République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 septembre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 9e session - 30e séance -autres séances de la session
No 30
Vendredi 16 septembre 1994,
après-midi
Présidence :
M. Hervé Burdet,président
La séance est ouverte à 14 h 30.
Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Philippe Joye et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM.Bernard Annen, Roger Beer, Claire Chalut, Hervé Dessimoz, Catherine Fatio, Pierre Meyll, Jean Montessuit, Jean-Pierre Rigotti, Micheline Spoerri et Nicolas Von der Weid, députés.
3. Correspondance.
Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Cette lettre sera transmise à la commission de l'économie.
Il en est pris acte.
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Le président. Nous avons reçu la proposition de motion suivante :
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :
Cosignataires : David Hiler, Andreas Saurer, Anne Briol, Max Schneider, Fabienne Bugnon.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Mme Fabienne Bugnon(Ve). Je retire la question écrite No 3493 (l'OTC sponsorise-t-il la Migros ?) à laquelle j'ai obtenu réponse.
Est-ce possible de procéder ainsi ?
Le président. Je n'ai pas entendu le début de votre intervention, le micro n'était pas branché.
Mme Fabienne Bugnon. Monsieur le président, j'aimerais retirer la question écrite 3493, à laquelle j'ai obtenu une réponse.
Le président. Merci beaucoup, Madame ! Il en est pris acte.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 30 juin 1993, une convention a été signée entre l'Association genevoise des institutions avec encadrement médico-social (AGIEM) et la Fédération genevoise des caisses maladie pour régler l'octroi des prestations médico-pharmaceutiques. Les établissements non membres de l'AGIEM ont pu adhérer individuellement à cette convention. Celle-ci prévoit que les caisses maladie remboursent 9 F par jour pour les soins non infirmiers aux malades chroniques. De plus, les soins infirmiers sont remboursés à l'acte sur la base de relevés mensuels et individuels de prestations. Ces relevés ont donc été introduits dans les établissements membres de l'AGIEM, ainsi que dans ceux qui ont adhéré à la convention.
Ces relevés entraînent un coût administratif important pour les éta-blissements dont une partie du temps de travail des infirmiers et infirmières est consacrée à cette tâche au détriment de la présence auprès des personnes âgées. Ainsi, un établissement de 70 lits a calculé que l'ensemble du per-sonnel infirmier consacre 46 heures par mois à ces relevés, auxquelles il faut ajouter 2 heures de travail de l'infirmière-cheffe et 7 heures de comptabilité et de secrétariat. La vérification de ces relevés dans les caisses maladie doit également entraîner des frais non négligeables.
Dans ces conditions il paraît judicieux d'introduire également un forfait pour le remboursement des prestations pour les soins infirmiers, par analogie avec le forfait hospitalier. Le nombre important de relevés effectués depuis plus d'un an et demi dans les pensions membres de l'AGIEM permet aujourd'hui de déterminer valablement le montant d'un forfait relatif aux prestations infirmières. Un tel forfait est dans l'intérêt de tous: des pensionnaires des établissements qui verront une présence accrue du personnel infirmier auprès d'eux plutôt qu'à remplir des formulaires, des établissements et des caisses maladie qui verront leurs frais administratifs allégés. Cela contribuera à la lutte contre l'augmentation des coûts de la santé sans attenter aux soins et aux prestations.
C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter cette motion.
Débat
Mme Danielle Oppliger (AdG). La facturation à l'acte infirmier a été introduite le 1er janvier 1994 et s'est rapidement révélée catastrophique. Les infirmiers les plus qualifiés étant les plus sollicités, le partage de leur temps ne s'est rapidement plus fait entre les patients, mais entre les patients et le bureau.
La proposition que je vous ai soumise vise à l'établissement d'un forfait pour les soins infirmiers en fonction du nombre de jours, comme c'était le cas avant le 1er janvier 1994. Elle s'étend bien à tous les EMS. Dans ces établissements, un gaspillage du temps des infirmiers et infirmières doit être épargné, leur place étant de préférence au chevet des patients et non derrière un bureau, particulièrement au moment où la réduction du personnel est par ailleurs à l'ordre du jour.
Le forfait pour les soins infirmiers doit remplacer le remboursement à l'acte, ce dernier système nécessitant un va-et-vient improductif entre la chambre et le bureau qui occasionne un travail considérable pour les caisses maladie. La facturation au forfait a lieu une fois par mois pour chaque patient en une ligne.
Je vous demande donc de bien vouloir renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Je souscris au projet de cette motion et à son renvoi au Conseil d'Etat.
En effet, la question du forfait horaire dans les pensions pour personnes âgées - de la même façon que dans le secteur de l'aide à domicile - se pose depuis longtemps. Les négociations avec la Fédération des caisses maladie ont cours sans aboutir pour le moment ni dans l'un ni dans l'autre de ces domaines. Il est indispensable de regarder les choses de façon globale et de se rapporter, par exemple, au célèbre rapport que nous avons cité plusieurs fois hier, dont nous ne connaissons que le résumé. J'utiliserai ce rapport, car pour moi une idée devient juste de deux manières : soit parce qu'elle est répétée beaucoup de fois et qu'elle entre dans les moeurs, soit parce qu'elle est dite par un expert.
Je vous citerai donc le résumé de M. Gilliand, «Système de santé du canton de Genève» : «Un transfert de journée de l'hospitalier vers le médico-social s'est effectué dans le canton de Genève. Même mal maîtrisé ce transfert va dans un sens positif, mais ce processus doit devenir volontaire et nécessite des restructurations des modes de financement. Ce sont surtout des malades qui sont placés dans ces institutions.».
Au chapitre des modalités de financement, l'auteur indique que : «Le financement étatique par couverture des déficits doit impérativement changer.». Il dit :
«1) que des évaluations de la charge de soins, en fonction du degré de dépendance des pensionnaires, doivent être conduites en collaboration avec les établissements et la Fédération des caisses maladie;
2) qu'une seule association faîtière - actuellement, il y en a trois - doit être reconnue et doit passer une convention avec l'Etat et la Fédération genevoise des caisses maladie.».
En effet, comme il est inscrit dans la proposition de motion, la facturation par convention avec les caisses maladie ne concerne que certaines pensions pour personnes âgées.
Ce traitement est injuste, il devrait être homogénéisé pour le canton, mais la proposition de motion est déjà un premier pas dans l'acquisition du forfait horaire, et c'est une bonne initiative.
M. Pierre Marti (PDC). Cette proposition de motion peut, dans un premier temps, être tout à fait acceptable, parce qu'il y a un certain nombre de simplifications qui peuvent être apportées dans la facturation et au temps donné par les infirmières.
Cependant, j'ai reçu quelques téléphones de directeurs de maisons pour personnes âgées - hier encore le président actuel de l'AGIEMS m'a appelé - pour me faire part de leurs réflexions et de leurs questions. Pour tous les actes effectués par les infirmières, nous sommes obligés d'avoir un suivi médical et l'infirmière doit faire un relevé de ses actes, de façon que chaque infirmière puisse faire le passage à l'infirmière suivante qui pourra travailler auprès de ces personnes âgées et surtout pour coordonner le travail plus attentivement avec les médecins traitants. Donc, il y a déjà tout un protocole qui doit être suivi par les infirmières qui est indispensable pour la santé des patients.
D'autre part, certains directeurs craignent quelque peu une banalisation et une déresponsabilisation des personnes concernées.
En troisième lieu, du fait que le relevé des actes est quasiment obligatoire, le travail administratif est assez aisé grâce à l'utilisation par la majorité des établissements d'un modèle de facturation par ordinateur.
Quatrièmement, il semble que les forfaits sont difficilement contrôlables et engendrent, malheureusement, souvent une augmentation des coûts globaux.
Cinquièmement, il est donc plus normal qu'une individualisation des prises en charge et un meilleur contrôle se fassent dans le but de clarifier les prix.
Dernier point. Il faut savoir que la convention entre l'AGIEMS - et non pas l'AGIEM, n'est-ce pas, comme cela est noté dans l'exposé des motifs; il s'agit ici d'établissements médico-sociaux - et la Fédération des caisses maladie a été prorogée le 30 juin dernier pour une étude plus approfondie entre les divers systèmes de facturation, mais, à fin 1995 également, la modification de la loi sur les assurances sera en vigueur.
Faut-il donc, dès maintenant, changer à nouveau le type de facturation ? Je ne le pense pas ! Par contre, le groupe DC ne s'oppose pas au renvoi de cette motion en commission où l'AGIEMS, en fin de compte - qui semble ne pas avoir été contactée par les motionnaires, bien qu'elle soit la première concernée - pourra s'exprimer largement. La commission pourra étudier de façon approfondie - je l'espère - la globalité des prestations des maisons de personnes âgées et leurs divers modes de financement et de subventionnement.
Le président. Monsieur Unger, vous avez la parole !
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Vous me confondez avec M. Unger ? (Rires.)
Je souhaiterais revenir sur les propos de M. Marti. Je ne m'oppose pas du tout au renvoi de cette motion en commission; c'est un sujet fort intéressant.
Cependant, je dois revenir sur les affirmations de M. Marti qui prétend que le travail des infirmières dans les pensions pour personnes âgées est un travail délégué sur ordre médical. Le travail des infirmières se dissocie en deux parties : un travail délégué sur ordre médical et un travail autonome. Du déplacement de l'hôpital universitaire à la pension pour personnes âgées, la proportion du travail autonome augmente. Il existe des études - vaudoises, il est vrai, mais probablement assez valables pour le canton de Genève aussi - qui estiment que, dans les pensions pour personnes âgées, le travail autonome des infirmières - c'est-à-dire le travail non prescrit par des ordres médicaux - représente 95% de leur activité. Il est donc faux de dire que l'activité infirmière dans les pensions pour personnes âgées est connue, parce qu'elle obéit à des ordres médicaux.
Quant à l'augmentation des coûts impliqués par la demande d'un forfait pour des gens qui se trouvent dans les pensions pour personnes âgées - personnes qui sont de plus en plus âgées, de plus en plus malades et de plus en plus dépendantes - 9 F constitueraient, dans le meilleur des cas, la part forfaitaire payée pour une heure trente de travail minimum. Pour une personne dépendante, le travail d'assistance aux activités journalières telles que manger, bouger, se lever, se laver, correspond au minimum à une heure trente. 9 F pour une heure trente ne me paraît vraiment pas correspondre à une explosion de coûts !
M. Dominique Hausser (S). Nous ne nous opposerons évidemment pas au renvoi en commission de cette motion.
J'aimerais simplement préciser deux aspects qui ont été soulevés par M. Marti. Relever des actes pour un dossier médical n'est pas exactement la même chose que relever des actes pour un dossier administratif ou de facturation. Les explications médicales et leur utilité impliquent d'autres types de formulation et d'information que celles de savoir si oui ou non cela va coûter tel ou tel prix.
Deuxième point - Mme Maulini-Dreyfus en a relevé certains aspects - la difficulté de contrôler les actes effectués dans des pensions pour personnes âgées n'est pas si ardue que cela, puisque la plupart des actes sont effectués de toute façon quel que soit le mode de facturation. Il est possible que certains actes exceptionnels soient suivis et contrôlés, mais ce n'est pas le cas pour la majorité des actes médicaux ou pour les soins effectués dans ces établissements.
Troisième point. A mon avis, la mobilisation du personnel n'est pas liée aux coûts des actes. La motivation première du personnel dans un tel établissement est d'abord le bien-être de la clientèle. Nous en débattrons plus largement en commission.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je vais m'exprimer brièvement au sujet de cette motion.
Les personnes qui sont intervenues avant moi ont beaucoup insisté sur l'aspect du travail des infirmières et du temps passé à effectuer du travail administratif. Cette motion, à mon avis, pose également un autre problème - peut-être le plus intéressant - c'est celui des maisons pour personnes âgées dans lesquelles la situation actuelle n'est absolument pas satisfaisante.
L'Etat investit beaucoup d'argent pour les subventions aux personnes âgées qui, malheureusement, en raison de la dégradation de leur état de santé doivent être placées dans des établissements spécialisés. Or, sur les comptes de ces établissements, sur la manière dont se forment les prix, il y a toute une zone encore assez floue, c'est le moins que l'on puisse dire. Lorsqu'une famille place une personne âgée dans un établissement qui demande 300 F par jour et qu'en plus le moindre des soins, comme une prise de tension, est facturé en supplément, ce n'est pas normal. La motion demande que ces soins, dûment répertoriés sur une liste exhaustive des prestations, fassent partie du forfait de la journée.
Le Conseil d'Etat est, semble-t-il, en négociation pour faire passer l'idée d'un forfait journalier. L'objectif de cette motion est de montrer que le parlement est d'accord avec ce mode de faire et que les partenaires, directeurs de pension, les associations et les assurances-maladie, comprennent qu'aujourd'hui, compte tenu de la situation financière du canton, un subventionnement des personnes placées dans les pensions ne sera plus possible sans un minimum de transparence sur la composition des prix.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Le problème soulevé par les motionnaires est réel. Il m'inspire quelques observations.
Premièrement, le régime ordinaire est un régime de convention passée entre deux partenaires privés, dans notre cas la Fédération genevoise des caisses maladie et l'AGIEMS. L'autorité a un pouvoir d'influence, mais n'a pas de pouvoir hiérarchique.
Deuxièmement, l'objectif du Conseil d'Etat est toujours d'atteindre une facturation par forfait. Des négociations - comme vient d'ailleurs de le relever M. Champod - sont engagées à cet effet.
Troisièmement, pour pouvoir déterminer le montant de ce forfait, les fédérations des caisses maladie ont exigé d'avoir une période avec un relevé détaillé des prestations de façon à pouvoir examiner sur une certaine durée le montant moyen des prestations quotidiennes qui devraient permettre par la suite de fixer le forfait.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat.
Le président. La demande de renvoi en commission de la santé est-elle maintenue ?
M. Pierre Marti (PDC). Oui, je maintiens son renvoi en commission pour que l'AGIEMS puisse s'exprimer, comme elle me l'a demandé.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant les prestations infirmières dans les pensionspour personnes âgées
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que la prise en charge de personnes âgées moyennement et fortement handicapées dans des pensions décharge les institutions hospitalières;
- que la participation des caisses maladie à ces placements s'élève à 9 F par jour pour les frais de soins non infirmiers;
- que le remboursement des prestations à l'acte relatives aux soins infirmiers s'effectue sur la base de relevés demandés aux établissements;
- que ces relevés ont un coût administratif important aussi bien pour les établissements que pour les caisses maladie;
- que le temps consacré par le personnel infirmier à ces travaux se fait au détriment de la présence auprès des personnes âgées,
invite le Conseil d'Etat
- à intervenir pour qu'un accord sur un forfait relatif au remboursement des soins infirmiers entre en vigueur dès le 1er janvier 1995 et qu'il soit ainsi mis fin aux relevés de prestations.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Les établissements publics médicaux seront bon gré mal gré soumis à l'analyse quantitative de leurs activités. Les bons sentiments ont atteint leur limite comme méthode de gestion. Personne, même pas moi, ne pense soustraire ces institutions à l'analyse des besoins, des ressources, des priorités et à l'évaluation de la qualité des prestations. Or, dans les disputes médiatisées qui opposent le département aux syndicats, le premier fait valoir la diminution du nombre de lits par établissement, les autres font valoir la diminution du nombre de postes. La discussion n'inclut pas le contenu des prestations, ni la charge de soins nécessités par l'une ou l'autre des catégories de patients considérés, ni la qualité requise. Les ratios postes/lits que l'on trouve jusque dans l'exposé des motifs, qui nous a occupés hier et qui a été cité par le président du Conseil d'Etat, sont des indicateurs trop grossiers de l'activité.
Dans les comptes de l'Etat, les comptes des EPM mentionnent comme critères de l'activité les seuls critères statistiques suivants : 1) nombre de lits, 2) nombre de jours d'hospitalisation, 3) taux d'occupation et 4) durée moyenne du séjour. Parallèlement, les statistiques donnent le nombre de postes et le DASS en tire des ratios postes/lits. Or, il est évident depuis longtemps que cette seule prise en compte ne rend que très approximativement compte des activités du secteur des lits hospitaliers ou d'autres secteurs d'activités de soins.
C'est assez facile à comprendre. Par exemple, un même patient ne demande pas la même attention au premier ou au quatrième jour post-opératoire. Autre exemple, pour un même diagnostic, un patient jeune et un patient âgé ou dépendant ne requièrent pas non plus une attention égale. Troisième exemple, un séjour hospitalier raccourci, comme nous le pratiquons à Genève depuis longtemps, ne diminue en rien la somme des interventions par jour et par patient; au contraire, cela les intensifie sur un plus petit nombre de jours. Enfin, les critères de qualité ont, eux aussi, un impact sur la charge de travail. C'est pourquoi les ratios établis sur la seule base du nombre de lits et du taux d'occupation par rapport au nombre de postes sont notoirement insuffisants pour analyser les performances d'un secteur de soins.
Dès lors, les institutions commencent à se doter d'instruments de mesure complémentaires dont le département pourrait utilement rendre compte aux parlementaires, notamment dans sa prochaine présentation des comptes. Il existe cependant un problème d'homogénéité des données statistiques qui seront disponibles, puisque l'initiative du choix des méthodes d'analyse incombe actuellement aux diverses directions. En fait, c'est «rebelotte» pour une pratique que nous connaissons bien dans notre pays : l'incompatibilité des statistiques. Même les pensions pour personnes âgées sont de la partie et choisissent chacune leur méthode. Inutile de dire que les comparaisons intercantonales restent chimériques.
A l'ère des gestions rationnelles décrétées ici même, peut-on envisager que, toutes utiles et imparfaites que soient l'une ou l'autre méthode, elles coûtent et rapportent peu si elles ne sont ni reconnues ni comparables ?
En conclusion, la question concernant les effectifs est la suivante :
Le département prévoit-il une présentation moins schématique de l'activité des EPM inscrits aux comptes de l'Etat ? Si oui, selon quels critères ?
Pour ce qui est des remplacements, des effectifs au travail dépendent des critères évoqués plus haut et des propositions qui viendront du groupe de travail : prestations/effectifs. La réduction des effectifs a cependant déjà été entreprise dans les EPM pour de simples motifs budgétaires, même si la part des soignants par malade a été relativement protégée.
Si l'on adapte la quantité de personnel par rapport au travail à accomplir, se pose alors la question des remplacements, en particulier pour les absences de longue durée. Le nombre d'absences de longue durée étant, dans le secteur considéré, augmenté par la proportion importante de personnel féminin : enfants obligent !
Lors de la présentation des comptes du département, les budgets de remplacement des EPM pour le premier trimestre de l'année n'avaient pas totalement été dépensés. Ce n'est pas un but en soi de les dépenser, mais sur le terrain les manques de remplacement sont patents sans que nous puissions évaluer établissement par établissement quelles sont les parts de non-réponse liées soit 1) à la transmission des demandes par la hiérarchie, 2) à l'impossibilité de trouver du personnel qualifié dans la période estivale, en particulier, 3) à la pénurie chronique de personnel, plus particulièrement en soins intensifs ou pour la salle d'opération.
Quelle est dès lors la politique des directions hospitalières en la matière ? Quels sont leurs projets ? Et, à plus long terme, quelle est l'attitude du département à l'égard des pénuries chroniques ?
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. La question posée par Mme Maulini-Dreyfus est vaste.
Il est vrai, Madame, que les statistiques publiées reflètent une approche quantitative relativement facile à saisir et qui s'exprime notamment par le ratio postes/lits, dont on a abondamment parlé hier soir, et qui ne reflète qu'imparfaitement la réalité de l'activité hospitalière. Cette approche quantitative devrait, en bonne logique, être complétée par une approche qualitative, mais qui, elle, est beaucoup plus difficile à saisir : elle pose la question de la mesure de la qualité des prestations hospitalières, qu'elles soient médicales ou soignantes. C'est un problème complexe à propos duquel des réflexions ont été engagées, principalement par le personnel soignant, beaucoup moins par le personnel médical. Des travaux sont en cours au département et dans les directions des établissements publics médicaux. Nous pourrons certainement vous en dire davantage d'ici quelques mois.
En ce qui concerne la question des remplacements, les instructions du Conseil d'Etat et des commissions administratives sont claires : il n'est pas procédé systématiquement à des remplacements de personnel. Le personnel absent est remplacé lorsque l'absence, qu'elle soit de courte ou de longue durée, perturbe sérieusement la bonne marche du service et les prestations de soins qui sont offertes. Les pratiques des différents établissements publics médicaux, en tenant compte de leur spécificité respective, devraient être analogues.
Cette interpellation est close.
7. a) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur le service de l'emploi et la location de services (J 4 1). ( )
b) Projet de loi du Conseil d'Etat abrogeant la loi instituant une commission technique cantonale en matière économique (J 4 4). ( )
c) Projet de loi du Conseil d'Etat abrogeant la loi sur le Conseil de l'éducation continue des adultes (C 2 6). ( )
d) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens (C 2 1). ( )
Projet de loi
(J 4 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992, est modifiée comme suit:
Art. 12, al. 1, 2, lettre d, et 3 (nouvelle teneur)
Conseil de surveillance du marché de l'emploi
Compétence
1 Le conseil de surveillance du marché de l'emploi (ci-après conseil) est chargé de surveiller et de coordonner l'activité des commissions et sous-commissions prévues à l'article 16. Il est notamment consulté avant que de nouvelles mesures touchant au marché de l'emploi et au chômage soient prises.
2 Font partie du conseil:
d)
3 représentants des employeurs et 3 représentants des travailleurs désignés par le Conseil d'Etat, sur proposition de l'Union des associations patronales genevoises et de la Communauté genevoise d'action syndicale;
3 La durée du mandat des membres du conseil est de 4 ans.
Art. 13 (nouvelle teneur)
Réunions
Le conseil se réunit chaque fois que le besoin s'en fait ressentir.
Art. 14 et 15 (abrogés)
Article 16, al. 2, lettre c (nouvelle teneur)
c)
les sous-commissions représentatives des autres secteurs économiques, à savoir:
1° horlogerie, bijouterie et branches annexes;
2° bâtiment et branches annexes, travaux publics, bois et ameublement;
3° métallurgie d'usine et de bâtiment, automobile;
d)
4° textile, habillement, coiffure, produits chimiques et pharmaceutiques;
5° alimentation, transports, tabac, industrie hôtelière, restaurants et cafés;
6° arts graphiques, industrie du livre et du papier;
7° agriculture et branches annexes, service de maison;
8° commerce, banque et assurance;
9° professions techniques et libérales;
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi instituant une commission technique cantonale en matière économique, du 9 avril 1941, est abrogée.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le conseil de l'éducation continue des adultes, du 14 avril 1989, est abrogée.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 21 juin 1985, est modifiée comme suit:
Art. 135, al. 1 (nouvelle teneur)
Institution et composition
1 Il est institué un conseil central interprofessionnel chargé de donner des avis sur toutes les questions d'orientation, de formation et de perfectionnement professionnels et de formation continue des adultes, ainsi que de protection du travail des jeunes gens.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. En date du 22 juin 1994, le Conseil d'Etat a adopté le règlement instituant un conseil économique et social (CES) (voir annexe).
Le conseil économique et social a pour buts:
a) d'assister, de manière indépendante, le Conseil d'Etat dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique économique et sociale du canton;
b) de donner des avis et de formuler des propositions et recommandations sur toutes les questions relatives à la politique économique et sociale en tenant compte de la dimension régionale, nationale et européenne des problèmes abordés.
2. En créant le conseil économique et social, à la suite d'une concertation approfondie avec les représentants des partenaires sociaux, le Conseil d'Etat entend faire bénéficier Genève d'une structure largement représentative de la vie sociale et économique de notre canton.
Cette instance consultative doit être un lieu privilégié de concertation permettant l'étude et la discussion approfondies des dossiers relevant de la politique économique et sociale de Genève. Il s'agit en d'autres termes de permettre à l'Etat de bénéficier de l'appui d'une instance capable d'analyser, de tester et de transmettre une appréciation critique sur des propositions émanant du gouvernement et de l'administration ou du parlement. Le CES doit être également à même de se saisir de propositions des partenaires sociaux ou de toute autre requête émanant de ses membres ou de tiers, moyennant l'accord de son bureau.
Pour notre canton, le CES est ainsi destiné à devenir un instrument précieux d'analyses et de propositions.
3. Par la mise en place du conseil économique et social, il s'agit également de regrouper différentes instances auxquelles de semblables objectifs avaient été jusqu'ici confiés. Par cette mesure, on évite ainsi la dispersion et les doubles emplois.
a) conseil de surveillance du marché de l'emploi
On constate en particulier que le conseil économique et social couvre largement le domaine d'action du «conseil de surveillance du marché de l'emploi» qui se réunit plusieurs fois par année et est «chargé de donner des avis au Conseil d'Etat sur tous les problèmes relatifs à la politique générale du marché de l'emploi et du chômage».
La création du conseil économique et social permet de renoncer au conseil de surveillance du marché de l'emploi, tel qu'en vigueur jusqu'ici, les tâches dudit conseil de surveillance étant en effet largement reprises par le CES. En revanche, il convient de maintenir ce qui, jusqu'à ce jour, était le «bureau» du conseil de surveillance du marché de l'emploi. Cette instance, qui se réunit en effet très régulièrement, est un cadre constant de coopération entre l'Etat et les partenaires sociaux sur les questions pratiques liées au marché de l'emploi. Cette instance est également nécessaire pour coordonner les activités des différentes commissions ou sous-commissions qui ont en particulier pour mission de donner des préavis sur les différents dossiers relatifs aux demandes de main-d'oeuvre étrangère.
L'objectif du présent projet de loi consiste donc, d'une part, à concrétiser l'intégration de la mission générale du conseil de surveillance du marché de l'emploi dans celle du conseil économique et social et, d'autre part, à transformer, sur le plan purement formel, le bureau du conseil de surveillance du marché de l'emploi en un conseil de surveillance du marché de l'emploi dont l'organisation et la mission demeurent exactement les mêmes que celles qui étaient jusqu'ici assumées par ledit bureau.
Commentaires article par article
Article 12, alinéa 1
La mission du nouveau «conseil du marché de l'emploi» est ici précisée.
Article 12, alinéa 2
La nouvelle composition de ce conseil reprend celle de l'ancien «bureau du conseil de surveillance du marché de l'emploi», fixée à l'article 15 de la loi actuellement en vigueur.
Article 16, alinéa 2, lettre c
Le nouvel alinéa 2, lettre c, reprend intégralement la liste des secteurs économiques énumérés à l'article 12, alinéa 5 de la loi actuelle.
b) Commission technique cantonale en matière économique (COTEC)
Le conseil économique et social couvre aussi complètement les domaines d'action de la «commission technique cantonale en matière économique» qui a pour but de «donner des avis au Conseil d'Etat pour l'aider dans l'élaboration de sa politique économique cantonale».
Au surplus, les milieux représentés au sein de la COTEC le seront aussi dans le cadre du CES.
Tenant compte de ce qui précède et afin d'éviter un double emploi, il est donc proposé de supprimer la COTEC, toutes ses fonctions étant reprises par le CES.
c) Conseil de l'éducation continue des adultes (CECA)
La formation continue des adultes est un thème de première importance. Le Conseil d'Etat entend donc, à l'avenir comme par le passé, vouer toute son attention à ce sujet en saisissant toutefois l'occasion de la création du conseil économique et social pour éviter, une fois encore, les doubles emplois.
C'est ainsi que si le présent projet de loi propose l'abrogation du CECA, un autre projet de loi est soumis simultanément à votre approbation afin de permettre au conseil central interprofessionnel de reprendre les missions du CECA (voir paragraphe d).
d) Loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens - Conseil central interprofessionnel (CCI)
Comme indiqué précédemment, si la suppression du CECA répond à un souci de rationalisation, elle ne doit pas aboutir à l'abandon des missions confiées à cet organisme.
Il apparaît à cet égard que le conseil central interprofessionnel est déjà appelé, dans une large mesure, à se préoccuper de questions liées à la formation permanente. En effet, l'article 135, alinéa 1, de la loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens (LCFP) l'habilite à formuler des avis sur tout ce qui a trait, en particulier, au perfectionnement professionnel.
Du fait de ses compétences actuelles, le CCI se trouve donc être tout désigné pour reprendre les missions jusqu'alors dévolues au CECA. A la faveur d'une adjonction à la disposition légale précitée, il sera ainsi possible d'élargir le domaine de réflexion et d'intervention du CCI aux questions touchant plus spécifiquement à la formation continue des adultes.
Les nouvelles attributions du CCI devront toutefois s'inscrire dans le champ d'application de la LCFP, dès lors que le dispositif qui régit cet organe en fait partie intégrante. Il s'agit en l'occurrence des secteurs économiques précisés à l'article 1, alinéa 1, lettre b, de la loi fédérale sur la formation professionnelle, soit: l'industrie, l'artisanat, le commerce, la banque, les assurances, les transports, l'hôtellerie, la restauration, les services et l'économie familiale ainsi que l'agriculture et les autres formations qui font l'objet d'un règlement d'apprentissage (voir art. 85, al. 1, LCFP).
Pour ce même motif, il n'est pas apparu judicieux de proposer une modification de la composition socioprofessionnelle du CCI dans la mesure où celle-ci est tenue de correspondre aux seuls secteurs économiques susmentionnés. Il y a lieu toutefois de relever que le CCI, dans le cadre de ses nouvelles attributions, aura la faculté de constituer autant de commissions qu'il le jugera nécessaire ainsi que de faire appel à des experts et, partant, de procéder à l'audition notamment des responsables des institutions d'utilité publique ou privées. Il sera de ce fait en mesure de poursuivre dans son intégralité l'effort de réflexion et de recherche qui caractérisait les travaux du CECA.
Au bénéfice de ces explications, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter le présent projet de loi.
Annexe: règlement instituant un conseil économique et social.
ANNEXE
Préconsultation
M. Pierre Vanek (AdG). Face à ces quatre projets de lois qui nous sont soumis à ce point de l'ordre du jour, je reste un peu perplexe. Je trouve que cela relève d'une démarche un peu surprenante et saugrenue. En fait, il me semble que le Conseil d'Etat a pris les choses à l'envers et par le petit bout de la lorgnette. Que nous proposent ces quatre projets de lois ? D'abroger deux lois et d'en modifier deux autres pour les mettre en conformité avec un règlement que le Conseil d'Etat a institué et a pris, sans avoir consulté ce parlement.
Or, je pense que ce n'est ni le lieu ni l'heure d'entamer un débat de fond sur cette question du conseil économique et social, car elle est importante et le Conseil d'Etat - si je ne me trompe pas - l'avait évoquée dans son discours de Saint-Pierre. Il est surprenant qu'on ne nous la soumette pas, que ce conseil économique et social ne soit pas institué par un projet de loi comme l'ont été, par ailleurs, un certain nombre d'institutions qu'il nous est proposé de supprimer aujourd'hui. A l'évidence ce sujet est suffisamment important pour faire l'objet d'un projet de loi qui soit discuté dans ce parlement. Le fait que le Conseil d'Etat pense que l'on doit légiférer pour mettre en conformité des projets de lois avec des règlements qu'il institue et qu'il prend seul me semble une procédure aberrante. Comme l'a dit hier M. Brunschwig, «la démocratie ne doit pas pénaliser la gestion de l'Etat.» !
En l'occurrence, quel que soit le débat que l'on ait sur le fond et les appréciations que l'on peut avoir sur les modes de concertation qu'il y a lieu de mettre en place entre les partenaires sociaux et l'Etat, on doit respecter une certaine hiérarchie et considérer que ce conseil économique et social est suffisamment important pour justifier une loi qui nous soit présentée en bonne et due forme.
Aujourd'hui, ces projets de lois devraient être retirés. Je demande au Conseil d'Etat de nous présenter, sous forme de projet de loi à débattre dans ce parlement, le document qui institue le conseil économique et social. Nous devons débattre des formes de la représentation dans ce conseil, des articulations entre le conseil économique et social et l'élaboration d'une politique économique et sociale par le parlement, du mode de fonctionnement de ce conseil et de son mode de financement. En effet, puisqu'on nous demande de voter des crédits pour ce conseil, il faut donc absolument le soumettre au parlement. Nous proposer ces quatre projets de lois avec, en annexe, la pièce essentielle - je veux parler de l'institution du conseil économique et social - revient à faire rentrer cet important problème par la petite porte. On peut avoir des doutes et des craintes sur la conception du Conseil d'Etat en matière de concertation - on a pu s'en rendre compte dans l'affaire de Montana - on peut en avoir encore davantage en voyant de quelle manière il tente d'introduire cette affaire «en douce» !
Cette affaire devrait être reportée. J'ai un doute - je ne suis pas juriste - quant à la légalité et la constitutionnalité de l'institution du conseil économique et social par simple voie de règlement. Je lis à l'article 123 de la constitution, je cite : «...que le Conseil d'Etat ne peut s'adjoindre comme comité auxiliaire que des commissions nommées temporairement.». Vous me direz que c'est un conseil et non pas un comité, mais c'est en substance la même chose. Il sert à aider le gouvernement dans l'élaboration de sa politique et donc, à mon avis, le Conseil d'Etat ne peut pas le faire sans passer par un projet de loi, puisque l'article 123 ne l'autorise à s'adjoindre de tels comités que temporairement. Or, le conseil économique et social - si j'ai bien lu - est en place pour six ans avec financement par voie du budget. Ce n'est donc pas une institution temporaire.
Un projet de loi doit donc nous être présenté et, ensuite, nous ferons le toilettage qui s'impose et nous modifierons les autres projets de lois.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Effectivement, c'est prendre cette affaire à l'envers et par le petit bout de la lorgnette, Monsieur Vanek, c'est avoir une vision du monde bien étriquée que de voir cette affaire sous le simple angle d'un juridisme étroit d'esprit. Le Conseil d'Etat était parfaitement fondé à mettre en place le conseil économique et social, comme il l'a fait, par voie réglementaire. Je veux bien concevoir qu'il vous déplaise que le Conseil d'Etat l'ait fait avant que vous ayez eu le temps ou la volonté de présenter un projet de loi à ce propos, mais c'est une excellente chose qu'il ait été mis en place. Les projets de lois qui nous sont soumis aujourd'hui ne mettent pas en place le conseil économique et social; ils représentent des mesures d'accompagnement du conseil qui a déjà été mis en place. Cela fait de longues années que nous, démocrates-chrétiens, appelons de nos voeux le conseil économique et social. Nous sommes heureux que le Conseil d'Etat, l'automne passé, ait enfin décidé de mettre en place une instance qui corresponde indubitablement à une nécessité.
Point de juridisme, tâchons d'être efficaces ! Ce n'est pas à coup de recours au Tribunal fédéral que l'on construit une politique, ce n'est pas à coup de considérations juridiques que l'on construit une politique et c'est pour cela que nous serons très heureux, nous démocrates-chrétiens, d'étudier ce projet de loi en commission.
M. René Longet (S). Notre groupe est l'un de ceux à avoir réclamé la constitution de ce conseil économique et social, aussi il se réjouit que cette institution voie le jour.
Mais, en même temps, nous avons d'emblée déclaré qu'un tel conseil avait besoin d'une base légale et, si nous pouvons adhérer au projet du Conseil d'Etat qui vise à abroger un certain nombre d'institutions dans la mesure où elles sont reprises par la fonction de ce conseil à créer, nous pensons qu'au moins le parallélisme des formes, Monsieur Fontanet, cher aux juristes de ce conseil et d'ailleurs, devrait nous suggérer de créer un tel conseil par la même voie que d'autres entités sont abrogées. Pour notre part, nous estimons que si ce conseil veut avoir une légitimité suffisante, si son rôle doit pouvoir être discuté sur la place publique, eh bien, c'est au Grand Conseil qu'il incombe de le créer.
Le Conseil d'Etat a négocié, les partenaires sociaux se sont mis d'accord : fort bien ! Mais il est un peu gênant, pour nous parlement, d'être complètement à côté de cette nouvelle institution. Il y a des ponts à créer entre ce conseil économique et social et le Grand Conseil. Il y a des ponts à créer entre notre conseil et l'opinion publique. Nous avons un certain nombre d'options et de débats à avoir sur le fond de la politique économique et sociale de ce canton, sur les objectifs que nous donnons à cette politique, sur les moyens que nous voulons qu'elle déploie, et ce conseil est un outil au service de cette politique.
Il nous intéresse de pouvoir nous prononcer sur sa mission, sur sa dotation. Certes, via le budget, nous aurons un tout petit pouvoir, mais nous n'aurons qu'un pouvoir sur le montant de l'enveloppe, mais pas un pouvoir de définition. Nous aimerions savoir, en particulier, comment ce conseil collaborera à la politique économique et sociale de ce canton, comment il s'articulera dans l'opinion publique et, finalement, quel est son lien avec le parlement. Ce conseil a un lien avec le Conseil d'Etat, mais il nous importe que ce conseil économique et social ait aussi un lien avec nous, Grand Conseil.
Pour toutes ces raisons, notre groupe est également favorable à l'idée que l'institution de ce conseil économique et social passe par une loi. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler en commission et de contribuer à cette solution si le Conseil d'Etat ne se ravise pas et ne nous présente pas de lui-même un projet de loi qui va dans ce sens.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le conseil économique et social est une affaire dont il a été question à plusieurs reprises devant ce Grand Conseil et cela depuis bien des années. Il me suffit de vous rappeler qu'en son temps M. Pierre Milleret avait proposé la création d'un conseil économique et social, démarche qui, à l'époque, n'avait pas recueilli l'approbation de tous, et il en était né une forme un petit peu différente de concertation avec certains acteurs économiques et sociaux, je veux parler de la COTEC, la commission technique en matière économique.
Depuis, les choses ont évolué. Le parti socialiste, dans une motion qu'il avait soumise à votre appréciation, avait réclamé, entre autres, la création d'un conseil économique et social. Depuis ce moment-là, les choses ont davantage évolué encore, et nous avons observé avec satisfaction que pratiquement dans tous les programmes de partis, lors de la dernière campagne électorale, on réclamait l'instauration d'une telle chambre de concertation sur les axes essentiels de la politique économique et sociale. Fort de cela, le Conseil d'Etat a poursuivi les négociations qu'il avait déjà engagées lors de la précédente législature pour créer un tel organisme qui, aujourd'hui, est effectivement souhaitable.
C'est ainsi que nous avons négocié avec les partenaires sociaux - les représentants des organisations syndicales et les représentants des organisations patronales - non seulement le principe, mais encore les modalités de la mise en place d'un conseil économique et social. Nous avons décidé d'aller vite et d'être opérationnels le plus rapidement possible. C'est pour cela que nous avons travaillé sur des bases essentiellement pratiques, qui nous ont conduits à adopter un règlement permettant au conseil économique et social d'être en fonction rapidement. Nous devrions avoir une assemblée constitutive probablement fin octobre/début novembre, engager un secrétaire général - il y aura donc un membre permanent dans ce conseil - et faire en sorte que ces travaux puissent être ouverts sans plus attendre.
Voilà le fond sur lequel nous sommes tous d'accord, voilà la méthode à propos de laquelle je constate que d'aucuns ergotent. Comme quoi il est difficile de contenter tout le monde ! Lorsqu'on est d'accord sur le fond, mais qu'il est difficile de l'admettre, alors on discute sur la méthode. Cela fait partie du jeu qui, semble-t-il, s'instaure, mais cela nous laisse relativement froids.
Le conseil économique et social est créé par un règlement adopté par le Conseil d'Etat de façon à éviter un double emploi et à marquer concrètement notre volonté d'intégrer en son sein un certain nombre de réflexions, qui ont lieu, par exemple, dans le cadre du CECA ou dans le cadre de la COTEC. Ces organismes sont fondés sur une loi. Il était logique que nous proposions à votre parlement l'abrogation de ces lois ou la modification de certaines d'entre elles, ce qui permettait à ce Grand Conseil d'avoir un débat de fond.
Mesdames et Messieurs, je vous suggère de renvoyer ces différents projets de lois à la commission de l'économie, de façon que vous puissiez débattre non seulement sur les modifications proposées, mais aussi, si vous le souhaitez, sur le fond. Le Conseil d'Etat est parfaitement prêt à recevoir vos suggestions. Si elles sont d'une pertinence qui nous aurait échappé jusqu'ici, nous les intégrerons dans le règlement qui, quoi qu'il en soit, permet à ce conseil économique et social d'entrer en fonction sans plus attendre.
Ces projets sont renvoyés à la commission de l'économie.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur le fonds cantonal genevois de chômage, du 14 avril 1978, est abrogée et le fonds est dissous.
Art. 2
Entrée en vigueur
La loi entre en vigueur simultanément à l'entrée en vigueur de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du ... (à préciser).
Art. 3
Disposition transitoire
Les prestations faisant l'objet d'une décision exécutoire au moment de l'entrée en force de la présente loi continuent à être servies jusqu'à concurrence de la fortune disponible à la date de ladite entrée en vigueur.
Art. 4
La loi en matière de chômage, du 10 novembre 1983, est modifiée comme suit:
Art. 7, lettre d (nouvelle teneur)
d) les prestations servies en vertu des dispositions contenues dans la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du ... (à préciser).
Art. 21, al. 2 (nouvelle teneur)
al. 3 (abrogé)
2 L'Etat assure le complément financier nécessaire en vue de garantir le versement des prestations selon les conditions de la présente loi.
Art. 27, lettre c (abrogée)
EXPOSÉ DES MOTIFS
A l'appui de ce projet de loi d'abrogation, vous trouverez ci-après quelques indications techniques, financières et politiques justifiant la démarche législative proposée.
1. Rappel historique
Le 1er avril 1977 est entrée en vigueur la nouvelle conception de l'assurance-chômage obligatoire, appelée «régime transitoire». Un des principes de base de cette nouvelle législation fédérale a été de supprimer l'affiliation individuelle en procédant à la perception des cotisations par le canal des caisses de compensation AVS.
Dès lors s'est posé le problème de l'utilisation de la fortune des caisses de chômage accumulée pendant de nombreuses années au moyen des cotisations de leurs membres. Le législateur a résolu le problème à l'article 32 de l'arrêté fédéral du 8 octobre 1976, prévoyant, en substance, que les deux tiers de la fortune existant au 1er avril 1977 devaient être attribués à une fondation de droit privé (concerne les caisses privées) ou à une fondation de droit public (pour les caisses publiques), en poursuivant un but de caractère social.
La commission de surveillance de la caisse cantonale genevoise d'assurance contre le chômage a proposé, vu l'origine des fonds, la création d'une fondation de droit public à but social, respectant la volonté du législateur fédéral.
La fondation mise en place en 1978 était surtout destinée à permettre le versement d'une allocation sociale en faveur des personnes qui, pour des raisons diverses et fréquemment indépendantes de leur volonté, ne remplissent pas ou plus les conditions de base nécessaires à leur indemnisation par l'assurance-chômage.
2. Activités du fonds cantonal
Dans la mesure où la fortune de la caisse cantonale de chômage s'élevait, au 1er avril 1977, à 26,2 millions de francs au moment de sa dissolution, c'est donc un capital de 17,3 millions de francs qui a été affecté à la fondation nouvellement créée, à savoir les deux tiers.
L'entrée en vigueur du fonds cantonal genevois de chômage n'a pris effet cependant qu'au 1er janvier 1978 - cette année-là constituant la première période d'activité.
Si durant les exercices initiaux la fortune du fonds a pu se maintenir à un niveau plutôt élevé, c'est avant tout parce que le produit des actifs couvrait encore les dépenses courantes. Or, par la suite, en raison de la hausse progressive du chômage dans notre canton, le fonds a été mis à plus forte contribution, non seulement à raison des prestations directes versées à des personnes ayant épuisé leurs droits à l'assurance fédérale, mais aussi du fait que le fonds avait pour mission de contribuer notamment au financement des prestations en cas d'incapacité passagère, totale ou partielle de travail (PCMM) accordées en vertu de la loi en matière de chômage (J 4 5). Cette contribution du fonds aux PCMM a d'ailleurs cessé; les PCMM ne sont donc désormais financées que par les cotisations des assurés et une subvention de l'Etat de Genève.
Le tableau chiffré ci-après montre clairement l'ampleur et le rythme de décapitalisation du fonds:
Décembre 1977
17,6 millions de F
1978
17,8 millions de F
1979
16,6 millions de F
1980
16,6 millions de F
1981
17,0 millions de F
1982
17,3 millions de F
1983
17,3 millions de F
1984
17,4 millions de F
1985
17,0 millions de F
1986
16,9 millions de F
1987
16,5 millions de F
1988
15,7 millions de F
1989
15,5 millions de F
1990
14,9 millions de F
1991
13,6 millions de F
1992
11,7 millions de F
1993
8,3 millions de F
Or, compte tenu de l'augmentation du nombre de prestations accordées à l'heure actuelle, le fonds se décapitalise à un rythme élevé - ce qui tarit d'autant ses sources de revenus; de ce fait, on peut estimer qu'au printemps 1995, le fonds ne disposera plus des actifs nécessaires pour faire face à ses obligations.
Vu ce qui précède, les organes du fonds (direction et conseil de fondation) n'ont pas manqué de s'inquiéter de la décapitalisation rapide de l'institution en question et ont tout naturellement attiré l'attention du Conseil d'Etat sur la nécessité de prendre les mesures adéquates pour garantir la survie éventuelle du fonds - comme cela est prévu dans la loi J 4 7 à son article 4.
3. Transformation du fonds cantonal
Considérant l'augmentation croissante du nombre de personnes en fin de droits dans le cadre des dispositifs en vigueur et la nécessité de contrôler et coordonner les dépenses liées à la lutte contre le chômage dans le canton de Genève, le Conseil d'Etat a saisi l'occasion de la présentation du projet de loi 6629 B sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droits pour redéfinir le rôle et le sort du fonds cantonal.
Dans ce contexte aussi, notre Conseil, a estimé ainsi que le nouveau système institué par le projet de loi (PL 6629 B) sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit venait logiquement se substituer aux dispositions régissant le fonds cantonal de chômage et qu'il n'était dès lors ni nécessaire ni concevable, vu la situation des finances de l'Etat, de recapitaliser ledit fonds. La commission sociale du Grand Conseil, chargée d'étudier le projet de loi 6629B, en a été dûment informée. Il convient en effet de privilégier dorénavant la voie du RMAS - au demeurant souhaité par tous les partis; au surplus, le RMAS représente aujourd'hui un système d'aide nouveau et mieux adapté.
Vu ce qui précède, le Grand Conseil est donc invité à abroger formellement la loi sur le fonds cantonal de chômage, du 14 avril 1978 (J 4 7), et à procéder aux modifications formelles à d'autres lois, afin de permettre la mise en place et en vigueur dans les meilleurs délais du projet de loi 6629 B - étant précisé que le solde éventuel des actifs du fonds au moment de l'entrée en force de la loi instituant le RMAS sera affecté à la couverture des prestations qui en découlent.
A propos des modifications formelles de la loi cantonale en matière de chômage, il sied de souligner ce qui suit:
A l'article 7, lettre d:
La loi renvoie expressément à la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit (revenu minimum d'aide sociale et allocation d'insertion).
A l'article 21, alinéas 2 et 3:
Les prestations complémentaires en cas d'incapacité passagère, totale ou partielle de travail (PCMM) demeurent en tant que telles inchangées. La répartition de leur financement est en revanche modifiée.
L'adaptation de l'article 21 de la loi concourt à ratifier en droit une situation existant dans les faits. En effet, aujourd'hui déjà, le fonds cantonal ne participe plus, faute de ressources suffisantes, au financement des PCMM. Il convient donc de confirmer que ce financement est réalisé par les cotisations des chômeurs ainsi qu'une subvention de l'Etat, assurant le complément financier nécessaire.
A l'article 27, lettre c:
La situation des demandeurs d'emploi prévue à la lettre c de l'article 27 demeure couverte par l'article 27, lettre d. En effet, un chômeur en fin de droit peut demeurer inscrit à l'office cantonal de l'emploi en vue d'obtenir l'appui du service de placement.
Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.
Préconsultation
Mme Claire Torracinta-Pache (S). J'ai l'impression que le Conseil d'Etat travaille de plus en plus vite; c'est impressionnant ! D'ailleurs, M. Maitre vient d'y faire allusion. Mais je me demande si, avec ce projet de loi, on ne met pas un petit peu la charrue avant les boeufs ! J'aimerais simplement rappeler que ce projet de loi est directement lié au projet de loi qui vous proposera l'introduction d'un revenu minimum d'aide sociale pour les chômeurs en fin de droit et que bien que ce projet de RMAS, comme on l'appelle déjà, ait été accepté dans les deux commissions concernées, à savoir la commission des affaires sociales et la commission des finances, il n'a pas encore été accepté par cette assemblée. Il n'est donc pas possible d'entamer des discussions sur le point du projet de loi 7158 avant d'avoir accepté l'autre.
J'aimerais également rappeler que ce projet de loi a soulevé quelques surprises et quelques colères dans certains milieux. En effet, il semblerait que le conseil de fondation qui s'est réuni le 26 août n'avait pas été averti de cette dissolution. Il l'a été après la séance officielle dans une discussion informelle, ce qui est tout de même un peu surprenant.
Enfin, il me semblerait bon de s'assurer que le revenu minimum d'aide sociale, s'il est accepté par ce parlement, sera versé à toutes les personnes qui bénéficiaient de ce fonds. Cela dit, nous ne nous opposons pas au renvoi en commission de ce projet de loi.
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais voler à votre secours, Madame Torracinta-Pache - une fois n'est pas coutume - (Rires.) pour dire que, effectivement, ce projet de loi vient en union - si j'ose dire - avec le projet que vous avez évoqué.
Il ne pourra être effectif que lorsque le projet de loi 6629 aura été voté par ce parlement. Compte tenu du fait que la commission des affaires sociales, d'une part, et la commission des finances, d'autre part, ont donné un préavis favorable, je pense que l'on peut espérer que le projet de loi 6629 sera accepté par ce parlement à la prochaine session du Grand Conseil.
Il serait bon, dans la foulée et contrairement à l'usage, de renvoyer ce projet de loi 7158 non pas en commission de l'économie, car cela sera un nouveau problème pour elle, mais à la commission des affaires sociales, laquelle avait déjà traité un projet de même nature qui, en fait, vient prendre le relais de la loi qu'il est question d'abroger ici. Si vous le voulez bien, je propose le renvoi de ce projet à la commission des affaires sociales.
M. Pierre Kunz (R). Je ferai simplement remarquer à Mme Torracinta-Pache que, pour les radicaux, la célérité avec laquelle travaille le gouvernement est particulièrement bienvenue. A ce titre, je rappelle ce qui circule beaucoup au sein des milieux radicaux en ce moment, je cite : «L'avenir n'appartient plus aux gros qui mangent les petits, mais aux rapides qui mangent les lents.».
C'est la raison pour laquelle nous acceptons le renvoi de ce projet en commission. (Remarques et quolibets fusent.)
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il ne s'agit pas de savoir qui mange quoi...
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Mais à quelle heure on mange ?
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat....mais de savoir quel est le système qui succède valablement à un autre. Nous avons actuellement un système, le fonds cantonal genevois de chômage, qui est en réalité un système d'aide sociale issu de l'entrée en vigueur de l'assurance fédérale obligatoire de chômage et qui avait permis, à l'époque, de constituer ce fonds. Aujourd'hui, il se décapitalise. Probablement que dans le milieu de l'année prochaine il n'y aura plus de ressources du fonds en tant que tel, et il faudrait le recapitaliser par voie budgétaire.
Nous avons donc fait la réflexion suivante : est-il opportun de recapitaliser le fonds par la voie budgétaire, soit de laisser subsister un système qui a incontestablement vieilli dans ses mécanismes d'approche d'aide sociale, ou faut-il, au contraire, faire entrer en vigueur un système nouveau, moderne, celui du revenu minimum d'aide sociale avec l'allocation d'insertion ? Le Conseil d'Etat a opté pour la deuxième alternative. C'est la raison pour laquelle, heureusement et à la suite d'une concertation très approfondie, le projet de loi «revenu minimum d'aide sociale» a été mis sous toit à la commission sociale. Il vient également d'être approuvé par la commission des finances, de sorte qu'il va pouvoir être soumis à votre appréciation en séance plénière lors de la prochaine session du Grand Conseil.
Il va de soi que l'un et l'autre de ces deux projets sont liés, et il est bien clair qu'il ne serait pas concevable que le fonds cantonal genevois de chômage soit abrogé sans que l'on ait la garantie formelle de l'entrée en vigueur du système «revenu minimum d'aide sociale» et «allocation d'insertion», puisque ce système est destiné à succéder au premier.
Voilà ce que je voulais dire pour rassurer chacun. Je crois que c'est une bonne suggestion que ce projet de loi soit renvoyé à la commission sociale. Ainsi, ceux qui ont dû étudier le projet de loi «revenu minimum d'aide sociale» et qui, par conséquent, connaissent bien le sujet, peuvent également se prononcer en connaissance de cause sur l'abandon du premier système auquel le deuxième «revenu minimum d'aide sociale» est appelé à succéder.
J'ai entendu Mme Torracinta-Pache dire que les partenaires sociaux n'auraient pas été valablement consultés. Pour que les choses soient bien claires, je tiens à dire qu'en date du 25 juillet, soit avec un mois d'avance, une séance extraordinaire du conseil du fonds a été convoquée. A cette séance extraordinaire assistaient les partenaires sociaux, les représentants des organisations syndicales et des associations professionnelles et les associations patronales. Nous n'étions pas moins de trois conseillers d'Etat à assister à cette séance pour présenter les caractéristiques du projet de loi «revenu minimum d'aide sociale» aux partenaires sociaux du fonds cantonal et pour leur exposer le choix du Conseil d'Etat de mettre en place un système moderne, nouveau, efficace. Ce choix implique, par conséquent, l'abandon du fonds cantonal genevois de chômage que nous n'avons pas l'intention de recapitaliser. La discussion a été très claire et ceux qui participaient à cette séance ont été dûment avertis.
Nous avons, par conséquent, immédiatement après cette séance, travaillé sur le projet de loi d'abrogation du fonds cantonal genevois de chômage, qui est aujourd'hui soumis à votre approbation et que nous vous remercions de bien vouloir étudier de manière plus approfondie en commission.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission des affaires sociales est adoptée.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Dans sa séance du 27 mai 1994, le Grand Conseil a renvoyé le projet de loi 7093 à la commission de l'économie.
Présidée successivement par M. Claude Blanc, Mmes Micheline Spoerri et Yvonne Humbert, la commission a, durant cinq séances, examiné ce projet. Elle a bénéficié de la participation de M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat chargé du département de l'économie publique, de MM. Jean-Claude Manghardt, secrétaire général, Bernard Berger, secrétaire adjoint, Jacques Folly, directeur de l'inspection du commerce et du contrôle des prix et de Mme Pascale Byrne-Sutton, inspectrice cantonale adjointe de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.
PRÉAMBULE
Dans la première séance de commission du 30 mai 1994, M. J.-P. Maitre a relevé que ce projet de loi concrétise un accord des partenaires sociaux dans le cadre des négociations des principales conventions collectives de la branche (Migros, Coop et le commerce de détail non alimentaire). Cette modification cherche à moderniser les conditions présidant aux heures de fermeture des magasins. Elle s'inscrit dans un contexte se référant à la précédente révision en 1991 de la loi sur les heures de fermeture des magasins (ci-après LHFM).
Ce projet ne doit pas, par ailleurs, entraîner une dégradation des conditions de travail des employés. En tout état de cause, la marge de manoeuvre du législatif cantonal est très réduite, voire nulle, pour agir directement sur le statut des employés. Le récent remodelage des conventions collectives citées précédemment a permis aux partenaires sociaux de s'entendre sur un certain nombre de modifications développant les conditions cadres et améliorant le statut des employés par le biais de cette fermeture retardée hebdomadaire.
Une fermeture retardée des magasins serait souhaitable compte tenu de la situation de forte concurrence du commerce de détail genevois par rapport à la couronne frontalière et aux communes vaudoises qui autorisent déjà des horaires plus étendus. De plus, la crise économique qui sévit depuis déjà 4 ans, a frappé très durement le secteur de la distribution à Genève. Dès lors, cet assouplissement minimum devient impératif.
Rappelons encore que la LHFM est une loi cantonale de prescriptions de police qui fixe les heures de fermeture des magasins, et non leur ouverture, et n'influence pas les rapports de travail entre employés et employeurs (cette matière étant du ressort du droit fédéral, des conventions collectives ou des contrats individuels de travail).
AUDITIONS
Séance du
6 juin 1994
La commission a procédé aux auditions suivantes:
Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) et SIT
(Mmes Haidari et Glauser, MM. Beer, Perret et Pagani)
Les syndicats ayant négocié les conventions collectives mentionnées sont favorables à cette modification dans la mesure où un tel projet ne conduit pas à une aggravation des conditions de travail du personnel de la vente. C'est pourquoi les syndicats demandent fermement que la loi mentionne l'obligation, pour tout exploitant qui voudrait ouvrir son magasin jusqu'à 20 h, de se conformer aux usages professionnels de la branche.
Fédération des artisans et commerçants (FAC)
(MM. Desplanches et Genecand)
Comme le commerce genevois est très touché par, notamment, la concurrence frontalière et les grands commerces, cette ouverture retardée pourrait être une expérience positive. Néanmoins, la FAC craint que les petits magasins soient mis à l'écart, face aux grandes surfaces. C'est pourquoi elle souhaite que la fermeture retardée ne soit pas pratiquée qu'au seul Centre-Ville, ce qui pénaliserait les petits commerces dans les quartiers.
Séance du
13 juin 1994
Groupement des grands magasins de Genève
(MM. Rolland et Siegrist)
Ce groupement est en voie de constitution et rassemble les différents grands commerces de Genève, et plus particulièrement les grands magasins du secteur non alimentaire du Centre-Ville.
Le groupement considère qu'un tel projet répond aux besoins de la clientèle et contribuera au maintien de l'emploi dans le secteur. Les fermetures retardées se généralisant de plus en plus sur le plan suisse et européen, ce projet contribuera à la restauration de la capacité concurrentielle du commerce genevois.
Union des associations patronales genevoise (UAPG)
(MM. Aeschbach, Mossaz, Mévaux et Mme Desbaillets)
Le 1er janvier 1994, les conditions générales de travail du commerce de détail non alimentaire, à l'issue des négociations entre les partenaires sociaux concernant l'ouverture prolongée, une fois par semaine jusqu'à 20h, ont été acceptées. Le personnel ne sera pas amené à dépasser les limites de travail de jour fixées par la Loi fédérale sur le travail.
Ce projet de loi est issu d'un très large consensus et pour l'UAPG, répond aux voeux des organisations syndicales qui ne voulaient pas que les ouvertures retardées se fassent au détriment du personnel de vente. Il répond aux voeux et préoccupations des commerçants et satisfait aux nouveaux besoins du consommateur et à la population en général. Ils remettent un document informatif.
Séance du
20 juin 1994
Coop Genève et Société Coopérative Migros
(MM. R. Quaglia et C. Hauser)
M. M. R. Quaglia parle au nom du Trade Club et de la Coop qui approuvent ce projet de loi qui est un compromis entre les diverses parties. MM. Quaglia et Hauser insistent sur les importantes difficultés que rencontre le commerce à Genève, en particulier le secteur alimentaire. En effet, la compétition frontalière, et dans une moindre mesure régionale, profite de conditions plus favorables: horaires, accessibilité et prix. Le succès des récentes ouvertures de Thoiry et Etrembières, qui visent en priorité le marché genevois est, à cet égard, significatif. Ils indiquent que l'élargissement des heures d'ouverture aurait un effet positif sur le maintien de l'emploi.
Les heures d'ouverture des magasins jouent, en effet, face à la concurrence, un rôle important.
MM. R. Quaglia et C. Hauser se déclarent disposés à faire l'expérience d'ouvrir jusqu'à 20 h un maximum de leurs magasins.
Comité travail et santé
(Mmes B. Cardozo et C. Misteli, MM. D. Lopreno etG. Milliquet)
Bien que cosignataire de la convention collective avec les partenaires sociaux pour une ouverture prolongée des magasins, le Comité travail et santé indique que le SIT l'aurait ratifiée uniquement pour ne pas être exclu de cette convention. En fait, il s'opposerait résolument à ce projet de loi.
Le comité pense que la vente ne fait pas partie des services nécessaires 24 h sur 24 h. Il existe des distributeurs automatiques pour pallier aux demandes nocturnes. Prolonger l'ouverture des magasins n'est pas une solution et pourrait venir rompre un équilibre déjà totalement instable. C'est le temps consacré au travail payé qui doit baisser.
AVIS DE DROIT
Les commissaires ont reçu trois avis de droit:
· ceux de M. A. Berenstein et de M. P. Sidler, remis par les syndicats et
· celui de M. P.-L. Manfrini, demandé par la commission.
Avis de droit du professeur Alexandre Berenstein
Les syndicats intéressés ont demandé cet avis de droit pour justifier leur projet d'amendement d'autoriser la fermeture retardée aux commerces qui se seraient engagés à respecter les usages de la convention collective du travail.
Selon M. A. Berenstein, cela ne serait pas contraire aux principes découlant de la constitution fédérale. Cette insertion dans la loi ne violerait ni le principe de la face dérogatoire du droit fédéral, ni la garantie de la liberté du commerce et de l'industrie, mais instituerait des mesures de politique sociale.
Le canton pourrait, sans modifier les règles de protection fixées par le législateur fédéral, tenir compte des besoins de protection des travailleurs. Le projet des syndicats n'imposerait donc pas de nouvelles règles de protection légale. Il ne serait pas question de réglementer impérativement les conditions de travail d'une façon différente de celle qui a été choisie par le législateur fédéral; il s'agit seulement d'utiliser une faculté laissée aux cantons, sans modifier les obligations imposées aux employeurs par la loi sur le travail, mais en faisant en sorte que les mesures destinées à faciliter l'exercice du commerce, en cas de fermeture retardée, ne soient pas prises au détriment des travailleurs.
L'idée n'est pas d'imposer l'adhésion d'un individu à une convention collective de travail ni d'imposer à cet individu l'observation des conditions de travail prévues dans une telle convention, mais simplement d'autoriser les exploitants qui respectent les usages en matière de conditions de travail à retarder, un soir par semaine, la fermeture de leur magasin.
Enfin, par rapport à la liberté du commerce et de l'industrie, le Professeur A. Berenstein prétend qu'il s'agit d'une mesure prise dans l'intérêt général, qui ne s'ingérerait pas dans la libre concurrence, mais instituerait des mesures de politique sociale, qui ne sont pas prohibées par la constitution fédérale.
Avis de droit de M. Pierre Sidler, avocat
M. M. P. Sidler affirme que la doctrine reconnaît qu'une convention collective est l'expression de l'usage dans la branche lorsque la grande majorité des employeurs et des travailleurs de ladite branche, et de la région concernée, y est admise. Dès lors, l'ensemble des conventions collectives du commerce de détail, concernerait plus de 15 000 emplois sur les 21 000 répertoriés et serait, à Genève, l'expression des usages dans la branche.
M. M. P. Sidler conclut que sans violer le principe de la force dérogatoire du droit fédéral, subordonner l'ouverture retardée des magasins au respect des usages de la branche paraît légitime. D'autant plus que l'ouverture retardée est une faculté et non une obligation. Ceux qui souhaitent en bénéficier doivent en contrepartie, respecter les usages.
Avis de droit de M. Pierre-Louis Manfrini, avocat
A l'unanimité les commissaires avaient décidé de demander sur les différentes propositions d'amendement de la commission, l'avis du M. P.-L. Manfrini, ainsi que sur le projet du Conseil d'Etat.
La réglementation par le droit public cantonal des heures de fermeture des magasins a été légitimée tant à l'égard du droit fédéral que de l'article 31 de la constitution fédérale. S'agissant de la LT, ces normes cantonales sont explicitement réservées par l'article 71c, dans la mesure où les prescriptions de police cantonale visent des dispositions qui n'ont pas pour but principal la protection des travailleurs. Si tel devait être le cas, nous aurions à faire à une forme de détournement de pouvoir qui ne serait pas constitutionnellement admissible en regard de la force dérogatoire du droit fédéral. De plus, le Tribunal fédéral a jugé inconstitutionnelle l'obligation faite à l'employeur, qui n'est pas partie, d'appliquer des conventions collectives.
M. M. P.-L. Manfrini précise que le canton ne peut pas asseoir son exigence du respect des usages professionnels sur une norme de droit fédéral. Il n'y a pas place dans le domaine des heures d'ouverture des magasins pour un engagement de respecter les usages professionnels. On ne voit pas en quoi, sous l'angle purement technique, le respect des usages professionnels par l'employeur est de nature à garantir la réalisation de l'objectif de la réglementation sur l'ouverture des magasins.
La connexité entre le but principal de la réglementation cantonale de police de commerce et la charge envisagée apparaît, sous l'angle juridique, pour le moins ténue.
Dans l'amendement proposé par la minorité, le respect des usages professionnels équivaut à s'immiscer dans les rapports entre employeurs et employés.
Ainsi, le texte proposé par le Conseil d'Etat ne pose pas de problème de constitutionnalité, alors que ce serait le cas pour les projets d'amendement.
M. M. P.-L. Manfrini propose une solution alternative à laquelle la majorité de la commission s'est ralliée.
DISCUSSION
S'il semble s'être dégagé une unanimité pour modifier l'horaire de fermeture, le débat a néanmoins porté sur l'article 14 du PL 7093. Est-ce possible ou souhaitable d'obliger tous les commerces ouverts une fois par semaine jusqu'à 20 h, d'appliquer les conventions collectives ou de se conformer à l'usage? L'avis de droit demandé par la commission à M. P.-L. Manfrini est catégorique. Il y a une différence essentielle entre l'article 25A et l'article 14 de la LHFM. L'article 25A se rapporte à la suppression de la demi-journée de fermeture hebdomadaire des magasins, dont le personnel est au bénéfice de la semaine de 5 jours de travail, et non pas à l'ensemble des conditions de travail; il est considéré comme une mesure de politique sociale en accord avec le droit fédéral. L'article 14 traite de la fermeture des magasins; cela ressort du droit cantonal, c'est une mesure de police qui doit respecter le droit fédéral en vigueur (LT). On ne peut pas, dès lors, prendre comme prétexte cet article pour régler un problème employeurs-employés. Il existe aussi un grand nombre de petits magasins qui ne pourraient appliquer les conventions collectives ou les usages; les imposer reviendrait à exclure ces commerces d'un avantage dont ils ont grand besoin pour survivre.
M. M. P.-L. Manfrini a clairement argumenté contre les amendements de Mme Calmy-Rey. Soulignons que M. P.-L. Manfrini a pris la responsabilité de faire une proposition qui va aussi loin que possible pour satisfaire tout le monde. Les deux autres avis de droit ne contiennent pas de proposition. Les conventions collectives et les conventions de branche seront appliquées dans tous les magasins qui y sont soumis. Les autres, surtout les petits commerces que l'on trouve encore dans certains quartiers, se réfèrent au code des obligations. Dans ce cas, il est illégal de vouloir leur imposer les conventions. En tout temps, ils pourraient revenir pour réclamer le respect du droit.
A ce stade, il est apparu essentiel à la majorité des commissaires, d'arrêter de faire de l'épicerie juridique. La direction prise est celle d'un engagement politique clair en faveur des commerces genevois, tout en assurant un maximum de protection aux employés.
Nous ne devons pas nous leurrer, la mesure envisagée d'une heure de plus par semaine n'est pas une panacée. Toutefois, elle permettra au moins de sauvegarder plusieurs emplois, mieux encore, de donner des impulsions pour en créer d'autres, grâce à l'élargissement des heures d'ouverture. L'horaire hebdomadaire reste fixé par les contrats de travail. Il ne s'agit pas de confondre horaire de travail hebdomadaire et heures de fermeture des magasins. L'employé n'aura donc pas d'augmentation de sa durée hebdomadaire de travail.
Dès lors, la majorité de la commission a estimé que la proposition faite par M. P.-L. Manfrini est la meilleure, car elle garantit la non-péjoration des conditions de travail tout en respectant les dispositions du droit fédéral.
VOTES:
Article 14
Premier amendement, alinéa 1, de Mme Calmy-Rey:
"Une autorisation peut être accordée par le département, permettant une ouverture un soir par semaine jusqu'à 20 h en dérogation aux heures normales de fermeture, aux magasins qui respectent les règles usuelles en matière de conditions de travail en vigueur dans la branche."
jugé contraire au droit fédéral au vu des conclusions de l'avis de droit de M. P.-L. Manfrini est rejeté par:
9 voix contre (5 LIB - 2 RAD - 2 PDC)
6 voix pour (3 ADG - 2 SOC - 1 PEG)
Deuxième amendement, alinéa 1, de Mme Calmy-Rey voulait compléter celui proposé par M. P.-L. Manfrini pour l'alinéa 1 avec:
"Le Conseil d'Etat définit par arrêté les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire, auxquelles doivent souscrire unanimement les associations professionnelles intéressées".
compte tenu qu'il équivaudrait à une extension déguisée des conventions collectives est rejeté, par:
9 voix contre (5 LIB - 2 RAD - 2 PDC)
6 voix pour (3 ADG - 2 SOC - 1 PEG)
Amendements de M. P.-L. Manfrini:
Alinéa 1
"Alinéa 1: Une autorisation peut être accordée par le département permettant aux magasins de rester ouverts un soir par semaine jusqu'à 20 h en dérogation aux heures normales de fermeture."
est approuvé par:
8 voix pour (5 LIB - 1 RAD - 2 PDC)
4 voix contre (2 ADG - 2 SOC)
3 abstentions (1 RAD - 1 PEG - 1 ADG)
Alinéa 2
"Alinéa 2: Le Conseil d'Etat définit par règlement les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire, après consultation des partenaires sociaux intéressés."
est accepté par:
8 voix pour (5 LIB - 1 RAD - 2 PDC)
4 voix contre (2 ADG - 2 SOC)
3 abstentions (1 RAD - 1 PEG - 1 ADG)
Alinéa 3
"Alinéa 3: Dans les limites de la législation fédérale sur le travail, le Conseil d'Etat en élaborant son règlement veille notamment à ce que, à défaut d'accords entre les partenaires sociaux dans la branche, l'octroi des autorisations n'entraîne pas de détérioration de la situation du personnel".
Cet amendement est approuvé par:
9 voix pour (5 LIB - 1 RAD - 2 PDC - 1 PEG)
5 voix contre (3 ADG - 2 SOC)
1 abstention (RAD)
Puis, l'ensemble de l'article 14 est accepté par:
8 voix pour (5 LIB - 1 RAD - 2 PDC)
5 voix contre (3 ADG - 2 SOC)
2 abstentions (RAD - PEG)
Articles 14 A (nouveau) et 15 (nouvelle teneur)
Ces articles n'ont pas suscité de remarques particulières.
CONCLUSION
L'accord intervenu entre les partenaires sociaux à propos de la convention collective a montré la volonté des employeurs-employés d'agir pour offrir aux commerces des horaires adaptés à l'exigence de la clientèle d'aujourd'hui, dont nous sommes parties.
Les discussions ont beaucoup porté sur les conditions de travail des employés. Il a été relevé que les conditions existantes à Genève sont parmi les plus favorables aux employés en Suisse et donc, sans doute, dans le monde. L'article 14 ne serait être un prétexte pour les syndicats d'étendre leur sphère d'influence. D'autres intérêts majeurs doivent être pris en considération: le choix du consommateur, les difficultés économiques et la volonté politique. Le développement de la société pousse de plus en plus les consommateurs à faire leurs achats après le travail, souvent en famille, et à conserver le samedi pour d'autres formes de loisirs. Ce débat interpelle bien l'ensemble de la population du canton de Genève et ne peut pas se limiter seulement aux rapports employeurs-employés.
Le client est celui qui permet aux commerces de vivre et de se développer. Le client est très mobile et exigeant. "Genève gagne" est une sensibilisation très louable, mais qui, sans volonté politique, reste une illusion.
De plus, une ouverture des commerces le soir créerait une animation dans les quartiers bénéfique à tous. Plusieurs exemples, dans d'autres villes suisses notamment, ont été cités (voir tableau annexé).
Dès lors, la majorité de la commission de l'économie, après:
· avoir consciencieusement délibéré et procédé à de nombreuses auditions
· s'être entouré d'avis de droit et avoir consulté le département de l'économie publique
· avoir acquis la certitude que ce projet de loi est une aide bienvenue pour le commerce genevois
· s'être rendu compte que dans beaucoup d'autres cantons de telles mesures avaient déjà été accordées à satisfaction
· qu'une telle mesure ne peut qu'avoir des effets bénéfiques pour l'emploi dans cette période de difficultés économiques
vous recommande, par:
9 voix pour (5 LIB - 2 RAD - 2 PDC)
5 voix contre (3 ADG - 2 SOC)
1 abstention (1 PEG)
d'approuver le projet de loi 7093 amendé comme suit:
PROJET DE LOI
modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins
(J 3 14)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les heures de fermeture des magasins, du 15 novembre 1968, est modifiée comme suit:
CHAPITRE II
Fermeture le soir
SECTION 1
Principes généraux
Art. 9, al. 1 (nouvelle teneur)
Heures normales de fermeture
1 Sous réserve des régimes particuliers indiqués ci-après, ou prévus par le règlement, et des dispositions relatives aux fermetures retardées, les magasins doivent être fermés, du lundi au vendredi à 19 h 30, le samedi à 18 h pour les magasins appartenant essentiellement à la branche de l'alimentation et à 17 h pour les autres magasins.
SECTION 3
Fermeture retardée (intitulé, nouvelle teneur)
Art. 14 (nouvelle teneur)
Fermeture hebdomadaire
1 Une autorisation peut être accordée par le département permettant aux magasins de rester ouverts un soir par semaine jusqu'à 20 h en dérogation aux heures normales de fermeture.
2 Le Conseil d'Etat définit par règlement les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire, après consultation des partenaires sociaux intéressés.
3 Dans les limites de la législation fédérale sur le travail, le Conseil d'Etat en élaborant son règlement veille notamment à ce que, à défaut d'accords entre les partenaires sociaux dans la branche, l'octroi des autorisations n'entraîne pas de détérioration de la situation du personnel.
Art. 14 A (nouveau)
Fermeture en décembre
Pendant la période du 10 décembre au 3 janvier, les magasins peuvent rester ouverts, en plus de l'ouverture hebdomadaire jusqu'à 20 h, 2 soirs jusqu'à 21 h 30 avec faculté de servir la clientèle jusqu'à 22 h. Les conditions relatives, notamment, à la compensation des heures supplémentaires et à l'occupation du personnel sont fixées par le département d'entente avec les associations professionnelles intéressées.
Art. 15 (nouvelle teneur)
Désignation des soirs
Le département, après avoir pris l'avis des associations professionnelles intéressées, désigne chaque année le soir pour la fermeture retardée hebdomadaire. Il procède de la même manière pour les 2 soirs de décembre.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
On ne sait ce qu'il y a de plus surprenant à propos de ce projet de loi, qu'il fasse l'objet d'un affrontement entre la gauche et la droite ou qu'il ait pu être le sujet d'une attitude aussi évolutive, on pourrait dire aussi peu claire, de la part du Conseil d'Etat. On a d'ailleurs peine à croire aujourd'hui que ce projet illustre un processus de création législative marqué au départ par un accord entre partenaires sociaux, tant les opinions sont divergentes et les camps retranchés. Et pourtant, le sort des vendeurs et des vendeuses du canton, comme celui des entreprises, mérite un débat dépassant les affrontements traditionnels.
A. La donnée économique ou l'ouverture retardée jusqu'à 20 h
Le but recherché en autorisant une ouverture hebdomadaire retardée jusqu'à 20 h est de donner au commerce genevois quelque moyen de lutter contre la concurrence très vive des nouveaux centres commerciaux établis dans le canton de Vaud et dans la zone frontalière. Le consommateur étant libre de consommer là où bon lui semble, les horaires sont un des facteurs d'attractivité que Genève ne peut pas négliger.
Un magasin peut actuellement ouvrir tous les soirs jusqu'à 19 h 30, mais le personnel est libéré au plus tard à 19 h. Le samedi, il doit fermer ses portes à 17 h (18 h pour le commerce alimentaire). Il peut ouvrir 6 jours durant, sauf le dimanche et les jours fériés, pour autant que la semaine de 5 jours soit respectée pour les travailleurs et les travailleuses de l'entreprise.
Des exceptions sont prévues pour des ouvertures nocturnes deux fois par année au cours du mois de décembre et pour une ouverture le 31 décembre.
Dans le canton de Vaud, il existe à Nyon et à Chavannes deux ouvertures hebdomadaires jusqu'à 20 h, alors qu'en France les magasins peuvent ouvrir tous les soirs jusqu'à 21 h, du lundi au samedi, et y compris le dimanche matin si le commerce est essentiellement voué à l'alimentaire ou s'il occupe peu d'employé(e)s.
Il semble bien que l'existence de plusieurs régimes différents en matière d'heures d'ouverture dans une même région permet aux ménages aux prises avec des difficultés horaires de se rendre là où les heures d'ouverture sont les plus souples. Il s'agit donc d'améliorer les conditions cadres et la compétitivité des entreprises dans un secteur qui a bien souffert ces dernières années. Le commerce de détail comptait en effet 150 chômeurs en juillet 1990, il en comptait plus de 1 200 en janvier 1994, pour un total de 21 000 places de travail. Sans être un remède miracle aux problèmes que rencontre aujourd'hui le commerce genevois, on peut penser que l'ouverture hebdomadaire retardée jusqu'à 20 h sera une mesure utile.
Il convient de dire encore pour clore ce chapitre que la nouvelle convention collective du commerce non alimentaire prévoit un abaissement de la semaine hebdomadaire de travail à 39 h 45 pour celles et ceux qui travailleront jusqu'à 20 h, que près des 3/4 des emplois du secteur sont concernés par la compensation, mais qu'il n'est néanmoins pas question que les groupes socialiste, écologiste et de l'alliance de gauche acceptent la présente loi telle qu'elle nous est proposée. Nous ne saurions en effet aller jusqu'à ignorer la dimension sociale et cautionner une précarisation accrue des conditions de travail des salariées et des salariés les plus mal loti(e)s du canton.
B. L'aspect social ou le respect des règles usuelles en vigueurdans la branche
Les conditions générales de travail du commerce de détail non alimentaire ont été renouvelées au 1er janvier 1994. Les parties signataires de ces conditions générales, soit les associations de détaillants rattachées à la Fédération patronale genevoise du textile et de l'habillement, d'une part, les syndicats Actions et Interprofessionnel de travailleuses et travailleurs et la Société suisse des employés de commerce, d'autre part, ont négocié depuis le début de l'année 1993 pour parvenir à ce résultat. A l'issue de ces discussions, les partenaires sociaux ont demandé au Conseil d'Etat de modifier la loi sur les heures de fermeture des magasins, afin de permettre aux commerces genevois de rester ouverts une fois par semaine jusqu'à 20 h.
Le 4 mars, c'est-à-dire avant le dépôt du projet de loi modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins, les partenaires sociaux se sont à nouveau exprimés sur la question de l'ouverture prolongée: dans une lettre adressée à M. J.-Ph. Maitre, lettre à en-tête de la commission paritaire du commerce de détail non alimentaire, ils demandaient au conseiller d'Etat chargé du département de l'économie publique de conditionner l'ouverture hebdomadaire jusqu'à 20 h au respect des conditions de travail en usage dans le secteur.
Face à cette demande, la réponse du Conseil d'Etat est tout en subtilités. L'article 14 du projet de loi 7093 propose «que les conditions relatives, notamment, à l'occupation du personnel sont fixées par le département d'entente avec les associations professionnelles intéressées». L'exposé des motifs du projet mentionne bien le respect des usages mais ne fait nulle part référence au rapport de condition entre le respect des usages et l'ouverture retardée.
Mesdames et Messieurs les députés, l'enjeu de la discussion au sujet du respect des règles usuelles est très important. Sur un total de 21 000 emplois, 7 000 (y compris les grands magasins) sont couverts par la convention collective du commerce de détail non alimentaire, 8 000 par des conventions d'entreprises (Migros, Coop, Naville) ou par des conventions de sections numériquement moins importantes (pharmacie, quincaillerie, boulangerie, pâtisserie, boucherie, etc.). Le respect des règles usuelles concerne donc 6 000 vendeurs et vendeuses dont il s'agit de développer la protection sociale.
Selon une étude réalisée par le laboratoire d'économie appliquée de l'université de Genève pour le compte de «Genève gagne», on constate que les salaires sont en moyenne inférieurs dans le commerce de détail à ceux recensés dans l'ensemble de l'économie genevoise. Cette étude fait état d'un salaire statistique moyen de 3 078 F par mois pour du personnel non qualifié, sans certificat fédéral de capacité, alors que pour les autres secteurs de l'économe, ce même salaire se monte à 3 910 F par mois.
Certes, les entreprises affiliées à la convention collective de travail font des efforts pour améliorer les conditions de travail et de salaire dans la vente. La convention collective genevoise concernant le secteur non alimentaire est la seule de notre pays. Les vendeurs et les vendeuses sont également bien défendus dans les conventions de la Coop et de la Migros. C'est ainsi que la Migros offre à ses employé(e)s des conditions de salaire supérieures de 10 à 15% à la moyenne suisse. Reste que l'on rencontre des cas de magasins non soumis à la convention avec des salaires inférieurs à 2 500 F, on y trouve des statuts d'auxiliaire, c'est-à-dire des contrats quasiment sur appel ou, si l'on n'est pas appelé, il n'y a pas de chômage, pas de LPP, pas de perte de gains. On y trouve des gens qui travaillent 45, parfois 50 heures par semaine sans protection sociale, des requérants d'asile sont employés à plein temps pour un salaire de l'ordre de 1 500 F par mois.
C. Les travaux de la commission ou comment ce qui semblaitun consensus peut devenir un affrontement
Les travaux de la commission ont commencé dans une sorte d'unanimisme de bon aloi, M. Maitre ayant calmé les craintes exprimées en disant, je cite: «On essaie... d'avoir un ancrage dans les textes permettant de donner des garanties aux employés» (procès-verbal de la commission, n° 16, p. 4).
Et dès lors, confiant, le groupe socialiste a proposé 3 amendements à l'article 14, amendements dont l'objectif était soit d'inscrire la référence aux usages dans la loi ou, si impossibilité juridique il y avait, d'inscrire dans la loi la règle de l'unanimité des partenaires sociaux pour adopter les compensations prévues, le projet ne garantissant pas de manière suffisante l'obligation du respect des usages en contrepartie de l'ouverture retardée des magasins. En effet, dans le projet du Conseil d'Etat, le rapport de condition se trouve relégué à un niveau infra-légal et le projet comportait selon nous trois risques:
1. Une fois la loi votée, le Conseil d'Etat pourrait ne pas adopter la contrepartie - soit le respect des usages dans la branche - par voie d'arrêté.
2. Le fait de prévoir dans un arrêté et non dans la loi la condition du respect des usages rend le système fragile. Dans l'hypothèse où l'arrêté était cassé par les tribunaux à l'occasion d'un recours d'un intéressé, la condition du respect des usages serait annulée, alors que le principe de l'ouverture retardée, inscrit dans la loi, serait, lui, maintenu.
3. Si les conditions relatives à l'occupation du personnel sont fixées d'entente entre le département et les associations professionnelles intéressées, sans la règle de l'unanimité, un certain nombre de problèmes se posent, par exemple, qu'arrive-t-il en cas de désaccord entre les associations professionnelles? L'autorisation d'ouvrir une fois par semaine jusqu'à 20 h pourrait-elle alors être donnée sans la condition du respect des usages?
Dès lors, un avis de droit ayant été demandé pour régler les problèmes de rédaction juridique, c'est l'esprit serein que les membres de la commission ont procédé aux diverses auditions demandées.
Il y a eu en fait 3 avis de droit, celui de Me Manfrini, souhaité par la commission, et deux autres avis demandés par le syndicat Actions, respectivement à M. Alexandre Berenstein et à Me Pierre Sidler, portant sur le fait de savoir s'il est juridiquement possible de prévoir dans la loi qu'une autorisation d'ouverture prolongée jusqu'à 20 h ne puisse être accordée qu'aux entreprises qui respectent les usages professionnels en vigueur dans la branche. Les conclusions de ces 3 avis ne convergent pas.
M. Berenstein affirme «que l'insertion dans la loi genevoise sur les heures de fermeture des magasins d'une disposition autorisant les exploitants à retarder la fermeture de leurs magasins un soir par semaine, à la condition de justifier de l'observation des règles usuelles en matière de conditions de travail, ne serait pas contraire aux principes découlant de la constitution fédérale».
Me Sidler conclut à peu près dans les mêmes termes. Me Manfrini soutient quant à lui que ni l'inscription dans la loi du rapport de condition, ni même la règle de l'unanimité des partenaires sociaux ne sont possibles. Sans entrer dans le détail des amendements socialistes et sans en donner les raisons précises, il les rejette en bloc pour favoriser une solution plus en retrait, qui finalement a obtenu l'aval de la commission.
C'est ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, que les arguments juridiques ont pu être utilisés pour refuser l'inscription du rapport de condition demandé par les partenaires sociaux dans la loi.
Il est vrai, Mesdames et Messieurs, que Me Manfrini a été aidé par l'existence d'un malentendu et le fait qu'aucun véritable dialogue sur le fond n'a pu véritablement avoir lieu, le malentendu ne s'étant dissipé qu'au cours de la toute dernière séance de la commission. En parlant de garanties, le département ne se ralliait pas implicitement à la position des partenaires sociaux et il n'entendait manifestement pas la même chose que nous, le nous s'appliquant à la minorité de la commission. Nous voulions la garantie qu'une ouverture retardée ne pourrait pas se faire sans une amélioration des conditions de travail pour les employés et les employées du secteurs qui ne sont pas couverts par une convention collective. Le département, si l'on se réfère à la solution qu'il a finalement imposée à la commission, voulait la garantie qu'aucune détérioration de la situation du personnel de vente ne puisse résulter d'une plus grande flexibilité dans les heures d'ouverture.
La modification du texte de l'article 14 adopté en commission clarifie les choses. Une ouverture jusqu'à 20 h n'entraînera pas de détérioration dans la situation du personnel. Elle laisse ouverte la voie d'une amélioration au cas où il y aurait accord des partenaires sociaux. Reste que pour les commerces non sousmis à la convention collective, le département n'aura pas, selon les termes de M. Maitre, «le pouvoir d'interdire l'ouverture jusqu'à 20 h sous prétexte qu'ils refusent de respecter les usages de la branche» (procès-verbal de la commission, n° 20, p. 6).
La minorité de la commission ne peut accepter la solution choisie car elle subordonne la dimension sociale à la logique économique. Pour nous, en effet, il ne saurait y avoir ouverture retardée sans une harmonisation des conditions de travail de la branche et ce pour l'ensemble des employé(e)s et par conséquent sans une amélioration de la protection sociale pour les employés et les employées du secteur qui ne sont pas couverts par une convention collective, c'est-à-dire pour les plus défavorisés dans un secteur déjà fort défavorisé.
Et que l'on ne vienne pas nous dire ici que le problème est une impossibilité juridique. Les conclusions de 2 avis de droit démontrent le contraire.
Il ne s'agit pas, en définitive, d'une problématique juridique. Il s'agit de joindre l'amélioration des conditions cadres pour les entreprises de la branche à l'extension d'une clause de protection sociale aux travailleurs et travailleuses non couverts par une convention collective de travail. Il s'agit d'un engagement pour plus d'équité sociale.
En conséquence de quoi, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission vous demande d'exprimer clairement votre volonté de conditionner le respect des usages concernant les conditions de travail et l'ouverture retardée jusqu'à 20 h en acceptant l'amendement à l'article 14 que nous vous proposons ci-après:
Art. 14, al. 2 (nouveau)
Le Conseil d'Etat définit par arrêté les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire, auxquelles doivent souscrire unanimement les associations professionnelles intéressées.
La minorité de la commission n'acceptera la loi que pour autant que cet amendement soit voté. Dans le cas contraire, il la combattra.
Annexes
1 avis de droit de M. A. Berenstein
1 avis de droit de Me P. Sidler
1 avis de droit de Me Manfrini
Premier débat
M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur. Nous pouvons nous étonner de constater l'évolution de ce projet de loi qui, au départ, semblait recueillir l'unanimité et qui, aujourd'hui, devient l'enjeu d'exigences sans commune mesure avec l'idée de départ.
Certains ont décelé dans ces soixante petites minutes supplémentaires hebdomadaires l'opportunité de promouvoir leurs idées. Rappelons-nous qu'au début de l'année l'ensemble des partenaires sociaux sont tombés d'accord avec l'idée d'une fermeture retardée. Il suffit de lire, par exemple, l'article 8 alinéa 2 b des conditions générales de travail du commerce de détail non alimentaire pour s'en rendre compte. En aucun cas il ne faut confondre horaire de travail hebdomadaire avec fermeture retardée. Les heures faites le soir seront donc rattrapées. Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport de minorité, les commissaires de la majorité n'ont pas voulu subordonner la dimension sociale à la logique économique, mais davantage empêcher la détérioration des conditions de travail là où il n'y a pas de convention collective, tout en adaptant l'heure de fermeture au climat de la concurrence.
Les commerces de la couronne genevoise ont depuis plusieurs années compris la nécessité de suivre ce mouvement européen de fermeture retardée. Nous constatons que ce qui devait être une simple modification d'une loi cantonale devient le prétexte à un débat sur les améliorations des conditions de travail sans respecter les négociations paritaires. Les syndicats écrivent : «Ouvrir les magasins jusqu'à 20 h doit permettre de contraindre toutes les entreprises intéressées à respecter la convention collective de travail.». Voilà comment on change le cavalier de cheval, l'objectif n'est plus l'amélioration de la capacité concurrentielle du commerce genevois, mais bien d'imposer à l'ensemble du commerce genevois le respect des usages ou des conventions collectives.
Certes, l'enjeu pour les syndicats est intéressant. Ce qu'ils n'ont pas obtenu des employeurs d'un secteur où ils sont peu représentés, ils tentent, par le biais du Grand Conseil, de le généraliser à l'ensemble du secteur de la distribution. Il n'y a pas, Madame Calmy-Rey, de malentendu à ce sujet, au contraire, c'est une volonté délibérée reprise par l'ensemble de la minorité qui est donc clairement exprimée par votre amendement. Soyons donc très attentifs pour que cette petite part de gâteau bienvenue dans la disette actuelle vécue par Genève ne devienne pas indigeste. Mais, si nous ne voulons pas faire de l'épicerie juridique, force est de reconnaître que les amendements de la minorité ont été correctement et consciencieusement analysés par M. Manfrini.
Mme Micheline Calmy-Rey, rapporteuse de la minorité. Ça, c'est pas vrai !
M. Alain-Dominique Mauris, rapporteur de la majorité. Vous n'avez qu'à vous reporter aux pages 4 et suivantes de l'avis de droit. D'ailleurs, M. Manfrini indique les raisons précises pour lesquelles ils ne sont pas acceptables en regard du droit fédéral. Il rappelle, Madame Calmy-Rey, que le Tribunal fédéral a jugé inconstitutionnelle l'obligation faite à l'employeur qui n'est pas partie d'appliquer des conditions collectives de travail, sans compter bien sûr les effets néfastes que pourrait avoir l'obligation d'appliquer ces conventions sur les petits commerces de quartier qui ont le plus grand besoin de voir assouplir leur horaire hebdomadaire. Signalons, pour ceux qui sont sensibles à ces petits commerces de quartier, qu'ils favorisent une animation non négligeable que nous ne voudrions pas voir disparaître.
Leur imposer de facto le respect des usages serait totalement contre-productif et irait donc à l'encontre de ce qui légitime une convention collective de travail, c'est-à-dire des négociations paritaires. Avons-nous donc le droit de nous immiscer dans les rapports employeurs/employés ? Non, la majorité de la commission l'a refusé ! Par contre, elle veut empêcher une péjoration des conditions de travail pour les employés soumis à la fermeture retardée d'une heure par semaine qui ne sont pas liés par des conventions collectives. M. Manfrini a pris le risque de proposer un amendement faisant un pas dans ce sens et voulant écouter nos préoccupations à ce sujet.
Cette loi, le commerce genevois et les consommateurs l'attendent. Elle permettra d'améliorer les conditions-cadres de l'économie genevoise et d'aider à restaurer la capacité concurrentielle du commerce genevois tout en assurant aux employés des conditions de travail acceptables.
Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. M. Mauris s'est donné la peine de faire un rapport de majorité dont le ton est serein et raisonnable. Je me devrais de le remercier, s'il n'omettait de parler de l'enjeu essentiel de ce débat, à savoir de l'enjeu social qui pose problème, pour se concentrer sur la donne économique sur laquelle tout le monde est d'accord.
Tout le monde ou presque dans ce parlement est en effet d'accord pour dire qu'il faut améliorer les conditions-cadres et la compétitivité du commerce de détail genevois. Plus précisément, tout le monde est d'accord avec l'idée d'une ouverture hebdomadaire retardée jusqu'à 20 h. Et cela pour deux raisons :
L'une pour répondre à un besoin réel du consommateur et de la consommatrice. Faire ses courses après le travail est devenu le lot commun de beaucoup d'entre nous, et il est vrai qu'il faut se hâter pour y arriver avant 19 h.
L'autre parce que le secteur du commerce de détail a beaucoup souffert ces dernières années. De cent cinquante chômeurs en janvier 1990, il est passé à plus de mille deux cents à la même époque de 1994 et aussi parce qu'il faut lutter dans ce secteur contre la concurrence très vive de nouveaux centres commerciaux établis dans le canton de Vaud ou en zone frontalière.
Il est néanmoins hors de question que les groupes socialiste, écologiste et de l'Alliance de gauche acceptent la loi telle qu'elle nous est proposée ce soir. Nous souhaitons, comme les partenaires sociaux, c'est-à-dire les associations patronales et les syndicats d'employés, le SIT et le Syndicat Action, lier l'ouverture hebdomadaire jusqu'à 20 h au respect des conditions de travail en usage dans le secteur.
Nous ne faisons ici que reprendre la demande de la commission paritaire du secteur concerné qui, le 4 mars dernier, a écrit à M. Jean-Philippe Maitre dans ce sens. Sur un total de vingt et un mille emplois, sept mille, y compris ceux des grands magasins, sont couverts par les conventions collectives du commerce de détail non alimentaire, huit mille par des conventions d'entreprises comme celle de la Coop, la Migros ou Naville ou par des conventions de sections numériquement moins importantes, comme par exemple dans la pharmacie, la quincaillerie, la boulangerie, etc. Le respect des règles usuelles concerne donc six mille vendeurs et vendeuses dont il s'agit de développer la protection sociale. Parmi eux, on rencontre des cas de personnes gagnant moins de 2 500 F par mois à plein temps. Certains ont des statuts d'auxiliaire, c'est-à-dire des contrats quasiment sur appel où si l'on n'est pas appelé on n'a pas droit au chômage, pas droit à la LPP, pas droit à de quelconques indemnités de perte de gain. Certains travaillent quarante-cinq à cinquante heures par semaine, sans protection sociale. On a même vu récemment des cas de requérants d'asile employés à plein temps pour 1 500 F par mois. C'est de cela dont il s'agit quand on parle de l'extension de la protection sociale dans ce secteur !
Contrairement à ce qui a pu être récemment écrit, il ne s'agit pas de vouloir imposer une superconvention collective à tout le monde, il ne s'agit pas d'aligner du jour au lendemain les conventions collectives signées par les diverses organisations patronales du grand et du petit commerce sur l'une d'entre elles. C'est mauvaise foi que de le prétendre. Partout où il y a des conventions, elles s'appliquent. Par exemple pour tout ce qui est non alimentaire, c'est la convention du non alimentaire signée d'ores et déjà par un grand nombre de toutes petites entreprises qui s'applique. Là où il n'y en a pas, par exemple dans certaines branches de l'alimentaire, une négociation devrait s'engager sur la constitution d'usage, sur la base des conventions partielles d'ores et déjà existantes dans ce secteur.
Par rapport à la prise en compte de la dimension sociale, le projet de loi du Conseil d'Etat comporte des risques, notamment le risque qu'une ouverture retardée soit autorisée sans condition aucune. Monsieur le président du département, nous n'avons plus confiance, nous n'avons même plus le sentiment que vous ferez respecter ce qui figure actuellement dans la loi, à savoir que le département veillera à ce que les conditions de travail ne soient pas péjorées au cas où il n'y aurait pas d'accord entre les partenaires sociaux.
Cela fait six mois que l'on essaye de savoir ce que vous voulez. Une fois vous dites oui, une fois vous dites non, puis vous dites peut-être, puis vous dites que tout cela sera dans l'arrêté. Il semble bien aujourd'hui que la seule chose qui y figurera sera le quart d'heure de pause supplémentaire pour celles et ceux qui travaillent jusqu'à 20 h. Mesdames et Messieurs, la minorité de la commission ne peut pas prendre le risque d'une ouverture retardée sans condition aucune. La solution choisie subordonne la dimension sociale à la donne économique. Et que l'on ne vienne pas nous dire, comme l'a dit M. Mauris, qu'il s'agit d'un problème juridique. Deux avis de droit démontrent le contraire. Il n'a cité que M. Manfrini. Deux autres avis de droit, dont celui de M. Berenstein, affirment le contraire.
C'est pourquoi nous n'accepterons la loi que si notre amendement est voté. Dans le cas contraire nous la combattrons.
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). «Il faut supprimer les prescriptions en matière d'heures de fermeture des magasins, car les lois portant sur l'heure de fermeture des magasins ne sont un moyen ni admissible ni utile pour protéger les intérêts du personnel.». Telle est la déclaration et la recommandation de la Commission des Cartels dans sa publication de décembre 1992.
Cette recommandation nous semble quelque peu brutale à nous autres radicaux. Nous lui préférons une approche par étape, aussi nous ne vous demanderons pas de supprimer les prescriptions en matière d'heures d'ouverture des magasins, du moins pas tout de suite.
Le problème des horaires de fermeture des magasins n'est pas nouveau, puisqu'une première proposition avait été faite en 1988 et, malheureusement, elle a été rejetée. A l'époque, il est vrai, on parlait de nocturnes jusqu'à 21 h 30, alors qu'aujourd'hui il est tout simplement question d'une ouverture prolongée de soixante petites minutes, une fois pas semaine. Il est aussi vrai qu'en 1988 nous n'étions pas encore entrés dans la crise économique, nous n'avions pas seize mille chômeurs et les centres commerciaux périphériques du canton de Vaud et de la zone frontalière n'existaient pas.
Ces derniers sont d'ailleurs à l'évidence une des conséquences de ce vote négatif de 1988. Et puis, il faut se rappeler encore qu'à ce moment là c'était la mode de la fameuse croissance zéro qui a contribué au blocage de l'essor économique de notre canton. C'est donc en terre sainte et en zone frontalière que les entrepreneurs genevois ont été contraints de développer leurs affaires créant des emplois, malheureusement, de l'autre côté de la frontière. (Commentaires.) Je dis malheureusement pour ceux qui restent de ce côté ! Ajoutez à cela une succession de décisions absurdes en matière de circulation et vous avez le résultat : aujourd'hui, un Genevois sur deux va régulièrement faire ses courses dans les centres commerciaux dont certains sont ouverts tous les soirs jusqu'à 21 h, y compris le samedi. Ainsi, vous l'aurez compris, si les commerçants tiennent tellement à cette ouverture prolongée, c'est qu'elle constitue un premier pas permettant au commerce genevois de rester compétitif dans l'environnement économique excessivement concurrencé...
Une voix. Concurrentiel !
M. Jean-Philippe de Tolédo. Non, concurrencé ! On pourra en débattre tout à l'heure !
Vouloir faire de cette ouverture prolongée un vecteur de progrès des conditions de travail serait une excellente idée si le problème n'était pas posé à l'envers. En effet, l'amélioration des conditions de travail doit être une conséquence du succès de cette ouverture prolongée et non pas une condition préalable.
J'aimerais encore préciser que le but de cette ouverture prolongée est avant tout de permettre aux clients - et bien à eux - de faire leurs courses à des heures plus pratiques pour eux. Questionnés d'ailleurs à ce sujet, il s'avère qu'environ deux tiers d'entre eux sont intéressés par cette nouvelle possibilité de shopping. Il faut cependant se garder de croire qu'il suffit de laisser les magasins ouverts un petit peu plus longtemps pour que les clients s'y précipitent. Malheureusement, cela ne se passe pas comme cela !
C'est pourquoi, si l'on veut assurer le succès de cette ouverture prolongée, il convient encore de rassembler les efforts de plusieurs secteurs de l'économie tels que cafetiers-restaurateurs, cabarets-dancings, parkings, transports publics - qui sont très favorables - et d'autres encore de façon à créer un contexte d'animation qui incitera les Genevois à magasiner entre 19 et 20 h.
En conclusion, le groupe radical pense que ces ouvertures prolongées répondent à une réelle demande de la population. Nous soutiendrons le projet de loi qui vous est proposé. Cependant, conscients des efforts que cela va demander pour faire de ces soixante minutes de commerce supplémentaire un véritable succès, nous attendons avec intérêt le résultat d'un éventuel référendum que certains ont annoncé. Peut-être est-ce M. Maitre, puisque apparemment ce sont les conseillers d'Etat qui annoncent les référendums ! En effet, il n'est pas dans les intentions des milieux du commerce d'offrir à la population une prestation dont elle ne voudrait pas.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Mme Calmy-Rey n'en sera pas surprise, mais moi je fais confiance à M. Maitre pour ce qui est de l'application... (Rires.) ...de la loi que nous vous invitons à voter ce soir. Vous avez tort, Madame Calmy-Rey, de ne pas faire confiance à M. Maitre...
M. Chaïm Nissim. Ça fait des années qu'il nous démontre le contraire !
M. Bénédict Fontanet. ...même s'il n'est pas issu de vos propres bancs !
Le commerce genevois souffre à n'en pas douter de conditions de concurrence discriminatoires par rapport à son environnement immédiat, que ce soit en France voisine ou encore dans le canton de Vaud. La loi qui est proposée ce soir à nos suffrages est une mini réforme - une réformette, dirais-je, si je ne voulais pas insulter mon conseiller d'Etat favori - qui ne permet d'ouvrir qu'une heure de plus par semaine les commerces à Genève. Il n'y a donc là rien de bien révolutionnaire, mais que d'énergie déployée en commission à propos de ce projet.
Dans un monde dans lequel la compétitivité et la concurrence sont de plus en plus déguisées et fortes - on peut peut-être le regretter à certains égards - nous nous devons de donner au commerce genevois des conditions-cadres meilleures qui lui permettent de lutter à armes égales avec les commerces du canton de Vaud ou encore de France voisine, si nous voulons maintenir à Genève un commerce dynamique dont il faut rappeler qu'il est le premier employeur de notre canton.
Avec le projet de loi que nous vous proposons d'adopter ce soir, nous sommes bien en deçà des conditions qui existent en France voisine, d'une part, et dans le canton de Vaud dans le voisinage immédiat, d'autre part. Nous vous invitons donc à adopter avec enthousiasme ce projet de loi qui est bienvenu au jour où le commerce genevois se bat dans un environnement concurrentiel particulièrement difficile.
Quant à l'amendement qui vous est proposé par la minorité de la commission, il doit être, à mon sens, refusé pour deux raisons.
Je n'entends pas me livrer à un large débat juridique sur les mérites respectifs des différents avis de droit, cela serait à n'en pas douter épouvantablement ennuyeux et je ne tiens pas à lasser ce parlement...
Une voix. Alors, tais-toi ! (Rires et quolibets.)
M. Bénédict Fontanet. Je vais me taire, rassurez-vous !
...je n'en demeure pas moins convaincu que la proposition qui nous est faite revient de facto à empiéter sur le droit fédéral et à obtenir, de facto également, une extension des conventions collectives, ce qui n'est pas dans notre secteur de compétences. La commission de l'économie est allée aussi loin qu'elle le pouvait lorsqu'elle a prévu, notamment en son article 14, alinéa 3, que le Conseil d'Etat devait veiller à ce que les autorisations données d'ouvertures retardées jusqu'à 20 h n'entraînent pas de préjudices pour le personnel. Nous faisons confiance au Conseil d'Etat pour que les mesures à prendre figurent dans l'arrêté à adopter concernant cette ouverture supplémentaire - une petite heure par semaine, jusqu'à 20 h, c'est donc une demi-nocturne - et n'aient pas de conséquences sur les conditions de travail du personnel.
Le second motif - à supposer que cet amendement soit juridiquement recevable - qui nous pousse à le refuser est le fait que, s'il devait être voté, il reviendrait en fait à jouer le jeu des grands commerces et risquerait de mettre dans une situation difficile les petits commerces de proximité, que nous souhaitons voir maintenus dans les quartiers de notre ville. Il est tout de même un peu curieux, Mesdames et Messieurs de la minorité, que vous souhaitiez favoriser les grands commerçants par rapport aux petits.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission et à refuser l'amendement qui vous est proposé par la minorité de la commission.
M. Pierre-Alain Champod (S). Pour l'essentiel, le rapport de Mme Calmy-Rey explique bien la situation et les raisons pour lesquelles ce dossier pose problème alors que, précisément, il ne devrait pas en poser.
En effet, depuis quelques mois, dans de nombreuses commissions, il n'est plus possible de trouver des accords et de faire un travail de négociation qui est la base du travail parlementaire. La majorité politique de l'Entente ne cherche pas à trouver des solutions. Elle veut voter vite pour montrer qu'elle est majoritaire et qu'elle détient le pouvoir. Résultat : une multitude de rapports de minorité, des débats qui n'ont pas abouti en commission et qui reviennent en plénière.
Ce dossier est un exemple typique de ce que je viens de dire. Au départ, la proposition de prolonger jusqu'à 20 h, une fois par semaine, l'heure de fermeture des magasins recueille l'accord de presque tout le monde. Les partenaires sociaux sont d'accord sur le principe, la majorité des groupes l'est également.
La gauche et les syndicats posent une seule condition : c'est que ce privilège accordé aux magasins d'ouvrir une heure de plus par semaine soit assorti à une condition, celle qui respecte les usages de la profession. Cette exigence nous semble particulièrement cohérente avec la politique de notre pays s'agissant des rapports de travail. En effet, il est normal que les intérêts des employés et ceux des patrons soient contradictoires sur certains points. Le problème n'est pas de nier ce conflit, mais de trouver un moyen de le gérer. En Suisse, les négociations paritaires sont la voie habituelle utilisée pour gérer ce type de problèmes.
Dans le domaine de la vente, la grande majorité des employés sont soumis à une convention collective ou à un accord entre partenaires sociaux, puisque quinze mille personnes sont assujetties à un tel accord et que sept mille ne le sont pas. La majorité des patrons a signé des accords avec les syndicats et, parmi elle, on trouve non seulement les grands commerces mais aussi une majorité de petits commerces.
Nous ne demandons pas de rendre la convention collective obligatoire, comme cela a été dit à plusieurs reprises par erreur. La loi dit que l'heure de fermeture normale est inchangée, mais que, par dérogation, le Conseil d'Etat peut autoriser l'ouverture des magasins une heure supplémentaire par semaine. Nous suggérons que la condition pour bénéficier de cette dérogation soit le respect des usages dans la profession. Nous avons fait un pas dans la voie d'un compromis, puisque l'amendement que nous vous proposerons en deuxième débat précise en son article 14, alinéa 2 :
«Le Conseil d'Etat définit par arrêté les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire auxquelles doivent souscrire unanimement les associations professionnelles intéressées.».
Nous sommes donc loin d'une obligation de signer une convention collective pour tous les commerçants. En revanche, il est vrai que ceux qui veulent ouvrir une heure de plus devront respecter les usages de la profession. En procédant ainsi, on encourage le développement des accords entre partenaires sociaux. De plus, on évite de pénaliser les commerçants qui jouent le jeu de ces accords entre partenaires sociaux. Enfin, en acceptant notre amendement, vous faites en sorte que la concurrence n'ait pas lieu dans le sens de la sous-enchère salariale, mais entre les commerces sur la gestion, la qualité des produits et la qualité des services.
Actuellement, en donnant les mêmes avantages aux commerces qui sous-payent leur personnel par rapport à ceux qui respectent les conventions, la concurrence se fait uniquement sur la sous-enchère salariale. Mme Micheline Calmy-Rey a rappelé tout à l'heure quels étaient les montants de ces salaires. En parlant de salaires, je signale à M. de Tolédo que si la majorité des gens vont faire leurs courses en France ce n'est pas en raison des horaires d'ouverture plus large, mais essentiellement en raison de la différence de coût des produits entre Genève et la France voisine.
M. Claude Blanc. La différence de salaires ! (Rires et remarques.)
M. Pierre-Alain Champod. Comme je l'ai dit la majorité des signataires des conventions collectives et des accords sont des petits patrons. Je pense qu'il faut les encourager, car ils jouent le jeu des accords paritaires. Sur le plan juridique, nous avons reçu en commission trois avis de droit. Un dit que ce que nous proposons n'est pas possible, deux prétendent le contraire. Nous avons vainement proposé d'entendre les trois experts en commission pour compléter leur argumentation. Je suis certain que si cette audition avait pu avoir lieu nous aurions pu trouver une formulation qui nous satisfasse.
Compte tenu de ce que je viens de dire, le groupe socialiste vous invite à accepter l'amendement que nous vous proposerons en deuxième débat. Vous démontrerez ainsi que vous êtes non seulement attachés à une fermeture retardée des magasins, mais que vous êtes également favorables au règlement des conflits du travail par des accords entre partenaires sociaux.
M. Max Schneider (Ve). En 1992, lorsque j'étais déjà dans ce Grand Conseil, le 18 septembre, nous avons adopté une loi sur le service de l'emploi et la location de services qui remplaçait la loi du 30 avril 1955 sur le droit genevois aux innovations introduites par la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services du 6 octobre 1989.
C'est un des éléments nouveaux qui est apparu après le vote que nous avons eu en commission. L'article 8 de cette loi avait la teneur suivante :
«Le Conseil d'Etat veille à ce que les salaires bruts et les prestations sociales soient conformes en matière de location de services aux normes usuelles de la profession dans laquelle le personnel exerce sa mission.».
C'est exactement ce que nous demandions en commission et cela nous a été refusé. Un arrêt du Tribunal fédéral, suite à la loi votée ici dans ce Grand Conseil, a malheureusement donné tort au Conseil d'Etat, dans un recours effectué par une entreprise.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Elle a donné tort au Grand Conseil !
M. Max Schneider. Voilà pourquoi le groupe écologiste, que je représentais dans cette commission, n'ayant pas la facilité de comprendre tout ce débat juridique entre Mes Manfrini, Berenstein et Ziegler qui faisaient des avis de droit différents, s'était abstenu lors du vote. Mais aujourd'hui on se rend compte avec cet élément nouveau que les engagements du projet de loi pouvaient être démantelés au niveau fédéral. C'est bien là une des raisons de mon abstention.
Nous avons tous reçu, de la part de la Fédération des artisans et des commerçants de Genève, une explication de leur position lorsque nous avions auditionné en commission leurs représentants, membres du comité, dont le président nous avait assuré qu'il n'y avait pas de problème et qu'ils étaient prêts à signer une convention collective qui donne certaines garanties quant aux conditions de travail. L'heure supplémentaire serait compensée soit en temps soit en salaire. La FAC jouait donc parfaitement le jeu. Mais, durant l'été, ils ont fait une enquête auprès de leurs membres - vous avez certainement tous reçu cette lettre - qui, à une majorité de 71,95%, ne voulaient plus ou pas de convention collective pour l'ensemble des professions du petit commerce.
Cela montre que cette abstention n'est pas un refus de dialogue, mais il est bien difficile d'avoir une position claire et précise, parce que les partenaires sociaux ne se sont pas encore mis d'accord. Le débat de ce soir ne porte pas sur l'ouverture jusqu'à 20 h - elle pourra se faire ou ne pas se faire...
Une voix libérale. Mais si, c'est le fond du problème !
M. Max Schneider. Non, ce n'est pas la seule question. Si c'était le cas, le groupe écologiste et le parti écologiste dans son ensemble ne s'opposeraient pas à l'ouverture prolongée d'une heure par semaine. (Enorme aaaahhhh de satisfaction ironique de l'Entente.)
A priori, le groupe écologiste demande depuis longtemps le partage du travail comme proposé dans la lettre de la FAC que nous appelons aujourd'hui «redistribution de l'emploi». Ces petits commerçants offrent la flexibilité. Pour survivre il leur faut de la souplesse, et le groupe écologiste va dans leur sens.
Mais nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait des gens dans notre société - peut-être pas parmi nous - qui sont directement concernés par des salaires extrêmement bas - jusqu'à 1 500 F - comme Mme Calmy-Rey l'a évoqué, et qui ne sont pas conventionnés. C'est pour ces six mille personnes que le débat a lieu dans le secteur non alimentaire. C'est la raison du conflit et il faut trouver un consensus. Je ne pense pas - et ce n'est pas notre rôle dans ce Grand Conseil - qu'il faut prendre position. C'est aux partenaires sociaux de s'arranger entre eux. Comme ils n'y sont pas arrivés, cette loi arrive au Grand Conseil. C'est un piège pour la droite comme pour la gauche, car nous ne pourrons pas en débattre ici, ou tout du moins la solution ne sera pas adéquate.
La solution qui aurait pu faire l'affaire, je l'ai sur ce papier... (Aaahhh de satisfaction.) Nous étions presque arrivés à un accord entre les partenaires sociaux, employeurs et employés. 8 août 1990, de nombreux employeurs avaient accepté cette convention collective : signataires, cent quatre-vingt-huit; de l'OCIRT, quarante-six; non signataires, deux cent septante-trois. Cela fait un total de cinq cent sept employeurs. Il aurait fallu en avoir deux cent cinquante-quatre pour avoir la majorité. Il n'y en avait plus que vingt à trouver. Le département de l'économie publique aurait dû inciter les partenaires sociaux à trouver cette majorité. Ceux-ci auraient pu aller à Berne faire légaliser cette convention collective pour l'ensemble du commerce de détail non alimentaire...
Le président. Monsieur Schneider, je vous prie de conclure !
M. Max Schneider. Le Conseil d'Etat aurait donc pu faire appliquer cette convention collective pour l'ensemble de ce secteur. On est passé à deux doigts, à vingt employeurs, pour y arriver. Nous sommes dans une situation de blocage. Il aurait bien mieux valu que le Conseil d'Etat retire son projet de loi et que l'on relance ces négociations. Il me semble qu'il serait facile de trouver vingt employeurs de plus pour signer, s'il y avait une réelle volonté politique. S'il y a une volonté de conflit, il est clair qu'il faudra s'engager dans ce projet de loi.
M. Bernard Clerc (AdG). Le vocabulaire n'est pas innocent. Chacun aura remarqué que le rapport de majorité se garde bien d'employer l'expression «ouverture nocturne». Pourtant, le dictionnaire donne de ce terme la définition suivante en matière commerciale - je sais que M. Blanc aime bien les dictionnaires :
«Ouverture en soirée de certains magasins.»
Jusqu'à preuve du contraire, 20 h se trouve en soirée. Au-delà du vocabulaire, les vendeuses et les vendeurs interrogés par le Comité travail et santé savent bien qu'il s'agit de travailler le soir, d'autant plus que le retour à domicile se situerait, en moyenne, pour 94% d'entre eux à 20 h 45. Ce n'est pas pour rien qu'ils sont très majoritairement opposés à cette ouverture nocturne et les discours que nous entendons sur l'unanimité me laissent pantois. Mais le fait de ne pas utiliser le mot «nocturne» est révélateur de la tentative de faire passer en douceur ce projet de loi. A défaut de pouvoir agir sur la rotation de la terre, les partisans du projet de loi ont préféré changer de vocabulaire : «ouverture retardée des magasins» passe mieux dans la population qu'«ouverture nocturne». Voilà pour la forme.
Venons-en au fond. Cette loi sur l'ouverture nocturne des magasins se veut une réponse à la concurrence. Je cite le rapport de majorité : «...comme une contribution au maintien de l'emploi dans le secteur de la vente.».
Parlons de la concurrence. Il est curieux de constater que la Migros, par exemple, qui se déclare favorable à l'ouverture nocturne, vient d'ouvrir deux grands centres commerciaux en France voisine, n'hésitant pas - si on suit l'analyse du rapport de majorité - à se concurrencer elle-même. Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi la concurrence est-elle plus vive aujourd'hui qu'hier en matière de distribution ? Pour une raison essentielle : le pouvoir d'achat de la majorité de la population ne se développe plus, et ce facteur n'est pas conjoncturel. La hausse constante de la consommation que nous avons connue dans les trente années d'après-guerre est terminée sauf, évidemment, pour la petite minorité qui continue à disposer de revenus élevés et qui fréquente les commerces de luxe genevois. Pour celle-là, ni les prix ni les heures d'ouverture des magasins ne jouent de rôle dans leurs habitudes de consommation.
Or, si la masse globale de la consommation n'augmente pas, les commerces sont contraints, pour maintenir leurs profits, de conquérir des parts plus grandes d'un marché dont le volume global a tendance à stagner et même à diminuer en période de crise. Dans cette course aux parts de marché, les grands commerces sont en position de force. L'ouverture nocturne des magasins est évidemment beaucoup plus facile pour un grand magasin qui dispose d'une masse critique lui permettant de rester ouvert jusqu'à 20 h sans difficulté. Il n'en est pas de même pour le petit commerçant déjà contraint d'effectuer un nombre d'heures de travail important. Au cas où ce projet de loi entrerait en vigueur, il est prévisible que, dans la durée, nombre de petits commerces devront fermer boutique, les grandes surfaces accaparant de ce fait une part plus importante du marché. C'est ainsi que, dans un premier temps, les grandes surfaces ouvriront presque toutes leurs magasins le soir, puis progressivement ne garderont ouverts en soirée que les grands d'entre eux ou les mieux situés. Cet élément ressort d'ailleurs de l'audition en commission des directeurs de la Coop et de la Migros qui se sont déclarés disposés à faire l'expérience - notez bien le mot «expérience» - d'ouvrir jusqu'à 20 h un maximum de leurs magasins - c'est-à-dire pas tous.
Certes, cette redistribution des parts de marché ne sera pas linéaire. Elle n'affectera pas les différents secteurs de la distribution de la même manière ni dans le même temps. Mais, à moyen terme, c'est bien le processus qui se réalisera.
Si nous ne sommes pas dupes de la guerre commerciale qui se cache derrière l'ouverture nocturne des magasins, ce qui nous préoccupe principalement c'est la question de l'emploi qui lui est liée. Quand le rapporteur de majorité parle de maintenir les emplois - il n'ose quand même pas dire augmenter le nombre de postes de travail - il est soit naïf, soit une personne peu au fait des données statistiques. En effet, le recensement des entreprises de 1991 montre qu'entre 1985 et 1991 le commerce de détail a perdu cent soixante et un établissements et six cent quarante-cinq emplois alors que, dans le même temps, l'ensemble du canton connaissait une augmentation de dix-huit mille neuf cent quarante-deux postes de travail. Cela est déjà le signe d'une concentration de la distribution. Or, cette concentration ne pourra que s'accélérer avec les ouvertures nocturnes et elle fera disparaître nombre de petits commerces sans augmenter les emplois dans les grandes surfaces. En effet, qu'en est-il de la structure du commerce de détail à Genève ? L'avez-vous étudiée, Monsieur le rapporteur de majorité ? Pourquoi la passez-vous sous silence ? Soit vous l'ignorez - ce qui m'étonnerait - soit vous n'en parlez pas parce que vos propos sur l'emploi ne résisteraient pas à l'analyse.
Le commerce de détail comprend trois mille six cent neuf établissements assurant entre un et quatre emplois par entreprise, soit un total de cinq mille deux cent quarante-quatre emplois. Cela représente 75% du total des entreprises du commerce de détail et 24% de l'ensemble des emplois de ce secteur. Si nous ajoutons à ces chiffres les établissements assurant entre cinq et neuf emplois, cela désigne 90% des entreprises du secteur et 40% des postes de travail, soit huit mille huit cent vingt-sept postes. Vous le savez bien, ce sont ces entreprises-là qui souffriront le plus de la concurrence accrue due à l'ouverture nocturne par la difficulté à assurer le temps supplémentaire d'ouverture et par le glissement d'une part de la consommation vers les grandes surfaces et les centres commerciaux. Les commerçants membres de la Fédération des artisans et commerçants ne s'y sont pas trompés, eux qui se prononcent à 70% contre l'ouverture nocturne, ce qui n'empêche par leur fédération - bel exemple de démocratie - de se prononcer en faveur du projet de loi.
Mais, me direz-vous, les pertes d'emplois dans le petit commerce seront compensées par des engagements dans les grandes entreprises de distribution. Vous savez bien que cela ne sera pas le cas. S'il est prévu que le temps de travail fixé par convention collective ne sera pas modifié à la hausse, rien n'empêchera les employeurs d'exiger les heures supplémentaires nécessaires à l'ouverture nocturne plutôt que de procéder à des engagements. Dans un secteur où le travail à temps partiel représente près de 28% des emplois, ce glissement ne posera pas de problème, d'autant plus que les conditions salariales ne sont pas particulièrement bonnes. Ainsi, dans la pratique, nous assisterons à une augmentation réelle du temps de travail. Dans ce secteur, comme dans beaucoup d'autres, l'heure est à la rationalisation et à la déréglementation avec pour corollaire des diminutions d'emplois.
Voilà la réalité économique dont le rapport de majorité ne parle pas, et pour cause. Certes, je sais que le petit commerce est loin de toujours pratiquer des conditions de salaire et de travail favorables aux employés, mais est-ce beaucoup mieux dans les grands magasins ? Sur le papier, dans les conventions sans doute, dans les faits c'est une autre histoire ! Ce qui est certain, par contre, c'est que l'ouverture nocturne des magasins sera globalement défavorable du point de vue de l'emploi, contrairement à ce que vous affirmez dans le rapport de majorité. Par ailleurs, compte tenu de l'impossibilité légale d'obtenir l'extension de la convention à tout le secteur du commerce de détail, les salariés de cette branche seront perdants sur deux fronts : celui de l'emploi et celui des conditions de travail.
Non, ce projet de loi ne favorisera pas l'emploi, il contribuera à des pertes de postes de travail !
Non, ce projet de loi n'améliorera pas les conditions de travail des vendeuses et des vendeurs, mais contribuera à les péjorer !
Oui, ce projet de loi est un pas de plus dans le sens de la déréglementation et vers une ouverture nocturne des magasins plusieurs fois par semaine !
Voilà les raisons principales pour lesquelles nous nous y opposerons par tous les moyens.
M. Armand Lombard (L). Suite aux propos négatifs de M. Clerc, je remarque qu'il ne propose strictement rien pour améliorer la situation du commerce genevois, si ce n'est de tenter de contrecarrer les projets de lois qui lui sont soumis.
A priori, il y a une bonne donne pour le commerce genevois. Notre Cité, visitée par nombre d'étrangers, possède une bonne dynamique interne. Les acteurs de ce projet sont au nombre de cinq :
- les grands commerces qui luttent pour un centre commercial urbain et métropolitain par rapport à la région;
- les petits commerces qui se doivent non seulement de ne pas mourir, non seulement de survivre, mais de se développer dans ce centre urbain;
- les employés salariés qui doivent maintenir une certaine qualité et qui doivent voir se développer leur qualité de vie;
- une cité urbaine - ne l'oubliez pas - qui se ferme - je ne parle pas des horaires, mais du centre-ville en général - et qui doit se redonner des raisons d'être visitée par sa population et
- une région qui a besoin d'un certain nombre de commerces à l'extérieur. Je ne m'étonne absolument pas des ouvertures de la Migros, de la Coopérative, en Haute-Savoie ou dans le pays de Gex. C'est parfaitement normal qu'une métropole ait autour d'elle un certain nombre de centres. L'essentiel étant que ce centre reste attrayant pour la population.
Les objectifs de cette donne sont au nombre de trois :
- un commerce de la Genève urbaine, diversifié avec des emplois créés. Monsieur Clerc, même si on a des raisons d'être gris, tristes ou pessimistes, il y a des possibilités de développer encore le commerce, et le petit commerce en particulier.
- une qualité de vie à maintenir, même dans une situation difficile, même dans une concurrence exacerbée, même dans le cadre de salaires qui, à l'évidence, sont faibles, mais qui doivent se maintenir par rapport à des salaires français qui représentent la moitié des salaires suisses. Je ne dis pas que c'est simple, mais ce n'est pas impossible à solutionner. Les partenaires doivent tenter de résoudre ces équations;
- la survie et le développement du tissu urbain, artisanal, convivial et commercial du centre-ville. C'est un objectif véritablement important.
Cette donne me paraît parfaitement «travaillable» et nous nous trouvons ainsi avec le résultat suivant :
- un projet de loi qui nous est soumis ce soir. C'est un premier pas dans l'objectif global que je vous trace, mais c'est un projet positif qui va dans la bonne direction;
- l'imbroglio politique qui commence à être habituel et grotesque.
Evidemment, le projet qui nous est soumis est partiel. Il est le début d'une action, mais ce n'est pas un grand pas comme celui d'Amstrong lorsqu'il a marché sur la lune. Ce ne sera pas très important ni pour l'humanité, ni pour Genève, ni pour le commerce.
Pour ce qui est de l'imbroglio, laissez-moi dire que notre institution politique semble se prendre singulièrement pour le centre du monde et pour le centre de Genève. Nous aussi, Grand Conseil, sommes concurrencés. Vous à gauche, vous protestez contre cette concurrence - je veux parler de l'économie privée, de la société civile, la justice - mais peut-être que finalement la population a davantage confiance dans ses autres institutions. Il faut dire que les grotesques mascarades que nous offrons souvent à la population dans cette enceinte y sont certainement pour quelque chose ! Nous devrions être prudents. Nous ne sommes pas seulement en train de nous envoyer des fions, mais nous salissons l'image de l'institution politique de Genève.
J'en reviens au commerce. A l'évidence, ce projet de loi est combattu par l'extrême-gauche qui a décidé de casser l'Entente, de casser le gouvernement, de casser tout ce qu'il peut : casser les riches, casser les socialistes... (Grand éclat de rires.)
Une voix de la gauche. Casser les banquiers !
M. Claude Blanc. Casser les pieds !
M. Armand Lombard. Cassez tout ce que vous voulez, cela nous est égal. (Brouhaha.) Les écologistes ont été tentés dans ce projet de loi par la création, par le maintien ou par le développement d'un tissu urbain. Mais ils sont tiraillés par d'autres arguments qui leur paraissent plus importants. La gauche humaniste joue le coeur, Madame Calmy-Rey, mais elle joue sans la tête ! (Hilarité générale.) «Le projet est utile» dites-vous, «Bonne idée, mais» «On serait d'accord, si», «On est tous d'accord, mais pas ce coup-là !» (Rires.) On pose des conditions, on tente délicatement d'introduire dans le secteur privé, mine de rien, des compétences réservées jusque-là aux partenaires sociaux et strictement aux partenaires sociaux dans des domaines dans lesquels, jusqu'ici dans notre pays, on pouvait essayer de trouver un consensus amenant à des solutions concertées.
Mme Calmy-Rey affirme dans ce rapport ne pas vouloir sacrifier la dimension sociale à la logique économique. Mais la logique, Madame, c'est la survie du commerce genevois urbain, ce sont les emplois au centre-ville, c'est le petit commerce pour lequel il faut trouver des bases sociales et économiques jouables !
Notre groupe, pour toutes ces raisons, soutient, bien sûr, pleinement ce projet de loi et rejette vigoureusement votre amendement. En effet, nous pensons qu'il faut savoir agir dans des directions positives et dynamiques et non pas monter sans cesse les détails en épingle. (Bravos et applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). Je vais tenter d'être encore plus radical que M. Lombard ! (Aaahhh, rires et quolibets.)
Le rapport de minorité et les jérémiades qui l'entourent ne sont, à mon point de vue, qu'un monument d'hypocrisie ! Vous savez très bien, Messieurs les représentants de la minorité, qu'à trop vouloir vous allez tout casser ! Vous savez très bien qu'en tentant d'introduire dans ce projet de loi l'amendement que vous voulez y introduire - avec la bénédiction du vénérable grand-père Berenstein - vous courez le risque majeur de vous faire casser par le Tribunal fédéral ! Et vous le faites en connaissance de cause, et là réside votre hypocrisie. Vous savez que si nous acceptons votre proposition le Tribunal fédéral nous cassera et qu'il n'y aura pas de loi, c'est ce que vous voulez !
En réalité, vous voulez casser ceux qui, à Genève, font l'effort de trouver de la valeur ajoutée qui permettra d'assumer les charges sociales de l'Etat. Vous n'arrêtez pas de faire des jérémiades, de déposer motion après motion à chaque séance du Grand Conseil pour demander à l'Etat ce qu'il fait pour promouvoir l'économie, pour lutter contre le chômage, toutes choses parfaitement théoriques et, vous le savez, toutes choses qui n'amènent pas un sou de plus dans la marge des entreprises, marge qui est destinée à payer des salaires, salaires qui sont destinés à payer des impôts, impôts qui sont destinés à faire tourner le ménage de l'Etat !
Vous le savez très bien, mais vous voulez tarir la vache. Vous savez que, ce faisant, vous détruisez l'Etat, mais cela vous est égal, pourvu que vous puissiez, aux yeux de ceux que vous prétendez défendre, vous targuer de venir au secours des plus faibles ! En réalité, vous leur rendez un bien mauvais service. C'est une meule de moulin que vous lui attachez au cou au moment où il se noie alors que nous nous essayons de lui lancer une bouée. (Brouhaha et commentaires.) C'est exactement ce qu'il faut vous dire. Madame Calmy-Rey, vous avez beau sourire... (Rires.) ...c'est votre volonté. Vous voulez détruire l'économie et ensuite vous nous accuserez de n'avoir rien fait pour la sauvegarder !
En ce qui concerne cette notion de convention collective, votre position est également hypocrite. En effet, vous savez très bien que les grandes entreprises, celles que M. Clerc vient de vilipender avec tout son fiel... (Ohhh de réprobation.) ...ont signé ces conventions collectives. Celles que vous visez sont précisément les petites entreprises qui n'ont pas, pour toutes sortes de raisons, les moyens de les signer. Vous voulez les poignarder dans le dos en faisant semblant de les défendre ! En voulant étendre l'effet des conventions collectives à l'ensemble du commerce de détail, vous voulez favoriser les gros et tuer les petits tout en feignant de faire le contraire.
Je suis navré, mais vous n'êtes que des hypocrites et nous ne vous suivrons pas ! (Applaudissements des radicaux et des démocrates-chrétiens.)
M. Gilles Godinat (AdG). Je ne ferai pas de diatribe sur l'hypocrisie des uns et des autres.
Par contre, Monsieur Armand Lombard, avant d'intervenir dans la discussion, je ne puis accepter l'épithète de «casseur» ! Je vous prie de regarder humblement ce que votent vos collègues à Berne, par rapport à la révision de la loi sur le chômage, par rapport à la suppression de l'indexation AVS, par rapport à la révision de la loi sur le travail.
M. Nicolas Brunschwig. Ça, c'est le Conseil national ! On n'y est pas encore !
M. Gilles Godinat. Je vous prie de regarder de ce côté-là pour voir où sont les casseurs ! Le dogme néolibéral sur l'horaire de travail, d'après la nouvelle définition prévue sur le travail de nuit qui serait de 23 h le soir à 6 h du matin, me fait penser que votre horaire idéal serait que le jour dure vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! (Les commentaires vont bon train.)
Le président. Voulez-vous laisser parler M. Godinat !
M. Gilles Godinat Cela dit, lors de la préconsultation concernant le projet de loi 7093, notre groupe avait développé les principaux arguments contre la modification de la loi sur les heures de fermeture des magasins. Je ne veux pas y revenir. Nous avions abordé les questions d'ordre politique, d'ordre économique, d'ordre social et d'ordre syndical. Nous avions fait le choix de suivre la voie syndicale et la voie de nos collègues socialistes qui pensaient pouvoir ancrer, effectivement, dans la loi un principe qui nous paraissait juste, c'est-à-dire de faire bénéficier les travailleurs les moins protégés de ce canton d'une protection sur le respect des usages en la matière. Or, il semble - nous étions déjà sceptiques - que ce soit très délicat.
Sur le fond, nous tenons à rappeler que notre préoccupation est essentiellement liée à l'étendue des horaires, car, comme l'a dit mon collègue Jean-Philippe de Tolédo, il faut comprendre que nous mettons le doigt dans un engrenage. C'est principalement pour cette raison que nous sommes opposés à ce projet, car c'est une première mesure qui sera suivie par d'autres... (On entend mal M. Godinat qui parle en se tournant vers les uns et les autres.)
Une voix. Micro !
M. Gilles Godinat. On ne peut plus parler debout !
Une voix. Parle plus fort !
Une autre voix. Mets-toi à genoux !
Une autre voix. Parle en face du micro, ça ira mieux !
M. Gilles Godinat. Oui, mais j'aime bien vous regarder !
Une voix. Ils sont mignons, mais vas-y ! (Rires et quolibets fusent.)
M. Gilles Godinat. Monsieur le président, faites quelque chose !
Le président. Monsieur Godinat, veuillez continuer et terminer, si c'est possible !
M. Gilles Godinat. Fondamentalement, notre groupe ne peut accepter un processus de déréglementation des horaires de travail. Il faut rappeler la motion des députés de l'Entente qui propose l'ouverture prolongée dans les services de l'administration. Nous refusons cette politique ! (Commentaires et interpellations des uns et des autres.)
Sur la question de fond, en commission de l'économie, nous avions souhaité faire entendre un groupe de «préventologues» qui travaillent sur les questions de prévention dans le domaine de la santé, maternelle et infantile entre autres, au service de santé de la jeunesse. Je vous transmets le message qu'ils n'ont pas pu transmettre en commission : «Il semble qu'avec l'ouverture nocturne des magasins - que vous appelez pudiquement ouverture retardée - les conséquences sur la vie familiale et la vie sociale sont importantes. On assiste, de fait, à une détérioration de la qualité des relations dans la famille.». C'est une réalité. Nous vous avons démontré aussi - mon collègue Clerc l'a fait - qu'il n'existe aucune garantie que l'ouverture nocturne des magasins va être créatrice d'emplois à Genève.
Pour terminer - puisque j'ai visiblement de la peine à défendre mes arguments; en effet, je suis tout le temps interrompu, Monsieur le président ! - j'insiste sur l'aspect de la prévention. En tant que médecin, c'est mon souci principal. Or, j'estime que la dérégulation des horaires engendre des problèmes de santé et des coûts sociaux induits dont vous ne tenez absolument pas compte dans votre démarche.
Mme Anita Cuénod (AdG). J'aimerais vous faire partager quelques réflexions du comité «Travail et santé». Pour commencer, je voudrais préciser que les courses, les visites médicales et les tâches administratives, pour moi et pour beaucoup de femmes, représentent une deuxième journée de travail et non un temps de loisirs. C'est pourquoi l'ouverture prolongée des magasins n'est pas une solution, c'est le temps consacré au travail payé qui doit baisser.
Que signifie une heure de plus, si petite soit-elle ? Les conditions de travail du personnel de vente, vous le savez très bien, sont composées dans sa grande majorité...
Une voix. Vous pourriez au moins avoir la politesse d'écouter !
Mme Anita Cuénod. Est-ce que je peux parler, Monsieur Dupraz ? Alors taisez-vous !
...par des femmes. Ces conditions sont très dures. D'une manière générale, le travail dans la vente signifie : des bas salaires, peu de qualifications, des conditions de travail pénibles : l'air conditionné, les courants d'air...
M. Armand Lombard. Ou bien c'est l'air conditionné, ou bien ce sont les courants d'air !
Mme Anita Cuénod. ...la lumière artificielle, le bruit ambiant et le travail debout... (L'oratrice est gênée par les remarques qui fusent de toutes parts.) Vous me laissez continuer ? Vous êtes vraiment...
De plus, elles font souvent des heures supplémentaires qui ne peuvent pas être compensées en temps ou dont elles préfèrent le paiement en raison de leur très bas salaire. Elles font les heures de travail et de déplacement au moment où les autres, en particulier les enfants, sont à la maison entre 18 et 20 h, tous les jours de la semaine, chaque samedi jusqu'à 17 ou 18 h, sans compter les déplacements, la veille des jours de fête, le 31 décembre jusqu'à 17 h et les deux nocturnes avant Noël jusqu'à 22 h. Elles n'ont pas deux jours de congé consécutifs par semaine et dans les commerces non conventionnés - six mille personnes sont concernées - elles n'ont qu'un jour et demi de congé hebdomadaire, à moins que le magasin ne soit ouvert six jours sur sept. Pour de nombreuses employées, le travail est précaire, puisque leur temps de travail - et donc leur salaire - peut varier de 20% d'un mois à l'autre.
Dans ce contexte, une heure de travail de plus le soir - ce qui veut dire une soirée entière de moins pour soi, pour se reposer, pour être avec sa famille - c'est une heure de trop, parce qu'elle vient rompre un équilibre déjà totalement instable.
M. Nicolas Brunschwig (L). Essayons de revenir à l'essentiel.
Syndicats et associations professionnelles approuvent à 100% cet accord. Je parle de l'accord et non des modalités d'application de l'accord.
La seule divergence réside dans le verrou qui devrait figurer dans la loi et qui imposerait aux entreprises non conventionnées d'appliquer les conventions collectives. Ce serait donc manifestement une extension déguisée de la convention collective. Or, les conditions juridiques d'extension de conventions collectives sont l'obtention d'un certain nombre de majorités que M. Schneider a essayé d'évoquer. En l'occurrence, ces majorités, qui sont en tout cas au nombre de deux : la majorité des emplois, celle-ci est acquise, car la totalité des grands employeurs appliquent les conditions des conventions collectives et la majorité des entreprises. Malheureusement - je le regrette avec vous - nous n'avons pas la majorité nécessaire.
Dans une société libérale, nous ne pouvons pas imposer à des entreprises ou des employeurs d'adhérer à une convention collective si, pour un certain nombre de raisons, qui sont par ailleurs peut-être tout à fait valables dans leur cadre précis, ils ne veulent pas appliquer les conditions de cette convention collective.
Dès lors, manifestement, accepter les amendements proposés ferait courir un risque juridique évident à la loi en tant que telle. Alors nous nous retrouverions de nouveau à la case «départ». Nous ne voulons pas prendre ce risque ! C'est la raison de la divergence.
Avant de conclure, je ferai quelques remarques, tout d'abord à M. Clerc. Il est d'ailleurs excusable, car je pense qu'il connaît mal le commerce de détail et, en plus, il ne faisait pas partie de la commission, donc je ne lui en veux pas plus que cela. A Genève, nous avons la meilleure convention collective de Suisse, nous avons les meilleures conditions de travail de la branche, en Suisse et même du monde. Il faut le savoir, Monsieur Clerc ! De plus, toutes les villes de Suisse, sauf Genève et Lausanne, ont au minimum une ouverture retardée ou une ouverture nocturne par semaine.
Enfin, votre discours est paradoxal pour ne pas dire cocasse, dans la mesure où vous voulez protéger les petits commerces qui, de manière générale, sont ceux dont les conditions de travail sont les plus dures et de très loin dans la branche de la distribution. Dès lors, Monsieur Clerc, une fois de plus, votre position est absolument ambiguë, pour ne pas dire incompréhensible. Cela dit, il semblerait que votre stratégie d'opposition systématique - qui est d'ailleurs aussi stérile qu'électoraliste - arrive à vous faire plaisir en tout cas à vous !
Mon autre remarque concerne les différences de prix. Il est vrai que les prix sont différents entre la France et la Suisse, personne ne le nie et surtout pas les directeurs des principales coopératives Migros et Coop qui l'ont explicité longuement en commission. Ces différences de prix sont beaucoup plus fortes dans le commerce alimentaire que dans le commerce non alimentaire pour deux raisons qu'il faut connaître. En effet, on ne peut pas se plaindre des différences de prix sans en connaître les causes : d'une part, la politique agricole suisse, avec ce qu'elle implique en termes d'approvisionnement pour les centrales alimentaires et, d'autre part, les niveaux de salaires. Il faut savoir que les salaires français sont au maximum la moitié de ceux pratiqués à Genève - je pense à Thoiry ou à Etrembières, donc à quelques kilomètres à peine. Monsieur Ecuyer, ne dites pas que ce n'est pas vrai !
M. René Ecuyer. Non, je dis que c'est un scandale !
Une voix. Oui, c'est un scandale, mais c'est comme ça !
M. Nicolas Brunschwig. Vous devez connaître ces causes pour pouvoir être conséquents. (Les commentaires vont bon train.)
Enfin et conclusion, ce projet de loi doit être examiné avec une vision «multicritères». Le premier de ces critères est manifestement les conditions de travail des employés concernés dans ce secteur. Nous ne le nions pas et nous pensons que nous avons été aussi loin que possible dans le cadre du respect du droit fédéral avec la proposition que nous faisons. Le deuxième critère est l'attente des consommateurs. Nous pouvons vous dire que nous sommes certains - nous avons fait des études sérieuses et des statistiques sur le sujet - que cette attente est réelle pour un grand nombre de consommateurs, même si certains n'en expriment pas le désir ou la volonté dans cette enceinte aujourd'hui.
Enfin, il s'agit de donner un très léger plus au niveau des conditions-cadres. Très léger, car, au niveau des entreprises de distribution, la plupart auraient désiré bien davantage, mais nous estimons que c'est un bon test pour voir de quelle manière réagit la population genevoise à ce sujet. (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R). Monsieur Clerc, vous brassez tellement de chiffres... (Grand désordre. M. Kunz a de la peine à parler.)
Le président. La parole est à M. Kunz, vous attendrez votre tour, Monsieur Vanek ! (Rires et quolibets.) Monsieur Kunz, nous vous écoutons !
M. Pierre Kunz. Vous brassez tellement de chiffres que cela devient de la bouillabaisse ! (Rires.) Monsieur Clerc, puisque vous parliez aussi de réalité économique, j'aimerais vous faire remarquer qu'un seul chiffre compte dans ce domaine. En 1992, 600 millions de francs de dépenses de consommation ont été effectuées par les Genevois de l'autre côté de la frontière. Aujourd'hui, on peut estimer, sur le total des dépenses de consommation des Genevois, à 7 ou 8% les dépenses effectuées de l'autre côté de la frontière. Voilà l'origine du problème de l'emploi, Monsieur !
Monsieur Clerc, hier soir, vous et vos amis - vous n'étiez d'ailleurs pas tellement préoccupés par notre santé ! - (Eclat de rires.) nous avez occupés pendant six tours d'horloge et vous vous êtes lamentés sur l'arrogance et sur le mépris que la majorité afficherait à votre égard. Hier soir, comme aurait dit Vigny, vous pleuriez, vous priiez, vous gémissiez pour que nous vous accordions la concertation que vous voulez tant. Hier soir, bien sûr, vous n'avez pas pensé aux sujets de discussion d'aujourd'hui !
Comment pourrions-nous, devant tant d'incohérences, tant de volte-face dans vos milieux, dans les milieux syndicaux que vous prétendez défendre ou représenter, continuer à vous considérer comme des partenaires ? En effet, votre attitude montre que vous en êtes restés à la défense d'intérêts purement corporatistes ! (Le chahut provoqué par l'Alliance de gauche augmente et l'orateur est obligé de hausser le ton.) Que vous êtes complètement détachés de l'intérêt de Genève à long terme ! (Le président tente vainement de calmer l'assemblée.) Que vous n'avez aucune cohérence ! Que vous n'êtes pas prêts à faire des efforts ! Que vous n'avez aucune intention de faire les révisions nécessaires... (L'orateur s'arrête de parler, car le chahut est indescriptible.) ...et cela signifie que vous aurez bien de la peine, effectivement, à nous faire travailler encore beaucoup en commission !
M. Max Schneider (Ve). Je regrette de prendre la parole une deuxième fois, mais j'avais trop d'informations à donner pour un temps si bref. Mais je ne vais pas m'allonger... (Hilarité générale.) Je voudrais souligner que le groupe écologiste n'acceptera pas l'entrée en matière sur ce projet de loi. Nous estimons que la décision est du ressort des partenaires sociaux et de l'Entente pour obtenir une majorité afin de légaliser cette convention à Berne et nous invitons le département de l'économie publique à s'y attacher.
J'aimerais savoir - ma question va peut-être vous surprendre, mais ma dernière information date du mois d'août 1990 - combien d'employeurs manqueraient aujourd'hui pour obtenir cette majorité.
S'agissant des petits commerçants, puisque certains s'y intéressent, notamment sur les bancs de la droite, je vous demande pourquoi vous avez refusé en commission que les grandes surfaces puissent ouvrir dans les zones moins attractives, afin de générer une animation propice à la venue des chalands. C'est la teneur de la lettre que vous avez reçue de la FAC. Juridiquement, n'aurait-il pas été possible d'inclure cette possibilité dans la loi, puisque, justement, c'était la demande des petits commerçants ?
Pour toutes ces raisons, nous n'entrerons pas en matière sur cette loi. En ce qui concerne les amendements, j'ai déjà fait part de l'arrêt du Tribunal fédéral tout à l'heure.
M. Pierre Vanek (AdG). Je ferai une parenthèse avant d'intervenir sur le fond de ce débat.
Tout à l'heure, Monsieur le président, je vous ai demandé de faire voter une motion d'ordre. (Interpellé par un député.) Ta gueule ! (L'assemblée hue l'orateur.)
Le président. Monsieur Vanek, je vous rappelle le respect que vous devez à vos camarades et amis députés. (M. Vanek ne laisse pas le président parler.) Monsieur Vanek, c'est moi qui parle, pour l'instant !
La séance est suspendue ! Fermez les micros ! (Le président fait évacuer la tribune par les huissiers.)
La séance est levée à 16 h 40.