République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7078
33. Projet de loi de Mme et MM. Gilles Godinat, Micheline Calmy-Rey et Pierre Vanek allouant une subvention à l'hôpital El Makkassed de Jérusalem-Est. ( )PL7078

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Un montant de 50 000 F est alloué à l'hôpital El Makkassed de Jérusalem-Est à titre exceptionnel.

2 La somme est versée à l'Association Suisse-Palestine pour la réalisation du projet.

Art. 2

La somme est prélevée sur la rubrique No 620900,367, du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, subventions accordées à l'étranger.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Chacune et chacun garde à l'esprit le récent massacre d'Hébron sur le lieu de culte du Caveau des Patriarches. Ces atrocités ont révélé une situation sanitaire des plus précaires, car les capacités d'accueil et de soins des hôpitaux palestiniens sont cruellement sous-développées.

Un appel a été lancé pour une aide sanitaire urgente par l'intermédiaire de deux ONG, à savoir l'Association Suisse-Palestine et l'Association pour l'union entre les peuples juif et palestinien. En effet, une action urgente en faveur de l'hôpital El Makkassed est d'autant plus nécessaire qu'il y a actuellement une carence très importante d'équipements pour les soins aux blessés graves.

De plus, dans le processus de paix plus que jamais nécessaire, un tel acte de solidarité prendrait valeur de symbole, apportant réconfort à la population palestinienne.

Le projet que nous soumettons à votre attention ne rentre pas normalement dans la rubrique de l'aide au développement. Mais l'absence d'une rubrique budgétaire pour l'aide humanitaire urgente nous a obligés à envisager cette solution.

Pour ces différentes raisons, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette demande.

Préconsultation

M. Gilles Godinat (AdG). Ce point figurait à notre précédent ordre du jour et il suivait de quelques semaines le massacre d'Hébron. Je ne reviendrai pas sur ce sujet, vous savez qu'il avait fait une cinquantaine de morts et une centaine de blessés. Une commission d'enquête fait actuellement son travail en Israël. Nous n'allons pas revenir sur ces événements particuliers.

Par contre, le personnel de l'hôpital d'El Makkassed a très rapidement lancé un appel d'aide urgent, car la capacité d'accueil de cet hôpital était dépassée. Cet appel urgent a été adressé aux organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent en collaboration avec le Croissant-Rouge palestinien. Cet appel a été transmis à tous les députés de ce Grand Conseil. Cette demande était extraordinaire, urgente, liée à la situation particulière suite au massacre d'Hébron.

Le projet de loi que nous proposons est indépendant des plans d'aide de la Fédération genevoise de coopération qui collabore étroitement avec le Croissant-Rouge palestinien depuis des années. Un plan a été mis sur pied par rapport à la situation sanitaire dans les territoires occupés. Cette situation est inquiétante, car les structures relatives sont tout à fait sous-développées.

Nous avons fait cette proposition de projet de loi de façon à marquer un geste symbolique de la part de notre Grand Conseil pour renforcer le processus de paix en cours dans cette région, car il faut craindre une spirale de la violence comme nous le montrent des témoignages récents.

Cette aide est effectivement symbolique pour nous et nous vous proposons de soutenir ce projet de loi. La voie de procédure que l'on utilisera pour l'aide nous importe peu. Elle est secondaire et nous proposons le renvoi de ce projet à la commission des affaires régionales pour traiter de ces propositions.

M. Chaïm Nissim (Ve). Je peux témoigner devant ce Grand Conseil que cet hôpital a besoin d'argent pour fonctionner, que l'Association Suisse-Palestine est sérieuse et bien implantée. Elle transmettra l'argent honnêtement. Il n'y a donc pas de problèmes à ce niveau.

J'ai juste une petite douleur pour mon ami Gilles Godinat, car si on veut - et je crois que c'est très important - aider à la paix entre les Israéliens et les Palestiniens, il faut essayer de faire la paix entre nous. Je parle de ce fichu «Röstigraben» qui nous sépare entre la gauche et la droite et j'aurais bien voulu que vous demandiez à quelqu'un comme M. Beer, par exemple, ou n'importe qui en face, de soutenir cette motion. Mais en tout cas, il n'y a pas de raison de la refuser.

Mme Michèle Mascherpa (L). Les auteurs de ce projet de loi nous proposent de débloquer un montant de 50 000 F pour une action d'urgence en faveur de l'hôpital El Makkassed qui manquerait d'équipement et de matériel pour les soins aux blessés.

Les auteurs ont omis de dire dans leur présentation que cet hôpital est le plus grand et le meilleur hôpital privé de toute la structure hospitalière du West Bank et de Gaza. Il est vrai que les hôpitaux, cliniques et dispensaires de Cisjordanie connaissent des problèmes financiers importants, mais cette situation n'est pas nouvelle. Elle remonte à la guerre du Golfe. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une situation d'urgence que l'on voudrait, à tort, lier au récent massacre d'Hébron qui, soit dit en passant, a fait des victimes des deux côtés.

Il faut également savoir qu'en 1991, déjà, la Communauté européenne a alloué une aide financière de 4,5 millions d'écus, grosso modo 7 millions de francs suisses, qui furent répartis entre huit hôpitaux privés de Cisjordanie, dont l'hôpital El Makkassed. Cette assistance a été renouvelée pour 1993-1994 et l'hôpital dont nous parlons ce soir s'est vu attribuer pour sa part plus de 2 millions d'écus pour une année qui lui sont versés en tranches mensuelles.

Si les besoins financiers des hôpitaux privés palestiniens sont bien réels, ils le sont prioritairement au niveau des coûts de fonctionnement et ce, comme je vous l'ai dit au début, de façon quasiment endémique depuis la crise du Golfe.

Cela étant dit, et quant à l'aspect symbolique du geste, croyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il soit particulièrement opportun que notre parlement, par un geste dont la préoccupation humanitaire est fortement teintée de connotation politique, prenne en quelque sorte position à un moment où les difficiles et douloureuses négociations de paix entre Israël et les Palestiniens sont en cours ? Ne croyez-vous pas qu'une attitude plus neutre, plus impartiale devrait être de mise ?

En conclusion, le groupe libéral ne s'oppose pas au renvoi de ce projet de loi en commission, mais il souhaite que les éléments que je viens de vous exposer soient pris en compte lors de ces discussions.

M. Pierre Kunz (R). Je crois me rappeler que la mission de ce Grand Conseil est de façonner le cadre politique, social et économique de ce canton. Or, je trouverais dommage que ce Grand Conseil se transforme en kermesse caritative où se traitent les coups de coeur de certains de nos collègues, aussi fondés soient-ils.

Le Grand Conseil n'est pas la voie adéquate pour traiter ce genre de suggestion. Il existe pour cela des voies de procédure bien précises, celles de la Fédération genevoise de coopération, s'il s'agit d'une affaire de coopération, celles de la Croix-Rouge, s'il s'agit d'une oeuvre humanitaire. Il revient, me semble-t-il, au Conseil d'Etat de présenter, s'il le juge utile, un projet de loi sur ces questions au Grand Conseil.

C'est ainsi que, sans me prononcer sur le fond que je respecte parfaitement, je voterai non à l'entrée en matière et au passage en commission.

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Ce projet entre sans conteste dans la catégorie de l'aide humanitaire d'urgence.

L'hôpital dont il est question a été établi en 1967 sur le Mont des Oliviers dans le but de répondre aux besoins des Palestiniens et de leur assurer des soins médicaux décents dans l'environnement difficile des territoires occupés et de la pauvreté.

Cet hôpital est devenu depuis une des principales institutions de santé des Palestiniens, et son rôle s'est encore accru depuis 1987. Une action urgente en sa faveur est nécessaire aujourd'hui du fait, notamment, d'une carence importante en matière d'équipement pour les blessés graves. Je crois que sur ce point nous pouvons nous entendre.

Vous nous reprochez de ne pas suivre la bonne procédure, Monsieur Kunz. Les projets d'aide humanitaire d'urgence dépassant un montant de 10 000 F, ce qui est le cas du présent projet, font normalement l'objet d'un projet de loi du Conseil d'Etat qui est soumis au Grand Conseil. Les fonds ne proviennent pas d'une rubrique budgétaire mais sont pris sur la part disponible de l'Etat provenant du droit des pauvres.

Evidemment, nous n'avons pas pu prélever ces fonds sur une rubrique budgétaire d'aide humanitaire urgente puisqu'une telle rubrique n'existe pas. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de les prendre sur la subvention accordée à l'étranger. Cette solution est insatisfaisante, nous le reconnaissons et, pour cette raison, ce projet de loi doit pouvoir être renvoyé en commission.

Enfin, nous avons eu des contacts avec l'Association Suisse-Palestine, pas avec une autre organisation. Nous ne sommes donc pas sûrs qu'une autre organisation, comme par exemple la Croix-Rouge, serait d'accord de prendre en charge cette aide. Le renvoi en commission sera donc utile si le Conseil d'Etat, de par ses relations et ses contacts, peut trouver une voie et passer éventuellement par d'autres canaux. Je vous demande donc de bien vouloir voter le renvoi de ce projet en commission.

M. Claude Blanc (PDC). Le groupe démocrate-chrétien acceptera le renvoi en commission en chargeant la commission de déterminer par quels voies et moyens elle compte acheminer ses fonds vers les destinataires.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Tout à l'heure, l'un de vous a rappelé que c'est juste après le massacre d'Hébron que ce projet de loi a été imaginé.

Je comprends bien que, sous le coup de l'émotion, des initiatives comme celle-ci soient prises. Cela étant, et comme on l'a rappelé tout à l'heure, je ne souhaite pas que l'on s'éloigne des méthodes de travail arrêtées et qui ont apporté la preuve de leur efficacité. Dans le domaine humanitaire, nous travaillons en collaboration avec la Croix-Rouge et, en ce qui concerne la coopération, avec la Fédération genevoise.

Si vous allez en commission, comme il semble que ce soit le cas, je souhaite que nous ayons le temps de constituer un dossier dans les mêmes conditions que ceux que nous préparons pour d'autres subventions. A l'occasion de la première séance de cette commission, nous pourrons peut-être parler de la méthode. Alors, je vous demande de nous donner le temps nécessaire à la constitution d'un dossier.

Les moyens globaux dont nous disposons dans les rubriques citées auparavant sont, à certains égards, importants, dans tous les cas par rapport aux autres cantons suisses. Les efforts que Genève fait sont assez substantiels mais sont extrêmement limités en regard de tout ce que nous pourrions entreprendre.

C'est pourquoi ce qui est fait doit l'être avec rigueur, et après nous être assurés d'aider ceux qui en ont le plus besoin.

Ce projet est renvoyé à la commission des affaires régionales.