République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 janvier 2023 à 16h05
2e législature - 5e année - 9e session - 53e séance
IN 189 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous passons à notre dernier point fixe et traitons l'IN 189 et l'IN 189-A, classées en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez tout de cette initiative puisque ce n'est en fait que la reprise d'un projet de loi dont nous avons longuement débattu en plénière du Grand Conseil et à la commission des droits politiques - où il a fait l'objet d'une quinzaine de séances et d'un rapport de majorité de Jean-Marc Guinchard qui l'appuyait - mais dont l'entrée en matière avait échoué à une voix près. Une voix, Mesdames et Messieurs ! Aujourd'hui, c'est la voix de 10 188 citoyens, ou du moins leur signature, qui a remis cette proposition à l'ordre du jour de notre parlement.
C'est un texte important, un texte décisif pour la démocratie genevoise: il propose de mettre fin à cet apartheid politique qui fait que 40% de nos résidents, en raison de la couleur de leur passeport, ne peuvent pas participer au processus démocratique dans ce canton. C'est un renforcement des processus démocratiques dans ce canton. C'est un renforcement des droits de tous les citoyens de ce canton - des citoyens actuels et des personnes qui seront associées à cette citoyenneté cantonale. C'est un renforcement de la démocratie et il ne faut pas en avoir peur; à cet égard, je félicite le Conseil d'Etat pour sa position consistant à appuyer cette initiative.
Mesdames et Messieurs, la question des droits des étrangers, des natifs, des habitants est au centre de débats politiques - de débats révolutionnaires notamment - depuis le XVIIIe siècle dans cette république ! Nous avons - je dis «nous», les Genevois - fait une révolution en 1782 qui tournait autour de cette question: est-ce que les natifs et les habitants, qui ne faisaient pas partie de la petite caste des citoyens - comme on les appelait, alors que ce n'était qu'une petite caste de patriciens -, allaient ou non avoir des droits politiques dans notre république ? Eh bien le résultat de cette révolution a été cassé par l'intervention de troupes étrangères ! Elles sont venues dicter aux Genevois le fait qu'ils ne devaient pas associer plus largement un certain nombre d'habitants à leur démocratie.
Aujourd'hui, d'aucuns nous disent: il suffit que ces gens se naturalisent et ils auront les droits politiques. Certes ! Certes, c'est une voie, mais la naturalisation est définie à Berne, selon des critères extrêmement restrictifs ! Renvoyer à la naturalisation, c'est donc dessaisir les citoyens genevois de la décision sur cette question. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous invite bien sûr à renvoyer cette initiative en commission et j'invite par ailleurs la commission, qui a déjà traité ce sujet, à ne pas rouvrir de longs travaux afin de donner le plus rapidement possible la parole aux électrices et aux électeurs pour leur permettre de faire ce pas en avant en faveur de la démocratie dans notre canton. Merci.
Mme Xhevrie Osmani (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a deux ans, la droite nous reprochait d'avoir créé un besoin et le fait que l'extension des droits politiques n'était qu'une lubie de la gauche. Aujourd'hui, c'est une partie de l'électorat qui affirme sa volonté de voir les droits politiques cantonaux s'étendre aux étrangers. Alors que leur direz-vous ? Qu'ils sont tous de gauche ?
L'extension des droits politiques ne peut pas se résumer à un débat stérile gauche-droite. Octroyer des droits ne peut pas se faire dans une optique utilitariste ou une finalité électorale, et les études le montrent: il n'y a jamais eu de tendance de vote une fois ces droits acquis. Le seul objectif qui doit nous occuper, c'est le renforcement de notre démocratie et une meilleure représentation de notre population dans les instances politiques aux niveaux communal et cantonal. C'est une autonomie qui a été prévue par la Constitution fédérale. Beaucoup d'enjeux sociaux, économiques, environnementaux, pour ne citer qu'eux, se jouent à l'échelon cantonal notamment et vous le savez très bien. Plus de 40% de résidents, étrangers, étant exclus des décisions politiques dans notre canton, nous nous retrouvons dans une société à deux vitesses qui fait fi d'une sous-représentation criante.
Mesdames et Messieurs les députés, la diversité de ce canton est une richesse. La participation politique est un vrai instrument d'intégration - cela a été répété lors des auditions sur le PL 12441 -, confère une légitimité accrue aux résultats sortis des urnes, et amène un renforcement de la cohésion sociale et une confiance raffermie dans l'Etat et ses institutions politiques. C'est aussi une manière de privilégier une meilleure représentation des différences plutôt que la polarisation et l'exclusion. L'exclusion, la restriction, c'est bien le tournant pris par la droite fédérale en 2018, lors de la révision de la loi sur les étrangers et l'intégration, en rendant la naturalisation plus restrictive.
Compte tenu du fait qu'un travail conséquent et des auditions de qualité ont déjà été menés sur un sujet parfaitement similaire, le groupe socialiste demande un traitement de cette initiative dans les meilleurs délais. Cela permettra aussi de laisser rapidement la place à un débat populaire. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Je viens de recevoir un message à l'instant: on me signale que, selon notre règlement, on ne porte normalement pas de couvre-chef dans la salle. (Remarque.) Je vous remercie. (Commentaires.) Maintenant, s'agissant de cette initiative, il s'agit tout simplement d'acharnement thérapeutique vis-à-vis des dernières décisions de ce Grand Conseil. Le peuple a par ailleurs déjà voté à plusieurs reprises sur cette question et il l'a toujours refusée.
Pour l'UDC, le droit de vote doit demeurer indissociable de la naturalisation, que l'on obtient bien évidemment à la fin d'un long processus. Oui, il y a un processus: on fait une demande de naturalisation pour obtenir la nationalité du pays où l'on vit - mais ça, c'est propre à chacun ! - et une fois qu'on l'a, on obtient les droits entiers de tout citoyen de notre pays. C'est pour ces raisons que l'UDC refusera bien évidemment cette initiative et refusera tout contreprojet.
Pour finir, ce que je regrette, moi, dans ce canton et même dans le pays tout entier, c'est que ce genre de question ne souffre pas d'un délai de carence obligatoire dès qu'il est soumis au vote une fois, deux fois. Au bout d'un moment, on devrait dire stop pendant vingt ou trente ans: on n'en parle plus parce que ça a été refusé - fini, terminé. Voilà ce que je voulais dire. Je vous remercie.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il est assez pénible d'entendre systématiquement la gauche nous casser les oreilles... (Protestations.) ...avec des discours selon lesquels les étrangers seraient exclus ! C'est ce délire insupportable... (L'orateur insiste sur le mot «insupportable».) ...que vous nous servez à toutes les plénières en parlant systématiquement d'exclusion à toutes les sauces. Aucun étranger n'est exclu ! Tout étranger qui remplit les conditions de la naturalisation peut demander un passeport suisse et ensuite devenir un citoyen à part entière aux échelons communal, cantonal et fédéral. Il n'y a pas d'exclusion !
Je m'étonne par ailleurs du virage à 180 degrés de la position du Conseil d'Etat dans cette affaire. Il y a deux ans, le Conseil d'Etat nous disait être attaché au principe selon lequel les droits politiques sont indissociables de la nationalité et il soutient aujourd'hui une initiative maximaliste, jusqu'au-boutiste, qui revient en quelque sorte à donner les droits politiques aux échelons communal et cantonal à tous les étrangers qui vivent en Suisse depuis huit ans et ont leur domicile à Genève - et même l'éligibilité et le droit de vote pour le Conseil des Etats, puisque, chacun le sait, l'élection au Conseil des Etats est une élection cantonale. En gros, ça revient donc à dire que des étrangers pourraient siéger sous la coupole fédérale, au sein du Conseil des Etats, et avoir accès à des documents classifiés confidentiels... (Protestations.) ...qui abordent des enjeux de sécurité internationale ou nationale. C'est tout simplement n'importe quoi !
Cette initiative a un autre immense défaut: contrairement à toutes les solutions qui existent dans d'autres cantons, elle n'exige pas le permis C. Le simple écoulement du temps - huit années - suffit à établir que l'on est présumé suffisamment intégré au sein de la société genevoise pour participer au processus de prise de décision. C'est tout simplement n'importe quoi ! Partout ailleurs, on demande le permis C. C'est justement en raison de ce jusqu'au-boutisme, pour ne pas dire du fanatisme de la gauche sur ce sujet, que Genève est malheureusement - ou heureusement, à chacun d'en juger - moins généreuse sur ce sujet que d'autres cantons, comme Neuchâtel ou le Jura.
J'aimerais surtout poser une question, très simple, à ceux qui sont si ardemment en faveur de l'extension des droits politiques des étrangers: dans quel pays au monde les Suisses ont-ils le droit de vote sans en avoir la nationalité ? Pouvez-vous répondre ne serait-ce qu'à cette simple question ? Je crois que la moindre des choses, en la matière, serait de garantir la réciprocité.
Pour terminer, je rappelle encore une fois que la naturalisation a été facilitée ces dernières années: on a réduit le temps de résidence de douze à dix ans et les étrangers de la troisième génération peuvent être naturalisés plus facilement. Je vous invite donc à rejeter cette initiative et à renvoyer le dossier à la commission des droits politiques afin qu'elle puisse à tout le moins plancher sur un contreprojet. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Cette initiative est absurde. Elle est absurde parce que si elle devait, par malheur, être appliquée, des étrangers qui n'auraient pas fait l'effort de se naturaliser pourraient être conseillers d'Etat; c'est la conséquence logique de cette initiative. Et, un préopinant l'a dit, ça pourrait aussi être le cas pour un conseiller aux Etats, à Berne, c'est-à-dire qui s'occuperait de secrets d'Etat - un Russe pourrait par exemple viser des affaires qui concernent l'Ukraine et la Russie. C'est possible ! C'est l'aberration de votre système ! On marche sur la tête et on ne devrait jamais aller dans de telles directions.
La voie à suivre, la voie royale, c'est la naturalisation. C'est par ce biais qu'on s'intègre réellement dans la société, c'est par ce biais qu'on a l'égalité de tous les citoyens. Autrement, vous allez créer des demi-citoyens, des trois quarts de citoyens, des citoyens à 80%: quelque chose de complètement absurde. C'est l'absurdité de cette initiative qui est d'ailleurs tout à fait incompréhensible. C'est au final... (Rires.) Quand on voit rire certains militants de gauche qui sont dans une optique soviétique, post-soviétique, on a quelques craintes pour notre canton. (Commentaires.) En fait, cette initiative est une trahison de la citoyenneté. C'est un crime contre la citoyenneté ! Il faut s'y opposer de toutes nos forces.
Des voix. Bravo, François !
Mme Virna Conti (UDC). Madame et Messieurs les députés, j'ai entendu parler de sous-représentation de ces étrangers, qui ne peuvent pas voter; c'est une réalité. A vrai dire, ce n'est pas qu'ils ne peuvent pas voter, c'est que, déjà maintenant, ils ne veulent pas voter ! L'Université de Genève a mené une étude en matière de droit de vote sur le plan communal et les chercheurs ont réussi à démontrer très simplement, par A + B, qu'ils étaient tout de même deux fois moins nombreux que les Suisses à aller aux urnes. Votre espèce de fantasme idéologique ne correspond donc absolument pas à la réalité et il serait temps - vraiment, il serait temps - d'arrêter de vouloir sans cesse revoir les conditions à la baisse. C'est absolument insupportable.
Alors c'est vrai, en Suisse, nous avons... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je fais vite. ...nous avons une législation très restrictive, mais elle se justifie par le fait qu'on n'a pas le droit du sol - et d'ailleurs Dieu merci. En revanche, depuis un certain temps, nous sommes sans arrêt en train de retirer des années pour l'accès à la naturalisation. On se rend compte avec le temps que si ces personnes veulent vraiment s'investir, veulent participer de manière active à la vie de la société... Eh bien en fait, vous devenez suisse, et puis c'est tout !
Une voix. Bravo, Virna !
Mme Virna Conti. Pour ces raisons, l'UDC refusera cette initiative et tout contreprojet y relatif. Merci.
M. Yves de Matteis (Ve). Je dois dire que je me suis posé la question: comment peut-on penser qu'il est légitime, ou même concevable, de refuser à 40% de la population sur notre territoire le droit de s'exprimer sur des objets qui la concernent quotidiennement au premier chef, alors qu'ils et elles vivent dans le canton, contribuent à l'économie locale, que leurs enfants fréquentent les écoles genevoises, etc. ? Ces 40% d'étrangers et d'étrangères ont-ils les mêmes devoirs que les autres ? Pourquoi n'auraient-ils pas alors les mêmes droits ?
Il est vrai qu'on a pu entendre certains partis critiquer cette initiative et même accuser le Conseil d'Etat d'avoir - je cite - «perdu la tête». Pourtant, d'autres Conseils d'Etat, dans d'autres cantons, se sont prononcés pour ces mêmes droits; les gouvernements, parlements et même peuples neuchâtelois ou jurassiens, qui ont accordé ces droits à leur population étrangère, ont-ils donc complètement perdu la tête ? J'ai quand même un peu de peine à le croire.
Genève a été le troisième canton, après Neuchâtel et Vaud, à attribuer le droit de vote aux femmes et le premier, avant Zurich et Neuchâtel, à introduire un partenariat enregistré, et il a en cela chaque fois été suivi par la Confédération. Pourquoi Genève ne serait-il pas le troisième canton à accorder le droit de vote cantonal aux étrangers et aux étrangères ?
Mon groupe remercie quant à lui chaleureusement le Conseil d'Etat d'avoir approuvé cette initiative qui pourrait constituer une réelle avancée citoyenne dans notre canton. Il acceptera donc le renvoi à la commission des droits politiques et espère que cette initiative, qui a en substance d'ores et déjà fait l'objet de très nombreux échanges, sera très rapidement traitée afin de laisser au peuple le soin d'avoir le dernier mot en la matière. Merci, Monsieur le président.
M. Xavier Magnin (PDC). Cet hémicycle a en effet déjà voté sur ce sujet en mars 2021 et l'a refusé à une courte majorité, et l'on revient déjà à la charge - mais il est vrai qu'il y a eu un changement de majorité au Conseil d'Etat. Si l'initiative est acceptée, toute personne habitant sur notre territoire depuis huit ans - toute personne ! - aura des droits civiques pleins et entiers, ce qui peut paraître difficile à comprendre pour certains. Effectivement, aucun pays, aucune nation, ne dilue ou ne diluerait le fonctionnement de ses institutions démocratiques en faveur des non-détenteurs de la nationalité - pour autant encore que l'on vive dans un pays démocratique.
Finalement, cette initiative dévalorise la citoyenneté suisse, notamment pour ceux qui l'ont demandée et acquise. Etre suisse en Suisse, c'est se conformer à des devoirs et avoir en contrepartie le droit de s'exprimer dans les urnes et de se faire élire. En cas d'acceptation, les Suisses et les étrangers seront confrontés à une inégalité de traitement. Peut-on attendre qu'elle soit naturalisée ? Oui, on peut attendre qu'elle soit naturalisée ! La procédure n'est pas si compliquée - elle peut être un peu longue - et Genève, s'agissant des formalités de naturalisation, est l'un des cantons parmi les plus ouverts. On ne peut pas vouloir absolument jouer sur tous les tableaux, et on doit être attentif à cela.
Le droit de vote et la citoyenneté vont de pair: qui veut voter doit demander la nationalité. C'est une base du fonctionnement de notre démocratie; il est préférable de faciliter l'accès à la nationalité suisse pour celles et ceux qui le souhaitent. Pour donner un chiffre, 16% des étrangers votent en moyenne, pour ceux qui ont le droit de voter, avec un pic à 23% lors des élections communales de 2020 et les efforts déployés par le département pour la communication sur le vote. Ce n'est donc pas à un renforcement mais bien à un écroulement de la participation et à une dilution de la démocratie que nous assisterions en cas d'acceptation. A cet égard, je vous recommande la lecture du rapport du 3 septembre 2020 cité précédemment sur la participation des étrangers et étrangères aux élections communales dans le canton de Genève, fait par MM. Pascal Sciarini et Simon Maye.
Enfin, cette initiative découragera peut-être de demander la naturalisation - alors qu'il faut la renforcer - et d'accomplir les formalités ultimes d'une intégration réussie, pleine et entière. Le PDC-Le Centre demande donc un renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Francisco Valentin, vous avez la parole pour une minute.
M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président. Moi, je n'ai aucun problème à parler de cette initiative: je suis naturalisé - comme beaucoup de gens ici.
On l'a déjà évoqué, s'agissant de l'implication dans la vie politique, j'imagine que ce serait effectivement une première mondiale que de donner le pouvoir à des étrangers. Où irait leur loyauté ? Vers qui se tourneraient-ils en cas de problème ? Ce sont des points qu'on peut évoquer sans rougir.
Je vous l'ai dit, j'ai été naturalisé. J'ai rempli mes devoirs: j'ai fait mon service militaire, j'ai gradé et je travaille ici comme fonctionnaire. Quand un pays vous donne une chance, je trouve que la saisir est vraiment la moindre des choses ! N'oublions pas que si on donne le droit d'éligibilité aux étrangers, ils n'accompliront pas les devoirs dont s'acquitte le citoyen suisse, ne serait-ce que le service militaire. Ça ne parle pas beaucoup aux inaptes... (Rires. Commentaires.) ...mais ceux qui l'ont fait savent ce que c'est, et ils s'engagent ! Donc je vous invite, moi, à rejeter totalement cette initiative. Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Vanek, il vous reste une minute !
M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, hier soir, on me traitait de marxiste-léniniste parce que je voulais, notre groupe voulait une toute petite contribution des très riches pour le fonctionnement de cette république; aujourd'hui, Dieu sait pourquoi, on nous a traités de soviétiques. Je ne vois pas le rapport - ça n'a aucun rapport ! Par contre, nous sommes effectivement dans l'esprit d'un certain nombre de révolutionnaires ! (Exclamations.) Des révolutionnaires comme le radical James Fazy, Mesdames et Messieurs !
Une voix. Pol Pot !
M. Pierre Vanek. Non, James Fazy ! Parce que cette question-là était en effet au coeur des débats politiques de la Genève du XIXe siècle ! Je vais vous lire un article de la constitution issue de la révolution de 1846 de James Fazy, qui dit ceci: «Les natifs étrangers de la seconde génération, les heimatlosen nés dans le canton et actuellement reconnus comme tels, peuvent dès à présent se réclamer de la qualité de citoyens genevois [...]» ! C'est ça, le droit du sol que Mme Conti conspuait tout à l'heure !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. C'est une conquête démocratique, à Genève, du parti radical... (Commentaires.)
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Pierre Vanek. ...et de sa révolution, de l'esprit... (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...dont nous nous inspirons... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Philippe de Rougemont pour une minute.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Monsieur le président, on a entendu: on ne veut pas créer de demi-citoyens. Mais c'est déjà le cas ! Dans la Ville de Genève, où nous siégeons aujourd'hui, les étrangers votent et élisent au bout de huit ans de résidence. Ce sont des demi-citoyens, si vous voulez; ils ont le droit de vote, ça fonctionne.
On entend: nous serions le seul pays au monde. Ce n'est pas vrai ! En Suède, les citoyens de l'Union européenne ne sont pas de nationalité suédoise, mais ils peuvent voter et élire. Et ce n'est pas le seul pays.
Donc voilà: est-ce que l'on continuera à obliger les étrangers habitant ici à payer des taxes, à respecter les lois mais sans qu'ils aient leur mot à dire ? Est-ce que c'est audible ? Non, ce n'est pas audible, alors votons oui à ce progrès ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Deonna, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a un peu plus de cinquante ans, on vient de le rappeler, les femmes recevaient enfin le droit de vote et d'éligibilité. Une victoire historique: elle fut le résultat d'années de lutte politique acharnée. Le féminisme, mais aussi l'antiracisme et l'anticapitalisme exigent de défendre la liberté et l'égalité des droits pour toutes et tous ! Aujourd'hui, et mes préopinants de gauche l'ont aussi rappelé, environ 1,5 million de personnes sont privées de participation démocratique en Suisse, et cela uniquement parce qu'elles possèdent le mauvais passeport. Il y a des exceptions, que l'on a également rappelées: le Jura et Neuchâtel.
Bien sûr, la naturalisation est une possibilité, mais c'est aujourd'hui, en Suisse, un processus extrêmement complexe, marqué par beaucoup de disparités et de nombreux dysfonctionnements. Il faut le dire et le répéter: le système, le processus de naturalisation ne fonctionne pas bien en Suisse. Les étrangers qui vivent ici, en Suisse, avec leur famille, paient des impôts; ils doivent pouvoir déterminer leur avenir, avec les citoyens. Ils doivent pouvoir participer entièrement à la vie de la collectivité. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter que cette initiative, signée par plus de 10 000 citoyens, soit réellement examinée par le Grand Conseil. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée. (Commentaires.)
L'initiative 189 et le rapport du Conseil d'Etat IN 189-A sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.