République et canton de Genève

Grand Conseil

No 41

Jeudi 17 novembre 1994,

soir

Présidence :

M. Hervé Burdet,président sortant,

puis Mme Françoise Saudan,nouvelle présidente

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Hommage.

Le président. Je vous prie de rester debout.

Nous avons appris le décès de M. Gabriel Valette, député sur les bancs de Vigilance de 1973 à 1981.

Pour honorer sa mémoire, je vous prie d'observer un instant de silence.

(L'assemblée, debout, observe un instant de silence.)

Je vous remercie, vous pouvez vous asseoir.

3. Personnes excusées.

Le président. A fait excuser son absence à cette séance : Mme Catherine Fatio, députée.

E 742
4. Désignation de six scrutateurs. ( )E742

Le président. Sont désignés :

Pierre Ducrest (L)

Evelyne Strubin (AG)

Liliane Maury Pasquier (S)

Michèle Wavre (R)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Anne Briol (E)

5. Procès-verbal des précédentes séances.

Le procès-verbal des séances des 20 et 21 octobre et 4 novembre 1994 est adopté.

6. Discussion et approbation de l'ordre du jour.

Le président. Vous avez trouvé sur vos places une demande du Conseil d'Etat de compléter l'ordre du jour de nos séances par deux points :

1) Au point 49 bis :

Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat :

a) abrogeant la loi sur le fonds cantonal genevois de chômage (J 4 7);

b) modifiant la loi en matière de chômage (J 4 5). (PL 7158-A)

(Rapport oral de M. John Dupraz)

2) Au point 49 ter :

Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Erika Sutter-Pleines, Pierre-Alain Champod et Alain Sauvin instituant une allocation d'insertion (J 7 12). (PL 6629-B)

(Rapport de première majorité de M. Philippe Schaller)

(Rapport de deuxième majorité de M. Bernard Clerc)

(Troisième débat)

Je pense que vous serez d'accord d'accepter cette adjonction.

De plus, le point 14 (Election d'un juge suppléant ou d'une juge suppléante à la Justice de paix et Chambre des tutelles) a été reporté à la prochaine séance, aucune inscription ne nous étant parvenue.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir retirer le point 30 de l'ordre du jour, soit le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 924-A.

Le président. Il en sera fait ainsi.

7. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. En date du 10 juin 1993, le Grand Conseil a adopté le projet de loi 6943 relatif à l'office cantonal de l'assurance-invalidité. Cette loi a été publiée le 18 juin 1993 dans la «Feuille d'avis officielle». Le délai référendaire, expirant le 28 juillet 1993, n'a pas été utilisé.

Comme le prévoit la législation fédérale, le texte adopté par le Grand Conseil a été soumis au Conseil fédéral qui a approuvé la loi genevoise relative à l'office cantonal de l'assurance-invalidité, sous réserve de l'article 4, alinéa 2.

En effet, le libellé de cet article pouvait susciter une confusion entre les compétences de l'autorité fédérale (OFAS) et les compétences du Conseil d'Etat en tant qu'organe de surveillance de l'office.

Dans la mesure où la législation fédérale est suffisamment précise et prime le droit cantonal, le Conseil d'Etat décidera de faire entrer en vigueur la loi en question sans l'alinéa 2 de l'article 4 visé par la décision du Conseil fédéral, l'alinéa 3 devenant l'alinéa 2 de ce même article.

Déclaration du Conseil d'Etat concernant les traitements du personnel de l'administration

Vu les déclarations faites récemment par certains responsables d'associations, représentant plus particulièrement le personnel de la police, laissant entendre qu'on diminuait leurs salaires, alors que ceux-ci seraient, selon eux, insuffisants, le Conseil d'Etat entend rappeler ce qu'il a indiqué dans l'exposé des motifs du projet de budget 1995 au sujet des traitements du personnel pour l'année prochaine.

La masse salariale 1995 ne comprendra ni annuité, ni progression de la prime de fidélité; c'est dire que les salaires 1995 seront comparables à ceux de 1994 avec, en plus, une indexation de 1% correspondant à peu près à l'augmentation estimée du coût de la vie, selon l'indice des prix calculé entre novembre 1993 et novembre 1994. Si l'inflation devait être inférieure à 1%, c'est l'accroissement réel du coût de la vie qui sera pris en compte.

Malgré l'augmentation de certaines charges, il n'est pas juste de dire que les salaires diminuent; en fait, ils ne sont pas augmentés et le pouvoir d'achat est pratiquement maintenu. (Exclamation indignée d'un député.)

Comme vous le savez, cette décision concernant les salaires et celle touchant l'ensemble des dépenses du canton ont été prises par le Conseil d'Etat, afin de maintenir les priorités sociales et de préserver l'essentiel des prestations assurées à la population.

La suspension des annuités et de la progression de la prime de fidélité n'est valable, en l'état, que pour 1995. Par la suite, des négociations seront ouvertes au début de l'année 1995.

Cela étant, notre Conseil fait confiance à la fonction publique et constate qu'une très large majorité de celle-ci reconnaît que la situation économique du canton et le nombre élevé de chômeurs justifient une gestion rigoureuse des dépenses de l'Etat et soutient les mesures d'économie qui sont proposées.

Le Conseil d'Etat ne reviendra pas sur les propositions faites dans le cadre du budget 1995, qui est désormais entre les mains du Grand Conseil; il compte sur une attitude responsable de chacun pour maintenir le cap qui a été fixé afin de redresser la situation de notre canton.

Le président. Pour ce qui est du Grand Conseil, une procédure facilitée d'accès aux ordinateurs a été mise au point à l'intention des députés qui travaillent sur les appareils placés dans le local attenant à la salle des Pas Perdus. La formule explicative se trouve sur la grande table. Vous recevrez tous par courrier un exemplaire de ces explications.

Je saisis l'occasion de saluer à la tribune la présence d'anciens présidents du Grand Conseil : Claude Fischer, Jean-Marc Isoz et Bernard Lusti, ainsi que d'anciens députés : Philippe Fontaine, Béatrice Luscher, Jeanine Bobillier, Charles Bosson, Edouard Yersin, Robert Cramer et Olivier Barde. (Vifs applaudissements.)

8. Correspondance.

Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence:

C 212
En date du 2 novembre, le Conseil d'Etat a répondu à M. Arnold Koller, conseiller fédéral, que le canton n'était pas concerné par l'ordonnance sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger et la fixation des contingents cantonaux pour 1995-96. ( )C212

Il en est pris acte. 

C 213
Par sa missive du 5 novembre, M. Sébastien Ziegler nous transmet une copie de son analyse intitulée «Rade ouverte». ( )C213

Il en est pris acte. Ce dossier sera transmis à la commission des travaux.

C 214
Par courrier du 8 novembre, un groupe de cinq jeunes sollicite notre aide pour trouver un logement qui leur servirait d'atelier et d'habitat. ( )C214

Il en est pris acte. Cette lettre sera transmise au Conseil d'Etat. 

C 215
En date du 15 novembre, M. Tacchella nous communique son étude concernant la taxe militaire. ( )C215

Il en est pris acte.

 

C 216
Par courrier du 16 novembre, l'Association genevoise des sports nous adresse copie de sa lettre au Conseil fédéral sur les conséquences dommageables que la TVA peut porter au sport. ( )C216

Il est pris acte de ce courrier. 

Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:

P 1053
Bruits nocturnes dans la cour de l'école des Eaux-Vives. ( )  P1053
P 1054
Procédure de divorce. ( ) P1054
P 1055
De l'Association genevoise des sociétés de pêche pour un parcours «mouche». ( )  P1055

Ces pétitions seront renvoyées à la commission des pétitions.

En outre, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer en partie à la commission de la santé la pétition :

P 1048
Des téléphones pour nos conjoints, nos amis, nos parents ! ( )   P1048

Il en sera fait ainsi.

9. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Le président. Le Conseil d'Etat nous a transmis réponse à la question écrite suivante :

Q 2911
de M. John Dupraz (R) : Transformation de bâtiments agricoles en logements dans les bourgs constitués qui sont situés en zone 5 B. ( )   Q2911

Q 2911

de M. John Dupraz (R)

Dépôt: 16 février 1985

Transformation de bâtiments agricoles en logements, dans les bourgs constitués qui sont situés en zone 5 B

Au vu de l'article 18 de la LCI, le Conseil d'Etat envisage-t-il, dans la prochaine loi cantonale d'application de la LAT, des dispositions ad hoc pour que les bourgs constitués soient inscrits dans le périmètre d'une zone à bâtir (zone 4 B)?

RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT

du 19 octobre 1994

Par décision du 23 juin 1994, le Grand Conseil a approuvé le projet de loi 7034 portant modification de l'article 22 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, relatif aux hameaux.

Ces nouvelles dispositions qui permettent aux communes de proposer, suite à des études d'aménagement, des zones à bâtir pour les hameaux de la zone agricole, apportent une réponse concrète à la question citée en titre.

 

GR 58-1
a) M. C. P.. ( -) GR58
Rapport de M. Luc Barthassat (DC), commission de grâce
GR 59-1
b) M. S. A. K.. ( -) GR59
Rapport de M. Jean Spielmann (AG), commission de grâce
GR 60-1
c) M. Z. F.. ( -) GR60
Rapport de Mme Yvonne Humbert (L), commission de grâce

10. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :

M. C. P. G. , 1955, Italie, gérant de fortune, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion.

Le président. Le recours en grâce de M. C. P. G. a été retiré ce matin par le mandataire du recourant.

M. S. K. A. , 1958, Mali, employé, recourt contre la peine d'expulsion de cinq ans.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. M. S. K. A. a eu affaire à la justice de notre canton pour escroqueries. Sa situation est examinée par la commission de grâce, car des faits nouveaux ont surgi. Le recours en grâce porte sur la peine d'expulsion, or M. S. K. A. n'a jamais habité le canton de Genève. Il est domicilié à Bâle où il travaille comme aide-soignant dans un home pour personnes âgées. Il suit parallèlement des cours du soir de pilote d'hélicoptère, car il a travaillé plusieurs années à l'aéroport.

M. S. K. A. a été marié en Suisse et il a une petite fille aujourd'hui âgée de six ans. Ses démêlés avec la justice ont engendré des problèmes familiaux, et un divorce s'en est suivi. Son épouse est actuellement hospitalisée, car son état de santé est mauvais. La petite fille a donc été placée dans un home et elle n'a pour seul contact que les visites de son père selon les conditions du divorce.

La commission de grâce vous propose d'accepter la grâce de la peine d'expulsion pour les motifs suivants. M. S. K. A. a été condamné et il court le risque d'être expulsé de Suisse. Or, il se trouve que le canton de Bâle où il réside lui a donné un permis de travail à durée limitée et renouvelable, avec des conditions draconiennes... (L'orateur est gêné par les bavardages.) (Le président tape sur sa cloche pour ramener le silence.) Si ça vous dérange, il faut le dire ! (Rires.) Il me semble que les cas présentés par la commission de grâce mériteraient un peu plus d'attention ! M. S. K. A. a donc obtenu un permis de travail exceptionnel en raison de sa situation de famille, notamment des besoins de la petite fille, sous réserve de ne pas bouger de la ville de Bâle, que ce soit pour travailler ou pour se loger, avec, bien entendu, l'obligation de rembourser régulièrement les sommes escroquées. Ces montants sont relativement faibles, puisqu'ils se montent à 10 000 F, la première fois, et 7 000 F, la deuxième fois. Si ces conditions sont respectées, le canton de Bâle est prêt à lui renouveler un permis B.

La commission de grâce considère qu'il n'appartient pas à notre Grand Conseil de s'opposer aux décisions prises par les organes juridiques et politiques de Bâle, et vous demande donc d'accepter cette demande de grâce.

Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est adopté.

M. Z. F. M. , 1964, France, sans profession, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion, voire une réduction de celle-ci.

Mme Yvonne Humbert (L), rapporteuse. En avril 1986, M. Z. F. M. part pour les Indes. Ses quelques économies lui permettent de traverser tout le pays en car. Dans le courant du mois de mai, il se rend à Delhi où il rencontre, dans un bar, un arabe du nom d'A.. Ce dernier l'invite à plusieurs reprises, puis, après deux semaines, il lui propose de transporter 7,5 kg d'or à destination de la Suisse, tout en lui expliquant les raisons de ce transport.

M. Z. F. M. avait pour instruction de se rendre dans un hôtel de notre ville où il devait remettre son butin.

C'est à l'aéroport de Genève-Cointrin qu'il fut interpellé par les douaniers et c'est à ce moment-là que M. Z. F. M. découvrit le subterfuge : il transportait non pas de l'or mais 7,5 kg d'héroïne ! M. Z. F. M. se mit à la disposition de la police pour remonter la filière. Il faut relever que ce dernier n'est ni consommateur ni vendeur.

Il fut condamné, en juin 1987, à 18 ans de réclusion. Durant son incarcération, M. Z. F. M. saisit l'opportunité qui lui était présentée d'entreprendre des études en vue d'une formation professionnelle, ce qui était inespéré pour lui.

Dès 1988, il entreprit un cours par correspondance avec «Auxilia» puis avec le collège du soir de Genève, le service d'application des peines de Genève et le service de l'enseignement des Etablissements de la Plaine de l'Orbe, tout cela en vue de pouvoir être admis en classe de «raccordement» pour entreprendre une maturité commerciale.

Il poursuivit ses études en faisant les mêmes travaux et examens que les élèves du collège, tout en ayant des contacts avec le directeur et la doyenne.

En mai 1993, la première partie des examens finaux de sa maturité est organisée. Pour cela, il est transféré à la prison de Champ-Dollon. Il réussit les examens prévus, avec l'informatique en plus.

En juin 1994, il se présenta pour les examens de droit et de philosophie. La suite des examens s'effectuera en juin 1995. Dès lors, M. Z. F. M. sera titulaire de la maturité commerciale.

Il obtint encore plusieurs certificats. En novembre 1989, il obtint le «Preliminary Business English Examination Certificate» de la «British-Swiss Chamber of Commerce in Switzerland». En décembre 1992, il réussit le «First Certificate in English» organisé par l'Université de Cambridge. Puis, au mois de mars 1994, il obtint un diplôme d'espagnol délivré par le Ministère de l'éducation et des sciences ibériques.

M. Z. F. M. espère poursuivre ses études à l'université de Lausanne en HEC, et des contacts ont été pris avec le recteur de cette université. Il espère une réduction de sa peine de quatre, trois ou deux ans. Le rapport du directeur des Etablissements de la Plaine de l'Orbe lui est tout à fait favorable. Le procureur général de Genève est favorable à une réduction de peine de quatre ans.

La commission de grâce, quant à elle - et cela à l'unanimité - vous propose aussi une remise de peine de quatre ans.

Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine de réclusion à quatorze ans avec expulsion maintenue) est adopté. 

E 743
11. Formation du Bureau, soit élection :  ( )E743

 a) du président;

Discours de M. Hervé Burdet, président sortant

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, en m'appelant à présider le Grand Conseil, il y a un an, vous m'avez fait un très grand honneur. Personnellement et au nom de mon parti, je vous remercie de la confiance que vous m'avez ainsi témoignée. Au fil de l'année écoulée, je me suis efforcé de remplir consciencieusement les devoirs de la charge dont vous m'avez investi, avec le souci constant de vous représenter dignement dans les milieux les plus divers et de garder, face à chacun d'entre vous, l'impartialité que doit avoir le président de tous. C'est à d'autres qu'il reviendra de dire si votre confiance était bien placée.

Le 4 novembre 1993, la séance d'ouverture de la 53ème législature marquait l'entrée dans cette enceinte de près de cinquante nouveaux députés. Permettez à votre président sortant de leur adresser des félicitations pour avoir su assimiler rapidement les règles de leur nouvelle fonction parlementaire. Des félicitations semblables sont également dues aux députés plus chevronnés, puisqu'ils ont, eux aussi, dû s'habituer à la pratique parfois hasardeuse de notre nouveau règlement.

Dans un parlement vivant, c'est la fonction du président de garantir à chacun le droit de proposer et de défendre librement ses idées politiques, sociales, ses conceptions économiques, écologiques ou financières et de soutenir tant qu'il le peut son opinion. Cela peut conduire le président à faire montre d'une certaine rigueur, voire d'un peu de fermeté. J'ai tenté, non sans peine, de faire en sorte que, turbulent et indiscipliné comme il a choisi de l'être, le Parlement genevois reste cependant la tribune privilégiée des débats d'idées, et que ces débats puissent être de qualité.

Le Conseil d'Etat, dans son rôle gouvernemental et administratif, a entretenu d'excellentes relations avec notre Bureau, pour notre avantage mutuel. Je tiens aussi à dire ici, pour en avoir été plusieurs fois le témoin privilégié, mon admiration pour la qualité des relations que le Conseil d'Etat, et plus particulièrement son président de cette année, Claude Haegi, sait entretenir avec la Genève de toutes les nations. L'importance de cette façon de projeter une image positive de Genève dans les cercles les plus divers, à laquelle le président du Grand Conseil a été souvent associé, est, me semble-t-il, mal connue et injustement sous-estimée par notre parlement.

Les présidents et présidentes du Grand Conseil se suivent et ne se ressemblent pas forcément. Je crois que toutes et tous ont, par contre, en commun le désir sincère de faire en sorte que notre parlement fonctionne mieux et soit plus efficace. Au-delà de la simplification de procédures lourdement traditionnelles, mais tout en maintenant les traditions essentielles du Grand Conseil, j'ai essayé - ce qui m'a été facile dans un cadre parlementaire aussi rajeuni que le nôtre - de promouvoir des attitudes nouvelles. Je citerai deux exemples :

M. Robert Hensler, un homme dont je me plais à relever l'intelligence et l'ouverture d'esprit, chancelier de la République et relais privilégié entre les pouvoirs législatif et exécutif, est désormais associé aux travaux du Bureau du Grand Conseil comme à ceux du Conseil d'Etat, mettant ainsi l'ensemble des services de la chancellerie qu'il dirige au service de notre Conseil aussi.

L'informatisation des travaux parlementaires a franchi, l'année écoulée, grâce à l'exceptionnelle maîtrise que M. Bernard Taschini a de ce sujet, une étape décisive qui n'est pas la simple mise à disposition des députés d'un paquet de matériel électronique. C'est un pas de plus dans la direction qui verra les députés de notre Grand Conseil et l'administration cantonale interconnectés par messagerie électronique, disposant d'un accès facile et instantané à des bases de données comportant au minimum la législation genevoise, le Mémorial et les renseignements que l'on cherche, et qu'actuellement on trouve parfois dans l'Annuaire officiel de la République.

Ces services informatiques vont non seulement améliorer les performances des parlementaires mais, dans mon esprit, ils vont progressivement intégrer un plus large éventail d'informations utiles aux députés et desservir un plus large public, générant du même coup des recettes susceptibles de diminuer le coût de cette opération.

Ces services informatiques, plus précis et plus rapides, vont peu à peu se substituer à la culture parlementaire «sur base papier» et permettre ainsi de substantielles économies.

J'ai maintenant le plaisir d'exprimer ma reconnaissance au Bureau du Grand Conseil qui m'a secondé un an durant. Tout d'abord, à Mme Françoise Saudan, première vice-présidente, qui allie idéalement le charme féminin à l'expérience politique, à M. Philippe Schaller, second vice-président dont la distraction apparente cache un redoutable sens pratique, et à nos deux secrétaires, Liliane Johner et Fabienne Blanc-Kühn, l'une très expérimentée et l'autre toute jeunette, mais toutes deux parfaitement affables et efficaces.

Il m'est agréable aussi de remercier Pierre Stoller, notre sautier, Armand Obrist, Jean-Michel Sallin, Bernadette Bolay-Dard, Jean-Jacques Rosé et tous les collaborateurs et collaboratrices du service du Grand Conseil, du service de la législation et de la chancellerie pour leur dévouement et leur disponibilité. Je n'aurai garde d'oublier Paul Perrin, huissier en chef et ses deux huissiers, petite armée du Grand Conseil, qui comprend tout, qui voit tout et qui sait tout faire. L'aide précieuse de tous ces collaborateurs et collaboratrices nous a été indispensable pour la bonne conduite de nos travaux parlementaires.

Je souhaite également, en quittant mes fonctions, saluer les représentants de la presse qui suivent avec attention et une patience méritoire nos trop volubiles débats et qui ont le mérite tout particulier d'en rendre compte avec une concision aussi lapidaire que contestable, dont la perspicacité a pu parfois nous surprendre.

Mesdames et Messieurs les députés, en quittant la présidence du Grand Conseil je forme le voeu qu'au-delà de toutes les controverses un parlement comme le nôtre ne se contente pas de dénoncer les situations qu'il désapprouve, mais qu'il s'efforce avant tout de trouver des solutions concrètes aux problèmes difficiles et nombreux auxquels notre collectivité doit faire face.

Au cours de la seconde année de législature qui débute, Mesdames et Messieurs les députés, nous devrons travailler encore et garder à l'esprit le serment que nous avons prononcé ensemble, il y a un an déjà, sans perdre de vue que nos attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple et que nos travaux doivent servir au bien de la Patrie qui nous a confié ses destinées. (Vifs applaudissements.)

M. Roger Beer (R). Le parti radical a ce soir tout à la fois le plaisir, l'honneur et le privilège de vous présenter une candidature à la présidence du Grand Conseil. Ce soir, nous vivons un grand moment. Ce n'est évidemment pas la première fois que le parti radical présente une candidature à la présidence du Grand Conseil depuis le début de notre République, mais c'est la première fois que le parti radical vous présente une femme ! (Enorme aaahhhhh de satisfaction et applaudissements.) Vous la connaissez : elle est bien connue tant dans notre parlement que dans le landernau politique genevois. J'ai nommé Mme Françoise Saudan, qui a secondé et assisté notre président sortant, M. Hervé Burdet, depuis une année avec efficacité et discrétion.

Mme Saudan est députée depuis 1985. C'est sa troisième législature. Elle a donc une très longue expérience parlementaire et connaît parfaitement bien les rouages démocratiques de notre assemblée. Mme Saudan est une femme de dossiers, et elle maîtrise très bien les nombreux sujets sur lesquels elle intervient. Elle a également travaillé dans presque toutes les commissions et en a présidé les plus importantes. Elle aura donc - je le pense - le doigté, la fermeté, les qualités nécessaires et le charme pour diriger nos débats dans une ambiance sereine, cela malgré les interventions parfois provoquantes ou intempestives de certains députés plus turbulents que la moyenne.

Des voix. Des noms !

M. Roger Beer. Demandez à M. Burdet ! (Ricanements.)

Ainsi, je suis très heureux de soumettre la candidature de Mme Saudan à vos suffrages, et je vous remercie de lui accorder votre confiance. (Applaudissements.)

Bulletins distribués : 94

Bulletins retrouvés : 87

Bulletins blancs : 4

Bulletins nuls : 3

Bulletins valables : 80

Majorité absolue : 41

Est élue : Mme Françoise Saudan, par 80 suffrages. (Chaleureux applaudissements. Des fleurs sont remises à la présidente.)

Présidence de Mme Françoise Saudan, présidente.

Discours de Mme Françoise Saudan, présidente.

Permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, de vous exprimer mes sincères remerciements pour la confiance que vous venez de me témoigner.

Au-delà de l'aspect conventionnel d'une telle élection, j'ose espérer que cette confiance tient avant tout au sens des responsabilités dont je crois avoir toujours fait preuve à l'égard de ceux qui me sont chers, à l'égard de mon parti, à l'égard de notre République. Car, je vous l'avoue, les remerciements pour services rendus, les honneurs éphémères ne tiennent que peu de place dans mon engagement politique. C'est donc dans cet esprit que je remplirai le mandat que vous venez de me confier, avec un profond sentiment de reconnaissance à ton égard, mon cher Hervé.

Les hasards du calendrier et le fair-play dont tu as toujours fait preuve à mon égard ont voulu que tu fusses le premier à devoir appliquer les nouvelles dispositions de notre règlement, dans un contexte politique profondément modifié, ce qui n'était pas pour faciliter notre apprentissage à tous. Je me fais l'interprète de tous les membres du Bureau, ainsi que des collaborateurs du Grand Conseil, pour te dire à quel point nous sommes conscients que cette année fut beaucoup plus lourde, en termes de temps, d'efforts et de tensions, pour toi que pour nous.

Elle nous a cependant permis de découvrir un homme conscient de ses responsabilités, résolument attaché à défendre les intérêts des députés et soucieux de les laisser trouver, en quelque sorte, leurs marques dans un parlement caractérisé par des rapports de force, qui ne peuvent que rendre les débats plus âpres et plus tendus. C'est ton côté face !

Côté pile, nous avons pu bénéficier d'un président d'une rare culture, mais qui, en outre, possède cette suprême élégance de l'esprit de ne point en faire étalage tout en restant disponible et ouvert à toutes les questions. Merci encore, mon cher Hervé, pour cette année passée à tes côtés ! (Vifs applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, en relisant les paroles que vous ont adressées mes prédécesseurs lors de cérémonies semblables, on ne peut qu'être encore plus conscient des responsabilités qui incombent aux autorités politiques face aux bouleversements de notre société et leurs conséquences pour l'avenir de notre canton. Vous nous annonciez, Monsieur Blanc, en 1991, une période de gros temps. Mme Calmy-Rey relevait, un an plus tard, les conséquences de ce gros temps : faillites, chômage, et M. Burdet les problèmes nombreux et trapus auxquels sont confrontés nos collectivités face à cet état de fait.

En effet, ne nous y trompons pas, la période que nous traversons est caractérisée par quelque chose de bien plus grave qu'une crise conjoncturelle dont on voit toujours la fin. Les conséquences des chocs pétroliers ont été amorties de manière sensible par le développement du secteur tertiaire, qui a absorbé en grande partie la main-d'oeuvre résultant de la restructuration du secteur secondaire. Or, c'est au tour du secteur tertiaire d'être en proie à une vague de rationalisation et de restructuration résultant du formidable développement de l'informatique et dont on ne voit que les prémices. Car, si quelques idées émergent sur ce que pourrait être un secteur d'activité dite quaternaire, bon nombre d'observateurs de l'évolution de notre société mettent en évidence la profonde mutation que connaît le monde moderne. En effet, le travail - rémunéré, s'entend - qui constitue la valeur sociale centrale par laquelle l'homme non seulement se définit mais se rattache à la société, commence cruellement à manquer. Au-delà de cette calamité qu'est le chômage, c'est de notre capacité non seulement à appréhender cette nouvelle donne mais à imaginer des solutions originales que dépendra l'avenir de nos enfants. Cela nous obligera - et ce sera certainement le plus difficile - à sortir de nos schémas traditionnels et de nos discours respectifs marqués par une période révolue où tout semblait acquis, où tout semblait possible !

Face à ces enjeux, il est essentiel de garder à l'esprit que le propre de l'homme est sa capacité à faire face à tous les défis qui ont marqué son évolution, à garder notre confiance dans nos institutions, même si nous devons - et c'est notre rôle - en améliorer le fonctionnement et, surtout, Mesdames et Messieurs les députés, à nous parler, à nous écouter, à prendre en compte nos diversités qui, si elles sont source de difficultés, sont également la richesse de notre société. C'est à ce prix que nous respecterons ce que nous promettons au début de chacune de nos séances : l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie. (Applaudissements très chaleureux.)

 b) du premier vice-président;

M. Claude Blanc (PDC). Le groupe démocrate-chrétien a le plaisir de vous présenter la candidature de notre collègue, Jean-Luc Ducret, pour le poste de premier vice-président du Grand Conseil.

M. Ducret est né en 1946, à Laconnex, où sa famille est installée depuis très longtemps. Il est marié et père de quatre enfants. Après une licence en droit, obtenue en 1972, il a ouvert sa propre étude de notaire en 1978. Il est député depuis 1992 et il est membre de la commission législative, de la commission des droits politiques et, surtout, de la commission fiscale qu'il a présidée durant l'année parlementaire qui s'achève aujourd'hui.

M. Ducret a donc toutes les qualités requises pour se préparer à la présidence du Grand Conseil. C'est pourquoi je vous engage à l'élire dès maintenant. (Applaudissements.)

Bulletins distribués : 97

Bulletins retrouvés : 97

Bulletins blancs : 15

Bulletins nuls : 28

Bulletins valables : 54

Majorité absolue : 28

Est élu : M. Jean-Luc Ducret, par 54 suffrages. (Applaudissements.)

La présidente. Monsieur Ducret, je vous adresse mes vives félicitations, et je vous invite à prendre place à ma droite.

 c) du deuxième vice-président;

M. Christian Ferrazino (AdG). Pour cette élection, je préciserai qu'il nous paraît logique que notre groupe, deuxième formation politique de ce canton, soit représenté au sein du Bureau du Grand Conseil, ne serait-ce d'ailleurs que pour le bon fonctionnement de ce parlement et dans le respect, également, de la représentation démocratique voulue par le population.

Dans cet esprit, nous proposons à vos suffrages la candidature, pour la deuxième vice-présidence de ce parlement, de Mme Liliane Johner. Nous ne doutons pas que vous y ferez bon accueil, ce d'autant plus que Mme Johner a eu l'occasion de travailler, durant l'année écoulée, au sein du précédent Bureau, à la satisfaction de l'ensemble des membres de ce Bureau. Mme Johner, députée depuis 1977, est bien connue pour l'ouverture d'esprit dont elle fait preuve, pour son expérience et sa disponibilité.

Nous vous remercions donc de réserver un bon accueil à cette candidature. (Applaudissements.)

Bulletins distribués : 94

Bulletins retrouvés : 94

Bulletins blancs : 27

Bulletins nuls : 5

Bulletins valables : 62

Majorité absolue : 32

Est élue : Mme Liliane Johner, par 62 suffrages. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous adresse toutes mes félicitations, Madame, et je vous prie simplement de changer de fauteuil.

 d) de deux secrétaires.

M. Bernard Annen (L). Notre groupe est fier de présenter la candidature de Florian Barro au poste de secrétaire. Florian Barro a 32 ans, il est marié et père d'un enfant. Il est architecte indépendant de profession. Il est député depuis 1992.

Il est apprécié de toutes et de tous, et nous sommes persuadés que vous soutiendrez sa candidature. (Applaudissements.)

M. Andreas Saurer (Ve). Notre groupe dont la nouvelle appellation contrôlée est maintenant «Les Verts» - nous ne nous appelons plus les écologistes... (Vive manifestation; les quolibets et les commentaires vont bon train !) Notre groupe a donc l'honneur de présenter la candidature de Max Schneider pour le poste de secrétaire. (Enorme aaahhhh de satisfaction de toute l'assemblée.)

Max Schneider siège au Grand Conseil depuis bientôt six ans et, comme vous le savez, il est technicien en énergie douce... (Rires.) ...et nous sommes convaincus qu'il arrivera à mettre un peu de douceur au Bureau du Grand Conseil. Je vous encourage donc vivement à voter pour lui. (Applaudissements.)

M. Laurent Moutinot (S). Notre groupe est très attaché à la présence au Bureau d'un représentant de chaque groupe. Comme il n'y a pas assez de place pour tous les groupes lors de cette élection, le parti socialiste soutiendra la candidature de M. Max Schneider et ne présentera pas son propre candidat.

Je relève avec plaisir l'élection de Mme Johner à la deuxième vice-présidence, et j'espère que ce partage des responsabilités implique également que nous parviendrons au même équilibre pour les postes de président et vice-président dans les commissions !

Des voix. Bravo ! (Très vifs applaudissements.)

Bulletins distribués : 97

Bulletins retrouvés : 97

Bulletins blancs :  2

Bulletin nul : 0

Bulletins valables : 95

Majorité absolue : 48

Sont élus : M. Florian Barro, par 65 suffrages, et M. Max Schneider, par 63 suffrages. (Applaudissements.)

La présidente. Je prie M. Barro et M. Schneider de bien vouloir nous rejoindre au Bureau. Je les félicite vivement ! 

E 738
12. Election d'un ou d'une juge au Tribunal de première instance, en remplacement de Mme Antoinette Salamin, démissionnaire. (Entrée en fonctions : 1er janvier 1995). ( )E738

La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Jean-Nicolas Roten, présentée par le parti démocrate-chrétien.

Etant seul candidat, M. Jean-Nicolas Roten est élu tacitement.

Il prêtera serment ce soir. 

E 739
13. Election d'un vice-président ou d'une vice-présidente du Tribunal de première instance en remplacement de Mme Antoinette Salamin, démissionnaire. (Entrée en fonctions : 1er janvier 1995). ( )E739

La présidente. Nous avons reçu à la présidence la candidature de M. René Rey, présentée par le parti socialiste.

Etant seul candidat, M. René Rey est élu tacitement.

E 740
14. Election d'un membre du conseil d'administration de la Fondation du Bourg-de-Versoix (Z 7 6), en remplacement de M. Reto Herman, libéral, démissionnaire. (Durée du mandat : jusqu'au 28 février 1998). ( )E740

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Caroline Caldwell, présentée par le parti libéral.

Mme Caroline Caldwell est élue tacitement

La présidente. Le point 14 de l'ordre du jour est reporté à une séance ultérieure. Le point 15 sera traité lors de notre séance de vendredi, lorsque le Bureau aura été constitué.

E 745
15. Nomination de la commission de réexamen en matière de naturalisation (14 membres; les membres sortants ne sont pas immédiatement rééligibles). (Le président du Grand Conseil choisit, en plus, le président de la commission parmi les vice-présidents de l'assemblée). ( )E745

La présidente. La commission est composée des membres suivants : Janine Hagmann (L); Jean-Claude Dessuet (L); Claude Howald (L); Hervé Burdet (L); Anita Cuénod (AG); Danielle Oppliger (AG); Evelyne Strubin (AG); Maria Roth-Bernasconi (S); Dominique Hausser (S); Thomas Büchi (R); David Revaclier (R); Olivier Lorenzini (DC); Pierre Marti (DC); Sylvia Leuenberger (E). 

IU 44
16. Interpellation urgente de M. Andreas Saurer : Métro. ( )IU44

M. Andreas Saurer (Ve). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Joye.

Vous avez certainement tous lu le compte-rendu de la «Tribune de Genève» au sujet d'un match de boxe un peu particulier entre M. Joye et M. Grobet. Apparemment, au cours de ce match, M. Joye aurait dit, je cite la «Tribune de Genève» : «On pourra enfin faire l'économie du métro !». Vous n'êtes certainement pas surpris de mon étonnement !

Je partage votre point de vue que l'on ne peut pas faire les deux choses à la fois, à savoir la traversée de la rade et le métro : il faut choisir ! En re-vanche, mon choix, ainsi que celui de pas mal d'autre personnes, est différent du vôtre : il faut développer les transports publics, car c'est infiniment plus efficace que de construire un pont ou un tunnel. N'oubliez pas que la loi sur le réseau du développement des transports publics stipule, je cite : «Un réseau de ligne de métro automatique léger et de tramway doit être réalisé jusqu'à l'an 2005.».

Je vous pose donc deux questions, Monsieur Joye. Votre affirmation selon laquelle il faut faire l'économie d'un métro est-elle assumée par l'ensemble du Conseil d'Etat ? Au cas où ce serait le point de vue du Conseil d'Etat, je voudrais savoir quand vous envisagez de proposer un amendement à la loi en question qui prévoit, justement, la création d'un métro automatique léger ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Andreas Saurer interviendra au point 31 bis, à la fin du département des travaux publics et de l'énergie. 

IU 45
17. Interpellation urgente de M. John Dupraz : Terrasses de café. ( )IU45

M. John Dupraz (R). Mon interpellation urgente concerne l'utilisation des terrasses en ville de Genève par les débits de boissons, cafés, pâtissiers et chocolatiers.

Vous me direz que ce domaine est davantage de la compétence de la Ville de Genève, mais il se trouve que les terrasses, à partir du 31 octobre, ne peuvent plus être utilisées pour servir les clients. Or, nous avons eu cette année un automne magnifique, et il est regrettable que les clients ne puissent pas profiter encore du soleil pour consommer leur boisson sur les terrasses. Je demande donc à M. Maitre, chargé de l'économie publique, de prendre contact avec la Ville de Genève et les associations intéressées pour examiner dans quelle mesure, à l'avenir, une tolérance pourrait être accordée quant à cette date limite. Cela nous permettrait de profiter des belles journées du mois de novembre !

La présidente. La réponse à l'interpellation urgente de M. John Dupraz interviendra au point 33 bis, à la fin du département de l'économie publique. 

IU 46
18. Interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon : Bois tropical pour le tram 13. ( )IU46

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Philippe Joye. (Aahhhh de satisfaction de l'assemblée.)

Monsieur le conseiller d'Etat, nous avons appris - et vous ne le cachez d'ailleurs pas - que la construction du tram 13 prévoit l'emploi d'un bois tropical appelé «Azobe». Il semblerait que l'emploi de ce bois soit justifié parce qu'il est dense, imputrescible et qu'il n'a pas son équivalent dans les bois indigènes.

Il semblerait, aussi et surtout, qu'il s'agisse d'une mesure d'économie, car, même s'il n'y a pas d'équivalent dans les bois indigènes - cela reste à prouver et une enquête est en cours pour le démontrer - une solution de remplacement existait tout de même. Je veux parler d'un produit de substitution fabriqué à base de pneus recyclés qu'une usine allemande aurait pu fournir, mais il semblerait que cette solution n'ait pu être retenu pour une question de coût.

Dès lors, j'aimerais, Monsieur le conseiller d'Etat, vous poser les questions suivantes :

- L'emploi d'une solution de substitution aurait augmenté le budget d'environ 3%, puisqu'il s'agit d'un surcoût de 300 000 F sur un total de 10 millions. Ce surcoût aurait permis de privilégier une solution qui aurait empêché une destruction de la nature et favorisé une expérience intéressante de recyclage, puisque l'on sait que la destruction des pneus est extrêmement nuisible pour l'environnement. Pourquoi n'avez-vous pas accepté cette solution ?

- Quelle est la provenance exacte de ce bois tropical ?

- Qui en est le fournisseur, donc, en résumé, quelle est la déclaration d'origine de ce bois ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon interviendra au point 31 ter. 

IU 47
19. Interpellation urgente de M. Christian Ferrazino : Audit pour le DTPE. ( )IU47

M. Christian Ferrazino (AdG). Les activités de M. Joye faisant beaucoup parler, il ne vous étonnera pas que l'interpellation que j'entends développer concerne une de ses décisions. Néanmoins, elle ne lui est pas adressée. En effet, je connais sa réponse, puisqu'il l'a formulée publiquement. Mon interpellation urgente est adressée au président du Conseil d'Etat. Je précise que j'ai pris soin d'adresser mes questions au Conseil d'Etat, à l'avance et par écrit, pour qu'il ait le temps d'y répondre.

Mon interpellation concerne l'audit que M. Joye a confié à une société privée qui ausculte actuellement son département. Nous avons appris ce fait par la presse, à l'appui d'un article récemment publié. M. Joye répond aux journalistes qu'il a choisi cette société  : «...car il faut connaître les personnes avec qui on travaille. J'ai mandaté quelqu'un de compétent et en qui j'ai confiance.».

Ce sont les réponses du Conseil d'Etat qui sont intéressantes. Mes questions sont donc les suivantes :

1) Est-il exact que le chef du DTPE était, avant son élection au Conseil d'Etat, le président du conseil d'administration d'une société appartenant à l'actuel administrateur-délégué de cette société Interhoba New Consulting qui fait actuellement l'audit du département ?

 Dans l'affirmative, que pense le Conseil d'Etat du fait que le chef du département des travaux publics et de l'énergie adjuge une importante commande de prestations à une société à laquelle il était lui-même lié commercialement, avant son élection ?

2) Le Conseil d'Etat souhaite-t-il toujours soutenir l'économie genevoise, comme il a eu l'occasion de nous le rappeler à plusieurs reprises ?

 Dans l'affirmative, que pense le Conseil d'Etat d'une commande faite à une société extérieure au canton de Genève, ne payant pas ses impôts à Genève, alors qu'il existe d'autres sociétés tout à fait capables d'effectuer ce genre de prestations.

3) De manière générale, le Conseil d'Etat ne pense-t-il pas qu'une telle commande aurait dû faire l'objet d'un appel d'offres, sous forme d'une soumission publique - comme d'ailleurs l'Etat le fait régulièrement pour ses commandes de travaux, d'équipements et de services - ce qui permet de mettre les entreprises en concurrence ?

4) En particulier, le Conseil d'Etat ne pense-t-il pas que, dans le cas d'espèce, une soumission publique s'imposait, vu les liens d'intérêts qui liaient le chef du département à la société INC, à tout le moins à son administrateur-délégué ?

5) Quel est le coût de la prestation fournie par cette société et quelle est la durée du mandat confié pour l'audit du département ?

6 Le Conseil d'Etat connaissait-il les prestations précédemment effectuées par cette société, notamment en 1987 pour l'école «Le Bon Secours» ? Je me limiterai seulement à rappeler ce que j'ai trouvé dans le Mémorial de 1987 : certains députés avaient qualifié de «littérature» le travail qui avait été rendu par cette société !

7) Enfin, le Conseil d'Etat connaissait-il les procédures pénales actionnées à l'encontre de l'administrateur-délégué de cette société dans un autre pays que la Suisse ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Christian Ferrazino interviendra au point 51 bis. 

IU 48
20. Interpellation urgente de M. Gilles Godinat : Clinique dentaire. ( )IU48

M. Gilles Godinat (AdG). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Martine Bruschwig Graf, présidente du DIP, et concerne le regroupement des activités dentaires de ce canton.

Le 27 juillet, le Conseil d'Etat a décidé le regroupement de trois institutions publiques de soins dentaires en un seul service pour 1995. Il s'agit de l'école de médecine dentaire, qui est un lieu de formation, de la policlinique universitaire de médecine dentaire et de la clinique dentaire de la jeunesse. Le 4 juillet, le président de la Société suisse d'odontostomatologie, le Dr Herzog, avait adressé une lettre à toutes les sections cantonales de médecins-dentistes pour les mettre en garde face aux restrictions budgétaires dans le service dentaire scolaire et les conséquences néfastes sur la prophylaxie.

Dans son projet de budget pour 1995, le Conseil d'Etat avait envisagé la fermeture de la clinique dentaire de la jeunesse en vue d'un regroupement d'activités, avec une restriction budgétaire de l'ordre de 2 millions. Les perspectives vont clairement dans le sens d'une réduction des prestations des services publics, avec l'idée de confier aux dentistes privés des tâches qu'ils ne peuvent assumer, comme l'a souligné le médecin directeur du service santé de la jeunesse, dans sa lettre du 20 octobre adressée à vous-même.

Madame la conseillère, mes questions sont les suivantes :

1) La clinique dentaire de la jeunesse sera-t-elle maintenue dans le cadre de l'office de la jeunesse, comme la ligne budgétaire 1995 le prévoit ?

2) Pourquoi le black-out actuel sur l'avenir des services concernés ?

3) Pourquoi une absence totale de participation du personnel aux réflexions futures ? Est-ce-là votre modèle de la concertation à venir ?

4) Qu'en est-il de l'amputation de 50% sur les masses salariales des médecins-dentistes sous contrat à la policlinique universitaire de médecine dentaire, amputation qui met en péril les activités spécifiques de ce service, qui soigne une population particulièrement marginalisée et démunie ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Gilles Godinat interviendra au point 40 bis, soit à la fin du département de l'instruction publique. 

IU 49
21. Interpellation urgente de M. Luc Gilly concernant les interventions de la police. ( )IU49

M. Luc Gilly (AdG). Pour une fois, mon interpellation urgente s'adresse à M. Ramseyer et non à M. Vodoz !

Elle concerne la disproportion totale entre la démonstration des forces de la police genevoise et les faits qui l'ont occasionnée. Monsieur Ramseyer, l'ampleur de cette démonstration prouve-t-elle quelque chose et la République de Genève est-elle vraiment en danger ?

Je vous cite deux cas récents d'occupation symbolique et, surtout, non violente.

La première occupation, Monsieur Ramseyer, a eu lieu le mois dernier. Sept personnes se sont enfermées, dont moi-même, au Palais Wilson pour dénoncer l'abattage des arbres en vue du futur parking de la Maison de l'environnement, alors qu'à moins de 80 mètres on trouve un autre parking tout à fait disponible. Après plus de deux heures de négociations pacifistes avec la police, les forces de l'ordre sont intervenues, sans brutalité je vous le concède. Mais quelle disproportion ! La police savait que nous étions sept. Or, il a fallu quatre cars de police pour nous «ramasser», nous emmener au poste de police Castor, à l'autre bout du canton, tout cela pour nous garder à peine plus de cinq minutes dans les bureaux pour un simple contrôle d'identité !

Vous connaissez aussi la deuxième occupation, Monsieur Ramseyer; elle a eu lieu fin octobre. Neuf personnes ont occupé tout à fait pacifiquement le clocher de la cathédrale Saint-Pierre pour réclamer la libération de trois détenus, otages de Mme Carla del Ponte. Ils ont annoncé leur attachement à la non-violence, mais, malgré cela, la police a lancé un assaut à la tronçonneuse. Ils étaient soixante policiers, certains cagoulés, sans parler du service d'intervention !

Ces neuf personnes n'ont opposé aucune résistance au moment de l'arrestation, vous le savez très bien. Alors, pourquoi avoir bouclé tout un quartier ? Pourquoi avoir engagé soixante policiers dans cette intervention, alors que vous aviez toutes les garanties qu'il n'y aurait pas de violence. Dans ces manifestations symboliques, des banderoles ont été accrochées aux bâtiments. Des banderoles représentent-elles un danger pour la population genevoise ?

Monsieur Ramseyer, avez-vous attrapé la «Pasqualite aiguë» pour faire intervenir vos hommes, avec armes et bagages, gaz lacrymogènes et masques à gaz à disposition ? Franchement, ces démonstrations musclées, à la «Rambo», deviennent vraiment ridicules, et risquent d'énerver quelque peu les citoyens ! Est-ce cela que vous recherchez ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Luc Gilly interviendra au point 23 bis, soit à la fin du département de justice, police et transports. 

IU 50
22. Interpellation urgente de M. Jean-Pierre Lyon concernant la privatisation des contractuels. ( )IU50

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Gérard Ramseyer. (L'assemblée manifeste sa satisfaction.)

Monsieur Ramseyer, j'aimerais que vous nous disiez quelles sont vos relations avec la Ville de Genève. Un article nous a appris qu'il y avait divergence entre votre département et la Ville au sujet de la privatisation des contractuels, et qu'aucun contact n'était pris. L'article dit même, je cite :

«Si l'Etat de Genève ne veut plus gérer ses contractuels, la Ville est prête à prendre la relève. Cette dernière l'a fait savoir dans une motion votée à la quasi-unanimité le 27 avril 1994. Depuis, le Conseil administratif est intervenu auprès du Conseil d'Etat, en vain : Gérard Ramseyer prétend même que la Ville ne s'est jamais exprimée sur ce point !».

J'aimerais donc savoir ce qu'il en est. Quelles sont les relations dans certains domaines de votre compétence au niveau de la Ville de Genève et des communes ? Avez-vous eu des contacts au sujet des contractuels ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Jean-Pierre Lyon interviendra au point 23 ter, soit à la fin du département de justice, police et transports. 

IU 51
23. Interpellation urgente de Mme Claire Torracinta-Pache : Audit pour le DTPE. ( )IU51

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Mon interpellation traite du même sujet que celui abordé tout à l'heure par notre collègue, M. Ferrazino; elle viendra donc en complément, et je ne répéterai donc pas les questions posées par M. Ferrazino.

Je souhaite simplement demander à l'ensemble du Conseil d'Etat quels sont exactement les critères d'attribution en matière de mandat à des consultants. En effet, il apparaît que l'entreprise choisie par M. Joye, et à laquelle M. Ferrazino a fait allusion tout à l'heure, a été consultée à diverses reprises par l'ancienne direction des IUPG. Elle est consultée par la direction actuelle de l'hôpital cantonal. On ne peut s'empêcher d'avoir un certain sentiment de gêne en constatant qu'on favorise cette société par rapport à d'autres.

Je demande par ailleurs au chef du département de l'action sociale et de la santé publique - qui est absent ce soir - s'il est exact qu'il ait opposé une fin de non recevoir à des offres qui lui auraient été faites par ce consultant ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Claire Torracinta-Pache interviendra conjointement au point 51 bis. Nous informerons le chef du département de la prévoyance sociale et de la santé pour qu'il soit présent également, pour répondre à vos questions. 

IU 52
24. Interpellation urgente de M. Jean Spielmann : Coût de la ligne 13. ( )IU52

M. Jean Spielmann (AdG). Mon interpellation urgente s'adresse au responsable des finances du Conseil d'Etat. Elle concerne plus particulièrement les diverses informations et modifications qui sont intervenues en cours de présentation budgétaire s'agissant notamment de la ligne 13, et, plus particulièrement, les différents investissements des transports publics genevois.

Chacun a pu constater les importants travaux en cours conduits pour permettre la mise en service du tram 13 dès le mois de mai ou juin de l'année prochaine. Or, le budget, tel que présenté par le département des travaux publics, notamment sous ses rubriques concernant la direction des ponts et chaussées, a produit des réductions drastiques de ces subventions. Cela ne permettra pas de payer les factures liées aux travaux d'aménagement de cette ligne 13. Certaines informations, parvenues à la commission des finances, font allusion au fait que le département des finances aurait rectifié les coupes effectuées par les travaux publics et aurait ajouté une somme de 8 millions de francs, somme que la Confédération serait prête à verser sous forme de subvention attribuée par l'Office fédéral des transports et destinée à des équipements en sites propres, ce qui n'est pas le cas de la ligne 13, et ce que l'on savait dès le départ.

1) Quelles sont donc les garanties que nous obtiendrons cette subvention ?

2) Si cette subvention n'est pas allouée, va-t-on tout de même pouvoir payer les factures et terminer la ligne 13 ? Si oui, avec quels montants et quelle couverture budgétaire ?

3) Le département des travaux publics a choisi délibérément de favoriser le développement de l'autoroute de contournement en faisant passer les crédits de 23 millions à 50 millions de francs et en réduisant tous les autres postes des transports publics. Monsieur Vodoz, s'agit-il là d'une réorientation délibérée de la politique du Conseil d'Etat pour réduire et diminuer les possibilités des transports publics genevois, alors même que la loi sur le réseau et la loi votée par le peuple genevois à plus de 80% obligent ce même Conseil d'Etat à concrétiser les projets de lois tels qu'ils ont été approuvés et votés ? Et quid donc de la couverture budgétaire de ces financements ?

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Jean Spielmann interviendra au point 44 bis. 

PL 7175
25. Projet de loi de MM. Pierre-François Unger, Bénédict Fontanet, David Hiler, Bernard Lescaze et Michel Balestra concernant la législation expérimentale (A 2 10). ( )PL7175

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Acte législatif

1 Un acte législatif peut être établi à titre expérimental à condition:

a) qu'il soit limité au temps strictement nécessaire à l'expérimentation;

b) qu'il ne crée pas une situation complètement irréversible;

c) qu'il fixe le but de l'expérimentation et les hypothèses qu'il cherche à vérifier;

d) qu'il soit adéquat et nécessaire;

e) que ses effets soient évolués au plus tard 3 mois avant la date prévue pour son expiration.

2 L'acte législatif tel que défini dans l'alinéa 1 doit déterminer le type de données à récolter, la démarche méthodologique, les critères d'appréciation de l'expérimentation et les organes responsables pour l'effectuer.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Notre Grand Conseil travaille actuellement sur deux projets d'envergure qui concernent l'évaluation des politiques publiques et, plus généralement, l'évaluation législative. Si un certain nombre de détails restent à régler quant à la portée définitive de ces textes actuellement à l'étude, il est remarquable de noter que tous deux sont l'objet d'une large adhésion de la très grande majorité des groupes politiques représentés au Parlement.

Ceci témoigne de la nécessité d'une modification, par notre Parlement, de l'outil législatif, modification qui est probablement liée à la vitesse d'évolution de notre société tant dans les domaines scientifiques (environnement, énergie, biotechnologies pour n'en citer que quelques-uns) que socio-économiques (crise économique, migrations, chômage, phénomènes d'exclusion, vieillissement de la population par exemple). Les outils législatifs mis en place afin de résoudre ce type de problèmes ont généralement des objectifs précis, et l'adéquation des mesures prises pour les atteindre doit être évaluée de manière approfondie. Ceci est particulièrement fondamental mais difficile dans un Parlement de milice comme le notre. La complexité des éléments à récolter pour établir des faits objectifs est en effet grandissante, et la qualité de nos actes politiques ne pourrait être qu'améliorée par une connaissance plus complète de l'impact de nos décisions (évaluation ex-ante) et par la mesure de leurs effets (évaluation ex-post).

Le projet de loi qui vous est soumis actuellement entend permettre, sous des conditions très précises et restrictives, de franchir une étape supplémentaire vers la modernisation de l'Etat. Là encore, le but n'est ni le «plus d'Etat», ni le «moins d'Etat», notions qui appartiennent aux dogmes politiques, mais le «mieux d'Etat».

Pourquoi une législation expérimentale? «La loi expérimentale, caractérisée par une limitation temporelle et/ou des procédés d'évaluation, ne se distingue pas essentiellement des autres lois, mais elle prétend faire face aux problèmes particuliers d'incertitude et de mise en oeuvre de la législation moderne» (W. Hoffmann-Riem, 1992). Elle poursuit donc ainsi un double but juridique et politique. Juridique puisqu'elle incite le législateur, au terme du temps dévolu à l'expérimentation et en fonction de l'évaluation des effets mesurés, à réagir plus vite et plus adéquatement face aux incertitudes résiduelles. But politique aussi, dans la mesure ou la législation expérimentale, de par son caractère réversible, va permettre des phénomènes de «renégociation» à la recherche de compromis acceptables.

La naissance de la législation expérimentale est relativement récente, mais elle s'est rapidement imposée dans de nombreuses démocraties occidentales (Suisse, France, Allemagne, Etats-Unis par exemple). Elle est née de causes diverses: causes générales ou causes spécifiques (J. Chevallier, 1992).

Concernant les causes générales, la législation expérimentale est née aussi bien de constats négatifs (lacunes législatives, dégradation de la qualité des textes entraînant des défauts d'exécution, raccourcissement de la durée de vie des lois adoptées dans des conditions inutilement conflictuelles par exmple) que de constats positifs (intégration de l'appareil législatif à une réflexion en termes de politiques publiques, extension à la loi de la démarche évaluative entre autres).

Concernant les causes spécifiques, la législation expérimentale peut s'imposer chaque fois que le législateur éprouve une difficulté particulière à légiférer, que ce soit en raison de la complexité du sujet (bioéthique et utilisation des biotechnologies par exemple) ou qu'il s'agisse de problèmes potentiellement porteurs d'une forte conflictualité (loi française sur l'IVG par exemple). Dans un tel contexte, la législation expérimentale permet la réduction des incertitudes et favorise les processus d'apprentissage, phénomènes tous deux indispensables aux vraies stratégies d'innovation dont l'Etat moderne a besoin.

La législation expérimentale est-elle, comme on a pu l'entendre, le fruit d'une conception technocratique du droit, tendant à pratiquer des «expériences» pour transformer le droit en «ingénierie sociale»? Ce n'est évidemment pas la conviction des auteurs de ce projet de loi. La législation expérimentale correspond à un besoin généré par la complexité des problèmes que le législateur a à résoudre. Elle résulte aussi «d'exigences renforcées déduites des principes généraux du droit, en particulier des principes de proportionnalité, de subsidiarité et d'égalité, de l'interdiction de l'arbitraire et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, de la légalité» (L. Mader, 1992).

Enfin, deux raisons supplémentaires nous poussent à vous proposer ce projet de loi: l'Etat de Genève a dans l'histoire toujours fait preuve de son souci de modernisme; de plus, notre université a de la chance de pouvoir compter sur l'un des spécialistes de renommée internationale dans le domaine de l'évaluation législative et de la législation expérimentale en la personne du professeur C.-A. Morand.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement le présent projet de loi.

Bibliographie: «Evaluation législative et lois expérimentales». Publié sous la direction de C.-A. Morand, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 1993.

Préconsultation

M. Pierre-François Unger (PDC). La législation expérimentale : «Qu'est-ce que c'est que ça ?». Cette question, surtout si gentiment posée, mérite évidemment quelques explications !

Une loi expérimentale ne se distingue pas fondamentalement des autres lois, si ce n'est par le fait qu'elle est caractérisée à la fois par une limitation explicite dans le temps et par des processus d'évaluation. De telles lois existent déjà en Suisse et dans les pays qui nous entourent, mais ne s'inscrivent pas dans un cadre légal défini. C'est ce cadre légal que les auteurs de ce projet entendent proposer.

La législation expérimentale est un des outils, à notre sens important, mis au service de l'effort nécessaire que nous devons porter à la modernisation de l'Etat.

La législation expérimentale poursuit essentiellement deux types d'objectifs :

Tout d'abord, elle tend à réduire le taux d'incertitude lorsque le législateur est amené à légiférer dans des domaines à fort potentiel évolutif. Il serait étonnant, par exemple, que dans la future loi sanitaire il n'y ait pas d'intérêt pour des domaines aussi complexes et mouvants que la thérapie génique, la bioéthique et la procréation médicalement assistée. Comment ne pas prévoir, dès maintenant, dans ces domaines où chaque mois apporte sa révolution scientifique, une durée de vie limitée aux articles de lois consacrés à ces domaines, de manière à pouvoir adapter la loi sans trop de retard.

Mais la législation expérimentale poursuit aussi d'autres buts. Elle est susceptible, en cas de forte division de l'opinion publique, sur un sujet donné, de permettre la mise en route d'une loi pour une période limitée, période à l'issue de laquelle un bilan permet des processus de renégociation et d'adaptation.

Un des meilleurs exemples de ce phénomène est illustré par la loi Weil, de 1975, sur l'interruption volontaire de grossesse. L'opinion publique française était alors dramatiquement divisée. Fallait-il légaliser l'avortement au risque de le banaliser ? Fallait-il, au contraire, en perpétuer l'interdiction, au péril des jeunes femmes amenées à le subir dans les pires conditions ? La loi Weil, volontairement limitée à un temps préalablement défini, a permis de rassembler la quasi-totalité des Français sur une évaluation qui a clairement démontré que, si le nombre total des interventions volontaires de grossesse n'avait que marginalement augmenté, la sécurité avec laquelle l'interruption volontaire de grossesse se pratiquait, lorsqu'elle n'était pas clandestine, avait permis aussi bien de sauver des vies que de préserver des dignités.

Ainsi donc, la législation expérimentale devrait, sous des conditions précises et bien entendu restrictives, pouvoir constituer un véritable bonus à l'apprentissage, un véritable bonus à l'innovation et, prenons-en le pari, un véritable bonus à la légitimité de nos actes !

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

Mme Christine Sayegh (S). Il me semble qu'il serait plus judicieux de renvoyer ce projet de loi à la commission législative.

M. John Dupraz. Non, pas tout de suite !

M. Christine Sayegh. Si, tout de suite ! Ce projet de loi de législation expérimentale doit d'abord - à mon avis - être examiné par la commission législative, ne serait-ce que pour déterminer comment les juges pourraient l'appliquer. Il me semble que le problème des normes est plus important que celui des coûts.

La présidente. Madame Sayegh, ce projet de loi a été renvoyé à la commission des finances, parce que le sujet traité avait déjà fait l'objet d'une motion. Il est bien évident qu'ensuite il sera renvoyé à la commission législative !

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Madame Sayegh, vous savez que ce projet de loi d'expérimentation législative est issu des mêmes milieux universitaires et parlementaires que le projet de loi dont nous avons débattu, pas plus tard qu'hier, sur le contrôle législatif. Il me semble judicieux d'interroger les milieux concernés à ce sujet - puisque vous aviez décidé de le faire prochainement en commission des finances - avant que ce projet soit renvoyé à la commission législative.

La présidente. Maintenez-vous votre proposition, Madame Sayegh ?

Mme Christine Sayegh (S). Non, les explications de M. Vodoz me satisfont !  

PL 7177
26. Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet et Jean Spielmann sur la taxe «transport et environnement». ( )PL7177

Article 1

Principe

Dans le but de financer des mesures contribuant, grâce plus particulièrement au développement des transports publics, à une diminution des nuisances subies par la population du fait du trafic automobile, de manière à respecter les normes fédérales en matière de protection de l'air et de la protection contre le bruit, il est perçu une taxe dite «transports et environnement» dont le produit est intégralement affecté au financement de l'infrastructure des transports publics genevois et de la construction de parkings d'échange, par la Fondation des parkings, à l'entrée de l'agglomération urbaine.

Art. 2

Assujettissement

Est assujettie à la taxe «transports et environnement» toute personne physique ayant un emploi ou déployant une activité lucrative indépendante dans le canton.

Art. 3

Exonération

Les personnes imposées fiscalement à Genève sont exonérées du paiement de la taxe «transports et environnement».

Art. 4

Revenus soumis à la taxe

Le montant de la taxe est calculé en fonction du revenu brut provenant de l'activité de la personne assujettie.

Art. 5

Taux d'imposition

Le taux d'imposition de la taxe est de:

a) 1% pour les revenus bruts situés entre 30 000 F et 60 000 F par année;

b) 1,5% pour les revenus bruts entre 60 001 F et 90 000 F par année;

c) 2% pour les revenus bruts entre 90 001 F et 120 000 F par année;

d) 2,5% pour les revenus bruts entre 120 001 F et 150 000 F par année;

e) 3% pour les revenus bruts entre 150 001 F et 175 000 F par année;

f) 3,5% pour les revenus bruts entre 175 001 F et 200 000 F par année;

g) 4% pour les revenus annuels bruts supérieurs à 200 000 F.

Art. 6

Mode de perception

1La taxe due par un salarié est perçue à la source par retenue directe du débiteur du revenu de l'activité lucrative dépendante.

2La taxe due par une personne déployant une activité lucrative indépendante est perçue mensuellement sur la base du revenu brut réalisé pendant l'année qui précède celle au cours de laquelle la taxe est exigible ou, à défaut, sur le revenu de l'année en cours.

Art. 7

Déductions

1La moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuelle des Transports publics genevois est déductible de la taxe, sur présentation de cette carte, pour les personnes résidant hors du canton et se rendant à Genève grâce aux transports collectifs.

La moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuelle des Transports publics genevois combinée avec une carte annuelle d'un parking d'échange est déductible de la taxe, pour les personnes résidant hors du canton, qui se rendent à Genève avec une voiture utilisant un parking d'échange.

2La taxe est diminuée au pro rata de toute rétrocession fiscale à l'Etat applicable au débiteur de la taxe résidant hors du canton, qui serait accordée par son canton ou sa commune de domicile.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En dehors des impôts dont la perception relève de la compétence de la Confédération en vertu de l'article 41 de la Constitution fédérale, les cantons sont libres de percevoir des impôts et taxes pour couvrir leurs dépenses.

Dans le cadre de cette compétence réservée, le présent projet de loi propose d'instituer une taxe «transports et environnement» destinée à financer des mesures contribuant, grâce particulièrement au développement des transports publics, à une diminution des nuisances subies par la population, provoquées par le trafic automobile, de manière à respecter les normes fédérales en matière de protection de l'air et de protection contre le bruit.

On sait que les normes fédérales en matière de protection de l'air sont fréquemment dépassées à Genève et que celles en matière de protection contre le bruit le sont dans de nombreuses artères où la valeur d'alarme est fréquemment dépassée.

Les nuisances provenant du bruit résultent de l'intense trafic automobile que connaît notre canton. Quant à la pollution de l'air, elle est provoquée, selon le service cantonal d'écotoxicologie, pour plus de 80% par le trafic automobile.

Afin de réduire ces nuisances, qui portent non seulement atteinte à la qualité de vie mais surtout à la santé de la population, le plan directeur des transports s'est fixé comme objectif de favoriser un transfert modal en matière de transports de la voiture automobile au profit des transports publics.

Le développement des transports publics s'inscrit donc directement dans la politique de protection de l'environnement poursuivie par les pouvoirs publics.

Afin de financer le développement des transports publics destiné à diminuer les nuisances subies par la population de notre canton, il est légitime de percevoir une taxe spéciale, comme le Grand Conseil l'a du reste demandé par la motion 845, concernant le financement des transports à Genève, motion votée le 12 février 1993, au moment où le Grand Conseil, dans le cadre de la modification de la loi sur le réseau des transports publics, approuvait le plan du réseau «Horizon 2005», annexé à ladite loi.

Le produit de la taxe que le présent projet de loi propose d'instituer devra être intégralement affecté au financement de l'infrastructure des transports publics et de la construction de leur complément indispensable, les parkings d'échange.

Ces derniers doivent, en effet, favoriser le transfert modal recherché en amenant les automobilistes se rendant à Genève pour leur travail à déposer leur voiture à l'entrée de l'agglomération urbaine et à poursuivre leur déplacement au moyen des transports publics.

L'énorme augmentation du trafic automobile qui s'est produite ces trente dernières années provient essentiellement des personnes se rendant à leur lieu de travail en voiture. Il est donc légitime qu'ils contribuent au financement de mesures rendues nécessaires du fait des nuisances qu'ils provoquent, comme il est légitime que ceux qui se rendent à leur lieu de travail au moyen des transports publics contribuent à la couverture des charges financières générées par les transports publics, tenant compte du fait que ceux-ci sont largement subventionnés par les pouvoirs publics.

Rappelons à ce propos que ce sont plus de 130 millions de francs que l'Etat a versés aux Transports publics genevois en 1993, auxquels il faut ajouter 5,5 millions de francs de prise en charge des frais d'infrastructure du réseau. La loi sur le réseau des transports publics prévoit que ce montant doit atteindre 30 millions de francs par an dans le cadre de la réalisation d'infrastructures nouvelles.

Tenant compte de l'importance de l'aide de l'Etat financée par les contribuables genevois, le projet de loi prévoit d'exonérer ceux-ci du paiement de la taxe, ce qui devrait lever les réticences de ceux qui considéreraient qu'une taxe généralisée sur l'ensemble de la masse salariale genevoise pourrait être inopportune en période de difficultés économiques.

La taxe ne sera donc perçue qu'auprès des personnes ayant une activité lucrative à Genève, mais qui n'y paient pas d'impôts sur le revenu et la fortune. Il s'agit essentiellement des quelque 20 000 personnes travaillant à Genève mais résidant hors du canton (à l'exception des travailleurs frontaliers qui paient leurs impôts à Genève), et des quelque 12 000 fonctionnaires internationaux et 3 500 personnes travaillant dans des missions diplomatiques.

Rappelons à ce propos qu'en matière fiscale, le lieu d'imposition est en principe le lieu de travail. C'est pour cette raison que les travailleurs frontaliers paient leurs impôts à Genève, étant précisé que notre canton procède à une rétrocession fiscale à la France correspondant à la part des impôts perçus qui serait revenu aux communes.

En vertu des principes régissant notre système fédéraliste, les cantons sont toutefois souverains en matière fiscale, sous réserve des impôts et taxes perçus par la Confédération. Il en résulte que le canton de Vaud applique le système de l'imposition au lieu de domicile et n'a, à ce jour, concédé aucune rétrocession fiscale à notre canton, malgré les demandes réitérées du Conseil d'Etat. Il est donc légitime que les personnes tirant leurs revenus d'une activité lucrative à Genève, dont ils bénéficient de l'infrastructure, mais qui n'y paient pas d'impôts, participent, par le paiement d'une taxe, aux mesures contribuant à diminuer les nuisances que subit la population genevoise.

Cette participation fiscale se justifie d'autant plus que ces personnes, dont beaucoup se rendent à Genève en voiture, contribuent notablement à ces nuisances tout en bénéficiant, en général, d'une imposition fiscale plus faible que si elles résidaient dans notre canton. On sait, du reste, que de nombreuses personnes ont transféré leur domicile dans le canton de Vaud pour payer moins d'impôts, tout en continuant à bénéficier des avantages de notre canton.

Quant aux fonctionnaires internationaux et les personnes travaillant dans des missions diplomatiques, elles sont au bénéfice de privilèges fiscaux qui portent sur l'exonération fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Ces personnes ne sont, toutefois, pas exonérées du paiement de taxes correspondant à des prestations précises de collectivités publiques. Au vu de la distinction faite en matière de privilèges fiscaux entre les impôts qui bénéficient de ces privilèges et les taxes qui y échappent, les auteurs du projet de loi considèrent que la taxe peut être imposée à cette catégorie de personnes qui travaillent et résident à Genève sans y payer d'impôts.

Le taux d'imposition de la taxe «transports et environnement» varie en fonction de l'importance des revenus bruts de la personne assujettie, soit le taux minimum de 1% pour les revenus à partir de 30 000 F par année et 4% pour les revenus supérieurs à 200 000 F par année.

Ce taux progressif paraît raisonnable. Le produit de la taxe devrait atteindre plusieurs dizaines de millions de francs par année et contribuer d'une manière non négligeable dans la recherche de solutions permettant de répondre aux difficultés financières de l'Etat de Genève.

La taxe transports ayant notamment pour but d'inciter les travailleurs pendulaires à utiliser les transports publics, il est proposé qu'elle soit diminuée de la moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuel des Transports publics genevois pour ceux qui se rendraient à Genève au moyen de transports collectifs et achèteraient une telle carte. Il en est de même pour les automobilistes provenant de l'extérieur du canton et utilisant les parkings d'échange.

Enfin, afin d'inciter les autorités vaudoises à procéder à des rétrocessions fiscales, toute rétrocession dont bénéficierait l'Etat de Genève qui serait applicable à un débiteur de la taxe résidant hors du canton réduirait ladite taxe à due concurrence.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet de loi.

Préconsultation

M. Christian Grobet (AdG). Lors de sa séance du 12 février 1993, notre Grand Conseil, en adoptant la loi sur le réseau des transports publics, avait voté simultanément - et, si je m'en souviens bien, à l'unanimité - une motion concernant le financement des transports publics, puisqu'il s'avérait que les moyens budgétaires risquaient d'être insuffisants, et préconisant la mise en place d'une taxe «transport» dans notre canton, selon un modèle qui existe en France.

A l'époque, le Conseil d'Etat avait déclaré ne pas être opposé à cette idée - du reste, le modèle avait été évoqué dans son projet - mais il avait fait valoir qu'il lui paraissait difficile, en raison de la situation économique, de prévoir des contributions de la part des entreprises. C'est la raison pour laquelle nous avons, à travers ce projet de loi, cherché une solution qui s'inspire de la volonté du Grand Conseil, sans conséquences néfastes pour les entreprises genevoises, vu les difficultés économiques que nous traversons.

D'autre part, il nous a paru légitime que cette taxe soit payée, en premier lieu, par les personnes qui travaillent à Genève, qui s'y rendent, car elles habitent en dehors du canton, mais qui ne payent pas leurs impôts à Genève, ou par les personnes qui travaillent et résident dans notre canton mais qui ne payent pas d'impôts non plus. Le principe d'une taxe - je le rappelle - est précisément de demander une contribution à certaines personnes pour une prestation donnée. A titre de référence, la taxe de séjour, qui a été introduite par ce Grand Conseil, se perçoit auprès d'une catégorie de personnes qui bénéficient de certaines prestations. Ce sont des personnes qui ne sont pas domiciliées à Genève et qui ne font pas partie des contribuables de ce canton.

Vous savez également que, depuis un certain nombre d'années, le Conseil d'Etat a tenté d'obtenir du canton de Vaud une rétrocession fiscale pour les personnes qui travaillent à Genève. En matière fiscale, sur le plan international, le principe général est que le lieu de travail corresponde au lieu d'imposition. Ce principe n'est toutefois pas appliqué en Suisse en vertu d'une jurisprudence du Tribunal fédéral qui admet l'imposition au lieu de domicile. Il en résulte que notre canton subit incontestablement un préjudice, qui pourrait être partiellement réparé par l'institution de la taxe préconisée par ce projet de loi.

Mais cette taxe a aussi un but environnemental. C'est la raison pour laquelle nous proposons de diminuer le montant de la taxe de la moitié du montant de l'abonnement des TPG pour les personnes qui prendraient une carte de libre parcours des TPG ou, encore mieux, une carte combinée avec un parking d'échange. Bien entendu, d'autres solutions peuvent être imaginées dans le cadre de ce projet de loi. Certains ont même préconisé que la totalité de la carte TPG, voire de l'abonnement CFF, puisse être imputée du montant de la taxe. Donc, les auteurs du projet de loi restent parfaitement ouverts à une discussion sur les modalités proposées.

Ce projet de loi a bien pour buts de faire avancer l'objectif soutenu par ce Grand Conseil et de tenter de solutionner le problème des contributions concernant les personnes qui travaillent à Genève et qui n'y payent pas d'impôts, ce qui représente une somme dont le canton devrait pouvoir bénéficier.

Nous vous remercions de l'accueil que vous réserverez à ce projet de loi.

M. Michel Balestra (L). Tout le monde à Genève reconnaît que la charge fiscale brute est trop lourde et que, pour créer des emplois, il faudrait la diminuer. Même le groupe «Solidarité», dans l'excellent «Courrier» de ce matin, partage cet avis. Tout le monde reconnaît que la sécurité sur les routes s'améliore grâce à la formation des conducteurs. Tout le monde reconnaît que, grâce aux catalyseurs, la qualité de l'air s'améliore et que cette qualité continuera de s'améliorer. Et presque tout le monde reconnaît, enfin, que si nous dotons Genève d'un contournement autoroutier, d'une traversée de la rade ainsi que de parkings visiteurs au centre-ville en suffisance, la qualité de l'air s'améliorera plus vite encore !

Ce projet de loi va à l'encontre de cette évolution, naturelle et souhaitable pour Genève, puisqu'il propose de ne soutenir, grâce à ce nouvel impôt, que les transports publics. Le groupe libéral est favorable à une complémentarité des transports publics et privés et, également, à une charge fiscale moins lourde.

Et pourtant, nous accepterons le renvoi en commission de ce projet ! Pourquoi ? Parce qu'il pose un vrai problème.

Genève offre des infrastructures à des hommes et des femmes qui ne participent pas à leur financement. Nous devons débattre de ce problème ensemble. Les libéraux, dans le projet pour Genève, proposent une autre solution : créer des conditions d'accueil qui incitent les actifs non résidants à s'installer à Genève en leur offrant des conditions meilleures au niveau fiscal, au niveau du logement, bref au niveau de la qualité de la vie en général que celles qu'ils peuvent y trouver aujourd'hui. Car reconnaissez que si la classe moyenne supérieure, qui s'est installée dans le canton de Vaud voisin, habitait Genève, nous aurions résolu une partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés, y compris une partie des problèmes de transports. Il est d'ailleurs intéressant de constater que M. Grobet n'ait pas pensé à ce principe élémentaire lorsqu'il était responsable de l'aménagement du canton et qu'il était en charge de ces dossiers !

Nous devrons évaluer ensemble - le mot est à la mode - les effets de ce projet de loi sur les entreprises qui devront percevoir cet impôt, mais qui, dans certains cas, dans une période où les augmentations sont difficiles à accorder, devront également les payer. S'il est vrai que nous avons intérêt à faire revenir les actifs non résidants... (L'orateur répond à la mimique étonnée d'un député.) Oui, vous avez l'air étonné, mais il faudra bien les payer, puisqu'on ne peut pas diminuer un salaire nominal. Vous le savez, c'est impossible ! Si une taxe supplémentaire est instaurée et qu'on n'a pas de marge pour procéder à une indexation, il faudra bien qu'elle soit à la charge de l'employeur. C'est comme cela que ça se passe si on veut conserver une bonne harmonie dans l'entreprise !

Je vous rappelle que les non-résidents sont passés de vingt mille, dans les années 1980, à septante mille, dans les années 1990 ! Il y en a un peu moins maintenant, puisque nous avons malheureusement perdu, comme tout le monde le sait, seize mille emplois. Nous avons intérêt, disais-je, à faire revenir les actifs non résidants, mais, si un impôt supplémentaire sur les frais de route influencerait un tel retour, nous devrons prendre garde à ne pas perdre nos entreprises qui sont, elles, courtisées par les communes vaudoises qui font la même réflexion que la nôtre, mais à l'envers !

Bref, le problème n'est pas simple, mais il existe, et il a le mérite de nous permettre d'examiner ensemble la meilleure manière de le solutionner. C'est pourquoi nous soutiendrons ce renvoi en commission.

M. Michel Ducret (R). La présente motion...

M. Claude Blanc. C'est un projet de loi ! (Rires.)

M. Michel Ducret. Merci, Monsieur Blanc !

Ce projet de loi part d'une bonne idée, même si elle n'est ni très originale, ni très neuve.

Il s'agit du versement d'une taxe pour les transports des municipalités et des communautés urbaines françaises qui avait inspiré, il y a plus de dix ans déjà, une association d'usagers des TPG, alors présidée par l'ancien député socialiste Jean-Luc Richardet. Cela nous avait incités à prospecter les possibilités d'introduire une telle taxe liée à l'emploi. Outre l'opposition, bien entendu, des syndicats patronaux, nous nous étions alors heurtés au chef du département des finances qui avait soulevé le problème de l'inégalité de traitement entre les travailleurs et pas seulement entre les entreprises, tout un chacun n'étant pas mis sur le même pied. Mais l'idée n'était pas morte pour autant, puisqu'entre-temps le Conseil d'Etat s'est penché sur le problème du financement du développement des transports publics, comme cela a été voulu, je le rappelle, par le peuple, à une large majorité, le 12 juin 1988.

Il est donc difficile de ne pas accueillir cette motion...

M. Claude Blanc. Mais, c'est un projet de loi !

M. Michel Ducret. Merci, Monsieur Blanc ! Il est donc difficile de ne pas accueillir ce projet de loi pour un examen approfondi en commission, ceci non sans évoquer le fait que l'Etat confédéral devrait davantage se préoccuper des besoins des collectivités urbaines de notre pays, si on considère le peu d'argent qui est versé pour les efforts de transports dans le canton de Genève, alors que nous subventionnons très lourdement, au niveau fédéral, la desserte de vallées très peu peuplées. Il y a là matière à se poser des questions !

Le groupe radical tient toutefois à souligner que, si la question posée lui semble bonne, ce n'est pas le cas pour la réponse proposée. Aux arguments bien démagogiques, qui consistent à faire payer tout le monde sauf les Genevois, il faut aussi opposer les problèmes engendrés par une telle mesure. Il faut commencer par le fait que ce projet recèle de quoi rompre la paix confédérale en ne visant, de fait, que nos voisins vaudois qui travaillent à Genève. Il risque également de compromettre nos efforts pour maintenir, voire renforcer, la Genève internationale en taxant l'emploi des fonctionnaires de ces institutions. C'est un secteur très sensible, dans lequel la concurrence est particulièrement rude et largement internationale. Je rappelle encore la nécessité pour nos entreprises de conserver des conditions concurrentielles valables, cela aussi vis-à-vis des employés qui y travaillent, surtout des employés qualifiés. Enfin, les cartes de transports publics ou de parcage liées à ces transports qui permettraient des réductions de la taxe proposée sont des cartes transmissibles, ce qui pourrait poser certains problèmes.

C'est donc avec ces premières réserves prudentes que le groupe radical acceptera le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances.

Toutefois, je ne voudrais pas conclure sans relever un fait historique que je gardais pour la bonne bouche. C'est le scoop de l'automne ! L'Alliance de gauche, par la voix des députés signataires du présent projet de loi, admet enfin qu'une pression fiscale trop élevée peut provoquer la fuite des contribuables, vers le canton de Vaud notamment ! C'est la première fois que ce fait est admis par écrit. Cela figure en bas de la page 5 du projet de loi, et valait bien la peine d'être relevé. Nous ne pouvons qu'encourager les députés de ce groupe à pencher encore davantage vers ce réalisme qui nous est cher, ce qui nous permettra enfin de dialoguer de façon constructive.

M. Andreas Saurer (Ve). Ce projet de loi soulève, de la part du groupe des Verts, trois remarques.

La première concerne l'objectif déclaré de ce projet de loi, à savoir la diminution des nuisances dues aux voitures; nous ne pouvons, évidemment, que souscrire à un tel objectif ! Cela dit, j'attire votre attention sur le fait que les déplacements motorisés des Vaudois ne représentent au total que 5% des déplacements pour tout le canton de Genève. Bien sûr, nous sommes confrontés au problème des pendulaires, c'est évident, mais je tiens à vous rappeler que l'écrasante majorité des pendulaires habitent dans le canton de Genève. Les Vaudois n'en constituent qu'une infime minorité. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous pour aborder le problème des pendulaires et se demander comment en diminuer le nombre. Mais il ne suffit pas de se préoccuper des pendulaires vaudois, dont le nombre est infime s'agissant des déplacements motorisés privés dans le canton.

Deuxième remarque. Vous proposez des taxes pour les Vaudois. Il me semble que le problème n'est pas de savoir s'il faut créer un impôt supplémentaire ou non, mais de savoir comment nous pouvons garantir une rétrocession des impôts que les Vaudois payent au canton de Vaud.

Troisième remarque. Ce sont des conventions internationales qui définissent le statut des internationaux, non seulement en Suisse mais dans tous les pays. Il faut donc aborder ce problème de front ! Si nous souhaitons imposer les internationaux - pourquoi pas - il faut aborder le problème sous l'angle politique et réfléchir à la manière de le faire. Il n'est pas très élégant de chercher une «petite solution juridique» à un problème qui est d'ordre politique.

En conclusion, nous partageons tout à fait le motif écologique de ce PL, mais le moyen utilisé a pour nous un petit relent anti-vaudois et anti-internationaux que nous ne pouvons partager ! Ce projet de loi soulève un problème tout à fait réel, c'est pourquoi nous sommes d'accord de le renvoyer en commission.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Nous avouons que ce projet de loi ne nous plaît pas beaucoup. D'abord parce que, s'il est vrai que le canton de Vaud nous pose quelques problèmes, il ne nous semble pas nécessairement utile de montrer les Vaudois du doigt dans un projet de loi. C'est par la péréquation intercantonale et par des négociations, même difficiles, que nous arriverons - je l'espère - à résoudre ce problème.

Il nous semble aussi que ce projet de loi, tel qu'il est présenté, touche au respect de la Constitution, car il engendrerait pratiquement une double imposition !

Malgré tout, nous ne nous opposerons pas à un renvoi en commission, car - comme cela vient d'être dit - ce projet de loi soulève un réel problème, celui du financement du développement des transports publics et des parkings d'échange. Nous pourrions d'ailleurs le mettre en parallèle avec l'idée de la contribution «transports».

Je tiens à rappeler ici, pour mémoire, que cela fait bientôt deux ans que ce Grand Conseil - tous partis confondus, à l'exception des libéraux - invitait le Conseil d'Etat à élaborer un projet de loi instituant, dans les plus brefs délais, une contribution «transports» destinée à couvrir des investissements en faveur des transports publics. Ces différents points pourraient être repris en commission. C'est pourquoi nous soutiendrons le renvoi de ce projet de loi en commission.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Le groupe démocrate-chrétien accueille avec intérêt ce projet de loi qui soulève un vrai problème, mais qui apporte de fausses réponses.

Nous, nous verrions plutôt ces réponses dans le domaine de l'aménagement du territoire. A un moment donné, à Genève, du fait d'une certaine politique, nous avons fait fuir la classe moyenne supérieure à l'extérieur du canton et, de ce fait, nous avons perdu une certaine masse d'impôts. Par une fiscalité dissuasive pour les hauts revenus, nous avons également favorisé la fuite de contribuables, que ce soit vers le canton de Vaud ou encore vers la France voisine. Nous sommes heureux de lire aujourd'hui, sous la plume des députés de l'Alliance de gauche, qu'une fiscalité trop forte est susceptible de faire partir un certain nombre de contribuables !

Il est vrai qu'il est aussi choquant de constater que certaines personnes, qui bénéficient d'infrastructures genevoises, échappent au paiement de l'impôt dans le canton de Genève, ce qui est le cas de celles qui habitent dans la région vaudoise voisine. Il faudra bien que nous trouvions une solution à ce problème. J'imagine que celle-ci sera plutôt trouvée par le biais d'une négociation avec les autorités vaudoises que par le moyen que vous proposez. En effet, je m'étonne, compte tenu du fait que M. Grobet et les cosignataires de son projet sont plutôt de fins juristes, que vous n'ayez pas vu que ce projet est manifestement contraire aux dispositions fédérales en matière de fiscalité. On est imposé au lieu de son domicile - les arrêts du Tribunal fédéral sont très clairs à cet égard - et non pas là où on perçoit son salaire. S'il était appliqué, ce projet de loi, à n'en pas douter, engendrerait une double imposition qui serait inadmissible.

De plus, votre projet n'est pas très courageux, car on propose d'imposer les personnes qui ne votent pas dans le canton, les Vaudois et un certain nombre de fonctionnaires internationaux; cette démarche est trop facile !

Votre projet est également créateur d'inégalité de traitement entre frontaliers français et frontaliers vaudois - ce qui me paraît impossible - entre indépendants résidant et travaillant à Genève, qui payent leurs impôts à Genève, et indépendants qui habitent dans le canton de Vaud tout en travaillant à Genève et qui, du fait de notre fiscalité, payent tout de même leurs impôts sur leurs revenus à Genève. Le fait de taxer les fonctionnaires internationaux et le personnel des missions, comme vous le suggérez, m'apparaît, a priori et sans avoir creusé plus avant la question, contraire aux accords de sièges qui lient la Confédération aux organisations internationales et aux différents Etats et contraires aux différentes conventions internationales applicables en la matière.

Cela étant, notre groupe ne s'opposera pas au renvoi de votre projet en commission, car il faut que nous trouvions un certain nombre de solutions à ce sujet. Cela est inévitable, compte tenu des difficultés de l'heure, mais il nous semble que les solutions proposées sont mauvaises.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Ce projet de loi présente tous les avantages et les inconvénients des idées simples !

Au niveau des avantages, l'idée est compréhensible, et donc elle est efficace. Au niveau des inconvénients, elle est peut-être simpliste, car elle ne donne pas une idée globale du contexte.

En fait, ce projet de loi concerne la commission fiscale, s'agissant des relations entre le canton de Genève et le canton de Vaud. Il implique de notre part une brève remarque préalable. Monsieur le député, il risque de provoquer une double imposition Vaud-Genève. L'imposition engendrée risquerait de ne pas être équitable, et elle serait donc à ce titre antisociale. Ces problèmes étant directement liés à la fiscalité, le gouvernement souhaite le renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.  

La présidente. Je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de suspendre nos travaux. Je vous prie, ainsi que le public qui est à la tribune, de bien vouloir vous rendre à la salle des Pas-Perdus pour participer à une réception donnée en l'honneur du nouveau Bureau.

La séance est levée à 19 h.