République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 9 novembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 1re session - 47e séance -autres séances de la session
No 47
Jeudi 9 novembre 1995,
nuit
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 21 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Michel Balestra, Claire Chalut, Anita Cuénod, Marlène Dupraz, René Ecuyer, Luc Gilly, David Hiler, Pierre Kunz, David Revaclier, Philippe Schaller, Jean Spielmann et Michèle Wavre, députés.
3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
M. Daniel Ducommun(R). Au regard de l'organisation de notre ordre du jour, je constate que nous ne pourrons vraisemblablement pas traiter les sujets concernant le département des finances.
En ma qualité de président de la commission des finances, je souhaiterais toutefois que le projet de loi 7303, relatif à l'audit global de l'Etat de Genève, puisse être formellement renvoyé à la commission des finances, ce soir ou demain soir, étant donné que ce sujet fait partie intégrante du budget 1996 dont les rapports doivent être déposés avant notre prochaine séance plénière. Je vous en remercie.
Le président. Nous essayerons de vous donner satisfaction, Monsieur le député.
Le président. Nous avons reçu une lettre de démission de Mme Maria Roth-Bernasconi, avec effet à l'issue de la présente séance.
Il en est pris acte.
Mme Roth-Bernasconi est entrée au Grand Conseil lors des élections de 1989 et a été réélue en 1993.
Nous la félicitons de son élection au Conseil national, lui souhaitons plein succès dans sa nouvelle fonction et la remercions du travail qu'elle a accompli au Grand Conseil. (Applaudissements.)
Je prie notre huissier de remettre à notre collègue le souvenir traditionnel de notre Parlement. (L'huissier-chef embrasse Mme Roth-Bernasconi. Rires.)
5. Correspondance.
Le président. Mme Sylvia Leuenberger nous annonce le retrait de la pétition suivante :
Il en est pris acte.
6. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
M. Roland Burkhard est assermenté. (Applaudissements.)
Mme Marozia Carmona-Fischer est assermentée. (Applaudissements.)
9. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. H. J.-C. , 1944, Genève, directeur commercial, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion, voire une réduction de la peine initiale.
2ème recours en grâce.
M. Pierre-Alain Champod (S), rapporteur. Nous connaissons déjà le dossier de M. H. J.-C., notre Grand Conseil lui ayant déjà refusé la grâce au printemps dernier.
M. H. J.-C. a été condamné, en 1993, à deux ans de réclusion pour des escroqueries portant sur un montant de l'ordre de cent millions. Il a déposé une deuxième demande en grâce, basée sur un argument professionnel et un autre lié à son état de santé.
Le premier n'apporte rien de nouveau par rapport à celui invoqué le printemps dernier. En revanche, la dégradation de l'état de santé de M. H. J.-C. constitue un élément nouveau. La commission de grâce a demandé des rapports médicaux détaillés. Au vu de leur teneur, elle vous propose de réduire la peine à dix-huit mois.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine de réclusion à dix-huit mois) est adopté.
M. J. T. , 1959, Erythrée, sans profession, recourt contre le solde de la peine de réclusion.
M. Claude Basset (L), rapporteur. Il s'agit du cas de M. J. T., né en 1959, originaire d'Erythrée, sans profession. Avant son arrestation, il occupait un emploi de magasinier. Père d'une fillette de trois ans, il est divorcé. Sa situation financière est mauvaise. Il a été condamné à trois ans de réclusion et à dix ans d'expulsion du territoire suisse, avec un sursis de cinq ans pour cette dernière peine, pour un délit manqué de meurtre passionnel.
Le condamné a reconnu d'emblée avoir eu la ferme intention de tuer son épouse et il a été jugé en fonction de cet aveu. Il a tenté d'assassiner sa femme avec un marteau, puis lui a porté un coup de couteau dans le ventre. Il n'a jamais regretté son geste.
Aucun fait nouveau ne permet de prendre en considération sa demande, si bien qu'à l'instar du procureur général la commission recommande de rejeter son recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. M. A. , 1938, Vaud, commerçant, recourt contre le solde de la peine d'emprisonnement, soit neuf mois.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), rapporteuse. M. M. A., commerçant, 57 ans, est originaire du canton de Vaud. Divorcé, il est père de trois enfants majeurs, respectivement âgés de vingt-trois, vingt-six et trente ans. M. M. A. n'avait pas d'antécédents judiciaires avant sa condamnation par la cour correctionnelle de Genève, le 6 juin 1991, à vingt-quatre mois d'emprisonnement.
M. M. A. a passé quinze mois en préventive. Il lui reste donc un solde de neuf mois d'emprisonnement à subir contre lequel il fait recours.
M. M. A. a été condamné pour abus de confiance et gestions déloyales. Cette affaire est relativement ancienne, puisqu'il a été arrêté en 1984 et placé en préventive jusqu'en septembre 1985, puis libéré provisoirement.
Suite à la faillite des deux entreprises de son frère, M. M. A. est au chômage depuis mars 1995. Il a quelques centaines de milliers de francs de frais et de dettes, liés aux différents procès qu'il a perdus. Il doit les rembourser à sa famille qui lui est venue en aide.
Pour un bon comportement en détention, M. M. A. obtiendra la libération conditionnelle. Dans les faits, il n'accomplira donc plus qu'un mois de prison.
D'autre part, vu le préavis négatif du procureur général et l'absence d'éléments nouveaux, la commission de grâce a préavisé le rejet du recours de M. M. A..
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. R. D. , 1969, France, étudiant.
M. John Dupraz (R), rapporteur. M. R. D. ayant dépassé de plus de 60 km/h la vitesse maximale autorisée, il a été condamné pour infraction à la loi fédérale sur la circulation routière. M. R. D. explique dans son recours qu'il rentrait à la maison à vive allure, dans l'état dépressif qui lui est habituel, et dit regretter sincèrement sa faute.
Vu la gravité des faits et le préavis du procureur général qui s'en rapporte à la justice, nous vous proposons de ramener le montant de l'amende à 500 F.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de l'amende à 500 F) est adopté.
M. T. P. , 1958, Berne, commerçant, ne recourt que contre le solde des peines d'emprisonnement et de réclusion.
2ème recours en grâce.
M. Claude Basset (L), rapporteur. Ce cas est connu de notre assemblée, puisque, l'ayant déjà étudié au début du mois de septembre, elle a rejeté le premier recours.
M. T. P. a été condamné en 1985, en 1986, en 1988, en 1989 et en 1994 pour recels par métier et faux dans les titres.
A ce jour, aucun élément nouveau ne peut être pris en considération si ce n'est le désir de M. T. P. de recommencer à travailler.
Faute donc d'élément nouveau, la commission vous recommande de rejeter le deuxième recours de M. T. P..
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Jacques Boesch (AdG). Mon interpellation urgente s'adresse au conseiller d'Etat préféré de l'Alliance de gauche, c'est-à-dire M. Joye !
Il ne se passe plus de mois, sans que les associations de défense des locataires ou du patrimoine ne dénoncent de nouvelles violations de la loi sur les démolitions et les transformations d'immeubles.
Récemment, nous avons appris que le chef du département des travaux publics et de l'énergie avait autorisé le changement d'affectation complet d'un immeuble d'habitation situé 20, rue de l'Arquebuse, un hôtel, propriété de M. Yamani.
Non seulement ce changement d'affectation est contraire à la loi mais le département des travaux publics et de l'énergie a lié son autorisation au financement d'une opération immobilière HLM, qui a débuté en 1991. C'est dire qu'il n'y a aucune compensation réelle en termes de logements, puisque la participation financière, sollicitée par le département, vise un projet financé de longue date.
Cette nouvelle violation grave et grossière de la LDTR est d'autant plus scandaleuse que le département a, en réalité, invité le propriétaire à voler au secours d'une opération déjà engagée et autorisée. C'est dire que cette prétendue compensation n'en est pas une, en l'occurrence.
Mes questions sont dès lors les suivantes :
Le chef du département des travaux publics et de l'énergie va-t-il bientôt mettre un terme à ces violations régulières de la LDTR ?
Le département peut-il confirmer que l'autorisation de construire l'immeuble HLM, situé 39, avenue de la Praille, a été donnée avant même que le département n'ait demandé à M. Yamani de participer financièrement à ce projet ?
Le Le président. M. le conseiller d'Etat, Philippe Joye, vous répondra au point 55 bis de notre ordre du jour.
M. Pierre Vanek (AdG). J'avais également une interpellation urgente à l'adresse de M. Joye, mais je la formulerai plus tard.
Voici une autre question qui s'adresse à M. Maitre :
Je découvre dans «Le Courrier» d'aujourd'hui, en page 5, un sujet qui devrait probablement nous intéresser : il s'agit, en l'occurrence, de l'évocation d'une demande d'ouverture extraordinaire des commerces, les dimanches 24 et 31 décembre, adressée au département de l'économie publique, par la Fédération des artisans et commerçants. Je lis, en outre, que plusieurs grands magasins, dont la Placette, ABM, EPA, Jumbo et le Grand Passage, espèrent également pouvoir accueillir les acheteurs le 17 décembre, qui est aussi un dimanche.
Sans vouloir revenir sur les débats que nous avons eus, à propos des ouvertures nocturnes, de la dérégulation systématique des heures d'ouverture des commerces et sur les conséquences néfastes qui en découlent pour les travailleurs de ces entreprises, j'aimerais simplement que M. Maitre nous rassure et qu'il nous dise, en sa qualité de conseiller d'Etat démocrate-chrétien, s'il entend faire respecter le «jour du Seigneur» comme jour de repos, en n'accordant pas ces autorisations.
Le président. Monsieur le député, il vous sera répondu au point 60 bis de notre ordre du jour, à la suite des points concernant le département de l'économie publique.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Mon interpellation s'adresse à M. Claude Haegi et concerne les procédures d'opposition contre la centrale de Creys-Malville.
M. Claude Haegi mène ce dossier avec une forte détermination et intervient inlassablement - on le sait - au nom du Conseil d'Etat, tant auprès des autorités françaises que du Conseil de l'Europe, et nous ne pouvons que l'en remercier et l'encourager à poursuivre dans cette voie.
En parallèle, sous l'impulsion de M. Guy-Olivier Segond, alors conseiller administratif, un collectif de communes et d'associations s'est créé et mène ses propres procédures. De nombreuses communes, ainsi que la Ville de Genève, en font partie.
M. Haegi n'a pas souhaité réunir, dans une même démarche, les procédures d'Etat et celles du collectif, et cela est tout à fait reconnu par les autorités françaises, puisqu'elles ont invité tant le Conseil d'Etat, en la personne de M. Claude Haegi, qu'un représentant de ce collectif à faire valoir leurs arguments à Paris, l'année dernière.
Certaines communes du canton doutent cependant de l'utilité de voir Genève mener une double procédure et hésitent, pour ces mêmes raisons, à adhérer au collectif. Ma question est, dès lors, très simple :
M. Haegi pourrait-il me dire s'il voit des avantages à cette situation, c'est-à-dire que deux procédures soient menées en parallèle, ou s'il a, au contraire, l'impression que cela pourrait être nuisible à la défense de la cause.
Pour ma part, je pense que ces doubles démarches ne sont pas contradictoires, mais au contraire complémentaires. J'aimerais cependant connaître l'avis de M. Haegi sur ce point.
Le président. M. Haegi vous répondra après le point 24 de notre ordre du jour.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Mon interpellation s'adresse à M. Joye. Nous avions voté, il y a quelque temps - sans opposition dans ce Grand Conseil - un projet de loi en faveur de l'entreprise Reuters. Je voudrais savoir, Monsieur le président du département, comment se passe concrètement l'implantation de cette entreprise à Collonge-Bellerive.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente après le point 55 de notre ordre du jour.
M. Bernard Lescaze (R). Ma question s'adresse au chef du département de l'action sociale et de la santé. Elle concerne les hausses des primes d'assurance-maladie. Il y a moins d'une année, en décembre 1994, aussi bien les autorités fédérales que les autorités responsables de ce canton nous ont assuré que la hausse des primes ne dépasserait pas 10%.
Aujourd'hui, nous apprenons que le passage de la subvention au subside entraînerait plus de 10% d'augmentation, que l'extension du champ des prestations de l'assurance de base entraînerait, au moins, une augmentation de 5% et que l'accroissement de la consommation médicale, qui ne cesse effectivement d'augmenter, alourdirait encore cette augmentation. A Genève, certaines caisses ont annoncé, même si elles ont fait marche arrière depuis, des augmentations de 57% de la prime de base.
On apprend également que le tiers de la population genevoise devrait recevoir un subside. Dès lors, mes questions sont très simples :
1) Le conseiller d'Etat responsable trouve-t-il cela normal ? Je m'étonne d'ailleurs d'une déclaration d'un haut fonctionnaire de son département qui disait que cette augmentation de prime constituait un «couac» inévitable. De mon point de vue, je pense qu'il y a là, en tout cas, des déclarations pour le moins évitables.
2) J'aimerais savoir ce que peuvent, ce qu'ont fait et ce que comptent faire, dès maintenant, l'Etat de Genève et le département de l'action sociale et de la santé auprès des caisses maladie, d'une part, et de l'Office fédéral des assurances sociales, d'autre part.
3) De surcroît, j'aimerais savoir si, pour parer à d'autres augmentations, l'année prochaine ou les années suivantes, on entend prendre des mesures plus importantes, ou si le Conseil d'Etat n'a aucun plan d'action à ce sujet.
Je rappelle une nouvelle fois que toute la population genevoise est touchée par ces hausses qui paraissent à beaucoup de citoyennes et de citoyens, à juste titre, parfaitement inopportunes et démentielles.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation au point 60 ter de notre ordre du jour.
M. Daniel Ducommun (R). Si mon collègue Bernard Lescaze interpelle M. Segond, je souhaiterais quant à moi interpeller M. Ramseyer, en charge du département de justice et police et des transports, suite à diverses statistiques publiées... (Une voix interrompt l'orateur.) ...Ce n'est pas un caucus, rassurez-vous !
Ma question intervient donc suite à diverses statistiques publiées récemment, au sujet de la criminalité et de la délinquance à Genève, qui interrogent bon nombre de nos concitoyens.
Il y a tout d'abord eu la reprise par un quotidien genevois d'un article du bulletin de l'Union du personnel du corps de police, lequel cite que 90% des délits recensés sont commis par des étrangers. Manchettes à l'appui, ce même quotidien genevois, avide de sensationnel, explique que ces chiffres sont totalement faux et titre : «Les étrangers ne commettent pas plus de délits que les Genevois». Quant on s'intéresse au détail des chiffres publiés, on ne parle plus de délits mais de délire !
Dès lors, Monsieur le conseiller d'Etat, il est nécessaire que vous puissiez nous apporter des références claires et dépassionner le débat en apaisant le tollé que cette affaire a suscité dans notre population. La vérité des chiffres me semble être une correction à l'égard de la police genevoise.
Le président. La réponse à l'interpellation urgente de M. Daniel Ducommun interviendra au point 37 de notre ordre du jour.
M. Pierre Vanek (AdG). Mes questions s'adressent à M. le conseiller d'Etat Joye, en charge du département des travaux publics et de l'énergie, et concernent les petits travaux que vous avez fait effectuer au sommet de votre édifice afin, paraît-il, de créer une verrière permettant d'illuminer la salle de conférence du neuvième étage. La presse en a fait état, indiquant un coût de 600 000 F, voire plus. L'évidente question du prix payé se pose donc.
Les habitants du quartier ont été avertis de ces travaux par le brassage d'air des hélicoptères qui, autorisations extraordinaires à l'appui, transportaient le matériel, ce qui n'a pas dû contribuer à réduire les coûts.
La presse a relaté que ce réaménagement aurait été effectué à la demande des députés. Quels députés ont fait cette demande ? Pour être membre d'une commission siégeant régulièrement dans cette salle - la commission de l'énergie - je peux confirmer qu'elle est un tant soit peu sinistre ! Mais, s'il s'agissait d'investir 600 000 F pour économiser l'éclairage au néon, que nous subissons une fois par semaine, nous aurions pu le faire de manière plus judicieuse, comme, par exemple, en achetant des ampoules économiques pour les distribuer à quelque cinquante mille ménages. A l'évidence, l'économie réalisée aurait été de beaucoup supérieure à ce que l'on obtiendra en ouvrant cette salle de conférence sur le ciel.
Pensez-vous vraiment qu'il était judicieux d'effectuer cet investissement ? Cet argent n'aurait-il pas pu être mieux placé, notamment en tenant compte des considérations de politique énergétique à l'ordre du jour ?
Votre attaché de presse, semble-t-il, a en outre déclaré qu'il s'agissait de rendre cette salle de conférence conforme aux normes légales. De quelles normes légales s'agit-il ? Et y aura-t-il, à ce titre, d'autres travaux du même type, entrepris par votre département pour éclairer le plafond d'autres salles de conférence ?
Le président. La réponse à l'interpellation urgente de M. Pierre Vanek interviendra au point 55 de notre ordre du jour.
M. Max Schneider (Ve). Je ne pensais pas devoir intervenir sur la Seymaz, puisque M. Beer et Mme Leuenberger avaient déjà interpellé deux fois les conseillers d'Etat à ce sujet, et je ne l'aurais pas fait si je n'avais pas assisté, ce soir, à la création d'une sorte de syndicat d'amélioration foncière de la Touvière, dans le cadre du schéma agroécologique de compensation du projet Reuters.
Aux trois conseillers d'Etat concernés, à savoir M. Jean-Philippe Maitre, du département de l'économie publique, M. Claude Haegi, du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, et M. Philippe Joye, du département des travaux publics et de l'énergie, je tiens à signaler qu'il me semble que leurs actions ne sont pas coordonnées. Je m'explique.
Nous avions présenté une motion, en 1993, qui avait été acceptée avec un véritable consensus, une volonté déterminée de l'ensemble de ce Grand Conseil, de faire du projet de la revitalisation de la Seymaz un exemple en la matière. Or, que constatons-nous aujourd'hui ? On est en train de proposer à des propriétaires et à des exploitants agricoles un projet, en partie financé par Reuters, sans qu'ils aient été informés de notre projet de motion, notamment de sa troisième invite :
« - à faire de la Seymaz, en concertation avec tous les milieux intéressés, un projet pilote, un exemple genevois de revitalisation d'un cours d'eau.»
Cela signifiait, Mesdames et Messieurs, que les terrains drainés devaient pouvoir être inondés en cas de crue et servir ainsi de bassin de rétention pour revitaliser ce cours d'eau, fort bien décrit par M. Hervé Burdet qui l'avait étudié de façon détaillée. En se fondant sur les données scientifiques que ce dernier nous avait communiquées, en commission de l'environnement et de l'agriculture, cette motion avait été acceptée. Depuis, nous n'avons pas eu de nouvelles, mais là n'est pas ma plus grande inquiétude.
Ma préoccupation touche le projet Reuters et ce fameux schéma agroécologique de compensation qui va à l'encontre du projet proposé dans notre motion. De plus, nous ne savons pas très bien quelles sont les sommes engagées; certains parlent d'un million. Or, les études ont déjà coûté quelques centaines de milliers de francs...
Ce schéma comporte trois volets : l'objet nature avec la création d'un réseau écologique que l'on ne peut que saluer; l'objet agricole de remodelage des terres et de réfection des drainages de 1920 qui ne correspond vraiment pas à ce que la commission de l'environnement et de l'agriculture avait décidé, et nous ne comprenons pas pourquoi un des trois départements s'est lancé dans cette histoire; enfin, le financement d'un bassin de rétention des eaux en compensation des nouveaux drainages créés, afin de pouvoir réguler les eaux notamment en cas de crue après de fortes pluies. Voilà pourquoi je suis surpris de ce qui se passe dans cette région.
Dans le cadre du DIER, le service de protection de la nature et des paysages, par la voix de sa nouvelle directrice, Mme Anne-Catherine Desprez, a plusieurs fois affirmé vouloir lier le financement d'un sauvetage de la Seymaz à l'installation de Reuters à la Pallanterie.
Un fonctionnaire du DEP a réuni les agriculteurs pour leur proposer des financements en vue d'effectuer des drainages, ce qui va à l'encontre de notre projet de motion. Eh oui, j'étais là-bas à 7 h 30, Monsieur Maitre, à l'organisation de ce syndicat, pour entendre qu'une partie du financement de Reuters serait destinée à ce remodelage des terres agricoles !
Le troisième département concerné, le DTPE, qui a fait les études préalables avec la société ECOTEX, présente, lui aussi, un projet qui n'est pas non plus en coordination avec notre motion.
A l'heure actuelle, je ne comprends plus grand-chose à ce projet et je crois que les acteurs des trois départements concernés travaillent sans concertation.
C'est pourquoi je vous interpelle tous trois de manière urgente pour vous demander, Messieurs les conseillers d'Etat, de vous mettre d'accord et de nous expliquer pourquoi les exploitants n'ont pas été informés de notre motion, déposée depuis près de trois ans, et pourquoi vous n'arrivez pas à définir une politique commune en vue de la revitalisation de la Seymaz, telle que décrite dans notre motion M 843-A par ses trois invites concrètes que nous souhaiterions voir se réaliser, d'autant qu'elles avaient fait l'objet d'un consensus au sein de ce Grand Conseil.
Le président. Monsieur le député, votre interpellation urgente concernant trois départements, je suggère qu'elle soit traitée comme une interpellation ordinaire et que le Conseil d'Etat puisse y répondre soit oralement, soit par écrit, lors d'une prochaine séance.
Cette interpellation urgente est transformée en interpellation (I 1956).
La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation 1956 figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
M. Hervé Burdet (L). Mon interpellation urgente sera brève.
Je voudrais raconter au chef du département des travaux publics et de l'énergie une petite anecdote. Au mois de juin 1994, il faisait très chaud au Grand Conseil; les fenêtres étaient grandes ouvertes et nous discutions des comptes. J'ai dû demander au chef des huissiers d'aller négocier le calme avec le propriétaire du marteau piqueur voisin, pour que nous puissions délibérer intelligiblement.
Dix-huit mois plus tard, le même trou au même endroit est à nouveau ouvert. Je demande donc au chef du département des travaux publics et de l'énergie :
1) s'il existe toujours une commission de coordination des travaux en sous-sol;
2) si c'est une nouvelle politique du Conseil d'Etat d'aérer les ruines romaines tous les dix-huit mois ! (Rires.)
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente à l'issue des points de l'ordre relevant du département des travaux publics et de l'énergie.
M. Pierre Meyll (AdG). A l'appui de ce que vient de déclarer notre collègue M. Schneider, à propos de la Seymaz, de son bassin versant et d'un bassin de rétention à cet endroit, j'ajoute qu'il existe une étude auprès de la commission d'aménagement, concernant le déclassement de Compois, où sont aussi prévus des bassins de rétention.
Ceux-ci sont-ils compris, ensemble, dans le même projet ? Y a-t-il une relation entre les deux de telle sorte que le projet Compois puisse être pris dans le compte Reuters ? Comment va-t-on régler ce problème ? On sait que les agriculteurs avaient d'abord désiré que les eaux soient refoulées du côté versant du lac et qu'ensuite des accords ont été conclus pour que le bassin versant soit muni de bacs de rétention. Ceux-ci sont-ils compris dans le projet dont notre collègue a discuté tout à l'heure ?
Le président. Monsieur le député, acceptez-vous qu'il soit répondu à votre interpellation en même temps qu'à celle de M. Schneider ?
M. Pierre Meyll. Bien entendu !
Le président. La réponse à l'interpellation de M. Meyll interviendra en même temps que celle de M. Schneider.
LE GRAND CONSEIL,
vu la loi fédérale sur la protection civile, du 17 juin 1994 (ci-après loi fédérale);
vu la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963, modifiée le 17 juin 1994,
Décrète ce qui suit:
CHAPITRE I
Généralités
Article 1
Autorités compétentes
Le Conseil d'Etat est chargé d'exécuter les dispositions fédérales en matière de protection civile et désigne le département compétent (ci-après le département).
Art. 2
Obligations des communes
1 Les communes doivent organiser la protection civile.
2 Le département peut constituer une seule organisation groupant plusieurs communes.
CHAPITRE II
Organisation générale
Art. 3
Structures
Sont constitués:
a)
un premier échelon composé d'une organisation de protection civile cantonale;
b)
un deuxième échelon composé des organisations de protection civile des communes et groupements de communes. Les établissements d'une importance particulière peuvent, sous réserve de l'approbation du Conseil d'Etat, se doter d'une organisation de protection civile qui sera assimilée à celle d'une commune.
Art. 4
Premier échelon
1 L'organisation de protection civile cantonale comprend des moyens de sauvetage, de secours et d'assistance et de logistique.
2 Sa direction est assumée par un chef cantonal assisté de suppléants et d'un état-major.
Art. 5
Deuxième échelon
1 L'organisation de protection civile des communes et des groupements de communes comprend divers services.
2 Sa direction est assumée par un chef de l'organisation de protection civile assisté de suppléants.
Art. 6
Nominations
1 Le Conseil d'Etat nomme le chef cantonal et ses suppléants.
2 Les autorités exécutives de la commune ou du groupement de communes nomment le chef de l'organisation de protection civile et ses suppléants.
3 Les directions des établissements d'une importance particulière nomment le chef de l'organisation de protection civile et ses suppléants.
CHAPITRE III
Instruction
Art. 7
Généralités
1 Le service organise tous les cours prescrits par la législation fédérale pour l'organisation cantonale.
2 Le service organise pour toutes les communes ou groupements de communes, excepté la Ville de Genève, tous les cours prescrits par la législation fédérale sauf les rapports d'incorporation, les cours de répétition et les rapports annuels.
CHAPITRE IV
Intervention
Art. 8
Intervention
1 La direction de l'intervention des éléments de la protection civile incombe aux chefs des organisations de protection civile, lorsqu'une commune ou un seul groupement de communes est engagé.
2 Dès que l'ampleur de l'événement implique l'engagement de plusieurs communes ou groupements de communes, le chef cantonal assume la coordination et la direction de l'ensemble des éléments de la protection civile.
3 En cas d'application du plan ISIS, l'intervention des éléments de la protection civile sera coordonnée avec les responsables de ce plan, respectivement avec le chef de l'état-major cantonal de crise.
Art. 9
Compétences
pour mobiliser
1 Il appartient au département de mobiliser l'organisation de protection civile cantonale et celle des communes et groupements de communes, au sens de l'article 13, alinéa 1, lettre b, de la loi fédérale.
2 Les autorités exécutives communales sont compétentes pour mobiliser les organisations communales de protection civile au sens de l'article 13, alinéa 1, lettre c, de la loi fédérale.
CHAPITRE V
Subventions et frais
Art. 10
Subventions
1 Le Conseil d'Etat fixe annuellement les subventions cantonales en matière de protection civile.
2 En cas de lacune du droit cantonal régissant ces aides financières, le droit fédéral s'applique à titre supplétif.
3 Le calcul des subventions cantonales est fondé sur les frais retenus pour déterminer les subventions fédérales.
CHAPITRE VI
Responsabilité civile et voies de recours
Art. 11
Prétentions pécuniaires
1 Le Tribunal administratif connaît en instance unique des prétentions fondées sur l'article 65, alinéa 1, de la loi fédérale.
2 Il connaît également des prétentions de nature pécuniaire fondées sur l'article 15 de la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963.
Art. 12
Recours
1 Le service statue en dernier ressort sur les recours concernant la procédure d'incorporation, de libération et d'exclusion (article 19 de la loi fédérale), ainsi que sur les exemptions.
2 Le Tribunal administratif est l'autorité compétente pour connaître de tous les autres recours contre les décisions prises en application de l'article 64 de la loi fédérale, et celles du département compétent, du chef cantonal de la protection civile, sauf dans les cas mentionnés à l'alinéa 1.
3 Le Tribunal administratif est l'autorité compétente pour connaître des recours contre les décisions prises en application de la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963, qui ne concernent pas des prétentions pécuniaires.
CHAPITRE VII
Dispositions finales
Art. 13
Règlement d'application
Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.
Art. 14
Clause
abrogatoire
La loi d'application des dispositions fédérales sur la protection civile, du 17 avril 1980, est abrogée.
Art. 15
Modifications à
une autre loi
(E 3,5 1)
La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:
Art. 8, chiffre 40 (nouvelle teneur)
40°
décisions des autorités communales, du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales et du chef cantonal en matière de protection civile, sauf en matière de procédure d'incorporation, de libération et d'exclusion (G 2 1, art. 12, al. 2 et 3);
Art. 8 B (nouvelle teneur)
Protection civile
Le Tribunal administratif connaît en instance unique des contestations prévues aux articles 65, alinéa 1, de la loi fédérale sur la protection civile, du 17 juin 1994, et 15 de la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
En 1993, Genève a introduit un nouveau concept cantonal de la protection civile. La réforme fédérale est, quant à elle, entrée en vigueur le 1er janvier 1995. Les modifications qui en découlent appellent une révision importante de la législation genevoise relative à la protection civile.
1. Protection civile 1995
Sur le plan fédéral, la réforme de la protection civile s'est effectuée parallèlement à celle de l'armée. Le 17 juin 1994, les Chambres fédérales ont adopté une nouvelle loi sur la protection civile (LPCi) et une loi fédérale modifiant la loi sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963 (loi sur les abris - LCPCi). Le délai référendaire fixé au 26 septembre 1994 n'ayant pas été utilisé, le Conseil fédéral a arrêté au 1er janvier 1995 l'entrée en vigueur de ces nouvelles lois et de leurs ordonnances d'exécution (LCPi/OCPCi).
Cette nouvelle législation attribue désormais deux tâches prioritaires, d'égale importance, à cette institution. Cette dernière doit, d'une part, prendre des mesures pour assurer la protection, le sauvetage et l'assistance de la population en cas de conflit armé et, d'autre part, fournir une aide en cas de catastrophe d'origine naturelle ou technique et dans d'autres situations de nécessité. Ainsi, la maîtrise des dangers naturels ou techniques est mise sur le même pied que la maîtrise des dangers d'origine politico-militaire.
La protection civile conserve sa structure fédéraliste (Confédération - cantons - communes) et est régie par une loi fédérale qui détermine les compétences des cantons et des communes.
Le canton adopte un concept, comme l'a fait Genève en 1993, que les communes doivent appliquer.
Dans notre canton, le Conseil d'Etat a admis le principe de la régionalisation, c'est-à-dire la création de groupements de communes, principalement pour les petites communes, la Ville de Genève et les grandes communes suburbaines formant une structure pour elles-mêmes.
Cette organisation permet de maîtriser des situations ordinaires et peut être renforcée lors de situations extraordinaires. Elle a le mérite de présenter des solutions souples et adaptées aux conditions locales. Elle met, de plus, l'accent sur la responsabilité individuelle, tout en améliorant la capacité d'intervention de la protection civile.
Le rôle de la commune, tel qu'il est prévu dans la loi fédérale, n'en est pas diminué pour autant.
Selon le principe qui préconise une mise à contribution de moyens ordinaires, voire extraordinaires si nécessaire, la protection civile doit compléter et non pas remplacer les moyens disponibles. On évite ainsi de confier les mêmes tâches à plusieurs partenaires et, par la même occasion, on ouvre la voie à l'élaboration de nouvelles solutions combinées. Une intégration plus poussée de la sécurité dans la politique générale en vue de sauvegarder au mieux les conditions d'existence permet, en outre, de mettre à la disposition des partenaires civils un nombre approprié de personnes astreintes à servir dans la protection civile.
L'organisation de protection civile de la commune est structurée d'une manière plus simple, afin de permettre un engagement souple et rapide de ses moyens. C'est pourquoi il est prévu d'abandonner le système tricéphale fondé sur les organismes d'abri, les organismes de protection d'établissement et l'organisme local de protection.
L'organisation de protection civile (OPC) constitue désormais une entité qui protégera les personnes sur leur lieu d'habitation et, également, sur leur lieu de travail et/ou d'hospitalisation.
2. Conception genevoise issue de la Réforme '93
La protection civile genevoise se base sur deux éléments fondamentaux, à savoir: la séparation entre «GÉNÉRALISTES» et «SPÉCIALISTES». En raison de leur complémentarité, ces deux groupes d'astreints forment l'ensemble de l'organisation de protection civile pouvant faire face à toutes les situations d'urgence.
a) Ainsi, quatre formations d'élite - dites de «SPÉCIALISTES» -, rattachées au canton, ont été créées. Elles sont composées de personnes, astreintes à la protection civile, qui se sont portées volontaires pour effectuer les différents types d'actions incombant au détachement auquel elles appartiennent. Cette conception n'est pas nouvelle dans notre canton puisqu'elle a été appliquée avec succès depuis fort longtemps par les corps des sapeurs-pompiers des communes au point d'en devenir une tradition.
b) Toutes les autres personnes sont affectées à des formations intercommunales ou communales et répondent à l'appellation de «GÉNÉRALISTES».
Cette organisation concorde parfaitement avec les exigences de la Confédération qui préconise:
· une adaptation des structures aux conditions locales (à Genève: «SPÉCIALISTES» - «GÉNÉRALISTES»);
· l'exécution de certaines tâches à l'échelon régional («SPÉCIALISTES»);
· le regroupement de certaines communes pour ne constituer qu'une seule organisation de protection civile («RÉGIONALISATION»).
En outre, elle répond également aux objectifs suivants:
· être adaptée au monde moderne;
· être moins coûteuse;
· utiliser au maximum le potentiel existant;
· être intégrée dans les plans de secours existants (ISIS).
3. Adaptation de la législation cantonale d'application au nouveau concept de la protection civile
Dans la nouvelle organisation et structure de la protection civile, les organismes d'abri et d'établissement ayant disparu, les cantons ne sont plus obligés de:
· désigner les établissements tenus de créer un organisme (art. 9, al. 2, LPCi);
· fixer les conditions de libération ou d'extension du devoir de créer des organismes dans les établissements (art. 18, al. 1 et 2, LPCI);
· approuver la création volontaire d'organismes dans un établissement (art. 18, al. 2, LPCi);
· édicter des prescriptions spéciales pour les établissements cantonaux (art. 20, LPCi);
· adapter la structure des organismes de protection d'établissement (art. 26, al. 2, LPCi);
· assumer les tâches d'instruction incombant aux établissements (art. 58, lettre a, LPCi);
· étendre ou restreindre la réalisation de constructions dans les établissements (art 1, al. 2, LPCi);
De même, la nouvelle affectation et le nouveau rôle attribués aux pionniers de la lutte contre le feu rendent caduques les dispositions sur la formation spécifique des sapeurs-pompiers de guerre (art. 52, al. 2, LPCi).
En matière d'alarme, la commune est pour la première fois légalement tenue d'assurer en tout temps la transmission de l'alarme à la population.
Jusqu'ici, seules les communes situées dans les zones I et II entourant les centrales nucléaires étaient chargées d'assurer un piquet d'alarme permanent dans le cadre des mesures de protection ordonnées en cas d'urgence.
Une autre nouveauté réside dans la possibilité d'engager la protection civile hors des frontières nationales. Cette compétence appartient à la Confédération et aux cantons dans le cadre d'accords internationaux, bilatéraux et multilatéraux. Pour les événements de portée locale, les communes pourront pareillement fournir l'aide aux communes voisines de l'étranger.
La promotion de l'instruction tient une place prépondérante dans la réforme de la protection civile. L'accent est mis sur le professionnalisme des formateurs. Un diplôme fédéral d'instructeur de la protection civile est exigé. Ceux qui, actuellement en activité, ne sont pas titulaires du diplôme auront la possibilité de suivre une formation post-grade.
Les aptitudes personnelles et professionnelles sont également mieux prises en considération lors du recrutement des personnes astreintes, ce qui permet un rajeunissement et une compression des effectifs des organisations de protection civile des communes. Pour améliorer l'instruction et l'efficacité des interventions, l'exécution de certaines tâches à l'échelon régional est encouragée.
Il a été démontré, suite aux récentes inondations qui se sont produites notamment en Valais, que l'efficacité d'une intervention dépend également de sa rapidité d'exécution. C'est pourquoi, la création de formations cantonales, intégrées au plan ISIS, pouvant être rapidement engagées répond à ce besoin tout en favorisant considérablement la coopération sur le plan cantonal.
Celles-ci ont pour noms détachement «SANITAIRE» - «ASSISTANCE» - «GÉNIE CIVIL» et «LOGISTIQUE» et sont composées en priorité de personnes justifiant d'une formation professionnelle correspondant à leur fonction au sein de ces formations.
L'ajout de cette nouvelle structure présente essentiellement les avantages suivants:
· plus grande motivation des membres;
· efficacité accrue à l'intervention, à moindre coût;
· facilité d'engagement.
En ce qui concerne la révision de la loi sur les constructions de protection civile, elle tend à moins de perfectionnisme et à plus de flexibilité dans la gestion des constructions des nouveaux ouvrages protégés. A cet effet, il est en particulier du devoir des cantons de:
· désigner les «régions» mentionnées à l'article 3, alinéa 4, de la loi sur les constructions de protection civile (LCPCi);
· évaluer, par région, les besoins en places protégées destinées au lieu d'habitation;
· fixer la proportion de places protégées sises dans des maisons de vacances qui doivent contribuer à couvrir les besoins en places protégées de la population résidente permanente (proportion en tout cas égale ou supérieure à 50%);
· procéder à la classification qualitative des abris;
· délimiter les régions dans lesquelles les constructions ne sont que partiellement obligatoires en vertu de l'article premier, alinéa 2, LCPCi;
· faire en sorte que les contributions de remplacement servent en premier lieu à compléter la part des abris publics;
· définir les principes applicables à la libération de l'obligation de créer des places protégées dans une maison de vacances (art. 3, al. 6, OCPCi);
· décider où et dans quels délais des abris publics supplémentaires doivent être réalisés (art. 4, al. 2, LCPCi).
La loi sur les constructions de protection civile règle également la réalisation des abris et des centres opératoires protégés alors que la réalisation des autres constructions de protection (postes de commandement, postes sanitaires de secours et postes sanitaires) est réglée dans la loi sur la protection civile.
Avec la nouvelle loi, les cantons peuvent assimiler les hôpitaux de secours existants à des centres opératoires protégés. En revanche, les postes sanitaires de secours ne pourront plus être transformés en hôpitaux de secours (200 à 500 lits).
4. Commentaires article par article
Article 1: Autorités compétentes
L'appellation du département compétent ayant changé, cet article doit en tenir compte.
Article 2: Obligations des communes
«Les communes sont astreintes» est remplacé par «Les communes doivent» dans le premier alinéa et dans le deuxième, «pour les communes à faible densité de population» est supprimé, car ce critère n'est pas un facteur prépondérant dans le cadre de la régionalisation mise en place dans le canton.
Article 3: Structures
Les structures prévues sont nouvelles. Le premier échelon est maintenant composé de formations cantonales pouvant être rapidement engagées (spécialistes).
Les 1000 spécialistes dont sont constitués les détachements cantonaux peuvent rapidement renforcer les services de professionnels ou de volontaires chargés de la sécurité puisqu'ils sont spécialement instruits pour ce type d'intervention.
Le deuxième échelon comporte les organisations communales (généralistes).
Les généralistes peuvent avantageusement intervenir dans un deuxième temps, soit pour une relève, soit pour prêter main-forte aux formations (services) déjà engagées face à une situation qui n'est plus maîtrisable par leurs seuls moyens.
Trois organisations particulières de première importance, assimilées aux organisations communales, ont été constituées en accord avec les directions concernées. Il s'agit de l'Aéroport de Genève, de l'Hôpital cantonal universitaire et des Services industriels genevois (SIG).
La lettre c actuelle est supprimée, le règlement concernant l'intervention, les secours et l'information lors de sinistres, du 13 avril 1988 (F 4 4), définissant la coordination de l'engagement des partenaires (armée) dans le cadre des secours à Genève.
Article 4: Premier échelon
Il s'agit de la reprise de l'actuel article 5, avec une adjonction concernant les moyens d'assistance et de logistique. En effet, dans la nouvelle organisation cantonale, ces moyens ont pris une grande importance avec la création de formations spécifiques composées de spécialistes.
A l'alinéa 2, le terme d'«adjoint» est remplacé par celui de «suppléant», selon la nouvelle terminologie fédérale.
Article 5: Deuxième échelon
Le système tricéphale a été abandonné au profit d'une organisation (entité unique) formée de différents services. L'alinéa 2 tient compte de la nouvelle terminologie fédérale.
Même remarque s'agissant de l'article 6.
L'actuel article 7, qui évoque le troisième échelon, n'a plus de raison d'être et doit donc être abrogé.
Article 7: Généralités
Cet article reprend les termes de l'actuel article 8, avec une modification résultant de la création des formations de spécialistes qui représentent l'organisation cantonale.
Quant à l'alinéa 2, il tient compte de la nouvelle terminologie fédérale, et le terme de «département» est remplacé par celui de «service».
L'article 8 reprend l'actuel article 9 avec une nouvelle terminologie.
Il en va de même pour l'article 9, qui correspond à l'actuel article 10 et qui tient compte de l'adaptation à la loi fédérale, qui accorde plus de compétences aux cantons et aux communes, en leur permettant notamment de mettre la protection civile sur pied pour porter des secours à l'étranger.
Article 10: Subventions
Il s'agit de l'actuel article 11 simplifié et qui permet plus de souplesse, afin de mieux tenir compte de l'évolution de la situation financière du canton.
Article 11: Prétentions pécuniaires
Cet article reprendre le texte de l'actuel article 15, dont le texte est adapté à la nouvelle loi fédérale.
L'article 16 actuel est abrogé, puisqu'il ne correspond plus à la loi fédérale.
Article 12: Recours
Cet article reprend le texte de l'actuel article 18, en tenant compte des nouvelles dispositions fédérales.
Tels sont les motifs, Mesdames et Messieurs les députés, pour lesquels nous vous recommandons de réserver un accueil favorable au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical perçoit très favorablement ce projet de loi du Conseil d'Etat qui entérine les grandes lignes de la réforme de la protection civile genevoise, décidée en 1993.
Le gouvernement fédéral a proposé, à son tour, un renouvellement de la protection civile, qui s'est concrétisé par une loi fédérale entrée en vigueur ce 1er janvier. Comme la protection civile, nouvelle formule, a été inspirée en grande partie par l'exemple genevois, la loi d'application cantonale ne devrait pas provoquer de conflits.
Cependant, il s'avère que ce projet de loi doit encore être revu en commission pour éclaircir certains points tant économiques que juridiques. En effet, il pose encore quelques problèmes techniques de mise en conformité de certains articles avec le droit supérieur, notamment en ce qui concerne l'article 9 de ce projet qui ne permet pas la mise sur pied des trois organismes de protection des établissements, car la loi fédérale ne le prévoit plus.
La protection civile ne restera plus cantonnée à la seule gestion de catastrophes en cas de conflit armé, mais s'engagera résolument, à l'avenir, à gérer toute situation de catastrophe, en tout temps. Il est dès lors nécessaire d'auditionner en commission les différents acteurs, déjà nombreux, qui assument le sauvetage. Ce travail de députation devrait permettre d'éviter les doublons inutilement onéreux. Je vous rappelle que ces situations exceptionnelles sont aussi gérées, sur le terrain, par la police, les pompiers et le bataillon de sauvetage 6. Il faudra donc s'attacher à définir des objectifs clairs, tant pour des raisons d'économies que pour permettre à ces hommes et ces femmes, pour la plupart volontaires, d'être motivés, afin de mieux assumer une tâche toujours difficile.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires communales et régionales.
C'est lors de sa séance du 13 octobre 1995 que le Grand Conseil a renvoyé le projet de loi 7295 à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Cette dernière s'est réunie le 19 octobre 1995 sous la présidence de M. Luc Barthassat, député. Mme Claude-Janik Sollberger, secrétaire adjointe au département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, ainsi que M. Jean-Claude Landry, codirecteur à la direction générale de l'environnement au même département, assistaient aux travaux de la commission. Que les deux collaborateurs du département trouvent ici l'expression de notre gratitude pour leur collaboration.
Objet du projet de loi
L'objet de ce projet de loi place le canton de Genève dans une situation difficile, cocasse (!) et contradictoire: en effet, comment peut-on demander aux députés de se prononcer sur la problématique du nucléaire - qu'il s'agisse de centrales nucléaires, d'énergie nucléaire ou de déchets nucléaires -, alors que l'article 160C, alinéa 5, de la constitution genevoise stipule que «les autorités cantonales doivent s'opposer par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires, de dépôts de déchets hautement ou moyennement radioactifs et d'usines de retraitement sur le territoire du canton et au voisinage de celui-ci» ! A priori, la réponse à cette question est constitutionnellement donnée. Le Conseil d'Etat devrait même répondre sans en référer au Grand Conseil.
En l'occurrence, le Conseil d'Etat a estimé que la clause du voisinage n'était pas remplie dans le cadre du site de Wellenberg, situé dans le canton de Nidwald, et que la distance justifiait l'accord du parlement. D'aucuns estimaient au contraire que la notion de proximité ou de voisinage ne faisait aucun doute dans ce cas et que l'intervention du Grand Conseil n'était pas nécessaire. Malgré tout, ce projet de loi a été renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture pour étude et vote. Ce qui a été fait par les commissaires.
Même si, constitutionnellement, la position du canton de Genève par rapport à la consultation fédérale concernant la création d'un dépôt de déchets radioactifs de faible à moyenne activité et à courte durée de vie, ne fait aucun doute, les députés de la commission de l'environnement et de l'agriculture ont abordé les différents problèmes soulevés par ce projet de loi.
Discussion de la commission
1. En premier lieu, c'est la position constitutionnelle du canton de Genève qui a été rappelée. De plus, les commissaires ont approuvé le fait que le Conseil d'Etat a sollicité le Grand Conseil, compte tenu de la distancede la construction d'un dépôt final pour déchets de faible à moyenne activité et à courte durée (sur le site de Wellenberg, commune de Wolfenschiessen, canton de Nidwald).
Ensuite, les commissaires ont relevé que, même si les habitants de la commune de Wolfenschiessen, principale intéressée, ont accepté ce dépôt, le demi-canton de Nidwald a refusé son installation à raison d'environ 52% de non contre 48% de oui.
En tout état de cause, la position du canton de Genève dans le cadre de cette consultation fédérale - découlant de la nécessité de l'approbation de l'Assemblée fédérale après consultation des cantons - peut difficilement s'opposer à la volonté populaire (article constitutionnel). En consé-quence, le canton doit dire non. Une majorité des commissaires est d'ailleurs d'accord avec cette position.
2. La majorité des députés respecte aussi la poursuite d'une procédure fédérale. Toutefois, cette demande d'autorisation d'un dépôt pour des déchets nucléaires pose un problème de fond aux Suisses en général comme aux Genevois en particulier. Jusqu'à présent et vrai-semblablement pour quelque temps encore, Genève ne peut se passer du nucléaire pour son ménage énergétique. Il subsiste donc un certain malaise à s'opposer systématiquement à tout octroi d'autorisations «nucléaires» liées aux réalités et nécessités énergétiques en Suisse. Le problème reste posé et l'objet de ce projet de loi n'est pas de le résoudre. Les commissaires n'ont cependant pas voulu éviter cette question.
3. Le principe selon lequel les déchets radioactifs produits dans notre pays doivent être déposés en Suisse, de façon sûre et durable, rencontre également l'adhésion des députés, à l'instar du Conseil d'Etat (voir l'exposé des motifs de son projet de loi). Les députés envisagent même un entreposage sur le site de production.
Les commissaires n'ont pas voulu évincer la difficile question de l'entreposage des déchets nucléaires, d'autant plus qu'ils sont la conséquence directe des besoins énergétiques de notre pays, eux-mêmes actuellement couverts en grande partie par la production nucléaire. Ainsi, dans le cadre de sa réponse au Conseil fédéral, le Conseil d'Etat devrait insister sur l'effort à fournir dans la recherche relative au recyclage des déchets in situ. De même, les efforts entrepris par le canton de Genève en faveur des énergies renouvelables et des diminutions de la consommation doivent être poursuivis, voire amplifiés à court et moyen termes. Cette réalité découlant de l'article constitutionnel 160C, alinéa 5 (voir supra) pouvait même apparaître comme une préoccupation essentielle dans la conception énergétique cantonale, actuellement en révision.
Conclusion
Au terme de cette discussion et en restant conscient de la contradiction liée à la problématique de l'énergie nucléaire dans le contexte de la consommation actuelle, une majorité de députés (2 R, 2 PDC, 1 Ve, 1 S, 3 AdG) ont accepté ce projet de loi, contre 2 oppositions libérales. En vertu de ce vote, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.
Premier débat
M. Roger Beer (R), rapporteur. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout ayant été consigné dans le rapport, je n'ai rien à ajouter pour l'instant.
Nous sommes face à une question très simple pour laquelle la constitution nous indique la position que nous pouvons prendre. Pour des raisons formelles nous l'avons soumise au Grand Conseil et à la commission. Mais je pense que nous allons en discuter.
M. Hervé Burdet (L). Contrairement à ce que vient de déclarer le rapporteur, mon aimable collègue, M. Roger Beer - je lui souhaite d'ailleurs de faire d'autres rapports, pour avoir l'occasion de se racheter de celui-ci - la constitution ne prévoit en rien que le Grand Conseil doive se prononcer dans un sens déterminé.
Nous avons donc pleinement la possibilité d'accepter ou de refuser ce projet de loi, de nous prononcer positivement ou négativement au sujet du préavis genevois sur la constitution d'un dépôt pour déchets de faible ou de moyenne radioactivité dans le canton de Nidwald - je tente d'éviter l'amalgame qu'on va nous faire sans tarder des bancs d'en face - et je demande tout simplement que ce Grand Conseil, représentant de la population genevoise, se porte responsable de nos propres déchets nucléaires.
Non sans peine j'ai obtenu, lors d'une dernière séance du Grand Conseil, le renvoi en commission pour que nous puissions réfléchir sérieusement à la manière dont nous gérons nos propres déchets radioactifs ou nucléaires. Arrivés en commission, il nous a été difficile de travailler, du fait que nos adversaires souhaitaient que nous nous prononcions rapidement, avant de retourner au Grand Conseil pour y voter ce projet de loi.
Nous nous sommes trouvés face à plusieurs aspects contradictoires, aux termes de la constitution du canton de Genève, car nous n'avons pas d'installation nucléaire et ne produisons pas de déchets radioactifs; toutefois, cela n'est pas tout à fait exact. Je vais vous le démontrer tout à l'heure.
Ensuite, ce projet de loi nous propose de ne pas être solidaires du reste des cantons suisses et de nous prononcer contre un dépôt raisonnablement géré de nos propres dépôts de nucléotides radioactifs. Je pense que c'est à la fois irresponsable, égoïste et constitue un manquement à la solidarité confédérale.
Comme je l'ai dit en préambule, si j'ai souhaité que nous retournions en commission, c'est afin d'y étudier la manière dont nous gérons, nous les Genevois, nos déchets nucléaires, avec cette belle constitution aux termes de laquelle nous sommes complètement dénucléarisés.
Dans ce but, j'ai fait un certain nombre de téléphones, j'ai reçu un certain nombre de fax et je puis vous dire, contrairement à M. Vanek qui prendra sans doute la parole tout à l'heure, et qui prétend que nous aurons à gérer des barres de combustible nucléaire, que l'énergie que nous produisons est nucléaire, qu'il ne s'agit pas d'énergie nucléaire ni de combustible nucléaire, il s'agit de déposer des nucléotides radioactifs, dont nous ne savons plus que faire, une fois qu'ils ont rempli leur office.
Comment Genève gère-t-elle ses propres déchets nucléaires ? Ils proviennent de plusieurs sources : l'hôpital, dont les responsables disent qu'ils ne savent pas réellement ce que deviennent leurs déchets nucléaires, du fait que, selon leurs dires, lorsqu'ils commandent une nouvelle bombe au cobalt, c'est le fournisseur de ladite bombe qui reprend l'ancienne et qui débarrasse ces déchets. C'est assez commode !
Par contre, on nous dit aussi qu'entre les mois de janvier et mars prochains l'hôpital cantonal devra se débarrasser de déchets contenant du tritium, dont la durée de vie est de douze ans, du caesium, durée de vie trente ans, du cobalt, durée de vie deux mille ans et du carbone 14, durée de vie cinq mille ans. Le tout correspond au volume approximatif d'un à deux tonneaux de cent litres, blindage compris ! L'hôpital produit donc une certaine quantité de déchets nucléaires.
En ce qui concerne l'université c'est un peu moins clair. Néanmoins, on peut s'apercevoir qu'entre une entreprise de récupération de déchets nucléaires «Bracco Research SA», pour ne rien cacher, et le CERN (la partie que le CERN évacue du côté suisse, pour ne pas parler de la partie française), nous aurons de quatorze à quinze fûts de déchets nucléaires dans le courant de l'année 1996. Si l'on se base sur les statistiques 1994, le canton de Genève produit, en matière de déchets faiblement ou moyennement radioactifs, quinze à vingt fûts de cent ou trente litres par an.
Alors affirmer que nous n'avons pas de déchets nucléaires à gérer, que nous n'avons pas besoin d'un dépôt stable de déchets nucléaires, est - je le répète - à la fois irresponsable, égoïste, et représente un manquement à la solidarité confédérale et à notre part de responsabilité dans la gestion des déchets nucléaires.
Si je suis très sensible aux «chansonnettes» qui ont pour thème Tchernobyl, Creys-Malville, «Contratom, votez pour moi !» : le refrain habituel, on peut se demander ce que fait Contratom et que fait M. Vanek pour gérer les déchets que nous produisons dans notre hôpital, les déchets de la bombe au cobalt qui soigne peut-être aussi les membres de nos propres familles, ou nos proches, ainsi que les déchets produits dans les laboratoires de recherche de notre université.
M. Max Schneider (Ve). Je suis surpris par le discours de M. Burdet, qui vient en séance plénière après avoir fait des téléphones. Je vous aurais cependant conseillé, Monsieur Burdet, de vous renseigner avant la commission, car ce que vous venez de nous apprendre ce soir n'est vraiment pas à la hauteur de ce qui a été traité dans ce rapport.
Vous n'avez pas obtenu les bonnes réponses, Monsieur Burdet. Le texte de la demande pour la création de ce dépôt, par la Genaussenschaft für die Nuclare Ensorgung de Wellenberg GMBH, précise bien, contrairement à ce que vous venez de nous dire en séance plénière, que, dans le dépôt final projeté, seront éliminés de manière sûre et durable tous les déchets de faible et de moyenne activité, produits au cours de l'exploitation et du démantèlement des centrales nucléaires suisses, ainsi que ceux qui proviennent du cycle de combustible et de la campagne de ramassage des résidus d'application médicale, de l'industrie et de la recherche.
Quelles sont les entités représentées par cette société ? Ce sont les Forces motrices bernoises, les centrales nucléaires de Goesgen, de Däniken, de Leibstadt, les Forces motrices nord-est de la Suisse ainsi que celles de l'ouest, dont nous faisons partie, les Forces motrices du centre-Suisse et la commune politique de Wolfenschiessen. Les quelque dix fûts qui posent problème sont ceux qu'on peut facilement stocker in situ dans une de nos centrales nucléaires.
La constitution de ce dépôt doit répondre à d'autres buts; il est prévu d'y stocker des déchets provenant :
- de l'exploitation des centrales nucléaires suisses;
- du démantèlement des centrales nucléaires suisses;
- de la médecine et de la recherche;
- du cycle des combustibles, de faible radioactivité;
- du démantèlement des dépôts intermédiaires.
Il s'agit de quantités importantes, car, selon le texte de la demande officielle, la capacité de stockage final prévue est de 150'000 m3. Mais le texte précise qu'une grande partie de ces déchets n'existe pas encore.
C'est dire que notre refus en commission était tout à fait justifié; notre commission a bien fait son travail, en toute connaissance de cause, car nous nous étions renseignés avant de nous y rendre, et je suis convaincu que le travail de M. Beer n'est pas à revoir, bien au contraire.
Il a tenu compte dans son rapport des observations que nous lui avons faites, y compris l'évocation des efforts entrepris par le canton de Genève en faveur des énergies renouvelables et de la nécessaire diminution de la consommation à planifier dans le court et le moyen terme. C'est un message de la commission; il est positif et j'encourage le Conseil d'Etat à s'opposer à ce dépôt.
M. Pierre Vanek (AdG). Je n'entends par engager une polémique avec M. Burdet sur cet objet. Je crois que M. Schneider a eu raison d'indiquer que le présent débat aurait dû avoir lieu en commission. M. Burdet se prévalait tout à l'heure du mérite d'avoir obtenu le renvoi en commission, mais je rappelle que moi-même ainsi que mon groupe avions appuyé ce renvoi, car nous estimions que nous devions débattre sérieusement de cette question.
Il est malheureusement vrai que ce débat a été réduit à sa plus simple expression : une seule séance pour un problème de cette importance et de cette complexité !
Nous ne pouvons que déplorer que le Conseil d'Etat ne nous ait pas soumis ce projet plus tôt, afin de nous permettre de traiter cette question avec plus de sérénité et d'obtenir tous les renseignements nécessaires. Cela posé, j'aimerais bien entendu apporter mon appui à ce projet de loi et à l'opposition de la création d'un dépôt de déchets radioactifs au Wellenberg.
M. Burdet a déclaré que nous ne serions pas «solidaires» en n'acceptant pas un dépôt de déchets nucléaires chez les autres. Selon lui, nous serions sans doute plus «solidaires» en acceptant d'imposer un dépôt de déchets radioactifs, à la population du demi-canton de Nidwald qui l'a refusé, en votation populaire.
Une telle position ouvre la porte à un nouveau type de comportement «solidaire» : d'autres citoyens de cantons suisses ou d'autres législatifs pourraient également se montrer «solidaires» en imposant à Genève une centrale nucléaire sur son territoire, un dépôt de déchets radioactifs ou d'autres installations nucléaires. Cet argument ne me semble pas tenir la route un seul instant.
Tant que les déchets nucléaires poseront un grave problème de stockage et qu'il n'y aura pas de solution satisfaisante pour les traiter, comme le reconnaît M. Burdet, il nous faudra marier notre position sur les déchets nucléaires, en reconnaissant que ce n'est pas une solution satisfaisante, avec une politique énergétique qui consiste à produire le moins de déchets possible. En l'état, nous ne pouvons pas accepter la solution, qui nous est proposée aujourd'hui, d'entreposer ceux-ci au Wellenberg.
Il est certain, Monsieur Burdet, que nous ne pouvons pas arrêter de produire des déchets, notamment dans le domaine de l'application médicale. Chacun de nous peut être confronté un jour, dans son cercle de connaissances ou sa parenté, à l'état d'un malade qui nécessite un traitement impliquant l'utilisation de matériaux radioactifs.
Pour recentrer le débat, je dois rappeler que nous nous trouvons ici devant une demande de dépôt essentiellement pour les déchets provenant des centrales nucléaires, qui représentent dans notre pays 92,3% de la totalité de ces déchets et dont la toxicité globale de radioactivité représente 99,2% du volume.
Le traitement de ces déchets, notamment lorsque nous procéderons au démontage des centrales nucléaires - autre problème non résolu - est nettement plus risqué, en raison de leur nature et de leur degré de radioactivité, que celui des déchets qui proviennent des seules applications médicales. Vouloir faire passer ce dépôt de déchets prévu au Wellenberg pour un dépôt destiné aux déchets d'application médicale ou de provenance industrielle est de la désinformation.
M. Schneider a cité très judicieusement l'énoncé de la demande de concession qui avait été faite. J'aimerais préciser, quant à moi, qu'en ce qui concerne la capacité de stockage de ce site une grande partie de ces déchets n'existe pas encore. Il est évidemment possible de créer la quantité de ces déchets, qui n'existent qu'à l'état virtuel, pour l'instant, en continuant à exploiter des centrales nucléaires, mais il est également possible de la diminuer en menant, comme nous essayons de le faire dans notre canton, une politique de diminution de l'approvisionnement d'électricité et de l'énergie d'origine nucléaire.
Il faut donc voter ce projet de loi avec ces considérations, et je vous remercie de suivre cet avis plutôt que la position de M. Burdet.
M. Chaïm Nissim (Ve). Il est impossible de ne pas prendre la parole, tout en sachant que cela ne servira pas à grand-chose, mais ce sujet me tient trop à coeur.
Par rapport à l'exposé de M. Burdet, je relève un point avec lequel je suis d'accord : nous pouvons dire que le canton Nidwald n'est pas dans le voisinage du canton de Genève. En conséquence, le Grand Conseil doit se prononcer par une loi en réponse à la consultation fédérale pour la création d'un dépôt de déchets.
Nous avons constitutionnellement le droit de nous prononcer pour ou contre cette loi et, personnellement, je dois dire que j'y suis opposé. M. Haegi a eu légitimement raison de nous soumettre ce projet de loi au Grand Conseil.
Par ailleurs, Monsieur Burdet, nous n'affirmons pas que nous n'avons pas de déchets radioactifs à Genève. Nous savons très bien que nous produisons les déchets d'application médicale dont vous avez parlé. De plus... (L'orateur est interrompu.) ...j'allais précisément aborder ce point !
En plus de ces déchets d'application médicale dont vous avez parlé, il y a tous les déchets liés à nos importations de courant. Vous savez que nos importations varient en fonction des saisons, mais qu'elles sont en grande partie d'origine nucléaire. Les centrales qui les fournissent produisent des déchets, dont nous devons également assumer la responsabilité.
Ces déchets sont bien plus toxiques que les déchets d'application médicale dont vous avez parlé, et je tiens à répéter la phrase que mon collègue M. Schneider a extraite de la demande de concession, qui précise bien que les déchets provenant du cycle de combustible et de la campagne de ramassage des résidus d'application médicale seront stockés dans ce dépôt. Il y aura donc deux types de déchets dans ce dépôt : à longue et à courte durée radioactive.
Si nous voulons être responsables et trouver une solution pour ces déchets - je remercie M. Beer de l'avoir relevé à ce propos - qui doivent être surveillés pendant des milliers d'années, ils devraient l'être dans des sites aériens, accessibles, et non pas dans des sites enterrés, qui peuvent être bouleversés par un tremblement de terre ou par des inondations et devenir inaccessibles, après quelques centaines d'années.
Il nous est impossible de prévoir dans quel état seront les fûts - rouillés, fissurés, désagrégés - après une si longue période. Nous devons donc garantir une longue surveillance durant plusieurs générations, dans un endroit visible, facilement repérable par les générations suivantes. En ce sens, le rapport de M. Beer est bien fait.
Il est essentiel, ainsi que l'ont relevé mes préopinants, de tenter d'en produire le moins possible, en investissant de l'argent dans des programmes d'économies d'énergie et de construction de centrales à gaz, par exemple.
Ce que je constate avec délectation, Monsieur Burdet, c'est que vous ne dites pas le contraire; vous semblez assez d'accord avec nous, tout en étant fâché que nous le disions. En tant que biologiste, vous ne pouvez qu'être de l'avis que nous devons produire le moins de déchets possible et les surveiller de façon responsable. Je suis sûr que vous allez voter le rapport de M. Beer ! J'en fais le pari, Messieurs les députés ! (Exclamations et rires.)
M. Hervé Burdet (L). M. Nissim perdra son pari !
En ce qui concerne les arguments de M. Vanek, je voudrais tout de même apporter quelques compléments. Je répète que voter ce projet de loi consiste à abandonner toute responsabilité de nos déchets.
Quelques gestionnaires responsables de nos déchets nucléaires nous ont écrit, pour nous informer de ce qu'ils vont faire, dans les trois prochains mois, du tritium, du cobalt et du carbone radioactif, dont la demi-vie est de cinq mille ans, à la différence des demi-vies de produits radioactifs évoqués par M. Nissim qui ont toujours des caractéristiques physiques assez fantaisistes.
S'il me faut vous dire ce qui se passe lorsqu'on refuse de faire un dépôt géré et accessible, contrairement à ce que nous dit M. Nissim, même s'il est sous terre, je ferai appel à la mémoire de ceux d'entre vous qui font partie de la commission des travaux et se souviennent certainement que nous avons construit, en partie sous la rue Alcide-Jentzer, près des installations universitaires proches de la maternité, des dépôts pour les déchets résultant de l'activité hospitalière, dont des déchets radioactifs.
Les gestionnaires de l'hôpital appliquent les normes fédérales, celles du 1er octobre 1994 ayant remplacé celles du 30 juin 1976. On estime qu'il faut dix fois plus de temps pour que les déchets nucléaires perdent leur radioactivité nocive.
Les nucléotides radioactifs que nous employons dans notre hôpital sont stockés, pendant deux ans et plus, sous la rue Alcide-Jentzer, en attendant de perdre leur radioactivité dangereuse. Après quoi ils sont envoyés aux Cheneviers où ils sont incinérés. Je vous laisse deviner où cette radioactivité, réputée innocente, va se déposer ! Pendant deux ans, selon les normes d'aujourd'hui - certainement plus longtemps, selon les normes de demain - nous stockons dans le voisinage de la maternité, à côté de l'hôpital, des nucléotides en phase de décroissance de leur radioactivité, ce qui constitue en fait un dépôt de déchets nucléaires.
Si vous voulez vous opposer à toute installation nucléaire, y compris des déchets dans notre canton et son voisinage, en vous opposant également à la création d'un dépôt spécialement construit et spécifiquement géré dans le canton de Nidwald, vous pouvez obtenir que, sous une rue proche d'un hôpital, d'une université, d'un laboratoire de recherche, soit créé un dépôt, pour deux ans et plus, de déchets radioactifs.
M. Roger Beer (R), rapporteur. Je dois dire que je suis quelque peu étonné de tout ce qui vient d'être dit ici sur ce simple projet de loi.
C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté la savante intervention de mon estimé collègue M. Burdet, qui a, au moins, le mérite de rappeler que le problème du nucléaire est à la fois complexe et sérieux. Par ailleurs, c'est bien volontiers que j'accepte ses remarques constructives.
Toutefois, j'aimerais quand même exprimer à M. Burdet mon étonnement. En effet, je constate, alors qu'il fait partie d'un groupe qui généralement reproche aux autres de profiter d'un projet de loi pour parler d'autre chose, que c'est exactement ce qu'il est en train de faire ce soir ! (Exclamations. Une voix interpelle l'orateur.)
Il est dans mon dos, je ne puis donc le voir. Je dois dire que je ne comprends pas très bien l'évolution de ce débat. Nous devons voter un projet de loi qui demande au canton de Genève, dans le cadre d'une procédure de consultation, son préavis sur une construction d'un dépôt de déchets nucléaires.
Il me semble utile de rappeler ici l'article 160C, alinéa 5, de notre constitution :
«Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires, de dépôts de déchets hautement et moyennement radioactifs et d'usines de retraitement sur le territoire du canton et au voisinage de celui-ci. Pour les installations ne répondant pas à ces conditions de localisation, le préavis du canton est donné par le Grand Conseil sous forme de loi.»
Le Conseil d'Etat est donc à même de répondre sans consulter le Grand Conseil. Sauf pour le cas de Wellenberg, qui ne fait pas tout à fait partie de la région genevoise, où il a été nécessaire de saisir le Grand Conseil afin qu'il se prononce sous forme de loi. C'est ce qui nous est demandé : le canton de Genève peut se prononcer négativement ou positivement.
Toute la problématique du nucléaire qu'exposent les différents spécialistes de ce Grand Conseil est justifiée, sauf que, pour cela, il y a une autre commission que celle de l'agriculture : celle de l'énergie où nous attendons de discuter de la conception énergétique cantonale qui devra être redéfinie pour cette législature.
Messieurs les députés, il faut accepter ce projet de loi et garder tous vos arguments en réserve pour la discussion sur la conception énergétique cantonale.
M. Pierre Vanek (AdG). Je me rends à l'injonction de notre collègue M. Beer. Je pense que cette problématique doit être intégrée au débat que nous aurons sur les dispositions prises par le canton pour se passer de l'énergie nucléaire. C'est effectivement là que le bât blesse et qu'il faut intervenir.
Ce préavis ne devrait pas poser de problème. Si M. Burdet a voulu faire un écran de fumée, en parlant également des déchets résultant de l'application médicale dans le canton de Genève, j'aimerais simplement lui rappeler que nos déchets proviennent de centrales qui nous fournissent de l'énergie et qui les produisent à l'extérieur de la Suisse, mais que ce sont néanmoins des déchets pour lesquels nous devons prendre notre part de responsabilité.
En ce qui concerne le problème concret qu'il évoque au sujet des déchets d'application médicale, je crois qu'effectivement il y a probablement là matière à débattre en vue de trouver des solutions satisfaisantes, mais hors du contexte du présent projet de loi, si tant est que le rapport que nous a fait M. Burdet sur les Cheneviers soit exact. Mais ce n'est pas le débat de ce soir.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Les hésitations dont il est fait état ce soir ne me surprennent pas. L'application de l'article 160 de la constitution n'est pas évidente, et, en décidant de renvoyer ce projet en commission, vous pouviez effectivement en vérifier la portée. J'ai trouvé que vous étiez sévère vis-à-vis du rapporteur, Monsieur Burdet, mais qu'en même temps vous posiez les vraies questions que nous ne pouvons pas éluder constamment.
Vous pouvez aisément rejoindre M. Beer, lorsqu'il dit que ce sujet devra être repris dans le cadre de la politique énergétique de notre canton. D'une manière globale, on peut dire que cet article de la constitution a été voté sans en avoir apprécié totalement la portée.
Dans le résumé de la discussion en commission, le point 3 m'a un peu choqué, je dois l'avouer. On lit, en effet : «Le principe selon lequel les déchets radioactifs produits dans notre pays doivent être déposés en Suisse, de façon sûre et durable, rencontre également d'adhésion des députés, à l'instar du Conseil d'Etat (voir l'exposé des motifs de son projet de loi).» On ajoute : «Les députés envisagent même un entreposage sur le site de production.»
Autrement dit nous renforçons, par cette déclaration, notre intention de mettre ces déchets ailleurs, dès le moment où notre constitution ne nous permet pas de les accepter; on désigne même les lieux où l'on voudrait qu'ils soient entreposés : dans les centrales, dans les cantons qui ont accepté des centrales nucléaires et peuvent, sur cette lancée, accepter encore les déchets produits par les autres.
Il n'est pas raisonnable de poursuivre durablement une politique énergétique dans cette direction, et je le dis d'une manière sereine, je crois m'être exprimé sur ce sujet d'une manière assez claire pour me permettre d'aller dans ce sens. Finalement, je ne dirais pas que la décision que vous prendrez est sans importance, mais l'essentiel est de pouvoir échanger quelques idées et d'apporter quelques témoignages qui montrent les limites de l'application actuelle de l'article constitutionnel qui est le nôtre et de la nécessité de sa mise à jour.
M. Hervé Burdet (L). Il n'est pas d'usage pour un député de parler après le conseiller d'Etat, mais je voudrais simplement rappeler qu'en l'état du dossier, dans l'ignorance dans laquelle les commissaires se sont prononcés, je demande le renvoi en commission ou, à défaut, la non-entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Roger Beer (R), rapporteur. Il ne faut pas suivre M. Burdet évidemment !
J'aimerais préciser à M. Haegi que la fameuse phrase qu'il cite : «Les députés envisagent même un entreposage sur le site de production» ne veut pas dire que nous devons exporter les déchets. Cela signifie que si nous produisons des déchets, nous devons les entreposer sur le site. L'article nous interdit de construire des centrales et de continuer à produire des déchets, mais pour ceux qui existent, nous devons assumer nos responsabilités.
M. Pierre Vanek (AdG). Je pensais que le débat était clos, mais puisque MM. Haegi et Burdet le relancent, je voudrais préciser qu'entreposer les déchets sur le site ne signifie pas les imposer à d'autres !
Or, accepter le dépôt de Wellenberg signifie les imposer à d'autres, qui les ont refusés en votation populaire. Nous sommes dans cette problématique. L'entreposage sur le site est lié à la reconnaissance que nous n'avons pas, aujourd'hui, de solution définitive et sûre et que nous gardons des portes ouvertes. Nombre de pays pratiquent de cette manière, ce n'est pas nier le problème ni le résoudre.
Le stockage sur site consiste à ne pas les envoyer à l'étranger, notamment dans l'usine de retraitement de la Hague en France, qui est extrêmement polluante, dangereuse et qui produit du plutonium. C'est l'idée maîtresse du stockage sur site, qui, malheureusement, ne peut pas prétendre régler définitivement le problème. Ce n'est pas sur cette mesure que nous nous prononçons en donnant ce préavis.
En ce qui concerne la proposition de M. Burdet qui demande, eu égard à l'ignorance dans laquelle les députés ont voté le préavis et l'ignorance du rapporteur qui a établi le rapport, le renvoi en commission, je crois, quant à moi, que l'ignorance se trouve essentiellement du côté de celui qui l'a évoquée !
M. Chaïm Nissim (Ve). Je crois que vous avez bien compris, Monsieur Haegi, que le principal problème est que nous ne connaissons actuellement pas assez le domaine du nucléaire. C'est bien ce qui constitue le problème des déchets radioactifs, car nous devons gérer aujourd'hui, sans savoir, et prendre des décisions qui vont nous engager pour plusieurs centaines d'années.
L'idée de ceux qui proposent de stocker aujourd'hui in situ à Goesgen et à Leibstadt leurs propres déchets consiste à dire que nous ne savons pas ce que va provoquer le démantèlement des grandes centrales nucléaires, car nous n'en avons jamais démantelé. Il se pourrait que ces sites deviennent de facto des sites de déchets, puisque les centrales constituent elles-mêmes des déchets après quarante ans de travail et que leurs composantes restent radioactives durant plusieurs centaines d'années.
Etant donné que ces sites sont de toute façon à l'air libre, que nous pourrons les surveiller, pourquoi ne pas y entreposer - ce n'est qu'une proposition - des déchets, plutôt que de le faire dans un trou profond où ils risquent d'être oubliés ? Le problème est de gérer aujourd'hui une matière potentiellement dangereuse pendant des millénaires, dont on peut craindre qu'elle soit oubliée dans mille ans. Nous sommes devant l'incertitude du résultat de nos décisions actuelles.
M. Roger Beer (R), rapporteur. Il nous reste encore de nombreux points avant de clore l'ordre du jour, je vous invite très vivement à faire voter ce projet et à passer au point suivant pour parler de musique.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission de l'énergie et des Services industriels est rejetée.
Ce projet est adopté en trois débats, dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
relatif au préavis du canton de Genève sur la consultation fédérale concernant la création d'un dépôt de déchets radioactifs de faible à moyenne activité et à courte durée de vie, sur le site de Wellenberg, communede Wolfenschiessen, canton de Nidwald
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 160C, alinéa 5, de la constitution genevoise, du 24 mai 1847;
vu l'article 6 de l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique, du 6 octobre 1978;
vu le vote négatif du demi-canton de Nidwald, du 25 juin 1995,
Décrète ce qui suit:
Article unique
Le canton de Genève préavise négativement le projet de création d'un dépôt de déchets radioactifs de faible à moyenne activité et à coute durée de vie, sur le site de Wellenberg, commune de Wolfenschiessen, canton de Nidwald.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que le domaine de la Touvière, situé au Carre-d'Aval (commune de Meinier), dont la constitution remonte au XVIe siècle, représente un élément important du patrimoine architectural et domanial genevois;
- que le Festival Amadeus, qui se tient chaque année à la Touvière, dans les espaces de la grange et des remises de l'exploitation agricole, a créé à la Touvière une tradition, en donnant au lieu une affectation culturelle dont le maintien est unanimement souhaité;
- qu'une division du domaine a séparé l'exploitation agricole, en pleine activité, de la maison de maître, laquelle a été acquise par un tiers et se trouve aujourd'hui mise en vente par l'office des poursuites et faillites;
- qu'un projet de Maison de la musique a été conçu pour cette maison de maître, qui viendrait renforcer le pôle musical créé par le Festival Amadeus;
- que ce projet serait de nature à contribuer à la conservation de ce patrimoine, en préservant l'unité spatiale du lieu, constitué d'une grande cour desservant dans son axe la maison de maître, et sur son pourtour la maison d'habitation de l'agriculteur et les dépendances;
- que la mise en vente par l'office des poursuites et des faillites peut survenir à chaque instant, mettant définitivement un terme à l'espoir qu'incarne le projet de Maison de la musique de donner à ce lieu imprégné d'histoire une nouvelle jeunesse et de préserver l'avenir du Festival Amadeus;
- que la Maison de la musique offrirait une salle de 150 places destinée à des concerts, ainsi que des espaces de résidence pour des artistes, d'ateliers, de stages, de répétitions, de conférences et de colloques, au service d'une politique d'accueil, d'échanges, d'ouverture et de rencontres autour de la musique;
- que la Maison de la musique constituerait un outil culturel pour les communes environnantes, le canton et la région;
- que la Maison de la musique permettrait à Genève et à la Suisse d'entrer dans le réseau des centres culturels installés dans des monuments historiques, selon la déclaration de M. Daniel Girard, président du Forum des réseaux culturels européens du Conseil de l'Europe, et de mettre à profit les synergies dont ces lieux de grande qualité sont porteurs;
- que les communes genevoises riveraines et l'Association des communes genevoises sont sollicitées pour prendre ce projet en considération;
- que le Fonds d'équipement communal, actuellement bien doté, pourrait être appelé à seconder l'effort des communes,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier le projet de Maison de la musique en vue de lui accorder son appui et de le promouvoir auprès des communes genevoises;
- à étudier la possibilité d'une mise à contribution du Fonds d'équipement communal en vue de contribuer à l'acquisition par les communes intéressées de la maison de maître mise en vente par l'office des poursuites et faillites.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Au vu des considérants qui précèdent, nous vous prions de réserver bon accueil à cette motion.
Débat
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Le succès des cinq Festivals Amadeus de la musique ancienne à la musique contemporaine et la mise aux enchères de la maison de maître dans le même espace ont motivé le projet d'un centre culturel de rencontres, dans le cas présent, la Maison de la musique.
Un centre culturel, tel qu'il est déjà réalisé dans plus de vingt sites européens, se définit, d'une part, par son implantation concrète en un lieu où un monument ancien s'ouvre à un destin contemporain, à une nouvelle fonction à laquelle il associe sa région et, d'autre part, par son intégration dans un réseau, un système d'échanges et de rencontres.
Selon le Conseil de l'Europe qui encourage la coopération entre les centres culturels, il s'agit, à l'heure de la mondialisation des processus de production, de l'affirmation de l'interdépendance mondiale et de l'internationalisation de l'économie et de la culture, de parer au danger existant du développement d'un esprit de clocher culturel. A ce sujet, rappelons-nous que les débats concernant la loi sur l'antiracisme ont beaucoup porté sur la défense d'une identité culturelle par opposition à l'ouverture sur le monde.
Cela ne signifie pas qu'il n'existe rien dans ce canton fort bien doté en institutions culturelles, ni que des échanges ou des coproductions ne soient pas déjà réalisés. Mais la formule de centre culturel de travail et de rencontres, telle qu'elle vous est présentée dans les considérants et dans la brochure que vous avez tous reçue, est tout à fait originale. Le projet de la Touvière, Maison de la musique, serait le troisième du genre en Suisse, après Boswil et Romainmôtier, à s'inscrire dans l'effort que nous revendiquons tous, haut et fort, soit la constitution d'une Europe des régions et d'une Europe culturelle.
En effet, le projet d'une Maison de la musique concerne, certes, par proximité, les communes environnantes mais aussi l'ensemble des communes, le canton et la région. La commission de l'enseignement travaille déjà sur un projet de loi d'encouragement à la culture. L'état de la question permet de prévoir que les soutiens cantonaux, en dehors de la formation, se baseront sur les concepts de subsidiarité, de partenariat et de dimension régionale. La Fondation Amadeus a déjà apporté la preuve de son engagement par rapport à ces notions.
Le renvoi de la présente motion à la commission de l'enseignement pourrait constituer une intéressante application des notions législatives à développer. La commission pourrait utilement s'adresser à d'autres départements concernés : département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales; département des travaux publics et de l'énergie; ainsi qu'à l'Association des communes, par exemple.
Le renvoi de la motion à une commission parlementaire présenterait l'avantage supplémentaire de permettre des travaux sereins sur un projet sérieux qui s'est transformé, au cours de ces dernières semaines, plus en un objet politique où les contentieux, les susceptibilités, les règlements de compte, les doubles discours et les probables non-dits qui m'échappent, sont devenus l'enjeu en lieu et place du projet lui-même.
Savoir comment un projet, originairement discuté en commun par les représentants des créanciers, du département de l'instruction publique et du département des travaux publics et de l'énergie, de la Fondation et des communes d'Arve et Lac, est devenu un objet renvoyant tout le monde dos à dos est moins important que de reprendre l'examen de la proposition et des divers scénarios financiers. Peut-être n'est-il pas trop tard pour que la marque d'intérêt manifeste demandée à notre canton se concrétise.
M. Bernard Lescaze (R). Si j'encourage vivement ce Grand Conseil à accepter la motion qui vous est présentée, c'est parce que j'estime, à l'instar de ma préopinante, qu'avoir une maison d'accueil pour la musique, une maison de résidence s'inscrivant dans une chaîne européenne, comme celle de Villeneuve-lès-Avignon, est quelque chose de nécessaire qui n'existe pas encore dans le canton de Genève.
Ce projet de fondation culturelle mérite donc d'être encouragé à plusieurs titres. Je ne m'y étendrai pas, les considérants de notre motion vous les expliquent. J'aimerais aller droit au but. Il est vrai que ce n'est peut-être pas d'abord à l'Etat de se lancer dans ce projet. Bien entendu, les motionnaires sont conscients que rien n'est possible sans l'accord des communes intéressées, Arve et Lac. Encore faudrait-il que l'étude de ces communes soit effectuée de façon loyale. Elles ne devraient pas refuser ce projet sans avoir réellement consulté les promoteurs.
Pour ma part, j'aurais préféré - et je maintiens quand même ma proposition - renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, de façon que ce signe, ce message, cette note d'espoir vienne de lui. Les motionnaires, comme les promoteurs de ce projet, continueront, de leur côté, à agir auprès des communes intéressées. Je doute qu'une commission puisse avancer davantage dans cette voie, étant donné que - comme l'a très justement dit la préopinante - il semble qu'il y ait des interventions plus ou moins occultes et, en tout cas, hostiles à ce projet.
J'en veux pour preuve la manière particulièrement désagréable avec laquelle il nous a été dit que le Fonds d'équipement communal ne pouvait, en aucune manière, y être intéressé. Pour ma part, c'est bien volontiers que je retirerai la seconde invite proposant la contribution du Fonds d'équipement communal. Si c'est la seule chose qui dérange, je serais d'accord. En tout cas, cela m'a permis de mieux voir certains fonctionnements, ou plutôt certains dysfonctionnements, de ce Fonds, et je me promets d'y revenir à d'autres occasions.
J'aimerais simplement rappeler ici que ce fonds, quoi qu'on puisse prétendre - que ce Fonds ne peut pas être utilisé pour la culture, par exemple - a quand même versé un million à la Ville de Genève pour la mécanique de scène du Grand Théâtre et 250 000 F à la commune d'Onex pour édifier une fontaine, projet certainement utile, mais peut-être moins qu'une Maison de la culture ! (Protestations.) Malgré les protestations indignées à ma gauche des personnes assises sur les bancs dits de droite, ces exemples devraient rendre plus modeste, en particulier, la personne qui est maire de la commune bénéficiant le plus du Fonds d'équipement communal.
Je me dis alors que, malgré tout, il y a encore trop de gens qui ont intérêt à ne pas soutenir ce projet, et je le regrette. Je suis d'accord qu'il appartient d'abord aux communes d'Arve et Lac, qui sont peut-être davantage privilégiées sur le plan fiscal que d'autres, de l'entreprendre. Mais, lorsqu'on voit que le plan financier ne prévoyait guère qu'une dépense par habitant de 2,59 F, pendant une durée de cinq ans, on s'étonne que la commune la plus riche du canton - dont le maire est d'ailleurs le collègue de parti de la personne qui proteste si véhémentement - soit également opposée à ce projet et n'ait pas voulu entendre les promoteurs !
Quand je constate que les mêmes personnes président le Fonds d'équipement communal et siègent au comité de direction de la banque qui est créancière de la société en faillite possédant l'immeuble, je me demande ce que cachent et dissimulent véritablement les adversaires de cette motion, qui ne demande pourtant rien d'autre qu'un encouragement de la part du Conseil d'Etat, sans réclamer d'argent, et que celui-ci puisse servir de médiateur dans un dossier délicat.
Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que ce projet, qui, de toute façon, progressera, que vous le vouliez ou non, mérite simplement, face à l'avenir et en regard de ce qu'il peut représenter dans la vie culturelle de Genève, ce modeste encouragement. Supprimons donc la seconde invite et renvoyons le tout au Conseil d'Etat.
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Cette motion traite de deux sujets qu'il faut absolument séparer : d'une part, le Festival Amadeus, unanimement reconnu, qui doit subsister, et, d'autre part, une maison de maître mise en vente par l'office des poursuites et faillites. Pour envisager l'acquisition de cette propriété, les initiateurs du projet ont approché le Conseil d'Etat qui a refusé de leur apporter un soutien.
Alors, on se tourne naturellement vers l'ensemble des communes en envisageant une mise à contribution du Fonds d'équipement communal. Comme vous le savez, ce dernier est destiné à prendre en charge, totalement ou partiellement, les intérêts des emprunts que les communes à faible capacité financière et aux centimes additionnels élevés doivent contracter pour faire face à leurs frais d'équipement. Souvent elles ne pourraient pas le faire si ce fonds n'existait pas.
Vous comprendrez donc aisément que chaque somme prélevée sur ce fonds diminue d'autant la manne distribuée aux communes en difficulté. Cela revient à dire que ce sont les communes pauvres qui devraient participer financièrement à ce projet. C'est comme si, Monsieur Lescaze, on allait puiser dans les marmites de l'Armée du salut pour s'acheter une boîte de caviar ! (Protestations.)
Il y a eu, il est vrai, comme vous venez de le dire, des participations extraordinaires, telles que l'agrandissement des Cheneviers, la nouvelle centrale du SIS, la mécanique de scène du Grand Théâtre. Mais je tiens à vous le répéter : toutes ces opérations d'intérêt général ont dû être acceptées par l'ensemble des communes, ce qui a été fait.
En ce qui concerne ce projet, le comité de l'Association des communes a donné, à l'unanimité, un préavis négatif pour les motifs que je viens de vous exposer et également en considération du caractère typiquement régional de ce projet. C'est pourquoi je vous propose un amendement qui consiste à supprimer la deuxième invite et à la remplacer par la suivante :
« - à étudier la possibilité d'un financement par les communes intéressées, en fonction de leur capacité financière, en vue de contribuer à l'acquisition de la maison de maître mise en vente par l'office des poursuites et faillites.»
M. Jean-François Courvoisier (S). Si nous admettons que, malgré les difficultés financières actuelles, la culture n'est pas un luxe, mais une nécessité, nous devons tout mettre en oeuvre pour sauver la Touvière. C'est dans ce magnifique cadre qu'a lieu, depuis plusieurs années, le Festival Amadeus. Ce festival permet à un public généralement nombreux d'entendre, dans ce lieu aux qualités acoustiques excellentes, des artistes chevronnés de renommée internationale mais aussi de jeunes talents, dont de nombreux artistes genevois qui ont trouvé à la Touvière la possibilité de se faire connaître.
La culture n'existe pas seulement au Grand Théâtre, au Victoria Hall, à la Comédie ou dans cet immense «machin» baptisé Arena. Elle a davantage besoin de salles plus petites et, par là même, plus conviviales, où la proximité des artistes permet un meilleur contact avec le public.
De plus, lorsque j'étais organisateur de concerts, j'ai pu constater combien nous manquions de salles de répétition pour de petites et moyennes formations, car une salle de concert, que ce soit celle du Conservatoire, de l'Athénée ou de la Salle centrale, se loue généralement, pour la soirée, avec une seule répétition le jour du concert. Au CERN, la répétition est encore plus difficile, car l'auditorium est occupé par des conférences pendant la journée. Cela pose de graves problèmes aux ensembles de musique de chambre en tournée à Genève.
Aujourd'hui encore, bien que j'aie cessé mon activité d'organisateur de concerts depuis le 1er janvier, des musiciens de passage dans notre ville me téléphonent pour me demander où ils pourraient bien répéter. De même, un ensemble genevois formé depuis plus d'une année, qui s'est produit, cet été, à Genève, avec le plus grand succès, est toujours à la recherche d'une salle de répétition. La Touvière et ses dépendances permettraient de résoudre ces problèmes et d'accueillir des séminaires tant pour des musiciens amateurs que pour des professionnels désireux de se perfectionner dans un domaine particulier comme la musique ancienne, la musique contemporaine ou autres. Actuellement, rien n'existe, pour cela, à Genève qui a pourtant une longue tradition musicale.
Mon enthousiasme pour la Touvière ne doit pas me faire oublier les inconvénients que représentent son fonctionnement et sa restauration, notamment son éloignement de la ville, ainsi que l'arrêt de bus le plus proche, bus dont les heures de passage sont très espacées. Pour les concerts, cela n'a pas grande importance, car les Genevois sont presque tous motorisés. D'ailleurs, il serait possible d'organiser un service de transports au début et à la fin de chaque concert. Jusqu'ici cet éloignement n'a jamais empêché le public de se présenter nombreux aux concerts qui l'attiraient.
En ce qui concerne l'utilisation de la Touvière comme salle de répétition pour les artistes étrangers de passage à Genève, qui désireraient y travailler, je sais par expérience que beaucoup d'ensembles européens venant des pays de l'Est, d'Espagne ou d'Italie, voyagent en voitures particulières et n'auraient aucune difficulté à se rendre à la Touvière. Pour les autres, leur impresario genevois pourrait, dans certains cas, les y conduire. Ils y trouveraient un climat idéal pour travailler. Si nous avons la volonté politique de faire de la Touvière une Maison de la musique, il serait possible de la doter d'un minibus qui pourrait, moyennant finance, aller chercher et raccompagner les musiciens qui désireraient y travailler.
Bien sûr, le problème du financement se pose. Beaucoup de nos collègues pensent, peut-être à juste titre, que le Fonds d'équipement communal est déjà trop sollicité pour encore s'impliquer dans ce projet. C'est pourquoi nous réclamons que la motion 1018 soit renvoyée à la commission de l'enseignement qui devra trouver une solution pour sauver une des plus belles demeures du canton et en faire un haut lieu de la culture à Genève.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Après tout ce qui a été dit, je vais quand même vous donner le point de vue de l'Alliance de gauche. Celle-ci soutient d'autant plus volontiers ce projet qu'il est très beau et déjà fort avancé dans sa conception. La fondation qui l'a conçu est en place, des plans ont été préparés à l'aide d'un remarquable bénévolat. Le Festival Amadeus existe, les demandes pour des locaux musicaux et pour un tel centre également. Nous sommes, dans le domaine de l'histoire musicale de ce canton, parvenus à un seuil qu'il nous faut franchir.
En préambule, je dirai un mot de la Touvière. C'est un des très beaux domaines agricoles de notre territoire qui en compte un certain nombre, il est vrai. Il est fort bien situé dans une très belle contrée, à peine au-dessus de la plaine autrefois marécageuse de la Seymaz où s'élevait le château médiéval de Roilbot. Le Festival Amadeus a fait connaître ce site à de nombreuses personnes de notre canton, mais aussi de la région et de plus loin encore.
Genève a la chance d'occuper dans le domaine musical une place tout à fait privilégiée en Suisse. Nous avons trois grandes écoles - le Conservatoire, le Conservatoire populaire, l'Institut Jacques Dalcroze - et plusieurs écoles privées. Nous avons un grand orchestre symphonique, un opéra, un orchestre de chambre, une formation de musique contemporaine, des festivals dans divers domaines, des ateliers d'ethnomusicologie, un centre international de percussions, de très nombreuses formations musicales classiques, de jazz ou de rock - nous avons environ deux cents groupes rock à Genève : c'est un des produits de cette tradition musicale. Nous comptons encore des corps de musique, des chorales. Nous connaissons des musiques de toute sortes de traditions, venant du monde entier, et il ne se passe pas un jour sans que des initiatives ne soient prises par des jeunes dans le domaine de la musique.
Les économistes savent bien que la croissance zéro n'existe pas et que, parvenus à un certain seuil, notamment lorsque la crise budgétaire est présente, les développements sont remis en question. Or, nous sommes ici en présence d'un projet qui prévoit d'élargir le cadre de cette activité musicale, de créer un réseau d'échanges en accueillant des gens de l'extérieur, d'installer des compositeurs ou des musiciens en résidence, de manière à pouvoir, à notre tour, envoyer des créateurs et interprètes suisses à l'extérieur. Là où ils existent, ces réseaux irriguent le travail musical des indigènes, et c'est un immense avantage de disposer d'un pareil centre et de pouvoir encourager la politique régionale au moyen d'un tel dispositif.
Voilà des années que, dans le cadre de la politique culturelle de la région, bien des collectivités envisagent de tels projets - il en existe un en Haute-Savoie pour la littérature - mais très peu aboutissent. Or, nous avons ici les conditions d'une telle réalisation. Bien sûr, les communes doivent se sentir solidaires d'un tel projet, principalement les communes concernées entre Arve et Lac.
En effet, nous avons peut-être non pas commis une erreur mais plutôt fait preuve d'une certaine précipitation en décidant d'impliquer éventuellement le Fonds d'équipement communal, mais la réaction des communes non concernées a été hors de proportion : c'était comme si nous avions attenté à leur existence ! Or, il ne s'agit pas de cela, mais seulement de donner un «coup de pouce» à ce projet et de galvaniser les communes. Nous savons parfaitement bien que celles-ci disposent d'une capacité contributive suffisante pour cet achat, dont le montant n'est pas très élevé. Un effort de coordination doit aussi être apporté, ne serait-ce que moralement par les communes qui ne se sentent pas concernées.
Le Conseil d'Etat va être chargé de cette coordination et de ce «coup de pouce». Je compte beaucoup sur M. Haegi, qui a su comprendre l'enjeu de ce projet pour la politique régionale, ainsi que sur les autres départements, notamment celui de l'instruction publique, pour mettre en évidence l'immense avantage que nous aurions à disposer d'un tel centre, au surplus dans une aussi belle région, centre qui contribuerait au rayonnement, à la connaissance et à l'attraction de notre territoire.
Je me range bien volontiers aux propositions d'amendements formulées par mes collègues, à condition que le Conseil d'Etat accepte cette mission et que vous lui renvoyiez, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet lui demandant d'explorer et d'exploiter les possibilités pour que cet achat puisse se faire. Vous devez bien comprendre que la maison est actuellement en vente et que, si un acheteur privé se présente, c'en est fait non seulement du projet mais aussi du Festival Amadeus, puisque des propriétaires privés n'accepteraient certainement pas de voir leur cour envahie par des mélomanes.
Pour préserver l'unité du projet, il faut aussi le lieu et, grâce à une conjonction très particulière d'événements, cette unité est rendue possible. A nous de saisir cette occasion.
M. Claude Blanc (PDC). Plusieurs intervenants ont souligné la nécessité culturelle de la réalisation de cette Maison de la musique. Ils sont beaucoup plus compétents que moi, et je crois qu'on peut les croire, étant donné leur qualification, mais, quant à la réalisation de ce projet, permettez-moi de «remettre l'église au milieu du village» !
Dans notre canton, il appartient principalement aux communes d'assumer le rôle culturel des pouvoirs publics, le canton pouvant subsidiairement, en cas de réalisations importantes ou d'impossibilité de concrétisation par les communes, prêter son concours. Or, dans le cas particulier, il me semble que nous sommes face à une réalisation située dans la région la plus riche du canton, comme l'a dit très clairement Mme Mottet-Durand. Les communes concernées, si elles le veulent, sont tout à fait en mesure d'assumer elles-mêmes la charge d'une telle maison.
M. le conseiller d'Etat Haegi, lors du débat sur le budget à la commission des finances, nous a répété que sa politique consiste actuellement à encourager les communes à constituer entre elles des sortes de syndicats ou associations intercommunales pour susciter ou financer des projets d'intérêt général pour une région. Il nous a cité en exemple les installations sportives. Il s'agit, dans le cas présent, d'une réalisation culturelle de premier ordre. Or, dans cette région du canton, se trouve le «gratin financier» qui se confond souvent avec le «gratin culturel» ! Par conséquent, ces gens doivent pouvoir se prendre en charge et réaliser eux-mêmes leurs projets.
Cependant nous sommes favorables à ce que le Conseil d'Etat prête ses bons offices et aide ces communes à se grouper pour acquérir cette maison en les faisant profiter de son expérience, afin que ce projet voie le jour. C'est pourquoi nous nous rallions à la proposition d'amendement de Mme Mottet-Durand.
M. Michel Ducret (R). Que penser de ce projet commun des joyeux mélomanes de la «droite blue-jeans, foulard Hermès» et de la «gauche caviar» ?
En fait, sous couvert de l'intérêt de sauver un domaine historique, d'une part, et de soutenir un festival de musique, d'autre part, dans quel piège cette motion veut-elle nous faire plonger ? Quand on nous dit, Mesdames et Messieurs les députés, qu'on ne nous demande pas d'argent, je me méfie ! A quoi donc pourrait alors servir une telle motion ? Je crois que le Conseil d'Etat est assez grand pour parrainer tout seul une fondation privée dont tous les éléments semblent être ici réunis.
Pour ma part, je veux bien qu'on parle d'aide à la pierre historique, mais, alors, que cela concerne tout le monde ! Si on veut favoriser la conservation de monuments historiques, je connais d'autres communes qui ont de sérieux besoins et aimeraient bien pouvoir puiser dans le Fonds d'équipement communal, afin de sauvegarder des bâtiments présentant un intérêt architectural certain. Je ne citerai en exemple que la Ville de Genève, dont les finances ne sont pas au mieux et qui aurait sûrement besoin d'une aide pour préserver le quartier de Saint-Gervais !
Si l'Etat doit commencer à apporter une aide à la pierre un peu partout, les privés devront y avoir droit aussi. Il faut quand même réfléchir à ce que l'on fait. Au domaine de la Touvière, on risque de créer un précédent qui justifierait n'importe quelle demande dans le futur. Si on suit la motion, telle qu'elle est présentée, on entre tout droit dans les problèmes de coûts d'investissements, qui ne sont pourtant pas négligeables, et de coûts d'exploitation pour la collectivité qui, sans nul doute, reviendront à la charge du canton.
On crée aussi une concurrence aux nombreuses institutions existantes, que Mme Erica Deuber-Pauli a fort bien énumérées tout à l'heure, sans compter qu'elle a oublié d'évoquer la France voisine et le canton de Vaud qui présentent également un éventail bien fourni. Je me demande comment font les gens pour aller à tous ces spectacles. Personnellement, cela m'est devenu impossible, car il y a beaucoup trop d'offres. Comment pourrait-on faire pour suivre tout ce qui se fait dans la région ?
Je ne crois pas, d'ailleurs, que ce seul élément supplémentaire, que serait cette Maison de la musique, contribuera de façon significative au renom de la Genève artistique. Autour de ce projet, se regroupent déjà des «promoteurs» intéressés à l'objet, des architectes, des entrepreneurs et, même, certaines communes; une magnifique plaquette a été éditée... Que va donc faire l'Etat dans cette affaire, pour ne pas dire dans cette galère ?
C'est, à n'en pas douter, un très beau modèle de fondation privée dans laquelle certaines communes peuvent risquer une participation, mais je ne vois pas sous quel prétexte le Fonds d'équipement communal, destiné à aider essentiellement les communes défavorisées à construire des équipements nécessaires, serait sollicité dans cette affaire ! M. Lescaze le savait d'ailleurs si bien qu'il a anticipé ma proposition de suppression de la deuxième invite. Mme Geneviève Mottet-Durand nous a toutefois soumis une proposition encore meilleure à laquelle le groupe radical, dans sa majorité, se ralliera, tout en manifestant son extrême réserve à l'égard de cette motion.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Concernant les amendements proposés, nous sommes d'accord de supprimer la deuxième invite, mais, dans ce cas, nous ne pouvons pas accepter l'amendement de Mme Mottet-Durand.
Il faudrait laisser la première invite ouverte, large et générale, et ne pas remplacer une deuxième invite univoque par une autre qui l'est tout autant. Il est nécessaire de rendre possibles l'examen et l'intérêt de cette motion.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Un mot pour relever quelques affirmations fausses. Il n'est pas juste de dire que le canton interviendrait pour la première fois dans le sauvetage d'un monument ancien, Monsieur Ducret ! Vous savez fort bien qu'il agit en permanence dans ce sens, grâce à son fonds pour le sauvetage des monuments historiques.
J'aimerais vous rappeler que nous n'aurions pas beaucoup d'institutions culturelles à Genève, si, au XIXe siècle, de très riches mécènes n'étaient pas intervenus pour permettre leur création. Tous les établissements culturels de quelque importance ont été créés avec de l'argent extérieur à Genève : Bartholoni, banquier à Paris; le Victoria Hall grâce au consul d'Angleterre; le Grand Théâtre grâce au duc de Brunschwig; etc.
Au XXe siècle, ce sont les collectivités publiques, notamment la commune de Genève, qui ont repris le flambeau à partir des années 10, 20 et 30, mais encore faiblement. Beaucoup d'héritages légués aux collectivités publiques par des familles qui en avaient les moyens ont permis de doter le territoire d'équipements culturels. Nous ne sommes plus dans cette position, et j'aimerais vous rappeler que le canton a dû intervenir, depuis une quarantaine d'années, pour soutenir les équipements culturels de la Ville. Il finance une partie des théâtres et il est, par exemple, intervenu pour construire le théâtre Am Stram Gram, dont il a partiellement payé la réalisation.
C'est de cette manière, en créant des synergies et des appuis croisés, que nous pourrons continuer notre développement culturel. Sans la poursuite de celui-ci, nous risquons de perdre les atouts que nous avons gagnés au prix de l'effort de la collectivité et de la contribution du mécénat. N'allez donc pas dire que le canton n'est pas habitué à ce genre de gestes ! Récemment encore, il a offert de restaurer le bâtiment des forces motrices au profit du Grand Théâtre, pendant le chantier de la machinerie. Ce sont des situations habituelles et souhaitables, parce qu'elles prouvent que l'esprit de clocher, Monsieur Blanc, est en train de disparaître !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Quelques précisions ont été apportées au cours de ce débat.
Généralement, pour ne pas dire unanimement, on s'est rendu compte que c'était une erreur de recourir au Fonds d'équipement communal pour réaliser un tel objectif. En effet, je le confirme : ce fonds n'est pas fait pour cela. Nous connaissons d'autres problèmes de péréquation suffisamment délicats pour éviter de solliciter cet organisme pour une seconde réalisation.
L'autre aspect important, souligné par M. le député Lescaze, est qu'il n'est pas demandé à l'Etat de contribution financière : l'Etat doit se contenter d'un rôle de médiateur. C'est un soulagement par les temps qui courent de vous entendre donner cette précision, Monsieur le député ! Cela montre bien qu'en somme seuls quelques ajustements sont à prévoir. A cet égard, vous avez raison, Monsieur Blanc, de rappeler que je souhaite réellement qu'on arrive à mettre en place une politique de régionalisation des équipements, avec des péréquations appropriées, selon l'activité développée et les moyens des communes les plus concernées.
C'est la raison pour laquelle, Madame Maulini-Dreyfus, il n'y a pas d'ambiguïté, mais tout simplement une clarification de la situation avec la proposition d'amendement suivante :
« - à étudier la possibilité d'un financement par les communes intéressées, en fonction de leur capacité financière, en vue de contribuer à l'acquisition de la maison de maître mise en vente par l'office des poursuites et faillites.»
Cette proposition ne parle que de la maison de maître, mais il faudra encore tenir compte des dispositions légales concernant le domaine agricole qui, lui, ne saurait être traité autrement qu'en respectant ses caractéristiques spécifiques.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter la proposition qui vous est faite en votant cet amendement. Ainsi chacun réalisera ce qu'il doit faire, notamment les communes, et, si l'Etat peut apporter une impulsion à la réalisation de ce projet, il le fera dans l'esprit défini par plusieurs d'entre vous, ce soir.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejetée.
Le président. Nous sommes saisis de plusieurs demandes d'amendements, et nous commencerons par voter sur celui de Mme Mottet-Durand qui consiste à remplacer la deuxième invite par la proposition suivante :
« - à étudier la possibilité d'un financement par les communes intéressées, en fonction de leur capacité financière, en vue de contribuer à l'acquisition de la maison de maître mise en vente par l'office des poursuites et faillites.»
M. Bernard Lescaze (R). J'avais déposé un amendement selon lequel on devait supprimer la seconde invite. A mon avis, il est plus éloigné que celui de Mme Mottet-Durand et je l'aurais fait voter d'abord, mais vous êtes maître de la procédure.
La proposition d'amendement de Mme Mottet-Durand est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cette proposition d'amendement est rejetée par 41 non contre 35 oui.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Monsieur le président, je suis désolée, mais je prétends que le premier vote était à peu près identique.
Le président. Qu'est-ce que cela signifie, Madame la députée ?
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. Cela signifie que le renvoi en commission a été voté à peu près de la même manière que l'amendement.
Le président. Non, non ! Ne revenons pas sur le premier vote, Madame la députée !
Nous passons maintenant à la demande d'amendement de M. le député Lescaze qui consiste à supprimer la deuxième invite.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Tout à l'heure, M. Lescaze a bien dit que l'Etat n'interviendrait pas financièrement. Donc, soit vous complétez la première invite en le spécifiant clairement soit nous devrons nous en souvenir, mais si vous pouviez l'ajouter, cela serait mieux.
Lorsque vous dites :
«invite le Conseil d'Etat
- à étudier le projet de Maison de la musique en vue de lui accorder son appui et de le promouvoir auprès des communes genevoises;»
cela ne dit pas clairement que l'Etat n'interviendra pas financièrement. Vous nous avez suggéré, Monsieur le député, un rôle de médiateur et pas celui d'appui financier. Puis-je me permettre de vous demander de compléter votre invite ?
M. Bernard Lescaze (R). J'accepte volontiers de compléter la première invite par ces mots :
« ... auprès des communes genevoises à titre de médiateur.»
si c'est cela que vous voulez.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'interprétation proposée par M. Haegi. Nous avons demandé dans l'invite que le Conseil d'Etat étudie ce projet en vue de lui accorder son appui et de le promouvoir auprès des communes genevoises avec, notamment, la possibilité de bien cerner tous les aspects financiers de l'acquisition de cette maison, puis de son fonctionnement dont le financement serait assuré par une fondation, avec l'aide des communes concernées.
Le problème de l'acquisition tient au fait que ce bien fait partie d'une faillite dont la créance appartient à des banques et qu'il est géré par l'office des poursuites et faillites. On pourrait escompter de ces milieux toutes sortes d'appuis, et nous invitons le Conseil d'Etat à explorer ces possibles soutiens, car il dispose de plus de moyens que les quelques députés et les membres de la fondation qui ont préparé ensemble cette motion, pour se rendre compte de tous les aspects financiers du problème.
C'est la raison pour laquelle ce n'est pas seulement un rôle de médiateur que nous proposons mais réellement un rôle actif, en vue de proposer des solutions pour l'acquisition de la maison, soit à travers les communes, soit en intervenant auprès des banques, soit, le cas échéant, en donnant un «coup de pouce». On avait imaginé le «coup de pouce» du Fonds d'équipement communal. Si celui-ci n'est pas adéquat, il existe peut-être d'autres solutions, même subsidiaires. Ce rôle de strict médiateur ne rend donc pas bien compte du rôle que l'on attend de l'Etat.
Je précise bien que cela ne veut pas dire que l'Etat doit forcément intervenir financièrement, mais qu'il propose des solutions, après une exploration sérieuse du problème.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Je veux abonder dans le même sens que Mme Erica Deuber-Pauli.
Je pense que la première invite est très largement ouverte. Elle n'oblige pas le Conseil Etat à intervenir financièrement, mais elle ne l'en empêche pas non plus, si l'opportunité se présentait, d'intervenir de cette manière, lors de l'examen de la situation.
Cette invite, totalement ouverte, vous laisse libres et je ne vois pas pourquoi, ce soir, nous devrions limiter cette liberté.
M. Claude Blanc (PDC). Le terme de médiateur ne me plaît pas trop. Je propose donc un nouvel amendement qui consiste à compléter la phrase de la manière suivante :
« ... et de le promouvoir auprès des communes genevoises auxquelles il apportera ses bons offices.»
On précise ainsi ce que le Conseil Etat doit apporter.
Une voix. Bons offices : c'est du «pognon» ?
M. Claude Blanc. Non, non ! Bons offices, c'est jamais du «pognon» ! (Rires.)
Le président. Nous allons donc voter sur la demande d'amendement de M. Lescaze.
Vous la retirez ?... Merci, Monsieur le député !
Je mets donc aux voix la proposition d'amendement de M. Blanc qui consiste à modifier la première invite de la manière suivante :
« - à étudier le projet de Maison de la musique en vue de lui accorder son appui et de le promouvoir auprès des communes genevoises, auxquelles il apportera ses bons offices.»
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cet amendement est adopté par 42 oui contre 35 non.
Le président. Nous allons maintenant voter sur la proposition de M. Lescaze qui consiste à supprimer la deuxième invite de cette motion.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant une Maison de la musique pour Genève
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que le domaine de la Touvière, situé au Carre-d'Aval (commune de Meinier), dont la constitution remonte au XVIe siècle, représente un élément important du patrimoine architectural et domanial genevois;
- que le Festival Amadeus, qui se tient chaque année à la Touvière, dans les espaces de la grange et des remises de l'exploitation agricole, a créé à la Touvière une tradition, en donnant au lieu une affectation culturelle dont le maintien est unanimement souhaité;
- qu'une division du domaine a séparé l'exploitation agricole, en pleine activité, de la maison de maître, laquelle a été acquise par un tiers et se trouve aujourd'hui mise en vente par l'office des poursuites et faillites;
- qu'un projet de Maison de la musique a été conçu pour cette maison de maître, qui viendrait renforcer le pôle musical créé par le Festival Amadeus;
- que ce projet serait de nature à contribuer à la conservation de ce patrimoine, en préservant l'unité spatiale du lieu, constitué d'une grande cour desservant dans son axe la maison de maître, et sur son pourtour la maison d'habitation de l'agriculteur et les dépendances;
- que la mise en vente par l'office des poursuites et des faillites peut survenir à chaque instant, mettant définitivement un terme à l'espoir qu'incarne le projet de Maison de la musique de donner à ce lieu imprégné d'histoire une nouvelle jeunesse et de préserver l'avenir du Festival Amadeus;
- que la Maison de la musique offrirait une salle de 150 places destinée à des concerts, ainsi que des espaces de résidence pour des artistes, d'ateliers, de stages, de répétitions, de conférences et de colloques, au service d'une politique d'accueil, d'échanges, d'ouverture et de rencontres autour de la musique;
- que la Maison de la musique constituerait un outil culturel pour les communes environnantes, le canton et la région;
- que la Maison de la musique permettrait à Genève et à la Suisse d'entrer dans le réseau des centres culturels installés dans des monuments historiques, selon la déclaration de M. Daniel Girard, président du Forum des réseaux culturels européens du Conseil de l'Europe, et de mettre à profit les synergies dont ces lieux de grande qualité sont porteurs;
- que les communes genevoises riveraines et l'Association des communes genevoises sont sollicitées pour prendre ce projet en considération;
- que le Fonds d'équipement communal, actuellement bien doté, pourrait être appelé à seconder l'effort des communes,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier le projet de Maison de la musique en vue de lui accorder son appui et de le promouvoir auprès des communes genevoises, auxquelles il apportera ses bons offices.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de motion ne devrait pas avoir vu le jour, tant il est vrai que le problème qu'il se propose de résoudre ne devrait pas se poser !
Il est en effet simplement normal de fournir aux députés, appelés à voter des modifications d'une loi, le texte ancien et le texte nouveau en juxtaposition. Lorsqu'un projet touche plusieurs lois, la comparaison que doit faire le député pour apprécier les modifications proposées est longue et difficile. Il est en revanche facile pour le Conseil d'Etat de fournir une juxtaposition, puisqu'il a forcément pris sa décision en comparant les avantages et inconvénients de l'ancien et du nouveau texte.
Les projets émanant des députés devraient également être accompagnés d'une juxtaposition; devrait-elle être préparée par l'administration avec les auteurs du projet ? ou être élaborée lors du travail en commission ? On peut hésiter sur les moyens à adopter, mais certainement pas sur la mesure elle-même.
On ajoutera que la mesure proposée ne devrait guère être coûteuse et qu'elle peut même générer des économies en simplifiant et en raccourcissant les travaux de la commission.
La mise en oeuvre du présent projet peut être immédiate si le Conseil d'Etat en a la volonté politique: une modification de la loi portant règlement de notre Grand Conseil n'est en effet pas indispensable, même si l'on pourrait faire figurer à l'article 125 la nécessité d'accompagner les projets de loi modifiant une loi existante d'une juxtaposition.
Pour toutes ces raisons, les motionnaires vous prient, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accueillir favorablement la présente proposition.
Débat
M. Laurent Moutinot (S). Mon intervention sera brève, étant donné la portée mineure du projet. On m'a même fait grief d'en avoir fait une motion plutôt que d'en avoir discuté en coulisse ! Néanmoins, je suis persuadé que l'amélioration des conditions de travail des députés mérite que l'on s'y attarde. Dans ce sens, cette motion propose que les projets du Conseil d'Etat, visant à modifier une loi existante, soient accompagnés d'une juxtaposition de l'ancien et du nouveau texte.
Nous pourrons revenir en temps voulu sur les textes des députés, mais, dans l'immédiat, nous pourrions renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il en accepte les invites.
M. Bernard Annen (L). Si nous partageons le point de vue de M. Moutinot pour ce qui est de faciliter le travail des députés, nous nous interrogeons quand même sur le fait que des députés pourraient modifier une loi sans la connaître. Franchement, cela nous interpelle, car cela signifierait qu'ils n'étudieraient pas la loi existante avant de la changer !
M. Laurent Moutinot (S). Je n'ai jamais imaginé qu'un député puisse demander la modification d'une loi sans l'avoir lue au préalable ! Mais pour faire cet examen, il serait bon qu'il fournisse les deux textes à ses collègues. En effet, si je ne dispose que du nouveau texte, je ne connais pas forcément celui qu'il remplace.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
visant à ce que tout projet de loi modifiant une loi existantesoit accompagné d'une juxtaposition de l'ancien et du nouveau texte
LE GRAND CONSEIL,
considérant que notre parlement de milice croule sous la tâche et qu'il convient de faciliter autant que faire se peut le travail des députés;
considérant que les projets de lois modifiant des lois existantes ne sont pas accompagnés du texte en vigueur, obligeant de la sorte les députés à des recherches et comparaisons fastidieuses;
rappelant qu'au parlement fédéral une juxtaposition des textes anciens et modifiés est systématiquement délivrée aux parlementaires,
invite le Conseil d'Etat
à accompagner ses propres projets de lois d'une juxtaposition de l'ancien et du nouveau texte;
à étudier la possibilité de faire accompagner les projets des députés par une telle juxtaposition, en collaboration avec les auteurs des projets.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. Vanek m'a posé quelques questions sur Creys-Malville et sur notre possibilité d'intervention dans la commission mise sur pied, par décision conjointe des ministres de l'industrie, de l'environnement et de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur de la recherche, de l'enseignement professionnel et du secrétariat à la recherche.
M. Vanek m'a demandé si le gouvernement français nous avait consultés lors de la création de cette commission, le spécialiste suisse qui y figure étant acquis au principe de l'énergie nucléaire. Je me dois, et cela ne surprendra personne, de vous répondre négativement.
D'autre part, suite à une lettre que je lui avais adressée à ce sujet, M. Ogi m'a répondu qu'il se félicitait qu'un représentant de notre pays siège dans cette commission.
Nous ne pouvons donc pas aller plus loin et obtenir que le canton de Genève puisse désigner son propre représentant dans cette commission. Voilà ce que je peux dire, pour l'essentiel, à M. Vanek.
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Comme nous parlons de Creys-Malville, permettez-moi, Monsieur le président, de répondre à la question urgente de Mme Reusse-Decrey, concernant le maintien des démarches parallèles du canton et de l'Etat de Genève, d'une part, et du collectif d'associations et de communes, d'autre part.
Je vous confirme, Madame, ce que j'ai précisé ici, à savoir que l'Etat doit suivre une procédure autonome, parce que disposant d'un traitement approprié à une collectivité publique telle que nous la connaissons. Si d'autres communes désirent rejoindre le collectif, elles le feront en fonction de leurs convictions. Elles ont déjà obtenu un certain nombre de satisfactions dans les démarches entreprises. A elles d'en juger !
Cette interpellation urgente est close.
26. Réponse du Conseil d'Etat aux interpellations urgentes :
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Conformément à l'article 30 de la loi sur l'exercice des droits politiques, l'affichage pour les élections aux Chambres fédérales devait être achevé onze jours avant le scrutin, soit le mercredi 11 octobre.
Afin de répondre favorablement aux voeux de certains partis, le service des votations a exceptionnellement avancé aux 4 et 5 octobre l'affichage sur les emplacements supplémentaires. De plus, la Société générale d'affichage n'a pas attendu le 11 octobre pour procéder au collage des affiches devant les locaux de vote : en effet, à la demande du service des votations, la plupart des communes ont mis rapidement leurs panneaux en place; de ce fait, la Société générale a immédiatement effectué l'affichage.
Malgré tous ces efforts, il n'a pas été possible de garantir partout un affichage avancé, faute de panneaux disponibles. Cela a été le cas, notamment, à Meyrin et à Saint-Jean. Par contre, la Société générale d'affichage a garanti que, le 11 octobre, l'affichage était terminé à Meyrin et à Saint-Jean, conformément aux dispositions légales.
Par ailleurs, il est à noter que les problèmes afférents à l'affichage politique font actuellement l'objet de discussions dans la commission du Grand Conseil sur l'exercice des droits politiques.
Maintenant, j'en viens aux bulletins électoraux. Le 4 octobre, Mme Calmy-Rey, M. Grobet et Mme Lyon signalaient au service des votations que le canton était inondé de brochures et de bulletins de mauvaise facture. Selon leurs dires, les brochures étaient mal imprimées, plusieurs bulletins d'un même parti se trouvaient dans une même enveloppe, alors que des bulletins d'autres partis n'étaient pas envoyés. Le service des votations s'est donc immédiatement enquis auprès de son imprimeur. Ce dernier a affirmé qu'il n'y avait eu aucun problème d'impression, mais qu'il ne pouvait, a priori, exclure une erreur. Le service des votations ne pouvant apprécier l'ampleur de ce phénomène, il a transmis, le jour même, un communiqué à la presse locale, lequel a été publié le 11 octobre dans le «Journal de Genève», la «Tribune de Genève» et «Le Courrier».
Sur deux cent dix mille imprimés adressés, le service des votations a dû réexpédier une documentation conforme aux seuls huit électeurs qui se sont plaints d'avoir reçu du matériel imparfait. Notons que la seule brochure défectueuse a été présentée par Mme Lyon. Cette dernière a d'ailleurs confirmé au service des votations n'avoir pas été en mesure de trouver d'autres exemplaires, en dépit de ses nombreux appels téléphoniques aux membres de son parti.
Il s'agit donc de cas rares et isolés, qui ne peuvent avoir d'incidence sur le résultat des prochaines élections. Et je suis prêt à imaginer que le parti concerné ne se plaindra pas des résultats qu'il a obtenus !
Ces interpellations urgentes sont closes.
27. Réponse du Conseil d'Etat aux interpellations urgentes :
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Plusieurs questions ont été posées à propos de la Seymaz. On a demandé quels départements assuraient la coordination de la réalisation de ce projet pilote, et M. Beer d'ironiser aimablement sur le partage des charges en disant que le département de l'intérieur était bien devenu celui de l'environnement, mais qu'un ou deux services lui manquaient encore pour qu'il assumât pleinement la fonction qui lui était désormais dévolue.
Dans le cas de la Seymaz, il semblerait logique que ce soit le département de l'intérieur qui assure la coordination, mais en étroite collaboration avec le département des travaux publics qui abrite le service du lac et des cours d'eau.
Vous dites attendre, depuis neuf mois, la remise d'un programme d'action établi sur les études existantes et d'un rapport sur les réalisations déjà entamées. Voici ce que je peux déjà vous dire :
- parcelle Corthey : travaux effectués;
- aménagement prévu dans le projet Reuters, avec l'accord des départements, des milieux de la protection de la nature et de la chambre genevoise de l'agriculture : en cours de discussion. Monsieur Schneider, comme vous avez interpellé trois départements, vous devrez attendre quelque peu ma réponse qui, pour vous donner satisfaction, nécessite une certaine concertation;
- remise à ciel ouvert du Nant du Paradis : en cours de travaux; synthèse à faire.
Vous avez dit, Monsieur Beer, que nous avions avancé des chiffres concernant la Seymaz, au moment du dépôt du projet de concept sur l'environnement. J'avais indiqué un montant global de l,6 milliard, avec des dépenses de l'ordre de 900 millions pour résoudre uniquement les problèmes liés à l'eau. Concernant la Seymaz, un chiffre de 60 millions a été articulé.
Pour la Seymaz, plusieurs variantes ont été étudiées. Compte tenu de l'heure, je ne vous donne pas les détails des quatre projets, mais vous explique en quoi consiste la solution en principe proposée. Il s'agit d'une proposition comprenant l'intégration au site, la création d'un bassin de rétention et l'étude des biotopes. L'ensemble revient, en effet, à une soixantaine de millions, répartis de la manière suivante :
- réfection du canal : un peu plus de 12 millions;
- travaux de galerie : environ 33,5 millions;
- travaux, partie aval : l,6 million;
- plus-value pour intégration au site : 6,7 millions;
- rétention et rehaussement de 10 à 15 hectares, sans les acquisitions : 5 millions.
Aspects hydrologiques et hydrauliques. Avantages : mise à l'abri des crues de la zone rurale et de la zone urbaine; possibilité d'exécuter les travaux en plusieurs étapes. Inconvénients : aucun.
Agriculture. Avantages : mise hors d'eau de 10 à 15 hectares de terrain agricole; le bassin de rétention peut être construit de manière à permettre des cultures non sensibles aux crues, herbages, etc. Inconvénients : aucun.
Nature. Avantages : création d'un milieu naturel biodiversifié, coulisses de verdure, rôle paysager important et bonne intégration au site. Inconvénients : aucun.
Nous reviendrons sur le problème Reuters lié au projet. Monsieur Schneider, vous avez articulé le chiffre d'un million. Ce n'est pas négligeable, mais relativement limité par rapport aux soixante millions prévus.
D'autres possibilités de financement existent. Je pense aux subventions fédérales, par exemple via le D'UVAL pour la revitalisation du milieu, ou aux subventions de compensation écologique par le FAG, ou encore aux subventions de protection contre les crues, conformément à la loi fédérale sur les eaux.
Ayant eu l'occasion de rencontrer récemment le directeur de l'Office fédéral de l'environnement, je lui ai parlé de ces problèmes de subventions. Bien que la Confédération s'engage sur des principes qu'elle ne concrétise pas aussi rapidement que souhaité, elle ménage, néanmoins, des pistes qu'il vaut la peine d'explorer.
C'est dire, Monsieur le député, que si nous vous annoncions notre réponse sur la Seymaz dans un délai de neuf mois, des travaux importants ont été réalisés entre-temps. Compte tenu de la répartition des tâches, nous devons encore établir une coordination entre nos trois départements, c'est-à-dire avec mes collègues du département des travaux publics et du département de l'économie publique, actuellement chargé de l'agriculture.
Vous avez déposé une interpellation urgente. Même si ma réponse n'est pas complète, elle vous aura, du moins, renseigné sur ce qui a été réalisé. Nous reviendrons très prochainement sur le sujet et, là, je ne me limiterai pas à la Seymaz.
Ces interpellations urgentes sont closes.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Comment devient-on policier ou policière à Genève ? Deux possibilités de formation sont offertes aux jeunes pour exercer ce métier qui fait beaucoup rêver les petits garçons et un peu moins les petites filles.
La première possibilité, visée par cette interpellation, consiste en un apprentissage de trois ans, qui peut être suivi dès l'âge de seize ans. Avant de l'entreprendre, les jeunes doivent avoir reçu une formation suffisante et passer un examen d'aptitudes intellectuelles, physiques et psychiques. De plus, ils doivent être de nationalité suisse et ne pas être de trop petite taille.
En 1992, sur plus de cent candidats et candidates, quatorze ont été retenus.
A la fin de la deuxième année de leur apprentissage, les jeunes passent un examen pour obtenir un CFC d'employé de bureau. La formation se termine par un examen à la fin de la troisième année, lequel donne droit au certificat cantonal de policier ou de policière.
La deuxième possibilité réside en une formation de sept mois, réservée aux candidats et candidates ayant dix-neuf ans et demi, au minimum, et au bénéfice d'une formation préalable. Cette formation n'est pas visée par mon interpellation.
Cet été, neuf jeunes, dont trois filles, ont terminé avec succès leur apprentissage et ont reçu le certificat cantonal susmentionné, avec les félicitations de la cheffe du département de l'instruction publique. Néanmoins, les trois filles et un garçon n'ont pas été incorporés dans la police.
Cet été également, les deux seules jeunes filles, qui participaient à la deuxième classe d'apprentissage, ont été éliminées. La première, qui n'avait pas réussi l'examen pour l'obtention du CFC d'employée du bureau, n'a pas pu le repasser, alors que la possibilité en est prévue par la loi et qu'elle avait réussi son année scolaire. Son contrat d'apprentissage a été résilié. La deuxième a obtenu son CFC, mais ses notes ont été insuffisantes durant l'année scolaire. Le conseil des enseignants et enseignantes était prêt à accorder une dérogation à cette jeune fille, pour qu'elle puisse poursuivre son apprentissage. Mais son patron, c'est-à-dire la police, a résilié son contrat d'apprentissage.
Par ailleurs, j'ai appris que l'assistante sociale, qui avait accompagné cette élève durant l'année scolaire, avait été exclue d'un entretien important, bien que les parents aient désiré sa présence.
En dernier lieu, à la rentrée scolaire de cette année, aucune fille n'a été engagée dans la filière d'apprentissage de police.
Nous sommes conscients que la police genevoise emploie un grand quota de femmes, comparé aux autres polices cantonales : cinquante-six femmes sur sept cent septante-trois gendarmes. Nous reconnaissons également votre effort de promotion des femmes dans la police. Néanmoins, nous nous demandons, vu les faits que je viens d'énumérer, si le vent n'est pas en train de tourner et si la police n'élimine pas systématiquement les femmes.
Mes questions à M. le conseiller d'Etat Ramseyer sont les suivantes : continuez-vous, selon la voie tracée par votre prédécesseur, à promouvoir les femmes dans la police ? Que faites-vous pour supprimer toute misogynie dans le corps de police ? Une sensibilisation au sexisme et aux problèmes généraux d'égalité entre femmes et hommes est-elle prévue tant dans la formation de base que dans la formation continue ?
Je ne vous cacherai pas qu'en étudiant ce dossier, d'autres questions me sont venues à l'esprit. Les voici :
Comment expliquer le paradoxe qui consiste à octroyer, à une jeune personne, un certificat de fin d'apprentissage, avec les félicitations de la présidente du département de l'instruction publique, et, simultanément, lui faire savoir qu'elle n'est pas faite pour ce métier et qu'elle n'est pas à la hauteur de cette tâche ? Soit on délivre un certificat, à une personne apte à pratiquer son métier, soit on ne lui en donne pas !
Pourquoi conseiller aux jeunes de tenter leur chance dans d'autres cantons, après leur avoir dit qu'ils ne seront jamais de bons policiers ou de bonnes policières ? N'est-ce pas irresponsable vis-à-vis desdits cantons qui risquent d'engager des fonctionnaires incompétents et inaptes au service ?
Il est vrai que, dans d'autres métiers, les jeunes n'ont pas la garantie d'être engagés par leurs maîtres d'apprentissage. Mais la formation d'un policier est spécifique, et il n'y a qu'un seul maître qui puisse la dispenser à Genève : la police cantonale.
Permettez-moi une dernière question : un apprentissage de police est-il adéquat pour des jeunes âgés de seize à dix-neuf ans ? L'adolescence est une période où les jeunes se cherchent, doivent faire le deuil de leur enfance et trouver leur personnalité d'adulte. Pour ce faire, les adolescents et les adolescentes doivent confronter leurs opinions, affronter un monde d'adultes pas du tout simple à comprendre. Or, en étant soumis à une discipline de fer telle qu'elle est pratiquée par l'école de police, en devant entrer dans un moule dès seize ans, ces jeunes auront-ils la possibilité d'avoir une personnalité saine et équilibrée ?
Un policier, une policière, doit savoir faire face à des situations très délicates et, psychiquement, être très solide. Or, peut-on structurer ainsi des jeunes qui n'auront pas eu la possibilité de «s'éclater» comme ceux de leur âge, puisqu'ils devront obéir au doigt et à l'oeil ? Cette formation est-elle adaptée aux exigences et connaissances psychologiques actuelles ?
Pour d'autres métiers qui exigent un psychisme solide, comme ceux des branches médicale et sociale, une limite d'âge de dix-huit ans est fixée pour entamer une formation. Il est important de réfléchir à ce problème, ne serait-ce que pour éviter les «bavures» policières qui ont fait les gros titres de la presse, ces derniers mois.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je précise d'entrée que Mme la députée Roth-Bernasconi a eu la délicatesse de m'envoyer le texte écrit de son intervention. En retour, j'ai eu celle de lui adresser, sous forme «caviardée», il est vrai, la totalité des dossiers des trois personnes dont le sort l'a préoccupée. Elle a donc pu rédiger son intervention en ayant, sous les yeux, des dossiers extrêmement complets.
Sans dévoiler de noms et sans trop m'étendre, je dirai que le critère premier d'aptitude d'une formation de police est l'équité dans la formation même. Il ne saurait y avoir des policiers de deuxième zone, parce qu'ils auraient fait un apprentissage, et des policiers de première zone, parce qu'ils auraient suivi l'école de gendarmerie.
La personnalité joue un rôle essentiel. La discipline est également nécessaire. Il faut posséder une certaine aptitude à gérer son autonomie, et nous ne tolérons pas de notes de discipline insuffisantes, lors de la formation. Or, l'une de ces jeunes filles a réussi l'exploit d'avoir 1,7 de discipline, l'autre 2. Elles représentent donc des cas délicats.
Quant aux aptitudes professionnelles, elles ressortent, certes, de la partie scolaire de la formation, mais également de toute la partie sportive. Nous n'acceptons pas de notes inférieures à 4 dans cette branche; là encore, ces jeunes filles n'ont pas fait preuve de capacités physiques suffisantes.
Je ne m'étendrai pas plus longuement sur le cas de ces trois jeunes filles. Vous savez que l'une d'elles a accepté d'être intégrée dans un service administratif. Cependant, je termine en vous donnant raison sur un point de votre interpellation et réponds simplement à vos questions.
Effectivement, deux nouveaux contrats d'apprentissage ont été résiliés cet été, cela avec l'accord des intéressées et de leurs parents. Dans l'un des cas, les résultats professionnels étaient notoirement faibles; la promotion en troisième année avait été obtenue grâce une dérogation spéciale et, déjà au terme du premier semestre, la situation était si catastrophique que nous en avions averti la jeune fille.
La seconde n'a pas obtenu son CFC. Je tenais à préciser ce qui précède.
Nous n'avons pas modifié nos critères en matière d'égalité de traitement entre hommes et femmes. A cet égard, je rappelle que la police genevoise compte actuellement cinquante-six femmes pour sept cent septante-trois hommes. C'est un des quotas les plus élevés de Suisse. Je précise que notre effort d'intégration des femmes ne ralentit pas, mais pour autant que les candidates elles-mêmes parviennent à s'incorporer. Vous avez demandé si nous faisions preuve de misogynie. Bien sûr que non ! Vous souhaitez savoir s'il existe des cours de sensibilisation à l'égalité entre hommes et femmes. Je suis bien placé pour vous répondre, puisque je suis en charge du bureau de l'égalité. A proprement parler, il n'y a pas de cours de sensibilisation au sexisme et aux problèmes généraux d'égalité entre hommes et femmes, mais des cours, introduits ces dernières années, traitent de la gestion des conflits, du droit des minorités, du comportement en situation de stress, de la sensibilisation au monde diplomatique, etc. Tous nos cours vont dans le sens du respect des droits de l'homme, et je rappelle ici que la police genevoise forme, dans ce sens, la police guinéenne, avec la caution du Centre des droits de l'homme de l'ONU.
Nous n'avons jamais incité ces jeunes à chercher leur bonheur dans d'autres cantons. Nous leur avons simplement dit que cela pouvait se faire, car il nous arrive, à nous également, d'engager dans l'école de gendarmerie des jeunes ayant échoué, ailleurs, dans l'apprentissage de police.
Je conclus avec ce qui me semble être l'essentiel de ma réponse. Une moyenne générale et un CCC en poche ne suffisent pas. En matière de police, le profil psychologique doit être extrêmement pointu. C'est pourquoi l'on peut obtenir des résultats scolaires suffisants et n'être pas capable, psychologiquement, de pratiquer un tel métier. Aussi, en accord avec l'état-major de la police, et de la gendarmerie en particulier, estimons-nous que, contrairement à ce qui s'est fait ces dernières années, nous ne devrions pas poursuivre dans cette voie de l'apprentissage de police.
Nous formons des jeunes gens capables sur le plan scolaire, mais qui n'ont pas la maturité nécessaire pour endosser leurs responsabilités. Nous sommes en train d'étudier une modification. Nous continuerons à instruire des apprentis, mais nous réserverons leur formation au domaine administratif : CFC employés de commerce, CFC employés de bureau. Nous offrirons à nos apprentis la possibilité de s'inscrire, une fois mûrs et conscients des réalités de l'existence, à la formation au sein des écoles de police.
Cela étant, je vous remercie, Madame, d'avoir posé cette question. Elle m'a permis d'exposer un problème délicat. Nous formons des apprentis que nous ne pouvons engager, non pas faute de places vacantes, mais parce qu'ils ne sont pas aptes, psychologiquement, à faire ce métier.
Nous devrons donc conserver des apprentis, les former différemment et leur donner la possibilité d'entrer ensuite dans la police par la filière des écoles de gendarmerie.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Monsieur Ramseyer, je vous remercie de votre réponse. Je trouve très intéressant le changement que vous prévoyez dans la formation.
Cette interpellation est close.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Quand vous revenez de Berne en train et que vous sortez du tunnel, après la gare de Puidoux-Chexbres, vous voyez que le paysage a changé. Le bassin lémanique se révèle dans toute sa splendeur et nous offre l'un des plus beaux paysages du pays. Des vignes, rien que des vignes, et un horizon qui, parfois, nous donne l'illusion d'être au bord de la mer. C'est ici, au point de vue des sensibilités, et non sur le plan linguistique, que la frontière géographique se dessine entre la Suisse romande et la Suisse allemande.
Pour concilier ces sensibilités différentes, une possibilité existe : la liaison de l'intercity Genève - Saint-Gall qui passe par Berne et Zurich. Cet intercity n'est pas un train ordinaire, mais quasiment une institution, une sorte de parenthèse, qui, d'heure en heure, relie la Suisse orientale à la Suisse occidentale en quatre heures vingt-neuf seulement. Le premier train part de Saint-Gall à 4 h 41, le dernier arrive à Genève à 23 h 1.
Durant les années 80, les CFF avaient eu à coeur de personnaliser ce swiss-express avec des couleurs exclusives : un rouge barré de crème, ce qui lui avait valu le surnom de «mille-feuille». Aujourd'hui, cet intercity s'est fondu dans l'anonymat en abordant les teintes grise et verte des autres trains et des uniformes militaires.
Je suis inquiète d'avoir appris que cette liaison directe Genève/Saint-Gall va être supprimée dès 1997 et que les voyageurs, pour se rendre à Saint-Gall, devront changer de train soit à Berne, soit à Zurich. Pour les Romands et les Romandes, la Suisse finira définitivement à Zurich.
Alors que les autorités saint-galloises ont réagi avec vigueur contre la suppression de cette ligne directe, nous n'avons rien entendu de la part des autorités genevoises.
Le Conseil d'Etat a-t-il été informé de ce changement d'horaire ? Qu'envisage-t-il de faire pour éviter ce démantèlement des services publics de la Confédération ? Que fait le gouvernement pour éviter que la fameuse frontière de rösti ne se ferme davantage, notamment pour les amoureux du train ?
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Merci à ceux qui resteront pour écouter ma dernière réplique à Mme Roth-Bernasconi, qui va nous quitter.
La suppression des liaisons directes Genève/Saint-Gall est prévue dans le projet «Impulsion 5/97». C'est le premier pas en direction de la première étape de Rail 2000. Le Conseil d'Etat a été informé par les CFF de ce changement d'horaire lors d'une séance d'information tenue le 2 juin 1995. Le projet «Impulsion 5/97» prévoit l'aménagement de l'offre selon la demande. C'est la raison pour laquelle sont prévues des cadences de trente minutes pour l'intercity Berne/Zurich, l'intercity Zurich/Saint-Gall et l'intercity Brigue / Berne / Zurich / Saint-Gall. Par contre, il y aura report de trente minutes pour l'intercity Genève/Saint-Gall.
Pour éviter ce démantèlement des services publics, nous avons écrit, en date du 19 septembre, à la direction générale des CFF, et je cite le troisième paragraphe de notre lettre : «Nous demandons, pour être conformes aux grandes lignes de développement énoncées par l'OF et l'Office fédéral de l'aménagement du territoire, que ces liaisons directes par intercity soient maintenues». De plus, le 16 octobre, nous avons envoyé un courrier au gouvernement saint-gallois pour lui adresser copie de notre lettre d'intervention et l'assurer de tout notre appui.
Votre dernière question a trait à notre attitude par rapport à la fameuse barrière de rösti. Je vous avoue, avec honte, Madame la députée, que j'ignore la différence qu'il y a entre le rösti zurichois et le rösti saint-gallois ! Mais pour démontrer l'actualité de votre intervention, je vous annonce un scoop digne d'être noté par un journaliste : sachez que le Conseil d'Etat genevois in corpore participera aux «Sechsleuten», les fameuses fêtes du printemps zurichois du 13 au 16 avril. J'insiste, le Conseil d'Etat in corpore ! Et toujours in corpore, le Conseil d'Etat participera à la fête de l'Olma à Saint-Gall, l'automne prochain.
Vous voilà, Madame la députée, rassurée sur l'amour que nous portons au train et l'intérêt que nous portons aux barrières de rösti.
A titre personnel, Madame la députée, je vous livre ma conclusion : il nous arrive un grand bonheur à toutes et à tous. Elue à Berne, vous allez pouvoir, puisque vous êtes, comme moi, d'origine suisse alémanique, défendre notre canton et votre canton d'origine. Soyez assurée que nous en sommes ravis. (Applaudissements.)
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Permettez-moi, Monsieur le président, de remercier M. le conseiller d'Etat Ramseyer.
Je suis très heureuse de savoir que le Conseil d'Etat se déplace pour des réjouissances en Suisse allemande. Tout en précisant que je suis d'origine tessinoise et non suisse allemande, je vous signale une autre manifestation, très intéressante, qui se tient dans le canton où j'ai vécu : le carnaval de Lucerne que je vous recommande vivement. Cela ferait le plus grand bien à l'ensemble du Grand Conseil qui pourrait s'y éclater sans déranger personne !
Je vous remercie beaucoup et souhaite une bonne continuation à toutes et à tous. Uf wiederluege ! (Applaudissements.)
Cette interpellation est close.
Le président. Merci, Madame la députée. Nos voeux vous accompagnent pour votre carrière fédérale. (Applaudissements.)
La séance est levée à 23 h 35.