République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 octobre 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 8e session - 36e séance
PL 7037
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit:
Art. 116 A (nouveau)
Eclairage des bâtiments
1 Le département ne peut autoriser l'éclairage des façades des bâtiments que:
a) si des motifs de sécurité l'imposent;
b) ou s'il vise à mettre en valeur, dans un but d'intérêt général, un bâtiment remarquable ou intégré dans un site particulièrement digne d'intérêt. Dans ce cas, le département consulte la commission d'architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, la commission des monuments, de la nature et des sites.
2 En outre, l'autorisation ne peut être accordée que si le projet d'éclairage prévoit:
a) un niveau et une technique d'éclairement strictement adaptés au but visé;
b) un choix de sources lumineuses et d'appareil d'éclairage à haut rendement;
c) des horaires d'exploitation adaptés au but visé.
EXPOSÉ DES MOTIFS
C'est il y a environ une année, très exactement le 18 septembre 1992, que ce Grand Conseil a débattu d'un projet de loi du Conseil d'Etat modifiant plusieurs articles de la loi sur les constructions et installations diverses (ci-après LCI). Si la majorité des articles avait pu être votée sans trop de difficultés, deux points restèrent des pierres d'achoppement: l'article 116 A nouveau, et l'article 137 al. 8. C'est le premier de ces deux articles que nous voulons aujourd'hui vous présenter à nouveau.
En effet, la version proposée par le Conseil d'Etat dans son projet de loi ne comportait que l'alinéa 1:
1 Le département ne peut autoriser l'éclairage des façades des bâtiments que:
a) si des motifs de sécurité l'imposent;
b) ou s'il vise à mettre en valeur, dans un but d'intérêt général, un bâtiment remarquable ou intégré dans un site particulièrement digne d'intérêt. Dans ce cas, le département consulte la commission d'architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, la commission des monuments, de la nature et des sites.
Suite à diverses auditions en commission et tout particulièrement suite à la proposition de l'Office cantonal de l'énergie, un second alinéa avait été ajouté:
2 En outre, l'autorisation ne peut être accordée que si le projet d'éclairage prévoit:
a) un niveau d'éclairement strictement adapté au but visé;
b) un choix de sources lumineuses et d'appareil d'éclairage à haut rendement;
c) des horaires d'exploitation adaptés au but visé.
Les débats en plenum n'avaient pu aboutir à un accord. En effet il est toujours difficile de discuter d'amendements techniques dans de telles situations. Suggestion avait alors été faite de renvoyer uniquement cet article en commission de l'énergie. Craignant que ce renvoi ne bloque l'adoption de toute la loi, une majorité du Grand Conseil décidait de ne pas entrer en matière sur cette proposition et de rejeter l'article 116 A nouveau dans sa totalité.
La présentation aujourd'hui de ce projet de loi comportant un article unique de modification devrait permettre d'étudier sereinement en commission les suggestions qu'il contient.
Aspect historique
Le 7 décembre 1986, le corps électoral genevois approuvait l'article 160 C de la Constitution, invitant les autorités à mettre en place une politique énergétique nouvelle et à favoriser l'usage économique et rationnel de l'énergie.
Depuis lors, notre parlement a adopté différentes modifications de la loi sur l'énergie et de la LCI pour satisfaire aux exigences constitutionnelles, et ce projet de loi s'inscrit dans cette même dynamique.
Il sied de rappeler que cet article 116 A ne touche pas l'éclairage des vitrines, ainsi que les enseignes et attributs commerciaux lumineux. Ceci afin de rassurer tout de suite celles et ceux qui craindraient, en temps de crise, une restriction supplémentaire imposée aux commerces.
Ce projet établit une distinction quant à la destination de l'éclairage et permet, si les motifs de sécurité l'imposent ou si l'intérêt public le justifie, l'illumination d'un bâtiment, d'un monument ou d'un site. Aucune crainte non plus à avoir donc pour l'éclairage de la rade, par exemple.
Aspect "environnement"
Les impacts négatifs des éclairages nocturnes sont à l'heure actuelle largement reconnus. Les victimes principales en sont la recherche scientifique en observatoire d'une part et la faune d'autre part.
La recherche scientifique en observatoire.
L'United Air Force a publié une carte impressionnante, obtenue par satellite, de la pollution lumineuse de la Terre. Les plus grands observatoires astronomiques du monde sont gênés par les lumières parasites des villes. Le ciel, au-dessus du Jungfraujoch n'est plus assez noir pour les travaux les plus avancés.
Or il faut savoir que l'étude de l'évolution de notre climat, et la situation est critique, passe par l'étude de la stratosphère. Ces recherches bénéficient de techniques sophistiquées, mais en polluant l'atmosphère avec des lumières parasites, nous diminuons nos possibilités de pouvoir analyser les phénomènes qui modifient notre climat. (source: Observatoire de Genève).
La faune
Les animaux nocturnes sont de plus en plus perturbés par l'augmentation des nuisances lumineuses, par les lumières artificielles envahissantes et doivent s'exiler alors même que la faune du canton de Genève est déjà bien appauvrie.
Suite à une étude du bureau Ecotec, le Conseil d'Etat reprenait dans un rapport au Grand Conseil du 25 novembre 1991 les mesures préventives à prendre pour diminuer les impacts défavorables des éclairages nocturnes:
- l'utilisation d'une lumière aussi peu attractive que possible pour les insectes.
- la limitation de surface éclairée au strict nécessaire.
- la limitation du temps d'éclairage au minimum.
Aspect "pédagogie"
Sans vouloir jouer aux alarmistes, il est indispensable de réaliser que notre fuite en avant dans la consommation d'énergie mènera notre planète à l'agonie.
De nombreux efforts sont entrepris aujourd'hui pour faire prendre conscience à la population genevoise de la gravité d'une augmentation systématique et régulière de nos besoins en énergie. Les discours sont toujours les mêmes. "chacun doit apprendre à consommer moins", et il est actuellement prouvé que cela peut se faire sans que le confort n'en soit atteint.
A Genève, dans le cadre de l'Etat, nous disposons de plusieurs exemples: le Centre de l'information de l'énergie édite un bulletin, des programmes sont lancés tels qu'Aurela et Aurore, etc, et tous ont le même but: apprendre à économiser l'énergie.
Qui oserait affirmer que de telles entreprises peuvent avoir un quelconque effet, tant que ce qui est perçu autour de nous correspond à une débauche de consommations d'énergie ? Comment convaincre un écolier ou une écolière de l'importance d'éteindre la lumière en quittant sa classe ou sa chambre si le ciel genevois révèle le contraire ? N'importe quel pédagogue vous dira l'importance de l'exemple pour faire passer un message.
D'où l'importance pédagogique aussi de se doter des moyens de diminuer cette masse de lumières en supprimant celles qui ne sont pas nécessaires.
Au vu des ces différents aspects touchant de nombreux domaines, nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce projet de loi en commission de l'énergie afin d'en étudier les diverses composantes.
Préconsultation
M. Jean-Luc Richardet (S). Vous vous souviendrez qu'au mois de septembre dernier le Grand Conseil avait débattu d'un projet de loi modifiant la loi sur les constructions et installations diverses et traitant notamment du problème de l'éclairage des façades, projet que le Conseil d'Etat lui avait renvoyé. En commission, ce sujet avait soulevé passablement de discussions, voire de controverses, sur la nature et la portée de ce projet de loi. Votre serviteur avait rédigé un rapport de seconde majorité demandant d'intégrer, dans la loi concernant les constructions et installations diverses, une réglementation traitant de l'éclairage des façades.
Le fond de ce projet de loi posait un certain nombre de difficultés. Certains d'entre nous le trouvaient excessif. Pour des questions d'ordre législatif - puisqu'il était attaché au train de lois - il n'était pas possible de renvoyer l'amendement en commission. Dès lors, je l'avais retiré en proposant de traiter ce sujet de manière indépendante par un projet de loi ad hoc. C'est la raison pour laquelle, ce soir, nous venons avec un projet de loi spécifique que nous vous proposons de renvoyer en commission pour que le Grand Conseil puisse le traiter de manière indépendante et l'adapter au besoin.
M. René Koechlin (L). Nous nous posons quelques questions à propos de ce projet de loi, questions que nous nous sommes déjà posées en commission quand nous traitions du projet auquel M. Richardet vient de faire allusion. Monsieur, contre quels abus vous insurgez-vous par ce projet de loi ? car il est terriblement contraignant et limitatif. Si la plupart des bâtiments étaient éclairés à Genève, ou si l'on constatait que dans la campagne genevoise ou en ville je ne sais combien de bâtiments étaient éclairés de façon abusive, on pourrait comprendre que l'on se sente obligés de légiférer; mais ce n'est vraiment pas le cas. Alors pourquoi intervenir d'une manière contraignante alors que rien n'y incite ? Pour ce motif, Madame la présidente, nous demandons la discussion immédiate afin que le Grand Conseil rejette cette proposition qui nous paraît déplacée.
M. Jean-Luc Richardet (S). Puisque M. Koechlin propose la discussion immédiate, cela va s'en dire que nous allons entamer un débat de fond ici même. Vous permettrez en préambule que je reprenne ce que nous avions développé au mois de septembre. Il est tout de même légitime que nous puissions défendre notre projet de loi puisqu'il... (Brouhaha.)
M. Alain Rouiller. (S'adressant à la présidente.) Mais on fait comme d'habitude !
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. L'ordre du jour étant particulièrement long, je demande le renvoi en commission et que l'on débatte sur le renvoi en commission pour gagner du temps. Si l'on engage un débat d'une heure à ce sujet, on n'arrivera jamais à finir tous les points de l'ordre du jour.
La présidente. Monsieur Grobet, M. Richardet avait déjà demandé le renvoi en commission.
M. Jean-Luc Richardet. J'userai de l'article 73 de notre règlement qui m'autorise à prendre trois fois la parole, soit trois fois dix minutes, et peut-être que ma collègue Elisabeth Reusse fera de même, ce qui fait que... (Protestations de Mme Luscher.) Mais, Madame Luscher, je regrette ! Les débats de fond ont lieu en commission, c'est l'endroit où nous pouvons discuter et mesurer nos divergences, c'est également le lieu où les députés peuvent amender un projet de loi. Puisque la discussion immédiate est engagée, il est légitime que nous fassions ce débat en séance plénière; ce n'est pas nous qui le demandons. Si M. Koechlin retire sa proposition, je me tais, m'assieds et ces discussions reprendront à l'endroit...
M. Claude Blanc. C'est trop tard !
M. Jean-Luc Richardet. Mais non ! C'est la liberté constitutionnelle de chaque député de défendre ses actes législatifs. Vous permettrez que je le fasse pour la dernière fois puisque vous n'aurez plus à l'avenir à me subir, mais j'use encore de mes droits jusqu'à demain soir 19 h.
Nous avions donc, au mois de septembre dernier, présenté cette loi, non pas comme le prétend M. Koechlin pour éviter des abus, mais simplement pour répondre à une préoccupation que la majorité des citoyens genevois ont exprimée en votant l'initiative «L'énergie, notre affaire» et dont l'éclairage des façades est l'un des volets. Notre projet de loi touche principalement des problèmes environnementaux et d'économies d'énergie. Vous pouvez les trouver excessifs, c'est votre libre choix, mais c'est précisément à vous de l'amender puisque vous avez, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, une large majorité qui, à vous entendre, sera encore confortée dans quelques mois. Vous aurez l'occasion de l'amender en fonction de vos sensibilités et préoccupations pour le rendre compatible avec votre vision de la société.
Ce projet de loi touche effectivement à la problématique liée à l'énergie et à l'aspect nocturne des cités - Mme Reusse vous l'expliquera mieux que moi - ainsi qu'à l'aspect des convenances. Actuellement, n'importe qui, pour des raisons d'ordre publicitaire, peut éclairer un bâtiment, illuminer une rue et créer une certaine gêne pour le voisinage. Ces éléments mériteraient une réflexion à tête reposée en commission. Vous pourriez ainsi entendre des spécialistes, dont M. Genoud qui, lorsque la commission LCI avait traité ce sujet, était venu expliquer aux députés pourquoi et pour quelles raisons le Conseil d'Etat avait déposé ce projet de loi. Je vous engage à le renvoyer en commission afin de ne pas entamer ici un débat qui va perdurer, et vous aurez tout le loisir de le triturer, voire de le shooter, de l'amender si tel est le bon vouloir de ce Grand Conseil.
M. Philippe Joye (PDC). Je crois que l'idée de M. Richardet est louable mais qu'il a eu des propositions de projets de lois plus importantes et intéressantes que celui-là. Nous avons discuté il y a six mois de ce problème, j'étais déjà intervenu, et il me semble que les prémices de ce projet de loi qui met en avant des motifs de sécurité sont trop légères et pas assez bien étudiées. Si l'on avait voulu faire un projet de loi sur ce sujet, il aurait fallu se poser la question de savoir ce que représentent l'éclairage des façades et l'éclairage public dans le cadre du budget des Services industriels. On en est à 1 ou 2 % de la consommation générale. Vous me direz que ce n'est pas une raison pour ne pas faire des économies, mais je crois qu'il ne faut pas exagérer.
La sécurité des bâtiments, c'est quelque chose, mais une ville vivante, c'est au moins aussi important. L'attraction de Genève doit aussi durer le soir, et je pense que les prescriptions que vous entendez mettre en train vont beaucoup trop loin et n'apporteront pas les économies que vous souhaitez. Vous parlez de l'éblouissement; c'est quelque chose que l'on a dans des stades de football, mais en aucun cas sur les façades. Je terminerai en rappelant que si Zurich a supprimé certains éclairages de rues, tous les milieux de l'éclairage et des Services industriels ont estimé que c'était parfaitement ridicule et que, dans ce cas, cela portait atteinte à la notion de sécurité. Nous vous proposons donc de refuser ce projet de loi.
M. Max Schneider (Ve). Il est vrai qu'il est un peu difficile de débattre en plénière, surtout lorsqu'il y a un intervenant que nous oublions et qui pourrait nous donner de bons conseils, à savoir notre délégué à l'énergie. Je trouve assez surprenant que des architectes défendent l'éclairage. C'est peut-être pour un aspect esthétique. Il y a, je pense, d'autres priorités dans cette ville et dans ce canton, notamment lorsque l'on siège dans ce Grand Conseil comme au Conseil d'administration des Services industriels. Monsieur Joye, je crois qu'il faut être sérieux et arrêter de gaspiller inutilement de l'énergie. Nous ne sommes pas contre le fait d'éclairer un beau bâtiment ou de mettre en valeur notre patrimoine historique.
(M. Joye faisant des remarques à haute voix est immédiatement stoppé par la présidente.) Monsieur Joye, vous tenez un discours qui n'est pas cohérent avec vos déclarations sur la façon de vivre d'une manière plus écologique à Genève. M. Genoud est venu personnellement en commission faire des propositions qui ne consistaient pas à éteindre les lumières à Genève mais à adapter les luminaires, à envisager les mesures que l'on pourrait prendre pour qu'il n'y ait pas un gaspillage d'énergie, et c'est cela que vous refusez. Voilà pourquoi je soutiens ce renvoi en commission et j'espère qu'il sera accepté afin que le délégué à l'énergie et ses services aient aussi droit à la parole et que ce ne soit pas simplement refusé en plénière.
M. Alain Rouiller (S). Je regrette la proposition de notre collègue René Koechlin, à savoir le refus de la discussion en commission. En effet, c'est un acte de défiance à notre égard absolument regrettable. Lorsqu'une loi est présentée par un groupe et qu'on lui trouve quelques imperfections - cela arrive à chacun d'entre nous - on peut toujours en discuter en commission si l'on considère que le sujet a un intérêt. Dans ce cas, c'est la question que l'on peut se poser, est-ce que les économies d'énergie ont un intérêt ? Je réponds oui, car à Genève, nous devons respecter l'article 160 C de la constitution demandant à ses autorités de faire des économies d'énergie. C'est vrai que cette mesure est modeste, mais une addition de mesures modestes fera que nous progresserons dans ce domaine.
Vous l'avez sans doute relevé en écoutant mes collègues, il est quand même surprenant que ce soit nous, socialistes et écologistes, qui défendions les services de M. Jean-Philippe Maitre et de son délégué à l'énergie puisque l'on sait que cette proposition a été partiellement rédigée par ces messieurs ! C'est quand même fou de penser que nous, la gauche, devions défendre votre... (Cherchant ses mots.) ...«Maitre» ! (Rires sur tous les bancs et remarque de M. Blanc.) Je me fais un plaisir, Monsieur Blanc, de défendre Jean-Philippe Maitre et de dire que le département de l'économie publique, qui s'occupe de l'énergie, a lui compris qu'il faut faire quelque chose, et je vous engage à en discuter en commission. Puisque j'ai la parole, j'en profite pour poser une question au Conseil d'Etat, question que j'aurais pu poser en commission, mais si l'on n'y va pas je l'aurais au moins posée.
J'aimerais demander à M. Grobet si les bâtiments de la douane de Bardonnex sont considérés comme des bâtiments tombant sous le coup de cette loi et s'il serait possible de réduire l'éclairage de cette douane autoroutière. Les personnes qui se promènent la nuit dans la campagne genevoise ont pu se rendre compte que les lumières du Macumba, à côté de l'éclairage de la douane de Bardonnex, ce n'est rien du tout ! En effet, l'éclairage de cette douane est visible d'un très grand nombre d'endroits du canton et c'est, j'imagine, un gaspillage d'énergie insensé. Je suis sûr que toute cette lumière n'est pas nécessaire à cet endroit. Mes questions sont les suivantes : Est-il nécessaire d'éclairer autant cette douane autoroutière ? Cet ouvrage est-il sous le coup de cette loi ? Si la réponse était oui, la loi se justifierait d'elle-même puisqu'elle permettrait un gain d'énergie important. Il y a aussi l'aspect protection du paysage, parce qu'il est vrai que si l'on peut réduire un peu les nuisances causées par des éclairages trop violents la nuit - on l'avait vu avec les lumières du Macumba - c'est un bien pour la protection du paysage.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'aimerais répondre sur deux points à M. Joye avant de reprendre de manière un petit peu plus globale ce projet de loi. M. Joye a dit que nous voulions tuer la ville. J'ai souvent été traitée, durant cette législature, d'excessive, d'outrancière, mais il me semble que ce soir je peux vous rendre la pareille quand vous nous prêtez de telles intentions. Je crois que c'est largement excessif. Deuxième chose, vous parlez d'une consommation de 2 % sur la totalité des éclairages. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'une économie sur ces 2 % serait très peu importante. Mais je crois que l'aspect pédagogique est essentiel et on n'y échappera pas.
Des voix. Mais non !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Si l'on veut pouvoir économiser l'énergie cela passe par un aspect pédagogique et par la rue.
Plus largement, j'aimerais évoquer deux points. J'ai eu des contacts avec le directeur de l'Observatoire de Genève qui trouve essentiel que l'on diminue l'éclairage issu des villes. C'est extrêmement important pour les recherches, pour leur travail et ce monsieur a d'ores et déjà annoncé qu'il serait très intéressé de pouvoir venir s'exprimer en commission si ce projet de loi y était renvoyé.
Le dernier point que je voudrais évoquer concerne la procédure. Lors du débat l'année dernière, nous avions proposé un amendement qui comportait l'article de ce projet de loi et nous avions demandé que seul cet article soit renvoyé en commission. A ce moment, tout le monde avait craint que cela ne retarde trop l'adoption totale du projet de loi et nous avions été d'accord de renoncer à notre amendement, de voter le projet de loi et de revenir ultérieurement avec un article unique. Nous avions à ce moment-là été d'accord de jouer le jeu, nous avions voté la loi et je ne trouve pas très correct, ce soir, que vous refusiez d'entrer en matière.
M. Jean Montessuit (PDC). Le projet de loi qui nous est soumis ce soir ressemble comme un frère à la loi que nous avons refusée il y a quelques mois. Je considère tout de même qu'il y a une certaine indécence, Madame, à revenir quelques mois après sur une décision prise... (Interruption de Mme Reusse-Decrey.) Je peux m'exprimer, Madame ? ...après un renvoi en commission. Contrairement à ce que vous dites, le texte présenté il y a quelques mois a fait l'objet d'un débat à la commission LCI, d'une audition de M. Genoud et je crois que s'il a été refusé dans le débat en plénum c'est que l'on a fait un bilan des avantages et des inconvénients.
Je reconnais volontiers qu'il y a certaines vertus dans ce qui vous anime, mais si vous voulez pousser la vertu jusqu'au bout, il faut alors, Madame, supprimer aussi complètement l'éclairage des bâtiments publics. Vous me direz qu'il faut faire un bilan des choses et voir où est l'intérêt public. Chacun a une notion un peu différente de l'intérêt public. Nous avons alors considéré qu'il méritait que l'on conserve un éclairage qui n'est pas abusif pour ne pas tomber dans le travers d'une ville morte. Je crois que le débat a été tranché il y a quelques mois et il est indécent d'y revenir aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous refusons le débat en commission. Ce n'est pas une mesure de défiance, elle trouve son explication dans ce que je viens de dire.
M. Hermann Jenni (MPG). Actuellement, en période de récession, on demande à corps et à cris d'alléger les procédures. C'est le moment que l'on choisit pour nous proposer une rubrique de plus à faire examiner lors d'une autorisation de construire par un tiers département. Cela ne va certainement pas raccourcir la durée des procédures pour les demandes d'autorisation de construire. Ne pourrait-on pas, lorsque l'on se permet de parler de liberté, laisser encore un petit espace de liberté au citoyen pour décider de questions aussi futiles ?
Mme Reusse-Decrey nous parle de pédagogie. Pédagogie, ça concerne les enfants, que je sache ? (Rires.) On veut traiter des citoyens adultes en gamins d'école. Cela est typique de l'attitude générale des socialistes: ôter toute responsabilité personnelle à chacun des membres de ce qui est censé être le souverain pour les confier à la collectivité anonyme ! Voilà le programme général des socialistes. Je pense que pour une chose pareille, trop de lois tuent les bonnes moeurs et rendent la loi inopérante. Pour une chose pareille, je soutiens la demande de discussion immédiate, et que nous shootions cette inutilité !
M. Bernard Annen (L). Tout d'abord, une toute petite rectification par rapport aux affirmations de notre collègue Philippe Joye. S'il a raison en ce qui concerne l'ensemble de l'éclairage dans notre canton qui se situe à moins de 2 %, en ce qui concerne le projet de loi qui nous est soumis, ce sont des dixièmes de pour-cent et non plus des pour-cent. C'est donc un bilan que nous devons faire entre l'utilité économique - et elle a toute son importance aujourd'hui - et l'utilité de la sécurité. Ne croyez-vous pas que ça vaille quelques pour-cent de dépenses d'énergie que d'avoir une certaine sécurité pour l'ensemble de nos concitoyens lorsqu'ils se promènent dans notre ville ?
Madame Reusse-Decrey, pour vous, est-ce que réellement la pédagogie est égale à une interdiction ? Si vous avez cette notion-là de la pédagogie, je me fais du souci pour vous. Nous ne pouvons pas entrer en matière sur un
projet de loi tel que celui-ci. De la même manière que notre collègue Montessuit, nous vous rappelons les débats que nous avons eus dans cette salle. Nous mettons l'accent sur la ville, celle-ci devant être attractive et sûre. Nous disons tout simplement non à une ville morte et oui à la sécurité de nos concitoyens.
M. Henri Gougler (L). Je suis loin d'être un maniaque des abus d'éclairage nocturne et je m'étais battu dans ce sens dans ma commune d'Onex il y a quelques années. Par contre, j'entends toujours parler d'économies d'énergie sur les bancs d'en face. Je vous rappelle que cette économie d'énergie est illusoire parce que l'énergie ne peut être stockée, que les turbines tournent la nuit et qu'on l'emploie là ou ailleurs, il n'y a pas vraiment moyen de l'économiser de cette façon.
M. Jean-Luc Richardet (S). Certains d'entre nous ont évoqué l'intérêt public dans le cadre de ce projet de loi. J'aimerais tout de même leur rappeler, et je l'ai dit dans ma première intervention, que le peuple genevois avait adopté, le 7 décembre 1986, une initiative populaire demandant d'inscrire un additif dans la constitution genevoise demandant que le Conseil d'Etat mette en place une politique d'énergie. Or l'intérêt public est quand même subordonné à la constitution. Faire un raccourci entre l'intérêt public, l'éclairage des façades et une décision populaire voulue par la majorité du corps électoral demandant de développer une politique incitative en vue de faire des économies d'énergie, il y a un travers dans lequel nous ne tomberons pas. Le Conseil d'Etat avait bien compris l'injonction du peuple puisqu'il avait présenté un projet de loi à cette assemblée qui a déjà adopté et modifié la loi sur les constructions et installations diverses en soumettant les chauffages électriques ainsi que les climatisations au régime des autorisations.
L'éclairage des façades fait partie de cette politique et, comme l'a rappelé mon collègue Alain Rouiller, c'est à l'incitation du Conseil d'Etat, et plus particulièrement du département dirigé par M. Maitre, que ce sujet est traité. Notre proposition ne fait que reprendre celles du Conseil d'Etat qui suivait l'injonction du peuple faite au pouvoir politique.
Je reviens sur certaines déclarations entendues pour vous dire que je suis un peu attristé de l'antinomie constatée entre les déclarations de certains d'entre vous, portant sur le fond du sujet, et leurs positions quant à la forme. Plusieurs députés ont dit que ce projet de loi était peut-être excessif - pourquoi pas ? on peut toujours en discuter - qu'il soulevait des questions méritant d'être étudiées - M. Joye l'a dit - M. Annen disait qu'il fallait faire préalablement un bilan, nous ne le possédons pas. Alors pourquoi refuser d'en discuter en commission ? Pour conclure, je dirai que le débat sombre dans le ridicule, lorsque certains prétendent que d'inscrire dans notre législation une norme touchant l'éclairage des façades c'est mettre en danger la sécurité de nos concitoyens. Vous faites rigoler toutes les personnes qui, de près ou de loin, réfléchissent sur ce sujet. Ce projet de loi ne touche en rien l'éclairage public des rues. La sécurité publique n'est absolument pas touchée si l'on réglemente l'éclairage des façades.
M. Claude Blanc (PDC). J'entends aujourd'hui notre excellent collègue Richardet nous chanter son chant du cygne en se revêtant des oripeaux du prince des ténèbres qui tend à faire régner sur notre ville l'obscurantisme le plus noir et l'obscurité la plus profonde dans laquelle s'est toujours complu le parti socialiste tel que nous l'avons connu. Je suppose que vous voudriez que notre ville ressemble à cette ville que j'avais eu l'occasion de visiter il y a quelques années, cette ville de Bucarest au temps où régnait votre ex-ami le génie des Carpates, (Protestations.) où l'obscurité la plus totale régnait parce que l'électricité était utilisée pour des tâches beaucoup moins innocentes.
Je voudrais vous dire que vous faites fausse route quand vous prétendez que ce projet de loi répond à l'article 160 C de la constitution parce que, comme le disait tout à l'heure notre excellent collègue Gougler, ce n'est pas avec l'électricité que vous aurez économisée à 22 h, où il y en a beaucoup trop, que vous ferez cuire la soupe du lendemain à 11 h où il n'y en a pas assez. Vous savez très bien que le problème de l'électricité est un problème de pointe de consommation qu'il faut absolument écrêter et ce n'est pas à 23 h que vous avez besoin d'écrêter les pointes de consommation, ce serait plutôt à 11 h du matin quand chacun fait cuire sa soupe. Vous vous trompez de combat et vous avez tendance à vouloir remplacer la devise de notre République par la vôtre : «Post lucem tenebrae».
M. Gérard Ramseyer (R). Plutôt que de citer M. Ceaucescu, je préférerais évoquer le poète qui parlait de l'obscure clarté qui tombe des étoiles. J'aimerais dire la déception que me cause ce projet de loi. D'abord, il a été vu à la commission LCI, il n'a été retenu ni en commission ni en plénum. Il revient déguisé sous une autre forme pour un nouveau tour de piste. Chers excellents collègues, c'est exactement les blocages que dénonçait votre camarade M. Lachat il y a quelques instants. J'aimerais enfin rectifier une assertion de Mme Reusse-Decrey qui concerne l'exploitation de l'Observatoire de Genève. Comme vous le savez, l'Observatoire de Genève développe des projets en altitude au Chili, simplement parce que dans ces lieux l'atmosphère est beaucoup plus transparente, beaucoup plus limpide et que l'obscurité est beaucoup plus profonde sur cette zone désertique de la cordillère des Andes. Que ce projet de loi existe ou pas, ça ne change rien pour l'Observatoire de Genève, ce que je voulais tout de même vous rappeler.
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Le niveau de ce débat est tellement bas que je ne sais pas si ça vaut la peine de prendre la parole.
L'assemblée. Non, non !
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Je dois simplement dire que les problèmes énergétiques sont certainement les problèmes les plus graves auxquels nous sommes actuellement confrontés. Le Conseil fédéral a fixé, comme objectif prioritaire dans la politique énergétique, la politique d'économies d'énergie parce que nous n'avons guère d'autres moyens pour contrecarrer le développement de l'énergie nucléaire. C'est une réalité et il est évident que cette politique d'économies d'énergie doit être appliquée partout où elle peut l'être. C'est une constante de cette politique en matière d'économies d'énergie et, comme cela a été dit tout à l'heure, toute économie est bonne à prendre, y compris sur l'électricité de nuit et je dois dire que j'ai été quelque peu étonné des propos tenus par certains administrateurs des Services industriels qui semblent ne pas savoir que maintenant nous en sommes au stade d'importer de l'électricité de nuit à Genève. Cela étant dit, le Conseil d'Etat avait effectivement présenté ces propositions de dispositions légales relativement modestes qui n'avaient aucun effet sur la sécurité des citoyens contrairement aux propos démagogiques qui ont été tenus tout à l'heure. Nous ne pouvons que regretter que ce projet ne soit pas renvoyé en commission pour discussion.
(La présidente donne la parole à M. Alain Rouiller. L'assemblée aussitôt proteste.)
La présidente. Pardon, excusez-moi, Monsieur Rouiller vous n'avez pas la parole, vous n'êtes pas auteur. C'est Mme Reusse-Decrey. Nous sommes en préconsultation.
M. Alain Rouiller. Non, mais moi j'ai posé une question, Madame la présidente ! Je voudrais qu'on y réponde ! (Protestations de toutes parts.)
La présidente. D'accord ! Je la rappellerai aux conseillers d'Etat.
M. Alain Rouiller. Non, moi je reprends la parole ! (Brouhaha, chahut.)
La présidente. Vous n'avez pas la parole !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). On a accusé le parti socialiste de faire de l'obscurantisme, c'est vrai que le parti démocrate-chrétien a quelques illuminés qui éclairent ce débat. Je suis d'autant plus convaincue, après avoir entendu M. Gougler, de la nécessité de renvoyer ce projet de loi en commission parce que lorsque je l'entends dire qu'il y a trop d'électricité la nuit, oui, Monsieur Gougler, mais de l'électricité d'origine nucléaire. Si, si, si Monsieur Annen, les barrages ne fournissent pas la nuit... (Brusquement la salle est plongée dans l'obscurité. Grand éclat de rires, applaudissements, bravos. Brouhaha.)
La présidente. La séance est suspendue.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Je propose un compromis : Que l'on éteigne la moitié de la salle ! (Quolibets.)
J'aimerais maintenant revenir sur les problèmes de sécurité. Monsieur Annen, vous avez dit que l'on mettait en danger les citoyens genevois et vous avez argumenté plusieurs fois avec le mot sécurité. J'aimerais savoir où est-ce que vous lisez dans ce projet de loi que les réverbères ne pourraient plus être allumés le soir ? Encore un point. On a parlé de pédagogie... (L'oratrice est interrompue.)
La présidente. Laissez-la terminer !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. ...c'est vrai qu'étymologiquement on a l'impression que ça se rapporte bien évidemment aux enfants. J'aimerais dire que dans le Petit Larousse il s'agit d'une science de l'éducation et d'une méthode de l'enseignement et que nulle part il est précisé qu'il s'agit d'enfants. L'enseignement se donne aussi bien aux enfants qu'aux adultes. Quant au mot suivant, dans le dictionnaire, c'est pédalage !
Premier débat
M. Alain Rouiller (S). Je reviens avec les questions que j'aurais souhaité poser en commission. J'aurais aimé que M. Grobet, s'il peut le faire, réponde à mes questions quant aux ouvrages autoroutiers et en particulier la douane de Bardonnex. Est-ce que ce bâtiment tomberait sous le coup de cette loi ? D'une façon plus générale, ayant la parole, j'en profite pour savoir si, de toute façon, même si cette loi n'existait pas, il n'y aurait pas un moyen de réduire l'éclairage à cette douane ou y a-t-il un problème de sécurité comme le laissait entendre M. Annen ?
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Je voulais simplement vous dire que je suis convaincu qu'il y a effectivement beaucoup de gaspillage en matière d'énergie à Genève et qu'il y a beaucoup à faire. Mais, à cette heure-ci et vu l'état d'esprit de cette assemblée, cela ne vaut pas la peine d'y répondre, malheureusement.
La prise en considération de ce projet est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La séance est levée à 22 h 50.