République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

R 903-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de résolution de Diego Esteban, Jean Batou, Patricia Bidaux, Cyril Mizrahi, Yves de Matteis pour les droits des personnes LGBTI+ (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 21 et 22 novembre 2024.
Rapport de majorité de Mme Christina Meissner (LC)
Rapport de première minorité de M. Matthieu Jotterand (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Yves de Matteis (Ve)

Débat

Le président. Nous abordons le point suivant, soit la R 903-A, en catégorie II, trente minutes. Madame Meissner, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, on va remonter un petit peu dans le temps - je vous prie de m'en excuser. Pour rappel, la R 903 est issue des travaux de commission sur la R 858, toutes deux traitant de l'égalité des droits des personnes LGBTI+. Ces deux résolutions ont fait l'objet d'un rapport très complet déposé le 2 décembre 2019, soit il y a près de six ans, auquel il est vivement recommandé de se référer pour bien comprendre le contexte; pour ma part, je vais me limiter à un résumé.

En 2019, donc, la commission des Droits de l'Homme a étudié la R 858 «pour l'égalité des droits des personnes LGBTI+». Celle-ci déployant de nombreuses invites très différentes, les commissaires sont convenus d'élaborer un nouveau texte de commission ciblé sur les discriminations, qui est devenu la R 903.

Voici la situation en 2024, année où le présent rapport a été déposé. Sur les trois invites de la R 903, les deux premières ont été réalisées: le droit de prendre leurs propres décisions concernant les traitements et soins médicaux est garanti pour les personnes LGBTIQ+ (j'ai l'impression qu'il y a toujours une lettre de plus) grâce à la LED-Genre entre-temps adoptée, tandis que le changement de genre à l'état civil est aujourd'hui possible sans le conditionner à une quelconque intervention.

Quant à la dernière invite demandant l'introduction d'un troisième sexe, la question a été traitée par l'Assemblée fédérale et a fait l'objet d'un rapport exhaustif daté du 21 décembre 2022. A l'issue des débats parlementaires sur le sujet, il a été décidé que le système juridique actuel de la binarité (masculin/féminin) doit être maintenu jusqu'à nouvel avis et que la renonciation à la mention du sexe demeure inadmissible.

Par la suite, le 8 juin 2023, lors de la révision de l'article du code civil consacré à l'inscription du sexe, le Tribunal fédéral ne s'est pas écarté de la volonté expresse du législateur: il s'en est tenu à la structure binaire (masculin/féminin) et a refusé que le genre soit effacé du registre des naissances et de l'état civil. Dont acte.

Compte tenu du fait que deux invites ont été mises en oeuvre et que l'Assemblée fédérale s'est déjà prononcée par la négative sur la demande contenue dans la troisième invite, il n'y aurait aucun sens à renvoyer à la même instance une proposition sur laquelle elle a déjà tranché, et le Tribunal fédéral de surcroît aussi. Partant, la majorité de la commission vous recommande de rejeter cet objet. Je vous remercie.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de première minorité. D'abord, Mesdames et Messieurs, j'aimerais recadrer quelque peu le champ de cette résolution, puisque Mme la rapporteuse de majorité semble se perdre entre les cinq ou six lettres de l'acronyme LGBTIQ+. En l'espèce, il est vraiment question de l'identité de genre, et non de l'orientation sexuelle, je crois qu'il est très important de le souligner. Pourquoi ? Parce que nous vivons, à l'échelle mondiale - pas seulement à Genève -, des temps relativement sombres où l'identité de genre est manipulée: les personnes transgenres, ultraminoritaires, sont utilisées comme cheval de Troie par le mouvement réactionnaire international, dont Trump et Musk représentent les fers de lance, pour attaquer les minorités et monter le monde contre elles.

On observe exactement la même tendance à Genève. Sur cette même thématique de l'identité de genre, on est face à une résolution qui a déjà par trop traîné, et je pense que c'est assez symptomatique de cette mouvance. Lors de la législature précédente, en effet, la commission était prête à s'emparer du sujet et rédigeait une résolution en faveur de ces personnes qui ont souvent besoin de soutien, qui sont ultraminoritaires, qui subissent malheureusement beaucoup de transphobie. Puis, la composition du parlement a changé, ce parlement dont l'un des membres a, dans sa descendance directe, une personne si ce n'est non binaire, du moins transgenre, et qui se fait dès lors le pourfendeur de cela - j'ai nommé notre Elon Musk local. Ainsi, on se retrouve dans une situation où un droit fondamental est attaqué.

En effet, dans cette résolution on voit certes que deux invites ont déjà été traitées, respectivement refusées, mais il y a une dernière invite traitant de l'autodétermination des personnes transgenres. Or c'est précisément sur ce sujet que nous devons nous pencher. L'autodétermination, Mesdames et Messieurs, pour une personne capable de discernement, qu'elle soit mineure ou majeure, constitue un droit fondamental: quand nous sommes capables de discernement, nous disposons du droit fondamental à l'autodétermination, même si cela ne convient pas à Elon Musk, à Donald Trump ou à l'UDC genevoise. Voilà pourquoi il est essentiel de défendre ce droit fondamental. Dans cette perspective, le présent texte est loin d'être anodin.

Vous aurez remarqué que notre commission des droits humains maintient en son sein deux projets dont elle est saisie actuellement, ce qui est très révélateur du revirement complet de mentalité que j'évoquais. D'une part, un texte sur l'interdiction des thérapies de conversion visant l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, qui avait pourtant fait l'unanimité parmi nous lors de la dernière législature (il avait été voté quasiment à l'unanimité, moins une ou deux abstentions du côté de l'UDC), n'arrive désormais plus à ressortir de commission. Pour quelle raison ? Ce ne sont pas tant les thérapies de conversion contre l'orientation sexuelle qui posent problème, mais plutôt celles contre l'identité de genre: il n'est plus possible de réunir une majorité en la matière dans cette commission, et probablement dans ce Grand Conseil non plus.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Matthieu Jotterand. Cinq ans à peine se sont écoulés, mais les choses ont changé du tout au tout, et c'est la plus faible des minorités qui en paie le prix; on l'attaque parce que ses représentants sont numériquement très faibles, parce qu'ils sont souvent en proie à d'autres problèmes, ce qui est très regrettable.

D'autre part, je citerai un projet de loi inacceptable et contraire au droit fédéral dont l'objectif est dénoncé par le milieu médical lui-même, à savoir l'interdiction de toute intervention - c'est déjà mal défini - sur les personnes transgenres mineures. Bien qu'il soit contraire au droit supérieur, bien que les acteurs de la médecine nous disent de ne pas faire cela, eh bien il est toujours bloqué en commission.

D'ailleurs, la présente résolution a été bloquée, elle aussi: abordée en plénière il y a peu (c'était il y a quelques mois), elle a été renvoyée en commission parce qu'il fallait - prétendument - absolument la retravailler; elle a été traitée pendant vingt minutes, entre deux portes, et est de retour maintenant. Le délai donné pour la reddition du rapport était de plus de quatre mois, ce qui est complètement inhabituel, et en plus celui-ci a été déposé avec un net retard. Et pourquoi cela ? Eh bien aujourd'hui, Mesdames et Messieurs de la droite - vous transmettrez, Monsieur le président -, vous allez devoir vous exprimer sur le fait que vous souhaitez restreindre le droit à l'autodétermination de personnes capables de discernement ! (Applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Oui, on argue souvent que les résolutions genevoises sont mal reçues à Berne (j'anticipe un petit peu), où la plupart des partis présents ici sont représentés au sein des deux Chambres. Cela signifie-t-il pour autant que ces textes sont inutiles ? Si c'était le cas, eh bien ce levier n'existerait tout simplement pas.

Par ailleurs, nous avons presque toutes et tous déjà voté en faveur d'une proposition adressée à l'Assemblée fédérale; citons la R 1038, la R 1044, la R 1035, la R 1026 sur le conflit israélo-palestinien, la R 1044 relative au Haut-Karabagh, la R 1042 pour la défense des espèces menacées et la libération de Paul Watson, des résolutions qui portent toutes sur des sujets clairement en dehors du champ de nos compétences cantonales. La R 903 qui nous occupe ici, quant à elle, concerne des personnes vivant sur notre territoire, y compris dans notre canton, ce qui devrait plutôt convaincre les députés rétifs à l'exercice.

Un autre argument pour justifier le refus de cet objet consiste à déclarer - cela a été fait - que certaines de ses invites sont caduques. C'est vrai, mais ce n'est pas surprenant vu le temps perdu avec son renvoi en commission pour qu'il y soit abordé vingt minutes sans la moindre audition et vu le temps qu'il a fallu avant que le rapport nous parvienne. La résolution a été déposée en 2019, nous sommes en 2025. Bien sûr, nous n'avons pas eu le temps de discuter de possibles modifications en commission compte tenu du traitement expéditif qui lui a été réservé.

C'est la raison pour laquelle plusieurs amendements vous sont soumis aujourd'hui. Il s'agit de restituer l'esprit initial du texte tout en renouvelant sa pertinence, en le mettant davantage en cohérence avec l'actualité. En effet, beaucoup de choses se sont passées ces derniers mois: pas plus tard qu'en novembre dernier, par exemple, la Commission nationale d'éthique a communiqué une prise de position sur ce thème tandis qu'en mars, soit il y a un mois à peine, un document encore plus important, valable pour la Suisse, l'Allemagne et l'Autriche, a été publié par l'association des sociétés scientifiques et médicales en Allemagne.

N'étant pas concerné spécifiquement par ce sujet et ne possédant pas de compétences dans le domaine, j'ai pris la peine de prendre conseil auprès d'organismes spécialisés, comme l'association ÉPICÈNE ou la Fédération genevoise des associations LGBT qui avaient d'ailleurs été consultées lors de la rédaction de la LED-Genre, loi votée très largement par notre parlement. J'en profite pour remercier au passage ces organisations.

Cela m'a conduit à vous présenter trois amendements. Tout d'abord, en lieu et place de la première invite, caduque, nous pourrions adopter une disposition demandant à l'Assemblée fédérale de rappeler leurs devoirs aux caisses d'assurance-maladie, lesquelles, bien que tenues de rembourser l'intégralité des prestations médicales et chirurgicales liées à la transition de genre, renâclent souvent à le faire ou s'exécutent dans des délais trop longs.

Ensuite, la deuxième invite pourrait être avantageusement remplacée par un texte demandant aux Chambres fédérales soit d'élargir l'accès à la démarche facilitée de changement de prénom aux personnes trans ne souhaitant pas - ou pas encore - opérer une transition légale, soit de permettre l'identification à un genre neutre. Rappelons tout de même que l'Office fédéral de l'état civil, pour sa part, n'a pas encore clarifié par circulaire à quelles conditions une modification de prénom sans changement de la mention du sexe pourrait être obtenue.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Yves de Matteis. Merci, Monsieur le président. La troisième invite, à mon sens, n'a pas vraiment besoin d'être modifiée et pourrait être maintenue. Il est vrai que les instances fédérales se sont déjà prononcées à ce propos, mais on a aussi déjà constaté, par exemple avec les signes nazis, qu'elles pouvaient tout à coup entrer en matière après avoir refusé de le faire pendant des années, ce n'est pas très nouveau - seuls les imbéciles ne changent pas d'avis.

En revanche, il est un point qui ne pouvait pas encore être mentionné dans cette résolution déposée fin décembre 2019. En effet, il se trouve que six mois plus tard, soit le 1er juillet 2020, l'article 261bis du code pénal ainsi que l'article 171c du code pénal militaire, tous deux dédiés à l'interdiction des discriminations raciales, ont été élargis à la protection contre la discrimination basée sur l'orientation sexuelle, ce qui concerne donc les personnes hétérosexuelles, homosexuelles ou bisexuelles.

Or les personnes trans ont été écartées - ou à tout le moins oubliées - dans cette disposition. Il y a là clairement un manquement, il est dès lors nécessaire d'agir et de pallier celui-ci. Il est en effet totalement légitime, pour des raisons d'égalité de traitement, d'inclure l'identité de genre et l'expression de genre, au même titre que l'orientation sexuelle, dans les articles 261bis du code pénal et 171c du code pénal militaire.

Ce sont précisément ces principes d'égalité et de non-discrimination que le canton de Genève a suivis en édictant la LED-Genre, qui est en vigueur depuis juillet 2023. A son chapitre 1, article 1, alinéa 2, lettre b, elle dispose que le but est de «lutter contre les violences et les discriminations fondées sur le sexe, l'orientation affective et sexuelle, l'identité de genre, l'expression de genre et l'intersexuation». A ce titre, il est donc logique que Genève, canton pionnier en la matière, demande à la Berne fédérale d'intervenir afin que le code pénal et le code pénal militaire interdisent également les discriminations basées sur l'identité de genre et l'expression de genre, comme c'est déjà le cas pour l'orientation sexuelle.

Hier soir, Mme Fontanet, présidente du Conseil d'Etat - qui avait d'ailleurs présenté le projet de loi LED-Genre -, a rappelé que notre canton était le fer de lance (ou du moins l'un des fers de lance) de la lutte pour les droits humains. Je suis entièrement d'accord avec elle et je pense que nous pourrions effectivement inspirer la Confédération en la matière, comme nous l'avons déjà fait à d'autres reprises. Signalons que Genève avait été le premier canton suisse à disposer d'un partenariat enregistré, et ce en 2001, bien avant que ce régime soit introduit au niveau national en 2007, suivi par l'extension de l'institution du mariage pour les couples de même sexe en 2022.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, non seulement je vous incite à adopter les trois amendements (en particulier le plus important, à mon avis, à savoir le dernier ajoutant une quatrième invite) afin de remédier à une discrimination injustifiable et injustifiée, mais pour des raisons de transparence, je sollicite le vote nominal sur chacun d'entre eux. Je vous remercie de votre attention. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Mesdames et Messieurs, je ne vais pas créer de suspense: le groupe PLR s'opposait à la résolution telle qu'issue des travaux de commission, il s'opposera également aux amendements présentés aujourd'hui, lesquels constituent une pure réécriture du texte. Il aurait été plus simple de déposer un nouvel objet - mais cela nous évitera au moins de devoir traiter le sujet une fois de plus en commission.

Pour répondre à la remarque sur les Chambres fédérales, vous savez que, de manière générale, le PLR n'est pas favorable au renvoi de résolutions genevoises à Berne. Certes, nous tolérons parfois - rarement ! - une exception quand nous estimons que l'une d'entre elles présente une vraie plus-value. En l'espèce, nous ne constatons pas de valeur ajoutée: cette problématique est connue à l'Assemblée fédérale, elle y a déjà été abordée, donc nous ne voyons pas l'intérêt de revenir à la charge avec un objet adressé aux Chambres fédérales.

Concernant l'évolution de notre position, je reconnais tout à fait qu'entre 2018, lorsque nous avons adopté la loi sur l'égalité (à l'époque, j'étais rapporteure de majorité), et aujourd'hui, c'est-à-dire sept ans plus tard, ma perspective a clairement changé; du reste, honnêtement, je ne crois pas que je revoterais cette loi telle quelle actuellement. (Exclamations.)

Cette évolution résulte aussi d'un constat que j'ai dressé: dès qu'on accorde un droit, les gens reparaissent aussitôt avec une nouvelle demande ! Les amendements présentés ici par la deuxième minorité en sont le parfait exemple: nous avons accédé à une première requête, et hop, on revient avec une deuxième ! On revendique des droits pour les personnes trans, nous les leur donnons, et on entend: «Ah, mais maintenant, il faut les attribuer aux non-binaires.» Or pour que les non-binaires en bénéficient, la majorité de la société doit adapter son langage afin de les inclure... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Pouvez-vous laisser l'oratrice s'exprimer ? Merci. Je vous en prie, Madame, reprenez.

Mme Céline Zuber-Roy. Je vous remercie, Monsieur le président. Ensuite, c'est sûr, une fois que nous aurons consacré des droits pour les représentants de la non-binarité, nous devrons tous parler en utilisant le pronom «iel» et je ne sais quelles autres expressions qu'on n'a pas encore inventées - «collaborateurice» et ainsi de suite.

Non ! A un moment donné, nous répondons: non ! Peut-être que nous l'avons formulé trop tard, mais désormais les choses sont claires: il existe une réalité biologique, il y a des hommes, il y a des femmes. (Commentaires.) Assurément, certaines personnes peuvent ne pas se sentir bien dans leur corps et, dans ce cas, elles doivent pouvoir effectuer une transition, mais l'entre-deux ne représente pas la réalité biologique. Pour finir, je demeure convaincue que nous ferions mieux... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Merci de laisser notre collègue intervenir !

Mme Céline Zuber-Roy. Je suis convaincue que nous ferions beaucoup mieux de lutter contre les stéréotypes liés au genre ou au sexe de façon à laisser les gens vivre comme ils l'entendent. Si nous avions moins d'idées préconçues sur ce que devrait être un homme, ce qu'est censée être une femme, comment un homme est censé agir ou comment une femme est supposée se comporter, il y aurait certainement moins de personnes se sentant mal dans leur corps.

Je pense que nous aurions meilleur temps d'oeuvrer sur ce plan, mais à force de tout rapporter à des questions de genre, nous n'allons pas du tout dans ce sens. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR rejettera tous les amendements ainsi que la résolution. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements. Commentaires.)

Des voix. Bravo !

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, peu de personnes osent prendre la parole sur ce thème, ce que je trouve dommage. Il s'agit pourtant, c'est vrai, d'un sujet de société important.

Je voudrais juste réagir aux dires de notre collègue selon lesquels, du moment que les gens possèdent la capacité de discernement, il faudrait les laisser changer de sexe s'ils le souhaitent. Mais nous avons tout de même le devoir de protéger ces jeunes ! Il convient de leur expliquer les conséquences d'une transition. Là, on n'est plus dans le registre du fantasme, on parle de transformer une réalité biologique - généralement fantasmée -, c'est différent.

Vous ne pouvez pas modifier la nature des individus. Un homme né homme ne sera jamais une femme; vous pouvez faire ce que vous voulez, il peut se conditionner comme ça lui chante, c'est comme ça. S'il se ravise, ça va, mais si vous l'aidez à changer de sexe, il sera malade à vie ! Il faut le dire, ces gens seront malades à vie: ils seront suivis par des thérapeutes, ils devront prendre des médicaments, des hormones à vie. Ces mutilations sont irréversibles ! Oui, il s'agit bien de mutilations irréversibles, voilà ce que vous leur proposez dans vos milieux.

Vos actions sont dangereuses, c'est pour ça qu'on doit protéger ces jeunes. Certes, ils se posent peut-être des questions, mais la réponse ne se trouve pas là; ils ont besoin de réponses intérieures, pas d'une transition de genre. Tout ça, c'est la conséquence d'un manque de valeurs: les jeunes ont besoin de valeurs, pas de changer de sexe. (Commentaires.) C'est tout ce que je voulais indiquer, merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Bravo, Marc !

Le président. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, vous pouvez être d'accord ou non avec les exposés, mais laissez les orateurs parler, enfin ! (Commentaires.) Non, il y avait un bruit de fond. Chaque fois, c'est la même chose ! Laissez les intervenants s'exprimer ! Merci, Monsieur le député. La parole retourne à M. Jotterand.

Une voix. Sans surprise !

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je vais utiliser la minute vingt qu'il me reste pour dénoncer la haine qu'on vient d'entendre s'exprimer ici...

Une voix. C'est pas vrai ! (Commentaires.)

M. Matthieu Jotterand. Quand Mme Céline «Zuber-Trump»... (Exclamations. Huées. Applaudissements.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Matthieu Jotterand. ...dit: «Il y a des hommes, il y a des femmes»... (Huées.) ...eh bien c'est exactement ce que les trumpistes soutiennent, et c'est ce à quoi on assiste dans ce Grand Conseil. Nous nous battrons ! (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Matthieu Jotterand. Nous nous battrons ! Il y a des gens discriminés qui réclament des droits ! (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Matthieu Jotterand. Certaines personnes ne savent pas ce que c'est que de disposer de droits... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur poursuit son intervention.) ...et quand on leur en octroie un, quelle horreur, elles en demandent d'autres ! Comme si c'était un cadeau ! Mesdames et Messieurs, les droits ne sont pas un cadeau ! Les droits sont des droits ! Il s'agit ici du droit fondamental à l'autodétermination ! Mesdames et Messieurs, vous faites le jeu du trumpisme, voilà la direction dans laquelle nous nous dirigeons... (Paroles inaudibles de l'orateur, qui poursuit son intervention.)

Une voix. Le micro !

Le président. Vous n'avez plus la parole, Monsieur.

M. Matthieu Jotterand. Je me dois de le dire ici ! (Applaudissements. Huées.)

Des voix. Bravo !

Le président. Mesdames et Messieurs...

Mme Céline Zuber-Roy. Monsieur le président ? Je suis navrée, mais je n'accepte pas qu'on insulte pareillement les autres députés...

Une voix. Il n'y a pas de micro !

Mme Céline Zuber-Roy. J'ai été respectueuse...

Des voix. On n'entend rien !

Mme Céline Zuber-Roy. Il n'est pas admissible de parler de la sorte ! (Commentaires.)

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Effectivement, Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que vous formez un parlement qui a été élu par le peuple de la République et canton de Genève. A ce titre, vous devez vous exprimer convenablement. (Commentaires.) Monsieur, il semblerait que vous ayez insulté votre collègue en l'appelant...

M. Matthieu Jotterand. J'ai juste fait remarquer qu'elle tenait les mêmes propos que M. Trump ! (Commentaires.)

Mme Céline Zuber-Roy. Excusez-moi, mais surnommer quelqu'un Mme «Zuber-Trump» à l'heure actuelle, c'est...

Une voix. C'est un scandale ! (Commentaires. Exclamations.)

Le président. Monsieur le député...

Une voix. D'autres ont été sortis de la salle pour moins que ça ! (Commentaires. Brouhaha.)

Mme Céline Zuber-Roy. C'est bien pire que de montrer les prospectus d'une campagne électorale !

Une voix. Exactement ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! Faites silence ou sortez de la salle ! (Exclamations.) Je pense que nous devons nous respecter les uns les autres et qu'on n'est pas en droit d'utiliser, Monsieur le député, le qualificatif que vous avez employé. Il se peut que vos mots aient dépassé votre pensée, mais par respect, je vous prie de vous excuser auprès de Mme Zuber-Roy.

M. Matthieu Jotterand. Je préfère sortir, Monsieur le président. (Applaudissements. L'orateur quitte la salle.)

Une voix. C'est bien !

Des voix. Bravo !

Le président. Je donne la parole à M. Esteban.

M. Diego Esteban (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais invoquer l'article 79A «Rappel du règlement» de la LRGC. A ce titre, je me réfère en particulier à l'article 90 relatif au rappel à l'ordre: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance» - et je cite la lettre f - «tient des propos ou adopte des comportements sexistes ou pouvant porter atteinte à la dignité de la personne.» Je ne vois pas comment il est possible de considérer que les propos tenus tout à l'heure par M. Falquet ne remplissent pas en tout point cette disposition.

Une voix. Bravo !

M. Diego Esteban. Dès lors, s'il y a des semonces à adresser quant à la teneur des différents discours, j'estime qu'une longue liste d'interventions scandaleuses prononcées ici devraient bénéficier d'un rappel à l'ordre. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Merci !

Le président. Dans ce cas, Monsieur Falquet... (Commentaires.) S'il vous plaît ! S'il vous plaît !

Une voix. J'évoquais simplement les conséquences du changement de sexe...

Le président. Non, Monsieur Falquet... (Commentaires. Brouhaha.) Mais enfin, pouvez-vous me laisser parler et remplir mon rôle de président ? Voulez-vous bien vous taire maintenant ? (Brouhaha.) Pouvez-vous vous taire ? Taisez-vous ! Taisez-vous, enfin ! Mais taisez-vous !

Une voix. Monsieur le président, je demande une motion d'ordre...

Le président. Taisez-vous !

La même voix. ...pour qu'on vote immédiatement et qu'on mette fin à ce débat.

Une autre voix. Monsieur le président, je formule également une motion d'ordre !

Le président. Bon, quelle est votre motion d'ordre ?

M. Jacques Jeannerat (LJS). Monsieur le président, je souhaite qu'on...

Une voix. Qu'on vote immédiatement sans débat.

D'autres voix. Chut !

M. Jacques Jeannerat. Je cite le règlement du Grand Conseil, selon lequel le bureau ou un député peut en tout temps proposer par une motion d'ordre d'interrompre immédiatement le débat et, le cas échéant, de passer au vote. C'est ce que je propose, Monsieur le président: interrompre la discussion et voter séance tenante. (Commentaires.)

Le président. D'accord, Monsieur le député. Je précise que la majorité des deux tiers est requise pour une motion d'ordre. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur cette proposition...

Des voix. Vote nominal ! (Commentaires.)

Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas.

Mise aux voix, la motion d'ordre (interruption immédiate du débat et passage au vote) est rejetée par 55 oui contre 30 non (majorité des deux tiers non atteinte) (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous poursuivons les travaux, Mesdames et Messieurs, et je vous prie instamment de faire preuve de considération les uns pour les autres. A partir de maintenant, toute personne tenant des propos irrespectueux sera invitée à quitter la salle, tout simplement. Tout simplement ! La parole est à M. de Matteis... mais je ne sais pas s'il vous reste du temps, Monsieur.

M. Yves de Matteis. Je l'ignore également, Monsieur le président, c'est à vous de le spécifier.

Le président. Ah non, vous n'avez plus de temps.

M. Yves de Matteis. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous en prie. C'est au tour de Mme Meissner.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Oui, Monsieur le président, je vous remercie. Mesdames et Messieurs, la haine doit changer de camp ?! Je crois surtout que la haine doit être chassée de notre parlement et je vous remercie de vous recentrer sur le débat. Nous ne parlons pas du reste du monde aujourd'hui, mais bien de notre canton; on n'a pas à traiter quelqu'un de trumpiste, nous ne sommes pas aux Etats-Unis, nous nous trouvons à Genève.

Or à Genève, ce Grand Conseil a adopté la LED-Genre, laquelle tient effectivement compte des droits dont bénéficient les personnes qui ne se sentent pas forcément homme ou femme. Ce point est donc réglé.

A présent, quelques mots concernant les amendements - je ne m'étais pas encore exprimée à ce sujet - proposés par M. de Matteis: mais enfin, Monsieur de Matteis, vous cherchez carrément à changer tout le texte !

Une voix. C'est le but d'un amendement.

Mme Christina Meissner. Je rappelle que le premier objet date de 2019; j'invite donc cette assemblée à se prononcer enfin sur cette résolution qui n'a que trop traîné et dont les invites actuelles ne sont, pour les raisons déjà exposées, plus d'actualité, car déjà prises en considération pour certaines ou balayées par l'Assemblée fédérale pour d'autres, et ce n'est pas demain la veille que les choses changeront. Si vous entendez en modifier la teneur entière, eh bien déposez un nouveau texte ! Mais qu'on arrête de faire s'éterniser le traitement d'objets parlementaires pendant six ans !

Ma suggestion, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de refuser ces amendements de même que la résolution pour les motifs qui ont déjà été mentionnés. Sur ce, je souhaite que le débat se termine de manière plus posée. Allez, «Hakuna matata», c'est la veille du week-end, s'il vous plaît, soyons dignes ! Merci. (Applaudissements. Commentaires.)

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez le Conseil d'Etat extrêmement attentif et attaché à la défense des droits des personnes LGBTIQ+. Cela se reflète d'ailleurs dans la LED-Genre qui a été adoptée en mars 2023 par votre Grand Conseil. Le Conseil d'Etat souhaite que chacun et chacune puisse vivre selon comment il se sent, selon ce qu'il est, selon ce qu'il a envie d'aimer et de façon libre dans notre canton, sans jugement aucun et sans que cela donne lieu à des vociférations de part ou d'autre.

Le Conseil d'Etat estime que les amendements présentés aujourd'hui donnent une nouvelle orientation à la résolution. Pour sa part, il désirerait que ceux-ci soient examinés en commission de façon que des questions puissent être posées et des experts entendus à ce sujet.

Par conséquent, le Conseil d'Etat sollicite le renvoi du texte et des amendements en commission. Et si cette proposition devait ne pas être validée, eh bien il encouragerait effectivement l'auteur des modifications à déposer un nouvel objet de sorte que celles-ci puissent être traitées ultérieurement. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission de la part du Conseil d'Etat. Je passe la parole au rapporteur de minorité présent, puis à la rapporteuse de majorité. Monsieur de Matteis, c'est à vous.

M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. En ce qui me concerne, je trouve le positionnement du Conseil d'Etat tout à fait sage et posé, j'approuve donc le renvoi en commission. En cas de refus, je précise que d'autres textes seront effectivement présentés. Merci, Monsieur le président.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Comme je l'ai indiqué précédemment, ces amendements s'éloignent vraiment beaucoup de la teneur actuelle de la résolution. J'invite mes collègues à rejeter la demande de renvoi en commission et l'auteur des modifications à déposer un nouveau texte s'il le souhaite. (Commentaires.)

Le président. Bien, merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 903 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 53 non contre 35 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Si je le décide, la séance peut tout à fait être suspendue maintenant et reprise plus tard ! Je vous le dis très sincèrement. A présent, nous nous penchons sur les amendements de M. Yves de Matteis...

Une voix. Vote nominal !

Une autre voix. Mais tous les votes sont nominaux ! (Commentaires.)

Une autre voix. T'as pas honte ?!

Une autre voix. Bravo !

Le président. Je vais mettre aux voix les trois requêtes. D'abord, il s'agit de remplacer la première invite par celle-ci: «de veiller à ce que les assurances-maladie remboursent sans délai l'intégralité des prestations médicales et chirurgicales liées à la transition de genre (incluant les traitements et opérations permettant de prévenir ou de traiter la dysphorie de genre, conformément aux recommandations médicales établies);».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 31 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. La proposition suivante vise à modifier ainsi la deuxième invite: «de garantir l'égalité des personnes trans* dans la loi en élargissant la facilitation du changement de prénom aux personnes trans* et non binaires ne souhaitant pas changer de genre à l'état civil;».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 31 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. La dernière modification vise à ajouter une quatrième invite, dont voici la teneur: «de modifier le code pénal (art. 261bis) et le code pénal militaire (art. 171c) afin qu'ils interdisent la discrimination et l'incitation à la haine non seulement en raison de "l'orientation sexuelle", mais également en raison de "l'identité de genre et de l'expression de genre".»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 32 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je vous remercie de vous prononcer maintenant sur la prise en considération de la R 903, Mesdames et Messieurs.

Mise aux voix, la proposition de résolution 903 est rejetée par 51 non contre 31 oui et 6 abstentions (vote nominal).

Vote nominal