République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7070-A
a) Projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la délégation à un organisme privé des tâches du service des automobiles et de la navigation (B 4 0,5). ( -) PL7070
 Mémorial 1994 : Projet, 324. Commission, 355.
Rapport de majorité de M. Claude Lacour (L), Commission ad hoc
Rapport de la première minorité de Mme Micheline Calmy-Rey (S), Commission ad hoc
Rapport de la deuxième minorité de M. Pierre Vanek (AG), Commission ad hoc
Rapport de la troisième minorité de Mme Fabienne Bugnon (E), Commission ad hoc
P 1040-A
b) Pétition : Privatisation du service des automobiles et de la navigation (SAN). ( -) P1040
Rapport de majorité de M. Claude Lacour (L), Commission ad hoc
Rapport de première minorité de Mme Micheline Calmy-Rey (S), Commission ad hoc
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Vanek (AG), Commission ad hoc
Rapport de troisième minorité de Mme Fabienne Bugnon (E), Commission ad hoc

4. Rapport de la commission ad hoc chargée d'étudier les objets suivants :

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La commission ad hoc chargée d'examiner le projet de loi de délégation à un organisme privé des tâches du service des automobiles et de la navigation soumet à votre attention et à votre approbation le présent rapport.

Le plan suivant vous est proposé:

I. Introduction et résumé de synthèse.

II. Situation du SAN au début de l'année 1994.

III. Le problème relevé par le Conseil d'Etat.

IV. La solution proposée par le Conseil d'Etat.

V. Les travaux de la Commission:

1. Généralités

2. Auditions et transport sur place

3. Points principaux du débat

4. Votes

5. Les étapes de la réalisation du projet.

VI. Commentaires par articles

I. Introduction et résumé de synthèse

La commission parlementaire s'est attachée à examiner l'intérêt du projet sous trois angles: pour l'Etat, pour le personnel du SAN et pour les usagers du service public.

De l'avis de la majorité des commissaires, il était hors de question d'adopter sans autre le projet du Conseil d'Etat pour de simples motifs dogmatiques ou de credo politique. L'idée que l'Etat devrait se retirer des activités que le secteur privé est mieux à même d'assumer, pour se concentrer sur les tâches fondamentales qui lui incombent, ne saurait à elle seule conduire le parlement à adopter des modifications de structure ou d'organisation sans autre évaluation d'opportunité.

L'objectif premier d'une délégation telle que soumise à un examen est d'accroître l'efficacité économique de l'administration chargée d'un service public. Les nombreuses améliorations réalisées ces dernières années dans ce service, y compris sur le plan de la rentabilité économique, ont atteint leurs limites.

La question qui s'est imposée aux commissaires était donc de savoir quel accroissement d'efficacité économique on pouvait attendre du projet. La réponse a été fournie en commission: nonobstant l'allégement des finances publiques de l'excédent des charges d'exploitation du SAN (entre 3,7 et 5 millions de francs par an) l'Etat ne financera plus les travaux et les extensions futures du SAN sur son budget d'investissement. Mais le SAN, entreprise privée dotée de la personnalité juridique, pourra emprunter directement sur le marché des capitaux. Le projet consiste donc bien en un assainissement financier d'un service de l'Etat par le biais d'une efficacité économique accrue.

Il s'est ensuite agi de veiller à ce qu'à l'intérêt de l'Etat ne s'oppose pas celui des citoyens. La recherche d'indispensables économies et recettes supplémentaires ne doit conduire l'Etat ni sur la voie de la spirale de l'augmentation des émoluments pour compenser l'augmentation des charges de fonctionnement, ni sur celle consistant à faire passer sous le couvert d'un organisme privé chargé des tâches publiques des augmentations que l'Etat ne peut ou ne veut plus décider en son nom. La commission a ainsi voté un important amendement qui protège les usagers du SAN contre d'éventuelles hausses disproportionnées des prix des prestations.

Dans le même esprit de protection des usagers, le projet de loi a été enrichi d'un autre amendement visant à laisser sous l'autorité du département de justice et police et des transports la nomination des personnes devant prendre des décisions concernant les conducteurs de véhicules (refus ou retrait de permis). Le projet de loi offre ainsi toutes garanties nécessaires pour qu'à l'avenir le fonctionnement du SAN, et en particulier le prononcé des décisions dont chaque automobiliste peut être l'objet, continue d'être rendue dans l'objectivité et la justice.

Enfin, la commission a examiné les conditions et l'avenir du personnel dans le processus de transformation du SAN en entreprise privée. La commission, dans sa majorité, a apprécié les efforts entrepris par le Conseil d'Etat pour régler le cadre des conditions de travail dans lequel le SAN, entreprise privée, pourra et devra évoluer. Elle a admis que le Conseil d'Etat devra veiller attentivement à ce que l'adjudication se fasse dans le respect des conditions obligatoires concernant le personnel, fixées dans le cahier des charges. Elle a également décidé d'ancrer dans la loi le principe que toute évolution des conditions de travail par rapport aux conditions de départ devra se faire par convention collective de travail.

En conclusion, le projet de loi qui a été examiné par la commission constitue indiscutablement une action concrète de réforme et veut mettre fin au système consistant à ajuster la fiscalité au train de vie de l'Etat.

Ce projet est ainsi le fruit d'une réflexion pertinente et affinée du rôle de l'Etat et incarne une solution pratique, pleine de promesse tant pour l'Etat que pour les usagers de ce service public. Ce projet, de surcroît, comporte de nombreuses et efficaces protections sociales en faveur du personnel concerné que la commission a décidé même de renforcer.

II. Situation du SAN en janvier 1994

A teneur de l'article 106, alinéa 2, LCR (RS 741.01), les cantons sont chargés de l'exécution de la loi fédérale sur la circulation routière. Ils doivent prendre les mesures nécessaires à cet effet en désignant les autorités cantonales compétentes.

En application de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, le département de justice et police et des transports est l'autorité compétente dans le domaine de l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière. (art. 9, H 1 0,5).

Le service des automobiles et de la navigation, 86, route de Veyrier, 1227 Carouge est le service de l'administration centrale cantonale chargé d'exécuter ces tâches pour le compte du département.

Le SAN se compose de 11 services, répartis en 5 divisions, occupant en 1992 un total de 144 postes ou 150 personnes (dont environ 50% de personnel féminin).

Ces divisions sont les suivantes:

a) Division informatique.

b) Division conducteurs comprenant le service des permis de conduire et le service juridique.

c) Division service généraux comprenant le service de la comptabilité et le service des caisses et le service réception, services, économat.

d) Division véhicules comprenant le service des permis de circulation, le service contentieux, le service technique, le service de la fourrière.

e) Division navigation

(voir étude analytique page 10 à 13)

Le SAN occupe diverses surfaces et bâtiments sur les parcelles 2380, 2384 et 2491 commune de Carouge (voir état des contenances et plan de situation, annexe no 1, voir également organigramme, annexe 3, d'étude analytique du service des automobiles et de la navigation (SAN) en vue d'une délégation à un organisme privé du 29 septembre1993).

III. Problème posé au Conseil d'Etat

Le SAN se heurte aux objectifs mêmes du service public qu'il est chargé de réaliser. Le SAN doit être normalement capable d'assurer l'application de la loi, faire respecter les droits et obligations des citoyens dans un fonctionnement qui soit le plus efficace, le plus accessible et le plus rapide possible.

Or, le SAN n'arrive plus à faire face à la demande (59 000 véhicules en mal de contrôle technique en 1994) et les perspectives concernant la qualité de l'offre de prestations dans les prochaines années par rapport à la diminution des moyens à disposition de ce service sont alarmantes.

Les investissements sont gelés et les effectifs en baisse.

En plus, paradoxalement au retard pris par exemple dans le domaine du contrôle technique, les capacités au service technique sont sous-utilisées: il manque en effet, des postes d'inspecteurs pour assumer les activités d'utilité collective que la loi a confiées au SAN et améliorer sa rentabilité.

Le SAN alimente le déficit de l'Etat de près de 5 millions de francs en 1991 et plus de 4 millions en 1992. (PL 7070, page 13, voir également étude analytique, page 62, chiffre 7 et pièce 6.)

En juin 1988, un crédit d'étude avait été demandé au Grand Conseil, puis accordé pour la construction d'une annexe administrative pour le SAN.

Il y était précisé que «d'importants travaux de transformation seront entrepris dans la halle technique actuelle, où seront aménagées 3 pistes de contrôles semi-automatique pour les véhicules».

Le Conseil d'Etat ajoutait que l'ex-bâtiment Volvo acquis par l'Etat de Genève pour les besoins du service des automobiles serait transformé et aménagé afin de recevoir la nouvelle fourrière à voitures, motos et vélos.

Enfin, le Conseil d'Etat informait le Grand Conseil que «ces travaux de transformation et d'aménagement feront l'objet d'un crédit ad hoc qui sera prochainement demandé au Grand Conseil».

Force est de constater que six ans plus tard le projet est réduit au rôle de figuration dans le plan de trésorerie des grands travaux et qu'aucune planification de réalisation concrète n'existe.

Ainsi, l'Etat se voit dans la nécessité d'engager de forts investissements s'il veut pouvoir respecter les tâches qui lui sont confiées par la loi sur la circulation routière (voir étude analytique page 35, synthèse de l'analyse financière et ses conclusions ainsi que les tableaux relatifs au flux de trésoreries prévisionnelles).

La situation actuelle (1993) laisse prévoir un déficit de trésorerie cumulée considérable (53 millions) dans l'hypothèse d'une stagnation du chiffre d'affaires.

En janvier 1992, M. le Conseiller d'Etat Bernard Ziegler prend la décision de confier à sept garages certains contrôles périodiques.

Il confie également une étude de faisabilité à la direction du SAN et à la SGS, visant à évaluer l'intérêt de confier à un organisme tiers les tâches assurées par le SAN, en veillant au maintien de l'intérêt public, au respect des conditions d'équité, et du droit public en général.

Son but était donc de déterminer la contribution que le SAN pouvait apporter à l'objectif du plan quadriennal compte tenu de la réduction de déficit et, plus largement, de savoir si une solution du type de celle envisagée permettait à l'Etat de renouveler le service public.

S'exprimant sur le thème de la crise de l'Etat et ses remèdes, en février 1993, M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat, relevait que, pour lui, reconstruire l'Etat à Genève signifiait chercher à rétablir l'équilibre des finances pour que les tâches de régulation, de protection sociale que la collectivité s'est fixées ne soient pas menacées, mais soient au contraire assumées plus efficacement. Dans ce contexte faire appel à d'autres structures que celles traditionnelles de l'Etat peut être utile. Il concluait par ces mots:

«De Bill Clinton à Michel Rocard en passant par l'aile moderniste du parti travailliste, mais on pourrait aussi et surtout remonter à Pierre Mendès France, ce propos incarne l'espoir d'une meilleure gestion de l'intérêt public, plus près de l'individu et de ses besoins, le mouvement de ceux que l'innovation n'effraie pas lorsqu'il s'agit de s'atteler avec détermination à reconstruire l'Etat et le service public» (exposé du 27 février 1993, Tribune de Genève).

IV. Solution proposée par le Conseil d'Etat

1. En se fondant sur l'étude conjointe de la direction du SAN et de la SGS, le Conseil d'Etat propose la délégation des tâches du service des automobiles et de la navigation à un organisme privé.

Les objectifs de cette délégation consistent à:

- améliorer la situation économique du service des automobiles et de la navigation en respectant la qualité de la prestation;

- rechercher la satisfaction du client par l'introduction d'éléments de motivation plus forts pour le personnel;

- doter le SAN de moyens adéquats et de technologie actuelle;

- doter le SAN de flexibilité en vue d'une adaptation rapide à la demande;

- assurer les investissements nécessaires à l'exploitation du service par le marché financier privé;

- gérer au plus près les équipements et installations actuelles;

- alléger les finances publiques de l'excédent des charges d'exploitation découlant de l'activité du SAN;

- percevoir une contribution relative à l'actif mis à disposition (PL 7070, page 14).

Parmi les principaux objectifs visés, on peut citer la flexibilité dans la réponse à la demande, une efficacité accrue due à l'existence d'éléments de motivation plus forts pour le personnel que ceux à disposition dans la fonction publique, la prise en charge des investissements par l'exploitation privée, qui allégera le budget de l'Etat, notamment en ce qui concerne les grands travaux (voir étude analytique, page 2).

A relever que les renseignements et documents remis ont permis aux commissaires de constater que les reproches faits aux employés du SAN n'ont aucun fondement.

2. Cadre de l'attribution des tâches de l'Etat à un organisme privé

Le projet de loi 7070 fixe les limites de la délégation en matière de décisions administratives, assujettit l'organisme au principe du droit public, instaure un pouvoir de surveillance et d'instruction dans l'entreprise délégataire, nuance les principes et conditions pour l'octroi de la délégation ainsi que sa durée, et confirme l'existence d'un contrôle et le respect de la loi fédérale par le juge administratif (PL 7070, page 14, chiffre VI).

3. Dispositions concernant le personnel examinées par la «commission de suivi»

Il est immédiatement apparu que le passage par délégation d'une entreprise de droit public à une entreprise de droit privé était perçu comme ayant des conséquences extrêmement importantes sur le statut des employés.

Si certains d'entre eux y voyaient une possibilité d'avancement, il est clair que d'autres, et notamment les syndicats interrogés, y voyaient une menace de détérioration du statut individuel par rapport au statut offert dans la fonction publique.

Très vite l'idée a été proposée de la mise au point de conditions obligatoires relatives au personnel. Ces conditions devraient être imposées, donc acceptées par l'entreprise délégataire. Cette exigence est apparue également dans le cadre des discussions sous la forme de création d'un contrat collectif avec force obligatoire pour l'entreprise délégataire.

a) Dès lors, une commission dite «de suivi» a été instituée par le Conseil d'Etat. Celle-ci a siégé à 7 reprises du 21 janvier 1994 au 11 mars 1994. Elle était composée de 15 membres.

 Cette commission de suivi a été le lieu de concertation sur les dispositions relatives au statut des employés de la nouvelle société et devant figurer dans le cahier des charges ainsi que dans le contrat de droit public.

 A la suite de ces travaux, le Conseil d'Etat a rédigé, en avril 1994, un texte appelé «Conditions relatives au personnel devant figurer dans le cahier des charges pour l'appel d'offres en vue de la transformation du statut du SAN en entreprise privée».

b) Vu l'importance du problème, ces dispositions obligatoires constituent également une forme de couverture d'assurance que donne l'Etat de Genève aux membres du personnel du SAN en garantissant de bonnes conditions de travail et une protection sociale renforcée.

c) Parallèlement, le service des automobiles, sous la responsabilité de M. Pally, a édité «le journal de projet» avec l'aide d'un comité de rédaction composé de Mme et MM. C. Houlmann, D. Marandaz et J.-J. Vauthier.

 Ce journal a été édité à 14 reprises du 19 janvier 1994 au 27 avril 1994. A noter que le journal de projet a repris les nombreuses questions et critiques publiées et s'est efforcé d'y répondre objectivement. Les 14 exemplaires de ce journal figurent également sous annexe à titre de reflet des discussions intervenues (page 14).

 Les principaux points examinés ont été ceux du salaire, des annuités, des primes, l'indexation et autres éléments de rémunération, des indemnités en cas de maladie et d'accident, la durée du travail, les vacances, les congés officiels maternité et spéciaux, la caisse de retraite, le licenciement, ainsi que tout particulièrement les problèmes relatifs au passage à l'entreprise privée (voir page 2, n° 14, du 27 avril 1994).

V. Travaux de la commission

1. GÉNÉRALITÉS

a) Lors de sa séance du 17 février 1994 (Mémorial 1994, pages 324-355) le Grand Conseil a renvoyé le projet de loi 7070 à une commission ad hoc composée de Mesdames et Messieurs:

Michel Balestra L

Nicolas Brunschwig L

Pierre Ducrest L

Michel Halpérin L

Claude Lacour L

Christian Ferrazino AG

Jean Spielmann AG

Pierre Vanek AG

Fabienne Blanc-Kuhn S

Micheline Calmy-Rey S

Michel Ducret R

Pierre Froidevaux R

Bénédict Fontanet DC

Jean Montessuit DC

Fabienne Bugnon E

b) M. Bénédict Fontanet a été appelé à présider la commission. Il l'a fait avec doigté et compétence.

c) c) M. le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer, responsable du département de justice et police et des transports, a assisté à la plupart des séances de la commission. Qu'il soit remercié de sa disponibilité et de l'aide qu'il a apportée aux commissaires.

d) Il était assisté par MM. L. Pally, directeur du SAN, et F. Brutsch, secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports.

e) Entre le 24 mars 1994 et le 1er juillet 1994, la commission a tenu 9 séances totalisant une trentaine d'heures.

f) Le rapporteur a consulté le département, respectivement la direction du SAN, sur certains problèmes techniques par souci d'exactitude.

2. LES AUDITIONS

a) TCS

M. Strub, président de la section genevoise, et M. Chevalley, président de la commission technique, ont rappelé que le TCS compte 110 000 membres et qu'il s'agit d'un groupement apolitique ne poursuivant pas de but lucratif. Le TCS répond aux questions techniques mais ne désire pas entrer en matière sur des problèmes politiques. Le TCS pourrait intervenir dans le projet en prenant en charge certains éléments techniques pour autant qu'on le lui demande.

Sur cette question, M. Strub fait remarquer que depuis longtemps la délivrance d'attestations techniques est pratiquée par des sociétés commerciales privées, notamment en matière de moteurs d'avions. Il estime donc que, notamment en matière de délivrance de permis de conduire, les exigences seraient moindres au cas où le contrôle incomberait à une société privée.

Il relève que le TCS, pour sa part, donne des avis techniques plus poussés et plus complets que ceux du SAN. Il n'y a aucun problème conflictuel entre les organismes.

Il rappelle qu'en Appenzell, à Berne et à Neuchâtel, le TCS est en charge de certaines visites des véhicules.

b) Représentants du personnel membres de la commission du suivi

Sont entendus: Mmes Brigitte Perez, juriste, Noëlle Julliand, secrétaire, MM. Michel Favre, inspecteur, et Michel Fontaine, chef du service de la navigation, M. J.-M. Pellat est excusé.

Il est relevé immédiatement que le personnel est partagé en ce qui concerne l'aspect politique du problème, de sorte qu'il s'est soucié avant tout des problèmes concrets.

Le personnel ne se fait du souci que par rapport à son statut futur.

En résumé, les deux principales interrogations sont, d'une part, le contenu et l'adoption du cahier des charges et, d'autre part, le problème de la sécurité de l'emploi par rapport à l'article 24 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux.

M. Fontaine explique comment s'est déroulée la nomination de la commission du suivi et la participation du personnel.

La majorité du personnel est favorable au principe d'une convention collective à imposer à l'entreprise délégataire.

c) Audition du cartel intersyndical représenté par MM. Fioux, Baud, Zufferey et Miliquet

Les propositions du cartel ont fait l'objet d'un document déposé lors de cette audition et figurent en annexe au présent rapport (annexes 2 et 4).

En résumé, le cartel est méfiant, voire totalement opposé à la délégation qu'il considère comme une privatisation.

d) Audition de l'UPCP, représentée par MM. Jacquemay et Golay

Les représentants de l'UPCP font part de leur souci en ce qui concerne les problèmes qui restent posés au cas où une entreprise privée devrait prendre des mesures de coercition (retrait de permis, retrait de plaques, séquestre, etc.) et par conséquent devrait demander l'aide de la police.

Ils estiment que la police en général n'aime pas beaucoup être subordonnée à un organisme privé et du fait qu'il s'agirait d'un organisme non étatique le problème de confidentialité et de secret de fonction se pose. Il est même craint qu'une entreprise privée soit plus sensible à des pressions extérieures dans le cadre de ce genre de travail.

L'UPCP, par ailleurs, suggère que les inspecteurs soient incorporés dans la police. Une note de synthèse est finalement remise à la commission (annexe 5).

e) Audition de la CGAS représentée par MM. Beer et Thorel

Sur le fond, la CGAS estime que la délégation correspond à une sorte de démission des services publics et des pouvoirs politiques au regard d'une nécessaire restructuration de certains services de l'Etat. Elle pense que la solution de la privatisation n'est pas la bonne.

Cela dit, elle considère que le travail effectué au sein de la commission du suivi est bon. Elle estime qu'il serait nécessaire que la convention collective de travail soit intégrée comme un élément incontournable pour l'entreprise délégataire et insiste sur le fait que la délégation ne devra pas se traduire par la détérioration des conditions de travail du personnel.

Elle considère que le transfert des personnes devrait être traité selon les règles du code des obligations.

Il est entendu que cela signifie pour elle la reprise en totalité des acquis sociaux. Si ces acquis sociaux devaient être remis en cause, la discussion serait alors immédiatement bloquée. Le CGAS dépose également une note de synthèse (annexe 6).

f) Audition du SIT représenté par MM. Matthey Messima et Lewerer

Le SIT a déposé un document exprimant sa position à l'égard du projet de loi 7070 qui répond à toutes les questions posées (annexe 5).

g) Audition de la FTSP représentée par MM. Eggenschwyler et Mauris

La FTSP n'entend pas se prononcer sur le côté politique du projet, mais s'y oppose pour des raisons juridiques, morales et philosophiques.

Elle dénonce la précipitation avec laquelle la commission du suivi a été constituée et réunie et le non-respect de l'article 333 CO (transfert d'une entreprise à une autre).

Elle estime que moralement le personnel du SAN est manipulé contre son gré, sans avoir été réellement consulté antérieurement.

Sur un plan philosophique, elle considère que cette délégation est une forme de privatisation, premier pas dans une direction qui pourrait se révéler dangereuse.

La FTSP remet également une note de synthèse (annexe 8).

h) Audition de l'UAPG représentée par MM. Rolini et Meylan et de l'UPSA représentée par MM. Vetsch et Golaz

L'UPSA regroupe environ 140 garages. Elle ne prend pas de position politique par rapport au projet mais entend signaler quelques défauts de fonctionnement constatés au SAN, notamment au niveau de la halle technique et de son équipement. L'UPSA relève que les sept garages délégués ont procédé à quelque 30 000 contrôles techniques durant ces deux dernières années sans aucun problème.

L'UPSA estime qu'il y a une réelle nécessité de réorganisation des services techniques comprenant l'achat d'outillage moderne pour effectuer des contrôle électroniques plus fiables.

L'UAPG estime que les tâches ne faisant pas appel à l'autorité de la force publique peuvent être facilement déléguées, à la différence des autres.

Il estime que seule une entreprise privée est en mesure d'investir suffisamment pour assurer la réorganisation du SAN. Raisons pour lesquelles l'UAPG apporte son soutien au projet.

Il souligne que l'article 2, alinéa 1, du projet stipule que l'entreprise délégataire devra reprendre l'ensemble du personnel et rappelle que la loi sur la fonction publique ne prévoit nullement la sécurité de l'emploi de sorte qu'il n'y a dans ce domaine pratiquement aucune différence entre le secteur public et le privé. Une solution par une convention collective du travail est préconisée.

A la question de savoir s'il devrait y avoir concurrence entre diverses entreprises délégataires, M. Meylan part de l'idée que c'est dans le cadre du choix de l'entreprise délégataires que cette concurrence s'exercera.

Les deux associations déposent également des notes de synthèse (annexes 7 et 8).

i) Audition de Me P.-L. Manfrini

M. Manfrini confirme son avis de droit, rappelant qu'il ne s'agit pas d'une privatisation mais d'une délégation avec maintien de la surveillance de l'Etat.

Rien n'interdit que les tâches confiées par la Loi fédérale aux autorités cantonales soient sous-déléguées à des privés. Néanmoins, cette délégation doit intervenir dans les limites imposées par le droit cantonal et la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce qui présuppose que cette délégation devra être sanctionnée par un vote du Grand Conseil. Bien entendu, les garanties de procédure, notamment en matière de contrôle judiciaire, doivent être maintenues.

Il signale qu'en Suisse, d'autres activités sont déléguées d'une manière semblable, comme notamment en matière de droit agricole, de police administrative concernant la sécurité des installations électriques ainsi que tout le domaine de la sécurité sociale.

Il relève que les mesures administratives faisant partie de la contrainte d'exécution ressemblent à des mesures pénales mais restent administratives, ce qui permet la délégation pour autant qu'il y ait surveillance par les autorités judiciaires.

La différence principale entre une privatisation et la délégation tient au fait que l'Etat reste responsable. La principale différence consiste néanmoins dans le changement du statut du personnel qui passera du droit public au droit privé.

Ce passage pourra être effectué moins brutalement dans la mesure où il sera imposé à l'entreprise délégataire un cahier des charges relatif aux droits du personnel.

M. Manfrini mentionne en effet que la législation fédérale n'a pas prévu expressément la délégation, mais rappelle que le principe de base de notre constitution est celui de la souveraineté des cantons en matière d'organisation.

j) Audition de la Société générale de surveillance représentée parM. F. Ginet, directeur

Il y a lieu de se référer aux documents déposés par cette société (annexe 11).

En ce qui concerne le travail de la SGS en qualité d'expert consulté, il rappelle que tous les documents mis à sa disposition et toutes les expertises et réponses données ont été produits. Ils sont et resteront à la disposition des autres soumissionnaires, de manière à respecter le principe de l'égalité.

Il donne quelques éclaircissements quant aux 4 ou 5 éventuels soumissionnaires potentiels. Il rappelle que ce travail a été effectué gratuitement par son entreprise comme cela se fait usuellement en matière de prospection de marchés. Il rappelle les termes de références de l'accord pour l'étude selon lesquels l'Etat de Genève, respectivement le département de justice et police et des transports, n'est engagé d'aucune manière par les conclusions du rapport. La SGS a l'habitude de travailler sous le contrôle des gouvernements. En ce qui concerne la gestion du personnel, celui-ci doit bénéficier de procédures flexibles en vue d'accroître l'efficacité. Le personnel devra également être motivé et de qualité.

En réponse à une question, M. Ginet déclare qu'il ne pense pas qu'il y ait une différence dans l'honnêteté des personnes travaillant pour le privé ou pour le public, et rappelle à titre personnel, ayant travaillé dans le secteur privé et dans le secteur public, qu'il lui paraît que le secteur privé favorise la prestation des meilleurs par une plus rapide progression économique et hiérarchique. Comme, d'autre part, les mauvaises prestations sont plus rapidement discernées et, dans la mesure du possible, limitées.

k) Nouvelle audition des représentants du personnel de la commission du suivi (Mmes Perrez, Juilland ainsi que MM. Favre, Pellat et Fontaine)

Les employés du SAN ne redoutent pas de ne plus être fonctionnaires, mais plutôt de ne pouvoir exercer leurs fonctions aussi librement dans le cadre d'une entreprise privée. Les inspecteurs techniques perçoivent mal la nécessité de faire contrôler leur travail par des gens peut être moins qualifiés qu'eux. Le personnel du SAN est partagé par rapport au projet de loi. L'ensemble des inspecteurs est opposé au projet. Celui-ci ne devrait pas poser trop de problèmes dans la mesure où le cahier des charges sera bien respecté par l'entreprise délégataire. Il en va de même en ce qui concerne le personnel d'encadrement.

M. Pellat rappelle que si des mesures de modernisation avaient été envisagées dans les années 1978-1979, rien malheureusement ne s'est ensuite concrétisé.

En ce qui concerne l'application de l'article 24, de la LG relative au personnel de l'administration cantonale concernant le licenciement, M. Fontaine explique que cet article n'est pas appliqué par l'Etat, ce qui crée une différence essentielle en cas de changement de statut.

l) Transport sur place

Les commissaires ont eu l'occasion, en date du 14 avril 1994, de visiter les différents services du SAN. Ils ont pu constater l'état de vétusté des équipements de contrôle technique ainsi que l'état d'abandon de l'ex-bâtiment Volvo destiné initialement à la fourrière.

3. LES POINTS PRINCIPAUX DES DÉBATS DE LA COMMISSION

Plutôt que de relater par le menu dans un ordre chronologique les discussions intervenues au cours des travaux de la commission, il a semblé préférable au rapporteur de les grouper par thèmes essentiels.

A) Constitutionnalité et légalité de la délégation

- La commission a examiné le problème de la conformité d'une telle délégation sous l'angle du droit public fédéral et cantonal. Elle a eu à sa disposition deux avis de droit du professeur Thomas Fleiner, directeur de l'Institut du Fédéralisme à l'université de Fribourg, un avis deMe P. L. Manfrini mandaté par le département de justice et police et des transports, docteur en droit et avocat au barreau de Genève, et un avis de droit de M. J. Voyame mandaté par la SGS, avocat et ancien directeur de l'office fédéral de la justice.

Le lecteur est prié de se référer à ces rapports résumés aux pages 14 et suivantes de l'étude analytique et figurant en annexe de celle-ci.

Ces trois avis de droit arrivent à la conclusion qu'une telle délégation est réalisable légalement parlant, sous réserve de diverses conditions relevées aux pages 12 et 13 du commentaire du projet de loi.

- L'exercice par des employés privés de décisions à caractère impératif voire coercitives telles que délivrance, refus ou retrait de permis de conduire ou de circulation, séquestre, perception d'émoluments etc., semble mal admis au sein du SAN et de plusieurs syndicats auditionnés (voir aussi pétition P 1040 des fonctionnaires UPCP).

Bien que la légalité d'une telle délégation soit admise par les trois experts, le département de justice et police et des transports a proposé en fin de travaux de réserver la prise de telles mesures à des personnes «désignées par le département» par souci de sécurité juridique.

B) Comment expliquer qu'un service public déficitaire, après délégation à une entreprise privée constituée pratiquement de la même direction et des mêmes employés, devienne à la fois plus performant et moins coûteux pour l'Etat?

Certains des commissaires estiment que l'opération ne peut être valable et qu'il serait préférable, plutôt que déléguer, de réorganiser les services de l'Etat et de procéder, dans le cadre des institutions cantonales, aux investissements nécessaires et au travail de rationalisation envisagé.

De son côté, la SGS a expliqué (voir ci-dessus) les raisons pour lesquelles une entreprise privée peut être plus dynamique et plus efficace.

D'autre part, elle a également expliqué qu'une telle entreprise privée pouvait se permettre de perdre de l'argent durant les premières années, non seulement dans l'espoir d'amortir puis équilibrer ses comptes postérieurement, mais aussi en faisant entrer dans les éléments positifs de la délégation l'impact «publicitaire» d'une telle délégation. Le poids d'une référence internationale dans la diffusion du «savoir-faire» sera favorable tant à l'entreprise délégataire qu'au canton de Genève.

C) Un point qui a donné lieu à de nombreuses discussions au sein de la commission a été celui du licenciement. Il a été relevé une incompatibilité juridique entre les conditions de licenciement de droit public (et plus particulièrement l'article 24 de la loi relative au personnel de l'administration (B 5 0,5) et les conditions de licenciement dans le droit privé découlant du contrat de travail (code des obligations et ses nombreuses lois d'application).

Ces deux types de législation prévoient indiscutablement chacune la possibilité d'un licenciement. Mais il semble que c'est très rarement que l'Etat fait application de cet article 24, d'où la légitime inquiétude des employés devant changer de statut.

En définitive, il apparaît impossible d'harmoniser les deux législations et par conséquent, sur ce point en tout cas, il est indiscutable que le statut du personnel sera modifié.

Néanmoins, pour atténuer ce passage d'une législation à l'autre, la procédure de reprise du personnel a fait l'objet de dispositions particulières qui figurent dans le cadre du cahier des charges (voir édition 14 «journal de projet»).

D) Les comptes

Ceux-ci ont été décortiqués par les commissaires. Il s'avère qu'ils ne sont pas simples à analyser. Le lecteur qui s'intéresse aux chiffres et par conséquent à connaître les bilans et comptes d'exploitation antérieurs à 1993 se référera aux diverses études détaillées.

a) En résumant et en simplifiant à l'extrême, on peut dire que la valeur à neuf des actifs du SAN (bâtiments, terrains, mobilier, équipement) s'élève à 25 millions de F en chiffres ronds.

b) Le compte de perte et profit aboutit à une perte d'exploitation de 4,8 millions de F en 1991, à 4,2 millions en 1992 et en 1993 à 2,7 millions (annexe 12). (Cette relative bonne performance de l'exercice 1993 vient du fait qu'en août 1992 le Conseil d'Etat a augmenté les émoluments du SAN. Cette augmentation tenait compte des investissements dont il est question plus haut. Si l'Etat avait réalisé ces investissements la perte du compte perte et profit eût été de 3,7 millions de F environ.)

c) L'étude financière a porté sur deux années: 1991 et 1992. Cette étude a fait apparaître un excédent de charges de 4 200 000 F. Or, les chiffres de la comptabilité de l'Etat 1992 montrent 18 440 000 F de recettes contre seulement 15 730 000 F de charges.

Une des tâches de l'étude a donc consisté à rechercher ces coûts, les départements auxquels ils émargeaient, et à en définir le montant précis.

Pour 1992, un total de charges complémentaires avant intérêts et amortissements de 3 793 000 F a ainsi été réintégré dans la comptabilité, dont notamment les frais de formation (206 000 F), l'informatique départementale (280 000 F), le fonctionnement et l'entretien des immeubles (762 000 F), les transformations et loyers (678 000 F), les assurances (257 000 F), les télécommunications (107 000 F), les frais d'affranchissement à forfait (250 000 F). Avec intérêts et amortissements, le total des charges complémentaires représente 6 900 000 F.

Une simple addition des charges (15 730 000 F) avec celles qui figurent sous d'autres centres comptables de l'administration (6 900 000 F) à laquelle on retranche les recettes (18 440 000 F) fait bien ressortir un excédent de charges de 4 200 000 F.

E) Certains commissaires se sont demandé si l'Etat faisait un «cadeau» à une entreprise privée en assurant un projet garanti par un monopole privé

En constituant le SAN sous forme de société privée, l'Etat «économise» l'excédent de dépenses de 4,2 millions (situation 1992) = +4,2 millions. De cette somme doit être retranché le produit découlant de l'augmentation des émoluments décidée en 1992 = -1 million. Il verserait une contribution pour la fourrière (exploitation et intérêts passifs sur investissements) = -1,1 million. Il continuerait à payer les intérêts passifs sur l'actif du bilan = -11,5 million. Il concéderait une indemnité à raison de la perception de l'impôt = -1,5/-2,0 millions. Il recevrait un loyer sur l'actif mis à disposition (sauf fourrière) = +1,3 million. Il payerait diverses prestations fournies par la société = -0,5 million. Il n'assumerait pas les investissements prévus = +19,5 millions. Il n'aurait pas à charge les intérêts passifs pour le financement des investissements = +1,2 million, ni le remboursement de la dette pour ces investissements = +1,5 million.

Selon les estimations qui précèdent, l'opération représente donc pour l'Etat, en gain d'investissements, 19,5 millions et entre 2,1 et 2,6 millions en gain annuel de trésorerie.

Pour plus de renseignements il y a lieu de se référer aux annexes 6a à 10 de l'étude analytique ainsi qu'au plan de trésorerie du SAN, base 1993, avec prévision pour les années 1994 à 1998 comprenant diverses hypothèses de croissance ou au contraire de baisse du chiffre d'affaires annuel (annexe 6).

F) Il a été parfois reproché au Conseil d'Etat de n'avoir pas recherché s'il existait d'autres solutions au problème

L'étude de 1992 avait pour but de rechercher «des formes d'organisation envisageables pour le SAN».

Plusieurs types d'organisation ont été envisagées soit:

- service de l'administration;

- établissement public autonome;

- délégation à entreprise privée;

- société d'économie mixte.

La préoccupation de trouver une solution à même de contribuer à atteindre les objectifs comptables de réduction du déficit de fonctionnement de même que la recherche d'une solution novatrice susceptible d'apporter des enseignements utiles pour la réflexion sur l'organisation de l'Etat ont déterminé la forme d'organisation devant constituer le support aux activités du SAN.

Le choix du Conseil d'Etat s'est porté sur la solution menant au projet de loi actuel, après une étude résumée sous la forme du tableau suivant:

Il n'en reste pas moins que certains commissaires pensent que la solution de l'établissement de droit public aurait été préférable (voir amendement proposé à l'art. 1).

4. LES VOTES

La commission a voté l'entrée en matière par 7 voix (3 L, 2 R, 2 DC) contre 6 voix (3 AG, 2 S, 1 E).

Le vote d'ensemble sur le projet de loi 7070 a donné:

9 pour (5 L, 2 R, 2DC);

6 contre (3 AG, 2 S, 1 E).

5. LES ÉTAPES DE LA MISE EN OEUVRE DU PROJET

Au cas où le projet de loi serait adopté par le Grand Conseil, la procédure de mise en application serait la suivante:

- rédaction et adoption par le Conseil d'Etat d'un règlement d'application de la Loi;

- adoption par le Conseil d'Etat du cahier des charges;

- ouverture de l'appel d'offres et délai pour le retour de soumissions;

- évaluation des offres et rédaction du contrat de droit public;

- attribution à un délégataire par arrêté du Conseil d'Etat;

- signature du contrat de droit public avec l'entreprise délégataire.

VI. Commentaires par article

1. B 4 0,5

Article 1

Cet article constitue le fondement de la délégation. Il en annonce l'objet (al. 1), l'exclusivité (al. 2) et les modalités (al. 3).

Une proposition d'amendement tendant à déléguer les tâches de l'Etat à un établissement public autonome est refusée par 9 voix contre 5.

Al. 3.

Un amendement visant à soumettre le cahier des charges à l'approbation du Grand Conseil est repoussé par 9 voix contre 5.

Article 2

Il énonce les conditions de reprise (al. 1) et l'obligation de reprise de l'ensemble du personnel. L'alinéa 2 précise que l'alinéa 5 de l'article 24 de la loi sur le statut du personnel de l'administration cantonale est exclu, ceci pour éviter toute ambiguïté.

Al. 1

Certains commissaires craignent que l'entreprise délégataire licencie pour réengager à des conditions inférieures.

Ce problème a été réglé par les conditions obligatoires que le Conseil d'Etat introduira dans le cahier des charges et le contrat de droit public.

Un amendement proposant l'intégration dans le projet de loi 7070, à l'article 2 sous un alinéa nouveau, la réserve «pour le renouvellement de poste à cahier des charges identique le salaire de référence est fonction de la position du traitement de membre du personnel quittant le poste», n'est pas accepté (9 contre, 6 pour)».

Al. 2

Un amendement visant à ce que le personnel en fonction au SAN à la date de la délégation conserve son statut de la fonction publique par intégration des contrats de travail dans le contrat de délégation est refusé (7 contre, 6 pour).

Un amendement visant à introduire dans le texte de la loi le principe de la convention collective est refusé (7 contre, 6 pour).

Un amendement proposé par le département visant à introduire un nouvel alinéa 2 et soumettant toute modification des conditions du personnel à la conclusion d'une convention collective est accepté (9 pour, 4 abstentions).

L'alinéa 3 assure au personnel le maintien de l'affiliation à la CIA.

Un amendement demandant à ce que tout le personnel et non pas seulement celui en fonction, soit affilié à la CIA est refusé (7 voix contre et 6 pour).

Al. 4

Traite de la mise à disposition par l'administration des locaux et installations moyennant paiement d'un loyer.

Il précise que le patrimoine immobilier et mobilier utilisé jusqu'à ce jour est mis à la disposition du délégataire. Il devra être précisé ultérieurement qu'en contrepartie la maintenance d'entretien, de remplacement du patrimoine mobilier et immobilier sera à la charge du délégataire ainsi que les nouveaux investissements nécessaires à la bonne marche du service.

Une proposition tendant à faire soumettre à la commission ad hoc SAN les éléments du cahier des charges (notamment la fixation de la redevance) est refusé par 7 voix contre 6.

Par 7 voix contre 5 et 1 abstention le mot «loyer» est remplacé par «redevance».

Article 3

Cet article fixe les dispositions essentielles quant à la personne de l'entreprise délégataire, de ses statuts ainsi que des droits et des obligations de l'entreprise et de son personnel.

Article 4

Cet article donne l'obligation au délégataire d'exécuter les tâches confiées. Il donne au délégataire le pouvoir de décision, le soumettant ainsi à la procédure administrative.

Al. 3

La portée de cet article a néanmoins été très fortement atténuée par l'acceptation de nouveaux alinéas 3 et 4 dont la teneur est la suivante:

Al. 3 nouveau:

«Seules les personnes désignées par le département de justice et police et des transports peuvent décider du retrait ou du refus d'un permis d'élève conducteur ou de conduire ou de toute autre mesure administrative finale prévue par la loi fédérale sur la circulation routière ou ses ordonnances d'exécution à l'encontre d'un candidat au permis ou d'un conducteur» (accepté par 9 voix contre 5).

Al. 4 nouveau:

«Le délégataire ne peut exercer d'autres activités impliquant un conflit d'intérêts avec l'objet de la délégation» (accepté par 9 oui, 3 non, 3 abstentions).

Article 5

Il s'agit d'un simple rappel des obligations du délégataire par rapport au droit public cantonal, fédéral et international et du rappel du recours possible contre toutes les décisions prises dans le cadre de la délégation de compétences, auprès du Tribunal administratif, puis du Tribunal fédéral, du Département fédéral de justice et police ou d'autres instances fédérales ou cantonales.

Al. 1

Il est constaté que la loi utilise les mots «citoyens», «administrés», «consommateurs» pour désigner les usagers du SAN. Après examen des termes «collectivité, partenariat privé, clientèle», il est proposé d'utiliser les termes de «citoyen et citoyenne» ou l'un ou l'autre des mots mentionnés ci-dessus. Au vote le texte original est préféré (9 voix contre 6).

Article 6

Il est précisé qui paie qui et quoi. Les dépenses de fonctionnement, les investissements d'équipement et d'infrastructure sont à la charge du délégataire. La fourrière, par contre, est l'objet d'un régime particulier.

Pour couvrir ses dépenses le délégataire perçoit des émoluments dont il ne peut pas fixer librement le montant.

Al. 4

Un amendement est proposé par le département:

«Le prix maximum au consommateur pour les prestations déléguées ne peut toutefois excéder les montants actuels, variations de l'inflation réservées, sauf modification des exigences ou des conditions de délivrance des prestations» (adopté par 9 voix contre 6).

Cet amendement vise à restreindre très fortement la marge de fixation du prix des prestations dont le Conseil d'Etat dispose vis-à-vis du SAN, entreprise privée. Il a pour but d'engager l'entreprise délégataire à rechercher des gains de productivité, de rationalisation ou des économies en la privant du recours à la simple majoration des prix au consommateur. Les exceptions dues au renchérissement ou les modifications des tâches à assurer sont réservées.

Article 7

Cet article institue la surveillance du délégataire par le Conseil d'Etat avec obligation de contrôle à tous les niveaux et, avec en parallèle l'obligation d'information du délégataire du droit de regard de la commission de contrôle de l'informatique.

Un amendement pour un nouvel alinéa 5 ayant la teneur suivante:

«L'exécution des tâches de l'entreprise délégataire fait l'objet d'un contrôle annuel par un organisme externe à l'entreprise. Ce rapport est transmis au Grand Conseil dans le cadre des comptes rendus annuels» est refusé par 7 voix contre 6 et 2 abstentions.

Article 8

Cet article fixe les responsabilités de l'entreprise délégataire tant sur le plan financier qu'administratif.

Article 9

L'entreprise délégataire est soumise aux mêmes lois que celles prévalant pour les services de l'Etat, notamment à la loi sur la procédure administrative.

Article 10

Pas de commentaire.

Article 11

Cet article définit dans quel cadre se fera la soumission et l'adjudication.

Le chef du département a précisé que la commission du suivi serait consultée lors du choix de l'entreprise délégataire.

Al. 3

La commission accepte d'ajouter à cet alinéa «remplissent les conditions fixées dans le cahier des charges établi par le Conseil d'Etat...» (accepté par 8 voix contre 6 et 11 abstentions).

2. Modification d'autres lois

Il s'agit de modification de diverses lois touchées par le projet de loi 7070 dans le cadre de son application à savoir:

Al. 1 (B 5 7)

Un amendement du département est formulé ainsi:

«Art. 17, al. 2 (nouvelle teneur), s'il n'y a pas d'interruption entre les deux emplois, les années passées au service de la Confédération, d'une fondation, d'un établissement de droit public ou d'un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques, d'un département de l'administration cantonale genevoise ou d'une commune genevoise, des Services industriels de Genève ou des Transports publics genevois sont prises en considération» (accepté par 13 voix pour et 2 abstentions).

Al. 2 (B 7 1)

LG sur la responsabilité de l'Etat et des communes (accepté par 8 voix contre 6 et 1 abstention).

Al. 3

LG sur les contributions publiques (D 3 1).

La commission accepte de rédiger en un seul paragraphe le nouvel article 433 B.

Al. 4

LG sur le Tribunal administratif (E 3,5 1).

Al. 5

LG sur les renseignements (F 1 13).

Al. 6

LG sur la LCR (H 1 0,5).

Al. 7

LG sur la navigation (H 2 1).

Les alinéas 3 à 7 sont acceptés, comme toutes les modifications qui précèdent, par 9 voix contre 6.

Remarque

Dans le but d'éviter des frais d'impression élevés, les annexes au présent rapport numérotées de 1 à 14 ne sont pas publiées au Mémorial. Par contre, elles peuvent être examinées, sur simple demande, auprès du bureau du Grand Conseil.

Conclusion

Compte tenu des explications données, des auditions réalisées de l'examen, des pièces produites et figurant en annexe au rapport et de la situation actuelle du SAN, considérant que le projet examiné est avant tout l'incarnation d'une contribution à l'assainissement de la situation budgétaire de l'Etat la commission ad hoc vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le projet de loi 7070 qui vous est soumis.

Liste des pièces annexées au rapport «SAN»

1 a) - 1 c) Etat des contenances de parcelles occupées par le SAN.

1 e) Plan de situation.

2 Résolution du Cartel intersyndical du 24 mars 1994.

3 Conditions relatives au personnel devant figurer dans le cahier des charges SAN.

4 Une note de synthèse du Cartel intersyndical du personnel de l'Etat.

5 Note de synthèse du SIT.

6 a) à 6 g) Trésorerie et budget de fonctionnement du SAN, base 1993.

7 Note de synthèse de l'UPSA.

8 Note de synthèse de l'UAPG.

9 Communiqué de presse du Conseil d'Etat du 26 avril 1994.

10 Lettre de l'UPCPG à la commission du 2 mai 1994.

11 a) Note de synthèse de la SGS.

11 b) Idem.

12 Lettre CIA à la commission du 27 juin 1994.

13 Lettre de M. P.-E. Dimier à la commission du 27 juin 1994.

14 (Nos 1 à 14) Journal de projet.

P 1040

PÉTITION

relative à la privatisation du service des automobileset de la navigation

Considérant que le service des automobiles et de la navigation (SAN) n'est pas compatible avec la fonction d'un secteur privé, les membres de l'Union du personnel du corps de police (UPCP) soussignés:

1. refusent la perspective qu'une autorité de décision et de contrainte soit déléguée à un secteur privé;

2. s'insurgent contre le fait que leurs rapports de travail et de confidentialité puissent se détériorer à moyen terme;

3. rejettent l'idée globale qu'une entreprise privée tire son bénéfice des activités dévolues à l'Etat;

4. s'opposent fermement à la privatisation du SAN en demandant au Grand Conseil de retirer le projet de loi n° 7070 et proposent que cette autorité instaure une étude en vue d'améliorer la rentabilité de ce service dans le cadre de l'Etat.

N.B. 687 signatures

Bruno Jacquemai

Président de l'UPCP

Case postale 100

1211 Genève 8

Le Conseil d'Etat genevois veut sa privatisation. A l'en croire pour des raisons financières. Nous n'avons pas l'intention de mettre en doute ses capacités de calcul, mais tout de même, l'analyse chiffrée qui soutient son argumentation paraît légère, par contre, la foi libérale, elle, est inébranlable, échafaudée à partir d'occultations délibérées et d'a priori. La majorité qui nous gouverne trahit ainsi une volonté forcenée de mettre cette loi sous toit.

Cette volonté s'est manifestée en commission par des comportements fort curieux. Le directeur du service des autos d'abord: il publie un petit «Journal de projet» destiné à informer les employés du SAN. Son no 12 contient un article dithyrambique sur les avantages de la privatisation dû à la plume de la secrétaire générale du parti libéral. Son no 13 fustige l'auteure du présent rapport qui avait osé, dans une interview accordée à un grand quotidien de la place, exprimer sa pensée sur la délégation des tâches du SAN à une entreprise privée. A la décharge du directeur, j'ai obtenu un droit de réponse dans le numéro suivant du même journal.

Peut-être est-ce lui faire injure que de penser qu'il a de sa propre responsabilité fait joindre au bulletin de paie du mois de mai de tous les fonctionnaires un papillon jaune vantant les mérites de la transformation du SAN en entreprise privée? Pourtant son attitude au cours des travaux de la commission auxquels il assiste ressemble tant à celle d'un gamin à qui on risque de refuser une sucette que je ne peux m'empêcher d'avoir un sérieux doute. Jugez plutôt: un député radical se rend dans une salle proche pour prendre un verre d'eau juste avant un vote? Le directeur se lève sans faire de bruit, le suit, et le ramène à temps. Les arguments manquent aux libéraux pour défendre un point de vue? Qu'à cela ne tienne, on passe un petit papier que le destinataire lira fidèlement.

Mais laissons là ces extravagances, il y a plus grave du côté des députés de la majorité. Ils refusent d'entendre le comité de la CIA qui pourtant avait des informations techniques importantes à transmettre à propos de l'affiliation à la caisse de pension de l'Etat des futurs ex-fonctionnaires du service des automobiles. Ils refusent aussi d'entendre les membres de l'Union du personnel du corps de police, auteurs d'une pétition concernant la délégation des tâches de SAN. Ils refusent d'entendre enfin des membres du Cartel intersyndical de la fonction publique qui souhaitaient revenir une deuxième fois devant la commission pour expliquer ce qu'ils pensent de la synthèse des travaux de la commission de suivi traitant des conditions relatives au personnel devant figurer dans le cahier des charges de l'entreprise délégataire. Dieu seul sait pourquoi de tels refus, tant il est vrai qu'il est de tradition au parlement genevois d'entendre les personnes qui en font la demande et que la commission avait la possibilité d'agender rapidement une séance sup-plémentaire pour procéder à ces auditions.

Le Conseil d'Etat n'a pas été en reste non plus: sollicité par les écologistes de dire sa position à l'égard d'un modèle d'établissement public autonome, il n'a pas hésité à fournir un papier obéissant manifestement à une rationalité si subjective que par exemple dans la rubrique «éléments de motivation du personnel» on trouve «non» sous service de l'administration, «peut-être» sous établissement public autonome, «oui» sous délégation à un opérateur privé et «oui» sous société d'économie mixte. Les fonctionnaires de l'Etat de Genève et en particulier ceux et celles du service des automobiles et de la navigation apprécieront.

En ce qui concerne le calcul des coûts et des gains, le Conseil d'Etat a là encore fait fort: sous la colonne «gain pour l'Etat» il additionne au solde du compte d'exploitation le montant des investissements que l'Etat n'assurera pas en cas de délégation. La méthode est pour le moins marginale. Peut-être est-ce pour cela qu'elle n'est pas appliquée jusqu'au bout car, en effet, dans la colonne des revenus on ne tient pas compte des recettes supplémentaires procurées par ces investissements dans l'hypothèse où l'Etat les aurait financés.

Enfin, le Conseil d'Etat a refusé de montrer aux députés le projet de cahier des charges de l'entreprise délégataire, prétendant ne vouloir l'établir qu'une fois la loi votée. Comment se fait-il alors que l'avis de droit de Me Manfrini s'y réfère à de multiples reprises?

Vous comprendrez donc, Mesdames et Messieurs, que le dialogue en commission a pu être très difficile, pour ne pas dire inexistant, et qu'on puisse légitimement se poser la question de savoir ce qui a motivé les partis de l'Entente et le Conseil d'Etat dans cette affaire, la mauvaise foi ou la prétention idéologique, à moins que ce ne soit les deux en même temps. Ne souhaitant pas être désobligeante à l'égard de qui que ce soit, je vous laisse le soin de vous prononcer sur ce point.

Faut-il privatiser le service des autos?

La foi dans la privatisation, dans le transfert d'une gestion publique à une gestion privée et des comportements plus orientés vers le profit sont devenus des phénomènes largement répandus à la fin des années 80. A n'en pas douter les coûts baisseraient et une plus grande attention serait apportée aux usagers.

Cette croissance des privatisations ne s'est pas faite sans critiques:

- la propriété privée ne se traduit pas forcément par une efficacité accrue;

- des gestionnaires issus du secteur privé adoptent des stratégies orientées vers la maximisation de leur profit qui aboutissent à ce que des services essentiels deviennent trop chers ou pas disponibles pour de larges segments de la population.

Au-delà, la discussion sur la privatisation met en jeu le rôle de l'Etat, ses partisans voient l'Etat comme un acteur inutile et coûteux dans un système autrement efficace. Pour nous l'Etat est un acteur incontournable dans un système où l'efficacité n'est pas le seul objectif.

En disant cela, nous ne prétendons pas que les formes de l'action publique doivent rester immuables, notre intention n'est pas de fétichiser certaines méthodes ou habitudes périmées plutôt que d'admettre la nécessité de les transformer sous la pression de réalités nouvelles.

En disant cela, nous disons que l'intérêt public n'est pas réductible à l'intérêt privé et qu'à côté des économies et de la baisse des coûts, d'autres objectifs sont essentiels, l'égalité des gens devant la loi, les conditions de travail du personnel, le contrôle démocratique de l'action publique.

Enfin, en disant cela, nous affirmons l'importance du rôle de 'Etat et laissons à la droite un Etat réduit à ses seules fonctions régaliennes de diplomatie, de défense, de justice et police.

1. Pour qui la privatisation du SAN est-elle une bonne affaire?

L'étude analytique du service des automobiles et de la navigation met en évidence un problème chronique de sous-utilisation de la capacité à disposition dans le service technique, l'insuffisance du nombre des inspecteurs pour rentabiliser l'équipement actuel et le retard cumulé des inspections, environ 59 000 à ce jour.

Selon les derniers chiffres disponibles (1992), le service technique est déficitaire de 2,6 millions de francs après imputations internes et adaptation des émoluments effective sur les 4 derniers mois de l'année. Des mesures de modernisation et de rationalisation devraient accroître les volumes traités et dégager une marge de contribution nettement supérieure à celle de 1992, conformément à l'expérience de la Société générale de surveillance auditionnée par la commission: partout où elle gère des centres de contrôle périodique des véhicules, le résultat est positif.

La question est donc: pourquoi l'Etat ne peut-il pas moderniser et rationaliser lui-même? Pourquoi une entreprise publique ne pourrait-elle faire ce qu'une entreprise privée est à même de faire? Pourquoi l'Etat devrait-il renoncer à ces bénéfices potentiels? Les arguments du Conseil d'Etat tiennent à des objectifs comptables de réduction rapide du déficit de fonctionnement de l'Etat. Examinons cet argument de plus près.

Pour moderniser le service des autos et lui donner une chance de couvrir ses frais, il faudrait investir notamment dans l'agrandissement de la halle technique, dans l'équipement automatique d'une ligne d'inspection supplémentaire et l'automatisation de 2 lignes existantes et engager de 6 à 8 inspecteurs de plus. La fourrière est aussi à rénover et le total des investissements nécessaires se monte 19,5 millions de francs au total selon les chiffres fournis par le service des autos lui-même. Cela ne signifie pas que l'Etat doive débourser 19,5 millions de francs d'un coup. Il empruntera la somme et paiera des intérêts passifs et des amortissements pour une somme de 1,7 million par an.

Sur la base des résultats de 1993, après imputations internes, le déficit du SAN se monte à 2,7 millions de francs au total auxquels il conviendrait d'ajouter 1,7 million concernant les charges financières dues aux investissements à effectuer, ce qui nous donne une somme de 4,4 millions de francs au débit de l'Etat au cas où le SAN ne serait pas privatisé.

Dans le cas où la délégation à une entreprise privée devient réalité, il serait faux de croire que l'Etat n'aurait plus rien à payer. La facture se présenterait comme suit:

(en millions de francs)

F 1,791 au titre des intérêts passifs et amortissements sur les actifs figurant au bilan

F 0,800 coût annuel moyen de la fourrière qui reste à la charge de l'Etat

F 1,800 paiement annuel d'une commission de perception pour l'impôt autos

F 0,500 prestations du SAN pour l'Etat

 

F 4,891

De cette somme sont à déduire:

F 1,500 loyer à payer par l'entreprise délégataire

F 0,800 impôt sur le bénéfice

En résumé, la somme qui viendra s'ajouter au déficit budgétaire au cas où le SAN serait privatisé serait de l'ordre de 2,591 millions de francs et, à première vue, l'Etat gagnerait dans la comparaison avec un modèle public un montant de près de 2 millions de francs par an. Le raisonnement doit cependant être pondéré sur plusieurs points:

1) Ce calcul est statique. Dans le modèle public, il ne tient pas compte d'une augmentation des produits due aux investissements futurs alors qu'il intègre les charges financières de ces mêmes investissements. Manifestement, la somme à payer est surévaluée dans le temps, liée à l'hypothèse que l'Etat procède aux investissements nécessaires pour rattraper les retards dans les contrôles et couvrir les frais du service technique. Il serait alors naturel de considérer que le revenu brut du service augmente dans une mesure comparable à celle envisagée dans un modèle privé et que le SAN dégage à moyen terme un bénéfice avant intérêt et amortissement.

2) Concernant les produits à recevoir et les charges à payer dans le modèle privé, les chiffres ne sont pour l'instant que des estimations. En commission, le département a refusé de fournir aux commissaires le contrat de délégation arguant du fait que son contenu serait à négocier une fois la loi adoptée. Cela signifie qu'aussi bien le loyer des bâtiments mis à disposition que la contribution pour le prélèvement de l'impôt auto, que la contribution pour la fourrière ou les prestations fournies par le SAN au bénéfice de l'Etat peuvent être modifiés. La somme à payer par l'Etat en cas de délégation, soit 2,591 millions de francs, n'est pas forcément celle que l'Etat devra effectivement payer. La facture peut s'avérer plus salée que prévu, tout dépend des conditions de la négociation. Mais, étant donné l'état d'esprit du Conseil d'Etat et son désir de prouver à tout prix ses capacités à privatiser, on peut craindre qu'il ne tienne pas le couteau par le manche dans la négociation avec de potentiels repreneurs.

3) Les comptes du service des autos tels qu'ils figurent dans les comptes de l'Etat montrent un coquet bénéfice et non une perte. Cela tient au fait qu'une partie des coûts du service figure dans d'autres départements, par exemple l'entretien des bâtiments dans les comptes du département des travaux publics. Pour faire apparaître le résultat du service des autos, il a fallu reconstituer une comptabilité propre en recherchant dans différents départements pour s'apercevoir que le service était finalement déficitaire. Ces calculs n'ont pas fait l'objet de remises en cause approndies en commission et dans cette mesure les démonstrations chiffrées du présent rapport les prennent, à tort ou à raison, pour base.

4) L'adaptation à la hausse des émoluments décidée par le département de justice et police dès septembre 1992 a permis d'améliorer les résultats du service, dont le déficit passe de 4,2 millions à 2,7 millions entre 1992 et 1993. On peut donc constater qu'une partie importante du déficit dépendait de choix extérieurs au SAN. Etant donné que même en cas de privatisation les prix seront déterminés par l'Etat, cette partie du déficit n'est pas imputable à la gestion publique du SAN mais à des décisions politiques. Si elles avaient été différentes, plus précoces et moins influencées par une philosophie autophile, ces décisions auraient permis de financer les investissements nécessaires à une meilleure rentabilité du service.

En tout cas, la présentation des chiffres en commission n'a véritablement convaincu personne des avantages en termes de coût d'une éventuelle privatisation. Bien sûr, les députés de la majorité avanceront ce type d'arguments en plénière. Mais il fallait voir leur gêne en commission lorsque le département a cherché à prouver un soi-disant gain pour l'Etat en additionnant investissements et déficit d'exploitation. Ils n'ont pas levé le nez de leurs papiers et n'ont rien dit.

Cette présentation a juste prouvé une chose, c'est que, non soumise à des rigidités budgétaires et aux blocages du personnel en vigueur à l'Etat, l'entreprise délégataire pourrait être efficace, les contrôles de voitures effectués à temps et le patrimoine immobilier mieux rentabilisé. Encore une fois, pourquoi l'Etat ne pourrait-il pas le faire? Pourquoi ne peut-il pas investir dans l'espoir de bénéfices potentiels, réorganiser son administration, changer ses techniques budgétaires, généraliser les imputations internes, donner une responsabilité de gestion à ses services et leur assigner des objectifs? La réponse est simple. Le Conseil d'Etat ne le veut pas.

La privatisation du SAN est un cadeau dans la mesure où on assure un marché public dans une situation de monopole à une entreprise privée. Dans un cas comme celui-là, les gestionnaires trouveront de leur intérêt de faire pression sur le gouvernement pour étendre le champ d'un marché public sécurisant et pour augmenter le prix des émoluments. En instituant un monopole privé à la place d'un monopole public, l'intérêt de la collectivité dans son ensemble n'est pas mieux défendu. Le moyen de faire se rencontrer intérêt public et intérêt privé, c'est d'aligner les deux par le biais d'une concurrence entre les fournisseurs potentiels, qui peuvent inclure les services publics. Cela implique simultanément une démarche de réforme administrative qui est aussi le meilleur argument contre la privatisation des services publics et que le Conseil d'Etat est loin d'avoir entreprise.

En conséquence de quoi, Mesdames et Messieurs, et dans la mesure où la perspective de réforme se cantonne à d'éventuelles privatisations, la démarche est pour nous rédhibitoire puisque l'objectif recherché est en définitive celui de la droite classique, c'est-à-dire celui du démantèlement des services publics, le cas du SAN servant de test. Nous estimons quant à nous que nos autorités devraient avoir le courage de moderniser et de réorganiser le service public au lieu de l'amputer. Moderniser l'Etat est une priorité de la présente législature et à n'en pas douter possible moyennant une volonté politique cherchant activement à améliorer la qualité des services publics.

2. C'est une entreprise privée qui délivrera et qui retirera les permis de conduire.

Le SAN est chargé de l'exécution du droit fédéral et du droit cantonal dans le domaine de la circulation routière et de la navigation. Ses tâches sont en résumé les suivantes (voir avis de droit du professeur J. Voyame, annexe 1 G de l'étude analytique du service des automobiles et de la navigation, p. 2 et 3):

a) délivrance ou refus de permis d'élèves conducteur et de permis de conduire; retrait de tels permis;

b) délivrance et retrait de permis de circulation sur la base d'un contrôle technique pour l'admission à la première mise en circulation et sur la base de contrôles périodiques;

c) surveillance des moniteurs et des auto-écoles;

d) expertises en cas d'accidents à la requête de la police ou des autorités pénales;

e) encaissement de l'impôt sur les véhicules automobiles et d'autres émoluments;

f) service de la fourrière pour les véhicules saisis;

g) rapports avec les cantons et la Confédération, dans le cadre d'associations et commissions diverses;

h) mêmes compétences au sujet de la navigation, sauf que le contrôle technique et les examens sont assurés par la police.

Dans l'exécution de ces tâches, le SAN a accès au fichier du Département fédéral de justice et police, des mesures administratives et au fichier fédéral des véhicules. En outre, il reçoit et conserve les rapports de police et jugements pénaux relatifs aux infractions commises. De plus, il a accès à de nombreuses autres sources d'information, telles que les polices cantonales ou d'autres organes et services de l'Etat (tribunaux pénaux, contrôle de l'habitant). Il peut également demander à certains organismes de l'Etat de procéder à des enquêtes supplémentaires, solliciter des mesures d'instruction et requérir la force publique. Enfin, il peut dénoncer les personnes qui, dans le cadre d'une décision de retrait de permis de conduire ou de circulation, ne déposent pas les documents retirés.

Parmi les tâches décrites ci-dessus, certaines contiennent une part de pouvoir d'autorité. Peut-on sérieusement envisager de les déléguer à une entreprise privée?

Selon la minorité de la commission, les tâches qui relèvent de la police (l'octroi des permis de circulation, les examens de conduite et les sanctions administratives comme les retraits de permis) doivent être exercées dans le respect d'une stricte égalité et impartialité. Il n'est à cet égard pas admissible que des décisions portant sur la liberté personnelle des citoyens et citoyennes soient déléguées à une société privée poursuivant des buts lucratifs, et cela même si l'accès aux tribunaux étatiques est garanti.

Cette position s'appuie sur des faits et des arguments sérieux.

L'Union du personnel du corps de police du canton de Genève qui regroupe les inspecteurs techniques employés au service des autos a, lors de son audition, fait remarquer à la commission que «vu leur autorité de décision et de contrainte à l'égard du public, les inspecteurs sont assermentés et titulaires d'une carte de légitimation et que ce principe leur donne le droit d'être reconnus comme autorité de police administrative en se prononçant, par exemple, pour ou contre la délivrance des permis de conduire». Cela ne sera plus le cas après et l'Union est convaincue que l'abandon de cette fonction sera dommageable aussi bien en ce qui concerne les rapports avec le public que dans les contacts de travail et de confidentialité des inspecteurs avec leurs homologues gendarmes. La privatisation du SAN n'est en outre pas compatible avec les relations que la police en général doit avoir avec un tel service. Dans le cadre des charges et des ordres auxquels devront faire obligeance aussi bien la gendarmerie que l'entreprise délégataire (saisie de plaques, de permis de conduire et de circulation, etc.), le travail de policier leur sera dicté par une entreprise privée.

Cité par le professeur J. Voyame dans son avis de droit, l'Office fédéral de la justice défend sur ce point une thèse restrictive. Pour les décisions qui concernent les personnes, délivrance du permis d'élève conducteur, examen de conduite et délivrance du permis de conduire, retrait du permis, délivrance du permis de moniteur de conduite, surveillance de l'exercice de cette profession, les décisions peuvent avoir un effet sur la situation économique des administré(e)s et elles touchent également à leurs droits personnels (exercice d'une profession notamment). En outre, la latitude de jugement de l'administration est plus large que pour les questions techniques et les critères de décision moins précis, de sorte que pour l'Office fédéral de la justice on ne saurait se contenter dans ces cas d'une simple base légale. Une base constitutionnelle serait nécessaire, c'est-à-dire un projet de loi constitutionnel soumis à votation populaire.

Des réticences apparaissent aussi dans l'avis de droit du professeur Thomas Fleiner. Sans exclure la possibilité de délégation à une entreprise privée, il recommande que, notamment, le retrait de permis soit laissé à l'autorité de l'Etat. Il y a quand même, selon lui, une possibilité de régler ce problème par l'institution d'un délégué de l'Etat qui serait chargé de prendre les décisions en ce qui concerne le retrait de permis.

Cette solution est celle qui a finalement été choisie par le département. Ce dernier a proposé en commission un amendement à l'article 4 de la loi précisant que «seules les personnes désignées par le département de justice et police et des transports peuvent décider du retrait ou du refus d'un permis d'élève conducteur ou de conduire ou de toute autre mesure administrative finale prévue par la loi fédérale sur la circulation routière ou ses ordonnances d'éxécution à l'encontre d'un candidat au permis ou d'un conducteur».

Modification de la loi originale qui est une mesure d'apaisement selon les termes du chef du département, M. Ramseyer, à l'égard de celles et ceux qui pouvaient craindre que ce pouvoir de décision ne soit confié à des employé(e)s d'une société privée. Reste que les personnes désignées par le département n'en seront pas moins des employé(e)s de la société repreneuse et que l'amendement ne répond pas à celles et ceux qui s'opposent à ce que l'autorité de décision soit déléguée au secteur privé, cette thèse étant notamment celle de l'Union du personnel du corps de police qui l'a exprimée dans un pétition. Elle ne satisfait pas non plus à l'obligation d'une base constitutionnelle exigée par l'Office fédéral de la justice pour autoriser une délégation de ce type.

3. Pas de garanties suffisantes pour le personnel.

Parallèlement au processus politique déclenché par le dépôt de son projet de loi, le Conseil d'Etat a ouvert une concertation rapide avec des représentants du personnel concerné et les partenaires sociaux sur les conséquences d'un tel transfert pour le personnel. Sur le plan matériel (horaire, salaire, vacances, etc.), les disposiotions rapportées dans la synthèse des travaux de la commission garantissent des conditions de travail globalement aussi bonnes que dans la fonction publique, quoique différentes. Aucune modification unilatérale des dispositions relatives au personnel imposées par l'Etat dans le cadre de la délégation ne pourra intervenir, seule une convention collective de travail, qui devra être négociée entre l'opérateur et les organisations du personnel, permettra de s'en écarter.

Les membres du personnel qui avaient participé à la concertation ont été entendus par la commission. Ils n'ont pas formulé de remarque sur les conditions matérielles négociées dans le cadre de la commission de suivi, mais ont exprimé des craintes quant à l'application future du cahier des charges, craintes que l'entreprise délégataire ne tasse après quelque temps ce qu'elle veut avec ce cahier des charges.

D'une façon générale, on peut dire que le personnel en place devrait conserver ses acquis. Tel ne sera pas forcément le cas du personnel engagé ultérieurement. Par ailleurs, les garanties prévues n'empêchent pas les doutes sur l'éventualité d'économies réalisées au détriment de la politique salariale et sociale de l'entreprise.

Ce sont là les raisons qui ont motivé le groupe socialiste à présenter 2 amendements. Le premier avec pour objectif que le transfert des personnes de l'entreprise publique à l'entreprise privée délégataire s'effectue selon les règles définies par le code des obligations, règles spécifiant que le nouvel employeur a l'obligation de reprendre les contrats de travail dans leur état (donc avec la totalité et non seulement une partie des acquis). Ainsi, dans l'hypothèse où l'entreprise voudrait modifier à la baisse les conditions de travail, la démarche serait rendue plus difficile car l'entreprise devrait licencier dans un premier temps pour réengager ensuite.

Le deuxième amendement intègre le principe de la convention collective de travail dans la loi, cette dernière devant donner la garantie que toutes les personnes engagées après la décision de privatisation puissent bénéficier des mêmes conditions que celles octroyées au personnel déjà en place. L'intention est semblable à celle qui a conduit à introduire dans la loi concernant la transformation de l'aéroport en établissement autonome un article garantissant les droits acquis du personnel.

Le premier de ces amendements a été rédigé ainsi:

Article 2, alinéa 2 (nouveau)

«Les contrats de travail des membres du personnel du service en fonction à la date de prise d'effet de la délégation font partie du contrat de délégation.»

Cet amendement a été refusé.

Le deuxième proposait:

Article 2, alinéa 3 (nouveau)

«Une convention collective de travail est conclue entre les organisations syndicales représentatives du personnel et l'entreprise délégataire. Les articles de la convention collective de travail portant sur la politique salariale, la protection sociale, la durée du travail, la formation et le perfectionnement professionnel, la protection contre les licenciements sont au moins conformes au statut actuel du personnel du service.

Dans la période séparant la prise de contrôle de l'entreprise délégataire et la conclusion de la convention collective de travail, le statut et les accords de la fonction publique demeurent applicables dans toutes leurs clauses.»

Cet amendement a été également refusé.

Le discours motivant ces refus étant que la conservation des acquis était irrelevante dans la situation économique actuelle et qu'il était donc manifeste que l'entreprise privée ne désirera pas reprendre tel quel le statut du personnel de la fonction publique.

M. Ramseyer, chef du département de justice et police et des transports, a été jusqu'à affirmer en commission, en date du 9 juin, que le seul handicap dans la négociation avec l'entreprise repreneuse «c'est les conditions négociées dans le cahier des charges du personnel». Le département se montrait cependant d'accord pour que l'on rajoute au texte de loi la phrase suivante:

«toute modification des conditions relatives au personnel ne peut intervenir que par l'intermédiaire d'une convention collective de travail».

Cet amendement, inspiré des travaux de la commission de suivi, est mieux que rien dans la mesure où il prévoit la nécessité d'une convention collective pour toutes modifications aux conditions de travail. Par rapport à l'amendement du groupe socialiste, la garantie est moindre. Nous souhaitions en effet que les conditions de travail du personnel en général puissent faire l'objet d'une convention collective et n'avions pas envisagé de limiter cette capacité aux changements à intervenir après la délégation.

Nous maintiendrons donc nos amendements, avec une modification de texte pour le premier afin de reprendre de plus près la formulation du code des obligations, et demanderons leur vote en plénière.

Enfin, la minorité de la commission a également rendu la commission attentive à la question de la caisse de pension. Le personnel du SAN est affilié à la CIA, l'une des caisses de retraite de l'Etat. Le problème de son transfert au sein d'une entité privée et de son affiliation à une institution de prévoyance qui peut garantir les mêmes prestations que la CIA pour un taux de prime équivalent a été résolu à l'article 2, alinéa 3, de la loi. La CIA accepte de continuer à assurer le deuxième pilier pour tous les employés du SAN, étant entendu que le maintien de l'affiliation à la CIA impose au délégataire l'obligation de conserver les échelles de salaires et les pratiques en matière d'indexation en vigueur à l'Etat. Le personnel nouveau engagé par le SAN en tant qu'entité privée rejoint, lui, le plan de retraite prévu dans le cadre de l'entreprise privée.

Or une telle solution ne serait pas praticable financièrement. La mise en vigueur de la nouvelle loi sur le libre passage du 1er janvier 1995 et l'ordonnance s'y rapportant auraient pour conséquence que la CIA n'accepterait pas sans autre le régime dual tel que prévu par le projet de loi car il lui serait par trop défavorable. Son adoption pourrait impliquer une participation de l'entreprise repreneuse ou de l'Etat au déficit technique de la caisse de pension.

Il est déjà difficile sur un sujet aussi complexe de bien voir les effets de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la loi fédérale sur le libre passage. Et nous n'avons malheureusement pas pu entendre le comité de la CIA, bien qu'il ait demandé son audition, la majorité de la commission ayant jugé cette dernière inutile.

Restent tout de même les propos de M. Pettmann, chef du service de coordination des caisses de prévoyance cantonales. Il a fait remarquer à la commission qu'un article de loi décrétant que l'ensemble du personnel du SAN serait membre de la CIA est à son avis tout à fait possible et que du point de vue de la CIA une telle solution est plus appropriée que celle des départs individuels au fur et à mesure des renouvellements de personnel car, pour la caisse de pension, toute diminution des effectifs joue un rôle négatif quant à son équilibre financier. Un amendement du groupe écologiste dans ce sens s'est heurté au refus de la majorité de la commission.

Dans le cadre des préoccupations touchant à la caisse de pension, un amendement a été présenté par le département dans le but de répondre à des soucis exprimés à la commission de concertation avec le personnel. Pour un employé du SAN qui passe à l'entreprise et qui ensuite souhaite retravailler à l'Etat, la prime de fidélité ne serait en effet pas prise en compte. Cet amendement modifie l'article 17, alinéa 2, de la loi B 5 7 concernant le traitement et les diverses prestations allouées aux membres du personnel de l'Etat et stipule que:

«S'il n'y a pas d'interruption entre les deux emplois, les années passées au service de la Confédération, d'une fondation, d'un établissement de droit public ou d'un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution des tâches publiques, d'un département de l'administration cantonale genevoise ou d'une commune genevoise, des Services industriels de Genève ou des Transports publics genevois sont prises en considération.»

La minorité de la commission a voté cet amendement qui a été adopté avec 2 abstentions libérales. Ces députés pensaient qu'il allait impliquer l'extension de la CIA au nouveau personnel. Nous ne sommes pas aussi optimistes qu'eux et c'est la raison pour laquelle nous représentons l'amendement écologiste dont la teneur est la suivante:

Article 2, alinéa 3 (nouveau)

«Les membres du personnel sont affiliés à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA).»

4. Un système de gestion totalement opaque

Le système de gestion prévu par le projet de loi est opaque, qu'il s'agisse du choix du délégataire, de sa surveillance, de la négociation du contrat, de la fixation des tarifs. Tout dépend du Conseil d'Etat qui n'est soumis à cet égard à aucun contrôle démocratique continu.

Et pourtant si le Conseil d'Etat transfère un service de l'administration à une entreprise privée, le Grand Conseil va perdre une partie de son pouvoir de contrôle par le budget et la comptabilité sur cette entreprise privée. En effet, comme le fait remarquer le professeur Fleiner dans son avis de droit, le Grand Conseil ne pourra plus par sa politique budgétaire déterminer dans quelle mesure il faut favoriser tel service désormais privatisé.

Il semble donc à la minorité de la commission qu'un problème clé réside dans le contrôle de la gestion à partir d'objectifs clairement désignés.

Or, en ce qui concerne la fixation des objectifs, les choses sont tout sauf explicites. Il est probable que le Conseil d'Etat sache pertinemment ce qu'il veut. Il n'en reste pas moins qu'il garde pour lui ses intentions. Le projet de cahier des charges n'a pas pu être obtenu par les députés. Un amendement socialiste demandant qu'il puisse être porté à la connaissance des députés a été rejeté. Un autre amendement de l'alliance de gauche demandant que ce dernier soit approuvé par le Grand Conseil a été refusé.

Pas de contrôle des élus sur les objectifs. On nous fait voter une loi la tête dans le sac. Nous savons bien que les partis de droite détiennent le pouvoir exécutif et la majorité au Grand Conseil et que pour eux la question du contrôle se résout à une question de confiance à l'égard de leurs conseillers d'Etat. De ne pas savoir sur quel fondement économique le loyer sera fixé ne les gêne pas. De penser que cette délégation puisse être plus coûteuse pour l'Etat que la réforme du service dans un cadre public, ça n'est pas un problème. Que la politique des prix aux usagers échappe complètement à la discussion publique, que le pouvoir d'appréciation en matière de retrait de permis soit laissé aux employé(e)s d'une société privée et que les députés n'aient plus aucun pouvoir d'intervention sur ces sujets, tout ça ne les empêche pas de dormir.

Nous attirons néanmoins votre attention, Mesdames et Messieurs, que pareille façon d'envisager une délégation de tâches à une entreprise privée est peu démocratique. Les votants et les consommateurs sont aussi intéressés à la participation collective et à la justice. La privatisation diminue la sphère publique, là même où on explique, où on critique, où on adapte ses préférences, là où les participants au débat sont confrontés à des intérêts dépassant leurs intérêts personnels. Ce sont des valeurs qui méritent selon nous d'être défendues.

Quant au contrôle a posteriori, il est également, d'après la loi, le fait exclusif du Conseil d'Etat (article 7). C'est lui qui doit contrôler que la tâche d'intérêt public soit exercée «effectivement et efficacement dans le respect des garanties dont jouissent les administrés», c'est lui qui reçoit les informations. Les députés n'ont, là non plus, rien à dire.

Le groupe socialiste a donc proposé un amendement à l'article 7, alinéa 5, amendement repoussé par 6 voix pour, 7 contre et 2 abstentions (radicale et démocrate-chrétienne).

Dans son activité législative, le parlement est de plus en plus conditionné par l'expression de volontés extérieures. Dans la plupart des cas, les choix législatifs sont devenus des choix de type arbitral: la solution parlementaire suit les voies d'un compromis esquissé dans les demandes des partenaires sociaux et des associations et, à l'image du parlement comme lieu de décision initiale par rapport à une demande politique formulée par la voie des partis et des groupes politiques, tend à se superposer la réalité d'un parlement en tant que lieu de médiation et d'arbitrage. Dans ce contexte, la surveillance parlementaire joue un rôle important en créant et en entretenant la confiance envers luis autorités elles-mêmes, mais aussi entre le peuple et les pouvoirs publics. En enlevant aux députés une parcelle de son pouvoir de contrôle, c'est se sens de l'action parlementaire qui va se modifier. D'un lieu d'arbitrage et de recherche de compromis, d'un lieu où l'on tente d'infléchir la politique gouvernementale en fonction de demandes extérieures, il devient une sorte d'Eglise, un lieu où la majorité ne cesse de chanter les louanges de ses élus au Conseil d'Etat sans plus de prétention à exercer sa fonction de haute surveillance sur les activités de l'Etat.

En conséquence de quoi, Mesdames et Messieurs, convaincus de l'intérêt que vous portez au bon fonctionnement de l'autorité législative, les député(e)s de la minorité de la commission vous engagent fermement à accepter les 2 amendements sur le contrôle parlementaire qui vous sont présentés dans ce rapport, amendements libellés ainsi:

Article 1, alinéa 3

«Les conditions de la délégation ainsi que leurs modalités d'application sont stipulés dans un contrat de droit public avec le délégataire. Ce contrat est approuvé par le Grand Conseil.»

Article 7, alinéa 5 (nouveau)

«L'exécution des tâches de l'entreprise délégataire fait l'objet d'un contrôle annuel par un organisme externe à l'entreprise. Ce rapport est transmis au Grand Conseil dans le cadre des comptes rendus annuels.»

5. En conclusion: un établissement public autonome

La discussion concrète de la loi proposée par le Conseil d'Etat met en évidence des aspects qui, pour être pragmatiques, n'en sont pas moins importants, à savoir quel est le but de la délégation projetée, la façon dont elle est envisagée et quels sont les mécanismes de maîtrise et de contrôle à mettre en place.

L'étude du cas du service des automobiles et de la navigation permet dans une telle perspective de poser le problème non seulement à partir de la forme de financement des activités publiques, mais aussi en termes de conditions, à savoir à quelles conditions les gestionnaires d'une entreprise agiront le mieux dans l'intérêt public.

La privatisation d'un service de l'Etat doit dès lors répondre à des impératifs précis, c'est-à-dire:

1. Permettre un fonctionnement efficient et la réalisation d'économies. Nous avons démontré que l'on ne saurait assimiler la délégation des tâches du SAN à une entreprise privée à une opération de diminution du déficit public; en outre, le SAN fournit l'exemple de l'institution d'un monopole privé à la place d'un monopole public. Or les conditions de concurrence préservent mieux l'intérêt public du point de vue de l'efficience.

2. Traiter également les usagers et les usagères du service. A cet égard, les tâches de police assurées actuellement par le SAN ne sauraient sans inconvénients être privatisées.

3. Assurer les conditions de travail et de rémunération. Les garanties sont à ce propos insuffisantes.

4. Garantir des mécanismes de contrôle démocratique de l'action publique. La sauvegarde de l'intérêt public implique naturellement la mise en place de mécanismes de contrôle démocratique et non un rétrécissement de la sphère publique. Or le projet de loi proposé ignore le contrôle parlementaire et même tout contrôle externe au Conseil d'Etat aussi bien a priori qu'à posteriori.

Mesdames et Messieurs, la minorité de la commission considère dès lors que les conditions d'une privatisation ne sont pas réunies et, partant, qu'une action gouvernementale continue d'être nécessaire. Pratiquement, la minorité de la commission oppose au projet de délégation à un organisme privé celui d'un établissement de droit public ayant la personnalité juridique, et une autonomie de gestion sous réserve de la surveillance et du Conseil d'Etat et du Grand Conseil. Il pourrait être géré par une commission administrative et le personnel relever du statut de la fonction publique.

Le parti écologiste a soumis une série d'amendements au projet de loi du Conseil d'Etat dans ce but précis. Ces amendements seront représentés en plénière et nous les soutiendrons.

Au bénéfice des explications qui précèdent, la minorité de la commission vous demande, Mesdames et Messieurs les député(e)s, de bien vouloir accepter les amendements au projet de loi 7070 tels que formulé ci-après:

Article 1, alinéa 3, in fine

«... Ce contrat est approuvé par le Grand Conseil.»

Article 2, alinéa 2 (nouvelle teneur)

«Les rapports de travail des membres du personnel du service en fonction à la date de prise d'effets de la délégation font partie du contrat de délégation avec tous les droits et obligations qui en découlent.»

Article 2, alinéa 3 (nouvelle teneur)

«Une convention collective de travail est conclue entre les organisations syndicales représentatives du personnel et l'entreprise délégataire. Les articles de la convention collective de travail portant notamment sur la politique salariale, la protection sociale, la durée du travail, la formation et le perfectionnement professionnel, la protection contre les licenciements sont au moins conformes au statut actuel du personnel du service.

Dans la période séparant la prise de contrôle de l'entreprise délégataire et la conclusion de la convention collective de travail, le statut et les accords de la fonction publique demeurent applicables dans toutes leurs clauses.»

Article 2, alinéa 5 (nouveau)

«Les membres du personnel sont affiliés à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA)».

Article 7, alinéa 5 (nouveau)

«L'exécution des tâches de l'entreprise délégataire fait l'objet d'un contrôle annuel par un organisme extérieur à l'entreprise. Son rapport est transmis au Grand Conseil dans le cadre des comptes rendus annuels.»

Nous vous proposons de voter également les amendements du parti écologiste portant sur la mise en place d'un établissement public autonome et enfin de bien vouloir accepter la pétition 1040 de l'Union du personnel du corps de police du canton de Genève et la renvoyer au Conseil d'Etat.

RAPPORT DE MINORITÉ DE L'ALLIANCE DE GAUCHE

Notre groupe, comme l'ensemble de la gauche et des écologistes, ainsi que toutes les forces syndicales de ce canton, combattra fermement la privatisation du Service des Automobiles et de la Navigation.

Nous nous sommes dès le départ opposé-e-s à ce projet de loi, comme d'ailleurs la grande majorité du personnel concerné. Mais les travaux de votre commission, aussi bâclés qu'ils aient été, du fait d'une volonté de la droite d'aboutir à marches forcées, nous ont convaincus plus fortement que jamais que ce projet de loi ne tient pas la route, qu'il devrait être retiré de la circulation et envoyé à la casse sous peine de se transformer en véritable danger public. Ce rapport contient quelques-uns des éléments qui fondent cette conviction.

Privatisations: des promesses magiques du prospectus à la réalité, le grand écart

Le Conseil d'Etat, suivi à ce jour par une majorité de droite de notre parlement, a engagé un processus de privatisation du Service des Automobiles et de la Navigation (SAN). Cette opération politicienne se base, à l'évidence, plus sur le fonds de commerce éculé de l'idéologie thatchérienne que sur un intérêt public quelconque. Le déroulement de l'ensemble des travaux de notre commission le confirme malheureusement abondamment.

On invoque de manière incantatoire, pour justifier ce type d'opérations, la modernité, la flexibilité, la technicité, l'efficacité de gestion, voire le «confort» pour le client, de l'entreprise privée. On nage à ce propos en pleine pensée magique et les dogmatiques néo-libéraux ferment les yeux très fort pour ne pas voir les ravages dramatiques exercés, à l'échelle de la planète, par le capitalisme réellement existant. Celui-ci s'éloigne en effet radicalement du conte de fée qu'on nous sert et se traduit entre autres par un gaspillage massif de ressources humaines et matérielles, par l'omniprésence du chômage et par la dégradation des conditions de vie du plus grand nombre.

En matière de privatisations, et sur un plan général, signalons rapidement et au passage une récente étude publiée par le Financial Times qui annonce que les programmes de privatisation dans l'Union Européenne et l'AELE seront responsables de 800'000 chômeuses et chômeurs de plus d'ici à 1998. Selon cette étude la France arrive en tête des sinistrés avec 290'000 chômeurs supplémentaires prévus à ce titre, suivie de l'Italie qui devrait en comptabiliser 180'000 et de l'Allemagne qui en verrait 140'000.

On le voit: se lancer sur le sentier des privatisations n'est guère compatible avec une volonté de maintenir l'emploi. Ces privatisations s'accompagnent le plus souvent d'une dégradation de la qualité des prestations au public ou d'une introduction d'un système de services à deux vitesses.

Pour faire court à ce propos on peut se référer à l'opinion de ceux qui connaissent le mieux la question «au niveau du vécu» comme on dit. La population anglaise, qui a subi de manière particulièrement dévastatrice les assauts de la politique de Mme Thatcher sait en effet ce qu'il faut en penser. La cote de crédibilité et de popularité de ses héritiers conservateurs a en conséquence atteint des bas-fonds sans précédent et les jours de leur gouvernement sont comptés.

Pour revenir plus près de chez nous les exemples de gestion catastrophique d'entreprises privées, qui mettent à terme en péril non seulement les emplois de centaines de personnes, mais également les intérêts légitime du public en général ne manquent pas. La mort du journal La Suisse en est un exemple récent, frappant et douloureux.

Chacun a en tête les protestations d'impuissance de nos gouvernants dans cette affaire et, au nom du laissez-faire, la démonstration pratique des limites que rencontre la démocratie quand elle est confrontée à ce qu'il est convenu d'appeler l'économie «privée» et à ses défenseurs.

Certes, le cas qui nous occupe est différent, mais on se retrouve également face à une restriction du champ de la démocratie. Il y a dans cette affaire une diminution du contrôle par les citoyennes et les citoyens de notre République d'un pan significatif de nos services publics, qui joue un rôle important et potentiellement croissant en matière de sécurité et de protection de l'environnement. Et ce, au profit d'une entreprise dont la finalité n'est bien entendu nullement philanthropique mais dont la règle d'or est forcément la maximisation de ses bénéfices. C'est d'ailleurs une des constantes des politiques de privatisation en général d'offrir des possibilités intéressantes de profits assurés dans les marchés captifs liés au service public.

On aura noté au passage dans la presse les récents remous à la tête de la SGS que le Conseil d'Etat a placé, de manière scandaleuse, en pole position comme repreneuse du SAN. «Séisme à la SGS» titrait la Tribune à fin août en nous apprenant le renvoi du Président de la Direction générale de cette société, qui voulait selon le même journal «restructurer la SGS en "jetant un pavé dans la mare sans faire de ronds dans l'eau"». Pour cette restructuration là en tout cas c'est raté et ça se termine sur un licenciement.

Quant aux conditions qui ont amené cette révolution de palais dans notre multinationale du bout du Lac, la Tribune nous explique qu'avec «bien moins de 1% du capital de la SGS en son nom propre» on trouve une personne qui «détient largement, depuis quelques années, le contrôle de la société».

On pourrait creuser encore et tenter de dresser un état des lieux pour savoir qui contrôle quoi dans cette affaire et à qui profitera en dernière instance toute cette opération. On se contentera, pour l'heure, de relever que ce ne sont en tout cas ni les citoyen-ne-s de Genève, ni même les usagers du service, et de relever également que la réalité de ce type d'entreprise ne résume pas aux belles publications sur papier glacé qu'on a fourni à vos commissaires.

Service public: la caricature et la calomnie

Le pendant de vertus magiques que l'on prête au «privé» est bien sûr constitué par l'ensemble des défauts que l'on prête au service public. Le Conseil d'Etat a atteint un sommet particulièrement révélateur de son attitude dans ce domaine quand il s'est servi d'articles de presse datant d'il y a une douzaine d'années pour «illustrer» son dossier de presse inaugural concernant cette affaire.

Ce qui est piquant, c'est que le mécontentement du public de l'époque portait sur le traitement des procédures administratives et la délivrance des différentes pièces qui se traduisait on s'en souvient par des files d'attentes considérables. Or, cet aspect du SAN est aujourd'hui parfaitement performant.

Quiconque s'est rendu récemment au Bureau des Autos pour un permis quelconque risque d'être surpris par la rapidité et l'efficacité du traitement du cas. Ce bilan satisfaisant lié à l'informatisation des procédures démontre qu'il est parfaitement possible, si on en a la volonté politique (et en 82/83 les syndicats avaient donné un sérieux coup de pouce dans ce sens) de moderniser et d'améliorer la qualité des prestations dans le cadre des structures du service public.

Mais cette réalité ne cadre pas avec le dogme d'une insatisfaction du public face aux services de l'Etat et plutôt que d'ouvrir les yeux sur la réalité on pratique sans scrupule aucun une désinformation grossière. De deux choses l'une, soit le procédé était intentionnel et la malhonnêteté rare, soit vraiment nos gouvernants sont complètement aveuglés par leur propre discours.

Signalons par parenthèse qu'au chapitre de la propagande les dérapages complets ont été légion dans cette affaire: on a vu un haut fonctionnaire, M. Laurent Pally directeur du SAN, éditer un opuscule périodique qui sous prétexte d'informer le personnel a déversé une propagande systématique et unilatérale en faveur de la privatisation du SAN.

Ceci alors que ce projet n'avait encore aucune espèce de base légale, puisque nous sommes là aujourd'hui précisément pour la lui donner ou la lui refuser, et que les citoyen-ne-s auront probablement leur mot à dire à ce sujet dans le cadre d'une consultation référendaire. Ainsi la discussion à son sujet relève bien entendu du champ du débat politique entre les citoyen-ne-s et bien sûr entre leurs représentant-e-s, mais en aucun cas d'une intervention de tel ou tel haut fonctionnaire au frais du contribuable.

Mais M. Pally se considère manifestement comme déjà «privatisé» et délié de toute espèce de devoir de réserve, il se comporte donc en conséquence. Sa partialité l'a poussé jusqu'à publier, dans sa Pravda-maison, des pages entières, tirées telles quelles de l'organe du Parti libéral. Choquant non? Quel degré d'objectivité attribuer ensuite aux données fournies par M. Pally qui a pourtant été l'un des interlocuteurs essentiels de notre commission au cours de tous ces travaux? On est en droit de se poser la question.

Notons que le procédé de M. Pally a été repris à plus grande échelle encore par l'Office du personnel de l'Etat, qui a d'ores et déjà envoyé à tous les fonctionnaires du canton un feuillet de propagande en faveur de la privatisation du SAN. Faut-il que les auteurs du projet soient peu sûrs de ses qualités intrinsèques pour chercher à le «vendre» par des procédés aussi douteux!

Pour en revenir à la caricature et au dénigrement du Service public qui sert de base au projet qui nous est présenté on se référera à la quintessence de celles-ci exprimée dans un document, émanant du Département de Justice et Police et des Transports, intitulé «Etude des formes d'organisation envisageables pour le SAN» et daté du 17 mai 1994.

Ce document a été produit hâtivement et a posteriori pour tenter de justifier le fait d'avoir écarté pour le SAN, et ce de manière arbitraire et sans étude sérieuse, l'hypothèse de sa transformation en établissement public autonome telle qu'elle a été revendiquée par le Parti écologiste notamment.

Le document a ainsi au moins un mérite, celui d'être spontané et lapidaire et de refléter sans formules alambiquées l'opinion de ses auteurs (il s'agit bien d'opinions purement subjectives, aucun argument ou démonstration n'étant invoqué).

Ce catéchisme, car c'en est bien un, nous «apprend» entre autres que pour le Département à la question...

Y a-t-il dans le cadre de l'administrationdes «éléments de motivation du personnel»?... la réponse officielle est tout simplement «NON»!

Cette affirmation constitue bien sûr un dérapage maladroit, mais au-delà de l'insulte gratuite faite aux milliers de fonctionnaires du canton, insulte par rapport à laquelle le Conseiller d'Etat en charge du Département concerné se devrait de présenter des excuses, on retrouve dans ce document, à l'état brut, les axiomes censés fonder la démonstration «justifiant» la privatisation et dont nous avons cité le plus choquant.

Le document en question mériterait une analyse complète, le solde est à l'avenant du point que nous avons cité on y apprend par exemple que le SAN à l'Etat n'a aucun «standard de qualité», etc. On érige ainsi en évidence des contrevérités manifestes!

En conclusion du document et sous la rubrique «appréciation générale» l'Etat est présenté comme uniquement «adapté à une activité à dominante régulatrice ou avec fort pouvoir discrétionnaire».

Cette conclusion est exemplaire du type de dérapage dogmatique auquel on est confronté et ce, à un double titre. En effet, si on prenait au sérieux un seul instant ce type d'affirmation on amputerait l'Etat de tout son secteur scolaire et hospitalier (entre autres) domaines où l'aspect «régulateur et discrétionnaire» n'a évidemment guère de place.

Ce qui est paradoxal c'est que, précisément, l'activité du SAN à une large composante «régulatrice et discrétionnaire» et qu'on serait en droit de conclure ...que la privatisation, de ce service en tout cas, est parfaitement inappropriée à son type d'activité.

Une démarche viciée ab ovo

Un des faits les plus choquants dans tout le processus qui nous est proposé est le statut privilégié de la SGS qui a, d'un côté, effectué l'«étude analytique» censée servir de base à la décision concernant le passage du SAN au privé et qui est, de l'autre côté, ouvertement sur les rangs comme société candidate à la reprise du SAN.

Cette situation plonge ses racines dans la démarche pour le moins surprenante de l'ex-Conseiller d'Etat Bernard Ziegler qui «lors d'une entrevue avec la SGS au début de l'année 1992, a demandé à cette dernière société de lui faire une offre de reprise pour le SAN» Cette demande d'offre informelle allait droit au but. Elle faisait malheureusement l'économie de tout le processus de débat politique, d'évaluation technique et juridique évidemment nécessaire.

Comme l'écrit fort naïvement M. Ginet de la SGS «il s'est vite révélé que l'offre devait être précédée d'une étude sérieuse aux plans politique, juridique et économique». Le processus qui a suivi cette «révélation» n'a constitué qu'un habillage post hoc de la démarche effectuée en direction de la SGS par M. Bernard Ziegler. Habillage que la SGS s'est chargée elle même d'effectuer, pour l'essentiel, et ce à titre entièrement gracieux!

En effet, comme l'indique l'introduction de l'étude analytique: «La SGS a pris à sa charge l'étude et l'analyse. Elle a mis à disposition les ressources nécessaires à cet effet. En particulier, elle a désigné un chef de projet et deux analystes.»

On se trouve ainsi dans une situation passablement surréaliste à un double titre:

Premièrement, la SGS fonde ses prétentions à une expertise parfaitement impartiale et indépendante dans ses différents domaines d'activité sur le fait qu'elle n'a aucun intérêt commercial ou financier qui puisse interférer avec sa parfaite objectivité. Cela relève de ce que cette société considère comme son «éthique», c'est un élément non négligeable de son fonds de commerce. Ainsi, selon elle, la SGS serait par exemple en mesure d'effectuer des contrôles techniques objectifs sur des véhicules automobiles car elle n'est aucunement intéressée au résultat de l'expertise.

Malheureusement, quand la SGS effectue l'étude non pas d'un véhicule ou d'une marchandise, mais de l'«objet» SAN, la situation est bien différente. En effet, la SGS qui s'annonce comme d'ores et déjà sur les rangs comme première société candidate à devenir l'«opérateur privé» du SAN a, dans ce cas, un intérêt majeur et évident lié au résultat de l'expertise.

Il est clair que la SGS avait un intérêt à s'assurer qu'il y avait bien là un marché intéressant pour une société privée, il est clair aussi qu'elle avait tout avantage à minimiser l'intérêt de toutes les autres formes possibles d'organisation, notamment le maintien du SAN à l'Etat.

L'intérêt de la SGS est tellement évident que cette société a eu la pudeur bienvenue de ne pas facturer à l'Etat l'important travail qu'elle a effectué. La SGS est une société suffisamment sérieuse pour que cette décision ne soit pas imputée à des quelconques motifs philanthropiques, mais bien au fait qu'elle considère cette étude comme un investissement potentiellement rentable.

Ainsi il apparaît, au nom de l'éthique même dont se revendique la SGS, que l'on doit tenir pour fort suspecte l'étude réalisée dans ce cas par cette société et que l'on est par ailleurs en droit de prendre la haute tenue «éthique» qu'elle affiche ...avec un grain de sel!

Deuxièmement, il y a à l'évidence une distorsion entre la situation des différents repreneurs potentiels du SAN, la SGS ayant, quoiqu'on raconte, une longueur d'avance considérable sur tous ses autres concurrents potentiels et des atouts privilégiés dans sa manche dans le cadre de la négociation éventuelle à ce propos. C'est tellement clair que ça ne mérite pas qu'on s'y attarde.

Pour en revenir au premier point, l'aspect de «juge et partie» de la SGS par rapport à l'étude est d'autant plus grave qu'elle n'avait en face aucun contrepoids. Bien au contraire, on l'a vu le directeur du SAN est un chaud partisan de la privatisation et il obéit aux a priori en la matière du gouvernement du jour. Bref, tout ce petit monde baignait dans une atmosphère consensuelle favorable dès le départ à la privatisation, atmosphère éminemment délétère quant à la possibilité d'une évaluation saine et rationnelle de l'intérêt public.

Il y avait pourtant une autre voie, celle de la concertation avec le personnel, celle d'une étude sur le terrain associant les premiers concernés (ainsi que les usagers) dès le départ, la voie de la transparence et de la démocratie, pouvant y compris comporter une confrontation contradictoire entre un projet de privatisation et un projet «à l'Etat» mais à armes égales. C'est ainsi que l'on peut améliorer le fonctionnement de l'administration, avec les gens qui la composent et non pas contre eux. Mais l'idée de ce type de démarche n'effleure pas notre gouvernement qui s'est comporté de manière particulièrement choquante en la matière.

En effet, il n'a même pas cru bon de respecter, au minimum, l'esprit de l'accord d'avril 1993 conclu avec les organisations syndicales de la fonction publique qui imposait une consultation avec le personnel avant toute décision sur un objet comme celui-ci!

Toute la concertation avec le personnel s'est déroulée à l'enseigne de la «Commission de suivi», dont le titre même indique qu'elle se plaçait après la décision et non avant.

On bricole pour les permis et on se moquede l'avis de l'Office fédéral de la Justice

On s'est beaucoup gargarisé des trois avis de droit censés démontrer la légalité de la démarche proposée par le gouvernement. Or ceux qui se seront penchés d'un peu près sur ces documents auront compris que les choses ne sont pas si simples.

Nous ne nous étendrons évidemment pas sur ces aspects, d'autres que nous, mieux qualifiés, reviendront sans doute sur cette question si le projet de loi devait être accepté. Dans un tel cas il ne serait évidemment pas du tout surprenant que la question doive se trancher au niveau du Tribunal fédéral!

Signalons simplement quelques points glanés au passage:

Dans l'avis de droit du professeur Thomas Fleiner on peut lire (1ère partie p. 5) : «Il pourrait vite y avoir abus de droit et, pour cette raison, je propose que - notamment - le retrait du permis soit laissé à l'autorité de l'Etat».

Le Conseil d'Etat n'avait pas tenu compte dans son projet de loi de cet avis pourtant fort clair, il est arrivé à la dernière minute avec un amendement à l'art. 4, prévoyant la désignation par le département de personnes qui décideront de ce type de mesures.

Il est douteux que ce bricolage réponde aux exigences du droit, il est patent en tout cas qu'il ne répond pas aux craintes suscitées dans l'opinion publique à ce niveau, ces personnes désignées étant avant tout bien entendu des employés de l'entreprise privée qui exploiterait le SAN.

Toutes ces questions, relevant de la privatisation d'actes d'autorité de l'Etat, sont d'ailleurs traitées avec une légèreté inquiétante, par ceux-là même qui devraient prendre la chose très au sérieux. Ainsi, à l'occasion d'une discussion sur le problème des fonctionnaires assermentés qui perdraient ce statut dans le cadre d'une entreprise privée M. Pally a cru pouvoir rassurer la commission en qualifiant l'assermentation de «leurre psychologique» (sic!). Cette déclaration jette un supplément de lumière particulièrement crue sur la manière dont le directeur du SAN conçoit sa fonction.

Mais revenons en à l'avis de droit du professeur Fleiner, on y lit encore (2ème partie p. 2): «En effet, le pouvoir de retrait du permis ne peut pas être délégué à une entreprise privée pour la simple raison que cette dernière n'a pas l'indépendance qui permet de la rendre crédible...» Et encore, peu après: «Pour des raisons économiques - par ex. vis-à-vis de ses créanciers - l'entreprise privée pourrait favoriser ou défavoriser certaines personnes ou entreprises pour ne pas perdre ou pour gagner du crédit auprès de ces personnes ou de ces entreprises».

Par rapport à l'avis de Me Manfrini on relèvera au passage que ce jurisconsulte déclare s'être fondé notamment sur le «projet de cahier des charges devant servir de base à la délégation» (p. 1). Or, tant M. Ramseyer que la majorité de votre commission a refusé que les députés, notamment les commissaires, puissent avoir connaissance de ce document évidemment capital!

Plus loin (p. 5) on apprend qu'en la matière (LCR & LNI) «le législateur fédéral n'a certainement pas envisagé la délégation de compétences à des privés...» Me Manfrini se fonde sur ce cas de figure non envisagé pour justifier la délégation en se livrant notamment à un certain nombre d'acrobaties mentales pour «démontrer» que quand la loi fédérale parle d'«autorité», ça peut vouloir dire un privé, ou que quand la loi parle d'«inspecteur officiel» ça peut également être une personne privée. Il faut beaucoup de bonne volonté pour suivre la démonstration sur ce terrain!

Enfin, l'avis de M. Voyame reflète une grande prudence sur la possibilité de l'opération envisagée. On apprend (p. 12) que l'Office fédéral de la justice a considéré que «...de telles possibilités de délégation étaient énumérées exhaustivement dans la Constitution fédérale et que, par conséquent, de nouvelles facultés de délégation ne pouvaient être crées que par le moyen de révisions constitutionnelles». et encore (p. 25) que «dans l'idée de certains milieux de l'administration fédérale, la délégation de tâches fédérales, mêmes assumées par les cantons, à des organismes privés exige sur le plan fédéral une base légale formelle...»

Ces éléments, présents dans l'avis de droit de M. Voyame, et qui laissent planer un doute considérable sur la légalité même de cette entreprise de privatisation, nous ont poussé à demander, dans le cadre des auditions effectuées par votre commission, que l'on puisse entendre au moins un représentant de l'autorité fédérale en question.

La proposition a été refusée par une majorité de la commission: refus motivé sans doute tant par la peur de voir remettre en cause le fragile édifice de ce projet de loi, que par la volonté d'écourter le travail de la commission pour le transformer en Blitzkrieg législatif. Ces motifs ne sont ni l'un ni l'autre très sérieux, si à ce jour le doute plane encore il n'est vraiment pas sûr que l'Office fédéral de la justice n'ait pas raison.

Quand on veut vraiment tuer son chien non seulementon dit qu'il a la gale, mais encore on l'étrangle

Toute l'étude analytique du SAN fournie comme base aux travaux de la commission se fonde sur les données financières pour 1991 et 1992. Ce sont ces chiffres que le Conseil d'Etat a présenté dans le dossier de sa conférence de presse initiale chargée de «vendre» au public son projet de privatisation au début de cette année. Nous avons dû réclamer en commission les données pour 1993 qui voient les «pertes» annoncées pour ce service pratiquement divisées par deux, grâce à l'adaptation des tarifs du SAN. Ces chiffres n'ont malheureusement pas fait quant à eux l'objet d'une conférence de presse.

Si la situation n'est pas encore pleinement satisfaisante aujourd'hui c'est qu'au niveau de la halle technique il y a aujourd'hui un certain dysfonctionnement du SAN et un retard considérable accumulé en matière d'inspection des véhicules. C'est ce problème qu'on montre essentiellement du doigt quand il s'agit de déplorer ce que l'Etat n'arrive pas à faire.

Paradoxalement, c'est précisément dans ce domaine que la SGS annonce que son expérience dans le monde est la plus rentable et c'est sur ce plan qu'elle entrevoit les «gisements de productivité» qui rendent l'affaire alléchante pour le repreneur privé qu'elle espère devenir.

On cherche à nous faire croire que cette différence est liée aux différences entre les qualités intrinsèques de la formule institutionnelle actuelle et de celle du futur repreneur privé. Il n'en est bien sûr rien: ce n'est pas l'Etat qui pose problème, c'est la politique de ceux qui le dirigent et qui ont entrepris par le biais notamment du Plan Financier Quadriennal d'étrangler les services publics par des réductions importantes d'effectifs, ou des non-augmentation, ainsi que par le refus d'accorder les moyens financiers nécessaires à leur bon fonctionnement.

Concrètement, il faut moderniser et étendre la halle technique (ce que prévoyait le projet «Horizon 2000» mis au frigo il y a belle lurette!) et affecter un nombre d'inspecteurs suffisant à celle-ci.

Il ne s'agit pas là de dépenses improductives ou discutables, mais bien d'investissements parfaitement rentables qui permettraient d'aller dans le sens d'un équilibre financier du service. Il n'y a dans ces mesures rien de miraculeux ou d'impossible à réaliser dans le cadre des structures actuelles du SAN.

L'Etat, en cessant d'exercer lui-même ces activités (et en les sabotant aujourd'hui) fait un véritable cadeau à l'entreprise privée repreneuse. Il lui offre un monopole public (les activités du SAN n'existent que par la volonté étatique) dans un marché protégé (à juste titre ces activités ne peuvent donner lieu à une concurrence) pour un champ de profit garanti (obligation pour l'usager de s'y soumettre).

Un tel cadeau est parfaitement indéfendable: s'il y a des profits à faire dans ce domaine c'est à la collectivité d'en bénéficier.

Les partisans du projet quant à eux refusent d'envisager une telle hypothèse, et se livrent à des manipulations surprenantes pour valoriser leur solution: par exemple considérer les investissements non effectués comme un gain pour l'Etat alors qu'on ne prend pas en compte les rentrées additionnelles générées par ces investissements dans l'hypothèse du maintien du SAN à l'Etat.

Il y a encore, dans le cas de la privatisation, des coûts cachés qui n'apparaissent nulle part à ce jour, par exemple ceux nécessités par la surveillance et le contrôle de l'entreprise délégataire. Pour que cette surveillance et ce contrôle s'exercent avec toute la rigueur qu'on nous promet il faudra des moyens matériels qu'il faudra bien entendu payer.

Enfin, comme pour parachever la démonstration du fait qu'il s'agit bien dans le cadre de cette opération de «privatiser les profits et de socialiser les pertes», la fourrière, dont on pense qu'elle ne saurait qu'être déficitaire resterait, quant à elle, à la charge de l'Etat.

Pour le personnel du SAN: opposition et incertitude

Nous n'entrerons pas dans le détail ici concernant les conditions faites au personnel en passant du public au privé. Signalons simplement que l'ensemble des représentants du personnel auditionnés, ainsi que les organisations syndicales représentatives que nous avons entendues ont fait part de leurs craintes, quant à l'avenir de voir, leurs conditions de travail se détériorer, et ce au préjudice entre autres de la qualité du service offert au public.

Signalons aussi que sur ces questions notre commission n'a pas pu travailler dans des conditions normales:

On nous a en effet fait auditionner les représentants du personnel AVANT que nous ne disposions des résultats des travaux de la Commission de suivi. Le président de la Commission nous a donné des assurances que nous pourrions entendre les représentants du Cartel intersyndical de la fonction publique au moment où la Commission traiterait de ces aspects du projet de loi: il n'en a rien été et ce malgré une demande formelle de cette organisation.

Relevons cependant sur ce chapitre que malgré les discours patronaux, frôlant parfois le lyrisme, sur les avantages énormes offerts au personnel du privé par rapport aux conditions de la fonction publique y compris en matière salariale la réalité est moins satisfaisante. Le refus de reprendre les échelles salariales de l'Etat ou même de s'engager sur les futures échelles salariales est révélateur. Egalement significatif est le refus de maintenir les clauses actuelles de protection contre les licenciements, comme la procédure d'établissement des faits, l'obligation d'une enquête préalable avant tout licenciement.

Les questions liées à la Caisse de retraite du personnel n'ont également pas été clarifiées à ce jour, la majorité de la Commission allant jusqu'à refuser une demande d'audition du Comité de la CIA qui aurait permis de les mettre à plat.

Par rapport au personnel, le représentant de la SGS que nous avons entendu, ayant endossé sa casquette «patronale» pour nous répondre, a mis l'accent sur le fait que les garanties offertes à celui-ci ne devaient pas être trop «auto-bloquantes»: les maîtres mots de la politique qu'il a esquissée sont la «flexibilité» (notamment au niveau des horaires), les récompenses salariales offertes aux «bons» employés et la porte pour les «mauvais».

Tout le vernis des discours sur la «motivation du personnel» se réduit à une pratique primitive et individuelle de la carotte et du bâton, on est bien loin de méthodes de gestion permettant réellement de capter les importants «gisements» collectifs d'engagement et de créativité qui permettraient d'améliorer la qualité des prestations offertes.

Quant à la procédure de transfert du personnel on se refuse à reprendre les contrats tels quels, ce qui est en général la norme du Code des Obligations (un amendement a été refusé à ce propos en commission), mais on se refuse également d'autre part à appliquer la loi générale relative au personnel de l'administration (B 5 0,5) régissant notamment en son art. 24 la suppression de fonctions à l'Etat et prévoyant les compensations minimales correspondantes. On veut le beurre et l'argent du beurre!

Nous avons proposé évidemment de rétablir un minimum de correction à ce niveau, notamment par un amendement à l'art. 2 du projet de loi dont la teneur de l'alinéa 2 deviendrait:

Art 2 (alinéa 2): «L'article 24, alinéa 5 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux s'applique.»

Les deux autres amendements concernant l'article 2 que nous avons soutenu en commission se retrouvent dans le rapport du groupe socialiste, nous y souscrivons bien entendu toujours.

Blitzkrieg législatif pour éluder les débats gênantspar un acte de foi

Nous venons d'évoquer deux auditions nécessaires, refusées dans le cadre des travaux de votre commission. Il faut à ce propos stigmatiser également le refus de la majorité de la commission d'entendre l'Union du personnel du corps de police (UPCP) à propos de la récente pétition que celle-ci a déposée concernant la privatisation du SAN (P 1040). Il s'agit d'une entorse évidente aux droits élémentaires des citoyen-ne-s à un traitement sérieux des pétitions que ceux-ci présentent à notre parlement. (Nous vous appelons bien entendu à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.)

On se trouve dans la situation choquante ou une majorité veut prendre des décisions engageant l'Etat, en tout cas jusqu'au milieu de la deuxième décennie du siècle prochain, mais qu'elle craint de consacrer quelques heures à la mise à plat de tous les éléments politiques et pratiques de la situation permettant au Grand Conseil de prendre ses décisions en connaissance de cause.

Ce type d'attitude augure mal du «contrôle» qu'on entend pratiquer à l'égard du SAN privatisé.

La démarche s'est cristallisée en particulier dans le refus par la majorité de la Commission de l'amendement présenté en commission par l'Alliance de gauche à l'alinéa 3 de l'art. 1 du projet, amendement qui demande que le Contrat de délégation soit soumis à l'approbation du Grand Conseil. L'amendement proposait que l'article soit transformé comme suit:

Art. 1 (alinéa 3): «Les conditions de la délégation, ainsi que leurs modalités d'application sont stipulées dans un contrat de droit public avec le délégataire qui est soumis à l'approbation du Grand Conseil.»

Refuser cet amendement c'est voter un blanc-seing complet au Conseil d'Etat en la matière. C'est remplir la forme de l'exigence d'un acte législatif qui soit à la base d'une telle privatisation par délégation, tout en éludant le fond de cette exigence. Autant admettre que le gouvernement règle toute cette histoire par arrêtés...

Le représentant de la SGS que nous avons entendu a été parfaitement clair sur le fait que le diable était dans le détail: «En effet, avant l'analyse détaillée du cahier des charges de la délégation, il est impossible de dire si l'opération est non seulement viable mais rentable à terme.» a-t-il écrit.

On voudrait donc que le dernier mot de notre Conseil soit donné avant de savoir si l'opération est viable, de l'aveu même de l'expert commis à l'analyse de l'affaire. On voudrait déléguer la décision à un Conseil d'Etat qui sera dans une position de négociation affaiblie, face à d'éventuels repreneurs, par l'impérative nécessité politique qu'il a d'aboutir dans cette affaire. Ça n'est guère sérieux!

Comme le dit le professeur Fleiner en conclusion de son avis de droit (2ème partie p. 3): «...il faut connaître en détail les différents modes de règlement, afin de pouvoir déterminer véritablement si la délégation est possible...».

Ainsi, selon cet avis, c'est seulement au moment d'avoir en main les éléments concrets du contrat proposé, le détail des différents modes de règlement, que nous pourrons juger non seulement si l'affaire est viable, mais même si elle est «possible» du point de vue juridique.

Le fait de vouloir nous faire voter un engagement définitif dans les conditions actuelles du projet de loi signifie que le gouvernement nous demande non pas un acte législatif, mais bien un acte de foi, une adhésion les yeux fermés au catéchisme néo-libéral.

En refusant même la proposition minimale de rapport annuel sur la marche du SAN (v. l'amendement que nous soutiendrons proposé dans le rapport du groupe socialiste) la majorité persévérerait dans cette même voie littéralement irresponsable.

Pour conclure, signalons que notre groupe a soutenu en commission, et soutiendra en plénière, les différents amendements proposés par le groupe écologiste et tendant à transformer le SAN en établissement public autonome.

Nous ne sommes pas convaincus que cette solution est forcément la meilleure, personne ne peut l'être d'ailleurs aujourd'hui, précisément parce qu'elle n'a pas été étudiée comme elle méritait de l'être. Elle a été balayée d'un revers de la manche méprisant au profit de la formule de privatisation qui a les faveurs du gouvernement. Accepter la proposition du groupe écologiste signifie aujourd'hui rouvrir le dossier et le débat sur les formes de modernisation des services de l'Etat, plutôt que de donner carte blanche au gouvernement pour qu'il continue son jeu de massacre par amputations successives. C'est le sens de notre soutien à celle-ci.

RAPPORT DE MINORITÉ DU GROUPE ÉCOLOGISTE

Ce rapport de minorité ne reprend pas les travaux de la commission ni les auditions qui sont relatés dans le rapport de majorité. Il ne reprend pas non plus les arguments que la minorité de la commission a développés tout au long des travaux pour essayer de démontrer l'inutilité et les dangers de la délégation.

Ceux-ci sont repris en détail dans les rapports de minorité de mes collègues et je vous prie de bien vouloir vous y rapporter.

Ce rapport se contente de rappeler la proposition constructive que le groupe écologiste a tenté de défendre tout au long des travaux de la commission, avec il faut le reconnaître un succès très relatif.

Mais nous ne baissons pas les bras, persuadés que nous sommes, que notre proposition est réaliste et réalisable.

Délégation: non.

Création d'un établissement autonome: oui.

Le groupe écologiste propose de refuser le projet de loi tel qu'il ressort des travaux fastidieux de notre commission c'est-à-dire à peu de choses près avec le même contenu que lorsqu'il y est entré.

Je rappellerai que si notre groupe n'est pas opposé par principe ou par dogmatisme à tout projet de délégation du public au privé, il est très attaché à respecter certains critères avant d'entamer le processus de privatisation.

Ces critères sont les suivants:

1.  Nous estimons que certaines tâches doivent rester en mains de l'Etat. Outre la détermination des conditions-cadre, des activités économiques par la loi, ce sont toutes les tâches d'exécution relevant de la fiscalité et de l'autorité publique.

Seul l'Etat dispose dans ces domaines de l'assise et de l'autonomie nécessaires pour appliquer les lois avec l'impartialité et la rigueur requises.

Il est essentiel que dans ces domaines le monopole de l'Etat reste intangible.

Conclusion du 1er critère: il est impossible de privatiser les tâches d'encaissement des impôts de même que les mesures administratives.

2. La concurrence: la privatisation doit déboucher sur des situations de concurrence entre plusieurs entreprises offrant les mêmes services. En ce qui concerne le SAN, ses activités relèvent totalement du monopole et l'entreprise qui serait appelée à les reprendre ne serait soumise à aucune concurrence.

Se trouvant dans la même situation que l'Etat, elle devrait pour devenir rentable fortement augmenter les taxes et émoluments, et cela l'Etat peut également le faire.

Conclusion du 2ème critère: pas de concurrence possible.

3. Préservation du service public. Certes l'entreprise sera soumise à un contrôle rigoureux de l'Etat, mais cela ne nous semble pas suffisant et nous appuyons l'amendement du groupe socialiste:

Art. 7, al. 5 nouveau, visant à prévoir un contrôle annuel par un organisme extérieur à l'entreprise et transmis au Grand Conseil dans le cadre des comptes rendus annuels.

4. Prévention du dumping social: malgré les paroles rassurantes du Conseil d'Etat, il y a fort à penser que si l'entreprise délégataire n'est pas soumise à un cahier des charges contraignant, la tentation de revoir les salaires à la baisse ou de se séparer de quelques employés pourrait être bien réelle.

Ces différents critères avaient déjà été énoncés lors du débat de pré-consultation. A la lecture du projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, on s'aperçoit qu'ils ne pourront être respectés.

Proposition des écologistes pour rendre le SAN rentable

On nous a dit que le SAN ne pouvait pas être rentable en restant dans le giron de l'Etat, puisqu'il coûterait chaque année 4 millions à l'Etat.

Relevons ici brièvement la fantaisie de certains chiffres fournis et la difficulté qu'ont eu les commissaires à s'y retrouver, tant le manque de transparence a plané sur nos travaux.

Si le SAN est mal géré, et cela semble être le cas dans une note au sérieux douteux produite par les services du DJPT qui précise qu'il n'existe aucun standard de qualité au SAN actuellement ! (DJPT7CD7LP7fb/17.5.94), il faut donc modifier les méthodes de gestion. Si l'on pense au contraire que sa gestion est satisfaisante, il faut augmenter les taxes et les émoluments à la charge des automobilistes pour le rendre rentable.

Quelle que soit la solution retenue, il n'empêche qu'il faut modifier le statut du SAN pour améliorer la qualité de ses prestations et pour lui permettre de devenir sinon rentable du moins autofinancé.

A cet effet le groupe écologiste propose la transformation du SAN en établissement autonome de droit public, les tâches de cet établissement seraient définies dans un mandat de prestations. Les tarifs seraient fixés en accord avec le Conseil d'Etat de manière à couvrir la totalité de ses coûts. Il aurait la possibilité d'emprunter et d'investir pour son propre compte.

La qualité des prestations du SAN ainsi réformé devrait être assurée par une participation des employés et des usagers à son Conseil d'administration. Nous songeons en particulier à une présence permanente de représentants des associations d'automobilistes (TCS, ACS, ATE).

En même temps, il parait opportun de passer en revue les activités actuelles du SAN. Certaines pourraient être allégées, décentralisées ou même privatisées dans des conditions favorables aux usagers et remplissant les conditions de l'efficacité, de la concurrence, de la préservation du service public et de la prévention du dumping social. Il apparaît à première vue que ces conditions peuvent être respectées par exemple dans le cas d'une délégation du contrôle technique des véhicules à des garagistes agréés comme cela se fait déjà partiellement. Il serait bon, du même coup, de réduire les tracasseries inutiles et d'améliorer la transparence des relations entre la police, les assurances et certains garages dans le traitement des voitures accidentées.

Plus proche de l'usager par la décentralisation et par la représentation des organisations d'usagers au Conseil d'administration, le nouveau SAN devrait trouver à la fois la motivation pour se réformer et la capacité de convaincre la population du bien-fondé d'une adaptation des tarifs. Forts de ce constat, les écologistes vous proposent d'accepter les amendements suivants:

Amendements au projet de loi 7070

Article 1

1. Le Conseil d'Etat peut déléguer à un établissement public autonome (ci-après le délégataire) l'ensemble des activités découlant de la législation internationale, fédérale et cantonale et relevant des domaines d'activité du service des automobiles et de la navigation (ci-après le service).

2. Inchangé

3. Inchangé

Article 2

1. Inchangé

2. Biffer

3. Le personnel de l'établissement est affilié à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA).

Article 3

1. Biffer

2. (nouveau) Le personnel est soumis à la législation applicable au personnel de l'administration cantonale.

Articles 4-5

Inchangés

Article 6

1. Inchangé

2. Inchangé

3. (nouveau) La répartition du bénéfice annuel entre l'Etat et l'Etablissement est déterminée par le contrat de droit public.

Articles 7-9

Inchangés

Articles 10-11

Biffer

Article 13

Les autres lois sont modifiées dans la mesure où il est nécessaire de remplacer le terme «d'organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques» par celui «d'établissement public».

Premier débat

M. Claude Lacour (L), rapporteur. Le rapport dont je vais vous parler a déjà été analysé par les médias. Il est connu des commissaires qui ont assisté aux nombreuses commissions. Je peux dire qu'il est relativement complet, très technique et d'une lecture ardue. Il n'est donc pas question que j'y revienne dans le détail. Par contre, je crois nécessaire de résumer l'essentiel en quelques phrases afin que le débat s'engage sur des bases claires.

En résumé, les dangers dus à la circulation des véhicules et des bateaux ont nécessité des lois fédérales instituant des mesures de sécurité. L'autorité fédérale a imposé au canton de faire exécuter ces mesures. Il s'agit donc d'une obligation qu'il ne peut pas esquiver. Ce dernier, à son tour, a chargé le département de justice et police et des transports d'exécuter ces mesures. C'est ainsi qu'il y a un certain nombre d'années, on a construit des bâtiments et organisé une entreprise de surveillance qui, au fil des années, compte actuellement environ cent cinquante employés que tout le monde connaît sous le nom de service des autos ou SAN.

Cette entreprise cause des frais, ne serait-ce que par ses activités et elle est à la charge de l'Etat. Cette charge est réduite par la perception d'émoluments. Actuellement, la situation est bloquée. En effet, cette entreprise génère 3, 4 ou 5 millions de déficit par an. Elle est considérablement en retard pour les contrôles qu'elle doit effectuer. Elle a un retard technologique et manque de personnel vu les restrictions budgétaires de ces dernières années.

Que faire pour réaliser les obligations fédérales ? La réponse est assez simple à donner, plus qu'à exécuter. Il faut faire des investissements qui s'élèveront au moins à 19,5 millions, voire plus, engager du personnel, ce qui augmentera encore les charges ainsi que les émoluments. Or, tout cela tombe à un moment où l'Etat de Genève n'a pas d'argent. Par conséquent, on ne peut pas, ou difficilement, prendre ces mesures.

Que fallait-il faire ? Voici deux ans, un conseiller d'Etat, M. Ziegler, a proposé une solution qui n'a rien d'original. Elle a été choisie par beaucoup de pays et consiste à déléguer ce travail de surveillance et de contrôle à une entreprise spécialisée du domaine public. Cette entreprise doit, d'une part, pouvoir investir immédiatement les montants nécessaires et le faire de sa poche. D'autre part, parvenir plus rapidement à une meilleure gestion, vu son expérience et une meilleure faculté d'adaptation due à une plus grande souplesse par rapport à l'administration publique.

Bien entendu, cette entreprise ne peut pas travailler librement et sans contrôle. Ainsi, l'Etat a exigé certaines conditions à respecter. Je relèverai les trois principales. La première est, bien entendu, la maîtrise et la surveillance de l'exécution des obligations fédérales. La seconde est le contrôle de la fixation des émoluments, et la troisième est la protection maximum du personnel pour les conséquences du passage d'un statut à l'autre.

Quels sont les résultats escomptés par l'adoption de ce projet de loi ? Tout d'abord, l'exécution des obligations fédérales à un meilleur coût dû, d'une part, à la réduction du déficit annuel de plusieurs millions, et, d'autre part, à la possibilité de renoncer à des investissements de l'ordre de 20 millions. On escompte également un meilleur service à la clientèle, une meilleure technicité, et on pense que l'on pourra ainsi libérer les forces de l'administration, tout particulièrement celles du département de justice, police et des transports afin qu'il puisse s'attacher à d'autres tâches plus spécifiquement réservées à l'Etat.

Enfin, on a pensé, et on l'a rappelé en commission, à protéger le personnel en place, voire même à améliorer sa situation. On pense qu'un tel passage engendrera un effet induit favorable, tant pour l'Etat de Genève que pour les économies du canton.

Dès lors, tous ces éléments ont conduit la majorité des membres de la commission ad hoc «SAN» à vous engager à voter ce projet de loi dans l'intérêt général de notre canton.

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. En préambule à ce débat, vous me permettrez, au nom des socialistes, de rendre hommage à notre ancien magistrat, Bernard Ziegler, qui a lancé l'étude sur le service des automobiles et de la navigation dans une perspective de reconstruction de l'Etat et de renouvellement du service public.

Cette étude a, en particulier, démontré les mécanismes pervers selon lesquels l'Etat ne sait même pas si ses activités coûtent aux contribuables ou rapportent à la collectivité, et se trouve incapable d'investir là où ce serait rentable.

Avec le gouvernement monocolore, ce projet a changé de nature et il s'inscrit désormais dans la ligne de ce que l'on a vu avec la fermeture brutale de la clinique de Montana qui, elle, n'a fait l'objet d'aucune étude, d'aucune réflexion et d'aucune concertation. D'une expérience limitée au service des automobiles et de la navigation qui pouvait apporter des enseignements utiles en vue d'une réforme approfondie des moyens d'action de l'Etat, on est passé à une privatisation qui devient une fin en soi.

Entre économies linéaires, donc stupides, et actions au coup par coup, le Conseil d'Etat tente de respecter tant bien que mal les objectifs financiers du plan quadriennal, sans pour autant améliorer l'efficacité ni la qualité de l'Etat. Ce que le contribuable gagne à cette politique, le citoyen le perd, et tout particulièrement s'il fait partie des milieux défavorisés.

L'étude analytique du service met en évidence un problème chronique de sous-utilisation de la capacité à disposition dans le service technique, l'insuffisance des inspecteurs pour rentabiliser l'équipement actuel et le retard cumulé des inspections pour moderniser le service des autos et lui donner une chance de couvrir ses frais. Il faudrait investir, notamment dans l'agrandissement de la halle technique, dans l'équipement automatique d'une ligne d'inspection supplémentaire, dans l'automatisation de deux lignes existantes, et engager six à huit inspecteurs supplémentaires.

Pourquoi l'Etat ne peut-il pas le faire ? Pourquoi l'Etat ne peut-il pas débourser un million de francs par année pour moderniser et rationaliser lui-même ? Pourquoi l'Etat devrait-il renoncer à des bénéfices potentiels ? Pourquoi, enfin, l'Etat ne peut-il pas réorganiser son administration ?

La réponse est simple. Le Conseil d'Etat et la majorité de ce Grand Conseil ne le veulent pas. Vous n'avez jamais considéré comme utiles les investissements dans le service des autos étant donné votre politique «autophile». Aujourd'hui, la vétusté des équipements, les retards accumulés ainsi que votre mauvaise gestion, vous contraignent à privatiser.

Cette privatisation est une mauvaise affaire du point de vue des économies. En effet, la présentation des chiffres en commission n'a convaincu personne. C'est probablement pour cela que, Monsieur Lacour, vous qui êtes le rapporteur de la majorité, chiffrez l'excédent des charges d'exploitation du service des automobiles entre 3,7 et 5 millions de francs. Ne savez-vous pas que l'excédent des charges est de 2,7 millions de francs pour 1993, ou faites-vous exprès pour convaincre, par n'importe quel moyen, y compris la mauvaise foi ?

Vous parlez d'assainissement financier du service et vous dites que l'Etat ne financera plus les travaux et les extensions futures du service des automobiles et de la navigation. Vous ne dites pas que ces investissements permettraient de rentabiliser le service et de satisfaire les usagers. Vous ne dites pas non plus que, dans le cas où la délégation à une entreprise privée deviendrait réalité, la facture pour l'Etat avoisinerait encore les 3 millions, soit plus que l'excédent actuel des charges du service qui se monte à 2,7 millions de francs.

De plus, la facture pourrait se révéler encore plus salée, car, d'après M. Ramseyer lui-même, le contrat de délégation n'ayant pas encore été négocié les chiffres fournis à la commission ne sont que des estimations. Peut-être que l'entreprise délégataire demandera plus pour la commission de perception de l'impôt automobile. Peut-être que le loyer à payer à l'Etat sera plus bas. Il est donc pour le moins hasardeux de faire une comparaison avec le coût du service restant à l'Etat, d'autant que la présentation du département tient compte, dans ce cas, des coûts financiers des investissements à engager pour moderniser les équipements, et non pas des recettes supplémentaires induites par cette modernisation.

Alors, si vous prétendez adopter ce projet pour des raisons d'efficacité économique, Mesdames et Messieurs de l'Entente, c'est vraiment que vous ne savez pas compter. (Rires.)

C'est également une mauvaise affaire du point de vue de l'égalité des citoyens devant la loi. Parmi les tâches effectuées par le service des automobiles, certaines touchent à la liberté personnelle des gens, comme celles des délivrances et des retraits de permis de conduire. Par exemple, le fait qu'un employé de la Société générale de surveillance décide du retrait des permis de conduire est tout de même gênant, si gênant que le département a proposé un amendement, en dernière minute, pour tenter de corriger un peu le tir. Cet amendement prouve que nous avons raison dans nos réticences et que l'Union du personnel du corps de police a également raison quand elle fait remarquer que lorsque des saisies de plaques, de permis de conduire ou de circulation seront décidées, le travail d'exécution, celui des policiers, sera dicté par une entreprise privée, car, même désignées par le département, les personnes de l'entreprise délégataire restent des employés d'une entreprise privée.

Les tâches relevant de la police doivent être exercées dans le respect d'une stricte égalité et impartialité. Il n'est pas admissible que des décisions portant sur la liberté personnelle des citoyens et des citoyennes soient déléguées à une société privée poursuivant des buts lucratifs.

Du point de vue du personnel, c'est encore une mauvaise affaire. L'existence de bonnes conditions de travail fait aussi partie de l'intérêt public et, de ce point de vue, nous estimons les garanties insuffisantes. En particulier, nous n'avons pas la garantie que les dispositions acceptées par la commission de suivi figurent telles quelles dans le contrat de délégation. Même si cela devait être le cas et que le personnel en place conserve les rapports de travail actuels, tel ne sera pas forcément le cas pour le personnel engagé ultérieurement.

En outre, le problème de la caisse de pension reste en suspens. Nous n'avons pas pu le résoudre de façon satisfaisante pour les finances de la caisse de la CIA et en mesurer toutes les conséquences pour elle, la majorité de la commission ayant refusé d'entendre le comité de la CIA.

Sur le plan de la démocratie, enfin, c'est aussi une mauvaise affaire. Le système de gestion prévu par le projet de loi est opaque, qu'il s'agisse du choix du délégataire, de sa surveillance ou de la négociation du contrat, tout dépend du Conseil d'Etat. Et le Conseil d'Etat garde ses intentions pour lui. Le cahier des charges n'a pas pu être obtenu par les députés.

Mesdames et Messieurs les députés, on vous fait voter une loi «la tête dans le sac». Pour vous, la majorité de droite, la question du contrôle se résout à une question de confiance à vos propres élus. Cela vous laisse totalement indifférents de ne pas connaître le prix du loyer, ni les conditions qui seront faites au personnel, ni même le contenu du contrat de délégation; nous pas, car cette façon de faire est peu démocratique. La délégation qui nous est proposée diminue la sphère publique et rogne les compétences du Grand Conseil qui, jusque-là, avait un droit de regard sur le fonctionnement, le budget et les comptes du SAN.

Mesdames et Messieurs, même si ce projet de loi est mauvais, la foi libérale, aveugle mais enthousiaste, le fera passer. Je regrette que la discussion sur cette première privatisation se soit faite dans ces conditions, soit un mauvais projet, pas d'arguments, pas de discussion.

Le thème de la privatisation, en l'occurrence une délégation des tâches à un organisme privé, tel qu'il apparaît aujourd'hui au cours de ce débat, oppose un secteur public jugé lourd et coûteux à un secteur privé jugé, a priori, efficace et performant. Ce débat n'accorde pas de place à une approche pragmatique, pourtant riche de perspectives. Tant l'action publique que l'action privée peuvent se révéler inopportunes lorsqu'elles ne tiennent pas compte de l'intérêt public : l'action publique, par exemple, en n'intégrant pas suffisamment le coût de production des prestations, l'action privée, par exemple, en utilisant des travailleurs mal payés ou en refusant de produire si le coût était jugé dissuasif. Une telle réflexion aurait pu vous conduire, vous aussi qui gouvernez, à refuser le projet de loi tel qu'il nous est soumis ce soir.

Dans la mesure où la perspective de réforme du Conseil d'Etat se cantonne à une privatisation, la démarche est pour nous rédhibitoire, puisque l'objectif recherché est, en définitive, celui de la droite classique, soit celui du démantèlement des services publics. Nous estimons quant à nous que les autorités devraient avoir le courage de moderniser et de réorganiser le service public au lieu de l'amputer. C'est pour ces raisons que nous refuserons ce projet. (Applaudissements à la tribune.)

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Ma collègue et voisine du parti socialiste vient d'exprimer son regret face aux conditions de cette première privatisation. Ces conditions ne m'étonnent pas du tout. D'ailleurs, on ne les aurait pas imaginées autrement pour mener à bien ce genre d'opération. On ne peut le faire que «la tête dans un sac» à l'ombre d'une foi aveugle dans les propos que certains racontent.

Pour nous, les tâches d'intérêt général en matière de sécurité routière, les actes d'autorité ou de contrainte décidés par l'Etat doivent relever d'une gestion publique. Il n'est pas acceptable qu'une entreprise privée puisse encaisser les impôts autos et bateaux, délivrer ou retirer les permis de conduire, procéder à des contrôles techniques de véhicules et privatiser ces activités. C'est un précédent grave. Il est assez piquant de voir les partisans de ce type de loi se targuer de modernité; cela a vraiment des allures d'Ancien Régime, d'affermage dans la perception des impôts.

Un service public moderne n'a pas à procéder ainsi. L'Etat, en cessant d'exercer lui-même ce type d'activités, fait un véritable cadeau à une entreprise privée. Cette dernière la reprend sans aucune intention philanthropique, mais pour des raisons d'intérêts matériels, et c'est normal de sa part. Ces intérêts se chiffreront en bénéfices à terme. Alors, un monopole public est offert, et non pas un quelconque marché concurrentiel.

Les activités du SAN ne peuvent pas s'exercer de manière concurrentielle, mais elles ne doivent exister que par la volonté étatique. Le marché est protégé et le champ de profit est, en quelque sorte, garanti pour l'entreprise qui reprendra ce service à travers l'obligation pour l'usager de s'y soumettre. En effet, il est assez scandaleux que l'on fasse ce type de cadeau à une entreprise privée bien particulière qu'on place en «pool position» pour reprendre ce service. A l'évidence, une entreprise privée ne s'intéresserait pas à une activité de ce type-là si elle n'était pas susceptible, à terme, de lui rapporter de l'argent. L'Etat ne doit donc pas se séparer d'une tâche publique qui peut lui permettre de dégager des recettes contribuant à soulager d'autant les finances publiques.

Dans le cadre d'une gestion publique du SAN, l'Etat peut parfaitement appliquer les solutions préconisées pour rentabiliser dans le cadre privé, soit investir, moderniser et rationaliser. Dans ces conditions, il est extrêmement choquant que l'Etat, et donc le contribuable, continue à payer 3 ou 4 millions par an à cette entreprise privée, notamment pour la prise en charge du déficit de la fourrière, l'indemnité pour la perception des impôts, le paiement des contrôles techniques, aujourd'hui gratuits pour les véhicules publics, etc.

C'est une illustration vraiment très pédagogique, et merci, Messieurs de la majorité, de nous faire un cours de libéralisme en résumé durant cette session parlementaire à travers la suppression de Montana, la question des nocturnes et cette privatisation. C'est l'illustration d'une politique consistant à privatiser les bénéfices et à étatiser les pertes.

Enfin, par cette privatisation l'usager n'a aucune amélioration particulière ou spectaculaire à attendre du côté des prestations. En revanche, il est en droit de s'interroger sur l'équité et l'égalité de traitement dans le cadre d'une gestion privée des activités actuelles du SAN. Comme Micheline Calmy-Rey l'a dit à l'instant, vous nous obligez à voter «la tête dans un sac», soit que la majorité de la commission et le Conseil d'Etat se refusent à soumettre à ce parlement le contrat effectif qui sera signé concernant cette affaire.

La démocratie a été bafouée, c'est un leitmotiv, un fil conducteur au travers des trois débats importants que nous avons eus au cours de cette session. Je retrouve la manifestation de l'axiome qu'a évoqué M. Brunschwig hier soir sur le fait que la démocratie ne devrait pas pénaliser la gestion de l'Etat. En l'occurrence, il est évident qu'un minimum de démocratie pénaliserait et empêcherait la gestion de l'Etat, telle que la conçoit la majorité.

C'est la raison pour laquelle, dans cette affaire, on évite de pratiquer de manière orthodoxe. On évite de soumettre le contrat à notre Grand Conseil qui pourtant est l'essence de cette privatisation et on laisse pleine liberté au Conseil d'Etat de négocier, de revenir en arrière sur une série de concessions faites au personnel. Il a toute la liberté de faire comme il l'entend sur le vote de ce soir. Evidemment, il est dans une situation de négociation extrêmement difficile avec une quelconque entreprise privée. En effet, il ne pourra pas se permettre de revenir en arrière pour des raisons évidentes de politique. Une telle privatisation est donc une mauvaise chose, même du point de vue de la réalisation du meilleur marché possible.

Maintenant, j'aimerais faire quelques observations concernant le rapport de majorité qui nous a été soumis tout récemment. Je n'entrerai pas dans le détail. En effet, l'affaire est tellement simple qu'elle ne mérite pas que l'on en discute éternellement, ceci pour rassurer mes collègues députés et députées.

L'objectif premier du rapport de majorité d'une délégation, tel que celui soumis à l'examen, est d'accroître l'efficacité économique de l'administration chargée de ces services. Il est frappant de lire que l'efficacité économique est l'objectif premier et quasiment unique dans cette affaire, car il y a, dans les services publics, d'autres objectifs que l'efficacité économique simple.

Sur le plan économique, ce sera extrêmement rentable de bâcler tous les contrôles, de laisser passer des voitures qui auront été contrôlées de manière cursive sur le plan de la circulation. Heureusement, le service public a, à ce jour, d'autres tâches à remplir, une espèce de garantie de l'intérêt public en contrôlant les véhicules et en assurant les éléments de l'administration par rapport aux permis et garantir l'efficacité économique qui, pour nous, semble être le seul critère dans cette affaire.

A la page 3 de ce rapport de majorité, il est mentionné que le projet de loi examiné par la commission constitue indiscutablement une action concrète de réforme et veut mettre fin au système consistant à ajuster la fiscalité au train de vie de l'Etat. C'est aussi un leitmotiv qui vous concerne, Messieurs Dames de l'Entente. En l'occurrence, il ne s'agit pas de train de vie, mais d'un certain nombre d'obligations légales qu'il faut remplir et que l'Etat doit prendre en charge. Il faut donc que l'Etat se donne les moyens d'assumer ses obligations au travers de la fiscalité.

A la page 4, concernant les problèmes posés au Conseil d'Etat, on constate que les investissements sont gelés et les effectifs en baisse. Ces problèmes ne sont pas posés au Conseil, mais par le Conseil d'Etat qui, pour mener à bien cette privatisation, a voulu geler les investissements et geler les effectifs et qui, en quelque sorte, étrangle. J'ai mentionné dans mon rapport  : «Quand on veut tuer son chien, non seulement on dit qu'il a la gale - ce qui est le cas dans votre rapport - mais encore on l'étrangle.» C'est ce que fait ce gouvernement au travers de cette politique. Il est absurde de parler d'effectifs en baisse comme d'un problème majeur, alors que ce sont les effets de la politique même de ce Conseil d'Etat.

A la page 6, il est frappant de constater la manière dont le gouvernement n'ose pas avancer ses idées mais est obligé de se masquer derrière le spectre de M. Bernard Ziegler, ancien conseiller d'Etat, derrière Bill Clinton, Michel Rocard ou les travaillistes anglais. Il n'ose pas assumer ses convictions néo-libérales. Ayez un peu de franchise, Messieurs Dames ! Ce n'est pas un projet de loi signé Bill Clinton, Michel Rocard ou même Bernard Ziegler. (Grand vacarme sur les bancs de la droite.)

Monsieur le président, je vous demande, cette fois-ci, de suspendre la séance ! (M. Vanek ne cesse de pousser son micro, car les députés lui reprochent sa voix tonitruante.)

Le président. Puis-je vous demander un peu de calme, Monsieur Vanek ? Je vous serais également reconnaissant de bien vouloir baisser légèrement le ton et de ménager votre micro !

M. Pierre Vanek, rapporteur de la deuxième minorité. Volontiers, je l'éloigne un peu, ainsi vous m'entendrez moins. (L'assemblée : Aahh !) Comme je le disais, en tout cas en son état actuel, ce projet de loi ne peut être attribué ni à Bill Clinton, ni à Rocard, ni à Bernard Ziegler.

On lit encore dans ce rapport que la direction du service des automobiles et de la navigation a édité un petit journal dans lequel on a cherché à répondre objectivement à toutes les questions concernant cette opération. Franchement, c'est un peu gros ! Un journal édité aux frais de l'Etat, et qui publie des pages entières de l'opinion libérale, ce n'est pas tout à fait normal, ce n'est pas une information objective. On voit, à la manière dont la direction du SAN s'est considérée comme déjà privatisée, que M. Pally, directeur du SAN, est sorti de son devoir de réserve en la matière. J'en veux pour preuve l'aveu, en quelque sorte, qu'il a fait en nous envoyant - vous l'avez reçu dans vos boîtes aux lettres, Mesdames et Messieurs les députés - l'édition n° 15 de ce journal, dans lequel il est écrit que, par respect du processus constitutionnel, les publications, donc celle-ci, ont été suspendues pendant la phase d'examen du projet de loi concernant le SAN par le Grand Conseil et sa commission parlementaire.

C'est un aveu de l'anticonstitutionnalité de cette pratique. M. Pally et ses acolytes ont jugé utile, probablement avec la caution du président du département, de mettre une sourdine à sa propagande effrénée en faveur de la privatisation pendant la période d'examen du projet. Il faisait probablement cette propagande dans le cadre de la commission. Peut-être ne pouvait-il pas la faire ailleurs !

Je me demande pourquoi il a repris tout à coup la publication de ce journal de projets à la veille du débat, puisqu'il ne voulait pas influencer le processus constitutionnel à la veille de ce dernier, celui que nous avons ce soir. Cette publication est datée du 12 septembre. Vous l'avez donc reçue dans vos boîtes aux lettres, Mesdames et Messieurs les députés, et on voit que M. le rédacteur de cette publication s'est senti autorisé à nous présenter les repreneurs potentiels. On a beaucoup mis en avant la SGS. A l'évidence, il y a un partenaire possible.

(Le président interrompt M. Vanek.) Monsieur Vanek, cessez de massacrer votre micro, reculez-le ! Avez-vous fini, Monsieur Vanek ?

M. Pierre Vanek, rapporteur de la deuxième minorité. Non, Monsieur le président !

Le président. Alors, continuez, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek, rapporteur de la deuxième minorité. Apparemment, il se trouve des gens qui ne supportent pas qu'on leur dise leurs quatre vérités. Il faudrait les leur susurrer doucement dans l'oreille. (Rires.) Je ne leur ferai pas ce plaisir. Je suis désolé, j'ai toutes sortes de qualités, mais je ne parviens pas à susurrer... (L'assemblée s'exclame.) ...en séance publique.

Vous savez, l'élévation de mon niveau de voix me permet de parler par-dessus le brouhaha que vous faites, alors, baissez le ton et je le baisserai aussi ! A nouveau, on constate le caractère peu objectif de... (Des voix. AAhhh !) ...Je vais suspendre la séance... (Grand éclat de rires.) ...si on continue à m'interrompre... (Certains députés, hilares, ont de la peine à reprendre leur souffle.)

Une voix. Vous n'êtes pas habilité à le faire.

M. Pierre Vanek, rapporteur de la deuxième minorité. Non, mais je l'ai fait tout à l'heure, et apparemment cela marche ! Je peux donc recommencer, car il y a un espèce de vide à la présidence. J'entends des commentaires qui ne sont pas réprouvés par M. Burdet, alors, bon... (Délire de rires.) On édite un document aux frais de l'Etat qui présente une alternative, alors qu'à l'évidence le repreneur le plus probable, celui qui continuera l'exploitation du SAN, c'est l'Etat, c'est le service public. A ce point, il est évident que M. Pally n'a pas pu le présenter en termes de stratégie, gamme de services, etc., parce qu'il est marié corps et âme avec ce projet de privatisation, à tel point qu'on a vu un document analogue que M. Lacour a eu le courage de reproduire dans le rapport et qui parle de la fonction publique, notamment l'élément de motivation du personnel dans la fonction publique. C'est tellement «gros», partial et unilatéral que «cela ne tient pas la route» ! J'ai failli être grossier, mais je me retiens !

Par exemple, il aura été obligé de dire, au chapitre «sécurité routière», que le nombre d'accidents attribuables à des défectuosités techniques des véhicules représente une très faible fraction comparativement aux pays dans lesquels les contrôles se font par des sociétés privées. Il aurait été obligé d'indiquer quelques stratégies concernant le travail de la fonction publique. Or, aujourd'hui, il n'en est pas capable. A mes yeux, c'est relativement grave.

On trouve une référence constante dans le rapport de la majorité du rapporteur, c'est une question purement technique concernant une série d'annexes qui ne figurent nulle part dans le rapport.

Mme Fabienne Bugnon s'adresse à M. Vanek. Si, il l'a dit, ces annexes sont à disposition.

M. Pierre Vanek, rapporteur de la deuxième minorité. Ah, il l'a dit ! Je ne l'ai pas entendu. Elles étaient donc à disposition. C'est dommage qu'elles n'aient pas été fournies aux députés, car elles contenaient un certain nombre de choses qu'ils auraient pu apprendre, notamment que l'immense majorité des personnes auditionnées, à part les associations patronales, me semble-t-il, sont soit restées neutres sur la question de cette privatisation, soit s'y sont opposées, à tel point que M. Balestra - il ne me contredira pas, car il s'est exprimé en commission - a déclaré que ce projet rencontrait une opposition bien supérieure à celle à laquelle il s'attendait. C'est normal ! En tout cas nous, on s'y attendait, mais enfin, quand on est un peu... euh ! - Bon, je me retiens à nouveau - on ne voit pas les choses tout à fait clairement.

Enfin, sur ce dernier point qui est la motivation du personnel systématiquement mise en avant comme étant inexistante dans la fonction publique et comme étant au pinacle dans une société privée, c'est complètement «bidon» ! On l'a vu hier à travers la mobilisation du personnel de Montana pour défendre le service public et pour défendre le travail qu'il était en train de réaliser. Je considère que ce rapport, par sa volonté de dire que le personnel n'a aucune motivation, est une insulte à la majorité du personnel de la fonction publique.

Lorsque l'on demande quelles sont les motivations supplémentaires dans le privé, M. Gillet, de la SGS, nous dit que, grosso modo, c'est le bâton et la carotte. Il prétend qu'il faudra un personnel de qualité, sous-entendu que celui qui est en place en ce moment ne l'est pas. On nous fait miroiter qu'il y aura une souplesse au niveau de l'argent, des salaires, etc. Tout cela est assez «bidon» ! J'aimerais attirer l'attention de cette assemblée sur des indications émanant du 8e Congrès international de psychologie du travail de langue française qui a eu lieu au début septembre, à l'université de Neuchâtel. Tout ceci est reproduit dans le «Nouveau Quotidien» du 1er septembre.

On peut y lire qu'en Suisse les entreprises et, plus récemment, les administrations publiques, ne jurent plus que par le salaire au mérite, afin de rénover leur management. Sont-elles en retard d'une guerre ? Le spécialiste canadien de l'affaire - cela vient donc d'outre-Atlantique, et vous aimez bien cela - répond oui. Le résultat de nombreuses recherches est clair. Le principe de rémunération au mérite, appliqué individuellement, n'est pas performant.

Ensuite, quels sont les nouveaux moyens que vous préconisez ? Il est répondu qu'il faut impliquer le personnel dans la marche d'une entreprise ou d'un service public. Ce que l'on appelle la mobilisation des ressources humaines passe par le partage du profit, mais surtout du pouvoir de décision à travers des groupes de travailleurs, donc une mise en place d'un système démocratique non hiérarchique de gestion, qui n'est évidemment pas celui qui sera pratiqué par la SGS lorsqu'elle reprendra ce service. On connaît la manière dont la démocratie se pratique dans les multinationales. La démocratie est précisément un atout du service public. (Applaudissements à la tribune.)

Le président. Je rappelle que les manifestations à la tribune ne sont pas autorisées.

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Après plusieurs mois passés en commission à étudier le dossier du SAN, on peut vraiment se poser la question de l'utilité de réunir quinze députés chaque jeudi à midi en leur donnant l'impression qu'ils sont en train de traiter un dossier alors qu'il est arrivé ficelé en commission et qu'il ressort avec la ficelle à peine détendue, si ce n'est d'avoir eu le plaisir de partager quelques délicieux sandwichs et de boire le cru de la République pour mieux faire avaler la pilule des séances en milieu de journée, avec un Conseil d'Etat, présent très régulièrement, mais pressé d'en finir avec ce dossier qui, visiblement, ne le passionne pas, et de hauts fonctionnaires défendant avec coeur un projet auquel eux, visiblement, croient beaucoup.

L'attitude du directeur du service des automobiles a d'ailleurs été exemplaire à ce sujet. On a rarement vu un fonctionnaire aussi dévoué, prêt même à aller chercher, au téléphone, un député favorable au projet de loi et absent momentanément pour qu'il ne manque pas un vote. Quelle conscience professionnelle ! Excusez-moi de tourner en dérision ces séances de commission, mais je défie quiconque de dire qu'elles ont été utiles et constructives comme peuvent l'être, heureusement, d'autres séances de commission, où l'on étudie réellement un projet de loi, où on l'amende et où on accepte d'en étudier les variantes.

Voilà bien où le bât blesse pour les écologistes. Nous nous sommes «fendus» d'une réflexion sur le sujet. Nous avons fait une proposition de variante que le Conseil d'Etat a refusé d'étudier avec un argument de poids : «Vous n'aviez qu'à déposer un projet de loi !». C'est incroyable ce que l'on peut être formaliste quand on ne veut pas étudier un projet !

Nous proposions la création d'un établissement autonome. Brièvement, je vous rappelle les avantages de l'établissement autonome. C'est un établissement public comme nous en avons à Genève avec les TPG. Il peut posséder ses propres biens, engager son propre personnel. Cet établissement est soumis aux règles du droit public et, notamment, à la loi qui le crée. L'établissement public est une entité juridique distincte, fondée par une loi pour accomplir une tâche spécifique. Il possède une marge de manoeuvre comparable à celle d'une entreprise privée, à la différence importante qu'il est régi par une loi votée par le Grand Conseil. Il est donc autonome dans les limites de cette loi. L'élément essentiel est celui des prestations. L'établissement gère un service public. Il ne met pas des prestations sur le marché dans son propre intérêt, mais dans celui de la collectivité.

Une étude approfondie n'aurait pas beaucoup retardé les travaux. Elle aurait mis en lumière les avantages et les désavantages et aurait permis à plusieurs députés indécis de prendre une décision en connaissance de cause. Malheureusement, les députés n'ayant pas, eux, un arsenal de personnel juridique et d'économistes, nous nous sommes contentés de défendre notre proposition par voie d'amendement. C'est sur cette voie que nous continuerons ce soir en espérant pouvoir vous convaincre du bien-fondé de notre proposition qui aurait pour avantage - je vous le rappelle - de maintenir les tâches d'autorité et de fiscalité en main de l'Etat, mais qui soulagerait ce même Etat d'un poids, puisque, prenant la forme d'un établissement autonome, le SAN pourrait procéder à des emprunts et à des investissements pour son propre compte.

Dans le cas précis du SAN, cette transformation répondrait au problème de la rentabilité, puisque, le service restant dans une situation de monopole, il n'existerait aucun risque qu'il soit en déficit, car il lui suffirait alors d'augmenter ses tarifs. Les différentes auditions auxquelles la commission a procédé m'ont convaincue, elles aussi, du bien-fondé de notre proposition.

Tant les syndicats, même si certains ont émis quelques réserves, que les employés ont trouvé cette solution, si ce n'est parfaite, du moins satisfaisante. Notre groupe vous demande d'accepter d'étudier de manière sérieuse, sur la base d'éléments chiffrés, la proposition des écologistes de transformer le service des automobiles et de la navigation en établissement autonome. Tout à l'heure, un de mes collègue vous fera la proposition de renvoyer ce projet en commission.

M. Jean Spielmann (AdG). Le projet qui nous est soumis pose des problèmes importants. Hier, on a discuté de l'ensemble de la problématique financière et de la politique sociale. Ce soir, c'est celle de l'organisation même de l'Etat, de son rôle et de celui de la fonction publique qui est en cause.

Dans les débats antérieurs, que ce soit lors de la présentation des budgets ou de la discussion sur la fonction publique, personne n'a été d'avis qu'il ne fallait pas restructurer, réorganiser, discuter des tâches, des finalités et du rôle de la fonction publique. Mais certains choix ou orientations politiques doivent être pris en réfléchissant bien aux conséquences.

Premièrement, nous l'avons dit et répété, la meilleure formule pour restructurer l'Etat, pour le réorganiser, c'est de faire participer les acteurs du service public à la réorganisation. Afin de supprimer certains blocages hiérarchiques, il faut donner la parole et les moyens d'agir à ceux qui offrent les prestations qu'attend la population du service public.

Or, la démarche proposée va à l'inverse. Premièrement, en lieu et place d'une concertation, de davantage de responsabilisation des acteurs, d'une discussion et d'une participation active à la restructuration, nous avons commencé par saboter l'outil de travail des gens chargés d'assumer cette tâche publique. On l'a saboté de manière inconsidérée par le blocage du personnel, en limitant les investissements, en empêchant le fonctionnement correct de ce service.

Une fois ce sabotage opéré, on est parti d'un constat disant, et le rapporteur l'a répété tout à l'heure, qu'il n'est pas possible à ce service de répondre à l'attente du public, puisque, d'une part, on ne peut pas augmenter le personnel et que, d'autre part, il n'y a pas d'investissements donc pas d'équipement. Mais vous auriez pu dire, Monsieur le rapporteur, si vous étiez honnête avec vous-même, que ce service ne peut pas fonctionner parce qu'on l'a étranglé par le blocage du personnel et des investissements ainsi que par le sabotage de son organisation. De plus, on a donné la parole et des moyens d'action à une hiérarchie qui a d'abord saboté l'outil de travail, falsifié la présentation comptable et les chiffres de ce service en présentant des chiffres incorrects et mensongers - j'y reviendrai tout à l'heure - pour tenter d'aller dans votre seule direction, celle de la privatisation et de rejoindre vos voeux idéologiques, plutôt que d'offrir une meilleure prestation au public.

Tirons quelques exemples des différentes analyses auxquelles vous avez procédé pour arriver à la conclusion de privatiser le service des automobiles. Tout d'abord, parlons de celui de la fonction publique. Si j'étais responsable d'un tel service et que l'on me présente un rapport comme celui concernant les caractéristiques de l'organisation du service, dans lequel il est dit, par exemple, qu'aucun standard de qualité n'est offert dans un quelconque service de l'administration, contrairement au secteur privé, et qu'en ce qui concerne l'établissement autonome le standard de qualité est de l'ordre de faible à moyen, j'apprécierais assez peu un tel rapport. Ainsi, lorsqu'on parle de la motivation du personnel, de l'organisation hiérarchique, des résultats, tout est mauvais dans l'administration publique, alors que tout est bon dans le secteur privé.

Pourquoi, Messieurs les responsables du gouvernement, n'avez-vous pas demandé aux responsables de ce service de changer d'attitude, de reconsidérer l'organisation afin de le rendre plus performant, au lieu de le mandater pour saboter le travail ?

On trouve un début de réponse dans un document que vous avez fourni. C'est une analyse présentée par un professeur d'université arrivant à une conclusion résumant assez bien votre intention politique. Il dit, en effet, pour justifier la privatisation, qu'un des problèmes concerne le budget et la comptabilité et que, par ailleurs, les droits des fonctionnaires sont source de restrictions. Je le cite : «...impose des restrictions importantes relatives à la promotion des fonctionnaires, à la détermination de leur salaire, à leur licenciement, à leur formation continue, voire à l'octroi de privilèges tels que les vacances et les jours de congé.».

Lorsqu'un professeur d'université vous dit que le problème du service des automobiles réside dans le fait que son personnel a des privilèges, tels que des vacances et des jours de congé, on se demande si votre objectif est celui de supprimer ces droits ? Pensez-vous sérieusement que c'est la bonne manière de motiver un service ? Votre objectif est clair et net : vous voulez saboter le service public pour réaliser vos dadas idéologiques en transférant à un service privé une organisation qui pourrait très bien fonctionner en équilibrant ses comptes Nous pouvons en faire la démonstration.

En effet, vous pouvez fouiller les comptes d'Etat de ces dernières années. Vous vous apercevrez que les dépenses de ce service sont plus que largement couvertes par les recettes. Bien entendu, une part est affectée à l'impôt auto, mais tout de même, l'ordre de grandeur est de plus de 70 millions de recettes contre un peu plus de 20 millions de dépenses. Et vous osez dire ici qu'il est déficitaire. C'est ridicule ! Le problème est de faire payer aux automobilistes le coût effectif des prestations offertes, mais pas le service des automobiles. Il est trois fois couvert par les sommes demandées aux automobilistes. Il s'agit donc de l'organiser différemment, et, au lieu de donner la parole aux chefs et aux mandataires que vous avez payés pour saboter ce service, vous auriez mieux fait de donner la parole au personnel pour qu'il puisse conduire les réformes nécessaires pour rendre service à la population.

En définitive, le point le plus important est de connaître le rôle d'un tel service. Peut-on privatiser un service ayant une tâche d'autorité, possédant le droit de juger l'aptitude des gens pour la conduite, apprécier la qualité de leur véhicule sans pouvoir intervenir. Vous prétendez qu'un organisme privé pourrait mieux accomplir ces tâches.

Certaines activités de l'Etat doivent rester sous son contrôle pour assurer l'égalité des citoyens devant leurs droits. Ce canton et ce pays sont flanqués d'une mafia organisée par les garagistes et les assurances qui ponctionnent les automobilistes de manière scandaleuse. Si vous y additionnez la complicité privée du service des automobiles, alors tout cela est proprement scandaleux, car cela ne sert que votre but, soit le démantèlement de l'activité de l'Etat, des services à la population et, en même temps, la prise de votre revanche contre la fonction publique.

En définitive, tout cela vous conduira à une impasse. Si vous voulez vraiment réorganiser les services de l'Etat et trouver des financements à long terme, vous ne pourrez le faire qu'en amenant les acteurs du service public à y participer activement, et non pas en agissant contre leurs intérêts, donc contre ceux de la population, en défendant des intérêts privés dont aucun d'entre vous, bien sûr, ne se vantera ici, car cette position est peu recommandable, peu honnête en regard du mandat que vous avez accepté, à savoir défendre les intérêts des citoyens. (Applaudissements à la tribune.)

Le président. Je rappelle pour la seconde fois que les manifestations à la tribune ne sont pas autorisées et qu'elles risquent d'entraîner la fermeture de la tribune. (Manifestations de mécontentement.)

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je regrette le ton persifleur et désagréable des rapports de minorité, à l'exclusion du rapport écologiste, ainsi que l'attitude de certains dans le débat de ce soir. Que l'on renvoie ou non ce rapport en commission, Monsieur Spielmann, cela ne change rien à votre attitude, et cela ne change rien au fait que vous parlez avec autant de mauvaise foi que d'habitude, en commission comme à l'extérieur.

Je n'entends pas entrer dans le détail de l'argumentation développée en commission. Non pas parce que cela me dérange, Monsieur Spielmann, mais parce que ce débat a été une affaire entre des gens qui défendaient bec et ongles la fonction publique, comme vous, par pur réflexe corporatiste, et des gens qui essaient d'imaginer un autre mode d'organisation de l'Etat et de la société, sans forcément verser dans le néolibéralisme le plus sauvage.

L'excellent rapport de majorité de M. Lacour est le reflet des débats que nous avons eus. Je n'y reviendrai pas dans le détail, ce d'autant plus que les rapports de minorité, eux aussi, n'amènent rien de nouveau par rapport aux arguments qui ont été lentement et longuement développés en commission. Dans le cadre de cette affaire, lorsque nous examinions le projet article par article, il nous fallait en moyenne deux à trois heures pour analyser deux alinéas du même article.

Ce débat, Monsieur Lyon, est un débat purement politique. Oui ou non, une activité du type du service des automobiles doit-elle rester dans le giron de l'Etat ou peut-elle être déléguée ? Voilà le problème qui nous préoccupe et cela n'a rien à voir avec la défense de corporatisme d'intérêts privés.

Nous devons donc nous interroger sur le rôle de l'Etat, Monsieur Spielmann, et je suis fier de n'avoir pas la même conception du service public et du rôle de l'Etat que celle susceptible d'être la vôtre.

Nous, démocrates-chrétiens, contrairement à ce que vous pensez, ne sommes pas du tout attachés à un Etat reaganien de type néolibéral sauvage, mais au principe de subsidiarité qui veut que l'Etat n'intervienne que lorsque cela est vraiment nécessaire. Nous avons participé dans ce pays, tout comme d'autres forces d'ailleurs dans ce Grand Conseil, à la construction durant ces cinquante dernières années de l'Etat social qui vient à la défense des plus défavorisés, ceux qui ne peuvent pas se défendre seuls. C'est une bonne chose, nous y avons contribué et nous continuerons à le faire.

Par contre, la question qui se pose à nous ce soir est la suivante : une activité qui consiste à contrôler les véhicules doit-elle impérativement être exercée par un service étatique ? Sauf à considérer qu'aucune activité ne peut être mieux exercée que lorsqu'elle l'est par l'Etat, poser la question, c'est y répondre. Vérifier les plaquettes de frein et la triangulation d'un véhicule n'a pas forcément besoin d'être fait par un fonctionnaire de l'Etat de Genève.

Dans de nombreux pays, soit cette occupation est déjà une activité gérée par le secteur privé, soit on envisage de le faire, comme en Allemagne. Vous me permettrez de penser que les conducteurs allemands ou les véhicules allemands ne sont pas plus dangereux sur nos routes que les conducteurs ou les véhicules genevois. Il s'agit clairement d'une activité qui n'a pas besoin d'être exercée sous la houlette d'un service étatique.

J'ajouterai à cela qu'il y a de nombreuses activités, et vous avez aussi tendance à l'oublier, notamment dans le domaine de la protection sociale et de la sécurité sociale, qui sont exercées ou déléguées à des privés. C'est le cas du domaine de l'AVS, des offices des poursuites et des faillites dans certains cantons, et, également, de très larges pans de l'économie agricole.

La première question à trancher consiste à savoir si, oui ou non, cette activité doit être exercée par l'Etat. Eh bien, la réponse est non, cette activité n'a pas forcément besoin d'être exercée directement par l'Etat. Elle peut l'être sous sa surveillance par une entreprise délégataire.

La deuxième question qu'il nous faut trancher, en dehors de ces faux problèmes et de ces débats purement idéologiques, est celle qui consiste à savoir si, juridiquement, il est possible de déléguer. Juridiquement, trois éminents juristes consultés ont rendu trois avis de droit et, contrairement à tout à l'heure, ils sont arrivés à une réaction et à des conclusions univoques, à savoir que la délégation est possible. Je n'entends pas faire de juridisme ce soir. On en a suffisamment fait dans cette enceinte et ce n'est pas ainsi que l'on fait de la politique.

La troisième des questions à résoudre est de savoir si, avec la délégation, on arrive ou non à une meilleure gestion des deniers publics, sinon cette délégation n'a aucun intérêt. Vous trouvez la réponse dans les études qui nous ont été fournies en commission et qui auraient dû ou qui devraient figurer en annexe au rapport de M. Lacour. Dans ce dernier, vous trouvez que l'Etat économise tant en trésorerie, tant en investissements. Le rapport établi, notamment par la SGS, est excellent à cet égard et les critiques faites ce soir à son sujet sont de bric et de broc, et l'on essaie d'aligner des noix sur des bâtons.

Le quatrième des problèmes à résoudre est de savoir si la délégation est possible, et, dans ce cas, quelle forme doit-elle prendre ? Cette question, soulevée tout à l'heure par Mme Bugnon, est peut-être la plus délicate. Sans vouloir revenir sur le long débat - en effet, nous avons discuté de cette question, Madame Bugnon - à propos de la forme que devait prendre cette délégation, à savoir un établissement public ou une entreprise délégataire, il apparaît qu'en déléguant à un établissement public on ne résout pas les problèmes de financement qui sont ceux de l'entreprise en question, loin s'en faut, que l'on ne résout pas les problèmes de gestion et, dans le cas d'espèce, en fonction des études qui nous ont été fournies, ils sont mieux assurés par une entreprise privée.

Le dernier des problèmes à résoudre est celui des garanties données, tant au personnel qu'aux administrés. S'agissant du personnel, ce sujet a également été évoqué dans le rapport de M. Lacour. Le délégataire devrait reprendre l'entier du personnel, une convention collective devrait être conclue en cas de modification des conditions d'engagement et une commission du suivi, avant les travaux parlementaires, a mis en place les conditions qui seraient celles du personnel repris par l'entreprise délégataire.

Les garanties données aux administrés existent également. Une entreprise délégataire de ce type agit dans le cadre strict du droit public fédéral de la loi sur la circulation routière et de ses ordonnances d'exécution. Elle agirait sous la surveillance juridictionnelle du Conseil d'Etat, des tribunaux et, plus particulièrement, des tribunaux administratifs. Enfin, des garanties sont également données par ce projet de loi aux administrés s'agissant des émoluments qui sont perçus à raison des stages exécutés par le service des automobiles.

Ce qui précède m'amène à dire que, quoi que vous puissiez en penser, bien que je sache pertinemment que l'on ne saurait vous en convaincre, ce projet est bon, et je vous invite à l'approuver tel qu'il ressort des travaux de la commission ad hoc qui l'a examiné. (Applaudissements.)

M. Claude Lacour (L), rapporteur. En tant que rapporteur, je ne me lancerai pas dans le débat. Par contre, j'aimerais rapidement rectifier les points sur lesquels on dit que mon rapport n'était pas exact. On vient de dire que j'avais parlé de 3 à 5 millions de déficit par an, en oubliant qu'en 1993 il n'y en avait que 2,7 millions. Si vous lisez mon rapport à la page 16, et permettez-moi de le lire, voilà ce qu'il dit :

«Le compte de perte et profit aboutit à une perte d'exploitation de 4,8 millions de F en 1991, à 4,2 millions en 1992 et en 1993 à 2,7 millions.»

Je l'ai bien dit et, si vous lisez la parenthèse qui suit, on vous expliquera pourquoi ce chiffre de 2,7 millions n'est, en réalité, pas exact et qu'il représente, en pratique, 3,7 millions. (Rires.) Je veux bien que l'on dise que je suis de mauvaise foi, mais je n'aimerais pas faire une erreur.

On me reproche de n'avoir pas annexé les pièces au rapport. Je tiens à relever qu'il y a quatorze pièces, lesquelles se divisent encore en de nombreuses pièces, ce qui veut dire que mon rapport aurait doublé ou triplé. A l'époque où l'on veut faire des économies, j'ai pensé qu'il était préférable de les soumettre à tout le monde, ce d'autant plus que toutes les annexes dont j'ai parlé sont à la disposition de tout un chacun, comme vous pouvez le lire à la page 26 de mon rapport :

«Dans le but d'éviter des frais d'impression élevés, les annexes au présent rapport numérotées de 1 à 14 ne sont pas publiées au Mémorial. Par contre, elles peuvent être examinées, sur simple demande, auprès du bureau du Grand Conseil.»

Toutes ces annexes ont été soumises et données aux membres de la commission. Il était donc facile de les voir et je pense qu'il était inutile de charger le Mémorial de pièces constituant une dépense vraiment inutile.

On laisse entendre que j'aurais dit que le personnel privé était meilleur que les fonctionnaires. Je vous rappelle qu'à la page 7 j'ai pris la peine, car ce problème me tracassait aussi, de dire que les renseignements et documents remis ont permis aux commissaires de constater que les reproches faits aux employés du SAN n'avaient aucun fondement. C'est très clair.

On déclare que ce n'est pas moi qui l'ai dit mais M. Ginet. Vous pouvez toujours lire à la page 14 de mon rapport, où j'ai rapporté les propos de M. Ginet, que ce dernier ne pense pas qu'il y ait une différence dans l'honnêteté des personnes travaillant pour le privé ou pour le public. Il rappelle, à titre personnel, qu'ayant travaillé dans le secteur privé et dans le secteur public, il lui paraît que le secteur privé favorise la prestation des meilleurs par une plus rapide progression économique et hiérarchique.

Qu'il soit bien entendu qu'il n'a jamais été question pour les commissaires, quelle que soit leur appartenance politique, de penser qu'il y a une différence entre les hommes travaillant dans le privé ou les fonctionnaires. La différence que nous escomptons pour l'Etat, dans la délégation des charges de l'Etat à une entreprise privée, est une économie d'argent. Nous essayons d'obtenir un système que nous espérons plus performant, car, comme tout le monde le sait, dans certains domaines l'Etat a une réelle lourdeur.

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). En tant que membre de la commission ad hoc qui a examiné ce projet, je dois reconnaître que le travail a été correct. Le président a accepté toutes les remarques des commissaires... (L'assemblée en choeur : mais... mais...) ...mais... (L'assemblée : il l'a dit.) ...au moment où des pétitionnaires ont déposé une pétition, on leur a refusé une audition. Je regrette ce mode de faire, car cela a terni l'ensemble de nos travaux. Monsieur Bénédict Fontanet, en tant que président, vous avez fait une erreur fondamentale, car vous avez laissé planer des doutes sur l'ensemble de cette affaire.

Je me demande simplement à qui profitera cette affaire. J'ai lu un article assez intéressant dans un journal, et j'en sortirai deux petits paragraphes :

«Suivant l'exemple de Chirac ou de Balladur, le Conseil d'Etat genevois a voulu faire sa privatisation. A défaut d'avoir une assurance dans son escarcelle ou une société industrielle comme nos cousins français, le gouvernement s'est rabattu sur le service des automobiles et de la navigation, d'autant qu'une solution «clé en main» a été préparée par la Société générale de surveillance qui s'est gratuitement chargée d'une étude sur la privatisation du service des automobiles.»

Ce projet a été concocté et lancé dans un petit cercle fermé, sans discussion préalable. Nous avons pu constater, depuis un certain temps, qu'une éminence grise planait sur les décisions du Conseil d'Etat. (Des voix. Bravo ! Aahh !) Vous avez pu le constater en lisant les journaux, je ne l'invente pas.

M. Bernard Ziegler, ancien conseiller d'Etat, donne des instructions au Conseil d'Etat sur une plainte déposée par un certain nombre de députés. Ce dernier est le maître à penser du Conseil d'Etat. Berne refuse une subvention à l'Etat de Genève concernant le tram 13, et comme M. Bernard Ziegler pense toujours pour le Conseil d'Etat, c'est lui qui va intervenir. Donc, le Conseil d'Etat n'a même plus besoin de penser. (Exclamations dans la salle.) La preuve est faite qu'aucune discussion n'a été menée au niveau du bureau des automobiles par rapport à cette décision. M. Ziegler, cité de nombreuses fois par le conseiller d'Etat Ramseyer lors de la prise en considération, a assuré que ce projet ne le concernait pas, puisqu'il s'agissait d'un dossier «clé en main».

Il faut savoir de quelle manière ce dossier a été préparé. Le personnel n'a même pas été consulté. On n'a pas pris en considération les remarques concernant une amélioration du travail du SAN. D'ailleurs, la preuve est là, tout est fait pour perturber le SAN. En effet, les garagistes privés viennent faire des expertises au service des automobiles et ils facturent eux-mêmes les prestations aux usagers. Alors, vous reconnaîtrez que si l'on n'est pas en train de saboter et de saborder le SAN, alors je ne sais pas ce que l'on est en train de faire !

En ce qui concerne l'étude de la Société générale de surveillance sur les pistes automatiques, il y a, dans ce Conseil, un nombre important de médecins. On a pu le constater hier avec le sujet de la clinique de Montana. Vous nous avez fait une démonstration sur la sécurité et les soins aux personnes. Le SAN, par rapport au travail effectué, aux visites concernant les véhicules, a besoin d'une intervention humaine importante.

Que pouvez-vous faire avec des pistes automatiques ? Nous sommes plusieurs à être mécaniciens. Vous pouvez contrôler les freins sur un banc d'essai ainsi que les phares, et c'est terminé ! Pour s'occuper de la structure du véhicule et de son fonctionnement, l'être humain sera toujours indispensable. Alors, en voulant supprimer ce service à la population, car vous rendez service à la population par ce contrôle qui est fait sérieusement par les inspecteurs du bureau des automobiles, vous provoquerez un certain nombre d'accidents dont vous ou votre famille serez peut-être les victimes. Nous savons et nous l'affirmons que la Société générale d'affichage est prête à perdre... (Tollé général.)

La Société générale de surveillance - excusez-moi, je sais que vous ne faites jamais d'erreur ! - est prête à éponger une perte de 10 millions sur dix ans pour obtenir ce contrat. Elle est prête à faire ce sacrifice pour pouvoir, dans un certain nombre de pays étrangers, dire que la Suisse et Genève font confiance à sa société pour gérer le bureau des automobiles. C'est très grave, car cela signifie que nous allons vers les «magouilles». (Exclamations.)

En ce qui concerne le budget, nous avons posé un certain nombre de questions en commission sur les chiffres mis dans les dossiers. On nous a avoué que les chiffres sur les documents ne sont pas justes, car ils sont en prévision d'une privatisation et d'un fonctionnement différent. On a demandé pourquoi ces chiffres avaient été mis là. Personne ne nous a répondu, ni M. Pally, ni M. Ramseyer n'ont donné les raisons de ces chiffres qui sont une aberration.

L'Union du personnel du corps de police a évoqué les décisions administratives, relatives à un retrait de permis, tributaires du service des automobiles prises à l'encontre d'un conducteur ou d'un citoyen sur la voie publique. Si la police opère un retrait de permis et si un service privé le gère, l'autorité du département de justice et police sera entachée dans cette affaire. Dans les années à venir, vous devrez assumer toutes ces décisions. Je ne sais pas si l'Etat ressortira grandi de cette affaire. (Quelques applaudissements.)

Mme Claire Chalut (AdG). Les tableaux figurant en pages 15 et 19 me rappellent étrangement les jeux de concours que l'on ferait pour la promotion d'une poudre à lessive. Laquelle des deux poudres préférez-vous ? C'est Ajax que je préfère, car il s'agit du produit à promouvoir !

Lorsqu'en page 19 on prend la ligne «Eléments de motivation du personnel» et la colonne «Service de l'administration», il faut forcément répondre qu'il n'y a pas d'éléments de motivation, alors que, pour l'«opérateur privé», c'est forcément oui.

Pour la ligne, «Maîtrise du prix de revient des prestations», on soutient bien évidemment que le «Service de l'administration» aurait une maîtrise des prix faible, alors que pour un délégateur privé, elle serait forte à très forte.

Quant aux standards de qualité, c'est encore beaucoup plus intéressant. Dans la rubrique «Standards qualité» des services de l'administration, on répond, bien entendu, qu'il n'y en a aucun, alors que, pour un opérateur privé - nous entrons dans le monde des clones - il est répondu «Iso 9000». Je souhaite que l'on m'explique ce que cela représente.

Au vu de cela, je me demande pourquoi on a attendu si longtemps pour privatiser. Il est vrai que, depuis hier, j'ai appris deux choses : d'une part, que l'on fait vraiment très peu de cas des personnes qui ont donné le meilleur d'elles-mêmes pendant des années et, d'autre part, que le prix de la vie humaine ne vaut pas grand-chose.

M. Bernard Clerc (AdG). Comment un service public déficitaire peut-il devenir bénéficiaire en maintenant les prestations et les conditions de travail du personnel par le transfert au secteur privé, et cela sans augmenter les émoluments ?

Voilà la quadrature du cercle posée par ce projet de privatisation. Je tiens à remercier le rapporteur de la majorité d'avoir inclus dans son rapport ce magnifique tableau des caractéristiques des formes d'organisation envisageables pour le SAN, auquel plusieurs des orateurs ont fait référence, car j'ai rarement vu, il faut le dire, un ramassis d'imbécillités en si peu de lignes. (Applaudissements.)

Je suis désolé, Mesdames et Messieurs, ce tableau mériterait tout simplement d'être jeté à la poubelle, tellement il est insultant pour le personnel des services publics. Mais en fait, il est révélateur d'un parti pris idéologique d'origine néolibérale. En ce sens, j'invite les syndicats du secteur public à le diffuser très largement auprès de leurs membres.

Je ne reviendrai pas sur les remarques concernant les éléments de motivation du personnel, elles sont lamentables, pas plus que sur la question des standards de qualité, c'est absurde ! Je reviendrai tout de même sur la question de la maîtrise du prix de revient des prestations, puisqu'elle est «forcément faible dans le secteur public» et «moyenne avec un opérateur privé». Cela signifie probablement que les experts de la banque Vontobel, qui viennent de démontrer que la hausse du coût de la vie de ces dernières années est due essentiellement au secteur privé, sont des cancres. Ils n'ont rien compris au mérite de la privatisation telle qu'elle est conçue par le département de justice et police.

Cependant, il est vrai qu'il est plus facile de maîtriser les coûts lorsque ce qui est par nature déficitaire reste à la charge du secteur public. Ce qui est le cas de la fourrière dont la charge est évaluée à plus d'un million. Ainsi, on retrouve le bon vieux principe : privatiser les bénéfices et socialiser les pertes. C'est encore la meilleure formule pour arriver au bénéfice.

Certains tentent de nous faire croire que la Société générale de surveillance est une oeuvre philanthropique. Nous entrons dans une ère nouvelle du développement du capitalisme. Après le néolibéralisme, voici venu le temps du capitalisme sans profit. On n'investit plus pour faire du profit, distribuer des dividendes et réinvestir. On reprend les activités de l'Etat pour rendre service à la collectivité et permettre à ce dernier, endetté, de respirer un peu. Bref, voici le capitalisme transformé en Croix-Rouge. (Sourires.)

Hélas, tout cela n'était qu'un doux rêve. De fait, le projet de privatisation du SAN n'est pas autre chose que le transfert d'un marché captif à une entreprise privée pour qu'elle puisse y réaliser des bénéfices, lesquels se réaliseront forcément et inévitablement avec une hausse des taxes et émoluments, ainsi qu'à terme avec une baisse des salaires pour les employés, sous une forme ou sous une autre.

Voilà la réalité crue que nous combattons et que vous ne parviendrez pas à cacher sous des arguments fallacieux et, par ailleurs, dénués de toute analyse objective. Vous, les partisans de la privatisation du SAN, je suis vraiment désolé, mais je dois le dire, vous êtes des épiciers de mauvaise foi, rien de plus. (Applaudissements.)

M. John Dupraz (R). Le parti radical genevois et son groupe de députés accueillent favorablement ce projet et souscrivent au rapport de la majorité de la commission chargée d'étudier la délégation à un organisme privé des tâches du service des automobiles et de la navigation.

Notre groupe rappelle que la population genevoise a adopté, lors de la votation en février, le plan de redressement des finances publiques de notre canton. Il était et reste donc de la responsabilité du gouvernement et du parlement de faire sienne cette volonté populaire et d'oeuvrer pour sa concrétisation.

Tout à l'heure, Mme Calmy-Rey s'est complue dans une critique aveugle et bornée du gouvernement... (Rires.) ...en le traitant de gouvernement monocolore. Or je ne sais pas si vous êtes daltonienne, car, pour nous, il est tricolore... (Rires redoublés. Quolibets.) Mais il faut ouvrir les yeux !

De plus, vous avez fait, à juste titre, l'éloge de M. Ziegler et je ne suis pas loin de partager vos propos quant à l'action gouvernementale de M. Ziegler. Mais, lorsque vous accusez le Conseil d'Etat de mauvaise gestion, je vous rappelle qu'il n'y a pas si longtemps vous étiez au gouvernement, et M. Ziegler aussi ! Ces accusations de mauvaise gestion s'adressent-elles aussi à vos ex-magistrats socialistes, MM. Grobet et Ziegler ? C'est un peu trop facile d'avoir participé au gouvernement pendant de nombreuses années et, ensuite, de cracher dans la soupe en disant qu'il n'est bon à rien. (Exclamations d'indignation.) Quant aux critiques émises par M. Spielmann, ce n'est pas la peine d'en parler. L'idéologie à laquelle il se réfère a fait fiasco. On n'en parle pas. (Rires.)

«Mieux d'Etat» est un Etat qui n'ignore pas les transformations de la société, ni le rôle de l'économie, ni la nécessité des politiques sociales. «Mieux d'Etat» est aussi un Etat dont le service public s'adapte aux exigences nouvelles des usagers. «Mieux d'Etat» est encore un Etat qui adapte son organisation et son fonctionnement aux différents besoins du public et qui sait déléguer. Je rappelle que vous parlez abusivement de privatisation. En fait, il s'agit d'une délégation de pouvoir. Je vous rappelle que l'article de la loi dit : «Le délégataire est placé sous la surveillance du Conseil d'Etat.».

M. Jean-Pierre Lyon. La mafia des petits copains !

M. John Dupraz. Monsieur Lyon, aujourd'hui, la mafia fleurit à Moscou. Le projet de loi dont nous discutons ce soir est donc un acte de «Mieux d'Etat». Tout d'abord, l'usager du service des automobiles et de la navigation reste placé au centre de toutes les préoccupations, cela est important, le service à l'administré.

Les principes fondamentaux que sont l'égalité, la neutralité et la continuité du service public sont garantis dans ce projet de loi, tout comme les principes traditionnels qui guident l'action des agents de l'administration.

Mais il y a plus. Grâce aux amendements votés par la majorité de la commission, le prix des émoluments a été verrouillé. De même, les décisions les plus restrictives ne pourront être prises que par des personnes placées sous l'influence directe de l'autorité. C'est pourquoi nous vous demandons d'accueillir favorablement ce projet de loi, de le voter tel qu'il ressort des travaux de la commission et selon le rapport de la majorité. (Contestation de M. Lyon qui est remis à l'ordre par le président.)

M. Laurent Moutinot (S). Il y a un point sur lequel nous sommes certainement tous d'accord. L'Etat et l'entreprise privée ont une finalité différente. Ils fonctionnent selon des règles différentes. Ils ont un rôle différent à jouer.

Dans l'histoire, il peut se produire que des activités privées doivent être prises en charge par l'Etat, lorsque le secteur privé n'est plus en mesure de répondre aux besoins sociaux. A l'inverse, il peut arriver que des activités publiques soient privatisées.

En ce qui concerne les activités privées qui pourraient être nationalisées, on peut penser à certaines assurances ou à certains services d'officiers publics, tels que les notaires, et, pourquoi pas, les avocats.

Par conséquent, il est important de poser des critères de différenciation entre l'action et la finalité d'une entreprise privée et celle de l'Etat. L'Etat, forcément, agit en respectant le principe de l'égalité. L'entreprise, forcément, agit selon le libre arbitre de l'entrepreneur. L'Etat agit en respectant le principe d'égalité entre les administrés et d'égalité de prestations qu'il fournit à chacun. L'entrepreneur agit en vertu du principe de l'opportunité, dans le but de réaliser un bénéfice. L'Etat agit lorsque la question a une importance sociale, par exemple, une fonction d'autorité ou de régulation, alors que l'entreprise privée agit tous azimuts.

Par conséquent, si un contrôle démocratique est nécessaire, si le respect du principe de l'égalité est nécessaire, s'il y a une obligation de délivrer des prestations, cela concerne forcément l'Etat, et il n'y a pas de privatisation possible. Ainsi le SAN ne peut pas devenir une entreprise privée. Pourquoi ? Quel entrepreneur privé raisonnable prendrait le risque d'accepter un cahier des charges qui lui impose des obligations que seul l'Etat est à même de remplir ?

En réalité, il y a un subterfuge. Celui que M. Dupraz a laissé entendre en parlant de délégation, car, même privatisé, le SAN devra respecter les règles étatiques que j'ai rappelées. Or si une entreprise privée s'intéresse au SAN, c'est que, de toute évidence, il y a des bénéfices à faire, à court, moyen ou long terme, peu importe, mais, comme M. Clerc l'a rappelé, les entreprises privées n'ont pas pour vocation d'être la Croix-Rouge de l'Etat.

La question est la suivante : comment un service public déficitaire peut-il devenir une entreprise privée bénéficiaire ? La question est simple et la réponse aussi. Il y a cinq facteurs pouvant influer sur ce résultat.

Le premier facteur est un gain de productivité, je vous l'accorde. Il y a dans l'entreprise privée un gain de productivité, mais cela ne suffit pas encore à résoudre complètement le problème. Ce n'est pas la seule possibilité.

Le second est une augmentation de la facturation des prestations. Là, il n'en est pas question dans le cadre du SAN, car, dans l'avant-projet, il était indiqué que l'on comptait, je cite : «...faire profiter directement l'usager d'une partie des économies réalisées.». En d'autres termes, pas d'augmentation de la facturation des prestations.

Le troisième est la réduction des prestations. Là, ce n'est pas possible non plus, car les prestations sont imposées par la loi fédérale. Ce n'est pas comme dans l'hypothèse d'une entreprise de transport qui serait privatisée et qui supprimerait des lignes qu'elle estimerait peu rentables. On ne peut pas supprimer les contrôles sous prétexte qu'ils ne seraient pas rentables, donc on ne peut pas réduire les prestations.

Le quatrième est la réduction des coûts, notamment des coûts salariaux. Là, il y a un problème, sinon le cahier des charges définitif nous aurait été soumis. C'est manifestement là l'une des variantes envisagées pour que le service public déficitaire devienne une entreprise bénéficiaire.

Le cinquième pour arriver à ce résultat est l'intervention de l'Etat. Je pense qu'en définitive l'entreprise délégataire sera subventionnée par l'Etat. Pourquoi ? Parce que dans le cahier des charges figurera forcément un loyer pour les installations remises à bail. Or ce loyer risque bien d'être trop bas, et c'est là où va se jouer la subvention. En effet, si l'Etat loue trop bas ces prestations, il y aura indirectement une subvention à l'entreprise délégataire. Les deux méthodes qui, en définitive, vont donc permettre à l'entreprise délégataire de réaliser un bénéfice sont inacceptables. La réduction des coûts salariaux est socialement inacceptable et le subventionnement d'une entreprise privée en situation de monopole est forcément aussi inacceptable et va à l'encontre du but avoué, puisque cela continue à coûter à l'Etat.

Alors, étant donné la nature des activités du SAN, il n'y a pas de véritable privatisation possible. On ne peut pas en faire une entreprise commerciale concurrentielle. Tout ce projet est une série de coups de canif dans un certain nombre de droits démocratiques, dont celui du contrôle par notre parlement des conditions dans lesquelles travaille le service. C'est un montage financier qui est du bricolage. Dans tous les cas, c'est intolérable, même, me semble-t-il, d'un point de vue libéral. (Applaudissements.)

M. Andreas Saurer (Ve). Comme l'a dit tout à l'heure Mme Fabienne Bugnon, les écologistes sont quelque peu surpris par ce projet de loi. Je ne répéterai pas tous les points qui posent un problème. J'aimerais juste en soulever deux.

Le premier est la délégation d'une tâche d'autorité; elle pose toute une série de problèmes, en particulier celui qu'une entreprise privée aurait accès à des données confidentielles de la police. Nous pensons qu'il est extrêmement grave que l'on commence à diffuser ce genre d'information.

La seconde remarque concerne le monopole pour une durée de vingt ans. Vous parlez régulièrement de la libre entreprise, de la concurrence, de l'esprit d'entreprise, etc. Mais comment voulez-vous instaurer une concurrence si vous garantissez un monopole pendant vingt ans ?

M. Michel Balestra. On serait beau si on l'avait mis en concurrence ce soir !

M. Andreas Saurer. Monsieur Balestra, les quelques notions très rudimentaires que je possède en économie libérale me font dire que la concurrence est un élément essentiel. J'apprends maintenant que la concurrence peut être supprimée pendant vingt ans, tout en restant une concurrence. Comment faites-vous cela ?

Revenons à la privatisation du service des automobiles qui, en tant que telle, n'est peut-être pas la chose la plus grave. En revanche, il s'agit bien d'un aveu d'impuissance en ce qui concerne la restructuration de l'Etat. M. Fontanet l'a dit tout à l'heure, nous ne pouvons pas faire ce que nous devrions faire avec le SAN sous l'Etat. Cela est extrêmement grave, car vous estimez qu'on ne peut pas restructurer l'Etat. Votre seule possibilité de restructurer l'Etat consiste à couper les prestations, comme vous l'avez fait avec la clinique de Montana. La restructuration de l'Etat ne consiste pas seulement à supprimer des prestations, peut-être faut-il le faire, je n'en sais rien, mais cela signifie avant tout de prendre des mesures permettant de motiver le personnel.

Or les mesures que vous préconisez ne motivent pas le personnel. Pour les écologistes, la restructuration de l'Etat est un principe essentiel. C'est pour cette raison que nous avons proposé la mise en place d'un établissement public autonome avec un mandat de prestations qui définit les tarifs, les conditions salariales, un peu comme les TPG. En fait, pourquoi ne privatisez-vous pas les TPG ?

Une voix. Cela va venir !

M. Andreas Saurer. Je suis très surpris de vous entendre dire cela, car, en commission des transports, M. Balestra disait haut et fort que jamais, au grand jamais, vous n'envisageriez de privatiser les TPG. Je constate que ce que l'on dit en commission est très différent de ce que l'on entend en plénière.

Donc, pour revenir à notre position qui consiste à sortir d'un manichéisme assez stérile - d'un côté, tout à l'Etat et, de l'autre, tout au privé - nous proposons donc un établissement public autonome. Malheureusement, cette proposition n'a pas pu être étudiée très sérieusement en commission par manque de collaboration de la part du Conseil d'Etat qui n'était pas prêt à entrer en matière. Permettez-moi de dire que le tableau comparatif que vous avez distribué, et que je ne lirai pas, est un vrai scandale, surtout si on appelle cela faire des études sérieuses. Pour pouvoir étudier sérieusement notre proposition, je propose de renvoyer ce projet de loi en commission.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Mon collègue, Jean-Pierre Lyon, a été d'une gentillesse extrême - sa bonté le perdra ! - avec M. Fontanet qui a présidé notre commission et ses travaux. Quelques observations supplémentaires sont nécessaires. L'une d'entre elle a déjà été énoncée. Le fait que la pétition présentée par l'Union du personnel du corps de police n'ait pas pu donner lieu, malgré une demande de ses auteurs, à une audition, sous prétexte que ce qu'ils allaient dire était déjà connu, est une marque de mépris...

Une voix. Encore ?

M. Pierre Vanek, rapporteur de la deuxième minorité. Oui, encore, c'est constant ces jours ! ...par rapport à un des instruments de la démocratie qui figure dans notre constitution - et ce n'est pas une invention de l'opposition - il y a lieu de considérer sérieusement les pétitionnaires et de les écouter. M. Fontanet, appuyé par une majorité de commissaires, n'a pas voulu entrer en matière sur ce sujet. A mon avis, c'est assez scandaleux. Cela a déjà été dit.

La majorité de cette commission avait la volonté de mener au pas de charge les travaux qui ont conduit à la séance de ce soir et à nous soumettre ce projet un peu bâclé et mal ficelé, comme l'ont révélé certaines interventions. On s'est livré à une série d'auditions très rapides, notamment des représentants du Cartel intersyndical de la fonction publique dont l'intervention aurait mérité de figurer dans le rapport, et non pas être fournie sur simple demande. Nous les avons entendus avant même que les commissaires n'aient les éléments des conditions faites au personnel, issues de la commission de suivi.

Nous avons donc demandé à pouvoir réentendre le cartel en disposant des éléments concrets qui permettaient de discuter avec eux des conditions faites au personnel. Le cartel a également demandé à être entendu. M. Fontanet nous a assuré que ce serait le cas au moment où l'on discuterait de ces questions dans le cadre de l'examen du projet de loi. L'affaire a été escamotée. Le président a fait des promesses qui n'ont pas été tenues.

Le problème de la CIA n'a pas encore été évoqué ce soir, même si toute une série de questions ont été posées. Ce dossier est relativement complexe. Il représente des aspects techniques sur lesquels il est difficile d'entrer en matière, ce soir, en plénière. Le comité de la CIA a demandé à être entendu, mais il a également été éconduit. On n'a pas pu l'entendre malgré une demande formelle à la fin des travaux de la commission et cela parce que M. Fontanet désirait, avec la majorité de la commission, clôturer les travaux sans traiter le fond. Les observations de la CIA n'ont pas pu être faites dans le cadre de la commission. Cela fait partie de la manière dont ces travaux ont été bâclés.

Par ailleurs, je crois savoir que le comité de la CIA a adressé une lettre supplémentaire sur cette question à M. Fontanet, en tant que président de la commission. Peut-être ne l'a-t-il pas reçue, mais peut-être la garde-t-il pour lui ? Dans ce cas, ce serait une curieuse manière de fonctionner, car, lorsque l'on se trouve face à un dossier tel que celui-ci, on a l'honnêteté de poser les éléments du débat sur la table. Si M. Fontanet possède cette lettre, j'aimerais qu'il en soit donné lecture.

Ensuite, M. Fontanet a évoqué l'avis soi-disant unanime des juristes consultés à propos de cette affaire. J'ai relevé un certain nombre d'éléments dans mon rapport de minorité. J'y reviendrai. On lit, par exemple, de la plume du professeur Thomas Fleiner - page 5 de son avis de droit - qu'il pourrait y avoir «abus de droit». C'est pour cette raison que je propose que, notamment, le retrait du permis soit laissé à l'autorité de l'Etat. Cela ne fait pas partie du projet de loi tel qu'il est ficelé aujourd'hui.

Toujours de la plume du même professeur, on lit : «En effet, le pouvoir du retrait du permis ne peut pas être délégué à une entreprise privée pour la simple raison que cette dernière n'a pas l'indépendance qui permet de la rendre crédible...». Je ne le lui fais pas dire ! Ensuite, je cite toujours : «Pour des raisons économiques - par exemple vis-à-vis de ses créanciers - l'entreprise privée pourrait favoriser ou défavoriser certaines personnes ou entreprises pour ne pas perdre ou pour gagner du crédit auprès de ces personnes ou de ces entreprises.».

Toute une série de nuances ont été introduites dans les avis de droit, mais la majorité n'en a pas fait état. Vous pouvez lire la plus importante de ces nuances dans l'avis de M. Joseph Voyame qui se montre très prudent sur la possibilité d'une telle opération. Il révèle que l'Office fédéral de la justice a considéré que «...de telles possibilités de délégation étaient énumérées exhaustivement dans la Constitution fédérale...».

Par conséquent, de nouvelles possibilités de délégation des tâches ne pouvaient être créées qu'au moyen de la révision constitutionnelle, donc à l'échelle fédérale. Or, dans l'idée de certains milieux de l'administration fédérale, la délégation de tâches fédérales, même assumées par les cantons, à des organisations privées exigent une base formelle sur le plan fédéral.

Je ne suis pas juriste, mais s'il existe des doutes graves au niveau fédéral - donc du côté de l'Office fédéral de la justice - notamment sur la légalité d'une opération telle qu'elle était envisagée par le gouvernement, il serait intelligent, avant de se lancer dans cette opération législative, d'entendre les représentants de l'Office fédéral de la justice. C'est ce que nous avons demandé en commission. Cette exigence était élémentaire. Elle a été également refusée. Malheureusement, je ne peux pas faire montre du même enthousiasme que mon collègue Jean-Pierre Lyon. M. Fontanet a fonctionné dans cette affaire de manière à ficeler hâtivement ce dossier, et c'est très dommage.

Je reviendrai sur quelques points. Il y aurait mille choses à dire, mais l'affaire est tellement simple qu'elle ne mérite pas qu'on les dise. Dans le rapport de la majorité, il est noté qu'au début l'entreprise privée perdra peut-être de l'argent, mais qu'elle peut se le permettre. En effet, on fait entrer, dans les éléments positifs de la délégation, l'impact publicitaire, le poids de la référence internationale, du savoir-faire, soit tous les éléments que M. Lacour a décrits comme étant très bons. Le seul problème est qu'il faut aussi prendre ces éléments a contrario et être attentifs à l'image-miroir qui s'en dégage. C'est une publicité négative.

L'Etat fait de la publicité, comme récemment M. Joye. Certaines publicités sont discutables. Mais là, nous faisons une publicité particulièrement négative pour l'Etat de Genève, notre République et son fonctionnement, en affichant publiquement que l'on est incapables de faire fonctionner cet Etat ou en disant qu'il est incapable de fonctionner de manière satisfaisante.

Ainsi, on peut mettre un plus à l'entreprise privée grâce à cette privatisation, mais on peut aussi mettre un moins à notre Etat et à la représentation collective des citoyens du canton de Genève. C'est vraiment dommage. Je déplore que cet aspect n'effleure pas un seul instant les partisans de ce projet.

Le noeud du problème réside à l'article 1 du projet de loi. Les conditions de cette délégation sont fixées par un contrat de droit public avec le délégataire. En commission, la proposition de soumettre ce contrat à notre assemblée a été refusée. On veut faire voter un projet qui est en fait un pur blanc-seing pour le Conseil d'Etat, car toute une série d'éléments, que ce soit le cahier des charges concernant le personnel ou le problème des loyers, n'ont pas été réglés, puisque qu'ils devront être négociés avec ces éventuelles entreprises reprenantes.

Ils font partie d'un contrat de négociation et nous avons le droit de nous prononcer sur des faits, et non pas sur des supputations hypothétiques qu'on veut nous vendre. Hier, on a vu que le Conseil d'Etat maniait les chiffres avec un certain manque de rigueur. M. Segond nous parlait d'investissements de soi-disant 4 millions à Montana, alors qu'il s'agit d'environ 7,5 millions. On fait valser les millions, on raconte n'importe quoi et on veut nous vendre ce projet sans que nous ayons tous les éléments sur la table. Même si j'étais partisan d'une telle délégation, j'exigerais de voir ce contrat.

Avec les TPG, on va signer un contrat de prestations pour quatre ans. Le Grand Conseil aura probablement à l'examiner. Un contrat pour vingt ans que le Conseil d'Etat signera sans avoir le moindre aval du parlement, si ce n'est la simple confiance aveugle d'une majorité, c'est discutable d'autant plus que deux personnes tout à fait respectables à vos yeux se sont prononcées sur cette question. Le représentant de la SGS nous a dit lui-même qu'avant l'analyse détaillée du cahier des charges, donc des éléments concrets du contrat, il est impossible de dire si l'opération est non seulement viable, mais rentable à terme.

Par conséquent, il serait complètement idiot de se prononcer avant d'avoir ces éléments, et le professeur Fleiner, que je citais tout à l'heure, indique qu'il est nécessaire de connaître en détail les différents modes de règlement afin de pouvoir déterminer si la délégation est possible. Les indications générales figurant dans la loi ne suffisent pas. Vous désirez voter ce projet qui est «bidon». On se soustrait à l'exigence d'un fondement légal, d'un vote par le législatif sur cette affaire en votant ce qui se résume à un simple blanc-seing au gouvernement. Je trouve cela inadmissible, même si on se place du point de vue des partisans d'une éventuelle opération de ce type-là.

M. Pierre Ducrest (L). Le cas spécifique du bureau des automobiles est la démonstration des besoins du moment. Sans vouloir entrer dans un débat touchant le personnel qui, au cours des travaux en commission, a obtenu des garanties et des sûretés qui feraient pâlir d'envie tous les employés du domaine privé, il y a lieu de poser la question sous d'autres critères.

L'Etat se trouve incapable d'investir, car, en ce moment, il n'en a plus les moyens. On peut se demander pourquoi il ne l'a pas fait avant, lorsqu'il en avait les moyens. La minorité essaie de nous faire dire que le bureau des automobiles peut être rentable pour l'Etat, alors qu'à l'époque celle-ci avait deux conseillers d'Etat aux affaires. Que n'a-t-elle pas conseillé naguère de le faire !

En Suisse, nous ne construisons aucune voiture de manière industrielle. Par contre, nous sommes tenus de les contrôler. Ce contrôle est laissé aux soins des cantons. Vu l'évolution technique, il est absolument nécessaire que l'équipement soit à la pointe du progrès, et ceci demande un investissement majeur. Seule une délégation à un organisme privé peut répondre à cette nécessité. Nous ne pouvons pas prendre le risque d'envoyer nos véhicules genevois se faire contrôler à la Blécherette simplement par notre incapacité de répondre aux normes techniques futures.

Il faut donc aussi placer le débat à ce niveau. L'urgence du moment nécessite une décision rapide, décision que vous allez prendre ce soir, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Michel Halpérin (L). Comme moi, vous aurez sans doute observé que les jours se suivent et se ressemblent un peu, puisque nos travaux passent ou ne passent pas par des commissions, mais font de toute manière l'objet de la même critique, soit, nous bâclons, nous sommes antidémocratiques et notre travail n'est pas sérieux.

Par conséquent, je comprends qu'une forme de désespoir puisse entraîner le «filibusting» ou, pour parler français, l'obstructionnisme ou toute forme de sabotage permettant à une minorité de se sentir moins seule dans sa détresse. (Rires.)

Je comprends aussi qu'il n'est pas absolument indispensable que la majorité réponde à chacun des arguments présentés, en série ou en rafale, voire en surabondance. Je ne voudrais tout de même pas que le silence, reflet de notre sérénité sur un certain type d'argumentaire, soit interprété comme une sorte d'acceptation passive, d'agression et d'acte de dénigrement qui sont aux limites de la diffamation.

Par exemple, je ne voudrais pas que des fonctionnaires, ou des hauts fonctionnaires du département de justice et police, ou des responsables du service des automobiles, dont la coloration politique nous est parfaitement indifférente... (Brouhaha.)

Une voix. On ne va pas encore vous les donner !

M. Michel Halpérin. ...même si parfois elle nous est connue - par exemple, le secrétaire général adjoint du département de justice et police n'a pas forcément la même sensibilité politique que l'un ou l'autre de mes voisins - soient présentés, sinon à cette assemblée qui les connaît, mais peut-être à la galerie, comme des personnalités soumises à une forme de complaisance ou de pression et que nous nous taisions comme si nous avions trouvé supportables ces critiques.

Je peux comprendre aussi qu'il soit désagréable pour ceux qui endossent un peu abusivement l'armure des chevaliers et défendent la fonction publique d'être désavoués par ceux-là même qu'ils défendent. Mais cela n'est pas une raison pour les agresser comme cela a été fait tout à l'heure.

Il n'est pas plus supportable de s'en prendre, comme je l'ai entendu dire à deux ou trois reprises sur les bancs d'en face, au président de la commission ou à certains de ses membres qui ont participé à ces débats ou les ont présidés dans des conditions parfaitement acceptables, non plus que de faire croire au public que tout cela s'est déroulé dans des conditions de hâte et de pression psychologique insupportables.

Voici quelques indications pour ceux qui n'ont pas eu, comme moi, la chance de participer aux travaux de cette commission ad hoc. Le projet a été renvoyé en commission le 17 février. Nous aurions pu nous attendre, s'agissant d'un texte qui compte une petite trentaine d'articles, à ce que nos travaux soient terminés dans le courant du mois d'avril ou du mois de mai. Mais tout a été fait pour qu'il n'en soit pas ainsi, d'où, pour une petite trentaine d'articles, neuf séances de commission totalisant une trentaine d'heures de travaux des commissaires.

On nous dit que nous n'avons pas procédé à des auditions. Cela est faux ! Douze ou quatorze auditions ont été faites, dont certaines deux fois, parce qu'il paraît qu'à la première audition d'un certain nombre de représentants du personnel, ces représentants avaient été tellement intimidés par les commissaires que nous nous sommes dit qu'il fallait les réentendre une seconde fois après qu'ils eurent repris leurs esprits.

On nous reproche de n'avoir pas entendu le signataire d'une pétition. C'est omettre de nous dire que l'auteur de cette pétition, son signataire, a été l'un des premiers auditionnés des travaux de notre commission. Au cours de cette audition, il a exprimé ses préoccupations au nombre desquelles il y avait surtout le fait qu'il jugeait insupportable que des tâches relevant de l'autorité publique soient confiées à une entreprise privée. Et voilà que lorsque nous avons reçu la pétition, nous nous sommes aperçus que sa première invite consistait à demander qu'une autorité de décision et de contrainte ne soit jamais déléguée à un secteur privé, ce qui était très exactement ce qu'il était venu nous dire, non pas sous la forme d'une pétition, mais sous la forme d'une audition.

Alors, on ne peut pas présenter au public, à la presse et aux députés qui n'ont pas participé aux travaux de la commission, les choses comme on vient de le faire, ou on peut le faire, mais en manquant singulièrement à la plus élémentaire probité intellectuelle.

Ce soir, comme d'habitude, on est en train de nous présenter des arguments fallacieux, parfois mensongers, simplement pour empêcher nos travaux d'aboutir à un rythme normal. Pourquoi veut-on les empêcher d'aboutir à un rythme normal ? Pour la même raison qui a fait traîner des travaux en commission, au double, au triple, au quadruple du rythme qui était indispensable et il a fallu la patience angélique de la majorité de la commission et de son président... (Rires.) ...pour supporter des demandes d'auditions dont on savait qu'elles étaient inutiles. Quel était le but des demandeurs de ces auditions ? Tout simplement que notre Grand Conseil ne statue ni au mois d'avril, ni au mois de mai, ni au mois juin comme il aurait pu le faire, parce qu'alors il aurait été plus difficile de ramasser les signatures du référendum envisagé pendant l'été.

Ainsi donc, pour que les ramasseurs de signatures disposent d'un peu plus de facilité, on a fait en sorte que les travaux ne se terminent qu'au mois de septembre ou octobre, et tout ce qu'on aura pu faire pour retarder le cours des travaux était à l'objectif unique et exclusif de ceux qui, aujourd'hui, viennent prétendre que nous utilisons des méthodes peu démocratiques.

La vérité, toute simple en conclusion, c'est que nous avons travaillé avec beaucoup d'égard pour la minorité, au point même que, de l'avis d'un certain nombre d'entre nous, ce projet est si minimaliste qu'il en perd une bonne partie de sa signification originelle, mais c'est l'aboutissement des travaux de cette commission. Ne compliquons pas et allons de l'avant ! (Applaudissements.)

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Chacun a sa façon d'interpréter la manière dont se sont déroulés les travaux de la commission. Mais, faire croire à l'ensemble des députés, comme le fait M. Halpérin, que sa vérité est la vérité, manque singulièrement de probité, Monsieur le député. (Rouspétances sur les bancs de la droite.)

Une voix. L'agression systématique continue.

Mme Micheline Calmy-Rey, rapporteuse de la première minorité. C'est une façon un peu simpliste d'envisager les choses que de dire, comme certains d'entre vous l'ont fait, que la question est de savoir si, oui ou non, il faut privatiser, et de répondre aussi sec : «Oui, il faut privatiser !».

Dès lors, on comprend l'inutilité de faire durer les débats, d'entendre des gens et de réfléchir sérieusement au problème. Pourtant, la présentation d'un projet de loi sur une privatisation aurait dû permettre d'envisager la question, non pas simplement sous la forme du financement de l'établissement, forme publique ou privée, mais également d'entamer des débats sur le comment. Comment l'intérêt public sera-t-il le mieux défendu ? Dans un établissement public ou par une société privée ?

Nous avons quant à nous conclu cette réflexion en remarquant qu'aucune des conditions de la privatisation n'était remplie. Sur le plan des économies, il a été abondamment démontré dans cette enceinte qu'on ne saurait assimiler la privatisation à une économie pour l'Etat de Genève, et c'est sur ce point que je souhaiterais d'abord répondre à M. Lacour.

Monsieur Lacour, vous ajoutez à l'excédent de charge de 1993 le montant des charges financières des investissements futurs nécessaires pour rentabiliser le service des automobiles et de la navigation. Vous obtenez ainsi un montant supérieur d'un million à l'excédent de ces charges.

Par contre, vous ne comptabilisez pas les recettes générées par ces investissements. Mais l'agrandissement de la halle technique, l'automatisation des lignes de contrôle permettront précisément des contrôles plus fréquents et plus nombreux, et, par conséquent, des recettes qui viendront en diminution des charges. Dans ces circonstances, compter 3,7 millions de déficit - je ne souhaite pas être désobligeante - peut paraître étonnant. Je vous laisse juges, Mesdames et Messieurs, de la manière de faire !

L'action publique continue aussi d'être nécessaire du point de vue de l'égalité des citoyens devant la loi. Dans votre projet, les tâches d'autorité sont déléguées à une entreprise privée. Les actes d'autorité touchant à la liberté personnelle des gens seront effectués par une société privée dont l'intérêt premier est le profit.

Cette privatisation, telle qu'elle nous est présentée, ne permet pas de garantir non plus les conditions de travail. Enfin, elle diminue la sphère de la démocratie dans la mesure où le Grand Conseil perdra de ses compétences.

Voilà les raisons pour lesquelles l'action publique continue d'être nécessaire et cela ne signifie pas forcément le statu quo, ni non plus que nous sommes attachés à des formes «ringardes» de gestion de l'Etat. L'Etat aurait pu investir dans ce service, et s'il ne l'a pas fait, ce n'est pas à cause de tel ou tel conseiller d'Etat, mais à cause de la majorité «autophile» de ce Grand Conseil et du Conseil d'Etat qui n'a jamais permis à des investissements concernant le service des automobiles et de la navigation d'arriver en haut des priorités de l'Etat.

Pour cette raison, parce qu'il faut réformer et changer, nous souhaitons appuyer la proposition de création d'un établissement public autonome. Je vous rappelle que vous avez accepté une telle forme de fonctionnement pour l'aéroport et que vous l'avez défendue, à l'époque, dans ce même Grand Conseil.

Pour que l'étude du projet d'établissement public autonome puisse avoir lieu dans des conditions sereines, nous soutiendrons la proposition de renvoi en commission de ce projet.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). J'aimerais intervenir sur un aspect juridique qui nous semble spécialement important. Le SAN est donc chargé de l'exécution du droit fédéral et du droit cantonal en matière de circulation routière.

Plusieurs compétences décisionnelles lui sont attribuées. Ses compétences font partie des tâches de puissance publique qui découlent de la souveraineté de l'Etat. La décision de retrait de permis de conduire, le contrôle de la profession de moniteur de conduite, la délivrance du permis d'élève conducteur ou de moniteur de conduite, toutes ces décisions ont une influence sur la situation économique des administrés et touchent leurs droits personnels. Il est donc extrêmement important que le respect des principes constitutionnels et de droits administratifs comme l'égalité devant la loi, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire soit garanti.

Or, le professeur Fleiner soutient qu'il peut y avoir un risque d'abus de droit dans ces décisions, dès lors que des intérêts économiques de l'entreprise privée délégataire, qui doit être rentable, je vous le rappelle, pourraient influencer une telle décision.

C'est pour cette raison qu'il faut que cette tâche reste entre les mains d'une autorité étatique. Or la loi nous propose que des personnes, désignées par le DJPT, pourraient prendre ce genre de décision. Toutefois, ces personnes resteraient des employés de l'entité privée, soumis à la logique de la rentabilité économique et, de ce fait, probablement moins indépendants que des fonctionnaires assermentés.

En outre, on peut s'interroger si une loi votée par le parlement et soumise au référendum, une loi formelle, est suffisante comme base légale, ou si une base constitutionnelle ne devrait pas être adoptée par le peuple. L'Office fédéral de la justice l'exige si un pouvoir décisionnel, se basant sur un large pouvoir d'appréciation, est délégué à un organisme privé.

Vu que les normes sur lesquelles se basent les décisions concernant la restriction de la liberté individuelle en matière de circulation sont souvent indéterminées - que recouvrent exactement des termes comme «violation grave» ou «sérieux danger pour la sécurité d'autrui» - la latitude de jugement des instances qui appliquent ces règles est grande. Dès lors, une telle délégation, donnant la possibilité de restreindre la liberté personnelle des citoyens et citoyennes, devrait trouver sa base dans la loi fondamentale de l'Etat.

Je ne me réfère pas à l'avis de droit de Me Manfrini, jurisconsulte de l'Etat, selon lequel une loi formelle suffit pour assurer les garanties d'égalité et d'impartialité et des décisions d'autorité publique déléguées à un privé, étant donné qu'il est difficile de se forger une opinion quand il est fait référence à des documents comme le cahier des charges ou le contrat de droit public tenus secrets.

Il est désolant de constater, une fois de plus, que le parlement doit voter une loi «la tête dans le sac», alors que des experts, soi-disant indépendants et venant de l'extérieur, ont accès à des informations qu'on cache aux députés. Nous avons ainsi vraiment l'impression que notre rôle ne consiste plus qu'à applaudir des deux mains l'action du Conseil d'Etat, et non pas, en tant que représentants du peuple, à adopter des lois en totale connaissance de cause.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. M. Lacour, rapporteur de majorité, a introduit tout à l'heure le débat avec une clarté et une objectivité que je me plais à relever. Après une telle entrée en matière, on pouvait attendre un dialogue qui présente les mêmes qualités et échappe à la polémique «de bas étage»...

M. Jean-Pierre Lyon. Bien sûr, vous êtes pour les «hauts étages» en tant qu'architecte !

M. René Koechlin. ...par moment, dans laquelle ont sombré les débats d'hier et de cet après-midi.

Je constate avec soulagement, Monsieur Lyon, que, jusqu'à présent, à part quelques écarts de langage, les discours sont plutôt sereins. Les rapporteurs de minorité ont dit qu'ils allaient voter la «tête dans un sac» et Mme Roth-Bernasconi l'a répété tout à l'heure. A les entendre, on a l'impression qu'ils votent ainsi, ce qui est peut-être chez eux une habitude, parce qu'ils ramassent des sacs à tour de bras... (Rires.) ...et se les enroulent autour de la tête; des sacs de contrevérités, des sacs d'idéologies plus ou moins bien digérées et des sacs d'invectives «é-Vanek-santes». (Une partie de l'assemblée applaudit, l'autre hue l'orateur.)

Mme Bugnon, rapporteuse de la troisième minorité, nous a révélé quant à elle - elle porte seule la responsabilité de cet avis - l'inefficience des commissions parlementaires...

Mme Fabienne Bugnon, rapporteuse de la troisième minorité. De celle-là !

M. René Koechlin. Ah, de celle-là en particulier ! Ah bon ! Alors vous me rassurez ! Car si les commissions sont pareillement inefficientes, que dire d'un débat comme celui que nous menons en séance plénière ou comme ceux d'hier et de cet après-midi ?

Heureusement, M. Halpérin nous a rassurés au sujet du travail de cette commission, Madame Bugnon.

Pour M. Spielmann... (Des voix : Aahh !) ...Par conviction profonde et par idéologie vieille comme celle de ses pairs, pour lui, le seul motif de déficience d'un service public, c'est le sabotage. Qui, selon lui, est responsable de ce sabotage ? Qui le provoque ? (Rires.) C'est nous, Mesdames et Messieurs, nous les vilains, ainsi que les «meuchants garagistes». C'est évident; les pauvres chéris ! Et ces mafias, tant qu'elles sont, on se demande où elles sont ! Et le corporatisme ? Je ne sais lequel d'ailleurs ! Et Dieu sait qui encore !

M. Pierre Meyll. C'est l'assemblée des poètes ! (Rires.)

M. René Koechlin. Monsieur Spielmann, la débâcle du «Tout à l'Etat», à laquelle nous avons assisté ces dernières années dans un certain nombre de pays de l'Est européen est, à l'évidence, aussi le fait du sabotage, sans doute ! Mais, Monsieur, ne croyez-vous pas que ce que vous appelez sabotage et que, pour être plus nuancé, plus réaliste aussi, j'appellerai quant à moi coulage ou négligence, constitue précisément le «talon d'Achille», à savoir le point faible des entreprises - non pas seulement publiques - dont le chiffre d'affaires atteint plusieurs milliards.

L'organisation des services publics, compte tenu de leur taille énorme et de leur immense complexité, tient tout simplement du prodige, voire de l'équilibrisme, et je crois que l'on peut en savoir gré au Conseil d'Etat de se conduire parfaitement en cette matière, ô combien délicate !

L'Etat est un baobab aux innombrables branches et ramifications (Rires.) qui, peu à peu, l'étouffent. Quand un arbre étouffe sous le poids de ses propres branches, et ce ne sont pas les botanistes de la qualité de notre président qui me contrediront, il faut l'élaguer.

L'Etat de Genève suffoque sous le poids des déficits et de plusieurs milliards de dettes. Il faut donc l'élaguer des branches dont il peut se passer et dont l'ablation ne met en danger ni sa propre survie, ni celle du rameau que l'on détache. C'est dans cet ordre d'idée que se situe le projet de loi dont nous parlons ce soir. C'est pourquoi il trouve sa pleine justification. Le reste n'est qu'une question technique. Ceux qui s'opposent au principe, évidemment, critiquent la manière; c'est de bonne guerre.

M. Saurer, tout à l'heure, m'a donné le mot de la fin. Il a évoqué les TPG. Alors, je vous rappellerai, Monsieur Saurer - je ne sais pas où il est - qu'autrefois les TPG s'appelaient CGTE, et que c'était précisément une compagnie privée qui, alors, faisait des bénéfices. Eh oui ! (Rires et exclamations.) Oui, Monsieur, cela remonte aux années 40-50, (Délire de rires.) et je vous citerai... Ben oui, vous n'étiez pas né, vous, évidemment ! (Rires.) A l'époque, la CGTE faisait tant de bénéfices que cela avait valu aux auteurs de la revue du Casino Théâtre de faire allusion aux gains de son directeur qui s'appelait M. Eric Choisy. On disait que CGTE signifiait : «Combien gagnes-tu Eric ?». (Rires.) C'était une allusion aux bénéfices que cette compagnie privée réalisait alors.

Je souhaite au SAN de devenir bénéficiaire, comme le fut la CGTE. (Les députés de droite applaudissent.)

M. Michel Balestra (L). Je vais commencer sur le thème : «Combien gagnes-tu Christophe ?». Plus sérieusement, la commission ad hoc du SAN a étudié pendant plus de trente heures ce projet de délégation issu du département de justice et police qui, lui-même, est issu d'une commission d'experts spécialisés. La commission a procédé à toutes les auditions et a posé toutes les questions utiles. Elle a étudié tous les chiffres sans a priori. Aucun des arguments contraires n'a résisté à cet examen.

Les éléments qui ont été présentés à la commission ont convaincu la majorité de cette dernière qu'il valait la peine de suivre le Conseil d'Etat dans sa volonté de moderniser le fonctionnement du service des automobiles. Bien sûr, il faut un certain courage politique pour prendre des décisions comme celle-ci, et c'est dommage que M. Clerc ne soit pas là pour en prendre acte. Mais a-t-on encore le choix ? Mme Torracinta-Pache nous a dit très justement, hier soir, que le redressement des finances publiques nous a conduits à «trancher dans le lard», et qu'aujourd'hui nous sommes en train de trancher dans la chair. Contrairement à vous, Mesdames et Messieurs, j'ai bien écouté !

La solution qui vous est proposée ce soir met le SAN à l'abri de ces restructurations, et certains de ceux qui sont légitimement inquiets aujourd'hui seront certainement reconnaissants demain d'être hors de la tourmente que ces restructurations indispensables généreront.

Le projet de loi qui vous est proposé ce soir protège les intérêts légitimes des employés, les intérêts bien compris des usagers qui, d'ailleurs, deviendront des clients. Il assure des investissements nécessaires pour améliorer la productivité et la qualité des conditions de travail des collaborateurs de la halle technique. Monsieur Moutinot, vous saurez que l'on peut améliorer à la fois la productivité et la qualité de travail.

Ce soir, nous avons entendu des mensonges comme : démantèlements, projet thatchérien, capitalisme «Croix-Rouge». Voilà un concept que je vais garder dans ma manche et qui pourra me servir un jour ! Tout cela n'est qu'une agitation pathétique. D'ailleurs, certains défenseurs du SAN, s'ils étaient seuls à décider à Genève, supprimeraient volontiers le trafic individuel privé au profit de transports collectifs exclusifs. Je vous demande, une fois ces objectifs atteints, ce que deviendraient les investissements et les employés du SAN ? Voyez-vous, il faut de temps en temps se méfier des amis d'occasion.

En toute sérénité, je vous assure que la commission a bien fait son travail, que ce projet est un bon projet qui, une fois le climat émotionnel passé, satisfera tout le monde. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, il faut absolument le voter. (Applaudissements épars.)

M. Jean Spielmann (AdG). Des questions importantes ont été posées tout à l'heure. M. Dupraz a posé le problème en disant que leur programme et leur volonté politique était de faire «Mieux d'Etat». Il prétendait que cette volonté les mobilisait. Mais, Monsieur Dupraz et Messieurs d'en face, «Mieux d'Etat», cela ne signifie pas qu'on fait fonctionner le service mieux que ne pourraient le faire les privés. Pour moi, «Mieux d'Etat» signifie qu'on donne la possibilité à un tel service d'être efficace, de fonctionner comme il faut, de répondre aux attentes de la population et d'équilibrer ses finances. Voilà l'objectif que l'on devrait se fixer.

Dans la mesure où vous faites un autre choix, soit celui de «Moins d'Etat», vous démantelez l'Etat. Alors, on peut se poser la question de savoir pourquoi vous faites ce choix délibéré. Si, pour vous, «Mieux d'Etat» c'est le démanteler et en faire moins, il faut le dire concrètement et expliquer les choses avec honnêteté. Ce n'est pas ce que vous avez fait. (M. Spielmann est interpellé par M. John Dupraz.) Monsieur Dupraz, il est plus facile de lancer des invectives que d'argumenter !

Dans le cadre des discussions en commission, j'ai dit tout à l'heure que j'interviendrai sur la manière avec laquelle le dossier a été présenté. A la page 17 du rapport de majorité, une étude financière a été faite qui a porté sur deux années, 1991 et 1992. Pourquoi ? Eh bien, je vais vous expliquer pour quelle raison vous avez choisi ces années. L'année 1993 comporte une modification tarifaire, et si vous aviez pris cette année-là pour exemple vous n'auriez pas affirmé de manière mensongère que ce service était déficitaire, comme vous le présentez dans le rapport.

C'est pour cette raison que, lorsque nous avons demandé de faire l'expertise sur l'année 1993 avec les émoluments présentés et en affirmant que l'on pouvait équilibrer ces comptes, vous avez dit que ce n'était pas possible. J'ai tout simplement pris le livre jaune des comptes de l'Etat et je vous ai fait la démonstration contraire. Aujourd'hui, j'attends encore les réponses aux questions que j'ai posées. Vous n'avez pas répondu de manière cohérente sur les chiffres, le document et le dossier. Monsieur Dupraz, je comprends qu'il faut manier l'insulte et l'anathème, c'est plus facile que d'argumenter sur le fond.

Tout à l'heure, M. Fontanet parlait - fort habilement d'ailleurs - de plaquettes de freins et de matériel. Bien sûr, on a compris, hier et aujourd'hui encore, que, pour vous, l'être humain, ses droits, l'équité face à un acte d'autorité, sont des éléments secondaires. Ce qui compte, c'est le matériel et la rentabilité. Ce que cela coûte et ce que cela rapporte. En définitive, vous agissez ni dans l'intérêt public, ni dans celui des personnes, mais uniquement dans l'intérêt mercantile auquel vous êtes soumis.

D'ailleurs, même sur le plan matériel, vous aviez tort lorsque vous prétendiez que les Allemands conduisaient bien et qu'il n'y avait pas plus d'accidents chez eux. Les statistiques démontrent que dans les pays où les automobiles et les véhicules sont contrôlés par les forces publiques qui, de manière ouverte et claire, vérifient chaque véhicule passant au contrôle, le taux d'accidents résultant de déficience des mécaniques et des voitures est nettement inférieur. C'est le cas de notre pays, car, dans la plupart des cantons, ces organismes sont au service de la population et de la sécurité, ce qui me semble essentiel, et non pas au service d'entreprises privées qui cherchent, par leurs activités, non pas à mettre principalement l'accent sur la sécurité et l'équité publique, mais à faire du bénéfice.

Si l'on examine vos décisions, on voit qu'il y a des contradictions. Au travers du concept du «Mieux d'Etat» et de l'intervention de M. Koechlin et de son «baobab», il y a une nécessité de restructurer l'Etat, de redéfinir un certain nombre de tâches, d'améliorer ses performances, de donner la possibilité aux acteurs du service public de répondre à l'attente de la population. Vous vous êtes bien gardés de le faire et c'est la raison pour laquelle vous avez évacué toute une série de sujets, comme, par exemple, le débat sur l'Etat et la participation du personnel aux décisions prises. Certains veulent résoudre les problèmes de l'Etat en privatisant ce qui peut être rentable et en gardant à l'Etat ce qui est déficitaire, je parle, bien sûr, de la fourrière.

En définitive, et c'est la conclusion à laquelle est arrivé M. Koechlin, on trouvera une solution qui coûtera beaucoup moins à l'Etat, qui sera beaucoup plus performante et qui permettra à une entreprise de faire des profits. Mais qui paiera la différence ? D'abord, bien sûr, les humains que vous négligez autant, ceux qui sont aujourd'hui, et depuis des années, au service d'une activité qui rend service à la population.

Ensuite, la population n'aura plus la garantie de l'équité parce que, Monsieur Fontanet, on ne traite pas que les plaquettes de freins, on juge aussi les aptitudes des gens à conduire un véhicule. Des experts doivent déterminer les responsabilités d'un accident. Il y a la nécessité d'une neutralité, d'une impartialité, qu'une soumission à vos critères d'économie et de rentabilité ne saurait garantir en suffisance. Cela est dit par les experts et les professeurs d'université.

En plus, il y a la nécessité d'assurer des services de qualité et des prestations répondant aux attentes de tous. Sur tous ces plans, il y a non pas, comme certains l'ont dit, une volonté de faire un «Mieux d'Etat», mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, une volonté de saboter et d'étrangler le service public au profit d'intérêts mercantiles. Voilà votre démarche et rien d'autre ne peut le justifier.

Il y aussi, et c'est significatif de la démarche que vous entreprenez aujourd'hui, une volonté de revanche sur les acteurs du service public. Je vous répète depuis des années que, si vous réformiez l'Etat avec le personnel en lui donnant des responsabilités, en développant son droit de participation et d'intervention dans les affaires publiques, vous découvririez des possibilités d'économie et d'amélioration du service public qui vont nettement au-delà de la politique des petits copains, de la privatisation et de l'idée de démantèlement de l'Etat.

Ce matin, j'ai été surpris d'entendre à la radio un conseiller d'Etat affirmer que les décisions que nous avons prises hier et aujourd'hui n'auront aucune influence sur le personnel dans l'avenir. Alors qu'en fait nous l'avons dit hier, le Conseil d'Etat est le premier à avoir procédé à des licenciements collectifs, et, je le répète, de manière illégale, Monsieur Segond. Si un licenciement n'a aucune incidence sur le personnel, qu'est-ce qui en a alors ?

Et, dans le cas particulier, on constate, dans des documents que vous avez remis, que les vacances sont considérées comme un privilège, tout comme les jours de congé. Tout cela est écrit par quelqu'un de docile, qui a six mois de vacances par an, et qui est payé au moins dix fois plus que ceux qui essaient simplement de rendre un service à la population, et que vous êtes en train de dénigrer par vos attitudes détestables. (Applaudissements.)

M. Michel Ducret (R). Je m'amuse d'entendre que la délivrance du permis de conduire ces automobiles que vous dédaignez tant à gauche - vous souhaitez tellement empêcher les gens de rouler - soit citée par Mmes Calmy-Rey et Roth-Bernasconi comme l'expression de la liberté personnelle du citoyen. Leur oreille gauche, sans doute, n'entend pas la même chose que leur oreille droite. Il faudrait peut-être passer la visite, Mesdames ! (Rires.)

Je me refuse ce soir à considérer les arguments d'une différence qualitative entre l'activité d'un privé et de ses employés et celle d'un service public et de ses fonctionnaires. Si nous suivions ce soir les propositions de l'opposition, où irions-nous ? Tout simplement devant l'obligation d'investir de l'argent, beaucoup d'argent pour, d'une part, donner les moyens au service des autos et de la navigation de redevenir rentable et, d'autre part, offrir des conditions de travail dignes et acceptables aux travailleurs de ce même service.

Aujourd'hui, l'Etat n'est pas dans les mêmes conditions que les mandataires éventuels, et cela parce que l'Etat n'a plus de capital à investir. Or, les entreprises privées pressenties en disposent et souhaitent l'investir à Genève. (Protestations.) Pour investir, nous devrions emprunter, et cela nous coûterait cher à nous tous, citoyens. Certaines de ces entreprises n'ont pas besoin, apparemment, de cet emprunt. Au contraire de l'Etat de Genève, la bonne marche de leurs affaires nécessite d'investir.

Par ailleurs, ces entreprises délégataires ont des intérêts que l'Etat de Genève n'a pas et ne peut avoir, comme par exemple le fait de pouvoir présenter, en délégation dans le monde - qui est leur champ d'action - et non seulement dans les quelques kilomètres carrés de notre territoire, le service des autos comme une vitrine à effet publicitaire énorme pour eux. Cet effet, pour nous, Etat de Genève, ne représente rien. En matière de contrôle automobile - M. Spielmann l'a relevé - notre pays a une excellente réputation. Genève est très connue dans le monde. C'est une bonne vitrine. D'autre part, la qualité du personnel de ce même service permettrait alors d'envisager, en cas de disponibilité de celui-ci - ce cas s'est présenté ces dernières années - de l'utiliser pour la formation et le perfectionnement des employés des succursales dans le monde de cette même entreprise. (Huées. Mouvement de protestation.) Eh oui ! Voilà une des possibilités offertes à un privé dont l'Etat ne dispose pas. Ce sont quelques exemples. (M. Spielmann interpelle sans cesse l'orateur.)

C'est dans de tels problèmes que réside la différence essentielle entre la délégation d'entreprises privées et la continuation du service public. J'aimerais relever qu'à titre personnel je regrette que l'on n'ait pas donné sa chance à une variante de type «établissement public autonome», telle que proposée par le groupe écologiste, mais cela à une condition que personne n'a voulue, à savoir que cette variante soit mise au concours avec le secteur privé pour les conditions de reprise, ce dont nous n'avons jamais entendu parler.

Nous ne pouvons pas investir sans alourdir encore plus la charge de la dette publique qui nous laisse exsangues après la brutale chute de la prospérité. Certains prônent ici de prendre l'argent où il est. Pour une fois, c'est exactement ce que nous proposons avec ce projet de loi. Notre but est de limiter et garantir les coûts de ces activités pour la collectivité, sans compter les impôts qui seront reversés par l'entreprise si, par hasard, elle marche très bien. A nos yeux, c'est cela qui est essentiel. Il ne s'agit de rien d'autre. Nous ne pouvons suivre le constant changement de sujet que tente de nous imposer l'opposition ce soir, comme hier, comme cet après-midi. Les changements peuvent choquer certains, mais les mêmes pleureront encore plus si nous ne réagissons pas aujourd'hui face aux réalités économiques.

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Certains intervenants ont dénigré le service des autos et de la navigation. M. Halpérin - Me Halpérin pour ses amis politiques - nous a fait un numéro pour nous reprocher notre méchanceté en commission, notre volonté de faire traîner les choses et de tout remettre en cause. Monsieur Halpérin, j'ai été très choqué par le fait que, lorsqu'un «méchant» de l'opposition posait une question de nature juridique, M. Pally se rapprochait de vous, vous montrait l'article et, alors, c'est vous qui répondiez à la commission sur l'aspect juridique en question. Ne venez donc pas donner ici des leçons, alors que vous êtes partie prenante dans cette affaire !

Quant aux remarques de M. Balestra sur la productivité, je pense qu'il est regrettable de dire, comme argument politique alors que le budget de l'Etat sera bientôt traité, qu'il n'y a pas de productivité au bureau des autos. C'est incorrect vis-à-vis du personnel, car ces personnes font correctement leur travail. Si des dirigeants ne savent pas organiser le bureau des autos, ils n'en sont pas responsables. Cet été, lors d'une visite que j'ai effectuée, je n'ai constaté aucun retard. Je leur ai demandé s'ils avaient des problèmes - je leur ai posé cette question en tant que simple citoyen - et ils m'ont répondu qu'il n'y avait aucun retard, malgré la diminution des effectifs en raison des vacances. Je trouve regrettable de soutenir qu'il n'y a pas de productivité parce que c'est un service de l'Etat.

Sur la question des prix, on soutient que le bureau des autos ne rapporte pas. Alors pourquoi, depuis des années, le Conseil d'Etat n'a-t-il pas adapté les prix, puisque des pertes sont constatées ? Si la facturation n'est pas en rapport avec le service, pourquoi ne l'a-t-on pas adaptée ? J'espère que le Conseil d'Etat va nous répondre sur ce point.

J'en viens à la CGTE de M. Koechlin. J'y travaille depuis suffisamment d'années pour pouvoir vous dire que vous racontez n'importe quoi sur ce problème des transports publics ! Si, actuellement, on doit injecter autant d'argent aux TPG, c'est parce que, durant vingt ans, ce Grand Conseil n'a rien fait sur le problème des transports publics pour rattraper le retard dû à vos erreurs.

Quant à M. Ducret, radical, il est le sommet en tant qu'architecte ! Il nous a tout de même donné une très bonne idée, à savoir qu'il faut absolument prendre des architectes étrangers, parce que ceux de ce Grand Conseil sont vraiment mauvais ! Ce sera une bien meilleure vitrine pour Genève que d'avoir des architectes extérieurs ! Voilà les remarques que je souhaitais formuler au sujet des actes politiques que vous êtes en train de prôner. Vous n'avez aucune remarque valable pour privatiser le SAN.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Je crois que ce débat n'est pas très sérieux... (Nombreuses exclamations. Le député est interrompu.)

Le président. Monsieur Vanek, la suite !

M. Pierre Vanek, rapporteur de la deuxième minorité. Je ne répondrai pas à M. Balestra qui nous a fait une démonstration de méthode Coué. Il a répété à nombreuses reprises que c'était un très bon projet de loi. Tant mieux pour lui s'il en est persuadé ! Il a dit aussi que le personnel avait tout intérêt à quitter la barque de l'Etat, parce qu'à l'Etat ça allait saigner en raison de la gestion du gouvernement en place. On en prend acte.

M. Halpérin ne voulait pas laisser passer nos critiques, prétendument fallacieuses, mais il s'est bien gardé de répondre à nos arguments. Il n'est intervenu que sur la forme. Il nous a adressé un reproche concernant le piratage de ce débat. Je vous assure que le jour où nous voudrons bloquer le débat, cela se fera de manière un peu plus saignante. (Rires.) Pour le moment, ce n'est pas le cas. Je crois que nous faisons preuve, dans ce débat, d'une certaine sérénité. Les arguments que nous entendons en face nous semblent si pauvres que nous sommes confiants dans le choix de la population. M. Halpérin nous a également reproché la trentaine d'heures passée en commission. Il dénombrait les articles du projet de loi. C'est un propos parfaitement infantile ! Si on veut, par exemple, on peut comparer ces trente heures de commission avec les vingt ans de délégation prévus. Cela fait une heure et demie de discussion par année de délégation d'un service public de cette importance ! (Eclats de rire.) Cette comparaison vaut celle sur le nombre d'articles que comprend le projet de loi.

Quant à la question de la pétition, on constate que M. Halpérin n'est pas familier du processus démocratique que constitue la récolte de signatures pour une pétition. Récolter des signatures pour une pétition, qui peut en comporter des dizaines, voire des centaines, fait partie du processus démocratique, comme le fait, pour les auteurs, de discuter avec les gens en leur soumettant la pétition. Même si en droit c'est la même chose, ce n'est pas pareil d'avoir une pétition signée par une seule personne ou par une grande proportion d'un secteur particulier. C'est pourquoi, le fait d'avoir refusé d'entendre l'UPCP est un déni de démocratie. Et c'est très dommage.

M. Halpérin a fait état de l'angélisme de M. Bénédict Fontanet. De nombreuses questions portant sur le déroulement du travail en commission n'ont pas obtenu de réponse. J'ai notamment posé une question sur une lettre du comité de la CIA. J'attends toujours la réponse. Quant au caractère inadmissible de certaines critiques adressées aux hauts fonctionnaires, en l'occurrence le directeur du bureau des autos, je me permets ici de les réitérer. Elles n'ont rien de déraisonnable. Elles sont fondées sur des faits, sur des documents produits par cette personne. On constate un manque de réserve et d'objectivité évident. M. Pally, un haut fonctionnaire, a pris parti dans cette affaire avant que ce Grand Conseil, qui doit déterminer ce que sera la politique de l'Etat - mais ce sont surtout les citoyens qui auront à se prononcer - ne se soit déterminé. Il n'avait pas à le faire. C'est inadmissible ! Nous le répétons ici.

M. Dupraz ou M. Koechlin - je ne sais plus - ont eu des propos sur la faillite dans les pays de l'Est. Si vous souhaitez parler du passé, on pourrait faire un cours d'histoire de l'Union soviétique, par exemple. A ce moment-là, on devrait aussi parler de ce qui se passe dans le monde aujourd'hui, puisque vous êtes prêts à discuter d'événements qui se sont produits à des milliers de kilomètres d'ici, et du bilan effectif du capitalisme tel qu'il existe aujourd'hui. Il se traduit par des guerres, par des famines, par une mortalité infantile insupportable, par toute une série de fléaux. Si vous voulez discuter de votre système social, il n'est pas à l'ordre du jour, mais je pense que sur ce terrain vous n'avez pas de leçons à donner.

M. Claude Lacour (L), rapporteur. Ayant été pris à partie par Mme Calmy-Rey sur une querelle de chiffres, je ne voudrais pas lui donner l'impression que je me retire... (Mme Calmy-Rey pique un fou rire, bientôt suivie par une partie de l'assemblée.) Il est exact que, pour les chiffres cités dans mon rapport - qui, je le rappelle, ne sont pas de moi mais émanent des autorités compétentes en la matière - j'ai essayé de mettre les points qui augmenteraient les recettes de l'Etat et ceux qui les diminueraient en cas de changement de statut. Il est exact, Madame Calmy-Rey, que je n'ai pas pu tout mettre... (L'assemblée s'écroule de rire.) ...et qu'en effet... (L'orateur, surpris, ne peut poursuivre son intervention tant l'auditoire pouffe de rire.) J'ai pas compris ce qui se passe... (Le président fait tinter sa cloche pour tenter de rétablir le calme.) Il est exact que tous les chiffres n'ont pas pu être cités... (Cascade de rires.) ...parce qu'il y en aurait eu trop. Le chiffre que vous avez cité, à savoir que si le service des automobiles arrivait à effectuer plus de contrôles, cela signifierait plus d'émoluments et, par conséquent, plus de rentrées... (Rires grivois.)

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Qu'on en finisse ! Tu rentres ou tu te retires ?

M. Claude Lacour, rapporteur de la majorité. ...Cela est tout à fait exact, mais alors je peux ajouter qu'en contrepartie s'il y a plus de rapports... (Hurlements de rires.) ...s'il y a plus de contrôles... Oh, j'y arriverai ! Plus de contrôles...

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. C'est stop-sida ! (Hilarité.)

M. Claude Lacour, rapporteur de la majorité. ...cela veut aussi dire que la sécurité sera mieux observée et que le travail du service des automobiles sera mieux fait. Enfin, si j'y arrive... (Applaudissements. Le rapporteur s'interrompt tant l'assemblée, déchaînée, s'étouffe de rire.) Ça ira, ça ira ! Je peux encore en mettre... Je peux encore en mettre ! (L'assemblée ne parvient plus à maîtriser ses éclats de rire.) Enfin... Cette fois-ci, j'y vais ! (Les personnes présentes s'esclaffent à chaque parole du rapporteur.) Enfin, l'effet induit, ou l'un des effets induits, du fait qu'il y aura plus de contrôles et par conséquent plus de rentrées... (Rire homérique.) Je peux y aller, oui ? ...plus de bénéfices pour l'entreprise délégataire, générera, bien entendu, des impôts qui reviendront à l'Etat et, par conséquent, il est difficile de prévoir tous les effets positifs et négatifs, mais je pense qu'ils se compensent. (M. Lacour est ovationné.)

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Je ne crois pas que je parviendrai à avoir autant d'humour spontané que M. Lacour ! (L'assemblée continue à se tordre de rire.)

J'ai entendu les interventions de chaque groupe politique de l'Entente et aucun n'a fait de commentaire ou de critique sur notre proposition de création d'établissement autonome. Je dois donc en conclure que vous n'avez pas d'argument. Je peux le comprendre, puisque vous n'avez pas eu le loisir d'étudier cette proposition en commission.

Monsieur Ducret, vous êtes amusant lorsque vous soutenez que nous avons refusé la mise au concours entre régies autonomes et entreprises privées. Je n'ai, quant à moi, aucun souvenir de cette proposition. Ce n'est pas sérieux de dire aujourd'hui que vous seriez éventuellement entrés en matière. (Intervention de M. Fontanet.) Je regrette, Monsieur Fontanet, que vous laissiez entendre qu'une quelconque étude ait pu être entreprise. Vous savez aussi bien que moi que cette étude n'a pas existé, à moins que vous vous référiez au tableau scandaleux que M. Lacour a eu le courage de reproduire dans son rapport.

Comme l'a dit Mme Calmy-Rey, chacun d'entre nous a ressenti les travaux de la commission à sa manière. J'ajoute, pour M. Koechlin, que j'ai précisé qu'il s'agissait des travaux de cette commission-là, alors que d'autres commissions accomplissent un travail constructif en étudiant réellement les projets de lois, en les amendant, en envisageant les variantes possibles. Je ne ferai que ce commentaire sur l'intervention de M. Koechlin, malgré ses propos sur les TPG de 1940. Mes souvenirs ne remontent qu'à la fin des années 50 !

Monsieur Halpérin, je regrette beaucoup votre intervention. Elle dénote du mépris que vous avez pour la minorité de ce parlement. En commission, vous ne nous en aviez pas donné l'impression. Vous trouvez scandaleux que l'attitude du directeur du SAN nous ait semblé inadmissible. Nous continuons à estimer qu'un haut fonctionnaire a un devoir de réserve et qu'en l'occurrence M. Pally n'en a pas fait preuve.

Pour terminer, je reviendrai sur l'établissement autonome et ses avantages. J'ignore, Monsieur Fontanet, comment vous pouvez savoir qu'il ne serait pas rentable. Prouvez-nous également que le SAN privatisé sans la fourrière ne coûtera plus d'argent à l'Etat ! Si vous avez accès à des études fantômes, je me réjouis que vous nous en fassiez profiter en commission. Je demande donc que le renvoi de ce projet en commission soit soumis au vote.

M. Claude Blanc (PDC). Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat, mais je ne peux résister au plaisir de vous faire partager, si possible, la joie que j'ai ressentie à l'écoute de la dernière intervention de mon excellente collègue, Mme Calmy-Rey. Si j'ai bien compris, Mme Calmy-Rey se ralliait à la proposition «écolo» consistant à confier le service des automobiles à un établissement autonome du même type que celui que nous (L'orateur insiste sur ce mot.) avons voté pour l'aéroport. J'ai bien entendu la première personne du pluriel. Un de nous deux, ma chère collègue, doit être amnésique ! Ce n'est pas vous qui l'avez fait. Nous l'avons fait. Pas vous ! Par contre, vous vouliez précisément confier la gestion de l'aéroport à une société anonyme de type capitaliste semblable à celle qui nous occupe aujourd'hui. Ma conclusion est que souvent femme varie, bien fol qui s'y fie ! (L'assemblée s'esclaffe.)

M. Michel Balestra (L). J'ai beaucoup d'amitié pour M. Lyon et je pense qu'il m'a mal compris. C'est pourquoi je reviens sur la partie du texte causant un litige. J'ai dit très précisément : «...assure des investissements nécessaires pour améliorer et la productivité et la qualité des conditions de travail du personnel technique.». Je vais également prendre du temps, comme M. Halpérin en prenait pour vous expliquer les articles de loi sur lesquels vous posiez des questions. Jusqu'à présent, le SAN n'a pas bénéficié de capitaux suffisants pour se moderniser comme il devait le faire pour atteindre les objectifs...

Une voix. La faute à qui ?

M. Michel Balestra. La faute à qui ? Avec la lutte anti-voitures... (Brouhaha intense. Exclamations de protestation.) ...que vous avez mise en place, personne n'osait présenter des budgets importants pour la rénovation du service des automobiles. Pendant ce temps, 180, 200, 220 millions ont été injectés pour le Bachet où vous travaillez, Monsieur Lyon ! 40, 42, 47 millions pour La Jonction, 110 à 115 millions par année pour le fonctionnement des transports publics. Les employés des halles techniques du SAN méritent des investissements qui leur permettent de travailler avec un matériel moderne, dans des lieux salubres, avec un nombre de pistes suffisantes afin qu'ils atteignent enfin leurs objectifs. (Applaudissements.)

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Il est exact que la gauche avait présenté, lors de la discussion sur l'établissement aéroportuaire, un projet de loi de société anonyme d'économie mixte. Cet excellent projet... (Eclats de rire.) Absolument, Mesdames et Messieurs ! ...était très positif du point de vue du contrôle démocratique, des conditions de travail et de l'efficience économique. Il ne prévoyait pas de privatisation de fonctions d'autorité. On ne peut pas en dire autant du projet qui nous est présenté ce soir.

La privatisation du service des automobiles et de la navigation est une démission face au devoir de réformer l'Etat. Ce service pourrait être rentable. Vous le savez, mais vous ne le voulez pas. Vous préférez appliquer votre catéchisme ! Grand bien vous fasse !

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Le discours général des partis de l'Entente et du Conseil d'Etat s'est voulu rassurant - quand il n'était pas ironique - sur l'avenir du personnel du SAN. Pourtant, dès que nous avons demandé quelques garanties légitimes, nos interlocuteurs se sont montrés susceptibles. Pourquoi, par exemple, chercher à lier inutilement l'entreprise délégataire à des principes qu'elle ne voudra pas accepter ?

M. Ramseyer a d'ailleurs confirmé cette résistance en déclarant que les conditions de travail négociées dans le cahier des charges du personnel sont le seul handicap dans la négociation avec l'entreprise repreneuse. Cette opposition démontre plusieurs faits. D'une part, les négociations étaient déjà bien avancées avec une des entreprises susceptibles d'être preneuses du SAN. D'autre part, nos craintes étaient tout à fait légitimes en ce qui concerne l'avenir à plus long terme du personnel du SAN. Deux conditions nous auraient pourtant rassurés. Premièrement, que le transfert du personnel soit soumis aux règles du code des obligations prévoyant que la totalité des acquis soit reprise par la nouvelle partie contractante. Deuxièmement, que le personnel engagé après la décision de privatisation bénéficie des mêmes conditions que le personnel en place. Le seul moyen permettant de donner cette garantie est l'établissement d'une convention collective le spécifiant. Ces deux conditions ont été refusées, signifiant ainsi la volonté, d'une part, de ne pas respecter la totalité des acquis pour le personnel actuel et celui qui sera engagé ultérieurement et, d'autre part, de satisfaire les désirs d'une entreprise susceptible de reprendre le SAN.

Un autre signe indique que nos craintes sont justifiées. Dans l'envoi de dernière minute du journal de projet, le responsable de l'édition, M. Pally, directeur du SAN, a le toupet de faire croire au personnel qu'il est à l'abri de toute déréglementation par l'obligation d'une convention collective. Mais il ne dit pas que celle-ci ne vise pas les modifications ultérieures. Il y a donc fort à parier que nos craintes soient triplement justifiées. Cette pseudo-convention est un miroir aux alouettes : je te plumerai la tête et le bec ! (Rires.)

(Le président et la vice-présidente discutent sans s'apercevoir que l'oratrice a terminé son intervention. Des députés sifflent et crient.)

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Dans ce dossier, Mme Calmy-Rey a coiffé sa casquette de serre-frein, noire comme ses idées, noire comme ses humeurs. Elle s'en prend à M. Pally, faute de pouvoir s'en prendre à M. Ziegler. (Rires sur les bancs de la droite.) Vous avez, Madame, demandé au personnel de venir répéter deux fois ce qu'il vous avait déjà dit. Ce personnel vous a dit la seconde fois la même chose que la première, soit - ô malheur pour vous ! - qu'il ne craignait pas cette délégation, parce qu'il s'agit d'un personnel dynamique, d'un personnel qui en veut ! (Huées dans le public.)

Vous avez parlé, Madame, de la CIA. Sur le fond, je vous rappelle que l'article 10, alinéa 2, des statuts de la CIA prévoit que le Conseil d'Etat est seul compétent pour décider des maintiens d'affiliation du personnel au sein de la CIA, moyennant le respect du taux d'indexation en vigueur au sein de l'Etat. Madame Calmy-Rey, vous avez cru utile de faire citer la CIA une deuxième fois ! M. Pettmann a suivi dix séances de la commission de suivi, il est membre de la CIA, il s'est expliqué. Mais vous avez également fait citer le directeur, sachant pertinemment qu'il n'aurait pas l'autorisation de venir dire autre chose, comme il le souhaitait, que son comité. C'est pour cela que la CIA n'est pas venue une deuxième fois. Je précise qu'un directeur de caisse comme la CIA n'est pas disponible dans les vingt minutes sur un coup de téléphone.

Vous avez demandé que le cartel soit entendu deux fois ! Le cartel va toujours deux fois à la Revue, la première fois c'est pour voir, la seconde c'est pour comprendre. (Applaudissements et rires sur les bancs de la droite. L'orateur est violemment sifflé.) Madame Calmy-Rey, le dialogue a été inexistant durant neuf séances, durant trente heures. C'était 80% de monologue d'une opposition qui traîne les pieds. Je suis navré pour vous. Je ne me laisserai pas embarquer, Madame, comme l'a fait le rapporteur de majorité dans la discussion sur les chiffres. Je rends simplement attentive cette enceinte sur le fait que Mme Calmy-Rey, à la page 17 de son rapport, n'est pas parvenue à démontrer que le gain d'investissement serait inférieur à 19,5 millions, ni que le gain annuel de trésorerie serait inférieur à 2,6 millions. Elle fait une espèce d'aguillage, car il y a aussi un aguillage chez vous, Madame. Vous partez sans aucune prospective. Vous traitez de «Horizon 2000» - c'était le projet initial du SAN - et vous oubliez de préciser, et c'est ça qui est important, que l'intérêt pour l'Etat, c'est la disparition d'un déficit. C'est une redevance constante. Avec de nouveaux investissements, la perte augmenterait de manière linéaire, puisque dès 1995 ce déficit passerait à presque 5 millions.

Le projet n'a pas changé de nature, car, évidemment, Mme Calmy-Rey souhaiterait pouvoir affirmer que le projet est différent de celui initialement déposé. Madame Calmy-Rey, lorsque l'on prend un dossier en décembre et qu'on le lance début janvier au personnel, expliquez-moi comment il serait possible de changer la nature d'un projet qui fait approximativement trois classeurs fédéraux.

Vous parlez de la vétusté des installations. C'est surréaliste ! Pendant huit ans, M. Ziegler, socialiste, a été en charge du bureau des autos. Il a attendu sept ans avant de vouloir changer les choses, et je rends hommage à cette volonté. Mais qu'a-t-il fait les sept années précédentes ? Réponse : rien !

Mais il y a plus ! Pendant douze ans, c'est un conseiller d'Etat socialiste, ici présent, M. Grobet, qui s'est contenté d'acheter un bâtiment qui pourrit sur pied. Il n'y a jamais eu d'investissements. Alors, adresser des reproches au gouvernement, franchement c'est grotesque ! (Brouhaha.)

Dans ce dossier, un élément est inattaquable. Le personnel, changeant de statut, a la garantie d'emploi et de salaire et, de plus, touchera un treizième salaire. Pour 75% du personnel, c'est une augmentation réelle. Ce personnel, comme il le souhaite, reste affilié à la CIA. Il est intéressé aux résultats. Il dispose de la semaine de quarante heures et de cinq semaines de vacances, six semaines pour les apprentis et les personnes âgées. Le congé-maternité est de seize semaines. (Chahut. Nombreuses exclamations.) Et en plus - innovation, scoop absolu ! - les années passées au SAN pourront compter comme années d'ancienneté à l'Etat, si une personne, pour une raison ou une autre, revient à l'Etat. Mesdames et Messieurs de l'opposition, il faut montrer aux chômeurs et aux autres membres de la fonction publique dans quelles conditions «catastrophiques» le personnel du SAN change de régime.

L'établissement autonome demande une explication. Madame Fabienne Bugnon, il est faux de dire qu'il n'a pas été répondu à votre projet. Reconnaissez que vous n'avez pas été en mesure de fournir une explication très valable...

Mme Fabienne Bugnon, rapporteuse de la troisième minorité. Mais c'est à vous de le faire !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. ...parce qu'à l'époque, Madame, vous étiez débordée par vos successions nombreuses, vos successions multiples. (Exclamations de protestation.) A tel point, Madame, que vous me faisiez penser aux Bretons  : ils sont derrière, ils sont devant, ils sont bientôt tout seuls à l'enterrement. Pourquoi n'avons-nous pas admis l'idée d'un établissement autonome qui, en soi, est une bonne idée ? (Le brouhaha perdure.) Premièrement parce que l'établissement autonome n'offre aucune concurrence, deuxièmement parce qu'il n'entraîne aucun avantage fondamental sur le marché des capitaux et, troisièmement, parce que s'il provoque peut-être un contrôle de l'Etat supérieur, nous ne sommes plus partisans du tout à l'Etat.

J'en termine avec la notion des cinq critères de rentabilité énoncés par le député Moutinot. Les cinq éléments avancés sont tous valables et respectables. Il en manque un, dénoncé par M. Balestra, à savoir l'incapacité de certains de comprendre qu'une entreprise privatisée ou une entreprise privatisée par délégation peut offrir une synergie qu'un établissement autonome est incapable de dégager. Un article récent vous rappelait l'importance pour une entreprise délégataire de montrer ses compétences en Suisse. Un établissement autonome est incapable d'utiliser à l'étranger le know-how acquis en Suisse. C'est la raison pour laquelle la notion de l'établissement autonome en elle-même est une notion intéressante, mais elle n'est pas dynamique et ne présente aucune synergie. (Mécontentement de divers groupes.)

Nous sommes ici depuis environ trois heures. Vous avez entendu de nombreux éléments ainsi que les mises au point des uns et des autres. Je vous donnerai tout à l'heure les raisons pour lesquelles ce projet doit être voté tel qu'il vous est présenté. (Applaudissements, sifflets et huées.)

M. Christian Grobet (AdG). Je dois dire, Monsieur Ramseyer, que j'ai été extrêmement étonné de vos propos à l'égard de votre prédécesseur. Politiquement, on peut être d'accord ou non avec M. Ziegler, et je crois que tout le monde lui a reconnu la qualité d'un excellent gestionnaire... (L'Entente manifeste bruyamment.) (La gauche prend la relève.)

Le président. Vous voulez une suspension de séance ? Ou vous vous taisez, ou je suspends la séance ! (Le vacarme continue.)

Le président. La séance est suspendue ! Fermez les micros ! (Le président fait évacuer la tribune par les huissiers.)

La séance est suspendue à 23 h 30.

La séance est reprise à 23 h 45.

Le président. La parole est à M. Andreas Saurer. (L'assemblée proteste vigoureusement et rappelle que M. Grobet n'avait pas fini son intervention au moment où la séance a été levée.) Monsieur Grobet, je note que vous voulez prendre la parole. On recommence avec M. Andreas Saurer.

M. Christian Grobet (AdG). C'est moi qui ai la parole ! J'ai été interrompu lorsque vous avez suspendu la séance et je reprends la parole.

Le président. Monsieur Andreas Saurer !

M. Christian Grobet (AdG). Je prendrai la parole. (Chahut indescriptible.) Depuis hier, vous avez présidé ces débats d'une manière qui n'est pas normale. Et j'entends maintenant que cela cesse ! Je prendrai la parole, que vous le vouliez ou non ! (Par sa manière de parler, le député montre qu'il est manifestement excédé.) (Brouhaha. Cris. Invectives.) (Le micro est subitement coupé. M. Grobet commence son intervention hors micro.) M. Ramseyer, tout à l'heure, a tenu des propos que je me permets de qualifier de tout à fait déplacés à l'égard de son prédécesseur, ... (Le micro est rétabli et M. Grobet peut poursuivre normalement son allocution.) ...M. Bernard Ziegler. On peut partager ou non les opinions d'un adversaire ou d'un ami politique, mais M. Ziegler... (Nombreux commentaires.) Oh, je ne sais pas si M. Ziegler est l'adversaire politique de M. Ramseyer ou son ami, (Rires moqueurs.) puisque je sais que M. Ramseyer semble lui donner encore certains mandats, alors j'en déduis qu'ils doivent tout de même s'entendre. (Exclamations.) Je dis simplement que, quand M. Ziegler est arrivé au département de justice et police, en 1985, il s'est trouvé confronté à trois services posant des problèmes de fonctionnement : l'office des poursuites - quasiment en état de dysfonctionnement - les TPG et le service des autos.

Tout le monde a rendu hommage au courage dont ce magistrat politique a fait preuve en remettant de l'ordre dans ces trois services, et plus particulièrement, Monsieur Ramseyer, dans le service des autos. Vos propos me semblent d'autant plus étonnants que, lors d'une conférence de presse que vous avez tenue au début de l'année, vous avez distribué des documents pour justifier votre projet, dont un particulièrement démagogique que je vous montre ici pour mémoire. (M. Grobet présente un document à l'assemblée.) C'est une photocopie d'article de presse remontant au printemps 1982. (En disant «huitante-deux», M. Grobet provoque diverses réflexions.) Quatre-vingt-deux, si vous préférez, vous excuserez mon origine vaudoise. Oui, je sais, Monsieur Vaudois, pardon, Monsieur Vodoz, (Eclats de rire.) que nous sommes tous les deux vaudois et que vous vous exprimez mieux que moi en français. C'est une qualité que je vous reconnais...

Le président interrompant l'orateur. A moi aussi ou bien ? (Huées.)

M. Christian Grobet. Mais, Monsieur le président, on aura tout le loisir de vous entendre quand vous aurez quitté votre présidence ou de vous lire entre-temps !

Je reviens à ce document que vous avez distribué, ou que vous avez cru devoir distribuer, à la conférence de presse et qui était, je le répète, parfaitement démagogique, puisqu'il s'agissait d'articles disant : «Ras le bol au bureau des autos»; «Il faut attendre partout»; «Les employés craquent au bureau des autos». C'était des articles datant de 1982 et non de 1993. Une telle situation datait de l'époque du prédécesseur de M. Ziegler, et c'est M. Ziegler qui a mis de l'ordre au service des autos, vous le savez parfaitement bien. (Commentaires.)

En ce qui concerne les projets de construction touchant le service des automobiles, je ne vous reprocherai pas, Monsieur Ramseyer, d'être frappé d'amnésie, parce que vous n'étiez peut-être pas au Grand Conseil - je n'ai pas la mémoire assez précise à cet égard - lorsque celui-ci a débattu du crédit d'études, préparé par mon département après de longues études, pour la modernisation des bâtiments du bureau des autos. La majorité politique dont vous faites partie, Monsieur Ramseyer, celle qui siège sur les bancs d'en face, a refusé ce crédit d'études et, par conséquent, la modernisation des bâtiments en cause. Lorsque certains députés, tout à l'heure, ont parlé, je me suis abstenu d'intervenir. Je ne voulais par intervenir, mais vous m'en donnez une bonne occasion maintenant ! Il y avait, effectivement, la volonté de ne pas laisser le bureau des autos disposer du service, de l'instrument de travail dont il avait besoin. C'est juste ! Et, pour cela, ce crédit d'études a été refusé. Par la suite, seuls quelques crédits modestes ont permis de rares modernisations, notamment au moyen de crédits d'entretien des bâtiments.

Mais, dans votre intervention, il me paraît encore plus grave que vous n'ayez pas répondu à de nombreux arguments pertinents auxquels nous espérions une réponse circonstanciée du Conseil d'Etat. A part votre profession de foi, où vous considérez que les établissements autonomes, pour reprendre vos termes, ne seraient pas dynamiques et ne feraient preuve d'aucune synergie - ce qui est un beau compliment pour un certain nombre d'établissements autonomes qui, à Genève, rendent service à la population d'une manière exemplaire ! - vous n'avez finalement eu, au-delà des slogans, que des invectives à l'égard d'un certain nombre de personnes qui, elles, n'ont rien dit à votre sujet. Vous vous en êtes pris d'une manière inadmissible à l'égard de la rapporteuse de la première minorité, mais, pire encore, à l'égard de Mme Fabienne Bugnon, en lui disant qu'elle était incapable de présenter un projet d'établissement autonome.

Je vais aussi vous rafraîchir la mémoire, Monsieur Ramseyer, et celle de vos collègues du Conseil d'Etat. Je rappellerai le projet du Conseil d'Etat de créer un établissement autonome pour la station d'épuration des eaux d'Aïre, projet que j'ai eu l'honneur de défendre au nom du Conseil d'Etat devant ce Grand Conseil et, plus particulièrement, à la commission des travaux. Nous avons entendu les propos condescendants de M. Halpérin, dans le style qu'on lui connaît bien, sur le temps considérable que la commission avait dû consacrer à ce mauvais projet de privatisation du service des automobiles. Je pense que si la commission a consacré beaucoup de temps, c'est que le projet était mal préparé.

Rassurez-vous, Monsieur Halpérin, la commission des travaux a consacré bien davantage de temps au projet de station d'épuration des eaux d'Aïre. Souvenez-vous, les travaux se sont terminés par une motion déposée par les députés de votre majorité, il y a bientôt deux ans, demandant au Conseil d'Etat de présenter les principes qui devraient conduire à la création des établissements autonomes. A peine cette motion a-t-elle été votée qu'elle a, bien entendu, été oubliée lorsqu'il s'agissait de traiter l'établissement autonome de Cointrin afin de ne pas bloquer ce projet. Par contre, cette motion était destinée à bloquer la création d'autres établissements autonomes qui répondaient à une volonté du Conseil d'Etat de l'époque. Aujourd'hui, nous n'avons toujours pas de réponse du Conseil d'Etat à votre motion, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente bourgeoise. Et M. Ramseyer a le culot de soutenir que Mme Bugnon n'est pas capable de présenter un projet d'établissement autonome, alors que c'est vous, le Conseil d'Etat, qui êtes en faute de n'avoir pas répondu à cette motion. Je trouve tout cela lamentable, Monsieur le conseiller d'Etat ! (Bravos. Applaudissements. Chahut sur les bancs libéraux.)

M. Andreas Saurer (Ve). Au sujet des attaques personnelles du conseiller d'Etat Ramseyer à l'égard de Mme Bugnon, j'admets volontiers que le conseiller d'Etat défende son point de vue avec passion. En revanche, votre attitude, Monsieur le conseiller d'Etat, dépasse la dignité de conseiller d'Etat. C'est un dérapage, et je suis extrêmement navré qu'il ait eu lieu dans cette enceinte. (Sifflements, vacarme.) Monsieur le conseiller d'Etat, je n'ai pas à vous dicter votre ligne de conduite en matière politique, mais j'attends de vous des excuses d'une manière ou d'une autre à l'égard de Mme Bugnon. Voilà ma première remarque.

D'autre part, lorsque vous dites que vous n'étiez pas au courant ou que vous n'avez été informé que trop tard, ce n'est pas vrai. Vous savez très bien que le parti écologiste a présenté son projet de manière détaillée déjà à la conférence de presse du 16 février. Vous étiez donc parfaitement informé de la proposition des écologistes. Par la suite, Mme Bugnon, lors du débat d'entrée en matière à la commission, a présenté les amendements concernant la création d'un établissement public autonome. Vous aviez largement le temps d'étudier cette proposition, et de l'étudier sérieusement. Vous avez refusé de le faire, c'est votre droit. Mais, Monsieur Ramseyer, ne nous dites pas que vous n'avez pas eu le temps de le faire ! (Applaudissements.)

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). On nous a reproché d'avoir traîné en commission, d'avoir consacré trente heures à l'étude de ce projet. Plusieurs députés de cette commission avaient demandé, dans le but de rassurer le personnel, quels seraient les conditions et le contrat qui régiraient le futur établissement. Il nous a été répondu que ce n'était pas de notre compétence, que c'était le Conseil d'Etat qui négociait avec le futur dirigeant de cet établissement. Et ce soir, Monsieur Ramseyer, vous osez, pour argumenter votre projet, énoncer tous les avantages de ce statut. Et vous refusiez en commission de donner aux quinze députés, lors d'une séance à huis clos, certains éléments de ce statut et le contrat qui régit le personnel. J'ai le dossier complet, notamment les procès-verbaux où il est noté que l'on refuse à la commission le droit de discuter de ce problème. Je trouve scandaleux, vis-à-vis du public, de soutenir que le personnel va vivre dans un pays magnifique. Je trouve cette attitude déplorable dans le cadre d'un débat si important et de la part d'un conseiller d'Etat qui veut diriger notre République et remettre les choses en ordre. C'est scandaleux, Monsieur le président !

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Dans le prolongement des propos de mon collègue Saurer, je trouve que M. Ramseyer est vraiment sorti de son rôle de conseiller d'Etat. Monsieur Ramseyer, vous êtes là pour défendre votre projet. C'est normal. Vous êtes là pour exprimer votre désaccord avec les rapports de minorité, pour réfuter leurs arguments. Vous n'avez pas à y mêler des éléments privés tels que la couleur des idées de l'une ou les soucis politiques de l'autre. De tels éléments n'ont pas à figurer dans ce débat. A vous entendre, Monsieur le conseiller d'Etat, même si je n'étais pas dans cette commission, je peux m'imaginer dans quel climat ont dû se dérouler les travaux.

J'avais l'impression que l'on avait atteint le sommet avec les propos du «vieux machin macho», comme l'a qualifié Mme Calmy-Rey, mais là je crois que l'on dépasse vraiment ce qui est admissible. Je veux bien que l'on soit confronté à une escalade de langage chez les députés, mais vous n'êtes plus député, Monsieur, vous êtes conseiller d'Etat. Et si les conseillers d'Etat y participent, où allons-nous ? (Des voix : Bravo ! Très bien !) (Applaudissements.)

M. Bernard Lescaze (R). Nous sommes dans un débat long, difficile, tendu, et c'est bien normal, puisqu'il y a, au-delà d'un enjeu technique précis, un enjeu politique. Après trois heures de discussion, alors que je n'ai pas participé aux travaux de la commission - c'est en partie pour cela que je me suis tu - j'aimerais savoir en quoi le fait d'échanger, de part et d'autre, des invectives, des insultes et des injures fait avancer le débat. L'opposition est dans son rôle. Elle traîne les pieds et prend parfois un ton shakespearien. Et l'on voit même se pointer l'ombre du couteau qui a parfois tranché des carrières politiques venir nous faire quelques regrets aujourd'hui. Je veux bien...

Mais je pense que vous êtes simplement dans votre rôle en traînant les pieds. Toutefois, je vous demande de quoi avez-vous peur ? Du vote de ce soir ? Certainement pas, vous en connaissez comme nous le résultat ! S'il s'agit simplement de montrer de l'endurance, je crois pouvoir vous affirmer que la majorité d'aujourd'hui aura l'endurance d'aller jusqu'au bout de ce débat. De quoi alors avez-vous peur, si vous n'avez pas peur du vote de ce soir ? Du peuple auquel vous avez déjà annoncé que vous allez faire recours ? Je ne peux pas le croire ! Et vous savez très bien que pour que le vote ait lieu rapidement, il nous faut, nous, nous prononcer ce soir. Alors nous devons sérieusement examiner dans quelle mesure les amendements proposés et figurant dans les rapports de minorité peuvent ou non être pris en compte.

Je dois dire pour ma part, sans avoir participé aux travaux de la commission, que le rapport de majorité m'a parfaitement éclairé sur certains enjeux, que les rapports de minorité m'ont également éclairé (Une voix: Aahh !) parce que ces rapports sont extrêmement bien faits et intéressants, et, cela ne saurait pas vous surprendre, ils m'ont également convaincu de n'accepter aucun de vos amendements. Je vous demande maintenant de revenir à l'objet de ce débat avec le minimum de sérénité dont nous sommes capables de façon à pouvoir encore trancher aujourd'hui. Vous le savez bien, Mesdames et Messieurs, c'est l'intérêt de tous !

M. Pierre Meyll (AdG). Vingt ans de confrontations versoisiennes avec M. Ramseyer m'ont évidemment appris qu'il faut s'attendre à tout venant de ce nouveau conseiller d'Etat. Et c'est avec un certain déplaisir que je peux reprendre le dialogue interrompu sur notre commune ! Mais il est évident que les propos de M. Ramseyer concernant la synergie développée par la SGS sont en parfaite contradiction avec le discours de Mme Ruth Dreifuss au Caire. Elle recommandait au pays du Nord d'éviter de continuer à piller le Sud. Or que fait la SGS ? Où a-t-elle acquis ses réserves ? Tout simplement au tiers-monde ! Il est entendu que l'Etat ne peut procéder de cette manière. Nous ne pouvons pas accumuler des réserves, puisque nous aidons le tiers-monde. Et je ne vois pas pourquoi les milliards de la SGS serviraient à utiliser la «prise» du SAN pour se faire une bonne publicité de gestion au Sud. Cette synergie-là, non merci, Monsieur Ramseyer !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je répondrai brièvement et calmement sur quatre points. Le premier concerne mon prédécesseur. Monsieur Grobet, j'ai suffisamment rendu hommage à mon prédécesseur. J'ai pris un dossier qui était sa création, et je l'ai mené, c'est vrai, de manière dynamique, au pas de charge, à un rythme inhabituel. (Huées. Sifflets.) Dès que quelque chose avance, d'aucuns se sentent perdus. J'ai tenu dix séances d'une commission du suivi. Je rappelle que les travaux ont été difficiles au début, puis relativement faciles et, enfin, nous nous sommes bien entendus. Je n'ai donc pas de raison d'adresser à M. Ziegler des reproches généraux. Je ne peux toutefois pas laisser entendre à cette assemblée, de manière répétée, que nous sommes responsables d'une quantité de choses, y compris de la période d'attente avant la rénovation du SAN. Vous avez votre part de responsabilité si vous n'êtes pas arrivé à faire passer un projet de loi. Je ne pense pas que j'étais là, Monsieur Grobet. Nous ne sommes pas responsables du temps pris pour rénover le SAN. Par contre, nous sommes fiers du temps pris à mener rapidement ce projet.

Ma deuxième remarque concerne l'établissement autonome. Si Mme Fabienne Bugnon a mal pris mes propos, je m'en excuse auprès d'elle. Nous étions ensemble à Radio Lac et elle m'a parlé de son projet d'établissement autonome. Et j'ai dit à l'antenne que ce projet était intéressant, mais qu'il comportait un certain nombre de vices qui faisaient que nous ne pouvions pas le défendre.

En commission, à différentes reprises, j'ai indiqué à Mme Bugnon et à ceux qui défendaient ce principe que nous refusions l'idée d'un établissement autonome pour plusieurs raisons. La première raison est l'absence de toute concurrence au moment où est créé un établissement autonome. Ce n'est pas le cas d'une entreprise délégataire puisque, actuellement, trois voire cinq entreprises sont candidates et feront des offres. Elles seront en concurrence et nous choisirons, ce qui n'est pas possible avec un établissement autonome. J'ai dit en commission - je viens de le répéter - qu'il n'y a, pour l'établissement autonome, aucune synergie sur le marché de l'exportation. Vous pouvez contrôler ce fait partout où nous avons des établissements autonomes. Seule la personnalité particulièrement remarquable d'un directeur nous permet d'exporter son nom à l'étranger.

Troisièmement, il n'y a aucun avantage fondamental sur le marché de l'investissement pour un établissement autonome. Et, finalement, j'ai précisé - c'est une question de doctrine - que, dans un établissement autonome, le contrôle de l'Etat est plus étendu, alors que, précisément, nous ne sommes pas «fanatiques» d'un Etat s'occupant de tout.

J'ai rappelé à Mme Fabienne Bugnon ces éléments, déjà avancés en commission et à l'antenne de Radio Lac. Nous avons répété certains principes à la commission ad hoc. Je ne comprends donc pas pourquoi on nous dit ce soir que nous n'avons jamais répondu à ce point de vue.

Quant au troisième élément, je ne sais comment le faire comprendre à M. Lyon. Je vais pourtant essayer une dernière fois. M. Lyon réclame le contrat qui, précisément, fait l'objet de la mise en concurrence et donc des candidatures. On peut donc donner les conditions-cadres du contrat, ce que nous avons fait. C'est le fameux cahier des charges. Mais nous ne pouvons pas fournir à M. Lyon le contrat choisi puisque, précisément, un choix doit être effectué. Voilà pourquoi, pour la septième ou huitième fois, je dois rappeler à M. Lyon que je ne peux lui fournir les documents qu'il souhaite.

Ma quatrième remarque a trait au climat de nos débats. C'est un projet d'une limpidité parfaite, et il faudra, dans un instant, remettre l'église au milieu du village. A quoi sert la privatisation du SAN ? Les contribuables de ce canton, nous l'avons dit à plusieurs reprises, ne veulent pas d'impôts nouveaux. Par ailleurs, nous voulons rétablir les finances publiques. Nous essayons de réorganiser l'Etat. Nous cherchons des économies. Cette privatisation en est une, et j'avoue ne pas comprendre que certains syndicats contestent à la fois cette économie et les mesures que nous prenons à l'égard du personnel. Il y a un antagonisme que je ne comprends pas.

J'ai répondu tout à l'heure avec une véhémence qui a pu choquer d'aucuns. Si c'est le cas, je m'en excuse volontiers. Je crois que, dans certains cas, on ne peut pas laisser dire n'importe quoi. Il ne sert à rien de discuter encore trois heures sur les détails. Il y a un projet avec une divergence de doctrine sur un point précis. Mais l'essentiel du projet est d'une simplicité biblique. Alors, si vous pensez que l'on peut rester encore trois heures pour discuter une nouvelle fois du tout, vous pouvez le faire. Quant à moi, je suis patient et résistant. Mais je souhaite que l'on passe au vif du sujet, c'est-à-dire à ce qui importe.

Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce rapport en commission est rejetée.

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le président. Cinq amendements ressortent du rapport de minorité socialiste et huit du rapport de minorité écologiste. Sont également parvenus à la présidence deux amendements émanant de M. Bernard Clerc, au nom de l'Alliance de gauche.

Mme Fabienne Bugnon, rapporteuse de la troisième minorité. Si le premier amendement n'est pas accepté, je retirerai les suivants pour ne pas vous faire faire une leçon de gymnastique.

Article 1

Le président. Nous avons un amendement écologiste qui consiste à libeller le premier alinéa de l'article 1 de la manière suivante :

«Le Conseil d'Etat peut déléguer à un établissement public autonome (ci-après le délégataire) l'ensemble des activités découlant de la législation internationale, fédérale et cantonale et relevant des domaines d'activité du service des automobiles et de la navigation (ci-après le service).»

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. L'amendement me paraît assez clair pour que je n'aie pas besoin de vous l'expliquer. Je n'ai pas l'intention de vous faire un cours sur l'établissement autonome, puisque, semble-t-il, je le fais mieux à la radio qu'au parlement. Simplement, je ne considère pas que les réponses de M. Ramseyer constituent une étude sérieuse, et je maintiens qu'il n'y a pas eu d'étude sérieuse, alors que c'était le rôle du département de l'effectuer. Je vous demande seulement de mettre aux voix cet article 1 demandant la délégation à un établissement public autonome.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. A l'alinéa 3 de l'article 1, un amendement socialiste consiste à rajouter à l'alinéa 3 in fine :

«...Ce contrat est approuvé par le Grand Conseil.»

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Cet amendement, émanant d'une proposition que j'ai faite en commission, figure à la page 67 du rapport. Il s'agit de préciser que les conditions de la délégation ainsi que leurs modalités d'application sont stipulées dans un contrat de droit public avec le délégataire, contrat soumis à l'approbation du Grand Conseil. C'est l'idée reprise par la rapporteuse de minorité socialiste.

Je vous propose donc de voter cet amendement faisant l'objet d'un consensus au sein de la minorité et qui devrait, à l'évidence, faire également l'objet d'un consensus au sein de ce parlement si l'on veut véritablement que les choses se fassent dans la transparence. Les partisans de la privatisation, qui voudraient ne pas soumettre à l'approbation du Grand Conseil le contrat de droit public que l'on signe pour vingt ans avec les délégataires, n'ont manifestement pas confiance dans le projet et savent que, très probablement, le contrat, d'une manière ou d'une autre, est discutable ou douteux. Ils n'ont donc pas le courage de venir devant cette assemblée avec les données concrètes du contrat.

Je ne vois pas comment l'on pourrait refuser de voter cet amendement. Tout à l'heure, j'ai relaté la position de certaines personnes, soit des membres de la SGS, soit des juristes consultés, qui mettaient l'accent sur le fait que seules les conditions très précises et très concrètes du contrat permettraient de juger de l'ensemble de cette affaire. On veut soustraire à l'approbation, ou à la désapprobation, bien sûr, du Grand Conseil ces éléments, comme on a d'ores et déjà soustrait, ainsi que M. Ramseyer le précisait à l'instant, certains éléments du cahier des charges en l'état actuel. On a constaté que l'un des juristes qui a fourni un avis de droit a mentionné qu'il avait eu accès à ce projet de contrat. Quant à la commission dans son ensemble, et en particulier les représentants de la minorité, elle n'y a évidemment pas eu accès. Il y a une volonté d'opacité complète dans cette affaire et on peut en déduire un manque de confiance dans le contrat qui sera conclu, puisque, apparemment, vous n'excluez pas que le Grand Conseil, où vous disposez pourtant de la majorité, puisse se révolter et refuser d'approuver un tel contrat. Cet amendement doit donc être approuvé, et ne pas l'accepter signifie désavouer l'ensemble de ce projet.

Le président. L'amendement de M. Vanek consiste à compléter l'alinéa 3 de la manière suivante :

«Les conditions de la délégation, ainsi que leurs modalités d'application sont stipulées dans un contrat de droit public avec le délégataire qui est soumis à l'approbation du Grand Conseil.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. L'amendement socialiste vise à rajouter à la fin de l'alinéa 3 la phrase suivante :

«...Ce contrat est approuvé par le Grand Conseil.»

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. M. Vanek et moi-même avons présenté le même amendement en commission. Il a été voté deux fois; il a été refusé deux fois. Je ne veux pas me livrer au même exercice en plénière.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté.

Article 2

Le président. Deux amendements socialistes et deux amendements écologistes portent sur cet article. Sont-ils maintenus ?

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. J'ai précisé que, tous les amendements étant liés et découlant du premier, s'il n'était pas voté, je retirais les autres.

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Je maintiens bien évidemment les deux amendements. Je les défendrai en même temps. Il s'agit d'ajouter deux alinéas nouveaux à l'article 2, un alinéa 2 et un alinéa 3.

Ces deux amendements ont un double but. Le premier vise à empêcher la modification des conditions de travail à la baisse. Nous proposons pour cela, à l'alinéa 2, que le transfert des personnes de l'entreprise publique à l'entreprise privée s'effectue selon les règles définies par le code des obligations, règles spécifiant que le nouvel employeur a l'obligation de reprendre les contrats de travail dans leur état, donc avec la totalité et non seulement une partie des acquis.

Le deuxième amendement, formulé à l'alinéa 3, poursuit le but de garantir les conditions et les rapports salariaux actuels, y compris aux personnes engagées après le transfert à l'entreprise délégataire. Le projet de texte actuel ne satisfait pas à cette garantie. Nous voulons en effet que les conditions de travail du personnel en général fassent l'objet d'une convention collective de travail, et non seulement des modifications ultérieures. La proposition du département n'empêche ni le personnel engagé après la délégation d'avoir un statut différent de celui des employés actuels, ni la perte des droits acquis, contrairement à notre amendement. Aussi, je vous demanderai un vote positif sur ces deux amendements.

Le président. Le premier amendement consiste à rajouter un alinéa 2 (nouvelle teneur) à l'article 2 :

«Les rapports de travail des membres du personnel du service en fonction à la date de prise d'effets de la délégation font partie du contrat de délégation avec tous les droits et obligations qui en découlent.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. A la page 67, vous trouverez un amendement que j'ai formulé et qui prévoit la création d'un alinéa 2 à l'article 2, soit :

«L'article 24, alinéa 5 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux s'applique.»

Votre projet de loi, quant à lui, indique que cet article n'est pas applicable. Il n'y a pas de raison que cet alinéa 5 de l'article 24 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux ne s'applique pas. En cas de suppression de fonction pour un fonctionnaire, cet article prévoit certaines mesures en matière d'indemnisation pour les employés ayant passé un certain temps au service de l'Etat et qui voient leur fonction supprimée. Ce problème a été évoqué hier dans le cadre de la clinique de Montana. M. Segond a précisé que cet article s'appliquait dans ce cas, en l'absence de faute grave. Cette préoccupation est également celle du personnel du SAN que nous avons entendu deux fois, même si les employés du SAN ne seront plus fonctionnaires. Il est évident que cet article doit également s'appliquer dans ce cas.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Le troisième amendement socialiste consiste à rajouter un alinéa 3 à l'article 2 :

«Une convention collective de travail est conclue entre les organisations syndicales représentatives du personnel et l'entreprise délégataire. Les articles de la convention collective de travail portant notamment sur la politique salariale, la protection sociale, la durée du travail, la formation et le perfectionnement professionnel, la protection contre les licenciements sont au moins conformes au statut actuel du personnel du service.

Dans la période séparant la prise de contrôle de l'entreprise délégataire et la conclusion de la convention collective de travail, le statut et les accords de la fonction publique demeurent applicables dans toutes leurs clauses.»

Le président. Je mets aux voix cet amendement.

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Mais, Monsieur le président, je peux dire un mot tout de même ? En principe on doit pouvoir défendre ses amendements. Ah ! Vous faites voter l'alinéa 3 ?

Le président. Vous avez commenté les deux en une fois.

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Oui, excusez-moi, Monsieur le président ! Je croyais que vous en étiez à l'alinéa 5.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Un quatrième amendement socialiste consiste à ajouter à l'article 2 un alinéa 5 (nouveau) :

«Les membres du personnel sont affiliés à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA).»

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Je voudrais vous dire à quel point il est difficile de défendre des amendements dans cette atmosphère. En commission, nous avons subi le discours consistant à nous dire qu'il ne servait à rien de continuer à argumenter, que les jeux étaient faits, que nos propositions ne serviraient à rien et qu'il fallait aller vite. Nous estimons, quant à nous, qu'il est essentiel de faire notre travail de député correctement. Nous espérons, peut-être à tort, sûrement à tort, pouvoir vous convaincre. C'est la raison pour laquelle je défendrai encore les deux amendements suivants, très rapidement, je vous le promets, eu égard à l'heure tardive.

L'amendement ajoutant un alinéa 5 à l'article 2 concerne la CIA. L'actuel alinéa 3 de l'article 2 prévoit un double régime. Les employés du service en fonction à la date de prise d'effets de la délégation restent affiliés à la CIA. Le personnel nouveau, engagé par le SAN en tant qu'entité privée, rejoint le plan de retraite prévu dans le cadre de l'entreprise privée. Ce régime dual est défavorable à la CIA, car, en effet, les départs individuels de la caisse au fur et à mesure des renouvellements de personnel - c'est-à-dire les diminutions d'effectifs cotisant - jouent un rôle négatif quant à son équilibre financier. M. Pettmann, chef du service de coordination des caisses de prévoyance cantonales, a exprimé devant la commission l'avis qu'un article de loi décrétant que l'ensemble du personnel du SAN resterait à la CIA est tout à fait possible et plus approprié que la formulation actuelle de l'article 2, alinéa 3. Je vous propose donc de bien vouloir accepter l'amendement concernant la CIA.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 3.

Article 4

M. John Dupraz (R). Je n'ai aucun amendement à proposer. Par contre, je souhaiterais un éclaircissement de la part du Conseil d'Etat au sujet de l'alinéa 4 prévoyant que :

«Le délégataire ne peut exercer d'autres activités impliquant un conflit d'intérêt avec l'objet de la délégation.»

Je ne suis pas juriste et, pour moi, ce texte est du charabia. Le délégataire peut-il ou pourrait-il exercer une activité de garagiste pour préparer les voitures pour passer les visites techniques ?

Le président. Un amendement de M. Bernard Clerc consiste à compléter l'alinéa 4, de l'article 4 de la manière suivante :

«...Il doit notamment n'exercer aucune activité de production ou de service, en Suisse ou à l'étranger, dans les domaines de l'automobile, des transports routiers et des assurances liées aux transports routiers et à l'automobile.»

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. L'amendement proposé par M. Clerc réduit quasiment à néant l'activité normale d'une entreprise délégataire. (Protestations. Nombreuses dénégations.) Je vous propose donc de le rejeter.

La question de M. Dupraz nécessite un éclaircissement. Une entreprise de contrôle s'interdit d'appartenir au processus commercial de contrôle. C'est ainsi que, actuellement, les entreprises de contrôle qui sont candidates refusent absolument d'être mêlées au processus commercial, que ce soit dans le domaine des médicaments ou des cargaisons. Pour répondre à M. Dupraz, en rédigeant l'alinéa 4 de l'article 4 comme nous l'avons fait, il est bien évident qu'il est impensable qu'une entreprise délégataire puisse, d'une part, avoir un garage préparant les voitures pour la visite et, d'autre part, faire passer la visite. Je propose de voter la loi telle qu'elle est écrite.

M. Bernard Clerc (AdG). Je souhaitais défendre mon amendement, mais M. Ramseyer a pris les devants. Ses explications renforcent ma conviction qu'il faut intégrer cet amendement. Visiblement, il y a la possibilité d'un conflit d'intérêts. Votre libellé est beaucoup trop général et, effectivement, nous nous trouvons dans un secteur économique extrêmement précis qui concerne l'automobile, les transports routiers et les assurances. Par conséquent, il faut instaurer une limitation, car, dans le cas contraire, vous risquez des conflits d'intérêts. Il serait sain d'ajouter un tel amendement afin d'éviter un conflit d'intérêts ou une suspicion de conflit d'intérêts vis-à-vis de l'entreprise à qui sera accordée la délégation. En acceptant cet amendement, vous serez tout à fait cohérents avec les éléments développés dans votre rapport de majorité.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 4 est adopté, de même que l'article 5.

Article 6

M. Bernard Clerc (AdG). Nous sommes dans la logique d'une privatisation. Une entreprise privée, par définition, prend des risques et est face à la réalité du marché, dans toute son acceptation. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi, dans un marché captif tel que celui-là, nous ferions en plus une fleur à cette entreprise, c'est-à-dire en gardant à la charge du secteur public ce qui ne rapporte pas, en l'occurrence la fourrière. Je vous prie donc de bien vouloir supprimer l'alinéa 2 de l'article 6 qui prévoit :

«La couverture financière des activités de la fourrière demeure à charge de l'Etat.»

Vous allez pouvoir ainsi largement contribuer à la réduction du déficit de l'Etat. (Rires narquois.)

Le président. L'amendement consiste donc à supprimer l'alinéa 2 de l'article 6.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 6 est adopté.

Article 7

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. L'amendement concernant l'article 7 est dicté par le souci que le parlement puisse exercer son droit de contrôle sur la façon dont cette délégation de tâche est assumée. D'après le projet qui nous est soumis, ce contrôle est exercé uniquement par le Conseil d'Etat. Le Grand Conseil perdrait la compétence qu'il a actuellement d'examiner les budgets et les comptes du service des automobiles. La privatisation ne doit pas diminuer la sphère publique, là où se débattent les idées, là où se font les arbitrages. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir accepter cet amendement qui prévoit un alinéa 5 (nouveau), ainsi formulé :

«L'exécution des tâches de l'entreprise délégataire fait l'objet d'un contrôle annuel par un organisme extérieur à l'entreprise. Son rapport est transmis au Grand Conseil dans le cadre des comptes rendus annuels.».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, les articles 7 à 12 sont adoptés.

Mis aux voix, l'article 13 (souligné) est adopté.

Le projet est adopté en deuxième débat.

Troisième débat

M. Bernard Clerc (AdG). Nous demandons l'appel nominal. (Appuyé.) Je tiens à dire, au nom de l'Alliance de gauche, que nous considérons ce projet, vous l'aurez compris, comme mauvais pour la simple et bonne raison qu'il est essentiellement marqué d'une volonté idéologique. Il n'a pas été examiné avec tout le sérieux qu'aurait nécessité un tel projet, notamment sous la forme d'un établissement de droit public.

Le refus des derniers amendements que nous avons proposés nous amène, malheureusement, à craindre certains conflits d'intérêts avec le délégataire pressenti qui, d'ailleurs, est quasiment connu de tous. Quant à votre volonté affirmée d'économies au moyen de ce projet de loi, vous avez démontré que ce ne serait pas le cas, puisque vous avez même refusé de mettre à la charge de l'entreprise délégataire le coût de la fourrière.

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent le projet de loi répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble, par 45 oui contre 40 non.

Ont voté oui (45) :

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Dominique Belli (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Anne Chevalley (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Henri Gougler (L)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Françoise Saudan (R)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Nicolas Von der Weid (L)

Michèle Wavre (R)

Ont voté non (40) :

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Jacques Boesch (AG)

Anne Briol (E)

Fabienne Bugnon (E)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (E)

Sylvie Hottelier (AG)

Liliane Johner (AG)

Sylvia Leuenberger (E)

René Longet (S)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Liliane Maury Pasquier (S)

Pierre Meyll (AG)

Laurent Moutinot (S)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Andreas Saurer (E)

Christine Sayegh (S)

Max Schneider (E)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre Vanek (AG)

Olivier Vaucher (L)

Etaient excusés à la séance (10) :

Bernard Annen (L)

Roger Beer (R)

Hervé Dessimoz (R)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Catherine Fatio (L)

Nelly Guichard (DC)

Jean Montessuit (DC)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Philippe Schaller (DC)

Micheline Spoerri (L)

Etaient absents au moment du vote (4) :

Jean-Claude Genecand (DC)

Chaïm Nissim (E)

Danielle Oppliger (AG)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Présidence :

  M. Hervé Burdet, président.

La loi est ainsi conçue :

PL 7070

LOI

autorisant la délégation à un organisme privé des tâches du servicedes automobiles et de la navigation(B 4 0,5)

LE GRAND CONSEIL,

- vu l'article 106 de la loi fédérale sur la circulation routière, du 19 décembre 1958;

- vu l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière, du 27 octobre 1976;

- vu les articles 101, 118, 119 et 122 de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847,

Décrète ce qui suit:

Article 1

Délégation

1 Le Conseil d'Etat peut déléguer à un organisme privé (ci-après le délégataire) l'ensemble des activités découlant de la législation internationale, fédérale et cantonale et relevant des domaines d'activité du service des automobiles et de la navigation (ci-après le service).

2 La délégation confère le droit et le devoir exclusifs d'exercer ces activités sur l'ensemble du territoire du canton.

3 Les conditions de la délégation ainsi que leurs modalités d'application sont stipulées dans un contrat de droit public avec le délégataire. Toute modification des conditions relatives au personnel ne peut intervenir que par l'intermédiaire d'une convention collective de travail.

Art. 2

Conditions de reprise

1 Le délégataire doit reprendre l'ensemble du personnel du service en fonction à la date d'effet de la délégation.

2 L'article 24, alinéa 5 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux n'est pas applicable.

3 Les membres du personnel du service en fonction à la date de prise d'effet de la délégation restent affiliés à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA).

4 L'Etat met à disposition du délégataire, moyennant redevance, le patrimoine immobilier et mobilier utilisé par le service.

Art. 3

Délégataire

1 Le délégataire doit être un organisme de droit privé constitué selon les règles du droit suisse et ayant son siège à Genève.

2 Il doit veiller à ce que les membres de son personnel respectent les intérêts du déléguant. En particulier, ils ne doivent solliciter ou accepter pour eux-mêmes ou pour autrui des dons ou d'autres avantages en raison de leur situation officielle déléguée. De même, ils sont tenus, même après la cessation des rapports de travail, de garder le secret envers quiconque sur les affaires dont ils ont eu connaissance.

Art. 4

Attribution

1 Le délégataire a en charge l'exécution, en son nom et pour le compte de l'Etat, des activités énoncées à l'article 1.

2 Le délégataire est investi du pouvoir de décision au sens de l'article 5, lettre g, de la loi sur la procédure administrative, est réputé autorité administrative selon la teneur de son article 1 et acquiert le droit et le devoir d'exercer les charges et les compétences, objet de la délégation, pour le compte de l'Etat, afin d'assurer la continuité du service public.

3 Seules les personnes désignées par le département de justice et police et des transports peuvent décider du retrait ou du refus d'un permis d'élève conducteur ou de conduire ou de toute autre mesure administrative finale prévue par la loi fédérale sur la circulation routière ou ses ordonnances d'exécution à l'encontre d'un candidat au permis ou d'un conducteur.

4 Le délégataire ne peut exercer d'autres activités impliquant un conflit d'intérêt avec l'objet de la délégation.

Art. 5

Exercice de la délégation

1 Le délégataire se conforme aux principes et règles du droit public dans ses rapports avec les citoyens.

2 Il doit appliquer le droit international, fédéral et cantonal, ainsi que les instructions données par le Conseil d'Etat et le département de justice et police et des transports.

3 Les décisions prises par le délégataire dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif, sous réserve de celles devant être déférées au Département fédéral de justice et police ou à d'autres instances fédérales ou cantonales.

Art. 6

Financement

1 Le délégataire assume les dépenses de fonctionnement et les investissements nécessaires. Il perçoit les recettes correspondant à la contrepartie des prestations fournies.

2 La couverture financière des activités de la fourrière demeure à charge de l'Etat.

3 Le prix des prestations est fixé par tarif et actualisé par le Conseil d'Etat, en tenant notamment compte du maintien de l'équilibre financier du délégataire, des capacités de maîtrise des coûts et des possibilités de rationalisation.

4 Le prix maximum au consommateur pour les prestations déléguées ne peut toutefois excéder les montants actuels, variations de l'inflation réservées, sauf modification des exigences ou des conditions de délivrance des prestations.

Art. 7

Surveillance

1 Le délégataire est placé sous la surveillance du Conseil d'Etat.

2 Celui-ci doit contrôler que la tâche d'intérêt public est exercée effectivement et efficacement dans le respect des garanties dont jouissent les administrés.

3 Le délégataire doit notamment fournir au Conseil d'Etat toutes les informations requises en relation avec l'activité déléguée.

4 La commission de contrôle de l'informatique de l'Etat exerce la surveillance sur les fichiers informatisés relatifs à la délégation, tenus par le délégataire.

Art. 8

Responsabi-lités

1 Le délégataire répond personnellement et exclusivement de ses dettes et engagements.

2 Dans l'exécution des tâches déléguées, il assume vis-à-vis des tiers la responsabilité de l'Etat et vis-à-vis de celui-ci celle découlant de la délégation.

Art. 9

Soumission à d'autres lois

Le délégataire est soumis de plein droit aux lois sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, et sur les informations traitées automatiquement par ordinateur, du 17 décembre 1981.

Art. 10

Durée et fin de délégation

1 Sous réserve des clauses de dénonciation contractuelles, la délégation est accordée pour une durée déterminée, n'excédant pas 20 ans.

2 A l'échéance, une nouvelle adjudication de délégation doit être mis en soumission publique, conformément à l'article 11.

Art. 11

Soumission et adjudication

1 La délégation fait l'objet d'une adjudication suite à soumission publique.

2 L'avis d'ouverture d'une inscription a lieu par publication dans la Feuille d'avis officielle.

3 L'adjudication s'opère parmi les soumissionnaires qui remplissent les conditions fixées dans le cahier des charges établi par le Conseil d'Etat, en tenant compte en premier lieu des garanties d'efficacité, de solvabilité, d'indépendance et de correction en affaires.

Art. 12

Exécution de la loi

1 Le Conseil d'Etat arrête les dispositions d'exécution de la présente loi.

2 Le Conseil d'Etat fixe par règlement les conditions et modalités particulières du transfert des activités et tâches, de la reprise du personnel, de la mise à disposition du patrimoine immobilier et mobilier, de l'exercice de la surveillance sur le délégataire et de la fixation et actualisation des prix des prestations.

Art. 13

Modification à d'autres lois

 (B 5 7)

1 La loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973, est modifiée comme suit:

Art. 17, al. 2 (nouvelle teneur)

2 S'il n'y a pas d'interruption entre les deux emplois, les années passées au service de la Confédération, d'une fondation, d'un établissement de droit public ou d'un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques, d'un département de l'administration cantonale genevoise ou d'une commune genevoise, des Services industriels de Genève ou des Transports publics genevois, sont prises en considération.

  (B 7 1)

2 La loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes, du 24 février 1989, est modifiée comme suit:

Art. 7 (nouvelle teneur)

Organismes délégataires, corporations et établissements de droit public

Les dispositions de la présente loi sont applicables aux organismes privés au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques ainsi qu'aux corporations et établissements de droit public dotés de la personnalité.

 (D 3 1)

3 La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1897, est modifiée comme suit:

Art. 414 (nouveau)

Perception

L'impôt sur les véhicules à moteur et sur leurs remorques est fixé et perçu par le département de justice et police et des transports. Cette compétence peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.

Art. 424, al. 1 (nouvelle teneur)

Dégrèvement

1 Dès que les plaques de contrôle sont déposées en mains de l'autorité compétente ou de son délégataire, l'impôt cesse d'être dû et le montant correspondant à la période non courue est restituée au détenteur.

Art. 429 (nouvelle teneur)

Non-paiement d'impôt

Le retrait du permis de circulation et des plaques de contrôle est ordonné lorsqu'à son échéance l'impôt n'a pas été payé. Au besoin, la police saisit les permis et plaques sans préjudice des sanctions pénales prévues par la loi.

Art. 433, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Lorsque le permis de navigation n'est pas restitué avant cette date à l'autorité ou à son délégataire, l'impôt est dû pour l'année entière.

Art. 433 B (nouveau)

Perception

L'impôt sur les bateaux est fixé et perçu par le département de justice et police et des transports. Cette compétence peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.

Art. 436 (nouvelle teneur)

Non-paiement de l'impôt

Le retrait du permis de navigation est ordonné lorsqu'à son échéance l'impôt n'a pas été payé. Au besoin la police saisit le permis sans préjudice des sanctions prévues par la loi.

Art. 437 A, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le Conseil d'Etat édicte les prescriptions nécessaires à l'exécution du présent titre. Il fixe le tarif des émoluments perçus par le département de justice et police et des transports ou son délégataire pour les opérations nécessités par le contrôle des bateaux et celui de la navigation.

  (E 3, 5 1)

4 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:

Art. 8, al. 1, 6° bis (nouveau)

6° bis décisions du délégataire en application de la loi autorisant la délégation à un organisme privé des tâches du service des automobiles et de la navigation (B 4 0,5, art. 5, al. 3);

Art. 8, al. 1, 42° et 44° (nouvelle teneur)

42° décisions du département de justice et police et des transports ou de l'organisme délégataire prises en application du chapitre III de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière (H 1 0,5, art. 18);

44° décisions refusant ou retirant un permis de conduire ou de navigation du département de justice et police et des transports ou d'un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques (H 2 1, art. 23, al. 1 et art. 51, lettre a);

 (F 1 13)

5 La loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance de certificats de bonne vie et moeurs, du 29 septembre 1977, est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 1, lettre d (abrogée)

  (H 1 0,5)

6 La loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit:

Art. 9, 2e phrase (nouvelle)

Cette compétence peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.

Art. 18 (nouvelle teneur)

Au Tribunal administratif

Les décisions du département de justice et police et des transports ou d'un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques prises en application du chapitre 3 de la présente loi peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif sous réserve de celles devant être déférées au Département fédéral de justice et police.

 (H 2 1)

7 La loi sur la navigation dans les eaux genevoises, du 26 novembre 1987, est modifiée comme suit:

CHAPITRE V

Section 3 (nouvelle)Art. 26 A (nouveau)

Délégation

La compétence pour l'exécution des activités des articles 21 à 27 peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.

P 1040-A

Le président. Le vote sur la pétition 1040-A est renvoyé à une prochaine séance.