République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 janvier 2023 à 16h05
2e législature - 5e année - 9e session - 53e séance
PL 13193-A
Premier débat
Le président. Nous traitons à présent notre première urgence, le PL 13193-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi fait suite à la loi adoptée par notre Grand Conseil en septembre 2021, qui fixait l'aide aux personnes sans abri et plus particulièrement les critères et les responsabilités du canton et des communes s'agissant de soutien aux personnes sans abri.
Suite à cela, l'ACG devait fixer la répartition et le financement de ces aides, qui sont délivrées par la Ville de Genève - puisque nous connaissons, dans notre canton urbain, une forme de centralisation du phénomène du sans-abrisme, qui se situe principalement au centre-ville. On se souvient des difficultés qu'a rencontrées l'Association des communes genevoises, après différents recours, à financer ces aides, notamment via le fonds intercommunal.
Face à ces défis qui lui ont été fixés par le Grand Conseil, et dans un souci de responsabilité - puisque, dans un canton tel que le nôtre, on ne peut pas laisser une pauvreté au grand jour, notamment dans les conditions qu'on connaît cet hiver, par des froids quand même extrêmes, et laisser des personnes dans la rue sans aide -, l'ACG s'est réunie, a trouvé un compromis et a proposé au Conseil d'Etat un projet de loi qui a été accepté à la majorité absolue dès le premier tour. Certains critiqueront peut-être cette méthode, mais pour une association de communes, trouver un compromis et que celui-ci puisse être accepté au premier tour, à la majorité absolue, est la méthode la plus démocratique. Si plusieurs tours avaient eu lieu dans le cadre des débats de l'ACG, peut-être même que la majorité aurait été encore plus importante.
Revenons sur le fond du projet de loi, qui a pour but de financer de manière durable les prestations sociales aux personnes sans abri et également de faire en sorte d'avoir un fonds intercommunal qui ne soit pas à découvert. Le mécanisme de ce projet de loi est relativement simple - enfin, simple... Quand on étudie le projet de loi, et j'espère que vous l'avez fait, on voit que les formules ne sont en réalité pas si évidentes d'un point de vue mathématique, mais le principe est simple: il touche à la péréquation intercommunale, plus particulièrement à la péréquation des ressources, en faisant en sorte que le potentiel des ressources passe de 2% - c'est le taux actuel - à 3,5%, donc une augmentation de 1,5% du potentiel des ressources des communes.
Il faut savoir qu'aujourd'hui, ce taux à 2% du potentiel des ressources des communes engendre un financement de l'ordre de 40 millions de francs. L'augmentation à 3,5% de ce potentiel représenterait une augmentation de +30 millions, servant à financer notamment les prestations pour lutter contre le sans-abrisme à Genève.
Pour toutes ces raisons, puisque nous avons un accord entre les communes genevoises, puisqu'il s'agit d'appliquer la loi que notre Grand Conseil a votée et parce qu'il est nécessaire et urgent d'agir dans notre canton pour ne pas laisser de côté la problématique du sans-abrisme, la majorité de ce Grand Conseil vous invite à voter ce projet de loi.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, hier, la majorité de ce Grand Conseil a refusé l'initiative 185, qui voulait taxer les gros contribuables. Alors aujourd'hui, on a du lourd, du très lourd, c'est vraiment la cerise sur le gâteau ! On nous propose un projet de loi qui a été parfaitement bien monté, c'est vrai, il a été parfaitement bien monté pour noyer le poisson. Pourquoi ? Je vais vous le dire: pour embrouiller et endormir les communes et les députés, et ça a marché, parce que, comme a dit mon collègue, la majorité des commissaires ont accepté sans discuter. Mais, excusez-moi de le dire, ce projet de loi est pernicieux ! Pourquoi est-il pernicieux ? Il est pernicieux au niveau financier, moralement et socialement.
Qu'est-ce qu'on nous propose de voter aujourd'hui ? On nous propose de voter un texte - alors écoutez bien ! - qui permet à l'Etat de tirer à bout portant sur les gros contribuables d'une commune, en saisissant 75% des recettes fiscales de ladite commune ! C'est ça, votre projet de loi ! Cette commune devra donc augmenter considérablement ses impôts communaux, avec les mêmes conséquences qu'on a discutées hier: la fuite inévitable des contribuables, une baisse des recettes communales et cantonales. Alors il ne faut pas venir nous parler de cohésion sociale, parce que la cohésion sociale, ça va dans les deux sens ! Ce n'est pas seulement racketter les riches ! La cohésion sociale, c'est également avoir du respect ! Et donc votre solidarité, tout ça, c'est du blabla, car en réalité, nous sommes ici dans une logique d'extorsion - carrément ! C'est un putsch qui a été rondement mené, qui vise à voler les trois quarts des revenus d'une commune considérée comme trop prospère aujourd'hui. Ce projet est donc beaucoup plus dangereux que l'initiative que nous avons refusée hier.
C'est vrai que ce projet de loi a été avalisé par l'Association des communes genevoises, mais il faut dire la vérité: il a été avalisé à la raclette, carrément à 50-50 ! Il manquait quatre communes, et les petites communes se sont fait clairement rouler dans la farine. Il y a quand même eu des... Comment on dit ? Les putschistes n'ont pas réfléchi aux conséquences que ça allait avoir ! Ce projet de loi est donc tout à fait excessif, il est totalement disproportionné, il est fiscalement confiscatoire: prendre 75% des revenus communaux est dangereux. Cela va inévitablement provoquer une guerre entre les communes et une guerre avec l'Etat ! En plus, ce projet de loi est mauvais dans son état d'esprit, parce qu'il fait voler en éclat les principes du dialogue, les principes de la proportionnalité, les principes de l'équilibre et de l'écoute qui régnaient au sein de l'ACG; on a donc pourri cette association avec ce projet, je suis désolé !
J'espère que le Conseil d'Etat est conscient que ce projet de loi est foncièrement malhonnête dans son esprit, qu'il provoque la discorde et la zizanie au sein des communes. Personne, personne n'accepterait qu'on lui confisque les 75% de ses revenus communaux. Personne ! C'est inadmissible !
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Marc Falquet. Je pense qu'au Grand Conseil, on a la responsabilité de garantir le bon fonctionnement de nos institutions; il faut refuser catégoriquement ce projet de loi qui attise les conflits et qui va les attiser durablement, c'est clair, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité des institutions et pour la prospérité de Genève. Je reparlerai après parce que j'ai encore des choses à dire. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Une voix. Bravo, Marc !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, mon groupe s'inscrit en faux contre l'interprétation outrancière développée par le rapporteur de minorité. J'avoue que j'ai été assez étonnée d'entendre les termes qu'il a utilisés, parlant de malhonnêteté, de pourrissement d'une instance, alors qu'en fait, il s'agit d'un projet de loi du Conseil d'Etat, qui a été négocié avec l'Association des communes genevoises et qui a trouvé en son sein une majorité. Je trouve un peu fort de café les termes qui ont été employés à propos d'une mesure que nous attendons quand même depuis des années ! La question du sans-abrisme, de la répartition des compétences concernant cette problématique est sur la table depuis... (L'oratrice est interpellée.) Vous permettez, Monsieur Ivanov ? (Remarque. Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Ivanov ! (Exclamations. Commentaires.)
Mme Jocelyne Haller. Alors ce sera le président qui vous répondra !
Le président. Continuez, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi représente une étape majeure dans la mise en place et le financement du dispositif relatif au sans-abrisme. Elle était attendue de longue date: pendant plus de deux décennies, la Ville de Genève a assumé principalement l'accueil d'urgence des personnes sans abri. La question de la répartition des tâches entre canton et communes est restée en suspens, soit éludée, soit renvoyée aux calendes grecques. En septembre 2021, l'adoption par ce parlement de la loi sur l'aide aux personnes sans abri, la LAPSA, a apporté une clarification déterminante des compétences du canton et des communes. Schématiquement, elle se présente ainsi: le canton prend en charge le volet sanitaire, alors que les communes sont chargées de l'hébergement. Restait alors la question sensible de la contribution de l'ensemble des communes et des moyens de celles-ci pour faire face à cette charge.
Le projet de loi 13193 aborde de front cette problématique et propose de modifier le mécanisme de péréquation afin de prendre en compte la disparité des moyens des communes et de préserver par cet instrument les communes les plus modestes financièrement. Ce projet de loi pose également un système qui permettra, le moment venu, d'intégrer d'autres éventuels transferts de compétences entre le canton et les communes. L'Association des communes genevoises cautionne ce projet de loi. Il a été débattu en son sein et y a trouvé une majorité pour son soutien. Le rapport de la CACRI nous apprend que lors de leur audition, les représentants de l'ACG ont relevé qu'avec ce dispositif, il est assuré que, quel que soit le lieu où une personne demande de l'aide, un soutien collectif lui sera apporté. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En vertu de ce projet de loi, ce dispositif sera pris en charge financièrement par toutes les communes et, du point de vue opérationnel, principalement par la Ville de Genève.
Au regard de ces travaux, il est affligeant de constater que ce sont les communes les plus aisées, celles qui sont le moins directement affectées par le problème du sans-abrisme, qui rechignent à augmenter leur contribution.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci, je termine, Monsieur le président. Et soyons sérieux: il ne s'agit pas de leur ôter 75% de leurs revenus fiscaux ! Soyez honnêtes ! Ce n'est pas de ça qu'il s'agit ! Il faut se donner les moyens de faire face au sans-abrisme. Il faut que les communes prennent leurs responsabilités.
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Nous, nous en prendrons la responsabilité politique et nous assumerons notre devoir de solidarité à l'égard des personnes sans abri. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de majorité pour la qualité de son rapport et pour avoir rappelé le contexte de l'adoption de ce projet de loi.
Les relations entre les communes et l'Etat sont parfois difficiles, en particulier lorsqu'il s'agit de péréquation financière. Pour le Grand Conseil et pour la commission qui a traité ce dossier, il ne s'agit pas de remettre en cause la représentativité de l'Association des communes genevoises. L'ACG est représentative de nos 45 communes. Dès lors, il ne nous appartient pas de remettre en question les majorités - qu'elles soient fortes ou non - qui ont prévalu pour les trois piliers du projet de loi qui vous est soumis ce soir.
Cela a été un dossier délicat, qui a demandé de la part des commissaires un travail approfondi et délicat, avec de nombreuses auditions, de nombreux allers-retours aussi entre l'ACG et le Conseil d'Etat, afin que les commissaires puissent déterminer avec exactitude quelles étaient leurs volontés réciproques.
Je n'accepte pas les termes qui ont été utilisés tout à l'heure et qui prétendent que les députés se sont fait rouler dans la farine et qu'ils ont voté à l'aveugle. Nous avons voté en pleine conscience, en écoutant essentiellement l'Association des communes genevoises, dont l'entier du comité a été reçu, et nous avons eu droit à des explications extrêmement claires à ce sujet. Au final, le groupe démocrate-chrétien, Le Centre, estime que ce projet de loi est équilibré. Il y a des perdants, certes, mais il y a aussi des gagnants, pour le bien et la sauvegarde des personnes sans abri dans ce canton.
Finalement, c'est une disposition relativement équitable, qui respecte l'égalité de traitement. Nous vous recommandons d'accepter le projet de loi tel que sorti de commission et de ne pas accepter les amendements du PLR qui vous seront soumis tout à l'heure. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Grand Conseil est appelé à voter ce projet de loi, qui est en fait une discussion qui a eu lieu à l'ACG; ses membres se sont mis d'accord pour trouver une solution pour le financement de l'accueil des sans-abri, qui, jusqu'à ce jour, était essentiellement assuré par la Ville de Genève ! Je pense qu'il était logique que cette discussion vienne à l'Association des communes genevoises. Après de très longues tractations, un accord a été trouvé. Je ne crois pas qu'il appartienne au Grand Conseil de dire - puisque ce n'est pas l'Etat, mais les communes qui vont assurer ce financement - que cet accord n'est pas valable, disproportionné ou qu'il ne tient pas la route.
Je pense que les députés ont fait leur boulot. Ils ont constaté que cet accord des communes, confirmé dans un projet de loi, est tout à fait équilibré et qu'il était absolument nécessaire et attendu, parce qu'il y a quand même, contrairement à ce que certains pensent, un nombre assez conséquent de sans-abri à Genève - je rappelle l'étude de l'université à ce sujet. Dans une ville aussi riche que Genève, on doit faire l'effort d'accueillir ces sans-abri, et cette charge doit être répartie d'une manière équitable et juste entre les communes, entre celles qui font le travail et celles qui ne le font pas - je dis «qui ne le font pas», mais ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas le faire, mais parce que le sans-abrisme, c'est évidemment au centre-ville, je ne pense pas que c'est à Russin, à Soral ou ailleurs que les personnes sans abri vont se rendre: elles sont en ville, dans les centres urbains.
Par conséquent, je pense que c'est un bon accord. Et, au sein de l'Association des communes genevoises, vous savez que les communes votent, que chaque commune a une voix et...
Une voix. Mais non ! (Commentaires.)
M. Daniel Sormanni. Oui, oui ! Chaque commune a une voix !
Une voix. Mais il dit n'importe quoi ! C'est proportionnel à la population !
M. Daniel Sormanni. Chaque commune a une voix à l'assemblée générale. (Commentaires.)
Une voix. C'est pas vrai !
M. Daniel Sormanni. Par conséquent, bien entendu, le résultat peut être différent entre une commune comme Russin - je n'ai rien contre Russin, mais je dis ça parce que c'est une petite commune - et les communes urbaines. Cet accord est équilibré. Le MCG votera ce projet de loi de façon à mettre un point final - en tout cas s'agissant du financement de l'accueil des sans-abri, qui est nécessaire. Merci.
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Yvan Zweifel (PLR). La péréquation intercommunale est un sujet récurrent. J'ai moi-même eu le plaisir d'exercer pendant treize ans dans le Conseil municipal de ma commune, Onex. Onex, c'est une commune dont un tiers du budget est financé par les divers mécanismes péréquatifs. C'est vous dire l'importance de ceux-ci. C'est vous dire aussi la dépendance qu'a une commune comme Onex à ces systèmes péréquatifs, et c'est vous dire aussi pourquoi on ne pourra pas me taxer de quoi que ce soit lorsque j'évoquerai les amendements que dépose le PLR.
La péréquation est juste et nécessaire. Personne ne remet cela en cause. Et, lorsqu'il y a des tâches supplémentaires - on parle du sans-abrisme -, il est juste aussi et tout à fait compréhensible qu'on la renforce. Personne n'est contre. Mais il ne faudrait pas nous faire croire ici qu'il n'y avait qu'une seule solution sur la table, celle qui a été votée à 50,9% par l'ACG, alors qu'il y avait trois variantes possibles ! Trois manières de renforcer la péréquation, dont deux avaient l'assentiment de l'intégralité des communes ! C'est la version maximaliste qui a été choisie à 50,9%, non pas avec le principe une commune, une voix, puisque - M. Sormanni devrait le savoir - à l'ACG, lorsqu'il s'agit de questions financières, les voix sont proportionnelles à la population et que ce n'est en aucun cas une commune, une voix. Elle a donc été votée à 50,9%, une majorité extrêmement étriquée, alors qu'il y avait matière à trouver... Et c'est le but des amendements du PLR, à savoir de dire: oui à un renforcement, mais un renforcement qui ait l'assentiment de toutes les communes et pas seulement de 50,9%.
Parce que c'est aussi le rôle de notre autorité cantonale, à un moment donné, d'assurer et de favoriser la cohésion entre les communes. Qu'est-ce que vont dire celles à qui aujourd'hui on va prendre 60%, 65%, 70% ou 75% des revenus, lorsqu'il s'agira ensuite de discuter entre communes sur des sujets intercommunaux ? Elles diront: «Ecoutez, on a déjà assez donné, débrouillez-vous de votre côté !» Ce n'est évidemment pas ce qu'on souhaite, en particulier pas sur un territoire aussi petit que le canton de Genève, avec 45 communes, alors qu'on veut précisément favoriser le travail intercommunal, la mutualisation d'un certain nombre de charges. C'est bien sûr le contraire qui va se passer, alors qu'on peut la renforcer avec nos amendements, mais de manière raisonnable et acceptable.
Et puis imaginez l'autre côté: c'est celui d'un contribuable qui, parce que ses impôts augmenteront, se déplacera dans une autre commune, qui était, elle, bénéficiaire et qui va se retrouver contributrice. Et vous aurez un effet de domino absolument stupide, qu'il faut évidemment éviter.
Dernier point: tous ceux dans ce parlement, nombreux, qui s'égosillent tous les jours en nous expliquant que Genève est défavorisée dans la péréquation intercantonale, en expliquant que les autres cantons nous imposent, à nous, canton de Genève, de contribuer pour d'autres cantons, qui, eux, baissent leurs impôts, n'auront plus rien à dire si aujourd'hui ils n'acceptent pas nos amendements, puisque c'est exactement la même chose qui se passe avec ces communes contributrices.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs, de voter oui à un renforcement de la péréquation, mais un renforcement acceptable et raisonnable. C'est le but de nos amendements et je vous invite à les voter. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, la LAPSA, que nous avons votée ici en 2021, avait clarifié les compétences communales en matière d'accueil d'urgence des personnes sans abri. Or ce financement et la répartition entre les communes de ces prestations n'étaient à ce jour pas réalisés et celles-ci reposaient, pratiquement, sur la Ville de Genève. Avec cette modification - que nous allons voter bien sûr -, les communes genevoises ont décidé de mettre en oeuvre cette LAPSA, à travers une répartition décidée par et entre les communes. Ce financement sera donc enfin durablement réglé et nous ne devrions plus connaître les problèmes rencontrés encore l'hiver passé. Ça, c'est un point qui a été voté dans le cadre de ce projet de loi, et il ne faut pas mélanger cela avec les autres points qui ont été votés séparément, à savoir le renforcement de la répartition des ressources, qui n'est pas en lien avec le sans-abrisme.
Les communes ont voulu, en plus de cette mise en oeuvre vraiment urgente, une meilleure répartition des ressources en augmentant le prélèvement sur le potentiel des ressources, pour permettre un renforcement général des contributions des communes à fort potentiel et ainsi permettre aux autres communes de faire face à des dépenses futures - par exemple Onex, qui en a bien besoin - qui seront issues des nouvelles répartitions entre le canton et les communes.
J'aimerais aussi dire au rapporteur de minorité, quand il prétend que c'est l'Etat qui va ponctionner les communes, que nous sommes dans une répartition horizontale: c'est une péréquation entre les communes, et l'Etat ne va rien prélever de ces montants, ce sont vraiment les communes qui se répartissent de l'argent entre elles.
Nous sommes convaincus, comme la commission dans sa majorité, qu'il faut soutenir ces modifications, qui, comme je le disais, concernent uniquement les communes - c'est une péréquation horizontale - et qui sont approuvées par l'assemblée générale de l'ACG. Et là, je ne peux pas non plus entendre ce que dit le rapporteur de minorité: la procédure de vote au sein de l'ACG serait biaisée, c'est quelque chose de pourri et ça s'est mal passé. Ce n'est pas du tout le cas, nous avons entendu à deux reprises le comité de l'ACG dans son intégralité, qui a transmis un tout autre message, et je pense que le rapporteur de minorité devrait relire plus attentivement le rapport de M. de Sainte Marie.
Les Verts ont aussi exprimé la volonté de ne pas remettre en cause le choix des communes. C'est vrai qu'on ne peut pas imaginer que le Grand Conseil vienne dire aux communes comment elles doivent se répartir leur argent. C'est vraiment elles qui devraient le faire entre elles, et elles l'ont fait en décidant à la majorité. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Finalement, je dirais encore que les Verts... (L'orateur s'interrompt.) Pardon ! (L'orateur rit.) ...arrivent au bout de cette... Voilà. Pardon ! Nous avons bien entendu que ces modifications touchaient un système de péréquation qui devenait toujours plus complexe et que les communes souhaitaient lancer le chantier de la réforme globale de cette péréquation, réforme dont la procédure est lancée, mais qui va durer effectivement plusieurs années. Il n'est donc pas possible d'attendre plus longtemps et nous devons maintenant prendre une décision, notamment pour la mise en oeuvre et le financement de la LAPSA. C'est pourquoi nous vous remercions de soutenir clairement ce projet de loi et de refuser les amendements du PLR, qui, eux, vont justement semer la pagaille entre les communes. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Emmanuel Deonna pour une minute cinquante.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Laisser des personnes mourir de froid en plein hiver est inacceptable. (Exclamations.) Le canton de Genève, capitale internationale des droits humains, se déshonorerait s'il agissait ainsi. Le projet de loi dont nous discutons est le fruit d'un accord entre les communes genevoises. Il est un pas vers la mise en oeuvre du droit fondamental à la dignité humaine. Pour rappel, le droit à la dignité humaine est protégé par l'article 7 de la Constitution fédérale et par l'article 14 de la constitution de la République et canton de Genève. Depuis le début de la législature, le Conseil d'Etat s'est fixé pour objectif de faire participer les communes à certaines charges dynamiques qui affectent son budget. C'est un processus - on vient de le mentionner - qui va prendre plusieurs années.
En septembre 2020, le Conseil d'Etat a déposé le projet de loi sur la participation des communes au financement des prestations sociales et des mesures de soutien aux personnes âgées. Depuis 2002, et malgré le fait que la compétence de fournir une assistance aux plus démunis revient au canton, la Ville de Genève a développé un dispositif d'accueil d'urgence pour les personnes sans abri. La Ville a sollicité à plusieurs reprises une meilleure répartition de la charge que présente pour elle l'accomplissement de cette tâche. Les propositions formulées à l'époque n'ayant pas permis d'aboutir à un consensus, il y a eu de longues discussions, qui ont été reprises durant la législature.
Comme l'ont rappelé mes préopinants, notamment les députés de Sainte Marie, Guinchard, Sormanni et Poget, avec la loi que nous votons aujourd'hui, nous avalisons un accord entre les communes genevoises, dans le cadre d'un processus démocratique horizontal. Ces communes se sont entendues sur le fait d'augmenter progressivement sur trois ans aussi bien la contribution des communes à fort potentiel de ressources aux communes dotées d'un faible potentiel de ressources, que l'attribution des contributions de l'ensemble des communes en faveur de la Ville de Genève. C'est pourquoi je vous demande d'approuver, s'il vous plaît, ce projet de loi.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur de Sainte Marie, il vous reste dix secondes ! Il faudra être synthétique et bref !
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On a parlé de cohésion entre les communes, eh bien, je pense que si on veut véritablement de la cohésion entre les communes, on ne peut pas tolérer d'aussi grandes inégalités et notamment les plaintes d'une commune - il faut le mentionner: c'est Cologny qui s'est plaint de ce projet de loi, qui a enchaîné les comptes excédentaires année après année et qui a baissé quatre fois le taux de centimes additionnels au cours des cinq dernières années. Par conséquent, on ne peut pas juste écouter une commune aussi riche dire aujourd'hui ne pas vouloir participer à la cohésion entre les communes et à la cohésion sociale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole pour deux minutes.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, bon, on sait très bien que ce sont les communes-villes qui ont influencé les autres communes et qu'il y a eu des rapports de force, donc il ne faut pas non plus prendre les gens pour des imbéciles.
Ce projet de loi contribue effectivement au gaspillage de l'argent public, non seulement par la politique du sans-abrisme... Je répète que la politique du sans-abrisme, c'est à la base une politique de la Ville de Genève. Et pourquoi les communes n'y sont-elles pas favorables ? (Commentaires.) Simplement parce qu'elles veulent respecter la loi ! La Ville de Genève accepte tout le monde dans ces abris: les demandeurs d'asile déboutés qui devraient quitter la Suisse... (Commentaires.) ...les clandestins...
Une voix. C'est faux ! (Commentaires.)
M. Marc Falquet. ...les sans-papiers... (Commentaires de désapprobation.) ...les bandes de mendiants ! Je suis désolé, c'est vrai ! Ces bandes qui occupent... Et les Genevois, vous les trouvez dans la rue ! Les Genevois, vous les trouvez dans la rue ! (Commentaires.) C'est donc normal que les communes refusent de financer cette politique, qui est une politique de la Ville de Genève, qu'elle devrait assumer. C'est normal que, d'année en année, il y ait toujours plus de monde, parce qu'on attire les gens avec cette politique, qui amène le désordre et l'illégalité à Genève. (Brouhaha.)
Je répète que ce projet de loi est tout à fait excessif: ponctionner 75% des recettes communales... «Ce n'est pas l'Etat qui les ponctionne.» Oui, mais c'est quand même un projet du Conseil d'Etat, qui a été...
Une voix. C'est Cologny, seulement.
M. Marc Falquet. Oui, à la commune de Cologny, mais sur le principe, je trouve que ce n'est pas normal ! (Commentaires.) Si c'était votre commune, personne n'aurait été d'accord... (Commentaires.) ...et je n'aurais pas été d'accord non plus. C'est inadmissible, c'est injuste, c'est disproportionné. Je ne comprends pas qu'on puisse voter ce projet de loi qui va amener, je le répète, la guerre ! On va avoir une guerre ! Vous allez voir ! (Commentaires.) Nous allons avoir une guerre entre les communes ! Je ne pense pas que Cologny va se laisser ponctionner, se laisser racketter de la sorte. (Commentaires. Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Je vous propose donc de refuser clairement ce projet de loi qui est - pour moi, je vous dis franchement, en pesant mes mots - le plus mauvais projet de loi des trois dernières législatures, parce qu'il est malhonnête dans son esprit. C'est vrai ! C'est vrai, ce n'est pas de la solidarité, c'est du manque de respect ! Parce que c'est une commune riche, parce qu'on...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Marc Falquet. ...a réussi à diviser pour mieux régner, on se permet de racketter une commune...
Le président. C'est terminé.
M. Marc Falquet. ...en lui piquant, en lui volant les trois quarts de ses recettes ! C'est inadmissible, ça va avoir des conséquences...
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous avons bien compris.
M. Marc Falquet. ...très très fâcheuses pour Genève et sa prospérité. Merci. (Brouhaha.)
Une voix. Bravo, Marc !
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous vous apprêtez à voter un projet de loi important. Important pour la solidarité intercommunale, important aussi sous l'angle des effets que cette loi va occasionner sur un certain nombre de politiques publiques. La première a été longuement abordée, c'est la politique liée au sans-abrisme, qui est assumée par la seule Ville de Genève - ou en tout cas majoritairement, puisque d'autres communes ont quelques places à disposition.
Il faut se souvenir que cette politique publique s'est construite sur l'initiative de la Ville de Genève à la suite d'un drame à Lausanne. A ce moment-là, le conseiller administratif, Manuel Tornare, avait monté des dispositifs en urgence, pour permettre à des personnes sans abri dans notre canton de bénéficier d'un toit. Cette volonté politique qui s'est ainsi exprimée a permis d'offrir de nouveaux logements et, avec la collaboration du canton, d'offrir de la dignité à celles et ceux qui ne disposent pas de logement.
Force est de constater qu'à l'époque, et cela a toujours été le cas, les autres communes genevoises n'ont pas contribué à ce dispositif de financement de logements. Après plusieurs tentatives, votre parlement a voté la motion 2214, qui demandait que la solidarité en la matière soit effective. Elle a été déposée en 2014 et votée par votre parlement en 2019, et le Conseil d'Etat, déjà en 2017, commençait des négociations avec l'Association des communes genevoises, mais ne trouvait pas de majorité pour assurer le financement du dispositif. Avec mes collègues au Conseil d'Etat, deux ans plus tard, nous remettions l'ouvrage sur le métier, au travers notamment de deux objets, provenant d'abord de vos rangs - puisque des députés déposent des projets de lois -, et j'aimerais à ce titre remercier le président d'alors de la commission des affaires communales, M. le député Subilia, qui a accepté, avec sa commission, de suspendre ses travaux pour permettre à l'ACG et au Conseil d'Etat de négocier un accord - un accord qui a été travaillé, durement, difficilement, je le sais de la part de l'ACG -, ce dont nous pouvons évidemment nous réjouir.
Ce volet de la LAPSA est-il la seule raison de nous réjouir ? La réponse est bien sûr non, puisque ce renforcement de la péréquation intercommunale permettra également des dotations, notamment pour le fonds intercommunal, qui passera ainsi de 23 à 30 millions. Ce sera également bon pour la culture, pour le sport, pour les projets intercantonaux. Cette loi augmentera de 75% la péréquation des ressources entre les communes riches et les communes les moins aisées.
Avec cette loi, nous sommes également convaincus que nous développons des capacités d'action des communes vis-à-vis du canton dans les champs de compétences qui sont les leurs aujourd'hui et qui se développeront, nous l'espérons, demain, avec des compétences supplémentaires. Nous sommes aussi convaincus que la crédibilité des communes se trouve renforcée. Lorsque le Conseil d'Etat a préparé son programme de législature, il entendait déjà faire en sorte que les communes puissent s'entraider dans le cadre de l'exercice de nouvelles compétences.
Pour l'instant, le Conseil d'Etat admet ou reconnaît qu'il va devoir renoncer à un autre combat, celui qui visait à faire participer les communes particulièrement aisées en matière de revenus fiscaux notamment à la politique sociale du canton. Je veux parler évidemment du projet de loi d'écrêtage. En soutenant la LRPFI, la loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l'intercommunalité, les ressources sont désormais à disposition des communes qui veulent créer des projets à destination de leur population. Mais je vous le dis aussi, Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est la dernière fois que le Conseil d'Etat entend renforcer la péréquation intercommunale. Je vous le dis, parce que nous avons estimé que le processus est désormais à bout, qu'il a fait un exercice intéressant, mais que nous avons aujourd'hui besoin de changer le système de fond en comble. La fiscalité communale doit être entièrement revue. Le Conseil d'Etat a demandé à plusieurs reprises que les travaux s'enclenchent s'agissant de cette réflexion de fond. Les travaux ont certes débuté, mais timidement. Nous espérons qu'avec le vote favorable de ce projet de loi, nous pourrons passer à autre chose, et cette autre chose, c'est la refonte complète de la fiscalité communale, qui devra s'accélérer pour cette prochaine législature. Quant aux amendements, le Conseil d'Etat estime qu'il convient d'en rester au projet de loi qu'il a déposé et, partant, de les refuser. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13193 est adopté en premier débat par 77 oui contre 13 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1, lettre d (nouvelle), et 2, lettre a, chiffre 5 (nouveau).
Le président. A l'article 5, nous sommes saisis de l'amendement suivant de M. Yvan Zweifel:
«Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Les communes à fort potentiel de ressources, apprécié au regard de la moyenne des communes, versent aux communes à faible potentiel de ressources une allocation dont le montant total équivaut à 3% de la somme des potentiels de ressources de chacune des communes.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 32 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 5, al. 1 (nouvelle teneur), est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Yvan Zweifel à l'article 13:
«Art. 13 (nouvelle teneur)
La contribution à charge de chaque commune au sens de l'article 12 est calculée en multipliant par 0.70 la valeur du centime de la commune concernée.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 33 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 13 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les art. 18, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3), à 30, al. 2 et 3 (nouvelle teneur).
Le président. M. Yvan Zweifel présente un amendement à l'article 36, dont voici la teneur:
«Art. 36, al. 4 (nouvelle teneur)
4 En 2023, le pourcentage déterminant le calcul de la contribution des communes à fort potentiel de ressources, selon l'article 5, alinéa 1, est de 2.5%. Le facteur de multiplication déterminant le taux des contributions des autres communes en faveur de la Ville de Genève, au sens de l'article 13, est de 0.65. En 2024, le pourcentage est porté à 3% et le facteur de multiplication à 0.70.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 28 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 36, al. 3 à 8 (nouveaux), est adopté.
Le président. Nous sommes encore saisis de deux amendements de M. Yvan Zweifel aux annexes 1 et 2. Voici le premier:
«L'annexe 1 (formules de calcul) est modifiée en conséquence, en remplaçant chaque fois le coefficient de 3.5% par un coefficient de 3%.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 32 oui et 1 abstention.
Le président. Et voici le deuxième:
«L'annexe 2 (formules de calcul) est modifiée en conséquence, en remplaçant chaque fois le coefficient de 3.5% par un coefficient de 3%.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 34 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que les art. 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13193 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 33 non et 1 abstention (vote nominal).