République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 février 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 2e session - 8e séance -autres séances de la session
N° 8
MÉMORIAL
DES SÉANCES DU
GRAND CONSEIL
52e LÉGISLATURE
Vendredi 12 février 1993,
nuit
Présidence:
Mme Micheline Calmy-Rey,présidente
La séance est ouverte à 21 h 15.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, Dominique Föllmi, Bernard Ziegler, Olivier Vodoz, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Christian Grobet, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, Robert Cramer, Jacqueline Damien, Hervé Dessimoz, Marlène Dupraz, René Ecuyer, Jean-Claude Genecand, Henri Gougler, Michel Jacquet, Michel Jörimann, Georges Jost, Pierre Meyll, Jean Montessuit, Paul Passer, Jean Queloz, Gérard Ramseyer, Andreas Saurer, Philippe Schaller, Jacques-André Schneider et André Vial, députés.
3. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
La présidente. La commission informatique parlementaire composée de neuf membres sera formée de la façon suivante:
M. Hervé Burdet(S), M. Florian Barro (L), M. Robert Baud, M. Alain Rouiller (S), M. Yves Meylan (E), M. Roger Beer (R), M. André Vial (MPG), M. Jacques Boesch (T).
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
La présidente. Nous avons reçu la proposition de motion suivante:
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Débat
M. Jacques Torrent (R), rapporteur. Je me bornerai à faire simplement une ou deux remarques sur le rapport de minorité afin de rétablir certaines phrases susceptibles d'être mal comprises.
Je me réfère à la deuxième phrase de la première page dans laquelle M. Schneider dit, avec élégance, que ce rapport a été écrit en grande partie par un responsable du département. (Brouhaha général. Des quolibets fusent.) Je ne suis pas juriste, mais il me semble normal que ce Grand Conseil et les personnes qui s'intéressent à ce rapport -- notamment tous ceux qui ont affaire aux problèmes de gestion pénitentiaire -- aient accès aux renseignements que seul le département est en mesure de fournir.
M. Ziegler répondra lui-même à un certain nombre d'assertions. L'une d'elle est particulièrement désagréable vis-à-vis de la commission, aussi ne la laisserai-je pas passer. Elle se situe à la rubrique V et dit: «A l'extérieur du canton, la séance se termine par un bon repas avec le directeur et les responsables».
Une voix. A boire!
La présidente. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît!
M. Jacques Torrent. Je pense que cette phrase est injurieuse pour les membres de la commission, pour les fonctionnaires qui nous accompagnent et les conseillers d'Etat responsables de ce département dans les cantons dans lesquels nous nous rendons. Lorsqu'une commission se déplace et qu'elle invite un conseiller d'Etat à sa table, elle peut difficilement offrir des sandwichs. (Rires et quolibets fusent.) Nous ne faisons vraiment pas bombance, pas plus que nous ne nous livrons à de joyeuses libations comme ces remarques pourraient le laisser penser.
Compte tenu de l'ambiance joyeuse qui règne dans ce Grand Conseil, j'en ai terminé!
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Il est vrai que ce rapport a été écrit en grande partie par un responsable du département. Ce n'est pas une critique que je vous fais, Monsieur Torrent, simplement un rapport de visiteurs officiels du Grand Conseil doit certes tenir des statistiques. Du reste, nous recevons de la part de chaque établissement de très très bonnes informations, par exemple nous recevons chaque année un petit livre sur Bellechasse. Le travail est extrêmement bien effectué par les différents directeurs d'établissements comme Champ-Dollon ou d'autres. Mais je pense qu'il faudrait aller un peu plus loin dans la démarche et ne pas se contenter de simples statistiques sur le nombre de détenus, de suicides, de malades. Il serait judicieux de se pencher davantage sur les conditions de détention.
Mon collègue a abordé un deuxième point que je traiterai tout à l'heure.
Je souligne que ce rapport s'intitule «rapport de minorité» pour la simple raison que le règlement du Grand Conseil n'autorise pas de présenter un rapport complémentaire. Cela pour vous dire, Monsieur Torrent, que je n'ai rien de particulier contre votre rapport. Le mien a pour seul but d'apporter un complément et d'éclairer ce sujet un peu différemment. Ce rapport de minorité comptait à l'origine douze pages. Il comprenait des constats complémentaires et des propositions...
M. David Lachat. Qui l'a écrit? (Brouhaha général.)
M. Max Schneider. Malheureusement, je l'ai écrit tout seul!
M. David Lachat. Ça se voit! (Eclat de rires général.)
M. Max Schneider. Je l'ai écrit tout seul et je vais y apporter quelques modifications. J'ai mis l'accent sur certains points concrets pour des raisons d'efficacité et de rationalité. Pour cela, j'ai oublié ces propositions et j'ai réduit ce texte de douze pages aux quelques pages que vous avez devant vous. Voilà pourquoi, Monsieur Torrent, en deuxième ligne, comme je l'ai déjà dit, je signale que ce rapport a été écrit par un responsable du département. Malheureusement, le mien n'est pas aussi fourni en données du département et mes sources sont très diverses.
Je ne me suis pas arrêté aux «tabassages» de Carl-Vogt ou aux dénonciations qui sont faites sur les traitements subis par certains détenus à l'aéroport. J'ai essayé de rentrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire ce que j'ai trouvé de choquant dans les visites que nous avons effectuées durant l'année précédente.
L'un des premiers thèmes est la surpopulation à la prison de Champ-Dollon. Ce soir, je vais vous proposer non seulement des économies financières, mais encore une solution à ce problème.
Le deuxième point porte sur le trafic et la consommation de drogue qui existent à l'intérieur même de la prison.
En troisième lieu, je parle des produits chimiques ou des médicaments donnés aux détenus et, preuve à l'appui, de leur conséquence, c'est-à-dire de la dépendance dans laquelle ils se trouvent à leur sortie de prison.
Le problème des «mules» est le quatrième point. C'est un problème que je connais bien pour avoir vécu dans ces pays et avoir vu de près ce qu'est un bidonville. Il n'est pas possible de laisser des gens gagner quatre à cinq fois plus que chez eux en étant en prison. Je pense qu'il faut apporter des solutions à ce problème, et il me semble que, nous les politiques, nous devons influencer et encourager tous ceux qui cherchent ces solutions, car ces mules n'ont probablement rien à faire à Hindelbank.
Le cinquième point porte sur le travail de la commission. Il n'est pas question pour moi de critiquer le travail de cette commission. Personnellement, Monsieur Torrent, moi je n'ai rien contre les bons repas, ni vous non plus d'ailleurs! Il ne faut pas prendre cette remarque comme une insulte et je ne veux pas m'arrêter sur ces détails. Ce rapport sur la commission des visiteurs officiels démontre que cette commission est un modèle au niveau européen. Peu de pays ont la chance d'avoir une commission telle que la nôtre.
Cette année, nous allons visiter une prison à Lyon. Nos collègues, les conseillers régionaux de Rhône-Alpes, ne sont pas autorisés à nous accompagner parce que les prisons françaises dépendent uniquement du pouvoir central à Paris. Cette commission des visiteurs a le mérite d'exister. Bien sûr, il faut examiner sa manière de travailler, car visiter une grande prison en une journée reste forcément un peu superficiel. Mais nous pourrions, notamment cette année, nous attaquer aux problèmes évoqués dans ce rapport de minorité, faire des enquêtes et approfondir encore la situation réelle à l'intérieur des prisons.
Au point 6, j'ai évoqué les visites médicales effectuées en début de détention. Genève innove là encore -- c'est un point qu'il faut souligner -- grâce au président Ziegler, puisque celles-ci sont faites au début de leur détention. C'est très bien; ce qui serait encore mieux serait d'envoyer une copie des certificats médicaux aux détenus concernés tout de suite après ces visites.
Je ne parlerai pas maintenant de mes conclusions et de mes recommandations car je voudrais reprendre la parole plus tard.
Enfin, en page 1, point pour lequel je n'ai pas eu la chance d'être assisté lors de la rédaction de mon rapport, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ce ne sont pas 78%, mais 51% des personnes détenues qui ont passé moins de huit jours à Champ-Dollon. Je remercie l'huissier qui nous a accompagnés durant toutes ces visites et qui m'a fait remarquer ce détail. De même, la moitié seulement des personnes détenues a passé moins de 24 heures en prison. Là aussi, je proposerai une solution à ce problème.
En page 2 de mon rapport, une petite erreur s'est glissée. En effet, il faut lire: «plus de 50% des détenus avaient consommé de la drogue avant ou durant leur détention», et pas seulement durant leur détention. Aucune étude n'a été effectuée en Suisse sur le problème de la consommation de drogue en prison. J'ai téléphoné à tous les directeurs de prison et aux différentes universités de Suisse romande, mais en vain. Par contre, nous avons un excellent rapport européen qui démontre que la gravité de la consommation de drogue dans les prisons est un problème qui, cette année, devrait préoccuper la commission des prisons.
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Je remercie M. Torrent pour son rapport qui reflète parfaitement les travaux de notre commission qui nous ont occupés tout au long de l'année dernière, et qui, de plus, nous apporte de précieux renseignements.
Permettez-moi également d'adresser mes remerciements au responsable du département, puisque -- comme le mentionne M. Schneider -- il en a écrit une grande partie. Mais heureusement que les fonctionnaires renseignent les députés, notamment en ce qui concerne la politique pénitentiaire du département et l'évolution du droit en matière d'exécution des peines en droit fédéral. Par quel moyen un rapporteur pourrait-il obtenir autant de renseignements, Monsieur Schneider? Ils sont non seulement utiles, mais nécessaires aux activités de notre commission. Vous ne l'avez peut-être pas encore compris puisque vous estimez que certaines conditions d'incarcération sont inacceptables et en contradiction avec les objectifs de la justice. En tout cas, vous l'avez écrit!
Votre rapport de minorité comportait des erreurs que vous avez corrigées, mais vous restez toujours persuadé que la surpopulation de Champ-Dollon est due à des détentions préventives ordonnées de manière non restrictive. Je vous rappelle que les conclusions du rapport de 1991 proposaient une certaine pratique à l'intention du pouvoir judiciaire. Elles sont toujours valables et elles ne se sont nullement révélées fausses.
Au sujet de la drogue, M. Schneider dit qu'il est urgent de prendre des mesures adéquates. Alors, qu'il nous dise lesquelles! Surtout lorsqu'on sait que les amis ou même les familles s'ingénient à trouver des moyens nouveaux et chaque fois renouvelés pour faire parvenir la drogue dans les prisons.
Il est par ailleurs faux de considérer la prison comme une camisole chimique. Je considère que c'est porter une accusation grave à l'égard du service médical de Champ-Dollon et à celui de l'institut universitaire de médecine légale qui restreignent au maximum la consommation de médicaments et restent toujours très attentifs à ce problème.
Quant à l'objectivité et à l'efficacité de la commission des visiteurs officiels on peut effectivement se poser la question, puisque les conditions d'incarcération sont plus que satisfaisantes, que les directeurs et les gardiens prennent en considération les demandes raisonnables de tous les détenus et s'efforcent d'améliorer constamment les conditions de détention. D'autre part, je vous rappellerai que les détenus, qui se sentiraient lésés dans leurs droits, ont toujours la possibilité d'interjeter des recours sur le plan cantonal au Tribunal fédéral et auprès des instances de Strasbourg.
Pour le surplus, je vous conseille vivement de reprendre le rapport de 1991 qui décrit très clairement les compétences de notre commission.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Après lecture de ces deux rapports, on reste un peu perplexes ne sachant pas très bien lequel des deux soutenir.
En effet, on découvre qu'ils ne sont pas tellement contradictoires, mais plutôt complémentaires, le second apportant plusieurs touches humaines supplémentaires. C'est pourquoi je souhaite apporter quelques réflexions sur ce sujet.
Pour ce qui est de la surpopulation, on découvre dans ces rapports les taux impressionnants de surcharge que connaît Champ-Dollon. Il me semble que l'on passe un peu vite sur cette situation dramatique. Tôt ou tard -- et les responsables de la prison sont les premiers à le dire -- un problème grave risque de surgir, mais il sera trop tard pour le regretter. En tant que politiques, nous devons dire fermement que cette situation est inadmissible. Il faut tout faire pour trouver des moyens. Ce n'est pas facile, mais, par exemple, le fait d'accélérer les passages devant le juge d'instruction permettrait déjà d'éviter nombre de nuitées de détenus libérés après l'interrogatoire. C'est un souci de la commission des visiteurs depuis longtemps, mais ne faudrait-il pas être plus ferme sur cet aspect avant qu'un sérieux problème ne survienne?
Je voudrais également évoquer ici le rôle de la commission des visiteurs. Pour côtoyer régulièrement les milieux qui défendent les droits de l'homme, et pour avoir pris connaissance tout dernièrement du rapport déposé à Strasbourg auprès du Conseil de l'Europe par le Comité de prévention de la torture, il me semble que la commission des visiteurs devrait absolument renforcer ses activités. D'une part, elle y gagnerait en crédibilité et, d'autre part, on éviterait ainsi les témoignages contradictoires. Je vous en donne quelques exemples.
Dans le texte de M. Torrent on parle de cinq rapports -- ce sont sûrement les chiffres qui lui ont été fournis -- remis par l'institut universitaire de médecine légale concernant des constats de mauvais traitements. Dans les milieux professionnels concernés, on réagit à cette lecture en affirmant que ce chiffre peut être facilement et honnêtement multiplié par huit ou neuf. Pour couper court à ce genre d'accusations, pour connaître la vérité...
Une voix. Quelle vérité?
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. ...la commission des visiteurs officiels ne devrait-elle pas avoir accès à tous les rapports établis par l'institut de médecine légale? La transparence qui en découlerait serait bénéfique à tous.
Pour ma part -- il faut le noter -- je n'ai jamais entendu parler de mauvais traitements au sein même de Champ-Dollon; c'est plutôt en amont, dans les postes de police. (Vives réactions.) Je tiens d'ailleurs à remercier ici la volonté du directeur de la prison de Champ-Dollon, M. Choisy, de rendre cette prison aussi humaine que possible.
Dans le même ordre d'idée, je me demande si la commission ne devrait pas pouvoir également rencontrer des prisonniers qu'elle choisirait au hasard, sans les y obliger bien sûr, et ne pas seulement auditionner ceux qui se proposent. Lorsque le CICR visite des prisons, c'est ainsi qu'il agit. Il entend aussi des membres du personnel à huis clos. Rencontrer quelques gardiens ou le personnel du service médical s'avérerait peut-être judicieux et aiderait les députés à se faire une opinion objective.
Enfin, il me semble que la commission a oublié un lieu qui fait l'objet de nombreuses critiques, à savoir les cellules de l'aéroport de Cointrin où sont retenus des étrangers n'ayant pas le droit de pénétrer sur sol suisse.
M. Charles Bosson. Ils n'ont qu'à retourner chez eux!
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. C'est une réponse très valable, Monsieur Bosson! Je vous félicite!
Une ou deux visites non annoncées permettraient de lever tous les doutes. Cela s'avère d'autant plus important qu'à ce jour même les aumôniers n'ont pas accès à ce lieu de détention comme c'est le cas dans toutes les prisons. J'invite d'ailleurs le Conseil d'Etat à faire bon accueil à la demande qui va lui être adressée prochainement dans ce sens par les Eglises. C'est donc bien dans un souci de transparence que j'ai évoqué ces quelques points sur lesquels j'aurai peut-être l'occasion de revenir ultérieurement d'une autre manière.
En conclusion, il me semble important que notre commission des visiteurs officiels fasse le choix de poursuivre son travail par un investissement encore plus grand, plus pointu, plus à la recherche de la vérité, car j'ai la conviction que le bon fonctionnement d'une démocratie se vérifie aussi au sort qu'elle réserve à ceux qui sont dans les situations les plus précaires.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Je voudrais entrer dans le vif du sujet, notamment en ce qui concerne les différents points traités dans mon rapport de minorité, et tenter d'expliquer le contenu des conclusions et des différentes recommandations que j'ai proposées en dernière page, au point 7.
La première recommandation préconise de prendre très vite de plus amples mesures de prévention face à la situation à laquelle nous sommes confrontés. J'attire l'attention du Conseil d'Etat sur le travail magnifique effectué par le canton de Zurich qui a vécu des années difficiles avec la consommation et le trafic de drogue. Je pense que les propositions de mesures concrètes qui ont été prises à Zurich pourraient être traduites en français et, pourquoi pas, appliquées voire adaptées au canton de Genève avant que la situation ne se dégrade trop comme cela a été le cas à Zurich. Il vaut mieux prévenir qu'enfermer des jeunes en prison.
Deuxième recommandation. Il me semble qu'il y a mieux à faire que de mettre un détenu condamné par exemple à huit ans de prison comme un objet dans une boîte et de le sortir au bout de ce temps complètement hébété et absolument inadapté à la vie civile. Un plan de détention pourrait être communiqué à l'intéressé par le SAPEM. Ce plan définirait clairement la durée de sa peine, quelles seront ses activités et prévoirait dès le début de son incarcération son chemin jusqu'à sa sortie de prison. Ce serait donc une tentative pour comprendre que si la prison doit punir elle peut aussi permettre une réinsertion plus positive que ce qui est fait actuellement dans ce domaine.
Troisième recommandation. Comme Mme Martine Roset l'avait souligné à juste titre dans son rapport en 1991 -- vous voyez que j'ai bien lu son rapport -- en page 35, que je cite: «La police et le juge d'instruction de permanence doivent veiller à ce que le maximum de personnes appréhendées soient présentées au juge d'instruction rapidement et conduites avant 18 heures au relais carcéral. Celui-ci devrait fonctionner entre 12 et 14 heures. Il y a lieu d'éviter le transfert des personnes arrêtées à Champ-Dollon si la nature et l'absence de gravité des délits reprochés permettent au magistrat de relaxer celles-ci après la première audience d'instruction».
Eh bien, nous avons là des centaines de milliers de francs à gagner bien simplement. Il serait possible que le pouvoir judiciaire mette un deuxième juge d'instruction à disposition pour assurer une permanence, ceci sans engager un nouveau juge, mais en adaptant l'organisation du travail. C'est ainsi que l'on pourrait diminuer ces fameux 25,7% de détenus qui ne passent que 24 heures à Champ-Dollon. Voilà une mesure concrète qui, je le pense, justifie en partie mon rapport de minorité.
Mme Martine Roset (PDC). Je voudrais tout d'abord relever certains des propos de Mme Reusse-Decrey concernant ce rapport.
Je lui précise que nous ne sommes pas des délégués du CICR et les prisons suisses ne sont pas, loin s'en faut, les prisons de l'ex-Yougoslavie! (Applaudissements.) Vos paroles m'effrayent, Madame Reusse-Decrey, car elles remettent tout en cause dans le système judiciaire, le système carcéral suisse, comme si celui-ci n'avait pas fait ses preuves. Vos paroles sont très graves et je vous trouve extrêmement injuste!
M. Claude Blanc. Non, de mauvaise foi surtout!
Mme Martine Roset. Votre rapport d'opinion -- je l'appelle ainsi, car ce n'est pas un véritable rapport de minorité -- Monsieur Max Schneider, comporte effectivement des remarques pertinentes. Seulement, je vois trois obstacles à tout ce que vous avancez: la séparation des pouvoirs, le droit pénal suisse et la politique de la Suisse à l'égard de la drogue et du tiers-monde. Sur ces deux premiers problèmes, le parlement n'est pas compétent, et vous le savez. Nous vous l'avons répété maintes et maintes fois en commission.
Quant au troisième problème, je pense que la prison n'est que l'une des données de celui-ci, une donnée qui est en aval. A mon avis, si l'on veut résoudre ce problème, il faut prendre toutes les données et remonter jusqu'en amont. Je ne sais pas si la commission des visiteurs de prison peut s'atteler à un tel travail et surtout si elle peut obtenir des résultats, car ce problème doit être traité sur le plan suisse, européen, voire même mondial. (Vifs applaudissements des démocrates-chrétiens et des radicaux.)
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Evidemment, il paraît que nous ne sommes pas compétents! Bien sûr les prisons suisses ne sont pas les prisons turques, ni les bagnes secrets du Maroc. C'est vrai! Mais
cependant, il faudrait calculer, puisque nous sommes toujours à la recherche d'économies, si prévenir ne revient pas moins cher qu'incarcérer à tour de bras. Ne vaut-il pas mieux prévoir la réinsertion de ces détenus d'une manière plus active, comme le fait avec une grande efficacité le service du patronage du département de justice et police? Avant de terminer, je voudrais remercier tous ceux qui m'ont aidé: les huissiers et les fonctionnaires du DJP, notamment, M. Porcher, M. Riat.
Une voix. C'est M. Riat qui l'a écrit?
M. Max Schneider. M. Riat n'a pas écrit ce rapport, mais il m'a fourni des renseignements très intéressants. (Quolibets fusent.) Il faut que la commission des visiteurs de prison ne cache rien; elle doit être active et dire la vérité aux parlementaires. On me répond trop souvent en commission que certains sujets ne doivent pas être abordés. La transparence dans ce domaine ne peut être que positive.
Entre-temps, des associations comme celle de la prévention de la torture donnent un autre rapport sur les prisons suisses. Je rends ici hommage à la Ligue suisse des droits de l'homme qui, bénévolement, a effectué plus de quatre-vingt visites et rendu des rapports différents des nôtres, mais en tout cas très humains. L'audition de ces différentes associations serait positive, comme Caritas, par exemple, qui accueille des gens qui se plaignent d'être «tabassés». Le rôle de notre commission devrait consister à approfondir certains sujets.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'aimerais que l'on m'explique pourquoi on dit que je remets totalement en cause le système carcéral puisque, au contraire, j'ai félicité M. Choisy de la manière dont il s'occupait de Champ-Dollon pour rendre cet établissement le plus humain possible. Je ne sais vraiment pas quelle langue il faut parler pour se faire comprendre, car visiblement le message ne passe pas.
D'autre part, j'aimerais offrir à M. Blanc -- cela le calmera peut-être -- le rapport au Conseil fédéral relatif à la visite du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, déposé à Strasbourg auprès du Conseil de l'Europe. S'il trouve que ce rapport ne contient que des inepties, il pourra toujours leur écrire. (Applaudissements de la gauche.)
Mme Jeannik Dami (S). Je voudrais faire une petite remarque à Mme Roset.
Cet été, j'ai participé à une visite de prison en Afrique, et je peux vous dire que le même problème se pose, celui de la surpopulation due à l'incapacité du système judiciaire de traiter au fur et à mesure tous les cas. Bien sûr, on ne peut pas comparer les conditions de détention de ces pays avec les nôtres, mais sur ce point ils n'ont certainement rien à nous envier.
M. Jacques Torrent (R). Il faut se rappeler que l'activité de la commission consiste à visiter des hommes et des femmes condamnés par les tribunaux genevois. Nous devons vérifier qu'ils subissent leur peine dans des conditions acceptables et connaissent de bons traitements. Il nous est difficile d'aller plus loin. Si M. Schneider veut le faire, il faut d'abord passer par le truchement d'une modification du règlement de la commission ou par une motion, projet de loi ou autre, adressée par ce Grand Conseil au Conseil d'Etat.
Dans l'état actuel des choses, les pouvoirs de la commission sont relativement limités mais précis. Je réfute totalement les propos de M. Schneider, lequel déclare que l'on doit cesser de cacher des choses. Je ne pense pas qu'aucun membre de cette commission aurait pu accepter d'être complice de quoi que ce soit de grave ou de désagréable dont il aurait eu connaissance. Je n'admets pas ce reproche, pas plus qu'aucun membre de cette commission.
Enfin, je vous signale, à propos de la drogue dont M. Schneider a fait son cheval de bataille, que la commission s'occupe de ce problème depuis plusieurs législatures déjà; M. Jörimann, longtemps membre de cette commission, peut en témoigner; Mme Damien aussi. Mais il est difficile à un établissement pénitencier de contrôler à 100% le trafic de drogue. C'est quasiment impossible. De la même manière qu'on s'évade de certains quartiers de prisons pourtant réputés «de haute sécurité», on ne peut empêcher complètement le trafic de drogue aussi surveillés que soient les établissements.
Pour ce qui est de la consommation de médicaments et de drogue, je voudrais signaler que plus de 50% des détenus sont de grands consommateurs de drogue, d'alcool et de médicaments. Lorsqu'ils arrivent à Champ-Dollon, le service de santé de la prison les prend en charge en général, notamment en raison du très mauvais état de leurs dents. Ils sont soignés et les médicaments dont ils ont besoin leur sont administrés de façon contrôlée et sous forme liquide pour en éviter le trafic à l'intérieur de la prison. On peut considérer que la consommation de ces gens en médicaments ou en drogue diminue d'environ 20% lorsqu'ils sont en prison.
Il est facile de dire qu'il n'y a qu'à trouver des solutions. Je laisserai au président Ziegler le soin d'évoquer pour vous le problème de l'augmentation de la population carcérale. Il n'est pas juste de mettre nos juges en cause. Lisez dans le rapport les tableaux y relatifs et vous verrez que certains chiffres sont révélateurs sur ce point.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Je suis désolé de reprendre la parole, mais je ne peux laisser dire certaines choses.
C'est un peu le reflet de ce qui se passe en prison, lors de nos visites. (Oohh de réprobation.) J'ai tenté de faire un rapport complémentaire positif et je voudrais le terminer sur une note positive. En effet, si j'estime qu'il manque des informations, cela ne veut pas dire que tout le travail du rapport de majorité n'est pas bon. Je veux simplement apporter une pierre constructive au moulin. En proposant que les juges adaptent leurs horaires pour assurer une permanence judiciaire je ne mets pas les juges en cause, j'essaye simplement d'offrir une solution, puisque l'on m'a donné la preuve que c'était possible.
Pour le reste, je maintiens une attitude extrêmement prudente, Monsieur Torrent, et je n'ai rien contre vous, n'est-ce pas! Je tente de démontrer que la surpopulation de Champ-Dollon engendre des problèmes très graves, comme l'initiation aux drogues dures ou chimiques. Il est clair que dans cette promiscuité des contacts se nouent, les uns dormant par terre sur des matelas, les autres dans des lits à étage, d'autant plus que les petits délinquants se trouvent dans les mêmes cellules que des trafiquants et des escrocs internationaux qui les introduisent dans les filières de la délinquance traditionnelle.
C'est ce contre quoi je m'insurge, car cela va à l'encontre des buts poursuivis par la justice. Au lieu de punir pour essayer de «guérir», on punit et probablement on aggrave la situation des détenus incarcérés pour de courtes peines. C'est pour cela que j'ai proposé, d'une part, cette réflexion sur la surpopulation avec un aménagement des horaires des juges et, d'autre part, une étude sur la consommation de drogue dans les prisons puisqu'il n'en existe aucune en Suisse. Le Conseil d'Etat pourrait en faire la demande au Fonds national pour la recherche scientifique pour approfondir le problème et le rendre clair. On nous dit que l'on met des personnes en prison pour les punir et les guérir, mais nous voulons démontrer que, dans certaines conditions, cela peut aggraver leur cas. Cette enquête pourrait être menée par un groupe universitaire.
Dernier point. Il me semble que quelque chose ne joue pas dans notre justice nationale à propos des «mules» quand celles-ci, condamnées à plusieurs années de prison, déclarent ouvertement qu'elles ne demandent qu'à recommencer en rentrant au pays parce que leur «séjour» en prison leur a permis d'entretenir financièrement une partie de leur famille. Ce sont des constatations qui méritent réflexion, non seulement au niveau genevois, mais au niveau suisse pour essayer de trouver d'autres solutions. Des possibilités d'action dans le tiers-monde ne sont-elles pas envisageables? Cela serait préférable plutôt que de dépenser des sommes pour les incarcérer.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je ne sais trop par quel objet commencer, car le débat est pour le moins décousu.
J'aurais préféré, Monsieur Schneider, que ces diverses questions soient abordées dans le cadre de la commission. Vous savez que mon département vous a toujours ouvert les portes de tous les lieux de détention. Il est heureux que la commission des visiteurs puisse auditionner des détenus. Aucun lieu de détention ne lui est fermé. On a évoqué ce soir le poste de gendarmerie de l'aéroport de Cointrin. Mesdames et Messieurs les visiteurs, allez donc le visiter! Vous constaterez que les conditions y sont plus que décentes.
Il est vrai que plusieurs locaux dans le passé présentaient une certaine vétusté, mais ils ont été refaits à neuf et les cellules en recevant la lumière du jour sont tout à fait conformes aux standards conventionnels, et reçoivent la lumière du jour. Si vous vous étiez donné la peine en commission de demander à visiter ce poste de police, vous auriez constaté que le problème non seulement nous était connu depuis longtemps, mais que des efforts ont été faits pour y remédier et pour rénover ce lieu de détention. Nous sommes très heureux des visites que vous organisez car nous tenons à avoir un contrôle
parlementaire sur notre politique pénitentiaire. Ce contrôle est très important, et le Conseil d'Etat ne veut laisser s'installer aucune ambiguïté quant à la manière dont les détenus sont incarcérés dans notre canton. Il tient à ce que le contrôle interne à l'administration soit doublé d'un contrôle judiciaire et d'un contrôle parlementaire.
Je ne pourrai pas ce soir reprendre point par point tout ce qui a été dit. Je vous ai par exemple entendu affirmer que 50% des détenus se droguaient en prison; il aurait fallu dire que 50% des détenus étaient des consommateurs réguliers d'alcool, de médicaments ou de drogue avant leur incarcération. De toute façon, le chiffre cité dans le débat est absurde, même s'il n'est pas question de nier le problème de la drogue en prison. Un contrôle sévère est appliqué à cet égard dans nos établissements de détention, de même qu'une politique de sevrage qui n'a cependant pas toujours le temps d'aboutir, comme vous l'avez vous-même souligné, Monsieur le rapporteur «complémentaire», en raison de la durée moyenne assez brève de la détention dans notre canton, puisque 25% des détenus sont relaxés dans les 24 heures et la moitié au bout de huit jours au maximum.
J'ai commandé à Berne des exemplaires supplémentaires du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et je viens de les obtenir. Ce document vous sera diffusé la semaine prochaine par le secrétariat du Grand Conseil. Je tiens à ce que vous le lisiez et vous constaterez, Madame Reusse-Decrey, qu'il a été répondu aux allégations qui ont été faites et que les accusations de mauvais traitements ont été vérifiées. Le procureur général a ordonné une enquête sur chacune de ces accusations, et vous connaissez sa très grande indépendance d'esprit. Ces allégations se sont généralement révélées infondées et ont été classées, même si deux ou trois procédures suivent encore leur cours. C'est tellement vrai que le Comité pour la prévention de la torture stipule bien que celle-ci est inexistante dans les prisons suisses.
Pour en revenir à ce comité, je vous rappelle que la Convention internationale pour la prévention de la torture est due à l'initiative d'un citoyen genevois, le défunt banquier Gautier, que la Suisse est l'un des premiers pays d'Europe à l'avoir ratifiée, que la première visite «à blanc» du comité, qui a tenu à fixer assez haut les standards et les normes de ses visites, a eu lieu à Genève à la prison de Champ-Dollon qui est considérée comme l'un des
établissements pénitentiaires les plus performants d'Europe; c'est certainement la prison la plus médicalisée. Nous avons joué le jeu de ces visites, et nous sommes heureux que le comité poursuive ses activités. Nous tenons à examiner toutes les remarques qui nous sont faites. Soyez en tout cas rassurés: on ne torture pas en Suisse! Nous ne sommes absolument pas en infraction avec le droit conventionnel. Vous lirez les conclusions de ce comité lorsque vous prendrez connaissance de son rapport que je vous invite à étudier scrupuleusement.
Contrairement à ce qu'avance M. Schneider -- je suis étonné que de telles questions surgissent en séance plénière -- tous les détenus font l'objet d'un plan de peine qui leur est confirmé par écrit et qui est discuté avec un fonctionnaire du SAPEM. Chaque détenu reçoit au moins une fois par mois la visite d'un fonctionnaire du SAPEM. Le programme est forcément évolutif, en fonction du comportement du détenu. Un programme de réinsertion figure dans ce plan, que ce soit pour les Suisses ou pour les étrangers. Un régime de fin de peine ou de semi-liberté est mis en place soit à Montfleury soit au Vallon où sont organisés des cours pour les détenus dont certains ne savent ni lire ni écrire. Nous alphabétisons ces détenus, leur donnons une formation professionnelle. Du reste, certains détenus terminent avec succès leur apprentissage pendant leur incarcération.
Le plan de peine peut aussi prévoir de dispenser des soins aux détenus, de leur accorder des conduites ou des congés, voire de faciliter leur transfèrement dans leur pays d'origine quand ils demandent à bénéficier de cette possibilité prévue par une convention internationale. Ainsi, je vous suggère -- c'est une question de méthode de travail -- de reprendre ces différents points lors de l'exercice en cours de la commission des visiteurs. Nous sommes prêts à commenter le rapport du CPT et à vous donner toutes explications utiles dans la mesure où elles n'y figureront pas déjà, puisque ce rapport est très complet.
Nous aurons donc tout loisir de revenir sur ces problèmes de la politique pénitentiaire. Nous tenons à ce qu'il y ait une totale transparence dans ce domaine, pour que plus personne ne puisse soupçonner la police genevoise de maltraiter les détenus. Il faut que tout le monde soit convaincu que notre système pénitentiaire tend à une politique de réinsertion, que les fonctionnaires qui l'assument -- qu' ils soient fonctionnaires de police ou de prison -- sont totalement dévoués et sont les artisans de cette politique, et que
nous essayons de faire de notre mieux pour maîtriser ces problèmes. Mais il faut aussi savoir que certains d'entre eux, comme celui de la surpopulation pénitentiaire, ne sont pas aisés à résoudre.
Nous savons depuis des années que nous devons construire une prison pour femmes à Champ-Dollon. C'est une réalisation -- comme pour certaines de vos écoles -- que nous avons dû postposer parce que nous avons dû étaler nos investissements. De la même manière, nous avons tenu à rappeler aux juges d'instruction, dans le strict respect de la séparation des pouvoirs, qu'il pourrait y avoir des mesures d'organisation de la permanence, semblables à ce que vous avez souligné. Je vois d'ailleurs que vous avez des services de renseignements qui sont aussi bons que les miens, puisque j'ai fait une démarche la semaine passée dans ce sens auprès des juges d'instruction, Monsieur Schneider.
La présidente. La parole n'étant plus demandée....
M. Claude Blanc. Oohh, et moi! (Oohh de commisération de toute l'assemblée.)
La La présidente. Mais vous vous êtes fait tenir la main par le conseiller d'Etat Vodoz! Je n'ai pas pensé que vous étiez sérieux! Excusez-moi!
M. Claude Blanc (PDC). Je suis sérieux, Madame la présidente!
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de M. Bernard Ziegler. Il a omis simplement de répondre à une question très précise de Mme Reusse-Decrey, à savoir qu'elle ne mettait pas en doute ce qui se passait à Champ-Dollon, mais qu'elle mettait en doute ce qui se passait en amont de Champ-Dollon, soit dans les locaux de la police. Cette affirmation me paraît tellement énorme que je voudrais que M. Ziegler la démente.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je crois avoir répondu en précisant que le procureur général avait vérifié toutes ces insinuations et qu'il avait classé l'ensemble de ces procédures.
Je l'ai dit il y a un instant et je le répète: chaque fois que nous recevons une allégation de mauvais traitement, une enquête préalable est ouverte aussi bien sur le plan administratif que sur le plan pénal. Les sanctions sont appliquées, s'il y a lieu, autant sur le plan pénal que sur le plan disciplinaire. Vous savez que je n'ai jamais hésité à prononcer une sanction lorsqu'un abus a été commis. Je peux vous assurer que le souci de ne pas laisser impunis d'éventuels dérapages indignes d'un Etat démocratique est un souci constant tant des autorités judiciaires que des autorités politiques.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. (Réprobation générale.) Je pense que plus la situation sera transparente, mieux cela vaudra. C'est pour cela qu'au point 6 de mon rapport complémentaire je propose au Conseil d'Etat et aux personnes responsables de la détention, par souci de transparence, que le détenu puisse obtenir une copie de son certificat médical dans les plus brefs délais après son entrée à Champ-Dollon. On éviterait ainsi le flou artistique qui entoure les allégations selon lesquelles certaines personnes seraient tabassées.
M. Charles Bosson. Elles se font tabasser par un copain et après elles disent que c'est la police!
M. Max Schneider. Non, Monsieur Bosson, ces visites médicales ne sont pas effectuées par des personnes dépendantes du lieu de détention, mais par un service médical indépendant, et cela nous permet d'avoir une certaine objectivité. Il en va de même quant à l'intervention de Mme Reusse-Decrey sur les lieux de détention à l'aéroport de Cointrin. Je ne doute pas, Monsieur Ziegler, que ces lieux de détention soient en bon état, bien peints, agréables. Je crois qu'il y a un malaise dans notre République. Des oeuvres d'entraide comme Caritas ou le Centre social protestant reçoivent des témoignages affirmant que des demandeurs d'asile se sont fait «tabasser» à l'aéroport.
Il ne s'agit plus d'aller visiter des lieux de détention (Agacement de l'assemblée.) ou de mettre en cause des fonctionnaires -- ce serait beaucoup trop grave -- mais il serait tout de même important que notre commission des visiteurs officiels du Grand Conseil auditionne les personnes qui portent de telles accusations et que l'on vérifie les faits nous-mêmes. C'est peut-être aussi le rôle de cette commission qui a le mérite d'exister, mais il faut qu'elle puisse aussi chercher la vérité.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Nous avons tenu, pour qu'il n'y ait pas le moindre doute à cet égard, à mettre en place un service médical au sein même du corps de police. Lorsqu'il y a un incident lors d'une arrestation, un médecin de l'IUML part ainsi intervenir immédiatement pour constater les blessures infligées. Ainsi, il ne devrait plus y avoir d'insinuations de ce genre. Il faut savoir que nous avons eu pendant l'exercice examiné dans le rapport du CPT -- c'est un chiffre à mettre en regard des soixante doléances parvenues à ce comité -- cent trente arrestations ayant donné lieu à des échanges de coups d'une certaine gravité.
La montée de la violence dans notre République fait qu'il y a un certain nombre de personnes qui sont blessées lors d'arrestations -- aussi bien parmi nos fonctionnaires, d'ailleurs, que parmi les personnes arrêtées -- sans que cela signifie qu'elles aient fait l'objet de mauvais traitements pendant leur détention. Lorsqu'un détenu entre à Champ-Dollon -- prison la plus médicalisée de Suisse, voire d'Europe -- il passe une visite au service médical de celle-ci. Le cas échéant, le médecin établit un certificat des lésions traumatiques constatées et, lorsque le détenu le demande, ce certificat est immédiatement envoyé aux autorités judiciaires pour vérification. Cela donne donc lieu à un rapport qui est transmis par la police au procureur général. Celui-ci décide s'il y a lieu d'ouvrir une information pénale ou de classer la procédure.
Nous avons dès lors mis en place un système tel que les mauvais traitements éventuels ne pourront en aucun cas échapper aux contrôles médicaux et judiciaires mis en place à cet effet. Je suggère à la commission d'auditionner aussi bien l'IUML que les autorités judiciaires, si elle le veut bien. Vous pourrez ainsi vous assurer que tant les autorités judiciaires que les magistrats politiques ont le souci constant qu'il n'y ait pas de dérapages impunis dans notre canton. A l'inverse, vous n'avez pas non plus le droit d'inférer de toute accusation portée contre un fonctionnaire que celui-ci doit immédiatement être considéré comme coupable. Il bénéficie au même titre que la personne détenue d'une présomption d'innocence.
Les faits doivent d'abord être vérifiés. En effet, il serait trop facile de tenir pour acquise, lorsque des coups ont été échangés lors d'une arrestation, l'accusation de «tabassage» pendant la détention. De telles accusations s'effondrent souvent lors de leur vérification. Il ne saurait, en revanche, être nié qu'il y a eu parfois des dérapages dans notre canton. J'ai eu à sévir moi-même à plusieurs reprises sur le plan disciplinaire. Mes deux collègues ici présents le savent bien; suivant la gravité des sanctions envisagées, nous devons auditionner les fonctionnaires concernés avant de prendre des sanctions contre eux. Nous avons toujours sévi dans ces affaires; mais je ne suis pas non plus d'accord que l'on porte des accusations aussi vagues qu'imprécises contre nos fonctionnaires, que l'on jette la suspicion sur notre fonction publique, alors que nos fonctionnaires, qu'il s'agisse des policiers ou des gardiens de prison, n'effectuent pas un travail facile.
En effet, s'occuper de la lutte contre la criminalité est un travail qui vous expose à un certain nombre d'accusations ou d'insinuations, et je sais que nous pouvons compter sur le total dévouement et sur la loyauté de l'écrasante majorité des fonctionnaires considérés. Nous avons tenu à mettre en place, pour que précisément ce genre de suspicions ne soient plus colportées, des mécanismes médicaux et judiciaires de contrôle. La visite du CPT nous a conduit à une réflexion visant à améliorer notre système de prévention tout en sachant qu'aujourd'hui déjà nous bénéficions de l'appareil pénitentiaire le plus médicalisé d'Europe.
Le Grand Conseil prend acte de ces deux rapports.
Débat
Mme Jeannik Dami (S), rapporteuse. Je signale tout d'abord une erreur d'impression à la page 2 du rapport. Les députés ont reçu le texte rectifié de la proposition de résolution sur leur table.
Etant donné ce rapport extrêmement succinct, dû à l'urgence de la situation, je voudrais le compléter quelque peu. Ce faisant, je crois vraiment me faire l'interprète de la commission en disant que nous aurions souhaité que l'avenir de l'école d'architecture de Genève puisse être discuté en même temps que la motion 801 qui traite de la coordination des hautes écoles romandes. L'urgence de l'actualité a voulu que le sort de cette école soit traité séparément, mais une urgence n'est peut-être pas un hasard. En effet, s'il est évident que l'enseignement des sciences dites exactes pourraient et devront probablement être regroupées, vu les énormes investissements en matériel et en forces humaines y relatifs, il en va un peu différemment de l'enseignement de l'architecture.
Cet enseignement comprend une large dimension sociale avec toutes les complexités que cette branche implique. Or une des qualités dont notre société a un urgent besoin en la matière, c'est bien l'imagination dans la diversité. On pourrait, par analogie, comparer la richesse que doit comprendre un tel enseignement à une variété biologique. Si l'on procède à une culture intensive au détriment de la diversité, on entraîne certes un meilleur rendement, mais à terme un appauvrissement qui tend à une stérilité. Je crois que l'enseignement de l'architecture qui a une application directe sur notre mode de vie est particulièrement touché par une telle comparaison. Les enseignements vaudois et genevois ont chacun leurs spécificités qui gagneraient grandement à rester complémentaires tout en admettant que partie de cet enseignement pourrait être regroupé.
C'est dans cet esprit que la commission a rédigé cette résolution, réalisant par ailleurs qu'il est extrêmement important d'apporter à notre chef du département de l'instruction publique un appui non négligeable dans ses futures négociations à Berne. Pour ces raisons, nous souhaitons une très large adhésion à cette proposition de résolution.
M. Philippe Joye (PDC). L'unanimité des commissaires moins un pense qu'il vaut la peine de garder une partie importante de l'enseignement architectural à Genève; que des économies substantielles -- qui se chiffrent mainteant par millions -- devraient être réalisées; que la manière dont il faut procéder pour réussir ce mariage avec l'EPFL en particulier et avec le secrétaire d'Etat chargé des écoles polytechniques et des universités doit être dévolue aux exécutifs pour des questions tout simplement pratiques; qu'il est urgent que ce Grand Conseil témoigne haut et fort de son désir de trouver une issue rapide à ce qui était une proposition de suppression pure et simple d'une
école pour devenir maintenant une proposition de collaboration dynamique entre Genève et Lausanne; que tout retard dans la solution à trouver déstabilise profondément tout le monde, des autorités responsables aux professeurs et surtout aux élèves.
Nous sommes actuellement dans un vide, dans un temps mort de négociations qui porte un dommage important à cette école. Si ce temps mort persistait, ce dommage pourrait atteindre des proportions telles que l'école pourrait disparaître faute d'inscriptions nouvelles, par exemple. Quel élève, en effet, voudrait être candidat à faire des études dans une école dont il ne sait pas si elle existera encore, et si oui sous quelle forme, avec quels supports et quels accents? Vous avez pu lire que divers schémas potentiels existent en particulier dans la direction d'un troisième cycle. Ce troisième cycle sera-t-il universitaire ou fédéral? Je ne voudrais pas entrer en matière là-dessus, parce que je pense précisément que c'est une question de négociation.
Par contre, je me réjouis d'entendre que l'université s'est solidement reprise en main et qu'elle a reçu «cinq sur cinq» le message financier extrêmement brutal de M. Cotti, conseiller fédéral. Le professeur Marianni a dit dans le «Journal de Genève» qu'il nous faut maintenant arrêter de parler de l'école et surtout éviter qu'elle devienne un cheval de bataille pour les politiques. Il oublie un peu vite que c'est l'école qui a appelé les politiques à son chevet et qu'il a peut-être fallu ce passage très public et très ouvert pour que le plan initial Vitto-Weber, qui n'économisait pas grand-chose et ne tenait pas compte des rigueurs boréales de nos finances fédérales et cantonales, fasse place à un projet concret et sérieux dont on nous dit qu'il est adapté à nos possibilités financières.
Je conclurai en disant que ce sera le dur lot des universités de voir le politique intervenir chaque fois qu'elles ne seront pas aptes à réformer leur fonctionnement et leur organisation ou qu'elles oublieraient que si elles sont les phares de la collectivité, elles ne peuvent penser que les règles très dures que nous imposent le chômage, les licenciements, le manque de ressources ne leur sont pas applicables. Je pense qu'elles seules pourront faire leur réforme à l'intérieur de leur quatre libertés essentielles: académique, universalité de l'enseignement, autonomie universitaire et refus du numerus clausus, avec toutefois une nuance de taille; en effet, elles devront transposer le cadre géographique de ces libertés à l'échelon de la région en collaborant entre universités et hautes écoles pour assurer le respect des libertés mentionnées ci-dessus tout en intégrant le facteur de la mobilité entre les villes universitaires.
C'est dans cet esprit que je vous recommande de voter massivement la présente résolution. Je voudrais saisir cette occasion pour remercier le président du département de l'instruction publique de tous les efforts qu'il a déployés dans cette affaire pour laquelle je crois pouvoir dire qu'il n'a pas reçu tout l'écho qu'il était en droit de recevoir.
M. Armand Lombard (L). Le débat à propos de la résolution de M. Joye a surtout été axé, dans ma vision des choses, sur la réflexion nécessaire au moment où l'on se trouve devant un véritable problème régional. Nous n'avions pas eu jusqu'à maintenant l'occasion de traiter un tel problème, et, qui plus est, de devoir le solutionner rapidement.
Dans les discussions houleuses qui ont eu lieu dans la commission de l'université, j'ai surtout été frappé par une série de réactions allant de la défense du patriotisme local, du patrimoine genevois, de la lutte contre l'autoritarisme brutal et fédéral, en passant par des jalousies envers certains cantons, en l'occurrence le Tessin avec le projet Botta. En fait, toute une série d'éléments sont rentrés en ligne de compte alors qu'ils ne l'auraient pas dû, puisque la véritable discussion portait sur la politique régionale à appliquer, et comment conserver le patrimoine, l'autonomie et les spécificités d'une cité, surtout si ces dernières doivent se transporter à 40 ou 50 km d'autoroute de là. Le débat a été très utile pour clarifier un certain nombre de points et arriver à une politique régionale universitaire. La motion 801 permettra de mieux préciser cette politique et je m'en réjouis déjà puisqu'en somme ce sera notre premier débat en la matière et qu'il nous obligera à beaucoup de compréhension, de partage et de coordination avec les autorités vaudoises et la ville de Lausanne.
En ce qui concerne l'école d'architecture, qui doit être étudiée sur le plan régional, trois solutions s'offraient à notre parlement. Celle de la Genève patriotique -- chiffrée à 10 millions -- et à l'autre extrême, celle que l'on pourrait appeler la solution fédérale ou solution Ursprung, qui est une solution assez brutale d'intervention concentrant toute l'opération à Lausanne, mais dont le coût reviendrait à zéro franc et zéro centime, soit une diminution de 10 millions pour Genève. Entre les deux -- un bon consensus apporte toujours une solution intermédiaire -- il y a la solution que je me permettrai d'appeler solution Dominique Föllmi.
Celle-ci préconise un effort de régionalisation pour ramener à une seule formation d'architecture, ainsi qu'à une administration centralisée, à une politique régionale et à une université ou à un diplôme, mais basée sur la spécificité de chacune des cités participant à cet enseignement. Cette solution devrait se situer financièrement parlant à mi-chemin entre les deux autres.
A l'évidence, la spécificité genevoise, en ce qui concerne l'école d'architecture -- comme cela a déjà été dit -- est une spécificité d'urbanisme et de restauration, alors que celle de Lausanne est caractérisée par l'ingénierie. Ces différences sont heureuses, car cela permettra d'organiser une université ou une école d'architecture régionale où chacune de ces branches sera dispensée, cela en tenant compte de l'aspect financier, ô combien important pour les finances de notre canton, et de celui de Vaud du reste!
Comme l'a précisé M. Joye, ce rapport doit soutenir la démarche genevoise de M. Dominique Föllmi auprès des autorités fédérales. Aussi, je vous propose un amendement -- pour que le message soit plus clair -- consistant à supprimer la première invite qui est peu précise et relativement floue, je cite: «Chercher à développer un enseignement de l'architecture sur le plan Suisse et sur celui de la région qui tienne compte des derniers développements dans le concept européen». Il ne s'agit pas d'une recherche suisse, mais d'une recherche régionale. Le concept européen est sympathique, mais je crois qu'il n'a rien à voir avec le soutien à apporter au Conseil d'Etat qui se basera, je le pense, davantage sur les deux invites suivantes qui sont très précises.
Je vous serais donc reconnaissant de soutenir cet amendement.
Mme Erica Deuber-Pauli (T). Après ce qui a été dit, je n'ai plus grand-chose à ajouter.
Je ferai cependant une remarque assez importante. Il est vrai que la secousse produite par l'offensive du conseiller fédéral Cotti contre l'EAUG nous a provoqués, non pas parce que nous sommes chauvins ou jaloux du Tessin, mais plutôt parce que l'école d'architecture court bel et bien le risque
de disparaître. Cette réaction l'a amené à travailler très rapidement sur un projet, à revenir sur le projet Vitto-Weber, à reformuler un projet -- mais je ne suis pas sûre que le projet reformulé soit celui qui devra à tout prix émerger au cours des prochaines semaines.
En effet, ce projet m'inquiète s'il ne s'articule pas dans la perspective que viennent de souligner successivement M. Joye et M. Lombard, soit celle d'une intégration régionale. En supprimant le premier et le deuxième cycle d'enseignement de l'architecture à Genève, ce vers quoi on risque de s'acheminer, et en ne retenant que le troisième cycle dans notre ville, je crains que celui-ci ne vienne se placer dans une autre orbite que celle de l'architecture, de l'urbanisme et de la préservation du patrimoine comme proposé, et qu'il ne se dilue dans les sciences économiques et sociales. C'est le projet Weber, un projet caressé par des universitaires qui ont une grande ambition pour la faculté des sciences économiques et sociales, mais qui apparaît dangereux parce qu'il oublie l'architecture elle-même et qu'en somme il fait «gagner» la suppression du premier et du deuxième cycle à Genève, un institut supérieur de troisième cycle assurant en même temps la formation continue, la spécialisation et la recherche postgrade, mais n'entrant pas du tout en matière sur une intégration progressive d'une université régionale.
Tout au plus imagine-t-on dans ce projet des liaisons, des continuités entre le deuxième et le troisième cycle, des ateliers par exemple à Lausanne qui commenceraient à faire travailler les étudiants de troisième année sur des perspectives de recherche postgrade. Mais ce projet ne serait pas un projet d'intégration universitaire régionale.
J'aimerais demander à notre conseiller d'Etat chargé de l'instruction publique de tenter de réussir un coup formidable en amenant le Polytechnicum à Genève. Pour cela il faudrait créer une branche polytechnique à Genève, c'est-à-dire une véritable intégration à une école fédérale. C'est dans cet esprit que nos collègues de la commission ont parlé de concept européen qui en dit long sur le plan universitaire: c'est la perspective de développer des programmes Erasme au sein des universités avec des liaisons vers Zurich, vers la France voisine. Si on arrivait à amener un polytechnicum à Genève, c'est-à-dire à faire de cet institut d'architecture et d'urbanisme genevois de troisième cycle et de recherche un institut polytechnique, ce projet serait un pas très important dans l'intégration
d'universités régionales. En sauvant simplement un troisième cycle et en plaçant celui-ci sous le chapeau des sciences économiques et sociales, on réaliserait seulement des économies sans faire un pas de plus vers l'avenir.
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Il faut se demander quel est le résultat que l'on entend obtenir. Que veut-on en définitive? Nous avions la volonté d'établir une collaboration sur le plan romand entre diverses institutions universitaires. En l'occurrence, entre l'Ecole polytechnique et l'université de Genève avec son école d'architecture. La collaboration proposée, Monsieur Joye, était dynamique. Les responsables de ces deux institutions se sont mis à l'oeuvre pour déboucher sur un concept dont je vous rappelle les points forts: une formation unique, un seul diplôme, un seul plan d'étude, des économies, la suppression des doublons, mais une activité scientifique sur deux sites. Cela signifiait une collaboration intense entre ces deux institutions et des échanges de professeurs et d'étudiants. Ce projet semblait prometteur.
Vous avez dit, Monsieur Joye, que ce projet ne faisait pas faire d'économies, ou très peu, mais vous ne les avez pas chiffrées. Par conséquent, c'est aller vite que de condamner d'emblée le résultat. C'est pourquoi je pose la question: que voulons-nous obtenir et quel résultat voulons-nous atteindre? Notre but est-il de faire exclusivement des économies ou de respecter un concept? Voulons-nous enseigner certaines disciplines, voulons-nous conserver un troisième cycle, voulons-nous un institut universitaire? Les réponses à ces questions doivent guider notre démarche.
Le département de l'instruction publique et l'université tentent de procéder à une révision du concept tout en essayant de dégager des économies. Vous, vous voulez que nous fassions 5 millions d'économies, puis que nous élaborions un concept, c'est-à-dire faire les choses à l'envers. Moi, je garde ma stratégie qui consiste à formuler un concept et ensuite à concilier l'aspect financier. Il me semble important de faire les choses dans cet ordre. Vous connaissez la situation, puisque M. Cotti a bloqué le processus estimant qu'il suffisait de transférer le tout à Lausanne pour régler l'avenir des études en architecture.
Or je me permets de rappeler les enjeux. Je ne veux pas galvauder un patrimoine. L'école d'architecture est un patrimoine. Cette formation concerne quatre cents étudiants à Genève dont je veux tenir compte, sans parler des collaborateurs qui travaillent dans notre école. Enfin, la recherche qui est reconnue et appréciée ne doit pas être galvaudée non plus. Je suis décidé à maintenir à Genève une formation de haut niveau dans le domaine de l'architecture. Pour moi, il n'est pas question de fermer cette école et de transférer le tout à Lausanne, car cela ne correspond pas au concept qui est le mien. Imaginer que l'on va pouvoir développer le département d'architecture de l'Ecole polytechnique fédérale en y ajoutant quatre cents étudiants sans ressources supplémentaires n'est pas un concept. Ce n'est pas sérieux, j'ai déjà eu l'occasion de le dire!
Mais il est vrai que sous les pressions et les coups de boutoirs de Berne, nous sommes obligés de réviser ce concept et, immanquablement, nous sommes obligés de réduire la formation complète de l'architecte telle qu'elle était prévue et conçue. Monsieur Joye, nous ne sommes pas dans le vide des négociations, ni au point mort. Au contraire, nous travaillons d'arrache-pied. L'école d'architecture propose un autre concept, celui que vous avez décrit, Madame Deuber-Pauli. Vos échos reflètent la réalité et je constate que vous connaissez parfaitement les propositions qui ont été formulées.
Ce nouveau concept est axé sur un projet de troisième cycle, enseignement et recherche, sur la formation continue et sur la recherche. Il s'agit d'une nouvelle articulation possible entre un institut de troisième cycle à Genève et l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Où en sommes-nous actuellement? L'école d'architecture a travaillé rapidement pour concevoir cette contre-proposition. Le conseil de l'école d'architecture qui comprend les quatre corps constitués, professeurs, collaborateurs, personnel administratif et étudiants, a approuvé ce projet à l'unanimité, ce qui est encourageant.
Nous irons à Berne dès que M. Cotti sera de retour de vacances pour négocier. Je me baserai d'abord sur le projet initial tel que nous l'avions prévu et j'attendrai les explications de M. Cotti afin de connaître la raison de son refus. Nous devons avoir une explication à ce sujet, car en l'occurrence un échange épistolaire n'est pas suffisant. En fonction de ces discussions, nous aborderons le nouveau projet, c'est-à-dire celui qui a été élaboré maintenant. Nous avons ainsi une alternative, deux concepts de coordination possibles. Je demanderai également que les professeurs, les directeurs, le président de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne aient le droit de s'exprimer.
En effet, pour l'instant, aussi curieux que cela puisse paraître, ces personnalités n'en ont pas le droit, car le chef du département fédéral de l'intérieur le leur a interdit. Imaginez un seul instant que j'interdise au recteur, aux directeurs, aux professeurs, aux collaborateurs et aux étudiants de s'exprimer ici à Genève! C'est pourtant ce qui se passe à Lausanne! Heureusement, nous avons une bonne tradition académique qui permet la liberté d'expression à l'université. Je dois donc débloquer cette situation pour Lausanne, afin que nous puissions reprendre les discussions dans un cadre déterminé. Comme je l'ai dit, nous devons définir au préalable un concept avant de nous déterminer sur le budget.
Nous avons deux solutions de rechange pour Genève. Il ne nous reste plus qu'à les présenter et à en discuter avec le recteur et le président de l'école d'architecture de Genève à Berne puisque nous devons négocier maintenant au plus haut niveau les projets académiques dans ce contexte.
Quant à votre proposition de résolution, je n'en refuse pas la première invite. En effet, le deuxième projet préparé par l'école d'architecture correspond bien à un projet régional. La convention liant les universités, la région Rhône-Alpes et l'ensemble de la Suisse romande porte essentiellement sur le troisième cycle. Vous ne devez pas craindre le manque de vision régionale, car nous l'avons au contraire bien prévue au programme. Par conséquent, cette première invite correspond tout à fait au travail en cours, et je vous remercie de votre appui.
Enfin, mettre sur pied une école d'architecture romande à Genève, c'est très bien. Par contre, j'imagine mal le transfert du département d'architecture de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne à Genève, car nous n'en aurions pas les moyens financiers. Vous avez suggéré que cette école soit reconnue sur le plan fédéral; si M. Cotti nous donne les ressources nécessaires, j'en serais évidemment ravi, mais je ne crois pas que ce soit son intention. Un transfert de Lausanne à Genève me paraît utopique. Alors, restons les pieds sur terre et discutons concrètement en espérant que nous progresserons avec ce premier dossier important qui préfigure bien ce qui nous attend avec les autres dossiers de coordination des universités en Suisse romande. Je vous remercie de l'appui que vous m'apportez dans cette affaire.
M. Philippe Joye (PDC). Lorsque je parlais de vide de négociations, Monsieur le président, ce n'était pas au sein de l'université, mais entre Genève et Berne.
En ce qui concerne l'amendement, j'avais dans un premier temps dit à mon cher et estimé collègue, le député Lombard, qu'il n'était pas très grave de «laisser tomber» ce premier amendement. Mais au vu de ce qui a été dit, je propose qu'il soit maintenu, car en fait il n'est pas aussi anodin que cela a été dit au départ.
Enfin -- et comme les déclarations de personnes tout à fait compétentes dans le domaine de l'enseignement le laissent entendre -- je crois que l'intention réelle fédérale est bien d'offrir à Genève un Institut fédéral de recherche de l'environnement qui comporterait des disciplines telles que: l'aménagement du territoire centré sur les villes et qui s'occuperait des questions de recyclage, de reconstruction, de formation continue et aussi de tous les instituts qui marchent bien à Genève, par exemple, celui qui a été consacré à la méthode Mayr. Nous sommes en train, et je m'en félicite, de trouver une solution. Je partage l'avis de Mme Deuber-Pauli. Je verrai assez bien un institut à forte connotation fédérale pour jouer la région.
Mme Françoise Saudan (R). Nous ne sommes pas intervenus en tant que groupe dans le débat, car j'avais déjà longuement développé ce point il y a quinze jours. Je ne voulais pas reprendre toutes les raisons -- avec un certain nombre de réserves -- favorables au maintien de la spécificité, de la culture, du patrimoine genevois, comme vient de le préciser M. Föllmi. En effet, je suis convaincue de l'importance extrême de cet élément. Nous vous soutenons donc totalement dans la bataille que vous menez, avec l'appui de ceux qui, à l'école d'architecture et ailleurs, travaillent à ce projet.
Je mettrai un bémol à la prétendue houle de la dernière séance de la commission de l'université qu'a évoquée M. Lombard. Au contraire, il y a eu unanimité moins une abstention. S'il y a eu houle, elle était interne au groupe libéral.
Mme Erica Deuber-Pauli (T). Je voudrais seulement préciser ma crainte de tout à l'heure. Lors d'une récente rencontre à Genève avec un collaborateur de M. Ursprung, qui est genevois, qui a non seulement rencontré M. Joye, mais quelques professeurs de l'école d'architecture et moi-même, nous avons évoqué les deux cas de figure qui sont contenus dans le projet de l'école d'architecture.
D'un côté, un projet qui vise le long terme et la marche en avant vers l'université romande, par l'intégration des deux instituts, Polytechnicum et école d'architecture, avec tous les paliers nécessaires pour atteindre ce but. Je ne pense pas que cette intégration soit pour demain, mais peut-être pour après-demain, par une corrélation des programmes et des titres, un meilleur partage des compétences entre les deux villes.
De l'autre côté, une perspective qui serait tout aussi acceptable aux yeux de M. Ursprung consisterait à liquider le premier et le deuxième cycle à Genève, à conserver le troisième avec les instituts de l'EAUG intégrés à SES. But: quelques millions d'économies. Ce serait une solution acceptable aux yeux de Berne, car applicable dès septembre 1993.
Nous n'aurions toutefois pas avancé d'un pas dans l'intégration réelle d'une université romande. C'est mon inquiétude. Les deux solutions sont acceptables pour les autorités fédérales qui ont le souci de faire des économies, mais nous, nous avons un patrimoine à sauvegarder. Pour que ce dernier féconde l'université romande de demain, nous devons choisir non pas la solution de facilité, mais la solution difficile, même si elle est à plus long terme, c'est-à-dire l'intégration polytechnique que vous prétendez impossible aujourd'hui, mais qui sera peut-être possible dans dix ans.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Premier débat
Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse. Les députés qui ont lu avec attention ce très important projet de loi auront rectifié d'eux-mêmes l'article 2, page 3. Il doit en effet être lu ainsi: «La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1993», cela selon le voeu de la commission des finances.
Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue:
Premier débat
Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Je rappelle brièvement que ce projet de loi a pour but d'inciter les contribuables à payer leurs impôts dans les délais légaux. Le principe général se trouve dans l'article unique sur le taux d'intérêt dû sur les créances fiscales que nous sommes appelés à voter ce soir.
La commission a décidé à l'unanimité, et après avoir envisagé plusieurs possibilités, d'arrêter le taux légal dû à celui du dernier emprunt public émis par la République et canton de Genève avant le 1er janvier de chaque année civile. Cet article unique sur le taux d'intérêt a l'avantage de pouvoir être qualifié de taux légal auquel les dispositions fiscales peuvent ainsi faire référence. En l'espèce, la loi générale sur les contributions publiques, la loi sur les droits de succession ainsi que celle sur les droits d'enregistrement ont été modifiées dans ce sens. Afin d'être certain de gagner en efficacité, le projet a également simplifié la procédure de recouvrement en cas de non paiement en supprimant le rappel préalable et en permettant déjà au niveau de la sommation de payer d'assortir cette dernière d'une surtaxe de 1/20ème du montant dû.
Enfin, la commission a estimé équitable que le contribuable puisse également bénéficier d'un intérêt au même taux légal que l'administration fiscale dans les situations où il y a remboursement de trop-perçu en faveur du contribuable. Je rappelle que toutes les créances fiscales sont frappées de cet intérêt légal, qu'il s'agisse des impôts, des taxes et des amendes. Le but de ce projet de loi n'est pas de percevoir des intérêts, mais plutôt -- vous l'aurez bien compris -- d'inciter les contribuables et les débiteurs de créances fiscales à s'acquitter de leur dû dans les délais, ce qui contribue directement à une bonne gestion des deniers de l'Etat, ne serait-ce qu'en économisant les frais énormes que représente le recouvrement de la dette fiscale. En conséquence, je vous invite à suivre les conclusions de la commission.
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule, ainsi que l'article 1 (souligné) sont adoptés.
Art. 2 (souligné)
Art. 174, al. 1 (nouvelle teneur)
al. 2, lettre b et c (nouvelle teneur)
al. 3 et 4 (abrogés)
Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Vous avez accepté l'abrogation à l'article 49 de la loi sur les droits de succession des alinéas 3 et 4 sur proposition de la commission, laquelle les avait trouvés désuets. En effet, ces deux alinéas traitent des sanctions que peuvent encourir les fonctionnaires appartenant aux administrations publiques cantonales et communales, aux institutions dépendant de l'Etat, aux greffes des tribunaux et aux autorités judiciaires s'ils ne donnent pas les renseignements conformément à l'obligation visée dans la loi. L'article 174, alinéas 6 et 7, traite du même sujet, et cette fois dans la loi sur les droits d'enregistrement.
Aussi je propose que l'on abroge également ces deux alinéas qui prévoient la possibilité d'infliger une amende de 20 à 100 F aux fonctionnaires tenus par la loi de donner des renseignements à l'administration fiscale et qui négligent de le faire. Ces obligations de renseignements sont d'ailleurs contenues de manière générale dans l'article 335 de la loi sur les contributions publiques. Cette démarche est donc tout à fait similaire à celle que nous avons opérée en commission pour l'article 49 de la loi sur les successions, et c'est en rédigeant le rapport que je me suis aperçue que nous avions omis de faire ce même raisonnement pour la loi sur les droits d'enregistrement.
En conséquence, il apparaît logique de supprimer les alinéas 6 et 7 de l'article 174 de la loi sur les droits d'enregistrement. Il s'agit en fait d'une réactualisation parallèle à l'article 49 de la loi sur les successions. J'ai d'ailleurs soumis cet amendement à M. le chef du département des finances qui, je crois, était tout à fait d'accord avec cette manière de raisonner.
Mis aux voix, l'amendement de Mme Christine Sayegh (abrogation des alinéas 6 et 7 de l'article 174) est adopté.
L'article 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
Le projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue:
Débat
M. Daniel Ducommun (R), rapporteur. Bien qu'il y ait un rapport de minorité, j'aimerais préciser que, sur le fond, quasiment rien ne me sépare de ma charmante voisine, Madame la rapporteuse de la minorité. Ceci est d'autant plus important à relever que tous les groupes, excepté le groupe libéral, ont contresigné cette motion. Je confirme donc que la totalité de la commission des finances est sensible aux arguments développés par les motionnaires relatifs à la détresse vécue par les populations du tiers-monde.
La seule divergence -- vous l'avez deviné -- réside dans les moyens financiers que nous pourrions mettre à disposition, car ils sont par nature limités. Nos possibilités financières sont hélas nulles, nous les connaissons. Les subventions ont tendance à diminuer, les salaires sont bloqués et j'en passe. Dans ces conditions, les commissaires sont intervenus en accord avec le conseiller d'Etat chargé des finances pour maintenir la subvention à la coopération au développement à son niveau actuel de 2,3 millions. C'est le canton qui verse le plus en Suisse. Pour faire une comparaison, je vous rappelle que le canton de Zurich verse 700 000 F. Il est bien entendu qu'en cas d'extrême urgence, des moyens ponctuels permettent d'intervenir, comme nous l'avons fait récemment pour l'Albanie.
Nous proposons donc le rejet de la motion 757 en ce qui concerne, en particulier, sa première invite.
Les autres invites ne sont pas de la compétence de la commission des finances peu habilitée à traiter la politique d'immigration, le respect des droits de l'homme, le développement des projets écologiques ou encore la destruction des criquets migrateurs, d'autant plus que la Fédération genevoise de coopération, principal récepteur de la subvention de l'Etat, confirme défendre les principes de toutes les invites dans ses actions permanentes au tiers-monde. Compte tenu de ces propos, la situation de rejeter cette motion peut être considérée comme raisonnable.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse. Après les propos de M. Ducommun, j'ai la même impression que celle que j'ai eue en commission et en lisant son rapport de majorité. Effectivement, il n'y a pas d'opposition sur le fond de cette motion. Je ne vois donc pas pourquoi elle n'a pas été acceptée puisqu'il y avait accord sur tous les points.
L'invite qui demande d'augmenter régulièrement la subvention est le seul argument de la majorité pour refuser cette motion, en avançant que nos finances malades ne nous permettent pas ce genre de dépenses. Si nos comptes sont déficitaires, nous sommes malgré tout infiniment plus riches que certains pays. Les coûts induits par les migrations à long terme seront toujours plus conséquents que les petites économies réalisées en refusant cette motion. Je pense que c'est justement dans les moments difficiles que la solidarité doit jouer. Il est bien connu que si les richesses ne bougent pas, ce sont les gens qui se déplacent. C'est là que réside le déséquilibre.
Je voudrais encore signaler que la première invite n'est absolument pas contraignante. Elle demande d'augmenter régulièrement la subvention accordée au titre de la coopération au développement. «Régulièrement» n'est pas un chiffre précis. Je vous rappelle qu'en 1993 on a déjà dérogé aux 2,3 millions puisqu'on a versé 100 000 F en sus à l'Albanie. C'est donc en fait à bien plaire au Conseil d'Etat. Ce serait une marque de solidarité, car accepter cette motion montrerait justement que malgré nos difficultés financières nous tenons compte des pays qui ont des problèmes encore plus graves.
Par contre, j'ai modifié deux ou trois autres invites -- j'ai d'ailleurs déposé des projets d'amendements sur le bureau de la présidente -- pour répondre aux objections de la commission. La quatrième invite a été supprimée car la Fédération genevoise de coopération informe déjà suffisamment, et cela évite des frais supplémentaires à l'Etat. La cinquième invite a été modérée par le rajout des termes: «dans la mesure du possible» car certaines situations politiques, parfois très difficiles, n'autorisent pas à fermer les yeux sur les victimes au nom de principes généraux. Une partie de la dernière invite a été enlevée, celle se référant à la formation des requérants d'asile. En effet, il a été reconnu au sein de la commission que cet aspect était déjà suffisamment pris en charge par d'autres instances.
Il me semble que, finalement, il n'y a plus d' opposition majeure. Par conséquent, le refus de cette motion est absolument contraire à l'humanisme
dont vous vous targuez. En l'acceptant, vous pourriez décider, Monsieur Vodoz, dès 1994, si certains projets méritent d'être subventionnés en fonction de l'état des finances du canton.
M. Alain Sauvin (S), rapporteuse. Comme la rapporteuse de la minorité vous y a engagés, je vous demande de soutenir cette motion. Je crois que plus personne ne nie que la détérioration constante des termes de l'échange depuis la fin de la colonisation dans les pays en voie de développement montre l'appauvrissement progressif et le décalage important dans les relations Nord-Sud.
Ceci montre également la violence des rapports économiques, violence contre laquelle nous devons lutter de toutes nos forces. Lier cette action à la conjoncture, même si elle est difficile, c'est se condamner à une action extrêmement partielle et une action en dent de scie. Faut-il rappeler ici que nous sommes des privilégiés et même des privilégiés parmi les privilégiés en dépit de la conjoncture que personne ne nie. Les comparaisons ont leurs limites.
J'ai entendu que Zurich fait un effort moins important que Genève, c'est vrai, mais dans le cadre global d'un pays qui, lui, fait un effort très nettement en dessous des normes de l'OCDE, qui sont, comme vous le savez, de 0,7 % du produit national brut. Je crois qu'en reconnaissant tout ce qui est dit dans ce rapport qui vous a été confirmé d'une façon générale par les gens auditionnés, et en le refusant dans le même temps, c'est faire preuve de légèreté. L'argent, avions-nous dit en préconsultation, est une chose, mais nous pensons que le reste est encore plus important, à savoir la qualité des relations, le temps que nous donnons, la qualification des personnes prêtes à collaborer dans les pays avec lesquels nous avons des relations de coopération et de développement.
Mais il faut maintenant retourner la proposition et dire qu'il faut non seulement le reste, mais encore l'argent. Cette demande, comme l'a dit Mme Leuenberger, n'est pas une demande chiffrée, ce qui fait que l'on pourrait encore progresser dans la limite de ce qui nous serait possible. En réalité, c'est une demande qui pourrait être limitée. «Non chiffrée» signifie qu'elle pourrait être relativement limitée mais permettrait de démontrer notre volonté à long terme de progresser dans ce domaine.
Le rapporteur a bien rappelé les problèmes principaux dans son rapport et, après les avoir reconnus, il décide d'en rester là. Au sujet de la motion et du rapport de la commission de l'économie, M. Koechlin nous disait hier qu'il y avait un double langage, eh bien il me semble que c'est la même chose ici. On pratique la politique de l'autruche, on reconnaît, mais on ne veut pas passer à l'action et pour ce faire on met la tête sous le sable. Le rapporteur signale avoir été sensibilisé au problème, mais je ne vois pas à quoi cela sert si aucune action concrète ne suit. La formule «on verra plus tard», en relativisant la chose parce qu'un effort est déjà fait, alors même que nous pensons qu'il est insuffisant et trop à court terme, ne nous paraît pas suffisamment digne du respect et de l'estime que nous devons porter aux hommes et aux femmes de ces pays comme à l'égard de notre population et de nous-mêmes.
M. Thierry Du Pasquier (L). M. Sauvin a dit tout à l'heure que le refus de cette motion était de nature à nous donner bonne conscience. Il me semble que c'est le contraire. Précisément, je crois que cette motion est une de ces motions alibi qui nous donne bonne conscience en faisant des déclarations générales sans portée réelle. Je crois que le premier point des invites est tout simplement inacceptable, car elle fixe sans limite une augmentation non chiffrée. Il n'est pas possible de s'engager ainsi dans l'inconnu. Il importe à notre parlement de pouvoir garder chaque année sa liberté de décision. Il n'est donc pas nécessaire ni opportun de s'engager dans cette voie.
Les autres invites ont en effet été quelque peu tempérées par Mme Leuenberger. Mais il est tout à fait inacceptable de vouloir lier une aide au tiers-monde au fait que les pays destinataires respectent les droits de l'homme ou qu'ils participent à des projets écologiques. Il est évident pour tout le monde que certains pays méritent une aide de la part de notre canton, même s'ils ne satisfont pas à ces critères.
Cette motion me paraît inutile, elle ne favorise rien du tout. Notre canton a déjà une action importante sur le plan de l'aide au tiers-monde et il ne convient pas de se lier les mains de cette façon.
Mme Vesca Olsommer (Ve). Il est normal de se sentir découragés. En effet, l'aide au développement a diminué sur le plan fédéral. Les subventions à la coopération n'augmentent pas sur le plan cantonal. La situation est bloquée en ce qui concerne l'aide sur place. Pour ceux qui voudraient s'en sortir en venant travailler ici -- vous le savez fort bien -- la politique des trois cercles du Conseil fédéral ne l'autorise pas, sauf s'ils sont parfaitement qualifiés, à venir travailler en Suisse. Alors quelle est la solution? Ne nous reprochez pas d'avoir un sentiment de découragement!
M. Philippe Joye (PDC). Je soutiens cette motion, puisque j'en suis le coauteur. Je vous encourage à ne pas regarder les choses avec le petit bout de la lorgnette. Les dons aux associations caritatives ne cessent pas lorsqu'on a un bureau ou une activité commerciale parce que tout va mal. Je crois que nous nous trouvons encore dans une situation qui est relativement confortable par rapport aux pays auxquels nous entendons apporter notre appui.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. La commission des finances avait raison de penser qu'en rapportant finalement devant votre parlement les choses prendraient la tournure que nous constatons ce soir. C'était donc avec raison que pendant de très nombreux mois, alors que les travaux de la commission sur ce sujet étaient terminés, il avait été sagement décidé de ne pas revenir devant votre parlement. Cela n'a pas manqué! Aujourd'hui, nous assistons, de part et d'autre, la main sur le coeur, à vouloir soutenir un plus comme si nous ne faisions rien, comme si nous devions être responsables des coupes budgétaires faites par la Confédération.
Non, il ne s'agit pas dans ce parlement de se donner bonne conscience soit d'un côté soit de l'autre. Vous le savez, la politique de Genève dans ce domaine est exemplaire pour deux raisons. D'abord parce que votre parlement et le gouvernement attribuent des fonds importants, même s'ils ne sont jamais suffisants par rapport à la situation mondiale. Le rapporteur de la majorité l'a rappelé, et j'ai fourni toute une série de documents à la commission à cet égard.
Ces fonds sont gérés en quasi-totalité par un organisme totalement indépendant du gouvernement et de ce parlement: la Fédération genevoise de coopération. Dans ce cadre, l'activité des différentes associations membres de cette fédération est telle que la Confédération suisse renonce à donner son aval et à examiner les projets lorsqu'ils émanent d'associations membres de la
fédération genevoise. Nous travaillons donc la main dans la main et en confiance avec la fédération et, sur le plan fédéral, avec la DDA. Par conséquent, il n'y a pas à rougir de l'action de Genève.
La deuxième chose que l'on semble oublier dans ce parlement, c'est qu'à côté des 2,3 millions crédités par la coopération technique doit s'ajouter l'aide humanitaire. Ce député qui a évoqué le problème de l'Albanie tout à l'heure se trompe de chapitre, si je peux m'exprimer de la sorte. Vous savez en effet qu'à côté de la coopération technique, il y a les projets d'aide humanitaire qui passent par le canal du droit des pauvres. Ce sont des montants qui dépassent globalement le million chaque année, et sont alloués par votre parlement à des projets d'aide humanitaire dans des pays qui connaissant des catastrophes, soit naturelles, soit issues de la guerre. Vous connaissez tous ces projets, par conséquent, ce sont deux éléments de l'aide importante qu'apporte notre canton.
Il y a un troisième point dont Genève peut être fière aussi, c'est celui touchant au domaine de la formation et des études en faveur d'étudiants et d'apprentis des pays du tiers-monde, voire d'autres endroits de cette planète, qui sont accueillis à Genève pour être formés. Nous y consacrons des montants importants.
Enfin, n'oubliez pas les efforts que vous nous demandez de faire et qui sont entrepris, généralement de concert avec la Confédération suisse, dans le domaine de l'accueil d'une série d'organisations internationales à Genève qui constituent aussi un levier pour permettre une action de politique humanitaire ou de coopération technique envers les pays qui en ont besoin.
Par conséquent, dans la situation budgétaire que nous connaissons, il s'agit davantage de savoir si nous pourrons continuer demain à assurer ces montants -- de loin les plus importants par rapport à ceux entrepris par les autres cantons -- ce qui d'ailleurs, au demeurant, n'est pas une référence. J'ai dit devant la commission des finances, et je le répète ici, que nous nous engageons à maintenir un tel volant au budget dans ces années difficiles, et que, lorsque nous aurons retrouvé un équilibre des finances, nous pourrons voir dans quelle mesure nous pourrons les augmenter.
Voyez-vous, dans le choix des priorités que vous devez faire, nous avons convenu que nous maintiendrions un volume sans le diminuer pour les projets
de coopération technique. En tant que responsable des finances de ce canton -- et indépendamment de la question du coeur et des sentiments -- il est déjà important de pouvoir poursuivre notre aide. Du reste, nous ne recevons à cet égard aucune critique de la coopération technique qui connaît bien les problèmes rencontrés. Au contraire, nous pouvons être fiers de notre action. Je pense qu'il ne serait pas responsable de vouloir augmenter cette aide dans un moment très difficile pour notre canton.
Je découvre le projet d'amendement de Mme Leuenberger. A propos de l'une des invites visant à lier l'aide fournie par le canton au respect des droits de l'homme par le gouvernement du pays destinataire et au respect des identités culturelles et régionales, je voudrais dire que l'un des principes cardinaux de la coopération technique et de la fédération est précisément de ne pas travailler avec les gouvernements. Justement parce que, dans le fond, si nous devions lier notre aide à la garantie des droits de l'homme, nous priverions de cette aide si nécessaire pour elles des populations qui sont précisément les victimes de ces atteintes aux droits de l'homme.
C'est la raison pour laquelle je ne peux pas concevoir que l'on puisse accepter cette invite, même si en apparence elle paraît intelligente. La Fédération genevoise a une charte. Celle-ci est publiée. Le travail qui s'y fait est un travail bien fait. Aussi, je vous propose de continuer à faire confiance à la fédération et aux mécanismes mis en place.
M. Max Schneider (Ve). Après les déclarations de M. Vodoz, je me sens obligé d'intervenir.
«Pouvons-nous continuer de la sorte?» a demandé M. Vodoz. Je fais confiance, Monsieur Vodoz, à votre esprit humanitaire, votre esprit chrétien, votre esprit de partage que vous avez démontré en de nombreuses occasions, notamment pour certaines actions de la Croix-Rouge. Je ne pense pas, pour ma part, que cette aide va changer le monde. Je pense toutefois que nous ne pouvons pas continuer de la sorte à vivre à un tel niveau de vie, même si nous avons des difficultés dans notre canton et dans notre pays, alors que certaines populations «crèvent de faim» dans le monde. Cette situation ne peut qu'engendrer des conflits.
Le rôle de Genève qui se veut une ville internationale consiste également à avoir le courage de partager un peu plus si elle le peut. Cette motion vous fait entière confiance, Monsieur Vodoz, vous qui êtes le financier de ce canton. Nous savons que si vous pouvez augmenter vous le ferez. Mais, au moins, laissez-vous cette liberté. Vous avez le soutien de ce Grand Conseil. Je pense que nous ne pouvons pas consommer autant de matières premières sans en subir les conséquences. Nous ne pourrons pas continuer à alimenter nos animaux avec des denrées importées, comme c'est le cas. Je ne pense pas que nous pourrons rester en paix si nous continuons à consommer autant de pétrole et d'énergie. Il faut relever le défi et allouer une petite somme supplémentaire en fonction de nos moyens.
C'est un devoir d'homme solidaire, si nous voulons la paix. Nous devrons apporter une aide très spécifique, notamment pour les pays qui veulent se reconvertir. La Fédération genevoise de coopération ne travaille pas avec des Etats mais avec des ONG. Peut-être que celles-ci nous aideront à trouver la solution pour ce qui est des «mules» qui, pour pouvoir nourrir leurs enfants, sont obligées... (Contestation.) ...de transporter de la drogue. C'est en même temps une aide indirecte à la situation qui réside dans notre canton. Alors, Monsieur Vodoz, j'aimerais bien que vous laissiez votre coeur ouvert, comme il l'a toujours été, et que vous laissiez ce parlement décider. Nous vous avons fait confiance, ne nous décevez pas!
Une voix. Tu exagères!
M. Alain Sauvin (S). Je voudrais dire deux mots pour répondre à l'intervention de M. Vodoz qui laisse entendre que nous critiquons la pratique de la Fédération genevoise de coopération. Il me semble que certains entendent mal, car je n'ai jamais critiqué cette dernière. J'ai simplement dit qu'il fallait suivre cette motion pour augmenter légèrement et à long terme notre aide; cela ne signifie pas que je critique le travail de la fédération. Nous parlons budget.
Lorsque le ministre des finances nous explique son point de vue sur les problèmes que nous rencontrons et les raisons pour lesquelles il est contre une augmentation, il joue son rôle de ministre des finances et il a raison de le faire. Dans cette salle même, un certain nombre de personnes, dont je suis, ont travaillé pour l'aide au développement et connaissent suffisamment la
Fédération genevoise de coopération -- je n'y suis plus depuis quelque temps, mais j'ai continué à suivre les choses de près -- pour pouvoir confirmer tout ce qui a été dit par M. Vodoz sur ce plan, à savoir que nous avons à Genève une pratique tout à fait exemplaire dans ce domaine.
Cela n'a rien à voir avec le fait de savoir s'il faut diminuer notre aide, la maintenir ou l'augmenter. C'est sur ce fait que nous voulions intervenir pour marquer une volonté politique économique et sociale à long terme dans nos relations avec le tiers-monde.
Mis aux voix, l'amendement de Mme Sylvia Leuenberger (suppression de la quatrième invite) est rejeté.
Le deuxième amendement de Mme Sylvia Leuenberger consistant à modifier la cinquième invite dans les termes suivants: «dans la mesure du possible à lier l'aide fournie par le canton au respect des droits de l'homme par le gouvernement du pays destinataire et au respect des identités culturelles et régionales» est mis aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cet amendement est rejeté par 33 non contre 27 oui.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse. J'aimerais préciser qu'il n'y a eu aucun nouvel amendement aujourd'hui et que le texte de la motion est à la page 18 de mon rapport de minorité. Je les avais simplement précisés pour vous, mais il n'y a pas eu de modification. C'est le texte que vous avez tous à la page 18 du rapport de minorité!
La présidente. Personne n'a prétendu qu'il y avait des modifications.
Le troisième amendement de Mme Sylvia Leuenberger consistant à modifier la septième invite dans les termes suivants: «à associer, dans le cadre de la coopération au développement, les requérants d'asile à des projets d'aide au développement» est mis aux voix.
Il est rejeté.
Mise aux voix, cette motion est rejetée.
Débat
M. Robert Baud (S), rapporteur. Le problème soulevé par cette motion est un problème de société de première importance. Il est quelque peu dommage de le traiter à une heure aussi tardive, peu propice à un tel débat. Par ailleurs, comme la proposition d'une nouvelle motion a été acceptée à l'unanimité par la commission des finances, je vous invite à accepter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
La séance est levée à 23 h 25.