République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 février 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 4e session - 8e séance -autres séances de la session
No 8
Vendredi 17 février 1995,
nuit
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 20 h 30.
Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Hervé Dessimoz, Erica Deuber-Pauli, Luc Gilly, Michèle Mascherpa, Alain-Dominique Mauris et Jean Spielmann, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Les modifications apportées au concordat sur la pêche dans le lac Léman, du 4 juin 1984, sont approuvées.
Art. 2
Elles entrent en vigueur avec effet au 1er janvier 1996.
Annexe:
Le concordat sur la pêche dans le lac Léman, du 4 juin 1984, est modifié comme suit:
Art. 18, al. 2 (abrogé)al. 5 (nouvelle teneur)
Ouverture d'une nouvelle exploitation de pêche
5 Lorsque, en raison de conditions biologiques et économiques favorables, la commission intercantonale décide d'autoriser l'ouverture d'une exploitation de pêche, elle procède à une mise au concours par voie de publication dans la Feuille d'avis officielle du canton ayant une exploitation à repourvoir. Seules peuvent postuler les personnes qui remplissent les conditions prévues à l'article 14, alinéa 2.
Art. 21 (nouvelle teneur)
Remplaçants
1 Les titulaires d'un permis de 1re classe peuvent en tout temps se remplacer mutuellement pour tendre ou poser des engins de pêche.
2 Il peuvent en outre se faire remplacer, moyennant l'autorisation du service de la pêche du canton qui a délivré le permis, par une personne ne tombant pas sous le coup des dispositions de l'article 13, à qui le droit de pêche ou un permis n'a pas été retiré en vertu de l'article 19, alinéa 1, et offrant des qualités professionnelles suffisantes.
3 Le remplacement ne peut excéder:
a) 4 semaines dans des circonstances normales, l'autorisation étant délivrée pour une semaine au minimum;
b) en cas de service militaire, la durée de ce service;
c) en cas de maladie, 360 jours;
d) en cas d'accident, le jour où l'assurance-invalidité fédérale intervient par le versement d'une prestation en espèces, mais au maximum 360 jours;
e) pour d'autres cas de force majeure, la durée fixée par le service de la pêche.
4 En cas d'infraction à la législation sur la pêche, commise par le remplaçant d'un titulaire de permis de 1re classe, le service de la pêche concerné peut immédiatement retirer l'autorisation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Article 18
Les pêcheurs professionnels suisses ont demandé de diminuer de 20% le nombre maximum d'exploitations de pêche dans le lac Léman, en France et en Suisse. Lors des discussions dans le groupe de travail «plan d'aménagement», il a été constaté que les autorités françaises maintiennent déjà le nombre d'exploitations en dessous du quota attribué à la France. Il n'apparaît en fait pas souhaitable de diminuer le quota d'exploitations attribué aux deux pays, afin de pouvoir disposer d'une certaine réserve. Chaque pays peut ainsi diminuer le nombre d'exploitations comme il l'entend.
L'article 18 du concordat, dans sa version actuelle, ne permet à la commission intercantonale de la pêche de réduire le nombre d'exploitations de pêche attribué à la Suisse que si les conditions biologiques et économiques sont défavorables. Lorsque les conditions sont normales, la commission serait donc obligée d'ouvrir de nouvelles exploitations si les candidats en font la demande et si le quota n'est pas atteint. La nouvelle rédaction proposée permet en revanche de maintenir le nombre d'exploitations en dessous du quota.
Article 21
La nouvelle rédaction proposée est plus détaillée en ce qui concerne le remplacement des pêcheurs professionnels. Elle permet notamment le remplacement pendant 4 semaines par année pour des raisons non spécifiées, autres que la maladie, le service militaire, l'accident et les cas de force majeure. Elle correspond à la réglementation qui a fait ses preuves depuis plusieurs années dans le lac de Neuchâtel et introduite plus récemment dans les lacs de Morat et de Joux.
Les modifications des articles 18 et 21 ont été acceptées par la commission intercantonale de la pêche dans le lac Léman, dans sa séance du 3 novembre 1994.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
1 Une subvention de 150 000 F est allouée à la Croix-Rouge suisse pour la continuation de son programme d'aide alimentaire et matérielle en faveur des 565 000 personnes vivant dans des conditions extrêmement précaires dans la région du Caucase, à la suite des divers conflits qui affectent cette partie du monde.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le Caucase, qui se compose de trois pays, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, vit des heures particulièrement difficiles. Depuis leur indé-pendance, ces trois républiques doivent faire face à des problèmes écono-mique graves et à plusieurs conflits internes. Ceux-ci affectent lourdement cette région. Les quatre conflits les plus importants sont ceux:
- entre la Géorgie et la République autonome d'Abkhazie;
- entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan concernant le Nagorny-Karabakh;
- entre les Tchétchènes et les Ingouches;
- entre les Ossètes et les Géorgiens.
Les victimes des conflits et les personnes déplacées par dizaines de milliers disputent aux résidents le peu de ressources encore disponibles. Cette situation touche au minimum 565 000 personnes, soit 225 000 réfugiés et personnes déplacées, 120 000 personnes en situation sociale précaire et 220 000 enfants.
La Croix-Rouge est doublement opérationnelle. D'une part, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est actif dans les zones de conflits et, d'autre part, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge mène son action dans les régions directement touchées par les conflits, mais accueillant les réfugiés et les personnes déplacées.
Depuis 1993, avec d'autres organismes internationaux, la Croix-Rouge suisse s'efforce de secourir ces populations avec l'aide financière de la Confédération. Le budget global pour 1995 avoisine 34 millions de francs. Cette organisation humanitaire a besoin de 200 tonnes d'aliments par jour pour assurer ce programme nutritionnel. Les paquets alimentaires distribués comprennent de la farine, du riz, des haricots, de l'huile, du sucre, de la viande et du poisson en conserve, de la levure, ainsi que du savon et de la lessive en poudre. Des vêtements chauds et des couvertures sont également donnés aux réfugiés qui doivent passer l'hiver sous tente. 1995 s'annonce comme une année tout aussi difficile, même si un règlement politico-diplomatique est intervenu pour l'Abkhazie. Cependant, les séquelles du conflit demeurent. En outre, les conflits du Nagorny-Karabakh et celui de Tchétchénie sont loin d'être résolus. De surcroît, les difficultés économiques s'accentuent. Une aide accrue de la communauté internationale est indispensable.
Dès lors, une contribution du canton de Genève permettra la poursuite et le renforcement de cette aide humanitaire.
Préconsultation
Une voix. Accélère !
Mme Claire Chalut (AdG). Non, non, non, je n'accélérerai pas !
M. John Dupraz. Tu parles au nom du groupe ? (Rires.)
Mme Claire Chalut. Ouais, on peut appeler ça comme ça ! (L'oratrice éclate de rire. La présidente la ramène à l'ordre en faisant sonner sa cloche.) (S'adressant aux députés qui rient.) Vous n'êtes pas drôles, je trouve ! (Les rires redoublent.)
La présidente. Je vous en prie, Madame la députée, vous avez la parole ! Monsieur Dupraz, du calme, du calme !
Mme Claire Chalut. Nous sommes en présence de deux projets de lois qui traitent absolument du même objet et je voulais concentrer mon intervention. Est-ce possible ?
La présidente. Mais je vous en prie, Madame !
Mme Claire Chalut. En effet, ils proposent tous les deux une subvention à la Croix-Rouge suisse.
Notre groupe acceptera ces demandes, mais il y a dans la forme quelque chose qui me chiffonne : je me demande si nous ne sommes pas en train de retomber dans l'ère caritative, telle que nous la connaissions au XIXème siècle !
Certes, il est nécessaire de soutenir, par le biais de subventions s'il le faut, des programmes alimentaires ou matériels en faveur des populations les plus exposées aux événements politiques. Il ne suffit cependant pas de verser son obole en se disant qu'on a fait sa «B.A.» ! Cette attitude, un peu hypocrite, sert juste à nous donner bonne conscience. Il convient aussi de se poser des questions face à une telle demande, et c'est l'objet de cette intervention.
En faisant miroiter «la liberté», entre guillemets, à des populations qui en ont été privées, on n'a fait, depuis quelques années, qu'accélérer les inégalités économiques et sociales qui produisent deux classes distinctes : l'une qui s'est enrichie de manière scandaleuse et l'autre dont la paupérisation s'accroît de jour en jour. Cette situation, vous en conviendrez, n'est pas faite pour promouvoir des relations internationales pacifiques !
Notez qu'il y a peut-être des gens qui ont intérêt à ce que cela soit ainsi ! Dans de telles situations de tension, le bruit des armes a cédé le pas au dialogue pour régler les problèmes de tous ordres. Et l'on constate qu'en fin de compte les faits d'armes n'ont rien résolu. Des voix de plus en plus nombreuses au sein même du CICR s'élèvent pour protester contre cet état de fait : les gouvernements trouvent bien commode que la Croix-Rouge leur serve de «service après-vente» ! Quoi qu'il en soit, les perdants sont toujours les mêmes, c'est-à-dire les populations les plus défavorisées, et les gagnants, à coup sûr, sont en définitive les marchands de canons et ceux qui les servent !
En marge de la demande du Conseil d'Etat, Genève, qui aimerait tant pouvoir jouer dans la cour internationale des grands, ne devrait-elle pas s'engager plus en faveur de la paix, contre la prolifération de toutes les armes et pour l'égalité des droits des citoyens ?
Il faudrait faire nôtre la réflexion d'Albert Einstein, je cite : «Seule la suppression définitive du risque universel de la guerre donne un sens et une chance de survie au monde.». Cela reste plus que jamais d'actualité !
Tel devrait être le message à transmettre à la Croix-Rouge suisse !
M. Claude Blanc (PDC). J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de Mme Chalut qui exposent une certaine réalité. Mais il est vrai aussi que nous ne pouvons pas nous contenter de philosopher; nous devons agir lorsque cela est nécessaire. La Croix-Rouge, comme le disait un ministre sud-américain, est le plus beau cadeau que la Suisse ait fait au monde; elle nous représente partout où nous ne pouvons pas être, et nous devons continuer à l'aider dans son action qu'elle fait en notre nom !
Je vous propose donc de voter ces deux projets de lois en discussion immédiate.
M. Chaïm Nissim (Ve). J'ai également été interpellé par deux choses, notamment pour le projet 7210. A-t-il été rédigé il y a longtemps ? En effet, s'agissant de la Tchétchénie il n'est pas du tout fait mention de la guerre qui oppose actuellement les Tchétchènes et les Russes ! On a l'impression qu'il s'agit d'une guerre interne entre Tchétchènes et Ingouches. J'en suis un peu interloqué. J'espère que M. Haegi pourra nous expliquer s'il s'agit d'un oubli volontaire ou non. En tout cas, j'ai été choqué que ce projet de loi omette ce qui fait la une de tous nos journaux.
Une question récurrente m'inquiète aussi : comment pouvons-nous nous regarder dans la glace en nous rasant le matin, alors que nous donnons 150 000 F à la Croix-Rouge et que, dans la même soirée, nous votons des centaines de millions de francs, je pense par exemple à Uni III ? Cela me gêne toujours un peu ! Comme M. Blanc, je suis d'accord d'octroyer ces 150 000 F à la Croix-Rouge, mais j'éprouve un certain malaise.
Alors, contrairement à lui, je préférerais que ce projet soit renvoyé en commission, si cela est possible !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. La Croix-Rouge a donné la primauté à une aide humanitaire qui ne tient pas compte des problèmes politiques, pensant que l'essentiel était d'intervenir là où des femmes, des enfants et des hommes souffraient, sans porter de jugement. Je comprends les remarques qui ont été exprimées tout à l'heure. On aimerait pouvoir influencer les drames de ce monde, mais il faut raison garder et prendre la mesure de nos possibilités. Ce soir, il s'agit de voter un petit crédit, certes, mais qui est complémentaire à d'autres, et qui permet d'intervenir dans l'esprit de la Croix-Rouge là où cela est nécessaire.
Monsieur Nissim, en ce qui concerne le problème de la Russie, les notes d'informations que nous avons de la Croix-Rouge suisse datent du début décembre 1994. La situation s'est largement détériorée dans cette région depuis, et c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas les références exactes de la situation actuelle.
C'est justement parce que cette situation est devenue dramatique que je vous invite à accepter ces deux projets de lois en discussion immédiate.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
M. Dominique Hausser (S). Vous vous rappellerez que, dans la séance du 8 décembre, nous avons déjà voté un crédit pour la Croix-Rouge. Nous avions amendé le projet de loi proposé par le Conseil d'Etat, suite à une proposition de notre collègue Max Schneider, qui visait à ajouter un troisième alinéa demandant une information sur la manière d'utiliser ces fonds.
Je vous propose donc également d'ajouter un troisième alinéa, libellé de la même manière que celui qui avait été accepté par ce Grand Conseil :
«Dans un délai de 2 ans, une information sera fournie au Grand Conseil par la Croix-Rouge suisse sur l'utilisation de ces fonds.».
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Les comptes rendus sont faits pour vous donner les informations relatives à ce genre de dépenses. Je ne vois aucun inconvénient à ce que vous ajoutiez cet amendement.
C'est vraisemblablement dans le cadre du compte rendu que nous vous donnerons ces informations, comme nous le faisons régulièrement.
La présidente. Il s'agit donc d'ajouter un alinéa 3, dont la teneur est la suivante :
«Dans un délai de 2 ans, une information sera fournie au Grand Conseil par la Croix-Rouge suisse sur l'utilisation de ces fonds.».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article unique ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
allouant une subvention à la Croix-Rouge suisse pour son activité sanitairedans la région du Caucase (Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
1 Une subvention de 150 000 F est allouée à la Croix-Rouge suisse pour la continuation de son programme d'aide alimentaire et matérielle en faveur des 565 000 personnes vivant dans des conditions extrêmement précaires dans la région du Caucase, à la suite des divers conflits qui affectent cette partie du monde.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
3 Dans un délai de 2 ans, une information sera fournie au Grand Conseil par la Croix-Rouge suisse sur l'utilisation de ces fonds.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
1 Une subvention de 50 000 F est allouée à la Croix-Rouge suisse pour la continuation de son programme d'aide sanitaire urgente en faveur du Centro de Investigación y Servicio Comunatisor (CISEC) dans la vallée du Cauca, en Colombie.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le nord de la vallée du Cauca est l'une des régions les plus pauvres de Colombie. Les petits paysans vivent dans des conditions dramatiques: le sol, surexploité, se dégrade. Le déboisement sévit également et active le phénomène d'érosion. La chute du prix du café - principale culture de la région - aggrave la situation. De surcroît, la mafia de la drogue fait pression sur ces agriculteurs pour qu'ils cultivent du pavot somnifère. Des conflits entre grands propriétaires terriens et trafiquants de drogue engendrent une sorte de guérilla locale. Cette détérioration accélérée de l'environnement socio-économique entraîne de graves problèmes de santé au sein de la population. La malnutrition est omniprésente ainsi que le manque d'eau et d'hygiène. Les enfants sont atteints de diarrhées, de tuberculose et de toutes sortes d'affections des voies respiratoires. Le Cauca a été frappé entre 1991 et 1992 par une grave épidémie de choléra.
En 1985, un Centre de recherche et de services communautaires (CISEC) a été créé par des Colombiens en étroite collaboration avec divers organismes internationaux dont la Croix-Rouge. Ce centre s'efforce d'aider les paysans à mieux cultiver le sol, à améliorer leur formation et leur nutrition. Il prend des mesures pour enrayer la dégradation de la santé de la population. A cet effet, des auxiliaires de santé sont initiés aux premiers secours et au recours aux médicaments de base. L'accent est également mis sur les soins à apporter à la mère et à l'enfant ainsi qu'à la fabrication et à l'utilisation de remèdes à base de plantes médicinales. La construction de latrines figure aussi parmi les priorités: environ 200 ont déjà été installées jusqu'à maintenant, 300 autres sont prévues jusqu'en 1997.
Pour les trois années à venir, la Croix-Rouge suisse a prévu un budget de 310 750 F uniquement pour le programme de santé du CISEC. La Confédération (DDA) et la Chaîne du Bonheur participent à ce programme. La réalisation de celui-ci sera facilitée par une subvention du canton de Genève.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement ayant exactement la même teneur que le précédent. Il s'agit donc d'ajouter un alinéa 3, dont la teneur est la suivante :
«Dans un délai de 2 ans, une information sera fournie au Grand Conseil par la Croix-Rouge suisse sur l'utilisation de ces fonds.».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article unique ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
allouant une subvention à la Croix-Rouge suisse pour son activité sanitairedans la vallée du Cauca (Colombie)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
1 Une subvention de 50 000 F est allouée à la Croix-Rouge suisse pour la continuation de son programme d'aide sanitaire urgente en faveur du Centro de Investigación y Servicio Comunatisor (CISEC) dans la vallée du Cauca, en Colombie.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
3 Dans un délai de 2 ans, une information sera fournie au Grand Conseil par la Croix-Rouge suisse sur l'utilisation de ces fonds.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
la situation du logement à Genève, en particulier le manque de logements bon marché;
la loi pour un plan d'urgence-logements du 21 juin 1991 prévoyant la création d'au moins 3 000 logements bon marché dans un délai de huit ans (I 5 23);
le faible nombre de logements HBM construits depuis l'adoption de cette loi;
la nécessité d'accentuer les efforts de l'Etat dans le domaine de la construction de logement sociaux,
invite le Conseil d'Etat
1. à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, réalisés ou en cours de réalisation depuis l'adoption de la loi instituant un plan d'urgence-logements;
2. à indiquer quelles sont les opérations prévues en vertu de cette loi;
3. à faire connaître les terrains recensés pour la construction de logements HBM, en précisant notamment s'il est prévu d'en édifier sur la parcelle rachetée à l'institut Battelle, route de Drize.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En juin de cette année, quatre ans se seront écoulés depuis l'adoption, par le Grand Conseil, de la loi prévoyant la création d'au moins 3 000 HBM en huit ans.
Au 31 décembre 1991, le nombre de HBM s'élevait à 3 679, sur un parc d'habitation comprenant, à cette date, 188 677 logements au total (Annuaire statistique du canton de Genève, octobre 1992, page 149, annexe 1).
Il y a lieu de constater qu'au 31 décembre 1992, la statistique mentionnait exactement le même nombre de HBM (3 703), sur un nombre total de 190 743 logements existants (Annuaire statistique du canton de Genève, octobre 1993, page 162, annexe 2).
Si l'on se réfère aux statistiques récemment publiées par l'OCSTAT (Annuaire statistique du canton de Genève, octobre 1994, page 154, annexe 3), Genève recensait 3 703 HBM au 31 décembre 1993, sur un nombre total de 192 301 logements existants.
C'est dire que la loi adoptée par le Grand Conseil le 21 juin 1991 n'a pas connu, à ce jour, de concrétisation réelle. Aucun logement HBM n'a été construit en 1993 et le nombre de logements HBM existant sur le marché est actuellement inférieur à 2% du parc locatif de notre canton !
Ce constat a de quoi nous interpeller. Ce d'autant plus que les modifications législatives apportées en juin 1992 à la loi générale sur le logement (révision des taux d'effort, augmentation des surtaxes) avaient été acceptées par le parlement en raison du fait, notamment, que le produit accru des surtaxes, qui devait résulter de cette réforme, serait affecté exclusivement, et en sus des moyens mis à disposition par le budget de l'Etat, à la construction de logements sociaux, «en particulier des logements prévus par la loi pour un plan d'urgence-logements, du 21 juin 1991» (art. 39, al. 3, LGL, entré en vigueur le 1er octobre 1992).
Nécessité d'une politique active en matière de construction de logements sociaux
Bien que la crise sévît déjà à l'époque où le Grand Conseil a voté, à l'unanimité, la construction de 3 000 HBM en huit ans, le volonté d'une politique active dans le domaine de la construction de logements sociaux était clairement affirmée.
. .
«Dans le domaine de l'habitat, nous poursuivrons, sans relâche, avec les investisseurs habituels, la construction de logements à caractère social» (Mémorial du Grand Conseil 1993, page 7674).
Quelques jours après son discours d'investiture, le même magistrat devait toutefois déclarer:
«Il est certes très positif de construire de nouveaux logements, mais il faut avoir la capacité de les entretenir. Il se trouve que bon nombre d'entre eux étaient dans un état déplorable. Il pleuvait à l'intérieur de certains immeubles et il fallait les rénover. Depuis deux ou trois ans, nous avons mis sur pied un programme de rénovation qui s'élève à 300 millions. Nous dépensons 30 millions par année pour rénover le parc immobilier HBM» (Mémorial du Grand Conseil 1993, page 8369).
Dans quelle direction l'Etat entend-il aujourd'hui diriger ses efforts?
En particulier, le Conseil d'Etat est-il prêt à démontrer, chiffres à l'appui, que le logement social demeure une réelle priorité?
C'est le sens de notre deuxième invite.
Des terrains qui dorment
Vu l'état des finances publiques, il serait incompréhensible de ne pas utiliser les terrains appartenant aux collectivités publiques pour abriter de nouvelles constructions HBM.
Ces terrains, qui ne rapportent actuellement rien à l'Etat, pourraient ainsi faire l'objet d'une valorisation sociale, en abaissant considérablement le coût total de l'opération.
Le Conseil d'Etat est ainsi invité à faire connaître le potentiel à bâtir qui a été recensé à cette fin et sa localisation.
C'est le sens de notre troisième invite.
Un coup de fouet pour la construction
S'il est un secteur où la demande ne fléchit pas, c'est bien celui du logement social.
Un effort de l'Etat dans ce domaine permettrait non seulement de respecter les engagements pris par le Grand Conseil, mais également de relancer le domaine de la construction, fortement touché par la crise.
La construction de nouveaux logements profiterait ainsi non seulement à la collectivité, mais également au secteur du bâtiment, qui en a bien besoin.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à la présente motion.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). En introduction à la présentation de cette motion, je vous demanderai de bien vouloir corriger une petite inexactitude dans l'exposé des motifs. En effet, le nombre de HBM existant en 1992 était identique à celui recensé en 1993, et non pas en 1991. Les statistiques annexées permettaient d'ailleurs de la corriger de soi-même.
L'idée de cette motion est justement venue à la lecture de ces statistiques, qui nous montrent qu'entre 1991 et 1992 seuls vingt-quatre logements HBM ont vu le jour. Entre 1992 et 1993, on n'en recense aucun ! Les statistiques de 1994 ne sont, à ma connaissance, pas encore publiées.
Nous avons pu lire dans la presse aujourd'hui, suite à une conférence de presse du Rassemblement pour une politique sociale du logement, quelques chiffres pour 1994, qui ne portent pas à croire qu'à ce rythme, Mesdames et Messieurs les députés, ce sera à la fin de ce siècle que nous verrons les trois mille HBM - votées par le Grand Conseil en juin 1991 - construites !
Je vous rappelle, en effet, que le 21 juin 1991 notre Grand Conseil a adopté une loi prévoyant un plan d'urgence pour la création de trois mille logements HBM dans un délai de huit ans. Arrivés à mi-parcours, force est de constater que le calendrier aura de la peine à être tenu.
Le but de cette motion n'est pas de relancer le débat ou la polémique sur le logement. Ce débat - vous vous en rappelez - a suscité de vives polémiques lors de la précédente législature. L'utilité de cette motion est bien de rappeler la volonté de ce Grand Conseil et d'insister pour qu'elle soit concrétisée, d'autant plus que la situation économique difficile que nous traversons accroît le besoin de logements destinés à des familles dont les revenus sont modestes. Renseignements pris, il y aurait plus de mille demandes de HBM en attente auprès du secrétariat des fondations immobilières de droit public. Ces demandes étant enregistrées, elles ne concernent donc que des familles qui répondent aux conditions fixées par la loi pour pouvoir occuper des logements sociaux.
On constate que la demande existe et qu'elle est même très importante, d'où l'urgence d'y répondre. Cette motion demande au Conseil d'Etat une information précise sur ce qui a été fait depuis l'adoption de la loi en 1991. A en croire les statistiques, c'est très peu !
C'est donc notre question posée par le biais de la première invite.
Elle demande ensuite et surtout, par ses invites 2 et 3, quelles seront les réalisations de ces quatre prochaines années, ainsi que leur localisation.
Seul un engagement clair du Conseil d'Etat permettra de rattraper le temps perdu et de réaliser le plan d'urgence logements voté par ce parlement.
C'est la raison pour laquelle je vous remercie de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
M. Olivier Vaucher (L). Concerné par cette motion, je me permets d'intervenir en précisant que je suis quelque peu surpris par le contenu de l'exposé des motifs. Tout d'abord, je ne m'attarderai pas sur les raisons pour lesquelles, en 1993, aucune réalisation d'immeuble HBM n'a pu être exécutée.
Vous évoquez, Madame et Messieurs les motionnaires, le fait que dans le discours de Saint-Pierre, en décembre 1993, le président du Conseil d'Etat a souligné sa volonté de poursuivre sans relâche la construction de logements à caractère social. Je peux vous affirmer aujourd'hui que cette promesse a été parfaitement tenue ! J'en veux pour preuve les quelque deux cent vingt-trois logements HBM qui vont être remis à la location en 1996. De plus, des projets avancés sont en cours, qui, je l'espère, seront réalisés au plus tard d'ici 1997 et qui mettront à disposition de la population quelque deux cent trente logements supplémentaires. Cela fait au total quatre cent cinquante-trois logements, auxquels s'ajouteront cent nonante logements qui sont à l'étude sur les parcelles de Battelle et de Cressy.
De même, je me permets de rappeler l'acquisition qui a été faite, à fin 1992, d'immeubles anciens à rénover qui ont augmenté notre parc d'environ deux cent quatre-vingts logements. Je ne m'attarderai pas sur les projets d'achat de parcelles ou d'immeubles en cours.
Sous la rubrique «Des terrains qui dorment», les motionnaires font état des parcelles propriété des collectivités publiques en suggérant d'en faire l'inventaire de potentialité et aussi de les mettre en valeur. Je tiens à dire ici que les fondations immobilières de droit public n'ont pas attendu cette motion pour s'en occuper !
Par contre, je me permettrai de soutenir la troisième invite des motionnaires, en priant les deux conseillers d'Etat concernés de renforcer l'équipe, en effet trop faible, des deux personnes chargées d'établir la potentialité des parcelles de l'Etat. Cela nous permettrait d'obtenir un rapport précis avant la fin du mois de mai prochain et de déterminer ce que nous pouvons construire sur ces parcelles.
Enfin, je tiens à rappeler que nous avons dû renoncer aux projets très avancés de mise en valeur de nos parcelles sur certaines communes qui - cela est bien compréhensif - se sont opposées à l'augmentation de logements sociaux sur leur territoire. En accédant au désir de ces communes, nous avons dû renoncer à la construction de quelque trois cents logements, qui auraient pu être terminés en 1996 !
En conséquence de tout ce qui précède, je me permets de dire aux motionnaires que leur démarche est à mes yeux totalement superflue vu l'immense effort en cours réalisé par les fondations, en collaboration avec MM. Haegi et Joye, conseillers d'Etat, et ne puis que conclure en disant que le Conseil d'Etat in corpore tient parfaitement bien ses engagements ! D'ici l'an 2000, certes, les trois mille logements ne seront pas entièrement réalisés, mais bon nombre auront été mis à disposition de la population. Ma collègue Michèle Wavre ne pourra que confirmer mes propos. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Kunz (R). Le Grand Conseil, en 1991, a voté, sans se préoccuper de leur financement, la construction en huit ans de trois mille logements HBM, cela à une époque où les finances publiques étaient déjà catastrophiques ! Ce fut une erreur considérable, car chacun aurait pu, aurait dû, se rendre compte alors que cette loi serait inapplicable ou en tout cas seulement très partiellement applicable ! En effet, comment un grabataire pourrait-il se retourner pour sortir son porte-monnaie ?
M. Christian Ferrazino. Tu parles de toi ? (Rires.)
M. Pierre Kunz. Réclamer aujourd'hui l'application de cette loi du 21 juin 1991 et faire le procès de ceux qui seraient chargés, s'ils en avaient les moyens, de l'appliquer relèvent de la provocation pure et simple, ce qui n'étonnera personne !
En revanche, ce qui est étonnant, c'est l'incohérence d'une démarche provenant de députés qui prétendent rechercher le bonheur des locataires de ce canton; ils en sont même convaincus ! Car, dans les milieux que M. Ferrazino et M. Moutinot représentent, il me semble que ceux qui réfléchissent savent pertinemment, eux, que le système actuel d'aide à la construction et au financement du logement social ne répond plus ni aux besoins actuels de la population ni aux possibilités financières de l'Etat, qui, comme chacun le sait, intervient quasiment et exclusivement à fonds perdu. C'est ce que disait le SIT au Rassemblement pour une politique sociale du logement en 1992 déjà. Et c'est - Ô miracle ! - ce qu'a enfin reconnu ce même Rassemblement hier dans sa conférence de presse !
Alors, serait-ce parce que M. Lachat a succédé à M. Ferrazino au secrétariat de cette association ? Serait-ce parce qu'un certain réalisme semblerait succéder ainsi au dogmatisme ? L'avenir le dira !
Monsieur Ferrazino, Monsieur Moutinot, lorsque des députés radicaux, voici quelques semaines, ont proposé d'engager en urgence la réforme du système de financement des logements d'utilité publique, parce que - disaient-ils - notre canton n'a plus les moyens de poursuivre la folle politique actuelle, vous avez cru malin ou opportun de traiter ces députés de «fous», «d'irresponsables» et de «casseurs» ! Les fous, les irresponsables et les casseurs ne sont-ils pas en réalité ceux qui restent attachés à un système dépassé, intenable ? Ceux qui continuent de croire et de faire croire qu'il suffit d'édicter des lois pour changer le monde !
Monsieur Ferrazino, Monsieur Moutinot, vous et vos amis n'avez jamais voulu tenir compte des réalités économiques et financières ! Eh bien, ces réalités finissent toujours pas se venger, notamment en balayant vos belles constructions légales et réglementaires ! Et nous en avons une illustration aujourd'hui avec cette loi du 21 juin 1991 et ces trois mille logements HBM qui ne pourront pas être construits d'ici 1999 !
Mesdames et Messieurs, il faudrait rejeter cette motion, parce qu'elle est sans intérêt ! Et ce ne sont pas les rengaines relatives «aux terrains qui dorment» ou au «coup de fouet pour la construction» qui pourront donner ne serait-ce qu'une once de crédibilité à cette motion ! Pourtant, les radicaux sont disposés à en accepter le renvoi au Conseil d'Etat, qui devrait y trouver l'occasion d'expliquer aux Genevois pourquoi il est devenu indispensable - plutôt que de tenter de poursuivre un programme chimérique de trois mille logements prévus par la loi en question - de repenser et de réformer d'abord les mécanismes du système d'aide aux logements d'utilité publique.
Quoi qu'il en soit, les radicaux vous soumettront sous peu de nouvelles propositions allant dans ce sens. (Aahhh de satisfaction ironique.)
M. Christian Ferrazino (AdG). Nous venons d'entendre deux positions : celle du parti libéral et celle, à la droite du parti libéral, de M. Kunz ! Alors, je commencerai tout d'abord par le parti libéral et ensuite j'en viendrai à l'extrême droite représentée par M. Kunz ! M. Fontanet s'amuse, je vois qu'il a demandé la parole, je lui laisserai donc le soin de répondre, car il doit faire son propre ménage !
M. Bénédict Fontanet. Moi, j'ai le sens de la famille !
M. Christian Ferrazino. Je pensais que vous aviez le sens de la famille au sens large, Monsieur Fontanet !
Monsieur Vaucher, je trouve inquiétant de vous entendre déclarer que tout va bien, et même très bien ! Vous êtes content du Conseil d'Etat, ce qui n'est guère étonnant de la part d'un membre du parti libéral ! Monsieur Haegi, vous ne prenez pas beaucoup de risques, quoi que vous fassiez ce sera forcément bien dans la bouche de M. Vaucher !
Pour moi, il faut s'arrêter aux chiffres rappelés par Mme Bugnon et qui figurent en annexe de cette motion. En effet, que vous le vouliez ou non - vous n'y étiez pas pour certains et c'est peut-être mieux ! - les chiffres indiquent qu'en 1993 il y avait trois mille six cent septante-neuf HBM. L'année suivante, on est passé à trois mille sept cent trois logements. Ce sont les chiffres de l'office cantonal de la statistique.
Vous arriverez bien à faire un petit calcul avec moi, Monsieur Vaucher ? Cela fait vingt-quatre logements de plus en une année ! En 1994, l'année suivante, on est toujours au même stade : de trois mille sept cent trois à trois mille sept cent trois - vous arrivez à me suivre ? - cela fait zéro ! (Rires.) Cela signifie qu'en trois ans seulement vingt-quatre HBM ont été construites ! Et ce soir, nous entendons M. Vaucher prétendre que nous sommes les meilleurs en mettant vingt-quatre HBM sur le marché ! Mais ce n'est pas tout : il nous dit que d'ici 1997 il y en aura d'autres !
Monsieur Vaucher - et je réponds aussi à M. Kunz qui regrette que le Grand Conseil ait voté, en 1991, cette loi à l'unanimité - je ne crois pas que le Grand Conseil se soit unanimement trompé, car avant d'adopter cette loi, il a entendu les déclarations du Conseil d'Etat. Relisez le Mémorial de l'époque, cela vous intéressera, Monsieur Kunz ! Le Conseil d'Etat disait précisément qu'il convenait d'attirer l'attention du Grand Conseil sur le fait que construire trois mille logements en moins de dix ans engendrerait de nombreuses dépenses et que, la situation économique en 1991 étant ce qu'elle était, il fallait prendre cet engagement de façon consciente pour pouvoir le réaliser. C'est donc bien sur la base de ce constat d'une situation économique difficile que cet engagement a été pris ! (L'orateur est interpellé et contesté par M. Kunz.) La preuve de la nécessité de cette motion, Monsieur Kunz - merci de me le rappeler...
La présidente. Monsieur Kunz ! (La présidente, fâchée, rappelle M. Kunz à l'ordre en faisant sonner sa cloche.)
M. Christian Ferrazino. Madame la présidente, ça lui fait du bien de s'exprimer ! (Rires.)
Le mérite de cette motion, justement, est de rappeler qu'au rythme adopté depuis l'acceptation de cette motion ce n'est pas à la fin de ce siècle, ni même à la fin du siècle prochain, que l'on arrivera à l'objectif fixé ! Monsieur Haegi, vous savez pertinemment que l'engagement pris devant ce Grand Conseil et voté par lui, voulu par le parlement, ne sera pas respecté ! On peut se livrer à des petits calculs simples : vingt-quatre logements en trois ans, cela fait deux cent quarante en trente ans, soit deux mille quatre cents en trois cents ans ! (Rires et applaudissements.)
Je crois que c'est M. Kunz qui a parlé de la conférence organisée par le Rassemblement pour une politique sociale du logement. Je ne sais pas quel journal vous lisez, Monsieur Kunz, mais, apparemment, vous n'avez pas lu le bon, car vous avez dit le contraire de ce qui y a été exposé ! Mon ami David Lachat, qui m'a succédé au poste de secrétaire, ne dit pas autre chose que ce que le Rassemblement a toujours dit, à savoir que l'effort de l'Etat en matière de logement social est beaucoup trop faible. D'ailleurs, si vous aviez lu l'article jusqu'au bout, vous auriez constaté que M. Haegi s'est vu gratifier d'un carton jaune par M. Lachat, précisément parce que la volonté manifestée par ce parlement n'a pas été respectée par le Conseil d'Etat dans la mise sur le marché des nombreux logements HBM.
Voilà le sens de cette motion. Certains souhaitent enlever des invites et n'en retenir que d'autres. A mon avis, elles sont pertinentes toutes les trois ! D'une part, elles nous permettront non pas d'entendre les grands discours creux de certains - je pense à vous, Monsieur Kunz ! - mais d'obtenir un certain nombre de chiffres : quelles sont les HBM qui ont été construites et à quel endroit, quelles sont les HBM qui ont été projetées à la construction et pour quelle date, et, enfin, de faire un recensement des terrains de l'Etat afin de pouvoir mieux cerner les endroits où des constructions pourraient être réalisées rapidement.
Certains ont voulu trouver un esprit polémique à cette motion - Mme Bugnon l'a rappelé tout à l'heure - or les motionnaires n'étaient animés - et le sont toujours - que de la seule volonté de voir le Conseil d'Etat respecter enfin le désir manifesté par ce Grand Conseil en juin 1991, lorsque ce parlement a adopté cette loi pour la construction de trois mille logements avant la fin de ce siècle !
M. Laurent Moutinot (S). Je ne rajouterai pas grand-chose aux propos de M. Christian Ferrazino, si ce n'est de m'étonner, une fois encore, des réactions suscitées par la moindre motion portant sur le logement !
Nous avons simplement voulu - ce qui ne paraît pas étonnant - demander où en est l'application d'une loi votée par ce Grand Conseil en 1991. Nous entendons - comme d'habitude, lorsque l'on pose des questions sur le logement - des anathèmes parfaitement déplacés et des analyses pour le moins audacieuses. Les analyses de M. Vaucher et de M. Kunz sont contradictoires, ce qui est surprenant. Pour une fois, Monsieur Vaucher, nous souhaitons que vous ayez raison et que les choses aillent aussi vite que vous le dites !
Il est vrai que les mêmes sommes sont dépensées pour le logement social depuis de nombreuses années et que l'inflation engendre une baisse dans la réalisation. C'est la raison pour laquelle, probablement, ces HBM tardent tant à être disponibles.
Je rappelle aussi que, s'il y a eu, et s'il y a, dysfonctionnement dans le domaine du logement social, Monsieur Kunz, c'est que les HLM, et plus précisément les HCM, n'arrivent plus à répondre à la demande de ceux qui ont véritablement besoin de l'aide de la collectivité, d'où la nécessité, unanimement reconnue à l'époque par le Grand Conseil, de mettre principalement l'accent sur les HBM. Notre préoccupation à ce sujet a engendré une question d'une simplicité et d'une évidence - me semble-t-il - incontournable : celle de savoir où nous en sommes, ce qui est prévu et ce qui peut être fait pour que les décisions du Grand Conseil de l'époque soient respectées !
Monsieur Kunz, vous nous annoncez des projets en la matière. S'il s'agit de projets radicaux, je les examinerai, mais s'il s'agit de vos propres projets, je serai inquiet, parce que votre motion précédente nous laissait apparaître une vision du logement social totalement inapplicable à Genève !
M. Bénédict Fontanet. M. Ferrazino m'a laissé le privilège de répondre à M. Kunz, avec lequel je ne serai pas d'accord ce soir. Monsieur Ferrazino, il est rare que nous soyons d'accord, mais nous allons nous rejoindre...
M. Bernard Lescaze. Ça devient inquiétant !
M. Bénédict Fontanet. Non, non, ne vous inquiétez pas pour moi, Monsieur Lescaze ! J'assume ! (Rires.)
Je préciserai simplement que M. Kunz ne fait pas partie de ma famille. On ne choisit pas sa famille : on choisit ses amis ! Je me ferai donc un plaisir de répondre à M. Kunz. Nous avons, nous démocrates-chrétiens, le coeur large, comme vous le savez. Simplement nous devons constater, à la séance de la reprise du soir, les effets parfois ravageurs du Gamay à la pause de 20 h ! (Rires.) Je suis sidéré par ce discours, car il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises lois, celles que l'on applique et celles que l'on n'applique pas !
Il n'est pas normal, dans notre canton, de ne pas pouvoir se loger dans de bonnes conditions sans qu'un logement soit subventionné, tout cela parce que le marché genevois du logement ne permet pas de produire des logements suffisamment bon marché pour que la majorité de la population puisse s'y loger. Notre système nous est envié par bien d'autres cantons en Suisse, même s'il n'est pas parfait, mais il m'apparaît que le système de subventionnement à la pierre a fait ses preuves et qu'il a largement démontré ses qualités. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, si ce système n'existait pas on ne construirait pas beaucoup dans ce canton, et la crise, déjà considérable dans le secteur de la construction, serait potentialisée.
Par voie de conséquence, nous démocrates-chrétiens, c'est bien volontiers que nous accueillons cette motion et que nous la renverrons au Conseil d'Etat. Nous referons encore le traditionnel débat que nous avons sur le subventionnement à la pierre et le subventionnement à la personne, qui revient périodiquement tous les six mois dans ce Conseil ! Moi, je persiste à penser que c'est le meilleur des systèmes - même s'il doit être un peu amélioré dans le cadre des lois HLM - et qu'il faut s'y tenir. Le système du subventionnement à la personne donne l'impression de faire la charité à des gens pour qu'ils puissent se loger décemment, ce qui est un inconvénient, à mon avis, et qui me semble peu admissible !
C'est pourquoi nous renverrons bien volontiers cette motion au Conseil d'Etat.
M. David Hiler (Ve). Je me sens tout de même obligé de donner une ou deux informations à M. Kunz à propos de la position du SIT, parce que le sujet est important.
L'idée du Rassemblement et de ses forces internes est que si dysfonctionnement du système il y a c'est qu'il ne fonctionne pas assez pour ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire la clientèle des HBM. C'est donc plutôt à l'égard des HLM qu'un certain nombre de critiques ont été émises dans les milieux proches du Rassemblement. Mais d'autres solutions sont à l'étude dans des séminaires ouverts au public. M. Kunz devrait les fréquenter !
Ce qui m'inquiète véritablement dans la prise de position de M. Kunz - c'est pour cela que j'interviens - c'est qu'il se trouve que j'ai lu l'ensemble de la littérature publiée par la Chambre genevoise immobilière et l'Union genevoise des intérêts immobiliers depuis 1918. Or, ces milieux de droite n'ont jamais attaqué l'aide à donner aux plus démunis. Ils ont attaqué une déviation du système, considéré que la classe moyenne était quelque peu avantagée par ces systèmes, et ils ont regretté, de ce fait, que l'initiative individuelle ne soit plus encouragée. Mais jamais, ô grand jamais - puisque, au contraire, d'une certaine manière, ce sont les ancêtres du parti libéral qui ont lancé, en leur temps, le logement philanthropique - on n'a entendu quelqu'un oser dire qu'il ne fallait pas aider ceux qui en avaient le plus besoin !
C'est pourtant exactement ce qu'a dit M. Kunz ! Vous me permettrez tout de même de craindre le type de société sur lequel vos propositions aboutiraient, parce que si votre discours n'appelle pas ouvertement à l'exclusion, alors je ne vois pas où il veut en venir ! Lorsque les gens ne veulent plus aider les plus pauvres, il me semble que cela est grave ! (Applaudissements.)
M. Olivier Vaucher (L). Suite aux interventions de M. Ferrazino et M. Moutinot, permettez-moi d'apporter quelques compléments d'information.
Monsieur Ferrazino, je constate, une fois de plus, que vous n'avez pas écouté les chiffres que j'ai donnés à propos du nombre de logements. Je peux vous les redonner, s'il le faut : j'ai la liste sous les yeux, avec l'emplacement et la date de réception et de mise en location de ces logements. En général, Monsieur Ferrazino, vous n'écoutez que vous-même, et vous avez de la difficulté à entendre le discours des autres !
Monsieur Moutinot, j'aimerais vous réconforter ! Vous nous faites part de votre étonnement face à la réaction suscitée par la motion. Je crois qu'elle est tout à fait normale de la part de personnes comme Mme Wavre - qui est une de mes collègues dans les fondations - et moi-même, vu le travail et les efforts immenses que nous déployons pour pouvoir mettre en application la loi votée en 1991.
Monsieur Ferrazino, pour ne pas polémiquer, je n'ai pas évoqué les raisons pour lesquelles quelque quatre cents logements n'ont pas pu être réalisés dans les années 1990 à 1993. Je ne reviendrai pas là-dessus, vous me comprenez certainement ! Tout est à faire, mais les efforts sont poursuivis. Près de huit cents logements seront mis sur le marché dans les deux prochaines années, ce qui n'est pas négligeable ! De surcroît, Monsieur Ferrazino, j'ai le privilège d'avoir dans ma fondation un membre de l'Alliance de gauche. S'il était présent au Conseil, il pourrait vous informer de tous les efforts qui sont déployés.
M. Pierre Kunz (R). Du côté de M. Ferrazino ou de M. Moutinot, je comprends bien que l'on n'apprécie pas mon discours, qui a au moins le mérite de la clarté !
Par contre, j'avoue que je suis surpris de la réaction de M. Fontanet, car j'ai l'impression d'entendre son père dans les années 1960... (Rires.) ...défendre un système qui, à l'époque, effectivement, donnait toute satisfaction ! Monsieur Fontanet, ne pas avoir aujourd'hui le courage, quand on est jeune comme vous, qu'on n'a pas encore quarante ans... (Rires et remarques fusent.) ...de reconnaître qu'il faut construire le monde de demain, cela me semble inquiétant ! Ça, c'est pour mes amis !
Une voix. Il t'en reste ! (Eclat de rire général.)
M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs les députés des bancs de l'opposition qui vous êtes exprimés, vous devrez au moins reconnaître que, contrairement à ce que vous affirmez, vous ne pourrez jamais trouver dans mes interventions la moindre attaque contre la nécessité de construire des logements sociaux, que ce soient des HLM ou des HBM ! Je vous le répète, jamais vous ne pourrez trouver ces mots dans mes écrits...
L'assemblée. Aahh ! (Commentaires et remarques vont bon train.)
Une voix. Et dans le Mémorial ?
M. Pierre Kunz. ...ni d'ailleurs dans le Mémorial ! Il est trop facile d'interpréter comme cela vous arrange ! Je pourrais aussi me livrer à ce petit jeu, mais je m'en abstiendrai toujours, soyez-en certains !
Vous qui vous référez à ma mauvaise interprétation du discours du SIT et du Rassemblement pour une politique sociale du logement, j'ai sous les yeux un texte de ce dernier qui reprenait des propositions présentées par le SIT, en 1992 déjà. Je ne vais pas vous en faire toute la lecture, mais je me contenterai de vous en lire un passage. Je cite : «Le programme de réalisation des trois mille logements HBM, alors qu'il a été voté par le Grand Conseil, est mis de côté.». Il ajoutait : «...et on ne parle même plus du fameux bonus-loyer.».
Cela prouve que certaines personnes, au sein des mouvements qui défendent les locataires, sont honnêtes, courageuses et qu'elles réfléchissent !
M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Kunz, je vous remercie de me citer, parce que c'est moi qui ai écrit cette phrase ! (Rires.) Vous devriez me lire plus souvent ! Mais, apparemment, comme vous avez quelque difficulté à comprendre vos lectures, j'aurai le plaisir de vous les expliquer !
Il fallait comprendre dans la phrase que vous avez lue que, précisément, le subventionnement HLM ne pouvait plus continuer comme il fonctionne aujourd'hui. (L'orateur est interpellé par M. Kunz.) Oui, j'y viens, mais, avec vous, il faut procéder de manière pédagogique ! Je vais le faire par étape ! Oh, doucement ! (Rires.)
Lors d'un précédent débat portant sur le subventionnement - M. Fontanet avait eu l'occasion de le relever - débat que nous avions eu suite à la motion d'un député un peu illuminé de ce parlement - je ne sais plus de qui il s'agit, mais cela vous rappelle peut-être quelque chose, Monsieur Kunz ! - nous avions mis en évidence le fait qu'on ne pouvait pas continuer à subventionner impunément les HLM. Pourquoi ? Mais parce que, au bout de vingt ans, l'Etat n'a plus aucun contrôle sur ces logements, et vous savez qu'avec les jurisprudences que nous connaissons cela provoque l'explosion des loyers, et, de ce fait, ces logements n'ont absolument plus rien de social !
Par conséquent, vu l'état des finances de l'Etat, nous devions avoir des priorités, et la plus importante est le texte que nous avons sous les yeux. Oui, Monsieur Kunz, le texte que vous lisez et relisez ! Mais je peux vous l'expliquer oralement ! La priorité est de porter les efforts sur les HBM. Quelle est la différence, Monsieur Kunz, entre les HLM et les HBM ? Eh bien, les premiers sont en main de propriétaires privés qui obtiennent un subventionnement à l'exploitation des pouvoirs publics, mais pendant une période très limitée. Au-delà de cette période, ils sortent du contrôle de l'Etat, ce qui fait que les loyers explosent, et ces logements perdent leur caractère social.
Par contre, les HBM - c'est l'objet de notre motion et de la loi du 21 juin 1991 - se trouvent dans des immeubles qui restent indéfiniment en main des pouvoirs publics, par le biais des fondations de droit public. C'est pour cela que le parlement a voté la construction de ces trois mille HBM. Voilà l'intérêt, Monsieur Kunz, de mettre sur le marché des logements dont les loyers sont bas pour les personnes qui en ont vraiment besoin, d'autant qu'ils manquent cruellement à Genève. Vous savez que ces logements sociaux représentent moins de 2% de la totalité du parc locatif. Ce chiffre figure dans le texte que vous avez sous les yeux. C'est dommage qu'il ne vous ait pas interpellé.
Monsieur Kunz, je lis également les journaux de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, que vous devez certainement lire attentivement ! Elle nous annonce l'organisation d'un grand débat, un marché international des professionnels de l'immobilier - nous en aurons peut-être des échos, puisque je vois que M. Philippe Joye est invité à y participer - sur le thème suivant : «On peut à nouveau construire et investir à Genève !».
Nous ne demandons rien de moins que cet effort de construction et d'investissement se fasse dans le cadre des HBM, en application de la volonté manifestée par ce Grand Conseil.
M. Bénédict Fontanet. Je suis heureux de faire l'objet de la sollicitude de M. Kunz, mais je tiens à le rassurer, je n'ai pas le sentiment de m'être trompé de parti...
M. Bernard Lescaze. De génération !
M. Bénédict Fontanet. Non, non, il m'a bien dit que je m'étais trompé de parti et de génération ! Même si j'ai beaucoup de respect pour mon père, je ne me trompe pas de génération non plus ! Les années 1960 sont de nouveau à la mode, Monsieur Kunz, et peut-être qu'en matière de logement vous feriez bien de vous y reporter, notamment s'agissant des fameuses lois Dupont qui ont été votées à la fin des années 50 et au début des années 60.
Je vous sais gré d'ailleurs de me laisser le panache de la jeunesse et de l'énergie; vous n'en manquez pas non plus. Mais, lorsque vous peignez ce système HLM-HBM comme étant un système catastrophique faisant faillite, je ne vois pas à quoi vous vous référez, parce que je n'ai pas le sentiment - et je peux prétendre connaître un tout petit peu et le marché du logement et le marché de la construction, compte tenu des activités professionnelles qui sont les miennes - que ce soit le cas. A mon avis, ce système est satisfaisant, il fonctionne bien, même s'il peut être amélioré.
Nous attendons donc avec plaisir les propositions du groupe radical en la matière. En effet, jusqu'à présent, vous nous avez dit que tout était nul et qu'il fallait tout stopper, mais vous ne proposez rien de bien constructif !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. D'ores et déjà, j'accepte volontiers cette motion. C'est en effet l'occasion de mettre par écrit un certain nombre de chiffres qui apporteront des précisions au flou de ce qui a été dit ici, et je proposerai un amendement :
«à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, achetés, à acheter, réalisés, ou en cours de réalisation...».
Mais je ne vous ferai pas attendre plus longtemps pour vous donner des renseignements précis. Nous avons, depuis le vote de l'initiative pour la construction des trois mille logements HBM, réalisé deux cent onze logements, qui ont représenté 66,5 millions et qui ont été dotés à hauteur de 13,8 millions, grâce à votre accord.
Nous avons deux cent vingt-quatre logements en construction, qui représentent 80 millions et des dotations de pratiquement 23 millions. Nous avons en projet près de quatre cent cinquante logements. Je les situe pour être précis : à la route de Saint-Julien, à l'avenue Soret - c'est un projet assez important d'une soixantaine de logements - à l'avenue de la Roseraie, au Nant-de-Crève-Coeur à Versoix, à la rue Jean-Simonet, à la rue de Lancy, à la route du Pont-de-la-Fin, au périmètre Battelle et au périmètre Cressy. J'espère pouvoir ajouter le nom de Lancy, et souhaite également que le plan localisé de quartier de Thônex-Vallard - dossier bloqué depuis bientôt quinze ou vingt ans - pourra enfin avancer. Nous ne sommes pas responsables de ce blocage.
Et puis, sans vouloir polémiquer, si nous avions pu construire quelques logements sociaux à Sécheron, cela n'aurait pas été négligeable. Si l'on pouvait en construire sur le périmètre de Tavaro, cela serait également très positif. Quand la Ville de Genève déclare qu'il faut laisser des friches industrielles et ne pas construire de logements sociaux sur le périmètre de Tavaro, comprenez, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il n'est pas toujours simple de trouver des terrains appropriés pour réaliser le programme que vous appelez de vos voeux et que j'aimerais conduire à son terme dans la mesure que je préciserai tout à l'heure. Les projets que je viens d'évoquer représentent plus de 130 millions et 25 millions environ de dotations.
Cela étant, durant la même période, nous avons acheté et rénové des immeubles : nonante-cinq logements pour 14,5 millions et 5,5 millions de dotations. Nous avons à l'étude environ onze immeubles, deux cent quatre-vingts logements pour 32,5 millions et 11,5 de dotations. Nos projets d'achat portent sur vingt-cinq logements, pour un montant de 6,5 millions et 2,2 millions de dotations. Le total de ces achats d'immeubles se monte à 53,5 millions et le total des dotations à 19,2 millions. Les rénovations terminées s'élèvent au nombre de huit cent cinquante-huit. C'est bien de vouloir construire, mais encore faut-il entretenir ce qu'on possède déjà ! Je vous l'ai déjà dit et je vous le répète : les travaux se situent à hauteur de 43 millions environ et deux cent trente-quatre logements sont en cours de rénovation. (L'orateur est gêné par les bavardages des députés libéraux. La présidente tape sur sa cloche pour ramener l'ordre.) Franchement, ce n'est pas très sympa !
La présidente. Mesdames et Messieurs les libéraux, c'est votre conseiller d'Etat qui s'exprime !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Les rénovations en cours portent sur un montant de 14 millions, les projets de rénovation sur cinq cent quarante-huit appartements et 38 millions. C'est dire, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons lancé un programme de rénovation de nos immeubles qui touche mille six cent quarante appartements et qui représente 95 millions de travaux ! Notre plan décennal concernant les rénovations s'élève à 300 millions de travaux. Jamais un programme aussi soutenu n'a été conduit dans le domaine des HBM ! Alors, oser dire qu'il ne se passe rien est tout à fait faux ! Peut-être n'avez-vous pas eu l'opportunité de prendre connaissance de ces chiffres, mais je sais qu'un certain nombre de personnes dans cette salle les connaissait, ce qui ne les a pas empêchées de s'exprimer comme elles l'ont fait. Si mes propos ont pu les rassurer, tant mieux !
Il est vrai que le programme des trois mille logements n'est pas engagé, et la situation ne nous permet pas de penser qu'on pourra le réaliser. On peut penser ce qu'on veut du ton employé par M. Kunz, mais au moins son discours comporte une certaine lucidité par rapport aux chiffres et au temps dont on dispose. Un programme de trois mille logements - l'ancien Conseil d'Etat l'avait dit à cette époque... (L'orateur voit M. Grobet discuter avec M. Ferrazino.) Allez, Monsieur Grobet, soufflez donc à M. Ferrazino ce qu'il devra dire tout à l'heure !
Une voix. Il n'a pas besoin de ça !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. En effet, en principe il n'a pas besoin de ça !
Une voix. Vous voulez qu'on vous aide ?
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Non, ce n'est pas nécessaire !
M. Christian Grobet. Essayez de construire !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Oui, c'est cela ! Vous avez empêché de construire pendant douze ans, alors je vous en prie !
Ce programme représente 1,2 milliard. Ce sont des chiffres exacts. Pour pouvoir le conduire à son terme, ce sont plus de 350 millions de dotations qu'il faudra verser. C'est une réalité. Quand certains prétendent que rien n'a changé depuis 1991, c'est faux ! Si les choses ne se présentaient pas très bien en 1991, aujourd'hui, elles se présentent encore plus difficilement. Nous n'avons pas été freinés dans notre élan pour cette seule raison, mais également parce que les disponibilités en terrains étaient insuffisantes pour réaliser des HBM à un prix raisonnable.
Mesdames et Messieurs, pourquoi ai-je commencé par acheter des immeubles anciens ? Parce qu'en 1991/92 les constructions ainsi que les terrains coûtaient trop cher. Cela aurait été faire un mauvais usage des deniers publics que de concentrer des sommes excessives sur quelques réalisations. Il était plus intelligent d'acheter des immeubles anciens à des prix raisonnables. Ce n'était pas s'éloigner de l'initiative que de le faire, puisque celle-ci prévoit, précisément, que nous pouvons acheter des immeubles anciens. Sept cent cinquante appartements sont prévus dans le programme en question. C'est une bonne partie de ce programme de l'initiative et de celui du Conseil d'Etat que j'ai pu réaliser avec votre aide; c'est dire que le programme est engagé.
Dès qu'il a été possible de construire à un prix moins élevé, j'ai dit clairement aux représentants du Rassemblement que je serai loyal dans mon engagement, et que nous soutiendrons tous les projets que nous pourrions soutenir. C'est ce que nous faisons.
Nous n'atteindrons probablement pas le chiffre des trois mille logements, mais vous aurez la satisfaction d'avoir apporté indiscutablement une contribution déterminante pour que les logements sociaux, dont nous avons absolument besoin, soient réalisés. J'ai même indiqué que l'objectif de trois mille logements ne suffisait pas. Mais il ne faut pas seulement parler de HBM, même si ce mot sonne bien à l'oreille; il faut parler d'une politique sociale de manière plus globale. Certains appartements HLM coûtent meilleur marché que des HBM ! Certains appartements libres coûtent meilleur marché que des HBM ! Ce qui intéresse les locataires c'est d'avoir un loyer raisonnable pour un appartement qui soit agréable. C'est donc dire que la politique sociale ne passe pas seulement par les HBM. Le sujet est plus vaste que cela, et les spécialistes de ce secteur le savent bien.
J'ose espérer qu'au cours de ces prochains mois nous aurons les soutiens nécessaires pour pouvoir débloquer un certain nombre d'opérations qui nous permettront de réaliser le programme évoqué.
Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été plus long que je ne le suis d'habitude, parce que je tenais à vous donner des précisions et à localiser les objets que nous avons réalisés, ou ceux sur lesquels nous avons des projets. Mais c'est un véritable plaisir pour moi de vous préparer un document en bonne et due forme, qui vous précisera ce que nous avons fait et quelles sont nos intentions, en sachant d'ores et déjà que je peux compter sur l'unanimité de ce Grand Conseil pour activer cette politique en matière de construction de logements sociaux.
La présidente. Monsieur Christian Ferrazino, c'est la troisième fois que vous prenez la parole !
M. Christian Ferrazino (AdG). Je prends acte des constats qui viennent d'être faits par M. Haegi.
Tant mieux si l'effort du Conseil d'Etat se manifeste et continue à se manifester ! Seulement les chiffres que vous avez cités ont été remis au Rassemblement. Cela est vrai, mais alors il faudrait préciser qu'ils portent sur une période allant de 1990 à 1994, soit avant l'adoption de la loi par ce parlement, puisque - je vous le rappelle - elle remonte au mois de juin 1991. C'est dire que le nombre exact est malheureusement bien inférieur à celui qui découle des statistiques que vous venez de donner. C'est ce que le Rassemblement a d'ailleurs souligné.
Vous aviez certainement raison de répondre ainsi à la loi, puisque sept cent cinquante logements devaient être achetés, mais, Monsieur Haegi, vous citez deux cent quatre-vingts logements achetés, nonante-cinq logements achetés et rénovés et un projet d'achat de vingt-cinq logements. Mais acheter des logements ne crée pas de logements, puisqu'ils existent déjà ! L'effort doit porter en priorité sur la construction de logements, Monsieur Haegi !
Je vois que M. Gardiol m'écoute avec attention, tant mieux, car ce que je vais dire intéresse vos milieux ! Construire aujourd'hui des logements sociaux en fonction d'une demande existante, c'est permettre au secteur du bâtiment la relance qu'il attend depuis longtemps. Il ne faut donc pas se cantonner à acheter des logements existants, qui ne procurent aucun logement supplémentaire sur le marché. En construisant des HBM vous répondez au double souci qui est celui d'augmenter le parc locatif dans son ensemble et de permettre un redémarrage du secteur de la construction.
Enfin, pour terminer, j'aime vous entendre dire, Monsieur Haegi, que le logement social doit rester une priorité. Je partage cette préoccupation, mais j'en tire des conclusions qui ne sont pas forcément les mêmes que les vôtres ! En effet, j'ai cru comprendre qu'à votre instigation le Conseil d'Etat avait déposé un projet de loi devant ce parlement, actuellement examiné en commission du logement, pour qu'une partie des deniers publics réservés au logement social soit versée à des gens dont les revenus atteignent 100 000 F par année pour pouvoir acquérir leur propre logement. Alors, si nous nous mettons d'accord sur la notion de logement social et qu'il faut donner une priorité au logement social, vous m'accorderez que ce n'est pas pour aider des personnes dont le revenu est déjà très confortable.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Je suis surpris des remarques de M. Claude Haegi. En tant qu'ancien magistrat de la Ville de Genève, je suis étonné qu'il ne soit pas favorable à la diversification dans les communes, soit l'habitat, le commerce et l'industrie. Il dit également que la Ville de Genève s'oppose à des constructions sur les périmètres de Sécheron ou de Tavaro.
Je rappelle - ce qui n'est pas sans rapport avec son mandat de maire de la Ville de Genève et conseiller administratif - l'affaire des Acacias, avec la perte de la Tarex, l'affaire de la SIP, qui a fait perdre un secteur industriel à Plainpalais, l'affaire des Charmilles, où on a créé une importante zone de logements, et c'est tant mieux ! Les secteurs industriels et artisanaux de Genève doivent le rester. Je suis surpris que vous ne soyez pas pour la diversification. Vous qui avez été magistrat de la Ville de Genève, Monsieur Haegi, vous auriez dû vous souvenir de votre ancienne fonction ! La commune d'Onex souffre de ce manque de diversification pour avoir tout axé sur le logement, et l'on voit ce que cela occasionne s'agissant des centimes additionnels.
M. Christian Grobet (AdG). Puisque mon ancien collègue, Monsieur Haegi, m'a pris à partie, je vous donne rendez-vous dans trois ans !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Ça, je l'ai bien compris !
M. Christian Grobet. Mais vous ne savez pas pourquoi je vous donne rendez-vous ! (Rires.) Je vous donne rendez-vous - pas pour ce que vous imaginez ou pour ce que certains imaginent ! - mais pour faire le bilan en matière de construction à Genève, après quatre ans de votre gouvernement.
Vous avez fait allusion au secteur de la construction à l'époque où je dirigeais le département des travaux publics. Lorsque je suis arrivé au département des travaux publics, on construisait à Genève, tous secteurs confondus, pour 1,2 milliard de francs. A la fin des années huitante, on a dépassé la barre des 3 milliards de francs, en francs constants...
M. Claude Blanc. Avec des crédits supplémentaires !
M. Christian Grobet. Oh, écoutez, on en reparlera, Monsieur Blanc ! (Rires.) On en reparlera, parce que j'ai présenté beaucoup de crédits de bouclement sans dépassement réel, et vous le savez ! (Les députés libéraux interpellent l'orateur.) Le volume de la construction a triplé à Genève, et, en moyenne, il y a eu plus de deux mille nouveaux logements par année. Monsieur Haegi, je vous le répète, je vous donne rendez-vous dans trois ans, et on verra si le Conseil d'Etat en fait autant !
M. Armand Lombard. Vous êtes prétentieux !
M. Christian Grobet. Monsieur Lombard, je ne suis pas prétentieux. Je dis simplement que l'on verra les résultats ! Le reste, c'est du blablabla ! Ce sont les chiffres qui comptent.
C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas satisfaits de la manière dont l'initiative des trois mille logements HBM a été concrétisée, car le Conseil d'Etat a consacré beaucoup d'argent à l'achat d'immeubles. Certains immeubles ont peut-être été rachetés à bon escient, suite à des erreurs de gestion d'une institution publique - institution viagère, qui remonte à 1850, gérée par vos amis, comme vous le savez - qui voulait vendre des immeubles d'habitation. Et vous avez bien fait d'éviter cette erreur en rachetant ces immeubles à cette caisse d'assurances sur la vie pour lui sauver la mise.
Comme l'a souligné M. Christian Ferrazino - je me permets de le relever à mon tour - le but de l'initiative, même si elle laissait la possibilité d'acheter des immeubles, portait essentiellement sur la construction de logements nouveaux. Je veux bien admettre qu'il n'est pas facile de réaliser un tel objectif, mais le résultat nous paraît insuffisant. On ne compense pas la création de logements nouveaux par l'achat d'immeubles anciens, ce d'autant plus que, en période de basse conjoncture dans le domaine de la construction, il est évident que les crédits auraient été plus utiles s'ils avaient été affectés à la construction de logements plutôt qu'à l'achat d'immeubles. Du reste, le silence de M. Gardiol à ce sujet est étrange, lui qui, il n'y a pas si longtemps, déposait des motions démagogiques au nom de la FMB pour faire plus d'efforts dans le domaine de la construction. Or, l'achat n'est pas un investissement productif. La rénovation, par contre, joue un rôle positif et nous saluons vos efforts dans ce sens.
Vous avez évoqué le manque de terrains pour les logements HBM. Je crois savoir qu'il y en a tout de même un certain nombre de disponibles. Par voie de conséquence, l'initiative vient à point nommé pour effectuer le recensement des terrains de l'Etat. J'en connais, et vous les connaissez aussi ! (M. Daniel Ducommun interpelle l'orateur.) Oh, Monsieur Ducommun, je sais que les radicaux ont des problèmes après une certaine heure !
La présidente. Monsieur Ducommun, cela suffit !
M. Christian Grobet. M. Ducommun participe à des repas bien arrosés, et il a de la peine...
M. Daniel Ducommun. (Avec force.) Monsieur Grobet, sortez du commun pour une fois ! (Rires.)
M. Christian Grobet. Mon Dieu ! (Rires.) Quelle élévation ! Vous, vous feriez mieux de retourner à la buvette !
Pour terminer, cette motion permettra de faire un bilan global, et c'est avec beaucoup d'intérêt que nous l'attendons.
M. René Koechlin (L). La question posée par les motionnaires est parfaitement légitime. En ce qui me concerne, il y a fort longtemps que je me la pose. Et je n'ai pas attendu l'initiative des trois mille HBM pour le faire.
Des HBM, il y a des années que je cherche à en réaliser ou que je m'efforce de promouvoir ce type de logements, par idéalisme personnel, parce que je suis conscient de la nécessité de construire des logements bon marché, avec l'aide des pouvoirs publics, pour toute une catégorie de la population. Je suis étonné que M. Grobet n'ait pas évoqué, lui qui pendant douze ans présidait le département des travaux publics, les difficultés en tout genre rencontrées par ceux qui veulent construire de tels logements, difficultés nombreuses qui émanent de toute sorte de milieux.
D'abord, il y a les entraves politiques. Lorsque vous présentez un projet de HBM dans une commune, avec tous les éléments en main pour le réaliser, celle-ci manifeste une réticence polie, car la clientèle concernée n'est pas des plus intéressantes d'un point de vue fiscal. Les communes en veulent bien, mais à dose homéopathique, pour reprendre les termes de conseillers municipaux de tous bords !
Et puis, il y a les difficultés structurelles et économiques. En effet, lorsqu'on se propose de construire, il faut d'abord trouver des terrains et, qui plus est, des terrains dont le prix n'est pas prohibitif pour ce type de constructions. Les instances propriétaires, que ce soit une commune ou l'Etat, par le biais d'une fondation, refusent de mettre leurs terrains à disposition à un prix raisonnable. J'en connais pourtant qui pourraient faire l'affaire. Le projet, de plus, doit être économique. Or, des projets de logements économiques, j'en ai plein mes tiroirs; toutefois, ils impliquent un certain nombre de restrictions nécessaires. Par exemple, ils ne comportent pas de sous-sol, et les places de parking sont en surface. Essayez d'obtenir des communes, ou des services publics concernés, des places de parking exclusivement en surface et vous verrez la réponse qu'ils vous donneront ! Ces problèmes d'ordre structurel et technique sont réels. Ils ne font qu'amplifier les difficultés rencontrées pour construire ces logements.
Il y a enfin les entraves administratives dont je vous ferai grâce, car elles sont nombreuses, comme pour n'importe quel autre projet d'ailleurs.
Il est facile de réclamer des logements économiques lorsqu'on est demandeur. Mais lorsqu'on est à la place de celui qui cherche à les offrir, honnêtement et sincèrement, je peux vous dire que cela n'est pas facile. Pourtant, ce n'est pas la volonté qui fait défaut. Monsieur Grobet, si vous êtes intellectuellement honnête, vous reconnaîtrez que j'ai cherché maintes fois à réaliser de tels logements.
Je sais gré au conseiller d'Etat chargé du logement d'accepter cette motion, car elle est un stimulant de plus, utile non seulement sur le plan politique, mais aussi sur les plans technique et professionnel. J'y suis donc favorable, tout en sachant qu'une motion n'est qu'un texte et du papier, un manifeste d'intentions qui se traduit par des questions posées à l'exécutif cantonal qui, lui, en dépit de toute la bonne volonté qu'il prodiguera, ne pourra pas obtenir les résultats sensationnels auxquels on pourrait s'attendre. Nous devons tous contribuer à aider l'exécutif et, avec lui, les personnes qui cherchent à réaliser ce type de logements; alors peut-être qu'on en réalisera davantage, mais c'est une condition sine qua non ! (Applaudissements.)
M. Jean Opériol (PDC). J'aimerais simplement décanter et «objectiviser» le débat.
Il est certain que les propos de M. Koechlin sont parfaitement vrais. Nous pourrions imaginer ce soir un scénario extrêmement simple, positif et sain, au terme duquel les dotations en fonds propres, dont les fondations HBM ont besoin pour réaliser leurs immeubles, seraient votées sans sourciller par ce Grand Conseil. Trois mille HBM, c'est environ 1 milliard à 1,3 milliard de construction et c'est 300 ou 400 millions de dotations en fonds propres ! Nous avons déjà voté, à réitérées reprises, de telles dotations au crédit des fondations qui ont réalisé des HBM, mais à votre avis elles n'en ont pas assez fait.
Comme M. René Koechlin l'a souligné - je le répète - devant un scénario le plus favorable possible : à savoir un consensus général pour une politique sociale du logement digne de ce nom, nous nous trouvons face à la réaction des communes, qui sont toutes opposées, systématiquement et souvent pour des raisons fiscales évidentes et crédibles, à l'implantation de tels logements chez elles. Ces communes, comme le canton, ont des problèmes de trésorerie, de budget, et ce n'est évidemment pas la population des HBM qui les intéresse. Au contraire, elles préfèrent une population d'accédants à la propriété.
Ma proposition est la suivante : il faut renvoyer cette motion à la commission du logement, dont la première tâche sera d'inviter les communes genevoises et l'Association des communes genevoises à s'expliquer sur cette attitude absolument «négativiste» en la matière. Quand elles nous auront expliqué qu'elles n'en veulent pas ou qu'elles n'en veulent plus, nous serons dédouanés et nous aurons bonne conscience !
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Je ne pensais pas intervenir dans ce débat qui ne se passait pas trop mal, avant que M. Grobet, perturbateur de ce Grand Conseil... (Manifestation.) ...vienne de nouveau nous démontrer qu'il a toujours été blanc comme neige et que sa politique relevait de celle de l'agneau le plus gentil du troupeau !
Monsieur Grobet, si la FMB souhaite effectivement que notre canton réalise plus de travaux aujourd'hui, elle soutient également totalement le plan quadriennal mis en place par le Conseil d'Etat. Ce plan répartit le mieux possible les investissements, les autres tâches dans le domaine du social, tout en conservant des chiffres acceptables pour limiter le déficit du budget de l'Etat et, à terme, le rétablissement des finances de l'Etat.
Vous avez évoqué la progression des sommes investies dans la construction pendant ces dernières années, qui sont passées de 1,2 à 3 milliards. Eh bien, Monsieur, je vous dirai que nos entreprises ont dû s'adapter à cette forte demande. Vous avez donc créé artificiellement des places de travail. En effet, durant toutes ces années, l'Etat aurait dû injecter l'argent nécessaire à la construction en complément du secteur privé pour faire tourner cette industrie. Alors, au lieu de dilapider les fonds publics comme vous l'avez fait pour atteindre 3 milliards d'investissement, vous auriez mieux fait d'en garder un peu pour réaliser aujourd'hui une politique anticyclique. (L'orateur est chahuté.) Pire, Monsieur Grobet, les dépassements de crédits, qui vont bientôt être présentés devant ce Grand Conseil, prétéritent les emplois futurs. En effet, ces millions de dépassements empiéteront sur les investissements futurs de l'Etat, tout cela parce que les chantiers n'ont pas été très bien coordonnés.
Je regrette d'entendre de tels propos de la bouche de l'ancien chef du département. Les blocages dont il est responsable et les recours qu'il a manipulés dans notre République ont découragé beaucoup d'investisseurs extérieurs au canton, vous le savez, et, malheureusement, ceux-ci tardent à revenir !
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Gardiol, je ne sais pas si cela valait la peine d'intervenir pour dire des choses aussi pitoyables.
M. Jean-Pierre Gardiol. C'est vous qui m'avez attaqué le premier !
M. Christian Grobet. Vous avez réussi en deux minutes à me rendre responsable d'avoir trop construit à Genève et en même temps d'avoir été à l'origine des blocages. Il faudrait savoir ! J'ai trop autorisé ou j'ai trop bloqué ? Il faudrait tout de même choisir ! Personne n'est un agneau. Que vous fassiez de moi votre bouc émissaire, je le veux bien, mais alors choisissez entre vos deux versions, car cela ne tient pas debout !
D'autre part, Monsieur Gardiol, vous avez un certain culot de prétendre que j'ai dilapidé les fonds publics dans la mesure où les projets de construction que j'ai eu l'honneur de réaliser dans le cadre du département des travaux publics ont tous été votés par ce Grand Conseil ! Le Conseil d'Etat - vous le savez aussi bien que moi - ne peut pas réaliser des projets de construction sans qu'ils soient votés au préalable par ce Grand Conseil. Votre intervention à ce sujet est donc parfaitement grotesque. A vrai dire, je ne pensais pas répondre à des remarques aussi basses !
Je voulais intervenir - une fois n'est pas coutume - pour souscrire intégralement à l'analyse de M. Koechlin. Vous me permettrez, Monsieur Koechlin, d'ajouter encore deux points sur lesquels vous serez probablement d'accord. Vous avez cité quatre difficultés.
Il y en a une cinquième : je veux parler des exigences non pas du département des travaux publics, qui ne fait qu'appliquer la loi sur les constructions, mais de celles des services chargés du contrôle des logements subventionnés. Sur le plan qualitatif, les exigences fixées sont très élevées. Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur mes propos; il ne s'agit pas de faire du bon marché qui, comme vous le reconnaissez vous-même, est toujours cher à l'entretien. On peut faire de la construction de bonne qualité mais qui soit simple. Il est vrai que les critères exigés sont extrêmement élevés pour ce genre de logements et, d'ailleurs, les milieux de la construction s'en plaignent. Ce problème doit être revu pour que ces logements HBM, sans tomber dans une qualité médiocre, n'aient pas les mêmes qualités de confort que les logements de plus haute catégorie.
Je souscris également aux propos de M. Opériol s'agissant de l'attitude pitoyable des communes. Hélas, toutes les communes sont réticentes à l'accueil de tels logements, quoique la Ville de Genève échappe à cette constatation. Je me souviens du temps où M. Ducret essayait de faire comprendre à certaines communes qu'il était plus intéressant fiscalement d'avoir des locataires de logements HLM que des propriétaires très endettés, qui, pouvant déduire fiscalement leurs intérêts hypothécaires, étaient finalement de mauvais contribuables. Souvent les communes se faisaient des illusions sur l'importance fiscale des locataires par rapport à des propriétaires.
Enfin, je voudrais soulever un dernier aspect du problème. Pourquoi les HBM ne se sont-elles pas réalisées ? Parce que pendant huit ans le Conseil d'Etat ne l'a pas voulu : il voulait des HLM ! Cela ne venait pas du département des travaux publics ! Je n'ai pas besoin de faire un dessin ! Je ne tiens pas non plus à critiquer quiconque, puisque cette politique était menée par le Conseil d'Etat.
Par contre, je vais rendre hommage à M. Haegi, car à son arrivée au Conseil d'Etat il a relancé la construction HBM, même si elle n'est pas suffisante. Tout ce que nous vous demandons, Monsieur Haegi, c'est que cette politique soit davantage axée sur la construction que sur l'achat. Les solutions existent malgré les difficultés. Le travail en commission consistera à les analyser pour essayer de les aplanir. Il faut interpréter notre motion dans un sens constructif, parce que nous tirons sur la même corde !
M. Laurent Moutinot (S). M. Opériol a demandé le renvoi de cette motion en commission. Il me semble que cela est inopportun, car elle manque de précisions s'agissant des chiffres, des opérations et des terrains. Seul le Conseil d'Etat est en mesure de nous les donner, et ce n'est pas à la commission du logement que nous pouvons faire cette étude.
En revanche, le problème soulevé par M. Opériol est intéressant et important, c'est-à-dire la collaboration entre les communes et l'Etat pour la construction de logements. Mais ce sujet n'est pas directement lié à cette motion et ce problème ne concerne pas seulement les HBM.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous propose, à une autre occasion et par un acte parlementaire adéquat, de revenir sur le rôle des communes en matière de logement.
M. Bernard Lescaze (R). Certains problèmes soulevés ce soir sont effectivement très importants. Contrairement à ce que pense le dernier préopinant, M. Opériol a dit quelque chose de capital, directement lié à cette motion, si nous avons réellement la volonté de ne pas être hypocrites et de faire des HBM comme tout le monde a l'air de le souhaiter, puisque c'est la catégorie de logements dont nous avons besoin.
Dans le tableau annexé par les motionnaires, on constate que neuf communes seulement peuvent être mises au tableau d'honneur pour abriter des logements HBM. Toutes les autres - absolument toutes - n'ont aucun logement HBM ! Or, des députés qui siègent dans ce parlement font partie de ces communes. Nous ne sommes pas complètement déconnectés - du moins, je l'espère, contrairement à ce qu'a l'air d'insinuer M. Moutinot - de la vie communale.
Nous devons prendre notre bâton de pèlerin pour faire adopter la possibilité de construire des logements HBM dans ces communes, comme c'est le cas à Genève - que j'ai l'honneur de représenter en partie ici - comme c'est le cas à Vernier, etc. Bien entendu, je n'ai pas l'illusion de penser que l'on va construire des HBM à Cologny, à Céligny, à Vandoeuvres ou à Chêne-Bougeries, mais nous avons tout de même des députés dans d'autres communes. Je remercie M. Opériol d'avoir mis le doigt sur ce problème. Quant à M. Koechlin, qui est un député très influent - notamment dans une des communes que je viens de mentionner - il aura, je le pense, à coeur d'aider les magistrats concernés pour résoudre ce problème. Tout le reste n'est que littérature !
M. Olivier Vaucher (L). Je voudrais juste dire à M. Lescaze que, contrairement à ce qu'il croit - et je fais également partie d'une commune - si certaines communes n'ont pas d'immeubles HBM, elles subventionnent leurs logements communaux pour que les loyers de ceux-ci correspondent à des loyers HBM !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. J'ai rencontré, il y a quelques semaines, les représentants des syndicats de ce canton pour évoquer les problèmes du logement. L'un deux a utilisé le mot «paix du logement» pour définir la situation dans laquelle nous nous trouvions, sans dire qu'il était totalement satisfait de la situation, mais reconnaissant que les tensions que nous avons connues n'étaient en tout cas pas les mêmes qu'avant et que la situation s'était largement décrispée.
Le débat de ce soir le confirme malgré les mots que vous avez échangés - pas toujours d'une folle tendresse - car il démontre, en réalité, qu'il y a un dénominateur commun : la volonté politique unanime de ce Grand Conseil de mener une politique active dans le domaine du logement. Ce soir, vous me comblez ! Je me sens particulièrement bien préparé pour revenir dans quelques semaines avec le train de crédits qui permettra d'engager la phase suivante du programme HBM dont nous avons parlé. Nous serons à l'aise également pour parler de terrains bon marché, puisqu'il en faut pour réaliser ce programme.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs, de ne pas schématiser la situation d'une manière extrême en ce qui concerne les communes. Certaines ont subi des concentrations regrettables par manque de politique de diversification du logement. Ces erreurs ont été commises dans tous les pays. Nous avons destiné l'espace d'Onex aux logements sociaux, et, ce faisant, nous avons pénalisé gravement cette commune en négligeant son équilibre. En ne lui laissant pas la liberté de choisir les activités qu'elle voulait développer, on la privait également d'un développement harmonieux.
Nous devons tenir compte de ces paramètres, car, lorsque la commune a un nombre d'habitants relativement réduit, un projet de plusieurs centaines de logements transforme les données et provoque des investissements considérables. Vous ne pouvez pas mettre les communes de ce canton ainsi au pilori, sans dialogue préalable pour les convaincre d'accepter des logements diversifiés. C'est ce que je tente de faire en imaginant des modifications de la loi générale sur le logement pour assouplir celles qui concernent les HLM. Nous travaillons avec le Rassemblement et avec la Chambre genevoise immobilière pour trouver une formule qui nous permette d'obtenir ce panachage social.
M. Lyon a cru devoir me rappeler que j'avais été magistrat de la Ville; comme si je l'avais oublié ! Je vous rappelle, Monsieur Lyon, que, lorsque je me trouvais à la Ville et que nous avons dû négocier avec l'Etat le problème du périmètre des Charmilles, nous nous étions, M. Segond et moi-même, particulièrement battus pour que le même nombre de mètres carrés soit maintenu dans les immeubles qui devaient longer la rue de Lyon, immeubles qui sont restés en zone industrielle. Ces mètres carrés n'ont pas été construits et ne le sont toujours pas aujourd'hui. D'ailleurs, s'ils avaient été construits nous aurions eu des difficultés à trouver des acquéreurs. Il faut tenir compte de certaines réalités. Monsieur Lyon, c'est comme cela ! Avant d'énoncer que l'on veut une diversification il faut tenir compte de l'évolution. Aujourd'hui, on n'installe pas des industries au coeur des villes : c'est une réalité ! Parler de friche industrielle sur Tavaro me semble une aberration, mais j'ose espérer qu'à la Ville comme ici se dégagera un courant empreint de bon sens qui nous permettra de construire quelques logements.
Monsieur Grobet, vous me donnez rendez-vous dans trois ans pour savoir si nous aurons réussi à construire autant de logements qu'à une époque passée. Si nous ne sommes pas confrontés à des oppositions systématiques et plus ou moins occultes de gens plus ou moins concernés qui interjettent des recours à chaque fois qu'un projet est présenté, nous y arriverons peut-être ! Il y a même des touristes de l'opposition dans ce canton que l'on retrouve à peu près dans tous les quartiers - même s'ils ne sont pas concernés - et qui sont largement responsables des blocages que nous avons rencontrés pour construire. Puissions-nous écarter ces touristes de l'opposition et on construira ! (Des applaudissements et des bravos fusent.)
La présidente. Je mets aux voix l'amendement suggéré par M. Claude Haegi.
M. René Koechlin (L). Madame la présidente, avant de parler d'amendement, je vous rappelle qu'il a été demandé que cette motion soit renvoyée en commission.
La présidente. C'est exact, Monsieur Koechlin, le renvoi en commission prime.
. .
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. Moutinot avait raison, lorsqu'il rappelait le cadre de la discussion. Dans quelques semaines, je vous proposerai le projet pour les 30 millions et vous discuterez automatiquement des HBM en commission. Je vous suggère, Monsieur le député, pour éviter d'avoir deux débats sur le même sujet, d'attendre ce moment-là.
La présidente. Je mets aux voix l'amendement suggéré par M. Claude Haegi, à savoir modifier la première invite de cette motion :
«à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, achetés, à acheter, réalisés ou en cours de réalisation...».
Cet amendement est adopté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la construction de logements HBM d'ici l'an 2000
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
la situation du logement à Genève, en particulier le manque de logements bon marché;
la loi pour un plan d'urgence-logements du 21 juin 1991 prévoyant la création d'au moins 3 000 logements bon marché dans un délai de huit ans (I 5 23);
le faible nombre de logements HBM construits depuis l'adoption de cette loi;
la nécessité d'accentuer les efforts de l'Etat dans le domaine de la construction de logement sociaux,
invite le Conseil d'Etat
1. à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, achetés, à acheter, réalisés ou en cours de réalisation depuis l'adoption de la loi instituant un plan d'urgence-logements;
2. à indiquer quelles sont les opérations prévues en vertu de cette loi;
3. à faire connaître les terrains recensés pour la construction de logements HBM, en précisant notamment s'il est prévu d'en édifier sur la parcelle rachetée à l'institut Battelle, route de Drize.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Principe général et urgence
La notion de région n'est plus un concept intellectuel éthéré. Elle est une exigence de l'équilibre de vie d'une communauté. Une frontière où des habitudes ne peuvent voiler le fait que l'entité de base dans une Europe de ce jour est celle qui regroupe au minimum 2 millions d'habitants. Ce seuil est celui qui offre la qualité des services, un approvisionnement économique et technique suffisamment autonome, un réservoir de compétences et une masse de clients potentiels moteurs d'une société durable. Dans le domaine culturel, une «masse critique» insuffisante ne permet pas une présence rentable de public; dans le domaine de la santé, une population insuffisante ne permet pas à des équipes de technologies de pointe de traiter assez de cas pour être qualitativement opérationnelles. Il est temps, ainsi, de placer en priorité politique l'établissement d'une région lémano-genevoise.
Travaux de la commission
La commission des affaires régionales s'est réunie sous la présidence de M. Armand Lombard les 21 septembre, 14 octobre et 1er novembre 1994, puis sous celle de M. David Revaclier le 22 novembre et le 6 décembre 1994 en présence de M. Michel Baettig, responsables des affaires régionales au département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales.
Au cours de ces réunions, la commission s'est penchée sur le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant la politique régionale du 13 avril 1994 (RD 221). L'objectif de la commission a été de dégager du rapport du Conseil d'Etat un certain nombre de pistes d'actions prioritaires à soumettre au Grand Conseil pour dynamiser et soutenir l'action de l'exécutif genevois dans un domaine où il est urgent d'agir afin de rester concurrentiels et efficaces face à l'extérieur.
La commission a auditionné dans ce sens et pour éclairer les étapes de ce projet:
M. Bernard Busset, président de la CCIT, commission consultative intercantonale et transfrontalière (Meyrin, Satigny, Grand-Saconnex, Saint-Genis, Prévessin, Ferney);
M. P. Milleret, vice-président de l'AGEDRI, Mme A. Stroumza, M. D. Linglin, maire de Cergy (Ain);
M. J.-M. Froidevaux, du Mouvement européen de Suisse (MES); Mme N. Herren MES, M. F. Saint-Ouen, Centre européen de la culture, MES;
M. A. Dunkel, président de la fondation «Un avenir pour Genève»;
Mme N. Duruz, responsable de la commission Santé de l'AGEDRI;
M. C. Lamprecht, président de l'Association des communes genevoises;
M. F. Taschetta, département fédéral des affaires étrangères.
Par petits groupes de travail, la commission a alors travaillé sur les axes prioritaires qu'elle a retenus et élaborés dans le présent document. Plusieurs de ses propositions ne sont en fait que la reprise d'actions existantes du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales à propos desquelles elle souhaite que l'effort le plus grand soit fait car elle ressent très clairement l'urgence de la régionalisation pour que la communauté genevoise garde une place de bon rang dans le développement économique, social et environnemental européen.
La présente motion servant d'ossature aux rapports annuels du conseil d'Etat sur la région ne devrait pas subir le sort de l'excellente motion 606 de la commission, du 14 septembre 1989, restée dans un oubli trop profond.
Les 6 points servant d'invite à cette motion sont ressortis parmi beaucoup d'autres évoqués comme des pistes plus particulièrement urgentes et aujourd'hui prioritaires. Environnement, aménagement, transports font pour leur part déjà l'objet de discussions ou de plans. D'autres aspects (formation, recherche, etc.), sont également vitaux pour le développement de la région et ne devront pas être négligés.
Reprise des différentes invites
1. Développer une structure de décision régionale
Il appartient au Conseil d'Etat d'établir clairement une structure à trois niveaux qui résulte de l'existence actuelle de modèles d'institutions régionales différents mais complémentaires et d'établir un échéancier concrétisant l'offre genevoise, en vue de passer activement des objectifs à la réalisation.
A. Les trois modèles existants sont les suivants:
1. Le premier regroupe des deux côtés d'une frontière nationale ou cantonale les professionnels, entrepreneurs, spécialistes du social ou gens de la culture ou de l'environnement intéressés à trouver une masse critique pour réaliser un projet ou à promouvoir un mode de fonctionnement extraterritorial. Un lieu important de regroupement est aujourd'hui l'Agedri avec sa forte capacité d'initiative et de réflexion constructive. Il existe aussi les Unions lémaniques (les syndicats en envisagent la création), les chambres de commerce, des chambres d'agriculture et de l'artisanat, etc.
2. Le second tend à réunir des communes de souches publiques différentes mais limitrophes. Les regroupements communaux de la CCIT (Meyrin, Ferney, etc.), des riverains de la route de Chêne (Annemasse, Gaillard, les Trois Chêne) et bien d'autres forment des centres de convergence efficaces dans l'organisation de la vie locale.
3. Le troisième regroupe les élus politiques de niveau cantonal (conseillers d'Etat et députés) et leurs vis-à-vis (conseillers généraux, etc.) dans le cadre du comité régional franco-genevois, du Conseil du Léman ou, à un niveau plus large, de la Cotrao.
B. La structure régionale à développer établit un système original et efficace à trois niveaux:
les professionnels du premier niveau sont la société civile. Ils forment une (des) chambre(s) consultative(s) à droit d'initiative dont la créativité doit être un moteur de la région, une sorte de conseil économique et social actif;
le niveau 2 intercommunal est un atelier d'essais pilotes pour la région, certaines des initiatives de groupes de communes pouvant être étendues à une large participation. Il pourrait être l'esquisse surtout, dans une réunion générale périodique évoquée par l'ACG, d'une assise parlementaire d'élus;
le troisième niveau est celui d'un exécutif régional qui, au-delà des trois conseils existant actuellement, doit devenir un organisme structuré et efficace.
Dans un premier temps l'action sera principalement de type consultatif, puis, dans un deuxième temps, déterminée par des accords internationaux comme le protocole additionnel de la Convention de Madrid, non encore en vigueur, avec l'attribution de certains pouvoirs et donc de compétences décisionnaires. Le Conseil fédéral, au travers du discours 1994 de M. F. Cotti au Grand Conseil de Saint-Gall, soutient activement de tels efforts régionaux.
La motion invite ainsi le Conseil d'Etat:
a) à évaluer les différents modèles de structures régionales développés en Europe;
b) à déterminer de concert avec les partenaires régionaux et les services du département fédéral des affaires étrangères une position du canton quant aux structures à mettre en place sur 5 ans pour la région genevoise lémanique;
c) à établir un calendrier par étapes des modèles choisis.
2. Une représentation régionale dans les établissements publics
La présence de représentants vaudois ou français dans des institutions publiques genevoise est une forme de collaboration qu'il y a lieu d'intensifier. La réciproque sera recherchée par nos partenaires régionaux.
S'agissant des principaux établissements genevois, on relèvera:
que l'aéroport comporte déjà au sein de son conseil d'administration deux représentants proposés par les chefs des départements de l'économie publique des cantons romands et un membre désigné sur proposition des présidents des Conseils généraux des départements français limitrophes;
que la loi récente sur les établissements hospitaliers prévoit une représentation régionale;
qu'aux Transports publics genevois, un membre du conseil d'administration représente la région frontalière française.
En revanche, à l'université, aux Services industriels et à la Banque cantonale de Genève, aucun siège n'est réservé dans cette optique et, souvent même, la nationalité suisse est requise.
Il est d'ores et déjà concevable que le Grand Conseil ou le Conseil d'Etat, lorsqu'ils choisissent les membres des organes de ces différents établissements, choisissent l'un ou l'autre représentant de la région. Il serait préférable toutefois qu'une telle coopération transfrontalière soit formalisée.
L'exigence de réciprocité ne devrait pas conduire à un blocage du processus, car la symétrie des formes n'est jamais parfaite. Il est en revanche juste, en mettant en avant nos propres efforts d'ouverture, de solliciter nos partenaires régionaux pour qu'ils accordent à Genève des sièges dans différents organismes d'importance régionale, tels que l'aéroport de Lyon-Satolas, le Centre hospitalier universitaire vaudois, etc.
A ceux qui s'inquiéteraient d'une perte de souveraineté, on rappellera que, tant à l'aéroport qu'au sein des Transports publics genevois, le Conseil d'Etat nomme souverainement les membres des organes et que nos partenaires régionaux n'ont que la faculté de faire des propositions.
Le Conseil d'Etat est ainsi invité à présenter dans son rapport périodique sur la région un commentaire sur la présence de représentants de la région romande et française dans les organes des établissements publics genevois et sur la possibilité d'étendre cette présence, et vice et versa.
3. Identification de projets d'investissements communs
Plusieurs installations cantonales sont utilisées par des usagers de cantons différents. L'aéroport de Cointrin est régional. L'autoroute Lausanne-Genève est intercantonale, le lac relie Valais, Vaud, France et Genève. Le bassin genevois forme une entité environnementale. Chaque installation devra être gérée en commun, sur le plan financier également. Si des compensations fiscales ne peuvent souvent pas être envisagées pour des raisons juridiques entre différentes entités politiques, des gestions financières communes sont souhaitables. Le problème est ici concentré, dans une première phase en tout cas, sur la relation Vaud-Genève qui ne peut rester à un point mort intolérable entre deux entités si proches.
C'est la raison pour laquelle le Grand Conseil invite instamment le Conseil d'Etat:
à identifier les projets d'intérêt régional qui pourraient être développés en commun entre Genevois et Vaudois;
à étudier des économies réalisables et des gestions mieux ordonnées, par l'organisation de transports et l'aménagement du territoire en fonction des besoins communs des Genevois et des Vaudois.
4. Un partenariat santé
La santé régionale exige:
une politique coordonnée globale (destination de l'aile sud de l'hôpital, fusions de services de technologies avancées, ouverture d'un hôpital de soins de base non universitaire genevois, etc.);
une organisation rationnelle et coordonnée des équipements et des professionnels engagés.
L'effort de coordination régionale doit se faire avec le soutien des programmes régionaux européens Interreg et des services fédéraux compétents.
Les objectifs fixés par un groupe de travail de l'Agedri insistent sur quatre pistes:
1. Mieux se connaître entre partenaires de la santé transfrontalière et instaurer une formation continue.
Une coordination entre les centrales d'appel 15 et 144, des contacts entre infirmières et médecins des centres d'urgence des hôpitaux, des cours communs aux médecins généralistes d'urgence, une synchronisation des secouristes, pompiers et ambulanciers sont autant de points de contacts créés par le carrefour santé transfrontalière de l'Agedri.
2. Etablir une carte sanitaire d'urgence.
Un atlas sanitaire transfrontalier est prévu pour 1995.
3. Elaborer «un droit de pratique» transfrontalier.
4. Améliorer le transport sanitaire terrestre.
Le travail effectué à ce jour est remarquable et le Conseil d'Etat est invité à utiliser les groupes de travail existant dans ce domaine pour établir des coordinations propres à améliorer l'offre sanitaire régionale. Il est par ailleurs invité à présenter les grandes lignes d'une politique globale de la santé pour la région
5. Les groupements intercommunaux: vers un Conseil d'élus
Les échanges entre communes transfrontalières se développent avec dynamisme depuis 2-5 ans. Des synergies de ce type sont à soutenir et l'Association des communes genevoises y veille. On peut toutefois prévoir qu'une réunion des communes du bassin français-vaudois-genevois pourrait être la base d'un futur conseil régional (voir point 1 de cet exposé). Là aussi l'Association des communes genevoises est particulièrement bien placée pour empoigner un dossier proposé par son président M. Lamprecht qui devrait trouver auprès du Conseil d'Etat une oreille attentive et positive.
6. Une participation active à une structure d'accueil et de soutien aux organisations internationales
La place internationale est un des principaux atouts de Genève et une des quatre pistes de développement à favoriser au vu des compétences et de l'expérience existantes. Si le domaine diplomatique est réservé à la Confédération, il reste à Genève à stimuler Berne et à rendre accueillant le site et ses avantages. Un suivi actif doit être fait constamment et nécessite une infrastructure permanente placée sous une direction fixe. Une collaboration étroite avec des mouvements tels que la fondation un avenir pour Genève ou un cercle de la presse étrangère doivent être utilisés pour améliorer encore ces services.
Les organisations internationales à leur tour peuvent être sollicitées pour former la population genevoise à une vision large et mondiale des choses. Des interventions auprès de classes ou d'écoles, des participations à des colloques ou la mise sur pied de manifestations périodiques sont des instruments à inventer et à soutenir.
L'accueil à Genève d'un centre international important peut nécessiter de travailler avec la France voisine, pour y trouver des terrains, ou avec le canton de Vaud qui héberge nombre de membres de ces organisations. Une structure régionale de la gestion de la place internationale semble très nécessaire à ce stade dans le cadre du développement régional.
La commission des affaires régionales a confirmé par un vote à l'unanimité des 12 membres présents à sa réunion du 17 janvier son soutien au dépôt de la présente motion. Elle vous recommande vivement, Mesdames et Messieurs les députés, de la soutenir et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
ANNEXE
Résumé de l'exposé du Mouvement européen suisse (MES)
Le MES s'intéresse de près au développement de la région, en ce sens que la région est un espace de vie, que des deux côtés de la frontière (voir le vote du 20 septembre 1992 sur le traité de Maastricht, du 6 décembre 1992 sur l'EEE), on s'est exprimé en faveur de l'intégration européenne, et que tout ce qui peut être anticipé sur cette intégration doit être fait.
A partir de ce constat, le MES est parvenu à la conclusion qu'il fallait adjoindre au modèle à base socio-professionnelle et intercommunal développé par l'Agedri, un modèle de coopération interparlementaire conduisant à un véritable parlement régional avec des élus de type Grand Conseil. Il établit ainsi la complémentarité des institutions, permettant de combler le déficit démocratique constaté dans les institutions de concertation régionale (voir RD 221, pages 36 à 41).
Enfin le MES souligne la convergence entre l'aspiration à l'intégration européenne et l'aspiration au renforcement de la région.
Débat
M. David Revaclier (R). Au cours de l'examen du rapport du Conseil d'Etat sur la politique régionale et à la suite des auditions auxquelles elle a procédé, la commission des affaires régionales a inventorié un certain nombre de pistes de réflexion figurant sous la forme de six invites, qui font l'objet de cette proposition de motion émanant de l'ensemble des membres de la commission.
Je tiens à remercier notre excellent collègue Armand Lombard, qui a rédigé le document de synthèse des propositions des différents groupes de travail de la commission.
Les auditions des responsables des divers groupements ou entités figurant dans l'exposé des motifs ont apporté des informations intéressantes. J'en citerai rapidement quelques-unes :
L'audition de Mme Nicole Duruz, responsable de la commission de la santé de l'AGEDRI. Un grand travail a été accompli pour élaborer une politique coordonnée et globale de la santé pour la région; il est sur le point d'aboutir.
M. Arthur Dunkel, président de la fondation «Un avenir pour Genève» m'a fait une forte impression par ses connaissances approfondies sur les organisations internationales. L'un de ses objectifs est de créer un centre d'accueil pour internationaux, comme il en existe un à New York pour l'ONU. Les nouveaux venus à Genève y trouveraient une réponse à leurs questions pratiques, telles que le logement, l'éducation, les loisirs et autorisations diverses.
Les échanges entre les communes transfrontalières se développent favorablement, et c'est, à n'en pas douter, une forme de coopération intéressante pour apprendre à mieux se connaître et à gérer les problèmes frontaliers locaux. M. Lamprecht, président de l'Association des communes genevoises, propose de mettre sur pied des journées intercommunales transfrontalières. A mon avis, c'est une excellente initiative qui contribuera également à l'affermissement des relations franco-genevoises.
Il appartiendra, en définitive, au Conseil d'Etat, plus spécialement à M. Claude Haegi, chef du département concerné, d'apprécier les principaux points soulevés par ces différentes invites, afin de déterminer la stratégie la plus efficace pour les faire progresser dans le sens souhaité par les motionnaires. Je remercie d'ores et déjà M. Haegi pour les efforts qu'il déploie et qu'il ne manquera pas de déployer, avec l'aide de cette motion pour dynamiser la politique franco-genevoise dans les divers organismes existants, notamment au sein du comité franco-genevois où, sous son impulsion, la coopération franco-genevoise connaît un nouvel essor, je tiens à le relever.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe radical soutient, bien évidemment, cette proposition de motion et vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
M. Armand Lombard (L). Cette motion de la commission des affaires régionales me paraît particulièrement importante. En effet, il faut se rendre compte que la masse critique nécessaire à faire vivre une communauté est de plus en plus élevée - de l'ordre de 1,5 million à 2 millions d'habitants dans les Etats européens. Les grandes régions, telles que la Catalogne, Rhône-Alpes, etc., sont des régions qui comptent 10 millions d'habitants. Cette masse critique de la région genevoise permet de nourrir les institutions qui forment cette communauté; elle rend leur qualité suffisante et satisfaisante. Une équipe médicale dans une technologie de pointe ne fonctionne que si elle est «alimentée», si je puis employer ce terme cynique, par des malades et des cas suffisamment compliqués !
Cette masse critique est importante sur tous les plans : la santé, la culture et l'économie. C'est donc un problème important qui doit être pris en considération dans tous les secteurs du Conseil d'Etat, et pas seulement dans le département de M. Haegi.
Vous aurez remarqué les structures proposées par la commission. C'est un système de structures régionales qu'il semblait nécessaire de mettre en place dans un délai de six à huit ans pour éviter de s'empêtrer dans les structures existantes, comme, par exemple, celle du parlement genevois, afin que l'ensemble fonctionne de manière cohérente et équilibrée.
Ces structures ont été établies par la commission comme un projet à trois niveaux :
- le premier niveau comprend les associations civiles, telles l'AGEDRI, qui, par leur travail de base sur le terrain, ont un droit d'initiative par rapport aux instances plus élevées. Dans le domaine de la santé, grâce à Mme Nicole Duruz, l'AGEDRI a élaboré un programme remarquable de propositions sur le travail des ambulances au niveau des frontières, au niveau des échanges entre hôpitaux.
C'est une structure professionnelle privée qu'il est important de créer avec un droit d'initiative. Cette structure n'entre pas en compétition avec les autorités exécutives, mais elle a un droit d'initiative, et il faut l'écouter, parce qu'elle étudie les projets;
- le deuxième niveau comprend un conseil d'élus - pour Genève il pourrait s'agir d'élus communaux - qui échangeraient les idées et les informations. Il contrôlerait également les projets en cours;
- le troisième niveau comprend un exécutif. «Ça fume un peu», effectivement, comme le dit un de mes sympathiques collègues, parce que cette structure ne va pas être imposée à la région, mais elle va être suggérée dans les grandes lignes pour y être appliquée petit à petit. On a déjà essayé d'introduire une structure, il y a environ un ou deux ans, dans ce Grand Conseil; elle a été massivement refusée par les autorités et les instances françaises. Il faut donc suggérer une idée directrice sans vouloir immédiatement fixer toutes les lignes. Cette structure exécutive devra se concevoir à partir du Comité régional franco-suisse ou à partir du Conseil du Léman pour gérer les affaires régionales qui pourront lui être déléguées.
Voilà donc ce que la commission des affaires régionales a cru bon de vous proposer dans ce domaine. Cela nous semble extrêmement important pour éviter les malentendus.
Je souhaite que cette motion ne soit pas simplement un enterrement...
M. John Dupraz. De première classe ?
M. Armand Lombard. ...qui se fasse dans la lassitude et l'ironie du Grand Conseil, en fait peu soucieux de ces problèmes. Ils sont moins importants que le logement, mais ils sont essentiels pour la vie économique et culturelle du pays. Après des semaines de travail en commission, je souhaite que cette motion soit accueillie favorablement par le Conseil d'Etat - M. Haegi a beaucoup accompagné le travail de cette commission - et qu'elle fasse l'objet d'un véritable programme gouvernemental en direction de la France, vers ces villes et ces campagnes, pour qu'elles forment un tout dans les années à venir.
Je vous prie donc de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je remercie M. le président de la commission, M. Revaclier, de ses propos et de l'impulsion donnée par la commission à notre politique régionale, ce qui n'est pas évident. C'est pourquoi je vous exprime ma reconnaissance.
Vous introduisez tout de même dans cette motion, que vous commentez avec modestie, quelque chose de nouveau et de fondamental dans l'exposé des motifs. Il s'agit du point 6, à savoir une structure d'accueil et de soutien aux diplomates et aux fonctionnaires des organisations internationales. Vous nous invitez à collaborer avec la fondation «Un avenir pour Genève», ce que nous faisons déjà pour créer quelque chose qui ressemble au comité d'accueil qui se trouve à New York. Vous ajoutez que : «L'accueil à Genève d'un centre international important peut nécessiter de travailler avec la France voisine, pour y trouver des terrains, ou avec le canton de Vaud, qui héberge nombre de membres de ces organisations. Une structure régionale de la gestion de la place internationale semble tout à fait nécessaire à ce stade dans le cadre du développement régional.».
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer cette idée, mais elle n'a pas reçu l'accueil que je souhaitais. Elle consiste à pouvoir localiser quelques organisations sans remettre en question la vocation de Genève sur le territoire français. Pourquoi ? Non pas par manque de place, mais parce que nous manquons d'alliés ! Il se trouve que si la France avait des intérêts à localiser quelques organisations elle pourrait avoir, dans certains cas, une attitude différente, car elle ne serait plus prisonnière de l'Union européenne comme elle l'est lorsqu'elle doit discuter, par exemple, du secrétariat du climat. C'est dire, Monsieur Lombard, que ce point est essentiel. Vous pouvez le laisser dans l'exposé des motifs, mais il m'a paru assez clair pour que je le considère comme un appui à cette ouverture.
Encore une fois, merci au nom de la commission.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
de la commission des affaires régionales concernant l'accélérationdu développement de structures régionales
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
qu'une masse critique de 2 millions d'habitants représente l'unité minimale concurrentielle de niveau européen;
que la qualité des services et de la recherche ne peuvent se réduire à un seul canton mais à un groupement plus large de plusieurs entités institutionnelles;
que seuls des accords financiers entre membres d'une même communauté régionale permettront à l'avenir le financements de ses investissements;
que le bassin genevois doit profiter de synergies en matière de santé, d'environnement , d'organisation publique, de formation et de recherche,
invite le Conseil d'Etat
1. à activement préciser une structure régionale transfrontalière à trois niveaux qui assure la participation maximale de l'ensemble des acteurs de la région;
2. à introduire plus largement dans les conseils des institutions publiques de la région des représentations croisées;
3. à identifier de nouveaux projets d'investissements susceptibles de financements régionaux et de les gérer en collaboration avec ses partenaires;
4. à continuer à favoriser les projets de groupements de communes dépendant d'administrations différentes;
5. à réaliser dans le bassin genevois un partenariat en matière de soins de la santé, et dans la région une politique concertée de la santé;
6. à participer au développement d'une infrastructure régionale d'accueil et de soutien aux organisations internationales et à leurs collaborateurs;
En conclusion, le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à présenter dans son rapport annuel printanier sur la région, conformément à l'article 66, chiffre 3, de son règlement, son action déterminée sur les points soulevés.
La commission de l'agriculture et de l'environnement avait traité la motion 840 peu avant la fin de la législature précédente, sous la présidence de M. Roger Beer. Au début cette législature sous la présidence de Mme Sylvie Châtelain, puis de Mme Yvonne Humbert.
Vu la complexité de la problématique, M. Haegi, président du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, a accepté de faire préparer un rapport scientifique sur le sujet.
Les motionnaires se félicitent d'avoir reçu un excellent rapport de la part du laboratoire cantonal d'agronomie.
Un extrait de ce rapport a d'ailleurs été publié dans la «Revue horticole suisse» et a retenu l'intérêt de milieux techniques et scientifiques.
Le rapport scientifique présenté par M. Gérald Meylan, directeur, et M. Antoine Besson, ingénieur agronome EPFZ, rejoint dans les grandes lignes les conclusions émises par le Bureau européen de l'environnement:
«Les biocarburants ont-ils de réels avantages?» Bruxelles, juillet 1992 ainsi que le rapport de la commission de l'énergie du Parlement européen (COM (92) 0036 final C3-0111/91) qui soulignait:
«Etant donné le bilan constaté en matière de pollution atmosphérique par les biocarburants et les nombreuses incertitudes quant aux conséquences pour l'environnement et leur développement, et enfin l'absence de garanties sur la réalité des débouchés économiques pour le monde agricole, il paraît tout à fait prématuré de financer massivement les filières en question.»
Un rendez-vous est donc donné à fin 1996 avec un rapport substantiel au niveau national par le groupe de coordination MPR (Matières premières renouvelables) et aussi les décisions au niveau de l'Union européenne.
Compte tenu des intérêts en jeu, il est important d'avoir une approche globale comme le souligne le présent rapport scientifique, avant de prendre des décisions importantes quand à l'avenir des MPR.
Aux conclusions du rapport scientifique, les motionnaires ont retiré leurs invites et en ont formulé d'autres qui, ensuite, ont été à leur tour retirées.
La commission a finalement proposé une nouvelle proposition de motion qui devra tenir compte des points suivants:
- être rentable;
- avoir un bilan énergétique global positif;
- respecter la nature et l'environnement.
ANNEXE
ANNEXE
Débat
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Ces carburants «verts» ont fait couler beaucoup d'encre et ils ont provoqué une certaine polémique. Certes, la décision à prendre n'était pas facile !
Un rapport scientifique de très haut niveau a été rendu sur ce sujet, qui nous a permis de prendre position sur des faits et des données très concrètes. Je remercie M. Haegi d'avoir commandité cette étude dirigée par M. Gérald Meylan, directeur, et M. Antoine Besson, ingénieur de l'EPFL. Cette étude brillante a d'ailleurs été annexée à ce rapport.
Mme Martine Roset (PDC). L'agriculture genevoise a toujours été à la pointe de l'innovation, et cela avec la collaboration des différents services de l'Etat.
La motion initiale allait dans ce sens. Malheureusement, le passage en commission l'a passablement édulcorée, je le déplore !
A l'époque où l'agriculture va au-devant d'une crise profonde, une vision positive de l'avenir aurait été bienvenue, cela d'autant plus que cette culture de matières premières renouvelables permet à l'agriculteur de produire, ce qui reste la base de la profession.
En accord avec les autres motionnaires, je retire la motion 840.
M 976
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
(M 976)
MOTION
de Mmes et MM. Hervé Burdet, Jean-Claude Dessuet, Yvonne Humbert, Geneviève Mottet-Durand, Claire Chalut, Sylvie Châtelain, Liliane Maury Pasquier, David Revaclier, Roger Beer, Jean-Claude Genecand, Martine Roset et Max Schneiderconcernant les matières premières renouvelables dans les domainesde la combustion et des transports
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- les divers travaux effectués en commission;
- le rapport scientifique du laboratoire cantonal d'agronomie,
invite le Conseil d'Etat
à faire rapport sur les possibilités, en l'état actuel des connaissances, des MPR dans les domaines de la combustion et des transports.
M 840-A
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette motion.
Après avoir été reportée à deux reprises cette proposition de motion a été traitée le 21 octobre 1993 par les commissions de l'agriculture et de l'environnement sous la présidence de M. Roger Beer.
Le département, et plus spécialement le service des forêts sous la direction de M. Matthey, a remis aux commissaires un texte de 22 pages sur l'évaluation de la forêt avec une vision tout d'abord au niveau mondial, européen, français et pour finir au niveau suisse et genevois.
Les conclusions résumées de la présentation de M. Eric Matthey sur la forêt au niveau suisse sont les suivantes:
- pour une part, notre forêt est trop vieille, osons la rajeunir;
- son encadrement légal est solide et judicieux, l'organisation de l'administration forestière opportune tout en étant susceptible de certaines adaptations et améliorations, essentiellement pour mieux accueillir les prestations «nature»,
et
- rappelons-nous que le bois est un matériau noble, issu pour l'essentiel de la forêt, produit tout simplement et régulièrement et qu'il mérite - pour le profit de la forêt - d'être encore plus et mieux utilisé.
A Genève: Aperçu historique
A la fin de la guerre, la forêt genevoise était en grande partie exsangue. Profitant de conditions économiques avantageuses pour l'écoulement du bois de feu et de l'écorce à tanner, les propriétaires l'avaient coupée à ras ou presque. Le Salève, lui, était complètement rasé.
Il y a une quarantaine d'années, on comptait environ 2 000 propriétaires, à 95% des particuliers, possédant plus de 6 000 parcelles. On imagine aisément les conséquences négatives que ce régime de propriété avait sur l'ensemble de la forêt.
Dans les années 50, le gouvernement genevois mit sur pied une politique dynamique de conservation et de restauration de notre patrimoine cantonal pour lui donner, notamment, une position plus forte face aux puissants appétits - agriculture, industrie, transports et logement.
Cette politique, qui continue à se déployer, car en matière de forêts il faut savoir travailler avec de longues périodes, s'appuie sur une loi cantonale dont les dispositions les plus originales sont:
- la volonté de traiter en futaie et non plus en taillis la grande majorité de notre forêt;
- la prise en charge par les pouvoirs publics des dépenses afférentes aux travaux forestiers d'aménagement général et à leur entretien ultérieur;
- la possibilité d'exproprier les terrains nécessaires à ces réalisations;
- la création d'un fonds forestier permettant d'absorber les variatins périodiques entre recettes et dépenses.
Il fallait aussi une certaine maîtrise du terrain.
A la fin de la guerre, l'Etat de Genève ne possédait qu'une cinquantaine d'hectares de forêt, il est maintenant propriétaire de 1 350 ha sur les 2 970 ha que compte le canton. Effort remarquable qui a permis l'acquisition de plus de 2 000 parcelles en une quarantaine d'années. Au prix payé actuellement, soit2 F à 2,50 F le m2, la valeur de cette propriété peut être estimée à environ30 millions (1992).
Plusieurs secteurs, dont la superficie peut varier de 1 à 25 ha, ont été placés en réserves naturelles. Toute exploitation de bois y est proscrite, seul l'entretien de zones humides et de clairières peut entrer en ligne de compte. Ces emplacement sont à la fois de précieux refuges pour la faune et la flore et des témoins de parcelles soustraites à l'influence directe et répétée de l'homme.
Nous partons de l'idée que la forêt forme un tout comprenant et des arbres - mais pas uniquement des arbres - et des arbustes, des plantes herbacés, des animaux, petits et grands, des milieux humides qu'il convient de protéger, voire de développer.
Pendant cette période, des pressions importantes se sont manifestées contre notre patrimoine boisé. Des défrichements ont été autorisés, essentiellement pour des motifs d'intérêt public (baraques, clôtures, dépôts) qu'il est parfois difficile de corriger. Quelques déprédations sont commises (mutilations et coupes d'arbres, piétinements par les promeneurs pédestres, défonçages de chemins forestiers par les passage des chevaux, circulation motorisée intempestive); des incendies printaniers réduisent parfois à néant le travail de plusieurs années.
Pour se forger une opinion sur l'état sanitaire de notre forêt, le canton a mis en place ses propres moyens d'observation. Il s'agit de:
- l'exécution d'un inventaire systématique de la forêt genevoise;
- l'implantation d'un réseau de 96 petites surfaces d'observation, intéressant 786 arbres, qui complète ce programme.
Selon cet inventaire cantonal de 1988, nos quelque 3 000 ha de forêt représentant un volume de bois sur pied de 420 000 m3, produisant 4,6 m3 par hectare et par an, soit au total, grosso modo, 13 000 m3 de bois qui pourraient être exploités chaque année. En fait, nous sommes très largement au-dessous, nos exploitations se limitant actuellement à environ 2 000 m3, et ce essentiellement du fait des coûts d'exploitation.
Nous encourageons vivement, en particulier les communes, à installer des systèmes modernes de chauffage au bois, avec du bois déchiqueté ou des plaquettes. A Confignon, au Grand-Saconnex aussi, et à Collex-Bossy sont en cours de telles réalisations.
Il faut aussi se rappeler que ce matériau peut utilement, agréablement, et économiquement aussi, servir dans tout le domaine de la construction. Par méconnaissance, par absence de tradition, une préférence trop systématique a été accordée au fer, au béton, au plastique.
Pour conclure, une partie de la déclaration faite à l'issue du 10e Congrès forestier mondial qui s'est tenu à Paris l'automne dernier. Elle relève l'inquiétude générale face au déboisement et à la dégradation des forêts du monde provoqués par la compétition pour l'espace., l'insuffisance de gestion et les émissions polluantes dues aux activités humaines, toutes causes d'appauvrissement du patrimoine forestier, quoique à un degré différent d'irréversibilité selon les régions de la planète et les époques. Elle rappelle:
- l'importance de biens et services renouvelables offerts par les arbres des forêts face à une demande croissante de l'humanité en matériaux, combustible, faune, aliments, fourrage, espace de loisirs;
- la richesse et la diversité des forêts du monde et leur rôle positif dans les cycles de l'eau et du gaz carbonique, la protection des sols et la conservation de la biodiversité;
- l'existence souvent méconnue de modes de gestion des arbres et des forêts à même d'assurer la pérennité, voire l'amélioration, de leur offre de biens et de serivces;
- la nécessité d'éviter des dommages irréversibles à la biosphère, donc de planifier à long terme la gestion des ressources naturelles.
Suite à cette approche, il ne faudrait pas oublier le potentiel de création d'emploi non négligeable de la filière bois, depuis l'entretien des forêts, la coupe, le transport, jusqu'aux usages finaux dans la construction, d'une part, et pour le chauffage avec tous les travaux d'entretiens qui en découlent. Les motionnaires soulignent aussi dans une perspective à plus long terme comment accroître les surfaces de forêts, face à l'augmentation de l'urbanisation. Dans cette optique la motion a comme but de donner une nouvelle impulsion transfrontalière de protection des zones boisées.
Dans le cadre de nos travaux, il a été souligné à plusieurs reprises la nécessité d'intensifier la discussion avec nos voisins français,car les zones boisées ont aussi une relation directe avec les cours d'eau. En effet, même si depuis 20 ans il y a des contacts dans le comité franco-genevois, il y a bien des difficultés pour détenir des informations de détail sur les surfaces de forêt. La concertation certes existe, des interpellations ont lieu au cas pour cas.
Suite à nos travaux, la commission propose le renvoi de cette proposition de motion modifiée.
Débat
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. La proposition de motion a été modifiée par des députés de la dernière législature, dont les noms ont été remis en rubrique de la motion 977. Ces anciens députés ne doivent pas figurer dans les proposants de cette nouvelle motion. Il faut donc les supprimer et je ferai part de cette correction à la mémorialiste.
M. Hervé Burdet (L). Je souhaite simplement remercier la commission qui s'est plongée sur la motion que nous avions proposée, il y a fort longtemps déjà, M. November, M. Beer et moi-même.
A l'issue des travaux de la commission, je constate qu'une idée seulement a été acceptée sur les trois que nous avions suggérées. On sait désormais qu'il est futile de vouloir étudier l'environnement dans la région genevoise autrement qu'en termes transfrontaliers. Nous avons dit et redit, à réitérées reprises, que la véritable unité physiographique dans laquelle nous devions travailler est celle du bassin genevois et non celle de la COTRAO ou de celle du Comité du Léman, du Conseil du Léman, qui ne sont qu'une superposition de trois cantons romands et de deux départements français dans leurs frontières politiques. La vraie frontière passe par la ligne des crêtes, soit le Jura, le Vuache, le Mont-Musiège, le Salève et les Voirons.
L'idée de l'étude de la forêt genevoise dans le cadre de son bassin complet semblant être acceptée, nous sommes satisfaits à hauteur d'un tiers. Personnellement, j'ai eu la satisfaction - je pense qu'il en est de même pour vous - d'entendre notre ministre de l'environnement défendre cette thèse et soutenir qu'il n'est de bonne politique forestière et environnementale dans la région genevoise que si elle est effectuée globalement dans le cadre transfrontalier. Nous sommes donc, je le répète, satisfaits sur ce point.
Je suis déçu néanmoins que notre deuxième proposition n'ait pas été retenue par nos chères cervelles de la commission du Grand Conseil, et qu'elle ne soit pas remontée dans les structures hiérarchiques du département. Elle suggérait, comme cela se fait couramment en Scandinavie et dans les pays du Nord de l'Europe, de tenir compte du fait que pour un nombre d'habitants donné, dans une entité géographique donnée, il faut un certain espace nature et une certaine surface de forêt pour que la vie soit acceptable et que la qualité de l'air soit respirable.
Nous avions proposé, en troisième lieu, de procéder à une reforestation du bassin genevois. Cette idée n'a pas été retenue. Ce rapport contient un très beau panégyrique de la forêt genevoise telle qu'elle existe aujourd'hui, de son utilité et de tout ce qu'on peut faire de beau avec du bois. Mais en Suisse, contrairement à la France ou à l'Allemagne, on n'a, semble-t-il, pas compris, à l'époque où, comme le disait Mme Roset, l'agriculture est en proie à une véritable crise d'identité et qu'elle ne sait plus vraiment à quoi se consacrer et à quoi ses terres doivent servir, qu'une des vocations possibles est de cultiver de la forêt !
M. Roger Beer (R). Les propos de M. Burdet m'ont fait très plaisir. Je suis entièrement d'accord avec lui. Je voudrais remercier le rapporteur d'avoir terminé son rapport. Je vous rappelle simplement, mon cher préopinant, que si la commission s'est plongée sur cette motion elle n'y a passé qu'une séance ! Le seul à s'y être plongé est le rapporteur qui, depuis octobre 1993, a pondu un texte absolument extraordinaire qui cerne parfaitement le problème. Merci beaucoup, Max !
La forêt poussant lentement, on peut comprendre qu'un rapport sur ce sujet ne peut que prendre du temps !
Cette motion est très importante pour vous, Monsieur Haegi. Nous avons pensé à votre engagement transfrontalier, mais également régional. Nous comptons bien sur vous pour considérer la forêt non pas seulement sur le plan genevois mais bien au niveau du bassin genevois dans son ensemble, ce qui me semble possible.
Il faut tout de même soulever le problème des agriculteurs. Même les plus malins ont peur de cette extension naturelle de la forêt, qui risque de grignoter les terrains cultivables. M. Burdet l'a dit, l'agriculture vit des changements extraordinaires. Nous, nous demandons simplement qu'on laisse la forêt se réinstaller - dans les lieux d'où elle a été chassée il y a dix mille ans - sur les terrains qui ne sont plus nécessaires à l'agriculture.
Monsieur Haegi, vous imaginez bien que je vais lancer un petit clin d'oeil à votre département. J'espère bien que cette motion permettra de se rendre compte de l'importance, du sens et de la valeur de la forêt comme composante essentielle du paysage, à l'heure où l'ancien service des forêts est devenu le service pour la protection du paysage.
Merci, donc, d'accueillir cette motion transformée favorablement par la commission.
Madame la présidente, je vous annonce le retrait de la motion 850-A, pour vous satisfaire !
La présidente. Merci, Monsieur le député !
M 977
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
(M 977)
MOTION
concernant la politique forestière et l'extension de la forêt dans le bassin genevois
LE GRAND CONSEIL
invite le Conseil d'Etat
- à faire la synthèse en collaboration avec les autorités politiques du bassin genevois, nos partenaires gessiens, Hauts-Savoyards et Vaudois, sur l'éducation des surfaces boisées dans le bassin genevois afin de savoir s'il est nécessaire de:
a) préserver et protéger les biotopes forestiers, existant dans l'ensemble du bassin;
b) compléter et renforcer la ceinture verte autour des agglomérations urbaines;
c) boiser ou reboiser les surfaces non appropriées à l'agriculture;
d) créer des zones de détente pour les habitants de la région;
- à répondre dans les meilleurs délais.
M 850-A
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette motion.
M. Michel Ducret (R). Une première question concernant le vote et la formulation des recommandations du Conseil d'Etat est à la base de cette interpellation. En recommandant le «non» à l'initiative dite IN 4 et «oui» au contreprojet, le Conseil d'Etat ne craint-il pas le cumul des «non» contradictoires ? Finalement, j'aimerais savoir comment un tel résultat pourrait être interprété. Cela aurait, en effet, pour conséquence - sans vouloir polémiquer sur le «pour» ou le «contre» de ces propositions - de tout bloquer, ce qui me paraît plus grave que de savoir si la population veut ou non conserver la salle de spectacles.
Je profite de cette interpellation pour signaler au Conseil d'Etat en charge du département de l'intérieur que les expéditions de matériel de vote, selon la nouvelle formule, n'ont pas très bien fonctionné. Certains citoyens n'ont pas reçu les deux feuilles de bulletin de vote, la grise fédérale et la jaune cantonale dans leur enveloppe.
L'autre volet de cette interpellation concerne la faisabilité économique du contreprojet. Si, du côté des initiants, on affirme être en mesure de réaliser en droit de superficie le programme prévu par l'initiative, nous ne pouvons guère affirmer que toutes les conséquences financières du maintien d'une salle - actuellement propriété de l'Etat, je le rappelle - nécessitant des adaptations de sécurité importantes ont été évaluées complètement. D'ailleurs, qui payera pour cela, alors qu'on ne sait même pas ce que nous a coûté jusqu'ici le maintien de cette salle ? En effet, l'argent ayant été pris sur les crédits d'entretien, dont on n'a pas le détail, cette information est restée inconnue !
A une première question posée à ce sujet, il aurait été répondu, sous la législature précédente, que l'équilibre financier était assuré par la location de la salle et celle de la buvette, et que les dépenses étaient relativement modestes. Mais, tout de même, si l'équipement doit être mis à jour et complété, conformément aux demandes des milieux culturels intéressés, on s'orientera vers une rénovation lourde et donc coûteuse, et cela, bien entendu, aux frais du contribuable qu'il eût donc été judicieux d'informer correctement ! En effet, si le 12 mars le peuple dit «oui» au contreprojet, rien ni personne ne s'est engagé à une réalisation, et nous n'avons guère de certitude que quelque chose se fera alors.
Conséquence : maintien d'une friche urbaine en plein centre de notre ville joyeusement animée par un parking de quinze places, qui attire plus de trafic que la création d'un véritable parking organisé correctement.
Je n'évoquerai ici que pour mémoire les problèmes liés au financement des bâtiments à construire dans l'un ou l'autre cas, car sur ce point ce sont les conditions du droit de superficie qui seront déterminantes. Par contre, il siérait tout de même de considérer que le prix d'une place de parking varie selon que cet équipement comprend six cents ou trois cent cinquante places. Dans le second cas, elle revient plus cher; il faut le savoir.
Il me semble donc que le Conseil d'Etat, dans ses recommandations, aurait dû donner plus de détails sur les conséquences financières de ce projet, car le peuple est en droit d'en connaître les coûts, avant de voter, la tête dans le sac, sur le maintien ou non de cette salle !
Ces précisions sur les conséquences du choix proposé me paraissent d'ailleurs beaucoup plus importantes pour l'information du citoyen qu'une polémique sur l'intitulé des textes remis aux futurs votants.
Je remercie le Conseil d'Etat, par avance, de bien vouloir nous éclairer mieux sur ces aspects de la problématique soumise à l'appréciation populaire.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Les textes préparés par le Conseil d'Etat font toujours l'objet de réactions des différents partis qui considèrent que nous n'avons pas mis l'accent sur ce qu'elles auraient souhaité, en fonction, bien entendu, de leur avis.
Vous terminez en disant qu'il est préférable d'entendre mon discours plutôt que de polémiquer sur l'intitulé des questions posées. C'est votre avis, vous imaginez bien qu'il n'est pas partagé par ceux qui, précisément, regrettent le terme «initiative pour l'aménagement du secteur Rôtisserie-Pélisserie», sans dire clairement que dans leur esprit il s'agit de la démolition de l'Alhambra ! Je n'ai pas de commentaires particuliers à faire à ce sujet, et je prends note de votre déclaration concernant le contenu du texte. Pour le reste, il s'agit d'une votation, et chacun porte une responsabilité quant à la diffusion de l'information. Ce soir, visiblement, vous avez saisi une opportunité pour faire passer un message à ce sujet. Sans doute qu'au cours de ces prochains jours vous persisterez dans cette direction et développerez vos arguments comme d'autres développeront les leurs.
S'agissant des problèmes financiers liés à l'exécution du contreprojet, mon collègue, M. Joye, aura l'occasion de vous répondre dans le cadre des affaires de son département. Il est peu vraisemblable que ce soit ce soir.
Avant de terminer, je vous signale que le Tribunal fédéral a déclaré le recours de la Ville de Genève contre l'Etat de Genève irrecevable et que le même Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de Dame Spielmann contre l'Etat de Genève.
M. Michel Ducret (R), conseiller d'Etat. Monsieur le conseiller d'Etat, tout de même, vous devriez pouvoir répondre à la question concernant l'interprétation en fonction des résultats du vote ! Vous devez savoir ce qu'il en est, et M. Joye doit avoir une petite idée derrière la tête, s'agissant du destin économique de ce secteur ! Ce choix implique des conséquences importantes, et on ne peut pas laisser cet aspect des choses dans le flou avant les votations.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Comment serait interprété un double non ? Il est clair que, si le résultat des votes montre un double non, les deux propositions seront rejetées. Ce sera le statu quo, ce qui me paraissait aller de soi ! Si vous vouliez que je le dise clairement, voilà, c'est fait ! M. Joye ajoutera quelques mots au sujet des conséquences financières.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Monsieur Ducret, je n'ai pas les chiffres exacts de l'exploitation actuelle, mais elle se fait avec des moyens extrêmement limités, car le comité travaille pratiquement bénévolement, une seule personne étant engagée pour un salaire de l'ordre de 25 000 F.
Mme Claire Chalut. Par mois ?
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Non, par semaine ! (Rires.)
La présidente. Madame Chalut, c'est un dialogue entre le député qui interpelle le Conseil d'Etat et ce dernier !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Il s'agit d'une salle, comme d'autres, où nous partageons l'exploitation avec divers groupes et avec la Ville. Par exemple, pour la salle Cécilia, nous avons l'intention, et la Ville également, de l'équiper pour en faire une salle de répétition et non une salle de spectacles. C'est dire que les systèmes d'exploitation qui seront choisis pour la salle de l'Alhambra comporteront des budgets extrêmement limités.
M. Michel Ducret (R). (L'orateur est accueilli avec un ahhh de consternation générale.) Je suis désolé ! Je ne suis pas tout à fait d'accord ! En Ville de Genève, j'ai vu des projets d'extension de la salle qui sont loin d'être des petites adaptations ! Or, cette salle est propriété de l'Etat de Genève jusqu'à nouvel avis, et nous pouvons nous demander ce que celui-ci va décider par rapport à ces propositions.
La présidente. Ecoutez, Monsieur le député, le débat ne porte pas sur cette question !
Cette interpellation est close.
En date du 12 janvier 1995 notre commission a entendu le pétitionnaire, ainsi que 2 représentants de la corporation des ramoneurs. En résumé, le pétitionnaire se plaint de ce qu'à l'aube du XXIe siècle il y ait encore des protections d'origine féodale pour certains anciens métiers, protections qui n'ont plus aucune raison d'être à l'âge du libéralisme triomphant. Il pense, de plus, que cette protection surannée heurte certainement le principe constitutionnel de liberté du commerce et de l'industrie. Il s'élève contre le fait que le métier de ramoneur résulte d'une «chasse gardée», et demande que quiconque puisse s'installer à son compte comme ramoneur, et exercer librement ce métier. Il précise que, personnellement, il est publicitaire, et qu'il n'a aucune envie d'exercer ce métier, mais qu'il se bat pour le principe en tant que citoyen épris de justice.
Sur le principe, on peut très bien comprendre la position du pétitionnaire, mais les représentants de la profession des ramoneurs nous ont apporté ensuite quelques compléments d'information, qui nous ont éclairés.
Ils nous ont dit que leur métier existe depuis le début du siècle dernier, mais que les lois et règlements qui le régissent ont été régulièrement mis au goût du jour. La loi actuelle date de 1982, et le Tribunal fédéral l'a déclarée constitutionnelle. L'existence de 8 arrondissements à Genève, qui peuvent apparaître à première vue comme autant de chasses gardées, puisqu'un seul ramoneur maître d'Etat peut y organiser le ramonage, résulte en fait de la délégation par l'Etat d'une tâche de police et de sécurité, puisqu'il faut garantir que toutes les cheminées seront bien régulièrement ramonées à leur tour. Quant au grief du pétitionnaire, selon lequel n'importe qui de qualifié devrait pouvoir exercer ce métier, les ramoneurs nous répondent qu'en fait cela est à peu près le cas, puisque le délai d'attente pour obtenir un arrondissement, à partir du moment où vous avez passé votre maîtrise d'Etat, varie entre 1 et 7 ans.
Les ramoneurs nous parlent ensuite du long processus qui a abouti en 1982 à l'adoption de la nouvelle loi. Des députés s'étant, alors déjà, inquiétés de ce qui leur semblait être peut-être une chasse gardée, avaient déposé une motion (M 4736), (il s'agissait de Mmes et MM. Sutter Pleines, de Tolédo - père -, Hermann, Perrier, Kisling, Roch). Cette motion a donné lieu à la création d'une commission, qui s'est réunie 40 fois, pour conclure qu'il ne s'agissait pas d'une chasse gardée, mais qu'il fallait garantir le nettoyage régulier des cheminées, pour des raisons d'économies d'énergie encore plus que de prévention des incendies.
Pour ces raisons, la commission LCI, unanime, vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Dépôt: 31 mars 1994
P 1029
PÉTITION
concernant le métier de ramoneur
Monsieur le Président,
Conformément au droit du citoyen, je tiens à faire une pétition concernant l'impossibilité d'exercer librement et à son compte le métier de ramoneur; de s'installer là où l'on désire, de faire concurrence et ceci par le fait de protection ancestrale que je juge féodale.
Il est tout à fait normal que les professions soient soumises à des règles ou des obligations découlant de leurs spécialités, surtout en ce qui concerne par exemple les normes de sécurité.
A mon avis les ramoneurs bénéficient d'une chasse gardée et d'un surprotectionnisme.
Je vous prie de prendre bonne note et de donner suite à ma démarche pour les justes motifs expliqués ci-dessus.
Dans cette attente, veuillez croire, Monsieur le Président, à mes bien respectueuses salutations.
N.B.: 1 signature
M. .
Rue de Carouge 7
Case postale 2122
1211 Genève 2
Mises aux voix, les conclusions de la commission LCI (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
Le Grand Conseil a reçu le 23 octobre 1994 la pétition suivante, munie de 2 signatures:
PÉTITION
concernant le bruit d'une porte d'entrée d'immeuble
Nous nous permettons de vous écrire au sujet du bruit continuel et infernal dû à la porte d'entrée automatique de l'immeuble à l'avenue de Bel-Air 59, 1225 Chêne-Bourg.
Le service d'écotoxicologie cantonal est passé le 30 août 1994 pour mesurer ces nuisances infernales dans la chambre à coucher et le salon. Selon leur résultat, les normes admises sont dépassées.
L'Asloca-Rive (Me Sabina Mascotto) a déjà envoyé deux lettres à la régie Gérald Rosset et deux lettres au département des travaux publics et de l'énergie (M. Dessibourg). Mais rien ne bouge.
Très tôt le matin (vers 4 et 5 h) jusqu'à 8 h, il y a déjà 120 sorties. Cela fait 240 claquements. Il y a 25 appartements. Avec une moyenne de deux enfants par famille, cela fait 100 habitants. 100 × 6 = 600 passages. Cela signifie 1200 claquements par jour. A cela s'ajoutent «les amis, les visites, parents, entretien, réparations, promener son chien à 22-23 h la dernière fois, chercher le courrier, etc.». Les derniers rentrent à minuit, 1-2 h du matin. Les premiers partent (ou rentrent) à 4 h du matin. Tout le monde est bien entendu libre de venir et partir autant qu'il veut. Ce qui est en cause, c'est le système automatique de la porte d'entrée.
Selon le service d'écotoxicologie, cette porte produit 43 décibels à l'ouverture et 40 décibels à la fermeture, dans chaque pièces de notre appartement. Cela fait 600 × 43 décibels et 600 × 40 décibels par jour et nuit.
Nous sommes littéralement assaillis de décibels, jour et nuit. C'est insupportable. Nous souffrons de maux de tête et d'insomnie, d'affections dermatologiques et d'un kyste (nous avons des certificats médicaux). Ces problèmes de santé ne sont pas sans relation avec cette situation malsaine dans cet appartement. Inutile de dire que nos soirées, nuits et week-ends signifient tension nerveuse et stress.
Une porte automatique est un luxe et non pas une nécessité. Pour nous cette porte automatique est un enfer (nous habitons à côté, au rez-de-chaussée).
Nous vous prions d'intervenir auprès de la régie Gérald Rosset afin qu'elle ordonne les travaux pour empêcher ces nuisances. Croyez-nous, notre organisme a ses limites.
Le service d'écotoxicologie est en possession du rapport.
Nous vous remercions sincèrement pour votre intervention.
N.B. : 2 signatures
Marianne et Saad Saad-Sutter
Avenue de Bel-Air 59
1225 Chêne-Bourg
Travaux de la commission
La commission des pétitions, présidée par Mme L. Johner, a décidé d'auditionner les pétitionnaires. Le couple Saad a été entendu le 9 janvier 1995.
M. .
1. l'intervention de la régie Rosset en décembre 1994;
2. les nouveaux contrôles du service d'écotoxicologie qui a constaté que les décibels produits par l'ouverture et la fermeture de la porte incriminée ne dépassaient plus les normes autorisées (35 décibels).
Ils demandent à la commission d'élaborer une loi pour protéger les locataires contre ce genre de nuisance.
Discussion
Le droit de pétition est un droit démocratique garanti par la constitution genevoise qui, à son article 12, dispose:
«Le droit d'adresser des pétitions au Grand Conseil et aux autres autorités constituées est garanti.
La loi règle l'exercice de ce droit».
Un problème aussi mineur que les nuisances produites par un bruit de porte d'entrée doit donc aussi être traité.
Les époux Saad, dans ce conflit, ont suivi la démarche suivante:
1. ils se sont plaints par courrier plusieurs fois à la régie;
2. ils ont confié la défense de leurs intérêts à l'ASLOCA qui a proposé, soit de trouver une solution intermédiaire (pose de caoutchouc), soit d'interrompre le système de fermeture automatique de la porte en attendant de trouver une solution à plus long terme.
Des travaux ont été exécutés. La rapporteuse s'est d'ailleurs rendue sur place et a pu vérifier que depuis décembre 1994 le système de verrouillage de la porte a été mis hors fonction et qu'aucun bruit ne gêne actuellement les locataires.
La commission rappelle que ce bâtiment est récent et qu'il a été construit et réceptionné conforme aux normes et approuvé tant par le département des travaux publics et de l'énergie que par l'office financier du logement.
Conclusion
Estimant:
- que des lois qui protègent les locataires existent,
- qu'il n'est pas du ressort du Grand Conseil de régler un conflit locataire-régie,
la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, à l'unanimité des membres présents (14 voix), de classer cette pétition.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (classement de la pétition) sont adoptées.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. Longet a demandé ce qu'il était advenu de votre proposition de résolution. Elle a été renvoyée au Conseil fédéral, le 20 octobre 1994, non pas par le Conseil d'Etat mais par le Grand Conseil, puisqu'il s'agissait de faire usage de votre droit d'initiative au plan fédéral et de demander aux autorités fédérales d'intervenir. C'est donc le secrétariat du Grand Conseil qui a transmis votre proposition de résolution à l'autorité fédérale.
Pour le surplus, vous savez que je vous tiens régulièrement au courant des événements de Creys-Malville, et je ne manquerai pas de poursuivre cette politique d'information.
Cette interpellation urgente est close.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est modifiée comme suit:
Art. 4, al. 4 (abrogé)
Art. 4A (nouveau)
Déni de justice
1 Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, eu égard au délai fixé par l'article 17A, son silence est assimilé à une décision.
2 Lorsque la requête soumise à l'autorité porte sur la délivrance d'une autorisation, celle-ci est considérée comme accordée, dans les termes de la requête, si l'autorité n'a pas statué dans les 10 jours de la réception d'une mise en demeure signifiée par le requérant après l'échéance du délai prévu par l'article 17A.
Art. 13A (nouveau)
Autorité de coordination
1 Si l'objet pour lequel une décision est demandée nécessite que plusieurs autorités rendent des décisions de droit cantonal ou fédéral, l'une des autorités est désignée comme autorité de coordination.
2 En règle générale, la première autorité saisie par le requérant fonctionne comme autorité de coordination.
3 Toutefois, à la suite d'un échange de vues, les autorités concernées peuvent désigner celle d'entre elles qui apparaît le mieux à même d'assumer cette fonction. Sont également réservées les dispositions chargeant une autorité fédérale ou cantonale déterminée de procéder à la coordination.
4 L'autorité de coordination a pour tâche d'harmoniser les diverses procédures conduisant aux décisions nécessaires. Elle peut prendre les dispositions indiquées pour conduire la procédure directrice.
Art. 17A (nouveau)
Délai de réponse
1 Sous réserve de dérogations fixées par d'autres lois, l'autorité doit, dans le délai de 15 jours dès réception de la requête, soit statuer, soit informer le requérant des mesures d'instruction auxquelles elle va procéder. L'autorité s'emploie sans tarder à l'établissement des faits en recourant, dans la mesure du possible, simultanément aux divers moyens de preuve prévus au chapitre III du présent titre et aux autres procédures préliminaires, telles la mise à enquêtes ou l'obtention de préavis.
2 Le requérant est informé de l'avancement de la procédure d'instruction et de sa clôture.
3 L'autorité statue dans les 15 jours suivant la clôture de l'instruction du dossier.
Art. 25, al. 6 (nouveau)
6 Les pièces et informations sollicitées sont communiquées à l'autorité requérante dans les 10 jours dès la réception de sa demande.
Art. 27, al. 4 (nouveau)
4 L'autorité impartit au tiers un délai pour lui communiquer les pièces et renseignements sollicités; en cas d'inobservation non justifiée de ce délai, elle renouvelle sa demande en l'assortissant de la menace des peines prévues par l'article 29.
CHAPITRE IV A
Préavis (nouveau)
Art. 45A (nouveau)
Délai
1 Lorsque la loi prévoit qu'avant de statuer, l'autorité doit recueillir le préavis d'instances compétentes selon le droit cantonal ou fédéral, l'autorité fixe un délai de réponse aux instances consultées.
2 A défaut de réponse dans le délai imparti, le préavis est considéré comme positif.
3 Lors de l'examen de requêtes ultérieures, les instances consultées sont liées par le préavis qu'elles ont délivré pour autant que les données sur lesquelles elles sont fondées ne se soient pas modifiées.
Art. 57, lettre d (nouvelle)
d) les décisions selon l'article 4A, alinéa 1.
Art. 63, al. 6 (nouveau)
6 Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié.
Art. 69, al. 4 (nouveau)
4 Si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l'affaire à l'autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives.
Art. 77, al. 3 (nouveau)
3 Lorsque le recourant se plaint d'un déni de justice ou d'un retard injustifié, la juridiction de recours doit statuer dans le délai de deux mois dès le dépôt du recours.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Commentaires sur le projet de modification de la LPA (accélération des procédures)
I. Introduction
D'une manière générale, l'économie genevoise et suisse doit être dynamisée par une simplification des procédures d'obtention d'autorisation délivrée par l'Etat.
D'une manière plus particulière, le problème étant plus évident dans le domaine immobilier, il apparaît que la quasi-unanimité des investisseurs estime qu'il faut simplifier et raccourcir la procédure d'octroi des permis de construire. Le tableau 1 annexé au présent projet de loi illustre la position des acteurs économiques relativement au projet d'accélération de la procédure d'aménagement du territoire et le droit foncier.
Une enquête menée par la «Schweizer Bau Documentation» confirme à quel niveau il faut agir de toute urgence pour abaisser les prix de la construction en Suisse, soit:
accélération des procédures d'autorisation;
harmonisation des prescriptions et normes;
limitation des possibilités de recours (voir tableaux 2 et 3 ci-après).
L'exemple fribourgeois montre que les collectivités publiques des trois niveaux, Confédération, cantons, communes, commencent à se doter des moyens d'accélérer les procédures. Sur le plan suisse, le Conseil fédéral a publié un message le 30 mai 1994 portant sur l'accélération de la procédure d'autorisation de construire (voir tableau 4). La Confédération se contente de formuler des obligations de caractère général à l'adresse des cantons sans créer un droit fédéral immédiatement applicable. Elle propose trois mesures. Les cantons devront:
1. fixer des délais pour le traitement de toutes les demandes d'autorisation de construire;
2. désigner une autorité responsable de la coordination en matière de construction et de plans d'affectation;
3. prévoir des autorités de recours uniques dans le domaine de la construction. Les Chambres fédérales n'ont pas encore délibéré, mais ce projet se heurte d'ores et déjà à l'opposition farouche des écologistes et des fédéralistes.
A Genève, un groupe de travail avait été formé sous l'égide de l'ancien président du département des travaux publics qui a rendu un rapport en date du 30 septembre 1992 intitulé «Groupe de travail sur l'accélération des procédures, rapport à l'attention du Conseil d'Etat». Ce rapport n'a guère été suivi d'effets. Sous la nouvelle législature, le président du département des travaux publics et de l'énergie a formé un nouveau groupe de travail (Groupe des «sages»), constitué de personnalités, qui ont probablement aussi pour mandat de se pencher sur l'accélération des procédures. Comme le relèvent les spécialistes du droit de la construction, Genève en est encore au stade des réflexions alors qu'au niveau fédéral et dans plusieurs cantons on a pris des mesures concrètes pour activer le traitement des dossiers par le biais d'une simplification et accélération des procédures (Droit de la construction 4/94, page 120).
Différentes initiatives ont abouti à la promulgation de lois ou de projets de loi, notamment en matière de construction (modification de l'art. 3, al. 7 de la LCI, projet de loi 7099 visant à modifier l'art. 4, al. 4 LCI). Le présent projet de loi vise, lui aussi, à contribuer à l'accélération des procédures d'autorisations à Genève.
II. Commentaires article par article du projet
a) Déni de justice
Selon le système actuel, alors que les articles 70 PA et 97 alinéa 2 OJ ouvrent expressément le recours contre les autorités qui refusent ou tardent à statuer, la LPA prévoit seulement, dans son article 4, alinéa 4, qu'un retard ou un refus sont assimilés à une décision.
Le projet déplace cet alinéa en tête d'un nouvel article 4a, lequel prévoit en outre, pour un certain type de décision, une autre conséquence.
En effet, en l'état actuel, la «décision» résultant d'un déni de justice est assimilée à un rejet.
Lorsque le requérant s'adresse à l'autorité pour obtenir une autorisation, il y a lieu de prévoir, en s'inspirant de l'article 4, alinéa 4 LCI, qu'un déni de justice doit plutôt être constitutif d'une autorisation.
L'article 4a, alinéa 2, du projet reprend ainsi le contenu de l'article 4, alinéa 4 LCI en le généralisant. Cette dernière disposition pourrait être abrogée après l'adoption du projet de modification de la LPA.
C'est le lieu de relever que l'on ne peut pas prévoir, dans tous les cas, que la décision demandée par le requérant est présumée rendue selon le désir du requérant; on pense, par exemple, aux demandes de subvention!
A toutes fins utiles, il convient de compléter les cas de recours par celui fondé sur un déni de justice (nouveaux articles 57, lettre d, et 63, alinéa 6, qui reprend l'article 70, alinéa 1 PA). De même, il est opportun de préciser que ce recours n'est pas soumis à un délai. De plus, l'autorité devra dans sa décision donner des instructions impératives à l'autorité inférieure (articles 63, alinéa 6, et 69, alinéa 4, du projet qui reprend l'article 70, alinéa 2 PA).
Enfin, on notera que l'article 77, alinéa 1 LPA prescrit aux autorités administratives de statuer dans le délai … d'un an qui suit le dépôt du recours! Lorsqu'il s'agit précisément d'un recours pour déni de justice, ce délai doit manifestement être abrégé. C'est pourquoi, le nouvel alinéa 3 de cette disposition fixe un délai de deux mois dans ce cas.
b) Autorité de coordination
La création d'une autorité de coordination chargée d'harmoniser les diverses procédures tendant à l'obtention de décisions qui sont toutes nécessaires à l'aboutissement d'un même projet est une idée lancée par le projet de modification de la LAT, en son article 25a, alinéa 1.
Elle est donc reprise, et précisée, à l'article 13a du projet.
c) Délai de réponse
L'actuel mode de calcul du délai de réponse prévu par les alinéas 1 à 3 de l'article 4 LCI ne donne pas entièrement satisfaction. Ces dispositions fixent un délai global de 60 jours, qui est prolongé ou suspendu dans certains cas.
L'utilisation extensive de ces possibilités de prolongation rend inefficace la prescription du délai maximum.
On peut tenter de remédier au défaut de ce système en ne fixant plus de délai maximum prolongeable mais en impartissant à l'autorité un délai pour se déterminer sur la base du dossier, une première fois lorsqu'elle reçoit celui-ci, et une deuxième fois, si une instruction s'est avérée nécessaire, pour rendre sa décision.
Entre ces deux étapes peut se dérouler la procédure d'établissement des faits, ou instruction.
Il n'apparaît pas possible de fixer un délai rigide maximal pour cette étape.
En revanche, on relève que la LPA ne contient qu'une disposition, à l'article 24, alinéa 1, habilitant l'autorité à fixer un délai de réponse, à savoir lorsqu'elle invite les parties à la renseigner.
Il faut étendre ce principe de fixation d'un délai aux autres cas d'établissements des faits, lorsque cela est possible.
Il en va ainsi en cas de communication de renseignements au sein de l'administration, ou en cas de demande de renseignements à des particuliers non impliqués dans la procédure (nouveaux articles 25, alinéa 6, et 27, alinéa 4).
Cependant, il n'apparaît pas possible de fixer un délai pour la convocation des témoins. Au contraire, dans le droit actuel, les lois prévoient plutôt des délais minimaux de convocation, par exemple de 48 heures en matière de citation devant le tribunal de police (articles 223, alinéa 1, et 22 CPP), ou 6 jours minimum en matière de procédure civile (article 218, alinéa 2 LPC).
D'autre part, pour les mesures telles le transport sur place ou l'expertise, il n'apparaît pas envisageable de fixer des délais, d'une façon générale, dans la LPA.
L'efficacité de l'article 17a du projet est subordonnée à la possibilité, pour l'administré, de contrôler l'avancement de son dossier. L'autorité doit donc le tenir au courant de ses démarches en cours et à venir.
A relever encore que des dispositions contraires au nouvel article 17a, tels les alinéas 1 à 3 de l'article 4 LCI, devraient être abrogées.
d) Préavis
Ici également, on s'est inspiré du projet de modification de la LAT, spécialement son article 25a, alinéa 2.
Cette modification a été reprise dans l'article 45a du projet de modification de la LPA.
Au surplus, on a renoncé à fixer dans la loi un délai dans lequel les préavis doivent être délivrés puisqu'il semble que le délai de 45 jours qui avait été prévu dans le projet de loi 6651, s'agissant des préavis des autorités municipales, avait été ressenti comme une ingérence dans l'autonomie communale.
Tels sont, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons le présent projet de loi à votre bienveillante attention.
Annexes: Tableau 1: Appréciation des propositions visant à modifier la loi sur les constructions, l'aménagement du territoire et le droit foncier.
Tableau 2: Importance des diverses réglementations.
Tableau 3: Importance des conditions-cadres générales.
Tableau 4: Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.
ANNEXE
ANNEXE
ANNEXE
ANNEXE
Préconsultation
M. Thomas Büchi (R). Il devient urgent de modifier la loi sur la procédure administrative de notre canton, devenue trop procédurière, lente et compliquée. Nous vous proposons de la modifier afin de rationaliser les procédures d'autorisation et permis de construire délivrés à Genève. Cela est capital pour que l'économie suisse reste attractive sur la scène internationale et que les investisseurs potentiels ne se tournent de plus en plus vers l'étranger en raison du marathon administratif totalement irréaliste, long et compliqué qu'ils doivent effectuer. Chiffres à l'appui - il faut se rendre à l'évidence - en trois ans les investissements étrangers dans notre pays ont pris des allures de Titanic : 5,9 milliards en 1990, moins de 400 millions en 1993 !
La non-adhésion à l'Espace économique européen n'est pas le seul élément de cette catastrophe; elle est due au cumul de plusieurs facteurs. Il est par ailleurs curieux que Genève, qui se veut une plaque tournante à vocation mondiale, soit un des derniers cantons à n'avoir rien entrepris de sérieux pour effectuer un toilettage salutaire de sa loi sur les procédures administratives.
Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'avez remarqué, ce projet de loi n'est pas révolutionnaire, il est même plutôt timide comparé aux actions plus musclées entreprises par les autres cantons. Nous ne mettons en péril ni les droits populaires ni les possibilités de recours des citoyens, simplement nous voulons obliger l'Etat à gérer la procédure générale d'autorisation d'une manière pragmatique.
De toute évidence notre parlement doit voter ce projet de loi, afin de stimuler des énergies créatrices et favorables à la relance économique. Il faut qu'à l'étranger disparaisse au plus vite l'image néfaste ancrée dans bien des têtes pensantes : celle que la Suisse ressemble à s'y méprendre à un frein à main !
Merci, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission.
M. Laurent Moutinot (S). M. Büchi parle de toilettage de la loi pour ce projet; en réalité, c'est un lessivage complet ! (Rires et quolibets.) Le micro fonctionne-t-il ? Oui, alors c'est parfait ! Bon, je vais parler un peu plus fort. (Cette remarque est accueillie avec enthousiasme.)
La procédure administrative peut certainement être améliorée. Le projet qui nous est soumis indique au début de l'exposé des motifs : «...l'économie genevoise et suisse doit être dynamisée par une simplification des procédures d'obtention d'autorisation délivrée par l'Etat.». C'est une pétition de principe qui peut être accueillie.
Mais toute la suite de l'exposé n'a trait exclusivement qu'au processus d'autorisation de construire. Sans nier l'importance du domaine immobilier, je rappelle que la procédure administrative s'étend, en la matière, à toutes les autorités communales et cantonales, ainsi d'ailleurs qu'aux établissements de droit public, et qu'elle s'étend à toutes les procédures administratives, y compris celles qui n'ont rigoureusement rien à voir avec un permis de construire.
Par conséquent, si l'on teste les nouvelles dispositions qui nous sont proposées avec certaines des procédures pour lesquelles il faudrait les appliquer, on arrive à des choses assez étonnantes, notamment avec cette proposition consistant à dire qu'à partir d'un certain délai, et si l'administré a fait une mise en demeure, le silence de l'Etat vaut réponse positive !
Qu'en sera-t-il lorsqu'un administré demandera une autorisation de port d'arme ? Qu'en sera-t-il lorsqu'un administré demandera une autorisation de vendre des toxiques ? Qu'en sera-t-il lorsqu'un administré demandera une autorisation de fonctionner comme office de consignation ? A l'évidence, on ne peut pas admettre, dans ce type d'hypothèse, que le silence vaille acceptation ! On ne peut d'ailleurs pas l'admettre non plus en matière d'autorisation de construire. L'idée est certainement pertinente de vouloir lutter contre les éventuels et regrettables silences de l'administration, mais supposer qu'un silence vaut acceptation est manifestement un aérolithe dans le monde judiciaire suisse ! Il vaudrait mieux, cas échéant, renverser la vapeur et prévoir qu'une absence de réponse vaut une décision négative, ouvrant de la sorte une voie de recours.
Parmi les autres dispositions proposées, il y a la multiplication de délais extrêmement courts qui vont entraîner un effet pervers, à savoir que l'administration, pour éviter de tomber dans le piège de ces délais, va multiplier des circulaires qui, forcément, répondront à la demande de délai en en créant un autre. Par conséquent, je crains que ce projet ne soit en définitive qu'un autogoal !
S'agissant des préavis, on applique la même règle : l'absence de réponse du service qui doit donner un préavis équivaut à une réponse positive. Je me demande ce qu'il faut penser en matière de construction de l'absence de réponse du service du feu, s'agissant d'un problème de sécurité !
En définitive, le point sur lequel - parce que certains sont positifs - je pourrai rejoindre les auteurs du projet est celui de la nécessité de mieux coordonner les procédures administratives et en particulier de désigner, comme cela est proposé à l'article 13 A nouveau, la création d'une autorité de coordination, lorsqu'un projet particulièrement important concernant différents départements justifie que l'on sache qui le pilote pour éviter des dérapages ou des absences de décision.
Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, ce projet soulève certes de bonnes questions; il n'y donne malheureusement, pour l'essentiel, pas de bonnes réponses, mais je suis persuadé que la commission judiciaire saura le faire !
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Laurent Moutinot ayant exprimé les propos que j'entendais tenir ce soir, je me bornerai simplement à relever ce qui me semble le plus important dans ce projet de loi et qui est de nature à nous inquiéter.
Par exemple, à l'article 4 A nouveau, alinéa 2, vous proposez, je cite : «Lorsque la requête soumise à l'autorité porte sur la délivrance d'une autorisation, celle-ci est considérée comme accordée, dans les termes de la requête, si l'autorité n'a pas statué dans les dix jours de la réception d'une mise en demeure signifiée par le requérant après l'échéance du délai prévu par l'article 17 A.».
Si j'ai bien compris, lorsque vous demanderez un permis de conduire, vous mettrez en demeure l'administration de le délivrer dans les dix jours, et si l'administration tarde à vous répondre, celui-ci vous sera octroyé automatiquement ! Tout de même, sur le plan juridique, un certain nombre de problèmes se posent.
Monsieur Büchi, vous avez fait des analogies avec d'autres cantons, mais vous auriez dû préciser que dans ces cantons l'unicité de l'autorité compétente n'existe pas comme c'est le cas à Genève, puisque cette autorité se situe sur le plan cantonal. Vous savez que certains cantons ont des conflits entre les communes et leur autorité cantonale, d'où les difficultés auxquelles vous avez fait allusion. Mais elles n'illustrent en rien les propos qui nous occupent aujourd'hui, car à Genève nous connaissons l'unicité de l'autorité compétente en la matière. Par conséquent, ce problème ne se pose pas.
Il n'est donc pas concevable, dans l'ordre juridique qui est le nôtre, de considérer l'inertie de l'administration comme valant réponse positive à une requête qui lui serait adressée. Au contraire, on devrait considérer, comme c'est le cas actuellement, qu'un défaut de réponse de l'administration vaut refus, soit déni de justice ou non-volonté de statuer. Contre cette non-décision le recourant pourrait être appelé à saisir, en l'occurrence, le Tribunal administratif, qui serait l'autorité de recours.
Voilà pourquoi nous ne nous opposerons pas au renvoi de ce projet de loi en commission où nous proposerons ces amendements pour avoir un texte un peu plus conforme à l'esprit juridique de nos lois.
M. Bénédict Fontanet. Notre groupe accueille, bien sûr, favorablement ce projet, même s'il est un peu provocateur par certains de ses aspects !
Mais il n'empêche qu'aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, dans le domaine de l'administration comme dans d'autres... - pour une fois je ferai plaisir à M. Kunz - (Une exclamation réjouie accueille cette remarque.) ...il en va beaucoup de la compétitivité des administrations respectives et de leur rapidité de réaction. Notre pays - c'est un constat qui a été fait des milliers de fois - souffre considérablement des lenteurs administratives dues au triple niveau de ces instances décisionnelles : communes, cantons et Confédération. C'est un élément très pénalisant en termes internationaux, qui dissuade certaines grandes entreprises ou multinationales de venir s'installer en Suisse. C'est ainsi, par exemple, que dans le cadre d'une éventuelle installation des usines «Swatchmobile» dans le canton de Berne, à Bienne, un des éléments décisionnels qui a poussé cette entreprise à ne pas s'installer en Suisse est celui de la lenteur et de la difficulté de nos procédures administratives, notamment dans le domaine de la construction.
C'est pour cela que nous vous proposons, Mesdames et Messieurs, de réfléchir à cette question, de modifier le cas échéant notre loi de procédure administrative pour l'améliorer. Un premier point nous apparaît comme essentiel : celui de la coordination. Il n'est pas admissible que des autorités cantonales, communales ou différentes autorités se renvoient la balle. Il faut coordonner leurs activités pour que l'administré ne soit pas ballotté. Il est également important que l'administration - qui est au service de l'administré qu'elle doit désormais concevoir comme un client - lorsqu'elle ne prend pas une décision dans certains délais reçoive une forme de sanction dès lors qu'elle ne répond pas aux légitimes attentes de ses administrés.
Nous examinerons ce projet avec intérêt en commission. Nous écouterons les propositions d'amendement de M. Ferrazino avec intérêt également. Ce projet va dans le sens du temps et de l'amélioration de nos procédures administratives, qui, encore aujourd'hui, sont beaucoup trop lentes.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Notre groupe accueille, bien entendu, favorablement ce projet de loi.
Comme cela a été dit, ce projet soumis à votre attention a pour but d'accélérer, en les rationalisant, les procédures d'autorisation délivrées par le canton. La quasi-unanimité des investisseurs suisses et étrangers estime qu'il faut simplifier et raccourcir la procédure d'octroi des permis de construire ou d'exploiter, afin de rendre son activité à la place économique suisse. Certains des exemples que je voulais vous donner ont déjà été cités, entre autres celui de la «Swatchmobile».
A part cela, je voulais vous rappeler le cas récent du laboratoire de recherche en microbiologie, qui a été délocalisé en France en raison des lenteurs et des oppositions rencontrées par le projet à Bâle-Ville. Cet exemple n'est malheureusement pas le seul, puisque les dernières statistiques parues cette semaine montrent qu'en 1992 les investissements pour la recherche et le développement de l'industrie suisse ont été plus importants à l'extérieur que dans notre pays.
Face à cette inertie et dans le cadre de sa politique de revitalisation, le Conseil fédéral a bien essayé de remédier à la situation en proposant de réviser la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT), dans le but d'accélérer les procédures d'autorisation de construire. Eh bien, il faut déchanter, puisque le Conseil des Etats vient de refuser les pâles mesures proposées, afin d'obliger les cantons à fixer des délais pour le traitement de toutes les demandes d'autorisation, de désigner une autorité responsable de la coordination et de simplifier les voies de recours. La Chambre des cantons a estimé que ces propositions étaient une atteinte au fédéralisme, et qu'il incombait aux cantons de prendre ces mesures !
Heureusement, Monsieur Moutinot, beaucoup de cantons suisses n'ont pas attendu la non-décision fédérale pour agir ! Et pour bien vous démontrer que cela est possible dans certains cantons, depuis un certain temps déjà, on observe une tendance assez nette à la modification des procédures. Par exemple, les cantons du Valais, Soleure, Fribourg et Berne, ont apporté des correctifs importants à leur législation. Le canton de Berne a été, à ce jour, le plus audacieux, puisqu'il a opté pour une concentration généralisée des procédures en adoptant une nouvelle loi à ce sujet.
Je signale que Fribourg a fait le pas que Genève avait refusé de faire en 1992, en supprimant l'effet suspensif en cas de recours et en prévoyant des dommages et intérêts, en cas de recours abusif. Vous vous souvenez que le peuple avait refusé à Genève, suite au référendum, la loi que le Grand Conseil avait acceptée pour cinq cents voix seulement, Monsieur Grobet. Jusqu'ici Genève est restée à la traîne en matière de simplification et d'accélération des procédures d'autorisation en dépit d'une succession de groupes de travail, de groupes de sages et autres groupes de réflexion.
Il est urgent d'agir, sinon notre pays perdra toute crédibilité ! Genève devra assister, sans possibilité d'agir, à des délocalisations en Suisse et à l'étranger. Le projet de loi qui vous est présenté ne limite ni les droits populaires, Monsieur Moutinot, ni les droits de recours, mais il se contente bien modestement d'obliger l'Etat à gérer d'une façon rationnelle et efficace la procédure générale d'autorisation.
C'est dire que ces modifications de la procédure administrative ne concernent pas seulement le domaine de l'immobilier et de la construction mais bien l'ensemble des actes par lesquels l'autorité a compétence d'intervenir. Il s'agit principalement de prévoir qu'un déni de justice peut être constitutif d'une autorisation, de créer une autorité de coordination chargée d'harmoniser les diverses procédures tendant à l'obtention d'une décision et de remédier aux défauts d'inefficacité dont souffre la prescription du délai maximum de réponse. Il appartient à l'autorité d'inscrire le principe, que vous avez relevé, selon lequel lorsqu'une autorité doit donner un préavis dans un certain délai et qu'elle ne le fait pas, le préavis est considéré comme positif. Cette dernière disposition est très importante, puisque certaines autorisations exigent plusieurs préavis provenant des différents départements de l'administration.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'a rien de révolutionnaire; comparé à d'autres cantons, il est minimaliste ! En l'acceptant, après débat en commission, vous contribuerez à revaloriser l'attrait de Genève. Mais le plus important est que vous apporterez ainsi la preuve que les pouvoirs publics doivent tout mettre en oeuvre, dans le cadre du respect des droits collectifs et individuels, pour faciliter les initiatives et les projets privés créateurs d'emplois et d'avenir pour nos jeunes !
Une voix. Très bien, Gardiol ! (Applaudissements.)
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
La présidente. Certains députés m'ont fait part de leur désir de traiter en urgence la question des mesures de contrainte. Je vous rappelle que ce point de l'ordre du jour est précédé par trois points concernant le SAN.
Madame la députée, je soumets au vote votre proposition, mais j'estime qu'il appartient au Grand Conseil de décider s'il y a lieu ou non de modifier un ordre du jour, comme cela, en cours de séance, pour des questions urgentes.
M. Andreas Saurer(Ve). Je suis tout à fait conscient que nous demandons un certain changement de l'ordre du jour, et que cette proposition doit être soumise à l'approbation de ce Grand Conseil. Cependant, étant donné l'importance du débat que nous aurons concernant le SAN, je propose que nous arrêtions nos débats maintenant et que nous traitions tout de suite le point 40 concernant les mesures de contrainte.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
La présidente. Le débat portant sur les points 37, 38 et 39 est reporté à une prochaine séance. Nous abordons donc le point 40 ainsi que la motion dont vous avez accepté de débattre en urgence.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988, est modifiée comme suit:
Commission de décision pour les mesures de contrainte
Art. 7 (nouvelle teneur)
1 Il est institué une commission décisionnelle pour les mesures de contrainte en matière de droits des étrangers (ci-après la commission).
2 La commission est composée d'une personne désignée par le Conseil d'Etat, d'une personne désignée par le président du Tribunal de première instance et d'un représentant des oeuvres d'entraide désigné par le Grand Conseil. Des suppléants sont désignés par les instances précitées.
3 Les membres de la commission sont nommés pour la durée d'une législature du Grand Conseil. En cas de vacance en cours de législature, il est pourvu immédiatement au remplacement du poste vacant. Pour le surplus, le Conseil d'Etat détermine par règlement les modalités de fonctionnement de la commission.
4 La commission est saisie par l'office cantonal de la population, chaque fois qu'il envisage une mesure de détention au sens des articles 13 a et 13 b de la loi fédérale. A cette occasion, la commission rend sa décision écrite et dûment motivée.
5 La commission, si elle l'estime opportun, peut auditionner la personne visée par la mesure ou par toute autre mesure (fouille, notamment). Elle peut également procéder aux autres actes d'instruction prévus par la loi de procédure administrative, du 12 septembre 1985.
6 Dans ses décisions la commission tient compte de la situation des familles. Elle porte une attention particulière à la situation des mineurs qui seraient l'objet des mesures de contrainte.
Mise en détention
Art. 8 (nouvelle teneur)
1 La décision de la commission est notifiée par écrit à la personne visée et, le cas échéant, communiquée à son mandataire. Si elle se trouve en Suisse, la parenté directe est informée.
2 La police est l'autorité compétente pour procéder à la mise en détention.
3 Au plus tard 24 heures après le début de la détention, la personne visée par la mesure, si elle n'est pas encore refoulée, doit être entendue par le juge d'instruction. Celui-ci doit décider séance tenante de la prolongation, ou non, de la détention.
4 Les mineurs doivent être entendus par un juge du Tribunal de la jeunesse.
Recours
Art. 9 (nouvelle teneur)
1 Contre la décision du juge d'instruction de maintien en détention, la personne visée par la mesure peut recourir auprès de la Chambre d'accusation.
2 Contre la décision du juge des mineurs, le jeune peut recourir auprès du Tribunal de la jeunesse en séance plénière (3 juges).
3 Pour le surplus, les dispositions du code de procédure pénale sont applicables à tous les cas, ainsi que la loi sur les juridictions concernant les enfants et les adolescents, pour les mineurs.
Demande de levée de la détention
Art. 10 (nouvelle teneur)
1 La personne en détention peut déposer auprès de la Chambre d'accusation une demande de levée de détention un mois après que la légalité et l'adéquation de celle-ci ont été examinées. La Chambre d'accusation se prononce dans un délai de 3 jours ouvrables, au terme d'une procédure orale.
2 Une nouvelle demande de levée de détention peut être présentée après un délai d'un mois si la personne est détenue en vertu de l'article 13 a de la loi fédérale et de deux mois lorsqu'elle est détenue en vertu de l'article 13 b de la loi fédérale.
Prolongation de la détention
Art. 11 (nouvelle teneur)
1 La Chambre d'accusation est seule compétente pour ordonner la prolongation de la détention prévue par l'article 13 b, alinéa 2, 2e phrase de la loi fédérale.
Exécution de la détention
Art. 11 A (nouveau)
1 Les personnes détenues en vertu des articles 13 a et 13 b de la loi fédérale le sont dans des locaux adéquats. Elles ne sont pas regroupées avec des personnes en détention préventive ou purgeant une peine.
2 Les personnes détenues doivent pouvoir s'occuper de manière appropriée.
3 N'étant pas des prisonniers de droit commun, les détenus concernés échappent aux conditions de vie habituelles restrictives. Ils ont droit à des visites, à une vie sociale et affective.
4 Les familles ne sont pas séparées et sont détenues dans un même lieu.
Mandataires
Art. 11 B (nouveau)
1 A la demande de la personne détenue, un avocat de son choix ou un avocat d'office est désigné.
2 L'information quant au droit d'avoir recours à un mandataire est faite dès la mise en détention, par écrit et dans la langue maternelle de la personne concernée.
3 Au besoin la personne détenue bénéficie de l'assistance juridique.
4 Le mandataire assiste la personne détenue à tous les stades de la procédure.
Art. 2
La présente loi entre en vigueur le (à préciser).
EXPOSÉ DES MOTIFS
Historique
Le 18 mars 1994, l'Assemblée fédérale (FF 1994 II 283) adoptait la loi sur les mesures de contrainte dans le droit des étrangers, loi qui avait fait l'objet d'un message du Conseil fédéral publié à peine plus d'un mois auparavant, soit le 8 février 1994. C'est donc bien dans la précipitation que cette loi a été adoptée, alors qu'il aurait été possible d'attendre les modifications de la procédure d'asile prévue pour le 1er janvier 1996. A cela s'ajoutaient les nombreuses pressions exercées pour faire croire que cette loi allait pouvoir répondre aux problèmes lancinants du Letten, chacun semblant oublier qu'on ne résout pas une question locale d'une ville en élaborant une loi fédérale n'ayant aucun rapport avec le problème évoqué et qui, au surplus, ne lui apporterait aucune solution. Cette loi sur les mesures de contrainte a d'ailleurs été rapidement baptisée «Lex Letten».
L'urgence et la précipitation n'ont pas permis aux parlementaires d'évaluer en profondeur les conséquences, les risques de dérapage et les contradictions avec des droits fondamentaux que certains articles engageaient. Nombre de députés, après avoir mieux compris les enjeux, avouent, malheureusement trop tardivement, que leur vote serait aujourd'hui différent.
Suite à la décision des Chambres, un référendum a été lancé, soutenu par les milieux de défense de droits de l'homme, les associations et organisations s'occupant des requérants d'asile et immigrés, les juristes progressistes, ainsi que les partis de gauche et écologiste. Les Eglises se sont elles aussi insurgées fortement contre cette loi. Quant à notre canton, il a vu s'ajouter à cette liste les prises de position très fermes des partis démocrate-chrétien et libéral, ainsi que de l'Ordre des avocats, pour n'en citer que quelques-uns. Le référendum ayant abouti, la loi a été soumise au vote populaire le 4 décembre 1994 et acceptée.
A Genève, le peuple a dit un oui du bout des lèvres. Une fois de plus preuve est faite que la proportion d'étrangers dans une population donnée (à Genève près de 40%) n'est pas liée automatiquement à des sentiments de peur et de rejet de l'étranger.
Ce que dit la loi fédérale
Le but de cette loi est d'assurer l'exécution du renvoi des étrangers qui ne détiennent pas d'autorisation de séjour ou d'établissement. Rien de choquant jusque-là. Reste la manière dont l'organisation en est prévue dans la loi.
1. Détention préparatoire et détention aux fins d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion
La loi permet une détention d'une durée de 3 mois pendant la préparation de la décision sur le droit de séjour. Une fois cette décision rendue, la loi prévoit la poursuite de la détention, en vue du refoulement, de 3 mois dans un premier temps, et prolongeable encore de 6 mois. Total: 12 mois !
«La loi sur les mesures de contrainte introduit, en matière de privation de liberté, des innovations discriminatoires, totalement contraires à la tradition juridique suisse. C'est ainsi que les étrangers soumis à cette législation seront moins bien traités que les personnes prévenues d'un crime ou d'un délit. Pourtant le seul grief servant de justification légale aux nouvelles mesures de privation de liberté est que l'étranger pourrait peut-être avoir l'intention de se soustraire à une décision administrative de renvoi ou d'expulsion. «...» La mise en détention en vue de préparer une décision administrative constitue une innovation par rapport au droit actuel. Elle n'existe dans aucun autre pays européen. Il s'agit d'un nouveau type de détention préventive, intervenant alors qu'il n'y a aucune prévention de crime ou de délit, la seule décision que l'autorité administrative est susceptible de rendre pouvant être, tout au plus, une décision de renvoi.» (Extraits de la prise de position de l'Ordre des avocats de Genève.)
Après les 3 premiers mois, et comme déjà relevé plus haut, l'autorité peut afin d'assurer l'exécution de la décision mettre la personne concernée en détention durant 3 mois supplémentaires, prolongeables encore durant 6 mois. Or, en 1988, les autorités fédérales avaient clairement fixé à 30 jours au maximum la possibilité de priver de liberté un individu faisant l'objet d'une décision de renvoi ou d'expulsion. Six ans plus tard, on passe à une durée de 9 mois qui vient s'ajouter aux 3 mois prévus pour préparer la décision. En tout, la privation de liberté aura été multipliée par 12, pour une personne qui n'a commis aucun crime ni délit, mais simplement soupçonnée de vouloir se soustraire à une décision administrative.
2. Détention des mineurs âgés de plus de 15 ans
La nouvelle loi autorise la détention de mineurs dès 15 ans, là aussi pour une période pouvant aller jusqu'à une année.
«Le seul fait qu'une détention d'une telle durée ait pu être envisagée pour des adolescents de 15 ans apparaît totalement incompatible avec les exigences du code pénal, lequel incorpore les garanties minimales en matière de privation de liberté. L'article 95, alinéa 1 CP prévoit en effet que la détention d'un adolescent constitue un ultima ratio, qu'elle ne peut être prononcée que lorsque toutes les autres mesures éducatives sont inapplicables et que, quels que soient les crimes ou délits commis par l'adolescent, la peine la plus grave est la détention de un jour à un an. Dérogeant au droit ordinaire, la loi fédérale sur les mesures de contrainte prévoit une telle sanction sur la base du simple soupçon que l'adolescent étranger pourrait commettre une infraction administrative, en se soustrayant à l'exécution d'une future décision de renvoi ou d'expulsion.» (Extraits de la prise de position de l'Ordre des avocats de Genève.)
Au surplus cette loi, en permettant que des enfants dès l'âge de 15 ans soient assimilés à des adultes et incarcérés pour des motifs purement administratifs pour des périodes pouvant aller jusqu'à une année, contrevient aux obligations internationales auxquelles la Suisse a souscrit à ce jour. Elle viole notamment l'article 24.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié en 1991 par notre pays.
Indépendamment du fait que cet article viole un certain nombre de droits fondamentaux touchant aux enfants, une telle mesure est inadmissible sur le plan éthique. C'est d'ailleurs probablement cette possibilité d'emprisonner des gosses qui a le plus choqué. De grandes organisations internationales telles que Défense Enfants International ont pris position très fermement contre cette loi.
A Genève, par exemple, fait peu commun, des autorités ont fait afficher sur tout le territoire de leur commune des panneaux invitant les citoyennes et citoyens à refuser une loi qui violait les droits des enfants.
Et dire que cette année, le Conseil fédéral s'est engagé à ratifier la Convention internationale des droits de l'enfant....
A Genève, aujourd'hui.
La mobilisation a été particulièrement forte à Genève, et le mouvement opposé à cette loi reste très fort. Faut-il dès lors continuer à dire non, et à attendre de voir ce qui va se passer ?
Ou au contraire faut-il, avec regret, prendre acte du choix du peuple suisse, réaffirmer très fortement notre rejet de ces mesures indignes prévues dans la loi, et mettre en place le plus rapidement possible une loi d'application sauvant au maximum les droits de la personne et le respect de la dignité à laquelle a droit chaque être humain ?
C'est cette seconde solution que les députés signataires de ce projet de loi ont décidé de mettre en oeuvre, convaincus que leur proposition n'est pas soudain une acceptation de ce contre quoi ils se sont engagés avant le 4 décembre, mais bien le souci du traitement des personnes qui vont désormais être victimes de cette nouvelle loi.
Nous devons maintenant adopter une attitude responsable. Le peuple a dit oui et il nous incombe de répondre à sa demande. Mais il nous incombe aussi d'intégrer dans nos travaux les éléments qui ont motivé toutes nos réticences et nos refus de cette loi. D'ailleurs les personnes qui travaillent quotidiennement avec la population concernée le demandent: il faut une loi d'application, mais qui préserve au mieux les individus.
Sur le terrain, la vie associative doit continuer à protéger celles et ceux dont elle s'occupe, à crier son indignation et son refus d'obéir, à résister même s'il le faut. Au niveau politique, notre responsabilité est de sauver ce qui peut encore être sauvé dans une application la plus restrictive possible de cette loi.
Mesdames et Messieurs les députés, cette année nous fêterons le 50e anniversaire de l'ONU, symbole d'ouverture, de dialogue et de tolérance. Et pour cet anniversaire, la Suisse s'offre une nouvelle loi qui porte le message contraire: loi d'exception, confondant volontairement délit pénal et administratif, montrant du doigt l'étranger, et offrant l'image d'une Suisse se refermant sur elle-même.
Dans le cadre d'un Etat de droit, tous les criminels, suisses ou étrangers doivent être poursuivis pour les actes répréhensibles qu'ils auraient commis et il incombe aux pouvoirs politiques d'inscrire leurs travaux législatifs dans cette nécessité. Mais il n'est pas acceptable qu'une loi soit discriminatoire en ne s'attaquant qu'aux étrangers, dangereuse parce que permettant d'emprisonner sur simple soupçon pendant de longs mois et indigne car autorisant l'incarcération d'enfants et de familles.
Notre parlement cantonal doit aujourd'hui avoir à coeur de montrer qu'il reste attaché aux valeurs essentielles qui lui sont chères. A cet effet, il lui incombe, malgré certainement de fortes réticences dictées par la conscience qui voudrait rejeter en bloc et la loi fédérale et ses conséquences cantonales, de voter des articles d'application les plus modérés possible, afin de sauvegarder au maximum les droits de la personne humaine.
Commentaires article par article
Le présent projet de loi s'inscrit dans la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 16 juin 1988, en son chapitre II (F 2 2 ).
Ce commentaire article par article permet de saisir l'intention des auteurs de ce projet.
Article 7 - Commission de décision pour les mesures de contrainte
Alinéa 1
Afin que toutes les garanties d'une application modérée, et proportionnée, des mesures de contrainte soient réunies, une commission décisionnelle est créée.
Alinéa 4
A Genève, la décision de renvoi ou d'expulsion incombe à l'office cantonal de la population (ci-après OCP). Son exécution est confiée à la police (art. 6 de la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers). La décision d'exécuter un renvoi ou une expulsion étant formellement du ressort de l'OCP, il paraît judicieux de confier à une commission neutre la tâche de décider en premier ressort d'une mesure de détention au sens des articles 13 a et 13 b de la loi fédérale. Cela d'autant plus puisque la détention dont il est question n'est pas de nature pénale.
Comme la nouvelle loi fédérale laisse un énorme pouvoir d'appréciation, il se justifie de prévoir des exigences accrues quant à la motivation des décisions de détention, afin de ne pas laisser la porte ouverte à l'arbitraire. En particulier, la décision devra être motivée sous l'angle de la légalité et de son opportunité. Le respect du principe de la proportionnalité devra également être étayé dans la décision.
Article 8 - Mise en détention.
Alinéa 1
On reprend ici la teneur de l'actuel article 9 in fine
Alinéa 2
On distingue ici d'un côté l'autorité chargée de solliciter une mesure de détention et la commission chargée de décider et de l'autre l'autorité chargée d'exécuter cette décision. On s'inspire de la sorte de l'article 6 de la loi.
Alinéa 3
La loi fédérale prévoit que la légalité et l'adéquation de la détention doivent être examinées dans les 96 heures au plus tard par une autorité judiciaire, au terme d'une procédure orale. Ce délai de 96 heures est un maximum. Il peut fort bien être raccourci et il se justifie de prévoir un délai proche de celui prévu par le code de procédure pénale en cas d'arrestation d'un prévenu.
A la différence toutefois de la procédure pénale, il n'est pas instauré ici un double délai de 24 heures, mais un délai unique au cours duquel le juge doit interroger l'étranger et prendre une décision.
Alinéa 4
Une procédure particulière et adaptée doit être mise en place pour les mineurs. (Idem pour l'article 9.)
Article 9 - Recours
La décision du juge d'instruction est contrôlée par la Chambre d'accusation, selon la procédure prévue pour les mises en liberté par le code de procédure pénale. Il va sans dire que lorsqu'il prend sa décision, le juge informe l'étranger de son droit de recours auprès de la Chambre d'accusation.
Article 10 - Demande de levée de la détention
Cette disposition reprend l'article 13 c, alinéa 4, de la loi fédérale, étant précisé, et cela est choquant, que l'étranger dispose de moins de droits dans le cas où il fait l'objet de mesures de contrainte que s'il est arrêté dans le cadre d'une procédure pénale, puisqu'il ne peut réitérer en tout temps sa demande et doit attendre pour ce faire un délai d'un mois.
Article 11 - prolongation de la détention
Cette disposition couvre l'hypothèse visée par l'article 13 b, alinéa 2, de la loi fédérale. Selon cette norme, la détention ne peut excéder 3 mois. Si des obstacles particuliers s'opposent à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, la détention peut, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de 6 mois au maximum. La décision de prolongation de la détention est du ressort de la Chambre d'accusation, qui statue selon la procédure relative à la prolongation des détentions dans les procédures pénales.
Article 11 A - Exécution de la détention
On reprend ici l'article 13 d, alinéa 2, de la loi fédérale.
Article 11 B - Mandataires
On reprend ici le sens des articles 11 et 12 de la loi cantonale.
(M 982)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
le règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 15 février 1995;
le contenu de ce règlement qui ne correspond pas aux vives critiques faites par le gouvernement face à la loi fédérale sur les mesures de contrainte;
l'importance de préserver, entre les divers partenaires, un climat serein dans le domaine de l'asile,
invite le Conseil d'Etat
à annuler le règlement transitoire d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le jeudi 16 février, le président du Conseil d'Etat annonçait au Grand Conseil que le gouvernement avait adopté la veille un règlement d'application concernant la nouvelle loi sur les mesures de contrainte. Ce texte appelle les commentaires suivants:
Il donne les compétences à la police, alors que les personnes concernées n'ont, il faut le rappeler, commis aucun délit sur le plan pénal. Elles sont simplement soupçonnées de peut-être avoir l'intention de se soustraire à une décision administrative de renvoi ou d'expulsion. Il faut donc exclure un processus policier qui n'a pas sa place dans cette problématique et en rester à un processus administratif.
Ce règlement ne mentionne ni la situation des mineurs, ni celle des familles, et encore moins les conditions dans lesquelles seront détenues ces personnes (cohabitation avec des délinquants).
Enfin, il ne précise en rien les droits des personnes détenues.
Ce règlement, Mesdames et Messieurs les députés, n'est à nos yeux pas acceptable.
Pour justifier sa décision, le Conseil d'Etat insiste sur le fait que ce règlement, doit, soi-disant, répondre à un vide juridique et à une urgence.
Cependant, selon certains juristes, ce vide n'existerait pas. En effet, le nouveau droit fédéral a étendu la durée de détention en vue du refoulement. Mais il tombe sous le sens qu'il n'interdit pas de continuer à recourir provisoirement et comme jusqu'à aujourd'hui à une détention de 30 jours. Il suffit donc à notre parlement de travailler rapidement sur le projet de loi d'application.
Enfin ce règlement réveille de vieux démons.
Les années 1986 à 1989 furent très tendues sur le plan de l'asile à Genève. Lors de la dernière législature, le gouvernement avait su recréer un dialogue entre les oeuvres d'entraide et les autorités. Le geste posé mercredi au travers de l'adoption de ce règlement rouvre les plaies. Concertations refusées, application rigide d'une loi certes acceptée, mais seulement du bout des lèvres à Genève, contradictions entre les promesses faites l'automne dernier et les décisions prises, etc.
Nous pensons que le Conseil d'Etat aurait dû mieux évaluer les risques de son choix et les atteintes portées ainsi aux possibilités, à l'avenir, de continuer à travailler ensemble, autorités et gens du terrain. Instaurer un climat de confiance et de collaboration, n'est-ce-pas là la voie qui doit toujours être privilégiée?
Pour avoir bien connu les moments de conflits dans le domaine de l'asile à Genève, nous pensons que la réponse à la question ci-dessus est, sans hésitation aucune, positive.
C'est pourquoi nous demandons au Conseil d'Etat de bien vouloir annuler son règlement transitoire.
Préconsultation
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Il y a bientôt une année, notre pays a choisi d'inscrire dans ses lois des articles indignes d'une démocratie basée sur la liberté, l'indépendance et le respect !
Les autorités de la Suisse ont, en effet, pris l'option de se placer dans le camp des pays qui emprisonnent des être humains sans qu'ils n'aient commis le moindre délit pénal. Elles ont aussi choisi volontairement de confondre trafiquants de drogue, délinquants et persécutés qui viennent chercher refuge chez nous. Enfin, elles ont pris la grave responsabilité de faire figurer la Suisse sur la liste des nations qui emprisonnent des enfants et des familles innocentes.
Cette loi, Mesdames et Messieurs les députés, respire le rejet de l'étranger et du réfugié et a des relents d'apartheid ! Il me semble important de ne jamais l'oublier. Croyez-moi, mes propos n'ont rien d'excessifs. Ils sont cités dans l'enceinte même de l'ONU. En effet, vous le savez peut-être, se déroule à l'heure actuelle à l'ONU, la cinquante et unième session de la Commission des droits de l'homme, et j'ai l'honneur de participer à ces travaux.
Chaque année, les violations des droits de l'homme y sont évoquées et dénoncées. La liste des pays cités revient de manière, hélas, assez identique à chaque fois. Mais la semaine dernière - fait assez exceptionnel - c'est la Suisse qui a été montrée du doigt; c'est notre pays qui était sur le banc des accusés à cause de la loi sur les mesures de contrainte !
Je me permets de citer un extrait de cette intervention à l'ONU :
«Tant que l'Etat suisse fait de tout immigré, de tout réfugié un suspect, pourquoi pas un délinquant potentiel, les vannes du racisme sont ouvertes.».
Voilà comment on parle de la Suisse dans l'enceinte même de l'ONU !
Cette loi, Mesdames et Messieurs les députés, n'aurait jamais dû voir le jour.
Mais alors pourquoi déposer un projet de loi d'application devant notre parlement ? Est-ce dire que nous avons changé d'avis, que soudain nous approuvons cette loi au point de légiférer au plan cantonal, et rapidement ? La réponse est non, et cette décision de projet de loi est très douloureuse sur le plan de la conscience.
Mais il nous incombe aujourd'hui de concilier deux paramètres :
1) Respecter le résultat du vote populaire, même si nous le regrettons.
2) Instaurer une loi d'application ayant une portée minimale, car tôt ou tard une loi cantonale devra être élaborée.
Pour notre part, l'essentiel se situe maintenant et de manière urgente au niveau humain. Si, par cette loi cantonale, nous parvenons à offrir aux personnes qui seront victimes, je dis bien «victimes», de ces mesures le plus de garanties possibles quant à des traitements dignes et respectueux, alors nous aurons mené notre tâche de députés de manière responsable et attachée aux droits de l'homme.
En quelques mots, j'évoquerai maintenant les trois grands axes défendus par ce projet de loi :
1) Tout d'abord, enlever toute compétence décisionnelle à la police. Il s'agit encore une fois de personnes qui n'ont commis aucun délit sur le plan pénal. Il n'y a donc pas de raison d'introduire un processus policier.
2) Instaurer une procédure particulière pour les mineurs, afin que dans notre canton aucun enfant, et jamais, ne soit emprisonné, surtout en étant innocent.
3) Que les lieux de détention ne soient pas les mêmes que ceux destinés aux personnes détenues en préventive ou purgeant une peine. Au surplus, les conditions de détention doivent être appropriées pour des personnes qui ne sont en rien ni condamnées ni condamnables, et ce particulièrement pour les familles.
Voilà les grands axes de ce projet de loi qui feront l'objet de discussions en commission avec les autres points proposés dans le texte.
Permettez-moi d'aborder encore rapidement la motion qui vient d'être déposée et vous exprimer ma réaction face à la déclaration du Conseil d'Etat et à l'annonce de l'adoption d'un règlement.
Mercredi, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai perdu un pari ! En effet, j'avais parié que le Conseil d'Etat n'oserait jamais voter un tel règlement. Eh bien, j'ai perdu ! Le pire, vous vous en doutez bien, ce n'est pas cela, mais bel et bien le contenu du texte, la hache de guerre qu'il risque de faire ressortir et les promesses non tenues qu'il met en lumière.
Je trouve honteux d'adopter un tel texte dans un canton qui n'a accepté la loi que du bout des lèvres, des articles qui laissent la police libre de faire ce qu'elle veut pendant quarante-huit heures, un texte qui ne met même pas les gosses dans une catégorie à part !
Permettez-moi de reprendre rapidement quelques phrases dites hier par M. Vodoz :
Il a promis qu'aucun enfant ne serait jamais emprisonné dans notre canton. Cela va sans dire, bien sûr, mais cela irait tellement mieux en le disant, et en l'écrivant surtout ! Mais, non, pas un mot n'est écrit sur ces enfants.
Il a également affirmé que jamais une famille n'avait été emprisonnée à Genève et que cette pratique continuerait. Bien évidemment, on n'emprisonne que le chef de famille. Les autres membres de la famille : la femme et les enfants, restent cachés dans la clandestinité. Triste famille détruite par l'angoisse de ne plus jamais se retrouver ! Et c'est comme cela que vous voudriez continuer à fonctionner ?
Enfin, les chiffres. L'année dernière, M. Ramseyer nous a rassurés. Je le cite : «J'affirme ici que la pratique ne changera pas. Le recours à la détention ne se fera, comme jusqu'ici, que dans les cas justifiés d'abus graves et pour un nombre extrêmement restreint de cas.». Or, nous avons appris, hier, par la bouche de M. Vodoz, que leur nombre se situait entre quatre cents et huit cents par année ! Est-ce cela un nombre extrêmement restreint de cas ?
Monsieur Vodoz, vous nous avez dit, hier, que le nouveau règlement ne faisait que poursuivre la pratique en vigueur. Permettez-moi de vous dire que la pratique en vigueur n'était pas toujours très belle, qu'il n'y a pas de quoi en être fiers et que nous n'en voulons plus !
Ce projet de règlement a déjà donné lieu à une conférence de presse de certains milieux, la colère gronde, le climat se détériore. Est-ce vraiment cela que le Conseil d'Etat désire, après avoir - du moins, je l'espère - apprécié les années de collaboration et de travail en commun dans le domaine de l'asile ? L'adoption de ce règlement a un goût amer de déjà vu. Cela s'appelle la précipitation, exactement comme pour l'adoption de la loi fédérale par les Chambres.
Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, parallèlement au renvoi du projet de loi en commission, d'accepter cette motion afin que le Conseil d'Etat annule le règlement. De notre côté, nous travaillerons rapidement à la mise en place d'une loi, qui, je l'espère, trouvera l'appui de chacun.
Pour conclure, je dirai un mot à titre personnel. J'ai travaillé à l'élaboration du projet de loi et je l'ai signé. J'ai signé aussi, l'automne dernier, ainsi que plusieurs autres de mes collègues dans cette enceinte, un appel public à rejeter la loi sur les mesures de contrainte, à résister et à désobéir s'il le fallait. Aujourd'hui, ce projet de loi d'application que je soutiens ne me fait renier en rien ma signature et mon engagement. Et si d'aventure, comme on peut déjà le craindre au travers de ce qui se passe dans certaines instances de la République, il devait y avoir des détentions arbitraires et des dérapages, ma seule contrainte, face à cette loi, sera dictée par ma conscience et la certitude qu'à l'inacceptable personne n'est tenu d'obéir !
M. Pierre-François Unger (PDC). La présentation du projet de loi qui vous est soumis nous oblige à un bref rappel historique de la genèse de la loi fédérale sur les mesures de contrainte.
Cette loi est issue, comme chacun le sait, de la situation dramatique à laquelle les Zurichois ont été confrontés, s'agissant du Platzspitz, puis, par la suite, du trop fameux Letten. La politique zurichoise de ces quinze dernières années en matière de drogue a été caractérisée par des approches extrêmement répressives et menées par à-coups. Cette politique n'a malheureusement jamais été inscrite dans une réflexion concertée entre les différents acteurs policiers, sociaux et sanitaires, ce qui a entraîné un débat politico-médiatique confus et toujours mené dans un climat de grande tension.
C'est de cette situation qu'est née l'idée de créer un scène ouverte. On créait alors l'illusion que le problème de la drogue se réglerait en ayant l'oeil sur le monde des toxicomanes, des trafiquants et, bien sûr, des toxicomanes/trafiquants. Cet aspirateur concentrationnaire a conduit au résultat que l'on connaît, dont le gouvernement zurichois - on ne peut que l'en féliciter - a décidé de sortir. Mais pour sortir de cette situation d'exception, et cela dans le contexte politique zurichois, il fallait trouver un moyen de rassembler l'opinion sur une solution miracle. Là encore, nouvelle illusion ! Malheureusement, le seul moyen qui a été trouvé, dans la situation politique zurichoise de l'époque, a été de susciter un amalgame scandaleux entre trafiquants et étrangers, entre étrangers et requérants d'asile, puis entre requérants d'asile et délinquants.
C'est ainsi qu'est née la mythologie selon laquelle les problèmes liés à la drogue, qu'il s'agisse de trafic mais aussi de consommation - on croit rêver ! - serait réglée par la loi sur les mesures de contrainte. D'une situation d'exception purement zurichoise, on créait un droit d'exception applicable dans toute la Suisse.
A ce titre, Mesdames et Messieurs les députés, la loi sur les mesures de contrainte est et restera un ver dans le fruit de l'Etat de droit ! Autant que nous l'avons pu, nous nous sommes opposés à cette loi indigne, mais le peuple en a décidé autrement. Si le respect de la volonté populaire est un impératif pour des politiques responsables, le respect des droits fondamentaux de chacun l'est aussi. Il convenait dès lors de travailler rapidement, mais contrairement à certaines assertions, Monsieur le conseiller d'Etat, sans précipitation, à l'élaboration d'un projet de loi cantonal limitant au maximum les méfaits potentiels de la loi fédérale.
La «lex Letten» n'a aucune raison de s'appliquer à Genève qui a su éviter, grâce à une politique tout en nuance et en concertation, les conflits en matière de politique de drogue et de toxicomanie.
Mme Reusse-Decrey ayant parfaitement expliqué les axes du projet de loi qui vous est soumis, je n'y reviendrai donc pas. Bien sûr, je salue notre gouvernement qui a rapidement concocté un règlement d'application pour éviter une situation de vide juridique. C'est un grand pas en avant. Quant à moi, je l'aurais préféré, même petit, en arrière ! Car dire que notre politique en matière d'asile ne changera pas, c'est bien; dire qu'aucun mineur ni aucune famille ne seront emprisonnés, c'est bien; mais pourquoi renoncer à l'écrire ! Nous faisons évidemment confiance à ceux qui nous le disent. Mais les hommes passent et les écrits restent !
Ce règlement aura toutefois un effet salutaire. Il va, en effet, stimuler l'ardeur des parlementaires à traiter, avec célérité et enthousiasme, le projet de loi qui vous est soumis pour asseoir la base légale dont nous avons besoin, et ce de la manière la plus proche qui soit des impératifs de la dignité humaine.
M. Bernard Clerc (AdG). Le projet modifiant la loi d'application des dispositions fédérales sur le séjour et l'établissement des étrangers soulève des questions fondamentales. Notre attitude ne vise pas à contester la bonne foi et la volonté des initiants de limiter, autant que faire se peut, l'arbitraire du texte législatif sur les mesures de contrainte à l'égard des étrangers. Notre position politique réside dans le fait qu'il n'y a pas de compromis possible avec une loi qui est en contradiction totale avec des principes essentiels de la démocratie !
La question qui nous préoccupe aujourd'hui est que nous ne sommes pas en présence d'une loi ordinaire, mais bien dans le cas d'une loi d'exception qui viole une série de principes fondamentaux tels que l'égalité devant la loi ou la présomption d'innocence.
Rappelons les éléments particulièrement iniques de cette loi. Tout d'abord, un étranger sans titre de séjour est moins bien traité que le plus dangereux des criminels du point de vue de la privation de liberté : alors qu'il n'a commis aucun délit, il peut être mis en détention ! Cela est possible dès le moment où il est soupçonné, je dis bien soupçonné, de vouloir se soustraire à une décision d'expulsion. La détention prévue peut durer jusqu'à un an et cela sur la base d'une simple présomption provenant d'une autorité administrative. Ces mesures de privation de liberté s'appliquent également aux mineurs dès l'âge de quinze ans, en contradiction totale avec les exigences du code pénal. Enfin la loi prévoit également l'assignation à résidence, ainsi que les perquisitions et les fouilles tant chez l'étranger que chez ceux qui ont décidé de l'abriter.
L'Ordre des avocats a fort bien mis en évidence les atteintes au droit de la personne que contiennent les dispositions acceptées par le corps électoral le 4 décembre dernier. Il suffit, pour s'en convaincre, d'imaginer l'application de dispositions légales de ce type non pas aux seuls étrangers dépourvus d'autorisation de séjour mais à tout un chacun.
Mesdames et Messieurs les députés, notre position est nette : la loi sur les mesures de contrainte ne serait pas reniée par un pays totalitaire ! Elle est comparable, bien que dans un contexte différent, à des mesures adoptées par le gouvernement de Vichy. Faut-il rappeler qu'elle est unique en Europe ? A cet égard, lors de la votation, les prises de position des partis représentés dans cette enceinte conduisaient au rejet de la loi, à l'exception remarquée du parti radical, qui porte ainsi une lourde responsabilité dans son acceptation par la majorité du corps électoral genevois. Lorsqu'on admet que des principes fondamentaux tels que l'égalité devant la loi peuvent être remis en cause, on sait où les choses commencent, mais on ne sait pas où elles vont finir. Dans ces conditions, qu'on le veuille ou non, entrer en matière sur une loi d'application consiste à reconnaître qu'il est acceptable de créer une brèche dans notre Etat de droit.
Certains objecteront que la loi a été acceptée en votation populaire et que, de ce fait, nous n'avons qu'à l'appliquer ! Faut-il rappeler ici que des lois fascistes ont aussi rencontré l'assentiment populaire majoritaire en d'autres circonstances et en d'autres lieux avec, parfois, des taux d'acceptation de près de 100% ? L'approbation majoritaire d'une loi inique rend-elle celle-ci acceptable ? L'approbation par 52% des votants de notre canton de la mise en détention de mineurs dès l'âge de quinze ans rend-elle cette privation de liberté conforme aux droits des enfants ? L'acceptation majoritaire d'une justice à deux vitesses rend-elle une telle justice équitable ? Notre réponse est négative.
Le Conseil d'Etat a adopté un règlement d'application de cette loi scélérate ! Nous lui demandons de le retirer et, pratiquement, de ne pas appliquer ces dispositions contraires à des principes fondamentaux auxquels il s'est déclaré acquis. Ce ne sera pas la première fois, et de loin, que des lois fédérales ne trouvent pas leur application concrète. Si dans d'autres domaines qui ne touchent pas à la vie des individus cela est possible, alors même qu'il y a contestation, cela devrait être évident lorsqu'il s'agit de la liberté d'hommes, de femmes et d'enfants qui ne remettront pas en cause la non-application de la loi qui leur est destinée.
Entre deux maux il faut choisir le moins mauvais. Le choix n'est pas entre une application douce ou une application dure de la loi. Le choix est entre sa mise en oeuvre ou sa mise au frigo ! C'est le deuxième terme de l'alternative que nous défendons et que nous vous demandons d'appliquer. (Applaudissements.)
M. Hervé Burdet (L). Les mesures de contrainte, cette loi d'exception, cette loi scélérate, ont été votées par le peuple suisse et même par le peuple de Genève. Démocrates respectueux, nous n'y reviendrons pas !
Par contre, ce que nous pouvons faire, c'est mettre en place des mesures d'application dans le canton de Genève, pour faire en sorte que cette loi soit appliquée avec humanité, mais sans faiblesse quoique avec rigueur. Les mesures proposées ont été évoquées par Mme Reusse-Decrey, je n'y reviendrai donc pas. Elles comportent quatre axes principaux dont la presse a abondamment parlé. Nous tentons de mettre en place une législation véritablement défensive, c'est-à-dire que la loi genevoise nous protégera des excès de la loi fédérale. C'est la raison pour laquelle nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer le projet de loi 7214 à la commission judiciaire.
Nous sommes en mesure, par contre, de dire tout ce que nous ne voulons pas. Si nous voulons légiférer de manière à nous défendre contre une législation abusive, nous ne voulons pas donner l'impression que l'attitude du Conseil d'Etat en la matière nous déplaît. La déclaration très claire et très ferme du président du Conseil d'Etat, hier soir, nous donne la conviction qu'on ne pratiquera pas à Genève l'incarcération de mineurs, que l'on ne disloquera pas les familles et que l'on continuera la pratique cantonale actuelle sans exagération et dans le respect du droit des gens.
En conséquence, le règlement du Conseil d'Etat n'est, pour nous, qu'une mesure transitoire, une mesure admissible dans la mesure où elle est une simple manière d'attendre la législation cantonale que, pour une fois, nous pourrons peut-être produire relativement rapidement.
Nous n'entrerons donc pas en matière sur la motion 982, tout en vous recommandant chaleureusement le projet de loi 7214.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Voilà sans doute l'une des interventions les plus difficiles que j'aurai été amenée à faire dans ce parlement, tant les mots doivent être choisis et les phrases réfléchies pour ne pas permettre une interprétation différente que celle souhaitée.
Les interventions de ce soir sont révélatrices du malaise que certains d'entre nous peuvent ressentir. Je ne souhaite pas m'exprimer sur le contenu de ce projet de loi ou sur l'un ou l'autre de ces articles. Nous sommes en préconsultation, et un travail minutieux devra être fait en commission.
Je souhaite simplement expliquer les raisons pour lesquelles les «verts» n'ont pas souhaité contresigner cette proposition. Par un vote rapide et émotionnel provoqué par la situation difficile du Letten, les Chambres fédérales ont adopté une loi que d'aucuns, dont je fais partie, n'ont pas hésité à traiter de «scélérate». Après de longues réflexions et des discussions souvent difficiles et tendues, l'idée d'un référendum a été lancée et nous faisions partie des premiers signataires, bientôt rejoints par la plupart d'entre vous. Déjà le malaise existait.
Fallait-il prendre le risque de raviver un débat teinté de xénophobie ou valait-il mieux laisser passer cette loi en espérant qu'elle serait appliquée avec souplesse par les cantons, voire pas appliquée du tout par certains ?
Je pense aujourd'hui que l'idée de lancer un référendum était la bonne, car, quelle que soit l'issue du vote, les étrangers que nous côtoyons quotidiennement devaient savoir qu'une marge importante de la population dénonçait cette loi. Assez sûrs, malheureusement, de notre défaite, nous mettions tout de même beaucoup d'espoirs dans l'ouverture et la solidarité du peuple genevois. Dans le même état d'esprit, le groupe des «verts», par mon intermédiaire, interpellait le chef du département de justice et police, le 26 mai 1994. Ces paroles furent rassurantes; je vous en livre quelques extraits.
Je cite donc M. Ramseyer :
«J'en viens maintenant au droit fédéral. S'il devait entrer en vigueur, il primerait le droit cantonal qui devrait dès lors s'adapter mais, Madame la députée, la question à se poser est de savoir si ce nouveau droit correspond aux besoins genevois. J'affirme ici que la pratique cantonale ne changera pas. Le recours à la mise en détention ne se fera, comme jusqu'ici, que dans les cas justifiés d'abus graves et pour un nombre extrêmement restreint de cas. Ensuite, le Conseil d'Etat prend l'engagement de soumettre à ce Grand Conseil, dans les meilleurs délais, le projet d'une nouvelle loi d'application qu'il soumettra également pour consultation aux organismes directement intéressés par la protection des droits de l'homme. Le Conseil d'Etat s'engage à faire appliquer avec retenue les nouvelles prescriptions fédérales et fera aussi en sorte que le respect des droits constitutionnels genevois et des conventions d'ordre général signées par la Suisse soit assuré.».
C'est sur la teneur de ces déclarations que nous voulons rester et continuer à croire que Genève n'a que faire de cette loi et que la pratique ne changera pas ! Ces déclarations, Monsieur Ramseyer, sont trop importantes pour pouvoir être remises en cause aujourd'hui. Le vote du 4 décembre nous laisse une blessure profonde et nous ne pouvions participer à en concrétiser le résultat. Nous avons choisi de rester dans l'opposition la plus dure. C'est un choix délibéré, et il mérite autant de respect que celui que nous avons nous-mêmes face à ceux qui estiment qu'il vaut mieux participer à l'élaboration d'une loi dans le but de la rendre moins dangereuse et plus en conformité avec le respect des droits de l'homme.
Nous n'oublions pas non plus que, comme pour tout projet de loi, nous n'avons pas la maîtrise aujourd'hui de ce qui ressortira de commission demain. Et même si à tout moment nous pouvons refuser ce projet, nous n'aimerions pas un jour en regretter la paternité.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons qui nous ont amenés à renoncer à contresigner ce projet de loi. Les mêmes raisons nous amènent à vous demander de soutenir la motion que nous avons déposée pour faire annuler le règlement d'application.
M. Bernard Lescaze (R). Un illustre citoyen de Genève, Rousseau, il y a deux siècles, disait et écrivait même dans ses «Confessions» : «On dirait que mon coeur et mon esprit n'appartiennent pas au même individu.». Ce soir, je vais laisser mon coeur de côté un moment, étant entendu que, pour ma part, je regrette également le vote de notre pays !
Mais, je dois tout de même constater que, contrairement à ce qui vient d'être dit sur certains bancs, nous ne vivons pas, aujourd'hui, en 1995, dans un Etat totalitaire ! Nous vivons dans un Etat de droit, dans un Etat fondé sur le droit. Dans cet Etat, je conteste à quiconque la possibilité de dire qu'une loi est «scélérate» simplement parce qu'elle ne correspond pas - même si je peux le comprendre parfaitement - à sa conviction profonde, à sa conscience. Quel que soit le sentiment qu'on puisse avoir sur le vote du 4 décembre, aujourd'hui la loi est votée, et nous devons, d'une manière ou d'une autre, et si possible, pour rester fidèles à nos convictions - car il est trop facile de nous dérober en disant qu'on refuse tout pour rester fidèles à nos convictions - appliquer cette loi d'une manière généreuse et humaine. C'est ce que tout le monde souhaite.
Si j'ai personnellement signé le projet de loi qui vous est soumis et qui, je l'espère, sera renvoyé à la commission judiciaire, c'est parce que, au moment où nous l'avons présenté, il y avait le risque d'un vide juridique qui risquait, précisément, d'entraîner des risques que nous ne voulions pas prendre. Aujourd'hui, la situation est quelque peu différente. Nous nous trouvons, ce soir, devant trois documents tout à fait différents.
D'une part, il y a un projet de loi qui sera renvoyé devant la commission judiciaire, projet qui mérite certainement d'être amélioré. Je tiens d'ailleurs ici à signaler que tant la Cour de justice que le Tribunal administratif, que le Collège des juges d'instruction, ont déjà, semble-t-il, écrit à la présidente du Grand Conseil pour demander d'être auditionnés, afin de faire part de leurs observations sur ce projet de loi. Je crois donc que la procédure légitime, régulière et normale, doit être entreprise et que chacun pourra et devra faire valoir ses observations sur ce projet. Je souhaite que ceux qui aujourd'hui se drapent, telle Antigone, dans une dignité blessée, participent aussi à l'élaboration de ce projet de loi !
Nous nous trouvons, d'autre part, devant un règlement transitoire, c'est-à-dire un texte légal qui s'applique immédiatement. Tout ce que nous pouvons dire aujourd'hui au Conseil d'Etat est que nous souhaitons que ce règlement transitoire - transitoire signifie bien provisoire, qui sera ensuite modifié si des travaux de la commission judiciaire sort un projet de loi - soit lui aussi appliqué avec générosité.
Enfin, nous nous trouvons devant une motion qui réclame l'abrogation de ce règlement transitoire. Or, que pouvons-nous savoir des intentions du Conseil d'Etat ? Le président du Conseil d'Etat a lui-même dit qu'il attendait les résultats des travaux de la commission parlementaire et que son projet de loi en serait fortement inspiré. Quant au chef du département de justice et police - vous avez pu le lire dans une gazette d'hier ou d'aujourd'hui - il a très clairement dit : «L'approche humaine et généreuse qui caractérise notre canton ne sera pas modifiée.». Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. Si nous voulons faire confiance à nos autorités dans cette phase délicate, nous devons nous en remettre - et parfois la confiance a du bon - à cette déclaration.
Le projet de loi introduit une commission décisionnelle pour les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. Le règlement transitoire confie une partie de ces tâches à un officier de police. Il est vrai que ce n'est pas du tout la même chose, mais, malgré tout, contrairement à ce que l'on peut imaginer, dans un Etat de droit, notamment lorsqu'il s'agit d'un règlement transitoire, ce n'est pas encore une mesure catastrophique.
Vous l'aurez donc compris, au nom du parti que je représente et qui, sur ce point, a reçu l'aval de la population genevoise, je vous demande de renvoyer le projet de loi à la commission judiciaire et je vous demande, bien entendu, de rejeter la motion, car nous devons accepter, dans l'intervalle, que le règlement transitoire édicté par le Conseil d'Etat s'applique, sachant que celui-ci le fera avec la générosité dont il a manifesté l'intention. (Vifs applaudissements.)
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous le dis tout net : j'aime ce Grand Conseil quand il manifeste autant de dignité et autant de sérénité !
J'ai milité contre le racisme. J'ai pris clairement position à ce sujet et, déjà à l'époque, j'avais averti que, si des excès se produisaient, ils auraient une incidence négative sur le vote de la loi concernant les mesures de contrainte. C'est ce qui s'est passé. Alors, qu'on le veuille ou non, le peuple suisse a plébiscité ces mesures. Le canton de Genève les a acceptées.
Sincèrement, certains des doutes exprimés ce soir me font mal, parce que les insinuations sont plus vivantes que la réalité elle-même.
Je vous rappellerai donc des faits et non pas des élucubrations ! Dans notre canton, il n'y a jamais eu, jusqu'à ce jour, de personnes internées sur demande de l'autorité fédérale à l'autorité genevoise. Je vous rappelle également que nous n'avons jamais utilisé ces mesures dites «de détention» autrement que pour les cas pénaux. Il y a à Genève vingt mille refoulements par année; de quatre cent cinquante à huit cents personnes ont été mises en détention, dans 80% des cas : moins de quatre jours, le temps d'obtenir les papiers et de les refouler. Les cas qui ont dépassé ces quatre jours sont donc extrêmement rares. Nous vous avons dit - je le confirme - que jamais plus de quinze à vingt personnes sont en attente d'obtenir ces fameux papiers.
Vous avez parlé de mineurs et même d'enfants. Jamais nous n'avons mis en détention un enfant dans ce canton, alors que la précédente loi nous aurait même permis de mettre en prison un nourrisson ! Jamais, non plus, nous n'avons mis en prison des familles.
Il faut donc savoir pourquoi nous avons dû édicter un règlement. Le 1er février la nouvelle loi fédérale entrait en vigueur et le 1er février la justice genevoise a libéré dix détenus en attente de ces fameux papiers. Sur les dix personnes libérées, neuf sont des délinquants tout à fait mineurs, un l'est un peu moins, sans être quelqu'un de dangereux. Et puis, dans la semaine qui a suivi, la justice genevoise a libéré encore une autre douzaine de détenus, qui étaient en attente d'un refoulement suite à des problèmes pénaux. Nous n'étions pas en train d'évacuer des requérants d'asile, mais bien des délinquants !
S'agissant du texte du projet de loi et de la motion, je dirai simplement ce qui suit. J'ai fait des déclarations en mai 1994, je les ai répétées en septembre 1994. Je mets quiconque au défi de trouver une seule incartade à cette volonté manifestée au nom du Conseil d'Etat.
Bien plus, pendant toute cette période, nous n'avons eu que des contacts fructueux avec les milieux caritatifs, avec parfois de rudes séances, les cas étant pesés, présentés et discutés. A ce jour, pas un seul des cinq cent soixante Kosovars en attente de refoulement n'a quitté notre territoire. Il n'y a aucune plainte de qui que ce soit sur la gestion du problème de l'asile. Ce n'est pas mon mérite, mais le mérite d'une administration qui fait ce qu'on lui dit, qui a reçu des directives extrêmement claires et qui les applique !
J'en arrive maintenant au texte de la motion. Ce texte de règlement transitoire n'est pas que le fruit du travail de mon département. C'est le fruit d'une concertation entre le département de justice et police et des transports, les organisations caritatives, représentées par l'un de ceux qui connaît le mieux ce problème, et, surtout, les représentants de la justice genevoise. Bien plus, ce travail a été conduit sous l'égide de la délégation du Conseil d'Etat aux réfugiés formée des présidents des départements de l'instruction publique, de l'action sociale et de la santé et de moi-même. Toutes les critiques que ce gouvernement avait exprimées au sujet de la loi de contrainte ont donc été prises en compte, ainsi que celles émanant des milieux caritatifs. Simplement, le règlement transitoire a été conçu de manière à ne pas se trouver en porte-à-faux par rapport à la législation fédérale. Je rappelle la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal.
Le climat qui a prévalu à ce travail n'a pas changé. En décembre de l'année passée, le service cantonal de la population s'est trouvé face à un problème difficile : le départ programmé et annoncé des ressortissants du Kosovo. Nos collaborateurs, à titre individuel et plusieurs fois, ont reçu une bonne partie des personnes censées quitter la Suisse. Ce travail n'a pas reçu l'agrément total des organes caritatifs qui ont demandé qu'un bilan soit effectué, ce qui a été fait au mois de janvier, en totale honnêteté et en essayant de corriger encore ce qui pouvait être amélioré.
L'invite de cette motion ne rencontre évidemment pas mon agrément. L'exposé des motifs m'amène à vous renvoyer aux engagements pris par le gouvernement publiquement hier. Lorsqu'un gouvernement prend la peine de faire une déclaration telle celle effectuée par M. Vodoz, il faut admettre qu'elle a valeur d'engagement. C'est d'ailleurs au nom d'une autre déclaration que la presse alémanique, ce soir, se déchaîne à notre égard, mais cela ne change pas notre motivation.
Nous avons dû libérer vingt délinquants en raison du vide juridique. Tant que cette situation persistera, des juges diront que, faute de base légale, il faut remettre les délinquants en liberté, alors même qu'ils viennent de pays où on peut les refouler.
Les mesures de contrainte, je le confirme, concernent essentiellement ces délinquants et non pas les requérants d'asile. Il faut donc savoir à qui s'adresse notre sollicitude.
La collaboration est remise en cause dans l'exposé des motifs. Pourtant, elle existe, de même que la transparence. Elle est rigoureuse de part et d'autre, et les organes caritatifs représentés par trois voire quatre personnes responsables sont régulièrement en contact avec nous.
En conclusion, le peuple s'est prononcé, mais ce n'est pas parce qu'une loi est votée qu'on ne peut pas chercher, si la possibilité existe, à l'améliorer. C'est dans cet esprit que nous en débattrons en commission et que nous chercherons les meilleures pistes. Je remercie le député Unger d'avoir rappelé que si les hommes passent, les écrits restent. C'est bien dans cet esprit que nous voulons travailler.
La motion n'aurait pour résultat que de recréer le vide juridique qui était le nôtre pendant douze jours, et c'est un risque que l'on ne peut pas prendre. Je m'oppose donc à cette motion.
Il est relativement facile de dire : «Après tout, on se demande si...» ! J'ai fait, dans ce travail qui était totalement nouveau pour moi, l'impossible pour que les choses aillent dans le sens de vos souhaits. J'ai pris la peine de consulter des députés de bancs qui ne sont pas ordinairement les miens, et je m'en suis personnellement bien porté; j'espère qu'il en a été de même pour eux ! Jusqu'à maintenant, à Genève, tout a bien fonctionné. Permettez que cela continue, c'est le voeu que je forme !
PL 7214
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
M 982
Mise aux voix, cette motion est rejetée.
La présidente. Je vous signale d'ores et déjà, Mesdames et Messieurs les députés, que nous aurons probablement une séance supplémentaire à la fin du mois de mars.
M. John Dupraz(R). Je demanderai au Grand Conseil de renvoyer en commission les points 44, 45, 46, 47 et 48 concernant le département des travaux publics. Ce sont des projets techniques concernant la modification du régime des zones que nous aurons tout loisir d'étudier en commission. Si on ne les renvoie pas, cela reporte nos travaux d'un mois, voire deux mois !
La présidente. Y a-t-il une opposition à cette proposition ?
M. Christian Ferrazino(AdG). Monsieur Dupraz, il n'y a aucune raison de traiter ces projets de lois différemment des autres projets qui nous sont soumis. Le rôle de la préconsultation, je vous le rappelle, est de pouvoir donner dans cette enceinte les grandes lignes de critique de ces projets, afin que le travail se fasse, ensuite, dans le cadre des commissions. Je ne vois donc pas la nécessité de traiter ces projets de lois différemment de l'ensemble des autres objets. Je ne peux que m'opposer à cette manière particulière de procéder
La présidente. Bien, M. Dupraz demande que l'on vote sur ces projets. Adoptez-vous la proposition de modification de l'ordre du jour ?
Mme Fabienne Bugnon(Ve). Nous avons pris la décision tout à l'heure d'arrêter nos travaux, à l'exception du projet de loi concernant les mesures de contrainte. Nous avons déjà voté à ce sujet. (L'oratrice est chahutée et contestée.)
La présidente. Le parlement est malheureusement, en tout temps, maître de son ordre du jour !
M. Claude Blanc (DC). Madame la présidente, le parlement est maître de son ordre du jour, seulement vous ne pouvez pas, purement et simplement, suivre M. Dupraz ! Vous êtes obligée d'ouvrir le débat de préconsultation.
La présidente. Mais, bien entendu; c'est ce que j'allais faire ! Je voulais d'abord faire voter la modification de l'ordre du jour, Monsieur Blanc.
Mise aux voix, la modification de l'ordre du jour proposée par M. Dupraz est rejetée.
La présidente. Je vous souhaite une bonne rentrée chez vous ! (Applaudissements entremêlés d'une forte contestation des députés de l'Entente.)
La séance est levée à 23 h 45.