République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 juin 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 6e session - 29e séance -autres séances de la session
No 29
MÉMORIAL
DES SÉANCES DU
GRAND CONSEIL
53e LÉGISLATURE
Vendredi 25 juin 1993,
après-midi
Présidence:
M. Jacques Torrent,deuxième vice-président
puisM. Hervé Burdet,premier vice-président
La séance est ouverte à 14 h.
Présidence de M. Jacques Torrent, deuxième vice-président
Assistent à la séance: MM. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat, Claude Haegi, Bernard Ziegler, Jean-Philippe Maitre, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Dominique Föllmi, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jeanine Bobillier, Robert Cramer, Erica Deuber-Pauli, Bernard Erbeia, Elisabeth Reusse-Decrey, Michel Rossetti, Andreas Saurer, Jacques-André Schneider, Max Schneider, Alain Vaissade, Nicolas Von der Weid, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Le président. La question écrite suivante est parvenue à la présidence :
Elle sera transmise au Conseil d'Etat.
4. Suite du deuxième débat sur le rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants:
CHAPITRE 6:
INTERIEUR, AGRICULTURE ET AFFAIRES REGIONALES
Compte de fonctionnement
Direction générale du logement (Rub. 66.00.00)
M. David Lachat (S). Je ne voudrais pas donner l'impression de ne pas m'intéresser au département de l'intérieur et de l'agriculture, mais, plutôt que de poser une question, je préfère formuler un voeu concernant les HBM. En date du 21 juin 1991, nous avions voté la loi «pour un plan d'urgence logement» prévoyant la construction de trois mille logements HBM.
Il était prévu, à l'article 9, que le Conseil d'Etat présenterait chaque année, dans le cadre de son rapport de gestion, les réalisations de logements effectuées en vertu de la présente loi. A mon avis, ce réquisit n'a pas été suffisamment respecté dans le «livre jaune» que l'on nous a soumis. Il conviendrait, à l'avenir, que l'on y indique spécifiquement, année après année, le nombre de HBM construites. Je souhaite donc qu'à partir de l'année prochaine le Conseil d'Etat applique à la lettre l'article 9 de la loi du 21 juin 1991.
Affaires régionales (Rub. 62.09.00)
M. Alain Rouiller (S). J'aimerais demander à M. Haegi ce qu'il en est des rapports périodiques dont il nous avait annoncé la communication à propos des affaires régionales. Je rappelle à ce Grand Conseil que nous avions, il y a quelques années, décidé que nous disposerions d'un rapport par an et si possible d'un par semestre. Aussi je vous demande si nous aurons au moins un rapport avant la fin de la présente législature.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Ces renseignements, Monsieur Rouiller, ont été très largement donnés, mais il est vrai qu'ils auraient pu se trouver dans ce document. C'est là un privilège que nous ne devrions pas laisser de côté dès lors que nous avons des renseignements intéressants à donner et qui mettent en exergue le travail réalisé dans ce secteur. Je retiens votre proposition et vous remercie de l'avoir formulée.
Je ne voudrais pas, Monsieur Rouiller, vous priver du plaisir de lire un rapport sur les affaires régionales durant cette législature encore. Je n'ironise pas parce qu'il a été dit, en effet, que vous auriez un rapport annuel. Je vous confirme que notre engagement sera tenu et que vous aurez ce rapport, bien qu'en tant que membre de la commission des affaires régionales vous êtes très largement au courant de ce qui s'y passe. Si l'on tient compte de la législature, un rapport sera disponible au mois de novembre ou de décembre. Mais comme vous exprimez le voeu d'avoir un rapport pendant cette législature encore, c'est bien volontiers que nous ferons en sorte de vous communiquer un certain nombre d'informations. Ces dernières ne sont pas inutiles et vous, comme député membre de la commission des affaires régionales, le savez bien. D'autres le savent moins bien.
En effet, ces informations ne sont pas inutiles au moment où nous sommes confrontés à des problèmes de plus en plus difficiles à résoudre, dès lors que nous ne sommes plus un pays frontalier avec la France, mais avec la Communauté toute entière. Tous les jours, nous en mesurons des effets qui ne sont pas ceux que nous imaginions, notamment pas le statu quo prévu après le refus de l'EEE, le 6 décembre 1992. En réalité, nous devons faire face à des
changements importants qui, de jour en jour, rendent le passage de la frontière toujours plus difficile. A cela s'ajoutera l'entrée en vigueur de l'accord de Schengen, puis d'autres problèmes se présenteront encore.
Il n'est donc pas superflu de donner rapidement des informations, compte tenu de l'évolution accélérée des événements.
Les comptes de fonctionnement et des investissements du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales sont adoptés.
CHAPITRE 7: ECONOMIE PUBLIQUE
Compte de fonctionnement
Présidence et secrétariat général (Rub. 71.00.00)
M. Alain Rouiller (S). Je pose une question que j'ai déjà eu l'occasion de formuler au cours des années précédentes. Elle a trait à la ligne de chemin de fer Annemasse - Genève qui, je crois, appartient à cette rubrique. Je répète donc ma question, les comptes donnant l'occasion de faire le point sur cette ligne dont vous nous aviez dit, lors d'une précédente séance, que la fréquentation était en augmentation, qu'elle suscitait un certain nombre d'idées et de projets.
Je voudrais savoir ce qui se passe à propos de cette ligne. Avons-nous pu obtenir de la SNCF et de nos partenaires français une amélioration des fréquences et notamment de la desserte de Thonon et d'Evian, cette desserte étant catastrophique? En effet, il n'y a pratiquement pas de trains directs, et les changements à Annemasse sont parfois plus longs que le temps du parcours Annemasse - Genève.
Qu'en est-il -- et là j'en reviens à la question rituelle posée depuis dix ans au moins -- des parcs d'échange promis le long de cette ligne? Chaque année, on nous a affirmé que l'on en établirait un ici ou là. Dix ans ont passé et l'on se rend compte qu'il n'y a aucun parc d'échange. Si l'on sait que la subvention dévolue à cette ligne par rapport au nombre de passagers qui l'empruntent chaque année représente près de deux francs par personne transportée, l'on pourrait quand même entreprendre un effort.
Je crois savoir que le groupement des frontaliers ou un autre organisme a procédé à une étude et qu'il a pu identifier les utilisateurs potentiels de la ligne. Cette information est-elle exacte? Avez-vous cette étude? Dans l'affirmative, pouvez-vous la rendre accessible, sinon à tous les députés, du moins à chaque groupe, à certaines commissions, notamment la commission des transports?
M. Jean Spielmann (T), rapporteur. Tout le problème du trafic régional reste posé par rapport au débat sur les chemins de fer. Sans demander des textes ou des documents, il m'intéresserait, à propos de volonté politique, d'avoir quelques explications du Conseil d'Etat.
En fait, il y a trois problèmes. Le premier concerne l'ensemble du trafic régional et la politique des CFF. A l'égard des décisions prises au travers soit du «livre vert», soit du constat du groupe de réflexion, il y a eu des réactions très vives et fermes de nombreux gouvernements romands. Je sais que les élus et les gouvernements romands sont prêts à discuter de ces questions. Pour l'instant, Genève est un peu moins touchée que les autres, encore que le projet entre Genève et Lausanne de la troisième voie tracée dans «Horizon-Rail 2000» est aujourd'hui sérieusement remis en cause. Je crois qu'il faudra que l'on définisse aussi une prise de position par rapport à l'éventuelle boucle de rebroussement Cornavin - Bellevue. Il faudra que l'on en débatte et, au moment où l'on traite des comptes du département de l'économie, il est nécessaire d'avancer certains arguments.
Je pense notamment au potentiel de réalisation des équipements de traction dans notre canton. Par rapport aux réalisations faites dans le passé, il y a aujourd'hui de nouveaux créneaux, et je développerai ici l'idée du train régional. Si l'on examine les comptes tels qu'ils sont et les équipements à disposition des trains régionaux, l'on constate que les investissements en machines sont extraordinairement lourds, de plus de 7 millions pour une rame de train régional. Avec de tels coûts pour du matériel lourd, on augmente considérablement le coût de fonctionnement, cela au détriment d'une éventuelle rentabilité qui, certes, n'est pas le but final.
Actuellement, il est possible de réaliser des équipements plus légers, plus performants, plus souples, qui permettent un freinage sur des distances plus courtes, autorisent davantage de mobilité, comme l'a démontré une motrice de Karlsruhe qui peut s'insérer dans un trafic d'agglomération, bien qu'à mon avis les transferts modaux soient plus indiqués en l'occurrence.
Pour l'industrie genevoise que l'on essaie de relancer, il y a là des potentiels extraordinaires de réalisation de nouveaux équipements. On s'est aperçu, lors du débat au niveau national sur les trains régionaux, que l'industrie suisse n'était pas en mesure de fournir des motrices et des équipements permettant cette rationalisation. Il y a pourtant là un triple avantage: celui de satisfaire à la rationalisation et à la diminution des coûts du trafic régional; celui de relancer l'emploi, et celui de développer de nouvelles technologies, de concrétiser ce que l'on étudie, de manière si pertinente, dans nos écoles polytechniques et nos écoles professionnelles. Cela mérite une analyse plus fouillée et on aura l'occasion d'en discuter. Le débat ayant été lancé sur la ligne Annemasse - Eaux-Vives, je l'élargis et demande que l'on essaie de définir une politique plus générale eu égard à la gestion de l'an passé et le futur des moyens de transport.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. En ce qui concerne la ligne Genève - Annemasse, la SNCF a pris quelques décisions pour améliorer les fréquences aux heures de pointe du matin, notamment au départ de Thonon. Néanmoins, la fréquentation globale de cette ligne est largement en dessous de son potentiel. Cela est dû notamment au problème des ruptures de charge sur territoire français, lesquelles sont totalement dissuasives, ainsi qu'aux délais d'attente et au manque d'infrastructures. Là, je rejoins la question que vous posiez au sujet des parkings sur territoire français. Un certain nombre de projets avaient été envisagés à cet égard. Alors même que nous les avions portés à bout de bras dans le cadre du comité régional franco-genevois, ces projets ne démarrent pas. Comme vous le savez, ils ne sont pas de la compétence helvétique. Les décisions y relatives appartiennent aux départements, respectivement, selon les projets, à la SNCF, voire aux villes concernées. Je fais allusion plus particulièrement à Annemasse et à la commune de Ville-La-Grand: un parking d'une certaine importance pourrait être construit à cheval sur les deux communes.
De plus en plus nous serons appelés à considérer que la ligne Eaux-Vives - Annemasse fait partie, de par sa destination, d'un trafic d'agglomérations et non d'un trafic ferroviaire régional. Pour ma part, je suis
convaincu que le moment est venu de réactualiser les perspectives de la convention de 1912 pour faire en sorte que cette ligne Eaux-Vives - Annemasse, respectivement le site Eaux-Vives - Annemasse, puissent être utilisés comme axe d'un métro automatique léger. Les conclusions des TPG, et en particulier du directeur, M. Stucki, vont exactement dans ce sens.
Dans cette perspective, le Conseil d'Etat est en train de réorganiser la problématique des compétences entre les transports d'agglomérations, parce qu'il est nécessaire de donner des impulsions nouvelles. Pour ma part, je ne suis plus disposé à ce que l'Etat de Genève continue à payer encore longtemps une subvention qui couvre le déficit d'exploitation d'une ligne Genève - Eaux-Vives - Annemasse, alors que nous ne bénéficions d'aucune impulsion de la part de la SNCF sur cette ligne dont elle semble manifestement se désintéresser. Reprendre les affaires en main, reprendre l'initiative sur ce tronçon capital pour les flux de pendulaires, consiste à intégrer cette ligne dans un réseau de transports d'agglomérations, ce qui nous conduira à d'autres décisions du point de vue de l'infrastructure.
Dans ce contexte, je réponds également à M. Spielmann: oui, il y a un véritable marché nouveau et prometteur pour des moyens de transports d'agglomérations qui font appel à des technologies beaucoup plus souples dans leur utilisation et à des infrastructures moins lourdes que celles en usage dans le transport ferroviaire régional. C'est un nouveau défi qui nous est lancé. Je suis convaincu que nous avons effectivement des entreprises à Genève, qu'il s'agisse de Sécheron ou de ABB transports et systèmes de traction, mais également en Suisse romande qui, dans ce domaine, ont de quoi prouver leurs capacités.
A propos de la troisième voie Genève - Lausanne, ou plus précisément de sa problématique, nous avons eu l'occasion de nous exprimer à la faveur d'une résolution votée par votre Grand Conseil et transmise, dans les quarante-huit heures, au Conseil fédéral, à la direction générale des CFF et à la direction du premier arrondissement afin que ces destinataires soient conscients de notre volonté politique d'obtenir ce qui a été promis, mais dans le nouveau contexte budgétaire. En effet, les dérapages sur «Rail 2000» étant ce qu'ils sont, les réalisations programmées au départ ne pourront pas toutes être envisagées. Néanmoins, ce qui est intéressant c'est de s'attacher à une
offre, étant entendu qu'elle peut être concrétisée efficacement sans que toute l'infrastructure primitivement prévue soit réalisée. Sur ce plan-là, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la direction du premier arrondissement des CFF a fait un travail intéressant. Je puis aussi vous dire que dans une volonté de concertation, pour être plus forts ensemble, nous avons mis au point avec le gouvernement vaudois une réponse commune à la direction du premier arrondissement dans laquelle nous affirmons notre cause commune sur ce tracé qui, de toute évidence, lie les deux cantons.
M. Raoul Baehler (MPG). J'aimerais demander au président Maitre où en est le célèbre projet La Praille - Eaux-Vives. Est-il complètement abandonné ou renvoyé aux calendes grecques?
M. Alain Rouiller (S). Je rappelle à M. Maitre que ma question à propos de l'enquête comportait une deuxième partie. J'aimerais aussi qu'il dise devant ce Grand Conseil qu'il s'était engagé à venir devant la commission des transports nous tenir au courant de l'état d'avancement du projet Genève - Lausanne.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Dès que nous connaîtrons les prises de position de la direction du premier arrondissement sur notre réponse commune avec le gouvernement vaudois, nous viendrons devant la commission des transports, avec la direction du premier arrondissement afin que vous soient exposés les tenants et aboutissants des projets sur la ligne Lausanne - Genève.
Nous avons lancé l'enquête à laquelle vous faites allusion. Personnellement, je n'ai pas connaissance des résultats. Peut-être sont-ils déjà engrangés, mais, d'après ce que je sais, ils n'ont pas encore fait l'objet d'une analyse et d'un rapport de synthèse. Me basant sur les délais impartis, je présume que l'enquête est maintenant terminée. Je pars de l'idée que les services compétents sont dans une phase d'analyse et de synthèse et que les rapports nous parviendront prochainement.
Monsieur Baehler, nous avons eu l'occasion d'évoquer le dossier La Praille - Eaux-Vives à plusieurs reprises dans ce Conseil. Aujourd'hui, ce dossier est au point mort. Il est en relation avec les propos que je viens de tenir sur la dévolution effective de la ligne Eaux-Vives - Annemasse. Si nous réalisons cette dernière comme un des embranchements d'un réseau de transports d'agglomérations, avec un métro automatique léger, la ligne La Praille - Eaux-Vives ne se fera vraisemblablement pas. Cette impression est susceptible d'être confortée par la pénétration sur notre territoire du réseau TGV qui pourrait se faire par le sud du canton. Auquel cas nous aurions un bouclage qui se ferait non par la ligne Eaux-Vives - La Praille, mais par une ligne La Praille direction Bossey ou Latoy. Voilà les données du problème.
Pour ce qui est du dossier TGV, nous aurons des informations complémentaires d'ici fin juillet, puisque la Sofrerail, filiale de la SNCF, a été chargée par l'Office fédéral des transports et par le ministère français des transports d'une étude de faisabilité financière, notamment de certains mécanismes de financement privé. Nous en saurons plus à ce moment-là.
Office d'orientation et de formation professionnelle (Rub. 75.00.00)
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Lorsque je suis intervenue, durant la dernière session, à propos de harcèlement sexuel, M. Vodoz m'avait affirmé que les transferts des plaignantes étaient en cours et qu'il dépendait de la volonté de ses collègues conseillers d'Etat que ces transferts se réalisent à la satisfaction des personnes concernées.
Nous avons appris que l'une des plaignantes devait être transférée à l'office d'orientation professionnelle, plus précisément au centre de documentation. Or, cette femme ne sait toujours pas si son transfert est accepté. Je rappelle que ce service croule sous les demandes du public et qu'une restructuration ou une suppression de postes ne sont pas prévues.
Je vous demande, Monsieur le conseiller d'Etat, de me donner la raison de ces hésitations par rapport à ce poste et à cette femme.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il est paradoxal d'entendre votre question! On nous demande de gouverner, de nous concentrer sur l'essentiel et, par ailleurs, on nous demande d'être en mesure de vous renseigner sur la situation d'une documentaliste potentielle dans un office. Je vous réponds comme l'a fait Christian Grobet il y a un instant: objectivement, je n'en sais rien, mais puisque vous posez la question, nous ferons les investigations nécessaires.
Les comptes de fonctionnement et des investissements du département de l'économie publique sont adoptés.
Le président. En l'absence de M. Guy-Olivier Segond, je vous propose de passer directement aux comptes du département militaire. Nous reviendrons ensuite à ceux du département de la prévoyance sociale et santé publique.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'assume volontiers la prévoyance sociale au niveau des comptes. Je prendrai note des questions techniques relatives à la gestion du département et M. Segond vous répondra quand il sera de retour, de telle sorte que vous puissiez poursuivre ce deuxième débat.
CHAPITRE 8: PREVOYANCE SOCIALE ET SANTE PUBLIQUE
Compte de fonctionnement
Office d'allocations aux personnes âgées (Rub. 84.32.00)
M. Alberto Genini (T). Si j'interviens au sujet de l'office d'allocations aux personnes âgées, c'est en tant qu'ancien membre de la commission OAPA. Etant donné que cette commission a été absorbée par une autre, nous faisions partie, à l'époque, d'une commission de recours cantonale extraparlementaire. Pour des raisons de rationalisation et de budget, cette commission a été supprimée. Néanmoins, j'aimerais mettre l'accent sur des points qui nous ont toujours paru très importants et qui ont même fait l'objet de discussions au sein de la commission OAPA.
L'un de ces points est la visite aux personnes nonagénaires. Cette visite permettait aux commissaires de prendre acte de l'environnement, des traitements réservés aux personnes âgées. Elle donnait la possibilité aux commissaires de connaître les problèmes rencontrés par les personnes âgées et à celles-ci de garder un contact avec les élus.
Le deuxième point me paraît plus important. Il concerne les personnes âgées vivant seules en appartement et qui sont à la charge de l'OAPA. Peut-être l'un de vous, dans le cas précis, a-t-il posé la question que je m'apprête à formuler moi-même? La flambée des loyers de ces dernières années a également touché les personnes âgées au bénéfice des allocations de l'OAPA. Je voudrais donc savoir si l'office a laissé simplement aller les choses ou s'il s'est penché sur le sujet étant donné que les loyers sont pris, en grande partie, en charge par l'OAPA. En effet, des propriétaires immobiliers sans scrupules n'ont pas hésité à augmenter ces loyers, sachant pertinemment que l'office d'allocations aux personnes âgées paierait la différence. On doit empêcher cette possibilité de profit indirect. Je répète donc ma question: l'office a-t-il entrepris des démarches dans ce sens?
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). En réponse à la question de M. Genini, je voudrais juste lui signaler que dans la dernière révision de la loi sur l'OAPA votée ici nous nous sommes préoccupés du problème des loyers des personnes âgées au bénéfice des prestations de l'OAPA.
L'OAPA peut recourir contre les augmentations de loyer signifiées à ses bénéficiaires.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Merci, Madame Maulini-Dreyfus, d'avoir rappelé à M. Genini que dans le cadre de la révision de la loi l'important a été que l'OAPA redevienne cessionnaire des droits et puisse, de ce fait, recourir. Cela a été voulu par ce parlement. Par conséquent, à votre question claire, une réponse claire et logique est donnée.
Etablissements publics socio-éducatifs
pour personnes handicapées mentales (Rub. 84.48.00)
Mme Erika Sutter-Pleines (S). J'ai une question concernant les services des soins à domicile dans les immeubles pour personnes âgées ou handicapées. Généralement, un gérant, une ou deux infirmières sont présents le jour, mais jamais la nuit. C'est un problème sur lequel on revient périodiquement. En incitant les gens à entrer dans ces appartements où la vie
leur est certes facilitée on argumente qu'ils n'auront pas à déménager trente-six mille fois du fait des services à disposition. Or, dès qu'une personne réclame des soins matinaux réguliers mais seulement des soins pour l'aide au lever ou à la toilette, on l'incite à entrer en pension. Cela me semble aller dans le sens contraire de ce que nous désirons, à savoir une autonomie personnelle la plus longue possible.
Si la fondation qui dirige actuellement l'ensemble de l'aide à domicile était autorisée à ce que les services d'aide à domicile puissent, dans certains cas, assister ces personnes, l'autonomie de ces dernières serait maintenue. Elles pourraient donc demeurer dans ces structures qui leur sont adaptées, sauf pour ce qui est des soins matinaux dont je viens de parler.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Très franchement, Madame la députée, je ne puis répondre à cette question. Comme elle n'affecte pas directement les comptes du département, je communiquerai votre question à M. Segond à son retour. Il vous répondra tout à l'heure, dès son arrivée.
Hôpital cantonal universitaire (Rub. 86.21.00)
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). J'interviens à nouveau pour une question de détail, mais il me semble important que M. le conseiller d'Etat y réponde.
J'aimerais qu'il nous éclaire sur la vérité des chiffres concernant le déménagement du directeur de l'hôpital du huitième au premier étage. Beaucoup de rumeurs courent à ce sujet à l'hôpital et il est important d'y mettre fin en disant la vérité.
Aussi, je voudrais connaître le coût de cette opération et l'utilisation qui sera faite du huitième étage.
Le président. Nous attendrons le retour de M. Segond.
Les comptes de fonctionnement et des investissements du département de la prévoyance sociale et la santé publique sont adoptés.
CHAPITRE 9: MILITAIRE
Compte de fonctionnement
M. Michel Jörimann (S). Si vous avez consulté la page 52 du rapport de la commission des finances, ce que vous avez sans doute tous fait, vous aurez constaté que le département militaire n'occupe que huit lignes si l'on fait abstraction des deux lignes du titre.
Cependant, quelques-unes de ces huit lignes sont intéressantes. Je cite: «Pour ce qui est des réductions d'effectif des postes occupés, ce département a passé de 65,25 à 65,10 postes durant l'exercice, ce qui est en dessous des objectifs fixés». Si on lit plus haut, on apprend que ce département «est de faible importance économique sur le plan cantonal».
Dès lors, je demande à M. Vodoz, chef du département, quels étaient réellement les objectifs fixés et pourquoi n'ont-ils pas été atteints?
Présidence de M. Hervé Burdet, premier vice-président
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Tous les objectifs fixés par le Conseil d'Etat pour l'ensemble des départements valent aussi pour le département militaire. Non seulement ces objectifs ont été atteints au département militaire, mais ont été dépassés en ce qui concerne le personnel et les charges de fonctionnement. En ce qui concerne le personnel, nous avons dégagé une économie de 7,79% par rapport au montant budgété. Il s'agit certainement d'une erreur commise dans le cadre du rapport.
Le deuxième point sur lequel j'entends insister c'est qu'en réalité les dépenses nettes du département militaire à charge du canton s'élèvent à 2 325 927 F. Je vous rappelle que nous sommes, pour une grande partie, un département d'exécution de tâches fédérales et que la Confédération
rembourse aux canton les montants engagés, notamment l'ensemble des frais des fonctionnaires cantonaux travaillant à l'arsenal. Par conséquent, ces fonctionnaires cantonaux sont payés par la Confédération sur la base des facturations que nous présentons. Sur un budget global du département militaire de 11 168 000 F, nous avons 8 056 000 F de recettes. C'est la raison pour laquelle j'ai dit à la commission des finances, détails à l'appui, que non seulement les objectifs avaient été atteints, mais qu'ils avaient été dépassés et que le département militaire avait parfaitement respecté les instructions que j'avais données.
Comme je l'ai réaffirmé devant ce Grand Conseil, il n'y a eu enfin aucun investissement depuis deux ans et demi à charge du canton, dans le cadre du département militaire. Nous avons procédé à une rationalisation qui est sur le point de se terminer. Cela nous pose d'ailleurs un petit problème: je pourrais en effet continuer à faire des économies de personnel au niveau de l'arsenal, mais c'est la Confédération qui en bénéficierait et pas le canton. (Protestations.) Bien sûr, ce sont leurs impôts, pour ceux qui les paient! (Rires.) Il est évident que je ne peux pas compenser des tâches accomplies par l'arsenal en lui en confiant d'autres, et cela au détriment de celles à charge complète du canton. Néanmoins, je tâcherai de résoudre ce problème.
Les comptes de fonctionnement et des investissements du département militaire sont adoptés.
Une voix. Même s'il n'y a pas d'investissements prévus!
Troisième débat
Les comptes de fonctionnement et des investissements sont adoptés par chapitre et dans leur ensemble, de même que le bilan et ses annexes.
PL 6960-A
Premier débat
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 5.
Article 6
Mme Martine Brunschwig Graf (L). Il était primitivement prévu que nous déposerions un amendement à l'article 6 concernant la gestion du département des travaux publics. Compte tenu des explications qui ont été données ce matin et compte tenu surtout des espoirs que nous avons concernant la répartition des frais par centres de profits et par services, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire, pour cette année, de proposer des modifications, donc un amendement. Nous veillerons à avoir une vision globale du budget et à ce que le Conseil d'Etat soit stimulé dans ses efforts d'économies en matière notamment d'électricité et de chauffage.
L'article 6 est adopté.
Le projet est adopté en deuxième débat.
Troisième débat
Le projet est adopté en troisième débat.
La loi est ainsi conçue:
PL 6961-A
Troisième débat
Le projet est adopté en trois débats.
La loi est ainsi conçue:
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Si votre Grand Conseil considère que tout est en ordre, je m'en félicite. Je vous remercie des travaux que vous avez faits et d'avoir approuvé et les comptes et la gestion du Conseil d'Etat pour l'exercice 1992.
Premier débat
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur. Je précise que Mme Maulini-Dreyfus, lors du vote sur ce projet de loi, s'était opposée et non abstenue; je tenais à lui rendre ainsi justice.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Je vous remercie d'avoir rectifié cette inexactitude, d'autant plus que mon vote représentait celui du groupe écologiste.
Les manifestations antinucléaires de Kaiseraugst ont eu, il y a quelque vingt ans, des effets secondaires non désirés, certains politiciens s'étant convaincus de la nécessité d'une police supracantonale. Les tenants du projet persistent. Alors que la volonté populaire a mis à la porte la PMI et la PFS, on fait entrer par la fenêtre les concordats régionaux de coopération en matière de police. Dans l'intervalle, on aura eu soin de ficher la population. Dans la proposition de concordat, la façade du projet a été ravalée, la compétence cantonale en matière de police est préservée. De plus, dans le présent projet de loi, la limitation de l'aide concordataire à la partie romande du pays, la proximité géographique et culturelle, servent de lubrifiants à un projet difficile à avaler.
Or la commission judiciaire, en adoptant à l'unanimité les amendements écologiques qui constituent les articles 2 et 3 de la loi, reconnaît implicitement les possibilités d'extension des parties membres du concordat, ainsi que le caractère éminemment politique de l'appréciation du besoin.
Le rapporteur de la commission prend acte du fait, je cite: «que le canton de Genève n'a pas besoin d'aide pour les cas autres que ceux visés aux lettres b) et f) de l'article 2 du concordat du 10 octobre 1988». Le rapporteur, juriste de son état, doit cependant bien mesurer l'absence de qualité juridique d'une telle assertion. Les lois ne s'élaborent pas en fonction d'une situation, pas plus qu'elles ne s'élaborent en fonction d'un magistrat particulier. La primauté du libellé du texte concordataire sur une remarque faite dans le rapport de la commission est absolue.
Or le concordat prévoit non seulement que l'aide peut être demandée et obtenue en cas de catastrophes, lors de crimes accompagnés de violence, lors de rencontres importantes comme des conférences internationales, mais il prévoit encore aux lettres c), d) et e) de l'article 2 qu'elle peut être accordée en cas de troubles intérieurs ou de risques d'émeutes graves, quand il s'agit d'organiser des contrôles communs de police criminelle ou encore à l'occasion de grandes manifestations.
Ces interventions appellent de notre part quelques commentaires. Les termes de «troubles intérieurs», de «risques d'émeutes graves», de «grandes manifestations» sont définis par le code civil et par la jurisprudence. Intéressons-nous cependant aussi à l'avis de droit cité dans le projet de loi du Conseil d'Etat et qui définit les troubles à l'intérieur comme, je cite: «les violences dirigées contre les autorités constituées, ce qui met en cause l'exercice régulier et légal du pouvoir. Celui-ci peut être atteint directement, c'est l'insurrection, ou indirectement -- et là, attention! -- lorsque différents partis ou masses populaires ont décidé d'en découdre autrement que par des moyens légaux».
Nous voilà revenus au point de départ de cette intervention à Kaiseraugst ou à toute autre situation que le pouvoir exécutif jugera grave. Permettez à des minoritaires de notre démocratie d'être préoccupés par l'indétermination du texte concerné et l'importance de l'appréciation politique qui présideront aux décisions. Dans ce cas, le concordat proposé à l'approbation du Grand Conseil dans un domaine sensible ne fait que rapprocher le niveau d'intervention par rapport à une police fédérale, il ne fait que banaliser le recours à des aides extérieures, il ne fait que simplifier une collaboration déjà possible par l'intermédiaire de la Confédération, il ne fait qu'institutionnaliser ce vieux projet d'une police supracantonale.
Genève a particulièrement besoin d'aide au moment de conférences internationales et elle l'obtient. Pour le surplus, faisons appel à l'esprit de Genève dont on se gargarise fréquemment ici pour étendre le champ démocratique plutôt que pour garantir des moyens de répression.
Mme Marlène Dupraz (T). Notre groupe refuse catégoriquement ce projet d'adhésion au concordat pour trois raisons essentielles.
La première vaut pour ces lettres à l'article 2 que vient de citer Mme Maulini-Dreyfus. La deuxième, c'est que le projet revêt un caractère concordataire, c'est-à-dire que nous ne pouvons absolument pas l'amender, ni lui apporter une quelconque modification. La troisième raison, c'est que Genève a toujours assumé ses responsabilités en matière de police. Nous ne voyons pas comment, alors que nos policiers ont à leur actif des heures de service qui ne sont pas payées et qui ne peuvent être reprises et compensées, ils pourraient encore se dévouer en acceptant d'autres mandats à l'extérieur du canton.
Notre groupe refuse ce projet et demande à tous les autres groupes de réfléchir aux problèmes juridiques que pourraient susciter la réglementation et l'attitude des policiers de notre canton ou des autres cantons lors d'une venue en aide au requérant. Nous demandons également que ce projet soit simplement rejeté, à moins qu'un autre projet ne satisfasse aux deux lettres, soit les lettres b) et f) de l'article 2.
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur. Je suis étonné de l'observation de Mme Maulini-Dreyfus, parce que je n'ignore certes pas que la modeste remarque faite par un rapporteur dans le cadre du travail qui est le sien n'a pas le pas sur le texte du concordat que l'on vous suggère d'adopter.
Le maintien de l'ordre public en Suisse est de compétence cantonale et les cantons disposent chacun de leur corps de police; c'est ce qu'a voulu le peuple suisse. Mais à une époque où la criminalité s'internationalise de plus en plus et où les criminels se moquent bien des frontières cantonales, il apparaît indispensable que notre police, dans un cadre institutionnel, puisse s'organiser à satisfaction de droit.
Très vite, les cantons ont ressenti la nécessité de s'organiser entre eux. Tout d'abord, ce fut le cas des petits cantons de Suisse centrale qui disposaient de moyens limités; puis, dans ce même but, d'autres cantons de Suisse allemande ont conclu une convention, respectivement un concordat.
La nécessité de coopérer en matière de police s'est fait également ressentir en Suisse romande et elle existe dans les faits depuis longtemps; en 1980, des directives ont été édictées à ce sujet par les chefs des départements de justice et police cantonaux.
Nous ne vous suggérons pas aujourd'hui de fomenter un coup qui tendrait à réprimer durement toute forme de manifestation -- nous vivons, fort heureusement, dans un pays de libre expression -- mais de mettre en forme juridique l'aide intercantonale existante en adhérant au concordat élaboré à cet effet par les différents cantons romands, concordat qui résulte de très longues négociations. Cette mise en forme donne des garanties juridiques de loin supérieures à la simple coopération qui prévaut aujourd'hui dans les faits.
Le plus extraordinaire est que notre canton est le dernier à approuver ce concordat, alors qu'il est pratiquement le seul à faire appel aux autres cantons en raison des nombreuses et importantes manifestations et conférences qui se déroulent sur son territoire en relation avec la présence des Nations Unies sur son sol.
Aussi, je m'étonne de l'attitude du groupe écologiste qui, en commission, a obtenu l'approbation des amendements qu'il avait proposés, qui ont été votés à l'unanimité par la commission. Ce nonobstant, il persiste à vouloir voter contre ce concordat pour des raisons purement politiques, alors que Kaiseraugst, précisons-le, n'est pas sur le territoire du canton de Genève et que Verbois nucléaire a du plomb, ou du plutonium, dans l'aile depuis longtemps.
Ce concordat donne toute une série de garanties en ce sens que son élargissement ne peut avoir lieu que si notre Grand Conseil, autorité politique s'il en est, l'accepte. Ensuite de quoi, la décision de donner suite à l'aide intercantonale, soit d'y faire appel, appartiendrait non pas aux fonctionnaires du corps de police, voire au chef de la police, mais à cette autre autorité politique qu'est le Conseil d'Etat.
Le texte de ce concordat est bon pour le canton de Genève qui est beaucoup plus demandeur en la matière que les autres cantons romands; ce texte permet d'améliorer le fonctionnement de police et d'économiser les deniers publics en ce sens que si l'on peut recourir à une aide extérieure, il n'est pas nécessaire d'avoir à Genève des effectifs supplémentaires.
C'est pourquoi je vous demande d'accepter un texte qui entérine dans les faits une coopération qui existe depuis longtemps entre les cantons romands en matière de police.
M. David Lachat (S). En tant que politiciens, nous avons les uns et les autres de vieux réflexes. Comme le chien de Pavlov, nous réagissons selon nos sensibilités. Quand M. Brunschwig entend parler les socialistes d'économie, il rétorque immédiatement qu'ils n'ont rien compris et qu'ils feraient mieux de se taire. Quand il s'agit de parler automobile, M. Balestra lève la main plus pour klaxonner que pour prendre la parole. De notre côté, quand nous entendons parler de la police, nous avons des réflexes de soixante-huitards, nous mettons la main devant notre tête pour nous protéger d'hypothétiques matraques.
Il n'est pas heureux de faire resurgir de vieux fantasmes, même si, dans nos rangs, nous ne soutenons pas toujours tout ce que fait la police. Nous devons réfléchir sereinement à ce qui nous est proposé. Il s'agit d'un concordat qui comporte un nombre non négligeable de points positifs dont bénéficiera certainement le canton de Genève. Nous pourrons faire appel aux forces des cantons romands et non pas à celles de cantons plus éloignés qui ne comprennent pas toujours notre mentalité. Nous pourrons faire appel à ces forces-là en cas de catastrophes, à l'occasion de conférences internationales ou pour traquer des criminels de haut vol. Par conséquent, il y a un intérêt public manifeste à ne pas refuser ce concordat.
Il est vrai que nous avons eu certaines hésitations en ce qui concerne les lettres c) et e) de l'article 2. Craignant qu'une interprétation trop rigoureuse soit donnée à ces textes, nous avons obtenu deux types d'assurances: une interprétation authentique décrite par M. Fontanet dans son rapport et, du fait de l'amendement des écologistes, la confirmation que l'autorité politique cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation et peut refuser le secours concordataire, si celui-ci lui paraît politiquement inopportun.
Pour toutes ces raisons, je trouve -- et je m'adresse particulièrement aux députés socialistes -- qu'il serait inopportun de refuser ce concordat. Au mieux, abstenez-vous si vous estimez, en toute conscience, ne pas pouvoir l'accepter.
M. Thierry Du Pasquier (L). On a les réflexes pavloviens qu'on peut et, en matière d'intervention policière, on se demande qui en est le plus marqué du groupe socialiste ou du groupe libéral. Dans le cas particulier et pour les raisons indiquées notamment dans le rapport, le groupe libéral votera ce projet de loi, en dépit de quelques réticences en ce qui concerne l'application de l'article 3 qui a suscité des discussions en commission.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Pavlov oui, mais nous ne sommes pas qu'un système neurovégétatif. Figurez-vous que nous avons beaucoup réfléchi en commission.
J'ai mentionné une histoire parce qu'elle est vraie. Dans l'examen de ce projet de loi, je n'ai pas repris la proposition développée par le rapporteur, et tout soudain par M. David Lachat, des actes positifs de ce concordat. C'est sur cette position que nous avons été d'accord d'entrer en matière et que nous avons travaillé et discuté en commission.
J'ai cité les points qui, à la fin de cet examen, ont déterminé notre refus de voter cette loi. Un concordat n'est pas amendable. Il est à prendre ou à laisser en bloc. Les points cités relatifs aux «grandes manifestations», de «troubles intérieurs ou de risques d'émeutes graves» semblent laisser un pouvoir d'appréciation que nous ne pourrons pas maîtriser en tant que conseil législateur. C'est pourquoi nous ne voterons pas cette loi.
M. Fontanet a dit que cette loi permettait de lutter contre la criminalité. Or, nous avons récemment voté un concordat d'entraide judiciaire pour lutter contre la criminalité. La collaboration entre les polices existe sur le plan administratif. En revanche, le concordat indique clairement qu'il s'agit d'interventions menées par des policiers venant d'un autre canton. Il s'agit d'assurer la sécurité et les interventions physiques nécessaires.
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur. Sans faire un cours de procédure pénale, je voudrais juste préciser à l'intention de Mme Maulini-Dreyfus que le précédent concordat que nous avions voté avait trait à la police judiciaire. Aujourd'hui, il s'agit de la police administrative qui doit aussi être à même de lutter efficacement contre la criminalité. La police administrative est placée sous l'autorité du Conseil d'Etat et sous celle du chef du département.
Si ce concordat semblait excessif au canton de Genève, il pourrait être dénoncé sans difficulté aucune, puisqu'il y est expressément indiqué qu'un canton signataire peut agir de la sorte s'il n'est pas satisfait des résultats de son application.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je tiens à rappeler les critiques que l'on peut adresser au système actuel d'entraide policière intercantonale et celles qui se sont exprimées à propos de deux projets qui, dans les années soixante et soixante-dix, ont suscité de vifs débats. Ils portaient sur la police mobile intercantonale et la police fédérale de sécurité. On faisait trois critiques majeures aux deux projets et au régime actuel.
La première critique arguait que la volonté de la PFS et de la PMI était de créer un système supracantonal sous autorité fédérale, puisqu'à l'époque la Confédération voulait clairement prendre le commandement en disposant d'un certain nombre de contingents qu'elle aurait recrutés dans les cantons. Il s'agissait donc de mettre sur pied une police fédérale sous commandement fédéral. Aujourd'hui, il n'y a rien de tel. Il s'agit d'une «pure construction» intercantonale. La police demeure sous le commandement du canton requérant sur le territoire duquel les forces policières doivent intervenir. Ce projet n'a donc strictement rien à voir avec ceux qui ont été rejetés. J'étais d'ailleurs parmi ceux qui les combattaient. A l'époque, la majorité des Genevois ne voulait pas d'une construction supracantonale et tenait à ce que la souveraineté cantonale en matière de police demeure. Dans le présent projet, elle subsiste intégralement et augure de ce que l'on peut faire dans le domaine du fédéralisme coopératif.
La deuxième critique à l'adresse du système actuel est plus importante. Quand nous avons besoin de forces de police extérieures, nous devons tenir compte de l'article 16 de la Constitution fédérale, dit des corps francs. Nous devons requérir l'aide des autres cantons en passant par le Conseil fédéral. Celui-ci est libre de décider de la forme de l'aide accordée et peut envoyer l'armée en lieu et place des forces de police. Or nous ne voulons plus confier des missions de maintien de l'ordre public à l'armée et c'est la raison pour laquelle les cantons ont mis ce concordat sur pied. Ils ne veulent pas, à la fin du XXème siècle, alors que le maintien de l'ordre public à Genève est essentiellement une mission de gestion de grandes conférences internationales, devoir passer par l'article dit des corps francs. C'est une vieillerie, un système désuet et inadéquat, parce qu'il confie le maintien de l'ordre à des non-professionnels, c'est-à-dire à la troupe. Or ce sont les forces de police qui, professionnellement, sont aptes à assurer les missions d'ordre public. Nous avons vu que l'amateurisme peut conduire à des catastrophes: Genève est bien placée pour le savoir, et c'est la raison pour laquelle nous vous proposons ce concordat pour éviter le recours à la troupe pour maintenir l'ordre public.
Par ailleurs, le concordat résout une troisième question extrêmement importante. Actuellement le système intercantonal fonctionne sur la base de directives, lesquelles relèvent de l'autorité des commandants de police. Or je tiens à dire que les autorités politiques de tous les cantons romands ont tenu à ce que l'entraide policière soit placée sous leur contrôle et ne soit plus le fait des commandants de police, ce que Mme Maulini-Dreyfus d'ailleurs sait fort bien. C'est le Conseil d'Etat qui octroie l'aide concordataire, c'est lui qui la sollicite. Les commandants de police n'ont pas de décision à prendre en l'occurrence, et il importe qu'il en soit ainsi. C'est l'autorité politique qui commande aux forces de police, c'est la base même d'un Etat de droit.
Voter ce concordat, c'est accepter que l'autorité politique commande aux forces de police. Le refuser, c'est perpétuer le désordre juridique actuel et un système de directives émises par les commandants de police. Il est donc vraiment important de disposer d'un concordat qui définit les responsabilités et signifie clairement que c'est l'autorité politique qui accorde l'aide concordataire. Madame Maulini, vous ne l'ignorez pas puisque vous avez insisté pour préciser dans des amendements ce qui est déjà énoncé très clairement à l'article 4 du concordat, à savoir que c'est le gouvernement cantonal qui requiert et accorde l'aide concordataire. Nous avons accepté tous vos amendements. La commission les a tous acceptés. Dès lors, je ne comprends pas votre persistance à refuser un concordat qui représente un progrès important quant au contrôle par l'autorité politique de la mission de maintien de l'ordre public dans notre canton.
Enfin, une dernière remarque. Le plus gros demandeur en aide policière intercantonale est l'Etat de Genève. De très loin et tous cantons réunis,
Genève est le canton suisse qui, le plus fréquemment, a besoin de forces de police extérieures importantes pour maintenir l'ordre lors de la tenue de grandes conférences internationales. Il faut avoir un peu d'humilité et savoir aussi s'allier à d'autres cantons dans un système concordataire. Ce d'autant plus que toutes les garanties sont données que le Conseil d'Etat ne se laissera entraîner Dieu sait dans quelle aventure policière relevant plus de l'imaginaire que de l'examen objectif de la situation telle qu'elle prévaut dans notre canton. Nous avons une police professionnelle et sommes assez grands pour assumer nous-mêmes les affaires locales. Par contre, nous ne parvenons pas toujours à assumer seuls la sécurité des grandes conférences internationales. Nous avons besoin de l'aide des autres cantons qui nous l'accordent généreusement. C'est un minimum que de définir cette aide et les problèmes de responsabilité qui, aujourd'hui, ne sont pas réglés mais le seront demain, grâce à ce concordat.
Présidence de Mme Micheline Calmy-Rey, présidente
Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue:
Premier débat
M. Daniel Ducommun (R), rapporteur. J'aimerais faire rapidement quelques commentaires. Le premier est de détail pour les puristes du texte. En page 1, la CIDI est bien la «(commission interdépartementale d'informatique)» et non d'information. Le deuxième concerne une précision de l'exposé des motifs au sujet de la méthode de référence préconisée, notamment une situation qui, en cas d'égalité de voix, n'est pas clairement définie. Dès lors il se pourrait qu'un tirage au sort s'impose pour déterminer le nombre de commissaires par parti en commission. En cours de législature, c'est le ou la présidente du Grand Conseil qui procède au tirage au sort. En début de législature, il est prévu que le doyen d'âge officie dès les résultats connus et ce pour éviter un blocage des commissions. Il m'apparaissait nécessaire de préciser cela pour la clarté de ces hautes considérations mathématiques.
M. Michel Jörimann (S). Lors du débat en commission, les commissaires socialistes s'étaient abstenus non pas tant sur le fond que sur la forme. Il nous a semblé, en effet, que ce projet de loi du Bureau avait été voté au pas de charge.
Il suffit de reprendre les dates mentionnées dans le rapport de notre excellent collègue Ducommun pour s'en apercevoir. En effet, renvoyé en commission le 14 mai dernier, ce rapport a été traité en une seule séance le 27 du même mois. Il porte la date du 4 juin. Il n'a donc fallu que quarante jours pour que ce projet franchisse tous les obstacles du parcours du combattant rituel pour un projet de loi.
Il s'agit sans doute là d'un record dans ce Grand Conseil, mais le Mémorial n'est pas le «Guiness book of records». Certes, personne ne disconvient qu'à la suite d'une affaire toute récente des dysfonctionnements de ce parlement ne soient apparus sous une lumière crue. Personne ne conteste que la méthode dite Hagenbach-Bischof soit sinon la meilleure, du moins la moins mauvaise, et qu'elle soit appliquée avec succès par nombre de législations cantonales et par la législation fédérale. Mais, là encore, Genève constituait un «Sonderfall»!
Si le projet de loi que vous voterez dans un instant comble assurément une lacune de notre règlement, il ne répond malheureusement pas à un certain nombre de problèmes que nous aurions voulu exposer en commission et voir résolus. La question la plus importante est de savoir ce qu'est un groupe parlementaire, notion qui, très curieusement, n'est nullement définie par notre règlement.
Telles sont les raisons qui nous ont incités à nous abstenir en commission et qui font que nous nous abstiendrons maintenant.
Mme Françoise Saudan (R). J'apprécie l'humour de M. Jörimann, mais j'avais précisé, au début de la séance de la commission du règlement, que le Bureau et certains députés désiraient voir ce problème résolu avant les prochaines élections. Compte tenu des séances du Grand Conseil, il fallait absolument siéger encore au mois de juin.
Monsieur Jörimann, non seulement il faut définir la notion de groupe, mais aussi la notion de composition des commissions durant la législature. A cet effet, nous avons demandé une note au département de justice et police et l'avons reçue. Cette note permettra au groupe de se prononcer dans les plus brefs délais afin que la situation soit totalement éclaircie.
Je tiens à remercier M. Ducommun d'avoir rendu son rapport dans des délais aussi courts. J'aurai ainsi l'occasion d'intervenir lors du deuxième débat pour vous proposer un amendement concernant l'entrée en vigueur de ce projet de loi.
M. Bernard Annen (L). Je m'étonne de la réaction de notre collègue Jörimann, la commission ayant, à dessein, départagé les problèmes. D'une part, elle a renvoyé les problèmes politiques, cela à la demande du parti socialiste, afin de pouvoir interroger nos groupes respectifs. D'autre part, elle ne s'est occupée que d'une règle mathématique. En une heure, tout le monde avait compris cette règle. Je suis désolé que M. Jörimann ne l'ait pas assimilée et qu'il ait besoin de dix séances pour le faire.
M. Michel Jörimann (S). Je réponds à M. Annen qu'il joue sur les mots et sur les situations. Il est vrai que nous avons scindé le problème en deux. Subséquemment, il est vrai que notre groupe supposait que le tout allait être évoqué au mois de septembre, ce qui aurait été assez tôt. A telle enseigne que lorsque j'ai reçu chez moi le rapport de M. Ducommun parmi d'autres
documents du Grand Conseil, je me suis demandé si l'on avait vraiment voté l'entrée en matière en commission, tellement tout a été vite. Il me semblait, mais il est vrai que je deviens gâteux...
Des voix. Mais non...
M. Michel Jörimann. ...il semblait que l'on n'avait même pas voté l'entrée en matière parce qu'il fallait justement, comme Mme Saudan l'a dit, consulter nos groupes, ce que nous avons fait. Nous n'allons pas nous plaindre parce que pour une fois les choses ont été rondement menées, mais je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que notre groupe a des réserves à exprimer. Il l'a fait en commission et le fera tout à l'heure, en s'abstenant.
M. David Lachat (S). Je suis pétri de confusion vis-à-vis de mes collègues, mais je n'ai pas eu le privilège de rencontrer Mme Hagenbach ou Mme Bischof. Aussi je demanderai à M. Annen de résumer, à l'intention d'un député totalement ignorant, leur méthode de calcul. (L'assemblée s'écroule de rire.)
M. Bernard Annen (L). C'est bien volontiers que je le ferai, mais par courtoisie envers l'ensemble de ce parlement, je prends rendez-vous avec Me Lachat pour lui donner une leçon particulière!
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mme Françoise Saudan (R). Comme je l'ai dit, nous avons longuement évoqué en commission l'entrée en vigueur de ce projet de loi que nous n'avions pas formellement voté. Lors des travaux de la commission, il s'est dégagé une large majorité pour fixer l'entrée en vigueur de ce projet de loi au début de la prochaine législature, ce qui me semble parfaitement logique. Avec fair-play, nos collègues libéraux ont accepté, en commission, de s'abstenir sur cette décision d'entrée en matière. C'est pourquoi je vous ai soumis un amendement proposant un article 2 (souligné) visant à fixer l'entrée en vigueur de ce projet de loi au début de la prochaine législature.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 (souligné) qui remplace l'article unique.
Article 2 (souligné)
La présidente. Je mets aux voix l'amendement de Mme Saudan qui suggère un article 2 (souligné) disant: «L'entrée en vigueur est fixée au début de la prochaine législature».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
L'article 2 (souligné) (nouveau) est adopté.
Troisième débat
Le projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La présidente. Le Bureau vous est reconnaissant d'avoir travaillé rapidement et d'avoir bien voulu accepter ce projet de loi en trois débats.
La loi est ainsi conçue:
Débat
M. Alain Sauvin (S), rapporteur. M. Du Pasquier se demandait tout à l'heure qui des socialistes, qui des libéraux, avait développé le plus rapidement des réflexes pavloviens. Moi-même qui fais face depuis quelques années à M. Balestra, je ne puis m'empêcher de constater qu'il déclenche chez moi une pulsion et le réflexe de Pavlov. Si, à la lecture de son rapport, je voulais réagir comme il le fait d'habitude -- car on a à apprendre de tous -- à savoir d'une manière provocatrice....
M. Thierry Du Pasquier. Il faut se dominer!
M. Alain Sauvin. Ce n'est pas toujours facile, Monsieur Du Pasquier. Vous donnez l'impression d'y parvenir parfois, mais à votre place, je me méfierais. Je pourrais synthétiser à la pavlovienne ce fameux rapport de minorité de M. Balestra en ces termes: «C'est la crise, c'est grave pour tout le monde, mais surtout pour les commerçants. Alors, construisons des parkings, ils résoudront tous les problèmes. En plus, on se mettra dans la poche et les commerçants et les automobilistes, ce sera toujours ça de gagné pour cet automne!». Voilà ma synthèse en deux phrases, Monsieur Balestra.
Il se trouve que les choses ne sont pas aussi simples. Plus sérieusement, permettez-moi quelques commentaires en début de débat. Si je me suis livré à cette introduction pavlovienne, c'était pour démontrer qu'une première remarque que l'on pourrait faire à propos de cette initiative et surtout du rapport de M. Balestra, c'est qu'ils sont exemplaires d'une politique au coup par coup qui a été dénoncée sur tous les bancs, dans les plénums et les commissions. On y traite d'un sujet important en soi, mais en l'extrayant ou en ne le liant pas suffisamment au contexte général.
La deuxième remarque émane des partis signataires du rapport de majorité qui estiment que cette question si importante soit-elle n'a rien à faire dans la constitution. Elle n'est pas assez générale pour y prendre place.
Enfin, cette initiative ne sert à rien, ou à très peu de chose. M. Ziegler, le président du département, l'avait déjà dit il y a quatre ans en débat de préconsultation: «D'ici que nous ayons terminé le traitement de cette initiative ou que le peuple puisse se prononcer, nous aurons réalisé ce que vous souhaitez». Aujourd'hui, les chiffres le démontrent. Si l'on se fait une haute idée -- c'est mon cas et celui de nombreux députés dans cette enceinte -- de la fonction d'élu du peuple qui est la nôtre, on ne peut être que navré de constater un manque de rigueur, une absence d'esprit d'analyse dans ce rapport de la minorité. On est plus proche, en quelque sorte, du slogan. Je n'ai rien contre les slogans, ils sont utiles dans leur contexte, mais pas dans un rapport à travailler, à discuter, à critiquer et qui doit nous amener à prendre des décisions importantes. J'affirme, Monsieur Balestra, que votre rapport n'est pas à la hauteur des capacités et des compétences que vous avez démontrées en commission, ni de vos responsabilités, ni des nôtres. Il n'est pas non plus à la hauteur du respect que nous devons à ceux qui recevront les informations et documents dont découleront des décisions, puis un vote populaire.
Je pense qu'une certaine responsabilité pédagogique de leader d'opinion revient aux élus. Ces derniers, grâce à leur information, ont une connaissance et une compréhension des problèmes qu'ils traitent. A leur tour, ils se doivent de délivrer cette information le plus objectivement et le plus complètement possible pour ensuite définir leurs positions, qui sont des positions idéologiques, voire partisanes; c'est normal, c'est le jeu démocratique. Mais ils doivent se plier avant tout à leur devoir d'objectivité.
Or, vous descendez en flammes les experts, les spécialistes, un certain nombre de politiques qui sont, dites-vous, hors des réalités. Pour ce faire, vous dissimulez une partie de leur travail, certaines informations et, paradoxe, vous proposez vous-même, alors que vous critiquez certains pour leur manque de réalisme, une initiative qui n'a aucun impact réel. Nous avons dans ce Grand Conseil un député qui n'est ni un théoricien, ni un expert, qui ne se répand pas en discours, que vous qualifiez de fumeux quand il s'agit de ceux
de vos adversaires. Je veux parler de M. Jean-Claude Genecand, un de ces commerçants dont vous prétendez défendre la cause. M. Genecand, lui, est tous les jours sur le terrain, concrètement, au volant de sa camionnette à travers toute la ville. A plusieurs reprises, il nous a dit en plénum et en commission qu'il avait quotidiennement devant son commerce un défilé de cinquante-six mille véhicules et qu'il n'avait pas un client de plus pour autant...
M. Thierry Du Pasquier. C'est parce qu'ils ne peuvent pas s'arrêter!
M. Alain Sauvin. Comme le dit avec une rare lucidité M. Du Pasquier, c'est parce qu'ils ne peuvent pas s'arrêter, alors qu'aujourd'hui la politique du Conseil d'Etat propose de pouvoir le faire. M. Balestra, à la page 34 de son rapport, fait le constat, que nous approuvons, d'une situation économique difficile dont tout le monde souffre. Il n'est pas question de nier cette évidence. Mais là où son raisonnement s'effondre, c'est que pour tirer ses conclusions, M. Balestra met cette situation en relation avec un postulat de départ, soit la première phrase de son rapport après la citation de M. Hayek, qui dit: «Nous avons d'un côté des politiques qui entendent diminuer de manière drastique l'accès à la ville». Or, les rapports auxquels nous faisons référence, les propositions qui nous sont présentées par le Conseil d'Etat vont exactement dans le sens contraire de ce qu'énonce ladite phrase. Nous ne contestons pas le constat que vous faites, Monsieur Balestra, sur le plan économique. En revanche, sa mise en relation avec votre postulat de départ réduit à néant votre démonstration. Ce qui est gênant dans votre démarche, c'est que vous inquiétez un certain nombre de personnes, notamment les commerçants que vous prétendez défendre, en ne délivrant pas objectivement toutes les informations. Vous parvenez ainsi à une pratique qu'il faut bien appeler de manipulation, puisque cette pratique consiste précisément à retenir certaines informations.
De plus, vous laissez entendre entre les lignes que tout sera résolu, alors que cela n'est pas vrai. J'aimerais rappeler que tous les rapports, s'agissant du stationnement et des parkings, aboutissent à la même conclusion. Un expert peut se tromper, c'est évident, Monsieur Balestra, mais quand de nombreux experts parviennent à des conclusions similaires, on ne peut plus tenir votre discours. Tous concluent que ce n'est pas le nombre mais l'affectation des parkings qui est aujourd'hui en cause. C'est donc cette dernière qu'il faut modifier.
Il y a sous-utilisation des places en sous-sol. Le plan directeur communal de la Ville de Genève «Genève 2001», sorti au mois d'avril, le confirme. Des places occupées par des pendulaires pourraient ne pas l'être. Les chiffres sont époustouflants pour ce qui est du stationnement illicite dans cette ville: 2/3 à 3/4% du stationnement total! Et il y a trop d'emplacements de longue durée.
En commission, nous avons réussi à nous accorder au moins sur un point, c'est de dire qu'il fallait favoriser les habitants, les visiteurs et les professionnels. C'est la politique actuellement mise en oeuvre et qui sera poursuivie par le Conseil d'Etat, notamment par le biais du volet stationnement de «Circulation 2000». C'est détourner le trafic de transit qui n'a rien à faire en ville, c'est retenir les pendulaires à l'aide du développement des parkings d'échange, afin de pouvoir faciliter l'accès de la cité aux visiteurs et aux professionnels qui eux, bien sûr, doivent utiliser leur véhicule. Un député libéral observe qu'évidemment les parkings d'échange ne pourront fonctionner que dans la mesure où les transports publics seront efficaces, notamment à partir des parkings d'échange. J'en ai terminé pour l'instant.
M. Michel Balestra (L), rapporteur. La moindre des choses que l'on puisse analyser sans réflexe pavlovien, c'est que, pour un principe mineur qui n'aura aucun avantage et aucune utilité, le rapporteur de la majorité a rédigé un magnifique rapport digne de celui que pourrait faire un technocrate.
Savez-vous, Monsieur Sauvin, ce que Coluche disait des technocrates? Primo, quand ils vous répondent, au bout d'un quart d'heure vous ne vous souvenez même plus de la question que vous aviez posée. Deusio, c'est que si vous envoyez deux technocrates dans le désert, il vous faudra importer du sable trois ans plus tard!
A la lecture des rapports d'experts en matière de circulation, j'ai eu vaguement la même impression. Et comme j'estime que le sujet est tout sauf mineur, j'ai lu attentivement votre rapport. A la page 9, sous l'intitulé «Une situation critique», j'apprends qu'il n'y a pas une ville en Suisse romande et à l'étranger où il y a autant de stationnements réels par rapport à l'offre légale, et l'expert prétend que le fait est dû à l'indiscipline des Genevois. Mais ne serait-il pas plutôt dû à une pénurie de parkings? Parce qu'un Genevois, même indiscipliné, lorsqu'il a le choix entre une place de stationnement et une place en troisième position, a tout de même la présence d'esprit de choisir la première.
Bien que j'éprouve du respect et de l'amitié pour M. Genecand, c'est à M. Claude Hauser que je me réfère dans mon rapport. Pour un parti comme le vôtre, qui se veut un parti défenseur des employés et du peuple genevois, le maintien des postes de travail devrait passer en priorité. Et d'imaginer qu'une chaîne de magasins aussi dynamique et adaptée au marché que celle dont je parle dans mon rapport soit actuellement tentée de prévoir son développement en France plutôt qu'à Genève me semble très inquiétant.
Vous prétendez qu'à Genève nous avons tous les parkings nécessaires. M. Claude Hauser, lui, nous dit avoir des variantes à proposer. Il en cite une et c'est celle de Balexert. Pendant que l'autorisation d'agrandissement du parking de Balexert se faisait attendre, un autre groupe a réalisé Chavannes qui fonctionne très bien avec une clientèle genevoise. C'est bien la preuve, Monsieur Sauvin, que nous manquons de places de stationnement, car si les Genevois pouvaient trouver à proximité de leur domicile les mêmes prestations commerciales qu'en ville, ils ne s'éloigneraient pas. Et pour le bilan écologique cette façon de procéder n'est pas du tout satisfaisante.
Les juristes me diront tous qu'un article tel celui proposé par l'initiative n'a rien à faire dans la constitution, et Dieu sait si je partage leur opinion. Une constitution ne doit régler que les principes d'organisation de la société. Le reste doit prendre place dans la loi. Mais, en l'occurrence, il faudrait prendre conscience que nous sommes en plein combat idéologique et je dis cela à l'intention de mes amis de l'Entente qui, eux, sont des grands naïfs...
Voix de la gauche. Ah oui, c'est vrai! (Applaudissements.)
M. Michel Balestra. ...parce que, sur le fond, ils partagent mon analyse. Ils sont conscients du manque de places de stationnement pour les commerçants tout déclarant: «Mais, Monsieur Balestra, cette disposition n'a rien à faire dans la constitution». Comme cela se répète très souvent -- et là je vous prie de m'écouter attentivement -- j'ai trouvé dans la constitution une disposition bien plus futile que celle que nous proposons. Par exemple, la consommation d'énergie par m2 chauffé par année. Cette considération est
tout de même moins importante qu'un principe de stationnement. Il y en a d'autres tout aussi futiles dans la constitution et je mets en réserve mes arguments. Chaque fois que l'on me rétorquera «constitution», je les citerai au fur et à mesure. Ainsi, le suspense sera entretenu et cela provoquera, comme on le dit dans les milieux de la psychologie, une discussion interactive.
L'organisation de la circulation est déterminante pour le commerce. Cela est si vrai qu'historiquement les villes commerçantes se sont construites autour des lieux de passage obligé. Si nous sommes incapables de préserver les avantages historiques que nous avait offerts le pont sur le Rhône, à l'époque, comme le disait si bien M. Menoud dans son rapport alors qu'il me parlait de la guerre des Gaules, nous serons condamnés à nous voir dépassés par d'autres cités qui, elles, feront de meilleures affaires.
Effectivement, on peut penser que c'est un choix politique intelligent que de vivre à un autre rythme, de squatter dans un appartement délabré, de s'acheter un vélo à trois vitesses et de passer la journée à pratiquer de la culture alternative. C'est un choix de vie, mais, personnellement, ce n'est pas celui que je souhaite à mon fils, à vos enfants ou alors, si je le leur souhaite, c'est pour une période d'un ou deux ans, dans une société riche. Ainsi, quand ils commenceront à sentir mauvais, ils pourront toujours aller se laver dans la villa de papa, à Collonge-Bellerive.
Je souhaite au contraire que Genève continue à être cette cité commerçante qui fonctionne, et je souhaite que la constitution permette d'atteindre cet objectif. C'est plus important que la consommation d'énergie par m2.
M. Claude Blanc (PDC). Permettez au grand naïf que je suis... (Rires, applaudissements des socialistes.) ...de s'étonner de la disproportion existant entre le but poursuivi et les moyens employés. Il va sans dire qu'une ville doit prévoir des places de stationnement à proximité de son centre si elle veut le dégager d'une circulation trop intense. C'est précisément ce qui nous manque. Sur ce point, je peux rejoindre l'idée défendue par cette initiative.
Quand j'étais gamin, Monsieur Balestra, je m'amusais à lancer des cailloux dans l'eau et je comptais les ronds. Il y en avait deux ou trois, puis tout s'effaçait. Votre initiative me fait songer à cette évanescence. Elle va causer quelques frémissements, puis on n'en parlera plus.
Objectivement, je ne vois pas comment le fait d'inscrire dans la constitution que l'Etat encourage la construction de parkings, que lui et les communes mettent à disposition des terrains sous une forme qui reste à déterminer -- la vôtre étant des plus imprécises -- puisse promouvoir la construction d'un seul parking. Je regrette que l'on utilise la constitution pour une démarche puérile. En la qualifiant ainsi, je suis gentil, parce que l'on pourrait utiliser un autre adjectif, mais comme je vous aime beaucoup, mes chers amis libéraux, je m'en tiens là. Ce qui me gêne le plus, étant donné qu'il s'agit d'une initiative et qu'elle est constitutionnelle, quel que soit le sort que lui réserve ce parlement, il va falloir la faire voter par le peule. Ensuite, il ne se passera rien parce qu'il ne peut rien se passer. C'est vraiment abuser le peuple et cela me dérange profondément.
Une voix. Comme la traversée de la rade....
M. Claude Blanc. Non, car je suis convaincu que nous construirons la traversée de la rade. Nous avons tous les éléments pour ce faire.
Mais en l'occurrence, il n'y a absolument rien dans cet article constitutionnel qui ne génère un seul parking supplémentaire. C'est pourquoi je voterai contre avec mon groupe, mais je serais encore plus satisfait si nos amis libéraux prenaient conscience du ridicule de la situation et évitaient que le peuple se prononce sur une chimère.
M. Hervé Dessimoz (R). En tant que membre du «club des naïfs», je voudrais dire que les radicaux restent des idéalistes qui relèvent le caractère dangereux d'une initiative aussi spécifique.
Si, le 26 janvier 1989, au moment du dépôt de l'IN 23, le problème des parkings pouvait être traité d'une manière aussi caricaturale que celle évoquée par M. Blanc, c'est parce que la situation était défendable, voire compréhensible. Depuis 1989, un travail important a été réalisé en matière de transports et de circulation à Genève. Il y a eu la loi sur les transports publics, une étude toujours en cours, extrêmement importante, la loi sur la circulation routière, la loi sur les parkings, et je trouve dommage que l'on maintienne cette initiative au lieu de la retirer ou de demander son intégration dans le débat sur les deux lois que je viens d'évoquer.
Nous respectons naïvement le droit des initiants. En revanche, en tant que radicaux, nous pensons qu'il eût été préférable de retirer cette initiative et de l'intégrer dans les deux débats en cours à la commission des transports.
M. Nicolas Brunschwig (L). Rassurez-vous, Monsieur Lachat, cette initiative, je ne vais pas encore la retirer. (Vives protestations de l'assemblée.) J'attendrai d'être convaincu, mais je ne suis pas sûr que ce sera aujourd'hui.
Cette initiative a toute sa raison d'être. Le rapport de la minorité expose clairement les motifs de son bien-fondé, notamment à la page 37. Je rappelle que d'autres principes, qui avaient sans doute beaucoup de défauts aux yeux de M. Blanc, ont pris place dans la constitution.
Ce qui nous semble essentiel, c'est que la population puisse se prononcer par rapport à un axe prioritaire et important qui suscite, au niveau de ce Grand Conseil, des sentiments très divers.
Nous soutenons évidemment cette initiative et nous nous réjouissons de voir bientôt la population s'exprimer à son égard.
M. Michel Balestra (L), rapporteur. Cette disposition constitutionnelle est nécessaire pour que l'on intègre la volonté politique de la population en matière de circulation dans la constitution.
Je suis convaincu que le signe politique de la population qui votera sur le principe de la construction de parkings et de la mise à disposition du domaine public en droit de superficie à des promoteurs voulant construire ces parkings sera suffisamment clair pour changer complètement la manière de voir des autorités en matière d'autorisations de parkings.
Je vous ai promis de citer un des grands travaux empêchés et une disposition de la constitution. Tout à l'heure, j'ai cité le centre de Balexert, mais nous avons également tout le centre de la rue d'Italie où la construction de parkings, prévue par l'entreprise de M. Claude Hauser, a été empêchée. Le
centre de distribution, pour des raisons de parkings et de surfaces commerciales, ne sera pas réalisé dans l'immédiat. C'est regrettable parce qu'un grand nombre de postes de travail aurait pu être créé. Maintenant, je cite la deuxième phrase de la constitution, qui est bien moins importante que la nôtre. Elle dit que «l'isolation thermique et l'optimalisation des installations de chauffage, de préparation d'eau chaude, de ventilation, et tous les bâtiments de la récupération de la chaleur». Voilà! Ce n'est pas très facile à comprendre, mais c'est comme ça!
M. Jean-Luc Richardet (S). Les affirmations du groupe libéral font croire que si l'initiative était acceptée par le peuple et que si cette volonté était appliquée à la lettre par les autorités, on pourrait démultiplier le nombre des parkings en ville.
Vous menez le peuple en bateau! Pas plus tard qu'hier, nous avons eu une discussion au sujet du parking de l'Alhambra. Or, vous le savez, les «ingrédients» pour la construction d'un parking sont soumis à un certain nombre de règles et de codifications, dont certaines nous échappent parce que relevant du droit fédéral, et il n'est pas possible de violer le droit fédéral.
Au cours de discussions récemment tenues dans ce parlement sur les parkings de Saint-Antoine et de l'Alhambra, nous avons débattu de leur effet cumulatif. J'ai en mémoire la controverse que nous avons eue tant en commission qu'ici même sur la concession du parking de l'Alhambra. La minorité de ce Grand Conseil avait exprimé le désir de pouvoir lier l'impact de ces deux parkings dans le cadre de la délibération concernant le projet de loi de Saint-Antoine. Vous nous aviez dit, la main sur le coeur, que c'était inutile, parce que cela allait de soi. Je m'en souviens très bien et il suffit de se référer au Mémorial pour s'en convaincre.
Dans le cas d'espèce, en proposant cette initiative vous allez faire miroiter au peuple que l'on pourra démultiplier les parkings, quand bien même ils seront soumis aux ordonnances fédérales, impliquant des études d'impact cumulatives. Dès lors, l'on ne pourra pas construire ces parkings. Votre initiative est un leurre.
Je terminerai en reprenant le cas de la rue d'Italie évoqué par le rapporteur de la minorité pour affirmer qu'il est impossible de créer un parking sous les immeubles concernés, ceux-ci étant mis à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés. Dès lors, ils sont soumis à la loi sur la protection du patrimoine et ne peuvent pas être démolis. Alors, ne faites pas croire au corps électoral que l'on pourra construire des parkings sous des immeubles qui ont une valeur patrimoniale, faute de quoi il faudra modifier la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites.
Nous sommes en année électorale. Le parti libéral n'a pas eu la sagesse, contrairement à la majorité du Grand Conseil, de se rendre à l'évidence que l'initiative n'est pas réaliste en tant que telle. Elle appartient à la catégorie des fossiles, des idées surannées, des dinosaures, reptiles qui ont subsisté malgré leur inéquation, mais l'Histoire nous donnera raison. Vous verrez, un jour ou l'autre, qu'il n'est matériellement pas possible de réaliser partout des parkings dans le cadre d'une politique globale des transports définie et acceptée par ce Grand Conseil.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Au terme de ce débat, je voudrais, au nom du Conseil d'Etat, émettre quelques considérations sur trois thèmes: la politique du parcage, le coût de la mobilité et le bon usage des droits populaires.
Le débat l'a très bien montré: dût-elle être approuvée cette initiative n'amènerait pas une place de parc supplémentaire. Mais tel n'était peut-être au fond pas son but. Car son registre n'est pas dans l'ordre de la réalité et de sa transformation, Monsieur Brunschwig, il est dans l'ordre du symbolique, de l'exutoire, pour ne pas dire du fétiche.
En tant que tel, son effet cathartique a, en quelque sorte, été épuisé par la récolte des signatures et leur dépôt. C'est sans doute ce qui explique le peu d'enthousiasme qu'ont mis ensuite ses promoteurs à l'accompagner au travers de la procédure parlementaire, comme aussi le scepticisme perplexe de tous les autres partis.
C'est que la politique du parcage est trop sérieuse pour la laisser aux agitateurs de gris-gris, car c'est le point d'articulation des différents volets d'une politique de mobilité durable, fondée sur une complémentarité véritable des modes de déplacement qui n'a rien à voir avec cet avatar du renard dans le poulailler que représente le prétendu droit du plus fort à rouler sans frein, au mépris d'autrui.
Comme conseiller d'Etat chargé du département de justice et police, et à ce titre en charge de la politique des transports, comme président de la Fondation des parkings qui organise, construit et gère ce secteur pour le compte des pouvoirs publics, c'est sans complexe que je peux vous présenter le bilan du Conseil d'Etat dans ce domaine, en rappelant en préambule, et vous me rendrez cette justice, que c'est mon engagement personnel qui a permis le démarrage de la construction du parking de Saint-Antoine.
Vos prédécesseurs nous avaient légué une législation conçue peu à peu, au cours des années 60 à 80, pour accompagner le boom de la voiture qui, progressivement, engorgeait nos rues. Il fallait éviter le blocage. Ils ont recouru à un remède de cheval: interdire la construction de tout parking public à l'intérieur de la petite ceinture. Cela nous a valu, vous vous en souviendrez, des batailles homériques. Mais nous avons pu nous mettre d'accord, lors de la législature précédente, sur une disposition plus nuancée, moins carrée, qui prend en compte la diversité des facteurs pour s'appliquer partout plutôt que de dresser des limites artificielles, «vérité en deçà, erreur au-delà».
L'un des éléments de cette évolution est la prise de conscience de la diversité des besoins et des utilisations qui appellent une réponse diversifiée. S'il fallait empêcher la construction de tout parking au centre, c'était parce que nous n'étions pas en mesure de maîtriser la conjonction de tous les flux -- visiteurs, pendulaires, transit -- c'est-à-dire de détourner le transit, transférer les pendulaires sur les transports publics et le vélo pour retrouver de la place pour les visiteurs. C'est tout l'esprit de la conception des transports inscrite dans le plan de mesures adopté par le Conseil d'Etat en mars 1991 et mis en musique par «Circulation 2000». C'est cette conception, grâce à l'importante réduction du trafic qu'elle postule, qui rend pour la première fois réaliste la perspective d'un nouveau parking visiteurs au centre-ville. A l'inverse, un régime de laisser-faire se heurterait fort heureusement à la législation fédérale sur la protection de l'environnement. Voyez Fribourg, Monsieur Koechlin, où un parking sous la gare a été sèchement recalé par le Tribunal fédéral.
De la même manière, nous avons pris conscience qu'il est tout à fait faux de croire qu'une place est une place et que seul le nombre absolu importe, car une place occupée durant huit heures par un seul véhicule empêche le parcage de quatre ou cinq visiteurs tout le long de la journée. Ce ne sont pas les
initiants, mais bien le Conseil d'Etat, mon département, la Fondation des parkings qui conduisent avec succès la politique de valorisation du potentiel des places existantes. Cette politique est, soit dit en passant, bien moins coûteuse que la fuite en avant vers la construction de places nouvelles, l'appel à l'Etat-providence et l'inscription d'une nouvelle charge dans la constitution qui me paraissent une bien curieuse application des conceptions de Friedrich von Hayek, Adam Smith et autres gourous de M. Balestra.
Cela m'amène directement à la question du coût de la mobilité. Je ne comprends pas que cela gêne nos champions de l'économie de marché et de la vérité des coûts qu'elle puisse aussi s'appliquer à l'unique objet de leur sollicitude: la voiture. Et de même qu'ils préfèrent enfoncer des portes ouvertes avec un article constitutionnel purement déclamatoire, au lieu de se confronter à la réalité des choses, forcément complexe et nuancée, ils ont préféré battre en retraite lorsque l'examen en commission d'un contreprojet a fait ressortir que le parcage coûte de l'argent à la collectivité. Le parking gratuit, Mesdames et Messieurs les libéraux, est une subvention de la voiture aux frais du contribuable qui viole tous les principes de transparence comptable. Ceux qui la revendiquent sont pourtant ceux qui viennent volontiers donner des leçons d'orthodoxie financière et dénoncer des subventions -- par exemple celles aux transports publics -- qui, elles, sont parfaitement transparentes.
L'avenir, j'en suis convaincu, c'est la vérité des coûts de la mobilité -- transports publics comme transports individuels -- qui est indispensable pour mieux protéger l'environnement. Il s'agit de responsabiliser l'utilisateur afin que le coût écologique du déplacement soit le moindre possible. Cela suppose ce que l'on appelle, en jargon technique, l'internalisation des coûts externes, soit la mise à la charge du bénéficiaire -- autrement dit celui qui se déplace en fonction des caractéristiques du mode qu'il utilise -- des dépenses générées qui sont actuellement reportées sur d'autres. C'est une autre illusion de l'initiative «10 000 parkings» de faire croire que l'on peut raser gratis.
J'en viens à mon dernier volet, le bon usage des droits populaires, pour relever que grâce à la révision de la constitution que vous avez votée sur proposition du Conseil d'Etat et que le peuple a massivement approuvée, une initiative comme celle-ci ne pourra plus jouer désormais les mines dormantes, déposée avant une campagne électorale puis ressortie juste avant la suivante
pour tenter de donner la virginité de l'oppositionnel au plus grand parti du canton. Ce dernier en fait des tonnes pour chercher, assez curieusement, à se désolidariser d'un bilan qui n'est pas rose, mais dont il est l'un des principaux partenaires.
Avec la nouvelle procédure, le débat de préconsultation se déroulera trois mois après la validation des signatures sur la base d'un premier rapport dans lequel le Conseil d'Etat «se jettera à l'eau». Six mois plus tard, la commission législative rapportera sur la recevabilité et le Grand Conseil statuera. Pour cette initiative, ce sont onze mois qui se sont écoulés. Puis, la commission chargée du fond rapportera, au plus tard dix-huit mois après la validation, sans laisser aux initiants la possibilité d'atermoyer. Pour cette initiative, trois ans se sont écoulés entre la décision sur la recevabilité et le débat d'aujourd'hui.
Evidemment, Monsieur Balestra, c'est une procédure qui postule que les initiants aient véritablement quelque chose à dire. C'est d'ailleurs pour cela que les droits populaires se justifient. Si cela peut nous débarrasser des initiatives gadgets et faire-valoir, je crois que la démocratie aura progressé à Genève. (Applaudissements.)
M. Michel Balestra (L), rapporteur. Effectivement, en commission des transports le groupe libéral avait décidé de demander au département de justice et police de présenter un contreprojet acceptable pour cette initiative. Ce contreprojet a été pour nous l'épreuve de vérité. Le président Ziegler et ses services l'ont rédigé et nous l'ont présenté, il semblait convenir de prime abord, et nous l'avons fait étudier par quelques avocats de nos milieux -- comme vous vous plaisez à le dire -- et ces derniers nous l'ont dépeint comme l'instrument d'une politique volontariste et restrictive du parking à Genève. Ils ont ajouté que si nous acceptions un contreprojet pareil, ce serait la fin de la liberté du choix du mode de transport.
Très vite, nous avons compris que le président Ziegler est bien plus malin que les libéraux qui, tout d'un bloc, disent toujours la même chose depuis 1989 jusqu'à 1993, contrairement à ce que vous prétendez, à savoir que nous sortons cette initiative comme un lapin d'un chapeau. Mais nous avons le mérite de la continuité dans nos idées et de la franchise. Quand je
cite Friedrich von Hayek, prix Nobel d'économie c'est pour orienter le président Ziegler dans l'attente de son prix Nobel d'économie à lui. D'autres, dans cette enceinte, ont cité des personnalités comme Karl Marx qui, elles, n'auront jamais le prix Nobel, Dieu merci!
Toujours est-il que dans cette commission des transports, je me suis rendu compte qu'en fait nous ne parlions pas la même langue. On nous assure vouloir organiser la circulation et faciliter l'accès au centre-ville. Pour une partie de ce Grand Conseil, améliorer cet accès c'est sortir tous ceux qui n'ont rien à y faire. Le problème c'est de déterminer qui n'a rien à faire au centre-ville quand il s'y rend? C'est là toute la question. Pour certains, ce sont ceux qui ne touchent plus leur voiture pendant huit heures. Une personne qui prend sa voiture, qui la laisse six heures pour aller travailler, puis qui amène sa fille à sa leçon de piano, va chercher du matériel au Grand Passage, n'a-t-elle rien à faire en ville? Si elle n'a rien à y faire c'est parce que les autorités politiques ont décidé qu'elle utiliserait un vélo ou un bus!
Ce n'est pas ainsi que nous libéraux concevons la liberté et la complémentarité des transports. C'est pourquoi nous avons maintenu cette initiative que nous étions prêts à retirer, car elle n'est pas électoraliste, contrairement à ce que l'on dit. Et nous la maintiendrons pour que les citoyens de Genève puissent s'exprimer...
Des voix. Oohh!!
M. Michel Balestra. ...ce d'autant plus que le président Ziegler a soutenu une autre initiative qui, elle, a inscrit dans la constitution: «...dans le secteur des transports en favorisant les déplacements en transports publics, à vélo et à pied, notamment sur le plan des investissements et des équipements.» Les exemples ne manquent pas et je vous avais promis que j'en citerais un chaque fois que l'argument de la constitution serait avancé. Ce projet que vous avez soutenu, Monsieur le président, était beaucoup moins bon que le nôtre. Alors, pour les leçons de ce qui doit figurer ou non dans la constitution, Monsieur Ziegler... De toute façon, nous serons battus pour le préavis du Grand Conseil, mais je suis convaincu que les Genevois nous donneront raison et nous reviendrons ici avec une disposition constitutionnelle solide. Nous vous la sortirons chaque fois que nous rédigerons un projet de loi en commission des transports. A bientôt!
M. René Koechlin (L). Cette initiative n'est pas électoraliste pour la bonne raison qu'il ne dépendait pas de nous que le Grand Conseil attende la veille d'élections pour la traiter.
M. Ziegler a parlé d'une initiative fétiche et déclamatoire. Il brandissait le spectre de l'automobile sans frein. Je vous fais remarquer, Monsieur, que dans un parking les automobiles ont un frein et que ce frein est serré. D'autres, MM. Richardet et Blanc, parlent de l'initiative de l'impossible, disant qu'elle ne provoquera la création d'aucune place de parking supplémentaire.
Je vous fais remarquer qu'il n'y a pas longtemps, ce même Grand Conseil a voté dans l'enthousiasme général et sur l'initiative de milieux qui vous sont proches, Monsieur Ziegler, une initiative intitulée «3 000 HBM». Nous l'avons votée sans nullement craindre d'être naïfs, mais en sachant toutefois qu'il y avait des chances qu'aucune HBM de plus ne se construirait à la suite de cette initiative.
Vous n'ignorez pas non plus la controverse à propos des parkings. Les uns prétendent qu'ils accroissent le trafic et les autres, au contraire, disent qu'ils le réduisent. Je rejoins M. Ziegler: on ne peut répondre à cette controverse qu'en traitant la question des parkings dans le détail et en définissant quelle est leur affectation. Je crois que là, nous sommes tous d'accord.
Mais cette initiative défend un principe et demande un appui populaire à ce dernier. Maintenant, que ce principe donne la jaunisse aux «anti-voiture» ne surprend personne; mais toujours est-il que nous le soutenons et que nous voudrions le soumettre au souverain.
M. Pierre-Alain Champod (S). J'ai lu avec attention les rapports de majorité et de minorité. Le rapport de minorité de M. Balestra ne m'a pas vraiment surpris. Il s'inscrit bien dans la nouvelle tendance du parti libéral, celle qui consiste à se profiler comme le défenseur inconditionnel de la voiture. Ce parti, il y a quelques années encore, comportait des humanistes. Mais, dans une dérive populiste, ils ont petit à petit été remplacés par des affairistes, et aujourd'hui, par des populistes! (Rires. M. Balestra se lève et va déposer le Larousse sur le pupitre de l'orateur.)
Lorsque l'on parle de questions sociales, vous êtes les premiers, Mesdames et Messieurs les libéraux, à dire qu'en temps de crise il faut faire des choix. Mais, lorsqu'on parle de la voiture, ces principes sont oubliés. Peut-être pensez-vous que la défense de la voiture est la priorité numéro un de ce canton. (Ronchonnements.)
Est-ce raisonnable de vouloir pour chaque automobiliste: une place de parc à son domicile, une sur son lieu de travail et une encore lorsqu'il se rend en ville pour faire des courses? A l'heure où l'argent privé et public se raréfie, nous pensons qu'il faut fixer de vraies priorités. Or, pouvoir garer sa voiture n'est pas la priorité numéro un d'un canton qui compte quinze mille chômeurs. En tout cas pas pour nous au parti socialiste.
On peut se réjouir qu'il se soit trouvé une majorité dans la commission pour rejeter cette initiative qui, comme le dit très bien le rapport de majorité du député Sauvin, enfonce des portes ouvertes. En effet, on a déjà créé plus de places de stationnement que les 10 000 que vous réclamez depuis le dépôt de l'initiative.
Le groupe socialiste a été convaincu par les arguments élaborés et chiffrés contenus dans le rapport de majorité. Nous voterons contre cette initiative dont les aspects électoralistes et démagogiques ne nous ont pas échappé.
A la veille des élections de 1989, le parti libéral a déposé en même temps le bonus-loyer et ses initiatives. (Protestations des libéraux.) Nous savons ce qu'il est advenu du bonus-loyer et nous espérons beaucoup que cette initiative du bonus-voiture subira le même sort. Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les conclusions du rapport de majorité, et à donner un préavis négatif à cette initiative, à moins que nos amis les libéraux, dans un sursaut de lucidité, retirent leur initiative.
M. Nicolas Brunschwig (L). C'est avec regret que je me vois dans l'obligation d'intervenir car les propos qui ont été tenus par les magistrats ou députés du parti socialiste sont choquants. Tout d'abord, traiter le parti libéral d'un parti d'affairistes est tout à fait désolant et fait preuve surtout de la méconnaissance que vous avez de notre parti; mais, c'est bien légitime de la part d'un socialiste.
J'aimerais répondre à M. Ziegler sur quelques points. Il nous dit qu'il faut intégrer les coûts externes. Il est vrai qu'à l'avenir nous devrons tenir en plus grande considération certaines théories et éléments. Mais je voudrais dire à
M. Ziegler, alors qu'il est lui-même président du Conseil d'administration des TPG, que les quelque 230 millions qu'a coûté le Bachet-de-Pesay ne sont toujours pas intégrés et ne le seront peut-être jamais. En effet, on rechigne à les intégrer dans les comptes des TPG. Mais, par contre, on nous parle de transparence des coûts pour les transports privés. Pensez déjà aux coûts internes, Monsieur Ziegler, ensuite nous verrons ce que nous pouvons faire.
On fait constamment référence aux ordonnances fédérales, entre autres à celles de l'OPair qui est la principale ordonnance concernant la problématique de la pollution. Mais un élément est toujours absent de nos discussions, c'est celui concernant la diminution de la pollution en ville. Nous n'en parlons jamais.
La presse nous informe quotidiennement des niveaux de pollution à Genève et nous pouvons tous constater avec objectivité qu'ils ont baissé de manière significative ou même impressionnante avec le développement des catalyseurs de voitures et de l'essence sans plomb. Nous pouvons constater entre autres qu'hier la cote se trouvait entre 41 et 56 Mg par m3 alors que la limite quotidienne est de 80 Mg.
Or, nous avons l'impression que ces éléments ne changent en rien votre appréciation politique. Dès lors, une fois de plus nous voyons que ce ne sont pas des éléments objectifs qui dictent votre politique, mais plutôt un dogme ou la simple recherche d'un certain «clientélisme». Nous pouvons le comprendre, car parmi vos trois sources préférées d'électeurs se trouvent: les fonctionnaires, les locataires et les usagers des pistes cyclables. Il ne reste peut-être que ces derniers pour croire encore en vos mérites. (Rires sur les bancs de la gauche.)
M. Michel Balestra (L), rapporteur. J'interviens brièvement pour ne pas laisser dire de mensonges comme ceux que l'on vient d'entendre dans la bouche de M. Champod.
La première des choses est que le projet de loi du bonus-loyer était excellent, (Mécontentements sur les bancs de la gauche.) car défendant une disposition tout à fait juste pour les locataires; celle qui leur permettrait de déduire le prix de leur loyer en l'inscrivant sur leur déclaration fiscale de la même manière que les propriétaires peuvent déduire leurs charges d'intérêts. Elle prévoyait aussi un deuxième volet sous forme d'aide personnalisée. Ce deuxième volet a été réalisé par la nouvelle loi sur la surtaxe HLM.
Les libéraux qui sont des gens responsables et raisonnables vu les conditions financières de l'Etat n'ont pas maintenu leur projet de loi. Ils ont eu tort. Ils auraient mieux fait de venir ici pour se faire battre comme ils vont se faire battre aujourd'hui en matière de circulation. Ainsi, ils auraient pu vous répondre: «Voyez, nous l'avons déposé, mais vous n'en avez pas voulu».
Si vous ne croyez pas au bonus-loyer, nous serons obligés de déposer une initiative populaire et nous verrons si, réellement, ce principe intéresse la population.
Mais c'est un autre problème. Revenons à nos moutons. Je vais vous montrer à quel point vous êtes à la limite de l'interprétation en ce qui concerne notre disposition constitutionnelle. Elle stipule, dans son article 160 B, alinéa 1: «l'Etat encourage la construction de places de stationnement pour véhicules automobiles». C'est clair et c'est permanent. L'Etat encourage la construction de places de stationnement pour les véhicules automobiles.
Au point 2, il est dit: «l'Etat et les communes mettent leur domaine public à disposition sous forme de droit de superficie pour la construction des places de stationnement». On ne dit pas: «subventionnent les places de stationnement», mais: «mettent à disposition le domaine public» et, comme en général les parkings sont souterrains, l'Etat gardera la jouissance de la surface.
M. Alain Rouiller. Il est gratuit pendant 90 ans!
M. Michel Balestra. Mais non, il n'est pas gratuit. Depuis quand un droit de superficie est-il gratuit, Monsieur Rouiller? Depuis quand? Dites-moi! Il n'est pas gratuit du tout. Le bénéficiaire paie une redevance. Vous ne savez pas ce qu'est un droit de superficie? (Contestations.) Mais, s'il vous plaît! Quant à la disposition transitoire, elle dit: «10 000 places de stationnement supplémentaires au moins doivent être construites dans les cinq ans suivant l'acceptation de l'article 160 B». C'est-à-dire que, dès le vote de cette initiative, les Genevois pourront bénéficier de la construction rapide et immédiate de 10 000 places de plus.
M. Bernard Annen (L). Il me semble qu'il est temps de voter, et pour ce faire, je vous propose l'appel nominal. (Appuyé.)
La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent cette initiative répondront oui, celles et ceux qui la rejettent répondront non.
L'initiative est rejetée par 45 non contre 26 oui et 17 abstentions.
Ont voté non (45):
Jacques Andrié (HP)
Jacques Boesch (T)
Liselotte Born (S)
Charles Bosson (R)
Hélène Braun-Roth (DC)
Fabienne Bugnon (E)
Pierre-Alain Champod (S)
Jacqueline Damien (S)
Hervé Dessimoz (R)
Daniel Ducommun (R)
Henri Duvillard (DC)
Bénédict Fontanet (DC)
Jean-Claude Genecand (DC)
Alberto Genini (T)
Maurice Giromini (R)
Liliane Johner (T)
Michel Jörimann (S)
Philippe Joye (DC)
Sylvia Leuenberger (E)
Bernard Lusti (R)
Christiane Magnenat Schellack (S)
François-Régis Mahrer (E)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)
Denis Menoud (E)
Pierre Meyll (T)
Chaïm Nissim (E)
Vesca Olsommer (E)
Gérard Ramseyer (R)
Catherine Rapp-Jotterand (E)
David Revaclier (R)
Jean-Luc Richardet (S)
Jean-Pierre Rigotti (T)
Martine Roset (DC)
Alain Rouiller (S)
Françoise Saudan (R)
Alain Sauvin (S)
Irène Savoy (S)
Christine Sayegh (S)
Philippe Schaller (DC)
Jean Spielmann (T)
Erika Sutter-Pleines (S)
Jacques Torrent (R)
Michel Urben (S)
Monique Vali (DC)
Martine Wenker Coskun (S)
Ont voté oui (26):
Bernard Annen (L)
Raoul Baehler (MPG)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Nicolas Brunschwig (L)
Martine Brunschwig Graf (L)
Hervé Burdet (L)
Georges Cardinaux (L)
Anne Chevalley (L)
René Chuard (MPG)
Thierry Du Pasquier (L)
Jean-Luc Ducret (DC)
Catherine Fatio (L)
Henri Gougler (L)
Yvonne Humbert (L)
Michel Jacquet (L)
Jacqueline Jacquiard (MPG)
Hermann Jenni (MPG)
René Koechlin (L)
Claude Lacour (L)
Armand Lombard (L)
Béatrice Luscher (L)
Michèle Mascherpa (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Paul Passer (HP)
Florian Vetsch (R)
Etaient excusés à la séance (11):
Jeanine Bobillier (MPG)
Robert Cramer (E)
Erica Deuber-Pauli (T)
Bernard Erbeia (L)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Michel Rossetti (R)
Andreas Saurer (E)
Jacques-André Schneider (E)
Max Schneider (E)
Alain Vaissade (E)
Nicolas Von der Weid (L)
Etaient absents au moment du vote (17):
Robert Baud (S)
Roger Beer (R)
Claude Blanc (DC)
Jeannik Dami (S)
Andrée Dayer (DC)
Marlène Dupraz (T)
René Ecuyer (T)
Philippe Fontaine (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Georges Jost (MPG)
David Lachat (S)
Albert Maréchal (DC)
Jean Montessuit (DC)
Jean Opériol (DC)
Maria Roth-Bernasconi (S)
Claire Torracinta-Pache (S)
André Vial (MPG)
Présidence: Mme Micheline Calmy-Rey, présidente.
Cette motion est renvoyée à la commission judiciaire.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'aménagement.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'aménagement.
Premier débat
M. René Koechlin (L), rapporteur. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le document à examiner est le projet de loi 6932-A-I qui a été distribué en début de séance hier et que vous avez trouvé sur votre place.
M. Maurice Giromini (R). Permettez-moi de regretter que ce rapport soit trop succinct pour refléter fidèlement les travaux de la commission.
En effet, la question primordiale de l'utilité publique d'une extension à visées chirurgicales, et non pas obstétricales, de la clinique des Grangettes a été clairement posée par les opposants. Cette question a fait l'objet de discussions approfondies car nombre de commissaires se la posaient également.
Il est inutile de souligner que l'extension demandée par la clinique des Grangettes repose sur des motivations purement commerciales, même si ses administrateurs la présentent comme une nécessité au maintien des lits obstétricaux à des prix abordables pour la population.
Or, il ne nous paraît pas du tout évident que cette option repose sur une saine vision de la situation telle qu'elle se présente actuellement. Il n'est en effet pas certain qu'il y ait besoin de développer le secteur hospitalier chirurgical dans la période d'incertitude actuelle.
Personne ne sait quelles seront les répercussions de l'introduction de la nouvelle loi concernant l'assurance-maladie sur les cliniques privées. Les assureurs eux-mêmes sont incapables d'évaluer jusqu'où se poursuivra la chute très importante des contrats d'assurance complémentaires d'hospitalisation. Mais il suffit de discuter avec eux pour constater leur inquiétude.
Par ailleurs, l'introduction des nouvelles méthodes chirurgicales endoscopiques raccourcit considérablement les hospitalisations qui se limitent souvent à moins de 24 heures. Même M. Gobet, le nouveau directeur de l'hôpital cantonal, disait dans une récente interview, qu'il sera sans doute nécessaire de revoir toute la dotation en lits des différents services hospitaliers au vu de l'évolution actuelle.
Enfin, le développement des soins à domicile aura une répercussion sur les journées d'hospitalisation qu'il n'est pas possible de chiffrer. Tous ces éléments vont tendre à une nette diminution de la demande en lits d'hospitalisation en général, et tout particulièrement en lits chirurgicaux.
On peut donc légitimement s'étonner que les gestionnaires de la clinique des Grangettes se précipitent vers la création de lits chirurgicaux sans apparemment tenir compte de ces nouvelles données. On peut aussi se demander s'ils ne sont pas contraints à une fuite en avant consécutive à l'agrandissement récent de leur bloc opératoire. On peut encore se poser la question de savoir ce qu'il adviendrait si, par malheur, la clinique des Grangettes devait déposer son bilan à la suite d'une mauvaise option de développement.
Qui prendrait alors en charge les indispensables lits obstétricaux? L'Etat, comme à la suite de la faillite de la clinique de Collonges-Bellerive? Et si oui, avec quels moyens? Toutes ces questions devaient être posées, car sans cela la commission d'aménagement aurait fait preuve d'une singulière légèreté.
C'est pourquoi j'aurais souhaité que le rapport reflète réellement l'atmosphère qui a régné lors de ces travaux et ne donne pas la fausse impression d'un bâclage.
Pour en revenir au problème de fond, celui d'évaluer l'utilité publique de nouvelles structures médicales, force est de constater que nous sommes dans une impasse. En effet, les instruments techniques d'évaluation sont inexistants pour mettre en évidence une clause de besoin.
De plus, il n'y a aucun moyen législatif permettant d'intervenir, même dans les cas où, à l'évidence, une nouvelle installation n'est pas souhaitable pour les coûts de la santé. Je pense tout particulièrement à la prolifération des scanners et autres IRM.
En ce qui concerne les Grangettes, il est évident que le déclassement nécessité par l'agrandissement en pleine zone villas complète ne devrait être envisagé que si l'utilité publique de l'extension était prouvée. Cependant, comme je l'ai déjà dit, nous n'avons aucun moyen de démontrer cette utilité ni de nous opposer, le cas échéant, à la demande d'extension.
En désespoir de cause, la commission a accepté ce déclassement, mais avec la plus grande réticence pour un bon nombre de commissaires qui restent très sceptiques sur la réelle nécessité de l'agrandissement.
Il est clair qu'il en aurait été tout autrement si, comme nous l'avait laissé entendre M. Guy-Olivier Segond au cours de son audition, l'agrandissement avait été consacré uniquement à l'extension de la maternité.
Pour conclure, je voudrais faire remarquer que la situation se présente aujourd'hui différemment qu'au moment du vote de la commission. En effet, un élément nouveau est survenu. C'est l'envoi du projet de loi sur l'extension de l'hôpital des enfants auprès de la commission de la santé. Ce renvoi est survenu lors de la dernière séance de notre Grand Conseil et a été décidé sur la proposition de M. Schaller qui a estimé, à juste titre, que ce projet d'extension devait être examiné dans la globalité des besoins hospitaliers.
En effet, il n'est plus pensable que l'on continue à nous parler de la création de réseaux hospitaliers privés et publics sans qu'aucune étude d'impact et sans que le minimum de prospectives quant aux demandes futures ne soient disponibles. Je vous demande donc d'intégrer ce projet de loi dans la réflexion qui devra se faire à propos de la pédiatrie et de le renvoyer à la commission de la santé qui, cette fois, sera bien contrainte, pour rapporter, d'exiger que les instruments statistiques que nous réclamons depuis plus de trois ans lui soient enfin fournis.
En conclusion, je vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission de la santé.
M. Philippe Schaller (PDC). Une fois de plus, nous nous trouvons confrontés à la notion de santé publique, ce qui implique de notre part, politiques, une réflexion beaucoup plus large que celle proposée par ce projet de loi.
Le rapport mentionne la notion de clause de besoin. Cette notion qui est esquissée un peu rapidement dans le rapport pose un problème fondamental dans le cas qui nous occupe et pour les projets futurs en matière d'équipements médicaux; qu'ils soient d'origine privée ou publique.
Pourquoi la clause de besoin a-t-elle été invoquée? En raison de l'aberration de notre système actuel de santé qui est déresponsabilisant à tous les niveaux et qui mène de manière irrépressible à l'inflation médicale.
D'une part, par le manque de responsabilité du consommateur qui n'est pas le payeur et trouve naturel de privilégier les solutions les plus coûteuses. D'autre part, par le manque de responsabilité des médecins qui ont tout intérêt à la multiplicité des examens et des prescriptions. Et encore, par le manque de responsabilité des assurances, qui voient leurs frais généraux augmenter parallèlement aux frais globaux des primes.
Ce n'est plus supportable pour la collectivité. Que cela plaise ou non! On ne voit d'ailleurs pas pourquoi cela devrait plaire! Il nous faut introduire un minimum d'ordre et de rigueur. En matière de lits, il y aura probablement trop de lits sur notre canton, qu'ils soient publics ou privés. Cette situation va perdurer dans ce domaine. On constate, une fois de plus, un certain gaspillage et une inflation.
Mais je ne m'opposerai pas à ce projet de loi. Je voterai ce déclassement car il entre dans le cadre d'un financement privé. Les responsables doivent en prendre les risques mais, s'il y a risques, il doit y avoir une autre logique qui est celle de l'économie de marché.
Il faut que ce marché s'ouvre enfin à une véritable concurrence. Ainsi, les plus performants, les plus efficients travailleront. Les prix, on ose l'espérer, chuteront et le patient payeur de primes s'y retrouvera.
Cette concurrence, si elle s'inscrit dans des règles de santé publique strictes et contrôlées par le politique, stimulera également le secteur public.
Nous, en tant que politiques, ne devons nous préoccuper que d'une seule chose, à savoir l'accessibilité pour tous les citoyens à des soins de qualité à un prix acceptable pour la collectivité.
Il faut revoir tout le système. La clause de besoin ne changera pas la hausse des cotisations. Ce n'est pas en socialisant et en déresponsabilisant les acteurs en présence qu'on améliorera le système. C'est en faisant jouer les règles du marché et en responsabilisant les patients, les médecins, les assureurs et les directeurs d'hôpitaux que nous pourrons éviter ce pillage et cette dilapidation.
Cet argent est actuellement mal dépensé. Il n'a aucun caractère social ni moral. C'est donc le système qu'il faut revoir et non pas le déclassement de cette zone.
Mme Martine Roset (PDC). J'aimerais revenir sur le problème qui nous occupe dans le cadre de ce projet de loi. A savoir une modification de zone. Si vous lisez le rapport de M. Koechlin, il est bien précisé qu'à l'heure actuelle la zone sur laquelle se trouve cette clinique des Grangettes est déjà sous dérogation. C'est effectivement une zone villas en zone dérogatoire hospitalière.
En vous proposant de modifier cette zone, nous voulons mettre cet établissement en véritable zone hospitalière.
Je ne reviendrai pas sur le débat de «toubibs» -- je m'excuse du terme -- qui vient d'avoir lieu. Pour reprendre les termes utilisés par M. Giromini: «la clause de besoin», nous aurons plus tard à ce sujet un projet de loi émanant de divers partis, où la clause de besoin dans un autre secteur n'a pas fait toutes ses preuves, aux dires de ce qui va suivre.
Je vous recommande de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission de la santé car il en vient, et la commission de la santé a donné son préavis pour ce projet de loi.
Si je comprends votre raisonnement, Monsieur Giromini, le projet de loi concernant Versoix: le point 29 de l'ordre du jour, devrait être renvoyé à la commission de l'enseignement. Alors il est inutile de vous dire que, dans ce cas, la commission de l'aménagement n'a plus du tout son rôle à tenir.
Je vous invite à voter les conclusions de ce rapport, tel qu'il vous a été proposé par M. Koechlin.
M. Hermann Jenni (MPG). Lorsque ce projet est venu devant la commission de l'aménagement, j'ai eu la pénible impression, qui s'est malheureusement confirmée par la suite, de revivre une situation vécue dans ce Grand Conseil, où j'étais à peu près le seul à m'opposer à l'octroi d'une dérogation de hauteur à un hôtelier proche; et malheureusement trop proche de beaucoup d'entre nous, et qui pourtant, était un ami personnel.
Je me suis opposé à cette dérogation car je me disais: «Il ne suffit pas d'être bien en cour auprès d'une majorité de membres de ce Grand Conseil pour obtenir des dérogations».
La dérogation a été demandée avec certains prétextes et lorsqu'elle a été obtenue, contre mon avis -- je me suis d'ailleurs fait insulter copieusement -- eh bien, les prétextes en question n'ont pas servi, très peu de temps après le terrain a été revendu avec un bénéfice confortable. Si bien que bon nombre de députés chevronnés de l'époque sont venus vers moi me dire: «Eh bien, tu étais le seul à avoir raison».
J'ai la curieuse impression de revivre la même histoire. Ce déclassement est fait «ad personam», en quelque sorte, pour une société déterminée qui a bénéficié de dérogations pour s'agrandir et qui, aujourd'hui, ne pouvant décemment plus continuer à vivre sous le régime des dérogations pour agrandir son entreprise, demande le déclassement du terrain.
Il se trouve que dans les sphères dirigeantes de cette société gravitent des membres influents d'un parti politique représenté dans ce Grand Conseil. A telle enseigne qu'un précédent rapporteur nommé pour rapporter sur cette affaire a été soumis à des pressions inadmissibles, ce qui l'a fait renoncer à garder ce rapport.
Devant cette situation particulièrement ambiguë, je pense que le mieux que nous puissions faire est de suivre la suggestion de M. Giromini de renvoyer ce projet en commission de la santé pour voir si la clause de besoin est remplie. Si une telle décision n'est pas prise par ce Grand Conseil, nous voterons contre le déclassement demandé.
M. René Koechlin (L). Je constate d'abord que M. Giromini a été beaucoup plus loquace pendant cette séance plénière qu'en commission d'aménagement, alors qu'à propos de la clause de besoin il était chargé de rapporter sur les travaux de la commission de la santé à laquelle le projet a été soumis et à la suite des travaux de laquelle la commission d'aménagement a elle-même entamé les siens, pour finalement aboutir au rapport que nous vous présentons ce soir.
Il est vrai que, lorsque M. Giromini nous a présenté le rapport sur les travaux de la commission de la santé, les statistiques demandées sur la clause de besoin n'étaient pas disponibles. Existent-elles aujourd'hui? Je ne sais pas. Mais toujours est-il que ce qui a incité enfin la majorité de la commission d'aménagement à vous proposer de voter ce projet en ce qui concerne les raisons de la clause de besoin, c'est que, à l'évidence, les responsables de cette clinique n'élaborent pas un projet dans le vide. Et même si le motif est commercial, il existe probablement et ne va pas sans besoin.
A défaut, les lois du marché feraient échouer l'opération. Mais, comme l'a relevé Mme Roset, l'essentiel est de régulariser une situation dérogatoire en modifiant le régime de la zone en question. Dès lors, la clause de besoin n'est plus qu'un motif secondaire. Il concerne davantage le projet que la clinique a conçu et entend réaliser sur son terrain, lequel fera l'objet d'un plan localisé de quartier puisque nous déclassons en zone de développement. C'est à l'occasion de l'examen de ce plan que la clause de besoin pourra être reprise, évoquée et traitée avec tout le sérieux qu'elle mérite.
M. Maurice Giromini (R). Je voudrais rajouter quelques éléments à la suite des dernières interventions. D'abord pour vous rappeler que vous avez voté tout récemment une motion sur les coûts de la santé et sur une politique cohérente et économique de la santé. Cette motion 670, le Grand Conseil, à l'unanimité, l'a renvoyée au Conseil d'Etat. On y demande que les éventuelles nouvelles installations soient étudiées dans le sens du besoin et avec des études d'impact.
Il est vrai, Monsieur Koechlin, que la commission de la santé s'est déjà penchée sur ce sujet. Mais, comme je l'ai dit dans mon intervention -- je pense que vous avez mal écouté -- la commission de la santé n'avait absolument pas les moyens de juger de l'opportunité ou non de faire un établissement à base de lits chirurgicaux, puisque, comme je l'ai dit, nous ne disposons d'aucun moyen statistique et d'aucun outil permettant d'appréhender la situation telle qu'elle se présente actuellement.
D'autre part, je ne comprends pas très bien l'intervention de M. Schaller que je ne trouve pas tout à fait cohérente. Voici quinze jours, il a demandé, sur les arguments de la motion 670, que le projet de loi sur l'agrandissement de l'hôpital des enfants soit renvoyé à la commission de la santé pour qu'on puisse étudier ces besoins dans le cadre d'une globalité sur le plan cantonal et régional. Ensuite, il fait un discours différent en ce qui concerne la clinique des Grangettes. Pour ma part, je ne vois pas de différence entre un établissement public qui doit s'agrandir et un établissement privé.
Monsieur Koechlin, vous m'avez reproché de n'avoir pas suffisamment exprimé mon opinion en commission. Il faut que vous relisiez les procès-verbaux car je l'ai exprimée tout à fait à fond. Mais il est vrai que vous n'étiez pas présent aux séances pendant lesquelles j'ai parlé. On a tout de même eu quatre séances de commission. Il est vrai que sur ces quatre séances, vous étiez souvent absent. Eh bien, je crois que je vais m'arrêter là, car j'ai tout dit. Voilà!
M. Gérard Ramseyer (R). La commission de l'aménagement s'occupe d'aménagement. La commission de la santé s'occupe de santé. Le problème est que la commission de l'aménagement a discuté dans le cadre de ce projet de loi de la clause de besoin en matière médicale et qu'elle a reçu un préavis pour le moins flou de la part de la commission de la santé.
Je cite: «Il n'existe pas de statistique sur les besoins. Notamment en matière de lits chirurgicaux, la clause de besoin ne peut être invoquée». Cela revient à dire, en d'autres termes, que faute de pouvoir établir un diagnostic, il faut admettre que le malade est bien portant. Ce n'est pas trop sérieux. Sur le plan strict de la commission d'aménagement on peut admettre ce déclassement, et donc ce projet de loi. Mais il est vrai que sur le plan de la gestion globale du problème il y a vraiment des raisons de rester réservé.
Enfin, j'aimerais dire à titre personnel que les raisons qui ont présidé au retrait du précédent rapporteur sont inadmissibles. Cela étant, je soutiens le renvoi en commission présenté par le député Giromini.
M. Philippe Schaller (PDC). Je réponds rapidement à M. Giromini. Il s'agit d'un établissement privé, financé de manière privée, et
qui n'émarge pas au budget public. Je ne m'oppose donc pas à ce projet car c'est un risque privé. Mais comme il s'agit d'un financement privé en matière de santé, il faut que les règles de l'économie privée jouent. Malheureusement, dans notre système de santé, elles ne jouent pas. Le problème est là et c'est ce que j'ai défendu tout à l'heure.
M. René Koechlin (L), rapporteur. Je m'inscris en faux contre les déclarations de M. Giromini. Sur les quatre séances évoquées, au cours desquelles la commission a traité de ce projet de loi, j'ai assisté à trois séances et manqué une fois parce que la commission traitait le même jour un projet dans lequel j'étais impliqué, et donc qui m'obligeait à être absent. C'est tout.
Quant au reste, je demande à ce Grand Conseil de ne pas soutenir le renvoi en commission.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Nous avons eu une discussion et un renvoi en commission de la santé à propos de la clinique de pédiatrie. Cette discussion, quant au besoin, était nouvelle dans ce parlement.
La discussion qui a lieu ne remet pas en question le fait du déclassement de la zone. Le besoin est en question. Vous avez dit, Monsieur Koechlin, qu'on ferait l'étude d'un plan localisé de quartier et qu'à ce moment la clause de besoin serait étudiée.
Ce n'est pas à propos d'un plan localisé de quartier qu'on va se poser la question des besoins en lits chirurgicaux. Je pense que la commission de la santé est plus apte à faire ce travail. Nous nous associerons au renvoi de ce projet en commission de la santé car, comme l'a expliqué M. Schaller tout à l'heure, s'il s'agit bien d'un investissement privé, nous savons tous que le fonctionnement d'un tel établissement apparaît aussi dans les coûts généraux de la santé.
M. Maurice Giromini (R). Un tout petit mot concernant les fameuses lois du marché qui seraient différentes pour les établissements publics ou privés. Ce n'est pas exact dans le domaine de la santé. Lorsqu'un établissement public fonctionne mal, cela coûte au contribuable. Mais lorsqu'un établissement privé fonctionne mal, cela finit
aussi par coûter au contribuable sous la forme de primes d'assurance ou, dans le cas où l'établissement doit être repris par l'Etat, également par des hausses d'impôt.
En ce qui concerne les Grangettes, le point est extrêmement important. Les Grangettes font 45% des accouchements sur le canton de Genève.
Mme Hélène Braun-Roth. A plus forte raison!
M. Maurice Giromini. Mais laissez-moi finir, Madame! Alors, étant donné ce fait, cet établissement est absolument indispensable sur le plan de l'obstétrique à Genève. Donc, si on admet que pour des raisons économiques on essaie de faire un développement différent du développement obstétrical et qu'ensuite cela tourne mal, il est bien clair qu'on ne pourra pas se passer de ces lits d'obstétrique. Donc, dans ce cas, l'Etat devra reprendre l'établissement.
Dans ces conditions, il faut vraiment réfléchir à ce que l'on fait. Dans le cas particulier, je pense que le développement prévu n'est pas sage.
M. Hermann Jenni (MPG). J'ai oublié un détail, mais ce détail est de taille. (Exclamations diverses.) Non seulement ce déclassement qui nous est proposé est un déclassement sur mesure, concernant un seul propriétaire pour des raisons purement commerciales...
Une voix. Arrête!
M. Hermann Jenni. ... mais en plus, il rencontre l'opposition unanime de tous les voisins de la zone actuelle de villas, y compris un médecin travaillant dans cette clinique dont les intérêts sont quelque peu traités «par-dessous la jambe» dans cette affaire.
M. Jean Montessuit (PDC). Indiscutablement, quand on veut tuer son chien, il a tous les défauts. Alors, si réellement -- je viens d'apprendre l'événement -- un commissaire intéressé à cette opération était présent à la séance, c'est absolument maladroit et inopportun. Mais cela ne justifie pas de changer une décision sur le fond.
En l'occurrence, il s'agit d'un problème de déclassement de terrain. La clinique existe. Elle est indiscutablement destinée à fonctionner longtemps comme clinique car je ne conçois pas très bien la reconversion de ce bâtiment en bâtiment d'habitation.
C'est donc une régularisation avec une possibilité d'extension. Le problème est de savoir s'il faut une clause de besoin. Mais ce n'est pas au niveau de l'aménagement du territoire qu'il faut faire intervenir une telle clause. Je suis désolé, Mesdames et Messieurs, vous vous égarez en fonction de problèmes qui vous concernent directement, tant dans un sens que dans l'autre.
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Suite à certains propos, j'interviens pour apporter quelques clarifications. Du reste, M. Montessuit s'inquiète du débat qui a tendance à s'égarer.
Je voudrais d'abord dire, en réponse à M. Jenni, qu'il n'y a rien d'anormal du tout, bien au contraire, à ce qu'une modification de zone, ou plus précisément la création d'une zone, se fasse pour les besoins d'une entreprise ou d'un projet concernant un propriétaire précis.
M. Hermann Jenni. Ce n'est pas ...
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Vous me permettez, Monsieur, de terminer? Le problème, en matière d'aménagement du territoire, réside dans le fait que les constructions doivent être conformes à la zone dans laquelle elles se trouvent. Il ne s'agit donc pas ici de faire un déclassement au profit d'un particulier. (Contestation de M. Jenni.)
Ecoutez, Monsieur Jenni, suivant l'ordre du jour de cette séance, vous avez voté tout à l'heure un projet de loi visant à créer une zone pour un équipement scolaire privé à Versoix. Un autre projet concerne la création d'une zone pour un équipement sportif à Collonge-Bellerive. Un troisième enfin sollicite l'aménagement d'une zone pour un immeuble pour personnes âgées à Collonge-Bellerive. Donc, en tant que tel, il n'y a rien de critiquable.
Le problème est un tout petit peu plus délicat lorsque la présence d'une clinique, qui est en fait une activité, doit se trouver dans une zone à degré de sensibilité 2. Cela peut susciter des nuisances dans un quartier résidentiel par le va-et-vient des voitures ou éventuellement des ambulances au milieu de la nuit, notamment.
Dès lors, on peut estimer qu'en matière d'aménagement du territoire, celui qui souhaite une modification de zone pour une extension de ses activités doit justifier d'un besoin. En effet, au sens de la loi sur la santé -- M. Segond le précisera certainement tout à l'heure -- la clause de besoin n'existe pas actuellement. Mais il est vrai qu'en matière d'aménagement du territoire, si l'on crée une nouvelle zone pouvant être de nature à gêner le voisinage, il conviendrait d'établir le besoin réel la justifiant.
M. Montessuit a raison de dire qu'il s'agit d'une adaptation à la situation de fait. Mais je ne suis pas convaincu que l'on ait présenté un plan de zone d'une si petite surface au milieu d'un quartier très résidentiel au profit de la clinique des Grangettes simplement pour faire un toilettage de la zone.
Soyons francs! Il est vrai que le département des travaux publics a autorisé ces dernières années quelques modestes extensions de la clinique des Grangettes sans exiger la création d'une zone appropriée. Mais nous l'avons prévenue que le jour où il y aurait une extension importante, il faudrait en créer une.
Qu'on s'entende bien. La création de la zone en question est motivée par un projet d'extension; autrement on n'aurait pas saisi votre Grand Conseil d'un projet de création de zone. Je le dis d'autant plus volontiers que, parallèlement à la mise à l'enquête publique du plan de zone, le département a mis à l'enquête publique un projet de plan localisé de quartier qui porte précisément sur cette extension, afin que le voisinage puisse savoir quelle sera la conséquence de la modification de zone. Vous savez que nous nous efforçons de mener simultanément ces deux procédures dans les endroits sensibles car c'est le meilleur moyen d'informer la population.
En l'espèce, s'il faut estimer qu'un besoin doit être justifié, c'est bien entendu en matière d'aménagement du territoire. Mais il est vrai aussi que la commission de la santé est la mieux placée pour apprécier si ce besoin est réel ou non. A vous de savoir si vous estimez que le préavis rendu par la commission de la santé est suffisant. Cette question n'est pas sans intérêt dans la mesure où, comme M. Jenni l'a souligné, il y a un certain nombre
d'opposants dans le quartier, ce qui n'est d'ailleurs pas pour m'effrayer puisqu'à un moment donné on procède à une balance des intérêts en présence.
Si on estime que l'intérêt général l'emporte sur l'intérêt particulier des voisins, il faut voter la zone. Mais il est important de procéder à cette balance pour voir si, véritablement, l'intérêt général l'emporte. Dans ce cas il en va de l'intérêt de tous de procéder ainsi, car lorsqu'il y a des opposants, comme c'est le cas en l'espèce, qui sont représentés par deux ou trois avocats, dont certains ont une longue expérience de ce genre de procédure -- mon petit doigt me dit qu'il n'est pas exclu que des recours soient interjetés auprès du Tribunal fédéral -- il faut, dans cette hypothèse, que l'intérêt général soit bien justifié. C'est donc à vous d'apprécier, selon l'état du dossier, si tel est le cas ou non.
M. Philippe Fontaine (R). Je ne suis pas étonné d'un tel débat. Nous sommes empruntés pour choisir la bonne solution. Je me souviens des dernières législatures où nous avions demandé à M. Vernet, alors chef du département de la prévoyance sociale et de la santé publique, de se mettre au travail pour nous fournir un outil propre à estimer les véritables besoins de notre canton en la matière. Vous vous souvenez que pour l'affaire de Diogène des promesses ont été faites; et nous le savons aujourd'hui, elles n'ont pas été tenues.
Voilà aujourd'hui le résultat d'un département mal géré: nous sommes dans le pétrin. Oui, Monsieur, en quatre ans beaucoup de choses changent, et surtout dans ce département. Mais, pour mettre au point un tel outil, il faut du temps, et M. Segond y travaille.
Qu'allons-nous faire? Nous en avons déjà parlé dans la commission de la santé. M. Giromini souhaite que ce dossier y retourne. Je veux bien, mais en vérité, je crains que cela ne serve à rien.
Dès lors, que faut-il faire? La majorité décidera. Je m'abstiendrai. Or, si je m'abstiens, c'est par discipline de groupe et par sympathie pour mon collègue. Mais je comprends sa démarche. Elle démontre bien l'urgence de pouvoir enfin disposer d'un outil statistique qui nous permette à l'avenir de ne plus nous trouver dans de telles situations.
Nous nous rendons compte que les travaux d'un département peuvent en influencer un autre. En l'occurrence, nous n'avons pas d'autres moyens aujourd'hui pour essayer de faire évoluer ce dossier, à part celui de contester ce projet par la bande -- si j'ose dire.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Vous pouvez toujours renvoyer le dossier à la commission de la santé: vous ne serez pas beaucoup plus éclairés. M. Fontaine vient de le rappeler, l'appareil statistique sanitaire, en ce qui concerne le secteur privé, est extrêmement faible. Je doute qu'on puisse vous donner beaucoup plus de renseignements que ceux qui vous ont été fournis.
Aurait-on des statistiques plus précises que vous auriez un deuxième problème à régler: vous ne pouvez pas vous prononcer sur une clause de besoin en matière médicale car il n'existe pas aujourd'hui de clause de besoin en matière médicale.
Il ne faut pas confondre deux discussions: lorsque vous votez les crédits concernant des constructions hospitalières publiques, vous pouvez définir le nombre de lits, leur affectation, parce que l'Etat est propriétaire de ces équipements. Lorsqu'il s'agit de procéder à un déclassement de zone pour l'extension d'un établissement privé, non seulement nous n'avons pas toutes les statistiques souhaitables, mais les aurait-on que vous ne pourriez pas dire si cela répond ou non à un besoin. Vous ne pourriez pas l'interdire ou l'encourager au titre d'une clause de besoin: juridiquement cette possibilité n'existe pas.
J'ai demandé, à la suite du vote de la motion Giromini, un avis de droit au professeur Saladin. J'attends ses conclusions avec intérêt. Mais, aujourd'hui, vous ne pouvez pas introduire de clause de besoin à propos du projet des Grangettes.
M. Maurice Giromini (R). Je comprends très bien les arguments qui viennent d'être donnés par M. Guy-Olivier Segond. Mais je constate avec consternation qu'on ne pourra jamais créer une politique de réseau hospitalier public et privé sur la base de ce qu'il vient de nous dire.
Il est bien évident que si on veut créer une complémentarité entre les différents établissements hospitaliers, il sera indispensable de disposer de statistiques permettant de connaître les clauses de besoin, aussi bien au niveau privé que public.
Or, ce qui vient de nous être dit démontre que tous les discours qu'on nous fait sur la liaison Genève-Lausanne, les différents hôpitaux, les différents établissements publics et privés, c'est tout du «bidon». Alors, je suis désolé.
Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce projet à la commission de la santé est rejetée.
Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue:
La séance est levée à 17 h 5.