République et canton de Genève

Grand Conseil

I 1861
16. Interpellation de Mme Claire Torracinta-Pache : Où en est la promotion des femmes à l'université ?. ( )I1861

Mme Claire Torracinta-Pache (S). La loi sur l'université a été modifiée le 30 mai 1991. Plusieurs dispositions ont été adoptées pour favoriser une amélioration des chances de carrière des femmes par des mesures d'actions positives et une prise en compte dans l'enseignement et la recherche de la spécificité féminine, soit, en d'autres termes, des études-femmes ou études de genres, bien connues dans divers pays.

La loi prévoit que le rectorat fera rapport au département de l'instruction publique au bout de quatre ans sur la mise en oeuvre de la loi, soit en mai 1995, et qu'ensuite le Grand Conseil sera informé par le département. Il apparaît cependant souhaitable que des informations soient fournies dès maintenant. En effet, des rumeurs font état d'inquiétudes concernant le fonctionnement du système prévu par le législateur.

C'est pourquoi je souhaite poser les questions suivantes à M. Föllmi, chef du département, dont je tiens à saluer les efforts qu'il avait déployés pour l'adoption de la loi et dont j'escompte le soutien pour clarifier la situation à ce stade de son application, il y a maintenant deux ans.

Pour quelle raison les objectifs quantifiés fixés par les facultés n'ont-ils pas été rendus publics afin de signaler l'engagement de l'université dans la promotion des femmes et de faciliter le contrôle de cette politique? Etes-vous satisfait personnellement des objectifs que les diverses facultés se sont donnés?

La statistique des objectifs quantifiés est, semble-t-il, faite de façon globale, corps professoral, corps des collaborateurs de l'enseignement et de la recherche sans distinction. Cette présentation a pour résultat qu'une faculté, ne connaissant aucune femme professeure ordinaire, adjointe, etc., apparaîtra comme ayant 6% de femmes dans le corps professoral uniquement parce que trois femmes s'y partagent à temps partiel un poste de chargée de cours. Que pensez-vous de cette manière de calculer les objectifs quantifiés et croyez-vous que la volonté du législateur soit ainsi respectée?

L'exercice du droit du plainte ne se déroulerait pas de façon idéale. On parle de pression pour empêcher de déposer plainte. Est-ce le cas? Par ailleurs le département est-il satisfait de la manière dont les dispositions relatives à la plainte sont interprétées, en particulier s'agissant de la capacité de la commission de plainte de se prononcer sur la qualité des candidatures?

Lors de sa nomination, il a été relevé que la déléguée aux questions féminines n'était pas une spécialiste en matière d'études-femmes et qu'elle devrait s'entourer de conseils. Or il semble qu'un projet fixant des orientations importantes soient en voie d'achèvement. Quelles collaborations ont permis ces choix? Qui est considéré comme partenaire potentiel pour et par la déléguée? Quel sera le rôle de la commission permanente du rectorat prévue en matière d'études-femmes si des choix ont été établis avant sa création? Quelle est la part du budget de l'université consacrée aux études-femmes et l'université s'applique-t-elle à redéfinir certains enseignements, notamment lorsque leurs titulaires partent à la retraite afin d'intégrer par ce biais des enseignements d'études-femmes?

L'information. Beaucoup d'étudiantes et d'enseignantes ignorent encore l'existence de la déléguée et surtout la nouvelle loi, et bien des membres du corps professoral ne semblent pas clairement renseignés sur les responsabilités de l'université en la matière. Qui est chargé de cette information et comment envisage-t-on de combler ce déficit?

Autres questions. Le rectorat limite à 27 et 32 ans l'âge pour l'engagement comme assistant, assistante, respectivement maître assistant, assistante. N'estimez-vous pas que ces limites contredisent les possibilités prévues dans la loi, à savoir l'allongement de la durée des mêmes mandats de six à huit ou neuf ans, afin de faciliter l'exercice des responsabilités professionnelles et familiales. Au-delà du respect des objectifs quantifiés, le rectorat et les facultés ont-ils pris d'autres mesures, d'ordre financier ou non, pour soutenir la promotion des femmes? Quelle est votre réaction au fait que dans le cadre des mesures de restrictions budgétaires ce sont des postes d'assistants, assistantes, chargés d'enseignement ou de cours qui sont les premiers supprimés, postes dans lesquels la proportion des femmes est plus élevée qu'ailleurs.

En conclusion et au vu des diverses questions posées, ne serait-il pas judicieux de faire un rapport annuel, afin de suivre l'évolution de la situation et pouvoir la corriger en temps utile?

Enfin, à votre avis, la loi devrait-elle être modifiée et/ou complétée afin de la rendre plus efficace?

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Je remercie Mme Torracinta-Pache de sa préoccupation pour la promotion féminine à l'université et d'avoir déposé cette interpellation qui comporte de multiples questions.

Vous avez eu l'amabilité de me remettre le texte de votre intervention tout à l'heure. Vu le grand nombre de questions, il est évident que j'entends interpeller l'université pour obtenir des renseignements que je vous

transmettrai. Le nombre de questions que vous avez posées, les chiffres que vous voulez connaître, m'incitent à vous préparer une réponse écrite sur la base des informations que l'université me donnera et des directives complémentaires que je pourrai ajouter, et cela dans les meilleurs délais. Ce sujet est suffisamment important pour mériter un rapport écrit.

Je réponds à votre dernière invite demandant s'il ne serait pas judicieux de faire un rapport annuel. Je crois, effectivement, que votre suggestion est intéressante et permettrait de mieux suivre l'évolution de la situation. J'y suis favorable.

Je vous apporte déjà des informations, car votre interpellation laisse entendre qu'il y a quelques problèmes.

Les objectifs quantifiés sont fixés par les facultés. Comme vous l'avez rappelé, l'article 26a, alinéa 2, de la loi sur l'université prévoit que celle-ci se fixe, par périodes de quatre ans, des objectifs quantifiés par faculté et école pour chaque catégorie d'enseignants. Nous avions eu un long débat à ce sujet et nous avions laissé la responsabilité à l'université de fixer les quotas, par catégorie d'enseignants et par faculté. Le rectorat de l'université m'avait fait connaître ces objectifs, pour le corps professoral et pour les collaboratrices et collaborateurs de l'enseignement. Il y a donc bien séparation de ces deux groupes de personnes. Je reconnais que ces objectifs sont modestes; ils respectent la loi et surtout l'exposé des motifs préparé par notre présidente, Mme Micheline Calmy-Rey. Mais j'estime que nous aurions pu faire plus.

Suite à l'annonce de votre interpellation, j'ai demandé que l'on me donne les premières statistiques des femmes «professeures ordinaires», nommées après le 15 avril 1990, date du relevé mentionné par la rapporteuse générale, Mme Micheline Calmy-Rey, dans son rapport concernant le projet de loi 6313-A. Ces chiffres mettent en évidence l'augmentation du nombre des femmes «professeures ordinaires» de dix unités -- si vous me permettez d'utiliser ce terme -- alors que l'objectif était de 13,7 unités pour cinq ans. L'échéance tombant en avril 1995, il reste donc deux ans pour atteindre l'objectif fixé. Je pense qu'il sera atteint et même dépassé, ce qui est une bonne chose.

Votre interpellation fait allusion avec beaucoup de diplomatie -- ce qui caractérise votre manière d'intervenir -- aux plaintes qui ne seraient pas

déposées «par crainte». Et pourtant, depuis que la loi a été instituée, une plainte vient d'être déposée par une candidate dans le cadre de la nomination d'un professeur de langue et de littérature française.

Je tiens à faire trois remarques à ce sujet.

Premièrement. Le rôle de la commission des plaintes consiste à vérifier si le dispositif mis en place à l'université est efficace ou non. Ce premier cas fera jurisprudence et nous permettra de voir comment fonctionne ce système. Je vous rappelle que lorsqu'une candidate a le sentiment d'être victime d'une violation de la règle de préférence fixée dans la loi, elle a le droit de déposer une plainte auprès de cette commission. Celle-ci a statué sur la plainte de cette candidate, mais elle a constaté que son pouvoir d'examen se limitait à l'arbitraire, c'est-à-dire au vice de procédure. La procédure a-t-elle été suivie correctement ou non? La commission n'est en revanche pas entrée en matière sur la valeur du dossier scientifique, ce qui relève de la compétence de la commission d'experts dont je vais parler. Au fond elle est intervenue à juste titre au moment où elle a été informée que sa candidature n'avait pas été retenue.

C'est après le dépôt du rapport de la commission des plaintes que la commission des experts intervient. C'est en quelque sorte le deuxième filtre. Cette commission d'experts a traité ce dossier hier après-midi. En faisait partie un observateur du département de l'instruction publique, secrétaire adjoint chargé des questions universitaires, M. Eric Baier, et cela me permet d'avoir une information sur ce qui se passe dans les commissions de nomination. Le résultat des délibérations a été le suivant: sur les trois experts extérieurs à l'université, deux ont estimé que le candidat masculin proposé par la faculté n'avait pas les qualités scientifiques ni les titres requis. Ils ont, par conséquent, mis en évidence que d'autres candidatures pouvaient être retenues. La commission doit, bien sûr, se prononcer sur la candidature finale proposée par la faculté. Elle n'a pas mandat de proposer d'autres candidatures. Dans ce contexte, lorsque les experts ne sont pas unanimes, ou majoritaires, le dossier de nomination est en principe retourné à la faculté concernée, du moins c'est ce que j'ai demandé par l'intermédiaire de mon secrétaire adjoint. En effet, il ne s'agit pas de remettre au Conseil d'Etat un dossier qu'une majorité d'experts auraient refusé.

Troisième filtre: le Conseil d'Etat. Je vous rappelle que toute nomination d'un professeur ordinaire doit passer par le Conseil d'Etat sur proposition du département de l'instruction publique. S'il apparaît, comme vous le laissez entendre dans votre intervention, Madame, que des faits contraires à la règle de préférence soient relevés dans une procédure -- le rapport de la commission des plaintes figure aussi bien entendu dans le dossier transmis au Conseil d'Etat -- l'autorité de nomination qu'est le Conseil d'Etat garde tout pouvoir pour s'informer et redresser, le cas échéant, une procédure mal orientée.

Voilà ce que je voulais apporter au préalable comme réponse à Mme Torracinta-Pache. Je donnerai la suite des informations le plus rapidement possible, mais par écrit en raison du grand nombre de questions.

La présidente. Une réponse écrite du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.