République et canton de Genève

Grand Conseil

M 973
10. Proposition de motion de Mme et MM. Max Schneider, Erica Deuber-Pauli, René Longet, Andreas Saurer et Roger Beer concernant les normes écologiques à respecter dans la construction et la diffusion d'un guide pour le choix de matériaux dans la construction. ( )M973

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- que plusieurs cantons suisses utilisent des guides pour aider à choisir des matériaux de construction;

- qu'il n'y a pas de disposition légale en matière de construction prévoyant que les bois doivent être traités obligatoirement et préventivement avec des produits chimiques;

- que la publication «Protection du bois dans le bâtiment Directives» ne contient que de simples recommandations;

- que l'élimination des bois, ainsi que d'autres matériaux utilisés dans la construction doivent être incinérés puisqu'ils sont traités comme produits toxiques;

- que la qualité de vie dans les habitations peut être améliorée,

invite le Conseil d'Etat

- à favoriser les nouvelles autorisations de construction ou de rénovations répondant à des choix de matériaux écologiques;

- à imprimer des guides pour le choix des matériaux de construction écologique et les diffuser très largement dans les milieux intéressés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis 1989, l'office cantonal des bâtiments du canton de Berne a édité une série de «guides pour le choix des matériaux de construction écologique». Cette série de guides - qui est aussi éditée en français - est un instrument de travail pour l'office cantonal des bâtiments à usage interne.

Suite à cette initiative, d'autres institutions cantonales et fédérales l'ont adopté comme aide à la décision lors du choix de matériaux, par exemple:

- l'office fédéral des constructions;

- l'office des bâtiments de la Ville de Berne;

- l'office des bâtiments de la Ville de Saint-Gall;

- le département pour la sécurité et l'environnement de la Ville de Winterthur;

- l'office des bâtiments de la Ville de Bâle;

- l'office des bâtiments de Bâle-Campagne;

- l'office des bâtiments de la Ville de Zurich.

Ces infos-guide vont évoluer avec le développement technologique dans le domaine de la construction.

Leur contenu permet de faire des choix écologiques sans pour autant augmenter systématiquement les coûts à court terme, même une diminution des coûts à court et à moyen terme. Ces guides mettent aussi en évidence les dangers de traitements chimiques dans la construction.

Les guides actuels touchent les sujets suivants:

Guide No 0.  Les polluants dans le bâtiment

(Les textes en italiques sont du Dr Jutta Schwarz, personne mandatée par l'office des bâtiments du canton de Berne. Ces guides sont en français)

Toute activité de construction transforme les bases naturelles de la vie de l'homme. La production et le transport de matériaux de construction, tout comme les travaux de construction eux-mêmes et l'utilisation du bâtiment engendrent une certaine consommation d'énergie et de matières premières, polluent l'atmosphère et les eaux, causent des nuisances acoustiques, produisent des déchets et transforment le paysage environnant. Ainsi, chaque bâtiment, de par ses matériaux, sa structure, ses installations techniques ou l'organisation interne de l'espace, concourt au gaspillage ou à l'économie des ressources, à la dégradation ou à la protection de l'environnement ou de la santé de l'homme.

Quelles sont les répercussions des activités de construction? Cette question est aujourd'hui au centre des débats publics, portant sur les concepts de toxiques de l'habitat, matériaux de travail ou toxiques de l'environnement. Les médecins du travail, les toxicologues et les fabricants de matériaux de construction connaissent depuis longtemps les effets négatifs pour la santé de certains matériaux de construction.

Néanmoins, ces matériaux arrivent, à travers toutes les étapes de la construction, à se frayer un chemin jusque dans les bâtiments sans se heurter à une législation trop contraignante. Là, ils se transforment en de véritables toxiques pour les utilisateurs. L'opinion publique n'a pris conscience que très récemment du fait que des solvants organiques (hydrocarbures) s'échappaient de nombreux produits chimiques utilisés dans la construction, contribuant ainsi à la pollution atmosphérique. De même, elle a découvert récemment que, compte tenu des problèmes climatiques actuels (couche d'ozone, effet de serre), il fallait éliminer au plus vite du processus de la construction tous les matériaux produits au moyen de gaz propulseurs (CFC et gaz de susbstitution).

Mais si l'on veut diminuer le nombre de polluants et améliorer la compatibilité avec l'environnement des matériaux de construction, il ne suffit pas de fabriquer de nouveaux produits ou de se livrer à des innovations technologiques. Il faut avant tout changer le comportement et la manière de voir des personnes chargées du choix des matériaux de construction ou de leur utilisation. Les présents guides ont pour but d'essayer de mettre plus clairement en évidence les liens qui existent entre la problématique des polluants et le choix des matériaux de construction.

Guide No 1.  Revêtements de sols

En tant que matériaux utilisés sur des grandes surfaces, les revêtements de sols ont une très grande influence sur la qualité de l'air et l'atmosphère à l'intérieur des locaux. La pratique a révélé que les revêtements des sols et colles pour sols peuvent émettre à long terme des substances irritantes qui sont incommodantes, voire dangereuses, pour les personnes séjournant dans les locaux en question. A ces substances viennent s'ajouter aujourd'hui les nombreux produits chimiques synthétiques nouveaux utilisés sur les chantiers et qui libèrent généralement aussi des polluants.

Guide No 2.  Peintures et vernis

Plus de 90% des peintures et vernis actuels sont fabriqués à partir de produits chimiques dérivés du pétrole. Grâce à la prise de conscience actuelle des problèmes de l'environnement et de la santé de l'homme, les scientifiques et les écologistes, les utilisateurs de peintures et les utilisateurs des locaux voient tous ces projets d'un oeil critique et exigent de plus en plus la fabrication de produits sans solvants et sans substances toxiques.

Les milieux traditionnels de l'industrie des peintures et vernis s'efforcent de diminuer la teneur en solvants de ces produits tout en appliquant les mêmes procédés de fabrication. Parallèlement à cela, quelques fabricants de peintures naturelles essaient depuis une dizaine d'années de mettre en place une véritable méthode de fabrication de peintures naturelles en renonçant à l'adjonction d'agents synthétiques. Il faut néanmoins bien faire la différence entre ces produits naturels fabriqués de manière professionnelle et les peintures dites «bio» fabriquées de manière traditionnelle et qui ne correspondent ni aux exigences actuelles de la technique, ni à des exigences écologiques.

Guide No 3.  Traitement du bois

Sur le marché des matériaux de construction, il existe aujourd'hui de plus en plus de produits qui sont à la fois des produits de revêtement et des produits chimiques de conservation du bois. Ces «produits combinés» contiennent toujours des agents actifs toxiques, même s'ils sont destinés à être utilisés en intérieur. Le présent guide a pour but d'aider les professionnels de la construction dans le choix de leurs produits de revêtement sans agents actifs des autres produits.

Le guide traite avant tout des produits qui sont de purs produits de traitement du bois en intérieur. En tenant compte des exigences de santé et des exigences écologiques, il explique quels sont les critères de sélection des matériaux retenus et recommande l'utilisation de produits sans polluants ou à faible teneur en polluant.

Une partie supplémentaire en fin de volume explique quels sont les principes techniques fondamentaux de la conservation non chimique du bois et dans quels cas certains produits chimiques de conservation du bois peuvent être utilisés à bon escient.

Guide No 4.  Revêtements de murs et de plafonds

Le Guide 4 étudie la teneur en polluants de ces matériaux, donne des conseils pour sélectionner des panneaux de revêtements sans polluants ou à faible teneur en polluants et recommande des produits qui satisfont à ces critères. Notre étude portera également sur les carreaux de céramique pour revêtements muraux (carrelages muraux, dits «Plättli») et les papiers peints, matériaux qui sont souvent utilisés en combinaison avec ces panneaux et qui peuvent aussi porter atteinte à la santé de l'homme.

Toute discussion sur les polluants que renferment les revêtements tourne autour des problèmes que posent les panneaux de particules et le formaldéhyde. On sait depuis fort longtemps que le formaldéhyde libéré dans l'air peut porter atteinte à la santé de manière grave et chronique et que ce sont souvent les panneaux de particules qui sont à l'origine de cette teneur trop élevée de l'air ambiant en polluants. Le professionnel de la construction doit pouvoir prendre ces risques en considération au moment du choix des matériaux qu'il va utiliser, car selon le règlement SIA 102, il s'engage à agir «en pleine conscience de ses resoponsabilités à l'égard de l'environnement et de la société».

Matériaux de construction et déchets

Les guides prennent en compte les différents aspects pour la sélection des matériaux de construction et sont fondés sur 7 principes:

1. Choisir des matériaux n'ayant pas des effets négatifs sur la santé de l'homme.

2. Diminuer la consommation d'énergie pour la production de matériaux.

3. Produire des matériaux de construction basés sur des ressources naturelles renouvelables.

4. Eliminer les polluants au moment de la production.

5. Choisir des matériaux dont la durabilité est longue.

6. Eviter les déchets spéciaux.

7. Ne pas gaspiller les matières plastiques respectueuses de l'environ-nement.

Ces guides montrent ensuite comment réduire les polluants et que faire de concret pour obtenir les meilleurs résultats.

Vu la complexité de la problématique, le manque d'informations et le manque de textes juridiques en la matière, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette proposition de motion.

Débat

M. Max Schneider (Ve). J'aimerais souligner que M.  Roger Beer a également signé cette motion. (Vif tumulte.)

Les principes de ces guides répondent à quelques principes que je vais évoquer rapidement.

- Choisir des matériaux qui ont des effets positifs sur la santé et le bien-être de l'homme. Cela veut dire que les matériaux de construction sur des chantiers ne doivent pas porter atteinte à la santé des ouvriers de chantier, ni libérer d'émissions polluantes une fois le bâtiment terminé.

- Diminuer la consommation d'énergie lors de la production de ces fameux matériaux, c'est-à-dire qu'en diminuant la consommation primaire de ces matériaux on diminue, de ce fait, les émissions polluantes lors de la fabrication.

- Produire des matériaux de construction à partir de matières naturelles et renouvelables. Cela signifie qu'il faut n'utiliser de matière plastique que si les matériaux de substitution, fabriqués à partir de ressources renouvelables, n'existent pas ou si la remise en état des bâtiments l'exige.

- Eliminer les polluants au moment de la production. Pour des raisons de protection de l'environnement et de la santé des travailleurs, il convient de privilégier les matériaux de construction ne contenant aucun polluant.

Vous retrouverez les autres principes à la dernière page de notre texte. Ces principes sont décrits en détail dans ces guides, qui ne sont pas coercitifs mais incitatifs; ils n'augmentent donc pas les coûts de la construction. Le but est d'informer les architectes, les ingénieurs et les hommes de métier qui se servent de ces matériaux et qui voudraient faire des constructions qualitatives pour protéger la santé de ceux qui doivent y vivre ou y travailler.

La première mouture de cette motion comportait une invite plus radicale, puisqu'elle demandait de «soumettre» les nouvelles autorisations de construction ou de rénovation répondant à des choix de matériaux écologiques, alors que celle-ci est relativement douce, puisqu'elle demande seulement de les «favoriser». Mais, connaissant les rapports de force de ce Grand Conseil et voulant rester prudents, nous avons mis un peu d'eau dans notre vin... (Remarques et quolibets fusent.) ...et nous avons préféré une solution plus douce.

Les mesures proposées, je le répète, ne sont pas coercitives et elles ne changeront rien. N'oublions pas qu'avec l'ouverture des marchés intercantonaux et internationaux les critères de qualité de nos constructeurs et le savoir de nos architectes et de nos ingénieurs pourront répondre à la concurrence internationale. Ces guides sont intéressants sur ce plan, car les critères de qualité et de bien-être permettront de remporter de nombreux marchés.

Ces mesures - cela a été prouvé par l'Office fédéral des constructions, par l'office des bâtiments de la Ville de Berne, par l'office des bâtiments de Saint-Gall, par le département pour la sécurité et l'environnement de la Ville de Winterthur, par la Ville de Bâle, par Bâle-Campagne et par la Ville de Zurich - démontrent que, parfois, on peut construire meilleur marché en respectant ces normes écologiques. Cela signifie que les coûts de construction peuvent être diminués, ou en tout cas rester équivalents, tout en évitant les émanations nocives, ce qui réduira d'autant les coûts induits sur la santé.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Roger Beer (R). Cette motion pose un certain nombre de questions et chacun peut facilement imaginer que les constructeurs, à Genève, y voient des ennuis supplémentaires pour effectuer leur travail. La construction est en crise à Genève, ce qui n'est pas un scoop, mais ce n'est sûrement pas en raison des matériaux utilisés.

Vu le contexte de la crise, les constructeurs, comme les pouvoirs politiques, doivent repenser quelque peu les règles du jeu. Le but de cette motion est de provoquer cette réflexion en indiquant qu'il faut envisager des discussions avec les constructeurs, les architectes, les financiers et les entrepreneurs pour savoir de quelle manière ils construisent.

Comme l'a souligné mon préopinant, cette motion comporte un certain nombre de pistes. J'entends déjà les réactions de certains disant que cela ne sera pas possible à Genève, parce que c'est le «Sonderfall» et qu'on ne peut pas faire comme les autres ! Eh bien, je pense que nous devrions profiter des difficultés actuelles pour demander au Conseil d'Etat d'étudier ce qui se fait largement dans d'autres offices cantonaux et municipaux. Cette proposition de motion, finalement, souhaite que le Conseil d'Etat s'inspire de ce qui est appliqué ailleurs, soit l'utilisation de matériaux qui ménagent l'environnement. Rassurez-vous, je ne pense pas seulement au bois mais à tous les produits figurant dans le texte, et qui sont largement utilisés à Berne et ailleurs. Nous pourrions essayer de les utiliser à Genève et voir dans quelle mesure ces principes sont applicables.

Pour ces différentes raisons, je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

M. René Koechlin (L). Dans cette République, et plus particulièrement dans ce Grand Conseil, je constate qu'il n'y a pas que l'enfer qui soit pavé de bonnes intentions ! En effet, cette motion ne fait pas penser à l'enfer, mais bien plutôt au paradis des naïfs !

La première invite suggère de : «...favoriser»; j'aimerais bien savoir ce que vous entendez par ce mot. (Contestation.) Est-ce en payant des subventions ? M. Vodoz s'y opposera certainement ! Est-ce en donnant la priorité aux dossiers qui répondront à vos voeux ? Mais, alors, c'est introduire une discrimination dans la procédure d'autorisation de construire, dont je ne suis pas certain que les auteurs de projets HLM ou HBM seront d'accord de subir les conséquences ! Dites-moi comment pourriez-vous, si vous étiez à la place d'un conseiller d'Etat, «favoriser» des autorisations de nouvelles constructions qui répondraient à des choix de matériaux ?

En plus, vous devriez savoir, Messieurs les motionnaires, que, lorsqu'on dépose une requête en autorisation de construire ou de transformation, on n'en est pas encore à établir le descriptif détaillé des matériaux qui seront utilisés. Si c'est ce que vous voulez, je vous le dis tout de suite, vous provoquerez le holà de tous les milieux qui essayent de construire, dans cette République, le mieux possible et le plus rapidement possible.

Il vaudrait mieux renoncer à votre première invite, auquel cas, personnellement, je soutiendrai votre motion, car je ne suis pas opposé, a priori, à vos guides pour le choix de matériaux de construction écologiques. Cela peut se révéler utile. Je souscris à la deuxième invite, mais la première est absolument inapplicable. (L'orateur martèle ce dernier.) Il est inutile de voter des mesures inapplicables ! Restons pragmatiques, s'il vous plaît !

M. Bernard Annen (L). A en croire les motionnaires, contraintes et obligations vont diminuer les coûts de construction : quel leurre ! M. Koechlin vient de vous en faire la démonstration. Lois et règlements impliquent inévitablement une hausse du coût de la construction. Et, comme par hasard, les gens qui nous la proposent crient au scandale devant toute autre proposition impliquant une hausse de loyer ! Or, aujourd'hui, on nous propose une contrainte supplémentaire avec des matériaux écologiques.

Je vous donne l'exemple de la halle 7. Dans ce parlement, les défenseurs du bois ont toujours dit que c'était un matériau écologique et, qui plus est, meilleur marché. J'attends de votre part, Mesdames et Messieurs, et de celle du chef du département, que, avant d'examiner ce genre de proposition, nous ayons sous les yeux le crédit de bouclement de la halle 7 pour voir si réellement le bois a coûté moins cher, comme cela nous avait été annoncé au début des travaux. Monsieur Beer, si c'est vraiment le cas, je commencerai à entrer en matière avec vos propositions. Sinon, je dis très clairement qu'il n'est pas question que vous nous obligiez et nous imposiez des contraintes supplémentaires ! Jusqu'à aujourd'hui, j'ai toujours constaté qu'une contrainte supplémentaire augmentait les coûts de construction et non l'inverse.

Partant de là, je vous propose de renvoyer cette proposition - Monsieur Beer, vous le voyez, nous ne sommes pas bornés - à la commission LCI. Je ne fais pas partie de cette commission, mais je lui suggère d'attendre le crédit de bouclement de la halle 7, car, à mon avis, c'est un exemple représentatif qui rentre dans le cadre de la motion qui nous est soumise. J'espère que vous aurez la sagesse d'accepter la solution médiane que je vous propose.

M. Roger Beer (R). Je pensais bien que M. Annen évoquerait le sujet du bois qui lui tient à coeur !

A mon avis, il n'a pas bien apprécié tous les éléments, s'agissant de la halle 7. Comme tout le monde, il faut reconnaître que le bois a posé quelques problèmes dans cette construction. Je ne vais pas aborder le problème du prix, parce que le crédit présenté l'a été d'une certaine manière, et vous savez qu'on peut présenter un crédit de différentes façons. Il y a eu des problèmes de contreventements, mais il me semble que ce n'est pas le lieu de parler de technique. Les dépassements ont été pris en charge par le responsable de la conception, ce qui fait que cela n'a pas coûté un franc de plus à l'Etat. Je le dis, parce que cela a été sous-entendu. Monsieur Annen, vous parlez du bois, mais nous n'avons pas encore l'expérience suffisante. Lorsque nous aurons un siècle de pratique, cette erreur de jeunesse n'arrivera plus ! Je vous rappelle que tous les ponts du système autoroutier suisse qui ont été réalisés dans les années 1960, à grand renfort de millions, posent de sérieux problèmes aujourd'hui et vous le savez très bien !

Cette motion dépasse largement le problème du bois. Il faut considérer le coût global d'une construction et non celui du bois tout seul. Je ne vais pas vous refaire le discours sur le bois suisse et la production indigène.

L'acier est moins cher, mais il est produit par les pays de l'Est et transite par d'autres cantons suisses que Genève. Monsieur le député, vous aviez accepté ce projet avec du bois, car ce sont des entreprises et des ouvriers genevois qui étaient impliqués. Excusez-moi, mais cela ne se passe pas de la même manière pour l'acier ! Alors, évidemment, il peut être moins cher, car les circuits économiques ne sont pas les mêmes, notamment avec la Russie dont les problèmes ne sont tout de même pas comparables.

Je vous remercie, Monsieur le député, d'accepter que cette motion soit renvoyée à la commission LCI. Je ne fais pas partie de cette commission, mais je pense que mes collègues «écolos», qui se disputent avec M. Koechlin... (Contestation, la cloche sonne.) ...seront d'accord avec cette solution. Effectivement, le travail dans cette commission permettrait de décortiquer ce cahier des charges sous forme d'exposé des motifs, de déterminer ce qui est réaliste et ce qui ne l'est pas - à mon avis, tout est réaliste - et d'examiner les conditions spécifiques genevoises. Dans ce sens, je suis d'accord de renvoyer cette motion en commission LCI.

M. Pierre Marti (PDC). Messieurs et Madame les motionnaires, tout d'abord, je vous remercie. En effet, depuis quelque temps, je me posais une question au sujet du bois. En tant qu'entrepreneur de menuiserie, j'ai été contraint, il y a quelques années, à quitter la ville, car mon entreprise - paraît-il - polluait et gênait le voisinage. J'apprends, par ces considérants, que le bois est effectivement traité comme un produit toxique. J'ai donc maintenant une réponse à mon exclusion de la ville, même si un entrepreneur est une source de rentrées fiscales.

Cela dit, je me permets de poser quelques questions aux motionnaires.

Connaissez-vous exactement le sujet pour croire que les professionnels ignorent totalement leur métier et ne se mettent pas au courant des progrès technologiques, surtout quand il s'agit de l'amélioration de la qualité de l'habitat ? Ils ne le feraient pas que la documentation qu'ils reçoivent, quasiment quotidiennement, le leur rappellerait ! De plus, les diverses associations professionnelles organisent régulièrement des séances d'information.

Est-il vraiment nécessaire de faire une nouvelle étude, alors que diverses études ont déjà été effectuées ? Monsieur Schneider, vous venez de dire que ces études ont déjà été faites à divers endroits et que l'Office fédéral des constructions a édicté un guide édité en français. Faut-il encore couper quelques arbres, imprimer un nouveau guide et mettre encore un certain nombre de personnes sur une étude à propos d'un sujet qui a déjà été examiné par d'autres, comme si ce qui se faisait à Berne n'était pas valable pour Genève ?

Je vous retourne donc ce que vous avez dit ! Si ces guides existent, il suffit de les diffuser. Surtout, ne faisons pas faire une étude supplémentaire à Genève dans un domaine déjà connu. Ce serait tout à fait ridicule !

S'agissant de la première invite, il faut rappeler que nous avons déjà quelques ordonnances, règlements et lois sur l'énergie, sur l'isolation phonique, sur la préservation des sites, etc. Faut-il vraiment encore édicter de nouvelles normes et de nouvelles règles ? Faut-il encore légiférer pour savoir si une construction sera écologique ou non, s'il faut la favoriser ou non ?

Franchement, au moment où nous tentons d'accélérer quelque peu les procédures, vous présentez des propositions qui ne feront que bloquer un peu plus un secteur déjà bien touché ! Etes-vous véritablement conscients que ces propositions augmenteront le coût de la construction ?

En fin de compte, quels seront les critères sur lesquels on pourra se baser pour décider qu'un bâtiment devra être favorisé plutôt que tel autre ? Son aspect écologique ? Franchement, je ne vous suis plus du tout !

Personnellement, je refuse complètement cette motion. Par contre, mon groupe, certainement, demandera son renvoi à la commission LCI.

M. Olivier Vaucher (L). En ma qualité d'entrepreneur, je me sens directement interpellé par cette motion. (Vague de contestation.) Je note d'emblée - et ce n'est pas leur faire injure, bien évidemment - qu'aucun des motionnaires n'est un professionnel du bâtiment ! Je ne leur dénie pas le droit et la liberté de faire des propositions au sujet des normes de caractère écologique à respecter dans la construction, notamment pour le choix des matériaux. En ma qualité de spécialiste, vous m'accorderez, sans doute, aussi le droit de faire quelques réflexions à ce sujet.

D'emblée, je tiens à préciser que les soucis manifestés par les motionnaires sont légitimes. Il faut aussi préciser que la récupération des matériaux et des déchets, ainsi que leur caractère nocif, ne se pose pas uniquement et exclusivement dans l'industrie de la construction. Toute notre société de production et de consommation est concernée par cette question.

S'agissant du domaine de la construction - domaine que je connais évidemment le mieux - je dois tout d'abord souligner, comme tous les économistes et les spécialistes de la construction, que le niveau relativement élevé des coûts de la construction en Suisse résulte surtout d'un excès de réglementation, de normalisation, non seulement pendant la période de conception et de planification des projets mais aussi en ce qui concerne les techniques de construction et la qualité des matériaux utilisés. Cet excès de normalisation et de réglementation, ce dirigisme excessif, augmentent les prix de la construction en Suisse de plusieurs pour-cent par rapport à l'étranger.

Cela étant dit, je souligne avec force que l'industrie suisse de la construction a déjà pris des mesures draconiennes en faveur de l'utilisation de matériaux non nocifs pour la santé des travailleurs et des usagers et aisément recyclables. Je donnerai les exemples suivants :

- Depuis de nombreuses années, la Confédération, dans le cadre de mesures de relance, a investi beaucoup d'argent pour favoriser les techniques de construction rationnelles, économisant l'énergie, tant durant la phase de construction qu'à l'utilisation. Je songe en particulier aux programmes PI-BAT, RAVEL (économie d'énergie), etc.

- L'utilisation du bois - matériau recyclable par excellence - est encouragée à tous les niveaux. Lignum, dont font partie à Genève les associations professionnelles des métiers du bois, a peu à peu convaincu les maîtres d'ouvrages publics et privés de l'avantage d'utiliser ce matériau noble dont l'approvisionnement peut être assuré par la forêt suisse. Je songe en particulier à la construction de la nouvelle halle 7 de Palexpo, ainsi qu'à d'autres réalisations remarquables. S'agissant du bois, je précise encore que l'Association Lignum, avec l'aide de l'Etat, a mis au point une filière d'utilisation des déchets, qui sont broyés par une entreprise spécialisée qui les livre à des usagers qui les utilisent pour la chaufferie de serres et d'installations publiques.

- S'agissant de matériaux nocifs, je rappellerai que l'utilisation de l'amiante est interdite depuis de nombreuses années dans l'industrie de la construction. La Confédération a pris des mesures, à l'époque, pour éliminer l'amiante par la technique du déflocage. La Suisse a incontestablement été l'un des premiers pays du monde industrialisé à prendre des mesures aussi draconiennes.

- Autre exemple : la colle à base de solvant toxique et inflammable, utilisée dans la pose de papiers peints et de revêtements de sols, est peu à peu remplacée par une colle à base d'eau. Cette opération est sur le point d'arriver à son terme.

- Le traitement des déchets de la construction est réglé par une ordonnance fédérale d'application de la loi fédérale sur l'environnement, entrée en vigueur le 1er janvier 1994. Au terme de cette ordonnance tout à fait draconienne - la Communauté européenne n'est pas encore parvenue à promulguer de directive à ce sujet - les déchets de chantiers doivent être recyclés et mis en valeur de façon autonome. Cette ordonnance va peu à peu être appliquée, mais il faut être conscients que ces opérations renchérissent considérablement le coût de la construction, renchérissement qu'il faudra bien répercuter sur les usagers.

- L'industrie des produits de peintures a, elle aussi, entièrement revu ses modes de fabrication en supprimant progressivement toute toxicité dans ses peintures.

Je ne poursuis pas l'inventaire des mesures prises par les professionnels avec l'aide des pouvoirs publics, inventaire qui n'est pas exhaustif. De plus, je me permets de relever le côté totalement irréaliste et irréalisable de l'invite au Conseil d'Etat de favoriser des constructions ou rénovations répondant à des choix de matériaux écologiques. Qu'en sera-t-il des autres requêtes ?

Ainsi, j'espère vous avoir convaincus, Mesdames et Messieurs les députés, que tous les participants à l'acte de construire, en Suisse et à Genève, n'ont pas attendu la motion de nos collègues écologistes pour prendre les mesures raisonnables et supportables afin de promouvoir les matériaux respectueux de l'environnement dans l'industrie de la construction.

Aussi, je ne m'oppose pas au renvoi de cette motion à une commission qui aura toute latitude pour procéder aux investigations et aux auditions nécessaires auprès des spécialistes et professionnels et pour décider s'il y a lieu, ou non, de promulguer des guides et des normes pour choisir les matériaux. Enfin, les écologistes voudraient-ils étatiser l'édition et l'imprimerie en faisant imprimer des guides, dès lors que cette branche est, elle aussi, sinistrée ?

Je vous remercie de votre attention.

M. Max Schneider (Ve). J'insiste pour reprendre la parole après les propos que j'ai entendus ! Vraiment, vos déclarations dépassent les bornes !

Monsieur Marti, je ne vous comprends pas ! Ce n'est pas le bois qui est nocif, ce sont les produits avec lesquels le bois est traité ! Notre motion reprend tout simplement une partie de la loi genevoise stipulant que le bois ne peut pas être brûlé sur les chantiers ou dans des décharges, mais qu'il doit l'être aux Cheneviers. Pourquoi ? Parce qu'il est traité par des produits toxiques; c'est pour cela que notre motion demande de ne plus traiter le bois avec de tels produits.

J'ai entendu que nous voulions fixer des normes : c'est faux ! Que nous voulions faire des règlements, mais ce ne sont pas des règlements ! Et quand j'entends M. Koechlin dire que ce que nous proposons n'est pas possible, je le renvoie aux normes de construction du canton de Berne qui fait signer aux architectes, aux ingénieurs et aux mandataires de la construction des contrats déjà traduits en français leur demandant simplement de construire en prenant garde à la santé des usagers. Si ces recommandations sur lesquelles ces personnes s'engagent sont trop contraignantes pour vous, moi je ne vous comprends plus !

La deuxième invite demande au département d'imprimer des guides pour le choix de matériaux de construction écologiques et de les diffuser très largement dans les milieux intéressés. Je vous ferai remarquer que ces guides sont déjà écrits en français; ils sont utilisés dans différents cantons suisses, et, donc, il n'y a plus d'étude à effectuer. Pour économiser de l'argent à l'Etat, ces guides ne devraient pas être distribués gratuitement, mais être vendus aux architectes et aux entrepreneurs qui veulent les utiliser pour répondre à des appels d'offre dans les nouvelles constructions de l'Etat. Il n'y a donc pas de frais supplémentaires à faire, ceux-ci pouvant venir du secteur privé.

M. Claude Blanc. Camelot !

M. Max Schneider. Vos propos sur Lignum et autres, Monsieur Vaucher, figurent également dans ces guides. Il en est de même pour le PI-BAT.

Je ne comprends pas votre demande de renvoi de cette motion à la commission LCI, à moins qu'il s'agisse d'un renvoi politique pour éviter d'avoir à «shooter» cette motion ! Je trouve ce renvoi en commission ridicule, puisque cette motion est déjà appliquée dans d'autres cantons. Je me réjouis d'entendre le Conseil d'Etat à ce sujet.

M. René Koechlin (L). Mon cher collègue Monsieur Schneider, j'approuve tout ce que vous avez dit... (Ton emphatique et ironique de l'orateur qui déclenche les rires de l'assemblée.) J'attends votre guide avec plaisir en tant que professionnel, et je me réjouis d'appliquer vos normes !

Ce que je m'évertue à vous dire est que vous ne pouvez pas demander que les précisions relatives au choix des matériaux soient indiquées par les requérants à l'autorité qui accorde les autorisations de construire au moment de la procédure y relative, parce que c'est pré-ma-tu-ré... (L'orateur martèle ce mot.) ...voilà ! En effet, Monsieur Schneider... (Le brouhaha est à son comble, et la présidente fait sonner sa cloche pour obtenir le silence.) ...les études qui préparent l'exécution d'une construction impliquent tous ces choix de matériaux, que vous appelez de vos voeux, mais elles coûtent cher. (L'orateur a de la peine à se faire entendre, aussi il s'époumone.) Ecoutez-moi ! Les études de préparation de l'exécution ce sont les plans, le descriptif de la construction, la mise au point du plan financier, de l'estimation détaillée du coût, et tout cela, Monsieur Schneider, coûte cher, par conséquent, aucun maître de l'ouvrage n'est d'accord d'engager de tels frais avant d'être sûr d'avoir obtenu l'autorisation de construire, ce qui est logique ! Pourtant, c'est ce que demande la première invite de votre motion. Je vous le dis, votre première invite est donc inapplicable !

C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé, amicalement, de bien vouloir la changer pour la rendre applicable, moyennant quoi nous vous suivrons peut-être. Puisque vous ne voulez pas le faire en séance plénière - vous avez raison, c'est impossible - je propose que nous la renvoyions en commission. (Applaudissements.)

M. Roger Beer (R). Je voudrais tout d'abord féliciter le professionnel, M. Vaucher, pour son brillant témoignage de praticien. Bravo !

A part cela, le plaidoyer de Koechlin...

Une voix. Monsieur !

M. Roger Beer. ...de M. Koechlin, mon cher collègue et préopinant, a montré qu'il fallait renvoyer cette motion en commission. J'espère que M. le conseiller d'Etat sera d'accord de la renvoyer à la commission LCI, car il ne faudrait pas faire ce débat ici !

Je vous rappelle qu'il nous reste quarante points à traiter, si par hasard vous l'aviez oublié !

M. Max Schneider (Ve). (L'orateur est accueilli dans un charivari indescriptible.) Monsieur Koechlin, décidément vous ne voulez pas comprendre, pourtant vous êtes architecte ! C'est un peu triste ! Il ne s'agit pas d'établir la liste des matériaux avant de demander une autorisation de construire, il s'agit simplement d'accepter une sorte de charte du respect de l'environnement destinée aux constructeurs ! Alors, maintenant, faites ce que vous voulez de cette motion ! Je trouve ce débat regrettable, car on aurait pu le faire ailleurs !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte le principe de cette motion, qu'il trouve intéressante, mais dans laquelle il y a beaucoup de modifications à apporter. Entre autres, il faut distinguer deux niveaux dans vos propositions, Monsieur Schneider et Monsieur Beer.

Le premier niveau est le stade de l'information, de prise de connaissance de la problématique, de l'étude des documents tant fédéraux que cantonaux, en particulier les documents soumis par le canton de Berne, évoqués par M. Schneider - du reste, je les connais. Les documents du canton de Berne sont connus pour leur qualité. M. Urs Ettisch, architecte cantonal bernois, est un homme absolument remarquable.

Pour moi, il ne s'agit donc en aucun cas d'accepter, pour le moment, un caractère normatif quelconque à cette motion, dont le titre comporte justement le mot «normes». Il importe de la renvoyer non pas à la commission LCI, qui aurait pour effet, précisément, de donner un caractère normatif immédiat à des dispositions technologiques très précises et encore très neuves, mais à la commission des travaux. Cela permettrait de se renseigner sur tout ce qui s'est déjà fait à ce sujet. Je pense qu'il est parfaitement inutile de publier quoi que ce soit pour l'instant. La séance du département des travaux publics et de l'énergie, de l'office cantonal de l'énergie et des autres offices traitant de ces questions au département de l'intérieur étant encore assez fraîche, ainsi que les différentes connaissances en matière d'éco-bilan et de toxicité ne nous permettent pas de légiférer déjà maintenant.

Je rappelle que le mot «favoriser», dans la première invite, est loin d'être exagéré, puisque la législation fédérale prévoit expressément qu'il faut «favoriser» le bois dans les constructions fédérales. (Chahut indescriptible.)

La deuxième invite...

La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, je vous en prie, attendez que le calme revienne ! Je suis navrée que vous deviez vous exprimer dans un tel brouhaha !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Oui, moi aussi ! (Rires.)

L'impression des guides est prématurée, car il faut d'abord se mettre à jour. Il faut faire un travail de formation très intéressant en commission des travaux, et je vous propose de l'entamer.

Monsieur Vaucher, on a parlé de l'amiante-ciment et des efforts déployés par M. Stéphane Schmidheini. Je crois que l'on peut rendre hommage à cet industriel d'avoir, justement, compris qu'il y avait un virage extrêmement important à prendre en matière de matériaux de construction. Il a même tellement pris ce virage qu'il a fini par s'occuper personnellement de la Conférence de Rio, avec les conséquences que l'on connaît.

Je rappelle que PI-BAT et RAVEL sont des investissements qui portent sur plusieurs dizaines de millions de francs en direction des économies d'énergie, d'une nouvelle conception en matière de construction et que nous, canton de Genève, pouvons bien nous donner la peine de donner suite à cette motion.

Je terminerai en disant que les sept principes énoncés aux pages 5 et 6 me semblent tellement logiques qu'il n'y a même pas besoin de faire une motion pour les accepter.

En conclusion, je propose à ce Conseil de renvoyer cette motion, à des fins de renseignements et sans lui donner un quelconque caractère normatif, à la commission des travaux.

M. Bernard Annen (L). Etant donné que le Conseil d'Etat préfère le renvoi de cette motion à la commission des travaux, je n'y vois aucun inconvénient. Je pense que c'est, effectivement, un bon moyen d'entamer les travaux par rapport à cette motion.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des travaux.