République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 novembre 2022 à 20h30
2e législature - 5e année - 7e session - 39e séance
PL 13177-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au traitement des urgences. La première d'entre elles est le PL 13177-A, qui est classé en catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) La parole n'étant pas demandée... (Remarque.) Alors je cède le micro à M. le rapporteur de majorité, Didier Bonny.
M. Didier Bonny (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le présent projet de loi vise à adapter certaines dispositions de la LAMat pour tenir compte de la modification de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain suite à l'introduction d'un congé d'adoption de deux semaines, indemnisé par le régime des APG, qui a été accepté par les Chambres fédérales le 1er octobre 2021.
Les débats de la commission ont principalement tourné autour de l'article 7, alinéa 2, de la loi genevoise actuelle, qui stipule notamment que les prestations doivent être versées à la même personne. Les parents adoptifs choisissent par conséquent lequel d'entre eux est le bénéficiaire. Autrement dit, et contrairement à ce que prévoit le congé fédéral de deux semaines dès le 1er janvier 2023, les parents adoptifs ne peuvent pas se partager actuellement le congé cantonal de seize semaines. Une majorité de la commission a décidé de saisir l'opportunité de cette adaptation au droit fédéral pour modifier l'article 7 afin de permettre aux parents adoptifs, s'ils le souhaitent, de se partager tout ou partie de ces seize semaines.
La majorité de la commission a estimé, malgré le fait que cette possibilité de partage engendrerait des complications pour les caisses de compensation, que l'intérêt de l'enfant adopté à pouvoir profiter de ses deux parents dans cette phase cruciale d'accueil devait primer. Elle a également mis en avant que la répartition des tâches entre les parents a évolué depuis l'instauration, il y a plus de vingt ans, du congé d'adoption cantonal.
Mais c'est le précédent que l'instauration de ce partage pourrait créer qui a surtout divisé la commission, au regard de l'IN 184 «Pour un congé parental maintenant !», qui prévoit notamment la possibilité de transférer deux semaines du congé maternité à l'autre parent. Pour la majorité, cette question doit être traitée pour elle-même et non en lien avec le présent projet de loi, qui met l'enfant adopté au centre des préoccupations.
Rappelons que si l'IN 184, de rang constitutionnel, était adoptée par le peuple, l'article 205 de la constitution genevoise révisé devrait ensuite obtenir la garantie fédérale. Cette garantie est accordée si la disposition constitutionnelle révisée n'est pas contraire au droit fédéral. En admettant que cette garantie soit accordée, un projet de loi devrait alors être élaboré pour assurer la mise en oeuvre de l'initiative. Dans le cadre de ce dernier, le droit acquis des seize semaines de congé maternité pourrait être ancré de manière à empêcher cette possibilité de transfert de deux semaines d'un parent à l'autre.
En soutenant le projet de loi tel que voté par la majorité de la commission, le Grand Conseil permettra premièrement à l'enfant adopté de bénéficier de la présence de ses deux parents et, deuxièmement, auxdits parents de se partager les tâches dans le cadre du congé fédéral et cantonal dès l'année prochaine.
En conclusion, cette modification du projet de loi ne s'attaque en aucun cas au congé maternité, s'aligne sur le principe du partage du congé voulu sur le plan fédéral, permet une répartition des tâches au sein du couple dans une vision moderne de la société et met l'enfant adopté au centre de ses préoccupations. Cette modification du projet de loi initial n'a donc rien d'une impulsion ou d'un changement par la bande, comme on peut le lire dans les rapports de première et deuxième minorités; elle est au contraire une opportunité pour tendre à plus d'égalité et devrait par conséquent rassembler, au terme du débat, bien au-delà de la majorité qui s'est dégagée au sein de la commission. Merci. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, à l'origine, le PL 13177 ne soulevait pas d'objections. Son objectif - l'intégration du nouveau droit fédéral dans le droit cantonal -, les modifications sémantiques et l'introduction d'une base légale permettant de clarifier les responsabilités des employeurs présageaient d'une acceptation du texte. Or, en commission, il a fait l'objet d'amendements qui ont mis en péril son acceptation. Le partage de l'allocation d'adoption tel que proposé relève d'une bonne intention, mais repose sur une confusion conceptuelle qui pourrait s'avérer téméraire dans le contexte actuel - à plus forte raison du fait qu'il s'inscrit dans une modification de la LAMat et qu'il impacte son cadre de référence.
En l'état, le congé d'adoption n'est pas un congé parental. Ce qui nous est proposé revient à partager en deux le congé existant et non à revendiquer une amélioration du congé pour en faire un réel congé parental. Un véritable progrès consisterait à octroyer à chaque parent, séparément, les droits accordés actuellement aux deux collectivement. Un pas que certains pays d'Europe n'ont pas hésité à faire et que dans nos contrées on qualifie pourtant d'utopique. Ce qui a été modifié dans le projet de loi d'origine n'est pas une avancée: ce n'est qu'un aménagement, un partage de l'existant.
Une véritable démarche novatrice aurait donc consisté à revendiquer une augmentation de la durée du congé d'adoption pour que les deux parents en bénéficient: il aurait ainsi pu être partagé sans mettre en péril l'acquis des seize semaines du congé maternité. Ce que les partis de l'Alternative n'ont d'ailleurs pas hésité à faire en déposant le PL 12595, objet dont le parti même du rapporteur de majorité était premier signataire - un dépôt auquel nous nous étions associés, car nous sommes convaincus de la nécessité tant d'un congé parental que d'un meilleur partage des tâches éducatives et ménagères. Cela est établi. Nous ne pouvons cependant cautionner un affaiblissement du socle de la durée du congé maternité tel qu'induit par le PL 13177 modifié.
Certes, la disposition sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer ne modifie pas, aujourd'hui, la durée garantie du congé maternité genevois, mais elle enfonce un coin dans la logique qui le fonde en introduisant le fait que le nombre de semaines de référence - seize - puisse être modifié, voire diminué. Le contexte y est d'ailleurs favorable puisque la même commission des affaires sociales s'est penchée sur un autre objet, l'IN 184, qui prévoit expressément, s'agissant du congé parental proposé - sans garantie d'ailleurs d'en bénéficier -, que chaque parent puisse céder deux semaines de son propre congé à l'autre parent; cela reviendrait à ouvrir formellement la possibilité de réduire de deux semaines le congé maternité en faveur du père. Les commissaires de droite qui ont voté les amendements ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, l'un d'entre eux déclarant ouvertement qu'il les soutenait parce qu'ils désacralisaient la durée du congé maternité et qu'ils allaient dans le sens de l'initiative.
A noter que le texte du projet de loi initial a été soumis à l'OCAS - l'office cantonal des assurances sociales - et à la FER, la Fédération des entreprises romandes: ils s'y sont ralliés, car il présentait l'avantage d'être le plus simple possible dans le cadre d'une conciliation par essence complexe à réaliser. Les amendements adoptés en commission sur le partage et l'introduction d'un délai-cadre permettant de prendre des semaines de congé isolées compromettent cette tentative d'éviter une trop grande complexité administrative. Ainsi, si l'on en croit les représentants du département: «L'introduction au plan cantonal du partage des allocations d'adoption entre les parents et de la possibilité pour ces derniers de prendre le congé d'adoption sous la forme de semaines et/ou de jours isolés impliquerait une première coordination sur le plan fédéral avec la caisse fédérale de compensation (CFC) et ensuite une coordination conséquente avec les employeurs des deux parents adoptifs, voire avec les différents employeurs de chaque parent.» Et plus loin: «En cas de pluralité d'employeurs: chaque employeur doit remplir un formulaire complémentaire qui doit être joint à la demande initiale d'allocation d'adoption.» Une situation qui requerrait de mettre en place de nouveaux logiciels et qui, de fait, dans le cas d'une semaine de congé isolée, pourrait aller à l'encontre de l'objectif premier, celui de l'intégration de l'enfant accueilli.
L'absence de consultation sur ce nouveau modèle est particulièrement dommageable, car cela aurait pu, au-delà des principes politiques, renseigner sur la praticabilité des dispositions votées, ou au moins sur la position de ceux qui seront chargés de les mettre en oeuvre.
Ainsi, nous considérons que les amendements proposés par le rapporteur de majorité ne plaident pas, contrairement aux apparences, pour un véritable congé parental: ils ne font que partager un acquis, ce qui dans ce contexte fragilise les bases fondatrices du congé maternité genevois. C'est pourquoi les deux premiers rapporteurs de minorité vous présentent un amendement général afin de revenir au texte initial du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat, et nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'accepter. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la rapporteuse de première minorité. Avant de passer la parole au rapporteur de deuxième minorité, j'aimerais saluer la présence à la tribune de Mme Stéfanie Prezioso, conseillère nationale. (Applaudissements.) Je cède maintenant le micro à M. Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit, l'enjeu de ce projet de loi réside dans l'articulation du droit fédéral, qui entrera en vigueur en janvier 2023 - d'où l'urgence de le voter ce soir - et prévoit nouvellement un congé d'adoption maximum de quatorze jours, avec le dispositif cantonal existant, plus généreux: le congé d'adoption est actuellement de seize semaines. La volonté du Conseil d'Etat était de procéder à cette articulation sans mettre en cause le droit cantonal actuel, d'intégrer dans ce dispositif le droit fédéral à partir du 1er janvier 2023.
Pour rappel, le canton de Genève - tout comme celui du Tessin - a déjà instauré un congé d'adoption depuis plusieurs années; le droit fédéral entend que les autres cantons obtiennent désormais un congé d'adoption de deux semaines, ce qui oblige Genève à harmoniser son droit avec le droit fédéral. Ce nouveau congé d'adoption introduit par le droit fédéral est partageable entre les deux personnes qui adoptent. Le projet de loi initial proposait des modifications afin que le régime genevois existant puisse s'adapter en introduisant un congé d'adoption de deux semaines financé par les APG. La loi cantonale prévoit déjà, je l'ai dit, un congé d'adoption avec des allocations d'une durée de cent douze jours - seize semaines - dans le cas de l'adoption d'un enfant jusqu'à l'âge de 8 ans révolus; le nouveau droit fédéral s'arrête à 4 ans révolus.
Partant probablement d'une bonne intention - le rapporteur de majorité l'a rappelé -, les amendements votés en commission sont pourtant problématiques à nos yeux, et Mme Haller l'a aussi dit: en cas de partage, le fractionnement du congé devra être attesté chaque mois par l'employeur; il faudra tenir compte de qui a sollicité les allocations fédérales et de la manière dont elles sont réparties, ce qui compliquera particulièrement la coordination des deux régimes, car le régime genevois propose une durée plus longue et un montant plus élevé. On craint évidemment des charges supplémentaires pour les employeurs, pour les entreprises, et la mise en place d'un système qui nous a été décrit par l'administration comme extrêmement lourd et difficile à mettre en oeuvre.
Sous un angle plus politique, il nous semble regrettable d'introduire ce principe important du partage du congé, ici d'adoption, dans cet ajustement des droits fédéral et cantonal. C'est un débat de société important, majeur, dont l'étude est en cours avec l'IN 184 - nous en débattrons en début d'année prochaine -, et il est arrivé par la bande - c'est bien le cas - alors que le partage du congé d'adoption, par ricochet, remettrait en question le congé parental; cela nous semble délicat, et finalement ce n'est pas le bon endroit pour procéder à cela. Un élu PLR, Mme Haller l'a également rappelé, s'est demandé s'il ne serait pas possible de supprimer les dispositions prévues dans le droit cantonal pour ne garder que celles du droit fédéral. Eh oui, on a désormais deux semaines de congé d'adoption au niveau fédéral: pourquoi conserver seize semaines au niveau genevois ? Il y a eu un empressement à voter cet amendement parce qu'en proposant le partage du congé d'adoption, on peut ouvrir la voie à une flexibilisation - et potentiellement à une réduction, à une diminution - de ces seize semaines à l'occasion d'une autre modification de la loi. Pourquoi est-ce que Genève, finalement, offrirait davantage que ce que propose le droit fédéral ? On voit là évidemment une boîte de Pandore, un risque - un risque pour les parents qui adoptent, pour le congé maternité, pour le droit des femmes à bénéficier d'un congé maternité de seize semaines.
Il nous semble bien sûr plus sage d'attendre la mise en oeuvre de la loi fédérale qui entrera en vigueur en janvier 2023, d'en faire le bilan, l'évaluation, et de réaliser ensuite un pas de plus si cela nous paraît important. Attendons aussi de constater qui fait usage de ce congé d'adoption avant de proposer un renversement majeur, unique en Suisse, sur cette question; il sera évidemment temps ensuite, quand la loi fédérale sera entrée en vigueur, de revenir avec une proposition de modification telle qu'elle a été présentée en commission. Nous craignons d'être dans une espèce d'aventurisme hâtif: ce projet de loi devait absolument arriver aujourd'hui en plénière pour être voté. C'est allé très vite, on manque d'évaluations sur les effets potentiels des décisions prises, des amendements votés.
Je rappelle également, s'agissant des bénéficiaires, qu'il y a actuellement une majorité de femmes qui perçoivent ces allocations d'adoption. Le risque existe que ces amendements votés en commission les prétéritent. Et puis le nombre de personnes qui adoptent, à Genève, est quand même assez limité, réduit - cinq en 2021; le chiffre décroît du fait d'un usage plutôt important de la PMA, la procréation médicalement assistée. Le nombre de personnes bénéficiant de ces allocations est donc vraiment très réduit: sur les cinq ou six dernières années, il y en a eu entre dix et quinze en moyenne.
Les modifications adoptées en commission concernent le congé d'adoption et, cela a été dit, s'insèrent dans la LAMat. On craint par conséquent un effet ricochet, un impact sur le congé maternité, ce qui soulèverait de nouveaux problèmes et constituerait une attaque contre le droit des femmes à bénéficier intégralement de seize semaines de congé maternité à Genève.
Pour conclure, afin de défendre le droit cantonal existant, de ne pas créer un système d'une complexité extrême et coûteuse et de ne pas déclencher une possible instabilité juridique, afin aussi de garder le débat du partage du congé dans le cadre notamment de l'IN 184 qui, vous le savez, est constitutionnelle et sera donc soumise au peuple, nous proposons avec Mme Haller de revenir au projet de loi initial du Conseil d'Etat et d'en rester à un simple toilettage du droit cantonal en lien avec le droit fédéral. Nous vous invitons à voter cet amendement unique pour revenir au texte initial, et à ce que la question du partage du congé d'adoption ou du congé parental soit traitée dans le cadre de l'IN 184 et devant le peuple. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de troisième minorité. Si ce projet de loi divise la gauche et les Verts - certains craignent une diminution de la durée des indemnités maternité -, le troisième rapporteur de minorité est surtout inquiet de la création, une fois de plus, d'un énorme appareil administratif supplémentaire. Les caisses de compensation genevoises sont déjà débordées; la raison tient aux multiples, multiples différences de prestations entre la loi suisse et la loi genevoise. Tout est différent: l'application des normes, les montants d'indemnisation, les durées des prestations, les pratiques d'application, il y a des différences liées à l'âge de l'enfant, etc., etc.
Pour rappel, la loi suisse prévoit des prestations de 62 à 192 francs, pour deux semaines et pour un enfant jusqu'à 4 ans. Dans la loi genevoise, il est question d'une indemnisation jusqu'à 329 francs, pour une durée de seize semaines et pour un enfant jusqu'à 8 ans. Vu que le délai-cadre pour l'obtention des prestations est de douze mois, les caisses de compensation genevoises recevraient chaque mois - je répète: chaque mois - le décompte et la décision de la caisse fédérale de compensation. Sans oublier que les deux parents peuvent en bénéficier, selon un partage sur une base d'indemnisation consécutive ou isolée, et cela pourrait évidemment concerner plusieurs caisses, soit une caisse pour chacun des parents. En plus, le nombre de bénéficiaires touchés par cette loi est très très faible ! En 2020, ils étaient sept; en 2021, il y en a eu huit, trois pères et cinq mères; et en 2022, jusqu'à maintenant, il est seulement question de trois bénéficiaires.
Ce nouveau projet de loi augmenterait très très sensiblement les tâches et surtout les coûts pour les entreprises et évidemment aussi pour les caisses. La LAMat, soit l'assurance-maternité genevoise, date de 2001 et il est dommage de continuer à empiler des prestations diverses sans une fois les harmoniser. Il est aussi surprenant, vu la faible indemnisation moyenne par bénéficiaire, d'ailleurs évaluée à 19 500 francs, qu'aucun financement ne soit prévu ou même discuté - il n'a même pas été question du financement dans les discussions que nous avons eues en commission. Genève est certes le canton le plus progressiste et généreux pour les prestations maternité et d'adoption, mais nous sommes également, et de très loin, celui qui a l'administration la plus chère et la plus coûteuse du pays.
L'Union démocratique du centre déplore la continuelle création de nouvelles prestations et surtout l'augmentation linéaire de nos dépenses publiques. Pour les raisons évoquées, le troisième rapporteur de minorité vous propose de refuser ce projet de loi. Merci de votre attention.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Je tiens à préciser, en premier lieu, que nous parlons ce soir uniquement du congé d'adoption et non du congé maternité. Les uns et les autres ont tenté de créer la confusion entre les deux lors de leurs interventions; cette confusion n'a pas lieu d'être. Le PL 13177 ne concerne que l'adoption et rien d'autre - il n'est question ni du congé maternité ni du congé parental.
Un congé d'adoption existe déjà à Genève, et cela depuis 2001: le canton a ainsi été précurseur sur la question, en Suisse. Aujourd'hui, à la faveur de l'harmonisation de notre droit cantonal avec le nouveau droit fédéral, qui instaure dès le 1er janvier deux semaines de congé à se répartir entre les parents, nous avons la possibilité de faire preuve d'ouverture et de modernité en proposant que l'ensemble du congé d'adoption - soit seize semaines et non uniquement deux - puisse être réparti de manière souple entre les parents adoptifs.
Certes, l'adoption ne concerne qu'entre cinq et treize enfants par année à Genève, mais cette modification n'en est pas moins importante. Elle permet une vraie répartition des tâches entre les parents, dès l'arrivée de l'enfant, ce qui est profitable pour toute la famille. Les parents auront la possibilité de s'organiser de manière souple, ce qui est une avancée fondamentale pour que les deux parents puissent établir d'emblée un contact privilégié avec leur enfant. Il faut noter qu'il n'y a pas de coûts additionnels puisqu'il n'y aura pas plus de seize semaines de congé d'adoption, seize semaines qui existent aujourd'hui déjà. C'est uniquement la répartition du congé entre les parents qui pourrait changer si - et seulement si - les parents le souhaitent.
J'avoue mon incompréhension devant le fait qu'une minorité de la commission des affaires sociales n'ait pas voté en faveur de cette modification progressiste qui correspond pourtant aux demandes réitérées des parents. Pouvoir s'impliquer dans l'éducation des enfants dès leur arrivée est une chance qu'il ne faut pas laisser passer. Argumenter en disant que cela mettrait à mal l'assurance-maternité n'a pas de sens: le texte de la loi est parfaitement clair et fait une distinction explicite entre le congé maternité et le congé d'adoption.
L'occasion qui nous est donnée ici, ce soir, d'améliorer de façon notable les premières semaines de vie d'un enfant adoptif dans sa nouvelle famille est unique. Le groupe PLR vous invite à soutenir ce projet de loi sans hésitation et à refuser l'amendement général proposé par la rapporteure de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aborderai peut-être la question sous un angle un petit peu différent puisque tout ce qui est technique nous a été présenté. Adopter un enfant est souvent un long parcours, bien plus long que les neuf mois de la durée d'une grossesse. Cela demande un investissement alors que le dossier parcourt encore les méandres administratifs. En préambule, il faut démontrer une différence d'âge d'au moins seize ans et d'au plus quarante-cinq ans. D'autre part, et cela grâce à l'accompagnement d'un assistant social ou d'un psychologue, vous devez prouver que vous êtes capable de prendre en charge un enfant et son éducation de manière durable et appropriée. Et j'en passe ! Il faut donc de la patience et de la ténacité pour démontrer à quel point vous êtes prêt à vous engager, ainsi que toute l'énergie que vous déployez pour prouver que vous êtes capable d'aimer.
Harmoniser notre loi avec la loi fédérale est indispensable afin de permettre à tous les parents d'avoir le même congé lorsque l'enfant arrive. Pour ce qui est de la possibilité de partager ce congé entre les parents, le groupe PDC-Le Centre relève que le département met en avant, entre autres, la complexité liée au traitement financier de cette assurance. Mais est-ce que la complexité est une limite insurmontable ? Le groupe PDC-Le Centre est persuadé que ce qui est complexe, c'est parfois de mobiliser les acteurs administratifs. Quant aux entreprises, qui semblent être aussi au coeur des préoccupations des opposants à ce texte, le PDC-Le Centre espère que cette sollicitude se maintiendra au-delà de ce projet de loi. Parlons de la crainte de la répartition: permettre aux parents de se déterminer, en bref d'avoir la liberté de s'organiser selon leurs propres contraintes, permettra de mettre au centre l'enfant tant attendu.
En conclusion, je reprendrai les mots du rapporteur de majorité - même si je ne fais aucune différence entre enfant adopté ou non, parce qu'un enfant n'a qu'un seul statut: c'est d'être un enfant. Le faible nombre d'enfants accueillis via une adoption ne devrait pas... cela ne devait pas être une raison pour refuser le projet de loi... Voilà. (Remarque.) Oui ! Un enfant mérite de bénéficier, lors de son accueil, de la présence de ses deux parents, si tel est le cas, et cela dans le cadre du congé d'adoption tel qu'il vous a été exposé tant par le rapporteur de majorité que par Mme la députée Véronique Kämpfen. C'est la raison pour laquelle le PDC-Le Centre soutiendra ce projet de loi et refusera l'amendement général proposé. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'avoue que je suis un peu ébahi de ce débat, parce qu'on parle bien d'une loi d'harmonisation avec le droit fédéral: cela devrait réunir l'ensemble de ce Grand Conseil, or je vois qu'une fois de plus, comme chaque fois qu'un projet de ce type, d'harmonisation est présenté, certains évidemment s'y opposent - je l'ai entendu tout à l'heure - et d'autres veulent charger le bateau ! Allez, toujours plus !
Une voix. «No limit» !
M. Daniel Sormanni. «No limit», exactement ! (Rires. Remarque.) Eh oui ! D'autant plus que là, il s'agit quand même des cotisations des employeurs, et je crois qu'on doit simplement savoir raison garder. Le MCG soutiendra cette loi qui est effectivement une bonne loi; elle assure l'harmonisation, elle donne droit à ce congé d'adoption, et je pense que c'est une bonne raison pour le faire. Nous refuserons donc bien évidemment tout amendement, toute surenchère, nous voterons cette loi et nous vous invitons à en faire de même.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Monsieur le président, vous voudrez bien transmettre à M. Sormanni que l'amendement général consiste en réalité à revenir au projet de loi d'origine et précisément à ne rien y rajouter ! Mais ça, c'était juste pour l'amour de l'art.
Cela étant, pour ce qui est de mon groupe, nous nous refuserons à être complices d'une pseudo-modernité. A vrai dire, j'ai l'impression de me retrouver dans les débats sur AVS 21, lorsque les tenants d'une augmentation de l'âge de la retraite des femmes se faisaient tout d'un coup les champions de l'égalité. Comme quoi l'égalité, c'était augmenter l'âge de la retraite des femmes et non se demander si ça n'aurait pas éventuellement été d'abaisser celui de la retraite des hommes ! En ce qui concerne le projet de loi qui nous intéresse, si ceux qui s'apprêtent à le voter voulaient réellement améliorer le congé d'adoption, eh bien il fallait augmenter la durée de ce congé, pas le partager en deux ! C'est ce que vous êtes en train de faire, Mesdames et Messieurs de la majorité - c'est bien de ça qu'il s'agit ! Si aujourd'hui on veut aller plus loin, alors posons réellement la question d'un congé parental, mais ne remettons pas en cause les acquis.
Quant à dire que nous n'avons pas compris et que nous créons une confusion, permettez-moi quand même de rappeler que nous sommes dans le cadre de la LAMat ! C'est bien là que figurent les principes fondateurs de la durée du congé maternité et d'adoption, et vous êtes en train de changer la durée du congé d'adoption pour chacun de ses bénéficiaires. Qui vous empêchera demain, par symétrie, de faire la même chose pour le congé maternité ? Ne venez pas nous dire que nous inventons des problèmes là où il n'y en a pas: aujourd'hui, vous enfoncez un coin dans le principe du congé maternité et cela est particulièrement dommageable !
Quant à la sollicitude à l'égard des entreprises, dont on souhaiterait que nous l'ayons en permanence, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de dire que vous nous trouverez à vos côtés pour défendre les notions de justice, d'intégrité, et le respect des droits des travailleurs ! Et là, nous n'aurons effectivement pas de problème à défendre les entreprises. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En revanche, lorsqu'il s'agit de créer des usines à gaz qui vont engendrer des complications préjudiciables non seulement pour les entreprises mais qui plus est pour les employés, eh bien là, nous ne serons pas avec vous ! Je vous réitère donc mon invitation à revenir au projet de loi d'origine, car aujourd'hui, soit vous en êtes conscients et, franchement, je vous en imputerai la culpabilité à tout moment... (L'oratrice rit.)
Le président. Il vous faut conclure, Madame la rapporteuse.
Mme Jocelyne Haller. ...soit vous n'avez pas bien saisi et c'est bien dommage. Je vous invite donc à renoncer à modifier le projet de loi initial et à accepter l'amendement général qui vous est proposé.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le débat a été en partie clair et en partie confus. Ce n'est pas du fait des rapports de minorité, mais des amendements votés en commission; Madame Kämpfen, Monsieur Sormanni, vos prises de parole l'ont indirectement montré - je ne suis pas certain que tous les députés aient bien saisi l'enjeu ce soir, ni sur quoi on vote ni le potentiel impact de cette décision, notamment sur la LAMat. Contrairement à ce que dit Mme Kämpfen, il s'agit d'une seule et même loi: il y a certes un congé d'adoption et un congé maternité, mais les deux figurent dans la même loi. Par symétrie, il se pourrait que le fractionnement du congé d'adoption ait un impact et remette en question les acquis - certains au PLR le souhaitent fortement et ils l'ont dit: il pourrait amener à diminuer la durée du congé voire à le réduire à néant, ou tout au moins à deux semaines comme le congé d'adoption. Le risque existe et c'est dangereux.
Monsieur Sormanni, le projet de loi a été amendé lourdement en commission; donc la seule manière pour que ce soit une adoption simple du droit fédéral - si c'est ce que vous voulez -, c'est que vous votiez l'amendement de retour au texte initial et par conséquent que vous refusiez le texte amendé sorti de commission ! La confusion est née de ce texte amendé qui nous emmène dans un aventurisme risqué, pour un gain qui n'est pas du tout progressiste: en fait, Mme Haller l'a dit, il divise simplement par deux l'existant - il rabote donc un potentiel - au lieu d'augmenter le congé d'adoption. Et par ricochet se pose la question d'un vrai congé parental de seize semaines pour les mères et de seize semaines pour le deuxième parent. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de troisième minorité. Je rappelle que je ne suis pas le seul à avoir parlé d'augmentation de l'administration, d'augmentation des coûts et même d'usine à gaz, et je me permets de rappeler que tout ça est prévu pour trois bénéficiaires en 2022 ! Je répète: on parle d'usine à gaz - je ne suis pas le seul à le dire - et tout ça pour trois et trois seuls bénéficiaires en 2022.
Maintenant, pour ce qui concerne l'amendement général, je propose de le refuser, parce qu'il voudrait abolir au moins une chose qui est à peu près positive, je le reconnais, dans ce projet de loi, et c'est qu'on parle de partage des responsabilités entre les personnes qui adopteraient un enfant: elles auraient une petite latitude et pourraient décider entre elles de la manière dont se répartir ces indemnités. Et ça, je trouve que c'est positif; ce n'est pas toujours l'Etat qui doit fixer les limites, ce n'est pas toujours à l'Etat de dire que tel ou tel a droit à seize semaines. Il y a donc normalement seize semaines de congé; dans le cas présent - je vous donne un cas concret -, la femme pourrait avoir soit deux semaines de plus soit deux semaines de moins et ce serait compensé par l'autre personne. Je trouve cette flexibilité positive et, pour cette raison, je propose de refuser l'amendement. Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je crois qu'on fait un faux procès aux partis qui ont décidé de soutenir ce texte amendé en commission, parce que tout tourne autour des seize semaines du congé maternité, pour les femmes, qui figurent dans la loi. Alors nous le disons clairement ici: le PDC-Le Centre ne remettra jamais en question les seize semaines ! Les seize semaines sont acquises; il n'y aura ni quatorze semaines, ni treize, ni douze ! Nous parlons ici de tout autre chose: d'un projet commun, entre deux personnes, d'adoption d'un enfant et de la possibilité pour elles de se répartir le temps du congé. C'est vraiment novateur et il faut aller dans ce sens. Je vous remercie.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Je m'associe pleinement aux propos de M. Buchs, et je tenais à préciser qu'on parle en effet de la LAMat. Mais c'est une abréviation, n'est-ce pas, puisque la loi s'intitule «loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption». La LAMat traite de fait des deux, et cela dans deux chapitres bien distincts. Ce n'est pas parce qu'on modifie l'un des chapitres que cela aura forcément et de manière automatique une influence sur l'autre: comme le dit M. Buchs, il faut effectivement faire une distinction claire entre le congé maternité et le congé d'adoption. Et c'est ce que nous faisons ici ce soir. Merci beaucoup.
Une voix. Bravo.
M. Didier Bonny (Ve), rapporteur de majorité. Tout d'abord, j'aimerais que vous transmettiez à Mme Haller, Monsieur le président, même si elle est juste à côté de moi... (L'orateur rit. Rires.) ...que nous avons eu ce débat en commission; nous n'étions pas d'accord quant à la différence entre le congé d'adoption et le congé maternité. J'ai essayé de défendre que ce n'est pas la même chose, à mon sens, puisque le congé maternité, c'est pour se remettre de la grossesse et de l'accouchement, et éventuellement aussi pour allaiter. Le congé d'adoption n'est pas là pour se remettre d'une grossesse et d'un accouchement, ni pour allaiter. Pour moi, il s'agit donc de deux choses différentes: de ce fait, oui, on peut s'autoriser à partager le congé d'adoption puisque ce n'est pas la même chose que le congé maternité. Et c'est là-dessus qu'on s'oppose.
En fait, ce projet de loi n'est pas compliqué ! Le rapporteur de deuxième minorité dit qu'il a été «amendé lourdement»: il y a un amendement... (L'orateur insiste sur le mot «un».) ...qui demande simplement qu'on puisse partager le congé d'adoption si on le souhaite ! C'est tout ! On vote juste là-dessus !
On arrive au terme des débats. J'ai entendu de la part de celles et ceux qui s'opposent au projet de loi tel qu'il est sorti de la commission: aventurisme, craintes, risques, argent, problèmes pour les caisses, entreprises, catastrophe, etc. ! Mais je n'ai pas entendu parler - peut-être que je n'ai pas voulu entendre, c'est une possibilité - de l'intérêt de l'enfant ! Absolument pas ! (Applaudissements. Remarque.) Et si cet amendement a été proposé, c'est dans ce but-là ! C'est pour qu'un enfant qui a été adopté puisse être accueilli le mieux possible au sein de sa famille, ni plus ni moins ! Et c'est pour ça, comme je l'ai dit tout à l'heure en terminant mon intervention, que ce projet de loi devrait être voté bien au-delà des partis qui ont soutenu cette proposition en commission. Merci. (Applaudissements.)
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est vrai que ce projet de loi aurait pu être simple. Il l'aurait pu, parce que la loi fédérale demande simplement au canton de mettre en oeuvre les dispositions votées par les Chambres. Il aurait pu aussi amener des économies en matière d'administratif, tant pour les employés que pour les employeurs; la majorité de la commission n'en veut pas, et effectivement, cela m'étonne, puisque le gouvernement est régulièrement accusé de faire continuellement gonfler les frais administratifs.
S'il y a une vraie volonté du parlement de travailler sur un réel congé parental, qu'il soit pour une naissance ou pour une adoption, alors c'est vrai, ce projet de loi n'est pas le bon outil: il faut utiliser l'IN 184 - c'est dans le cadre de cette initiative, si elle est adoptée par le peuple, que les travaux parlementaires pour sa mise en oeuvre pourront pleinement se déployer. Décider si l'un ou l'autre des parents peut ou doit prendre des congés supplémentaires, juste comme ça, par la petite porte, n'est pas à mon sens la bonne manière de procéder. La commission a fait un choix différent.
Le projet initial du Conseil d'Etat avait non seulement le mérite d'être simple, mais aussi d'éviter les surindemnisations des personnes concernées tout en échappant évidemment aux complexifications administratives, très peu utiles dans le système. Le texte amendé par la majorité de la commission introduit la possibilité pour les parents adoptifs de partager ce congé, ce qui engendrera, le rapporteur de troisième minorité l'a dit, des charges administratives supplémentaires, notamment pour les caisses de compensation. Cette charge administrative a quand même été un tout petit peu amoindrie puisque, à la teneur des amendements adoptés par la majorité de la commission, l'indemnisation des parents concernés par ce congé d'adoption se fera non pas sur la base de jours indemnisés mais de semaines.
Le gouvernement mettra évidemment cette loi en oeuvre. Nous en avons besoin pour le 1er janvier 2023; c'est pourquoi nous serons très attentifs au vote de cet objet par votre parlement. Et j'ai de la peine à suivre le rapporteur de troisième minorité qui refuse tant la loi que l'amendement général alors qu'on doit intégrer la loi fédérale dans notre législation cantonale. Je ne peux qu'inviter le groupe UDC à faire un choix, celui évidemment de... celui qui a sa préférence: soit il estime qu'il souhaite un projet de loi simple et il revient à ce moment-là au texte initial de l'exécutif en votant l'amendement général déposé par les première et deuxième minorités, soit il souhaite entrer dans le débat proposé par le rapporteur de majorité et il y a à ce moment-là une avancée, nous dit-on, des droits. Mais il faut effectivement que le groupe UDC fasse un choix, et il doit le faire maintenant.
Le Conseil d'Etat, je l'ai dit, mettra en oeuvre la loi décidée par le parlement. Il vous invite à revenir à quelque chose de simple et à préférer un débat de fond dans le cadre de l'IN 184.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13177 est adopté en premier débat par 83 oui contre 7 non.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général déposé par Mme Jocelyne Haller et M. Sylvain Thévoz, qui a pour objectif de revenir au projet de loi initial du Conseil d'Etat.
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 68 non contre 23 oui.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 3 (soulignés).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13177 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 76 oui contre 15 non et 1 abstention (vote nominal).