République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.

Assistent à la séance: Mmes et M. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers et Carole-Anne Kast, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Michael Andersen, Stefan Balaban, Diane Barbier-Mueller, Sophie Demaurex, Florian Dugerdil, Adrien Genecand, Laura Mach, Thierry Oppikofer, Xhevrie Osmani, Charles Poncet, Skender Salihi, Marc Saudan, Celine van Till et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Stéphane Fontaine, Christine Jeanneret, Patrick Lussi, Philippe Meyer, Daniel Noël, Frédéric Saenger et Nicole Valiquer Grecuccio.

E 3093-A
Prestation de serment de Gabriella BACCARINI-MANGHI, élue procureure
E 3094-A
Prestation de serment de Nora KRAUSZ, élue procureure
E 3095-A
Prestation de serment de Lysandre PAPADOPOULOS, élu procureur

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureurs. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les procureurs entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;

- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Gabriella Baccarini-Manghi, Mme Nora Krausz et M. Lysandre Papadopoulos.

Le président. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 3082-A
Prestation de serment de Elodie ABRAR, élue juge au Tribunal civil, à demi-charge
E 3092-A
Prestation de serment de Sara GARBARSKI, élue juge à la Cour de justice
E 3091-A
Prestation de serment de Elisabeth BERNARD et Barbara LARDI PFISTER, élues juges suppléantes au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant
E 2710-A
Prestation de serment de Antoine BOESCH, élu juge suppléant à la Cour d'appel du Pouvoir judiciaire

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Elodie Abrar, Mme Sara Garbarski, Mme Elisabeth Bernard, Mme Barbara Lardi Pfister et M. Antoine Boesch.

Le président. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que l'objet suivant est retiré par ses auteurs:

Proposition de motion de Mmes et MM. David Martin, Adrienne Sordet, Philippe Poget, Marjorie de Chastonay, Dilara Bayrak, Boris Calame, Ruth Bänziger, Esther Schaufelberger, Pierre Eckert, Yves de Matteis, Didier Bonny, Alessandra Oriolo, Rémy Pagani, Pierre Bayenet, Christina Meissner : Vers des constructions neutres en carbone (M-2732)

M 3046
Proposition de motion de Diego Esteban, Sylvain Thévoz, Sophie Demaurex, Léna Strasser, Jacklean Kalibala, Grégoire Carasso, Jean-Marc Guinchard, Romain de Sainte Marie, Jacques Blondin, Jean-Pierre Tombola, Julien Nicolet-dit-Félix, Thomas Wenger, Caroline Renold, Jean-Louis Fazio : Renforcer la confiance dans la démocratie
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 26, 27 septembre, 3 et 4 octobre 2024.

Débat

Le président. Nous passons à la seule urgence de la session, à savoir la M 3046, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Esteban, vous avez la parole.

M. Diego Esteban (S). Merci, Monsieur le président. Comme nombre d'entre vous, j'ai découvert au début de ce mois l'enquête publiée dans la «Tribune de Genève» au sujet des entreprises qui récoltent des signatures contre rémunération en Suisse et de la pratique questionnable menée par certaines d'entre elles. C'est une affaire qui choque en général et qui, je pense, choque aussi bon nombre de personnes dans cette salle, qui ont, avant d'accéder à ce parlement, battu le pavé à la recherche de signatures pour des initiatives, des référendums, ont travaillé des heures durant pour des causes en lesquelles nous croyons, et tout cela sans gagner le moindre sou, parce que finalement, c'est cela l'essence de la démocratie directe en Suisse !

Récolter des signatures pour une initiative ou un référendum est certainement difficile, il faut être préparé, et je ne reproche pas à certains comités d'initiative ou de référendum de faire appel à ce qu'ils considèrent certainement comme une forme d'aide pour permettre le débat sur des enjeux présents dans nos brochures de votations à intervalles réguliers. Cependant, je partage la consternation de ces comités, qui, à l'issue de la récolte, découvrent qu'un taux extrêmement important de signatures pour lesquelles ils ont payé différentes prestations se révèlent être invalides, et, pour ce qui est le cas des comités dont il a été question dans cet article, découvrent finalement que bon nombre de ces signatures étaient constitutives de fraude électorale - des enquêtes sont en cours devant le Ministère public de la Confédération.

Tout cela représente les symptômes d'un secteur qui manque singulièrement de régulation, d'encadrement et de garde-fous, et c'est essentiellement ce que le groupe socialiste propose à travers cette proposition de motion, en tenant compte de deux obstacles. Premièrement, cette activité est considérée par la Confédération de longue date comme relevant intrinsèquement de la liberté économique, elle ne peut être interdite, et ce n'est pas ce que demande ce texte.

Deuxièmement, il faut tenir compte des enjeux du fédéralisme. Genève a introduit en 1950 une cautèle, à savoir l'interdiction de la rémunération à la signature, qui est aujourd'hui appliquée, uniquement pour les objets cantonaux et communaux. Mais cela ne suffit vraisemblablement pas. Il existe une interdiction pénale de la fraude électorale; le pouvoir dissuasif de cette disposition est potentiellement en dessous de ce qu'on pourrait souhaiter.

Ce que l'adoption de cette motion ce soir pourrait permettre d'obtenir dans un délai raisonnable, c'est la formulation de modifications législatives par le Conseil d'Etat - cela fait partie des outils à sa disposition, dans la réponse qu'il serait amené à donner à ce texte s'il devait être adopté par ce parlement - et l'envoi d'un signal politique à l'heure où de plus en plus de personnes demandent à la Confédération de remettre en question sa pratique appliquée depuis les années 30. Pour rappel, un message du Conseil fédéral daté de 1935 relevait que les mêmes comportements avaient été observés...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Diego Esteban. Merci, Monsieur le président. ...lorsque à la suite du krach boursier de 1929, des comités d'initiative ou référendaires approchaient déjà des personnes au chômage pour leur promettre une rémunération contre la récolte de signatures. Déjà à l'époque, on observait le phénomène de personnes qui se déplaçaient dans les allées d'immeubles pour simplement copier les noms figurant sur les boîtes aux lettres pour les apposer ensuite sur les formulaires.

Aujourd'hui, le ras-le-bol est clairement partagé dans la population, car, vous l'aurez certainement vu cette semaine, une enquête de Tamedia établit à 84% le taux de personnes sondées qui seraient favorables à un meilleur encadrement de la pratique au minimum et à l'introduction de nouveaux outils, comme la possibilité de signer par voie électronique. C'est droit dans cet esprit que ce texte propose de s'inscrire, en envoyant un signal de la part du canton de Genève à la Confédération dans ce grand moment de questionnement sur la situation actuelle et dans une période à risque pour la confiance dans la démocratie. Nous vous proposons donc d'adopter cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). En effet, les récoltes payantes de signatures sont un véritable cancer pour notre démocratie. On peut se rendre compte, en se baladant à travers Genève, qu'il y a un certain nombre de gens, qui ne sont même pas domiciliés dans le canton, qui viennent de France voisine... (Exclamations. Applaudissements.)

Une voix. Oh, comme par hasard !

M. François Baertschi. Ce n'est pas un hasard, c'est une réalité ! (Commentaires.) Déjà, nous souffrons de la concurrence frontalière, et en plus de ça, nous subissons une fraude frontalière dans le cadre de la récolte de signatures ! C'est ce qui arrive, à tel point qu'un habitant du quartier de Plainpalais a refusé de signer un référendum en me disant qu'il ne signe plus rien à cause de ces méthodes d'achat de signatures, qui se font de manière massive. Non, la démocratie ne s'achète pas, nous ne sommes pas dans un système mafieux !

Nous devons impérativement retrouver une éthique démocratique, c'est vraiment le fondement de la démocratie genevoise et de la démocratie suisse. C'est pour cela que le MCG soutiendra avec enthousiasme cette motion et attend une réponse la plus complète et circonstanciée du gouvernement, voire d'autres interventions parlementaires, pour faire en sorte que nous mettions fin à ce trafic illicite - enfin, non éthique, devrais-je dire, et odieux, de signatures d'électeurs. Soutenez cette motion ! Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Yves Nidegger (UDC). Chers collègues, ce n'est pas parce que la chancellerie, qu'elle soit cantonale ou fédérale, ne fait pas son boulot de vérification qu'il faut jeter le discrédit sur les récoltes de signatures de manière générale. Dans le cadre du recours à la démocratie directe par collecte de signatures, évidemment que la dimension mercenaire de l'acte est certainement peu noble en tant que telle, mais au fond, ce qui est en question aujourd'hui, c'est la crédibilité de notre démocratie directe.

Il y a quelque chose de très critiquable dans la démarche des motionnaires, qui consiste à jeter l'opprobre sur le système alors qu'il n'y a pas de raison de le faire. La démocratie directe est une légitime défense, une des dernières à exister en Suisse, pour les citoyens de ce pays, aux niveaux cantonal et fédéral, consistant à pouvoir s'opposer au parlement lorsque les élus ne font pas ce pour quoi on les a choisis ou à les contraindre par le biais d'une initiative constitutionnelle à légiférer dans un sens qui apparemment ne les intéresse pas.

Ce qui est en jeu aujourd'hui, ce n'est pas ce scandale possible, mais non avéré encore, d'achat de signatures par un système qui serait douteux ou frauduleux; ce qui est en jeu, c'est la crédibilité de la bonne foi du système. En Suisse, la bonne foi est présumée; dans le reste de l'Europe, ce n'est pas le cas. Et pour conserver cette présomption de bonne foi, il ne faut pas jeter l'opprobre et la suspicion ainsi que le font les motionnaires, il faut simplement demander à l'Etat, dont c'est le métier et l'obligation, de faire son travail de vérification un tout petit peu plus sérieusement, afin d'éliminer les problèmes apparus dans la problématique qui nous intéresse. Nous rejetterons donc cette motion, parce qu'elle porte atteinte à la crédibilité de la démocratie directe, au lieu de critiquer l'Etat pour ses défaillances.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je vais essayer d'apporter un peu plus de hauteur à ce débat après le charabia qu'il nous a été donné d'entendre. Mesdames et Messieurs, la démocratie, notre démocratie n'est pas à vendre. Notre démocratie semi-directe, comme cela a été dit, repose sur les deux outils essentiels que sont l'initiative populaire et le référendum facultatif, liés à la nécessité d'obtenir et de vérifier des signatures valables de citoyennes et de citoyens pour les appuyer.

Il a été dit que certains avaient été étonnés par ce scandale qui nous a été révélé il y a quelques semaines. Je n'en fais pas partie. A titre personnel, je n'ai pas été étonné; j'ai été choqué, mais je n'ai pas été étonné. Pourquoi ? Parce qu'il suffit d'arpenter les rues de notre ville ou d'autres villes de notre pays pour se rendre compte que cela fait plusieurs mois, plusieurs années que des entreprises rémunèrent des chasseurs de signatures, qui ne sont absolument pas regardants sur les arguments, sur la bonne foi au moment de la récolte. Lorsqu'on prend contact avec ces gens, qui par ailleurs sont souvent très sympathiques et tout à fait ouverts à discuter de leurs conditions de travail, on se rend compte de surcroît que ces dernières ne correspondent pas aux minimums légaux que ces entreprises devraient leur garantir. Le scandale, il est évidemment là ! Et le fait qu'on se retrouve avec un nombre de signatures falsifiées et non valables n'est en définitive qu'une conséquence de ces pratiques pour le moins problématiques.

Les Vertes et les Verts n'ont pas attendu le scandale pour agir. Vous le savez sans doute, un texte parlementaire a été déposé en 2022 au niveau fédéral - comme il a été dit, c'est bien à Berne que le caractère légal ou non de la pratique de la récolte rémunérée se joue -, et une année après, quasiment jour pour jour, il avait été écarté par une vaste majorité de droite au sein du Parlement fédéral; seuls les groupes socialiste et Vert l'avaient soutenu. Notre collègue Léo Peterschmitt s'est ému de cette situation et a déposé une question urgente le printemps passé, sauf erreur, ce qui démontre qu'on était tout à fait au courant de cette problématique.

Aujourd'hui, nous remercions évidemment notre collègue Diego Esteban d'avoir déposé ce texte, qui cadre parfaitement avec le droit cantonal - cela a été dit -, parce qu'on ne peut pas aller plus loin, manifestement. Il demande une régulation, un encadrement, s'agissant des conditions de travail mais aussi du signalement et de l'honnêteté face à la personne qui se voit sollicitée pour obtenir une signature.

Cette proposition ouvre également deux pistes à l'appréciation du Conseil d'Etat, de la chancellerie. Il a été relevé que ces pistes ont été plébiscitées lors du sondage paru la semaine passée dans différents organes de presse. Il s'agit à la fois du registre de signatures et de la possibilité - pourquoi pas ? - d'imaginer des signatures électroniques: la population le plébiscite et nous soutenons également cela, raison pour laquelle nous allons évidemment voter contre l'amendement qui vient d'arriver, qui propose de supprimer ces deux invites, et soutiendrons cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR). Le PLR soutient la démarche sur le fond, je crois que nous avons tous été particulièrement émus par ce que nous avons appris. Il demandera le renvoi en commission de cette motion, pour différentes raisons. La première est que telles que présentées, les différentes invites abordent des niveaux de la problématique qui sont relativement différents et qui mériteraient peut-être d'être précisés, notamment si certains estiment qu'il y a une relative urgence à traiter ces questions pour pouvoir se concentrer sur ce qui aujourd'hui doit être fait pour limiter la possibilité qu'arrive ce qui s'est passé, c'est-à-dire des falsifications de signatures.

Deuxièmement, il y a une question de temporalité. Aujourd'hui, la Confédération et notamment la Chancellerie fédérale travaillent sur cette question. Il nous paraît raisonnable d'attendre - et probablement que nous n'aurons pas à attendre longtemps - afin d'avoir connaissance des nouvelles dispositions fédérales.

Troisièmement, nous proposons un amendement, parce que l'avant-dernière invite demande de créer une base de données de signatures: or cette question a fait l'objet de travaux approfondis dans le cadre de la commission des droits politiques il n'y a pas si longtemps - c'était lors de la législature précédente.

De plus, nous savons que même si idéalement, une telle demande devrait pouvoir être réalisée, c'est pratiquement mission impossible de véritablement atteindre ces objectifs, tant il est complexe de s'assurer d'avoir une base de données des électeurs et électrices à jour. Par ailleurs, cette question de la base de données des électeurs et électrices doit également être mise en regard de la nouvelle loi constitutionnelle sur l'intégrité numérique, que nous venons de voter. Nous ne devons donc pas nous précipiter aujourd'hui sur cet aspect.

Concernant la dernière invite, il est vrai que si nous basculons aujourd'hui, pourrait-on dire, dans l'ère moderne avec un passage à des méthodes électroniques pour la récolte de signatures, on ne peut pas faire l'impasse sur la question du nombre de signatures nécessaires puisque, vous le savez comme moi, chaque fois qu'on a rediscuté de la question du nombre de signatures au sein de la commission des droits politiques et aussi dans cette enceinte, on a toujours aussi mis en avant la difficulté de les récolter aujourd'hui sur le terrain. Là également, il nous paraît dès lors important de pouvoir traiter cette dernière invite séparément, raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces deux dernières invites, en faisant l'hypothèse que, malgré notre demande de renvoi, cette motion pourrait être adoptée ce soir. Je conclurai en réitérant ma demande de renvoi de cette motion à la commission des droits politiques. Merci de votre attention.

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). L'affaire de fraude massive est choquante, c'est vrai, et Le Centre estime qu'il est impératif que des mesures soient prises. Pour être clair, le but ici n'est pas de restreindre les droits politiques des citoyennes et des citoyens, bien au contraire ! Nous sommes fiers de nos institutions, de notre démocratie, dans laquelle le peuple est souverain, et c'est pour ça que nous estimons que nous devons absolument sauvegarder la confiance des Genevoises et des Genevois dans un système...

Le président. Excusez-moi, Madame la députée. Monsieur Jeannerat, est-ce que vous pouvez sortir ?

Une voix. C'est insupportable ! (Rires.)

Mme Alia Chaker Mangeat. Il est dissipé aujourd'hui, M. Jeannerat. Ce n'est pas grave ! (Commentaires.)

Une voix. Le compteur continue de tourner !

Une autre voix. Il faut lui rajouter trente secondes de temps de parole, Monsieur le président !

Le président. Vous pouvez poursuivre, Madame.

Mme Alia Chaker Mangeat. Nous devons donc absolument sauvegarder la confiance des Genevoises et des Genevois dans notre système politique. Aujourd'hui, n'importe qui peut récolter des signatures contre rémunération. Les membres de l'UDC s'en accommodent, libre à eux ! Pourtant, l'affaire de fraude a eu le mérite de mettre en évidence les failles du système. Cette activité de contrôle des signatures, pourtant essentielle dans notre démocratie, n'est ni transparente ni encadrée. Elle conduit, dans les cas les plus graves bien sûr, à un système de fraude avec indication de fausses signatures, comme on l'a vécu récemment. Il faut aussi dire que nous avons tous été un jour ou l'autre confrontés à des explications parfaitement farfelues d'une personne chargée de récolter des signatures, parfois pour une cause qu'on défend; il est vrai que ces explications farfelues sont parfois données par un politicien, mais pas toujours !

Le cadre légal dans lequel s'exerce cette activité n'est pas clair non plus. La loi genevoise punit de l'amende quiconque «procède ou fait procéder, moyennant rétribution, à la quête de signatures en matière de référendum ou d'initiative». Mais malgré ce texte de loi clair, seule la rémunération à la signature n'est pas autorisée à Genève; la rémunération tout court est, elle, autorisée. Alors comment sont rémunérées ces personnes ? On l'ignore. Ont-ils tous une prime en fonction du résultat ? On l'ignore aussi. Est-ce que le salaire minimum est respecté ? On l'espère.

En d'autres termes, le système est grandement perfectible, et cette motion dont je remercie l'auteur demande justement davantage de transparence et que cette activité soit encadrée afin de protéger au mieux la démocratie. Le Centre soutient donc ce texte et vous invite à faire de même. Merci. (Applaudissements.)

M. Diego Esteban (S). J'aimerais apporter une brève réaction aux propos de mon estimé collègue PLR. D'abord, sur le renvoi en commission, si la demande d'urgence a été formulée sur ce texte, c'est parce qu'il faut démarrer les travaux rapidement. Pourquoi rapidement ? Parce que la réaction était quasi unanime, à teneur du sondage Tamedia mais aussi du fait que je ne connais pas une personne avec laquelle j'ai parlé de cette actualité qui n'ait pas été choquée du manque de réaction de la Confédération. Il y a donc une urgence à envoyer ce signal à la Confédération, qui doit se remettre en question.

Deuxièmement, il est urgent de solliciter l'avis du Conseil d'Etat dès maintenant. Or, un retour en commission nous ferait attendre beaucoup plus longtemps.

Je rappelle que l'on a choisi comme objet la proposition de motion plutôt que le projet de loi, justement parce qu'il n'y a pas qu'une seule manière de concrétiser les demandes de ce texte et parce que cela laisse ainsi le choix au Conseil d'Etat de nous expliquer en quoi certaines variantes seraient peut-être compatibles avec les projets et réflexions en cours concernant la remise en service du vote électronique, qui est un projet repris depuis un certain temps déjà.

Je rappellerai aussi, en ce qui concerne la base de données des signatures, que la chancellerie réalise déjà des vérifications. Le problème, c'est qu'elle ne peut pas les faire sur une échelle suffisamment grande pour détecter tous les cas de fraude qui pourraient éventuellement survenir, simplement parce qu'il lui manque une base légale. Elle a par ailleurs tous les moyens pour le faire, il n'y a donc à mon sens nul besoin de renvoyer ce texte en commission, et il n'y a surtout pas matière à accepter l'amendement qui nous a été proposé. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). J'ai juste oublié de donner la position de mon groupe concernant l'amendement: Le Centre va le refuser. Il s'agit d'une simple motion, raison pour laquelle nous pensons qu'il n'est pas non plus nécessaire de la renvoyer en commission, car elle est assez circonscrite et exprimée en termes clairs. Je pense que le Conseil d'Etat pourra y donner une réponse légale et rapide sans que doivent être enlevées des invites. Voilà, merci.

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous remercie évidemment de déposer un tel texte. On l'a vu, notre démocratie, qui est notre bien le plus précieux, est en danger s'il y a une perte de confiance dans le cadre de la majorité des actes qui peuvent être effectués par les citoyennes et les citoyens.

Le Conseil d'Etat a déjà examiné cette question et la chancellerie l'a tenu informé de la situation dans le canton. Nous avons abordé ce sujet le 11 septembre. C'est vrai qu'il y a une inflation extrêmement importante du nombre de signatures à contrôler pour le service des votations. Cela a d'ailleurs donné lieu à l'engagement de collaboratrices et de collaborateurs supplémentaires, tellement le nombre de signatures à contrôler a augmenté. Ce qu'on a aussi pu constater, c'est que l'invalidation des signatures est beaucoup plus élevée dans le cadre des initiatives et des référendums fédéraux qu'au niveau cantonal ou communal. On n'a pas d'explications sur ce constat. On a aussi pu obtenir un bilan sur les dénonciations effectuées à Genève et leur résultat depuis de nombreuses années. Il y en a eu très peu: une en 1979 qui avait donné lieu à l'annulation des signatures, et trois en 1980, 2001 et 2020, qui d'ailleurs avaient été classées, car les signatures étaient considérées comme valables.

Mme Alia Chaker Mangeat l'a rappelé, la rémunération est licite dans le canton de Genève. Les personnes peuvent être payées au mois ou à l'heure. En revanche, il n'est pas possible de payer quelqu'un au nombre de signatures. Il y a évidemment des interactions très importantes entre les chancelleries des différents cantons, mais aussi entre la chancellerie cantonale et la Chancellerie fédérale. Notre chancellerie a déjà réfléchi à certaines possibilités ainsi qu'aux enjeux. Elle a aussi identifié certaines pistes. Quant à la Chancellerie fédérale, elle aussi est actuellement en train de travailler sur ces questions. J'aimerais souligner qu'il y a en ce moment 31 textes au Parlement fédéral traitant de ce sujet. Donc pas d'inquiétude à ce niveau-là, la Chancellerie fédérale travaille et le canton de Genève fait partie du groupe de travail qu'elle a mis en place.

Dans ce contexte-là, le Conseil d'Etat a plutôt envie de vous dire de renvoyer ce texte en commission. Pourquoi ? D'abord pour vous donner des informations sur les différentes pistes envisagées, parce que je ne vais pas les évoquer ici dans leur ensemble, et aussi pour avoir votre sentiment sur ces différentes options. L'une d'entre elles est basée sur la solution du «e-collecting», donc de e-démarches authentifiées, soit une forme de signature électronique mais avec authentification.

Compte tenu de ces éléments, le Conseil d'Etat aurait trouvé intéressant de vous entendre sur ce type de possibilités plutôt que de revenir avec un rapport que vous risquez de nous renvoyer au visage en disant que ça ne correspond pas du tout à vos attentes. C'est pourquoi je vous confirme, au nom du collège, que nous accueillons favorablement votre texte, mais que nous aurions trouvé intéressant de pouvoir partager avec vous sur ces différentes pistes. Cela peut se faire rapidement devant la commission, nous pouvons venir à votre convenance pour que cette motion puisse être traitée déjà lors de la prochaine session, mais suite à un examen en commission, donc, qui permettrait qu'on vous soumette différentes idées et qu'on profite des pistes développées par la chancellerie. Je pense que c'est important qu'on puisse en discuter avec vous. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3046 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 54 non contre 40 oui.

Le président. Je soumets à présent à votre approbation l'amendement de M. Pierre Conne visant à supprimer la cinquième invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 40 oui.

Le président. Nous votons maintenant sur le deuxième amendement de M. Conne, qui consiste à supprimer la sixième invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 31 oui.

Mise aux voix, la motion 3046 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 29 non (vote nominal).

Motion 3046 Vote nominal

M 2615-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Pierre Eckert, Boris Calame, Marjorie de Chastonay, Dilara Bayrak, Frédérique Perler, Yves de Matteis, François Lefort, Alessandra Oriolo : Pollution de l'air : vers des mesures crédibles !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 23 et 24 juin 2022.
Rapport de majorité de Mme Danièle Magnin (MCG)
Rapport de minorité de Mme Françoise Nyffeler (EAG)

Débat

Le président. Nous enchaînons avec la M 2615-A, traitée en catégorie II, trente minutes. Le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil, le rapport de minorité de Mme Nyffeler ne sera pas présenté. Je cède le micro à la rapporteure de majorité, Mme Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission de l'environnement et de l'agriculture s'est penchée sur cette proposition de motion... (Brouhaha.)

Le président. Attendez, Madame Magnin. Mesdames et Messieurs les députés, je prie celles et ceux qui désirent continuer leurs débats de le faire à l'extérieur de la salle. (Brouhaha.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs du groupe UDC ! Madame Magnin, je vous en prie.

Mme Danièle Magnin. Merci, Monsieur le président. ...avec un grand souci d'examiner chaque point de ce qui était proposé. Or, nous nous sommes aperçus que tous ces points, toutes ces mesures avaient déjà été mis en oeuvre. Dans le fond, on a eu, je crois... Je ne me rappelle plus exactement le nombre de... Je crois qu'il y a eu seulement cinq oui en faveur de ce texte et neuf non, parce que chaque point a déjà été réalisé. On a procédé au vote et on a souhaité que le résultat de nos travaux soit publié, car il était assez important de savoir comment ça fonctionnait. Je vous suggère de lire non pas ma prose mais le contenu des auditions, qui nous ont démontré que l'Etat de Genève faisait déjà tout ce qu'il pouvait pour respecter cela.

La proposition de motion invite le Conseil d'Etat «à respecter les recommandations de l'Office fédéral de l'environnement en plaçant la(les) station(s) de mesure urbaine(s) aux endroits où l'immission est maximale et où la population réside». Cette invite a été rédigée à la suite d'une demande de déplacer la station de mesure qui se trouve à la rue Necker, à côté de l'école Necker, pour la mettre directement dans la rue Chantepoulet où il y a beaucoup de trafic mais pas beaucoup d'habitations, pas beaucoup de logements; ce n'était donc plus vraiment nécessaire de le faire. Installer une station de mesure à proximité de l'aéroport, je crois que c'est en train d'être fait ou que cela a été fait.

Ensuite, s'agissant d'un modèle permettant d'estimer les immissions sur l'ensemble du territoire genevois, je ne suis pas persuadée que c'est une priorité absolue - vous me corrigerez si je me trompe -, parce que de façon générale on a déjà ce type d'obligations et qu'on est surtout en train de mesurer le NO2, l'ozone et une dernière substance dont le nom m'échappe présentement - je suis désolée -, donc le dioxyde d'azote, l'ozone et les particules fines. L'essentiel des mesures requises ayant déjà été mis en place, nous avons décidé de voter non. Merci.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion Verte a quatre ans et le rapport déjà deux ans. Alors contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, elle n'est pas obsolète, bien au contraire: elle reste au coeur de l'actualité et surtout au centre d'un enjeu fondamental, celui de la santé publique, de la santé de la population et en particulier de la santé des personnes les plus vulnérables. Il s'agit encore aujourd'hui, en septembre 2024... Nous sommes en situation d'urgence climatique depuis 2019, depuis donc cinq ans, et il s'agit de rappeler que le droit à un environnement sain est un droit constitutionnel.

Dans ce contexte, j'aimerais ajouter quelque chose d'important: la pollution de l'air tue prématurément 4000 personnes en Suisse. La situation est grave, car de nombreuses personnes ont des maladies respiratoires ou cardio-vasculaires qui ont entraîné au moins 14 000 jours d'hospitalisation en Suisse, on dénombre des dizaines de milliers de cas de bronchite aiguë chez les enfants et des milliers de nouveaux cas de bronchite chronique chez les adultes. Cela, évidemment, n'est pas un sujet anodin, car il faut relever que l'air est respiré par toutes et tous et que l'air pollué est surtout respiré dans les centres urbains et davantage sur les grands axes où le trafic individuel motorisé est intense.

Aussi, cette motion demande des mesures, des stations plus nombreuses, plus précises et mieux placées, afin que l'on informe la population lors des pics d'ozone en été ou de particules fines en hiver. C'est une question de santé publique !

Alors certes, vous l'avez dit, des progrès ont été accomplis en matière de mesures, mais nous, les Vertes et les Verts, pensons qu'ils sont insuffisants face à, je le répète, l'enjeu majeur de santé publique. Avec ce texte, nous demandons un meilleur contrôle par les stations de mesure placées dans des lieux où la pollution et les nuisances du trafic sont représentatives du quotidien de la population, par exemple à la rue de Chantepoulet, ou au boulevard du Pont-d'Arve si la rue de Chantepoulet ne vous convient pas, et non pas seulement à la rue Necker. Des stations de mesure de la pollution de l'air doivent être installées là où habitent les gens et là où les valeurs sont les plus élevées. Or, ce n'est pas encore le cas à Genève.

C'est pourquoi nous insistons sur la nécessité d'évaluer correctement les valeurs, surtout quand les pics se produisent. Comme le demande la dernière invite, sur laquelle toute la commission de l'environnement était d'accord, nous insistons sur une meilleure information à la population. Certes, il y a déjà des données informatiques, et c'est mieux, il y a des progrès, mais ils sont insuffisants. Il faut plus d'informations dans l'espace public, accessibles à toutes et tous. Pour toutes ces raisons, je vous recommande vraiment de soutenir ce texte, car il est toujours actuel et est indispensable. Merci.

M. François Erard (LC). Cet objet a un but important en matière de santé publique, pour les simples et bonnes raisons qu'on ne peut pas choisir l'air qu'on souhaite respirer et que celui-ci peut être effectivement dégradé dans bien des coins du canton, notamment dans la partie urbaine.

J'aimerais relever d'abord le point suivant: on nous dit que la pollution tue prématurément 4000 personnes chaque année en Suisse, la préopinante l'a rappelé. Il faut quand même pondérer ce chiffre, puisque selon les sources, celui-ci est beaucoup plus bas que 4000: on parle de 2300 à 3000 personnes. Cela étant, quel que soit le chiffre, c'est bien entendu un nombre trop élevé de personnes qui décèdent de cette cause.

Comme l'a dit la rapporteuse de majorité, il s'avère que la plupart voire la majorité des mesures qui figurent dans les invites ont déjà été prises par l'Etat, peut-être à l'exception de celles qui concernent l'affichage public ou une meilleure information du public au sujet de ces pics de pollution.

Enfin, la majorité de ces invites et certains de ces considérants ont été réalisés. Pour ces raisons, le groupe du Centre vous encourage à voter non à ce texte qui est à nos yeux caduc. Je vous remercie.

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, de notre côté, nous soutiendrons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, parce qu'elle porte sur un objet d'importance, on l'a dit, la pollution de l'air. Celle-ci est un fléau invisible qui impacte la santé et qui tue. Il est nécessaire pour nous que le canton fasse tout son possible pour mieux monitorer et contrer ce problème. Grâce aux auditions, la rapporteure de majorité l'a souligné, nous avons pu observer des évolutions positives, le département ayant vraiment pris en main la problématique, ce que nous saluons. Il nous semble toutefois essentiel de multiplier les moyens pour effectuer des relevés de la qualité de l'air et les lieux où le faire, et d'évaluer plus précisément les pics de pollution afin de mieux agir pour protéger notre population. De plus, l'information qui lui est destinée peut encore être renforcée: il est important de sensibiliser aux divers effets de la pollution sur la santé et de faire de la prévention de manière plus large. Pour ces différentes raisons, pour que le travail se poursuive et pour donner un signal dans cette direction au gouvernement, nous soutenons le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat.

M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, on est en train de se chatouiller pour se faire rire ! On a une motion frappée au coin du bon sens et qui avait des demandes très légitimes. La commission fait son travail, procède à des auditions et s'aperçoit que toutes les demandes de ce texte ont été remplies. Tout le monde devrait être content, mais il se trouve encore des gens dans cette salle pour essayer de demander davantage ou de faire autre chose que de traiter ce texte. Mesdames et Messieurs, c'est complètement ridicule ! Il s'agit d'examiner le texte déposé et le résultat obtenu; à partir de là, il n'y a qu'une seule chose à faire: déposer cette motion, parce qu'elle n'a plus de raison d'être, qu'elle a été entièrement mise en oeuvre. C'est une bonne chose pour notre travail de députés de savoir que certaines de nos motions peuvent être satisfaites, et c'est typiquement le cas de celle-ci. Par conséquent, on ne peut que la juger caduque et voter non. Je vous remercie.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. En fait, la meilleure chose que l'on puisse dire, c'est que le travail de l'Etat a été de qualité, à tel point que l'on a pu constater une nette amélioration de la qualité de l'air à Genève. Maintenant, s'agissant du fait que 4000 personnes sont malades de la pollution en Suisse, voire en seraient mortes, j'aurais aimé le lire quelque part, mais c'est juste une affirmation ! En revanche, sur le site de l'OFSP, donc l'Office fédéral de la santé publique, on confirme que 3000 personnes meurent annuellement de la fumée du tabac en Suisse. Je vous remercie beaucoup.

Le président. Merci bien. La parole n'étant plus demandée, je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter sur ce texte.

Mise aux voix, la proposition de motion 2615 est rejetée par 51 non contre 26 oui (vote nominal).

Vote nominal

M 2620-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Thierry Cerutti, Ana Roch, Francisco Valentin, André Python, Patrick Dimier : Mettons fin au scandale des citernes de Vernier !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 octobre 2022.
Rapport de Mme Danièle Magnin (MCG)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2620-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame Danièle Magnin, vous avez la parole.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur le président. La première chose qu'il faut savoir à propos de ces citernes, c'est qu'elles sont là depuis 1910 et qu'elles inquiètent la population depuis à peu près aussi longtemps - ce sujet est un serpent de mer, on y revient régulièrement, de dix ans en dix ans, on reparle de ces citernes. Aujourd'hui, on arrive à une conclusion: un, on a moins besoin de capacité de stockage de produits pétroliers pour différentes raisons - on se chauffe de moins en moins au mazout, on n'a d'ailleurs plus le droit, je crois, de faire des installations de chauffage au mazout dans les immeubles neufs -, et deux, oui, on en a besoin, mais l'idée initiale était d'éviter de mettre cela au centre-ville, or la ville s'est tellement étendue que les citernes se trouvent désormais vraiment au centre d'une agglomération: un groupe de citernes se trouve juste en face d'Ikea.

Beaucoup de gens craignent que les citernes puissent exploser, qu'en cas d'acte terroriste, il puisse y avoir des dégâts gigantesques. Les personnes auditionnées, les représentants des sociétés pétrolières ou tout simplement d'offices de l'Etat qui s'occupent de ça nous ont expliqué que non, ça n'explose pas; ça peut brûler et ça peut brûler longtemps, mais au pire, c'est le toit de la citerne qui pourrait sauter sous l'effet de la chaleur.

On est passé à l'examen de tout cela et on a décidé, au sein de la commission, de supprimer toutes les invites et de les remplacer par deux autres: la première consiste à dire qu'il ne faut pas reconduire le droit distinct et permanent, soit le droit de superficie, lorsqu'il sera arrivé à échéance. Cette échéance n'est pas toute proche. La deuxième invite le Conseil d'Etat «à définir et déployer une stratégie de planification avec les propriétaires publics et privés des parcelles en cause afin de remplacer, à terme, les citernes par des projets immobiliers et des équipements publics en conformité avec les objectifs du plan climat cantonal». Ces deux nouvelles invites ont été acceptées à une grande majorité. La rapporteuse vous invite à voter oui à cette proposition de motion.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, vous le savez, il s'agit d'un combat de longue haleine, d'une lutte pour laquelle on ne lâche rien et on continuera à se battre. C'est vrai que ces citernes sont d'un autre temps. Pendant une certaine période, il n'y avait rien et on a estimé que c'était le bon endroit pour ces installations. Le problème qu'il y a sur le territoire de Vernier, c'est que la commune accumule différentes sources de nuisances, entre l'aéroport, les citernes, le train et autres, ce qui fait que les personnes qui ont des terrains et le souhait de développer leur bien ne peuvent pas le faire pour des raisons que vous connaissez bien.

Il y a aussi eu un accident il n'y a pas si longtemps avec ces citernes - il faut le relever -, et personne ne nous a rien dit. Aujourd'hui, on se trouve dans une période incertaine, entre le conflit en Ukraine, le conflit au Liban, le conflit en Palestine et Israël. On n'est pas à l'abri d'un attentat, et vous savez très bien que c'est un sujet sensible. Les citernes sont un lieu dangereux. S'il y a un attentat sur ce site, ça va prétériter un grand grand nombre de nos habitants et résidents, entre les Avanchets, Vernier, le quartier de l'Etang. C'est quelque chose d'extrêmement sensible et on doit aujourd'hui se réveiller afin de faire partir ces citernes.

Un délai est fixé à 2032, je ne sais pas pourquoi on est en train de le repousser; apparemment, c'est parce qu'il y a des frais. Mais selon moi, on est ici dans un esprit de pollueur-payeur et sur la base de ce principe, il faudrait peut-être inviter celles et ceux qui occupent le terrain aujourd'hui et qui l'ont pollué à mettre la main à la poche pour le dépolluer et le libérer le plus rapidement possible. C'est vrai que des contraintes fédérales nous obligent à garder ces réserves et qu'on a aussi le pipeline qui vient depuis Marseille et qui est directement connecté chez nous, mais il y a une vraie volonté de la commission d'aménagement, en tout cas d'après ce que j'ai pu ressentir, de faire dégager les citernes le plus rapidement possible, pour donner de l'espace, pour effectivement faire autre chose, des constructions, des logements, j'en passe et des meilleures. Je vous remercie toutes et tous de soutenir cette motion ! Merci.

Mme Dilara Bayrak (Ve). C'est un sujet pour le moins explosif, pas seulement en ce qui concerne les questions de sécurité, qui ont été étayées par M. Cerutti tout à l'heure, mais surtout pour l'impact de ces citernes sur Genève et sur la région. Saviez-vous par exemple qu'en avril 2023, plus de 1500 litres d'essence se sont infiltrés dans le sol d'une parcelle qui appartenait à l'Etat ? Cette nouvelle a été rendue publique par la RTS en date du 2 juillet de cette année. Combien d'autres déversements ont eu lieu ? Aucune idée, mais on ne va pas spéculer, concentrons-nous déjà sur ce qui existe.

Alors pourquoi sont-elles là, ces citernes ? M. Cerutti l'a mentionné tout à l'heure, il s'agit de réserves fédérales qui garantissent que la région ne manque pas de pétrole en cas de X, Y, Z - on ne sait pas, mais il nous faut ces réserves. Le problème est que si l'emplacement choisi était peut-être tout à fait pertinent il y a de nombreuses années, il ne l'est plus aujourd'hui. Les citernes se trouvent au milieu d'une ville, au milieu de logements, en plein milieu de là où circulent les gens.

Il faut aussi savoir qu'on a fermé les autres sites en Suisse romande; et aujourd'hui, il faut réellement se demander pourquoi les autres régions de Suisse romande, qui ont pourtant peut-être plus de place et moins de densité que Genève, peuvent se soustraire à cette obligation des réserves fédérales et pas nous. Pourtant, notre région est dense, très peuplée, exiguë, et on se retrouve à devoir supporter la charge de ces réserves au niveau fédéral dans notre petit canton.

Le groupe des Verts et moi-même sommes d'avis que ces citernes n'ont pas leur place à Genève, en tout cas pas dans le volume que nous leur connaissons aujourd'hui. Et puis l'argument qui, je le sais, va vous convaincre est celui du réchauffement climatique: nous allons devoir changer notre rapport au pétrole et nos habitudes, nous allons devoir respecter le plan climat cantonal, et pour ce faire, nous devons réduire notre utilisation du pétrole. Soyons pragmatiques, nous n'aurons pas besoin d'autant de citernes à l'avenir, en tout cas nous l'espérons. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

C'est pour ces raisons que nous vous invitons vivement à voter cette motion, pas uniquement pour les questions sécuritaires mentionnées, mais aussi juste pour des questions d'évolution et de mutation de société, que nous devons accompagner. Je précise qu'aujourd'hui, nous n'avons pas les informations sur le niveau de remplissage de ces citernes...

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Dilara Bayrak. ...c'est tout bonnement scandaleux, il doit y avoir plus de transparence. Merci, Monsieur le président.

M. Sébastien Desfayes (LC). Le groupe Le Centre soutiendra bien entendu cette motion. On m'a dit que vous aimiez le film d'Oshima «L'Empire des sens»; ici, c'est l'emprise de l'essence ! (Exclamations. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. T'es brillant, là, mon gars !

M. Sébastien Desfayes. Merci ! Et une emprise malheureusement assez dévastatrice ! Emprise d'abord au niveau de la sécurité, d'autres l'ont dit, mais ça ne sera jamais assez répété: quand les citernes ont été installées, c'était en rase campagne, alors qu'aujourd'hui, elles se retrouvent au milieu de la cinquième ville de Suisse romande, ce qui n'a absolument aucun sens. On nous a dit en commission que tout était sûr, qu'il n'y avait aucun risque, etc.: c'est ce qu'on disait à Toulouse, c'est ce qu'on disait partout où ensuite des explosions ont eu lieu, causant un nombre considérable de victimes. Le risque zéro n'existe pas, et si un jour un drame arrive, le Conseil d'Etat ne pourra pas dire qu'il ne savait pas !

Et puis, il y a aussi une emprise aberrante sur le territoire, parce que ce sont des terrains qui ont une valeur considérable. On pourrait les développer, construire des équipements publics, des logements, mais là, on a des citernes dont la plupart ne servent plus à rien et qui sont d'un autre temps. L'Etat de Genève est d'ailleurs un peu le dindon de la farce, car ces terrains ont une valeur énorme, mais le droit de superficie est de 7 francs par mètre carré, ce qui est ridiculement bas.

Je pense que le Conseil d'Etat va soutenir cette motion, parce que suite à une question écrite de Christina Meissner, la QUE 775, il y a à peu près six ans...

Une voix. Six ans !

M. Sébastien Desfayes. ...le Conseil d'Etat disait ceci: «Les possibilités de redéploiement des citernes situées sur les parcelles dont l'Etat est propriétaire [...] ont largement été analysées ces dernières années. Pour rappel, le secteur est occupé par la société Sasma qui est au bénéfice d'un droit de superficie qui prendra fin en 2032. Le Conseil d'Etat a déjà exprimé sa volonté de ne pas renouveler ce droit.» La grande question - et on attend évidemment une réponse du Conseil d'Etat ce soir à ce propos - est la suivante: qu'est-ce qui s'est passé ces cinq dernières années ? Parce qu'aujourd'hui, nous sommes malheureusement dans une situation différente, sachant que le droit de superficie a été renouvelé: il y a eu exercice d'un droit d'option du bénéficiaire du droit de superficie, tant et si bien qu'on en a encore - si tout va mal ! - pour quarante ans de citernes à Vernier !

A notre sens, le Conseil d'Etat aurait dû anticiper cette problématique. J'aimerais quand même avoir des informations sur le comportement de l'OCBA notamment pendant cette période, parce que manifestement, on n'a pas su anticiper, ce qui est dommage pour la sécurité et le développement du canton. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, je ne suis pas juriste, mais quand on signe un contrat de plus de cinq ou dix ans, je pense qu'il faut prévoir des articles qui permettent d'en sortir. Je pose une question: comment est-il possible à l'échelle communale, cantonale ou fédérale que nous signions des conventions ou des contrats de trente, quarante ans sans articles portant sur la révision de l'engagement en cas de besoin ? On signe ces contrats en fermant les yeux alors qu'on met en danger les citoyens.

J'aimerais passer un message au Conseil d'Etat avant qu'il ne soit trop tard et qu'on dise que nous n'avons pas anticipé ni imaginé ce genre de risques: il faut écouter les experts. Ce n'est pas mon domaine; moi, je ne maîtrise pas, il faut appeler les experts, ceux qui maîtrisent ces sujets, les juristes, les techniciens, pour trouver une solution à cette problématique.

Je vous fais part du témoignage de ma petite fille, un enfant de dix ans: «Papa, qu'est-ce que c'est tout ça ?» Je réponds que voilà, il y a du pétrole. Elle me dit: «Papa, ce n'est pas dangereux pour nous ça ? S'il arrive quelque chose, qu'est-ce qu'on doit faire ?» Cela montre qu'aujourd'hui, même un enfant de dix ans est capable de comprendre que c'est extrêmement dangereux d'avoir ces citernes dans notre ville, proches de l'aéroport, proches des organisations internationales, proches des ambassades. On stocke du pétrole, ce qui représente un risque énorme pour notre canton et pour la commune de Vernier.

J'invite et je demande au Conseil d'Etat, en tant que résident de Vernier et en tant que député, de prendre cette problématique au sérieux: il faut trouver des solutions le plus vite possible, avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'on dise: «On aurait dû...» Voilà, chers collègues, Monsieur le conseiller d'Etat, je vous invite à considérer cette situation et à trouver une issue le plus vite possible, en faisant de ces actions une priorité, afin que les citoyens de notre canton et particulièrement de Vernier soient satisfaits, tranquilles et vivent dans leurs appartements sans penser aux risques que représentent ces citernes. Merci beaucoup. (Remarque. Rires.)

Une voix. Non, pas à Vernier !

M. Grégoire Carasso (S). Oui, on est à Vernier et pas en ville de Genève, pour le cas d'espèce, quoique ! Il y a aussi des citernes sur le territoire de la ville, mais ce n'est pas le cas de la majorité d'entre elles. A titre liminaire, je souligne ce qu'il y a de plus absurde dans cette situation: refaire l'histoire, c'est intéressant, il fut un temps où on jetait des munitions dans le lac et où il était évident que d'avoir du pétrole proche d'un poumon économique comme Genève... Si on avait fait un vote dans les années 60, lorsque ces DDP ont été négociés, il y aurait eu l'unanimité, à n'en pas douter ! C'est peut-être un biais d'historien, mais quand j'entends aujourd'hui des âneries sur le prix de l'époque... Alors ce ne sont pas des âneries énoncées par un économiste, certes, mais ça correspondait au prix de l'époque, sachant que c'était considéré comme une chance.

Là où la situation est absurde aujourd'hui, c'est que neuf dixièmes des citernes en Suisse romande se trouvent à Genève, le canton le plus exigu. Eh oui ! Ce sont ces droits de superficie des années 60, valables jusqu'en 2032. Il n'y a peut-être pas une grande stratégie du côté de l'Etat aujourd'hui, mais il faut relever que depuis le départ, il y a une option qui s'étend jusqu'en 2062, en raison de laquelle, si l'Etat voulait résilier ces DDP, il devrait payer le prix fort pour enlever au privé trente ans d'exercice de son droit de superficie. Eh oui, ça ne s'invente pas !

La sécurité, je ne reviens pas dessus, parce que s'il y a bien quelque chose qui est fait de manière particulièrement sérieuse à Genève, ce sont les contrôles de sécurité, en particulier sur ces citernes. Tout le monde sait que ce n'est pas un risque. Par contre, c'est moche ! C'est absurde que Genève concentre toutes ces réserves essentiellement sur le territoire de la ville de Vernier.

Chers collègues, j'aimerais terminer cette intervention au nom du groupe socialiste, si vous le voulez bien, Monsieur le président, en saluant le travail de la commission: on est parti d'un texte «y a qu'à, faut qu'on», on a bossé pendant une année, on a auditionné toutes les parties - sans créer de sous-commission, je vous rassure -, à l'aune de cinq, six séances, mais en travaillant vraiment. Vous trouvez toutes les annexes dans le rapport que notre collègue Danièle Magnin a bien voulu rédiger.

J'allais oublier, quant à l'amendement déposé par notre collègue Cerutti sur la fuite qui aurait eu lieu cet été et qui avait été couverte et relatée par les médias: franchement, je me réjouis d'entendre ce que le département a à nous dire sur ce cas. Je pense que si cette fuite avait été grave, on en aurait plus entendu parler que via un article publié au milieu de l'été. Bref, pour cet amendement, le groupe socialiste s'en remettra à l'avis du conseiller d'Etat.

Pour le reste, nous vous invitons à voter la motion telle qu'amendée - avec un peu plus de sérieux que la plupart des interventions de ce soir - afin de ne pas reconduire le DDP. Par ailleurs, si l'on peut négocier avec les privés pour faire autre chose de ces terrains aujourd'hui, c'est une excellente chose, et il est donc également intéressant de définir une stratégie dans ce but.

Dernière mention pour nos amis qui détestent les DDP et qui veulent toujours vendre les terrains publics aux privés: vous hurlez aujourd'hui parce que ce n'est pas assez cher; vous imaginez si à l'époque on avait vendu ces parcelles à des privés comme vous souhaitez si souvent le faire quand il s'agit de terrains publics ! On n'aurait même pas ce débat et la collectivité publique aurait perdu bien plus que dans le cas d'espèce. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Ah, ce que j'aurais aimé vous entendre, tous ceux qui ont pris la parole, en 2008 ou 2009; si les majorités de l'époque n'avaient pas loupé la possibilité de voter un certain nombre de textes contre ces citernes - M. Cerutti pourra le confirmer, ce n'est pas la première fois qu'on en parle ici -, on aurait déjà fait un bon bout du chemin.

J'ai entendu dire: «Oui, mais comment ont-ils fait à Colombey ?» Bah, ils ont été beaucoup plus malins que nous, parce qu'eux aussi, ils se sont posé la question depuis bien des années. Simplement, quand ils ont compris que Genève ne ferait rien et qu'ils allaient de toute façon fermer leur raffinerie pour des raisons de quota, ils se sont dit que les citernes de Genève pourraient couvrir le quota de la Suisse romande et ils ont vite fermé les leurs. Genève n'y a vu que du feu, bêtes que nous sommes... Enfin, bêtes qu'étaient les majorités de l'époque, vu qu'elles n'ont rien voulu faire !

Aujourd'hui, on se trouve dans une situation où soit on est coincé jusqu'à la fin du droit de superficie, pour les raisons qui ont été énoncées, soit on paie, mais ce serait un prix tellement élevé que ça risque de nous coûter plus cher que d'attendre le délai. Voilà, c'est donc un peu tardivement que je me réjouis de voter cette motion - il y avait déjà à l'époque un certain nombre de textes, qui émanaient notamment du MCG et de l'UDC, plusieurs groupes ici présents s'en étaient déjà inquiétés. On va donc voter à nouveau un texte sur cette thématique. Nous accepterons aussi l'amendement déposé ce soir. On espère que cette fois, de vraies solutions seront amenées et qu'on n'aura pas besoin d'en reparler d'ici une dizaine d'années ! (Commentaires.)

M. Jacques Jeannerat (LJS). Le jeune Florey - parce qu'il parle de 2009... En 2002, je siégeais déjà dans ce parlement... (Exclamations.) ...et il y avait un jeune député Vert qui s'appelait Antonio Hodgers, et nous tenions le même discours, cher Tonio. Tu permets que je t'appelle comme ça ? (Commentaires.) On était déjà face à cette proposition. C'est vrai que ce n'est pas facile à gérer comme dossier, parce qu'on dépend de règles de la Confédération sur l'énergie, d'autres émanant de l'Etat de Genève.

Le groupe LJS va voter cette motion, il faut maintenant qu'on puisse réduire le nombre de citernes. Je crois que le Conseil d'Etat a les compétences pour dire à la Confédération que certes, on doit avoir des réserves, c'est bien... Mais à mon avis, pour l'avenir énergétique, on pourrait en enlever en tout cas les deux tiers. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Monsieur Hodgers, j'ai confiance en votre gouvernement pour qu'on puisse aller de l'avant. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite tous à voter cette motion si importante. Mais ce n'est pas si simple, on peut ne pas voter, le Conseil d'Etat peut résilier ou non le bail, elles seront toujours là. Même si Tonio ne le résilie pas, elles seront toujours là ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. Excuse-moi, je m'adresse à toi parce qu'à l'époque, on parlait comme ça ! (Rires.) Non, mais j'ai confiance en mon ami Antonio Hodgers ! (Exclamations. Rires.) C'est un dossier qui est très très complexe, mais il faut aller de l'avant.

Le président. Nous vous remercions, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. Nous devons à la fois discuter avec la Confédération pour garder le minimum de réserves, faire un inventaire pour éliminer une partie de ces citernes... (Brouhaha.) A l'époque, en 2002, on avait dit qu'il fallait les enterrer, mais on ne peut pas le faire parce que c'est une question de...

Le président. Merci !

M. Jacques Jeannerat. Donc s'il vous plaît, votez cette motion, donnez plein pouvoir au Conseil d'Etat de gérer cette histoire ! (Exclamations.) On ne peut pas... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse. Je voudrais juste ajouter un petit détail en passant. Quand j'ai entendu la députée Dilara Bayrak dire que c'était épouvantable, que 1500 litres s'étaient répandus... Alors oui, c'est embêtant... (Rires.) ...mais ça ne représente jamais qu'un mètre cube et demi, soit ça ! (L'oratrice montre le volume équivalent avec ses mains.) Ce n'est vraiment pas la mer à boire ! (Exclamations. Hilarité.)

Une voix. On la boirait pas !

Mme Danièle Magnin. Pourquoi ils rigolent ? (L'oratrice rit.) Je m'interroge sur la dangerosité des trains chimiques...

Le président. Merci, Madame la députée, c'est terminé.

Mme Danièle Magnin. Ce n'est pas grave; simplement, quand ils rigolent tous, c'est mon temps de parole qu'ils prennent ! (Rires.)

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cher Jacquot ! (Eclats de rire. Applaudissements.) Moi qui étais député au siècle passé - 1997 ! -, je peux confirmer que ces citernes sont un vieux débat. Je remercie l'historien et néanmoins député Grégoire Carasso d'avoir souligné que si on se retrouve avec ces infrastructures, c'est parce qu'on les a voulues.

Genève, capitale de l'automobile, voulait ses routes, voulait l'essence qui allait avec, voulait le kérosène qui allait avec l'aéroport. Genève qui abrite aussi - et là, c'est la Genève historique à la croisée des chemins - l'arrivée des conduites de gaz européennes, notamment depuis Marseille, et qui a voulu par conséquent installer ces infrastructures de réserve dans le lieu où elles se trouvent, qui était à l'époque bien entendu beaucoup plus périphérique qu'aujourd'hui.

La réalité, c'est que plusieurs obstacles se présentent à nous. D'autres l'ont dit, rien que d'un point de vue territorial, ces citernes, leur volume, leur positionnement sont problématiques. Néanmoins, j'attire votre attention sur le fait que la loi fédérale sur l'approvisionnement économique du pays - à vrai dire, il ne s'agit pas de questions d'énergie, mais de sécurité d'approvisionnement -, loi qui, vous le savez, a été très prégnante durant la crise du covid et durant les crises liées au conflit entre la Russie et l'Ukraine et à son impact sur l'énergie, prévoit qu'on doit garantir quatre mois et demi de consommation, ce qui veut dire environ 4,4 millions de mètres cubes. Pour le canton de Genève, on a une consommation de 1,5 million de mètres cubes garantie sur la même période; en réalité, on n'a donc pas assez de réservoirs pour remplir l'obligation fédérale.

Nous ne sommes pas le seul canton à ne pas la remplir, et cet argument-là n'est pas trivial. C'est au niveau fédéral que se joue l'assouplissement de la capacité dans les cantons, notamment urbains, en ce qui concerne ce genre d'infrastructures: or, chaque fois qu'on s'est approché de Berne sur ces questions (et je l'ai fait comme conseiller national, à l'époque sans aucun soutien de l'UDC évidemment, Monsieur Florey !), la réponse a été un niet absolu des majorités, du Conseil fédéral et de la majorité de droite qui allait avec, etc. Voilà pour poser quand même le contexte fédéral.

Un autre débat a été soulevé, et j'entends la question ou plutôt la remarque du député Desfayes sur les DDP. J'aimerais dire tout d'abord que la plupart des citernes sont en pleine propriété, ce qui devrait réjouir une partie de l'hémicycle. Par conséquent, on n'a rien à dire, compte tenu du respect de la propriété, n'est-ce pas ! (Remarque.) Donc l'essentiel des citernes restent si elles veulent rester, fin du débat ! S'agissant de la partie minoritaire des citernes qui sont en DDP, effectivement, il a été dit que le contrat du droit de superficie arrivait à échéance en 2032, mais, clause en note - à vrai dire, pour être très sincère avec vous, je l'ai appris après coup, par l'OCBA -, si l'une des deux parties fait la demande, cela peut être prolongé de trente ans. Voilà ! (Remarque.)

On arrive donc à 2062, sans possibilité de résilier. Si l'Etat s'y oppose, cela équivaut à une expropriation matérielle pure et simple. Mesdames et Messieurs, il y a donc quand même une dureté foncière qui s'oppose à nous dans ce cadre. Cela signifie que pour la levée des citernes, il faut plusieurs dizaines de millions pour indemniser et exproprier ces entreprises, qui ont un rendement, qui fonctionnent, qui sont contentes de continuer à fonctionner, puisque même pour ce qui est du DDP, Sasma a demandé à le prolonger. Si les citernes étaient vides, s'il n'y avait pas un modèle économique derrière, elle ne l'aurait pas fait. C'est donc la preuve que ça marche. Par conséquent, pour enlever ces citernes, Mesdames et Messieurs, il faudrait effectivement établir une stratégie d'expropriation, d'indemnisation et ensuite engager le travail pour se débarrasser de la pollution et de la contamination de ces parcelles.

A ce sujet, j'entends que quand la presse découvre parfois une information contenue dans un rapport qui n'avait pas été lu, c'est une news; en l'occurrence, des accidents comme celui-là, impliquant un peu plus de 1000 litres d'essence, ça peut paraître beaucoup, mais en réalité, ce sont des incidents totalement mineurs, qui sont documentés. En tant que député, vous pouvez faire une demande. N'importe quelle démarche LIPAD aurait abouti au même résultat. Il n'y a donc aucune volonté de cacher des informations.

L'entreprise a immédiatement averti, comme il se doit, le service de l'environnement, qui a tout de suite procédé aux échantillonnages nécessaires pour réaliser les examens et démontré qu'aucune pollution ne s'était dégagée. Effectivement, 1000 ou 1500 litres d'essence, ça peut être beaucoup d'un coup, mais n'importe quelle station-service en déverse beaucoup plus avec toutes les gouttelettes qui tombent tout au long de l'année. Il y a une forme d'évaporation. C'est certes regrettable, mais vraiment, d'un point de vue environnemental et scientifique, c'est un incident totalement mineur, sans aucun impact non seulement sur la santé - ça, évidemment -, mais surtout sur la nappe phréatique, sur les sols; rien n'a été détecté suite à cet accident.

Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut donc pas grossir le trait; c'est évidemment regrettable, l'entreprise s'en est excusée, elle a pris des mesures et nous les avons suivies. Il n'y a eu aucune volonté d'occulter les choses, tout ça s'est fait dans les règles de l'art. Je vous assure qu'on ne fait pas un communiqué de presse pour tous les petits incidents dans le canton, mais je reste volontiers à la disposition des députés et de la presse si vous souhaitez voir ce genre d'événements d'un peu plus près.

Je dis donc bien sûr oui à cette motion, mais avec tout le réalisme du Conseil d'Etat, je dis aussi qu'il faudra qu'on fasse des choix, à l'égard de Berne, mais surtout à l'égard de cette activité économique et industrielle qui, pour l'instant, malheureusement pour nous, tourne extrêmement bien dans ce périmètre du canton. En tout cas, la volonté du gouvernement est de faire évoluer la situation, mais son honnêteté commande aussi de vous expliquer toutes les difficultés, comme je viens de le faire. Merci donc de nous renvoyer cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote sur l'amendement de M. Thierry Cerutti, visant à ajouter une nouvelle invite dont la teneur est la suivante: «à suspendre avec effet immédiat l'autorisation d'exploitation de Petrostock afin de procéder à tous les contrôles de sécurité qu'impose le dernier incident (fuite de carburant) et aussi au carottage des sols sous Petrostock (mes informations indiquent que le sol est infecté depuis un bail, il faudrait creuser sur plus de 20 mètres pour dépolluer le site, 8 millions l'estimation de la dépollution).»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 21 oui et 6 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2620 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 2 non et 17 abstentions (vote nominal).

Motion 2620 Vote nominal

M 2653-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Léna Strasser, Sylvain Thévoz, Thomas Wenger, Caroline Marti, Diego Esteban, Nicolas Clémence, Badia Luthi, Grégoire Carasso, Amanda Gavilanes, Helena Verissimo de Freitas, Emmanuel Deonna, Xhevrie Osmani, Jocelyne Haller, Jean Rossiaud, Nicole Valiquer Grecuccio, Glenna Baillon-Lopez : Epiceries et supermarchés participatifs : essaimons des projets du type du Nid et de La Fève dans d'autres quartiers, villes et villages du canton !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de minorité de Mme Léna Strasser (S)

Débat

Le président. Nous continuons nos travaux avec l'examen de la M 2653-A, classée en catégorie II, trente minutes. M. Edouard Cuendet ne siégeant plus, son rapport sera présenté par M. Jacques Béné, à qui je cède la parole.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je reprends le rapport de l'excellent Edouard Cuendet, qui nous manque beaucoup. Mesdames et Messieurs, cette proposition de motion vise à soutenir des structures qui, sans subventions, ne seraient pas viables. Dans les considérants, on mélange l'urgence climatique, le covid et le fait que les épiceries participatives correspondraient à un besoin de la population. Sous couvert de bienveillance, il faudrait qu'on aide ces structures à démarrer avec un fonds alimenté annuellement de 400 000 francs, un soutien logistique et technique, qu'on favorise le développement d'outils et de savoir-faire mutualisés, qu'on accompagne les porteurs de projet, qu'on favorise la mise en réseau des coopératives alimentaires, etc., etc. Tout cela sans se soucier de la distorsion de concurrence que cela représenterait pour les acteurs déjà installés, qui, pour certains, peinent à être rentables.

Pour résumer, ces épiceries participatives sont un modèle économique malheureusement non pérenne, puisqu'il est basé sur du bénévolat et que, pour les auteurs du texte, le risque entrepreneurial devrait être assuré par l'Etat et donc par les contribuables genevois, qui ont déjà accès à de nombreux petits commerces vendant des produits locaux: je pense à toutes les petites épiceries de quartier, dont les motionnaires se soucient souvent bien peu, mais également à l'Union maraîchère de Genève avec ses trois magasins de proximité (Côté Jardin est leur emblème), qui vendent des produits locaux; si d'ailleurs vous allez sur internet, vous verrez que vous pouvez commander des tas de paniers contenant beaucoup de produits locaux. Ça fonctionne très très bien: ils en fournissent déjà cinq mille par semaine. En outre, ils soutiennent l'association Partage, qui a des objectifs de formation, de réinsertion. Donc, beaucoup de choses se font déjà à Genève.

Ce qu'on occulte complètement, c'est que le commerce est un métier et ne doit pas être un hobby qui serait subventionné par l'Etat. Si la majorité est totalement favorable à des circuits courts, à des emplois locaux, à un approvisionnement alimentaire durable, elle ne souhaite en revanche pas favoriser avec les deniers publics un modèle alternatif de distribution. Pour ces raisons, je vous invite à refuser cette motion. Je vous remercie.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de minorité. J'aimerais commencer par poser la question suivante: qu'est-ce qu'une épicerie ou un supermarché coopératif et participatif ? Vous connaissez peut-être Le Nid à la Jonction ou La Fève à Meyrin: il s'agit d'épiceries ou de supermarchés desquels les clients et clientes sont également coopératrices et coopérateurs et à la vie desquels ils participent activement; il y a aussi des personnes qui y travaillent en étant salariées. Malgré le dédain de mon préopinant à l'égard du bénévolat, celui-ci peut être très positif.

Dans quel but sont nés ces supermarchés et épiceries coopératifs ? Dans celui de promouvoir une agriculture paysanne, locale, de saison par la valorisation des circuits courts, de dynamiser et de valoriser la production et la transformation artisanales des aliments, de favoriser un système économique basé sur la coopération et la solidarité plutôt que sur la concurrence ou encore de limiter la production de déchets, entre autres.

La minorité de la commission regrette vraiment que cette motion et ses invites aient été analysées de manière extrêmement restrictive. Nous aurions aimé qu'elles soient travaillées à la commission de l'environnement, nous n'avons malheureusement pas eu cette possibilité-là. La majorité de la commission s'est focalisée sur la première invite, parce qu'elle parle d'argent; elle propose de mettre à disposition un soutien financier - sur ce point, je m'inscris en faux avec ce qu'a dit mon préopinant - pour permettre le démarrage de nouveaux projets. Il ne s'agit pas de soutenir les épiceries qui existent déjà, mais de soutenir les nouveaux projets en train d'émerger dans de nombreux quartiers ou communes de ce canton et qui ont de la peine à démarrer.

Partant de là, la majorité a opposé, tout au long du travail parlementaire, les différents types de lieux de vente de produits alimentaires, et ce alors que l'importance de leur complémentarité figure noir sur blanc dans l'exposé des motifs. Ce n'est pas nous qui disons que les différents types de lieux de vente de produits alimentaires sont en concurrence et ne doivent pas exister, c'est en gros la majorité de cette commission.

La majorité a aussi fortement martelé sa crainte d'une concurrence déloyale exercée par ces projets participatifs sur les autres espaces commerciaux, alors que, Mesdames et Messieurs, il s'agit de modèles dont les buts, le fonctionnement et la raison d'être diffèrent fondamentalement.

Mesdames et Messieurs, quel dommage que les débats soient restés figés autour de cette notion de commerce ! On ne s'est pas du tout attelé aux autres dimensions, telles que le soutien à l'agriculture de proximité, le développement de réseaux de transformation, le renforcement des circuits courts ou encore et surtout l'implication des citoyennes et citoyens dans la réflexion sur l'alimentation et la formation des mangeurs et mangeuses aux réalités agricoles, aux effets de l'alimentation sur le climat, aux questions de saisonnalité des produits alimentaires et j'en passe. Ces lieux sont de très bons lieux de formation.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Léna Strasser. Les invites de la motion sont axées sur un soutien logistique et technique, sur la création d'un réseau, mon préopinant l'a relevé, sur le soutien au partage d'outils, à la diffusion de l'expertise et au lancement de ces écosystèmes soutenant un réseau de production et de transformation de produits alimentaires.

Mais pourquoi alors, me direz-vous, viser l'émergence de nouvelles épiceries ou supermarchés fonctionnant sur ce modèle ? Eh bien, simplement parce que le contexte aujourd'hui est tel que l'émergence d'espaces pour expérimenter un changement de pratiques dans notre système alimentaire est cruciale.

Une très large majorité du Grand Conseil a accepté de déclarer l'urgence climatique en 2019; le GIEC mentionne dans son rapport de 2022 que, au-delà des initiatives d'adaptation, il s'agit aussi de transformer la manière dont nous vivons nos vies et de «mettre la société humaine sur la voie du développement durable». Cela passe, notamment, par une alimentation saine issue d'une agriculture durable, mais également par la mise en place d'économies circulaires.

Le rapport «Etude exploratoire "Neutralité carbone" à Genève en 2050» - je ne sais pas si vous l'avez lu - va exactement dans le même sens. Dans la conclusion, les auteurs écrivent qu'«au niveau du Canton de Genève, atteindre les objectifs de "neutralité carbone" nécessite une transformation profonde des valeurs et des fonctionnements de notre société et cela doit se réaliser en moins de 30 ans. Il s'agit donc d'en faire un véritable projet de société, porté par tous.» Je pense que l'on doit garder ça en tête.

Les épiceries participatives proposent des espaces de réflexion, de discussion, d'échange et de prise de conscience. Ce point, crucial à nos yeux, n'a pas du tout été relevé par la majorité de la commission, accrochée au cordon de sa bourse. On aurait dit qu'il n'y avait que ça !

S'impliquer dans la question de l'alimentation sur le territoire où l'on vit, à l'échelle d'un quartier, d'une commune, permet de se réapproprier en profondeur et de manière transversale les enjeux qu'elle soulève et de confronter son regard à celui de ses voisins et voisines, des producteurs et productrices, des artisans et artisanes, de toute la chaîne de production au final.

Alors pourquoi investir de l'argent public dans ces modèles ? Parce que ces projets, Mesdames et Messieurs, sont d'intérêt public et portés par une collectivité d'acteurs pour lesquels il n'est pas évident de poser sur la table un investissement initial. Les retombées sur la vie du quartier sont hyper importantes.

Ces nouvelles pratiques d'appropriation citoyenne de notre économie nous offrent, je pense, des pistes complémentaires d'action en soutenant directement les acteurs et actrices de l'agriculture et de la production locale pour le fruit de leur travail. Malheureusement, la majorité de notre parlement, à mon avis, n'est pas prête à voir le sens de ce changement alors qu'il est déjà en train d'advenir, la minorité en est persuadée. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, ces nouveaux modèles de structure participative constituent, il est vrai, une promotion de la consommation locale. Ça n'est pas anodin dans le canton de Genève, puisque nous exportons plus de 50% de notre production de légumes vers d'autres cantons, voire d'autres pays.

Une structure participative devrait être une entreprise comme une autre, qui doit assumer elle-même le risque entrepreneurial, faute de quoi on arrive - le rapporteur de majorité l'a dit à juste titre - à des distorsions de concurrence. L'Etat n'a pas à soutenir un modèle économique qui, par nature, ne sera pas pérenne puisqu'il est basé sur le bénévolat. Or, on sait que le bénévolat a beaucoup de peine à se renouveler, d'ailleurs dans tous les secteurs. Le meilleur exemple qui a été donné est l'activité de l'Union maraîchère avec ses trois magasins, qui proposent de consommer localement et assument un risque entrepreneurial.

Ce type de commerce requiert un certain nombre de compétences. C'est un métier qui exige que l'on soit rigoureux et attentif aux dispositions fédérales et cantonales de toute la législation concernant les denrées alimentaires.

Le projet de société dont a parlé la rapporteure de minorité favorise une consommation locale, mais la consommation locale que nous trouvons dans les épiceries à l'heure actuelle est aussi un projet de société; celui-ci a fait ses preuves et est durable, mais il est tenu par des entrepreneurs professionnels, dont le rôle est également d'utilité publique et qui exercent d'ailleurs leur activité pas toujours facilement, mais sans l'aide de l'Etat. Nous vous proposons donc de refuser ce texte. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais commencer en citant le Conseil d'Etat, qui a des objectifs de promotion économique; il se fixe, entre autres, les axes suivants: le programme économique «a pour objectif de contribuer à un environnement favorable à une économie libre, responsable, diversifiée, circulaire et solidaire, c'est-à-dire durable. Il s'agit de favoriser la promotion de l'économie locale et l'émergence d'un écosystème vertueux, également à l'échelle régionale et internationale». Voilà les objectifs du gouvernement; la promotion de la vente de produits alimentaires en circuits courts s'aligne donc pleinement sur eux et penser que le marché réalisera de lui-même cet objectif n'est qu'une douce illusion libérale.

En effet, le marché alimentaire est malheureusement sujet à divers biais qui rendent la mise à disposition de produits locaux exploités sur de petites surfaces extrêmement difficiles. Dans ce contexte, on favorise les grandes exploitations agricoles fortement mécanisées, on favorise les chaînes de supermarchés géants où l'on vient acheter en voiture et en gros, on favorise les magasins qui vendent des produits importés, dont la qualité environnementale est douteuse et produits dans des conditions sociales douteuses.

Je ne veux pas rappeler les propos que le conseiller d'Etat Antonio Hodgers a tenus récemment sur le libre-échange agricole; il a parlé mieux que moi, et je ne les répéterai pas. Par contre, je relève les marges exorbitantes tenues par un certain nombre de géants orange ou d'autres couleurs, pas seulement orange, dans notre république sur les produits bio. En plus de ça, ces supermarchés orange ont l'outrecuidance de se revendiquer à grands coups de publicité télévisuelle comme épiceries de quartier, ce qui constitue également un scandale, je le rappelle. J'appelle tout cela du «local washing» ou «local blanchiment». Vous pouvez du reste réemployer cette expression, je ne prends pas de droits d'auteur.

Dans ce contexte, la présente motion est donc largement la bienvenue. Contrairement à ce que la majorité vous a dit, il ne s'agit en aucun cas de distorsion de concurrence, mais simplement de permettre aux épiceries participatives de mettre le pied à l'étrier pour qu'elles puissent ensuite voler de leurs propres ailes. Ces structures mettent à disposition des produits locaux, de saison, de qualité, sains pour le corps et l'esprit, elles rétribuent aussi correctement les producteurs et les productrices.

La promotion économique, pas seulement en faveur des multinationales, est un rôle capital de l'Etat, et la mise en oeuvre de cette motion représente une simple action de promotion vers cette économie libre, responsable, diversifiée, circulaire et solidaire que nous ne pouvons que soutenir. Elle devrait aussi être soutenue par l'ensemble de ce parlement. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, on peut évidemment être favorable aux épiceries participatives, à leur activité locale et aux produits du terroir, mais il est totalement déraisonnable d'apporter des aides et des soutiens aussi massifs. Je rappelle les invites. Celles-ci demandent «à constituer un fonds alimenté annuellement de 400 000 francs [...]; à apporter un soutien logistique et technique [...]; à favoriser le développement d'outils [...] pour la gestion [...]; à accompagner les porteuses et porteurs de projet pour la mise en place et la recherche de financement [...]».

Comme cela a déjà été dit, ces épiceries participatives sont basées sur un modèle économique qui n'est pas pérenne. C'est un modèle de niche qui, finalement, touche relativement peu de consommateurs.

En plus, ces épiceries participatives exercent une très forte concurrence sur les petits commerçants. Il faut aussi rappeler que ces derniers travaillent dur, ne reçoivent pas de subventions, sont soumis à des règles et à des contraintes très importantes et, surtout, sont soumis aux impôts. Le groupe UDC est favorable au soutien des producteurs locaux, mais les épiceries participatives avec une subvention massive représentent une concurrence importante contre nos petits commerçants, et, surtout, les subventions sont totalement déraisonnables. Pour ces raisons, le groupe UDC vous propose de rejeter ce texte. Merci de votre attention.

Le président. Merci bien. La parole revient à M. Canonica. (Remarque.) A M. Subilia, pardon !

M. Vincent Subilia (PLR). Je ne voulais pas priver mon éminent collègue de la préséance, je serai bref, je le rassure. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je tiens à vous dire à quel point, dans l'hémicycle, nous sommes toutes et tous sensibles à la durabilité, à la cause d'une agriculture de proximité, ces circuits courts que la motionnaire appelle de ses voeux.

Toutefois, nous sommes aussi, en tout cas dans les rangs de ma famille politique, je crois, sensibles à une certaine cohérence. Je cite vos propos, Madame Strasser: difficulté pratique de l'appropriation citoyenne. Vous avez employé le terme de difficulté. Avez-vous une fois - vous transmettrez, Monsieur le président - pensé aux difficultés réelles des entrepreneurs qui, eux, ne bénéficient pas de subventions ? La véritable asymétrie est là ! Vous appelez de vos voeux un système qui, dans son modèle, est revendiquable, mais vous oubliez la distorsion de concurrence qu'un tel type de subventionnement générerait - mon excellent collègue Jacques Béné l'a souligné en rappelant les mérites de l'UMG, notamment, qui exporte ses produits alors qu'ils sont sensiblement plus chers que chez nos voisins ou en Suisse.

Je crois aussi qu'on a la mémoire courte ! Ce même week-end, votre famille politique, Madame la motionnaire, et d'autres avec vous ont cloué au pilori ces mêmes entrepreneurs en s'opposant massivement à une réforme que l'unanimité du Conseil d'Etat, y compris le conseiller d'Etat Vert, soutenait et qui aurait permis de corriger une asymétrie en faveur de ces mêmes entrepreneurs. Non seulement vous n'en voulez pas, mais en plus vous demandez que nous, la collectivité, supportions les risques qu'assumeraient d'autres entreprises, quelles que soient les vertus du modèle défendu, auquel je souscris par ailleurs. Il faut y voir un manque total de cohérence ! Le jour où vous soutiendrez les entrepreneurs qui en ont réellement besoin, qui, eux, ne reçoivent pas un sou de l'Etat, mais qui se font tondre quotidiennement pour lancer leurs activités génératrices d'emplois et de recettes fiscales, alors nos familles politiques seront peut-être plus enclines à entendre vos propos.

Puisque je parle sous le regard de l'excellent journaliste Armanios, de la «Tribune de Genève», qui nous voit et qui était très enclin à solliciter des fonds pour le soutien de son beau quotidien, mais aussi à dire tout le mal qu'il pensait de la réforme de l'imposition de l'outil de travail, je tiens à dire que, que ce soit dans notre plénum ou à la «Tribune de Genève»...

Le président. Monsieur le député, vous ne devez pas interpeller un journaliste !

M. Vincent Subilia. ...c'est de cohérence que nous avons besoin. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). L'enfer est pavé de bonnes intentions ! Ainsi en va-t-il des épiceries participatives, des prétendues épiceries participatives, qui représentent un système assez infernal où l'on a oublié le capitalisme, où les employés sont exploités. On revient à l'Ancien Régime: c'est véritablement du servage, puisque des bénévoles travaillent, font le travail des employés, concurrencent des vendeurs salariés. En plus de ça, ces bénévoles doivent payer des cotisations importantes, qui financent un système qui ne peut économiquement pas fonctionner. Cela ne fonctionne pas !

Pire que ça, ce sont des épiceries... Il y en a notamment une, je crois que c'est Le Nid ou La Fève mais peu importe, qui est ouverte de 12h à 20h, ou même à 22h, il me semble, c'est-à-dire durant des horaires interdits aux autres commerces, aux supermarchés, aux petits commerces ou aux autres. On a vu tous ces débats contre l'extension des horaires d'ouverture des commerces. Alors ces épiceries participatives, qui exploitent purement et simplement le personnel et qui s'inscrivent dans une idéologie complètement déconnectée du réel, peuvent faire n'importe quoi ! En plus de ça, elles font n'importe quoi ! Ce n'est pas rentable, on leur demande des financements étatiques parce qu'elles perdent de l'argent ! C'est vraiment un désastre ! Comment peut-on défendre un modèle pareil prétendument au nom d'une économie circulaire ? Ce sont les mêmes qui s'opposent à une véritable économie circulaire du marché de l'emploi, c'est-à-dire qui vont chercher le plus loin possible le personnel, à ouvrir...

En fait, on se trouve avec quelques petits groupes qui s'inscrivent dans une idéologie fermée, qui crée un petit monde complètement déconnecté de la réalité et qui ne peut absolument pas avoir une existence économique dans le monde où nous sommes. C'est un désastre, et nous pensons qu'il ne faut pas appliquer ces utopies: au XXe siècle, nous avons trop souffert de toutes ces utopies, n'en réinventons pas de nouvelles, même au niveau local et genevois ! Refusons cette motion. Merci, Monsieur le président.

M. Vincent Canonica (LJS). Le groupe LJS est sensible à la problématique de cette motion, qui promeut la production et la consommation locales. C'est l'occasion de réaffirmer notre soutien à l'économie locale, aux commerçants, aux entrepreneurs, aux TPE et aux PME. Le groupe LJS est également solidaire de tout projet visant à déployer de nouveaux canaux de distribution générateurs d'emploi et favorisant une consommation locale.

Néanmoins, ce texte, dont l'ambition est honorable, manque sa cible, et le soutien à de nouveaux projets uniquement est critiquable. Tout d'abord, rien ne garantit que ce soutien au lancement d'un nouveau projet sera pérenne, et, deuxièmement, cet objet crée une distorsion de concurrence, comme on l'a déjà relevé. Si vous décidez, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce texte, cela revient à dire que vous entendez soutenir financièrement de nouvelles épiceries et supermarchés participatifs au mépris de commerces existants et des producteurs eux-mêmes, qui proposent déjà des produits locaux directement et indirectement aux consommateurs.

En tant que parlementaires, nous devons légiférer et non pas détourner les lois existantes. Voter ce texte reviendrait à modifier la loi; si celle-ci devait être changée, il aurait fallu proposer un projet de loi et non une motion. Restons professionnels et refusons cet objet qui ne répond pas à l'objectif proposé, si louable soit-il. Nous refuserons donc ce texte.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Romain de Sainte Marie pour quarante secondes.

M. Romain de Sainte Marie (S). Oh, c'est très court ! Merci, Monsieur le président. Je crois que cette majorité de droite du Grand Conseil se trompe et confond deux modèles économiques. J'entends M. Vincent Subilia - vous transmettrez, Monsieur le président - revenir sur la votation populaire de dimanche dernier: c'est le peuple et non la gauche qui a décidé de maintenir un impôt juste et équilibré. Il ne s'agit pas d'encourager les entreprises et de les aider - le politique les a aidées lors de la crise covid, par exemple; ces entreprises sont aidées lorsqu'elles vont mal -, mais en l'occurrence, nous parlons d'un modèle économique totalement différent: il n'a pas pour but d'engendrer des profits, mais de faire participer, comme son nom l'indique, la population locale à un modèle économique de circuits courts avec des produits locaux. Il est question d'une participation et non d'une exploitation des habitantes et habitants des quartiers. Pour ces raisons, le groupe socialiste vous invite à soutenir ce texte. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Geoffray Sirolli pour trente-cinq secondes.

M. Geoffray Sirolli (PLR). Merci, Monsieur le président. Je suis moi-même producteur, je vends en direct l'ensemble de mes produits sur les marchés, en paniers. J'invite toutes celles et ceux qui ont envie de travailler la terre à être bénévoles dans mon exploitation. (Rires.) Qu'ils viennent faire du bénévolat ! Je crois que tous les agriculteurs les accueilleront avec plaisir ! Vous expliquerez à mes salariés, à l'ensemble de mes employés qu'ils vont prendre leur place, puisqu'ils seront là pour faire leur travail en tant que bénévoles. Je me réjouis que vous soyez face à eux et que vous les regardiez dans les yeux ! On les accueille avec plaisir, s'ils veulent venir ! Qu'ils travaillent, il n'y a pas de problème ! (Rires. Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. C'est au tour de M. Jacques Béné, qui dispose de dix-sept secondes.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Je vais faire très court ! Du bénévolat qu'on subventionne, ce n'est plus du bénévolat ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je lance le vote sur cet objet.

Mise aux voix, la proposition de motion 2653 est rejetée par 54 non contre 29 oui (vote nominal).

Vote nominal

M 2657-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de motion de Pierre Bayenet, Pierre Eckert, Helena Verissimo de Freitas, Marjorie de Chastonay, Nicolas Clémence, Salika Wenger, Léna Strasser, Badia Luthi, Jean Batou, Emmanuel Deonna, Amanda Gavilanes, Pierre Vanek, Adrienne Sordet, David Martin, Dilara Bayrak, Grégoire Carasso, Jocelyne Haller pour un inventaire des lieux géographiques portant des noms en lien avec le colonialisme, la traite négrière ou le racisme, et pour une meilleure information du public à ce propos

Débat

Le président. Nous passons à la M 2657-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Dès lors que le groupe Ensemble à Gauche n'est plus présent dans cette enceinte, le rapport de minorité de Mme Aude Martenot ne sera pas présenté. Madame Meissner, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion demande que soit établi et rendu public un inventaire des lieux géographiques portant des noms de personnalités ayant soutenu ou participé au colonialisme, à la traite négrière ou au racisme et que soit offerte une meilleure information au public à ce propos.

Elle vise aussi à compléter les notices biographiques et historiques figurant sur le site internet de l'Etat de Genève pour y intégrer des éléments critiques. Enfin, elle demande que soient apposées sous les noms des personnalités concernées des plaques explicatives se distançant des actes commis ou des opinions émises par celles-ci.

Prenons comme exemple Albert Gallatin, en référence à l'avenue Gallatin à Saint-Jean, qui figure dans la liste de ces héritages racistes dans l'espace public dénoncés, et vous verrez qu'il est très délicat de se positionner a posteriori, des dizaines de décennies plus tard, en tant que dénonciateurs et condamnateurs - tout n'est pas gris ou blanc, chaque période et chaque personne a sa part d'ombre. Ainsi, faut-il mettre en avant le commerçant puis fermier en Virginie en 1784, soit à une époque où il est évident que tous les fermiers employaient des Noirs, parce que c'était la norme, et au sujet de laquelle on peut dire qu'ils étaient à peu près tous racistes ? Ou faut-il au contraire mettre en avant la personnalité américaine éminemment respectée, qui est considérée comme le père fondateur suisse du pays, car rédacteur majeur de la déclaration d'indépendance des Etats-Unis en 1776 ?

Faire la chasse aux supposés colonialistes, esclavagistes et racistes dans une perspective anachronique est absurde. Ce qui importe, c'est l'apport civilisationnel, même si l'ensemble normatif de l'époque à laquelle ces personnes ont vécu n'est plus la norme aujourd'hui. Etablir et rendre public un inventaire des lieux géographiques portant les noms de ces personnalités... Mais, à ce moment-là, il faudrait faire l'exercice pour toutes les rues, tous les parcs portant le nom d'une personne, sans oublier les statues, les bustes, etc. Et on en oublierait ! L'argent public que l'Etat dépenserait ainsi ne pourrait-il pas être investi ailleurs plus utilement ? On a déjà assez de projets de plaques, on n'a pas besoin d'en ajouter encore davantage. Quant à la demande de compléter les notices biographiques et historiques figurant sur le site internet de l'Etat de Genève pour y intégrer des éléments critiques, a-t-on véritablement besoin de cela quand les informations en ligne existent, qu'elles sont nombreuses et très diversifiées ?

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Christina Meissner. A chacun de faire preuve de discernement, mais nul besoin de créer encore un répertoire avec de l'argent public. Pour ces raisons - et je pourrais vous en donner bien d'autres -, la majorité de la commission a refusé cette motion, et je vous remercie d'en faire de même. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Yves de Matteis (Ve). Concernant cette motion, et ceci indépendamment de son contenu, je voudrais demander un renvoi à la commission des Droits de l'Homme - que je préside actuellement -, non pas pour la traiter, car nous sommes un peu surchargés, mais avant tout pour des raisons techniques et d'égalité de traitement.

En effet, il y a plus de deux ans, alors que nous devions examiner la future LED-Genre, nous avions gelé un certain nombre de projets de lois, motions, résolutions qui traitaient des thèmes concernés par la future loi, à commencer par les questions liées à l'égalité femme-homme, afin de les examiner en bloc lors de l'examen de la nouvelle loi. Par la suite, comme ces textes ont tous été peu ou prou repris et intégrés dans la LED-Genre, nous les avons refusés lors de l'adoption de la loi, car ils étaient dès lors caducs, mais ils nous ont quand même été utiles dans la mesure où ils nous ont servi dans le cadre du traitement de la loi.

Nous sommes ici sensiblement dans le même cas, dans la mesure où il s'agit d'un texte qui concerne des questions liées aux discriminations fondées sur l'origine. Il a été refusé de justesse par quatre voix favorables contre cinq refus - vous n'avez qu'à lire le rapport. Or, cette motion aurait idéalement dû être gelée pour être traitée lors de l'examen d'une future loi sur les discriminations basées sur l'origine, loi qui est prévue et d'ailleurs mentionnée dans la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations à son article 20.

La logique voudrait donc que nous gelions cette proposition de motion afin de l'examiner lors de l'élaboration de la future LED consacrée aux discriminations basées sur l'origine. C'est précisément pour cette raison que je demande un renvoi à la commission des Droits de l'Homme: il s'agit de geler cet objet en attendant le traitement de la future LED-Racisme. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole sur cette demande de renvoi.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion a déjà assez traîné à l'ordre du jour; sur le renvoi en commission, c'est non !

Le président. Merci. Je lance le vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2657 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 61 non contre 20 oui et 1 abstention.

Le président. Nous continuons donc notre débat, et je passe la parole à M. Taboada.

M. Francisco Taboada (LJS). Merci, Monsieur le président. Je veux reprendre les propos de mon éminent préopinant, le président de la commission des Droits de l'Homme. LJS est attentif à l'usage des deniers publics. Comme l'a évoqué la rapporteuse, cette proposition de motion date d'un autre temps; il y a effectivement des questions économiques; mais LJS pense que le sujet mérite quand même d'être traité de manière globale en intégrant ce texte aux travaux que s'attache actuellement à agender la commission. Pour ce motif et pour des questions d'efficience, je redemande le renvoi en commission.

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission, que je soumets à votre approbation.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2657 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 62 non contre 20 oui.

Le président. Nous poursuivons notre débat. Je cède le micro à Mme Fiss.

Mme Joëlle Fiss (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à établir et à rendre public un inventaire de lieux portant les noms de celles et ceux qui ont soutenu le colonialisme, la traite négrière ou le racisme ainsi que des personnes ayant pratiqué l'esclavage. Rappelons que ces actes sont abjects; des peuples entiers ont été massacrés et exploités par les puissances coloniales. Cela a affecté des générations, et le PLR reconnaît clairement ces atrocités. Soulignons par ailleurs que la Suisse n'a jamais été une puissance coloniale.

Malgré la gravité du sujet, je dois dire que cette motion me rappelle le roman dystopique «1984» de George Orwell. Pourquoi ? Parce qu'on propose à l'Etat de juger les gens du passé sur la base des valeurs défendues aujourd'hui. Faut-il aussi blâmer les héros de l'Escalade qui ont décimé des Savoyards en 1612 ? (Commentaires.) Et si les députés de 2140 jugeaient tous les comportements des députés de notre Grand Conseil de 2024 ?!

Mesdames et Messieurs, on ne peut pas permettre à l'Etat de jouer le rôle d'un historien, on ne peut pas demander à un gouvernement de juger chaque figure historique. La seule chose qu'on peut faire, c'est encourager les historiens à nous éduquer sur une époque passée et sur le contexte dans lequel il faut replacer tout comportement. Sans parler des grandes questions historiques relatives à la guerre ou à la paix, il arrive parfois que certains comportements qui étaient acceptables à une époque ne le soient plus du tout aujourd'hui.

L'objectif de cette motion, comme indiqué dans le texte, est de montrer que chaque héros a son côté obscur - c'est notamment le cas du scientifique Carl Vogt. Mais un texte parlementaire n'a pas besoin d'expliquer la condition humaine; oui, l'être humain a sa part de lumière et sa part d'obscurité. C'est aux philosophes de nous éclairer sur cela, et la morale ne doit pas se mêler à l'héritage des connaissances acquises au cours de notre civilisation, comme ce fut le cas pour l'héritage scientifique de Carl Vogt, en dépit de ses idées sur la hiérarchie des races.

Nous sommes tous le produit de notre époque. Une féministe d'aujourd'hui ne pense pas comme celle d'hier. Cela ne justifie pas l'histoire, mais l'étude de l'histoire est un mouvement constant, qui ne sera jamais achevé. Personnellement, je préfère mettre cet argent public à disposition de la population genevoise qui se trouve dans la précarité, cela en constituerait un meilleur usage. Le PLR vous propose donc de rejeter cette motion. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Leonard Ferati (S). Mesdames et Messieurs les députés, voilà un sujet délicat ! Il ne s'agit pas ici de juger avec nos yeux anachroniques et avec le poids de l'histoire, ni de renommer des rues ou de déboulonner des statues, il s'agit d'ajouter du relief et de la consistance aux actes passés afin d'y rendre sensibles nos concitoyens.

Prenons l'exemple de l'esclavage. La traite négrière n'a pas été une invention européenne; néanmoins, jamais dans l'histoire une déportation de populations systématisée d'une telle échelle et d'une telle envergure n'a eu lieu dans un laps de temps aussi court. La traite négrière s'inscrit sur plusieurs niveaux et n'a pas été le monopole des royaumes ou des individus. Les négriers ont eu besoin que leur macabre entreprise soit légitimée par les intellectuels, les artistes, les scientifiques ou les religieux.

Sur le papier, les religions monothéistes interdisaient d'asservir des êtres humains libres. Constatant le manque à gagner, le pape Nicolas V a légitimé ces actions pour la première fois en 1454 en donnant la faculté pleine et entière aux rois européens de capturer et de réduire en esclavage perpétuel tout Sarrasin ou païen. Un certain nombre d'intellectuels et de religieux ont oeuvré pour que les Noirs soient considérés comme des animaux sans âme et non comme des êtres humains afin de réduire leurs personnes en esclavage perpétuel, comme lors de la tristement célèbre controverse de Valladolid.

Vous voulez connaître les routes de l'esclavage ? Suivez les routes du sucre, du coton, du cacao, de l'or ou des épices, et ces routes, Mesdames et Messieurs, mènent parfois à Genève. Ces produits étaient essentiellement consommés en Europe par la haute bourgeoisie, les nobles et les rois; 70% des esclaves étaient déportés et asservis dans les plantations de sucre. Alors quel est le lien avec notre pays enclavé et entouré de montagnes ? Mesdames et Messieurs les députés, le lien, c'est le capitalisme et la mondialisation par le biais du commerce triangulaire.

Certaines personnalités notoires de notre beau pays ont profité directement ou indirectement de la traite négrière et de la colonisation ou ont acheté, échangé ou spéculé sur des produits provenant des différentes colonies, ou encore y avaient elles-mêmes des possessions. Parmi ces personnalités, certaines familles genevoises ont profité de ce business juteux, notamment des assureurs, car il fallait assurer les cargaisons des différents bateaux, des banquiers, qui prêtaient de l'argent aux entreprises coloniales et aux négriers, ou encore des intellectuels, qui justifiaient ces commerces par la prétendue infériorité des esclaves. Dès le départ, l'intérêt de la colonisation et de l'esclavage a été économique, bien loin des prétendues missions civilisatrices des Européens. L'esclave n'était qu'un produit parmi d'autres dans les actifs des entreprises; il était sujet à la spéculation lors de l'achat et de la revente et apparaissait même dans les bilans comptables des plantations de coton et de sucre.

Nous pouvons faire le choix de ne pas entendre, de ne pas voir. Pourtant, certaines personnalités de notre canton ont profité directement ou indirectement de ce commerce et d'autres ont contribué à le légitimer. Nous pensons qu'il est de notre devoir de nous saisir de cette question et que cela ne déshonorera pas Genève, bien au contraire ! Nous autres socialistes pensons sincèrement qu'il faut accepter cette motion et que notre société en sortirait grandie, car nous ne souhaitons pas réécrire l'histoire, mais bien pouvoir la regarder dans les yeux. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Yves Nidegger (UDC). Chers collègues, mon préopinant a été si éloquent pour faire détester cette proposition que je me demande s'il faut rajouter quoi que ce soit. (Rires.) Ça ne pourrait que ternir cette image de détestation. Cette motion pue l'arrogance d'une élite prétendument éclairée qui voudrait guider les masses aveugles vers leur destin prédestiné qu'elle seule, élite, connaît, en leur proposant une nomenclature «prêt-à-penser» de ce qu'il faut retenir de toute chose, dans le présent comme dans le passé. C'est une odeur nauséabonde que l'on nous propose de cautionner, c'est l'arrogance d'une époque qui part de l'idée qu'elle peut juger les époques passées à l'aune de ses propres critères; comme si cela était possible, et surtout - Mme Fiss l'a évoqué en passant - comme si elle était indépassable et ne pouvait pas être elle-même un jour critiquable, sachant que les critères d'aujourd'hui ne seront évidemment pas ceux de demain ! C'est la motion de l'arrogance.

La Suisse est un pays pauvre, dépourvu de matières premières, d'accès à la mer et donc dépourvu de colonies. La Suisse n'a pas pu remplacer son absence de matières premières par la colonisation de pays qui en possédaient. C'est un pays qui, certes, a su user d'opportunités - 1815 en fut une avec la neutralité et le rôle donné par les puissances à la Suisse au centre de l'Europe -, mais pour le reste, c'est du travail ! Que l'on cesse de vouloir absolument participer à la culpabilité du capitalisme - ai-je cru entendre - et à l'idée selon laquelle à travers ce lien, nous serions tous coupables des pires choses qui se sont produites dans le passé ! Non, chers collègues de gauche, ça ne marche pas, ça ne marche plus et, en ce qui me concerne, ça n'a jamais marché. Mesdames et Messieurs les députés, vous rejetterez donc cette motion ridicule et honteuse. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Cette proposition de motion vise à clouer au pilori des personnes et des personnalités de notre passé liées à la traite négrière et au colonialisme. Bien... On a évoqué certains noms, on en a oublié d'autres. Parlons d'une personne, d'un frontalier justement, Voltaire ! (Vives exclamations. Hilarité. Commentaires.) Vous transmettrez à mon excellent collègue Leonard Ferati, Monsieur le président, Voltaire était bien frontalier. Il a été présent à Genève et s'est rendu des deux côtés de la frontière. C'est une personnalité éminente: un collège, une rue portent son nom, il a un musée.

Mais il était impliqué économiquement dans la traite négrière - ça reste encore à prouver, mais il y a de gros doutes et de grosses pistes ! (Rires.) Il faudrait donc renommer le collège Voltaire parce qu'il serait odieux d'évoquer le nom de quelqu'un qui a pu être mêlé, même de loin, par ses propres intérêts au financement et à des profits issus de cette traite négrière. Voilà pour le XVIIIe siècle.

Passons au XIXe siècle et pensons à une autre personnalité genevoise associée au colonialisme: Henry Dunant. Pendant un temps, le créateur de la Croix-Rouge a défendu les intérêts d'une société genevoise en Algérie, dans la région de Sétif, ce qui l'a d'ailleurs poussé à rencontrer Napoléon III durant la fameuse guerre dans le nord de l'Italie...

Une voix. A Solférino !

M. François Baertschi. A Solférino, bien évidemment, comment n'ai-je pas ça à l'esprit ? On pourrait reprocher à Henry Dunant d'avoir été lié au colonialisme, dans un moment d'égarement en Algérie, travaillant pour une société genevoise qui investissait là-bas. Va-t-on le clouer au pilori ? Déjà qu'il n'est pas très très bien traité dans notre cité; on lui donne toujours de petits emplacements ! (Rires.) Il a toujours eu un peu... Il a fait perdre beaucoup d'argent à une certaine bonne société genevoise, et on ne lui a jamais pardonné la chose.

Je pense qu'il faut respecter et un peu réhabiliter Henry Dunant sur ce point. Mais si on a l'esprit mal tourné - et c'est ce à quoi incite cette motion -, alors on finit pas clouer au pilori également Henry Dunant. Si l'on cherche à régler des comptes historiques, nous nous retrouvons véritablement dans une impasse; cela ne sert à rien et nous mène au ridicule. Merci de repousser avec conviction cette motion. (Applaudissements.)

Mme Lara Atassi (Ve). J'aimerais rebondir sur une chose qu'a évoquée Mme Fiss, qui est pour moi le fond du sujet: elle a dit que les historiens doivent nous éduquer sur ces questions. Or, c'est ça le but de ce texte, d'obtenir plus d'informations sur ces personnalités. Les historiens nous éduquent déjà; je vous invite à aller voir l'exposition au musée d'ethnographie et à écouter le podcast de la RTS «Nos esclaves», qui nous raconte comment la ville de Neuchâtel a largement été construite sur les bénéfices du commerce triangulaire avec la vente des indiennes.

Toutes ces informations, on doit les avoir et il faut les mettre à disposition du public. Comment s'y prendre ? Est-ce qu'il faut glorifier toutes nos personnalités et voir uniquement leurs côtés positifs ? Non, on doit leur donner de l'épaisseur, de la matière, voir quels sont leurs aspects positifs et négatifs, les analyser comme des personnes normales et non pas comme des êtres parfaits dont il faut uniquement chanter les louanges. Pour cela, faisons un inventaire des lieux géographiques, rajoutons du contexte. Quand il s'agit d'une statue de Dunant, nous pouvons rajouter qu'en plus de son activité remarquable dans le cadre de la création du CICR, il a par ailleurs également des défauts, c'est normal - ne soyons pas manichéens ! Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est à Mme Fiss pour vingt-deux secondes.

Mme Joëlle Fiss (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Vous transmettrez à Mme Atassi que ce que j'ai dit, c'est qu'on ne peut pas demander à l'Etat de jouer le rôle d'un historien. Ce n'est pas à l'Etat de faire de l'histoire, mais aux historiens; la population peut apprendre ce que les historiens nous enseignent. Et puis, l'histoire est dynamique; aujourd'hui, on sait certaines choses et on en saura d'autres dans trente ans, la connaissance est censée faire avancer la civilisation. Pourquoi voulez-vous aujourd'hui mettre un stop à certaines choses ?

Le président. Merci, Madame.

Mme Joëlle Fiss. Si je peux juste encore dire...

Le président. Oui, mais alors vite, vite, vite ! (Rires.)

Mme Joëlle Fiss. En fait, vous avez dit que vous voulez normaliser les gens qui ont de la connaissance. Je trouve cela super triste ! Moi, je pense que nous devons être inspirés par les gens qui ont de la connaissance ! Merci. (Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un débat intéressant ! Je passe la parole à Mme Chaker Mangeat.

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Merci, Monsieur le président. Je voulais dire aux personnes qui nous écoutent que si cette motion ne passe pas, il y a un site mis en place par le musée d'ethnographie et la Ville de Genève, traces.colonialgeneva.ch, qui invite les gens à identifier et localiser sur un plan interactif de la Ville de Genève les monuments et symboles faisant référence à des personnalités ayant encouragé le racisme, le colonialisme et l'esclavagisme. Vous pourrez voir sur cette carte qu'ils sont fort nombreux, même si, par ailleurs, les personnalités en question se sont distinguées par d'autres qualités.

Ensuite, j'observe que ceux qui veulent qu'on ne juge pas les époques passées et qui se sont exprimés aujourd'hui sont ceux qui ne veulent pas non plus juger l'époque présente et notamment le colonialisme de la Cisjordanie. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Jacques Jeannerat (LJS). Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais je trouve un tout petit peu limite de juger des gens qui ont commis des actions dans le contexte politique d'il y a cent vingt ou cent cinquante ans. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Jacques Jeannerat. Je mets ce parlement au défi de s'occuper du présent et de l'avenir. On a parlé tout à l'heure des citernes: posez des questions, faites en sorte que l'avenir soit bon pour Genève et les Genevois, avec des voies de circulation à la hauteur de l'avenir de la mobilité, avec le retrait des citernes de Vernier ! Allons de l'avant, ne regardons pas en arrière ! (Brouhaha.) Monsieur le président...

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Jeannerat, un petit instant. Mesdames et Messieurs les socialistes, vous avez parlé et on vous a écoutés, de même que les députés de droite. Alors ayez, s'il vous plaît, l'obligeance d'écouter notre ami et collègue Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat. Je peux comprendre que nos valeurs d'aujourd'hui fassent qu'on soit choqué par les actions des gens du passé; il n'y a pas de problème. Mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Les gens qui vont nous critiquer dans cent ans quand on n'aura pas été capables de faire une traversée du lac... (Exclamations.) ...pour éviter que les bagnoles circulent au centre-ville nous jugeront en disant que nous avons continué à polluer en faisant passer des bagnoles sur le pont - je regarde mon collègue Subilia - alors qu'elles n'ont rien à y faire ! Ils nous jugeront aussi, comme vous les jugez aujourd'hui ! (Vives protestations.) Vous avez honte ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2657 est rejetée par 53 non contre 32 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

M 2732-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la proposition de motion de David Martin, Adrienne Sordet, Philippe Poget, Marjorie de Chastonay, Dilara Bayrak, Boris Calame, Ruth Bänziger, Esther Schaufelberger, Pierre Eckert, Yves de Matteis, Didier Bonny, Alessandra Oriolo, Rémy Pagani, Pierre Bayenet, Christina Meissner : Vers des constructions neutres en carbone
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 23 et 24 mars 2023.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de minorité de Mme Adrienne Sordet (Ve)

La proposition de motion 2732 est retirée par ses auteurs.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous mettons fin à notre séance d'aujourd'hui. Nous nous reverrons demain ! Merci beaucoup.

La séance est levée à 22h45.