République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 mai 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 7e session - 20e séance -autres séances de la session
No 20
Vendredi 27 mai 1994,
nuit
Présidence :
M. Hervé Burdet,président
La séance est ouverte à 20 h 45.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, Philippe Joye, Gérard Ramseyer conseillers d'Etat, ainsi que MM. Bernard Annen, Hervé Dessimoz, Pierre Ducrest, Bénédict Fontanet, Alain-Dominique Mauris, Laurent Rebeaud, députés.
3. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat souhaite vous informer d'une décision qui a été prise cet après-midi par le conseil d'administration de l'aéroport et qui concerne les investissements.
Cette décision a deux volets. D'une part, un mandat a été confié à l'ITEP et à la SGI pour procéder, dans un délai extrêmement rapide, à l'actualisation du programme d'investissements 1990 sur la base du concept qui est donc maintenu.
D'autre part, au début de cette année nous avons demandé à la direction générale de l'aéroport de procéder à l'examen d'investissements à très court terme dans la perspective d'améliorer la situation sur le plan tarmac.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous indiquer que le conseil d'administration de l'aéroport, unanime, a pris la décision de lancer les investissements nécessaires permettant la réalisation de passerelles télescopiques sur les satellites actuellement en place. Cet investissement est de l'ordre de 12 millions. Il est financé et sera opérationnel dans moins d'un an. (Applaudissements.)
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Le président. Les propositions de motions suivantes sont parvenues à la présidence :
Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Le président. La question écrite suivante est parvenue à la présidence :
Elle sera transmise au Conseil d'Etat.
LE GRAND CONSEIL
invite le Conseil d'Etat
- à poursuivre et à accélérer le travail entrepris pour renforcer la compétitivité de Genève sur les plans économique, administratif et fiscal;
- à poursuivre et à renforcer sa politique d'accueil afin de garder les personnes actives sur le territoire du canton pour des raisons économiques et fiscales;
- à poursuivre ses efforts pour donner à la jeunesse une formation plus en phase avec les besoins de l'économie;
- à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne le développement des activités internationales à Genève;
- à poursuivre le travail entrepris pour stimuler les rencontres internationales, les salons, les foires et tout ce qui vise à associer le nom de Genève aux technologies de pointe et à la découverte de nouveaux créneaux de production;
- à poursuivre et à accélérer la révision des procédures administratives afin de faciliter la création de petits commerces, de petites entreprises de service et d'emplois de proximité;
- à poursuivre les efforts entrepris pour augmenter la mobilité sur le canton en respectant le principe de la complémentarité et du libre choix du mode de transport;
- à poursuivre et à accélérer la construction de parkings au centre-ville ou à autoriser la construction de ces derniers par des privés afin de faciliter l'accès aux commerces;
- à veiller au maintien de la sécurité, de la salubrité et de la propreté, plus spécialement dans les zones sensibles du centre-ville.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Quelques réflexions sur l'économie
Depuis la fin des années soixante, les processus d'internationalisation des marchés et de mondialisation de l'économie transforment profondément les économies nationales, restreignent les marges de manoeuvre des Etats, et font ressortir les limites de l'Etat providence.
C'est sans doute pourquoi l'économie est devenue la composante dominante des sciences humaines. Cet état de fait peut être intellectuellement critiquable, mais comme le disait De Gaulle: «En dehors des réalités, il n'y a pas de politique possible.» La difficulté principale pour les responsables politiques, c'est de garder les idées claires malgré la prolifération des théories économiques. S.-C. Kolm estime le total des écrits en économie à plusieurs centaines de milliers de pages, qui s'accroissent de plusieurs dizaines de milliers de pages répondant à une définition très stricte du domaine par an, et plus de dix fois, cela pour l'ensemble de la littérature économique (Philosophie de l'économie, Paris, Seuil, 1986, p. 30).
Le mensonge fondamental
L'un des plus grands succès de la désinformation, c'est l'assimilation du communisme (doctrine tendant à la collectivisation des moyens de production, à la répartition des biens de consommation suivant les besoins de chacun, et à la suppression des classes sociales) et du socialisme (doctrine économique, sociale et politique caractérisée par la condamnation de la propriété privée des moyens de production et d'échange) au progrès, à la défense des pauvres et à la lutte pour la paix. Et l'assimilation du libéralisme (doctrine politique et économique visant à limiter les pouvoirs de l'Etat au regard des libertés individuelles, pour le développement de la libre entreprise), et de ceux qui le défendent, à des réactionnaires et des conservateurs.
Car malgré le nombre important des publications économiques, trois auteurs, Marx, Keynes et Smith, ont défini les trois modèles économiques qui ont servi de base de réflexion à tous les autres. De ces trois grands hommes, l'histoire a prouvé que c'est assurément Adam Smith et son concept de la «grande main invisible» qui avait la meilleure perception de ce que deviendrait l'économie mondiale. Ses découvertes restent parfaitement valables, et deux siècles plus tard ce ne sont pas les erreurs de Smith qui sont étonnantes, mais bien la justesse de sa vision.
Les succès de l'économie de marché
Les successeurs de Smith, dont Milton Friedman est certainement le plus connu, ont inspiré les gouvernements qui aujourd'hui créent le plus d'emplois.
Mais c'est sans doute le professeur F. A. von Hayek qui, après avoir traversé un long purgatoire, s'est imposé comme le principal théoricien du libéralisme. Prix Nobel en 1974, il a cherché à définir une société avec de nouveaux fondements, aussi bien juridiques, politiques et idéologiques qu'économiques au sens strict.
«Une situation de liberté, dans laquelle tous ont la faculté d'employer leurs connaissances à la poursuite de leurs objectifs, leur fournira les conditions les plus favorables à la réalisation de leurs projets. Un tel système n'a de chance d'être maintenu que si l'autorité est bornée dans l'exercice du pouvoir de contrainte par des principes généraux, auxquels la communauté aura adhéré à titre permanent.»
«En faisant confiance aux forces spontanées, nous pouvons étendre le champ et la portée de l'ordre que nous sommes capables de faire se former, précisément parce que sa configuration particulière dépendra de circonstances bien plus nombreuses que nous n'en pouvons connaître. Cet ordre mettra en oeuvre les connaissances distinctes de ses nombreux membres, sans que ce savoir soit jamais concentré dans un unique esprit.»
«Le grand mérite de l'économie de marché, c'est d'avoir enlevé à quiconque tout pouvoir dont l'usage est par nature arbitraire. La vérité est qu'elle a réalisé la plus massive réduction du pouvoir arbitraire jamais accomplie dans l'histoire, alors que le socialisme a simplement transféré ce pouvoir arbitraire d'une classe à une autre.»
C'est par analogie à la vision d'Adam Smith de la division du travail que F. A. von Hayek a introduit le concept de la division de la connaissance. C'est le marché qui permet le partage des connaissances pratiques et théoriques fragmentées et dispersées entre des millions d'individus, aucun ordinateur et aucun cerveau aussi puissants ou évolués soient-ils ne peuvent les assimiler et les exploiter. La planification est donc impossible et toute politique volontariste ne peut mener qu'au totalitarisme.
La Suisse a toujours été un pays libéral avec un système politique qui favorise l'échange des connaissances et des différentes sensibilités culturelles des élus qui l'animent. De plus, la BNS, institution indépendante du pouvoir politique, a toujours mené une politique monétaire strice. Ce n'est donc pas un hasard si notre petit pays a la chance d'être classé parmi ceux qui atteignent le produit national brut le plus important en francs par habitant dans le monde.
Pourquoi une motion pour l'amélioration des conditions-cadres offertesà l'économie genevoise?
Genève est un «produit» moteur. Cependant, l'analyse rapide des données statistiques disponibles confirme sans ambiguïté que la situation économique y est moins bonne que dans d'autres cantons de notre pays. Elle s'y est manifestement détériorée davantage que dans l'ensemble de la Suisse. Cette différence se marque de manière particulièrement frappante lorsqu'on compare l'évolution genevoise et nationale des statistiques concernant les commandements de payer, les ouvertures de faillites, les indices d'emploi, les taux de chômage.
La situation commence à s'améliorer, mais la réalité économique ne se transforme jamais à coups de remèdes miracles. Nous devons, comme les pompiers, veiller à ce que l'eau de l'intervention des autorités ne fasse pas plus de dégâts que le feu de la crise économique.
Néanmoins, l'Etat doit veiller à assurer aux acteurs économiques les conditions les plus favorables pour qu'ils puissent faire preuve de dynamisme et de créativité pour relever les défis auxquels ils sont confrontés et qu'ils sont seuls à pouvoir identifier.
c C'est pour ces raisons que le Conseil d'Etat doit poursuivre et accélérer le travail entrepris pour renforcer la compétitivité de Genève sur les plans économique, administratif et fiscal. Cela veut dire qu'il faut, sur le plan économique, être à l'écoute des entreprises établies à Genève, sur le plan administratif accélérer et simplifier les procédures, sur le plan fiscal rester concurrentiel par rapport aux régions environnantes.
La démographie de Genève
Dans un article intitulé «Pourquoi les confédérés partent», le journal Bilan partage l'inquiétude des auteurs de l'analyse économique qui a servi de base au «Projet pour Genève». Je le soumets à votre réflexion:
«Depuis les années quatre-vingt, les Confédérés quittent Genève pour la zone limitrophe. Principalement en raison du prix des loyers. Ils y gardent généralement leur emploi. Ce déficit se situe autour de 2000 résidents par an. En fait, ce sont les étrangers qui assurent aujourd'hui le peuplement du canton. Cette perte migratoire des Suisses est inquiétante, car elle prouve que, de plus en plus, on vient à Genève uniquement pour s'y distraire ou y gagner sa vie.»
Nous ne devons pas laisser le pourcentage des actifs non résidents augmenter par rapport à la population active totale, faute de quoi, reprise économique ou non, Genève se trouvera devant des problèmes insolubles, mis en évidence par le graphique ci-dessous.
Cette évolution est dangereuse car dans un premier temps, elle vide Genève d'une substance fiscale importante. Les contribuables modestes restent à Genève car ils bénéficient d'avantages sociaux plus importants que partout ailleurs. Ceux qui partent sont des cadres, qui trouvent dans les avantages fiscaux qu'ils ont dans le canton de Vaud une compensation aux trajets que leur nouveau domicile implique. Dans un deuxième temps, Genève perd de sa substance économique, car les actifs non résidents changent leurs habitudes de consommation. J'en veux pour preuve le développement des commerces sur Vaud. Plus grave encore, lorsque ces «expatriés» sont chefs d'entreprises, ils construisent leur nouvel outil de travail dans les zones industrielles de Nyon ou de Gland.
Les finances de Genève
La situation est délicate pour Genève, où l'on dépense beaucoup plus en francs par habitant que dans les autres cantons pour assurer le fonctionnement de l'Etat et des communes. Le graphique ci-dessous le montre de manière très évidente.
c Le Conseil d'Etat doit poursuivre et renforcer la politique d'accueil de Genève car, pour rester compétitifs par rapport aux régions voisines, nous devrions baisser les impôts. Ce n'est manifestement pas possible dans l'immédiat, et nous devons plutôt nous battre pour éviter une hausse de la fiscalité, dont les effets seraient catastrophiques. Pour redresser les finances publiques, sans supprimer des prestations indispensables aux plus démunis, il faut augmenter le nombre des personnes actives résidentes, donc contribuables, et en parallèle négocier une augmentation de la productivité des services de l'Etat, ce qui permettra une diminution des charges publiques en francs par habitant. Il est donc faux d'opposer la construction de logements sociaux à la construction de logements «libres» comme certains milieux tentent de le faire, nous devons atteindre un équilibre que seule une adéquation au marché nous permettra d'identifier.
Formation et entreprises
Lors de l'enquête du groupe libéral sur les conditions-cadres de l'économie genevoise, de nombreux interlocuteurs nous ont fait part de leurs inquiétudes face à la diminution de la qualité de la formation des candidats à l'apprentissage.
c Nous invitons le Conseil d'Etat à poursuivre ses efforts pour donner à la jeunesse une formation plus en phase avec les besoins de l'économie. Il doit être le trait d'union entre le contenu des formations et les besoins de l'industrie et des services. Ce rôle de partenaire implique un dialogue continu avec les organisations économiques et professionnelles et une extrême disponibilité des responsables des différentes filières de formation.
Le secteur international est la matière première de Genève
Les institutions internationales font la réputation de Genève dans le monde entier. Aucune autre ville de moins de 400 000 habitants n'est aussi connue et respectée que Genève. Malheureusement, d'autres gouvernements de villes européennes se battent pour occuper un rôle comparable au nôtre. Avec l'évolution politique de notre continent, la neutralité de la Suisse n'est plus un élément aussi déterminant que par le passé. Cette concurrence de plus en plus vive est à prendre très au sérieux: rien n'est plus acquis pour Genève.
c C'est pourquoi nous invitons le Conseil d'Etat à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne le développement des activités internationales à Genève, et à persévérer dans la politique qui vise à stimuler les rencontres internationales, les salons, les foires et tous les événements qui permettent d'associer le nom de Genève aux technologies de pointe et à la découverte de nouveaux créneaux de production.
Le retour au plein-emploi passe par le développement et la création d'entreprises
En Suisse, plus de 80% des emplois sont créés par des entreprises de moins de 50 employés. Partant de ce constat indiscutable, donner la priorité à l'emploi, c'est avant tout donner la priorité à l'entreprise. Les plus grandes d'entre elles ont les moyens de s'adapter et si nécessaire de délocaliser tout ou partie de leur production ou de leur administration. Mais les PME et les micro-entreprises sont plus fragiles et donc plus sensibles aux conditions-cadres qui leur sont offertes. Tous les pays qui ont oublié ce principe élémentaire se sont enfoncés dans un chômage massif et chronique, dont ils ne sont pas près de sortir. A Genève, des arrangements fiscaux, des démarches permettant la reprise d'entreprises en difficulté mais économiquement viables, tous les moyens doivent être envisagés pour redynamiser l'économie. L'Etat doit recréer un climat de confiance durable pour que les investisseurs choisissent notre canton pour développer ou créer leurs entreprises.
c C'est pourquoi nous invitons le Conseil d'Etat à poursuivre et à accélérer la révision des procédures administratives afin de faciliter la création de petits commerces, de petites entreprises de service et d'emplois de proximité.
La mobilité des citoyens est une des conditions indispensablesà la croissance
Le département de justice et police a, lors de la précédente législature, établi un rapport relatif à la «Conception globale de la circulation à Genève». Certains des éléments de ce rapport ne peuvent pas être suivis sous peine de conduire à une dangereuse restriction du libre choix du mode de transport, et de nuire dangereusement à la mobilité nécessaire au développement de l'économie et du commerce. Si un concept de complémentarité des différents modes de transport dont l'objectif est l'augmentation de la mobilité et l'amélioration des conditions-cadres de notre économie nous paraît souhaitable, nous devons combattre toute vision volontariste et restrictive de la circulation dont la finalité serait de supprimer, ou de diminuer drastiquement, le trafic privé individuel. Cette politique, qui peut paraître à certains intellectuellement satisfaisante, serait à terme économiquement suicidaire.
c C'est pourquoi nous invitons le Conseil d'Etat à poursuivre les efforts entrepris pour augmenter la mobilité dans le canton, en respectant le principe de la complémentarité et du libre choix du mode de transport, et à accélérer la construction de parkings au centre-ville ou à autoriser la construction de ces derniers par des privés, afin de faciliter l'accès aux commerces.
Genève «ville propre»
La création de zones piétonnes accessibles aux clients des commerces du centre-ville est un bon moyen d'améliorer l'attrait touristique et commercial de Genève, sous réserve de la construction des parkings nécessaires. Mais si ces endroits deviennent des lieux où l'insécurité objective ou subjective s'installe et que la propreté y diminue, le bénéfice que l'on peut attendre de ces infrastructures est réduit à néant.
c C'est pourquoi nous invitons le Conseil d'Etat à renforcer les efforts entrepris pour maintenir la sécurité, la salubrité et la propreté, plus spécialement dans les zones sensibles du centre-ville.
Conclusion
Le «produit» Genève est un bon produit. Pour le vendre le département de l'économie a publié une plaquette «Genève, la vie en plus». Nous devons continuer cet effort, c'est un pas dans la bonne direction.
Mais nous devons surtout:
- renforcer une politique incitative d'accueil;
- poursuivre et soutenir les efforts de l'administration pour être au service des entreprises créatrices de richesse et d'emplois;
- renforcer les mesures visant à accélérer les procédures;
- simplifier les lois et règlements cantonaux qui ne sont pas indispensables et empêchent la création ou l'exploitation de petits commerces ou d'entreprises de services.
Mesdames et Messieurs les députés, cette motion ne prétend pas apporter des solutions définitives à la baisse conjoncturelle qui nous frappe, mais si elle permet d'améliorer les conditions-cadres offertes à l'économie genevoise et si elle est appuyée par une majorité d'entre vous, elle confortera le Conseil d'Etat dans le travail qu'il a entrepris, avec déjà un certain succès, ainsi que les investisseurs et les institutions internationales dans le choix qu'ils font de Genève.
Débat
M. Michel Balestra (L). Nous avons découvert, il y a plus de 150 ans, que la division - je n'ai pas dit le partage - du travail permettait d'améliorer considérablement la productivité, et c'est cette découverte qui a permis à nos sociétés d'offrir des conditions de vie plus agréables à une grande majorité d'entre nous.
Mais ce que nous avons toujours beaucoup de peine à comprendre, c'est que la division du savoir est une réalité incontournable et que c'est cette réalité-là qui ne permet plus de planifier les actions des individus qui oeuvrent tous les jours pour assurer le bon fonctionnement de la collectivité.
Lorsque l'on vous présente un plan d'actions découlant d'une stratégie globale, vous pouvez, dans un premier temps, être séduit par sa cohérence et sa transparence, mais il s'agit d'une illusion synoptique. Sa: clarté s'explique par tout ce qui a été, volontairement ou non, par malice ou par incompétence, oublié lors de son élaboration.
Prenons un exemple récent d'un de ces plans d'actions découlant d'une stratégie globale : en 1981, les socialistes français arrivent au pouvoir avec pour ambition de changer la société. Ils élaborent un projet économique que l'on peut qualifier de Keynésien : créer des emplois en favorisant l'augmentation de la consommation et en lançant un important programme de grands travaux. Ils y ajoutent, pour faire bon poids, un volet social ambitieux : mise en place d'un revenu minimum d'insertion, augmentation des salaires minimums pour augmenter le revenu des consommateurs et renforcent les procédures en matière d'autorisation de licenciements pour protéger l'emploi; de plus, ils diminuent l'âge de la retraite et le nombre d'heures de travail par semaine pour libérer des postes de travail.
Et ils parachèvent le tout avec quelques démarches typiquement socialistes : nationalisation de grandes banques et de grandes entreprises, du secteur de l'énergie et de l'assurance, notamment.
Magnifique recette globale de cuisine politique dont la présentation a dû réjouir bon nombre de mes opposants politiques d'aujourd'hui qui pensaient enfin pouvoir expérimenter en grandeur réelle la solution développée par tant de théoriciens de ce que j'appellerai la «sociale-économie» et tant attendue par tous ceux qui imaginent que l'Etat pense plus juste que les citoyens, qu'il devrait se contenter de servir et représenter. Vous imaginez enfin la création, à l'échelle d'un pays de 60 millions d'habitants, d'un socialisme de marché pour lequel on aurait corrigé les erreurs commises par les cousins de l'Est et qui permettrait enfin de prouver la supériorité du socialisme «raisonnable» sur le libéralisme économique.
Malheureusement, et cette affirmation n'est pas polémique, treize ans d'un pouvoir socialiste sans partage ont passé; et le résultat est catastrophique.
Les socialistes français ont simplement oublié que depuis la fin des années 60 les processus d'internationalisation des marchés et de mondialisation de l'économie transforment profondément les économies nationales et restreignent sévèrement la marge de manoeuvre des Etats.
Vous comprendrez que, fort de cette dramatique et coûteuse expérience, le groupe libéral ne vous propose pas de suivre la même voie. La seule solution réaliste pour résoudre les problèmes économiques qui perturbent notre société aujourd'hui, c'est de renforcer notre confiance dans les vertus de l'économie de marché et d'apprendre à en respecter scrupuleusement les principes fondamentaux.
Beaucoup en doutent encore, et leur erreur de raisonnement vient du fait qu'aucun esprit, aussi brillant soit-il, n'est capable d'élaborer une stratégie aussi complexe et efficace que celle qui découle de l'ordre spontané résultant des actions individuelles et spécifiques des millions d'acteurs impliqués dans le fonctionnement de la société toute entière. C'est ce que l'on peut définir comme étant la supériorité indiscutable de l'ordre spontané sur l'ordre décrété.
Notre priorité à tous, c'est l'emploi, et une chose est certaine : dans notre pays, plus de 80% des emplois sont créés par des entreprises occupant moins de cinquante personnes. Partant de ce constat indiscutable, donner la priorité à l'emploi, c'est avant tout donner la priorité à l'entreprise.
Les plus grandes d'entre elles ont généralement les moyens de s'adapter et, si nécessaire, de délocaliser tout ou partie de leur production ou de leur administration. Mais les PME et les micro-entreprises sont plus fragiles et donc plus sensibles aux conditions-cadres qui leur sont offertes. Tous les pays qui ont oublié ces principes élémentaires se sont enfoncés dans un chômage massif et chronique dont ils ne sont pas près de sortir. C'est de ces expériences dont nous devons profiter pour ne pas commettre les mêmes erreurs et redresser la barre chez nous pendant qu'il est encore temps.
La Suisse a toujours été un pays libéral doté d'un système politique qui favorise l'échange des connaissances et l'interpénétration des différentes sensibilités culturelles. De plus, la Banque nationale Suisse, institution indépendante du pouvoir politique, a toujours mené une politique monétaire stricte. Ce n'est donc pas un hasard si notre petit pays a la chance d'être classé parmi ceux qui atteignent le produit national brut le plus important en francs par habitant dans le monde, et si le chômage qui nous frappe est moindre que partout ailleurs en Europe. C'est cette qualité de vie que nous devons défendre en continuant sur cette voie au niveau national et à Genève en accélérant le travail entrepris par le gouvernement pour renforcer la compétitivité de notre canton;
- en développant une véritable politique d'accueil afin de garder les personnes actives sur le territoire du canton :
- en poursuivant nos efforts pour donner à la jeunesse une formation plus en phase avec les besoins de l'économie;
- en insistant auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne le développement des activités internationales à Genève;
- en intensifiant le travail entrepris pour stimuler les rencontres, les salons, les foires et tout ce qui vise à associer le nom de Genève aux technologies de pointe et à la découverte de nouveaux créneaux de production;
- en révisant les procédures administratives afin de faciliter la création d'entreprises;
- en augmentant la mobilité sur le canton dans le respect des principes de la complémentarité et du libre choix du mode de transport;
- en accélérant la réalisation de parkings au centre-ville ou en autorisant la construction de ces derniers par des privés afin de faciliter l'accès aux commerces;
- en veillant strictement au maintien de la sécurité, de la salubrité et de la propreté, plus spécialement dans les zones sensibles du centre-ville.
Comme vous avez tous, j'en suis certain, lu l'exposé des motifs de cette motion, je vous fais grâce du développement concernant ces invites, mais pour résumer je dirai qu'à Genève l'Etat doit recréer un climat de confiance durable, afin que les investisseurs choisissent notre canton pour implanter ou développer leurs entreprises. Et, dans cette optique, tous les moyens doivent être envisagés pour redynamiser l'économie. Le retour au plein-emploi passe par le développement et la création d'entreprises. Veiller à assurer aux acteurs économiques les conditions les plus favorables pour qu'ils puissent faire preuve de dynamisme et de créativité, et relever ainsi les défis auxquels ils sont confrontés et qu'ils sont seuls à pouvoir identifier, c'est cela la stratégie qu'il faut adopter aujourd'hui pour soigner le mal en profondeur et ne pas se contenter maladroitement d'en masquer les symptômes.
Cette motion doit permettre un grand débat politique du législatif sur le visage qu'il entend donner à la Genève de demain. Pour cela, nous avons deux possibilités : le repli sur les acquis par une politique volontariste et mal adaptée par nature, avec les risques d'appauvrissement économique, culturel et social que cela implique, ou la volonté d'ouverture de croissance et de développement par l'amélioration des conditions-cadres offertes à l'économie genevoise, avec tous les avantages que nous y trouverons.
Car cette Genève que nous aimons tant a un potentiel supérieur à toutes les autres cités de notre pays.
Entre les deux termes de cette alternative, le Conseil d'Etat a déjà choisi celui de l'ouverture et du progrès, comme je l'espère la majorité d'entre nous. La commission de l'économie est en mesure de rechercher, sur la base de cette motion, un consensus le plus large possible afin que le gouvernement soit fermement appuyé dans la politique qu'il conduit depuis quelques mois avec un succès déjà certain.
C'est dans cet esprit constructif que le groupe libéral vous demande de renvoyer cette motion à cette commission. (Applaudissements sur les bancs des libéraux.)
M. Andreas Saurer (Ve). Vous avez sans aucun doute raison sur toute une série de points, Monsieur Balestra. Par exemple, sur le plan économique, le système stalinien est un échec total. Nous sommes entièrement d'accord avec vous sur le fait que les gestions sociales-démocrates de la France, de l'Espagne et de la Grèce ne se sont pas soldées par un succès. Mais la question est de savoir si le libéralisme que vous prônez a permis des succès. Permettez-nous d'en douter !
Une voix. Non !
M. Andreas Saurer. Actuellement, on constate que les nouveaux dirigeants des pays de l'Est, que la mafia envahit, s'inspirent justement de maîtres à penser tels que les économistes, F. Hayek et M. Friedmann. (Brouhaha.). Je ne suis pas convaincu que l'on puisse présenter l'économie actuelle des pays de l'Est comme un succès.
En effet, on voit que les Etats-Unis, bastion du libéralisme, suite à la politique de Reagan, voire de Nixon, se retrouve avec 30 millions de personnes sans assurance sociale et que l'espérance de vie dans un quartier comme Harlem à New-York, par exemple, correspond à l'espérance de vie du Bangladesh. Si c'est cela le franc succès du libéralisme, alors, permettez-nous de douter de cette idéologie.
Je pourrais continuer interminablement, Monsieur Balestra. Vous qui faites régulièrement appel à la modernité, vous vous référez sans cesse à des penseurs du 19e siècle. En matière économique, vous ne voyez pas le problème actuel. Vous argumentez à l'aide des écrits d'Adam Smith, qui est un personnage certes très intéressant et fort utile à étudier sur le plan historique, mais qui se prononçait sur les problèmes économiques et sociaux du siècle dernier.
Aujourd'hui, Monsieur Balestra, le problème ne se pose pas en termes aussi simplistes entre, d'un côté un libéralisme effréné, et de l'autre une intervention étatique. La grande difficulté que rencontrent tous les pays est celle de trouver une articulation adéquate entre un certain libéralisme en matière économique, moyennant certaines conditions, et l'intervention de l'Etat. Cette difficulté est la même pour tous les pays, qu'ils soient dirigés par des gouvernements socio-démocrates ou non et ce n'est pas en faisant appel à Adam Smith que nous arriverons à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Ensuite, vous prétendez être pragmatique, Monsieur Balestra. Mais votre motion, c'est de l'idéologisme pur ! Je ne suis pas le seul à vous le dire. Vous vous souvenez certainement qu'avant les élections nous avons participé à un débat avec d'autres intervenants, comme, par exemple, Mme Hélène Braun-Roth pour le PDC, et M. Tschopp pour le parti radical. Vous disiez à ce moment à peu près la même chose que maintenant Vous vous souvenez certainement des remarques acerbes qui vous ont été adressées par M. Tschopp, qui vous traitait de manière peu sympathique. Je me réjouis d'entendre l'intervention du parti radical, car c'est surtout M. Tschopp qui a insisté très lourdement sur le caractère totalement gratuit et vide de vos déclarations.
Enfin, vous vous mettez en contradiction lorsque vous demandez à l'Etat de ne pas agir et que, dans le même temps, vous lui demandez de fixer certaines conditions. Tout à l'heure, M. Haegi a associé la schizophrénie au génie. Pour moi, vos conceptions sont totalement schizophréniques. Mais, apparemment, au parti libéral la schizophrénie et le génie sont très liés. (Des voix : Aaaahhh !). Donc, vous devez être d'une «génialité» qui dépasse visiblement ma compréhension.
J'ai l'impression que les possibilités d'intervention de l'Etat sont extrêmement limitées au niveau économique. Aujourd'hui, la situation économique me fait penser à un bateau pris en pleine tourmente comprenant plusieurs équipages. Ces derniers luttent pour le gouvernail et la direction du bateau. Quelquefois, c'est la gauche qui gouverne, parfois, c'est la droite. Mais on oublie complètement que le mouvement général est déterminé par les vagues. Qu'il soit dirigé par des gens de gauche ou de droite, cela ne change pas beaucoup la direction du bateau. La réalité est que nos possibilités d'intervention en matière économique sont extrêmement limitées, quoi qu'on puisse en dire, avant, pendant et après les élections.
Vos déclarations, qui sont aussi fracassantes que simplistes, Monsieur Balestra, me semblent répondre à ce qu'un penseur du 20e siècle a dit, il s'agit d'Edgar Morin que vous devez certainement connaître. Il considère que «Le mal subjectif le plus répandu est la perte des certitudes, jointe à l'incapacité d'assumer l'incertitude.».
Je cite encore M. Morin, qui me semble plus adéquat qu'un penseur du 19e siècle : «Nous ne savons pas pourquoi il y a un monde et non rien, et nous ne savons pas où va ce monde.». Cette déclaration n'est peut-être pas très optimiste, mais il me semble infiniment plus sage et plus efficace de reconnaître nos incertitudes, plutôt que de vouloir nous battre en matière d'économie politique avec des «ayatollahs intégristes» qui connaissent toujours ce qui est vrai et faux comme vous, Monsieur Balestra ! C'est pour ces raisons que nous proposons de refuser purement et simplement cette motion.
M. Bernard Clerc (AdG). La proposition de motion du parti libéral a le mérite de la clarté. Elle formule de manière nette et sans détours l'orientation politique de ce parti, tant du point de vue philosophique, économique, que social. Vous comprendrez cependant que nous ne pouvons souscrire à cette vision du monde. Reprenons quelques points qui nous paraissent essentiels.
Cette motion part de la constatation de l'internationalisation des marchés et de la mondialisation de l'économie. C'est un fait indéniable. Cependant, les auteurs oublient de mentionner quelles sont les forces qui dominent ce processus de mondialisation.
Signalons que, en 1992, sur un produit mondial brut de 21 900 milliards de dollars, deux cents sociétés réalisaient à elles seules un chiffre d'affaires correspondant à 27% du produit mondial brut, soit l'équivalent de 5 862 milliards de dollars. Notons en passant que huit de ces deux cents plus grandes sociétés ont leur siège en Suisse, contre deux seulement il y a 10 ans. Enfin, selon l'économiste Frédéric Clairmont, trente-sept mille sociétés transnationales dominent l'économie mondiale.
Dans ces conditions, on comprend pourquoi les marges de manoeuvre des Etats se restreignent, et ce d'autant que la plupart des Etats, non seulement ne prennent aucune mesure pour orienter l'économie en fonction des besoins, mais favorisent les processus de libéralisation et d'internationalisation.
Notons en passant qu'il est piquant de voir les auteurs de la motion citer De Gaulle. En effet, de tous les chefs d'Etat français, il est celui qui, pour des raisons d'indépendance nationale, a exercé le plus fort contrôle sur l'économie française par le biais, notamment, des nationalisations.
Vous prétendez que l'économie de marché, le libéralisme, a le mérite d'enlever à quiconque tout pouvoir arbitraire. Malheureusement pour vous, cette affirmation est démentie par les faits. Le capitalisme, car c'est de cela qu'il s'agit, s'est fort bien accommodé du nazisme d'avant-guerre. Les théories de Milton Friedmann ont été appliquées sous le régime de Pinochet au Chili. Votre libéralisme se satisfait pleinement de la dictature de Mobutu et du régime fort peu démocratique de la Corée du Sud, pour ne prendre que quelques exemples.
Vous opposez le communisme au capitalisme, sous entendu les anciens régimes des pays de l'Est, comme exemple de collectivisation des moyens de production. A mes yeux, ces régimes n'ont jamais constitué qu'une forme particulière du capitalisme, à savoir le capitalisme d'Etat. L'appropriation étatique des moyens de production n'a pas signifié la socialisation de l'économie, mais bien une forme d'exploitation particulière profitant à une nouvelle classe dirigeante, avec la démocratie en moins. Aujourd'hui, ce sont d'ailleurs les membres de cette classe, si bien convertis au libéralisme, qui se retrouvent fréquemment à la tête des entreprises privées.
Venons-en à votre profession de foi selon laquelle les gouvernements inspirés par le libéralisme sont ceux qui créent le plus d'emplois. Savez-vous que les cinq cents plus grosses entreprises mondiales ont licencié quatre cent mille salariés par an, en moyenne, ces dix dernières années ? Faut-il vous rappeler les ravages énormes qui ont eu lieu dans des secteurs comme la sidérurgie, les charbonnages, les chantiers navals, l'automobile ?
Pour prendre un exemple helvétique, les cent mille salariés de l'horlogerie du début des années 70 ne sont plus que trente mille aujourd'hui. Le développement du chômage dans tous les pays constitue la preuve que le capitalisme n'est pas en mesure de répondre aux besoins de travail, et donc de revenus des travailleuses et travailleurs.
Cependant, il est vrai que de nouveaux postes de travail ont été créés. Mais de quels emplois s'agit-il ? Pour la plupart, ce sont des emplois peu qualifiés, sous-payés, précaires, échappant aux conventions collectives. En fait, des emplois régis par des conventions collectives ont été remplacés partiellement par des emplois de seconde zone.
Quel est votre credo en matière d'emploi ? Laissez-moi citer M. Guido Richterich, président de l'Union centrale des associations patronales suisses : «La différenciation insuffisante des rémunérations liée au niveau excessif des salaires minimums mesurés à la productivité, l'absence de compétitivité salariale dans les conventions collectives, le trop faible temps d'utilisation des machines imputable à l'interdiction de travailler la nuit et le dimanche, facteur de limitation de l'emploi, le régime d'indemnisation très généreux offert aux chômeurs, tous ces handicaps exigent la mise en oeuvre d'une nouvelle politique capable de rendre le marché du travail à nouveau performant sur la durée.».
Voilà les indications concrètes des conditions de vie proposées et mises en oeuvre par votre libéralisme : baisse des salaires, travail de nuit et du dimanche, diminution des indemnités de chômage. Comment, après cela, pouvez-vous prétendre améliorer l'emploi ? Comment osez-vous affirmer que vous allez créer des emplois, alors que chacun sait que la croissance n'est plus créatrice d'emploi ?
Voyez-vous, Mesdames et Messieurs les libéraux, vous êtes à la fois bénéficiaires et prisonniers du système que vous défendez. Car le libéralisme, par nécessité, ne peut qu'agir en fonction du profit à court terme. Le libéralisme, par obligation, ne peut que répondre aux besoins solvables et non pas aux besoins de toute la société. Et vous ne pouvez vous échapper de cette contradiction fondamentale. Alors qu'aujourd'hui comme jamais dans l'histoire de l'humanité, les capacités productives, scientifiques, techniques pourraient permettre de répondre à l'essentiel des besoins des femmes et des hommes de cette planète, tout en préservant l'environnement, les conditions mêmes de fonctionnement de votre système vont à sens contraire.
La première invite de votre motion consiste à renforcer la compétitivité de Genève, mais vous ne nous dites pas à quel prix ! Car il est évident que nous trouverons toujours ailleurs dans le monde un pays ou une région plus compétitive que nous. Pour prendre l'exemple de la fiscalité, faudra-t-il être compétitif avec les îles Caïman ? Dans ce cas, je vous souhaite bien du plaisir dans le rétablissement de l'équilibre des finances du canton !
La seconde invite propose de mener une politique visant à garder les personnes actives sur le territoire du canton. Fort bien ! Mais vous indiquez, dans l'exposé des motifs, que la principale raison du départ de Confédérés tient dans la cherté du prix des loyers. Cette cherté est notamment due à la vague spéculative qu'a connue notre canton dans les années 80. Cela, c'est le fruit du libéralisme. Pourquoi vous en étonner ?
Vous souhaitez une formation plus en phase avec l'économie. Là encore, vous voulez soumettre les aspirations de la jeunesse aux exigences directes de l'économie. Pourtant, chacun sait que la meilleure formation consiste à acquérir les connaissances suffisamment larges pour favoriser l'autonomie des individus et leur capacité d'adaptation. Souvenez-vous des années 60 où l'on proposait à la moitié des apprentis de se former dans l'horlogerie pour, comme vous dites, être en phase avec l'économie. Nous avons vu les résultats quinze ans après.
Vous voulez relancer la construction des parkings au centre-ville sans vous apercevoir que cela entre forcément en contradiction avec la mobilité que vous souhaitez. Construire des parkings au centre-ville, c'est attirer davantage de voitures en ville, c'est accélérer la dégradation des conditions de vie.
Mais surtout, vous voulez vendre le produit «Genève». Car, effectivement, seul l'aspect marchand vous intéresse. Les habitantes et les habitants de ce canton ne sont pas à vendre. Si nous souhaitons effectivement participer à des activités productives et sociales utiles à la communauté, nous ne sommes pas disposés à faire n'importe quoi pour la seule et unique raison que cela rapporte et que la concurrence internationale nous l'impose. Sommes-nous encore des citoyens libres ou de simples objets au service du libéralisme ? (Applaudissements de la gauche.)
M. Nicolas Brunschwig (L). Il est évident que le groupe libéral savait, en présentant cette motion, qu'elle provoquerait un débat important, quelques attaques et, nous l'espérons, une réflexion qui se fera au sein de la commission de l'économie. Nous pourrons débattre plus sérieusement de certains propos tenus par M. Saurer ou M. Clerc, car ils sont intéressants et font montre d'une certaine réflexion.
Malgré tout, deux ou trois propos m'ont choqué. Particulièrement lorsque M. Saurer compare les pays de l'Est à des pays à systèmes capitalistes ou libéraux. Ces pays vivent une période de post-communisme extrêmement difficile qui est surtout due à la longue et triste histoire politique qu'ils ont connue. De plus, nous ne pouvons accepter les propos de M. Clerc lorsqu'il fait un parallélisme entre le nazisme, Pinochet, Mobutu et le capitalisme. La comparaison est désolante.
Monsieur Saurer, vous me semblez être en contradiction sur un élément de fond. Le parti libéral est un des plus grands partis à Genève, peut-être le plus grand. Paradoxalement, le canton de Genève est, sans doute, et depuis de nombreuses années, le plus social de Suisse.
Dès lors, je ne comprends pas comment un parti aussi «extrémiste» que le nôtre, selon vos qualifications, a pu arriver à cet «autogoal», si ce n'est par une politique délibérée et volontaire de promouvoir un système capitaliste et d'économie de marché qui n'est pas de type anglo-saxon, mais continental, avec des implications sociales et écologiques importantes.
Il y a eu dans l'histoire, non seulement du canton de Genève mais aussi de la Suisse, des périodes pendant lesquelles, en terme de société, nous avons connu une réussite assez significative. Certes, notre société n'est pas parfaite. C'est un système extrêmement sophistiqué. Finalement, l'étude des comptes et du budget montre bien qu'un Etat aussi petit que le canton de Genève est fait d'une multitude de services et d'une multitude d'intérêts. Il est bien évidemment difficile, dans la période où il faut apprendre à soustraire plutôt qu'à additionner, de placer les ordres de priorité par rapport à ce mode de fonctionnement.
Aujourd'hui, nous devons revoir un certain nombre de ces considérations. Nous disons, nous parti libéral, qu'il faut se déterminer à avoir un débat de fond sur ce sujet. Cette motion a pour but de nous faire réfléchir ensemble à ces questions et nous sommes heureux que l'on puisse l'étudier plus sereinement et plus sérieusement en commission.
M. Laurent Moutinot (S). La motion que nous traitons se réclame d'Adam Smith. S'il est un mérite que je lui reconnais, c'est de m'avoir obligé à relire certains de ses textes.
Je me suis aperçu, et on va les relire ensemble, que vous n'en avez lu qu'une partie, Mesdames et Messieurs les libéraux. Vous vous êtes arrêtés dans l'ouvrage «La richesse des nations» à la définition de l'acteur économique dont on dit, je cite : «...Par une main invisible qui, tout en ne cherchant que son intérêt personnel, travaille souvent d'une manière plus efficace pour l'intérêt de la société que s'il avait réellement pour but d'y travailler.». Vous vous êtes dit que c'était admirable et avez stoppé votre lecture là. Mais Adam Smith n'a pas écrit que : «La richesse des nations». «La théorie des sentiments moraux» est un ouvrage dont, à titre personnel et en tant que professeur de philosophie, il était plus fier que le précédent.
Dans cet ouvrage, il a écrit la chose suivante : Quelque degré d'amour de soi qu'on puisse supposer à l'homme, il y a dans sa nature un principe d'intérêt pour ce qui arrive aux autres et c'est le principe de «sympathy» que développe Adam Smith. C'est là autour que s'articule l'idée de la main invisible, Monsieur Balestra. Ce n'est pas une recette de cuisine, ni la métaphore qui désignerait le ministre de l'économie publique, par exemple. Non, la main invisible est un lien relationnel, c'est une harmonisation des intérêts qui ne découle pas simplement des lois du marché. C'est à tort que les économistes néoclassiques ont vu dans cette notion le simple rappel des lois du marché.
S'il avait voulu dire : «Lois du marché», Adam Smith l'aurait dit. Par la «main invisible», il a fait appel à d'autres sentiments et à d'autres valeurs.
Un passage de votre motion est choquant, c'est celui où vous accusez la gauche en général d'un mensonge fondamental.
Adam Smith est le père de l'économie publique, mais il a eu des enfants dévoyés. Ricardo, Malthus, plus près de nous, Friedmann...
Une voix. Grobet ! (Grands éclats de rire de toute l'assemblée.)
M. Laurent Moutinot. Chez les enfants d'Adam Smith qui ont conduit à l'Angleterre du 19e siècle, les excès ont été tels que d'autres théories économiques ont vu le jour, en particulier celle de Karl Marx. Elle a été nécessaire précisément parce que le libéralisme avait été trop loin et l'avait conduite aux drames sociaux que l'on connaît. C'est à cause des excès du libéralisme que le marxisme a dû prendre sa place, et Karl Marx est lui-même un enfant d'Adam Smith. En effet, toute la théorie de la plus-value repose sur la constatation par Adam Smith que le travailleur ne reçoit pas l'intégralité du produit de son travail.
S'il y a un mensonge fondamental, c'est à vouloir faire aujourd'hui du néo-libéralisme pour nous obliger à faire du néo-marxisme. Il faut sortir de ce cercle vicieux et entrer dans une vision de l'économie plus proche de celle du développement durable. Et surtout, il n'est plus admissible que l'économie devienne une valeur en soi et que l'on se satisfasse d'indicateurs économiques au beau-fixe et que l'on ne mette pas avant l'économie les buts qu'elle vise. L'économie est un moyen, ce n'est pas une fin en soi. Elle n'a de sens que si elle sert les besoins individuels, les besoins sociaux et si elle respecte l'environnement. Ces trois conditions sont absolument essentielles. Or, dans cette motion, je suis désolé, on reste au 19e siècle.
Cela dit, cette motion m'a tout de même un peu surpris. C'est : «Les Français parlent aux Français et les libéraux aux libéraux», car vous envoyez à votre gouvernement monocolore et homogène votre propre message qu'il devrait tout de même connaître. (Rires.)
Par conséquent, je ne comprends pas cette motion. Elle ne contient aucun programme économique susceptible de nous être d'une quelconque utilité. La bonne direction à prendre en économie était dictée dans votre motion 905 que nous avons précédemment examinée. Ensemble, nous pouvons travailler dans ce sens, mais pas sur les bases contenues dans la motion que nous traitons en ce moment. (Applaudissements de la gauche.)
M. Philippe Schaller (PDC). Cette motion a l'intérêt de soulever le débat sur l'économie de marché. A ce sujet, nous venons d'entendre M. Moutinot. J'ai relu aussi certains principes économiques et cela m'a permis d'avoir une réflexion autorisée sur ces derniers.
Si le groupe PDC adhère aux invites de la première page, en fait au catalogue qu'adopte déjà le Conseil d'Etat, il exprime des doutes quant aux invites de la deuxième page. Si cette motion est renvoyée en commission, nous demanderons de définir le sens des mots. Notre groupe ne remettra pas en cause certains principes votés, notamment la loi «Transport 2005». Je ne m'étendrai pas sur la troisième invite figurant à la page 2.
Nous ne partageons pas non plus votre credo sur l'économie de marché, ni cette opposition entre le communisme et le libéralisme, comme s'il n'existait pas d'autres voies comme celles plaidant fortement pour un libéralisme démocratique en faveur de la personne humaine et jouant la carte de la plus grande solidarité.
Nous ne partageons pas non plus le rôle que vous voulez assigner à l'Etat, ni votre logique, soit «plus de liberté, plus de marché, plus d'emplois, moins d'Etat, moins de chômage». Ah, si on n'y prenait garde, on se laisserait facilement bercer d'illusions ! Certes, la thèse est séduisante face au désenchantement bien réel que nous avons parfois à l'égard de l'Etat providence, mais cela pour d'autres raisons.
L'Etat providence n'est pas responsable du chômage. Nous ne partageons pas non plus votre théorie sur la grande main invisible de M. Adam Smith, ni la théorie générale de Keynes reformulée largement, vous le savez bien, par les néo-libéraux de l'Ecole de Chicago, soit Friedrich von Hayek ou Milton Friedmann qui n'ont pas apporté de réponse au chômage et à l'exclusion sociale.
Le capitalisme pur et dur, largement expérimenté par l'administration Reagan, puis par Bush aux Etats-Unis ou par Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, a montré ses limites. Vous savez bien, et nous savons bien, que l'économie de marché ne fonctionne jamais toute seule. Il lui a fallu, depuis l'origine, une régulation sociale et professionnelle sans laquelle elle erre de façon chaotique. On ne peut pas simplement demander moins d'Etat, faute de quoi il nous reste à inventer un autre modèle d'organisation de la société.
Le plus grave et le plus immédiat des problèmes qui nous occupent reste celui de l'exclusion sociale. Cette dernière a pris des dimensions intolérables en regard des droits de l'homme. Mais, que faire concrètement devant les contraintes financières qui pèsent sur l'Etat de plus en plus privé de recettes fiscales ? Que faire devant les conséquences sociales de l'augmentation de la productivité et de la compétitivité internationale ? Ce parlement, dans le cadre de la motion libérale ainsi que la société toute entière, doit le définir.
On doit, c'est certain, repenser nos systèmes de solidarité et le fonctionnement même de l'Etat qui doit être et devenir un partenaire animateur et dynamique.
Certes, le groupe PDC renverra cette motion en commission. Mais nous reverrons les textes et nous pèserons les mots. (Applaudissements.)
Mme Anne Briol (Ve). Je serai beaucoup moins générale que les personnes qui ont pris la parole avant moi. La proposition de poursuivre et accélérer la construction de parkings au centre-ville est en complète contradiction avec la proposition précédente des motionnaires qui est d'augmenter la mobilité sur le canton.
En effet, comme les réalisations précédentes nous l'ont montré, ces nouvelles places de parc attireraient un nouveau trafic qui, aux heures de pointe, viendrait paralyser les rues du centre-ville bloquées par le trafic actuel. Voilà qui réduirait à néant les efforts entrepris pour augmenter la mobilité sur le canton.
Rappelons au passage que la mobilité n'est pas un but en soi et ne peut se concevoir que dans le respect de l'environnement et de la qualité de la vie.
Pour nous, une augmentation de la mobilité au centre-ville passe obligatoirement par la réduction de l'espace utilisé par chacun pour se déplacer.
Pour terminer, voilà deux chiffres. Le 12 juin 1988, 79% des votants acceptaient la loi sur les transports publics. Ils en attendent encore les principaux effets. Il y a tout juste six mois, 56% des votants refusaient l'initiative «10000 parkings».
M. Pierre Kunz (R). Pourrais-je d'abord rappeler...
Des voix unanimes : Non !
M. Pierre Kunz. Vous avez tort ! ...que l'économie de marché a d'abord existé, et que c'est seulement après que des gens ont essayé d'en faire la théorie. Dans tous les autres systèmes économiques dont vous nous avez parlé, on a d'abord écrit la théorie, et puis on s'est aperçu qu'elle ne fonctionnait pas. Laissez au moins au libéralisme et à l'économie de marché cette caractéristique qu'elle fonctionne, pas toujours très bien, et parfois même de manière dramatique, c'est vrai, mais au moins elle fonctionne. D'ailleurs, tout le monde y revient !
D'autre part, pour M. Moutinot, j'aimerais tout de même relever que l'amour n'est pas le privilège du planificateur. L'amour, c'est d'abord une affaire de liberté personnelle, c'est d'abord un instinct, une inquiétude personnelle et les planificateurs n'ont rien à voir là-dedans... (Mouvements de désapprobation.) ...même Karl Marx.
J'ai appris que l'abbé Pierre, et je ne dis pas l'abbé Clerc, hein !... s'est fait siffler lors d'une émission de télévision consacrée au sida, parce qu'il s'écartait de ce que quelqu'un a appelé la vérité politiquement conforme, c'est-à-dire la vérité qui est dans l'air du temps.
Le moins que l'on puisse dire est que cette motion est politiquement conforme. Les radicaux ne se plaindront pas. La motion de leurs cousins libéraux, qui soutient un projet de société auquel nous adhérons, fondée sur la liberté individuelle, est orientée en priorité vers la création de la richesse commune plutôt que vers une société préoccupée avant tout par la redistribution de cette richesse et l'assistanat.
Mais nous aimerions dire à nos chers cousins libéraux que, malheureusement, cette motion est un peu trop conforme à la politique du moment. Elle est un peu trop politiquement conforme. Chers cousins, dans vos programmes électoraux, vous étiez autrement audacieux, et vos propositions étaient autrement pointues !
Vous vouliez, écriviez-vous, redéfinir les tâches de l'Etat en procédant à des choix clairs. Où sont ces choix ?
Vous insistiez pour que Genève révise sa loi fiscale vers davantage d'équité. Où sont les nouveaux barèmes proposés ?
Vous exigiez la publication par le Conseil d'Etat de sa politique d'économies et de rationalisation. Où est passée cette exigence ?
Dans votre motion, chers cousins, vous vous attelez aux conditions-cadres de l'économie genevoise, mais vous ne faites qu'effleurer celle de ces conditions-cadres qui, en réalité, détermine toutes les autres, celle qui a la plus immédiate influence sur les autres, à savoir le rétablissement des finances publiques. Alors, on peut se demander d'où vous vient cette étonnante frilosité !
Car vous savez bien que, dans ce Grand Conseil, nous devrons opérer des choix pour l'exercice prochain, et d'après ce que l'on croit savoir, ils devront porter sur près de 300 millions. Il faudra donc bien les trouver quelque part. C'est pourquoi, à l'occasion du dépôt de cette motion, nous aurions aimé, au-delà de votre soutien global à l'activité gouvernementale, soutien que nous appuyons, bien sûr, que vous trouviez l'ambition et peut-être même le culot de proposer des pistes au Conseil d'Etat.
Faut-il, par exemple s'agissant des investissements, geler le remplacement des matériels et des équipements qui n'ont comme seul handicap de n'être plus tout à fait à la pointe du progrès. Où alors, faut-il accélérer le rythme de rationalisation de la fonction publique ? Où encore mettre en oeuvre rapidement la technique budgétaire de l'enveloppe ?
Vous voyez, chers cousins, ...
M. René Ecuyer. On choisit pas sa famille !
M. Pierre Kunz. ...nous sommes, nous les radicaux, prêts à affronter ce débat, prêts à affronter ces questions, car de cette condition-cadre dépendent toutes les autres.
Il paraît qu'aujourd'hui en matière de politique, il s'agit de rompre avec la facilité. N'auriez-vous pas un peu, avec cette motion, mais bien sûr pour la dernière fois, cédé à la facilité ?
Quoi qu'il en soit, le renvoi de cette motion à la commission de l'économie que nous soutiendrons, permettra à cette dernière de développer et de préciser les sujets que vous soulevez.
M. Christian Ferrazino. Chers cousins !
M. Chaïm Nissim (Ve). Je suis très content, car j'ai réussi à préparer un discours qui tient six lignes et qui est tout de même «vachement» intelligent.
(Hilarité sur tous les bancs.)
Votre bagarre, Monsieur Balestra, «libre entreprise contre fonctionnaires sclérosés» est une bagarre du 19ème siècle, comme d'ailleurs celle de M. Spielmann et de ses amis qui, eux, mènent la bagarre inverse, la croisade inverse «justice sociale contre les honteux spéculateurs».
Ces bagarres sont dépassées par les nouveaux modes de produire et de vivre de cette fin de 20ème siècle. Pensez simplement à l'apparition de la pilule et aux transformations que cela a entraînées !
Une voix. Quelle pilule ?
M. Chaïm Nissim. A l'apparition de l'avion et à celle de l'ordinateur.
Une voix. En six lignes !
M. Chaïm Nissim. Cela tient en six lignes. Les valeurs nouvelles, aujourd'hui nécessaires, ont pour noms : Décentralisation, solidarité avec le tiers-monde, construction d'une économie écologiste. (Une voix : Bravo !)
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je dois dire que ce débat a été particulièrement élevé. Il a eu des aspects relativement peu concrets. C'est un euphémisme, on a l'impression que cela planait bien. A vrai dire, le Grand Conseil est nettement meilleur que Jules Verne, qui avait l'ambition de faire le tour du monde en quatre-vingts jours : vous y êtes arrivés en un peu moins d'une heure !
On a beaucoup entendu parler d'histoire, de doctrines, de théories économiques. C'est un grand privilège pour le gouvernement d'apprendre qu'Adam Smith avait décidément une très grande famille, et que même l'abbé Pierre était probablement au nombre de ses descendants. (Rires.)
Toujours est-il que dans le cadre de notre gouvernement, les choses sont à la fois plus simples et plus complexes. Elles sont beaucoup plus simples dans la théorie et plus complexes dans la réalité.
Notre gouvernement unit des gens qui se font confiance, car ils ont été élus sur un même programme que nous voulons appliquer. Nous sommes déterminés à aller de l'avant sur la base de ce programme. Et si vous voulez bien prendre la peine de l'analyser à fond, les uns et les autres, il vous révèlera une synthèse qui a deux axes essentiels et une conclusion.
Le premier axe est celui du dynamisme économique qu'il est indispensable que nous favorisions, car c'est notre devoir. Ce dynamisme économique implique un certain nombre de réformes dans nos façons de fonctionner et dans la manière d'appréhender les problèmes économiques de notre administration, enfin, que nous considérions les acteurs de la vie économique non pas comme des ennemis, mais comme des opérateurs ayant leur place dans la société et qui contribuent, à leur manière, au bien-être de cette dernière.
Le second aspect est lié au premier et concerne la solidarité sociale. Il est pour nous intrinsèquement lié à une politique économique digne de ce nom. C'est la raison pour laquelle le gouvernement que nous sommes, dans les difficultés budgétaires que nous connaissons, n'a pas diminué d'un iota l'ambition de sa politique sociale pour une raison très simple. Nous voulons le dynamisme économique. L'économie dynamique n'est pas un but en soi, c'est un moyen, un service pour le bien-être et le mieux-être de cette collectivité. Cela nous rend responsables d'une politique sociale généreusement et correctement dimensionnée. J'en viens simplement à la conclusion que j'ai déjà esquissée : dynamisme économique d'un côté, solidarité sociale de l'autre. La conclusion est celle de la responsabilité politique sur ces deux thèmes.
Il faudrait sortir du champ des théories et voir ce qui se passe en pratique. Au début, je vous ai écouté avec de l'amusement, et ensuite avec une certaine consternation, développer des thèses qui sont, bien entendu, d'un certain niveau historique, voire littéraire, mais qui sont très éloignées de la situation d'un certain nombre de chômeurs que nous connaissons aujourd'hui. J'ai pensé aux 15 500 chômeurs de notre canton qui, je le crois, sont assez éloignés de nos débats.
Dans ce contexte, j'en appelle à la responsabilité politique dans ce parlement. Quels que soient les groupes qui l'animent, c'est la responsabilité politique de femmes et d'hommes décidant d'arrêter une fois pour toutes de « couper les cheveux en quatre », de bloquer les processus de décision. Qu'ils fassent en sorte que ce canton puisse avancer sur deux chemins essentiels, celui du dynamisme économique et de la liberté d'entreprendre, et celui de la responsabilité sociale. (Applaudissements.)
M. Michel Balestra (L). Nous avons demandé le renvoi de cette motion en commission. Il semble que le débat commencé pourrait continuer et qu'une motion consensuelle pourrait en sortir qui serait peut-être moins typée.
Je vous prie d'excuser la force de la rédaction, il ne s'agit ni d'une thèse ni d'un programme de gouvernement, mais d'une vision très libérale des choses, et je crois que cette discussion doit continuer et que d'une commission de l'économie doit sortir un programme d'encouragement pour le Conseil d'Etat. Nous sommes, comme l'a dit le président du département de l'économie publique, de grands garçons et de grandes filles. Nous devons arriver à nous mettre d'accord pour les Genevois et pour Genève.
La proposition de renvoi de cette motion en commission est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Par 47 oui contre 42 non, cette motion est renvoyée à la commission de l'économie.
La commission de l'économie, au cours de la dernière législature, sous la présidence de M. Torrent, a procédé à l'étude du projet de motion n° 824 au cours de sa séance du 21 juin 1993. L'objet étant resté en suspens pour complément d'informations, son étude a été reprise par la commission de l'économie dans sa nouvelle composition, sous la présidence de M. Blanc, au cours de ses séances du 13 et 20 décembre 1993, du 10 et 31 janvier 1994 et du 7 février 1994, ainsi que lors d'une séance de sous-commission le 17 janvier 1994.
Ce faisant elle a bénéficié de la présence de M. Jean-Philippe Maitre, président du département de l'économie publique, de M. Jean-Claude Manghardt, secrétaire général du département de l'économie publique, de M. Bernard Berger, secrétaire adjoint du département de l'économie publique, de M. Bernard Gabioux, directeur au département de l'économie publique, de M. Michel Thiébaud, directeur de l'office cantonal de l'emploi et de M. Pierre Karcher, directeur du service de placement de l'office cantonal de l'emploi.
La commission a procédé à l'audition de Mme C. Drago, chef de l'agence Centre Jeunes de l'office cantonal de l'emploi.
1. Introduction
Partant de l'idée que la société fait aujourd'hui un grand effort pour donner une formation aux jeunes, que ceux-ci peuvent rester sans travail après leur apprentissage, que l'insertion des jeunes dans la société passe par leur insertion professionnelle, les motionnaires ont souhaité, par leur motion, offrir un pont à tous les jeunes qui se retrouvent dans l'impossibilité de trouver une place de travail juste après leur apprentissage, proposition fondée sur un compromis entre un encouragement financier pour l'employeur par le biais de fonds payés par les caisses de chômage et un appui aux jeunes acceptant un salaire inférieur pour leur première expérience professionnelle.
2. Etat actuel de la problématique
La proposition de motion concernant le placement des jeunes qui débutent dans leur vie professionnelle étant relativement ancienne (dépôt: 16 octobre 1992) et ayant subi un début d'analyse par la commission de l'économie de l'ancienne législature, qui l'a transmis comme objet en suspens à la commission de l'économie dans sa nouvelle composition, il a été décidé de commencer son étude par l'état actuel des statistiques du chômage à Genève. Pour se faire, la commission de l'économie a entendu M. Michel Thiébaud, le 13 décembre 1993, dans les locaux de l'office cantonal de l'emploi en son agence de Montbrillant. Il ressort de cet entretien que le nombre total des chômeurs à Genève en novembre 1993 était de 16'086 (chômeurs complets: 14'813; chômeurs partiels: 1273). Ce chiffre représente 7.8% de la population active. Parmi ces personnes, 2694 (soit 17% des chômeurs inscrits) font partie de la classe d'âge de 15 à 24 ans. De plus, il s'avère que 579 sortaient d'apprentissage et 974 de formation scolaire.
Si l'on place l'analyse sous l'angle des chômeurs de longue durée, le total pour Genève à fin novembre 1993 était de 3988. 363 (9%) de ces chômeurs faisaient partie de la classe d'âge 15-24 ans.
Si l'on analyse plus en détail les chiffres, il apparaît que 35% de tous les chômeurs ont moins de 29 ans, et que la classe 15 à 19 ans représente 6%, 20 à 24 ans représente 42% et 25 à 29 ans représente 52% des jeunes chômeurs (< 29 ans). Par ailleurs, la répartition entre les sexes révèlent 55% de jeunes hommes et 45% de jeunes femmes.
3. Niveaux de formation des jeunes chômeurs sortant d'une formationde base et recherchant leur premier emploi
Suite à l'audition de Mme C. Drago, chef de section à l'agence Centre Jeune-Agence Gare des Eaux-Vives de l'OCE, les commissaires ont pu avoir une meilleure idée du niveaux de formation concernant les jeunes à la recherche de leur premier emploi, dont la moyenne d'âge est de 22,61 ans. On constate chez eux 4 grands niveaux de formation:
a) sans formation
b) certificat fédéral de capacité et formations professionnelles assimilées
c) autres diplômes (enseignement secondaire supérieur)
d) universitaire;
a) sans formation: un certain nombre de jeunes s'inscrit au chômage sans avoir de profil clairement défini, ayant pour la plupart rencontré des problèmes d'ordre professionnel. Ils représentent 6% de la population considérée. Ils ont une prise de contact au Centre Jeune, mais le travail d'orientation est confié au Service des jeunes travailleurs de l'OOFP. il est très important de mettre l'accent sur cette catégorie de jeunes sans diplôme, car dans leur cas il est nécessaire de pousser et d'organiser une formation. Cette démarche est importante pour les jeunes eux-mêmes et également pour la société puisqu'il s'agit de chômage «compressible».
b) CFC et formation professionnelles assimilées: cette catégorie est composée par l'ensemble des formations en entreprise reconnues par l'OOFP. Ces jeunes chômeurs représentent 49% de la population des jeunes à la recherche de leur premier emploi. Ce sont principalement des jeunes issus des formations du secteur tertiaire qui sont touchés, ce qui représente bien l'activité économique genevoise de ce secteur. Pour les autres, ce sont principalement les dessinateurs-techniques, les électriciens et monteurs-électriciens, mécaniciens, menuisiers et ébénistes et laborants en chimie. Il est intéressant de relever que les jeunes disposant de formation spécifique sont relativement épargnés.
Toutefois, une remarque s'impose: les apprentis constituent pratiquement la moitié de la population considérée. Ce phénomène s'explique par les spécificités de la formation duale (nécessité de suivre conjointement cours et enseignement pratique en entreprise), puisque environ un 1/4 des apprentis interrompent leur apprentissage ou n'obtiennent pas le diplôme. Il s'agit d'un chômage «d'attente», puisque les jeunes s'inscrivent au chômage pour avoir un temps de réflexion quant à leur avenir professionnel.
c) autres diplômes (enseignement secondaire supérieur): ces jeunes représentent 25% de la population considérée. Ils viennent d'horizons différents: école supérieure de commerce, école d'ingénieurs, école de culture générale, collège, arts décoratifs et diverses autres écoles. Dans cette catégorie, les situations individuelles diffèrent fortement suivant le type de diplôme obtenu, car certaines écoles sont des tremplins vers d'autres formations (université par exemple). En conséquence, un bon nombre de ces jeunes ne restent au chômage que le temps de commencer une nouvelle formation. De plus certaines possibilités de formation complémentaire existe, en particulier la formation commerciale pour les porteurs de maturité organisée par le DIP depuis 1987.
d) universitaire: ces chômeurs représentent 20% de la population considérée. Ils sont issus principalement des facultés des sciences économiques et sociales, des lettres et de droit. Ces 3 facultés représentent 80% de ces jeunes chômeurs universitaires. Remarquons qu'un nombre très faible d'universitaires s'inscrit au chômage sans avoir obtenu de diplôme. Ce fait entraîne donc une part «incompressible» de chômage, puisqu'ils sont arrivés au terme de leur spécialisation professionnelle. Dès lors, l'insertion passera souvent par une réorientation, synonyme de retour à une autre formation universitaire.
Tous ces jeunes à la recherche de leur premier emploi sont reçu au Centre Jeunes pour un entretien ayant pour but de les écouter et de trouver une adéquation entre leurs réalités et le monde du travail. Des cours, approuvés par la commission d'insertion professionnelle, peuvent être suggérés, mais non imposés, pour pallier les lacunes éventuelles dans la formation. Par ailleurs, il existe des mesures déjà en vigueur en faveur des jeunes qui seront développées plus loin dans ce rapport. Pour faire face à ces entretiens, Mme Drago est à la tête d'une équipe de 12 personnes, aidées de 10 autres collaborateurs responsables de l'insertion des jeunes dans le marché du travail.
En conclusion de cette analyse, on peut raisonnablement penser qu'il n'y a pas un, mais plusieurs types de chômage des jeunes. Pour certains à la formation incomplète, il s'agit d'un chômage de transition. Pour d'autres, le chômage est «incompressible» puisque dû au nombre de débouchés et non à la formation. Selon ce constat, il est tout de même possible de penser que le chômage des jeunes peut être améliorer par des mesures appropriées, qui devraient principalement toucher le domaine de la formation. A terme, l'assurance chômage peu motivante en tant que telle devrait être remplacée par des mesures plus dynamiques, véritable plate-forme vers l'emploi dans un second temps.
4. Mesures préventives ou actives en faveur des jeunessur le marché du travail
Les mesures préventives ou actives prévues par l'OFIAMT en faveur des jeunes sur le marché du travail ont comme bases légales la loi sur l'assurance-chômage (LACI) du 25 juin 1982, l'ordonnance d'application (OACI) du 31 août 1983 et l'arrêté fédéral urgent du 19 mars 1993 (votation populaire du 26 septembre 1993). Les mesures peuvent être individuelles ou collectives, appliquées par les canton avant, pendant et après le chômage. Les mesures sont les suivantes: système de placement; cours de reconversion, perfectionnement et intégrations professionnels; conseils et assistance dans la recherche d'emploi; stages de formation et de pratique en entreprise privée; stages pratiques et linguistiques; prise de premier emploi; programmes d'occupation; allocations d'initiation au travail; contributions aux frais de déplacement; test d'aptitude professionnelle; aide pour une formation de base supplémentaire (mesure cantonale); créations d'activités indépendantes (aides cantonales).
Deux mesures ont particulièrement retenu l'attention de la commission, soit les stages de formation et de pratique en entreprise privée et l'allocation d'initiation au travail. Les stages ont débuté en 1993 à Genève dans le cadre de «Genève gagne». Il s'agit de stages de 3 mois dans les entreprises destinés aux jeunes sans expérience professionnelle. Ils procurent un début d'expérience utile pour leur curriculum vitae. Ils sont financés à 80% par la Confédération et à 20% par l'employeur. En 1993, plus de 500 jeunes ont bénéficié de ces stages dont le 30% a abouti à des emplois stables, ce qui est remarquable. D'autre part, l'allocation d'initiation au travail est une mesure incitative qui dure 6 mois et pendant lesquels la Confédération prend en charge 60% des deux premiers mois, 40% des deux suivants et 20% des deux derniers mois. Le reste de la participation financière est à la charge de l'employeur.
5. Travaux en commission
La motion 824 est relativement ancienne, puisqu'elle fut déposée le 16 octobre 1992. Renvoyée en commission de l'économie, elle a été examinée lors de la dernière législature par ladite commission le 21 juin 1993 sous la présidence de M. Jacques Torrent. En raison des modifications fédérales à ce moment-là et de mise en place de dispositions cantonales, la discussion de cette motion ne s'est pas poursuivie dans l'attente de nouveaux amendements éventuels. Elle fut ensuite reprise par la commission nouvelle législature sous la présidence de M. Claude Blanc le 10 janvier 1994. La première impression était la suivante: la motion était relativement ancienne, beaucoup d'éléments ayant changé, et son texte était flou et peu concret. De plus, l'analyse des chiffres susmentionnés montrait que le problème du chômage des jeunes dépassait le cadre des apprentis et devait être considéré dans son intégralité. Cette position a fait l'unanimité dans la commission.
Le chômage des jeunes étant une préoccupation majeure de l'ensemble des commissaires et une priorité majeure du Conseil d'Etat, le sujet de la motion semble trop important à tous pour être abandonné. Par conséquent, il est décidé de créer une sous-commission qui se chargerait de reformuler les invites de la motion M 824 (vote: 7 pour, 6 abstentions). La sous-commission était formée par Mme Chalut, Mme Spörri, M. Belli, M. Champod; M. Schneider et a été présidée par M. Blanc. Elle a rapidement travaillé et a pu proposer une première version de la motion amendée. M. Jean-Philippe Maitre a salué avec intérêt le travail de la sous-commission, car il pense que le développement de la prise en charge du traitement social du chômage nécessitera forcément des moyens supplémentaires et que cette motion renforcera les engagements pris par le Conseil d'Etat lors de la mise en place du budget 1994 en faveur du chômage des jeunes. De plus, les propositions de la commission représentent des pistes de négociations avec l'OFIAMT.
Les principales idées développées dans la motion sont les suivantes: allongement de la possibilité de prise en charges des jeunes chômeurs pour favoriser leur insertion en couplant la possibilité d'un stage de formation de 6 mois avec une allocation d'initiation au travail, augmentation du personnel et des surfaces des locaux pour recevoir les jeunes, spécialisation de leur prise en charge, développement des collaborations entre les diverses instances s'occupant des jeunes au chômage, diffusion de l'information.
La proposition de couplage des stages de formation et d'allocation d'initiation au travail nécessite une explication plus approfondie sur les plans technique et de financement. Un jeune à la recherche de son premier emploi peut bénéficier d'un stage de formation qui était auparavant de 3 mois et qui passe en 1994 à 6 mois. Durant cette période, 20% du salaire est payé par l'employeur et 80% par la Confédération. De l'expérience «Genève gagne», il semble que le taux d'insertion soit de 30% après ces stages. Pour les 70% résiduels, il serait alors possible de continuer par une allocation d'initiation au travail qui est également d'une durée de 6 mois. La période couverte pourrait alors être de 1 an en tout, en cas de nécessité. Sur le plan financier, en un an, la part totale de l'employeur serait de 40% et celle de la Confédération de 60%. La représentation graphique de cette proposition figure en annexe afin de permettre un aspect visuel de compréhension. M. Maitre estime que cette proposition est réaliste et qu'elle pourrait être négociée avec l'OFIAMT avec de bonnes chances de succès à cause de son aspect incitatif.
A ce stade de la discussion, il est indispensable de relever que toutes tendances politiques confondues et avec leur sensibilité propres, tous les commissaires ont oeuvré avec beaucoup de ferveur et d'esprit de collaboration afin de faire aboutir cette motion en faveur des jeunes à la recherche d'un premier emploi. Cette collaboration se voulait être un signe d'encouragement et de considération de la classe politique envers ces jeunes.
Au vu des explications données par M. Maitre et du travail préliminaire de la sous-commission, le texte de la motion a alors été repris par la commission considérant après considérant et invite par invite. Sur quoi, l'accord s'est fait entre les commissaires et le président du département de l'économie publique sur des amendements aux considérants et aux invites dans le sens suivant:
Pour les considérants:
- vu le nombre important de jeunes (environ 10%) qui se retrouvent au chômage;
- vu les moyens consentis par la communauté pour que les jeunes puissent accéder à des apprentissages, à des écoles professionnelles ou non professionnelles, ou à l'université;
- vu les effets dévalorisants sur le plan humain et culturel, que provoque le chômage, en particulier pour les jeunes;
- vu les conséquences économiques et sociales qu'engendre le chômage des jeunes pour la société.
Pour les invites:
invite le Conseil d'Etat
- à développer, avec les partenaires sociaux, les milieux économiques et les entreprises, les mesures permettant aux jeunes d'avoir les meilleures chances d'insertion professionnelle;
- à renforcer les mesures déjà appliquées, notamment stages de formation, initiation au travail, occupation temporaire y compris pendant la période d'indemnisation, stages linguistiques, entreprise d'entraînement. A prendre en considération la mise sur pied des entreprises tremplins et de stages à l'étranger susceptibles d'être financés par la LASI;
- à accentuer les efforts pour le placement des jeunes, par le développement du Centre Jeune;
- à envisager d'introduire une allocation d'initiation au travail pour les jeunes qui restent sans emploi après leur stage initial de formation;
- à renforcer l'offre faite aux jeunes de suivre un programme de formation continue, cours de recherche d'emploi, cours de perfectionnement, formation de base en cas de nécessité;
- à développer la collaboration entre le Centre Jeune, le Centre de Bilan, l'Office d'orientation et de formation professionnelles, et les Associations professionnelles;
- à diffuser largement l'information sur les moyens à disposition pour trouver un emploi.
En conséquence, la commission de l'économie a accepté le texte de cette motion telle que amendée avec 9 oui (3 AG, 2 socialistes, 1 PEG, 1 PDC, 2 radicaux) et 4 abstentions (libéraux) et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
M. Dominique Belli (R), rapporteur. Je désire ajouter quelques éléments à mon rapport. Pour tous les députés et l'ensemble du Conseil d'Etat, le problème du chômage est une priorité absolue, en particulier lorsqu'il concerne les jeunes.
C'est dans cet esprit, en reprenant cette relativement ancienne motion, que l'ensemble de la commission de l'économie s'est mise au travail afin de proposer des pistes au Conseil d'Etat qui pourront être défendues pour les jeunes Genevois au niveau de l'OFIAMT, par exemple.
Par ailleurs, je tiens ici à relever l'esprit collégial avec lequel la commission a travaillé, allant même jusqu'à la création d'une sous-commission pour approfondir ses connaissances dans ce dossier. Tous ces efforts ont été faits, je tiens à le souligner, avec une volonté politique évidente. Il s'agit d'un signe tangible que la classe politique dans son intégralité veut donner à la population des jeunes chômeurs pour leur dire que tout ce qui pourra être fait pour améliorer leur statut par les parlementaires le sera.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je remercie M. Belli pour son rapport, bien sûr, mais aussi et surtout pour les efforts qu'il a déployés pour que la commission de l'économie arrive à trouver un terrain d'entente sur ce thème, malgré l'abstention finale du groupe libéral.
En effet, il n'est pas courant dans ce parlement que sur un objet concernant le chômage on se retrouve avec un seul rapport. Durant toutes ces dernières années, il y avait toujours un rapport de majorité et un rapport de minorité. Espérons que ce n'est pas un accident de parcours, mais que cela traduit une volonté politique de prendre en considération la réalité de nombreuses personnes qui, dans notre canton, sont privées d'un emploi.
Le chômage des jeunes est un vrai problème. En effet, au terme d'une formation qui a demandé des efforts, quoi de plus déprimant que de se retrouver sans emploi, sans la possibilité de mettre en pratique le savoir acquis par la formation, sans la possibilité de gagner sa vie et de pouvoir conquérir son indépendance financière ?
Avec les événements survenus en France l'automne dernier, on a vu que le chômage des jeunes était un problème social qui pouvait devenir explosif si on ne prenait pas des mesures pour y répondre.
D'aucuns diront que les jeunes ne sont pas seuls à souffrir du chômage. C'est exact et c'est la raison pour laquelle, lors de la précédente législature, le groupe socialiste a fait de nombreuses démarches pour proposer des améliorations de la législation existante sur le chômage à Genève. Nos propositions ont malheureusement été rejetées par la majorité du Grand Conseil.
Les solutions proposées par cette motion ont l'avantage de ne proposer pas que le simple versement d'indemnités. Si les indemnités peuvent certes résoudre les problèmes financiers, elles ne sont pas, à elles seules, satisfaisantes. En effet, il est important de proposer, en plus des indemnités journalières, des stages, des cours, des initiations au travail. Bref, de permettre au jeune chômeur d'acquérir une expérience professionnelle, d'utiliser ses aptitudes et ses connaissances.
D'ailleurs, nous avons toujours soutenu, pour les jeunes et les moins jeunes, les mesures de formation offertes aux chômeurs et les occupations temporaires. Ces dernières, même si elles représentent une charge financière importante pour l'Etat, sont une bien meilleure solution que l'assistance publique qui a, elle aussi, un coût non négligeable.
Le rapport décrit avec précision les données statistiques sur le chômage des jeunes ainsi que les mesures proposées - je n'y reviendrai donc pas. Les propositions qui vous sont soumises ce soir sont modestes par rapport à l'importance du problème du chômage à Genève. C'est un petit pas qui va dans le bon sens, raison pour laquelle le groupe socialiste vous invite à soutenir la motion telle qu'elle ressort des travaux de la commission.
Mme Claire Chalut (AdG). Comme cela vient d'être dit, la commission a travaillé d'une façon très collégiale durant quelques séances. Il est vrai qu'au terme de ces séances de travail, on a été surpris par l'abstention très courageuse de nos adversaires libéraux. C'était assez décevant, surtout après nous avoir dit et répété à quel point le problème du chômage et de la création d'emplois les préoccupait. C'est la raison pour laquelle j'ai été étonnée et un peu déçue par leur abstention.
A part cela, j'invite ce parlement à soutenir cette motion telle qu'elle est présentée.
M. Max Schneider (Ve). Je voudrais faire remarquer à l'ensemble de ce Grand Conseil que ce n'est plus la motion que nous avions proposée qui a été acceptée en consensus en commission. J'aimerais bien remercier M. Belli qui a pratiquement rédigé une nouvelle motion à lui tout seul et qui nous la soumise ensuite en vue d'un consensus.
Je regrette, comme l'a d'ailleurs mentionné ma collègue, l'état d'esprit de certains, je ne dis pas de tous, mais de certains députés libéraux, qui n'ont pas compris la priorité qu'il faut donner aujourd'hui aux jeunes qui cherchent un emploi. Seule la rentabilité économique leur importait. Il manquait ce côté social pour les jeunes et je regrette ce manque de solidarité.
La motion que nous avons préparée s'adressait plus spécialement aux apprentis et M. Belli l'a fait élargir aux apprentis et aux étudiants qui sortent de l'université pour commencer leur vie professionnelle. Avec le contenu de cette motion, le Conseil d'Etat a les possibilités de lutter contre la marginalisation des jeunes qui n'ont pas d'espoir. C'est une motion qui se voulait pleine d'amour et d'espoir.
M. Maitre avait proposé de faire une différenciation entre ceux qui travaillent, ceux qui veulent chercher un emploi, donc qui sont subventionnés par l'OFIAMT et par l'OCE, et les jeunes qui n'ont pas envie de travailler mais qui touchent tout de même des salaires relativement élevés tout en restant au chômage. Nous étions prêts à entrer en matière sur ce sujet, mais on ne l'a pas mis dans cette motion.
Je souhaite que les effets pervers pourront être contrôlés, notamment par l'OCE, à savoir qu'il n'y ait pas des «profitards» derrière les employeurs qui engagent des gens uniquement pendant quelque temps, uniquement parce qu'il y a des subventions, et ensuite les congédient et bénéficient des effets de cette motion.
Je remercie tous ceux qui ont soutenu l'esprit positif qui régnait dans cette commission et qui soutiendront cette motion ce soir. Je regrette la disposition d'esprit de certains libéraux qui ont pensé uniquement à l'argent avant de penser à la solidarité avec les jeunes. Je dis bien, certains libéraux, car il est vrai que d'autres ne pensent pas uniquement comme des banquiers. Toutefois, il est scandaleux que des gens résument les problèmes à une question de rentabilité économique pure et oublient complètement la réalité des jeunes aujourd'hui, qui s'occupent seulement de leur bien-être, et non pas de celui de tous.
M. Armand Lombard (L). Si M. Schneider regrette la position des libéraux, moi je regrette parfaitement les leçons et les «pleurnichades» de M. Schneider à propos des libéraux. Nous avons là un problème de chômage, des jeunes pour lesquels nous souhaitons trouver des emplois et créer des emplois. Nous n'avons besoin ni de vos leçons ni de vos «pleurnichées». Vous n'avez simplement qu'à vous occuper de ces jeunes, alors, tâchons de le faire tous ensemble. Si les libéraux, à certains moments de la discussion, ont jugé bon de devoir ramener le débat, c'est que nous pensons qu'il y a deux sortes d'actions :
1) Des mesures d'assistance doivent être prises pour ces jeunes qui se trouvent, soit en fin d'études ou sans en avoir fait, et sans pouvoir travailler, au milieu d'une crise économique. On devrait trouver de nouvelles pistes pour l'assistance des jeunes pendant la période courte, espérons-le, du chômage. Une partie du groupe libéral a particulièrement insisté et est resté très vigilant sur ce problème.
2) Pour la création d'emplois, qui est la deuxième solution, me semble-t-il, face au chômage et face à l'absence de travail, il faut créer des postes d'emplois, réintroduire ces jeunes dans les meilleures conditions possibles dans une filière d'emplois qui leur permettra, cette fois, non pas à court mais à long terme, de travailler et de s'intégrer à la société.
Ces deux mesures doivent donc être complémentaires. Je ne comprends pas pourquoi on se met à opposer ce court terme d'assistanat à ce long terme de création d'entreprises. Cette motion est bonne, ses invites ont été ramenées à des proportions parfaitement réalistes. Il ne sert à rien de faire de mauvais procès aux uns et aux autres. Le travail en commission s'est déroulé comme il doit se faire, chacun amenant, selon sa tendance, sa pensée et ses espoirs, ce qu'il connaît du marché, les éléments qui peuvent être positifs.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant le placement des jeunesqui débutent dans leur vie professionnelle
LE GRAND CONSEIL,
- vu le nombre important de jeunes (environ 10%) qui se retrouvent au chômage;
- vu les moyens consentis par la communauté pour que les jeunes puissent accéder à des apprentissages, à des écoles professionnelles ou non-professionnelles, ou à l'université;
- vu les effets dévalorisants sur le plan humain et culturel, que provoque le chômage, en particulier pour les jeunes;
- vu les conséquences économiques et sociales qu'engendre le chômage des jeunes pour la société,
invite le Conseil d'Etat
- à développer, avec les partenaires sociaux, les milieux économiques et les entreprises, les mesures permettant aux jeunes d'avoir les meilleures chances d'insertion professionnelle;
- à renforcer les mesures déjà appliquées, notamment stages de formation, initiation au travail, occupation temporaire y compris pendant la période d'indemnisation, stages linguistiques, entreprise d'entraînement. A prendre en considération la mise sur pied des entreprises tremplins et de stages à l'étranger susceptibles d'être financés par la LASI;
- à accentuer les efforts pour le placement des jeunes, par le développement du Centre Jeune;
- à envisager d'introduire une allocation d'initiation au travail pour les jeunes qui restent sans emploi après leur stage initial de formation;
- à renforcer l'offre faite aux jeunes de suivre un programme de formation continue, cours de recherche d'emploi, cours de perfectionnement, formation de base en cas de nécessité;
- à développer la collaboration entre le Centre Jeune, le Centre de Bilan, l'Office d'orientation et de formation professionnelles, et les Associations professionnelles;
- à diffuser largement l'information sur les moyens à disposition pour trouver un emploi.
Annexe: graphique «Stages et allocation d'initiation au travail».
ANNEXE
La motion concernant la protection des riverains de l'aéroport invitant le Conseil d'Etat:
- à étudier la possibilité de modifier la concession de l'aéroport pour qu'il ait les moyens de restreindre les vols nocturnes;
- à intervenir auprès de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) en vue de la révision du classement des taxes de bruit et de leur montant;
- à informer le Grand Conseil concernant l'évolution des projets destinés à l'accueil des avions gros-porteurs,
a été adoptée par votre Conseil et renvoyée au Conseil d'Etat le 15 septembre 1989.
Dans son rapport du 28 mars 1990 (M 597-A), dont le Grand Conseil a pris acte le 17 mai 1990, notre Conseil a répondu aux premier et troisième points mentionnés ci-dessus. En ce qui concerne le deuxième point, il a décidé d'intervenir auprès de l'Office fédéral de l'aviation civile, seul compétent en la matière.
1. Rappel historique
Les aéroports de Genève et de Zurich, sous l'autorité de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC), ont instauré, depuis le 1er novembre 1980, un régime de surtaxe de bruit appliquée à la taxe d'atterrissage des avions à réaction. Le modèle retenu est propre à la Suisse. Les modalités de perception de cette surtaxe sont régies par le «Règlement fédéral des redevances perçues sur les aérodromes suisses exploités en vertu d'une concession (aéroports) du 19 août 1975».
L'annexe 1 à ce règlement répartit les avions à réaction en cinq classes, en fonction du bruit qu'ils génèrent (annexe 1). La classification s'opère sur la base des niveaux sonores effectifs moyens enregistrés au décollage. Les avions des catégories les plus bruyantes (classes 1 à 4, par exemple:BAC 111-500, DC 9-30) se voient imposer une surtaxe de bruit, alors que la catégorie des avions réputés peu bruyants (classe 5; par exemple A-320,B-757) en est dispensée. En 1984, les montants correspondant aux classes 1 à 4 ont été augmentés. Le tableau ci-dessous illustre l'évolution de cette surtaxe:
1980 1984
Classe 1 F 300,- F 400,-
Classe 2 F 200,- F 265,-
Classe 3 F 150,- F 200,-
Classe 4 F 100,- F 135,-
Classe 5 F 0,- F 0,-
Par ailleurs, une surtaxe de bruit, définie selon d'autres critères, est également appliquée depuis le 1er septembre 1988 aux avions à hélice de l'aviation légère.
2. Arguments en faveur d'une modification de la surtaxe de bruit appliquée aux avions à réaction
De moins en moins d'avions à réaction sont soumis à la surtaxe de bruit depuis son introduction en 1980. A cette date, 80% des avions s'acquittaient de cette surtaxe. A l'heure actuelle, les proportions sont inversées, de telle manière qu'à Cointrin, seuls 20% des appareils y sont actuellement soumis (annexe 2). Cela est dû au renouvellement des flottes des compagnies aériennes qui acquièrent systématiquement de nouveaux types d'avions consommant moins de carburant et générant nettement moins de bruit que ceux des générations précédentes.
Il est évident que la surtaxe de bruit a perdu beaucoup de son pouvoir dissuasif auprès des exploitants d'aéronefs puisqu'ils ne sont plus qu'une faible minorité à y être soumis (20%). De plus, la classification appliquée dans la surtaxe de bruit ne correspond plus à l'état de la technologie. Ainsi, des avions qui étaient considérés comme les moins bruyants il y a dix ans sont depuis quelques années dépassés, du fait de l'introduction de nouveaux types d'appareils encore plus performants et plus silencieux. Il existe donc aujourd'hui des différences non négligeables en matière de performance acoustique, au sein même de la classe 5, non soumise à la surtaxe de bruit. Il est de ce fait opportun de procéder à l'actualisation de la surtaxe de bruit, afin de permettre son adéquation à l'évolution technologique.
L'aéroport international de Genève, en étroite concertation avec celui de Zurich, a donc demandé à l'Office fédéral de l'aviation civile, seul compétent en la matière, une révision de la surtaxe de bruit, tant en ce qui concerne la classification de certains types d'avions que les montants appliqués aux différentes classes.
3. Proposition de modification du régime de la surtaxe de bruit
3.1 Principe
La surtaxe de bruit, telle qu'elle est appliquée actuellement, a un but incitatif envers les compagnies aériennes et vise un objectif rémunérateur, à savoir permettre aux exploitants d'aéroports de couvrir les frais engagés dans le cadre de leur politique de protection de l'environnement. Il n'existe à l'heure actuelle aucun modèle international, européen ou mondial, pour une telle surtaxe. C'est la raison pour laquelle la révision proposée constitue une mise à jour du concept helvétique. Bien que cette surtaxe existe depuis plus de dix ans, elle n'en reste pas moins une solution transitoire. En effet, les autorités suisses sont dans l'attente d'un modèle européen ou mondial pouvant remplacer, le moment venu, le modèle helvétique.
3.2 Classification des avions
La méthodologie concernant la classification des avions a été modifiée à l'occasion de l'actuelle révision. Afin d'avoir une vision synthétique de cette modification, il convient d'examiner tour à tour l'ancienne et la nouvelle méthode.
En 1980, le bruit moyen de chaque type d'avion au décollage avait fait l'objet d'une calculation établie sur la base de mesures effectuées aux aéroports de Zurich et de Genève. Une liste des avions avait été dressée, allant du plus bruyant au moins bruyant. A partir de cette liste, les experts avaient décidé d'un niveau de bruit au-dessous duquel les avions entraient dans la catégorie 5 et n'avaient pas à payer de surtaxe de bruit. Les quatre autres catégories avaient été établies en partant du principe suivant: chaque classe comportait des avions dont le niveau de bruit moyen était de 3 dB(A) supérieur à la classe précédente.
La classification qui est entrée en vigueur le 1er novembre 1993 est calculée différemment. Tout d'abord, les experts ont évalué le bruit moyen global des avions au décollage. Cette moyenne a été considérée comme la valeur de référence. Puis les experts ont établi pour chaque type d'avion une échelle indiquant quelle était la différence en plus ou en moins par rapport à cette valeur de référence. Une fois cette échelle de valeurs établie, il a été décidé que 50% des avions seraient répartis entre les classes 1, 2 et 3 et que les autres 50% seraient répartis à raison de 25% chacun entre les classes 4et 5.
C'est donc une notion dynamique qui a été introduite, vu que la valeur de référence est susceptible d'évoluer, vers le bas, du fait de l'évolution favorable des flottes des compagnies aériennes desservant les aéroports suisses.
Il convient de se rapporter à l'annexe 3 afin de mieux visualiser les modifications de classification des avions découlant de la révision de la surtaxe.
3.3 Montants applicables
Les nouveaux montants par classe qui sont entrés en vigueur le1er novembre 1993 sont les suivants:
Classe 1 F 800,-
Classe 2 F 400,-
Classe 3 F 200,-
Classe 4 F 100,-
Classe 5 F 0,-
Les anciens montants figurent à la fin du chapitre premier.
Les montants ont été établis de manière à exercer une forte pression sur les deux premières classes les plus bruyantes auxquelles correspond 60% de la flotte actuelle. La classe 5 comprend, quant à elle, les avions respectant actuellement le plus l'environnement. C'est la raison pour laquelle les avions de cette catégorie, comme jusqu'à maintenant, ne paient aucune taxe.
4. Fonds de la surtaxe de bruit
Les montants perçus au titre de la surtaxe de bruit sont versés sur un fonds spécial, distinct des comptes d'exploitation de l'aéroport de Genève et dénommé «fonds surtaxe de bruit». Les sommes ainsi encaissées sont exclusivement affectées aux opérations de lutte contre les nuisances provoquées par le trafic aérien.
Les montants annuels perçus ces dernières années, en baisse continue, sont passés de 3,2 millions de F en 1985 à 1,3 million de F en 1992. La hausse devrait faire passer ce montant annuel à plus de 6 millions de F.
5. Conclusion
Dans son rapport du 28 mars 1990 (M 597-A), notre Conseil, reprenant la proposition des motionnaires, s'était engagé à demander à l'Office fédéral de l'aviation civile une révision de la surtaxe de bruit. Cette démarche a abouti avec le concours de l'aéroport de Zurich. Un nouveau modèle ainsi qu'une sensible augmentation des surtaxes pour les classes d'avions encore bruyants ont pu être définis et sont entrés en vigueur le 1er novembre 1993.
Le Conseil d'Etat se réjouit donc de ce résultat qui va dans le sens de ses préoccupations constantes en matière de protection des riverains de l'aéroport et de lutte tous azimuts contre le bruit dû au trafic aérien.
Cette proposition, soumise à la commission consultative pour la lutte contre le bruit des aéronefs, a été approuvée à l'unanimité par cette dernière lors de sa séance du 1er octobre 1993.
Annexes 1 à 3: mentionnées.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie le Conseil d'Etat pour son second rapport concernant la motion sur la protection des riverains de l'aéroport. Vous me permettrez, Monsieur Maitre, d'y apporter quelques critiques que j'espère constructives.
Le Conseil d'Etat avait conclu dans son premier rapport qu'il se souciait de manière permanente de la protection des riverains de l'aéroport et qu'il menait une lutte tous azimuts contre le bruit évitable. C'est d'ailleurs la même conclusion qu'il reprend au terme de l'actuel second rapport.
Il soulignait, à titre de préambule du premier rapport, que tout ce qui concerne le domaine de l'aviation civile en Suisse est du ressort exclusif de la Confédération, et dans son second rapport, en page 3, il répète que l'Office fédéral de l'avion civile est seul compétent en la matière, donc de la révision de la surtaxe de bruit, tant en ce qui concerne la classification des avions que les montants appliqués aux différentes classes. Il convient de rétablir les choses dans leur délimitation réelle des compétences.
Il est tout de même choquant que l'Etat de Genève, concessionnaire de l'aéroport, renvoie toutes les responsabilités à Berne prétendant ne pas pouvoir faire mieux ou autre chose que ce qui lui est imposé, et se prétendre en conséquence champion en matière de protection des riverains de l'aéroport.
En réalité, la législation sur la navigation aérienne est de la compétence fédérale. Cela ne signifie pourtant pas que cette législation revendique la totalité des compétences pour l'administration fédérale chargée de son exécution en excluant celles que la législation elle-même réserve aux concessionnaires d'aéroport.
Le Conseil fédéral s'est lui-même expliqué à cet égard, précisément dans les décisions concernant les modifications de concession pour les vols de nuit à Zurich et à Genève. Il expliquait que ni la loi sur la navigation aérienne ni d'autres lois fédérales ne contiennent de dispositions expresses selon lesquelles le pouvoir de limiter le trafic aérien dans l'intérêt du repos nocturne devait être exercé exclusivement par des autorités fédérales, et qu'aucune partie de cette compétence ne pourra être déléguée aux détenteurs de l'aéroport.
Il rappelait également que les concessionnaires ont à établir des règlements d'exploitation qui sont soumis à l'approbation de l'OFAC et qu'il n'existait pas de motifs juridiques qui excluraient que, dans tel règlement d'exploitation, certains aspects d'un couvre-feu nocturne puissent trouver leur réglementation. C'est d'ailleurs bien pourquoi le Conseil d'Etat a tenu à porter dans le règlement d'exploitation de l'aéroport de Genève, à son article 28, qu'entre 22 heures et 6 heures l'exploitation de l'aéroport est réglée conformément à l'annexe 1, du 23 mars 1972, à la concession.
Nous ne nous sommes pas étendus sur cet aspect des choses dans les débats de mai 1990, car il était évident que le Conseil d'Etat n'avait pas l'intention de modifier le règlement d'exploitation de l'aéroport et de demander à l'OFAC d'approuver une telle modification en faveur de la population. En effet, une telle modification simultanée du règlement d'exploitation aurait impliqué que le Conseil d'Etat demande parallèlement une modification de l'annexe 1 à la concession.
Selon la réponse qu'il donna à l'époque, il le peut très bien mais ne le veut pas. Nous ne pouvons donc pas prétendre qu'il se voue tous azimuts à la protection de la population. Il en va de même pour les redevances perçues sur les aéroports concessionnaires.
L'article 39 LNA dit : «Les taxes d'aérodromes sont soumises à l'approbation de l'Office fédéral de l'air.». Ce qui signifie bien qu'elles sont fixées par les concessionnaires et soumises ensuite à l'approbation constitutive de l'OFAC. Ces décisions sur les taxes sont ensuite publiées dans la feuille fédérale. Il résulte de ces deux exemples qu'il est ainsi possible au canton de Genève de jouer sur deux tableaux, de revendiquer la liberté relative des exploitants concessionnaires quand cela l'arrange et de soutenir que c'est Berne qui décide lorsque cela ne l'arrange pas.
En ce qui concerne les surtaxes de bruit. Il s'agit de taxes liées à l'affectation de leur produit, à l'accomplissement des mesures de protection de l'environnement, de sorte qu'elles ne peuvent pas être considérées comme des mesures de politique économique avantageant certains partenaires au détriment des autres. C'est d'ailleurs ce qu'a précisé le département fédéral des transports dans sa décision sur le recours du 18 avril 1989. Il s'agit d'une mesure de protection de l'environnement dont le but est de diminuer les atteintes portées aux riverains de l'aéroport.
Quant à la base technique des surtaxes de bruit, soit la fameuse classification rappelée par le Conseil, elle a été établie en fonction de milliers de mesures exécutées à Zurich, et très peu à Genève. Il y a au moins 5 ans qu'il est question de prélever ces taxes en fonction du certificat de bruit dont est muni chaque avion. Cela permettrait un traitement administratif simple, peu onéreux et, de surcroît, semblable à ce qui se pratique ou est en cours d'élaboration dans d'autres pays .
Il est indispensable de sortir de cette particularité helvétique de ces cinq classes de bruit, d'autant qu'elle donne lieu à des appréciations arbitraires de la classification. Nous prions le Conseil d'Etat d'intervenir auprès des autorités fédérales afin qu'il adopte une norme suisse faisant dépendre les surtaxes, si celles-ci incorporent les surtaxes, ou les taxes, les certificats de bruit et de pollution des avions.
Les montants des surtaxes de bruit actuels ne sont guère incitatifs. D'une part, ils sont ultracompliqués dans leur calculation et, d'autre part, leur tarif est extraordinairement bas. La diminution du nombre des appareils les plus bruyants ne tient évidemment pas à ce qui leur était réclamé à l'atterrissage en Suisse, mais bien à la chute de considération auprès de leur clientèle.
Des taxes de bruit incitatives existent. Par exemple, sur l'aéroport de Hambourg. Elles ont rapidement convaincu les compagnies fréquentant cet aéroport de lui affecter leurs appareils peu bruyants, ce qui, en deux ans, a considérablement diminué le bruit régnant autour de cet aéroport.
Ainsi, pour signaler ce qu'il en est de deux bêtes noires des riverains de l'aéroport, la nouvelle taxe suisse pour le boeing 727 est de 400 F en Suisse, soit 464 deutsche Mark. Alors qu'à Hambourg elle est de 5 825 deutsche Mark de jour, et même de 7 281 deutsche mark de nuit, soit douze à quinze fois plus qu'en Suisse. Le résultat est que les avions anciens ou moins anciens se raréfient au profit des récents.
En conclusion, nous demandons au Conseil d'Etat qu'il révise son optique de base de prétendue impuissance, qu'il adopte, lui-même et la direction de l'aéroport, une optique positive, nouvelle et efficace dans l'abord de ces problèmes afin de prendre en charge une politique de lutte tous azimuts contre le bruit du trafic aérien. Il est nécessaire qu'il le fasse afin que Genève réponde à l'heureuse prétention qu'elle affiche d'être un haut lieu de la politique mondiale de protection de l'environnement.
M. Pierre Meyll (AdG). Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Mme Bugnon. Lorsque l'on parle de redevance d'atterrissage, on est souvent déçu quant au résultat attendu. On a cité le cas de l'aéroport de Hambourg. En effet, les différences de taxes sont absolument notables. On a cité le cas de certains modèles. Il est vrai que certaines taxes sont vingt-six fois plus élevées à l'aéroport de Hambourg le jour, et quarante-deux fois plus élevées la nuit. Les avions certifiés «bruit» qui se présentent à l'aéroport de Hambourg ne sont plus que le 0,1 % , alors qu'à Genève le rapport sur ce sujet montre que 60 % des avions de la flotte actuelle sont certifiés «bruit». Il y a donc quelque chose d'anormal.
Il est absolument vrai que les taxes ne sont pas dissuasives et nous le prétendons depuis fort longtemps. Les montants moyens perçus à l'aéroport de Hambourg sont dix à douze fois plus élevés que ceux de la Suisse, en moyenne, et c'est pour cela que je vous ai cité les extrêmes.
En Suisse, notre classification ne répond pas à celle de l'OACI, à tel point qu'il faut reconnaître que les avions de SWISSAIR échappent en grande partie ou en totalité aux normes sur le bruit, tandis qu'ailleurs, ils sont classifiés OACI et certifiés «bruit».
Vous ne pouvez pas admettre cela. On a peut-être rendu service à SWISSAIR, soit, mais tout de même, les riverains n'ont pas à supporter les nuisances de l'aéroport. D'après les essais faits à Zurich, le taux de décibels est plus élevé là-bas qu'à Genève. Quelque chose cloche !
Si l'on considère le fameux MD-,11 qui devait être un avion absolument merveilleux, nous avions annoncé dans le cadre de l'ARAG que les essais qu'il avait subis n'étaient pas conformes, car ils avaient été faits dans une carlingue pas complètement équipée. A l'époque, on nous avait traités de menteurs. Aujourd'hui, on constate que ces avions font plus de bruit que prévu ! En effet, si vous ne tenez pas compte de la pleine charge, les essais sont forcément faussés.
Il est intolérable de ne pas soumettre notre compagnie nationale à des normes plus strictes. A cela, il faut ajouter que les montants inclus dans la taxe de bruit servent parfois à faire des travaux que nous considérons être d'aucune utilité aux riverains en ce qui concerne les sources de bruit. Cela n'est pas tolérable non plus et nous aurons l'occasion d'y revenir. Nous essaierons de travailler à cela dans le cadre de la commission consultative du bruit de l'aéroport, afin que cette commission ne soit pas considérée comme une commission-alibi. J'espère, Monsieur le président, que vous veillerez à ce qu'elle ne le soit pas et que la communication avec le Conseil d'administration se fasse de manière claire et nette en ce qui concerne les revendications à apporter.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Permettez-moi de vous dire combien il est décevant d'entendre ces propos. Le Conseil d'Etat a été saisi d'une motion qui demande, pour l'essentiel, de renforcer le système des surtaxes «bruit». Le Conseil d'Etat s'est engagé à aller de l'avant parce qu'il est convaincu que c'est une des voies. Pas la seule, mais c'est une des voies qui peut s'avérer opérante dans ce domaine.
En Suisse, il n'est pas concevable de disposer de plusieurs systèmes différents entre les grands aéroports. Nous avons donc pris l'initiative d'interpeller l'aéroport de Zurich-Kloten qu'apparemment vous portez au pinacle. Nous l'avons convaincu de cette nécessité, avons obtenu son aval et nous sommes allés ensemble auprès de l'Office fédéral de l'aviation civile qui a accepté de modifier le système des surtaxes bruit qui, dès lors, comprend des augmentations assez substantielles suivant les catégories d'avions, et je crois qu'ainsi nous avons pleinement répondu aux voeux.
Je suis déçu de votre réponse, non pas tellement de votre prise de position face au gouvernement, mais, en définitive, pour vous, car cela vous conduit à perdre toute crédibilité, puisque même lorsque l'on donne suite à vos demandes vous n'êtes pas satisfaits.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
En date du 10 juin 1993, saisi de la proposition de motion susvisée, le Grand Conseil a renvoyé cet objet au Conseil d'Etat, en vue de répondre à l'invite qui lui était adressée comme suit:
«à étudier l'intérêt et la possibilité de créer des «entreprises tremplins» fonctionnant dans un premier temps sur le modèle d'ateliers protégés et susceptibles par la suite de tenir normalement leur place sur le marché. Il appartiendrait à l'Etat et aux partenaires sociaux de superviser l'activité de ces entreprises, par exemple sous le chapeau d'une société anonyme d'économie mixte ou de toute autre formule à créer.»
Après examen approfondi des propositions contenues dans la motion 861, et compte tenu des domaines d'applications éventuels et des possibilités légales existantes, notre Conseil est en mesure de répondre de la manière suivante à ladite motion:
La proposition des motionnaires entre en partie dans le cadre de mesures existantes. On pourrait la comprendre comme un «programme d'occupation temporaire» avec un personnel se renouvelant régulièrement. Mais elle va au-delà puisqu'elle envisage l'autonomie du système, s'il atteint son indépendance économique. Il faut affiner le projet pour évaluer dans quelle mesure cela est réalisable et à quelles conditions.
Les entreprises pour la formation
Il convient, dans un premier temps, de situer l'«entreprise tremplin» parmi les autres actions de formation ou d'exercice à l'emploi qui comprennent:
- La formation en entreprise sous contrat d'apprentissage. Elle a lieu en parallèle avec l'école professionnelle et correspond au contenu fixé par un règlement, le tout débouchant sur l'obtention d'un certificat fédéral ou cantonal de capacité.
- Le jeu d'entreprise, qui se déroule pendant la formation. Il s'agit d'un exercice simulant les principales activités et fonctions d'une entreprise. Chaque participant remplit, seul ou en groupe, l'un des rôles de celle-ci. Cet exercice est limité, l'infrastructure en est minimale. L'action peut se dérouler sur quelques heures ou quelques jours, elle a le caractère d'exercice pratique.
- L'entreprise fictive, ou d'entraînement, est un lieu où les composants de l'entreprise existent: équipement, postes de travail, personnel du secteur commercial et de gestion, mais sans la production. On passe les commandes, on facture, la comptabilité est effectuée en réel pour des produits fictifs. L'exercice a une durée indéterminée, les participants jouant leur rôle après engagement jusqu'à ce qu'ils le connaissent suffisamment. Ils quittent alors individuellement l'action ayant acquis une certaine pratique professionnelle.
Les entreprises d'entraînement ont été conçues comme faisant partie intégrante de la formation. Depuis que le chômage sévit et touche surtout les jeunes, ces entreprises accueillent des chômeurs et leur donnent leur première, ou nouvelle expérience professionnelle.
Une entreprise d'entraînement a commencé ses activités à Genève le1er décembre 1993. Créée en collaboration avec la Société suisse des employés de commerce et l'office cantonale de l'emploi (OCE), cette entreprise virtuelle dénommée ID CHOC SA est rattachée au cercle entreprises d'entraînement européennes. Son activité consiste dans la création et la vente d'un concept publicitaire basé sur un produit: le chocolat. Sa structure se compose d'un directeur rétribué dans le cadre du budget de fonctionnement admis par l'OFIAMT, de trois cadres en occupation temporaire et de 15 stagiaires sélectionnés par l'OCE. La durée du stage individuel financé par l'assurance-chômage est de 6 mois. A ce jour, ID CHOC SA a reçu 29 stagiaires titulaires soit d'un certificat de capacité, soit d'une licence universitaire, ou porteurs d'un diplôme d'école privée. Le succès d'une telle entreprise en ce qui concerne la réinsertion est évident puisque 20 stagiaires ont déjà trouvé un emploi durable dans l'économie privée.
Contrairement aux entreprises d'entraînement, les «entreprises tremplins», telles que présentées par les motionnaires, sont des entreprises réelles, jusqu'au produit ou au service. Cependant, elles ont leur caractère propre et leur mise sur pied apparaît très différente de la création d'entreprises.
Caractères de l'«entreprise tremplin»
L'entreprise est comprise ici comme un lieu de production et de formation, elle doit donc s'assurer la présence d'un ou deux moniteurs. Les employés en sont des jeunes et des adultes, chômeurs essentiellement ou éventuellement cherchant un premier emploi; s'y ajouteraient des personnes bénéficiaires de mesures d'initiation au travail ou d'occupation temporaire.
La structure est celle d'un atelier protégé. Cela signifie que l'objectif d'insertion dans le circuit économique avec une autonomie suffisante n'est pas prioritaire au départ. Le financement est assuré par des fonds publics principalement. Les salaires proviennent, pour l'essentiel, des indemnités de chômage.
La localisation n'est pas directement dépendante de l'objectif visé, elle se situerait dans des locaux inoccupés à mettre à disposition.
La direction d'une telle entreprise relèverait d'un pilotage assuré par les partenaires sociaux et l'Etat.
La création d'entreprise
Par comparaison, on rappellera que la création d'une entreprise débute par le concept d'un produit ou d'un service ayant de fortes chances de faire sa place sur le marché. Elle continue par la présence d'un entrepreneur et d'un investisseur institutionnel ou privé qui accepte de prendre un certain risque. Juridiquement, l'entreprise se constitue de manière autonome, elle engage son personnel en fonction des qualifications requises pour réussir, elle gère ce personnel sous contrat.
Sur le plan externe, l'entreprise affrontera alors la concurrence, elle pourra s'associer ou travailler en complémentarité avec une autre entreprise. Sur le plan interne, elle assure sa propre gestion. Dans la règle, les bénéfices n'apparaissent qu'après une période plus ou moins longue et dont la durée ne dépend pas de la seule entreprise mais également des conditions générales de l'économie. L'entreprise est toujours face à une réussite ou à un échec; dans ce dernier cas les risques sont assumés en totalité par les investisseurs.
Où se situe la différence?
Les différences essentielles avec les «entreprises tremplins» résident en premier lieu dans le fait que ces dernières n'ont pas de personnalité juridique. De plus, le personnel employé est hétérogène et, même s'il est choisi avec soin, il nécessite une mise au courant importante puisque l'on vise des chômeurs, des jeunes adultes cherchant leur premier emploi ou des personnes pouvant bénéficier d'une initiation au travail. Un encadrement externe à l'entreprise doit donc être assuré pendant toute la période de lancement. Enfin, le pilotage d'une telle entreprise étant assuré par les partenaires sociaux et l'Etat, on peut imaginer qu'elle n'a pas de direction autre que celle de spécialistes de création d'entreprises qui devraient, à terme, se retirer.
Le problématique passage à l'autonomie
Si la réalisation d'une telle entreprise ne paraît pas impossible, ce qui est le plus difficile à négocier est le passage à son autonomie.
Quelle durée est allouée à l'«entreprise tremplin», à la charge des financements de l'extérieur, pour assurer son autonomie? En fonction de cette durée, les coûts de mise en place sont croissants et posent des problèmes de plus en plus aigus pour un remboursement éventuel.
En admettant qu'une telle entreprise assure son autonomie financière et que selon les initiants «elle pourrait prendre normalement sa place sur le marché et fonctionner sans soutien aucun», qui en deviendrait le propriétaire et à quelles conditions? Tout devrait être renégocié: structures, salaires, conditions d'engagement, conditions de remboursement.
Un autre problème, plus délicat à traiter, est celui de la concurrence. Puisque l'on entre sur le marché, il faut nécessairement en tenir compte. Elle a ici été faussée au départ mais il faut savoir jusqu'où elle peut l'être. A moins d'entrer dans un créneau totalement nouveau, comment justifier le lancement face à la concurrence lorsque le risque est assumé par les fonds et l'encadrement publics? Cela d'autant plus que, pour assurer une efficacité suffisante dans la lutte contre le chômage, de nombreuses entreprises tremplins devraient être fondées.
Conclusion
Au vu de ce qui est ci-dessus indiqué, le Conseil d'Etat estime que la notion d'«entreprise fictive ou d'entraînement», compte tenu des applications pratiques déjà engagées avec succès, offre de meilleures perspectives d'insertion professionnelle.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat entend développer les possibilités offertes aux chômeurs de créer leur propre entreprise. Il s'agit bien sûr ici de micro-entreprises, du moins au début. L'objectif est de permettre à la personne au chômage qui souhaite créer sa propre entreprise parce qu'elle a une idée à faire valoir, d'obtenir plus systématiquement la possibilité de s'y préparer tout en recevant les indemnités de chômage. Avec l'appui du département de l'économie publique, une association d'anciens cadres ou chefs d'entreprises se propose de créer une fondation assurant le tri des projets en fonction de leur chance de réussite et le suivi de l'entrepreneur pendant ses premiers mois d'activité. Cette association se porterait garante de la qualité du projet auprès des investisseurs ou de l'office genevois de cautionnement mutuel aux artisans et commerçants.
Cet aspect de la question fait l'objet d'une réponse plus détaillée dans le cadre de la motion 870.
Au vu des explications qui précèdent, nous vous invitions, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter les conclusions contenues dans le présent rapport.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je suis désolée, Monsieur Maitre, mais je vais encore une fois répondre à votre rapport.
Ce rapport du Conseil d'Etat me laisse perplexe. En effet, il fait état d'une étude approfondie concernant la proposition des motionnaires visant à étudier la mise sur pied d'entreprises tremplins. D'une part, il développe les intérêts évidents de ces mêmes entreprises tremplins et ne semble pas être hostile à l'idée, c'est du moins ce que l'on peut ressentir en lisant le rapport, d'autre part, il finit par conclure, en se basant sur des obstacles uniquement juridiques, que la création d'entreprises tremplins n'est pas souhaitable et que les entreprises fictives ou d'entraînement déjà mises en place sont suffisantes.
Quelles sont les principales critiques ? On reproche aux entreprises tremplins de n'avoir pas de personnalité juridique. On aurait pu remédier à cela en démarrant, par exemple, l'entreprise tremplin avec une association sans but lucratif. Le jour où le produit aurait pu être suffisamment commercialisable pour permettre l'autonomie de l'entreprise, le statut aurait changé.
Ensuite, on leur reproche l'hétérogénéité du personnel. En effet, les personnes principalement visées par les entreprises tremplins sont les chômeurs et les jeunes à la recherche d'un premier emploi. Cette objection ne peut être retenue, puisque je vous rappelle que le but de cette motion est aussi de couvrir la formation et que l'encadrement est assuré par des cadres, chômeurs eux aussi, mais ayant été précédemment cadres d'entreprises ou professionnels à tous niveaux.
Enfin, on conteste leur passage à l'autonomie en leur posant toutes sortes de questions sur la durée prévue par l'entreprise tremplin pour assurer leur autonomie ? Qui en deviendrait le propriétaire ? Quelles seraient les nouvelles conditions ? etc. A notre avis, le noeud du problème est là.
Il n'est pas inutile de rappeler le parcours de cette motion. Elle émane du fruit du travail de plusieurs associations féminines fortement sollicitées par des femmes qui connaissent des situations difficiles dans le domaine du travail. Ces associations féminines se sont réunies à plusieurs reprises afin d'essayer de trouver une solution ou du moins une ébauche de réponse au phénomène du chômage.
Ensuite, avec l'aide des motionnaires, également féminines, elles ont mis sur pied cette motion qui demandait au Conseil d'Etat de bien vouloir étudier la création d'entreprises tremplins. Elles accompagnaient leurs propositions de quelques pistes à suivre.
A notre avis, le reste du travail devait être fait par le Conseil d'Etat. D'autant plus qu'à l'époque M. Maitre nous avait déclaré, avec quelque agacement, que cette idée n'était pas nouvelle et que son département y travaillait depuis un certain temps déjà.
Si tel est le cas, les objections contenues dans ce rapport ne nous semblent pas suffisantes, et nous devons en déduire qu'il s'agit d'un manque de volonté politique d'avancer dans l'étude de cette motion cosignée par tous les groupes présents dans ce parlement. Nous ne pouvons qu'en prendre acte en regrettant que l'on n'ait pas au moins essayé de rendre ce projet réalisable et de tenter l'expérience.
A l'heure où l'on parle constamment de chômage et de relance, nous regrettons qu'une proposition ayant comme seul objectif de combattre le chômage et de permettre à des chômeurs et chômeuses de longue durée de se réinsérer dans la vie professionnelle, ne fasse pas l'objet de plus de considération.
En conclusion, je vous rappelle que l'on vient d'accepter un rapport, deux points plus haut, demandant dans l'une de ses invites de prendre en considération la mise sur pied d'entreprises tremplins. L'avenir nous apprendra si la commission de l'économie a plus de poids que six députés.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a analysé la proposition faite dans le cadre de cette motion et nous n'avons pas voulu l'étudier plus avant dans sa mise en application éventuelle, tout simplement parce que le Conseil d'Etat ne partage pas l'avis des motionnaires sur l'utilité et la faisabilité de l'entreprise tremplin.
Dans le cadre de la lutte contre le chômage, certaines formes d'entreprises sont intéressantes pour la formation. En particulier le projet mis en place par la Société suisse des employés de commerce sur l'entreprise fictive ou d'entraînement est en cours d'exercice. Il nous paraît beaucoup plus intéressant et plus praticable. Nous l'avons mis en place avec la Société suisse des employés de commerce et il sera d'ailleurs dédoublé.
En ce qui concerne la forme de l'entreprise tremplin - ce n'est pas un reproche que nous vous faisons - vous n'en avez probablement pas analysé les conséquences pratiques, mais seulement le concept théorique. Les conséquences pratiques font - elles sont décrites dans ce rapport - que cette forme d'entreprise pose en réalité plus de problèmes qu'elle n'apporte de solution.
Je crois savoir que l'un des motionnaires a eu un contact très approfondi avec M. Gabioud de mon département, et qu'à la suite de ce contact l'intéressé a été convaincu qu'il y avait probablement d'autres voies plus prometteuses.
(M. Jean-Philippe Maitre s'adressant à une députée dans la salle.) Je ne pensais pas, Madame, que vous vous sentiriez si directement visée ! Mais puisque vous acceptez de le dire de cette manière ! Eh bien, il s'agit effectivement de vous. Apparemment, mon collaborateur a eu le sentiment que vous découvriez certaines informations pour la première fois et, dans ce sens, il a été très heureux que ce contact ait eu lieu. Vous aurez au moins appris quelque chose.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La pétition 996 a été examinée par la commission de l'économie lors de sa séance du 6 septembre 1993 tenue sous la présidence de M. Jacques Torrent, alors député, en présence de M. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique.
M. Torrent avait été nommé rapporteur, M. Meyll annonçant l'éventualité d'un rapport de minorité.
Or, M. Torrent a quitté le Grand Conseil sans avoir déposé de rapport, et M. Meyll n'a rien déposé non plus.
L'actuel président de la commission de l'économie a donc décidé de présenter lui-même un bref rapport résumant les travaux de cette dernière.
Il convient de relever que, dans l'ancienne loi sur les heures d'ouverture des magasins, ne pouvaient être ouverts le dimanche que les magasins typiquement frontaliers ou les entreprises familiales qui, le dimanche, n'occupaient que les membres de la famille.
Le Grand Conseil a modifié la loi en la rendant plus restrictive. Désormais seules peuvent être ouvertes, le dimanche, les entreprises qui n'occupent, la semaine et le dimanche, que des membres de la famille.
Il faut reconnaître que pour certaines entreprises, dont celles du pétitionnaire, cela constitue une rupture de droits acquis, en les obligeant soit à fermer le dimanche, soit à licencier le personnel non membre de la famille.
La majorité de la commission, bien que sensible à la situation du pétitionnaire, a estimé qu'il n'était pas possible de déroger à une loi récemment votée en connaissance de cause, d'autant plus que la nouvelle loi va quand même vers une plus grande ouverture partout où cela est possible, y compris dans ce secteur.
En conséquence, la commission de l'économie, par 5 voix contre 1 et 3 abstentions, vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
ANNEXE
Débat
M. Pierre Meyll (AdG). Comme M. Blanc a annoncé ma défaillance dans ce rapport, je tiens à préciser qu'elle était due au fait que le président du département, lorsque nous avions évoqué cette pétition - il s'agit d'un commerce de Versoix - m'avait demandé de ne pas faire le rapport de minorité avant qu'il ait lui-même pris contact et qu'il me tiendrait au courant.
Comme M. Torrent, qui avait été désigné rapporteur, a disparu dans la «vague», je pensais que cette pétition avait été retirée et que l'on n'en parlait plus. Comme vous ne m'aviez pas téléphoné, Monsieur le président - je ne vous en tiens pas rigueur - mais je ne pouvais pas faire un rapport de minorité puisque la majorité n'en faisait pas.
Cela concernait l'ouverture des commerces le soir. Un petit commerce ouvrait le dimanche et, compte tenu de la loi, il a été mis en porte à faux et obligé de mettre des gens aux chômage.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Je n'ai pas voulu mettre M. Meyll en position de défaillance. J'ai simplement repris les travaux de la commission et signalé que M. Meyll avait annoncé l'éventualité d'un rapport de minorité.
Il est évident que, comme le rapporteur de majorité était lui défaillant, si vous aviez donné suite à l'éventualité, on se serait aperçu plus vite qu'il n'y avait pas de rapport de majorité. Mais je ne vous incrimine en aucune manière, Monsieur Meyll. D'ailleurs, ce sera inscrit au Mémorial, vous n'êtes pas du tout incriminé.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Vanek a posé un certain nombre de questions liées à la situation de l'entreprise Tavaro, et c'est bien volontiers que le Conseil d'Etat y répond.
Tout d'abord, je répondrai que la situation actuelle de Tavaro, par rapport à celle que nous avons connue il y a de cela plusieurs mois, fait l'objet des préoccupations et de l'action du département de l'économie publique, non pas depuis plusieurs mois, mais depuis plusieurs années. Mais il y a plusieurs mois, la situation était grave. Aujourd'hui, au terme d'entretiens difficiles, répétés, d'actions entreprises auprès de la direction et des partenaires sociaux, nous pouvons dire que le pire a été évité.
A un moment donné, l'existence même de l'entreprise était en jeu. A la suite de ces entretiens, des mesures ont été prises. Je ne les répéterai pas ici puisqu'elles ont été évoquées par voie de presse, mais je puis vous dire qu'en terme de sauvegarde de la substance industrielle de cette entreprise, je crois que nous avons l'essentiel et qu'en revanche les secteurs de production de Tavaro en Valais sont beaucoup plus touchés. Le Valais fait les frais de l'opération et cela n'est pas de nature à nous réjouir, tant s'en faut.
En ce qui concerne les éléments de discussion, ils ont porté sur la substance de l'entreprise, sa capacité de coopération, de reconversion industrielle. Au coeur des discussions, les perspectives de coopération avec une entreprise japonaise ont été abordées. Cela apporterait une ouverture plus technologique pour Tavaro, une perspective de sous-traitance extrêmement importante pour cette entreprise. C'est un renforcement de Tavaro en ce sens que tout le système de recherche et de développement est pour Tavaro-Genève, concentré dorénavant sur Genève.
Par ailleurs, un plan social complet et très détaillé a été mis en place avec le concours des partenaires sociaux. Je voudrais rendre hommage au sens des responsabilités de la FTMH. Vous avez évoqué, avec un soupçon de doute, Monsieur Vanek, le fait que des mesures de chômage partiel aient décidé, à propos de Tavaro, des mesures de réduction d'horaire de travail.
Permettez-moi de vous dire que nous avons été, conjointement avec la FTMH, les initiateurs de ce type de mesures. La FTMH elle-même les a demandées parce que nous avons eu ensemble la conviction qu'il y avait là un passage pour lequel il aurait été vraiment déraisonnable de démanteler l'outil de production, le potentiel humain actif de cette entreprise, et que, probablement, on arriverait à s'en sortir en gardant un plus grand effectif que ce qui était envisagé au départ par la direction de l'entreprise.
Le plan social a été approuvé par la direction, l'Union industrielle de Genève, la FTMH et la commission du personnel. Il a été ratifié à l'unanimité par la commission du personnel. Nous avons fait un travail en profondeur et, une fois encore, nous avons pu compter en la FTMH sur un partenaire absolument responsable et engagé.
Vous avez évoqué des mesures d'accompagnement dans le cadre de la restructuration de Tavaro. Permettez-moi de vous dire qu'elles ont été engagées et que toutes sortes de mesures d'accompagnement sont relatives à la formation, au recyclage et à la reconversion professionnelle des personnes qui sont touchées par la restructuration. Dans le cadre de ces mesures d'accompagnement, nous travaillons avec l'université ouvrière de Genève, l'UOG, notamment, qui se montre être un partenaire actif dans ce secteur.
Je voudrais m'arrêter ici et ne pas répondre à l'éternelle litanie qui concerne le maintien général des conditions-cadres concernant l'industrie, car cela devient franchement lassant. Vous savez parfaitement que le Conseil d'Etat, avec l'appui de ce parlement, se bat au quotidien pour le maintien du tissu industriel le plus dense et le plus diversifié possible dans ce canton. Cela passe par toute une série de conditions-cadres connues, mais que l'on a de la peine à évoquer, car il n'en est probablement jamais fait la synthèse. Les zones industrielles du canton de Genève sont performantes. L'Office pour la promotion de l'industrie est un outil qui fait l'envie des autres cantons, en tout cas ceux de Suisse-romande, à tel point, d'ailleurs, qu'il est amené à engager une opération pilote sur l'ensemble des cantons suisses-romands pour voir si nous ne pourrions pas mettre un outil de même nature à la disposition de la Suisse-romande.
Nous vous répétons que le département de l'économie publique travaille pour le maintien du tissu industriel par des actions concrètes pour un certain nombre d'entreprises en difficulté. Mais vous savez que ce travail ne peut être efficace que s'il est discret. Par conséquent, il est inconcevable de l'évoquer sur la place publique, car la situation des industries serait davantage compromise.
Dans le cadre de la promotion économique, vous savez que les résultats «engrangés» concernent, pour une bonne partie, le renforcement du tissu industriel avec des entreprises qui rejoignent notre canton et ont des compétences technologiques de toute première force, de toute première valeur qui enrichissent ainsi le tissu industriel de ce canton.
Enfin, vous avez évoqué le problème de la reconversion des activités de type militaire. Vous vous êtes réjouis - mais je ne puis partager votre cynisme, même si, sur le plan politique et philosophique, je rejoins une partie du chemin que vous avez fait - que ce type d'activités disparaisse. Bien sûr, de telles activités dans l'industrie de l'armement ne représentent pas un idéal économique en soi. Toutefois, elles sont génératrices d'emplois. Et si on les supprime, elles conduisent à perdre un nombre important d'emplois et nous ne pouvons pas, sans autre - et le terme est de circonstance - la fleur au fusil nous en réjouir.
Dans ce contexte, Monsieur le député, il faut admettre que dans l'industrie d'armement un certain nombre de choses doivent être évoquées de manière sensiblement plus nuancée que vous ne le faites. Un certain nombre d'entreprises genevoises, en particulier dans le cadre des programmes d'aviation militaire, ont pu développer des savoir-faire dans la technologie civile qui leur ont amené des marchés civils qui en font des industries de pointe dans le domaine de l'aviation civile.
Il faut donc être plus nuancé, car il est bien vrai, je suis absolument d'accord avec vous, que l'industrie de l'armement ne représente pas un idéal économique. Mais on ne peut pas sans autre faire «joujou» avec les emplois et avec les débouchés technologiques qui sont parfois induits par ce type d'industrie. Maintenant, une reconversion doit avoir lieu dans ce domaine, et qu'il me soit permis de dire que Genève n'a pas d'autres entreprises d'armement, au sens où on l'entend sur le plan de la Confédération, soit qu'aucune entreprise d'armement ne dépend de la Confédération.
Un certain nombre d'entreprises, elles sont peu nombreuses à Genève, ont des commandes liées à des commandes militaires dans le cadre de la Confédération, et, à cet égard, des programmes de recyclage et de perfectionnement professionnel sont engagés avec la Confédération, des programmes d'encouragement à l'innovation et à la diversification sont déployés. Dans ce contexte, pour les restructurations, vous avez des entreprises qui lâchent des programmes d'armement pour se reconvertir dans de nouveaux créneaux industriels, et vous avez également des mesures d'accompagnement fiscal qui sont liées aux restructurations d'entreprises en tant que telles.
Voilà, Monsieur le député, la réponse que nous pouvions apporter à votre interpellation.
Cette interpellation urgente est close.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale subventionnées par le département de l'action sociale et de la santé (DASS) et d'autres instances publiques et privées, telles que communes et fondations. Ces associations remplissent un rôle indispensable. Elles répondent à des besoins spécifiques que l'Etat n'est pas toujours à même d'assumer.
Leur action complémentaire des différentes interventions des services et institutions officiels n'est pas remise en question. Au contraire, leur souplesse, leur spécificité et leur diversité permettent précisément à ces associations de jouer un rôle dont l'utilité publique est totalement reconnue.
En 1993, le DASS a institué, sur la base d'un arrêté, une sorte de forum réunissant les acteurs du milieu social à Genève; il s'agit du Conseil de l'action sociale. C'est lors de l'une de ces réunions du CAS que M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat chargé du DASS, aurait émis le voeu que les associations soient fédérées.
En fait, cette idée n'est pas nouvelle. Elle était dans l'air depuis un certain temps et elle ne demandait qu'à se concrétiser. Par ailleurs, cette notion de fédération avait déjà été évoquée par certains commissaires des finances dans le cadre de l'étude du budget. Ce voeu a aujourd'hui été concrétisé puisqu'il est assorti d'un délai. Les associations sont invitées à se fédérer d'ici l'été prochain.
Dans la situation financière actuelle du canton de Genève, toute mesure de rationalisation propre à économiser les deniers publics doit être saluée. Or, le montant total des subventions accordées aux multiples associations - en l'état, une reconnaissance de leur activité - constitue un poste de dépenses important. La fédération envisagée permettrait sûrement une meilleure synergie des moyens engagés par ces différentes associations et leur structure.
Dans ce sens, la demande de la création de fédérations va vers une simplification des procédures. Plusieurs associations se sont alors étonnées de ne pas avoir été sollicitées de manière plus formelle, dont certaines, très importantes, n'ayant peu ou pas d'information car ne faisant pas partie du CAS.
La création de cette fédération semble donc impérative. Elle paraît même s'imposer d'elle-même. L'option politique de l'Etat doit transparaître dans cette volonté. La consultation à son sujet pourrait toutefois être plus claire et plus transparente. Le Grand Conseil devrait être informé de cette question; cette motion entend justement permettre au Conseil d'Etat d'apporter les précisions et explications requises. Plusieurs questions restent en suspens:
- quand et comment ont été consultées officiellement les associations?
- quels seront les critères appliqués à la création de ces fédérations?
- comment et par qui seront jugés les statuts de ces fédérations?
- comment s'effectuera le contrôle parlementaire sur ces subventions?
- comment le vote des subventions globales pour chaque fédération s'associe-t-il à une analyse et à une transparence souhaitable?
- comment seront analysées et contrôlées l'efficacité et l'utilité de chaque association?
- quelle restera la latitude du parlement d'accorder ou non une subvention?
- qui déterminera les critères de distribution des subventions?
- le comité directeur de la fédération concernée sera-t-il vraiment représentatif de la diversité des associations?
La création de ces différentes fédérations mérite d'être sérieusement étudiée. D'autres fédérations existent déjà, telles les cuisines scolaires ou les colonies de vacances. Ces modèles ont donné entière satisfaction. On s'inspirera vraisemblablement de ces structures anciennes et ayant fait leur preuve.
En vertu de ces différentes explications, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter favorablement cette proposition de motion.
Débat
Le président. Je prie notre secrétaire de bien vouloir donner lecture de la pétition 1037, comme cela a été demandé.
PÉTITION
concernant le regroupement des associations subventionnéesen fédérations
Devant la procédure mise en place par le département d'action sociale et de la santé (DASS) visant à faire obligation aux associations subventionnées de se regrouper en fédérations, les signataires ci-après en appellent au Grand Conseil.
Ils/elles demandent que
- la procédure actuelle décidée par le DASS seul soit suspendue et que le délai fixé au 15 juin 1994 pour la mise sur pied des fédérations soit reporté;
- le Grand Conseil soit saisi de la question des fédérations et en débatte;
- le DASS indique clairement aux associations et au Grand Conseil quels sont ses intentions et ses buts;
- qu'il soit établi que les subventions 1995 et 1996 seront garanties aux associations subventionnées dépendant du DASS, sous la forme et les montants actuels.
N.B.: 685 signatures
Solidarité Femmes/Viol-Secours
96, rue de la Servette
1202 Genève
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale subventionnées par le DASS. Ces associations remplissent un rôle indispensable et répondent à des besoins spécifiques auxquels l'Etat n'est pas toujours à même de répondre. Leur souplesse, leur spécificité, leur diversité leur permettent de jouer un rôle dont l'utilité publique est totalement reconnue.
En 1993, le DASS a institué sur la base d'un arrêté le Conseil de l'action sociale (CAS). Lors de l'une des réunions du CAS, M. Guy-Olivier Segond, sous le chapitre des divers, a émis le voeu que les associations soient fédérées. Ce voeu est aujourd'hui transformé clairement en obligation puisqu'un délai est fixé aux associations d'ici au 15 juin prochain.
Or la demande du DASS n'a jamais été faite de manière formelle et n'émane que de la décision unilatérale du conseiller d'Etat. Le Grand Conseil n'a jamais été interpellé sur la question. Les associations concernées n'ont jamais été consultées par le DASS et elles se voient aujourd'hui imposer des obligations sous la menace de se voir supprimer leurs subventions. En outre, le délai fixé au 15 juin 1994, s'il est pertinent dans la perspective de l'établissement du budget 1995 de l'Etat, est totalement irréaliste appliqué au réseau complexe des associations.
D'autre part, il s'avère que le système des fédérations est à plusieurs égards critiquable car
- Aucun contrôle parlementaire ne pourra plus être effectué sur la question des subventions, les députés ne pouvant à l'avenir plus voter les subventions association par association, mais se contentant de voter une subvention globale pour chaque fédération.
- Le Grand Conseil n'aura dès lors plus la possibilité d'accorder ou non la subvention en fonction de l'efficacité et de l'utilité de chaque association. Le DASS enlève au Grand Conseil sa responsabilité politique pour la déléguer à une institution privée. En cas de désaccord sur les subventions, les associations ne pourront plus s'adresser au pouvoir politique mais pourraient être contraintes à se «faire la guerre» entre elles.
- Le projet du DASS figera totalement le paysage associatif puisque rien n'est prévu pour le subventionnement à accorder à de nouvelles associations ou aux nouveaux besoins d'associations existantes.
- Le DASS ne fournit aucune réponse quant à la question de savoir de quelle manière de nouvelles associations pourront faire partie d'une fédération ou comment la fédération devra distribuer une subvention en cas de nouveaux besoins d'une de ses associations, ou encore quelles seront les voies de recours en cas de désaccord.
- La hiérarchisation et la complication du système ne feront qu'engendrer des tâches administratives au détriment du travail social en faveur des usagers.
- Les suppressions d'emploi au sein des associations sont à terme inévitables. Elles se feront au détriment des travailleurs sociaux, donc des usagers, car les structures administratives des associations sont de toute façon très légères.
- La liberté d'association - droit constitutionnel - est gravement remise en cause.
Pour tous ces motifs, le projet du DASS ne peut être accepté sans débat et décision du Grand Conseil et sans consultation des intéressés.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Les associations membres du Conseil de l'action sociale ont reçu instruction de se fédérer conformément à la volonté, paraît-il, de la commission des finances, afin de mettre fin à l'examen d'une multiplicité de subventions au profit d'enveloppes générales définies par domaine d'activités.
La présente motion n'a pas pour but de se prononcer sur l'opportunité de créer des fédérations ni sur les impératifs financiers qui guident la démarche puisqu'ils nous sont à ce jour inconnus. Mais nous sommes opposés à la manière. Il s'agit d'un transfert de compétence, celle de répartir les subventions du Grand Conseil aux associations regroupées en fédération.
Avec un système d'enveloppes globales, le Grand Conseil ne pourra plus se prononcer sur les subventions à accorder, association par association, mais il devra se contenter de voter une enveloppe. Dès lors, il n'aura plus la possibilité de contrôler l'efficacité et l'utilité de chaque association et d'y adapter les subventions en conséquence.
On comprend bien l'intérêt de la démarche dans la perspective de baisses substantielles des budgets alloués aux associations. Le Conseil d'Etat et la majorité du Grand Conseil se déchargent de la responsabilité de faire des choix et les délèguent au secteur privé. C'est de la confrontation entre associations que naîtront les arbitrages. Ces derniers pourraient conduire à des ajustements quasi automatiques par le bas, en particulier pour ce qui touche aux conditions de travail du personnel dans la mesure, en effet, où il pourrait y avoir dans la même fédération des associations dont le statut du personnel est un statut d'Etat, et d'autres qui ont un statut privé. Dans le cas où les budgets baisseront, et on nous promet de gros orages de ce côté-là, on comprend l'intérêt que peut avoir ce transfert de compétences pour le Conseil d'Etat. Les économies se feront, disons d'une façon naturelle, sans que ce dernier ait à se mouiller ou à se salir les mains.
Dans la mesure où il s'agit d'un manque de courage, d'une démission, l'histoire jugera de tels comportements. Mais il s'agit aussi d'un abandon de compétences de la part du Grand Conseil. Le Grand Conseil se doit donc d'être complètement informé pour pouvoir se prononcer. A ma connaissance, la commission des finances n'a jamais rien décidé sur ce point.
Nous sommes opposés aussi à la manière, parce que la démarche a été floue et assortie d'un chantage à la subvention. La demande de fédération a été faite dans un divers d'une séance du Conseil de l'action sociale, et aucune lettre n'a été adressée aux différentes associations.
Le 28 avril dernier, l'Association Clair-Bois a écrit au département. Cette association aurait été informée par la presse du projet de fédération. La Fondation Transport-handicap, n'étant pas membre du Conseil de l'action sociale, n'a été informée qu'au mois de mars, alors que le délai pour se fédérer tombe au mois de juin. Les associations sont encore inquiètes, car l'information manque. Elle manque sur les structures, sur la façon dont elles devront se fédérer.
Quels critères présideront à ces fédérations ? Les voies de recours en cas de désaccord et les statuts des fédérations, tout cela est dans un flou artistique. Elles sont aussi inquiètes parce qu'elles se voient imposer des délais impératifs et parce que si ces délais n'étaient pas respectés, on leur promet des coupures substantielles de subvention.
M. Segond aurait dit que, si la contrainte n'était pas de mise, les velléités d'indépendance sont porteuses de risques divers. Or, nous pensons que l'autoritarisme n'est pas de mise et que les conditions de la réussite de ces fédérations sont la concertation élargie sur des bases connues. Ce sont là les raisons pour lesquelles nous vous demandons de bien vouloir accepter de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Le Grand Conseil pourra de toute façon entendre les associations qui le souhaiteront, se saisir de la question, être informé complètement par le Conseil d'Etat, puisqu'une pétition a été déposée et qu'elle sera renvoyée à la commission des pétitions.
M. Nicolas Brunschwig (L). Aussi loin que je puisse me souvenir - j'ai fait quelques recherches pour être à peu près sûr sur ce thème - il ne s'agit pas d'une demande de la commission des finances en tant que telle.
Je rejoins les propos de Mme Calmy-Rey. Je pense que cette démarche pose un certain nombre de problèmes pratiques et politiques. Pratiques, parce que j'arrive difficilement à imaginer quel pourrait être le fonctionnement de telles fédérations, tout particulièrement par rapport à l'aspect subventions qui n'est pas négligeable.
Prenons un simple exemple. Comment de nouvelles associations pourraient-elles bénéficier de subventions, même si elles font un travail de qualité ou qu'elles répondent à des besoins qui, eux, sont réels ? Il y a aussi des problèmes politiques. Je pense que le Grand Conseil doit, par son processus budgétaire, déterminer ses priorités, et ceci passe par la détermination des subventions qui peuvent être données à l'une ou l'autre des associations. Je vois mal n'importe quelle structure se substituer au Grand Conseil par rapport à cet acte qui est fondamentalement politique et qui doit rester au Grand Conseil.
Il peut peut-être y avoir des synergies avec certains regroupements d'associations travaillant sur des objets communs suivant un projet plus clair et plus précis que celui qui est actuellement connu.
Enfin, je propose que cette motion soit renvoyée à la commission des finances, car la commission des finances a reçu un certain nombre de lettres d'associations, vu que les associations croyaient que cette demande venait de ladite commission. Nous pourrions alors auditionner ces associations, ce qui me semble être le minimum, et débattre de cette motion dans ce cadre.
M. Bernard Clerc (AdG). Tout à l'heure, M. Maitre trouvait que nous planions un peu haut dans le débat que, par ailleurs, j'ai trouvé de qualité. Je vais essayer de faire la démonstration qu'entre les théories générales et la pratique on peut faire parfois des liens intéressants.
En ce qui concerne cette proposition de M. Segond, il faut remarquer tout d'abord que les associations concernées n'ont pas été formellement avisées de cette mesure par un courrier écrit. En effet, cette question a été évoquée au Conseil de l'action sociale, et un certain nombre de ces associations ne font pas directement partie du Conseil de l'action sociale.
Cela pose un certain nombre de problèmes, car nous savons que, depuis trois ans, grosso modo, la plupart de ces subventions ont été bloquées, et qu'il y a déjà une perte de pouvoir d'achat pour ces associations dont certaines, notamment les plus petites, rencontrent des difficultés financières. Un regroupement en fédération pose un certain nombre de problèmes puisqu'il y en a soixante-cinq qui sont dans la liste des associations subventionnées. Si pour certaines le regroupement paraît évident, pour d'autres, pas du tout, car elles ont des champs d'intervention assez diversifiés.
D'autre part, si on envisage de donner les subventions à une fédération, je crains que l'on organise la gestion de la pénurie à l'intérieur de la fédération et que, dans ce cadre, malheureusement, il y ait des risques pour que les grandes associations emportent le morceau par rapport aux plus petites.
Le subventionnement de ces associations a quelque chose d'extrêmement positif puisqu'il permet, à partir de la découverte d'un besoin dans un secteur ou un autre, à la place que l'Etat intervienne directement, que le mouvement associatif intervienne directement. De ce point de vue, il est nécessaire de maintenir ce type d'intervention.
Dans l'exposé des motifs, une comparaison est faite avec la question des colonies de vacances, et nous avons justement un exemple peu probant d'une fédération qui fonctionnait bien. Mais, à partir de 1994, la clé de répartition entre les colonies de vacances à été légèrement modifiées, et cela peut mettre en péril les plus petites associations. Nous avons la démonstration que les choses ne sont pas aussi simples qu'on veut nous le démontrer. C'est pourquoi je propose le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Roger Beer (R). Je risque d'apporter quelques bémols aux propos tenus sur cette motion. Les radicaux, comme les autres partis, ont également leurs antennes et leurs intérêts dans certaines associations d'action sociale. Chez nous également, tout le monde s'affolait sur cette proposition de fédération et d'enveloppe unique.
Il faut rappeler que cette idée est dans l'air depuis un certain temps. Il est cavalier de dire que cela vient de sortir et que l'on est étonné. Un certain nombre d'associations ont pu réfléchir à leur fonctionnement et comment discuter avec des associations voisines ou agissant dans le même domaine.
On ne peut pas, d'une part, demander à un magistrat en particulier de faire des économies, de rationaliser et, d'autre part, s'agiter dans tous les sens dès qu'il y a une proposition, une tentative, voire un essai de mettre en liaison les différentes personnes, notamment les associations auxquelles sont accordées des subventions.
Il est difficile de faire un choix et d'arbitrer. Tout cela a été très bien expliqué par les différents préopinants, et pour cette raison je pense que le Conseil d'Etat doit faire preuve d'un peu plus de transparence et nous expliquer peut-être un peu plus clairement ses intentions et sa volonté en regard de ces associations pour que le Grand Conseil en soit saisi.
Mais, évidemment, lorsque j'entends mon collègue Brunschwig dire qu'il veut que l'on renvoie cela à la commission des finances - alors que partout on nous dit que la commission des finances est débordée; c'est clair qu'elle a beaucoup de travail ! - je m'étonne un peu. Je rejoins les autres propositions pour le renvoi au Conseil d'Etat.
(Remarques sur les bancs libéraux).
M. Roger Beer. Ah, vous avez changé d'avis ? C'est très bien !
Les libéraux. Mais non, mais non !
M. Roger Beer. C'était un lapsus ! Bon, d'accord. Dans ce cas, tout a été dit. On entendra la remplaçante ou la suppléante de M. Segond et nous demandons que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.
M. Philippe Schaller (PDC). Le dépôt de cette proposition de motion signée par tous les groupes politiques montre bien l'importance du secteur dit : «parapublic» dans le domaine social.
Il est d'ailleurs probable que l'importance de ce secteur ira en s'accentuant, compte tenu de la volonté de délégation, de la privatisation de certaines tâches publiques et de la marginalisation.
Il faudra trouver des relais et des complémentarités. Il faut espérer que l'unanimité des groupes politiques continuera, ces prochains mois, à soutenir les actions sociales dans le futur, dans l'esprit de solidarité exprimé ce soir. D'ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que la plupart des institutions, des ligues, des associations sont créées en marge de l'Etat dans l'objectif de palier aux carences de couverture sociale, puis que la plupart de ces organisations rapidement confrontées à l'insuffisance de moyens ont sollicité l'aide de l'Etat. Cette dernière le leur a accordé sous la forme de reconnaissance de leurs activités à caractère d'intérêt public. Ainsi, ceux qui aujourd'hui veulent leur faire subir un amaigrissement prônent le retour à des solutions caritatives et oublient bien vite que cette solution a déjà été connue et que la démonstration a été faite de l'impossibilité de maintenir des prestations sociales de qualité.
Venir au secours des associations est fort louable, mais leur rendez-vous vraiment service ? Je suis inquiet et je pense que vous l'êtes aussi. En effet, vous verrez dans un proche avenir venir la tempête qui va s'abattre sur ces petits navires qui tentent de survivre dans une mer fort houleuse. Ils seraient probablement mieux armés s'ils naviguaient dans de gros bateaux, et ceci le plus rapidement possible.
Je n'ai pas la même vision apocalyptique que Mme Calmy-Rey. La précipitation voulue du département de l'action sociale et de la santé tente de vouloir les mettre à l'abri du naufrage. Il est légitime qu'elles gèrent mieux leurs ressources à disposition. Il est évident que le pouvoir public manifeste son souci de contrôler plus étroitement l'usage qu'il est fait de ses deniers. Il est également légitime de les bousculer, de les obliger à se prendre en charge rapidement et à renforcer leur cohésion.
Je désire préciser certaines choses au niveau de la procédure. Le Conseil de l'action sociale a été créé par le Conseil d'Etat le 24 mars 1993. Il a tenu sa séance constitutive le 23 septembre, il a eu deux séances ordinaires les 27 et 28 avril et, lors de ces trois séances, il y a eu une volonté d'information. Les associations auraient pu, par leur relais, être informées jusqu'à la plus petite.
Notre action politique n'est pas de reconnaître une association ou une autre, mais de savoir quelles sont les actions et les moyens que nous voulons engager pour maintenir tel ou tel problème social bien identifié. Qui aura la compétence de décision, quelle subvention attribuer à quelle association ? Ces questions restent ouvertes et nous attendons le rapport du Conseil d'Etat. Nous serons attentifs quant aux moyens dont disposeront ces associations dans le futur, car elles sont une importance primordiale dans le tissu social et culturel genevois.
M. Pierre Marti (PDC). (Levant la main avec insistance.) J'ose simplement espérer que l'on ne diminue pas les subventions pour une paire de jumelles au Bureau de façon à ce que vous nous aperceviez lorsque nous levons la main !
Le président. Nous sommes deux, Monsieur le député, à avoir pris les interventions dans l'ordre où vous les avez demandées.
M. Pierre Marti. Fort étonnant, mais enfin, voient ceux qui peuvent voir ! Je ne voudrais pas revenir sur tous les propos qui ont été émis précédemment, mais rappeler combien il y a une complémentarité dans l'aide sociale à la population genevoise entre l'Etat et cette soixantaine d'associations qui représentent plusieurs milliers de bénévoles dont l'apport dans divers domaines est difficilement chiffrable en francs, et encore plus - malheureusement, Monsieur Schaller, je ne suis pas du tout d'accord avec vous - en efficacité, et surtout dans la qualité des relations humaines.
De nombreuses associations s'inquiètent de la mise en place de cette fédération et craignent une démobilisation de leurs membres et de leurs bénévoles. Pire... (Les députés se dispersent dans la salle - Conversations en aparté - Brouhaha.) ...on peut penser qu'elle bloquera toute initiative.
La raison de notre motion est de trois ordres et pose de nombreuses questions. Tout d'abord, l'information, tant au Grand Conseil qu'auprès des associations, qui a été très faible, même pour certaines totalement nulle.
Je vous rappelle simplement que Clair-Bois, qui touche le tiers du montant total des subventions... (M. Marti s'adresse aux députés. Merci de vous taire un petit instant. Il est 10 h 45 et l'on finira beaucoup plus rapidement si tout le monde se tait !) ...Clair-Bois n'a donc toujours pas été avisée officiellement et n'a même pas reçu de réponses à deux de ses lettres. Il n'y a eu aucune demande officielle.
Deuxièmement, en ce qui concerne la décision politique, nous n'aurons plus aucun contrôle parlementaire sur les questions des subventions. Le Grand Conseil n'aura plus la possibilité d'accorder ou non la subvention en fonction de l'efficacité ou de l'utilité de chaque association.
En cas de désaccord sur les subventions, les associations se feront une petite guerre, et jamais le pouvoir politique ne pourra dire quoi que ce soit.
Quant aux problèmes des critères et des délais, comme il l'a été dit, la plupart des associations n'ont été informées de ce projet que par la presse ou par l'Institut d'études sociales.
Il y a vraiment de quoi déstabiliser toutes les associations et, sur le plan de l'économie, comment parler d'une certaine économie dans les subventions. Je vous donnerai simplement deux ou trois chiffres. Sur les 27 millions de subventions, Clair-Bois reçoit à elle toute seule 9 millions, soit le tiers. Le deuxième tiers est distribué entre «Foyer-handicap», pour 2,5 millions, «Sidaccueil», pour 2,3 millions, «Agro», qui est une association pour les toxicomanes, pour 1,8 million et «Ensemble», qui est une petite fédération de compensation, pour 3,6 millions. Il reste donc 9 millions pour les cinquante-deux associations. Je vous laisse le soin de voir combien nous pourrons économiser dans tout cela. Mais nous devons absolument voter cette motion, en tout cas pour le nombre de bénévoles qui attendent encore de notre part que nous les considérions dans le travail important qu'ils font.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat ne siège pas non plus «in corpore» au Conseil de l'action sociale. C'est la raison pour laquelle la première chose à relever est qu'il y aura, quoi qu'il arrive, un délai jusqu'au 31 décembre 1994 pour tout projet de fédération quel qu'il soit.
La possibilité de pouvoir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat offre un autre intérêt. Effectivement, le paysage des institutions sociales est fort divers et il y en a un certain nombre qui, par leurs dimensions, ou plutôt par leur individualité nécessitent des infrastructures administratives qu'il serait parfois fort utile de mettre en commun pour pouvoir fonctionner, structurer et, finalement, consacrer le meilleur des moyens à des tâches de prestations plutôt qu'à des tâches d'administration. C'est un peu ce qui a poussé le département de la prévoyance sociale à faire cette demande de fédération.
Il est évident que le mouvement, tel qu'il s'amorce, crée des soucis, des observations, des réticences, et parfois aussi des remarques très justifiées, puisque, comme je l'ai dit, la situation est diversifiée. C'est donc l'occasion, avec ce délai et avec l'obligation pour le gouvernement de vous faire un rapport qui sera prêt et disponible d'ici le mois de septembre au plus tard, de pouvoir vous rendre compte de la situation telle qu'elle est, des propositions qui pourraient être émises et aussi des réflexions que se seront faites entre deux les associations, car elles aussi sont partagées entre l'intérêt de mise en commun, parfois leurs convergences et, quelquefois, des divergences qui n'ont pas toujours lieu d'être.
Vous aurez donc à en débattre et vous pourrez, si besoin est, en traiter en commission des finances ou dans toute autre commission qui sera saisie du rapport qui sera déposé et disponible pour le mois de septembre.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant la fédération des associations d'action socialesubventionnées par le DASS
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- qu'il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale, notamment subventionnées par le département de l'action sociale et de la santé et que ces associations remplissent un rôle indispensable et répondent à des besoins spécifiques que l'Etat et les communes ne sont pas à même d'assumer;
- que lors d'une réunion du Conseil de l'action sociale, M. Guy-Olivier Segond a émis le voeu que ces associations soient fédérées et que ce voeu semble transformé en obligation;
- que les associations concernées n'auraient, semble-t-il, pas été associées à la démarche par le département de l'action sociale et de la santé;
- que le Grand Conseil n'a jamais été saisi de la question et qu'il convient donc qu'il le soit par la présente motion,
invite le Conseil d'Etat
- à indiquer au Grand Conseil et aux associations quels sont ses intentions, ses buts et ses projets;
- à revoir le délai fixé au mois de juin 1994 pour la mise sur pied des fédérations et permettre ainsi au Grand Conseil d'être informé sur cette question.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Devant les difficultés financières enregistrées par l'Etat de Genève en particulier, mais également par l'Etat de Vaud, a été votée la loi relative au financement de la collaboration entres les cantons de Vaud et de Genève dans le domaine de la santé publique et des hôpitaux qui prévoit d'alimenter le fonds Vaud/Genève par le biais de 1% de la subvention accordée aux EPM, taux qui peut augmenter jusqu'à 5% jusqu'en l'an 1997.
En novembre 1990, une première convention de collaboration a été signée entre les deux cantons. Au début 1993, une association était créée, permettant d'avoir une structure permanente pour développer cette collaboration.
En 1993, la création d'un service unique de neurochirurgie sous la responsabilité d'un seul professeur désigné à 50% par les deux facultés de médecine a été le premier acte concret de cette collaboration, suivie par la création de la Fondation universitaire romande de santé au travail.
Les critères de sélection, de même que la méthode d'évaluation propre à l'édification des futurs projets, les programmes envisagés notamment dans le service de neurochirurgie et l'institut de santé au travail ne sont pas connus. La mise en place d'une stratégie claire, voire d'un plan directeur de cette collaboration entre les deux cantons, tant en matière de soins hospitaliers, de recherche et de formation post-universitaire qu'au niveau de la santé publique et de la prévention est nécessaire en regard des montants importants affectés.
C'est pourquoi nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.
Débat
M. Pierre-François Unger (PDC). Les difficultés financières pour les deux cantons de Genève et Vaud ont suscité et accéléré une collaboration entre ces deux cantons, collaboration qui paraissait, il y a cinq ans encore, pratiquement contre nature.
Le président Guy-Olivier Segond a fait montre plusieurs fois de sa vision au niveau de la région et de l'Europe. Et c'est tout naturellement que l'idée d'une métropole lémanique est née avec une université et des hôpitaux qui pourraient travailler en collaboration et en réseau.
Il n'est pas absolument certain que l'Etat de Vaud ait développé cette collaboration dans le même esprit. En effet, un certain nombre de voix se sont fait l'écho de dérapages récents dans la collaboration Vaud-Genève, qu'il s'agisse d'un poste de pharmacologie clinique, du service de médecine nucléaire et d'autres encore qui ont nécessité, semble-t-il, de sèches mises au pas. Sans doute ne s'agit-il que d'une rechute provinciale, mais elle pourrait sans doute être évitée s'il y avait une conception politique bilatérale qui se concrétise par un plan directeur plus clair au niveau de cette collaboration.
M. Pierre Froidevaux (R). La collaboration entre les établissements publics médicaux universitaires genevois et vaudois est fondamentale pour que persiste le caractère universitaire de notre hôpital cantonal. Cet établissement rencontre des difficultés certaines pour repourvoir certains postes professoraux. Ces difficultés sont essentiellement liées à un bassin de recrutement des patients qui, s'il était plus grand, agrandirait la variété et le nombre des pathologies rencontrées, synonyme de qualité de l'enseignement et des travaux scientifiques.
Si pendant longtemps notre institution cantonale a pu bénéficier d'une audience romande, le CHUV, par son caractère romand plus centré, aurait tendance à cantonner l'hôpital genevois aux cinq cent mille habitants du canton des communes vaudoises jusqu'à Nyon et des assurés suisses habitant la France voisine.
Ce demi-million est bien peu vis-à-vis du million, voire des 5 millions, voire même plus, qui sont nécessaires pour rivaliser décemment avec les universités étrangères.
Dans ce contexte, la collaboration Vaud-Genève revêt un caractère essentiel pour notre institution médicale. Nous pouvons déjà féliciter le département de l'action sociale et santé pour ses succès par la nomination du professeur Tribolet partageant ses responsabilités de neurochirurgien entre les deux hôpitaux et pour la saine émulation que crée l'Association Vaud-Genève multipliant les programmes communs.
Cependant, dans le cadre du budget, nous pouvons être sollicités par une demande d'augmentation des subventions à cette association, augmentation d'ailleurs souhaitée par la loi K 2 3. Afin que ce Grand Conseil manifeste son soutien en connaissance de cause à la poursuite de cette collaboration radicale pour la poursuite des activités universitaires de notre hôpital cantonal, je souhaite, Mesdames et Messieurs les députés, votre soutien à cette motion.
Mme Claude Howald (L). A cause des difficultés financières enregistrées par l'Etat de Genève, en particulier, mais aussi par l'Etat de Vaud, a été votée la loi relative au financement de la collaboration entre les deux cantons dans le domaine de la santé publique et des hôpitaux, loi qui prévoit d'alimenter le fonds Vaud-Genève par le biais de 1% de la subvention accordée aux EPM, dont le taux peut augmenter jusqu'à 5% en 1997.
En novembre 1990, une première convention de collaboration a été signée entre les deux cantons. Au début 1993, une association a été créée, permettant d'avoir une structure permanente pour développer cette collaboration.
En 1993, également, la création d'un service unique de neurochirurgie, sous la responsabilité d'un seul professeur désigné à 50% par les deux facultés de médecine, a été la première réalisation concrète de cette collaboration, suivie par la création de la Fondation universitaire romande de santé au travail.
En outre, l'appel d'offres lancé par l'association a également eu un bon écho, vu le nombre de projets communs reçus. Néanmoins, le mode de sélection de ces projets de coopération n'a pas été clairement précisé. Il paraît indispensable qu'une méthode d'évaluation soit mise en place, évaluation qui permettrait à la fois d'éviter des dérapages et d'avoir une idée de l'efficacité de projets.
La création du service de neurochirurgie et de l'institut de santé au travail ne laisse pas apparaître les orientations à adopter pour développer la collaboration Vaud-Genève.
Au vu des montants importants qui pourront être affectés au fonds à l'avenir, il est nécessaire de mettre en place une stratégie claire, voire un plan directeur de cette collaboration entre les deux cantons, tant en matière de soins hospitaliers, de recherche et de formation post-universitaire, ainsi qu'au niveau de la santé publique et de la prévention.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous prions d'accueillir favorablement cette proposition de motion et son renvoi au Conseil d'Etat.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). La proposition de motion qui nous est faite ce soir par nos quatre collègues est intéressante. Elle concerne la collaboration entre Vaud et Genève et pose le problème, puisque le Conseil d'Etat aura l'occasion de négocier des conventions telles que celle-ci, des relations entre Vaud et Genève sur la rétrocession fiscale, et il serait important que ce Grand Conseil et l'actuelle majorité du Conseil d'Etat s'y penchent véritablement.
Une voix libérale : Mais ça n'a rien à voir !
M. Jean-Pierre Lyon. Une fois pour toutes, il faut qu'on règle le problème de toutes ces personnes qui travaillent à Genève et ne paient pas d'impôts dans notre canton mais dans leur commune du canton de Vaud.
Il faut absolument solutionner ce problème. Certains organismes ont négocié avec le canton de Vaud et ont réussi à régler cette histoire de fiscalité. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire également. J'encourage les motionnaires à nous présenter un même type de motion concernant la fiscalité Vaud-Genève.
M. Dominique Hausser (S). Cela fait plus de dix ans que je travaille dans des institutions universitaires vaudoises tout en payant mes impôts à Genève.
Une voix. Ah !
M. Dominique Hausser. Mais il est vrai que sur ce plan je ne représente qu'une fraction du mouvement inverse, Lausanne-Genève. Des statistiques récentes, à partir du recensement de 1990, montrent que le mouvement pendulaire se fait plutôt dans l'autre sens.
Cette motion est intéressante et le groupe socialiste l'accueille avec intérêt, non pas tellement pour les arguments financiers qui ont été développés par la droite, mais beaucoup plus par le fait qu'il mentionne explicitement la notion d'un plan directeur définissant clairement où on envisage d'aller.
Le groupe socialiste vous demande de renvoyer cette motion à la commission de la santé afin que nous puissions adapter également les invites et pouvoir discuter la notion même de plan directeur au niveau cantonal dans le cadre de cette commission.
En effet, créer un plan directeur de la collaboration Vaud-Genève est un chapitre de la stratégie que le département de l'action sociale et de la santé doit définir avec l'appui, bien entendu, de notre Grand Conseil, un plan directeur strictement cantonal. Nous ne pourrons pas avoir une stratégie de collaboration sans savoir où on veut aller au niveau cantonal.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je me permets de rappeler à M. Froidevaux qu'il s'agit, non pas d'une opération radicale dans tous les sens du terme, mais qui implique plusieurs départements.
En effet, pour le canton de Genève, ce sont les départements de l'instruction publique et de la prévoyance sociale qui s'en occupent. Pour le canton de Vaud, c'est le département qui s'occupe des hospices cantonaux. Cela étant, vous devez savoir que le rapport que vous demandez devra être fait et une rencontre aura lieu tout prochainement entre les magistrats pour faire le point. Je vous rappelle que les élections diverses et variées ont fait changer les têtes et qu'il est opportun de remettre l'ouvrage sur le métier.
C'est aussi l'occasion d'oublier les réticences ou les a priori et de rediscuter les problèmes sur de nouvelles bases, sans arrière-pensées. En tout cas, je souhaite que les rencontres soient sereines. Je propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il puisse déjà vous rendre compte de ce qui s'est fait avec les fonds que vous avez d'ores et déjà votés.
Ledit Conseil d'Etat pourra vous faire l'esquisse de ce que pourrait être le plan directeur. Ensuite, la commission de la santé discutera sur la base de ce rapport sur un projet concret, plutôt que de débattre sur les activités sans connaître le rapport et risquer de perdre du temps dans ses travaux.
C'est donc une demande de renvoi au Conseil d'Etat qui accueille cette motion avec intérêt. Il estime que, lorsque des fonds sont mis à disposition, il s'agit aussi de savoir rendre compte de l'usage qui en est fait.
Je rappelle à cet égard que lorsque nous affectons quelque chose à ce fonds Vaud-Genève, nous ne votons pas de subventions supplémentaires. Ces subventions sont déjà votées, ou plutôt ce sont des prélèvements faits sur le budget des établissements hospitaliers, selon une clé de 1 ou 2% telle que prévue par la loi.
Puisque j'ai la parole, vous me permettrez de vous dire, l'heure avançant, qu'au cas où vous seriez las des débats, le Conseil d'Etat est tout aussi disposé à accueillir la motion du point 58, celle du point 59, ainsi que celle du point 59 bis (Applaudissements.), étant donné que la loi que vous avez votée nous contraint à faire là aussi un rapport.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant la collaboration Vaud-Genève
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
l'accroissement de la subvention prévue par la loi relative au financement de la collaboration entre les cantons de Vaud et Genève dans le domaine de la santé publique et des hôpitaux (K 2 3) et dont le montant pourrait atteindre 5% de la subvention cantonale accordée aux établissements publics médicaux en l'an 1997,
invite le Conseil d'Etat
à compléter le rapport prévu à l'article 2, alinéa 2 de ladite loi par le plan directeur des activités hospitalières, de recherche et de santé publique comprenant, en outre, le programme de prévention qui en dépend, conformément aux statuts de l'Association pour la collaboration entre les cantons de Vaud et de Genève.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Répondant à un voeu légitime de la population genevoise et conformément à l'évolution des soins dispensés, à la fois par le secteur public et le secteur privé, la coexistence de l'hospitalisation et de l'aide à domicile pose la question du financement des soins en des termes nouveaux.
En 1989, le canton de Genève enregistrait déjà les dépenses de santé publique par habitant les plus élevées de notre pays.
Notre canton est doté d'un nombre record de lits hospitaliers universitaires (recensement 1993: 1,4 lit/1000 habitants sur le plan national, 4,9 lits/1000 habitants dans le canton de Genève).
De plus, l'application de la loi sur l'aide à domicile devrait inciter à diminuer la fréquentation des infrastructures hospitalières.
Par ailleurs, le remboursement des soins prodigués à l'hôpital par l'assurance-maladie fait l'objet d'un forfait journalier peu coûteux aux patients et à l'assurance, alors que les soins donnés ambulatoirement ou à domicile sont financés en grande partie par les patients et leur assurance-maladie.
Dès lors, il convient de clarifier, à moyen et à long terme, les effets de cette situation sur les frais supportés respectivement par les patients et la collectivité.
C'est la raison pour laquelle, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant la répartition des coûts entre l'hospitalisationet le maintien à domicile
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- l'application de la nouvelle loi sur l'aide à domicile;
- le nombre excessif de lits universitaires par rapport au nombre d'habitants (plus de trois fois la moyenne nationale),
invite le Conseil d'Etat
- à évaluer l'évolution des frais d'hospitalisation comparativement aux frais ambulatoires engendrés par l'application de ladite loi;
- à évaluer l'impact de l'application de cette loi sur la participation financière respective des assurés, des assurances et de l'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Votée par le peuple genevois en février 1992 et entrée en vigueur en janvier 1993, la loi cantonale sur l'aide à domicile englobe un ensemble d'intervention qui dépassent largement la nature purement sociale des différents services rendus jusqu'alors.
Outre le maintien de l'individu dans son cadre habituel avec tous les avantages que cela présente, cette loi permet de dispenser sur prescription médicale des soins simples (injections, physiothérapie, etc.) et des soins complexes, qui, dans certains cas, peuvent s'apparenter à une véritable hospitalisation à domicile.
La mise à disposition de l'infrastructure nécessaire, l'élargissement des interventions et de la disponibilité des services ont exigé une augmentation des centimes additionnels.
Compte tenu de ce qui précède et dans le cadre du bouclement des comptes 1993, un premier point de situation relevant des invites de cette motion pourrait utilement orienter l'avenir, notamment en fonction des résultats attendus par la population genevoise et les différents acteurs concernés.
C'est la raison pour laquelle nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant l'organisation de l'aide à domicile
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- la première tranche annuelle de crédit accordée au Conseil d'Etat le 1er janvier 1993 dans le cadre de la loi sur l'aide à domicile;
- l'évolution du rôle des communes chargées de fournir les locaux,
invite le Conseil d'Etat
à préciser dans le rapport stipulé à l'article 9, alinéa 4 de la loi K 1 2:
- les comptes et le budget de l'année suivante;
- l'organisation et le fonctionnement des centres ainsi que leur répartition géographique sur le territoire cantonal;
- le rôle des bénévoles dans le maintien à domicile;
- le rôle des foyers de jour au sein de cette nouvelle organisation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Quelle que fût notre opinion concernant la loi sur l'aide à domicile, nous étions tous conscients que son application posera de nombreux problèmes pratiques. Tous les membres de la commission sociale souhaitaient par ailleurs être tenus au courant d'une manière détaillée et régulière de la restructuration de l'aide à domicile et de l'utilisation des crédits votés.
La loi est entrée en vigueur depuis bientôt dix-huit mois et comme seule information nous possédons un chapitre d'une trentaine de lignes dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat qui nous rappelle, entre autres, le résultat des votations concernant cette loi !
Rien sur l'utilisation effective des crédits votés, rien sur l'évolution des prestations, rien sur l'information de la population, rien sur l'articulation entre les centres sociaux de quartiers et les trois principaux services d'aide à domicile, rien sur l'inquiétude légitime du personnel concernant cette restructuration, etc.
Avec cette motion, nous demandons tout simplement l'application de la loi sur l'aide à domicile en matière d'information du Grand Conseil par le Conseil d'Etat.
Nous vous serions donc reconnaissants, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir envoyer cette motion directement du Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant l'application de la loi sur l'aide à domicile
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que la loi sur l'aide à domicile demande au «Conseil d'Etat de présenter au Grand-Conseil un rapport annuel sur la mise en oeuvre et le développement de l'aide à domicile» (article 9, alinéa 4);
- que le rapport de la commission sociale chargée d'étudier l'initiative populaire «Soins à domicile» (IN 14-D, PL 6738 du 26 août 1991) préconise «un contrôle parlementaire moyennant un changement du règlement du Grand Conseil permettant à la commission des affaires sociales l'examen et l'approbation du rapport de la commission cantonale d'aide à domicile» (p. 14);
- que le rapport du Conseil d'Etat concernant l'aide à domicile est particulièrement austère et concis (p. 204 du rapport de gestion);
- que nous n'avons aucune information concernant l'utilisation du crédit de 48 150 000 F accordé en 1993 à l'aide à domicile;
- que la collaboration entre les services d'aide à domicile et les services sociaux s'avère problématique sur le terrain;
- que la notion «centre social de quartier» continue à être étouffée par les structures hiérarchiques verticales des trois principaux services d'aide à domicile et n'occupe toujours pas la place centrale dans le dispositif de l'aide à domicile comme c'était prévu par la loi;
- que la politique de restructuration menée dans le secteur de l'aide à domicile est ressentie par le personnel concerné comme quelque peu précipitée,
invite de Conseil d'Etat
à présenter au Grand Conseil dans les plus brefs délais un rapport détaillé sur les mesures organisationnelles prises en matière d'aide à domicile, leurs effets et les attributions financières effectuées dans ce domaine en 1993.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Il s'agit de la question abordée par M. Rigotti hier sur le tarif pratiqué par l'hôpital cantonal universitaire de Genève vis-à-vis des Confédérés qui viennent s'y faire soigner.
Il est exact que pour le concordat intercantonal des cantons romands, il y a une convention et des tarifs établis depuis 1991, adaptés à deux reprises et qui lient justement la pratique de ces différents cantons.
Il est exact que les montants acquittés par les Confédérés qui viennent se faire soigner à Genève sont de l'ordre de 850 F sur un coût moyen de la journée estimé à 1 500 F, en vous rappelant que, pour ce type de soins dans un hôpital universitaire, les opérations menées sont plutôt de l'ordre de 2 000 F et plus, en coût moyen de la journée.
Il est exact que les cantons ont donc chacun accepté ce concordat et que chacun d'entre eux, avec les caisses maladie de son canton, a conclu les accords nécessaires. Il est exact qu'à un moment donné quelques caisses maladie dans un canton qui m'était proche ont procédé à des réclamations, mais il est tout aussi exact que depuis les choses semblent fonctionner à l'envi.
On peut discuter de savoir si le concordat est une bonne chose et si les cantons qui l'ont signé, notamment au nom de leurs ressortissants, est une bonne affaire. Je peux dire que les montants pratiqués à l'hôpital universitaire de Genève, de même que ceux pratiqués dans celui du canton de Vaud, sont des montants fixés en fonction de la qualité universitaire de ces hôpitaux et que les montants pratiqués dans les autres cantons sont donc des montants inférieurs. Le concordat a fixé cela, l'a adapté et l'a souhaité ainsi, et donc, à notre connaissance, en ce moment, il n'y a pas de contestation sur les montants pratiqués, ni sur le concordat qui a d'ailleurs reçu deux avenants, l'un en 1992, l'autre en 1993.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Les séances du Grand Conseil prévues le 3 juin à 17 h et 20 h 30 sont supprimées. (L'assemblée enthousiaste crie : Hourra !) Les prochaines séances auront lieu les 16 et 17 juin à 17 h et 20 h 30.
La séance est levée à 23 h 10.