République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 11 mai 2023 à 20h30
3e législature - 1re année - 1re session - 3e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Assistent à la séance: Mme et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Diane Barbier-Mueller, Jacques Béné, Thierry Cerutti, Véronique Kämpfen, Philippe Morel, Caroline Renold et Léna Strasser, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Christian Flury, Sami Gashi, Thierry Oppikofer et Nicole Valiquer Grecuccio.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (La procureure entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Nathalie Siegrist.
La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
M. Grégory Lachat et Mme Cosima Trabichet-Castan.
La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
La présidente. La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition : Sauvons la villa Meier pour en faire une maison associative (P-2168)
Débat
La présidente. Nous abordons notre premier point fixe, l'IN 176-B, classée en catégorie II, soixante minutes. Le rapporteur ad interim est M. Grégoire Carasso, à qui je cède la parole.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous sommes saisis de l'initiative 176 «Pour un urbanisme plus démocratique à Genève» - c'est son titre. La commission d'aménagement s'est réunie à huit reprises entre janvier et mars dernier; elle a auditionné les initiants - évidemment -, le département, la Fédération des associations d'architectes et d'ingénieurs, la direction des affaires juridiques de la chancellerie, l'Association des communes genevoises, la Fédération genevoise des métiers du bâtiment, l'Association des promoteurs-constructeurs genevois, la Fédération suisse des urbanistes, une association d'habitants de Lancy, le Conseil administratif de cette commune ainsi que la Chambre genevoise immobilière.
Les conclusions de la commission d'aménagement, Mesdames et Messieurs, chers collègues, sont les suivantes: à l'unanimité, moins une voix UDC, nous vous invitons à refuser cette initiative et, à l'unanimité pure, à lui opposer un contreprojet. Pourquoi un vote aussi net s'agissant d'un objet dont le titre, «Pour un urbanisme plus démocratique à Genève», est finalement assez joli ? Derrière cet intitulé sympathique, on trouve en réalité l'octroi d'un droit quasi absolu qui serait donné à chaque propriétaire d'opposer à n'importe quel plan localisé de quartier un PLQ alternatif. Autrement dit, cette initiative constitue une formidable usine à gaz en puissance qui aurait pour conséquence le blocage à peu près systématique et garanti de toute construction de logements à Genève.
Connaissant les initiants, qui sont proches, et de manière complètement assumée, de l'association Pic-Vert, il y a une certaine forme d'honnêteté intellectuelle et politique à revendiquer de ne plus construire aucun logement à Genève. Là où le texte est un tout petit peu moins honnête, aux yeux de l'écrasante majorité de la commission, c'est dans son titre. En effet, en quoi cette initiative rendrait-elle l'urbanisme plus démocratique ? Est-ce que les habitants, les autorités, les citoyens, les locataires, les associations diverses et variées disposeraient de plus de droits ? Certainement pas, ils n'auraient pas davantage de droits pour participer à l'élaboration des PLQ. Non, ce que cette initiative propose - et en ce sens, elle est extrême -, c'est un droit nouveau accordé aux seuls propriétaires soucieux de mettre Genève sous cloche.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission d'aménagement, dans son ancienne composition (Ensemble à Gauche, PS, Verts, PDC, PLR et MCG), vous recommande de refuser clairement et nettement cette initiative et de lui opposer un contreprojet. Le principe d'un contreprojet - j'en terminerai par là, Madame la présidente, chers collègues - est intéressant, parce que celui-ci permettra de formaliser et d'améliorer réellement le processus participatif lors de l'élaboration des fameux plans localisés de quartier - les PLQ, dans le jargon. Je vous remercie de votre attention.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a relevé le rapporteur, le titre de cette initiative - «Pour un urbanisme plus démocratique à Genève» - peut paraître séduisant, mais il faut rappeler que l'urbanisme est déjà démocratique, ainsi que le montre l'entièreté du processus d'adoption: il y a d'abord une enquête technique publique, au cours de laquelle on peut formuler des observations, puis le préavis des Conseils municipaux, enfin la procédure de déposition. Une opposition par voie référendaire est possible, on l'a vu récemment avec le référendum sur le PLQ de Bourgogne.
De même, il faut noter que les communes peuvent, en tout temps, non seulement élaborer un projet de plan localisé de quartier et solliciter son adoption, mais également modifier, voire abroger, un PLQ qui concerne leur territoire.
En outre, le processus de concertation est déjà prévu dans la loi générale sur les zones de développement; il permet d'associer les professionnels qui vont être amenés à développer un territoire avec les habitants, les propriétaires, les voisins ainsi que l'ensemble des associations concernées. Cela signifie que le dispositif existant dans la loi est déjà bien plus démocratique, puisqu'il concerne non seulement les résidents d'un périmètre, mais également, comme je l'ai dit, les associations de même que tous les acteurs du quartier, et pas les seuls propriétaires des terrains visés par un plan localisé de quartier.
Par ailleurs, rappelons-le, le canton se doit de servir l'intérêt général et non les intérêts particuliers. Au final, la mission de l'urbanisme est de concrétiser le plan directeur cantonal qui est accepté par ce Grand Conseil et validé par la Confédération. Quoi de plus démocratique ?
Enfin, quant au fait que nous devons privilégier l'intérêt général et non les intérêts particuliers, l'ensemble des associations professionnelles (la FAI, la Fédération suisse des urbanistes, les métiers du bâtiment) mais aussi l'Association des communes genevoises ont souligné que le but des plans localisés de quartier est de garantir une cohérence sur l'ensemble du territoire. Il se peut qu'un projet mené à une échelle locale réponde aux besoins de toute la population du canton, et il nous appartient, à nous, d'assurer la construction non seulement de logements, mais encore d'équipements publics liés aux projets d'urbanisation. Souvenez-vous de la votation sur Bernex: s'il n'y avait pas eu de PLQ, si nous ne nous étions pas prononcés, nous n'aurions pas de cycle d'orientation à Bernex.
Il s'agit, pour le canton, de développer, en coordination avec l'ensemble des partenaires, à la fois des logements pour l'entier de la population - dans un contexte de crise que ne cesse d'ailleurs de rappeler l'Union des villes suisses - et des quartiers de qualité afin qu'en plus des logements, on ait des infrastructures publiques, des équipements sportifs et culturels, des parcs, tout un réseau d'espaces publics.
Ce travail-là, l'Etat doit pouvoir le poursuivre en coopération avec les communes. A cet égard, l'Association des communes genevoises elle-même a signalé qu'elle ne pouvait accepter de soutenir, comme le dénonce l'initiative, que les PLQ contribuent à - je cite l'exposé des motifs - «la destruction rapide de notre patrimoine bâti et arboré». Non, les communes, tout comme le canton, sont attentives au patrimoine bâti et arboré, et ce n'est pas en opposant le bâti et la nature qu'on offre un contexte de vie de qualité et qu'on répond aux besoins de la population en matière de logement, mais bien en les mariant.
Pour toutes ces raisons, le parti socialiste estime qu'il faut rejeter cette initiative complètement trompeuse et lui opposer un contreprojet qui permettra de réaffirmer les valeurs sur lesquelles le département et le canton fondent l'aménagement du territoire dans l'intérêt de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Raphaël Dunand (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, voici la position du groupe Libertés et Justice sociale sur cet objet. Comme l'ont souligné mes chers collègues, si l'initiative est présentée comme une solution simple pour remédier à tous les maux des PLQ, elle entraîne son lot de problèmes: allongement des procédures - au contraire de ce qui est soutenu dans le texte -, perte de vision globale de l'aménagement cantonal - et donc atteinte à un Etat fort -, difficultés pour les communes de gérer d'importants dossiers comme les PLQ, et bien d'autres.
Cette initiative est dangereuse et va favoriser un club de propriétaires privés au détriment de l'intérêt général qui doit primer dans un canton-ville comme Genève. Elle soulève néanmoins un point important qui amènera des discussions et, je l'espère, suite à l'étude qui sera réalisée par la commission, davantage de concertation et d'échange entre le canton et les communes en amont des projets de PLQ.
Au final, il n'y a que le titre qui soit démocratique dans cette initiative. Libertés et Justice sociale vous propose de refuser l'IN 176 et d'accepter le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.
M. Adrien Genecand (PLR). D'abord, il faut saluer M. Grégoire Carasso qui a accepté hier soir de reprendre le rapport d'un député disparu avec le reste de son groupe et ses dissidents, donc je commencerai par remercier chaleureusement notre collègue d'avoir repris ce rapport au pied levé ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Bravo, Greg !
M. Adrien Genecand. Ensuite, Mesdames et Messieurs, exactement comme lui et pour de nombreuses raisons qu'il est inutile de continuer à exposer, je vous invite à refuser l'initiative. L'idée est de proposer un contreprojet pour que Genève ne devienne pas définitivement le canton dans lequel on doit attendre plus de quinze ans entre le lancement d'un projet de construction et la livraison des appartements; avec cette initiative, on se rapprocherait probablement d'une durée de vingt ans. Tout le monde est favorable à la qualité de vie dans les quartiers, donc on va travailler en commission à un contreprojet qu'on se réjouit de vous présenter prochainement.
M. Stéphane Florey (UDC). Il y a quand même une certaine mauvaise foi dans les propos qui ont été tenus jusqu'à présent. Les initiants eux-mêmes l'ont indiqué: le but de cette initiative est vraiment... Le titre parle de lui-même: «plus démocratique». C'est le «plus» qu'il faut comprendre: cela signifie que les initiants et les personnes ayant signé cette initiative - et l'UDC l'a fortement soutenue - estiment que le système actuel n'est pas suffisamment démocratique.
Voilà pourquoi on veut accorder un nouveau droit, lequel a été très bien expliqué par les auteurs, à savoir la possibilité, pour les groupements d'habitants, pour les communes, d'aller plus loin dans l'élaboration des plans localisés de quartier et de proposer ce qu'on appelle des PLQ alternatifs. Ainsi, quand l'Etat tente de passer en force avec un projet dont personne ne veut, comme c'est souvent le cas depuis une bonne quinzaine d'années, on offre aux résidents l'opportunité de créer leurs propres PLQ, et ces PLQ dits alternatifs donneraient automatiquement lieu à un vote démocratique par la population.
Ensuite, j'entends dire que le plan directeur cantonal est satisfaisant, mais il n'en est rien. Il n'y a pas plus antidémocratique que ce plan directeur cantonal, puisqu'il est validé par voie de résolution, et c'est tout ! C'est tout ! La population n'a aucun moyen de s'exprimer dessus, car une résolution n'est pas soumise au référendum. Les citoyens ne disposent d'aucun pouvoir pour contrôler l'aménagement du canton, donc il n'y a absolument rien de démocratique dans ce processus.
Maintenant, les initiants ont indiqué que oui, l'initiative est perfectible, ils l'ont reconnu. Lors de leur audition en commission, ils ont admis que certains points soulevés dans les débats pouvaient être améliorés. D'où l'idée d'un contreprojet.
La position de l'UDC est claire. Comme le rapporteur l'a relevé, nous avons soutenu l'initiative, nous avons voté pour. Il faut rappeler que suite à l'invalidation partielle du Conseil d'Etat, les auteurs ont dû aller jusqu'au Tribunal fédéral pour se faire entendre, et le Tribunal fédéral leur a donné raison en validant l'entier du texte. Pour notre part, nous étions d'accord depuis le début. Encore une fois, l'UDC a défendu cette initiative, a participé à la récolte de signatures, donc sur le fond, nous continuons à la soutenir et l'accepterons.
Cela étant, nous admettons ce qu'ont reconnu les signataires eux-mêmes, à savoir que l'initiative est susceptible d'être perfectionnée. C'est pourquoi nous avons également validé le principe d'un contreprojet, lequel permettrait d'apporter certaines précisions s'agissant d'éléments qui peuvent prêter à confusion. En ce qui nous concerne, nous voterons donc pour l'initiative et pour le contreprojet. Je vous remercie.
Une voix. Très bien.
M. Sébastien Desfayes (LC). Je crois que l'essentiel a déjà été dit, notamment par le rapporteur Grégoire Carasso, que je tiens aussi à féliciter. On peut dire qu'il a remplacé avantageusement M. Pagani ! (Rires.)
Genève fait aujourd'hui face, tout le monde le sait, à une pénurie de logements, et cette situation a des conséquences graves pour les habitants du canton. D'abord, on assiste à une hausse des loyers, à une augmentation de la précarité qui en est la conséquence, on voit des familles qui n'arrivent pas à se loger partir dans le canton de Vaud ou en France voisine avec, en corollaire, une diminution des recettes fiscales et une accentuation de la pression sur les infrastructures.
Or si cette initiative devait être votée, la pénurie de logements ne ferait que s'accroître. Pourquoi ? Tout simplement parce que le texte tel qu'il est formulé aujourd'hui rend toute adoption de PLQ absolument impossible. On se retrouverait, par un jeu de blocage, avec des PLQ qui tourneraient en rond et ne seraient jamais validés.
Cela a déjà été relevé, mais il faut le répéter: le développement du territoire à Genève constitue une question d'ordre cantonal, voire régional; cette politique ne doit pas être en mains de privés ou même d'une commune. Là, il s'agit de l'intérêt du canton. Il se trouve que cette initiative vise précisément à renforcer les pouvoirs de particuliers, ce qui n'est pas admissible.
Mais - il y a cependant un mais - il faut tout de même écouter certaines préoccupations des initiants. La première - et c'est une réalité qui, je crois, est reconnue par le département -, c'est qu'on peut encore faire des efforts en matière de concertation. En effet, peut-être faut-il une consultation plus en amont dans les projets de PLQ.
Le deuxième point, c'est qu'à Genève, on voit et on verra toujours plus, malheureusement, notamment avec les Vernets - c'est mon point de vue, qu'on le partage ou non -, des projets «deterrents» qui auront un impact négatif sur la perception de la population par rapport à l'aménagement du territoire, parce qu'on a vu des PLQ se développer qui ne respectaient pas l'environnement, qui ne valorisaient pas la qualité de vie, qui étaient généralement de mauvaise qualité. Cela étant, rendons à César ce qui est à César: ce n'est pas la faute du département, le conseiller d'Etat est d'ores et déjà conscient de cette problématique.
Je relèverai encore un troisième élément. C'est bien de développer, mais c'est mieux quand une commune est au fait des impacts de l'aménagement du territoire, notamment sur ses contribuables. En effet, quand on densifie une région, cela a des effets induits considérables s'agissant des équipements, des crèches, des écoles, des charges sociales, de la fiscalité. Ainsi, l'une des pistes à suivre dans le cadre du contreprojet, c'est que les communes et leurs habitants soient mieux informés des effets induits de l'urbanisme.
Bien entendu, il faut rejeter cette initiative, mais il faut également écouter les initiants et répondre à leurs craintes par le biais d'un contreprojet. Je vous remercie.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est un fait, Genève construit beaucoup, mais depuis peu, et cela répond clairement à un besoin, comme mon préopinant vient de le rappeler. La conséquence, c'est que le paysage urbain se modifie rapidement, ce qui génère des résistances, un peu d'inconfort, son lot de critiques, et c'est bien normal. On peut désapprouver l'urbanisme et l'architecture et vouloir les améliorer; en revanche, multiplier des variantes de plans localisés de quartier, comme le propose l'initiative dont on parle ce soir, est probablement une fausse bonne idée.
En effet, quelle est la principale critique des initiants ? Elle porte sur - je cite l'exposé des motifs - «des barres d'immeubles sans âmes». Mais, Mesdames et Messieurs, ce ne sont pas les PLQ qui créent l'âme d'un quartier, mais plutôt la qualité architecturale et, plus encore, la philosophie, les valeurs et l'esprit des constructeurs qui développent de nouveaux périmètres.
A ce sujet, j'aime bien citer l'exemple du plan localisé de quartier de Rigaud, à Chêne-Bougeries, dont l'image a été utilisée par les initiants pour illustrer le carton de collecte de signatures: il s'agit d'une vue plongeante sur des immeubles qu'effectivement, je ne juge pas particulièrement séduisants à titre personnel - c'est toutefois une affaire de goût. Or, dans ce même secteur, si on tourne la caméra dans l'autre sens, on peut admirer le bâtiment de la coopérative CODHA, construit à partir de règles absolument identiques, mais dont il se dégage beaucoup plus de qualités - qualités qui ont d'ailleurs été reconnues par de multiples prix d'architecture - et où on trouve des habitants très heureux.
Comme l'ont souligné la plupart de mes préopinants, cette initiative constitue une forme d'usine à gaz qui entraînera très probablement davantage de risques de blocage des processus démocratiques liés à l'aménagement du territoire, et pour les Vertes et les Verts, ce texte doit clairement être refusé en l'état.
En revanche, certaines améliorations sont assurément possibles dans les procédures d'élaboration des PLQ, notamment, cela a été relevé également, dans la phase initiale, une étape où le dialogue avec les propriétaires, mais aussi les voisins du site - qui sont d'ailleurs très peu considérés dans l'initiative - doit être renforcé à travers la concertation ainsi que l'identification des valeurs du site.
En effet, si on observe l'évolution récente, la tendance des plans localisés de quartier «table rase» - où on fait fi de toutes les valeurs initiales des terrains - est révolue. Ainsi, le premier stade de conception des PLQ, au cours duquel on détermine les valeurs du site, que celles-ci soient naturelles, paysagères, d'arborisation ou patrimoniales en ce qui concerne le bâti, constitue une étape essentielle, et nous souhaitons qu'un contreprojet soit élaboré dans cette direction. C'est la raison pour laquelle, en bref, nous sommes pour le refus de l'initiative et en faveur d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Tout à l'heure, mon collègue et confrère M. Desfayes a cité César; en ce qui me concerne, j'ai envie d'invoquer Henri IV et l'histoire du charbonnier, lequel a permis à Henri IV de constater que chacun est maître en son logis. Je comprends un petit peu la position des initiants, je comprends la souffrance des communes à qui on impose des choses, dont on transforme la zone agricole en périmètres à bâtir.
Tout cela parce que dans un plan directeur cantonal, voire peut-être dans plusieurs - je n'ai pas assez d'expérience pour le savoir -, on a décidé qu'il y aurait cent mille personnes de plus à loger à Genève. Alors évidemment, Mesdames et Messieurs, cette situation implique que l'on construise, mais nous, au MCG, nous estimons qu'il ne faut pas construire n'importe comment. Il faut, comme l'a indiqué mon collègue, M. David... (Un instant s'écoule.)
Une voix. Martin.
Mme Danièle Magnin. David Martin, merci ! Il faut de la qualité dans l'aménagement, il faut éviter le bétonnage comme on a déjà pu le voir. Ce qui me dégoûte particulièrement, pour ma part, c'est lorsque tout est gris, je trouve que ça fait couleur sépulcre, mais bien des architectes ne l'ont pas encore compris.
M. Hodgers nous a expliqué que les coûts de réalisation des PLQ étaient gigantesques, que les particuliers et les communes n'étaient pas forcément en mesure de les assumer. Comme d'autres avant moi, je pense qu'il est archinécessaire de discuter beaucoup plus en amont avec les propriétaires et les communes avant d'établir un PLQ. A la rue des Granges, juste à côté, j'ai vu que la Ville avait apposé des panneaux pour une séance d'information deux jours plus tard; c'est évidemment absurde, c'est regrettable.
De façon générale, nous nous opposerons à cette initiative pour les raisons évoquées et voterons en faveur d'un contreprojet, espérant que suite aux travaux de commission, le contreprojet apportera ce qui manque actuellement à Genève. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Monsieur Pfeffer, si vous souhaitez intervenir, il vous faut insérer votre carte dans le lecteur.
M. André Pfeffer. Ah, excusez-moi !
La présidente. Voilà, vous avez la parole.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Madame la présidente. Cette initiative constitue une vraie avancée démocratique. (Rires.) Actuellement, à Genève, tout est centralisé et en mains de l'Etat. C'est une particularité genevoise: dans les autres cantons helvétiques, la compétence de l'urbanisme revient aux communes. Ce qu'il y a également d'unique en Suisse, dans notre canton, c'est qu'un référendum communal sur un plan localisé de quartier compte tout simplement pour beurre.
L'IN 176 redonne un tout petit peu de pouvoir aux communes et aux citoyens en leur accordant la possibilité de donner leur avis sur la qualité et le type des plans localisés de quartier; il n'est pas question de refuser ou de supprimer un aménagement prévu dans le plan directeur cantonal ni de revenir en arrière sur un déclassement déjà voté.
Cette petite transmission de compétence aux communes et aux habitants pourrait prolonger les processus au maximum - je dis bien au maximum - de douze mois, mais en contrepartie, elle améliorerait considérablement la consultation ainsi que l'implication des communes et de la population. Mesdames et Messieurs, l'UDC vous recommande de voter cette initiative et acceptera également le principe d'un contreprojet. Merci de votre attention.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur ad interim. Quelle chance d'intervenir après notre collègue, le député Pfeffer - vous transmettrez, Madame la présidente -, quelle chance ! Lorsqu'il nous expose son interprétation de l'initiative, je me dis soit qu'il fait preuve de mauvaise foi, soit qu'il en a une lecture erronée, et je plaide volontiers pour la seconde hypothèse.
On parle d'établir des PLQ alternatifs, chers collègues, mais c'est une possibilité aussi tangible que les faits alternatifs ! Alors on a peut-être tendance à y croire sur les bancs de l'UDC, mais j'aimerais citer un exemple qui, précisément, intègre la réalité du vote populaire, à savoir le PLQ de Bourgogne. Le plan localisé de Bourgogne a été voté par le Conseil municipal de Genève, puis a fait l'objet d'un référendum - ce qui démontre des droits démocratiques évidents, importants, essentiels; ensuite, la population de la Ville de Genève s'est prononcée et s'est montrée favorable au développement de ce quartier.
Si l'initiative était en vigueur, ainsi que M. Pfeffer l'appelle de ses voeux, n'importe quel propriétaire, après le vote du peuple souverain, pourrait proposer un fait alternatif - pardon: un PLQ alternatif, annihilant ainsi le scrutin populaire et bloquant tout projet d'aménagement. Quand l'UDC nous décrit cette initiative comme promouvant un urbanisme plus démocratique, elle fait fausse route; en réalité, le texte plaide pour un urbanisme plus censitaire, et l'écrasante majorité de ce parlement qui s'y oppose refuse de voir là une quelconque solution d'avenir pour Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, «la forme d'une ville change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel», écrivait Baudelaire dans «Les Fleurs du mal». Ces vers si justes illustrent à quel point nous n'avons pas fini de discuter des modifications du paysage urbain, qui nous heurtent assez naturellement, parce que nous sommes tous attachés au lieu de notre enfance, à sa signification, à son esthétique, à son architecture.
Il est question d'un urbanisme plus démocratique, d'accord, mais, comme l'ont relevé le rapporteur ainsi que bon nombre d'autres préopinants, en quoi ? Tout d'abord, contrairement à ce qui a été soutenu, cette initiative ne renforce pas le pouvoir citoyen, puisqu'elle confère un droit particulier aux seuls propriétaires terriens d'un périmètre. Ainsi, si vous êtes propriétaire, vous avez votre mot à dire, mais si vous êtes locataire, habitant, citoyen du quartier, vous ne l'avez pas selon ce texte, puisque celui-ci opère une distinction entre résidents et propriétaires. Cela pose clairement problème sur le plan démocratique: la démocratie, c'est une personne, un vote, il ne s'agit pas d'un régime censitaire où les propriétaires ont des droits différenciés de ceux qui ne le sont pas. Politiquement, c'est un principe grave, et cette initiative jette la confusion à ce sujet.
Le deuxième écueil vient d'être mentionné. Vous vous souvenez peut-être du magnifique film «Le Jour de la marmotte», cette journée qui se répète sans fin; ici, c'est pareil, on se réveille et on est toujours dans le même PLQ. En effet, l'initiative est ainsi rédigée que - M. Desfayes l'a souligné - même si le peuple a voté, des propriétaires peuvent relancer la machine: à teneur du texte, on est obligé de recommencer toute la procédure. Il s'agit là d'un problème que les initiants, faisant preuve d'un peu plus de bonne foi peut-être que certains intervenants, ont reconnu, c'est en ce sens qu'ils admettent que leur proposition est perfectible. En tout cas, telle que celle-ci est formulée actuellement, on peut se retrouver bloqué dans un cycle infini, ce qui est bien entendu impensable.
Enfin, il y a le postulat selon lequel si c'est démocratique, ce sera beau; cela se discute. Je trouve que l'exemple cité par M. Desfayes est intéressant. Il a indiqué, et c'est son droit le plus strict, ne pas aimer le projet en cours de construction à la caserne des Vernets. Je rappelle que celui-ci a fait l'objet d'un référendum et a été approuvé par le peuple à plus de 61%, tout de même ! Les images de campagne des partis politiques qui le soutenaient - dont le vôtre, Monsieur le député - ont mis en exergue le résultat du concours international d'architecture, c'est le projet qui se développe aujourd'hui.
C'est intéressant ! C'est intéressant de constater qu'un projet validé par la population et sans qu'on en ait caché la configuration - tout était pleinement exposé sur les affiches, dans la rue - se retrouve maintenant critiqué par le même peuple qui l'a voté. Tout cela pour vous dire que si, comme le pensait Baudelaire, la question du beau est fondamentale, elle est surtout très subjective. Il faut certes renforcer le processus démocratique, mais la forme d'une ville fera toujours l'objet de discussions.
Mesdames et Messieurs, on l'a dit, il faut rejeter cette initiative et travailler à un contreprojet, parce que oui, c'est vrai, il y a des attentes, il y a des frustrations; c'est vrai que les propriétaires des terrains doivent être informés et impliqués très en amont, c'est vrai aussi que la procédure peut être renforcée sur le plan décisionnel. Je me réjouis d'en discuter avec vous en commission. En l'état, notre canton est trop compact pour 45 types d'urbanisme différents, ce n'est pas possible sur un territoire comme celui de Genève et c'est pourquoi l'Etat doit conserver le dernier mot. Merci de votre écoute. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Nous procédons au vote.
Mise aux voix, l'initiative 176 est refusée par 78 non contre 9 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 95 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Le rapport IN 176-B est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Premier débat
La présidente. Nous passons à notre deuxième point fixe, l'IN 183-C, liée au PL 13293, contreprojet à l'initiative 183. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur ad interim, M. Alexandre de Senarclens.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Nous l'ignorons souvent, mais la Suisse doit beaucoup à l'empereur Napoléon Bonaparte, en particulier avec l'Acte de médiation de 1803, qui, pour beaucoup d'historiens, constitue le fondement de la Suisse moderne. Malheureusement, il a laissé quelques scories en passant, dont la taxe professionnelle, que l'on appelait «contribution des patentes». Depuis des années, depuis en tout cas vingt ans, la droite tente de mener la charge, comme Bonaparte au pont d'Arcole, contre la TPC.
Depuis vingt ans au moins, la gauche nous dit qu'il est impossible de réformer cet impôt. Il y a environ 200 millions à la clé, dont les communes ne peuvent se passer. Mais, comme aurait dit l'empereur, impossible n'est pas genevois, et, ici, les astres se sont manifestement alignés pour combiner la suppression de la TPC dans le cadre d'une réforme plus large qui nous est imposée par l'OCDE, à savoir la réforme BEPS.
D'abord, quelques mots sur la taxe professionnelle. Pourquoi l'abolir ? Cette taxe vieille de plus de deux cents ans est appliquée uniquement à Genève, seul canton qui la connaît encore. Elle fait appel à des critères qui n'ont aucune pertinence. Premièrement, elle taxe les entreprises en fonction du nombre de collaborateurs qu'elles emploient; cela n'a juste aucun sens de taxer l'emploi. Elle taxe aussi le chiffre d'affaires; mais le chiffre d'affaires ne reflète évidemment en rien ce qu'une société pourra générer comme bénéfices. Elle taxe encore le loyer, ce qui n'a aucun sens non plus.
Maintenant, quelle est l'opportunité que nous avons ? Je le disais, l'OCDE nous impose de revoir notre fiscalité des personnes morales et d'appliquer un taux minimum de 15% pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est de 750 millions de dollars et plus. Evidemment, vu cette réforme, il fallait éviter que les sociétés aient à payer 15% - donc une augmentation de 13,99% à 15% dans le canton de Genève - plus la TPC. Il y aurait bien entendu un décalage par rapport à des cantons qui nous sont concurrents. Il fallait donc trouver cette opportunité dans la combinaison des deux réformes. Cela a aussi été rendu possible par l'amicale pression de l'IN 183, qui a été poussée par la jeunesse d'un certain nombre de partis de droite, et je salue ici les initiants du comité d'initiative, Geoffray Sirolli, Michael Andersen et Darius Azarpey, qui nous ont rejoints dans ce Grand Conseil comme députés.
Cette amicale pression nous a poussés, nous, Grand Conseil, à voter le principe d'un contreprojet. A la commission fiscale, nous avons demandé au département des finances de travailler à ce qui pourrait être un contreprojet, et je remercie vivement les collaborateurs du département et évidemment Nathalie Fontanet pour le travail effectué. Le département est arrivé avec un contreprojet qui comportait deux variantes et permettait justement d'abolir la taxe professionnelle en introduisant un nouveau centime - qui figure dans le projet - dédié aux communes pour leur permettre de retrouver les quelque 200 millions que l'abolition de la taxe professionnelle leur fera perdre.
Ce projet de loi a été salué par les milieux économiques - la GEM, l'UAPG, EXPERTsuisse, la NODE -, qui ont tous été très favorables à ces propositions. Nous avons entendu l'ACG et l'Union des villes genevoises, qui, dans un premier temps, ont réservé un accueil relativement frais à ce projet, et nous avons pu travailler avec l'ACG, qui a compris qu'elle allait évidemment devoir changer de paradigme, renoncer à cette taxe professionnelle, mais qu'elle allait pouvoir maintenir ses impôts à hauteur de 200 millions. Elle a aussi pu influer sur le projet, en prenant en compte l'historique de cette taxation, et avoir un effet dynamique pour prévoir les changements et les déplacements de sociétés entre communes.
Après tout ce travail, une majorité très claire s'est prononcée en faveur de cette réforme, a opté pour un taux de 14,7%, dans un esprit de compromis et, à nouveau, grâce au travail du département et de la conseillère d'Etat. Nous avons eu, en commission, un large soutien: 14 oui contre une opposition - opposition qui n'est pas représentée aujourd'hui, puisqu'il s'agissait d'Ensemble à Gauche. Le résultat est donc très positif. L'écrasante majorité des sociétés ne verront pas leur fiscalité augmenter. Les indépendants n'auront plus à payer cette taxe professionnelle. Le taux est raisonnable: 14,7%. Les communes sont satisfaites. C'est véritablement un compromis historique. Il convient donc d'accepter ce contreprojet.
Avec cette réforme, Madame la présidente, l'empereur connaît son dernier Waterloo.
«Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons.»
Et c'est sur ces mots de Victor Hugo que je vous cède la parole, Madame la présidente.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Je donne la parole à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme l'a dit le rapporteur, nous devons tout d'abord remercier les initiants, les jeunes qui ont lancé et fait aboutir cette initiative 183 demandant l'abolition de la TPC, la taxe professionnelle. Il faut quand même rappeler qu'un certain nombre de projets de lois sont dans le pipeline de la commission fiscale depuis de nombreuses années - il y a le PL 8640, sur la TPC, qui date d'il y a plus de vingt ans. Le Grand Conseil s'était déjà emparé de la thématique, mais n'avait pas trouvé de solution. Cet impôt obsolète date de la fin du XVIIIe siècle, sous Napoléon Ier; à l'époque, elle s'appelait la «contribution des patentes». C'est en 1887 qu'est venu le nom de «taxe professionnelle».
Cette initiative a fait l'objet d'un contreprojet voté par notre parlement. Ce PL 13293, cosigné par l'ensemble des groupes - excepté Ensemble à Gauche, qui n'est plus représenté ici - est le fruit d'un travail remarquable. Il faut remercier le département des finances et ses fonctionnaires, et spécialement sa magistrate, Mme Nathalie Fontanet, pour tout ce qui a été entrepris afin d'arriver à ses fins à travers des négociations qui n'ont pas été très simples - pour faire court. Les discussions ont été vives, les négociations ont été âpres, puisque au départ, nous partions avec un taux d'imposition de 14,5%, puis de 14,6%. Finalement, nous avons trouvé un compromis à 14,7%, supprimant de facto la taxe professionnelle, avec une compensation financière pour les communes genevoises de l'ordre de 200 millions, voire plus, puisque avec ce taux de 14,7%, les communes genevoises devraient même voir leur manne augmenter. Cet accord est capital pour l'économie genevoise, qui intégrera également la réforme dite BEPS, celle qui nous est soumise par l'OCDE, avec une fiscalisation des bénéfices des grandes entreprises dès 750 millions.
Pour une fois, Genève sera le premier de classe de nos cantons suisses - une première ! En acceptant la réforme des entreprises dite RFFA en juin 2019 - je présidais alors la commission fiscale - et en acceptant ce soir ce PL 13293 qui supprimera cette taxe professionnelle, notre canton de Genève et notre Grand Conseil auront fait - et bien fait - le travail. Nous ne sommes toutefois pas à l'abri d'un référendum du groupe Ensemble à Gauche, qui n'est plus représenté ici, car un référendum facilité de 500 signatures serait possible. Quoi qu'il arrive, le peuple aura le dernier mot, et le résultat des urnes devrait être quasi soviétique, avec un taux d'acceptation supérieur à 80%. Ces deux réformes - RFFA et la suppression de la TPC - vont donner une meilleure visibilité et plus de sécurité à nos entreprises. C'est un excellent signal pour notre économie, pour toutes les entreprises qui voudront s'établir à Genève dans le futur.
J'aimerais dire quelques mots sur l'accord entre le département des finances et l'ACG. Comme nous vous l'avons dit, les négociations n'ont pas été simples. Plusieurs variantes nous ont été proposées à la commission fiscale. Nous sommes arrivés à un compromis d'ailleurs très favorable aux communes genevoises. C'est pourquoi je pense que l'ACG, à l'avenir, devra faire des concessions vis-à-vis de l'Etat lors des négociations sur le désenchevêtrement des tâches, ou par exemple sur le dossier épineux de la FASe.
Le groupe UDC votera ce PL 13293 qui supprimera enfin la taxe TPC, que Genève était le seul canton suisse à appliquer - comme par hasard ! Comme je le dis souvent: ici, c'est Genève ! Donc ce soir, «Cé qu'è lainô» ! (Rire.)
Une voix. Bravo !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je crois qu'on arrive à la même conclusion, avec M. Ivanov, mais en tout cas, on ne part pas de la même introduction.
Cette initiative voulait la suppression de la taxe professionnelle communale. Elle a été lancée, on l'a dit, par les jeunes PLR et UDC, qui souvent... Même si parfois nous avons quelques discussions avec la jeunesse socialiste, on sait très bien que les jeunes d'un parti ne se situent pas très loin du parti cantonal sur ce genre de questions. On doutait quand même beaucoup du fait que les jeunes PLR et les jeunes UDC aient pris cette décision sans se concerter avec leurs partis cantonaux. (Commentaires.)
L'enjeu - quand vous avez parlé de pression «amicale», Monsieur Ivanov, ou je ne sais plus si c'était M. de Senarclens... Non, la pression était totalement inamicale, et on va même dire que l'objectif de cette initiative, c'était, en gros: la TPC est prélevée par les communes, les grandes communes, les grandes villes, dont la Ville de Genève, qui sont en main de la gauche, et on va faire un sale coup à la gauche, à ces communes urbaines et suburbaines, et on va supprimer la taxe professionnelle ! (Commentaires.) Taxe professionnelle qui, je le rappelle, rapporte environ 200 millions à l'ensemble des communes, dont 110 millions à la Ville de Genève. C'est intéressant de donner des chiffres: 110 millions pour la Ville de Genève, 17,5 pour Carouge, 11 pour Lancy, 19 pour Meyrin - cette taxe communale de 19 millions, c'est 20% du budget de Meyrin - et 13 pour Vernier, ce qui correspond à 14% du budget.
Pour nous, socialistes, c'était clairement mal parti. Mais heureusement... Et là, à mon tour de saluer le travail de Mme Fontanet et de ses services: elle a pris, entre guillemets, son «bâton de pèlerin», a dit que la suppression même de la taxe professionnelle pourrait être une catastrophe pour les communes et pour les prestations - j'y reviendrai - et qu'il fallait donc trouver un compromis. Mais on a aussi essayé de trouver un compromis avec l'ACG, bien sûr, et j'y reviendrai aussi. Mais pourquoi ? Parce que l'ACG a fait une totale levée de boucliers. Or, au sein de l'ACG, il y avait les villes avec des Conseils administratifs à majorité de gauche, mais il y avait aussi toutes les autres villes et communes, qui avaient beaucoup de conseillers administratifs, de maires ou de maires adjoints PLR.
C'est là que tout à coup, le PLR s'est retrouvé un peu embêté et déchiré, parce que - permettez-moi l'expression - les «baby PLR» se sont retrouvés contre les «papy PLR» qui siégeaient dans les Conseils administratifs de leurs communes. Là, ça a commencé à poser un problème. On s'est dit: «Ouh là là, on va aller en votation populaire» - parce que c'était sûr qu'il y allait avoir un référendum avec le soutien de toute l'ACG... Alors je pense que le parti cantonal - le PLR, mais aussi l'UDC - a dit: «Ecoutez, les baby PLR, ce serait quand même bien de ne pas aller trop loin et de trouver un compromis; si on arrive à trouver un compromis, ce serait pas mal que vous retiriez l'initiative.»
Du coup, aujourd'hui, avec cette pression, on en est là. On a travaillé à la commission fiscale, mais il faut être très clair: les députés ont un peu travaillé, mais c'est surtout Mme Fontanet et ses services, ainsi que l'ACG. Je remercie l'ACG, qui parfois n'est pas réactive - mais c'est parce qu'elle n'est pas organisée comme l'Etat et a une beaucoup plus petite administration que celui-ci -, mais a été cette fois relativement réactive pour travailler avec le département des finances et trouver un compromis. Il y a eu quelques allers-retours, et puis on a réussi à trouver ce qu'on peut appeler un compromis ou un accord - j'appellerais plutôt ça un accord -, en passant effectivement d'une taxe professionnelle communale à un centime additionnel complémentaire sur les bénéfices. Même pour nous, socialistes, il est plus logique de taxer les bénéfices que le chiffre d'affaires ou les loyers par exemple, parce qu'on sait qu'on peut avoir un grand chiffre d'affaires mais ne pas réaliser de bénéfices, voire faire des pertes. Cela n'a donc pas de logique, et il y a 60%-70% - Madame Fontanet, je ne sais jamais ! - des PME qui ne réalisent pas de bénéfice et qui ne paient donc pas d'impôt sur le bénéfice.
Nous avons donc réussi à trouver cet accord qui est très important pour le parti socialiste, parce que cela permet de sauvegarder les recettes fiscales - ces fameux 200 millions -, voire est plutôt positif, parce qu'avec les années, cela permettrait même d'augmenter légèrement ces recettes fiscales pour les communes. Donc tout le monde s'y retrouve. Ces recettes fiscales - je n'ai plus beaucoup de temps, mais vous le savez - sont extrêmement importantes pour les prestations fournies à la population, pour permettre de financer un service public fort. Je prendrai quelques exemples: s'agissant des subsides d'assurance-maladie, aujourd'hui, on verse - vous vous rendez compte, Mesdames et Messieurs ! - 650 millions pour aider les gens à payer leurs primes d'assurance-maladie. On a des prestations complémentaires pour les familles, pour les seniors, etc., et, on l'a vu aujourd'hui dans les médias, certains besoins augmentent énormément, notamment dans la prise en charge des enfants à l'école. On a également beaucoup discuté ici de l'OMP et du SPad (service de protection de l'adulte) - on a eu encore une discussion à la commission des finances -, où le nombre de dossiers explose, les besoins sont criants, on a besoin de nouveaux postes, de nouveaux financements pour faire face à cette population. En passant, je dirai au PLR que oui, les charges augmentent, mais elles n'augmentent pas seulement en fonction de la population, mais aussi en fonction de besoins qualitatifs qui sont de plus en plus criants.
J'en terminerai par là, puisque je n'ai plus le temps, pour vous dire que le parti socialiste soutiendra ce contreprojet, cet accord entre le canton, l'ACG et une très très large majorité du Grand Conseil. On espère, pour finir sur une boutade, que Cologny ne fera pas recours en dernière minute ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Stefan Balaban (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux, pour ma première prise de parole, de traiter d'un objet fiscal, qui est pertinent. Pertinent, car outre le fait qu'il s'agit d'une taxe dépassée, hors de notre temps et qui ne correspond pas vraiment à nos lois fiscales fédérales, la suppression de cette taxe correspond parfaitement à l'un de nos objectifs, à savoir la simplification administrative pour nos entreprises et plus particulièrement pour les personnes qui travaillent en tant qu'indépendants, donc en raison individuelle, ce qui correspond à plus de 25 000 personnes. 25 000 indépendants qui n'auront plus à remplir de déclaration de taxe professionnelle communale.
Je tiens à rappeler aussi que les tâches administratives n'ont cessé d'augmenter au cours de ces dernières décennies. Disposer d'un projet qui leur facilite la vie nous contente donc particulièrement, nous en sommes très heureux. Le groupe LJS confirme et approuve ce projet de loi. Merci, Madame la présidente.
M. Sébastien Desfayes (LC). Madame la présidente, je sais que vous mettez l'accent sur la synthèse et la célérité; je crois vraiment qu'il ne sert à rien de radoter, mais simplement de féliciter les différents intervenants. Il y a eu le miracle - tout le monde le connaît, surtout Jacques Jeannerat - de Berne de 1954, il y aura désormais le miracle de Genève de 2023, avec, dans le rôle de meneur de jeu, Nathalie Fontanet.
Tout n'était pas gagné, cela a été dit par le rapporteur, parce qu'à un moment, on se trouvait dans une situation d'échec, avec des fronts extrêmement durs, qui laissaient présager qu'aucun accord ne serait trouvé. Finalement, le miracle est survenu: on est parvenu à atteindre un compromis - je préfère le terme de compromis à celui d'accord, Monsieur Wenger - historique. Parce que, dans le même projet de loi, nous sommes parvenus d'abord à répondre aux exigences de l'OCDE et du pilier 2 de son plan BEPS, qui exige que les entreprises multinationales qui réalisent plus de 750 millions de chiffre d'affaires par année soient imposées sur le bénéfice avec un taux minimum de 15%. Nous sommes parvenus - surtout Nathalie Fontanet, d'ailleurs - à un accord sur ce point.
Cela a été dit, la taxe professionnelle a été supprimée. Il s'agit bien entendu d'une taxe inique, illisible, d'un autre temps, mais qui avait quand même le mérite de fournir des deniers extrêmement importants aux communes. Il était bien sûr hors de question de supprimer purement et simplement la taxe professionnelle: les communes auraient dû se retourner vers leurs propres contribuables et peut-être même vers les personnes physiques. Nous n'allions pas supprimer la taxe professionnelle, faire un cadeau à des entreprises comme Migros, pour que cela se retourne contre des familles de la classe moyenne. Il fallait donc prévoir une compensation pour les communes, mais que cette compensation soit le fait des entreprises. C'est l'accord qui a été trouvé, une augmentation du centime cantonal dans le cadre de l'imposition du bénéfice des sociétés.
Contrairement au miracle de Berne, il n'y a pas de vaincus dans cette affaire. Il n'y a que des vainqueurs, et même si je ne comparerai jamais le président de l'ACG à Ferenc Puskás, je dois dire qu'il a très bien manoeuvré dans cette affaire; il a particulièrement bien négocié. Je parlais des compensations en faveur des communes (les compensations du manque à gagner lié à la suppression de la taxe professionnelle); en réalité, c'est un peu plus, voire beaucoup plus qu'une simple compensation, dès lors qu'avec cette augmentation à 14,7% de l'imposition des sociétés qui ne sont pas des multinationales, on peut imaginer que les communes perçoivent des recettes fiscales supplémentaires, de l'ordre de 40 à 60 millions de francs par année. Je crois que cela a été dit par un de mes préopinants, mais j'aime à penser que l'Association des communes genevoises se souviendra de, on va dire, la mansuétude du Grand Conseil à son égard, dans le cadre des prochains chantiers qui s'annoncent. (Commentaires.) Voilà. Donc bien entendu, le groupe PDC soutiendra...
Des voix. Le Centre ! (Commentaires.)
M. Sébastien Desfayes. Oh, pardon, pardon ! On ne change pas deux cents ans d'histoire comme ça, hein ! (Rires. L'orateur rit.) Le Centre soutiendra, bien entendu, ce compromis. Merci à vous.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vais partir, comme mon collègue Wenger, de prémisses un peu différentes, pour arriver à la même conclusion. Ce sujet de la suppression de la TPC a déjà fait un tour de carrousel dans ce parlement, nous avons déjà donné notre avis, et le principe de la refuser et de lui opposer un contreprojet avait déjà été accepté.
Nous étions à la base opposés au principe d'un contreprojet, préférant conserver la TPC et ses avantages. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous pensons que la TPC, avec son système - même si c'est un système ancien -, présentait un certain nombre d'avantages. Mais de l'eau a coulé sous le pont du Mont-Blanc, comme nous allons le voir.
Je commencerai par ne pas remercier, contrairement à certains de mes préopinants, les initiants, qui ont l'air assez fiers de leur coup. A y regarder de plus près, il faut bien reconnaître qu'ils ont déposé sur le paillasson de la commission fiscale une matière chaude et odorante. Je n'utiliserai pas ici le mot de Cambronne, car, Madame la présidente, j'ai bien retenu le message de bienveillance que vous avez tenu lors de votre investiture, et c'est vous la patronne - pour faire une rime pauvre. En effet, les initiants ont proposé une simple suppression de la TPC, se fichant pas mal de la perte d'environ 200 millions de francs pour les communes et laissant délibérément la commission fiscale se débrouiller avec le nettoyage du paillasson. Les initiants ont même poussé l'affront jusqu'à prétendre que les communes n'avaient pas besoin des recettes liées à cette taxe. Les citoyennes et citoyens de la Ville de Genève, par exemple, apprécieront. (Commentaires.)
Je tiens par contre à remercier le département des finances, comme cela a déjà été fait, pour sa réactivité et pour les propositions alternatives qui ont été avancées, mais je tiens surtout à remercier l'Association des communes genevoises et sa commission des finances pour leur travail acharné permettant de préserver les intérêts des communes dans cette affaire.
A priori, les Vertes et les Verts étaient plutôt pour le maintien de la TPC, comme je l'ai dit plus tôt, peut-être sous une forme adaptée. Un impôt portant sur le chiffre d'affaires et non le bénéfice conserve en effet tout son sens. La TPC donnait également une certaine autonomie aux communes dans la perception et surtout dans la possibilité d'entretenir un lien direct avec les entreprises situées sur son territoire. Nous comprenons donc que les communes aient cherché une compensation adéquate à la perte de la TPC.
Même si nous étions initialement opposés à l'idée d'un contreprojet, nous estimons que celui qui a été trouvé et négocié représente un bon compromis. Comme vous le voyez, nous avons également signé le projet de loi correspondant, et nous le soutiendrons loyalement dans cette enceinte. Nous sommes conscients que par l'introduction de centimes additionnels supplémentaires sur les personnes morales, il y aura des entreprises gagnantes et des entreprises perdantes dans l'affaire - des entreprises qui payaient un impôt sur le chiffre d'affaires et qui auront maintenant une imposition sur le bénéfice, et réciproquement. Mais au final, ce qui nous intéresse, ce sont les recettes que chaque commune pourra conserver; c'est ça qui est important pour nous. Ces recettes pourront aussi évoluer en fonction de la création et du déplacement des entreprises - c'est l'effet dynamique introduit dans ce contreprojet, surtout à l'aide de l'Association des communes genevoises.
Je terminerai par quelques commentaires sur la solution retenue. Nous soutiendrons les derniers amendements proposés par l'ACG et déposés par le Conseil d'Etat. Il s'agit en effet de répartir correctement la somme entre les communes, dont les profils économiques sont très différents. A partir du moment où cette répartition a été acceptée par l'assemblée générale de l'ACG, nous ne tenons pas à la remettre en cause.
Le projet de loi implique un taux d'imposition effectif des entreprises à 14,7% - imposition sur le seul bénéfice, donc. La différence à 15% pour les entreprises produisant plus de 750 millions d'euros de chiffres d'affaires - j'ai lu euros, quelqu'un a dit dollars, je ne sais pas si c'est important - est relativement faible. (Remarque.) Le mécanisme fédéral que nous voterons le 18 juin n'aura donc que peu d'effets sur le canton de Genève, si ce n'est une réduction de la concurrence fiscale avec d'autres cantons.
Ensuite, dans le cadre de la RFFA, les Vertes et les Verts avaient soutenu un taux d'imposition de 16%, et nous restons aujourd'hui de cet avis. Nous estimons toutefois que la présente réforme ne doit pas servir d'occasion pour repartir dans cette direction. Nous restons raisonnables.
Enfin, les besoins en dépenses publiques augmentent plus rapidement que le nombre de résidents. On peut ergoter longtemps pour savoir si cet effet doit être assumé davantage par le canton ou par les communes. C'est l'épineux dossier de la répartition des tâches. Notons tout de même que les communes subissent aussi ces effets dynamiques: les besoins en places de crèche et les charges de fonctionnement induites, les écoles primaires, la prise en charge des seniors et diverses prestations sociales sont également fortement de compétence communale. Le présent projet de loi préserve la capacité des communes à assumer ces tâches, nous vous invitons donc à le soutenir. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Nous avons entendu, hélas, dans cette enceinte, le rapporteur, M. de Senarclens, faire l'éloge de Napoléon. (Commentaires.) Ce Napoléon qui est à l'origine d'un bain de sang à travers toute l'Europe... (Commentaires.) ...ce Napoléon qui a asservi Genève jusqu'à la Restauration et... (Remarque. Rires. L'orateur s'interrompt.)
La présidente. S'il vous plaît ! Continuez.
M. François Baertschi. Dans l'héritage néfaste de Napoléon, il y a cette taxe professionnelle qui a gangrené nos finances cantonales durant deux siècles. Nous avons enfin réussi à sortir de ce funeste héritage et nous nous en sommes bien sortis, grâce à un large compromis intelligent, qui permet aux communes de ne pas perdre de moyens - peut-être, éventuellement, même d'en gagner modestement un peu. Mais en tout cas... Bon, je vois la présidente du département des finances, Mme Fontanet, qui cligne de l'oeil en se demandant si on n'a pas été trop généreux avec ces communes ! (L'orateur rit.) Mais enfin bon, je lis dans ses pensées et, sans doute...
Des voix. Oh ! (Exclamations. Commentaires.)
M. François Baertschi. ...sans doute - est-ce que je lis de manière excessive, voire inexacte ? Je laisse le doute... Il n'en reste pas moins que ce contreprojet est un projet gagnant-gagnant, et on doit véritablement s'en réjouir. D'autant plus que cela apportera une simplification administrative à de nombreuses entreprises et à de nombreuses communes, parce que, pour celles-ci, gérer cette taxe professionnelle représentait un poids administratif. Nous passerons donc maintenant à autre chose. Le dispositif est, il est vrai, relativement complexe, mais admettons que cela ne posera pas de problème - ou pas trop de problèmes - et que les avantages seront quoi qu'il en soit beaucoup plus importants que les petits inconvénients - enfin, peut-être ai-je l'esprit mal tourné ! (Remarque.)
Pour le reste, bien entendu, le groupe MCG soutiendra avec conviction ce contreprojet, que nous avons par ailleurs cosigné. Mais cela ne doit pas nous faire oublier le problème de la fiscalité qui existe à Genève et qui est un problème plus large, dû notamment à nos libéralités envers la France voisine... (Exclamations.) ...au travers de la gigantesque somme versée sous forme de rétrocession aux collectivités françaises - environ 300 millions de francs par année. Nous sommes également le canton romand qui est beaucoup trop généreux. Il faudra réexaminer la péréquation, parce que nous sommes le seul canton romand contributeur. Il y a évidemment quelque chose qui doit être amélioré, c'est un problème de négociation qui se règle sur le long terme, mais aujourd'hui, nous avons passé un cap avec ce contreprojet, que nous voterons et que nous vous recommandons de voter - mais je crois que cela sera le cas - massivement. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR). Beaucoup l'ont déjà dit, la volonté de supprimer cette taxe professionnelle n'est évidemment pas nouvelle. M. Ivanov citait à juste titre le PL 8640, qui date du 24 septembre 2001 - c'était il y a pratiquement vingt-deux ans ! - et qui prévoyait cette suppression, déposé par des députés qui, aujourd'hui, ne sont plus dans cette salle, depuis fort longtemps par ailleurs.
Une voix. Oh si ! (Commentaires.)
M. Yvan Zweifel. Non, même toi, Jacques ! Non, tu... Non ! Je suis désolé, Jacques ! (Rires.) Ensuite, il y a eu le PL 10315, déposé en 2008 par un de nos anciens collègues - qui, lui, est parti en Valais -, qui prévoyait le désassujettissement des entreprises comprenant moins de 12 ETP. Enfin, il y a eu le PL 11972 déposé en 2016 par notre collègue Sormanni - qui, lui, est encore là -, qui prévoyait un abattement de 400 francs sur cette même taxe professionnelle.
On le voit, la volonté de la supprimer, ou tout du moins de l'aménager, existe depuis fort longtemps, parce que tout le monde avait bien compris que taxer des entreprises sans tenir compte de leur capacité contributive était quelque chose de difficile à expliquer. Par ailleurs, taxer les entreprises sur le nombre de personnes qu'elles employaient - même si cela pouvait paraître faible, avec 10 francs par employé - du point de vue du symbole et du signal donné, cela revenait à dire: «Surtout, n'engagez pas trop: plus vous engagez, plus on va vous taxer !» C'est quelque chose qui n'était bien sûr pas acceptable - je ne vous parle même pas des loyers qui, avec leur niveau à Genève, ne donnaient pas spécialement envie de passer encore par cette taxe.
Alors, on l'a dit, l'initiative 183 a été lancée par les jeunesses de partis de droite, et j'aimerais rassurer mon collègue Wenger...
Une voix. Ah !
M. Yvan Zweifel. ...qui pense que nous contrôlons nos jeunesses de parti: il se trouve que, sur ce coup-là, non, nous n'avons pas contrôlé grand-chose, puisque nous avons découvert comme vous le lancement de cette initiative. Vous avez vu, on ne leur en veut pas trop, puisque non seulement plusieurs d'entre eux ont été candidats au Grand Conseil, mais plusieurs - ou même tous ceux qui étaient au comité, du moins ceux qui ont atteint le quorum - ont même été élus dans cette enceinte. C'est la démonstration, peut-être, qu'à droite, nous, nous laissons une certaine liberté à nos jeunes et que nous évitons d'être condescendants en les appelant «baby PLR» ou «baby je-sais-pas-quoi» ! (Rire.) J'aimerais bien voir ce que ça donnerait si, moi, j'osais dire à vos jeunes: «Hé, ça va, les baby PS ? Est-ce que vous allez bientôt déposer vos couches pour suivre les directives du parti central ?» (Rires.) Je ne crois pas que ce soit quelque chose d'agréable; nous éviterons, nous, de le faire, et j'aurais souhaité que vous l'évitiez aussi. Mais puisqu'on parle d'une taxe napoléonienne, on pourrait citer le même Napoléon - vous m'excuserez, Monsieur Baertschi -, qui disait: «L'art de gouverner consiste à ne pas laisser vieillir les hommes dans leur poste.» Prenez-en de la graine, Monsieur Wenger ! (Rires.)
Cette initiative a tout de même eu comme effet positif qu'on se dise que, d'accord, on allait supprimer cette taxe - c'était d'ailleurs ce que souhaitaient les partis depuis longtemps, et c'est dans le programme du PLR depuis fort longtemps -, mais de manière intelligente, en tenant compte des communes. Et là, on peut effectivement remercier notre conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, qui a pris son bâton de pèlerin et qui, avec ses équipes, nous a concocté un contreprojet rédigé d'une main de maître, qui, en plus, règle une autre problématique - je ne reviens pas là-dessus - avec la fameuse réforme BEPS.
On a l'habitude de dire dans cette enceinte que la commission fiscale est la plus polarisée de tout le parlement: c'est gauche contre droite, et ceux qui ne savent pas où ils sont, eh bien, entre deux, ils sont d'un côté ou de l'autre, peu importe... (Rire.) ...mais c'est gauche contre droite. Eh bien non, même à la commission fiscale, et même M. Wenger et moi, nous avons réussi à nous entendre - comme quoi, cela peut arriver ! - et nous avons effectivement trouvé un compromis, qui est intelligent et gagnant-gagnant-gagnant.
Gagnant pour ceux qui voulaient la supprimer, puisque ce contreprojet supprime la taxe professionnelle. Gagnant pour l'immense majorité des entreprises, qui vont voir cette taxe supprimée - en particulier les 25 000 indépendants, cela a été dit. Gagnant du point de vue de la bureaucratie, puisque ces mêmes entreprises n'auront pas à remplir de longs formulaires ou de longues déclarations - cela fera un peu moins de travail pour les fiduciaires, tant pis pour moi, on trouvera autre chose, ce n'est pas grave ! Gagnant pour les communes, puisqu'elles bénéficient d'une compensation, et même de manière extrêmement positive, parce qu'avec l'effet dynamique, l'histoire nous le montre, l'impôt sur le bénéfice des entreprises, ou plutôt les recettes liées à l'impôt sur le bénéfice des entreprises ne font que grimper avec le temps; par conséquent, en augmentant le taux et en reversant cela aux communes, en fait, on va augmenter massivement les recettes des communes. On comprend évidemment qu'elles soient pour, tant mieux pour elles, mais, comme d'autres l'ont dit, il faudra revoir la répartition des tâches entre le canton et les communes - on sait qu'à Genève, 80% des charges sont payées par le canton et 20% seulement par les communes. Il y a certainement quelque chose à revoir, surtout avec la proposition qui est faite ici. Gagnant aussi pour les multinationales, parce que, vous le savez, cette taxe professionnelle - je fais un peu de comptabilité - n'était pas un impôt comptabilisé dans la ligne «impôts», mais dans la ligne «autres charges d'exploitation», et lorsqu'elles se comparaient avec d'autres entreprises multinationales, on ne tenait pas compte de cette taxe-là, ce qui leur posait problème. Cette suppression, pour elles, sera aussi positive.
Napoléon toujours disait: «Vous devez tout voir, tout entendre et tout oublier.» Excellent ! Faisons ça avec la TPC ! Mesdames et Messieurs, je vous enjoins de voter ce PL 13293, un excellent contreprojet, intelligent, mesuré, rassembleur et moderne. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de vous remercier pour une telle unanimité. Je pense qu'on revient de loin. Effectivement, il y a eu quelques frayeurs sur le fait de couper immédiatement aux communes les revenus qui proviennent de la taxe professionnelle. Et puis, j'aimerais dire que oui, j'ai pris mon bâton de pèlerin, mais la commission fiscale m'y a aidée, parce que, sans votre insistance à faire en sorte que l'ACG travaille avec le canton, sans la détermination des députés de la commission et de son président à maintenir des délais et à obtenir que ce dossier avance, je ne sais pas si nous en serions là aujourd'hui. Donc à mon tour de remercier la commission fiscale ainsi que son président, qui ont permis que nous arrivions là.
Je partage l'avis de toutes et tous: c'est un projet gagnant. Gagnant pour, on l'a dit, 25 000 indépendants qui n'auront plus à payer cette taxe professionnelle. Elle était injuste: elle se basait sur le chiffre d'affaires, sur le nombre d'employés ainsi que sur la surface utile des bureaux. C'était un prélèvement qui, aujourd'hui, ne se comprenait plus. Cette suppression s'accompagne d'une compensation. La plupart des entreprises ne seront pas gagnantes: elles ne paieront plus de taxe professionnelle, mais, d'un autre côté, elles seront touchées par l'augmentation, finalement assez peu importante, de l'impôt sur le bénéfice. En Ville de Genève, il passera de 13,99% à 14,7% - ce taux peut être un peu différent suivant les communes. Pour certaines entreprises qui pourraient être perdantes - je parle là de PME - et se voir imposer un tout petit peu plus, je rappellerai la réforme RFFA, qui a fait en sorte que nos PME locales passent d'un taux d'imposition de 21,2% à 13,99%. Par conséquent, même s'il devait y avoir une petite différence à la hausse, je pense qu'elle sera supportable.
En revanche, les multinationales, qui, elles, remplissent les conditions de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires par année et qui mènent une activité internationale, se verront taxer dans notre canton, respectivement en Suisse, comme ailleurs, avec un 15% «all inclusive», alors que si nous avions maintenu la taxe professionnelle, les multinationales de notre canton auraient vu celle-ci s'ajouter aux 15%, ce qui, vous en conviendrez, nous aurait posé un certain problème en matière d'attractivité, sachant que cette taxe pouvait avoir des effets financiers très importants.
J'ajouterai un mot: aujourd'hui, nous avons une belle unanimité politique, ainsi qu'une unanimité avec l'ACG. Nous avons aussi pu compter sur un soutien à ce contreprojet de l'ensemble des associations économiques de notre canton, représentant les différentes formes d'entreprises. Je m'en réjouis. Je remercie aussi évidemment les équipes de mon département, qui se sont montrées inventives pour trouver des solutions qui conviennent à toutes et tous, et l'ACG de s'être aussi mise au travail - bien qu'effectivement un peu plus tard - dans la volonté de trouver un accord.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous recommande aussi d'accepter l'amendement, qui concerne la répartition de ces revenus supplémentaires, donc cette augmentation des centimes additionnels cantonaux, qui seront reversés directement par le canton aux communes; c'est l'ACG qui a déterminé la répartition. L'amendement, que je vous remercie par avance d'accepter, porte sur ce point, qui effectivement ne concernait ni le Conseil d'Etat ni la commission fiscale, mais bien l'ACG, qui devait déterminer de quelle façon ces montants doivent être répartis entre les communes. Je vous remercie beaucoup. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre la procédure de vote sur le PL 13293.
Mis aux voix, le projet de loi 13293 est adopté en premier débat par 94 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 291 (nouvelle teneur) à 302 (nouvelle teneur avec modification de la note).
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat à l'article 303, dont voici la teneur:
«Art. 303, al. 2 (nouvelle teneur)
2 La répartition est effectuée proportionnellement au nombre de places de travail en équivalent temps-plein situées sur chaque commune, en appliquant les facteurs de pondération suivants:
a) 3 pour les activités de l'industrie manufacturière (NOGA section C);
b) 0 pour les activités de la production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné (NOGA section D);
c) 4,5 pour les activités financières et d'assurance (NOGA section K);
d) 4,5 pour les activités immobilières (NOGA section L);
e) 4,5 pour les activités spécialisées, scientifiques et techniques (NOGA section M);
f) 0 pour les activités des administrations publiques (NOGA section O);
g) 0 pour les activités de l'enseignement (NOGA section P);
h) 0,5 pour les activités dans la santé humaine et l'action sociale (NOGA section Q);
i) 0 pour les activités des institutions internationales (NOGA section U);
j) 1 pour toutes les autres activités.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 94 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'art. 303 (nouvelle teneur avec modification de la note) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 303A (abrogé) est adopté, de même que les art. 304 (nouvelle teneur avec modification de la note) et 305 à 318C (abrogés).
La présidente. Nous sommes saisis d'un deuxième amendement du Conseil d'Etat, introduisant un alinéa 5 à l'article 459, que voici:
«Art. 459, al. 5 (nouveau)
5 Lors des six premières années de cette période transitoire, les montants suivants sont versés aux communes de Bellevue, Meyrin et Versoix par le fonds intercommunal institué par la loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l'intercommunalité, du 3 avril 2009, sans requérir une décision de l'Association des communes genevoises selon l'article 79 de la loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, comme suit:
a) Bellevue: la première année, 50 000 francs, la deuxième, 100 000 francs, la troisième, 150 000 francs, la quatrième, 200 000 francs, la cinquième, 200 000 francs, et la sixième, 100 000 francs;
b) Meyrin: la première année, 500 000 francs, la deuxième, 1 000 000 francs, la troisième, 1 500 000 francs, la quatrième, 2 000 000 francs, la cinquième, 2 000 000 francs, et la sixième, 1 000 000 francs;
c) Versoix: la première année, 40 000 francs, la deuxième, 80 000 francs, la troisième, 120 000 francs, la quatrième, 170 000 francs, la cinquième, 170 000 francs, et la sixième, 85 000 francs.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 96 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 459, al. 3 à 5 (nouveaux), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que les art. 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13293 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 97 oui (unanimité des votants) (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 183-C.
Débat
La présidente. Nous passons à notre première urgence, le RD 1524, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Nicole Valiquer Grecuccio... (Brouhaha.) Je vous prie de faire un peu silence, s'il vous plaît ! Merci. Vous avez la parole, Madame la rapporteure.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante et rapporteuse. Merci, Madame la présidente. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport a fait l'objet d'une conférence de presse... (Brouhaha.) Je m'excuse...
La présidente. Un instant, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs, excusez-moi, je comprends bien que vous êtes très contents: je vous propose d'aller fêter à la buvette pour ceux qui veulent vraiment le faire et d'écouter la rapporteure pour ceux qui veulent rester dans cette salle. Je vous remercie. Vous avez la parole, Madame.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci, Madame la présidente. Je pense que le domaine pénitentiaire mérite un minimum d'attention. C'est en tout cas le point de vue de la commission de contrôle de gestion, qui a accepté les recommandations - et toutes les recommandations - de sa sous-commission pénitentiaire. J'en profite pour remercier mes collègues, qui ont travaillé avec moi de manière soutenue: M. Sormanni et M. Buchs, qui n'est aujourd'hui plus député mais a collaboré avec nous. Je remercie également Mme Carvalho, notre secrétaire scientifique: elle a suivi nos travaux avec toute la compétence qui est la sienne.
Nous avons présenté à la presse ce rapport adopté à l'unanimité de la commission de contrôle de gestion à la fin de la dernière législature. Nous avons formulé différentes recommandations; j'aimerais juste me concentrer sur deux points. Nous avons demandé de suivre l'ensemble des recommandations déjà émises dans un premier rapport, le RD 1257, en 2018 - pas moins de trente recommandations. Ces recommandations, on les retrouve par ailleurs dans tous les rapports d'activité de la commission de contrôle de gestion de ces dernières années, tout comme dans d'autres rapports d'activité: de l'Etat, du service d'audit interne, de la Cour des comptes, etc.; on pense donc que le pénitentiaire mérite vraiment une attention particulière.
Nous avons auditionné environ 26 collaborateurs et collaboratrices, et la sous-commission peut témoigner d'un état de souffrance qui l'a profondément inquiétée. Nous avons même eu un contact avec le département, et nous pensons qu'un audit RH doit être mené de toute urgence, car nous avons jugé les ressources humaines vraiment défaillantes. Nous recommandons enfin que la stratégie RH mise en place par le département des finances de Mme Fontanet, «Travailler autrement», puisse se déployer pleinement dans le domaine pénitentiaire, dans l'intérêt des collaborateurs et collaboratrices.
Je ne vais bien sûr pas avoir le temps de développer l'ensemble de ce rapport, mais la commission de contrôle de gestion, encore une fois, s'est montrée très inquiète. Elle a évidemment entendu le conseiller d'Etat, qui nous a reçus: nous avons craint, en tout cas une fois, qu'un des collaborateurs mette fin à ses jours.
La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Oui. La situation nous a donc paru suffisamment tendue pour qu'on alerte le département. De manière plus générale, il serait bon qu'on reprenne non seulement les recommandations émises - vraiment à plusieurs reprises - dans le domaine pénitentiaire, mais aussi que l'on prenne en compte le RD 1480, le rapport sur le diagnostic et le traitement des absences à l'Etat de notre collègue Patricia Bidaux: on y insiste sur le fait qu'on doit s'occuper des présents, c'est-à-dire de l'ensemble des collaborateurs et des collaboratrices de l'Etat. S'occuper des présents, cela signifie que l'on peut délivrer ensuite des prestations publiques de qualité.
Cela est d'autant plus important dans le domaine pénitentiaire que - la commission des visiteurs le rappelle souvent - si on veut procurer des conditions dignes aux personnes en situation de détention, alors on doit également prendre en compte les collaborateurs et les collaboratrices qui s'occupent d'elles. Les conditions de travail, finalement, influencent directement les conditions de vie des personnes détenues.
Nous aimerions par ailleurs témoigner une nouvelle fois de la loyauté des personnes que nous avons auditionnées. Nous aimerions témoigner du profond sens des institutions dont ont fait preuve l'ensemble des personnes auditionnées. Nous réfutons toute idée, comme nous l'avons entendu par la suite, que la sous-commission ou la commission de contrôle de gestion auraient pu être manipulées au vu des différents affects des auditionnés. Non ! Nous avons véritablement pu compter sur l'entièreté des collaborateurs et des collaboratrices, et nous pouvons réellement témoigner de leur profonde loyauté envers leur mission - vraiment, j'aimerais beaucoup insister là-dessus.
Pour finir, l'ensemble des recommandations a été adopté par la commission de contrôle de gestion; nous vous demandons de faire de même. Et puis, je suis obligée de le dire, Monsieur le conseiller d'Etat, j'exprimerai peut-être un regret: celui qu'il ait été très rapidement procédé aux nominations dans le domaine pénitentiaire, soit dès le lendemain de la présentation de ce rapport à la presse. Nous pensons qu'il aurait peut-être fallu un petit moment de calme pour pouvoir mettre en oeuvre ces recommandations avec efficacité. Je vous demande donc d'accepter ce rapport, comme nous l'avons déjà fait en commission. Merci, Madame la présidente.
Mme Patricia Bidaux (LC). J'avais un peu peur, en voyant le tableau des demandes de parole rester blanc, que personne ne prenne position sur ce rapport; je crois qu'il est important que nous nous positionnions, au niveau politique, sur ce qui a été partagé. Je voudrais rappeler ici que toutes les recommandations ont été acceptées par le conseiller d'Etat. Les années ont passé et, la rapporteure l'a dit, ce que relevait le RD 1257, déposé en décembre 2018, est resté d'actualité. Pour preuve, ajoutons que la première recommandation du rapport demande le suivi des recommandations de décembre 2018 !
Demander qu'une vision pour la politique pénitentiaire genevoise 2023-2028 prenne forme au travers de lignes directrices me semble la mesure phare qui permettra de mettre en oeuvre l'ensemble des recommandations, en particulier celle sur la confiance. Effectivement, quand la ligne est claire, les objectifs sont connus et partagés par toutes et tous.
La problématique RH occupe une large part des recommandations formulées. Ce n'est pas sans nous rappeler - et il a été mentionné - le RD 1480 sur le diagnostic et le traitement des absences à l'Etat. La stratégie «Travailler autrement» doit s'implanter dans les services de l'Etat, tel un fil rouge qui cadre la gestion RH et permettra la mise en place de mesures assurant un management de proximité, bienveillant, misant sur le soin aux présents. Le domaine pénitentiaire reste un domaine sensible; les remarques remontant du terrain sont essentielles à un fonctionnement institutionnel sain. Ainsi, Le Centre ne peut qu'encourager le prochain magistrat - la prochaine magistrate - à reprendre les deux rapports mentionnés et celui présenté ce jour afin d'en tirer la substance pour que la confiance puisse être rétablie à court terme.
En conclusion, je reprendrai les mots de l'auteure du rapport: «La détention est un domaine éminemment sensible [...] puisqu'il s'agit de la contrainte la plus forte que l'on exerce sur les hommes et les femmes que l'on sanctionne. Il faut donc être conscient que la façon dont cette privation de liberté est exercée est significative des valeurs que l'on entend défendre.» J'ajouterai que ces valeurs concernent tout autant le personnel attaché à ce service. Et la suite, me direz-vous ? Car oui, il y a une suite, et c'est à la commission de contrôle de gestion de veiller également, encore et encore, à ce que les recommandations soient mises en oeuvre. Je vous remercie d'accepter ce rapport divers.
M. Charles Poncet (UDC). Madame la députée Bidaux vient de m'enlever les mots de la bouche en citant la page 37 du rapport: c'était évidemment la citation à laquelle il fallait que quelqu'un procède et vous avez bien fait de le faire, ma chère collègue. Le groupe UDC prend acte de ce rapport; il remercie la rédactrice, qui s'est appuyée sur une procédure plutôt difficile et rébarbative, avec un zèle digne d'un moine bénédictin, entre les différentes formules administratives, le langage bureaucratique et toutes sortes d'expressions absolument délicieuses à la lecture. Merci de ce travail, nous en prenons acte.
Ma préopinante a évoqué le fait que la détention est évidemment un des miroirs des valeurs de notre société, de ce qu'elle consacre comme telles. Il ne faut pas oublier que parmi ces valeurs-là, il y a aussi la sécurité et qu'il faut assurer la sécurité des personnes et des biens. Il faut assurer la sécurité des personnes détenues; il faut assurément donner à celles et à ceux qui travaillent dans le milieu pénitentiaire la protection, le soutien et la formation dont ils ont besoin, mais il ne faut pas oublier qu'il suffit de sortir de nos frontières pour voir à quel point les dérapages peuvent être dangereux dans l'autre sens aussi !
Il y a aujourd'hui, Madame la députée, des prisons qui sont contrôlées, de l'intérieur, par ceux qui sont censés y être détenus ! Je ne vous citerai, pour la chronique, que la prison des Baumettes à Marseille, Regina Coeli à Rome ou la prison de l'Ucciardone à Palerme - on pourrait multiplier les exemples. Et je rassurerai immédiatement nos collègues de gauche en leur disant que si l'on traverse l'Atlantique et qu'on va aux Etats-Unis, on constate exactement les mêmes problèmes, que la gestion soit privée ou qu'elle soit publique.
Autrement dit, il est nécessaire de se préoccuper de l'aspect sécuritaire et il est indispensable de se préoccuper également de soutenir celles et ceux qui travaillent dans le domaine. Votre rapport met l'accent sur l'un des termes de l'alternative: le groupe UDC en prend acte et vous en remercie, tout en insistant sur le fait que l'autre terme de l'alternative ne doit pas être oublié. La prison sert à protéger les honnêtes gens et il faut que les gens qui y sont y soient détenus, et non en promenade; de cette manière, la sécurité de la société continue à être assurée.
Par conséquent, nous vous invitons et nous invitons la prochaine magistrate qui aura à connaître de ce sujet à ne pas perdre de vue que, dans le débat, il faut aussi prendre en compte les honnêtes gens, qu'il faut protéger, et pas seulement les collaborateurs - ils ont droit à tous les ménagements - ou les détenus - ils ont droit au respect de leurs droits fondamentaux: il y a donc aussi le public, qu'il convient de continuer à protéger. Et c'est une préoccupation, je le dis - je ne sais pas si elle est dans cette salle ce soir -, que nous aurons l'occasion, Monsieur le conseiller d'Etat, de rappeler de façon attentive et persistante à celle qui vous succédera. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, bien heureusement, nous ne sommes ni à Marseille, ni en Italie, ni aux Etats-Unis - même s'il y a des problèmes à Genève ! Ce que nous avons pu constater lorsque nous avons entendu les différents membres du personnel reçus à la sous-commission, c'est la volonté et la sincérité des employés qui sont venus nous parler, qui sont venus nous expliquer les soucis qu'ils rencontraient, s'agissant de toute cette problématique pénitentiaire.
Oui, bien sûr, il faut protéger les honnêtes gens - bien entendu: c'est la mission première. Mais une des missions de la détention, c'est quand même aussi de faire en sorte que ceux qui sont détenus ressortent en ayant compris la leçon, je dirais, et qu'ils puissent être réinsérés dans la société sans récidiver ! C'est aussi notre mission, quelque part ! Et ce qu'on a pu constater, c'est qu'il y avait effectivement une direction RH défaillante et une direction générale de l'OCD complètement coupée du terrain et totalement en dichotomie, je dirais, par rapport à ça. C'est ce qui a fait un peu boule de neige, disons, depuis passablement de temps et qui n'a pas permis justement la résolution des problèmes.
Alors la question a été prise en charge par le département - je ne dis pas que rien n'a été fait ! Et on voit que les choses ont été apaisées; on espère que ça va continuer dans la bonne direction. Après des périodes d'extrême tension, on est arrivé à une période où on a commencé à reprendre les problématiques et à les comprendre, et à revoir les réformes qu'on voulait imposer - j'allais dire un peu «par la force», entre guillemets -, avec un dialogue incluant l'ensemble des acteurs qui sont sur le terrain. Et c'est visiblement ce qui d'une certaine façon a permis d'apaiser les choses et qui fait qu'on va aujourd'hui dans la bonne direction.
On espère que ça va continuer et que la nouvelle magistrate qui sera chargée de ça parviendra à terminer, je dirais, ce travail qui a été entamé. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et je remercie quand même le département et le conseiller d'Etat en exercice d'avoir finalement su, au fur et à mesure de l'avancée de ces travaux, trouver des solutions - trouver des personnes, aussi - qui ont conduit à apaiser les choses. Tout n'est pas terminé, c'est en cours, et je pense que nous devons effectivement être attentifs à cela et également, je le dis et je le redis, à notre mission s'agissant de ceux que nous détenons...
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, il faut conclure.
M. Daniel Sormanni. J'ai tout de suite terminé, Madame la présidente. ...car oui, nous devons faire en sorte d'assurer la sécurité du public; oui, nous devons assurer la sécurité des agents chargés de...
La présidente. Vous avez terminé.
M. Daniel Sormanni. ...contrôler les prisonniers dans les prisons, mais nous devons aussi, et je le redis... (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. Pierre Eckert (Ve). La politique pénitentiaire est un sujet qui préoccupe de longue date la commission de contrôle de gestion. Sa sous-commission pénitentiaire avait d'ailleurs déjà mené un certain nombre de travaux et elle a été réactivée, il faut peut-être le rappeler, à l'occasion d'assez grosses turbulences à la prison de Champ-Dollon: un directeur voulait imposer une réorganisation du système, avec un projet qui s'appelait «Ambition» et qui n'a pas eu l'heur de plaire à l'ensemble du personnel, ce qui fait qu'il y a eu un certain nombre de tensions. Ces tensions peuvent bien entendu se répercuter aussi sur les détenues et les détenus, puisqu'il y a également des femmes à Champ-Dollon.
De mon point de vue, on doit faire toute confiance à la commission des visiteurs officiels, qui a la responsabilité d'étudier la façon dont les détenus sont traités; ici, la commission de contrôle de gestion s'est plutôt occupée de l'aspect RH, de l'aspect des ressources humaines. On a constaté, à travers cette faillite du projet «Ambition», qu'à travers toute la hiérarchie de l'OCD, de son directeur jusqu'au personnel, ça ne fonctionnait en fait pas. Et j'aimerais mentionner encore juste une chose: la commission de contrôle de gestion a émis une recommandation et même alerté, je crois, le SAI de façon qu'il y ait un audit RH de l'ensemble de l'OCD. De ce fait, je partage la préoccupation de la rapporteure qui a dit trouver un peu prématuré de nommer assez rapidement un nouveau directeur, avant qu'un audit RH ait été mené. Je vous remercie.
M. Alexis Barbey (PLR). En deux mots, puisque beaucoup de choses ont été dites sur ce dossier, le PLR tient à saluer le travail de fond qui a été fait par cette sous-commission; elle a effectivement mis l'accent sur l'importance de valoriser et d'écouter les collaborateurs, et sur l'ensemble des relations RH qui peuvent exister à l'intérieur d'un service.
Cela dit, il ne faut pas oublier un aspect qui n'a pas été mentionné jusqu'à présent: bon nombre de ces problèmes découlent probablement de l'obsolescence de l'outil de travail - j'entends par là l'état de Champ-Dollon -, dans lequel il n'est plus possible au personnel même le mieux intentionné de faire respecter non seulement la loi et l'ordre, mais aussi le droit des personnes détenues, en particulier le droit à travailler. Cet état de fait plonge la plupart des collaborateurs dans une grande affliction parce qu'ils ont l'impression de ne pas pouvoir remplir la mission qu'on leur a confiée ni réaliser l'idéal de leur participation aux travaux de ce département.
Il ne faut donc pas oublier cet aspect de Champ-Dollon, et je m'adresse là aux groupes qui, lors de la précédente législature, ont pris fait et cause contre l'établissement des Dardelles pour qu'ils prennent également leurs responsabilités et regardent la réalité en face. Je vous remercie, Monsieur le... Madame la présidente, pardon.
La présidente. Merci, Monsieur le député. (La présidente rit.) Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes à un moment particulier puisque c'est le début de la législature pour le Grand Conseil et la fin de la législature pour le Conseil d'Etat; j'ai donc une certaine liberté avant de passer sur les bancs d'en face - je le disais tout à l'heure - pour vous dire comment un conseiller d'Etat ressent l'activité, empreinte évidemment d'une bonne volonté et d'une bonne foi totales, de la commission de contrôle de gestion face à une problématique comme celle-ci. Cela se multiplie pour la grande majorité des sujets qui sont saisis par cette commission.
Il faut savoir que le pénitentiaire - Madame la rapporteure, vous l'avez dit - est un domaine délicat. Je ne vais pas faire comme ma collègue tout à l'heure et sortir des articles de presse des années 70 ou 80 pour vous dire qu'il y avait déjà des problèmes; ce ne serait d'ailleurs pas une justification au fait qu'il y en ait aujourd'hui. Cela vous démontrerait que c'est effectivement un domaine sensible - domaine sensible pour les détenus, mais aussi pour l'ensemble des gardiens de prison, comme on les appelait à l'époque; on les appelle aujourd'hui agents de détention et ils bénéficient d'une formation sociale, éducative qui va au-delà de ce qu'elle était il y a quelques décennies.
Et voilà qu'un article - certains membres du personnel ont saisi la presse - met en évidence une problématique ! Cette problématique est déjà connue du département, qui travaille à la résoudre; immédiatement, la commission de contrôle de gestion nomme une sous-commission et se met à entendre du monde - du monde que je ne contrôle pas: je ne sais pas qui on convoque. Evidemment, tout cela est sélectionné puisque ce sont ceux qui se plaignent que l'on entend - ceux qui considèrent que tout va bien, on ne les entend bien sûr pas puisqu'ils n'ont aucun intérêt; de ce fait, on a une position qui est totalement faussée ! En plus, c'est une ingérence dans la politique RH du département, qui me rend la tâche difficile: comment faire en sorte de régler un problème quand les personnes qui le dénoncent - à tort ou à raison - savent qu'une entité qui a certainement une écoute plus complaisante est à leur disposition ? Cela me rend totalement incapable d'avancer comme je le souhaite, de manière efficace.
Je ne dis pas que vous n'avez pas à le faire, Madame la rapporteure, c'est bien sûr votre rôle ! Mais il faut avoir une certaine retenue - une «autoretenue» -, d'autant plus que la majorité de celles et ceux qui ont pris la parole il y a un instant sont les mêmes qui en octobre 2020 se sont opposés au projet des Dardelles, projet de nature précisément à permettre la construction d'un bâtiment qui allait soulager Champ-Dollon et permettre sa réhabilitation - Champ-Dollon qui est par ailleurs à l'origine des travaux que la commission de contrôle de gestion a initiés. Ainsi, on se plaint d'une partie des conséquences dont on est soi-même l'artisan, ce qui d'ailleurs est souvent le cas - et je n'échappe sans doute pas à cette règle; mais il faut quand même un peu d'humilité et se dire qu'il y a un gouvernement dont le rôle est normalement de faire les choses et qu'il faudrait peut-être entendre ce gouvernement et ceux qui le représentent pour savoir ce que fait l'administration, comment elle perçoit la problématique.
Vous venez aujourd'hui me présenter un rapport avec plusieurs dizaines de recommandations; nous les acceptons, bien sûr, puisque ces constats, nous les avons faits ! Nous les avons même faits avant vous et les recommandations que vous nous adressez, bien souvent, sont des recommandations que nous avons nous-mêmes indiquées à la commission de contrôle de gestion comme des améliorations qui s'imposaient; vous venez donc comme la grêle après la vendange. Par conséquent, je ne peux que vous dire bravo: ce que vous dites est parfaitement exact, simplement vous avez un épisode de retard - je dirais même une saison de retard - par rapport au travail qui est fait. Nous savons qu'il y a des problèmes, mais il faut évidemment avoir cette sensibilité de se dire que tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir et qu'il faut peut-être entendre les uns et les autres pour savoir comment les choses se sont faites.
Et j'entends maintenant ici que vous considérez qu'il aurait fallu laisser une vacance dans la direction générale de l'office cantonal de la détention pour prendre le temps de la réflexion. Justement pas ! Quand on a une personne qui est capable de faire ce travail et d'apaiser, précisément, par sa personnalité et ses compétences, la situation, il faut la nommer le plus vite possible pour qu'elle puisse s'y atteler. Si je vous écoutais - et je me félicite de ne pas l'avoir totalement fait ! -, nous serions aujourd'hui dans l'incertitude parce que vous considérez que l'incertitude, c'est la réflexion. Non, quand on gouverne, il faut savoir prendre des décisions - on espère qu'elles sont les bonnes; si elles ne le sont pas, on est là pour en répondre. Je pense néanmoins que la gestion des services de l'Etat est avant tout une tâche gouvernementale, et j'espère que je m'en souviendrai lorsque je serai assis en face. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mis aux voix, le rapport divers 1524 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 86 oui et 1 abstention (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous continuons avec l'urgence suivante, soit la M 2877-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à la rapporteure de majorité, Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de la santé s'est penchée sur cette motion durant six séances. Dans le cadre de ses travaux, la commission a auditionné le Groupement romand d'études des addictions (le GREA), l'association Première ligne, le médecin-chef du service d'addictologie et la médecin responsable de l'unité des dépendances aux HUG. Elle a également entendu le professeur Sandro Cattacin, sociologue à l'Université de Genève et spécialiste de la question, ainsi que Mme Ruth Dreifuss, ex-conseillère fédérale et créatrice de la Commission globale de politique en matière de drogues.
La motion vise à redynamiser la politique des quatre piliers en matière de drogues. Ces quatre piliers, rappelons-le, sont la promotion de la santé, la prévention et le repérage précoce; la thérapie et le conseil; la réduction des risques et des dommages; la réglementation et l'exécution de la loi.
Ce texte a été rédigé suite aux constats de plusieurs associations qui ont tiré la sonnette d'alarme sur l'augmentation de la consommation du crack dans le canton. Dès lors, il s'agit aujourd'hui d'adapter la politique des quatre piliers aux nouvelles réalités du terrain, d'ajuster le dispositif et de donner davantage de moyens pour la prévention, le traitement et la réduction des risques. Cette motion invite le Conseil d'Etat à identifier les nouvelles drogues et les profils susceptibles de tomber dans l'addiction, le but étant d'apporter des réponses individualisées en fonction de la situation socio-économique. Cette motion demande également au Conseil d'Etat d'établir un rapport sur les actions menées dans la lutte contre les addictions.
Il faut aussi relever qu'à la suite des auditions, les membres de la commission de la santé ont souhaité ajouter un point très important, à savoir le volet social; celui-ci vise à couvrir les besoins essentiels des personnes consommatrices qui sont démunies, désinsérées, et à favoriser ainsi les conditions d'une éventuelle adhésion à un suivi thérapeutique. Cet accompagnement social pourra s'effectuer dans des conditions acceptables si, en parallèle, on ouvre de nouveaux locaux de consommation tout en pérennisant bien sûr les locaux actuels, qui servent également à l'information et à l'accompagnement.
Mesdames et Messieurs les députés, une très, très grande majorité de la commission de la santé a voté en faveur de cette motion telle qu'amendée. La commission a demandé à l'unanimité l'urgence - c'est pourquoi nous en discutons ce soir - pour les raisons suivantes: la situation à Genève est inquiétante, tous les professionnels de terrain doivent être intégrés aux réflexions, l'aspect social est indissociable de l'adhésion à un suivi thérapeutique et, surtout, il faut lutter non pas contre les personnes dépendantes, mais contre les addictions. Je remercie d'avance les membres de notre nouveau parlement qui voteront cette motion telle qu'amendée. Merci.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'arrivée de nouvelles drogues, comme le crack, est un véritable défi pour notre société; voilà la raison d'être de cette motion. Tous les députés de la commission de la santé sont d'accord pour dire qu'il convient d'agir, mais nous avons eu durant les débats des différences d'approche sur deux points.
En premier lieu, faut-il tenir compte de la réalité géographique de Genève ou avoir une vision universaliste et «sans-frontiériste» ? Il a semblé important à la minorité de définir le lieu de l'action, soit le canton de Genève, étant entendu que nous sommes entourés par un Etat français, qui est le plus souvent dans le déni du problème de la toxicomanie et qui enregistre un grand retard en la matière. Genève ne doit pas être considérée comme une île ouverte à tous les vents; elle doit s'intéresser d'abord aux résidents de notre canton et non pas créer un appel d'air. C'est le premier élément.
Le second élément, c'est que la motion évoque le fait de mesurer le succès. La question ne concerne pas tant l'aspect lexicologique, mais plutôt le fond. L'idée de mesurer le succès semble prêter à toutes les ambiguïtés et nous préférerions une formulation plus précise, par exemple une définition des objectifs fixés par le Conseil d'Etat au regard des indicateurs, étant donné que les services de l'Etat ont précisément un certain nombre d'indicateurs permettant de mesurer cette politique publique.
De manière plus générale, l'amendement que la minorité propose apparaît comme étant plus clair et structuré de façon plus logique. C'est la raison pour laquelle nous le soumettrons à vos votes. Merci, Madame la présidente.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le groupe PLR votera cette motion, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un travail conjoint, le texte de départ ayant été largement amendé par la quasi-totalité des groupes présents à la commission de la santé.
En préambule, je dirais que nous n'avons pas découvert un problème qui ne serait pas encore pris en charge par les services sanitaires de l'Etat: la direction générale de la santé est bien au fait de l'existence de ces problèmes de toxicomanie et de l'évolution des pratiques, et le parlement vient vraiment en soutien de cette politique publique.
Pour illustrer le fondement de cette motion, j'aimerais vous citer quelques lignes de l'audition de Mme Ruth Dreifuss, ancienne conseillère fédérale et première femme présidente de la Confédération, qui est à l'origine de cette politique des quatre piliers. Elle nous a rappelé ce qui s'est passé en Suisse au début des années 80 de la manière suivante: «Les scènes ouvertes» - de la consommation de drogue (souvenez-vous du Letten à Zurich, notamment) - «étaient, au départ, une idée qui venait des artisans de la répression, qui pensaient qu'il valait mieux concentrer ces personnes dépendantes dans un endroit, pour mieux les surveiller et mieux protéger les autres quartiers. Lorsqu'ils ont vu à quel point ces scènes ouvertes étaient au contraire des lieux de déchéance et de misère humaine, la politique a dû changer. L'initiative est venue d'en bas» - donc l'initiative qui a conduit à la politique des quatre piliers - «elle est venue de familles désespérées qui ne savaient plus quoi faire avec les jeunes pris dans la dépendance. On voyait ce qu'était l'enfer d'une dépendance lourde à la drogue dans une situation d'abandon. C'est l'intervention dans ces scènes ouvertes qui a permis de développer, à côté du pilier de la répression, des mesures de soins, de prévention et de réduction des risques», soit les trois piliers dont nous parlons aujourd'hui. Quelques mots sur la répression. La répression, évidemment, est transversale, permanente; elle a pour but de démanteler les réseaux criminels qui font commerce de ces psychotropes illicites.
Pourquoi faut-il adapter maintenant cette politique des quatre piliers ? Cela a été dit, mais je tiens à donner deux exemples. La consommation des drogues a changé: historiquement, la drogue principale était l'héroïne et on pouvait vivre avec un substitut. De nos jours, les consommateurs prennent du crack, pour lequel il n'existe pas de traitement de substitution. A cause du crack, ces personnes ne travaillent pas, ne mangent pas, ne se soignent pas, et elles entrent dans une misère sociale. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, dans le cadre de la réduction des risques, on doit penser à l'évolution des risques sanitaires et sociaux liés à la consommation de cette substance. Pour tous ces motifs, je vous invite à voter cette motion. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo !
Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le PS votera, bien sûr, la motion telle qu'amendée. Ce qui ressort en particulier des travaux de notre commission, c'est que pour refléter les réels besoins du terrain en matière de politique de drogue, on ne devrait plus parler des quatre piliers, mais bien des cinq piliers, le cinquième étant le volet social.
Selon un rapport sorti récemment, 100% des consommateurs de crack sont sans emploi, 17% sans abri. Survivre dans la rue est tellement stressant que cela pousse les usagers et usagères à une plus grande consommation, ce qui rend pratiquement impossible un suivi thérapeutique de qualité.
La situation à Genève est la suivante. Comme espace d'accueil et de consommation à moindre risque, nous n'avons que le Quai 9, or celui-ci ne dispose plus de suffisamment d'espace pour faire face au nombre de passages qui explose - il a pratiquement doublé en vingt ans. Nous devons également développer des infrastructures d'accueil de jour et de nuit, ainsi que des activités pour les usagers et usagères. Avec l'agrandissement de la gare, dans trois ans le Quai 9 devra déménager; c'est clairement l'occasion de débloquer les moyens nécessaires au renforcement d'une vraie politique des cinq piliers capable de répondre à cette problématique. Par le biais de cette motion amendée, nous voulons donner ce soir un signal politique: nous attendons des nouveaux départements constitués qu'ils travaillent de manière transversale pour que le Conseil d'Etat prévoie dans le prochain budget une ligne budgétaire dédiée aux cinq piliers. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Marc Saudan (LJS). Chers collègues, le groupe Libertés et Justice sociale soutiendra à l'unanimité cette motion, parce qu'urgence il y a. Un dernier rapport de la direction générale de la santé, relayé dans la presse récemment, montre bien le problème de la consommation du crack et tous les désastres sociaux que cette drogue entraîne.
Pourtant, cela n'est rien face à la prochaine menace qui risque d'arriver à Genève et qui dévaste les villes nord-américaines, à savoir le fentanyl: cette drogue est cinquante fois plus puissante que l'héroïne et coûte trois fois moins cher. Certaines cités, notamment San Francisco, ressemblent dans leur coeur à «Zombieland», et je pense qu'aucun membre de cette noble assemblée n'aimerait voir ça dans notre ville. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, on a parlé tout à l'heure du Letten, on pourrait aussi mentionner le Platzspitz de l'époque à Zurich. J'ai eu l'occasion de visiter ces deux endroits et de voir des reportages qui ont été réalisés à ce moment-là; or ce qui manquait dans ces reportages, c'est l'odeur qui se dégageait de l'ensemble des usagers de ces endroits laissés à l'abandon et complètement délabrés. Nous avons fait des progrès, ça a été rappelé; la politique des quatre piliers a été mise en place grâce à Mme Dreifuss, envers laquelle il faut être reconnaissant.
Les travaux de la commission ont été bien menés, et les auditions qui ont été demandées étaient tout à fait justifiées. Par ailleurs, je remarquerai deux choses. La première, c'est la forte majorité qui s'est dégagée in fine en faveur de cette motion, vu l'apparition de substances nouvelles notamment. La deuxième, c'est l'unanimité qu'a recueillie la proposition consistant à demander l'urgence. C'est important de le signaler, parce que la majorité n'était pas acquise à l'acceptation de ce texte. Cela dit, il était évident qu'on ne pouvait pas attendre 2024 ou 2025, compte tenu de la survenance de substances nouvelles. Mon collègue Saudan a parlé du fentanyl, qui va débarquer prochainement ou qui a déjà fait irruption. Il faut rappeler qu'en matière d'abus de substances et de toxicomanie, nous sommes comme ces institutions de contrôle de dopage: nous avons toujours deux temps de retard sur les sportifs ou les toxicomanes qui arrivent à se fournir en substances nouvelles. Il est donc nécessaire de réagir rapidement. Aussi, je remercie la commission d'avoir accepté à l'unanimité de traiter cet objet en urgence ce soir. Je tiens également à relever l'importance qui doit être donnée au cinquième pilier évoqué dans cette motion, à savoir l'aide sociale qu'il faut apporter à ces toxicodépendants, qui sont complètement désinsérés et précarisés. En conclusion, le groupe Le Centre soutiendra cette motion telle qu'amendée et sortie de commission. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC, dans sa grande majorité, n'est pas satisfait de ce rapport ni des conclusions de la commission de la santé. On lit dans les considérants que «la politique du "tout répressif" a démontré ses limites», mais il aurait fallu l'appliquer au départ et Genève ne l'a jamais fait. Alors dire ici que ça ne marche pas, c'est quand même un peu fort.
On a mentionné plusieurs lieux. Oui, bien sûr, on ne peut pas se réjouir de ce qu'on voit à la télé; on pourrait même citer Paris et toutes les grandes villes du monde où il y a ces scènes de drogue. Mais regardons simplement ce qui se passe derrière la gare... Je suis désolé, ce n'est pas avec votre motion que vous allez améliorer la situation. Allez voir la faune qui transite derrière la gare, au Quai 9 ! C'est juste scandaleux ! Les personnes qui débarquent à Genève et qui sortent de la gare côté Montbrillant tombent sur des scènes où l'on voit des gens dealer, comme ça, à ciel ouvert, et personne ne dit rien ! C'est ça que vous voulez subventionner ?! C'est là-dessus que vous voulez continuer à fermer les yeux ?! C'est juste scandaleux ! En tout cas, pour ma part, je refuserai cette motion; une partie du groupe la rejettera aussi ou s'abstiendra. Pour nous, il est exclu d'entrer dans ce petit jeu qui consiste à fermer les yeux, parce que nous ne sommes pas au pays des Bisounours. Nous accepterons malgré tout les amendements du MCG, qui pourraient un tant soit peu - et encore ! - améliorer la motion, mais nous la refuserons lors du vote final. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Mme Dilara Bayrak (Ve). Je commencerai par annoncer la prise de position de notre groupe, avant de rebondir sur les propos qui viennent d'être tenus par M. Florey. J'ai bien compris qu'on n'aimait pas les citations d'articles, mais je me permettrai néanmoins d'en mentionner quelques-uns. «Derrière le consommateur de crack, une personne qui survit avec rien.» Cet article provient de la «Tribune de Genève» du 9 mai 2023, soit il y a deux jours à peine. En voici un autre: «Le nombre de consommateurs de crack a doublé en une année à Genève.» Celui-ci émane de la RTS et date aussi d'avant-hier. Ces articles sont le reflet des lacunes de notre prise en charge des personnes vulnérables. Aujourd'hui, il faut que nous passions à la vitesse supérieure. Ces nouvelles addictions nécessitent un nouveau type de prise en charge, et j'espère que le département fera le nécessaire pour que ces mesures soient effectivement adoptées non seulement par l'administration, mais également par les personnes sur le terrain.
Le groupe Vert est lui aussi satisfait de l'intégration du volet social. Je souhaiterais remercier ici mon ancien collègue, le député Didier Bonny, qui a fait un très bon travail en défendant ces valeurs en commission et en convainquant ses collègues. Je me permettrai encore une petite provocation. Ces questions de précarité et de vulnérabilité ont été abordées au sein de notre Grand Conseil lorsque nous avons discuté de l'interdiction de la mendicité; étant alors rapporteuse de minorité, j'avais attiré l'attention de ce parlement sur le fait que les personnes qui souffraient d'addictions étaient les premières à se retrouver à mendier, à demander l'aumône pour s'en sortir. Aujourd'hui, on en discute à nouveau, et je trouve que leur offrir un encadrement correct est quand même la moindre des choses, dans la mesure où nous leur avons interdit de mendier et que nous les empêchons de s'en sortir, même de façon très modeste, en demandant l'aumône.
Je finirai mon intervention en revenant sur les déclarations de M. Florey. Je me demande s'il a consulté le membre UDC qui a suivi les travaux de la commission de la santé, car il n'avait pas l'air de partager son opinion. J'ajouterai que le Quai 9 permet de réduire la criminalité, mais aussi que ce genre de mesures apporte en réalité un bien-être et de la sécurité pour tous, que ce soit les personnes vulnérables ou les autres. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Guinchard, vous avez la parole pour trente secondes.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Madame la présidente. Ça me suffira pour relever le travail remarquable accompli par le Quai 9. Certes, il permet à des toxicodépendants de s'injecter des substances, mais dans un environnement sain, hygiénique... (Commentaires.)
Des voix. Chut !
M. Jean-Marc Guinchard. ...où ils peuvent bénéficier de soins et qui leur offre aussi l'occasion de se resocialiser. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je cède la parole au rapporteur de minorité, M. François Baertschi, à qui il reste trente minutes... Trente secondes, pardon ! (Exclamations.) ...comme rapporteur, plus les trois minutes imparties à son groupe.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. C'est vrai qu'on a abordé le problème du lieu d'injection, mais il y a également d'autres aspects liés qui ne sont pas évoqués dans cette motion et qui posent de graves soucis. Comme on est venu sur ce terrain, j'ajoute que je déplore un peu qu'à cause d'une sorte d'idéologie, on ne veuille pas traiter les problèmes de voisinage. Pourtant, celui-ci est quand même passablement gêné par le lieu d'injection, il faut le reconnaître. Le deuxième élément qui ne doit pas non plus rester tabou, c'est l'arrivée massive de gens de France voisine. (Brouhaha.)
La présidente. Merci. Je passe maintenant la parole à Mme Marjorie de Chastonay, rapporteure de majorité, pour douze secondes.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Pour conclure, j'aimerais juste recommander à tout ce nouveau parlement de refuser catégoriquement les amendements du MCG. Merci.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat acceptera avec plaisir cette motion, même si le sujet est extrêmement sérieux. Cela sera le signe d'une volonté majoritaire de ce parlement de donner davantage de moyens encore à cette politique publique, pour laquelle beaucoup de choses sont déjà faites. Il ne faut pas croire que rien ne se fait; les travaux en commission l'ont d'ailleurs démontré. Rappelons aussi que Quai 9 était pionnier en Suisse et qu'on vient régulièrement de nombreux pays d'Europe voir ce qui est réalisé dans ce lieu.
Alors c'est vrai que ce n'est pas toujours agréable pour le voisinage; c'est vrai qu'en sortant de la gare nous souhaiterions sans doute ne pas voir certaines scènes déplorables. Du reste, des rixes éclatent parfois à cet endroit. Mais souvenez-vous d'où l'on vient, souvenez-vous de ce qui nous a permis de ne plus assister aux scènes dont on vient de parler. Quai 9 permet véritablement d'avoir une politique de prise en charge de ces personnes, mais aussi de protéger la société. Souvenez-vous des ramassages de seringues dans les parcs, dans les caves, dans les allées ! Aujourd'hui, cela n'arrive plus, ou extrêmement rarement. Nous n'avons plus de morts par overdose, Mesdames et Messieurs, et ce grâce à cette prise en charge ! C'est une avancée remarquable au niveau sanitaire.
J'entends dire que l'on vient massivement de l'étranger à Quai 9; non, ce n'est pas vrai ! Cela étant, il existe un principe sur lequel nous ne devrons jamais céder: celui de l'universalité de la prise en charge. Trier les personnes qui vont à Quai 9 et ne prendre que des résidents serait catastrophique. Pardonnez-moi d'enfreindre en quelque sorte les principes généraux du parti qui m'a placé là où je suis, mais je pense qu'en matière de santé publique, aucune distinction ne doit être faite: les gens qui ne seront pas pris en charge par Quai 9 iront consommer ailleurs. Ceux que l'on entend ici se plaindre de ces scènes les verront partout à travers la ville de Genève; on devra de plus compter avec une carence sanitaire dramatique. C'est pourquoi il ne faut pas céder sur ce point.
Nous avons constamment à l'esprit la volonté d'améliorer la prise en charge. La répression n'est pas l'idéal, on l'a vu; cela ne signifie cependant pas qu'il faille légaliser, je dis simplement que la répression ne fait que favoriser des réseaux mafieux. On s'en rend compte. Concernant le cannabis, il importe peut-être de réfléchir à autre chose; Genève veut mener une réflexion et a préparé un projet - avec Mme Ruth Dreifuss, d'ailleurs - beaucoup plus élaboré que les autres qui sont présentés en Suisse. Il y a quelques jours à peine, l'Office fédéral de la santé publique a donné son aval au projet de Cannabinothèque ici à Genève. Vous verrez que l'on approchera différemment cette problématique, car le but est également de contrôler la qualité des produits mis sur le marché, qui peuvent causer de grands dégâts.
Je ne peux pas détailler ici ce qui se fait, mais sachez qu'en matière de prévention et de promotion de la santé, nous menons des actions extrêmement fortes dans le domaine de la lutte contre les addictions, et c'est vrai que l'aspect social est important. Est-ce un cinquième pilier ou un chapeau qui recouvre les trois piliers de la prévention, des soins et de la réduction des risques ? Présentez-le comme vous le voulez, mais dans tous les cas nous en sommes conscients. En effet, grâce notamment au crédit supplémentaire que vous avez accepté, nous avons mis en place un sleep-in à Quai 9. Il permet d'accueillir ces personnes pendant la nuit, puisque les consommateurs de crack n'ont plus aucun repos, plus aucune vie, plus aucune alimentation. Nous avons aussi pris en charge un foyer de jour, sans quoi, durant la journée, ces gens sont relâchés dans la nature sans aucun accompagnement. Nous faisons tout ce que nous pouvons.
Mesdames et Messieurs, prochainement seront émises des propositions de lieux pour le déplacement de Quai 9 compte tenu des travaux de la gare des Eaux-Vives - pardon: la gare de Cornavin, bien sûr. Toutes ces personnes, qui sont en majorité ici conscientes de la nécessité d'avoir des lieux comme ceux-là, seront sans doute approchées par des habitants dont le réflexe sera de dire: «Bien sûr, mais pas à côté de chez moi.» Or il faudra bien trouver un lieu, c'est indispensable. Cette politique publique devra être soutenue, pour qu'on puisse avoir une alternative et si possible faire mieux encore, avec des surfaces plus adaptées, en vue d'adopter aussi cet aspect social qui est aujourd'hui, je dirais, le parent pauvre de cette politique.
Voilà, merci pour cette motion; nous tâcherons d'en faire bon usage. Nous vous proposerons bien sûr d'autres pistes - nous l'avons d'ailleurs fait en début d'année avec des crédits supplémentaires, mais aussi en fin d'année, puisque nous avons déjà commencé pendant la période de Noël. Quai 9 et l'association Première ligne qui l'exploite font un travail remarquable et doivent évidemment avoir les moyens de le mener; nous devons donc les aider. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'un amendement général de la minorité - vous le trouverez aux pages 69 et 70 du rapport - qui remplace toutes les invites. Le voici:
«- à établir un rapport sur la situation des consommations de drogues dans le canton, les programmes en place ainsi que les nouveautés en termes de stratégies dans ce domaine;
- à estimer le taux d'atteinte des objectifs fixés par le Conseil d'Etat au regard des indicateurs définis;
- à définir les actions prioritaires pour le PSP 2024-2028 tout en continuant à adapter la politique des quatre piliers au niveau cantonal aux nouvelles consommations et aux conséquences sociales, économiques et médicales qu'elles induisent.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 69 non contre 21 oui.
La présidente. Nous passons au vote sur la prise en considération de cette motion.
Mise aux voix, la motion 2877 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui contre 12 non et 8 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprendrons nos travaux demain à 14h. N'oubliez pas de prendre votre carte de vote ! Je vous souhaite un bon retour chez vous.
La séance est levée à 22h55.