitution, la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié, notamment, par le Brésil et la Suisse.
En avril 1994, un rapport était déposé, à titre de renseignement, sur le bureau du Grand Conseil. La rapporteuse de majorité concluait, je cite : «La commission se plaît toutefois à espérer que le nouveau procès de M. Hoyos aura lieu le plus rapidement possible.» Voilà plus d'un an et demi que ce souhait a été exprimé...
Depuis, M. Hoyos vit en liberté, certes, mais toujours inculpé dans l'affaire du hold-up du siècle. Il a prouvé qu'il ne se soustrairait pas à la justice. Clamant son innocence depuis cinq ans, il attend un nouveau procès - et non pas un procès en réhabilitation, comme malencontreusement indiqué dans l'exposé des motifs.
La justice a présenté plusieurs demandes de commissions rogatoires à Paris, mais sans avoir jamais obtenu de réponse. Pour agir, doit-elle dépendre de carences étrangères ou respecter un délai ?
Aujourd'hui, M. Hoyos est âgé de soixante ans. Il perçoit des indemnités de chômage très basses et est gravement malade.
C'est pourquoi, en respect des droits de M. Hoyos, nous vous remercions de bien vouloir soutenir cette résolution.
Mme Janine Hagmann (L). Décidément, M. Hoyos est un homme qui fait parler de lui ! Condamné par la Cour d'assises genevoise, en mai 1992, à sept ans et demi de réclusion par un jury populaire - et j'insiste sur le mot «populaire» - pour avoir participé au «casse» de l'UBS, il a été libéré, suite à un recours qui a permis au Tribunal fédéral de casser le jugement, et doit, en effet, être jugé à nouveau.
Je vous rappelle que la séparation des pouvoirs est l'un des fondements les plus importants de notre démocratie. Ce n'est pas parce que nous avons reçu en son temps une pétition, signée par vingt-cinq mille personnes et emmenée par un avocat député et premier secrétaire de l'assemblée législative de l'Etat du Parà, que nous devons remettre en cause nos principes démocratiques fondamentaux.
Comme l'a dit Mme Gossauer, cette pétition avait été déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Nous ne voulons pas d'affrontement entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. C'est pourquoi mon groupe ne peut accepter cette résolution. Par conséquent, il vous recommande de la refuser.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. L'intéressé a été condamné par un jury populaire, le 13 mai 1992, à sept ans et demi de réclusion pour avoir participé à un hold-up. L'arrêt de la Cour de cassation cantonale, confirmant l'arrêt de la Cour d'assises, a été cassé par le Tribunal fédéral qui a reproché aux autorités genevoises d'avoir pris en considération un témoignage non recueilli dans les formes prévues par la loi. Le Tribunal fédéral a ordonné que le témoin puisse être entendu en audience contradictoire, en présence de toutes les parties pour que celles-ci puissent lui poser des questions.
Le président de la Cour d'assises s'est ensuite fait remettre la liste des questions à poser et l'a transmise aux autorités judiciaires françaises, vu le domicile en France du témoin et l'existence d'une enquête en France à propos d'inculpés français. En dépit de vives et réitérées protestations auprès des autorités françaises - les dernières datent des 3 juillet et 21 septembre 1995 - celles-ci n'ont pas exécuté les commissions rogatoires demandées. Il est exact que cette affaire enregistre un retard inadmissible, mais qui n'est, en rien, le fait des autorités genevoises, s'agissant exclusivement de la responsabilité des autorités françaises.
En passant, je vous rends attentifs au fait que, contrairement aux motifs appuyant la résolution, il ne s'agit pas d'un procès en réhabilitation, mais d'une accusation de brigandage aggravé dont devra répondre M. Hoyos. Le procès aura pour but de le juger conformément à la loi, et non pas de lui compenser des préjudices. En l'état, on ne saurait préjuger de la décision du jury populaire.
Cela étant, et dans le sens de l'intervention de Mme la députée Hagmann à propos de la séparation des pouvoirs, je rappelle qu'une campagne publique peut porter atteinte au caractère équitable du procès. Pour cette raison, une affaire a été récemment reportée de plusieurs mois.
A la limite, la résolution pourrait me paraître acceptable si elle stigmatisait l'attitude des autorités françaises. En ce qu'elle tient à l'attitude des autorités genevoises, je ne puis évidemment pas en partager les conclusions. Encore une fois, ce ne sont pas les autorités judiciaires genevoises qui sont en cause. Le retard est de la responsabilité pleine et entière des autorités judiciaires françaises.
Le président. Madame la députée Gossauer-Zurcher, vous demandez bien le renvoi de cette proposition de résolution aux autorités judiciaires genevoises ? C'est le cas ! Nous allons donc passer au vote. Celles et ceux qui sont d'accord avec ce projet de résolution et son renvoi aux autorités judiciaires genevoises veuillent bien l'exprimer en levant la main.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cette résolution est adoptée et renvoyée à l'autorité judiciaire.
Elle est ainsi conçue :
resolution
concernant la garantie pout tout accusé d'être jugédans un délai raisonnable ( cas Hoyos)
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme(CEDH) garantit un procès équitable à tout accusé «dans un délai raisonnable»;
- que dans le cas de M. S. Hoyos des lenteurs inquiétantes sont à noter et qui pourraient valoir au canton de Genève des remontrances justifiées du Tribunal fédéral et à la Confédération une condamnation par les instances de Strasbourg chargées d'appliquer la CEDH,
exprime son souci que la procédure pénale dirigée contre M. S. Hoyos soit traitée avec la plus grande diligence de manière qu'il soit jugé dans les plus brefs délais.
M. René Longet (S). Suite à une proposition de motion de l'Alliance de gauche, nous venons d'évoquer les infrastructures ferroviaires régionales. C'est le moment, en effet, de se pencher sur la façon dont nous sommes desservis. Les rives nord et sud du Léman comportent chacune une ligne ferroviaire, celle du nord étant beaucoup plus connue que celle du sud.
La ligne de la rive nord, comme le souligne la motion précitée, est proche de l'engorgement. La ligne de la rive sud, elle, est proche de l'abandon et de l'inactivité. Elle est composée de trois tronçons disparates : le premier, Annemasse/Evian, est desservi tant bien que mal, électrifié un peu par hasard; le deuxième, Evian/Saint-Gingolph, a été fermé aux voyageurs en 1938 et à tout trafic en 1988 : il ne reste plus qu'un train touristique; le troisième tronçon, Saint-Gingolph/Saint-Maurice, est en voie d'abandon par les CFF. Les situations, sur le plan ferroviaire, sont donc complètement différentes pour les deux rives lémaniques.
En quoi cela nous intéresse-t-il ? Pour les mêmes raisons que celles exposées tout à l'heure. D'une part, la rive nord est saturée, on a de la peine à construire une troisième voie, et une boucle n'est peut-être pas réalisable. D'autre part, il ne faut pas laisser dépérir ce qui existe encore sur la rive sud.
Nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. En effet, le Conseil du Léman a récemment débloqué des fonds pour entretenir l'infrastructure et, à défaut d'exploitation, cet investissement risque d'être perdu.
De l'attention que nous portons à la saturation de la ligne nord découle notre interrogation à propos d'un axe qui pénétrerait en Valais par le sud, dans le cadre de la politique de liaison avec le réseau TVG qui, malgré ce que l'on en dit, nous semble encore bien «brouillardeuse», ignorants que nous sommes des options qui seront retenues.
Notre Grand Conseil et les autorités genevoises ne sauraient être indifférents au devenir de cette infrastructure qui relie directement Genève au Valais.
Aussi, ai-je quelques questions à poser :
Le Conseil d'Etat partage-t-il ce point de vue que Genève a tout intérêt au maintien de cette liaison dans son état actuel et à sa remise en activité, toujours dans son état actuel ? Dans l'affirmative, et compte tenu des informations alarmistes de cet été quant à l'interruption de l'exploitation touristique, il est absolument nécessaire d'intervenir pour que ce minimum du minimum soit maintenu et éviter le démantèlement définitif qui menace.
J'aimerais savoir où en est le dossier de cette exploitation touristique. Cette dernière sera-t-elle poursuivie ? L'exploitant devra-t-il baisser les bras en raison des redevances élevées demandées par la SNCF ?
Dans la mesure où je souhaite le voir exprimer son intérêt pour l'existence et l'activité de cette liaison, le Conseil d'Etat est-il d'accord de le faire savoir aux différents partenaires intéressés ? Ces partenaires sont le canton du Valais qui, je crois, a besoin d'appuis pour que les CFF n'abandonnent pas le tronçon qu'ils gèrent; les municipalités concernées, dont celle d'Evian qui agit dans notre sens; la SNCF et les instances régionales de Haute-Savoie et de Rhône-Alpes.
Le Conseil d'Etat est-il d'accord d'intégrer cette problématique dans le développement de notre propre plan des transports et de l'aménagement de notre territoire, étant convenu que la dimension régionale est partie de toute planification de notre part ?
J'aimerais aussi savoir dans quelle mesure notre soutien politique se traduirait par une participation financière si celle-ci était sollicitée. Il est possible, en effet, que la municipalité d'Evian ou le canton du Valais soient trop sollicités pour mener ce travail à eux seuls. A partir du moment où nous-mêmes sommes intéressés par une liaison directe, du moins au maintien de son potentiel, nous ne pouvons pas nous contenter de bonnes paroles. En dépit de nos difficultés, nos possibilités économiques ne sont pas comparables, et nous ne pourrions nous borner à un soutien verbal.
Dans un article de la «Tribune de Genève» du 7 octobre, le maire d'Evian, que je citais, disait : «Pour que le train concurrence la voiture pour le trafic pendulaire Chablais/Genève, il faudrait une nouvelle gare vers Villa-Grand et, de là, un métro en site propre jusqu'au coeur de Genève.» Quoi qu'on dise, il y a, du côté français, des élus qui se préoccupent d'une politique régionale des transports et qui désirent collaborer avec nous pour un réseau cohérent et fonctionnel. Et pour qu'un tel réseau voie le jour, il est indispensable que l'on maintienne en activité cette liaison de la rive sud, actuellement en bien mauvais état.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. En ce qui concerne les trains à grande vitesse, il n'y aucun «brouillard» de quelque nature que ce soit. La situation est parfaitement claire. Genève pousse un projet de TGV Léman/Mont-Blanc, celui-là même qui a fait l'objet de l'entretien de M. le ministre Bernard Pons avec notre ministre, M. Adolf Ogi. La Confédération investit dans ce projet pour permettre des études jusqu'au niveau de l'avant-projet sommaire.
Ce qui vous suggère la présence d'un certain «brouillard» est, sans doute, le fait que nous n'avons jamais fermé la porte à l'étude d'une autre liaison, dite du «Sillon alpin», un projet strictement franco-français.
La ligne du Tonkin est une appellation bien curieuse. L'origine de cette terminologie a suscité des explications variées. On a parlé d'ingénieurs qui auraient travaillé au Tonkin. On a aussi dit - cela me semble le plus plausible - que les ingénieurs auraient buté sur de vastes étendues marécageuses, similaires à celles de la plaine du fleuve Rouge, au Vietnam du nord, c'est-à-dire dans l'ex-Tonkin.
En date du 4 mai 1990, pour assurer la desserte ferroviaire de l'ensemble de la rive sud du Léman, le Conseil du Léman a décidé de réhabiliter le tronçon français et de soutenir le maintien d'une exploitation en Suisse. La réhabilitation, confiée par le Conseil du Léman à la SNCF, a été conduite. Son financement, d'un montant de 4,6 millions de francs français, a été couvert par le Conseil du Léman, lequel fonctionne aussi avec des francs suisses.
Cet appui financier du Conseil du Léman a donc permis à l'association «Rive bleue - Express» de maintenir l'exploitation. Cela a été possible, mais au prix de graves difficultés financières, l'intérêt n'ayant pas été à la hauteur des espoirs.
Que s'est-il passé depuis ? Confirmant une décision de principe, prise dans son comité du 24 avril 1994, le Conseil du Léman a décidé, le 27 octobre 1995, de verser chaque année un montant de 75 000 francs suisses, cela pendant cinq ans, pour aider l'exploitant à accroître le trafic et à disposer de moyens suffisants pour couvrir les frais fixes annuels.
Maintenant, je réponds à cinq de vos questions :
Genève a-t-elle intérêt au maintien de la ligne du Tonkin ? Oui, cette ligne appartenant à un réseau existant. Il serait regrettable d'enlever des voies ferrées pour les remettre en place vingt-cinq ans plus tard. Nous en savons quelque chose avec le réseau de tram !
Quid du dossier d'exploitation touristique ? Je rappelle la décision du Conseil du Léman du 27 octobre.
Le Conseil d'Etat entend-il exprimer son intérêt ? Cela ne nous engage pas à grand-chose et nous le ferons volontiers. Cela dit, nous avons effectivement une carte à jouer dans le cadre de nos travaux au Conseil du Léman, où nous sommes représentés par M. le conseiller d'Etat Claude Haegi.
Avons-nous l'intention d'inclure cette problématique dans le réseau des lignes ferroviaires autour et à proximité de Genève ? Oui, cette ligne existant, autant travailler avec elle !
Sommes-nous d'accord de participer financièrement à cet effort ? Nous le faisons déjà, via le Conseil du Léman. Tout engagement supplémentaire serait prématuré de ma part.
Vous avez posé d'autres questions. J'attends d'avoir pris connaissance du texte de votre interpellation. Si vous le souhaitez, nous vous répondrons par écrit, ultérieurement et plus complètement encore. Mais ce soir, vous aurez constaté que nous nous rejoignons sur nombre de points soulevés par vous.
La réplique de M. Longet figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
M. Roger Beer (R). Je vous parlerai de l'office des poursuites et poserai quelques questions le concernant.
En mai et juin dernier, plusieurs journaux locaux se sont fait l'écho d'une bien étrange affaire dans laquelle l'office des poursuites était impliqué. Il s'agissait de la collection d'art tribal de Serge Diakonoff, cet artiste genevois notoirement connu pour ses portraits vivants de peinture sur visage. Permettez-moi de vous rappeler brièvement cette affaire.
Suite à un différend avec une régie immobilière, le citoyen Diakonoff a été interpellé par l'office des poursuites. Fort de son droit, ce dernier a saisi une oeuvre d'art estimée entre 4 000 et 5 000 F. Et c'est là que l'affaire se corse. En effet, estimer une oeuvre d'art est toujours problématique, mais de là à l'adjuger à 450 F et apprendre ensuite que son propriétaire, une fois les frais et émoluments soustraits, n'a reçu que 90 F, il y a un pas que j'ai peine à franchir. Reconnaissez que cette procédure est, pour le moins, bizarre.
En matière de poursuites et de ventes aux enchères, Genève, une fois de plus, est un cas particulier, un fameux «Sonderfall» ! Je n'entrerai pas ici dans le détail de la procédure en matière d'estimation, lors de saisies par l'office des poursuites. Il serait toutefois intéressant que ce Grand Conseil soit informé de la légitimité de l'évaluation de ces différentes saisies.
Par ailleurs, et j'en viens aux questions, comment se fait-il qu'en cas de saisie et de vente aux enchères publique, aucune disposition légale n'exige qu'un montant minimal soit fixé pour l'adjudication des pièces, notamment quand il s'agit d'oeuvres d'art ? N'est-il pas légitime de se demander si cette lacune ou omission profite à un tiers ? Si oui, à qui ?
Cette interpellation me permet également de demander qui, lors de ventes aux enchères, est habilité ou assermenté pour légaliser ou authentifier lesdites ventes. Est-il vrai qu'à cette occasion les acquéreurs repartent avec leurs achats sans récépissé, ni facture, de sorte qu'il est impossible, ensuite, d'obtenir la liste des objets vendus et leurs prix, ainsi que la liste des acheteurs ?
A toutes fins utiles, je rappelle, avec une certaine perplexité, que, dans presque tous les autres cantons, les ventes des offices de faillites semblent être réglementées avec plus de précision.
En vertu de ce qui précède, je me plais à rappeler que mon interpellation auprès du Conseil d'Etat s'adresse plus particulièrement à M. Gérard Ramseyer, magistrat notamment chargé de la police et de l'office des poursuites. Je lui serais reconnaissant de bien vouloir répondre à mes questions.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. M. le député Roger Beer a eu la courtoisie de me faire tenir le texte de son intervention bien avant ce soir. Je suis donc à même de lui répondre immédiatement.
L'affaire Diakonoff ayant suscité certaines interrogations dans le public, il est bon de rappeler que, en matière d'exécution forcée, la réalisation est soumise au principe de l'offre et de la demande et que l'idée d'un prix, même minimum, est écartée par la loi, hormis deux exceptions : la vente de métaux précieux et la vente d'objets soumis à une réserve de propriété.
Du fait d'une publicité abondante et de l'expérience des préposés à la vente, les offices cherchent toujours à valoriser les objets proposés aux enchères, dans l'intérêt bien compris tant des créanciers que des débiteurs.
Notez que sur les 1 120 m3 de marchandises vendues depuis le début de 1995, correspondant à 857 dossiers en traitement, le cas Diakonoff est le seul qui a posé un problème. S'agissant de ce cas, j'aimerais, Monsieur le député, vous rappeler que l'autorité de surveillance, soit la plus haute juridiction cantonale en la matière, a confirmé, dans sa décision du 13 mars 1995, que la vente querellée s'était déroulée de manière régulière. Chargés d'appliquer une loi fédérale, les offices des poursuites et faillites genevois ont une pratique identique à celle de leurs homologues suisses. La bonne application de ces normes est contrôlée par diverses autorités de surveillance de notre pays et, en dernier ressort, par le Tribunal fédéral.
Contrairement à votre assertion, tous les objets vendus sont répertoriés dans un procès-verbal de vente, avec l'indication des prix d'adjudication. Le procès-verbal de saisie mentionne, quant à lui, les prix d'estimation. Il s'agit des pièces essentielles du dossier que tout intéressé est en droit de consulter.
L'adjudication se formalise par le paiement au comptant contre la remise d'un justificatif de caisse, mentionnant spécifiquement le numéro du lot acquis et son prix.
Il est vrai, Monsieur le député, que Genève est un cas particulier, mais dans le sens opposé à ce que vous imaginez ! Contrairement aux autres cantons, et pour aider au confort de nos clients, les objets vendus sont consignés jusqu'à leur enlèvement qui n'intervient que contre la remise de la contremarque. Mis à part le cas d'objets mobiliers nécessitant leur inscription dans un registre public, par exemple les armes à feu et les véhicules à moteur, l'identité des acquéreurs n'est pas exigée, au même titre que pour tout achat dans un commerce de détail.
Enfin, nous rappelons, si besoin est, que les préposés aux ventes sont assermentés et mis au bénéfice d'une patente les autorisant à exercer leur activité de commissaire-priseur.
Dans l'affaire Diakonoff, Monsieur le député, le drame vient de ce qu'une oeuvre d'art représente, pour son auteur ou son propriétaire, une valeur très importante et que les lois du marché font que cette valeur est largement diminuée, d'où cette amertume que je peux comprendre.
M. Roger Beer (R), conseiller d'Etat. Je remercie M. le conseiller d'Etat de sa réponse circonstanciée et m'étonne, bien qu'il n'y soit pour rien, que, en matière d'objets d'art, la fixation d'un prix minimum soit interdite par la loi, hormis les exceptions citées.
Cela m'étonne d'autant plus que l'on va bientôt recevoir, en retour de commission, un projet de loi sur la dation. Il semble que l'on pourrait établir un parallèle entre les deux situations. Nous pourrions même concevoir qu'il n'est pas normal qu'un prix minimum ne soit pas établi pour les objets d'art.
Je suis heureux d'apprendre que le prix d'estimation, lui, est fixé. En revanche, je suis surpris que l'acheteur n'ait pas l'obligation de se faire connaître. On y reviendra !
Cette interpellation est close.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Le 26 mai 1994, notre Grand Conseil votait, intelligemment et en toute conscience, un projet de loi sur la création d'un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie. Ce fonds devait être alimenté par la moitié des sommes saisies du narco-trafic.
Dès son dépôt, ce projet a été combattu par le Conseil d'Etat et par M. Ramseyer tout particulièrement. C'était de bonne guerre : dans un débat, il y a les pour, il y a les contre. Mais aujourd'hui, le débat est clos. Le projet a été voté à une très large majorité, ceux qui s'y opposaient ont perdu et doivent, aujourd'hui, accepter leur défaite.
Or, que se passe-t-il ? Comme l'a développé M. Schneider, on essaie - tant du côté du pouvoir judiciaire que du côté du département de justice et police - de récupérer une partie des montants prévus dans la loi. Quelle était la volonté du législateur ? C'est la question que certains ont osé poser récemment au Bureau du Grand Conseil. Pourtant, cette volonté est inscrite dans la loi. Pas question de soustraire quoi que ce soit - frais de police, d'enquêtes, de téléphone, de timbres et autres - comme certains, semble-t-il, tentent de le faire. Le texte est clair, la loi doit être appliquée.
Et il est surprenant de devoir en arriver à une interpellation pour que les lois, votées par les députées et députés, soient appliquées.
Tout cela est d'autant plus étonnant que M. Bertossa affirmait lui-même en commission, le 3 février 1994, qu'il n'existait aucun lien entre le travail fourni et les montants des fonds confisqués.
Autre point préoccupant : on nous affirme que seuls quelques centaines de milliers de francs ont été saisis en 1995, alors que, depuis plusieurs années, les montants se chiffrent en millions. Cette diminution nous étonne et j'aimerais recevoir des précisions de la part de M. Ramseyer.
Enfin, au printemps prochain se tiendra à Lisbonne une conférence internationale, organisée par le Conseil de l'Europe, sur le sujet «Drogue, développement, interdépendance». Lors de la réunion préparatoire à Strasbourg, le mois dernier, il a été prévu de citer la loi genevoise comme étant un projet exemplaire. Nous devrions donc être fiers que Genève soit ainsi mis en évidence. Or, nous risquons de faire mauvaise impression si nous devions avouer aux Etats-parties que si Genève possède en effet une loi exemplaire dans le texte, le gouvernement et la magistrature se débrouillent pour la vider de sa substance.
Par conséquent, je demande à M. Ramseyer ce qu'il «mijote» quant à l'application de cette loi.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. D'entrée, je précise qu'en date du 11 octobre le Conseil d'Etat a écrit à Mme Françoise Saudan, alors présidente du Grand Conseil, la lettre suivante :
«Madame la présidente,
»Par lettre du 12 septembre 1995, M. Bernard Bertossa, procureur général, nous a transmis l'avis de la commission de gestion, selon laquelle il conviendrait de soustraire des montants confisqués les frais de procédure ayant conduit à la confiscation. S'agissant d'un sujet délicat, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire part de la volonté du législateur.
»En vous remerciant, etc.»
Nous n'avons pas encore reçu de réponse à cette lettre qui a pour but de nous renseigner sur la volonté du législateur, mission, Madame la députée, qui est la vôtre également.
Il y a ensuite la remarque de M. le Procureur général Bertossa : «Il n'y a aucun lien entre le travail et le résultat.» En effet, des enquêtes coûteuses, parce que nécessitant des commissions rogatoires, des frais de traduction, des interventions de police, peuvent échouer, alors qu'un travail réduit peut déboucher sur de bons résultats. C'est dans ce sens que M. le Procureur général s'est exprimé. J'insiste sur le fait que M. le Procureur général, en intervenant, n'a fait que respecter la volonté de la commission de gestion.
Si vous faites des calculs, vous constaterez qu'il n'est pas question de vider le projet de loi de sa substance. Je n'ai jamais caché que je n'étais pas d'accord avec ce projet, mais, comme il a été accepté, on fait avec.
Quand on parle de ressources, parle-t-on de ressources brutes ? En d'autres termes, M. le Procureur général a relevé que, pour l'année 1995, en matière de drogue et sur les dossiers pour lesquels nous escomptons ou avons déjà obtenu certains succès, nous avons dépensé 121 000 F de commissions rogatoires, 86 000 F de traduction, 64 000 F d'écoutes téléphoniques et 19 000 F d'expertises, sans parler des autres frais.
Dès lors, est-il normal de dire au Palais de justice que le produit de son travail sera réparti et attribué partiellement à d'autres activités, mais qu'en plus il devra conserver par-devers lui le coût des charges nécessaires pour obtenir ce résultat ? J'estime, pour ma part, que nous avons toujours parlé de ressources nettes, n'ayant jamais vu que l'on puisse répartir des ressources brutes !
Si vous estimez devoir aggraver le résultat du projet de loi en voulant priver le Palais de justice de ses ressources, tout en le faisant garder par-devers lui, à sa charge, les frais d'obtention desdites ressources, libre à vous de le dire, c'est votre droit le plus strict ! Quant à moi, je rejoins l'avis de M. le Procureur général. Les ressources impliquent des charges, et la répartition ne peut avoir lieu qu'une fois ces charges soustraites du produit.
J'insiste aussi sur le fait que ce projet de loi comporte un plafond et un plancher. Par conséquent, que vous déduisiez ou non les charges, le montant attribué, indépendamment des ressources, est le même. Il y a des années où ce montant sera moindre et, alors, la répartition sera autre.
Comme je l'ai dit à un autre intervenant, il est des années creuses et des années fastes. A ce jour, 1995 n'est pas une année faste, mais nous avons de bons espoirs pour d'autres années. Ce sont des affaires de très longue haleine, une question de travail, une question de suivi.
Voilà, Madame la députée, ce que j'avais à vous dire. Puisque nous avons requis l'avis du législateur, que celui-ci s'exprime ! Nous nous inclinons sportivement et avec fair-play devant ce projet de loi. Cela ne modifie pas notre opinion et sur lui et sur une simple réalité comptable que tout un chacun peut comprendre.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Pour moi, M. Ramseyer, l'année la plus faste sera celle où il n'y aura plus de narco-trafic.
Je souhaite rappeler que le projet de loi, déposé et signé par tous les partis de ce Grand Conseil, précisait que la totalité des sommes saisies devait être affectée à un fonds. Après de longues discussions en commission, nous avons trouvé un accord. Conscients du travail de la magistrature et des moyens qui lui étaient nécessaires, nous avons décidé de lui laisser la moitié de ces sommes et de verser l'autre au fonds, avec une répartition sur deux départements et un plafonnement à 3 millions de francs. Nous estimons avoir fait notre part et tenu compte du travail fourni par la justice. Dès lors, la volonté du législateur est parfaitement claire.
J'ai une dernière question. Monsieur Ramseyer, vous dites que le législateur doit se prononcer. De mon côté, j'ai entendu dire que c'était à la commission des finances de le faire, alors qu'il me semble plus judicieux que ce soit la commission judiciaire.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il incombe au Bureau de votre Grand Conseil de décider à qui attribuer cette réflexion. En l'état, je n'ai pas d'autre renseignement à vous donner.
Cette interpellation est close.
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Monsieur le conseiller d'Etat Ramseyer, la presse a parlé à plusieurs reprises, ces derniers temps, du non-respect de la limite de poids en vigueur pour les camions, suite à l'insuffisance des contrôles effectués par les autorités cantonales.
Dans le cadre des négociations bilatérales sur les transports aériens et terrestres, l'Union européenne demande l'assouplissement de cette limite ou, pire, sa suppression, ce qui entraînerait de graves conséquences, non seulement pour les axes de transit alpins mais pour tout le pays. Le trafic des poids lourds, surtout en provenance de l'étranger, augmenterait massivement.
Habitant un village frontalier traversé par un camion toutes les nonante secondes, ces nouvelles dispositions m'inquiètent. En dehors d'un grave problème de sécurité - deux camions ne peuvent se croiser dans la rue principale et les vitesses autorisées sont largement dépassées - l'augmentation de la pollution atmosphérique et du bruit sera inévitable.
Il est illusoire de croire que, grâce à leur possibilité de chargement plus grande, les «40 tonnes» engendreront une diminution du trafic. Au contraire, ils renforceront tellement l'avantage concurrentiel de la route que l'effet transfert du rail vers la route sera bien supérieur à l'effet «économie de trafic».
Je souhaite donc être renseignée sur les points suivants :
Quelle a été, au cours de ces dernières années, la fréquence des contrôles du poids en charge des camions dans le canton ?
Combien de camions ont-ils été contrôlés ? Combien d'infractions ont-elles été constatées ?
De quels appareils de pesage, mobiles ou fixes, le canton dispose-t-il pour ces contrôles ?
Qu'envisage de faire le Conseil d'Etat pour assurer le respect de la limite de poids en vigueur sur le territoire cantonal ?
Quels effets, sur la répartition modale et sur la situation en matière de pollution atmosphérique et de bruit, seraient-ils contrôlés ?
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'ai omis, Monsieur le président, d'adresser mes remerciements à Mme la députée Reusse-Decrey pour m'avoir adressé le texte de son intervention longtemps à l'avance, ce qui m'a permis de préparer ma réponse. Je remercie également Mme Gossauer d'avoir fait de même.
Le problème que pose un éventuel passage de la limite de charge des poids lourds de 28 à 40 tonnes relève, en Suisse, de la politique des transports et de la politique européenne. L'on peut se borner à rappeler que Genève se trouve dans une région frontalière et que des camions de 40 tonnes sont déjà autorisés, par le droit fédéral, à circuler, ce qui pose un problème d'égalité de traitement pour les entreprises suisses. Je rappelle que plusieurs interventions parlementaires sont pendantes à ce sujet.
Le deuxième volet de votre intervention vise le respect ou non de la réglementation. Vous évoquez l'environnement et vous avez raison. Vous évoquez la sécurité et vous avez encore plus raison, notamment pour votre belle commune de Chancy.
Vous me demandez si contrôles et sanctions ont fait l'objet de statistiques. Nous ignorons le nombre de véhicules contrôlés, car ces interventions ont lieu lors des contrôles de routine, sur dénonciation, ou encore lors de contrôles de circulation programmés, voire sur réquisition des postes de douane, par le biais d'opérations spécifiques. C'est le travail d'une brigade spécialisée de la gendarmerie, la brigade «transports et environnement» forte de dix-sept unités. C'est aussi le travail de la brigade motorisée et de la brigade de l'autoroute. En 1994, cent douze contraventions ont été dressées. Elles étaient essentiellement liées à des problèmes de chantier.
Comment s'effectue le pesage lorsqu'il y a doute ? La police intervient. Une vingtaine d'installations de pesage existent dans le canton, les véhicules y sont acheminés et pesés.
Vous me demandez si le Conseil d'Etat entend poursuivre dans une voie de contrôle strict. Je vous réponds affirmativement, et cela essentiellement pour les questions de sécurité que vous avez évoquées.
Puisque vous représentez ici la commune de Chancy, je voudrais vous rappeler qu'à de nombreuses reprises vous avez demandé que l'on prenne des mesures dans votre commune. J'ai informé le maire, M. Bühler, que ce projet était discuté avec nos amis français, s'agissant de la desserte des gravières françaises. Lors de la dernière séance, une solution a semblé se dégager sur le plan français, suite à la construction d'une nouvelle route de desserte ne passant pas par le village de Chancy.
J'espère, Madame la députée, avoir répondu à votre interpellation.
Cette interpellation est close.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je réponds rapidement à M. le député Meyll. La mise à l'enquête publique du projet de construction de cette troisième voie remonte au 18 août 1995. La procédure officielle n'est pas la même pour les particuliers que pour les communes. Le délai était au 18 octobre pour que les communes puissent répondre et que les particuliers puissent se prononcer.
J'ai le plaisir de vous informer qu'aucune commune genevoise n'a contesté le principe de la troisième voie. Par contre, les communes ont évoqué le bruit des convois traversant leur territoire, exprimé leur volonté que le chantier soit raccourci dans la durée et que l'offre de transport in fine soit notoirement améliorée.
Monsieur Meyll, lors du dépôt de votre interpellation urgente, vous aviez en main le texte d'une pétition qui n'était pas parvenue au Conseil d'Etat par le cheminement normal. Pour vous être agréables, nous avions joint aux remarques du département l'annonce de votre pétition, ainsi que celle des différentes mesures qui étaient en cours, de manière que Berne sache qu'une pétition allait arriver incessamment.
Ayant le souci de partager les mêmes problèmes et habitant la même commune, j'aimerais vous dire, Monsieur le député, que l'avis des communes est prépondérant et qu'il s'est exprimé très clairement dans cette enquête.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. M. le député Ducommun m'ayant transmis son texte à l'avance, je puis lui donner une réponse immédiate et bien documentée. Cela nous fait gagner du temps, et nous évitera de revenir à l'ordre du jour, la semaine prochaine ou dans un mois. Monsieur le député, soyez-en remercié !
Il s'agit, tout d'abord, de définir les termes. Ce n'est pas facile, le sujet étant chaud et sensible. Qu'est un étranger, au sens des statistiques ? Pour faire simple, disons qu'il s'agit d'une personne qui n'est pas citoyenne de ce pays. C'est du moins ainsi que la population intègre cette terminologie.
Ensuite, il faut différencier, d'une part, les interpellations sur délits, d'autre part, les arrestations, et, d'autre part encore, la population pénitentiaire issue des arrestations.
Sept mille quatre cent neuf auteurs de délits ont été interpellés en 1994. Les arrestations ont été de quatre mille cinq cent douze. La différence entre les deux chiffres provient essentiellement d'environ deux mille huit cents contraventions en matière de stupéfiants et d'autres contraventions, notamment pour des infractions à l'interdiction de séjour.
Les chiffres que vous me demandez sont les suivants :
- interpellations sur délit en 1994 : sept mille quatre cent neuf;
- délits commis par des Confédérés : 36,9%;
- délits commis par des étrangers : 63,1%;
- arrestations conduites en 1994 : quatre mille cinq cent douze;
- arrestations relatives à des Confédérés : 24%;
- arrestations relatives à des étrangers : 76%;
- population carcérale, nuitées de détention en 1994 : cent sept mille trois cent trente-trois.
- proportion de Confédérés : 26,5%;
- proportion d'étrangers : 73,5%.
Dans ce dernier domaine, la proportion de Genevois par rapport au tout est de 8,5%.
Le chiffre cité par le bulletin de l'UPCP provient peut-être du fait qu'il a été question des délits commis par des délinquants étrangers remis provisoirement en liberté, faute de possibilité de refoulement. En huit mois, cent nonante-trois personnes ont été remises en liberté, dont quarante et une ont récidivé pour un total de soixante-quatre nouveaux délits.
Ce qui est archifaux dans cette polémique, c'est le titre de l'article du quotidien genevois. Comme vous le savez, l'auteur nie la responsabilité des titres et chapeaux de ses articles, ainsi que celle des manchettes qui les évoquent. C'est un vice que nous avons souvent évoqué ici.
Ce qui est aussi faux dans cette polémique et qui demande, pour le moins, à être nuancé, est le chiffre énoncé dans le bulletin de l'UPCP, puisque, par rapport à 90%, les chiffres vont de 64 à 76%, même si, pour certains types de délits, la proportion de 90% peut correspondre à la réalité.
Il est néanmoins utile de relever que la population étrangère à Genève représente, grosso modo, 40% de la population totale, pourcentage à mettre en rapport avec les 64 à 76% précités.
Enfin, je rappelle que la police genevoise publie des statistiques chaque année. Elles sont publiques, et, par conséquent, cet article de presse n'apporte rien de nouveau sous le soleil.
Cela dit, je n'accorde pas à cet article plus d'importance qu'il n'en a, car il est des périodes d'actualité particulièrement calmes, donc propices à ce genre de publications.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Nous allons passer au rapport de la commission de réexamen en matière de naturalisation. Notre loi portant règlement du Grand Conseil exige le huis clos. Je demande aux huissiers d'assurer ce huis clos. Je prie le public et la presse parlementaire de bien vouloir quitter notre enceinte.
La séance publique est levée à 19 h 15.
* * *
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
La demande de réexamen est refusée.
SOMMAIRE
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La mémorialiste:
Françoise Chételat
Chancellerie d'Etat
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