République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 mars 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 3e session - 11e séance
IN 28-B et objet(s) lié(s)
7. Rapport de la commission des droits politiques chargée d'étudier:
et
Préconsultation
Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Hormis quelques corrections de français et quelques coquilles figurant dans le rapport, et dont je remettrai la liste à Mme la mémorialiste, je vous signale qu'il faut compléter le rapport de majorité en page 32 par la phrase suivante: «et de déposer la pétition 937 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement».
La commission s'était penchée sur l'opportunité de présenter en même temps en votation l'initiative 28 et l'initiative 30. Certains d'entre vous ont exprimé, après avoir pris connaissance du rapport, certaines inquiétudes quant à cette opportunité. En regardant le problème d'un peu plus près, les objections faites concernant ces deux initiatives sont pratiquement semblables et l'on risque de se trouver dans une situation où l'initiative 28 et l'initiative 30 seraient votées toutes les deux. Il se poserait alors un problème d'interprétation des résultats, voire d'exclusion d'une initiative par rapport à l'autre.
En effet, l'article 58, alinéa 2, de notre constitution s'applique exclusivement à une initiative et à un contreprojet. En l'état, bien que les deux textes soient semblables, puisque le texte de l'IN 30 est contenu dans l'IN 28, on ne peut appliquer une interprétation extensive de cet alinéa. Par contre, il est évident qu'en commission nous avons examiné aussi la question de savoir s'il était opportun de présenter un contreprojet à l'initiative 28. La majorité de la commission est arrivée à la conclusion qui vous est proposée pour des raisons qui figurent dans le rapport.
Il est évident qu'en l'état de notre législation, si l'IN 28 et le contreprojet devaient être acceptés et que le contreprojet recueille plus de voix que l'initiative, nous risquons de voir cette dernière éliminée. C'est d'ailleurs à cette fin que le droit d'initiative a été modifié -- le peuple l'a approuvé -- et vous savez maintenant qu'en matière d'initiative et de contreprojet le peuple devra se prononcer sur une question subsidiaire pour marquer sa préférence entre l'initiative et le contreprojet.
Au cas où l'initiative serait acceptée, de même que le contreprojet, et si l'on suppose que celui-ci recueille plus de voix que l'initiative, la décision du contreprojet l'emporterait sur celle de l'initiative. Il s'agit d'un problème politique et la majorité de la commission a décidé, pour marquer sa volonté d'ouverture dans un secteur extrêmement délicat, celui des Tribunaux des prud'hommes, de proposer néanmoins ce contreprojet.
Le fait de séparer le contreprojet et les initiatives pourrait conduire à la situation suivante. Les initiatives étant refusées, il serait difficilement pensable de revenir devant le peuple à brève échéance avec un projet de loi constitutionnelle traitant des Tribunaux des prud'hommes. Il nous a semblé aussi -- c'est une question politique -- qu'il était plus opportun de présenter les trois objets ensemble à la population, en espérant que les raisons pratiques qui se posent -- un réel problème se pose au niveau des Tribunaux des prud'hommes -- serait de nature à convaincre la population et marquer un premier pas dans une direction que nous souhaitons tous qui est celle de la meilleure intégration des étrangers.
J'aimerais relever l'excellente qualité des travaux et l'excellent esprit qui a présidé aux travaux de la commission. Bien que le sujet soit extrêmement délicat, les discussions se sont déroulées dans le respect des convictions de chaque commissaire. Je les remercie d'avoir manifesté une telle ouverture d'esprit, un tel respect des convictions et des engagements de chacun, et j'espère qu'il en sera ainsi lors de ces débats.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. J'aimerais tout d'abord, comme Mme Françoise Saudan l'a fait, formuler le voeu que ce débat en séance plénière se déroule de manière aussi correcte qu'il s'est déroulé en commission, c'est-à-dire dans le respect mutuel. Les quatre rapports déposés d'ailleurs le confirment par leur modération.
Mon second souhait est que ce canton, qui s'est si bien distingué par son ouverture d'esprit concernant le débat européen, ouverture d'esprit largement ressentie également sur les bancs de ce Grand Conseil, persiste dans cette voie. Notre vote de ce soir l'influencera certainement. Je ne tiens pas en l'état à répéter les nombreux arguments parlant en faveur du droit de vote et d'éligibilité des étrangers intégrés dans notre pays depuis dix ans, ils sont relatés dans les deux rapports de minorité. Je m'en remets donc à votre bon sens, et je vous prie de soutenir le rapport de minorité et d'accorder les droits légitimes réclamés par l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens».
Mme Irène Savoy (S), rapporteuse. Comme l'a dit Mme Bugnon, les rapporteuses de la minorité que nous sommes soutiennent les deux initiatives, car il nous semble important que le peuple puisse se prononcer sur les deux.
J'ai vraiment de la peine à comprendre pourquoi la majorité a choisi d'opposer, face à ces initiatives généreuses, un seul petit contreprojet ne touchant qu'au droit de vote et d'éligibilité des travailleurs étrangers aux Tribunaux des prud'hommes. Ce choix extrêmement frileux ne me semble pas aller dans la ligne progressiste et généreuse de notre canton qui, lors de la votation sur l'EEE notamment, a su trouver une dimension d'ouverture. Nous aurions souhaité que le parlement genevois dans sa majorité préavise favorablement et soutienne ces initiatives, donnant ainsi un élan aux électrices et électeurs de ce canton qui ne demandent peut-être qu'à être encouragés.
Au lieu de cela, on calcule, on se pose la question de savoir si la population est vraiment prête, si c'est judicieux, si c'est le moment, cela au lieu d'être le moteur entraînant la population vers une conception moins restrictive des droits politiques, plus généreuse et plus solidaire envers des gens que nous côtoyons chaque jour, avec lesquels nous vivons, avec lesquels nous partageons les difficultés actuelles, et sur qui nous comptons pour nous aider à sortir ensemble de la crise. Je vous demande donc d'accepter les deux initiatives.
M. Anne Chevalley (L) (L), rapporteuse. En ce qui concerne l'IN 30 qui ne propose -- comme Mme Savoy vient de le dire -- que le droit de vote des étrangers, j'aimerais ajouter à mon rapport quelques remarques.
Si dans une certaine mesure la majorité de la commission était prête à entrer en matière sous la forme d'un contreprojet offrant aux étrangers, à certaines conditions, le droit de vote en matière communale, le vote négatif du 6 décembre a modifié cette attitude. Il faut souligner que l'IN 30, contrairement aux directives européennes, vise toutes les catégories d'étrangers sans distinction. Or comment s'assurer que ces personnes n'exercent plus leurs droits civiques dans leur pays d'origine? Un contrôle est impossible, et il serait choquant et contraire à la notion d'intégration que ces étrangers cumulent des droits, se trouvant ainsi dans une situation privilégiée par rapport à nos concitoyens.
Je rappelle d'ailleurs que ces mêmes directives stipulent expressément qu'un Etat membre dont la population étrangère ressortissante d'un des pays de la Communauté dépasse 20% peut ne pas appliquer la directive octroyant le droit de vote. Il est intéressant aussi de souligner qu'en fait, lesdites directives ne font rien d'autre que reprendre le principe de la nationalité, puisque les ressortissants des pays membres sont porteurs d'un passeport européen.
Enfin, que dire de Genève, dont la population étrangère au sens large dépasse 33%? Ne risquerions-nous pas, en lui octroyant le droit de vote, d'éveiller des sentiments d'intolérance? Certains sondages prouvent que nos concitoyens ne sont pas prêts à faire le pas et, n'en déplaise à la minorité de la commission, la majorité a considéré que le contreprojet à l'IN 28 serait un bon test.
Un autre argument déterminant ayant joué un rôle important dans les prises de positions est celui de la réciprocité. Aucun pays n'accorde le droit de vote à nos compatriotes établis à l'étranger et, dans les circonstances actuelles, pourquoi ferions-nous ce pas? En conclusion, la majorité vous invite à refuser l'IN 30 «Vivre ensemble - Voter ensemble».
M. Hermann Jenni (MPG). Notre époque se caractérise par une grande confusion des valeurs dont la discussion sur l'octroi des droits politiques aux étrangers est une illustration particulièrement significative. Un argument fréquemment entendu en faveur de cette accession, tant au droit de vote qu'à l'éligibilité, est que les étrangers participent en général à nombre de secteurs de notre activité sociale, par leur appartenance à nos diverses sociétés culturelles ou sportives. On oublie toutefois qu'il a bien fallu d'abord faire acte de candidature et être accepté pour entrer dans ces diverses sociétés.
Pourquoi voudrait-on qu'il en soit autrement pour appartenir à cette société essentielle que représente l'organisation civique et politique de notre pays? La naturalisation était considérée autrefois comme tellement essentielle qu'elle était subordonnée à la renonciation par l'étranger à sa nationalité d'origine. Par pur patriotisme, nombre de nos hôtes ont dans le passé renoncé à demander une naturalisation que leurs intérêts matériels auraient tout de même pu motiver. Cette attitude doit nous inspirer le plus grand respect. Un tel sacrifice n'est aujourd'hui plus nécessaire, et l'on compte dans notre pays bon nombre de double nationaux, que ce soit par pur civisme ou par intérêt.
L'appartenance par naissance ou par la naturalisation, grandement facilitée aujourd'hui, doit demeurer l'un des moyens obligés de participer aux affaires publiques d'un pays, d'une nation. Le pouvoir du souverain n'est pas un bonus commercial donné par-dessus le marché à tout participant à notre économie. Si l'argument consistant à dire que ces gens, puisqu'ils participent à notre économie et travaillent avec nous, ont donc les mêmes droits que nous, était vrai, pourquoi ne pas conférer également le droit de vote et le droit d'éligibilité aux personnes travaillant pour nos entreprises à l'étranger? Pourquoi ne pas étendre à tous les comptoirs commerciaux que la Suisse compte à travers le monde ce droit de vote dans notre pays?
Il n'y a plus aucune raison de faire de la discrimination si, pour des raisons purement économiques, le fait de travailler chez nous, de participer à notre économie, suffit à motiver l'octroi du droit de vote et du droit d'éligibilité. Le droit de vote et le droit d'éligibilité, je le répète, c'est le pouvoir du souverain, ce n'est pas un bonus commercial. Nous refuserons tant les deux initiatives que ce pseudo contreprojet, parce que celui-ci n'est finalement que le pied mis dans la porte pour aller plus de l'avant.
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais à mon tour me féliciter de l'excellent esprit qui a régné tout au long des travaux de la commission des droits politiques, que j'ai eu le privilège de présider pour la fin des travaux sur ces deux objets, et remercier aussi les rapporteuses pour la qualité de leur travail et l'état d'esprit dans lequel elles l'ont réalisé.
Les moeurs politiques des suisses évoluent, comme vous le savez, mais elles évoluent lentement. Est-ce un bien, est-ce un mal, je ne m'érigerai pas en juge. Les derniers événements que nous avons vécus cette semaine au plus haut niveau de la Confédération montrent que les choses finissent tout de même par arriver, et je crois qu'il n'est pas mauvais qu'elles mûrissent lentement de manière à être plus sûrement acceptées par tout le monde.
Nous constatons effectivement une évolution par rapport aux anciennes consultations du peuple au sujet du droit de vote et d'éligibilité des étrangers. Le refus net d'il y a quelques années a effectivement fait place -- je suppose que l'on aura l'occasion de le vérifier lors du scrutin populaire -- à plus de compréhension, mais je ne crois pas, bien que moi-même et le parti démocrate-chrétien que je représente le souhaitions, que le peuple voudrait «introduire» les étrangers d'une manière plus concrète dans les rouages (Rires.) de notre vie politique...
Qu'ai-je dit de si rigolo? (Rires.) Quelques-uns d'entre vous, Mesdames et Messieurs, ont l'esprit mal tourné et ne pensent qu'à interpréter les choses les plus banales! (Rires.)
Je disais donc que nous étions quant à nous convaincus que les étrangers devront de plus en plus être associés à notre vie politique, mais que nous ne le ferons pas d'un coup et qu'il faut savoir que la population évolue lentement. D'ailleurs, j'en veux pour preuve que même Mme Bugnon, l'excellente rapporteuse du rapport de minorité, le dit à la page 32: «Si, comme beaucoup s'accordent à le penser, le peuple genevois n'est pas encore prêt à faire le pas, et la période de crise économique que nous vivons ne l'y aidera sans doute pas...». C'est vrai, nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous sommes tous convaincus que malgré le désir que nous avons d'avancer, le peuple ne nous suivra pas si vite.
D'ailleurs, le parti démocrate-chrétien avait été il y a quelques années le précurseur d'un débat comme celui de ce soir au niveau des Tribunaux des prud'hommes, puisque vous vous rappelez que Mme Gillet, notre ancienne collègue, avait déposé un projet de loi constitutionnelle accordant précisément le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers en matière prud'homale en espérant que cela serait un premier pas vers des droits plus étendus.
Malheureusement, le 17 juin 1979, c'est-à-dire il y a déjà quatorze ans, le peuple avait refusé cette loi constitutionnelle par 56% des voix. Vous me direz que l'évolution des esprits peut nous faire espérer aujourd'hui un résultat différent. Mais nous avons jugé en commission qu'il fallait poursuivre la politique des petits pas et qu'il convenait d'utiliser une partie de l'initiative 28 en sachant, comme Mme Bugnon, que l'initiative dans son ensemble n'a pratiquement aucune chance, qu'il fallait utiliser une partie de cette initiative 28 pour voir si le peuple avait fait le chemin espéré.
Je crois que c'est constructif, et c'est marquer notre volonté d'aller dans une direction, mais il faut y aller en utilisant le temps et les moyens nécessaires. Le problème c'est qu'aujourd'hui les deux rapports de minorité nous invitent, nous Grand Conseil, à donner un préavis favorable aux deux initiatives et, par conséquent, à ne pas présenter de contreprojet. C'est là le problème. C'est que vous savez selon toute vraisemblance que le peuple n'est pas encore prêt à aller jusqu'aux droits politiques. Vous en êtes conscients, vous l'avouez même et entre nous c'est très probable. Alors, en demandant au Grand Conseil de ne pas présenter de contreprojet et de ne pas donner au peuple la possibilité de prendre ce que nous pourrions lui offrir, vous allez vers un rejet total, et on se retrouvera au lendemain du scrutin comme aujourd'hui, c'est-à-dire que l'on n'aura pas avancé d'un pas.
Je trouve dommage qu'aujourd'hui vous ne nous donniez pas l'occasion de dire à la population: «Voilà une alternative, une petite alternative, nous sommes bien conscients que c'est une petite alternative, mais rappelez-vous que la première fois qu'on l'a soumise, cette petite alternative n'avait pas passé!». Si on la faisait passer aujourd'hui, eh bien, ce serait un progrès et c'est ce que je voudrais vous dire, Mesdames et Messieurs de la minorité. Je trouverais dommage que le Grand Conseil, en ne présentant pas de contreprojet, s'en tienne à un oui ou à un non froid et glacial obtenu du peuple, parce que, comme je le répète, il est fort probable que le peuple dira non et ce non sonnera sec et sonnant aux oreilles des étrangers.
Une fois de plus, nous aurons donné une image de notre pays pas très agréable, alors que nous avons à portée de main l'occasion de faire ce geste que beaucoup attendent. La commission a eu un certain nombre d'auditions, et notamment les représentants des Italiens de Genève disaient que le droit de vote et d'éligibilité en matière prud'homale serait considéré par eux comme un pas déjà important. Je vous en supplie, aidez notre population à faire ce pas et à ne pas se cantonner dans un oui ou un non qui se terminera malheureusement par un non et qui sera très préjudiciable à tout le monde.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Située au coeur de l'Europe et habitée depuis près de 6 000 ans, lieu de passage entre le Nord et le Sud, entre l'Est et l'Ouest, Genève a toujours été à la croisée des peuples. Elle a hébergé de nombreux philosophes avant-gardistes. Aujourd'hui, elle est le siège des Nations-Unies et est ainsi devenue un lieu de dialogue et de concertation. Un tiers des habitants de ce canton sont des étrangers. Tous ces immigrés nous ont apporté leurs richesses culturelles et leurs bras pour travailler. Sans eux, Genève ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui, une ville riche et prospère. Pour le parti socialiste, il est profondément injuste d'exclure un tiers de la population genevoise des droits démocratiques élémentaires. Comme il était déjà injuste dans le passé d'exclure les pauvres et les femmes.
Il nous semble essentiel que le parlement donne l'impulsion positive en la matière en proposant au peuple d'accepter les initiatives. Si nous sommes d'accord avec celle qui propose le droit de vote et d'éligibilité au niveau cantonal et communal, nous approuvons également celle qui va dans le même sens mais ne retient que le droit de vote et non celui de l'éligibilité.
En effet, qui veut le plus veut le moins! Les droits démocratiques font partie des droits de l'homme et de la femme. Ils contribuent à l'intégration des étrangers. Nous observons, dans plusieurs régions du monde, ce à quoi le nationalisme et le chauvinisme peuvent mener. Ces courants de pensée d'extrême-droite tentent de s'emparer du désarroi d'une partie de la population pour propager la haine, la xénophobie, le racisme et le repli sur soi. Le parlement a une grande responsabilité par rapport à ces idées et doit montrer la ligne digne d'une ville, d'un canton qui se situe au milieu d'un continent. Arrêtons de faire la politique de la peur, contribuons à l'ouverture et à la solidarité qui font partie de l'esprit de Genève. Acceptons ces deux initiatives pour que Genève puisse gagner à tous les niveaux.
M. Philippe Fontaine (R). Voici une décision bien difficile. Si l'on regarde le programme de certains partis, et du nôtre par exemple, l'accessibilité aux droits politiques est souvent revendiquée, et ceci depuis longtemps. De notre côté, un sondage a été effectué il y a déjà quelques mois; il montre que nos militants ne sont pas du tout prêts à accepter ce pas en avant. C'est peut-être regrettable, mais c'est la réalité. Nous sommes persuadés que ces droits seront acceptés un jour, mais pas aujourd'hui.
Les temps en effet ne sont pas encore mûrs, on le voit bien lorsque l'on interroge l'homme de la rue ou que l'on regarde ce qui se passe dans les pays qui nous entourent. Dès lors, quelle voie choisir? J'ai été frappé par une interview, dans un journal français, de l'ancien ministre français de l'environnement, M. Brice Lalonde, qui nous rejoignait en déclarant ceci: «Je crois, pour ma part, que la solution à suivre aujourd'hui pour les Français c'est l'intégration et la naturalisation». D'ailleurs, c'est la voie que nous aussi
favorisons aujourd'hui en ayant récemment amélioré les possibilités de naturalisation. Je dirais aux étrangers qui souhaitent participer à la vie de notre pays autrement que par leur travail: «Mesdames et Messieurs, venez, intégrez-vous et acceptez de vous naturaliser». Le contreprojet présenté n'a certes pas l'ampleur de la proposition adverse, mais c'est là un premier pas bienvenu, surtout dans les difficultés actuelles rencontrées dans le monde du travail. Nous pensons donc qu'il doit être accepté.
En conclusion, je dirai que les opposants ont certainement une vision un peu idéaliste d'une société. L'idéal reste pour moi une valeur vers laquelle il faut tendre, bien sûr, mais que par définition on atteint que bien difficilement. Soyons donc optimistes et courageux, mais il est toutefois des pas que l'on ne peut pas faire aujourd'hui parce que nous savons tous que le peuple ne le souhaite pas non plus.
M. Robert Cramer (Ve). Mme Bugnon, dans son rapport de minorité, ainsi que les autres rapporteuses et Mme Roth-Bernasconi ont déjà dit avant moi à quel point ces deux initiatives contenaient des revendications importantes. Elles touchent des principes et des valeurs essentielles auxquels nous sommes tous attachés, le principe de l'équité et aussi l'exigence de réaliser une politique d'intégration, ce qui est essentiel, parce que l'exclusion est peut-être ce qu'il y a de plus haïssable et que le problème de l'exclusion sera très certainement un des problèmes les plus importantss auquel nos sociétés vont être confrontées ces prochaines années.
Qu'en est-il des droits populaires? C'est une longue histoire, M. Fontaine l'a évoquée tout à l'heure; c'est une histoire qui a commencé au début du XIXème siècle avec l'abolition du suffrage censitaire avec le principe: un homme - une voix. C'est une histoire qui a continué durant toute la première moitié du XXème siècle avec le principe selon lequel les électeurs ne sont pas seulement les hommes, mais que les femmes citoyennes d'un pays doivent également participer à la vie publique.
C'est un combat qui continue à travers ces initiatives disant que tous ceux qui vivent dans une communauté, ceux qui la construisent, ceux qui sont destinataires de décisions prises par les autorités doivent également pouvoir contribuer à la formation de la volonté collective. C'est ce que désirent ces initiatives.
Monsieur Fontaine, je regrette votre timidité dictée par les sondages d'opinion que vous avez pu commander. Je crois en effet que notre rôle n'est pas de suivre l'opinion, mais c'est aussi souvent de la précéder. En tant que parti politique, nous présentons à nos électeurs, aux citoyens, un certain nombre de choix de société, de valeurs pour lesquelles nous nous battons et que nous devons savoir défendre lorsqu'il le faut, au risque même d'être impopulaires. Je n'irai pas plus loin quant au débat de fond sur les initiatives et je souhaiterais maintenant dire deux mots quant à la procédure, et plus particulièrement sur la question du contreprojet que l'on a voulu adjoindre à l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens!».
Monsieur Blanc, si je ne connaissais pas votre engagement et votre sincérité, lorsque vous parlez d'extension des droits populaires, en écoutant votre intervention je pourrais vous soupçonner d'un certain jésuitisme! J'ai l'impression, en vous entendant, que l'on pourrait imaginer que tout à la fois vous prétendez défendre un certain nombre de principes auxquels je sais que vous croyez et qu'en même temps vous faites ce que vous pouvez pour les enterrer. Cela pour une double raison. La première, c'est que j'ai l'impression qu'avec le contreprojet l'on traite de deux choses différentes. Il y a, d'une part, une initiative qui porte sur l'extension des droits populaires et sur les droits de vote et d'éligibilité. Il y a, d'autre part, un contreprojet dont l'objet est l'élection aux Tribunaux des prud'hommes.
Je ne dis pas que le fait d'affirmer que les travailleurs étrangers doivent être éligibles aux Tribunaux des prud'hommes soit totalement sans rapport avec l'initiative, ce d'autant moins d'ailleurs que c'est une des dispositions de celle-ci, mais, tout de même, je dis que l'essentiel des questions liées à l'éligibilité et à la composition des Tribunaux des prud'hommes n'est pas réellement une question d'extension des droits populaires et d'intégration des étrangers à la vie de la cité. C'est une question plus modeste qui est traitée par le contreprojet, et je dirais que c'est plutôt une question d'organisation judiciaire qu'il essaye de résoudre.
Il s'avère simplement qu'aujourd'hui les Tribunaux des prud'hommes, dans un certain nombre de groupes, ne peuvent plus fonctionner parce qu'il n'y a plus suffisamment de travailleurs pour permettre de composer de façon satisfaisante les juridictions prud'homales. Les travailleurs dans un certain nombre de groupes étant des étrangers, la seule possibilité pour que les Tribunaux des prud'hommes soient ce qu'ils doivent être -- c'est-à-dire une juridiction composée de juges travailleurs et de juges employeurs -- et puissent fonctionner est de permettre que ces travailleurs étrangers y siègent, et cela implique que les étrangers puissent être éligibles aux Tribunaux des prud'hommes. Sans négliger qu'il s'agit bien d'une question d'éligibilité, il me semble par conséquent que l'essentiel du problème que posent les Tribunaux des prud'hommes est un problème d'organisation judiciaire.
Monsieur Blanc, si ce que veut le Grand Conseil c'est permettre au peuple de faire au moins ce premier pas, ce petit pas qui serait l'éligibilité en matière prud'homale, eh bien, dans ce cas, si nous sommes sincères dans nos intentions, ce qu'il faut faire c'est diviser ces projets, ne pas présenter comme contreprojet la proposition relative aux Prud'hommes, mais la proposer comme un projet distinct de telle sorte que les électeurs puissent tout à la fois voter oui à la présence des étrangers comme juges dans les Tribunaux des prud'hommes et voter oui à l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens» s'ils le désirent. Si vous ne séparez pas ces projets, cela équivaut concrètement à opposer ces textes l'un à l'autre.
Vous savez qu'en matière d'initiative, selon le droit qui est actuellement applicable et qui le sera lorsque se voteront ces initiatives, en cas de double oui -- de oui à l'initiative et de oui au contreprojet -- on fera un décompte, et c'est le texte qui obtiendra le plus de voix qui l'emportera. En d'autres termes, cela signifie que ceux qui souhaitent voir aboutir l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens!», pour faire en sorte que le texte qu'ils soutiennent obtienne le plus de voix, seront contraints de voter oui à l'initiative et non au contreprojet.
Les effets d'un tel vote sont évidents: le risque est très fort de voir tout à la fois l'initiative et le contreprojet échouer. C'est pourquoi je vous demanderai, Mesdames et Messieurs les députés, si vous êtes sincèrement attachés à l'idée de voir des étrangers ouvrir la possibilité d'être élus aux Tribunaux des prud'hommes, de séparer ces deux textes. Vous ferez ce que vous voudrez quant à l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens!». En commission, vous avez dit en majorité qu'il fallait que le Grand Conseil en propose le rejet. Ce n'est pas mon avis. Je soutiens cette initiative, je pense qu'elle est nécessaire, mais enfin sur ce point vous voterez comme vous l'entendrez et on peut malheureusement prédire que le résultat de votre vote sera négatif. En revanche, lorsque l'on vous demandera si vous voulez qu'à titre de contreprojet soit opposée à cette initiative la question de l'éligibilité aux Tribunaux des prud'hommes, je vous demande de voter non. Cette
initiative doit être présentée devant le peuple sans contreprojet, et rien ne nous empêche -- en même temps ou lors d'une autre opération électorale, peu importe -- de poser également la question au peuple sur le point sur lequel il y a un large compromis dans ce Grand Conseil: la question prud'homale.
Je vous en prie, n'opposez pas les textes, parce qu'en le faisant vous allez vous-mêmes contribuer très probablement à voir échouer une proposition à laquelle nous sommes pour la plupart attachés dans ce Grand Conseil et qui a réuni un très vaste consensus au-delà de ce Grand Conseil dans ce que l'on peut qualifier de société civile, dans les milieux d'employeurs et de travailleurs.
Enfin, puisque j'en suis venu à parler un peu de procédure, je dirai encore un mot sur une autre question. J'ai vu que la commission a, semble-t-il, débattu de la question de savoir si les initiatives devaient se voter à la même date ou pas. Je crois que ce débat ne devait pas avoir lieu en commission. Quoique les commissions soient libres de débattre de ce qu'elles entendent, il existe des lois que nous avons votées comme députés et qui veulent que ce soit le Conseil d'Etat qui fixe la date des opérations électorales. Pour ma part, je suis d'avis que des raisons techniques font qu'il est est impossible de fixer la même date pour ces deux votations, mais je m'en reporte sur ce point à l'appréciation et à la sagesse du Conseil d'Etat. De toute façon, les votes que nous aurons tout à l'heure ne pourront pas porter sur cet objet.
M. Thierry Du Pasquier (L). Le groupe libéral adhère au consensus qui s'est formé autour du contreprojet concernant l'éligibilité et le vote en matière prud'homale. Le problème est différent en ce qui concerne les deux initiatives qui posent la véritable question qui nous est soumise aujourd'hui et qui est une question fondamentale constitutionnelle de principe.
Il se trouve que dans un délai relativement bref, en quelques semaines, ce Grand Conseil a eu à se prononcer à deux reprises sur des problèmes fondamentaux. Une fois, c'était sur l'incompatibilité des fonctionnaires et, cette fois-ci, il s'agit du problème d'éligibilité des étrangers. Ce Grand Conseil a dû se prononcer deux fois sur une question qui, de toute façon, sera soumise au peuple. Quel est le sens de la décision que nous allons prendre? Certains ont dit tout à l'heure que la question se posait de savoir si se prononcer avait
un sens; je crois que oui. Il faut absolument que les responsables politiques prennent conscience d'un certain nombre de problèmes et aident ainsi la population ou la conduisent à prendre elle aussi conscience de ces questions avant de se prononcer.
On vous a dit tout à l'heure qu'on s'est félicité du fait que les travaux en commission s'étaient déroulés de façon très agréable, et vous avez pu constater, ayant entendu ou lu les rapports, que c'est surtout des questions de procédure qui ont été examinées. Permettez-moi de vous dire que je suis un peu resté sur ma faim dans ce débat, parce que le seul véritable problème de fond qui nous est posé et qui sera posé au peuple par ces deux initiatives a été quelque peu évacué. Je crois que ce problème des droits politiques de pouvoir être élu et de pouvoir élire, c'est la base même de la construction de l'Etat.
Ces droits politiques, c'est la concrétisation ou la manifestation concrète de ce que l'on appelle le contrat social, c'est-à-dire des éléments qui constituent ou qui sont à la base de notre société.
Ce contrat social, c'est l'accord de tous les citoyens de participer à des institutions nationales, cantonales et communales. C'est la définition de l'Etat. Cela n'est ni une question d'appréciation, ni une question sentimentale ou humanitaire, c'est une question purement politique au sens noble du terme. Il ne faut pas avoir peur de ce mot, le mot politique n'est pas péjoratif; il faut savoir qu'il s'agit véritablement des problèmes qui sont au centre du fonctionnement de l'Etat.
Les droits politiques sont la manifestation de l'adhésion à ce contrat social, et cette adhésion dans notre pays peut se produire de deux façons, d'une façon héréditaire -- c'est le principe de l'origine -- et d'une façon volontaire -- c'est la naturalisation.
A l'assemblée générale d'une société, d'une association, personne ne s'étonne du fait que l'on contrôle que les personnes qui participent aux débats ou aux votes sont membres de la société. N'est-il pas plus important encore, dans le cadre de cette société beaucoup plus vaste et aux enjeux beaucoup plus grands qu'est une nation, de faire en quelque sorte le même contrôle et de s'assurer que ceux qui participent aux votes, qui prennent les décisions, adhèrent à ses institutions. Je pense que c'est là la question fondamentale.
Cette adhésion est le contenu même du principe de nationalité. Comment ce principe de nationalité se matérialise-t-il? De plusieurs façons auxquelles on ne réfléchit pas toujours suffisamment. Tout d'abord, on ne peut recevoir son passeport que de son propre Etat. On ne peut pas être extradé ou expulsé de son Etat ou de son pays, c'est une chose assez fondamentale qui me semble bien marquer le rapport particulier qui existe entre l'Etat, la nation et ses ressortissants. On ne peut pas être privé de sa nationalité. C'est aussi une chose qui est en relation avec l'étroitesse de ce lien. Enfin, si le pays est menacé, on peut être amené à le défendre même militairement. Ce sont ces règles, ces principes que je viens de rappeler qui sont reconnus et appliqués quasiment dans le monde entier.
Revenons maintenant à la situation posée par ces initiatives. En quoi les droits et les obligations du Suisse se distinguent-ils des droits et des obligations du détenteur de permis C? Pratiquement et uniquement en ce qui concerne les droits politiques et l'obligation de servir. En d'autres termes, le droit de participer aux institutions et le devoir de les défendre.
C'est cet équilibre entre le droit et l'obligation qu'il me paraît absolument important de conserver, et c'est précisément parce que ces deux initiatives ne maintiennent pas cet équilibre ou, plus exactement, le cassent que je pense qu'elles ne doivent pas être admises. La question de savoir si les Suisses seront désavantagés par le fait qu'ils seront astreints à l'obligation de servir, alors que cela ne sera pas le cas pour les détenteurs du permis C, est un exemple significatif de ce déséquilibre. Ce n'est cependant pas l'élément fondamental.
Ce qui est fondamental, c'est que pour adhérer aux institutions il faut recourir à ce qui existe dans notre pays, soit la naturalisation. Cette naturalisation c'est l'opposé de l'adhésion automatique qui nous est proposée par ces initiatives. Permettez-moi de dire que je respecte encore suffisamment les institutions de notre pays pour ne pas souhaiter qu'elles soient en quelque sorte livrées en «libre-service». Il est normal que celui qui souhaite y adhérer en manifeste la volonté et démontre qu'il remplit les conditions légales qui sont posées.
C'est pour ces raisons qui me paraissent très importantes, et sur lesquelles nous ne devons pas nous laisser détourner par des aspects humanitaires qui nous touchent tous, que le groupe libéral proposera un préavis négatif en ce qui concerne les deux initiatives et, comme je l'ai dit tout à l'heure, admettra le contreprojet.
Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. J'ai écouté très attentivement mon collègue Robert Cramer et dans une certaine mesure, je suis sensible à ses arguments, tant il est vrai que, d'une part, l'on ne peut pas préjuger d'un vote populaire et que, d'autre part, dans un domaine aussi délicat il faut faire extrêmement attention à la manière dont nous allons présenter ces sujets devant le peuple.
J'aimerais lui rappeler -- comme il n'a pas suivi les travaux de la commission -- que nous nous sommes trouvés dans une situation un peu particulière. En effet, nous avons été saisis d'une pétition émanant des milieux syndicaux nous priant avec insistance de tout faire pour que l'aspect prud'homal soit accepté par le peuple. Elle prévoyait même d'accorder le droit de vote et d'éligibilité en matière prud'homale, quel que soit le domicile du travailleur.
Nous en sommes arrivés à la conclusion suivante. Si nous voulions vraiment manifester une volonté politique, comme l'a dit M. Blanc, nous ne pouvions pas adopter la solution du projet de loi constitutionnelle. Peut-être aurions-nous dû, en commission, examiner cela plus attentivement, je vous l'accorde Monsieur, mais si nous voulions manifester notre volonté politique il fallait vraiment la présenter sous forme d'un contreprojet qui allait à l'encontre d'une partie de ce que les initiants nous demandaient.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Vous savez, Monsieur Blanc, qu'il est dangereux de lire une phrase à moitié. Cela donne une interprétation erronée, et vous savez également combien ces initiatives me tiennent à coeur et à quel point j'espère les voir acceptées par le peuple. Je vous trouve ce soir bien soucieux de savoir ce que va voter le peuple avant de prendre votre propre décision. Vous avez dit: «Nous avons un désir d'avancer». Alors, avançons! C'est ce que je vous demande par mon rapport de minorité.
J'aimerais maintenant revenir sur la proposition de mon collègue Robert Cramer en vous demandant, à ce stade du débat, de bien vouloir nous lire la lettre envoyée hier par les syndicats, qui proposent de faire de l'article 142 un projet de loi constitutionnelle.
M. Bénédict Fontanet (PDC). La matière du vote des étrangers est un sujet tout à fait délicat dans un canton comme le nôtre où plus d'un tiers de la population résidente est étrangère. On se trouve en quelque sorte presque comme dans la Grèce antique, à Athènes, où la moitié de la population n'avait pas la citoyenneté athénienne et était par conséquent exclue du débat politique.
Ces initiatives sont, il est vrai, généreuses, mais je crains qu'elles ne soient pas réalistes parce que, toujours pour en rester à la Grèce antique, nous ne sommes malheureusement pas des citoyens du monde, à l'instar de ce que Socrate voulait être. L'Europe qui s'est faite au XIXème siècle et qui continue à se faire cahin-caha aujourd'hui, si l'on voit comment les choses se passent, eh bien, c'était l'Europe des nations. L'Europe s'est construite autour de la notion de nation. Cette notion est peut-être un peu surannée pour un certain nombre d'entre nous, mais c'est là la source, au XIXème siècle, des grands pays européens. L'on est citoyen d'un pays par son appartenance nationale, même s'il est vrai, et c'est bienheureux, que la Communauté européenne, dans les directives qu'elle a récemment édictées tend à faire évoluer la situation et à faire en sorte que les étrangers qui résident dans un autre pays que le leur puissent s'exprimer, à tout le moins, en matière d'élection municipale. Il est vrai qu'en Suisse, nous connaissons moins cette notion de nation et que l'on est citoyen suisse au travers de sa commune, puis de son canton et, enfin, au travers de la Confédération.
Nous démocrates-chrétiens, ne sommes pas du tout fermés à l'idée que les étrangers puissent acquérir un jour le droit de vote et nous avons à cet égard une double approche. La première approche, celle expliquée tout à l'heure par Claude Blanc, consiste à dire qu'en matière de prud'hommes il est effectivement urgent de pallier aux difficultés que nous connaissons aujourd'hui en prévoyant la libre éligibilité et le libre droit de vote des étrangers, et peut-être en matière communale d'ici quelques années, si ce premier test prud'homal -- qui, je vous le rappelle avait été sèchement refusé par le peuple il n'y a pas si longtemps -- est un succès, nous pourrons envisager qu'il en soit aussi ainsi en matière de droit de vote, et non pas d'éligibilité.
Quant à octroyer dès aujourd'hui un droit de vote et d'éligibilité complet, je ne pense pas que ce soit une bonne chose, et je ne pense pas qu'il soit concevable dans notre culture politique actuelle que nous puissions avoir par hypothèse un conseiller d'Etat ou une conseillère d'Etat -- puisqu'aujourd'hui c'est à la mode -- qui ne soit pas de nationalité suisse.
Nous estimons par contre, et c'est là le deuxième aspect important, que le fait de permettre aux étrangers de participer aux débats politiques au sens large et d'être élus, eh bien, cela passe par l'acte positif qu'est la demande de naturalisation; la volonté de s'engager dans le cadre du débat politique doit passer par la naturalisation qui, elle, témoigne d'une véritable volonté d'intégration. A mon sens, en Suisse, nous avons encore beaucoup à faire à ce propos.
On disait tout à l'heure qu'il y a un tiers des citoyens de ce canton qui est exclu du débat. Si nous avions, à Genève et en Suisse, une législation comparable à la législation française, qui prévoit qu'après cinq ans de résidence l'on peut demander la nationalité française, eh bien nous n'aurions plus que 10 à 15% de population étrangère résidente.
Ce à quoi notre parti tient beaucoup, c'est qu'en matière de naturalisation -- nous avons déjà fait l'effort au plan cantonal -- au plan fédéral on fasse un sérieux effort pour que cette barrière des douze ans de séjour pour pouvoir devenir citoyen suisse soit abaissée à huit, voire pourquoi pas à six ans. C'est par là que nous devons commencer l'intégration des étrangers, et c'est par là effectivement que des efforts importants doivent être faits, parce que, je vous le rappelle, notre loi en matière de naturalisation est une des plus strictes qui existent en Europe et dans le monde, et, si l'on veut intégrer les étrangers, c'est tout d'abord au travers de la simplification et du raccourcissement des procédures de naturalisation qu'on doit le faire, et j'estime qu'aujourd'hui cela devient absolument urgent.
Par contre, ensuite, lorsque nous aurons simplifié ces procédures de naturalisation, nous pourrons nous poser la question de savoir si, nonobstant cette simplification, il y aurait lieu de donner le droit de vote aux étrangers, par exemple en matière municipale. Le droit de vote et d'éligibilité complet, tel qu'il est suggéré par l'initiative, n'existe à ce jour nulle part en Suisse. Je ne crois pas non plus qu'il existe au plan européen et je crains même que cette démarche ne finisse à terme par susciter certains réflexes populistes que l'on voit hélas poindre à nouveau dans notre pays.
A mon sens donc, et au sens de mon parti, un effort maximum doit être fait pour intégrer les étrangers par le biais de la naturalisation, et je pense, tout comme Claude Blanc, que notre population n'est pas prête à donner dès aujourd'hui un droit de vote et d'éligibilité complet aux étrangers, ce d'autant qu'à mon avis la volonté de participer aux affaires du pays doit procéder d'un acte positif qui se manifeste sous la forme d'une demande de naturalisation.
M. Claude Blanc (PDC). M. Cramer m'a fait l'amitié de croire à ma bonne foi dans cette affaire, mais il n'a pas pu s'empêcher d'utiliser à mon égard une épithète dont je m'honorerais d'ailleurs, si je la méritais; d'autre part, il a quand même mis en doute la volonté du groupe démocrate-chrétien d'avancer dans cette affaire. Monsieur Cramer, nous ne vous avions pas attendu en 1979 pour prendre nous-même une initiative dans ce sens et, par conséquent, vous êtes, permettez-moi de vous le dire, assez malvenu de nous soupçonner aujourd'hui de vouloir en réalité couler le bateau.
Je crois que tout au long de ces derniers mois nos débats ont été animés, en tout cas dans la commission, par une bonne foi réciproque et, tout en ayant fait d'abord une profession de bonne foi à mon égard, vous n'avez pas pu vous empêcher d'y ajouter un peu de fiel, et je le regrette. Je reviens au problème de l'initiative 28 et du contreprojet que la commission y oppose.
Vous nous dites que l'on devrait dissocier et soumettre au peuple l'initiative telle quelle, sans contreprojet, et le projet de loi constitutionnelle tel qu'il est sorti des travaux de la commission. Fort bien! Mais il se trouve que la formulation de l'article 142 de la constitution n'est pas la même dans l'initiative que dans le contreprojet. Alors, qu'arriverait-il si, ce jour-là, les électeurs acceptaient simultanément les deux projets? Vous savez que, quand il y a une initiative et un contreprojet et qu'ils passent tous les deux, c'est celui qui a obtenu le plus de voix qui est accepté.
Lorsqu'il y a une initiative et un projet de loi constitutionnelle sur le même sujet, mais que ce n'est pas un contreprojet, s'ils sont acceptés tous les deux, quelle sera la bonne interprétation de l'article 142? Pour en revenir à cet article 142, les initiants l'ont voulu extrêmement succinct. Je vous le lis d'ailleurs:
«Sont électeurs et éligibles les employeurs et salariés suisses jouissant de leurs droits politiques dans le canton ainsi que les employeurs et salariés étrangers conformément aux conditions prévues par la loi.»
La commission des droits politiques a jugé que c'était insuffisant, que les droits politiques quels qu'ils soient, le droit d'élire et d'être élu, ne peuvent pas être réglés par la loi, mais bien par la constitution. C'est la constitution dans ce pays qui détermine qui peut voter, qui peut être élu. Ce n'est jamais une loi. C'est pourquoi la commission a pris la peine de rédiger un article 142 beaucoup plus précis, et je vous le lis aussi puisqu'il semble qu'un certain nombre d'entre vous n'y ont pas prêté attention aujourd'hui. Le texte de la commission est le suivant:
«Sont électeurs et éligibles les employeurs et salariés suisses jouissant de leurs droits politiques dans le canton ainsi que les employeurs et salariés étrangers domiciliés dans le canton et y exerçant leur activité professionnelle, conformément aux conditions prévues par la loi.»
C'est une précision qu'il valait la peine d'apporter et qui évitera au service du contrôle de l'habitant des difficultés pour déterminer qui sera électeur ou ne le sera pas, qui sera éligible et qui ne le sera pas. Cela nous paraît assez important pour figurer dans la constitution. L'ennui, comprenez-vous, c'est qu'il s'agit d'une initiative formulée et que nous ne pouvons pas y changer une virgule. Si nous avions pu préciser cet article 142 de l'initiative, nous l'aurions fait, parce qu'il mérite de l'être. Ce que je crains, c'est que, dans le cas où le peuple accepterait simultanément les deux projets, on soit dans une situation impossible. C'est pourquoi, si vraiment le Grand Conseil voulait aller dans cette direction, alors je lui demanderais de renvoyer tout cela en commission pour que nous puissions examiner la situation de plus près.
M. Pierre Meyll (T). Depuis toujours, favorable au processus d'intégration des étrangers qui ont participé à notre essor économique et qui actuellement subissent les conséquences de la récession, le groupe du parti du Travail soutient évidemment les deux initiatives. Il est de notre devoir de convaincre les citoyens électeurs d'ouvrir notre communauté genevoise à ceux qui offrent leur travail, et souvent pour notre bien-être. Certains craignent la décision du peuple, mais c'est en tant que guide que nous devons nous prononcer et montrer la voie, donc accepter les deux rapports de minorité. (Interruption de M. Blanc.)
La présidente. Monsieur l'ancien président du Grand Conseil, s'il vous plaît, tenez-vous tranquille!
M. Hermann Jenni (MPG). M. Cramer nous disait tout à l'heure en substance que nous n'avons pas à suivre l'opinion publique, mais que nous devons en quelque sorte la former. Voilà une opinion révélatrice d'un état d'esprit. Nous, classe politique, aurions-nous une qualité supérieure au bas peuple? Nous conférons un certain magistère par la seule vertu d'avoir été élus par ce même peuple. Cette qualité ferait de nous les maîtres à penser de ceux qui n'ont fait que nous déléguer une part de leur souveraineté pleine et entière.
Quelle suffisance et quel manque de respect pour nos concitoyens. Il est vrai qu'une majorité de politiciens, consciemment ou non, partagent à cet égard l'attitude de M. Cramer. On a même forgé une injure nouvelle pour les tenants d'une réelle démocratie. On les appelle des populistes, n'est-ce pas, Monsieur Fontanet? Expliquez-nous, Mesdames et Messieurs les anti-populistes, comment vous pouvez concilier ce mépris de l'opinion de vos concitoyens avec votre combat pour permettre aux étrangers de participer à l'expression de cette même opinion. Ne venez pas prétendre que vous respectez l'opinion majoritaire du peuple. Ce n'est pas vrai. On a vu récemment ce qu'il en était lorsque nous divergions de nos concitoyens alémaniques. Que d'injurieuses appréciations n'ont-ils pas dû essuyer, n'est-il pas vrai, de la part des tenants de l'Espace économique européen! Alors, il est évident que, si l'on peut se permettre une considération aussi relative de l'opinion publique, peu importe qu'elle soit exprimée, que ce soit par le bulletin de vote ou autrement, par tout un chacun et n'importe qui.
La présidente. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir lire le courrier du 10 mars 1993 de la Communauté genevoise d'action syndicale nous faisant part de ses remarques concernant l'IN 28, la P 937-A et le PL 6945 (droits politiques pour les étrangers). (C 36)
M. David Lachat (S). Je me souviens d'un débat assez récent, à l'époque où M. Blanc était encore président de ce Grand Conseil. J'avais commis une grossière erreur juridique et M. Blanc m'a dit: «Je ne suis pas juriste, mais j'ai l'impression que...».
Monsieur Blanc, je ne sais pas si vous êtes jésuite, je ne me prononce pas. Mais j'ai le sentiment que vous êtes devenu juriste avec le temps. Je crois que votre analyse juridique est exacte et je partage votre avis. J'ai le sentiment que la proposition faite par M. Cramer se heurte à une impossibilité juridique, à moins que l'on ne modifie l'un des textes. On ne peut pas modifier le texte de l'initiative, par conséquent, il faudrait amender le texte du contreprojet. C'est la première remarque.
La seconde remarque que je fais concerne la procédure de vote. Puisque le peuple genevois a accepté le nouveau droit d'initiative, nous aurons une nouvelle procédure de vote en cas de double oui. Il faudra toutefois, dans l'intervalle, que les lois qui concrétisent les textes constitutionnels aient été approuvées en troisième débat par ce Grand Conseil. Nous aurons donc une nouvelle procédure, calquée sur la procédure fédérale, c'est-à-dire la procédure de la question subsidiaire pour savoir si les électeurs qui votent deux fois oui préfèrent l'initiative ou le contreprojet.
Mme Irène Savoy (S), rapporteuse. Je voudrais faire quelques remarques concernant les intervenants de tout à l'heure. Concernant M. Blanc, d'abord, j'ai de la peine à comprendre son analyse. Vous nous expliquez, Monsieur Blanc, que vous êtes tout à fait pour l'intégration des étrangers, alors je ne comprends pas. Si vous pensez que le droit de vote est une justice qu'il faut rendre à ces étrangers, vous devez défendre cette idée et ne pas refuser une initiative parce que vous pensez qu'elle va être refusée par le peuple. Si on ne présentait que des projets sans risques, on ne ferait pas avancer les choses.
Quant à M. Fontaine, il parle d'idéalisme. Les Jurassiens seraient-ils plus idéalistes que les Genevois, et alors, où se trouve l'esprit de Genève? Le canton du Jura a accepté ce droit de vote dans sa constitution depuis le début de sa création, et il me semble que ça va sans risques. Donc, est-ce que les Genevois sont moins prêts et moins généreux que les Jurassiens? Quant à M. Du Pasquier, il parle de l'équilibre entre le droit de vote et le droit de servir.
Je trouve que ce n'est pas sérieux. Nous sommes ici quatre femmes élues autour de cette table, laquelle d'entre nous fait du service militaire? (Applaudissements.)
Mme Marlène Dupraz (T). Certains députés de ce Grand Conseil donnent une interprétation de l'Etat comme s'il était un club fermé au statut inchangeable, pire, comme une verrue condamnée à émettre des racines asphyxiantes contre toute velléité de mouvement ou de changement. L'Etat, comme ses institutions, instaure des jalons, des stations, qui sont appelés à s'améliorer selon les exigences du citoyen et surtout à s'adapter à un monde changeant, changeant par ses modèles sociaux générés par la dynamique économique.
Il est à peine réaliste que nous songions à intégrer dans notre univers clos l'expression des dizaines de milliers de travailleurs qui ont partagé avec nous des préoccupations et aussi des défaites, défaites provoquées trop souvent à cause du non-droit de vote. Quant à l'éligibilité, il faut donner la chance aux étrangers de prouver à quel point, intellectuellement et pratiquement, ils sont intégrés. Très souvent, on ne reconnaît leur intégration que par une fondue bien moelleuse ou un rösti bien graissé. Ils prouveront qu'ils possèdent des aptitudes autrement plus techniques et autrement plus spirituelles.
Jusque-là, une catégorie puissante et nantie participe déjà par ses émissaires locaux aux diverses décisions, tandis que les salariés, eux, n'ont pour émissaires que leur force de travail, leur existence et leur santé, le don de leur richesse, le fait d'être simplement salariés. Nous déplorons trop souvent la faible participation aux débats politiques et aux scrutins, alors que nous écartons sciemment cette population qui, sans aucun doute, apporte en marge de nos tribunes une dynamique toujours vouée au silence. Cette pétition est très modérée. Le Grand Conseil, qui jouit d'un état d'esprit plus large, plus généreux, est invité à voter cette pétition et cette initiative.
M. Robert Cramer (Ve). J'aimerais faire deux très brèves observations suite à l'intervention de M. Lachat. La première pour lui dire que je suis tout à fait d'accord avec lui sur un point. Je ne crois pas avoir caché que, si l'on fait du projet de loi constitutionnelle un projet distinct de l'initiative qui ne soit donc pas un contreprojet et que le texte reste ce qu'il est actuellement, ces deux textes ne pourront pas être votés le même jour.
Il me semble que cela est tout à fait certain pour les mêmes raisons que l'initiative 28 et l'initiative 30 ne pourront pas être votées le même jour. Une de ces initiative dit «Oui à l'éligibilité», et l'autre dit «Non à l'éligibilité». Si les deux initiatives passent, on ne saura pas si c'est oui ou si c'est non, et si l'on voulait considérer que l'initiative adoptée est celle ayant obtenu le plus de voix, je vous dirais qu'un tel raisonnement est insoutenable. Voilà pourquoi nous serons obligés de voter deux jours différents. Il y aura le jour de l'initiative 28 et celui de l'initiative 30, de telle sorte que, si le texte de la loi constitutionnelle sur les Tribunaux des prud'hommes reste ce qu'il est, on pourrait le voter le jour de l'initiative 30.
Deuxième observation, et là je dois émettre quelques doutes, Monsieur Lachat, quand bien même vous avez parlé au conditionnel, quant à la possibilité que vous avez évoquée que l'on puisse déjà au mois de juin se trouver dans la situation où le nouveau droit d'initiative sera en vigueur. Malheureusement, cela ne sera pas le cas.
Je me suis renseigné auprès de M. Ziegler, qui très justement a attiré mon attention sur le fait que s'agissant d'une modification de la constitution il nous fallait encore la garantie de l'assemblée fédérale, laquelle ne se réunira pas avant quelques mois, de telle sorte que cette garantie constitutionnelle nous ne l'aurons vraisemblablement qu'aux environs du mois de juin. Lorsque nous l'aurons, il faudra encore que les lois d'application soient publiées, que les délais référendaires s'écoulent et, dans la meilleure des hypothèses, c'est aux environs de l'automne que le nouveau droit d'initiative sera mis en place.
Vous avez certainement raison, Monsieur Lachat, lorsque vous estimez que le nouveau droit d'initiative est plus intelligent et préférable à celui que nous avons maintenant. C'est la raison pour laquelle le peuple nous en a voulu, mais malheureusement, ce nouveau droit d'initiative n'est pas encore applicable.
Pour le plaisir de cette discussion entre juristes, j'attire encore votre attention sur le fait que le nouveau droit d'initiative contient une clause qui veut qu'il ne s'applique pas de façon rétroactive. Alors, est-ce que cette rétroaction agirait ou n'agirait pas dans ce cas? A mon avis, non. Mais le point de vue inverse est soutenable. Il me semble que nous nous engageons là sur des chemins un peu tortueux et compliqués.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Certains voudraient, en abordant ce sujet, saisir l'occasion qui leur est offerte pour donner une impulsion et pratiquer une politique d'ouverture. D'autres se disent acquis à cette ouverture, mais conscients du fait que la population n'est pas prête à la confirmer. Ils craignent même que cette démarche soit de nature à provoquer des réactions contraires et négatives. Certains, peut-être, y sont tout à fait opposés ou conçoivent que la participation à la vie de la cité et du canton se réalise à partir d'une politique de naturalisation plus active. A cet égard, plusieurs intervenants ont relevé les modifications qui sont entrées en vigueur récemment et qui ont indiscutablement élargi le cercle des personnes participant à la vie du canton et du pays. Nous avons pu, au niveau des naturalisations, nous en rendre compte par l'encombrement que cela a suscité dans nos services, compte tenu des demandes qui ont été présentées. Il me semble maintenant que chacun ici aimerait au moins franchir un pas et permettre aux étrangers d'être éligibles aux Tribunaux des prud'hommes.
Dans l'appréciation des méthodes, on arrive à des conclusions un peu différentes, et M. Cramer dit: «Il me semble qu'en scindant le contreprojet nous aurions une meilleure chance de succès». Très sincèrement, Monsieur le député, je n'en sais rien, et je n'en suis absolument pas convaincu. Je crois que la question que vous vous posez ce soir et à laquelle vous donnez une réponse, les membres de la commission y ont longuement pensé et sont arrivés à une conviction. Mais vous savez qu'il est difficile de se livrer à des évaluations précises dans ce domaine, que c'était la moins mauvaise des réponses que l'on pouvait donner, la moins mauvaise des propositions que l'on pouvait faire. Au surplus, mettez-vous à la place des électrices et électeurs qui parfois ne comprennent pas très bien les questions qu'on leur pose.
Ceux qui songent que l'on pourrait les déranger plusieurs fois sur les mêmes sujets devraient réaliser que les gens sont un peu perplexes lorsqu'ils sont interrogés sur les mêmes sujets croyant y avoir répondu quelques mois auparavant. Je me demande si la sagesse ne voudrait pas, malgré les risques que nous courons, que nous en restions à la proposition faite par la majorité de la commission. Il me semble que c'est la voie la plus raisonnable dans laquelle nous pourrions nous engager. J'ajoute que ce sont les initiants eux-mêmes qui ont demandé que la votation ait lieu le même jour.
Maintenant, si vous deviez séparer les choses et imaginer de voter uniquement et d'exclure de sortir la partie prud'homale, je désire m'accorder un délai de réflexion avant de faire des propositions au Conseil d'Etat. Mais, selon les décisions que vous prendrez, je me demande si dans un premier temps il ne faudrait peut-être pas que le peuple s'exprime uniquement sur les prud'hommes et ensuite sur le deuxième volet lors d'une autre consultation. Ce sont des questions que je me pose pour aller dans le sens que vous souhaitez tous.
M. Blanc avait raison tout à l'heure. Quand on banalise la démarche qui est faite aujourd'hui, on ne prend pas en compte la réalité. Or nous avons le devoir de le faire pour avancer au moins d'un petit pas. On peut penser ce qu'on veut, mais ce devoir nous l'avons. Ayant assisté aux travaux de la commission, je me suis réjouis de l'ambiance qui y régnait. C'est cela qui a conduit la majorité de la commission à faire cette proposition. J'ajoute que même pour les prud'hommes, et quelle que soit la méthode que nous choisirons, ce n'est pas acquis.
J'invite d'ores et déjà tous les partis à se mobiliser pour faire passer le message de manière à obtenir une réponse positive sur ce point. Voilà ce que je désirais ajouter. A vous de trancher, mais, encore une fois, je crois que la majorité de la commission avait bien pris en compte tous les éléments exposés ce soir; elle n'a pas improvisé sa réponse, c'était un travail sérieux et rien de nouveau n'a été apporté dans le débat au cours de la discussion que nous avons maintenant. C'est la raison pour laquelle, encore une fois, dans un domaine où il n'est pas facile d'évaluer le comportement des gens, il me semble que la proposition qui vous a été faite est la meilleure.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Vous savez bien, Monsieur le conseiller d'Etat, que l'on était tous d'accord de faire voter les prud'hommes en premier. Nous avons essayé de trouver toutes les solutions possibles pour qu'ils soient votés de façon à être applicables pour ces élections-ci. Seulement, suite aux propos de M. Bernard Ziegler, et je le rappelle à la page 29 de mon rapport, cela n'avait tout simplement pas été possible techniquement en raison du vote sur l'EEE où le Conseil fédéral ne voulait pas que l'on ajoute d'autres propositions. Ensuite, on a essayé de le faire passer pour le 7 mars. Ce n'était pas possible non plus pour une raison de délai référendaire. L'urgence concernant ces prud'hommes n'est plus la
même puisque nous avons six ans jusqu'à la prochaine élection. Cela me paraît tout à fait possible de séparer les deux choses et de revenir plus tard avec un projet de loi constitutionnelle pour les prud'hommes.
M. Claude Blanc (PDC). Oui, bien sûr! Tout est possible! C'est clair! Mais je voudrais quand même attirer votre attention sur le fait que si vous présentez au peuple au mois de juin l'initiative 28 et l'initiative 30 toute crues, on a de fortes raisons de penser que la réponse sera claire et nette. Comment voulez-vous -- il y a quand même une question psychologique -- après avoir «ramassé vos quilles» -- si vous me passez l'expression -- au mois de juin, revenir au mois de septembre avec une partie de la question. Je crois que M. Haegi l'a très bien expliqué, le peuple ne comprend pas toujours les questions qu'on lui pose, et surtout il ne comprend pas qu'on lui pose la même question à trois mois d'intervalle. Cela me paraît délicat, dangereux... Madame Savoy vous avez cru devoir dire que je n'étais pas conséquent avec moi-même en n'acceptant pas l'initiative.
Je crois l'avoir expliqué, je voudrais quelque chose, le plus petit quelque chose possible, mais quelque chose! Votre attitude conduit à ne rien obtenir, sinon de beaux discours, mais ce n'est pas avec de beaux discours qu'on avancera. Il faut faire ce petit pas et, lorsque l'on aura obtenu celui-là, on pourra en faire un autre. Je vous en supplie, faisons ce petit pas!
M. Denis Menoud (Ve). J'ai milité il y a plus de dix ans de cela, dans le comité «Etre-solidaire», dont tout le monde se souvient; c'était pour l'abolition non pas de l'apartheid -- mais enfin presque -- mais pour l'abolition du statut de saisonnier. J'ai mobilisé toutes sortes de gens, de tous milieux et, hélas, nous avions ramassé une claque mémorable à ce sujet. Seul 20%, je crois, du corps électoral avait approuvé cette initiative rejetée par tous les cantons. Il est évident que je ne me fais aucune illusion: devant le souverain, ces deux initiatives n'ont quasiment aucune chance de passer et c'est regrettable, mais enfin, c'est la réalité actuelle, telle qu'elle se pose aujourd'hui en Suisse.
J'aimerais savoir si, dans le projet de loi figurant à la page 26 intitulé «Contreprojet», il ne serait pas possible -- M. Blanc parlait de pas en avant et il semble que la commission veut faire des pas en avant -- plutôt que de risquer de n'avoir rien; le choix extrémiste me déplaît profondément parce qu'il est évident que des initiatives comme «Toutes citoyennes, tous citoyens» ou l'autre ne passeront de toute façon pas la rampe devant ce Grand Conseil, et c'est regrettable, de faire un amendement au projet de loi en ajoutant un article 42 qui demanderait le droit de vote sur le plan communal, c'est-à-dire se limiter à une chose qui est déjà en vigueur au niveau de la CEE. Dans ce cas, il y aurait un élargissement parce que cela ne concernerait pas seulement des ressortissants européens.
Je fais cette proposition parce que, dans le fond, plutôt que d'avoir des discours excessifs de part et d'autre dans quelques semaines, je me dis: «Soyons peut-être un peu réformistes, réalistes.». Ce serait un vote extrêmement clarificateur de cette assemblée pour voir s'il y a oui ou non des doubles discours. C'est-à-dire ceux qui disent oui, mais dans le fond, ce serait sur le vote communal, on serait d'accord, patati et patata, mais comprenez que ces initiatives vont trop loin!» Je les mets au défi, et je propose un amendement au projet de loi, donc le contreprojet majoritaire, si je puis dire. Je propose un article qui reprendrait l'article 42 et qui dirait:
«...mais qui serait limité aux droits sur le plan communal».
Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Je comprends le souci de M. Menoud, et ce souci a été présent tout au long des travaux de la commission. Mon collègue Philippe Fontaine l'a rappelé, nous avons dans nos orientations radicales proposé que la première démarche soit d'adopter le droit de vote au plan communal. Nous y avons renoncé, Monsieur Menoud, pour deux raisons. Nous avions l'impression que venir devant le peuple avec en fait quatre propositions était une espèce de menu à la carte...
L'assemblée. «Menoud!»
Mme Françoise Saudan. ...et que les problèmes constitutionnels étaient trop importants pour que l'on ne respecte pas la volonté des initiants qui, dans leur totalité je crois, étaient opposés au droit de vote sur le plan communal, et on s'est dit que la démarche concernant les Tribunaux des prud'hommes qui était justifiée par de simples raisons de fond que personne ne peut nier, aussi bien les Syndicats patronaux que les syndicats ouvriers, semblait un test suffisant. Je comprends aussi les soucis de ma collègue Fabienne Bugnon. Simplement, le problème est très clair. Si l'on veut revenir devant le peuple, il faut au moins attendre une dizaine d'années. En matière de prud'hommes, c'est impensable. La dernière fois que nous nous sommes prononcés sur les prud'hommes, c'était en 1979, c'était un projet extrêmement modéré qui avait été refusé par le peuple. On ne peut pas envisager de faire voter le peuple concernant l'aspect prud'homal avant plusieurs années, et ce sera trop tard. Il ne faut pas oublier que les syndicats sont venus nous voir à deux reprises et, à chaque fois, ils ont insisté sur la gravité du problème et sur l'urgence d'y trouver une solution. En définitive, la solution appartient au peuple, mais encore faut-il la lui présenter.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je me permets d'insister. J'ai de plus en plus la conviction que le travail qui a été fait était le meilleur possible et qu'en observant tout à l'heure -- réfléchissant à haute voix -- je vous disais que nous pourrions envisager de séparer, si vous deviez aller dans ce sens, les deux choses, et voter le projet des prud'hommes, puis ensuite les initiatives. Mais comme dans l'initiative il y a précisément les prud'hommes, imaginez dans quelle situation nous nous trouverions. Ce n'est pas possible.
C'est la raison pour laquelle il faut accepter le travail qui vous est proposé par la commission. Je me permets de dire, par rapport à la lettre qui a été écrite par le Comité genevois d'action syndicale et par le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs, qu'un passage nous semble problématique d'un point de vue démocratique, ce d'autant plus que le fond traite d'un problème d'une autre dimension que les seuls Tribunaux des prud'hommes. J'ai eu l'occasion d'en parler hier soir avec mon collègue, M. Ziegler. Ce n'est pas son avis. Les Tribunaux des prud'hommes ont été prévus dans l'initiative, nous ne sommes pas éloignés de l'initiative, vous ne vous êtes pas éloignés de l'initiative, vous avez repris une de ses composantes importantes, et j'insiste, ne la banalisez pas. Ce n'est pas gagné, vous devrez vous battre devant vos partis et ensuite devant la population pour faire passer ce contreprojet. Je crois qu'il est normal d'avoir des élans, et il sera normal que tout à l'heure une partie de ce Grand Conseil donne un préavis favorable; c'est dans l'ordre des choses. Certains d'entre vous resteront fidèles à un type d'engagement, mais j'espère qu'une majorité se dégagera pour accepter ce projet tel qu'il vous est proposé par la majorité de la commission et qu'ensuite nous serons tous réunis pour faire aboutir au moins le contreprojet.
M. Denis Menoud (Ve). Mais on peut déposer cet amendement ou quoi? (Ton ironique de l'orateur.)
La présidente. Vous faites ce que vous voulez! (Ton dédaigneux de la présidente.)
Mme Jeanine Bobillier (MPG). Je souhaiterais demander l'appel nominal pour ce vote. (Protestations.)
La présidente. Je voudrais, avant que nous passions au vote proprement dit, vous résumer la procédure de vote. Premièrement, nous allons voter sur la prise en considération de l'initiative 28, ensuite nous allons procéder au vote sur le projet 6945, puis au vote sur les conclusions de la pétition 937 et, enfin, au vote sur l'initiative 30.
IN 28-B
Mise aux voix, l'initiative 28 est rejetée.
M. Robert Cramer (Ve). La question qui va être posée maintenant est de savoir si nous voulons que le projet de loi 6945 soit ou non un contreprojet à l'initiative. En effet, puisque le Grand Conseil a préavisé défavorablement à l'initiative, il est en droit de faire le choix de présenter un contreprojet.
Je vous invite, je vous demande et je vous supplie de voter non lorsque l'on vous demandera si vous voulez d'un contreprojet. Dans le même temps, je vous indique que j'ai déposé sur le bureau du Grand Conseil un petit amendement au projet de loi 6945, de telle sorte qu'à la place de s'appeler «Contreprojet à l'initiative 28», il s'appelera «Projet de loi constitutionnelle».
Ainsi, l'on aurait deux textes distincts. Le Grand Conseil ne voudrait pas d'un contreprojet, mais de deux textes distincts, d'un côté l'initiative 28 et de l'autre le projet de loi constitutionnelle que nous pourrions adopter tout à l'heure.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je trouve que l'insistance de M. Cramer est dangereuse. Ce n'est pas en séance, dans ces conditions, que l'on apporte ces modifications. Vous pensez, Monsieur Cramer, que vous donnez une meilleure chance au contreprojet en agissant de cette manière, mais rien ne nous permet de le prouver. Je crois qu'il faut en rester là. Je me permets d'insister, et je vous invite à accepter le contreprojet conformément à ce qu'il vous est demandé par la commission qui a travaillé sérieusement sur ce sujet.
Mis aux voix, le projet de loi 6945 (contreprojet) est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous avons une proposition d'amendement de M. Cramer consistant à modifier le titre du projet qui s'intitulerait «Projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 142 de la constitution de la République et canton de Genève», le reste étant semblable au texte figurant à la page 26 du rapport.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
La présidente. Nous en arrivons à la demande d'amendement de M. Denis Menoud qui vise à compléter l'article 142 par le texte suivant:
«Les étrangers, sans distinction de sexe, âgés de 18 ans révolus, ont le droit de vote sur le plan communal à condition qu'ils aient résidé en Suisse depuis 10 ans et qu'ils ne se trouvent pas dans le cas prévu par l'article 43.»
M. Denis Menoud (Ve). Il ne s'agit pas du tout d'un rajout à l'article 142, mais bien d'un article 42. Attention, on est bien précis! Si vous voulez, j'ai repris le même texte en quelque sorte que...
La présidente. Il n'y a pas d'article 42 dans ce projet de loi!
M. Denis Menoud. Eh bien, on l'rajoute!
La présidente. Alors c'est un nouvel article?
M. Denis Menoud. Oui, c'est un nouvel article, mais ça s'appelle un amendement...
La présidente. Je vous remercie de le préciser, ce que vous n'aviez pas fait!
M. Denis Menoud. Excusez-moi! Le libellé pour l'essentiel est repris de ce qui a été prévu. Il n'y a donc rien de nouveau et d'intéressant. Simplement, maintenant on arrive au moment de clarification. Il est vrai qu'il faut faire preuve aujourd'hui d'ouverture, et je persiste à croire -- plus de dix ans se sont écoulés depuis l'initiative «Etre solidaire» -- que les choses ont peu avancé. Il est vrai que l'on aurait peut-être dû se battre pour que les étrangers soient présents dans les commissions extraparlementaires. Je rappelle que, pour que les étrangers puissent adhérer dans les entreprises à des commissions ouvrières ou autres, cela a pris énormément de temps.
Cela nous permet de nous prémunir contre les excès de tous ordres et permettra aux gens de s'exprimer sur les objets concrets de leur vie quotidienne. Prenons un exemple sur un plan communal, un plan d'aménagement. A ce moment ces gens pourront aussi s'exprimer car ils sont vraiment impliqués. C'est pourquoi je vous propose de faire bon accueil à cet amendement, et je souhaite que ce Grand Conseil dans sa grande sagesse aille de l'avant.
M. Claude Blanc (PDC). On repart à zéro! M. Menoud a reconnu tout à l'heure -- il l'a dit -- que l'on avait toutes les chances de ne pas réussir avec les initiatives. On refuse l'initiative, on lui oppose un contreprojet, minimaliste, je vous l'accorde, mais qui, lui, a une chance, et puis le chargez à nouveau pour le faire couler. Alors, que voulez-vous en réalité? (Ton agacé de l'orateur.) Voulez-vous des beaux discours ou voulez-vous qu'on avance?
D'autre part, Madame la présidente, si l'on devait dans une modification constitutionnelle venir avec un amendement, comme ça en dernière minute en deuxième débat, ajouter une chose aussi importante, il est évident qu'il faudrait retourner en commission. On ne peut pas ajouter une chose aussi fondamentale à la sauvette!
Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Je prie mon collègue Menoud de bien réfléchir à la portée de la décision que nous allons devoir prendre. Je vous en prie, ne bricolons pas avec la constitution! Vous allez amener la majorité, voire l'unanimité de ce Grand Conseil, à refuser un tel amendement. Je vous en prie, Monsieur Menoud, réfléchissez et retirez votre amendement!
M. Claude Lacour (L). Je constate que le projet de loi ne concerne que l'article 142. Un amendement ne peut toucher que l'article concerné... (Protestations.)
La présidente. On ne peut pas ajouter un article nouveau.
M. Claude Lacour. La proposition consistant à faire un nouvel article 42 est une proposition de nouvelle loi, et, à mon avis, elle n'est pas acceptable ici.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Est-ce nécessaire de dire ce qui a déjà été signalé par plusieurs députés, à savoir, Monsieur Menoud, que vous êtes en train de faire couler le contreprojet. Ça ne fait pas l'ombre d'un doute! Or tout à l'heure, M. Blanc a dit en parlant des petits pas, que sans doute dans quelques années une étape nouvelle pourrait être franchie, et je pense que ce sera l'étape communale. C'est indiscutablement le pas que nous pourrons faire dans un avenir que j'espère rapproché, dans la mesure où certaines conditions seront remplies.
C'est dommage, Monsieur Menoud, vous compromettez même par cette démarche le pas que l'on aimerait franchir peut-être un peu plus tard. A mon tour, je vous invite à retirer votre amendement.
M. Denis Menoud (Ve). Je tiens à vous dire que ce débat sur le droit de vote communal n'est pas nouveau, ce n'est pas une invention d'un illuminé débarqué ce soir de la planète Mars! C'est un débat qui a lieu dans l'opinion publique depuis longtemps. Je ne veux pas vous refaire tous les débats qui ont animé les syndicats à Genève à ce propos. Il ne s'agit pas de faire un amendement à la sauvette. Pas du tout!
Si vous dites que c'est si important que ça, alors je suis surpris que vous ne l'ayez pas évoqué dans le débat de ce soir, ou si peu... (Contestations.) Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la parlote, ce sont les résultats! Parce que le blabla, on connaît ici; pour les écologistes on ne fait que ça depuis huit ans, on connaît la chanson! C'est facile de dire: «Oui, tout d'un coup vous remettez tout en cause! A cause de vous, les prud'hommes, tout ça va échouer!» Je ne sais pas qui a rappelé tout à l'heure, riant sous cape, que de toute façon les prud'hommes avaient déjà été refusés à l'époque. Alors, rira bien qui rira le dernier.
Je m'excuse, c'est un discours qui n'est pas très cohérent, pas très logique. Si vous pensez que c'est aussi important que cela, je crois que c'est simple, on renvoie le tout en commission et on en rediscute calmement. (Protestations.) Qu'avez-vous à craindre? Vous savez bien que les sondages d'opinion ont démontré à Genève que les gens ne sont pas d'accord de donner le droit de vote, plein et entier, aux étrangers, qu'ils ne sont pas pour l'éligibilité, mais par contre qu'ils sont prêts à faire un pas en avant. On l'a vu lors des récoltes de signatures devant les bureaux de vote.
De quoi avez-vous peur? Je ne le comprends pas; tout à coup vous vous cabrez, vous devenez rétifs avec une argumentation un peu spécieuse et qui échappe franchement à l'entendement.
La présidente. Monsieur Menoud, nous avons consulté le règlement. L'amendement étant une proposition de modification d'un texte en délibération, et ce qui est en délibération maintenant étant le projet de loi modifiant l'article 142 de la constitution, M. Lacour a raison, votre proposition ne peut pas être prise en considération.
M. Denis Menoud (E). Ecoutez, Madame, je ne suis pas un expert «ès-magouilles» parlementaires comme on en voit à Berne, mais toutefois, c'est la
première fois que j'entends un tel argument pour ne pas soumettre un objet au vote du législatif. (L'orateur s'énerve.) Je trouve cela particulièrement scandaleux, et j'espère que les électeurs jugeront cet automne!
M. Michel Balestra (L). Je ne comprends pas l'acharnement thérapeutique de M. Menoud. Le Grand Conseil donne un préavis négatif à deux initiatives allant être votées par la population. Si la population est prête à accepter ces initiatives, elle les acceptera et il y aura l'éligibilité et le droit de vote aux étrangers au niveau cantonal ou le droit de vote aux étrangers au niveau communal. Puisque c'est ce que demandent ces deux initiatives soumises à la votation populaire, cela ne pose donc pas le problème de déficit démocratique que crie M. Menoud.
M. Bernard Annen (L). Une simple question. Je remarque que plusieurs de nos collègues ont déjà pris trois fois la parole dans ce débat et j'aimerais que l'on respecte aussi le règlement.
Mis aux voix, l'article unique est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue:
P 937-A
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
IN 30-B
Mise aux voix, cette initiative est rejetée.