République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 septembre 2022 à 20h30
2e législature - 5e année - 4e session - 24e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: M. Serge Dal Busco et Mme Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Diane Barbier-Mueller, Jacques Béné, Thierry Cerutti, Jennifer Conti, Sophie Desbiolles, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, Véronique Kämpfen, Eric Leyvraz, David Martin, Philippe Morel, Youniss Mussa, Vincent Subilia et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Anne Bonvin Bonfanti, Rémy Burri, Gilbert Catelain, Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Xavier Magnin, Corinne Müller Sontag, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Judith Lévy Owczarczak, Mme Rita Sethi-Karam, Mme Karin Wirthner Zinggeler et M. Patrick Udry.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous reprenons le traitement des points fixes et nous commençons par l'IN 181-B, classée en catégorie II, cinquante minutes. Le rapport de majorité est de M. Jacques Béné, remplacé par M. Serge Hiltpold. Le rapport de minorité est de M. Pierre Eckert. Est-ce que les rapporteurs souhaitent prendre la parole ? (Un instant s'écoule.) Je cède le micro au rapporteur de majorité, M. Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la commission de l'économie a traité cette initiative et un éventuel contreprojet assez récemment. Je vais vous communiquer les principales conclusions de nos travaux.
Sous couvert de la transition énergétique, de l'employabilité et de la baisse du taux de chômage, cette initiative vise en fait à générer des milliers d'emplois publics, alors que nous avons une fonction publique relativement pléthorique en comparaison intercantonale. Je prends les chiffres du rapport BAK, que nous avons aussi étudié dans ce plénum du Grand Conseil et à la commission des finances: les charges du canton de Genève sont de 62% supérieures à celles de la moyenne des autres cantons suisses. Contrairement à ce que les auteurs de l'initiative soutiennent, ce texte n'est pas «relativement modeste», puisque l'enveloppe budgétaire estimée représente - selon les auteurs - 100 millions de francs par année, et cela de manière pérenne étant donné que l'initiative ne prévoit pas de date de fin.
Seul un taux de chômage de 0% - ce qui est pratiquement impossible - permettrait de stopper ce processus de création de postes. Si le taux de chômage se maintient au niveau actuel ces prochaines années, le montant cumulé des créations de postes à l'Etat représentera, avec cette initiative, 4,5 milliards de francs au bout de dix ans, soit près de 50% d'augmentation du budget annuel cantonal pour 10 000 emplois publics cumulés supplémentaires ! Ça correspond grosso modo à une ville; dans dix ans, on a l'équivalent d'une ville de fonctionnaires.
La majorité de la commission de l'économie est tout à fait consciente que la transition énergétique est l'affaire de tous et que l'effort doit être partagé, mais la pertinence de la création de postes au sein même de l'Etat, dans une telle proportion, pour réduire le taux de chômage - qui, selon les auteurs de l'initiative, devrait augmenter - n'est pas démontrée. A titre personnel, je note aussi une vision de notre situation économique, à Genève, presque digne d'un roman de Zola, avec Gervaise et Coupeau, alors que nous avons fait preuve de beaucoup de résilience grâce à des mesures ciblées dans le cadre de la problématique du covid.
Beaucoup d'emplois créés à Genève ne répondent malheureusement pas au profil des demandeurs d'emploi, et c'est là que réside le vrai problème. Ce chômage est structurel et touche des personnes ayant peu ou quasiment pas de qualifications; ce sont des emplois à faible ou moyenne valeur ajoutée. La formation et la facilitation des reconversions professionnelles doivent être privilégiées, en partenariat avec le monde des entreprises: celles-ci sont les mieux à même de définir les besoins de leur secteur d'activité. En ce sens, la task force employabilité mise en place par l'Etat devrait ouvrir, nous l'espérons, des pistes prometteuses pour l'avenir. Cette task force rejoint les partenaires que sont les entreprises et l'Etat, et il y a différentes mesures d'employabilité qu'on peut activer, notamment avec des commissions paritaires, la FFPC et l'OFPC. Et ce qu'on peut noter, en tout cas du point de vue de la majorité, c'est qu'il y a vraiment une crainte par rapport au monde de l'économie alors qu'en fait le monde de l'économie fonctionne relativement bien - et ça, je n'ai pas honte de le dire.
Le marché de l'emploi est dynamique. Preuve en est que le canton offre près de 400 000 emplois pour seulement 240 000 actifs; la proportion est vraiment de l'ordre du simple au double. Le problème ne tient donc pas à la création d'emplois, mais plutôt au fait que la demande ne correspond pas à l'offre ! Le système proposé par cette initiative est d'autant plus pervers que la situation économique se dégrade. En fait, plus on perd d'emplois privés et plus l'Etat se renforce en créant des emplois publics ! On renforce l'appareil étatique alors que pour créer et partager des richesses, il faut les produire ! C'est ce que font les entreprises de ce canton, qu'il faut accompagner, stimuler, pour qu'elles génèrent des emplois d'avenir et que toute la société puisse participer à la transition énergétique - soit une symétrie des efforts. L'économie planifiée, telle que souhaitée par cette initiative, n'est clairement pas la solution.
J'en viens à la durée du travail: notre pays et notre canton doivent faire face à des défis très importants dans un contexte global de mondialisation. Pour mémoire, nous sommes une industrie exportatrice en majeure partie; il faut vendre nos produits à l'étranger avec un coût de main-d'oeuvre, certes très qualifiée, qui est très onéreux. Le fait de réduire la semaine à 32 heures va augmenter le coût du travail de 30% ! Ce qui est franchement diabolique quand vous devez faire face aux défis qui vont se présenter en 2023, avec l'approvisionnement en matières premières, l'énergie, le coût du travail. Ce sont des problématiques difficiles qu'il ne faut absolument pas mettre de côté. On a aussi des salaires élevés, mais en adéquation avec le temps de travail, qui est adapté.
Pour toutes ces raisons, et j'y reviendrai peut-être ultérieurement, la majorité de la commission de l'économie refuse l'initiative et refuse aussi, clairement, le principe d'un contreprojet: le contreprojet n'est pas du tout dans l'esprit de cette initiative. En fait, le contreprojet, c'est déjà ce qui se passe maintenant - à savoir une task force employabilité, le partenariat social, la dynamique entre les entreprises et l'Etat, les partenaires sociaux; je vous invite donc à refuser le principe d'un contreprojet. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne suis pas forcément ici pour défendre l'initiative, mais plutôt l'idée d'un contreprojet. Cependant, j'aimerais quand même dire deux mots sur l'initiative, qui demande de créer un certain nombre d'emplois sociaux et écologiques et de réduire la durée du travail. C'est ce qu'on appelle l'«initiative 1000 emplois»; elle part du principe que la crise climatique demandera d'importants investissements afin de réaliser la transition vers des énergies décarbonées prévue dans le plan climat 2030. De nombreux nouveaux emplois, des métiers anciens et nouveaux, seront nécessaires afin de mettre en oeuvre ces investissements.
De plus, on peut aussi considérer que les diverses vagues du covid-19 ont démontré la fragilité du système de santé: il a tenu le coup, mais en entraînant une surcharge dangereuse pour le personnel de santé. Cet état de fait est malheureusement appelé à perdurer, non seulement du fait de la multiplication des infections virales mais aussi à cause du vieillissement de la population. Dès lors, il faudra globalement quand même créer un certain nombre d'emplois publics.
Cette initiative propose donc de créer mille emplois par an dans les domaines précités, au sein des collectivités publiques cantonales et municipales, des établissements subventionnés ainsi que des institutions publiques et privées à but non lucratif poursuivant des buts d'intérêt public. On le voit, l'Etat - le petit Etat - n'est pas le seul concerné par cette initiative et il ne faut donc pas non plus exagérer les objectifs. Bien entendu, cela a été dit, ces emplois doivent être créés pour autant que le taux de chômage moyen de l'année précédente soit de 5%. L'initiative encourage également, le rapporteur de majorité l'a dit, à réduire le temps de travail à 32 heures par semaine afin de maintenir les emplois et de créer de nouveaux postes.
Les Vertes et les Verts ont soutenu cette initiative depuis son lancement et nous allons très clairement continuer à en soutenir les objectifs. Nous sommes toutefois conscients que cette initiative, ainsi que constaté dans le rapport du Conseil d'Etat, présente un certain nombre de faiblesses. Tout d'abord, en tant que Verts, il ne nous semble pas qu'il faille attendre que le taux de chômage dépasse un certain seuil pour que l'Etat s'engage pleinement dans la transition énergétique et dans la santé. D'autre part, nous estimons que l'économie privée doit également jouer son rôle dans ces domaines, plus particulièrement pour ce qui est de la transition énergétique - sur ce point, je vais très volontiers dans le sens du rapporteur de majorité.
Nous appuyons ici, je vous l'ai dit en introduction, le principe d'un contreprojet qui aurait pour buts de soutenir la création d'emplois dans les domaines utiles à la transition vers la durabilité, de renforcer les formations initiales et continues - soit ce qu'on appelle l'employabilité - des travailleuses et des travailleurs et de faciliter l'accès à l'emploi. Le contreprojet devrait conserver les principaux objectifs de l'initiative, à savoir de réduire le taux de chômage et de favoriser les emplois dans des secteurs qui répondent aux besoins de la population et aux objectifs du développement durable, mais par le biais de moyens différents.
Il s'agit notamment d'encourager la qualification et la requalification des demandeurs d'emploi. Il faut à cette fin utiliser la période de chômage comme une opportunité en matière de qualification ou de requalification et cibler les secteurs confrontés à des pénuries pour proposer en priorité des formations dans ceux où il y a des objectifs de développement durable; les emplois en résultant se trouvent principalement dans le privé. Il faut ainsi assurer un revenu aux personnes au chômage entreprenant une formation dans ces domaines.
Il faut aussi réussir à proposer ces formations assez tôt - c'est un des éléments importants qu'on pourrait placer dans un contreprojet - et non attendre le couperet de la fin de droit pour permettre aux personnes au chômage d'accéder à un certain nombre de formations. Un financement à cet effet, subsidiaire à toutes autres possibilités, pourrait être prévu dans le contreprojet. La mise en place de ce type de projet se ferait principalement au niveau de la loi cantonale en matière de chômage et non dans la loi sur le développement économique, mais d'autres lois pourraient être touchées.
L'élaboration d'un contreprojet permettrait à l'ensemble des partenaires - Etat, syndicats, milieux patronaux - d'élaborer un projet commun, de la même façon que cela avait été réalisé avec succès pour l'inspection paritaire des entreprises. Ce projet commun permettrait au canton d'aborder favorablement les défis de la première moitié de ce siècle. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, notre groupe déplore que le Conseil d'Etat, dont une majorité des membres appartiennent à des partis qui ont soutenu cette initiative et récolté des signatures en sa faveur, appelle le Grand Conseil à refuser l'IN 181. Nous dénonçons également le «bottage» en touche qui consiste à se déclarer disposé à moderniser dans un premier temps la loi cantonale en matière de chômage puis, dans un deuxième temps, à développer à terme la formation - en soi, deux bonnes nouvelles, mais ces réalisations ne répondent pas aux termes de l'IN 181, qui prétend faire face à bien d'autres impératifs.
Il est navrant de constater que, pour dénigrer l'initiative, on utilise l'argument que la création d'emplois ne suffira pas à elle seule pour réduire le chômage. Comme si on avait affirmé dans l'initiative que cela pouvait suffire ! Comme si on ne défendait pas dans l'initiative même le développement de la formation, non seulement pour répondre aux exigences de la transformation des métiers et de l'évolution des besoins en matière de transition énergétique - des besoins aussi bien sociaux que dans les soins à la personne -, mais également pour une meilleure adaptation de l'offre d'emploi à la demande !
La question de la formation sera abordée plus tard par mon collègue Jean Burgermeister. Pour ce qui concerne l'initiative, notre groupe réaffirme son attachement à une proposition permettant de sortir de la résignation face à un taux de chômage parmi les plus élevés de Suisse, un taux occultant encore et toujours une grande partie de la réalité du chômage et du sous-emploi. Cette initiative permet d'agir sur le chômage structurel, non seulement en prenant mieux en considération l'évolution du marché du travail et les besoins de la population sur le plan de la transition énergétique et de la demande, croissante, en soins et prestations à la personne, mais aussi en avançant l'idée de favoriser un meilleur partage du temps de travail par la réduction de l'horaire hebdomadaire à 32 heures, sans réduction de salaire.
Accepter l'IN 181, c'est prendre en considération la nécessité de changer de cap face aux crises économique, sociale, climatique et sanitaire auxquelles nous sommes régulièrement confrontés et qui connaissent actuellement des pics particulièrement alarmants. L'initiative, en proposant des postes de travail stables, constitue de surcroît un rempart contre la flexibilisation et la précarisation de l'emploi. En outre, elle permet non seulement de mettre à l'ordre du jour une accélération de la transition vers une société durable et des modes de consommation et de production plus respectueux du climat, mais elle présente surtout les moyens de réaliser ces objectifs. L'initiative avance aussi les moyens de faire face aux défis de l'évolution démographique de notre canton, au vieillissement de la population et à l'évolution des besoins sociaux de cette dernière.
En demandant la création d'emplois écologiques et sociaux, l'initiative permettra nombre de reconversions professionnelles, mais aussi l'apparition de nouveaux métiers. Elle favorisera par ailleurs la professionnalisation des métiers du «care», ce secteur d'activité qui s'est développé sans état d'âme sur le dos des proches aidants et aidantes, et cela particulièrement au détriment des femmes, qui y ont sacrifié une partie de leur vie professionnelle, au prix, soit dit en passant, de leur prévoyance sociale au moment de la retraite.
Aujourd'hui, il faut changer de cap. Il faut aborder avec détermination et courage le défi énergétique et sociétal. L'Etat doit donner une impulsion forte; il doit ouvrir la voie à cette transformation significative du marché de l'emploi dans notre canton - il doit, surtout, donner l'exemple ! Il a en cela une responsabilité majeure. C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter l'IN 181, voire à soutenir un contreprojet si finalement il devait en apparaître un, mais pour autant que celui-ci ne dénature pas les intentions des initiants. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Cette initiative propose de créer mille emplois sociaux et écologiques par année et de réduire la durée de travail dans l'économie privée. Ce projet est une utopie et créerait, en cas d'acceptation, un véritable désastre. Si le taux de chômage de l'année précédente est de 5%, les initiants voudraient créer mille emplois par année, chaque année, dans les collectivités publiques et dans des structures à but non lucratif. Le budget minimum serait de 100 millions par année, soit 100 000 francs par emploi et par an. Comme déjà dit, aucune échéance n'est prévue dans ce projet.
Pour compléter l'utopie, les initiants encouragent la réduction du temps de travail dans le secteur privé et voudraient arriver, d'ici 2030, à la semaine de 32 heures pour un plein temps. Bref, le secteur qui crée de la richesse devrait se réduire drastiquement et la fonction publique devenir de plus en plus coûteuse et dépensière !
Il faut aussi rappeler aux initiants que Genève a aujourd'hui 400 000 emplois, ou 336 000 équivalents plein temps, dont plus de 300 000 emplois dans l'économie privée, et tout ça pour environ 240 000 personnes actives habitant à Genève. Notre économie crée de très nombreux emplois et cette initiative rate totalement sa cible. Pour la réduction du temps de travail, regardons l'exemple français avec les 32 heures par semaine.
Des voix. 35 ! (Commentaires.)
M. André Pfeffer. En 2022, le SMIC français est de 1679 euros brut par mois et le salaire moyen de 2275 euros brut par mois. En comparaison, le salaire médian à Genève est trois fois supérieur à celui des Français et le salaire médian de la fonction publique genevoise plus de quatre fois supérieur.
Le groupe UDC refusera ce texte, qui est en dehors de toute réalité, et s'opposera à tout éventuel contreprojet. Merci de votre attention.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative et les lignes directrices du contreprojet présenté en commission pointent du doigt deux questions centrales: l'organisation du travail, et cela dans un monde confronté à l'accélération du changement climatique. Au vu de l'urgence, il est plus que temps de repenser les fondamentaux du marché de l'emploi - temps d'investir dans la transition écologique en formant aux métiers de demain, de renforcer les compétences tout au long de la vie, de trouver des mécanismes pour valoriser les savoirs et savoir-faire présents dans notre population. Il est temps de réduire la durée du travail rémunéré pour permettre la conciliation des vies - réduire la durée du travail rémunéré pour mieux répartir l'emploi.
Certaines entreprises testent d'ailleurs avec succès la semaine de quatre jours à plein temps; cela montre bien que des solutions sont envisageables et qu'une partie de l'économie l'a compris. Au vu de la pénurie actuelle dans certains secteurs et du besoin de main-d'oeuvre dans les secteurs qui permettront la transition énergétique et climatique, Mesdames et Messieurs les députés, c'est maintenant qu'il s'agit d'investir. Il est temps également de valoriser et de protéger les emplois utiles et nécessaires, notamment dans les soins et le social; temps aussi de réinvestir les forces de travail qui seront - ou sont déjà - libérées par la robotisation dans des emplois nécessaires à la transition et qui valorisent la main-d'oeuvre humaine.
Cette initiative donne le ton et nous regrettons vivement que l'idée même d'un contreprojet ait été complètement balayée en commission: les solutions ne tomberont pas du ciel. La task force employabilité est en train de faire son travail et ses résultats auraient pu amener des propositions concrètes qui auraient pu nous rassembler. Vous l'aurez compris, le groupe socialiste soutient l'initiative et soutiendra également l'idée d'un contreprojet. Merci. (Applaudissements.)
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais m'adresser au Conseil d'Etat. Nous avons une disposition constitutionnelle à l'article 60, intitulé «Examen de la validité»; l'alinéa 1 dit que «la validité de l'initiative est examinée par le Conseil d'Etat». Je saute l'alinéa 2 pour passer aux alinéas 3 et 4:
«3 L'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière est scindée ou déclarée partiellement nulle, selon que ses différentes parties sont en elles-mêmes valides ou non. A défaut, ou si le non-respect de l'unité de la matière était manifeste d'emblée, l'initiative est déclarée nulle.
4 L'initiative dont une partie n'est pas conforme au droit est déclarée partiellement nulle si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides. A défaut, l'initiative est déclarée nulle.»
Mesdames et Messieurs, nous avons là une initiative populaire structurée en trois parties - en trois articles. L'article 1A énonce un certain nombre de principes - je ne vais pas me prononcer sur le fond: le côté économie planifiée a déjà été fort bien décrit par M. Hiltpold -, l'article 1B prévoit ce mécanisme fort curieux, dépensier, qu'on va léguer aux générations futures, et puis l'article 1C propose d'instaurer la semaine de 32 heures ! En d'autres termes, on se retrouverait avec une semaine de travail qui compterait huit heures de moins mais pour le même salaire; mathématiquement, cela représente une augmentation des salaires de 20%. Notre économie et nos contribuables apprécieront.
Cela étant dit, nous avons ici des articles d'un même texte d'initiative qui abordent deux choses très différentes, Mesdames et Messieurs: d'un côté, on a la création d'emplois et de l'autre, cette semaine de 32 heures. Le principe de l'unité de la matière n'est pas respecté, et ce de manière manifeste. Le Conseil d'Etat a donc violé l'article 60 de la constitution cantonale puisqu'il aurait dû scinder cette initiative en deux parties, l'une consacrée à la création d'emplois et l'autre à ces 32 heures.
J'en viens maintenant à la question de ces 32 heures. Les cantons ne sont pas compétents pour fixer la durée de travail: c'est le droit fédéral, plus précisément la loi sur le travail et ses ordonnances d'application, qui le fait. L'article 1C est donc contraire au droit fédéral. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, indépendamment du fait d'être d'accord ou non avec l'initiative, ce texte pose en réalité un sérieux problème juridique - problème juridique que le Conseil d'Etat s'est bien gardé d'examiner, ne serait-ce que dans le but, probablement, de se présenter sur la scène politico-médiatique et de brandir les qualités d'un supposé contreprojet dont on se réjouit de voir les contours.
Mesdames et Messieurs, et je m'adresse en particulier au Conseil d'Etat, vous n'avez malheureusement pas fait votre travail. Vous avez violé l'article 60 de la constitution cantonale; cette initiative aurait dû être déclarée nulle et c'est aussi pour cette raison que le parlement doit siffler la récréation... (Commentaires.) ...siffler la fin de la récréation et voter tant contre l'initiative que contre le principe même d'un contreprojet. Nous ne sommes pas en France... (Protestations. Remarque.) ...nous avons déjà singé le salaire minimum; nous en verrons les effets désastreux lorsque celui-ci deviendra le salaire de référence. Pour l'amour du ciel, n'allons surtout pas dans la direction des 35 heures: c'est exactement ce qui a créé le chômage massif que connaît la France ! (Protestations.) Epargnons cela aux Genevois, je vous en prie ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de cette initiative, on a parlé d'emplois et de l'économie, mais les emplois prévus dans ce texte ne sont pas pour l'économie ! Ils sont créés pour «les collectivités publiques cantonale et municipales, les établissements subventionnés et les institutions publiques et privées, à but non lucratif, poursuivant des buts d'intérêt public». On veut donc - dans un souci louable, naturellement - trouver des jobs pour les chômeurs en les insérant dans la structure du canton de Genève, que nous connaissons bien évidemment puisque nous sommes sur le point de discuter du budget à venir.
Pour ceux qui n'auraient pas compris l'ampleur des mesures: leur coût s'élève à 100 millions par an. Si vous faites quatre colonnes et que vous additionnez les montants - 100 millions, 200, 300, 400, parce que ça se cumule -, on arrive à un milliard en quatre ans ! C'est la réalité, si par hypothèse le chômage reste au niveau actuel. Si au moins ça permettait de régler le problème, on pourrait éventuellement envisager d'en parler, mais les exposés que nous avons eus lors des discussions de commission ne nous ont fait voir que le coût et les problèmes. Et l'Etat l'a confirmé: il y a un écart, à Genève, entre les profils des chômeurs et les postes à repourvoir dans l'économie; ils ne coïncident pas. La question qui se pose, c'est bien évidemment: que faut-il faire ?
Pourquoi sommes-nous opposés à un contreprojet ? Parce que le contreprojet serait tellement éloigné de l'initiative qu'il n'aurait finalement pas de sens; c'est la raison pour laquelle nous le refusons. De quoi était-il question dans le contreprojet ? De formation professionnelle, de réinsertion, d'aides, de subventions et autres - toutes choses dont nous sommes prêts à discuter, mais pas de cette façon, en mettant un accent maximal, à coups de centaines de millions, sur des postes dont la nécessité resterait à prouver, s'agissant de l'usage que l'Etat pourrait en faire.
Quant à la semaine de 32 heures, c'est quelque part la cerise sur le gâteau, parce que la mesure apparaît en fin d'initiative, mais elle a un coût absolument gigantesque et vous le savez fort bien. Si on entre en matière là-dessus, il n'y aura pas que l'Etat qui sera concerné: toute l'économie genevoise le sera. On l'a dit, le coût du travail augmenterait de 20% - je ne vois pas comment on pourrait s'en sortir.
Le parti démocrate-chrétien, compte tenu de toutes ces considérations, s'opposera à l'initiative et au contreprojet, parce que tel qu'envisagé - très éloigné de l'initiative -, il n'apporterait absolument rien; nous préférons par conséquent refuser l'idée. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Cette initiative promet des emplois - des emplois pour qui ? Pas pour les Genevois... (Rires. Remarque.) ...mais pour des frontaliers. (Rires. Commentaires.) Pour les frontaliers ! (L'orateur insiste sur le mot «les».) La progression du nombre d'emplois à Genève au cours de ces dernières années a bénéficié en grande partie - pour ne pas dire presque exclusivement - aux travailleurs frontaliers.
Il est vrai que l'initiative a raison sur un point: le chômage est excessif à Genève. Il faut toutefois oser dire les vrais chiffres du chômage, qui est de 10% d'après le BIT - les chiffres du SECO sont quelque part mensongers; il convient de dire qu'il y a 10% de chômage à Genève et 7% en France voisine. Ces chiffres nous permettent une comparaison internationale et démontrent qu'il y a véritablement un problème, et ce n'est pas la création de mille emplois qui améliorera cette situation.
J'ai l'impression qu'avec cette initiative nous nous trouvons face à une illusion - illusion d'ailleurs très largement partagée par les milieux économiques et les milieux de gauche: on a l'impression que Genève est sur une île ! Qu'on vit dans un monde idéal, qu'on est à l'abri de toutes choses ! Et on oublie qu'il y a une libre circulation des travailleurs, qu'il y a un système de vases communicants, qu'il y a une surconcurrence qui profite des écarts économiques de part et d'autre de la frontière ! C'est pour cela que cette initiative n'est pas, et ne peut pas être, une bonne solution.
Quelle solution faut-il appliquer ? Eh bien celle que le MCG s'échine à défendre depuis des années: une politique de préférence cantonale - une politique qui permet aux travailleurs genevois d'avoir des salaires décents, qui permet de vivre à Genève ! C'est ce qu'ont exprimé certains travailleurs - je pense par exemple à ceux de Swissport -, qui disaient: nous n'arrivons plus à habiter à Genève avec les salaires qu'on nous verse, nous sommes obligés d'aller de l'autre côté de la frontière. Il y a des réalités économiques, des réalités sociales qui font que ce n'est tout simplement pas possible, et ce n'est pas en créant un certain nombre d'emplois qui seront en grande partie - essentiellement, voire totalement - comblés par une arrivée de frontaliers qu'on va changer quelque chose.
C'est la raison pour laquelle le MCG s'opposera avec détermination à cette initiative. Et nous ne voyons pas comment proposer un contreprojet crédible qui véritablement s'inscrive dans cette dynamique de préférence cantonale, une dynamique où on pense d'abord aux habitants de Genève et on arrête de vivre dans un monde idéal - on arrête de ne tenir compte ni de la géographie ni de l'histoire et de vivre dans cette sorte de délire collectif comme on le fait depuis trop longtemps. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo, François !
M. François Lefort (Ve). Le rapporteur de majorité a un peu peint le diable sur la muraille ! Pas avec un pistolet à peinture, mais avec un canon à peinture ! L'initiative a des conséquences, mais pas des conséquences aussi terribles que celles qui ont été décrites: ce n'est que la création de mille emplois - emplois d'ordre public au sens large - tant que le chômage reste supérieur à 5%. Le but est donc de faire baisser le chômage. Bien sûr, si le chômage reste inférieur à 5%, et là vous avez raison, la création d'emplois sera adaptée en proportion. C'est une idée généreuse !
Cela représente toutefois la création automatique d'emplois, ad vitam aeternam, dans le secteur public, sans relation avec les besoins réels de la transition énergétique. Nous aurions été favorables à la création en une fois, par exemple, de mille emplois - même dans le secteur public - pour lancer les travaux de la transition énergétique, mais pas à la création automatique de mille emplois par an, sans limites, dans le secteur public. Cette initiative, aussi généreuse soit-elle, loupe tout de même un petit peu sa cible.
Pour les raisons évoquées, nous soutiendrons évidemment le principe d'un contreprojet, le rapporteur de minorité l'a déjà mentionné, parce que nous pensons que la création d'emplois pour la transition énergétique - la création d'emplois nécessaires à cette transition énergétique ! - doit intervenir dans le privé et non dans le public ! Ce sont en effet les entreprises qui vont effectuer la transition énergétique avec tous ces métiers dont nous avons besoin. C'est pourquoi ces emplois devraient principalement être créés dans le privé, et le rôle de l'Etat est de soutenir cette création d'emplois dans le privé.
Comment la soutenir ? L'effort de l'Etat doit porter sur la formation - sur les formations dont nous avons besoin pour justement créer des emplois adaptés à la transition énergétique. En conclusion, le groupe des Verts votera bien sûr le principe d'un contreprojet, et puis par souci de paix, et bien sûr par amitié, nous nous abstiendrons sur l'initiative. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Jean Burgermeister pour une minute.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir très rapidement sur l'idée d'un contreprojet: ce qui nous avait été présenté en commission, c'était l'idée d'un véritable droit à une formation certifiante pour les personnes au chômage. Cette nécessité-là, Mesdames et Messieurs, personne ne peut la remettre en question.
Je rappelle quand même que c'était censé être la contrepartie aux centaines de millions de francs que nous avons dépensés à fonds perdu pour aider les entreprises: dès le début, le Conseil d'Etat avait dit qu'il mettrait en oeuvre une politique de l'employabilité pour les secteurs les plus touchés. La contrepartie à ces centaines de millions, Mesdames et Messieurs, le gouvernement en avait pris l'engagement - ce parlement en avait pris l'engagement - dès les premiers projets de lois d'aides aux entreprises votés au printemps 2020, c'était précisément cette formation pour les personnes au chômage !
C'est vraiment une nécessité, on le sait, mais la commission n'a pas daigné s'intéresser de près à cette question ! Elle a balayé d'un revers de la main une proposition concrète en faveur des salariés après avoir voté sans broncher des centaines de millions pour les entreprises. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cela démontre le marché de dupes auquel nous avons assisté dans ce parlement, Mesdames et Messieurs, et Ensemble à Gauche était évidemment méfiant, parce qu'on a dit: nous voterons...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...nous voterons les aides aux entreprises...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...mais il faudra revenir pour les salariés. Vous le voyez, la droite n'en a que faire...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...une fois que les patrons se sont servis ! Je vous remercie. (Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Merci. Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste apporter des précisions sur les chiffres - ils ne sont pas de nous: ils ont été publiés ce matin dans «Le Dauphiné libéré». Le taux de chômage, à Genève, est de 10,1% et non le chiffre flatteur qui nous est annoncé. Genève ment sur son taux de chômage, le Conseil d'Etat ment sur le taux de chômage.
Il y a, surtout, une chose qui n'est par ailleurs pas du tout réglée par la proposition qui nous est faite, à savoir le sort réservé aux chômeurs plus âgés, au-delà de 50 ans. Et ces chômeurs-là se font systématiquement siphonner les postes par des frontaliers; c'est une évidence !
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Vous aurez bien entendu remarqué que j'ai oublié de vous lire l'article 2 de cette initiative, qui dit que les emplois créés sont réservés aux frontaliers ! Je plaisante, naturellement - je m'adresse à mes collègues du MCG: ce n'est pas du tout écrit, et vous savez très bien qu'il existe actuellement une règle selon laquelle les personnes au chômage ont une préférence à l'emploi s'agissant des emplois cantonaux. C'est donc parfaitement ridicule de dire que les emplois qui seraient créés par le biais de cette initiative iraient uniquement aux frontaliers.
Maintenant, je ne sais pas si c'est mon rôle de le dire, mais je reviens sur l'intervention du député Alder et sur l'unité de la matière - vous pourrez transmettre si vous le souhaitez, Monsieur le président: il me semble quand même que l'entier de cette initiative consiste à réduire le taux de chômage, même si on peut bien entendu être d'accord ou non avec les méthodes et les moyens proposés. Un des moyens, c'est de créer un certain nombre d'emplois dans le secteur public et parapublic - c'est l'un des moyens. Et puis, on peut y croire ou non, la diminution du temps de travail permet de répartir un peu mieux le temps et, possiblement aussi, de diminuer le taux de chômage. Deux moyens différents figurent donc dans l'initiative pour atteindre l'objectif qui est de réduire le taux de chômage; je ne vois pas très bien en quoi l'unité de la matière devrait être contestée dans cet objet, mais je laisse volontiers le Conseil d'Etat répondre sur cette question.
J'aimerais par ailleurs quand même relever une chose - vous transmettrez également: le député Alder a dit à un moment donné qu'il se réjouissait du principe d'un contreprojet et, deux phrases plus loin, qu'il rejetait le principe d'un contreprojet. Je n'ai donc pas tout à fait compris; vous pouvez considérer que je l'ai mis en cause. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. Patrick Dimier pour cinquante secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous communiquerez à M. Eckert qu'il aille dire aux chômeurs de plus de 50 ans que notre position est ridicule et il verra comment il se fera recevoir. Merci. (Remarque.)
Une voix. Bravo, Patrick !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Murat-Julian Alder, je vous donne trente secondes de parole.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président. Dès lors que les deux articles peuvent être votés indépendamment l'un de l'autre, l'unité de la matière n'est pas respectée.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant au rapporteur de majorité, M. Serge Hiltpold, pour trente secondes.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président, ce sera relativement court. Ce qui me pèse, franchement, en tant que rapporteur de majorité, c'est le jugement de valeur que l'on porte sur les emplois dans ce parlement. C'est franchement insupportable ! On est dans une démarche bien-pensante de créer des emplois sociaux et écologiques alors que ce qui est fondamental, c'est que les gens donnent un sens à leur travail et qu'ils soient épanouis dans leur métier. Alors ne portons pas de jugement de valeur sur la qualité d'un travail parce qu'il est social ou écologique; rien que pour cela, je ne voudrais pas d'un contreprojet ! Merci, Monsieur le président.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai par revenir très brièvement sur la question de la validité de cette initiative. Je constate que seul le PLR conteste cette validité formelle pour un motif qu'il me semble difficile de considérer comme un argument, mais plutôt comme une argutie. Le travail d'analyse effectué par la chancellerie, que vous trouvez dans le rapport sur la validité de l'initiative, m'apparaît non critiquable à cet effet, de sorte que j'invite le parlement à ne pas développer plus avant les éléments soulevés par le PLR sur ce point.
L'IN 181, dite «1000 emplois», vise en effet deux objectifs principaux: d'une part développer des emplois nécessaires au développement durable et d'autre part réduire le taux de chômage. Pour ce faire, le texte de l'initiative propose la création de mille emplois par année dans le secteur public et subventionné. Comme le Conseil d'Etat a eu l'occasion de l'indiquer dans son rapport du 26 janvier 2022, nous partageons ces deux objectifs, mais le Conseil d'Etat considère que les moyens proposés par les initiants pour y parvenir - mille emplois publics par an - ne sont pas les moyens adéquats pour atteindre l'objectif visé.
A Genève, le taux de chômage calculé selon la méthode du SECO - et j'en profite pour m'interroger sur le crédit que l'on peut apporter à des informations qui viennent de France voisine et ne respectent pas la préférence cantonale des médias !... (Rires. Remarque.) Quoi qu'il en soit, le taux de chômage tel qu'il est calculé par le SECO, selon des calculs qui sont validés et admis dans toute la Suisse, après avoir atteint un pic à 5,7% en février 2021, est aujourd'hui revenu à son niveau d'avant la pandémie, à 3,7% en août 2022. Plus spécifiquement pour les chômeurs de longue durée, soit les personnes qui sont au chômage depuis plus de douze mois - douze mois et plus -, le taux de chômage à Genève s'établit actuellement à 19,2% après avoir frisé les 30% il y a environ une année. Ce taux de 19,2% est relativement bas et est même un peu inférieur à la moyenne suisse pour le chômage de longue durée qui s'établit à 19,9%. Mais qu'est-ce que ce taux indique ? Il indique que même lorsque la situation est bonne sur le marché du travail, comme c'est le cas aujourd'hui, un cinquième des chômeurs peinent à retrouver un emploi.
Dans le contexte économique genevois, il n'y a pas de lien mécanique ni automatique entre la création d'emplois et la baisse du taux de chômage. Plusieurs chiffres ont été évoqués; je m'en tiendrai à ceux en équivalents plein temps: Genève compte plus de 330 000 emplois pour environ 240 000 résidents actifs. L'économie genevoise est un exemple de décrochage entre le nombre d'emplois disponibles et le taux de chômage. Concrètement, nous le savons tous et nous l'observons, les entreprises recrutent dans un bassin qui dépasse largement les frontières cantonales, et créer de nouveaux emplois publics ne changera rien à cette tendance. Dans ce contexte, le Conseil d'Etat considère que ce n'est pas en agissant sur le nombre d'emplois disponibles que l'on va pouvoir diminuer le chômage. Le chômage se réduira si le profil des demandeurs et des demandeuses d'emploi correspond aux profils demandés par les entreprises.
Les travaux de la task force employabilité - à laquelle participent trois départements, ceux de l'économie et de l'emploi, de l'instruction publique et de la cohésion sociale, mais également les partenaires sociaux -, auxquels plusieurs d'entre vous se sont référés, ont mis en évidence à quel point la question des qualifications est centrale. De nombreux dispositifs en lien avec l'employabilité existent déjà; le système est bien entendu toujours perfectible, mais la volonté commune de tous les acteurs, dans ce domaine-là, de favoriser la qualification et la requalification des adultes est bien là.
Il y a néanmoins une phase de la vie professionnelle durant laquelle la formation professionnelle est littéralement découragée: c'est celle du chômage. En la matière, malgré les efforts entrepris à Genève pour valoriser les rares possibilités offertes par la loi fédérale - la LACI -, nous ne pouvons pas nous appuyer sur une politique fédérale à la hauteur des enjeux. Ce n'est pas qu'il ne se passe rien, à Genève, et l'OCE est évidemment en contact étroit tant avec l'office de la formation professionnelle et continue, l'OFPC, qu'avec d'autres offices dans l'objectif de permettre à des adultes d'accéder à des formations qualifiantes de type AFP ou CFC. Mais la LACI ne considère tout simplement pas comme une priorité la mise en adéquation entre les qualifications des demandeurs d'emploi et les besoins de notre économie.
Le Conseil d'Etat considère quant à lui qu'il faut agir sur cette adéquation entre qualifications et compétences recherchées pour faire baisser durablement le taux de chômage. Pour cela, il faut rendre possible la formation pendant la période de chômage. Des changements dans la politique fédérale seraient évidemment bienvenus - et même nécessaires -, mais ils restent hypothétiques et aléatoires. C'est pourquoi nous devons agir sans attendre sur ce terrain au niveau cantonal.
En matière de durabilité, différents plans directement en lien avec les objectifs de durabilité ont été adoptés à l'échelle cantonale, et ils sont source de création d'emplois. Si ces plans sont promus par l'Etat, c'est dans le secteur privé que les emplois seront créés. Je pense par exemple à la loi sur l'énergie, qui permettra la création d'emplois dans le secteur de la construction en obligeant les propriétaires à diminuer la consommation de leurs bâtiments.
Bien sûr, en matière d'insertion sur le marché du travail, la priorité de la politique de l'emploi doit rester la réinsertion, quel que soit le domaine d'activité. Mais concrètement, sans attendre que les demandeurs et les demandeuses d'emploi arrivent en fin de droit, nous pourrions leur permettre d'accéder à des formations qualifiantes de type AFP ou CFC dans les domaines du social et de l'environnement prioritairement, ce qui faciliterait par la même occasion la mise en oeuvre des plans cantonaux de développement durable. Et tout le monde ici s'est accordé à relever la nécessité d'une action déterminée en matière de développement durable.
Le Conseil d'Etat propose donc au Grand Conseil d'élaborer un contreprojet dont le siège principal serait la loi cantonale en matière de chômage. La modification législative permettrait d'assurer un revenu correct aux chômeurs suivant une formation qualifiante même si à un moment donné ils devaient perdre, de ce fait, leur droit aux indemnités. Ces programmes devront être élaborés en concertation avec les acteurs économiques - patronat et syndicats, évidemment - pour identifier à la fois les secteurs qui offrent des débouchés et les besoins en compétences observés sur le terrain.
Sauf exception, il devra s'agir de formations en emploi. Pourquoi ? Pour maintenir ou rétablir le contact avec le marché du travail et la réalité de l'entreprise. Ces formations devront en outre tenir compte des spécificités d'un public adulte - je pense évidemment aux expériences et aux formations préalables notamment -, mais aussi être adaptées en matière de calendrier de formation, d'articulation temps de travail-temps de formation, etc. Et puis ces formations devront bien sûr s'appuyer sur les dispositifs en place, notamment au sein du DIP mais aussi du DCS.
Le Conseil d'Etat n'arrive pas devant le Grand Conseil avec un projet déjà ficelé, parce que l'élaboration d'un tel projet nécessite de nombreuses collaborations, notamment avec le SECO et les partenaires sociaux - je l'ai mentionné -, mais également avec des partenaires de la formation continue comme la FFPC. Les propositions du gouvernement sont néanmoins claires, et celui-ci sera en mesure de vous soumettre un contreprojet d'ici quelques mois si, comme nous vous le proposons, vous en validez le principe.
Je sais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous êtes nombreuses et nombreux à être très sensibles aux questions de formation, et de formation professionnelle en particulier. Les entrepreneuses et les entrepreneurs parmi vous connaissent bien les besoins du terrain et le besoin de pragmatisme et de souplesse pour embaucher et garder des collaboratrices et des collaborateurs compétents et motivés. Les syndicalistes parmi vous savent bien qu'accès à la formation rime bien souvent avec accès au travail. Enfin, nous savons toutes et tous, pour avoir un proche qui est passé par la case chômage ou pour y être soi-même passé, les ravages du chômage de longue durée, la destruction individuelle et la perte sociale qu'il provoque.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, il convient d'agir le plus tôt possible pour former les personnes au chômage, pour leur donner accès à une formation qualifiante dans des domaines qui embauchent. Il faut par ailleurs assurer un revenu correct pendant la formation et former dans des domaines corrélés au développement durable, des domaines utiles pour la population, utiles pour notre économie, utiles pour notre souveraineté, utiles pour notre avenir. Voilà les objectifs que poursuit le Conseil d'Etat en vous invitant à voter en faveur d'un contreprojet à l'initiative «1000 emplois».
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote de prise en considération de l'IN 181. Si elle est refusée, nous voterons sur le principe d'un contreprojet.
Mise aux voix, l'initiative 181 est refusée par 56 non contre 27 oui et 11 abstentions (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 55 non contre 41 oui (vote nominal).
Débat
Le président. Nous abordons notre second point fixe, l'IN 182-B, dont le débat est classé en catégorie II, cinquante minutes. La parole échoit à M. Olivier Cerutti.
M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, la commission d'aménagement a étudié l'initiative populaire 182 intitulée «Climat urbain: de la place en ville pour les arbres, la mobilité douce et les transports publics !», qui demande principalement de lutter contre les îlots de chaleur en milieu urbain. L'une des propositions passe par la plantation d'arbres au service d'un plan canopée pour aller dans la direction d'un changement de paradigme. Lors des auditions, notamment des associations de quartier, nous avons observé un certain malaise de même qu'un manque d'écoute de la part des autorités municipales. Les attentes des initiants sont fortes et méritent une réponse constructive.
L'initiative se base essentiellement sur l'urgence climatique, l'idée étant de stabiliser les effets des températures estivales qualifiées de caniculaires. Après un tel été, nous pouvons tous souscrire à la volonté de repenser nos espaces publics. A ce propos, je vous recommande la lecture du numéro d'«Interface» de juin 2022 édité par la FAI ainsi que de la collection «Ecologies urbaines», notamment «Réinventer la ville avec l'écologie», aux éditions Apogée. Les thématiques abordées sont beaucoup plus larges que le texte de l'initiative, qui oppose surtout la voiture aux cyclistes.
Afin de modéliser les interventions en ville, nous pouvons prendre comme exemples deux projets de lois qui ont été présentés par le Conseil d'Etat et votés à l'unanimité. Le premier traite du réaménagement du cycle de Sécheron sur 1,9 hectare. Le gouvernement a investi environ 5 millions, ce qui permettra une vraie prise en considération de ce type d'initiative, parce que c'est une réaffectation du milieu public pour le public.
L'autre projet de loi qui vient d'être adopté par la commission des travaux revêt une grande importance: il s'agit de la remise à jour de la Drize et de l'Aire. Là, Mesdames et Messieurs, c'est un montant de 61 millions qui sera investi ces prochaines années, en commençant par un secteur. Par ce biais, le Conseil d'Etat apporte une solution concrète à l'initiative 182. Ensemble, les deux objets donnent une véritable réponse d'intégration des biens communs dans l'espace public.
Vouloir revivifier les rues uniquement en supprimant des places de parc sans modifier les réseaux en sous-sol est totalement illusoire, notamment s'agissant de la temporalité et des coûts. C'est ce qui ressort principalement du rapport. En effet, Mesdames et Messieurs, vous observerez qu'on ne peut pas abolir des espaces de stationnement sans toucher aux réseaux qui se trouvent dessous, il faudrait redimensionner ceux-ci. Lorsqu'on plante un arbre en ville, environ 9 mètres cubes de terre sont nécessaires, soit approximativement 60 000 francs.
Cette initiative, qui prévoit notamment un effort sur dix ans à raison de 1% par année, sera très difficile à mettre en oeuvre. Les différentes auditions nous ont permis de comprendre que les objectifs énoncés dans le texte formulé par les initiants ne sont pas réalisables pour le Conseil d'Etat, et ce pour de multiples raisons. Dès lors, au vu des attentes de la population, du constat irréversible des hausses de température, une majorité est prête à examiner un contreprojet. A cet égard, je regrette la posture idéologique des rapporteurs de minorité, qui cherchent juste à faire de la surenchère.
Par ailleurs, nous pouvons nous étonner que le Conseil d'Etat à majorité de gauche n'ait pas trouvé de solution pour répondre à l'initiative sous la forme d'un contreprojet. La seule proposition de l'exécutif, soit la mise en place d'un plan climat urbain, nous paraît trop complexe à établir dans ce périmètre; cela exigerait un large processus démocratique et il serait impossible de le mettre sous toit en moins d'une année. Par contre, nous relevons que l'instauration d'un plan climat régional avec des lois-cadres d'application constitue un travail de concertation nécessaire pour l'ensemble du territoire du Grand Genève.
Sur la forme, l'urgence climatique nous impose avant tout de prendre des mesures pragmatiques et réalisables à court et moyen terme dans le respect du vivre-ensemble. Sur le fond, la commission estime impératif et légitime que nous nous donnions les moyens légaux de combattre les îlots de chaleur afin de supporter les élévations de température annoncées ces cinquante prochaines années.
L'étude d'un contreprojet réaliste devra, dans la mesure du possible, prendre en compte les éléments suivants: l'ensemble des communes en fonction de leurs propres îlots de chaleur, avec de nouvelles fiches thématiques élaborées dans le cadre des plans directeurs communaux - il faut relever que l'initiative ne porte que sur les villes, c'est-à-dire sur seulement dix communes de notre canton; les voies de circulation et les voies esthétiques s'inscrivant dans un schéma multifonctionnel qui tient compte de l'urbanisation des nouveaux plans localisés de quartier - il est essentiel aujourd'hui que nos PLQ abordent cette thématique; dans la couronne périurbaine, la remise à jour des réseaux cachés pour favoriser la biodiversité - c'est fondamental à nos yeux; une loi de financement de plantation d'arbres pour les secteurs sensibles, avec une participation des communes; l'utilisation des divers fonds cantonaux qui se superposent - cela permettra de disposer de crédits de renouvellement adaptés aux besoins relevés dans l'initiative pour les dix prochaines années. La majorité de la commission vous invite à soutenir le principe d'un contreprojet. Je vous remercie de votre écoute.
Une voix. Bravo.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les vagues de chaleur de cet été n'ont manifestement pas suffi à extirper la majorité de ce Grand Conseil de sa torpeur conservatrice en matière de répartition des espaces publics. Le contexte de l'urgence climatique mérite quelques chiffres ramenés à l'échelle genevoise: sous l'angle du réchauffement, on parle à l'horizon 2035 d'une augmentation, selon les scénarios - moyens ou pessimistes -, située entre 1,5 et 2,5 degrés. L'autre manifestation liée à la dégradation du climat qu'on évoque moins, c'est la hausse des phénomènes extrêmes. Si on prend l'indicateur des journées et des nuits avec des températures particulièrement élevées, par rapport à 1995, en 2035, ce sera deux fois plus de jours avec des chaleurs très fortes.
Notre réalité politique et sociétale, chers collègues, consiste à relever ce double défi: lutter, ici comme ailleurs, contre les émissions de CO2 - c'est la dimension offensive - et préparer notre ville à se défendre contre les îlots de chaleur. Voilà pourquoi, à Genève, mais également dans la plupart des cantons et des villes de Suisse, cette initiative vise ces deux aspects. Il s'agit de répondre à ce double objectif en agissant à la fois sur les causes et les conséquences du réchauffement climatique.
Le moyen est simple, carré, efficace, et certaines villes de Suisse alémanique - j'y reviendrai - ont trouvé le moyen de le mettre en oeuvre: soustraire chaque année pendant dix ans 1% de la voirie publique au transport individuel motorisé et l'allouer aux espaces verts, aux trottoirs, aux bus et aux pistes cyclables. On attaque localement, avec nos ressources, les émissions de CO2 en diminuant la part dédiée aux voitures et on protège notre ville et ses habitants des effets du réchauffement climatique en plantant un maximum d'arbres et en favorisant substantiellement la mobilité douce et les transports publics.
A mon avis, la plus belle démonstration de la pertinence de cette mesure, c'est la superposition des deux cartes que vous trouvez à la page 93 du rapport: il y a d'un côté les lieux végétalisés et de l'autre les îlots de chaleur. Je précise que l'initiative porte non pas sur dix, mais sur treize communes urbaines. La superposition des cartes en question nous montre à quel point le contraste est parfait: dans les quartiers du centre-ville où les espaces de verdure sont rares scintille, au milieu du béton, une chaleur étouffante; c'est le cas notamment des Pâquis, de la Jonction, de Plainpalais et des Eaux-Vives.
Le phénomène des îlots de chaleur constitue, sur le plan scientifique, une réalité assez effroyable, mais peut-être que celles et ceux qui habitent à la campagne ne s'en rendent pas compte; lorsqu'ils quittent la ville après une journée de canicule, il peut y avoir jusqu'à 10 degrés d'écart entre l'atmosphère de la ville, qui conserve la chaleur accumulée tout au long de la journée, faute d'arbres, d'espaces verts et en raison de la pollution, et celle de la campagne.
Lors des auditions, pas une seule personne n'a remis en cause la pertinence de l'analyse ni des intentions des initiants. Par contre, à l'instar du rapporteur de majorité, plusieurs nous ont dit que l'initiative serait compliquée, voire trop compliquée, à mettre en oeuvre. Le coup de grâce, pour la minorité socialiste que je représente ici, a été la proposition ou plutôt l'esquisse de proposition du Conseil d'Etat, opposé à ce texte bien ciselé: une loi-cadre sur le climat. Alors, qu'on s'entende: nous nous réjouissons d'une loi-cadre sur le climat. L'ensemble des projets que notre collègue Cerutti a cités tout à l'heure au nom de la majorité - j'y ajouterai encore l'électrification à venir de la flotte des TPG ainsi que le projet de loi sur les axes forts vélos, l'arborisation a été évoquée - existent déjà, ils disposent de majorités écrasantes devant ce parlement, majorités déjà démontrées ou à former.
Et que suggère le gouvernement pour répondre à cette belle initiative ? Eh bien on prend tous ces projets de lois d'investissement, on les noue, on en fait une loi générale sur le climat et on oppose ce paquet ficelé à l'IN 182. Ce n'est juste pas crédible ! Si cette initiative n'existait pas, ces projets de lois seraient de toute façon votés. Il y a donc un décalage hallucinant entre cette esquisse de contreprojet et la volonté des initiants. (Applaudissements.)
J'aurais aimé, pour faire plaisir à notre collègue Pfeffer - vous transmettrez, Monsieur le président -, pouvoir citer Bâle en exemple. Malheureusement, si la même initiative a été déposée à Bâle, c'est Saint-Gall - la ville de Saint-Gall, pour être précis - qui, la première, face aux mêmes enjeux d'urgence climatique qu'à Genève, confrontée à une initiative rigoureusement identique, lui a opposé un contreprojet. La ville de Saint-Gall n'est pas exactement un bastion de gauchistes ou d'anarchistes révolutionnaires, pas tout à fait, mais ses élus ont eu le courage politique d'élaborer un contreprojet crédible, ciselé, comprenant de vrais objectifs. Ville de Saint-Gall: 39 kilomètres carrés. Le compromis qui a permis le retrait de l'initiative consistait à ôter - j'insiste - 200 000 mètres carrés d'espaces publics dédiés au transport individuel motorisé et à les allouer pour un tiers aux arbres, pour deux tiers à la mobilité douce et aux transports publics.
A Genève, vous ferez le ratio, l'initiative propose d'agir sur 700 000 mètres carrés d'espaces publics dans treize communes. Je répète: 700 000 mètres carrés - vous transmettrez, Monsieur le président, à mon collègue Ivanov qui a parfois quelques difficultés avec les chiffres. Surface des communes concernées: 92 kilomètres carrés. Il y aurait un boulevard politique pour trouver un compromis sur ces 700 000 mètres carrés.
Or quand on entend que même les membres de l'UDC, face aux défis du réchauffement climatique que tout le monde vit - cette année, c'était la canicule; l'an prochain, peut-être comme en Allemagne ou en France l'été dernier, ce seront les inondations -, envisagent un contreprojet... Je me réjouis déjà de voir leur vote de ce soir, sachant que l'UDC s'oppose aux villes, a mené sa campagne fédérale en qualifiant notre tissu urbain, nos habitants, nos résidents de... Quel était déjà le terme ?
Une voix. De parasites.
M. Grégoire Carasso. De parasites ! Quand on sait que l'UDC souhaite opposer un contreprojet à cette initiative, c'est dire si celui-ci est mort-né. Ainsi, Mesdames et Messieurs, c'est forte de la conviction qu'il n'y a rien à tirer du travail parlementaire dans ce cas d'espèce que la minorité socialiste que je représente vous invite à accepter l'initiative et à refuser le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. D'abord, je trouve que nous reprocher une posture idéologique n'est pas tellement juste, Monsieur Cerutti, c'est même une contrevérité. C'est vous qui vous arc-boutez sur des positions conservatrices, qui refusez d'entrer en matière sur cette initiative.
Ce texte vient à temps, Mesdames et Messieurs les députés. Pourquoi ? Nous - le Grand Conseil et les communes - avons mis en place un système de transports publics efficace. Le Conseil d'Etat, et je lui rends hommage pour cela, a supprimé tous les abonnements, dans les parkings publics - et j'espère que ce sera le cas dans les privés aussi -, des personnes qui se trouvent à moins de 1 kilomètre d'une gare du CEVA ou d'une gare tout court, ce qui fait qu'aujourd'hui, la majorité des parkings se vident. J'ai même vu de la publicité pour inviter les gens à utiliser les parkings, parce qu'ils se vident. Ils se vident !
Il s'agirait juste de prendre une mesure, d'augmenter le prix du macaron et de faire basculer en sous-sol tous ceux qui occupent la voirie parce qu'ils ne trouvaient pas de place dans les parkings en abri, et puis on libère de l'espace public et on applique immédiatement l'initiative qui nous est proposée.
C'est une démarche extrêmement pragmatique, d'autant plus, je le rappelle, que les jeunes ne manifestent plus la volonté, comme nous dans notre jeunesse, de passer leur permis de conduire, ce n'est plus un signe extérieur de... Je ne sais pas... de...
Une voix. De maturité !
M. Rémy Pagani. De maturité, voilà, de maturité ! Par ailleurs, les habitants de la ville de Genève comme ceux de Zurich sont 50% - voire 60% à Zurich - à avoir abandonné leur voiture.
Nous avons tout pour bien faire, et voilà que la majorité va se lancer dans un contreprojet ce soir pour, comme l'a relevé mon préopinant, vider de sa substance cette initiative qui pourrait pourtant être mise en oeuvre immédiatement, Mesdames et Messieurs, si on l'adoptait. Cela donnerait au Conseil d'Etat les moyens d'accélérer la politique qu'il a instituée en ce qui concerne l'espace public.
Pour ma part, Mesdames et Messieurs, j'attends de voir les dégâts sanitaires que vont causer les canicules, lesquelles vont aller en se répétant et en s'aggravant. Chaque année, on ne passera plus une, deux, trois, quatre, cinq, six semaines, mais un mois, deux mois sous la canicule, ce qui signifie que nos enfants, nos petits-enfants et les personnes âgées que nous sommes censés défendre ici vont en subir les conséquences. Et ils ne pourront pas descendre dans la rue comme cela se pratique en Espagne pour essayer de se rafraîchir entre 11h du soir et 1h du matin - c'est ce que font les gens en Espagne et dans des pays qui sont extrêmement rudes à vivre l'été -, parce que la voirie sera occupée par des voitures alors que des parkings en abri sont vides à côté. Je trouve cela complètement aberrant et je vous invite dès lors à voter cette initiative. Merci de votre attention.
Mme Ruth Bänziger (Ve), rapporteuse de troisième minorité ad interim. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les étés lors desquels nous expérimentons en direct l'impact du changement climatique sont de plus en plus nombreux. Nous souffrons toutes et tous de vivre en ville lorsque les températures frôlent les 40 degrés, mais certaines personnes, notamment âgées ou fragilisées, en meurent. Ainsi, mille individus sont décédés dans notre pays en 2003 à cause de la canicule. S'agissant de santé publique, l'office fédéral responsable décrit les vagues de chaleur comme étant les menaces les plus graves pour la Suisse.
L'initiative 182 agit d'une part directement sur les effets du changement: elle contribue à limiter les îlots de chaleur en milieu urbain par l'augmentation de l'espace public végétalisé. Les arbres offrent en effet ombrage et climatisation naturelle, favorisant la qualité de vie de chacune et de chacun. L'initiative intervient d'autre part sur les causes: elle diminue les surfaces imperméables absorbant et émettant la chaleur dans les centres urbains; elle rend plus attractive la mobilité dite douce telle que la marche et le vélo, à faibles émissions de CO2; elle offre davantage de place aux transports en commun, favorisant ainsi un report modal indispensable afin de limiter les charges du transport individuel motorisé, source directe à la fois de chaleur et de polluants, notamment de CO2.
Les scientifiques du GIEC ont démontré à quel point il est important d'agir rapidement, à la fois en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre pour contenir l'augmentation des températures, mais aussi en adaptant nos villes et nos territoires au climat du futur. Le changement climatique ne fait plus aucun doute. Selon les prévisions de MétéoSuisse, Genève sera la ville de Suisse qui subira la plus forte augmentation du nombre de jours de canicule - ce chiffre vous a déjà été donné tout à l'heure.
Nous savons toutes et tous qu'afin d'infléchir l'évolution de ce changement pour la deuxième moitié du XXIe siècle, des actions urgentes auraient été nécessaires hier et sont impératives aujourd'hui. En effet, il s'agit d'un problème environnemental avec des répercussions directes sur la santé publique et l'économie, à traiter avec le même degré d'urgence que la lutte contre le covid ou l'approvisionnement énergétique. Notre devoir en tant qu'élus est de prendre les mesures adéquates.
Les 700 000 mètres carrés à réallouer sur dix ans à la végétation, aux modes de déplacement doux et aux transports en commun demandés par l'initiative constituent un premier pas; il nous faut le franchir. En ce qui concerne la redoutée diminution de l'emprise de la voiture proposée par les initiants, elle est alignée sur le plan climat genevois, qui prévoit que d'ici à 2030, 40% des déplacements en transport individuel devront se répartir sur d'autres modes de locomotion ou être supprimés. Substituer des véhicules électriques aux voitures thermiques réduirait l'empreinte climatique correspondante d'environ 50%, mais ne réglerait pas le problème.
L'usage actuel de la voiture, les types de véhicules caractérisés par le poids et la puissance, sans compter les équipements gourmands en énergie dont l'intérêt reste à démontrer ne sont tout simplement pas compatibles avec la protection du climat et de l'environnement. Lors de son audition, le professeur Vincent Kaufmann, directeur du laboratoire de sociologie urbaine à l'EPFL, expliquait que les territoires ont été aménagés pour qu'on puisse se déplacer en voiture - un peu comme aux Etats-Unis; même si on y a ajouté des transports publics et des pistes cyclables, l'utilisation de l'automobile reste extrêmement facile, même pour les personnes disposées à changer de mode de déplacement. Pour faire évoluer les pratiques, il faut intervenir sur l'aménagement du territoire et transformer les infrastructures et les routes.
En milieu urbain, le réchauffement est renforcé par le phénomène des îlots de chaleur, avec des écarts de température allant jusqu'à +10 degrés par rapport aux milieux végétalisés. Or pour planter des arbres, l'espace manque. Afin d'obtenir un ombrage significatif et des arbres viables à long terme, il faut trouver des emplacements permettant de réaliser des fosses de plantation de plus de 9 mètres cubes et donc une surface de plus de 9 mètres carrés au sol. Rappelons qu'une voiture individuelle occupe environ 12 mètres carrés, qu'elle circule ou soit stationnée.
La stratégie cantonale d'arborisation vise un taux de canopée de 30% à l'horizon 2050, ce qui implique de planter 150 000 arbres, soit un besoin en surface d'environ 1 350 000 mètres carrés. Avec les 350 000 mètres carrés en dix ans de l'initiative 182 - la part de 5% -, nous pouvons nous consacrer de suite à la végétalisation et à la réduction des effets des canicules dans les espaces urbains tout en allant au même rythme que ce que prévoit le canton dans son plan d'arborisation. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir avec pragmatisme et détermination l'IN 182 qui va dans le sens des engagements de l'Etat sans forcer la cadence. Merci. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Carasso qu'il a quelques problèmes de lecture. En effet, voici ce qu'on trouve à la page 13 du rapport: la surface totale estimée en mètres carrés s'élève à 7 016 000, ce qui correspond au final à 701 600 mètres carrés par année, puisqu'on parle de dix ans. En effet, l'initiative veut enlever 1% de la voie publique des communes de plus de 10 000 habitants, soit 701 600 mètres carrés par année, comme je viens de le dire, 7 016 000 en dix ans. Cette proposition est excessive et punitive.
Par ailleurs, ce texte extrémiste condamne en quelque sorte la LMCE, la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, votée par le souverain genevois en 2016, de même que la modification de celle-ci adoptée par 58% du peuple genevois en 2020. Le Conseil d'Etat répond déjà à cette initiative avec son plan climat, qui nous a été présenté cette année.
L'UDC déplore cette surenchère s'agissant de la suppression des voies publiques d'accès, à commencer par la suppression des places de parking. Prenons un seul exemple: en ville de Genève, 225 000 mètres carrés par an, soit 2 250 000 mètres carrés, seraient éliminés si l'initiative aboutissait, ce qui représente 80% de l'espace occupé aujourd'hui par le stationnement sur la voirie ou encore trois fois la superficie de la plaine de Plainpalais. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera cette initiative de même que le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Il a fallu quelques décennies pour arriver au résultat d'aujourd'hui, à savoir qu'il existe un consensus dans tous les partis pour dire que le réchauffement climatique est une réalité qui nous menace, surtout les générations à venir. La prise de conscience est là, on le constate au sein de l'ensemble des commissions et des groupes politiques, elle est présente. Il y a un plan climat cantonal dont l'ambition est de réduire le trafic individuel motorisé de 40% d'ici 2030.
Le problème, c'est la mise en oeuvre, c'est à ce niveau que nous peinons. A cet égard, il faut dire un grand merci à des associations comme actif-trafiC qui ont réussi à rassembler 25 organisations - des groupements de quartier, des organismes de protection de l'environnement et de la population - et qui ont formulé cette initiative très bien réfléchie. Elle est très bien réfléchie, parce qu'elle est elle-même le fruit d'un consensus: elle a été conçue de façon à obtenir un maximum de changement avec la plus grande chance de passer la barre des 50%. C'est la raison pour laquelle tout contreprojet constituerait une réponse molle et inadéquate face aux générations actuelles et futures à qui nous devons une réussite sur deux plans principaux, qui sont les deux axes de l'initiative.
D'une part, la végétalisation. A l'avenir, il n'y aura pas davantage de pluie durant l'année, mais elle sera concentrée dans des périodes très courtes, avec un fort ruissellement. Il nous faut dès lors dégrapper, il nous faut libérer l'espace public de l'emprise extraordinaire des parkings, lesquels stockent des voitures qui, 97% du temps, sont immobiles. 12 mètres carrés qui occupent notre espace, notre ville, et qui contribuent à créer des îlots de chaleur.
D'autre part, la mobilité douce. Avec une diminution de 40% des véhicules motorisés en ville, les gens auront tout de même besoin de se déplacer, ce qui signifie qu'il est temps de concrétiser l'initiative 144 pour des pistes cyclables continues et sécurisées. Nous avons là un sacré retard à combler.
Cette initiative demande simplement la réalisation des objectifs qui sont ceux du Conseil d'Etat, qui sont ceux qui ressortent de toutes les dernières votations, y compris la liberté du mode de transport. Pour les personnes qui font du vélo depuis leur enfance, qui ne sont jamais passées à la voiture, il n'y a pas de problème, elles circulent en deux-roues même sur le pont du Mont-Blanc. Mais pour ceux qui utilisent leur véhicule tous les jours et qui ne se sont pas encore mis au vélo, la liberté du moyen de locomotion est un leurre, parce qu'il n'y a pas de pistes cyclables sur lesquelles pratiquer le vélo quand on n'y est pas habitué.
Pour toutes ces raisons, cet objet est en quelque sorte la moindre des choses. Nous ne pouvons pas faillir face aux générations suivantes. Nous avons eu de la peine, nous ne parvenons pas à empêcher le changement climatique, mais adaptons à tout le moins nos villes du canton, rendons-les plus vivables et sortons de ce cauchemar collectif qu'est la voiture, cauchemar né il y a un siècle avec le rêve individuel d'obtenir un véhicule. Ce fantasme a complètement déraillé, nous nous trouvons maintenant dans une situation de dérapage qui, heureusement, est constatée par tous les bords politiques aujourd'hui.
Il est certes difficile de passer à l'acte, mais allons-y, avançons au-delà des constats et des plans et votons avec enthousiasme cette initiative; questionnons notre conservatisme et allons-y, acceptons-la. Sinon, nous allons perdre une année, nous allons perdre douze mois pour élaborer un contreprojet qui sera insuffisant. Mesdames et Messieurs, regardons les générations futures en face et rendons-leur l'espace public. Merci.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Beatriz de Candolle (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, qui n'est pas sensibilisé aux enjeux climatiques ? Après le dernier rapport du GIEC et l'été caniculaire que nous avons vécu, nous sommes tous, politiques et citoyens, conscients de l'importance de devoir agir efficacement pour limiter le réchauffement de nos villes et de nos communes. Il est essentiel de développer l'arborisation de notre canton pour lutter contre les îlots de chaleur; il en va de notre qualité de vie.
Si le groupe PLR partage l'objectif de l'IN 182, il conteste en revanche les mesures proposées dans son texte. Cette initiative pèche sur plusieurs aspects. En premier lieu, elle ne concerne que treize communes sur 45. Ensuite, elle ne tient pas compte des efforts consentis par l'ensemble des municipalités ni des réseaux existants sous les voies de circulation, et encore moins des difficultés et des coûts de concrétisation. A nouveau, on oppose trafic individuel motorisé et mobilité douce au lieu de prôner une mixité respectueuse de chaque mode de transport, avec la concrétisation de la traversée du lac, par exemple.
Une voix. Oui !
Mme Beatriz de Candolle. «Quand on confond ambition et obsession, on verse dans une course folle sans démesure et même on sombre dans le ridicule !» - dixit Mostefa Khellaf. Le groupe PLR refusera cette initiative irréaliste, mais reste ouvert à travailler sur un contreprojet. Enfin, il est quand même piquant de constater que la majorité des espaces et places aménagés en ville de Genève ces dernières années par la majorité de gauche sont d'une cruelle minéralité; même constatation en ce qui concerne les grands chantiers cantonaux. Merci beaucoup.
Une voix. C'est Pagani !
Une autre voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Emmanuel Deonna pour deux minutes cinquante.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. L'initiative «Climat urbain» constitue une occasion d'action locale concrète pour faire face au défi climatique. Plusieurs villes de Suisse alémanique ont opté pour cette proposition. Comme M. de Rougemont l'a rappelé, plus d'une vingtaine d'associations de la société civile dont actif-trafiC, l'ATE, Pro Vélo, le WWF, Pro Natura et Noé21 la soutiennent, tout comme les syndicats, les partis de gauche et les Vert'libéraux.
Mesdames et Messieurs les députés, nous venons de vivre l'été le plus chaud et le plus sec jamais enregistré en Europe. Crues, tempêtes, canicules, les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus nombreux. Selon l'Académie européenne des sciences, le nombre de phénomènes météorologiques extrêmes a plus que doublé depuis 1980. A Genève, pour les habitants du centre-ville et des communes suburbaines, la période estivale est toujours plus difficile à supporter. Certaines de nos concitoyennes et concitoyens meurent de la canicule, comme l'a souligné la rapporteuse de troisième minorité Verte. Nous ne pouvons plus attendre, nous devons prendre des mesures maintenant pour diminuer rapidement les émissions de CO2 si nous voulons continuer à évoluer sur une planète habitable.
Avec cette initiative, nous agissons concrètement sur 700 000 mètres carrés d'espaces publics dans treize communes. Il nous faut réduire l'emprise du trafic individuel motorisé et opter pour la plantation d'arbres et la mobilité durable. La végétalisation a de nombreux avantages: elle permet de lutter contre les îlots de chaleur, d'éviter la multiplication des climatiseurs ainsi que d'améliorer l'écoulement des eaux en cas de pluies abondantes, pour éviter aussi les inondations gravissimes.
Le rapporteur de première minorité l'a indiqué: en 2035, si nous ne faisons rien, les canicules que nous connaîtrons seront deux fois plus longues. Nous ne pouvons pas nous contenter de demi-mesures tièdes et de pérorer pendant dix ans, nous devons intervenir vite et de manière déterminée, nous devons mener des actions à la hauteur du plus grand défi de notre temps. C'est pourquoi je vous enjoins de soutenir cette initiative. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole va maintenant à M. Stéphane Florey pour trois minutes sept.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. En écoutant l'assemblée, je pense à l'entrepreneur qui perd 50 centimes par pièce et croit pouvoir se rattraper sur le nombre. On nous parle de plan climat, de climat urbain, de réchauffement, mais qui crée ces îlots de chaleur en définitive ? Observez l'environnement dans lequel nous vivons: quasiment toutes les places de village sont fortement minéralisées. Le champion en la matière, c'est la Ville de Genève, qui a minéralisé la plaine de Plainpalais...
Une voix. C'est faux !
M. Stéphane Florey. ...qui a minéralisé la place des Augustins...
Une voix. Ah non, ce n'est pas minéral ?
Une autre voix. Et la rue des Rois.
M. Stéphane Florey. ...qui a minéralisé la rue des Rois... Toutes les grandes places sont minéralisées.
Une voix. Simon-Goulart !
M. Stéphane Florey. A Lancy, où j'habite, les aménagements autour de l'arrivée du tram sont minéraux: vous avez de grands trottoirs qui mesurent trois ou quatre mètres de large, vous avez les quais du tram. A l'arrêt Palettes, tout est minéralisé !
On nous fait croire qu'on va végétaliser les places, et comment ? Quand je vois les emplacements prévus pour y planter des arbres, mais laissez-moi rigoler ! C'est un trou de 40 centimètres avec une grille autour, on imagine que la fosse ne doit même pas faire un mètre de profondeur, et vous imaginez qu'on va planter des arbres là-dedans ? Mais vous êtes hors de toute réalité ! La réalité, aujourd'hui, c'est qu'on est incapables de dire: «Stop, on bétonne trop, on doit créer de grands boulevards et de grandes avenues sans minéralité.»
Une fois de plus, cette initiative s'attaque aux voies de circulation, aux places de parc, mais le problème n'est pas là, je suis désolé. Ce qui me fait aussi bien rire, c'est quand le militant écolo vient avec son thermomètre: «Oui, regardez, j'ai pris la température d'une voiture noire stationnée en plein soleil, j'ai relevé 83 degrés.» Mais qu'est-ce que vous espérez ? Qu'il va faire -10 en plein soleil sur un capot de voiture ? Vous auriez mené la même expérience sur un vélo en plein soleil, le résultat aurait été parfaitement identique.
Voilà la réalité aujourd'hui. Des îlots de chaleur sont créés volontairement ou involontairement, mais dans tous les cas, on est incapables de végétaliser correctement la ville. Cette initiative, si elle soulève de bonnes questions, part d'un faux constat, et nous recommandons de la refuser, de même que le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il faut apporter de la fraîcheur en ville, c'est une nécessité absolue, c'est le but de cette initiative. Par contre, si l'idée est bonne, les moyens proposés me paraissent de petite vue. En effet, on s'attaque essentiellement à la voiture et pas forcément à la vraie problématique, qui consiste à rafraîchir nos espaces urbains. Or il faudrait aller au-delà de ça.
Prenons un exemple: j'ai été étonné de constater cet été que dans certains villages, les fontaines avaient été fermées parce qu'on ne voulait pas gaspiller d'eau alors que les gens en avaient besoin, alors qu'on sait très bien qu'avec des fontaines, on peut créer des cycles, et si cette mesure ne contribue pas à produire de la fraîcheur, alors je n'y comprends rien.
Quant à la plaine de Plainpalais, je suis désolé, Monsieur Pagani, mais vous êtes une cible toute désignée: si ce n'est pas là un magnifique îlot de chaleur qui rayonne au milieu de la cité ! Tout un chacun serait en droit d'espérer y trouver un jour un Central Park à la genevoise qui amène de la fraîcheur. Là, indépendamment du parking, il y aurait un vrai travail à réaliser.
Il y a un autre problème, Mesdames et Messieurs. Vous avez tous parlé de 9 mètres cubes, mais posez la question aux spécialistes: 9 mètres cubes, c'est le minimum syndical pour installer des bonsaïs ! Souhaitez-vous réellement planter des arbres, développer une canopée qui génère de l'ombre ? Je vous signale qu'on parle d'arbres de 3 mètres de hauteur, donc il faut que ça pousse. Les paysagistes ont évoqué des volumes situés entre 30 et 100 mètres cubes. Si vous voulez vérifier cette donnée, je l'ai déjà dit, allez au Jardin botanique, vous y trouverez un chêne avec un entourage au-dessous de la couronne, et il est gentiment demandé aux visiteurs de ne pas fouler la terre sous la couronne de l'arbre, car cela nuit à sa pousse. Le but, ce n'est pas juste de planter des arbres, c'est qu'ils croissent et apportent la fraîcheur souhaitée. Or là, je pense qu'on est à côté.
Je citerai encore un point impressionnant dans cette affaire. Vous me direz: «La priorité, c'est la fraîcheur, les coûts sont secondaires», mais avez-vous lu le compte rendu de l'audition des paysagistes ? Jusqu'à 100 000 francs pour un seul arbre, sachant que la partie végétale représente uniquement 2000 francs. 100 000 francs pour déplacer tout ce qui se trouve actuellement sous nos trottoirs.
La dernière fois, on a mentionné le PAV. Alors actuellement, et c'est fort heureux, on s'occupe d'abord des aménagements, puis on construit les immeubles. Bon, en ville, c'est trop tard, le mal est fait. A mon avis, se limiter à dégrapper des places de parking pour y planter des arbres, indépendamment des problèmes d'ombre que cela engendrera sur les façades - évidemment, ça crée aussi de la fraîcheur -, ce n'est pas la solution, cela n'en constitue qu'une partie.
Mesdames et Messieurs les initiants, nous prenons un grand risque en acceptant le principe d'un contreprojet. En effet, si on élabore un contreprojet, ce n'est pas pour botter en touche, car le problème est réel, c'est pour aborder la problématique dans son ensemble. A Genève, le service cantonal de l'agriculture, l'OCAN, a des projets tout prêts dans ses tiroirs qui mériteraient d'être étudiés pour développer la végétation en ville, mais cela ne se fera pas en suivant les trottoirs et en supprimant systématiquement - peut-être qu'il faudra en supprimer, je ne peux pas l'exclure - les places de stationnement. Ce qui est dommage dans cette initiative, c'est que la cible est là alors que le problème se trouve ailleurs.
Notre groupe, le parti démocrate-chrétien, refusera cette initiative, mais votera avec enthousiasme le principe d'un contreprojet auquel nous sommes prêts à participer pour développer l'arborisation à Genève là où c'est nécessaire. Toutefois, je le répète - cela a déjà été souligné -, des places importantes doivent également être réaménagées - cela relève des compétences de la Ville -, parce qu'elles contribueraient largement plus à la fraîcheur que des arbres isolés. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Magnin, c'est à vous. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Danièle !
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je n'avais pas entendu à cause du bruit autour de moi. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il ne faut pas perdre de vue que le véritable objectif de l'initiative, c'est simplement la suppression d'une partie de la voirie: il s'agit d'éliminer 10% de l'espace destiné à la circulation. En fait, on veut enlever une fois de plus des places de parc alors qu'on en a déjà supprimé 4000 récemment.
Planter des arbres à la place de la route est un prétexte, c'est fallacieux, parce que le sol de nos villes est déjà occupé. Or les arbres doivent pouvoir s'enraciner profondément et pas seulement en surface, faute de quoi, au moment des grands vents d'automne, par exemple, ils se font arracher. Le sol des espaces urbains, Mesdames et Messieurs, est occupé par des réseaux souterrains pour l'eau, l'électricité, le gaz, la téléphonie, les fibres optiques notamment - c'est l'essentiel, bien sûr. Le sous-sol de l'entier du périmètre construit, soit la ville de Genève, les communes périurbaines, les villages, a été modifié, dénaturé, pollué. Croire qu'on peut y faire pousser des arbres de grande taille est illusoire, ils ne survivraient pas.
Sur la route de Chancy, par exemple, là où on a installé le tram au milieu en empiétant sur une grande partie de la zone agricole, quelques arbres ont été plantés en bordure, sur la droite en direction de Chancy. Eh bien figurez-vous qu'ils sont dans des silos ! Cela signifie qu'à terme, ils vont tous crever. C'est complètement idiot, mais voilà ce qui est fait par nos grands penseurs de l'Etat. Il est absolument lamentable et triste de grignoter du terrain sur la zone agricole pour y créer des silos avec des arbres qui vont mourir dedans.
J'ajouterai que si on plantait tous les arbres que demande l'initiative, il faudrait encore les arroser, parce qu'ils ne pousseront pas tout seuls avec le peu de pluie que nous avons maintenant. De plus, il faudrait trouver des essences qui résistent aux chaleurs. Les variétés qui poussaient chez nous jusqu'à maintenant ne se développeront probablement plus, nous devrions donc trouver des essences particulières qui s'adaptent à ce nouveau contexte.
Aujourd'hui, la Ville de Genève a enfin décidé d'arrêter d'élaguer tous nos platanes. Les pauvres, on voyait bien que ces espèces souffraient parce qu'on les coupait. En fait, il suffit de ne pas trop élaguer les arbres et de laisser les feuillages se développer pour qu'ils donnent l'ombre dont nous avons besoin. Voilà une mesure simple et peu coûteuse, puisqu'il suffit de ne rien faire, cela me paraît vraiment évident.
Cette initiative témoigne d'une haine des voitures, une haine qui vient et revient sans cesse. Or je vous signale que le monde a changé depuis le moment où l'homme, grâce à la machine, a dépassé la vitesse du cheval: cela nous a permis de développer l'industrie, les voyages, cela nous permet de nous déplacer dans des délais raisonnables alors qu'avant, on ne pouvait pas transporter par exemple du poisson, des fruits délicats... (Exclamations.)
Une voix. Oh là là !
Une autre voix. Oh, y en a marre !
Mme Danièle Magnin. ...toutes choses auxquelles on n'avait pas accès auparavant et qui voyagent maintenant grâce aux véhicules à moteur que vous voudriez tant voir disparaître, Mesdames et Messieurs qui soutenez cette initiative !
Quant à l'ACG, elle nous a expliqué que l'initiative était irréalisable, que les communes avaient déjà mis en place une stratégie: dans le cadre des nouvelles constructions, elles veillent à ce qu'il y ait des arbres. La commune de Veyrier nous a même écrit pour nous indiquer qu'elle ne voulait pas de ce texte, que celui-ci était inexécutable sur son territoire.
Enfin, je souligne que M. Vincent Kaufmann, pour qui j'ai le plus grand respect, trouve la minéralisation toute rose de la plaine de Plainpalais absolument splendide, parce que des marchés la bordent; eh bien sachez que j'ai été très déçue par ce propos. Le MCG refusera cette initiative, mais acceptera le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Sormanni, vous n'avez plus de temps de parole. Le micro revient donc à Mme de Chastonay pour une minute.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Une minute, ouh là ! Alors je rappellerai rapidement que l'objectif principal de l'initiative, c'est d'améliorer le climat urbain dans treize communes - et pas dix, comme on l'a entendu - que j'aimerais nommer, parce que c'est important: Genève, Vernier, Lancy, Meyrin, Carouge, Onex, Thônex, Versoix, Chêne-Bougeries, Le Grand-Saconnex, Veyrier, Plan-les-Ouates, Bernex. Voilà toutes les communes dont nous parlons ce soir. Oui, les villages grandissent et deviennent des villes - avant, il y en avait dix, il y en a maintenant treize - et tout s'accélère: l'attractivité, la densité, l'agrandissement, mais aussi l'urgence climatique et le dérèglement, les canicules, les inondations, les catastrophes.
Aujourd'hui, nous avons la responsabilité d'agir, c'est notre devoir. Nous voulons de la place en ville pour les arbres, pour des îlots de fraîcheur, pour la mobilité douce, pour les transports publics, pour la santé - surtout pour la santé ! -, pour la qualité de vie, pour la vie tout court. Les Vertes et les Verts soutiendront l'initiative et s'opposeront à un contreprojet, parce que nous n'avons plus le temps. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Madame Bänziger, votre temps est écoulé, je passe donc la parole à M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. On l'a bien vu, ce débat ne fait que cristalliser les positions qui avaient été exprimées en commission, c'est-à-dire qu'il y a des gens déterminés qui estiment qu'il faut agir maintenant, soutenir cette initiative et instaurer immédiatement des mesures pour l'été prochain - parce que c'est dans quelques mois, pas dans plusieurs années - et d'autres qui tergiversent, qui cherchent à retarder le processus; ces derniers représentent une majorité, je le déplore une fois de plus, mais de toute façon, on y reviendra, parce que nous sommes face à un mur, Mesdames et Messieurs, nous devons prendre des décisions, ce n'est plus possible de procrastiner comme vous le faites depuis des lustres.
Je me réjouissais d'entendre la position du gouvernement sur le petit projet de loi que j'ai déposé - que des socialistes avaient déjà présenté il y a cinq ans - pour éteindre les lumières entre une heure et six heures du matin; eh bien le Conseil d'Etat a enfin institué cette mesure visant à économiser de l'énergie et à lutter contre la dégradation du climat, parce qu'une grande quantité de CO2 est émise avec ces lumières inutiles. A quoi sert-il d'illuminer la rade avec des publicités ? Les touristes prennent-ils vraiment des photos à quatre heures du matin ? On en est là, Mesdames et Messieurs !
Il faut intervenir sans délai, et c'est pour cela que notre groupe soutiendra cette initiative. Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation extraordinaire, il s'agit de prendre des mesures très minimalistes pour la mettre en oeuvre, pour faire en sorte que nos concitoyennes et concitoyens, l'été prochain déjà, puissent bénéficier d'un peu d'air et d'îlots de fraîcheur, ce qui leur permettra ainsi qu'à leur famille de vivre à peu près correctement entre dix heures du soir et six heures du matin. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je cède la parole à Mme Françoise Nyffeler pour quatre minutes vingt.
Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. Oui, je n'interviendrai pas forcément très longtemps, je voudrais juste rappeler un chiffre qui me semble essentiel: 66% de l'espace public en ville de Genève est occupé par des voitures. C'est plus de la moitié de la voirie qu'on a affectée au trafic individuel motorisé ! Or ces véhicules ne transportent que 27% de la population. Il y a un problème ! Plus de la moitié de l'espace public pour un quart des déplacements. Ça ne va pas !
Quant à la végétalisation, c'est tout simplement indispensable. On l'a observé cet été, tout le monde mourait de chaud. Et on achète des climatiseurs quand on n'en a pas déjà chez soi, on laisse les fenêtres ouvertes parce qu'on ne peut pas installer de climatisation autrement... Ça suffit ! Il faut végétaliser, c'est impératif. Il faut arboriser les préaux, les routes, il faut supprimer ou diminuer la part des transports individuels, ces 27% sont inutiles, il faut planter des arbres pour qu'on puisse vivre en ville ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Monsieur Grégoire Carasso, il vous reste cinquante secondes.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à notre collègue Ivanov que l'information figure à la page 22 du rapport de majorité - c'est important, la source: on parle d'environ 700 000 mètres carrés en dix ans, dont 225 000 mètres carrés en ville de Genève.
S'agissant des îlots de chaleur, il a été fait référence à un article de la «Tribune» du 21 juillet dernier. Eh bien oui, l'expérience menée est assez intéressante pour comprendre le phénomène des îlots de chaleur: fin juillet, devant la gare de Cornavin, la chaleur dégagée par le bitume - donc on n'est pas sur une voiture - affichait 64 degrés alors que deux pas plus loin, sur le trottoir ombragé devant l'église Notre-Dame, il faisait 44 degrés. 20 degrés de différence qui, à eux seuls, alors qu'il faisait 38 degrés dans l'atmosphère, expliquent le phénomène des îlots de chaleur urbains contre lequel cette initiative lutte.
Le professeur Kaufmann - vous transmettrez à Mme Magnin - aime les voitures. Il nous disait: «Il y a cinq ans, je n'aurais jamais soutenu cette initiative, mais aujourd'hui, l'urgence climatique nous l'impose.» Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole retourne à M. Rémy Pagani pour trois minutes.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, merci, Monsieur le président. On essaie de nous faire croire qu'il n'y a pas de places de stationnement disponibles en abri, ce qui est complètement faux. Consultez les statistiques des parkings publics: aujourd'hui, ils se vident, et ce pour deux raisons. D'abord, les habitants de la ville de Genève renoncent de plus en plus, et heureusement, à leur véhicule, puisque nous disposons d'un système de transports publics extrêmement efficace, sans parler du fait qu'il est très difficile de circuler en ville de Genève. Ensuite, toutes les personnes qui se rendaient auparavant au centre-ville depuis l'extérieur pour rejoindre un parking ne peuvent plus le faire en voiture, parce que leur abonnement a été résilié.
Par conséquent, il y a bien de la place en sous-sol, et je ne vois pas le problème que poserait cette initiative. Elle est logique, il s'agit de dire: «Puisqu'il y a de la place en sous-sol, mettons-y les voitures, libérons l'espace public et proposons autre chose à la population.» Je vous rappelle que nous sommes là pour défendre les intérêts de la majorité des citoyennes et citoyens, pas pour en protéger une minorité. Etant vous-mêmes majoritaires, vous devriez défendre la majorité, mais une fois de plus, je constate que vous défendez une minorité de gens qui utilisent encore leur véhicule, qui en ont prétendument besoin.
Je mentionne aussi que les petites et moyennes entreprises se lancent de plus en plus dans les vélos cargos, parce qu'il est beaucoup plus facile de transporter de la marchandise ainsi, surtout quand la ville est obstruée, qu'il y a des bouchons partout. Dès lors, Mesdames et Messieurs, je ne vois pas quel argument raisonnable et raisonné vous pourriez opposer à cette initiative. Voilà pourquoi Ensemble à Gauche et le groupe que je représente vous invitent à la voter. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci bien. C'est désormais le tour de M. Olivier Cerutti pour quarante secondes.
M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, cette initiative passera devant le peuple, mais elle est inapplicable. Dans dix ans, vous n'aurez rien de plus, parce qu'elle est impossible à réaliser, et cela a été très clairement dit et répété par le Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs ! Aujourd'hui, nous vous offrons la possibilité de travailler sur un contreprojet, lequel nous permettra une véritable avancée, ce que vous n'obtiendrez pas avec cette initiative, même si elle est soutenue par le peuple. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter non à cette initiative et oui au principe d'un contreprojet. Merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le président me demande expressément de faire vite, alors je vais essayer d'être bref. Pourquoi le Conseil d'Etat vous recommande-t-il de rejeter cette initiative ? Tout simplement parce qu'elle est inapplicable. Pourquoi vous conseille-t-il d'adopter le principe d'un contreprojet ? Parce que si nous partageons les objectifs des initiants, nous cherchons à les atteindre d'une autre manière.
Très rapidement, à l'attention de ceux d'entre vous qui ont quelques petits problèmes avec les chiffres, même si le rapporteur de minorité les a rappelés: ce sont effectivement 700 000 mètres carrés qui sont visés par cette initiative, ce qui est déjà beaucoup, et pas 7 millions. (Commentaires.) Et on parle de 225 000 mètres carrés rien qu'en ville de Genève, ce qui représente trois fois la surface de la plaine de Plainpalais.
Il s'agit d'une initiative législative, Mesdames et Messieurs, ce qui signifie que si elle est votée, elle doit être appliquée, elle devient une loi. Or il n'est pas possible de la concrétiser, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont relevé, en particulier le rapporteur de majorité, il est techniquement impossible de la réaliser en raison de l'occupation du sous-sol.
Alors que faire, Mesdames et Messieurs ? L'objectif du Conseil d'Etat pour 2040, je le répète - pour 2030, pardon -, c'est de diminuer de 40% le trafic motorisé dans ce canton, plus spécifiquement au centre de l'agglomération. C'est inéluctable, c'est le seul moyen - enfin, c'est l'un des moyens - pour que la part de la mobilité terrestre remplisse les objectifs qui lui ont été assignés, c'est-à-dire une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre.
Une baisse de 40% du transport individuel motorisé permettra certainement, mais de façon moins dirigiste que dans cette initiative, de dégager et de réattribuer de l'espace public, ce qui est absolument nécessaire, de créer de la végétalisation, d'augmenter le taux de canopée. Ces buts sont approuvés par le Conseil d'Etat, ils seront poursuivis dans tous les cas, mais nous ne parviendrons pas à les accomplir au moyen de cette initiative. C'est la raison essentielle, si ce n'est la seule, pour laquelle le Conseil d'Etat vous recommande de refuser cet objet.
S'agissant du contreprojet, nous pourrons y travailler au sein de la commission d'aménagement. Nous avons déjà esquissé des bases, nous pourrions élaborer une loi générale sur le climat qui nouerait en quelque sorte des gerbes que nous avons déjà commencé à collecter via une série de projets d'investissement, dont certains sont prêts à être votés par ce Grand Conseil, ont déjà été validés en commission: il y a l'électrification complète des TPG, les axes forts vélos, le projet ou du moins les études pour réaliser une diamétrale ferroviaire - vous allez vous pencher dessus -, il y a tout plein de choses. Je citerai encore un projet de loi très ambitieux sur lequel nous travaillons - j'espère qu'il sera soumis au parlement d'ici peu - et qui vise à assainir les bâtiments de l'Etat. Tout cela concourra à diminuer les émissions de gaz à effet de serre et donc à atteindre les objectifs climatiques qui sont ceux de cette initiative, même si elle met un accent particulier sur les îlots de chaleur; nous parviendrons ainsi au but par d'autres moyens.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je ne serai pas plus long, faute de quoi nous allons perdre encore plus de temps, mais vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat, par cette intervention relativement brève - mais, je l'espère, percutante -, vous recommande de refuser l'initiative et d'accepter le principe d'un contreprojet. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, pour cette intervention aussi brève que percutante ! A présent, Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote.
Mise aux voix, l'initiative 182 est refusée par 54 non contre 40 oui et 1 abstention (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 47 oui contre 44 non et 1 abstention (vote nominal).
Le rapport IN 182-B est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Le président. Nous attaquons maintenant les urgences. Voici la première: le RD 1484. Je rappelle que le Bureau demande le renvoi à la commission des finances, donc nous nous prononçons immédiatement.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1484 à la commission des finances est adopté par 81 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous poursuivons avec le PL 12945-B, classé en catégorie II, quarante minutes... (Brouhaha.)
Une voix. Monsieur le président, on ne vous entend pas !
Une autre voix. Il faut se taire !
Le président. Il y a une excellente solution: c'est que les uns et les autres se taisent, et vous m'entendrez ! Pour commencer, la parole revient à Mme Céline Zuber-Roy.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Les importantes avancées technologiques... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Céline Zuber-Roy. Merci. Les importantes avancées technologiques, en particulier numériques, posent de nombreux défis à notre société. Une meilleure protection des citoyens et de leurs données constitue ainsi un enjeu fondamental. C'est l'objectif du PL 12945, lequel inscrit un nouvel article dans la constitution cantonale pour garantir l'intégrité numérique des personnes. Bien qu'ayant déjà présenté ce projet de loi lors de la session de mai-juin avant son renvoi en commission, je me permets de refaire une présentation complète des travaux aujourd'hui afin d'offrir une vue d'ensemble de cette proposition de modification constitutionnelle.
Lors des premiers travaux de commission, l'ajout d'un nouveau droit à notre charte fondamentale a été jugé pertinent, tant sur le plan symbolique que juridique. Grâce à l'engagement du département, qui a mis en place un groupe de travail incluant des experts, le texte a été amendé une première fois; nous y avons apporté des précisions et l'avons complété. Il a ainsi été décidé de créer un nouvel article consacré uniquement à cette thématique plutôt que de rattacher celle-ci à une disposition existante comme la liberté personnelle et la protection de la sphère privée, l'objectif étant que le nouvel article 21A serve précisément de courroie de transmission entre la liberté personnelle et la protection de la sphère privée.
Nous avons également estimé utile de préciser la notion d'intégrité numérique, car ce concept... (Commentaires.) Ça va, je ne vous dérange pas trop ?
Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs ! Si vous souhaitez terminer à l'heure, il faut vous taire.
Mme Céline Zuber-Roy. Merci. Je reprends: nous avons également estimé utile de préciser la notion d'intégrité numérique, car ce concept est récent et n'a pas été défini par la jurisprudence. Partant, un deuxième alinéa a été institué qui énonce, à titre exemplatif, des composantes de ce droit. Sont listés: le droit d'être protégé contre le traitement abusif des données liées à la vie numérique, le droit à la sécurité dans l'espace numérique, le droit à une vie hors ligne ainsi que le droit à l'oubli. Si cette définition donne un cadre initial à ce nouveau droit fondamental, il ne s'agit en aucun cas d'empêcher son évolution au fil du temps à travers la jurisprudence.
Un autre alinéa - le quatrième, maintenant - a par ailleurs été ajouté dans l'optique de lutter contre la fracture numérique: l'Etat est chargé de favoriser l'inclusion numérique et de sensibiliser la population aux enjeux du numérique. De plus, il devra s'engager en faveur du développement de la souveraineté numérique de la Suisse et collaborer à sa mise en oeuvre.
Deux précisions ont été apportées lors du premier traitement qui sont toujours valables. D'abord, la nouvelle disposition ainsi amendée paraît suffisamment détaillée pour ne pas nécessiter de loi d'application. Ensuite, comme il s'agit d'un droit fondamental cantonal, il s'appliquera principalement à l'administration cantonale genevoise, aux communes, aux établissements publics autonomes de même qu'à tout organisme de droit public ou privé chargé d'accomplir des tâches de droit public cantonal ou communal. Il serait cependant souhaitable qu'à terme, il soit repris au niveau fédéral pour bénéficier d'un champ d'application plus large.
Pour rappel, la plénière a renvoyé ce projet de loi en commission pour traiter un amendement d'Ensemble à Gauche qui avait la teneur suivante - c'était un nouvel alinéa 3: «L'intégrité numérique inclut le droit de toute personne à l'information sur les données personnelles numériques qui la concernent et qui sont détenues par autrui, le droit au contrôle effectif de chacune et chacun sur ces données numériques personnelles et le droit à la protection contre toute exploitation marchande de ces données qui ne serait pas explicitement autorisée par la personne concernée.» La commission a étudié cet amendement, mais n'a pas été convaincue par la plus-value qu'il apporterait. Au contraire, sans rien ajouter sur le fond, cette disposition risque d'induire les citoyens en erreur en donnant l'impression d'être applicable aux entreprises privées, ce qui n'est pas conforme au droit fédéral. Dès lors, la majorité a refusé cette modification.
Toutefois, outre qu'elle a confirmé l'intérêt de créer un nouvel article constitutionnel, la reprise des travaux a permis d'approfondir la discussion concernant la souveraineté numérique, plus particulièrement le droit applicable aux données stockées par les collectivités publiques. Un amendement a été largement accepté prévoyant que les données ne puissent être stockées que dans des pays offrant une protection adéquate. Cette cautèle existe déjà actuellement, mais figure uniquement dans un règlement du Conseil d'Etat; vu l'importance de la problématique, il se justifie de l'ancrer dans la constitution cantonale. Pour ces raisons, la majorité de la commission des Droits de l'Homme vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter ce projet de loi tel qu'amendé en commission.
Le président. Merci bien. Je donne maintenant la parole à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Merci, je la prends avec plaisir ! La démonstration a été faite que le renvoi en commission était utile, puisque nous avons encore apporté des modifications au texte. Mme Zuber était fâchée avec moi quand j'ai proposé ce renvoi; aujourd'hui, nous sommes réconciliés, puisque des développements significatifs ont eu lieu, notamment l'ajout suivant: «Le traitement des données personnelles dont la responsabilité incombe à l'Etat ne peut s'effectuer à l'étranger que dans la mesure où un niveau de protection adéquat est assuré.» Il s'agit d'une proposition d'un député socialiste qui se dénoncera tout à l'heure et qui la défendra. Cet élément constitue un progrès considérable dans ce projet de nouveau droit fondamental. Dès lors, je pense que le retour en commission était judicieux.
Je remercie Mme Zuber-Roy d'avoir cité l'amendement initial que j'avais improvisé le soir du renvoi en commission à titre exemplatif des questions qui pouvaient se débattre, mais Mme Zuber faillit un peu à sa tâche de rapporteuse de majorité, puisqu'elle n'a pas précisé que les travaux de la commission ont permis d'avancer sur le sujet. Certes, Pierre Vanek avait déposé un amendement que Mme Zuber a lu - je ne le répéterai donc pas - et qui consistait à mettre l'accent sur la maîtrise effective des citoyens - enfin des habitants, des sujets... non, des gens - soumis à cette disposition légale. Mais si cet amendement a été discuté, il n'a pas été voté, la commission ne l'a pas refusé, il a été amendé par Pierre Vanek lui-même !
D'abord, on lui a reproché: «Le texte est trop long.» Alors effectivement, Pierre Vanek a tendance à être trop long, il l'a donc raccourci de moitié. Ensuite, une députée PLR que je ne citerai pas par égard pour la rapporteuse de majorité a encore affiné la formulation, et la modification a pris la teneur suivante - vous la trouvez dans le rapport, mais probablement que personne ne l'a lu...
Une voix. Si !
M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur Guinchard, vous êtes bon public, mais sans doute figurez-vous dans la minorité de ceux qui l'ont lu. Cet amendement issu de la plume d'une personne éminemment qualifiée stipule: «Toute personne a droit à l'information et au contrôle effectif sur ses données personnelles numériques.» Je répète: «Toute personne a droit à l'information et au contrôle effectif sur ses données personnelles numériques.»
C'est le contrôle, l'autodétermination informationnelle, comme on dit dans le jargon de ceux qui s'occupent de ces questions, la possibilité de contrôler réellement... Enfin, en tout cas le droit affirmé de contrôler réellement les informations qui sont détenues, alors que dans le texte qui nous est soumis, il n'est question que de la protection contre le traitement abusif des données.
Mais enfin, cela signifie que des gens peuvent, arguant que le traitement qu'ils font des données vous concernant, Mesdames et Messieurs - cela touche chacun d'entre nous -, n'est pas abusif, continuer à le faire et que vous n'avez aucune emprise là-dessus. Ma proposition est donc beaucoup plus radicale pour la liberté individuelle, l'affirmation d'une possibilité de contrôle sur des informations détenues à votre sujet dans des serveurs Dieu sait où et par Dieu sait qui. Certes, la matérialisation de ce droit n'est pas évidente, mais encore faut-il commencer par l'affirmer si on veut le concrétiser.
Je répète la disposition: «Toute personne a droit à l'information et au contrôle effectif sur ses données personnelles numériques.» Il s'agit d'un nouvel alinéa 3. Et vous voudriez ne pas voter cela ? Vous êtes contre le fait que toute personne ait droit à l'information et au contrôle effectif sur ses données personnelles numériques ? Non, bien sûr que non ! Alors les bolcheviques du fond de la salle, peut-être, mais les libéraux, Mesdames et Messieurs, comment pourriez-vous refuser cette disposition ? D'autant plus qu'elle matérialise le droit à l'intégrité numérique qui, pour le moment, constitue, disons, une abstraction dans l'esprit de la majorité de nos concitoyens.
Je contesterai encore un point de l'intervention de Mme Zuber. Elle a indiqué: «Tout cela concerne le rapport des gens avec le canton et les établissements publics.» Mais évidemment que ce droit fondamental a vocation, dans la mesure du possible, à être étendu aux acteurs privés, bien entendu ! On donne l'exemple au niveau de la collectivité publique, mais je n'ai pas à rappeler à la constituante que j'ai en face de moi l'article 41 de la nouvelle constitution genevoise - Monsieur Guinchard, vous savez de quoi je parle, nul n'est censé ignorer la loi - qui, en son alinéa 3, dispose: «Dans la mesure où ils s'y prêtent, les droits fondamentaux s'appliquent aux rapports entre particuliers.» En introduisant un nouveau droit, on institue aussi un droit qui, dans la mesure où il s'y prête - et évidemment qu'il s'y prête, même si c'est difficile à faire appliquer, le droit se prête manifestement à constituer une règle pour les rapports entre particuliers -, comme tous les droits fondamentaux, s'applique aux rapports entre privés.
Aussi, il n'y a pas de raison de ne pas voter cet amendement issu de la plume éminente de la rapporteuse de majorité et qui a failli passer en commission, il a manqué une voix... Oh zut, je n'aurais pas dû dénoncer ma collègue d'en face ! Excusez-moi, Madame Zuber, c'était un lapsus, un défaut lié à mon grand âge et au fait que je suis un peu gaga.
Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, notre société tout entière devient numérique, comme nos relations et nos données personnelles, qui virent en denrées commercialisables de grand intérêt. Je me demande d'ailleurs si l'on a encore les moyens, à titre individuel, de vérifier où vont et viennent nos données.
Le choix lié au contrôle d'accès à nos données qui nous est offert par quasi tous les sites est complexe; combien de fois accepte-t-on juste parce que refuser leur exploitation marchande est trop fastidieux ? Est-ce une raison pour baisser les bras, ne rien faire ? Certainement pas. Mais il faut proposer un cadre crédible, car la marge de manoeuvre est limitée, par exemple en matière de traitement ou d'hébergement des données dans le cloud. Bref, dans le domaine numérique encore plus que dans d'autres, la Suisse n'est pas une île indépendante et autosuffisante, pas plus qu'elle ne peut exercer de pression ou de contrôle au niveau planétaire.
Si la surveillance au niveau de la toile n'est pas possible, la demande formulée à travers ce projet de loi déposé par le député Pasquier, à savoir qu'au moins les données que nous confions à l'Etat et à d'autres collectivités publiques soient sous contrôle, est légitime. Dès lors, il y a lieu de remercier le département des infrastructures qui a procédé à une très large consultation et a examiné attentivement ce qu'il était possible d'inscrire au niveau constitutionnel. La formulation proposée par M. Vanek suite au renvoi en commission et amendée grâce aux apports judicieux du département a été acceptée: «Le traitement des données personnelles dont la responsabilité incombe à l'Etat ne peut s'effectuer à l'étranger que dans la mesure où un niveau de protection adéquat est assuré.»
Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, il y a lieu d'accepter ce projet de loi tel que voté en commission, et le PDC le fera, pour que l'intégrité numérique soit inscrite au niveau constitutionnel au même titre que le droit à la vie, à l'intégrité, à la liberté personnelle et à la protection de la sphère privée. Je vous remercie.
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR), député suppléant. Nous le savons, la digitalisation entraîne de profondes transformations au sein de notre société: elle suscite de grands espoirs pour améliorer nos conditions de vie et notre bien-être, elle soulève des enjeux économiques, sociaux, politiques et scientifiques majeurs pour notre pays. Le PLR ne considère pas ces développements comme des menaces mais, au contraire, comme des chances pour la Suisse et Genève, notamment dans l'optique de préserver notre attractivité économique et notre capacité d'innovation. Mais, ne l'oublions pas, il est essentiel que chacune et chacun puisse profiter de la numérisation; une société numérique à deux vitesses n'est dans l'intérêt de personne.
Lors de la consultation sur ce projet de loi, l'Hospice général nous a indiqué que l'inclusion numérique et les enjeux liés au digital constituent des axes stratégiques clairement identifiés. L'IMAD, de son côté, a mentionné qu'elle pourrait être amenée à exploiter davantage son capital informationnel dans le but d'améliorer la qualité des prestations offertes; des codes de bonnes pratiques seront alors nécessaires, selon l'institution. Quant aux TPG, ils nous ont expliqué qu'ils développent des projets pour mieux identifier les comportements des utilisatrices et utilisateurs avec de grandes quantités de données afin de personnaliser les offres de transport. Le sujet est donc parfaitement d'actualité.
Dès lors, nous avons une carte à jouer pour prendre une avance en matière de conditions-cadres liées au développement du numérique. Nous devons répondre aux nombreux défis de la digitalisation tout en protégeant les citoyennes et citoyens d'une utilisation abusive de leurs données. En effet, toute personne a le droit à la sauvegarde de son intégrité numérique. Nous, le PLR, affirmons aujourd'hui qu'il s'agit d'un droit fondamental. L'Université de Genève croit également en la nécessité de protéger les droits de la personne dans l'espace numérique et estime qu'une norme constitutionnelle de haut niveau fait sens; elle est donc en faveur de l'inscription d'un nouvel article 21A dans la constitution genevoise. Certes, il s'agit d'une intervention symbolique, mais il ne fait aucun doute que les contours juridiques s'établiront rapidement au vu du rythme effréné de la révolution numérique.
Le projet de loi 12945 vise la protection des données, de la personnalité, de la vie privée et de la dignité humaine au sens large. Il s'agit d'une modification constitutionnelle importante. A travers cette nouvelle disposition, nous définissons une priorité d'action et de sensibilisation dans un domaine dont l'évolution s'accélère, ce qui nécessite d'anticiper et d'établir un nouveau droit. Gouverner, c'est prévoir, et nous devons agir pour une protection forte de l'individu dans l'espace numérique. Il s'agit d'envoyer un message clair à l'Etat quant à sa responsabilité lors de la collecte, du traitement et du stockage des données des citoyennes et citoyens de notre canton. Il y a fort à parier, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, que les autres cantons et la Confédération suivront l'exemple précurseur de Genève. Je vous invite, tout comme le groupe PLR, à soutenir ce projet de loi et vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Francisco Valentin (MCG). A l'heure actuelle, une grande proportion de la population épanche sa vie privée dans la rue ou les transports en commun - on s'appelle en visioconférence - et plus rien ne se fait sans un ordinateur, un téléphone ou, pire encore, une montre connectée ayant la faculté technologique de transmettre en temps réel votre position GPS exacte, vos données biologiques et éthologiques complètes, votre niveau de stress, vos excès ou la platitude affligeante d'une vie morne. Quasiment tous les parents offrent à leurs enfants de quoi prétendument garder le contact en cas d'urgence, leur ouvrant par là même l'accès à des contenus auxquels ils ne devraient pas être confrontés, quand ce ne sont pas les enfants eux-mêmes qui livrent des informations ou des images d'eux qui ne devraient pas circuler sur internet. Une époque où l'être humain n'est même plus un numéro, mais en est réduit à un simple code QR, où plus aucune démarche officielle ou privée n'est possible sans connexion internet.
Comment préserver sérieusement l'intégrité de personnes qui révèlent elles-mêmes tout et plus au nom de leur liberté individuelle ? Il faut bien sûr, c'est un grand minimum, protéger les données officielles transmises à l'Etat, lequel doit être garant de la sphère privée de ses citoyens. Mais, Mesdames et Messieurs, par où circulent les informations et les formulaires, les tonnes de gigaoctets échangés quotidiennement ? Par les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Maroc. Presque toutes nos sociétés de téléphonie ou d'internet délocalisent leurs centrales help desk - pardon pour l'anglicisme - dans des pays tiers. Les réseaux sociaux, qui sont de plus en plus gourmands en informations très personnelles, s'y trouvent aussi. Chacun sait que les protections informatiques sont plus ou moins faciles à craquer, parfois même pour des adolescents de moins de quinze ans; il existe en libre accès des tutoriels d'une simplicité enfantine pour pirater les mots de passe, espionner un ordinateur, un téléphone ou des sites de discussion ou de messagerie instantanée.
Alors oui, le MCG peut soutenir ce projet de loi qui part certainement d'une bonne intention après l'épisode covid et au regard de l'échange frénétique d'informations médicales, personnelles ou de codes QR. Mais quel est le poids de nos petites lois faussement rassurantes face à la législation internationale, face aux géants d'internet qui sont tous à l'étranger et disposent de leurs propres règles ? Education, sensibilisation, formation seront certainement beaucoup plus efficaces. Je vous encourage à soutenir ce projet de loi, mais reste très sceptique quant à sa portée. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je m'associe aux remerciements adressés à l'auteur de ce projet de loi, M. Pasquier, ainsi qu'au département. Les collaborateurs étaient vraiment compétents, j'ai été très étonné... (Rires. L'orateur rit.) ...j'avais même de la peine à suivre... (Commentaires.) Ce n'est pas pour me moquer, je suis sérieux ! Sincèrement, il faut rendre hommage à ces collaborateurs, ils étaient réellement brillants... (Commentaires.) Ils ont mené un travail de consultation extrêmement fouillé, ils nous ont beaucoup apporté. Du reste, ce sont eux qui ont élaboré les amendements.
Ce projet de loi n'est pas seulement symbolique, on voit tout de même que des droits ont été octroyés, par exemple celui à une vie hors ligne; c'est quelque chose de concret, ce n'est pas juste d'ordre symbolique. Par exemple, vous ne pouvez pas exiger d'un employé qu'il réponde à un mail à quatre heures du matin sous prétexte que vous l'avez envoyé à trois heures et demie. Voilà un petit exemple très parlant.
Je citerai un autre exemple s'agissant du droit à une vie hors ligne: vous ne pouvez pas non plus forcer les gens qui ne veulent pas utiliser les formulaires sur internet. Il est donc important de prévoir des humains qui orientent le public, transcrivent des données, reçoivent les gens à des guichets ou donnent des informations par téléphone. Cette disposition sur le droit à une vie hors ligne constitue quelque chose de concret, c'est un progrès qui va vraiment améliorer les choses. Il y a également le droit à l'oubli: de nombreuses informations erronées ou obsolètes circulent et doivent pouvoir être effacées.
Ensuite, qu'est-ce que je voulais dire ? (Rires. L'orateur rit.) Ah oui, concernant la sécurité numérique, eh bien c'est très relatif, on sait qu'elle n'existe pas. Déjà, on ignore ce qu'il y a dans les ordinateurs, puisqu'ils sont fabriqués à l'étranger, on n'a pas de production locale d'ordinateurs, donc les fournisseurs installent ce qu'ils veulent dedans, sans parler du fait que les systèmes sont généralement étrangers aussi, donc il n'y a aucune sécurité. On a beau croire que les pays sont «sûrs», entre guillemets, on n'a aucune sécurité à ce niveau.
Alors les gens disent: «Oui, la sécurité numérique, c'est très bien.» Or ce qu'on constate le plus souvent, c'est qu'ils sont friands de réseaux sociaux, et alors là, il n'y a pas de protection, au contraire. Les personnes ne se rendent pas compte qu'elles se portent préjudice à elles-mêmes en divulguant des informations privées, familiales ou encore en indiquant où elles se rendent, ce qui permet par exemple à des cambrioleurs de pénétrer chez elles. Non, vraiment, les gens ne réalisent pas leur imprudence.
A l'avenir, il serait judicieux de disposer d'une loi fédérale sur le numérique; je ne sais pas s'il y en a déjà une actuellement, je ne crois pas. Voilà, Mesdames et Messieurs, donc l'UDC vous propose de soutenir ce projet de loi avec les amendements votés en commission. Merci beaucoup.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe socialiste défendra également ce projet de loi constitutionnelle. Contrairement à ce qu'ont soutenu certains et certaines ici, nous estimons qu'il n'y a pas de fatalité et que l'Etat a une marge de manoeuvre dans le domaine du droit à l'intégrité numérique. Mon collègue Falquet a mentionné la question du droit à une vie hors ligne; plus largement, il s'agit aussi de la possibilité, pour les personnes qui ne sont pas connectées à internet, d'avoir accès aux démarches étatiques. Qu'on ne contraigne pas les administrés à passer par le digital pour leurs démarches représente un élément fondamental de cette disposition.
Je ne partage pas tout à fait l'avis de la rapporteuse de majorité et du Conseil d'Etat selon qui cet article s'appliquerait quasi exclusivement aux rapports entre l'Etat et les particuliers; à mon sens, l'Etat a un rôle à jouer, cela a été souligné par mon collègue Vanek, pour réglementer les relations entre privés - dans le respect du droit fédéral, bien sûr. S'est notamment posée durant nos travaux la question de l'attribution de mandats à des entreprises, et il est clair que dans ce domaine, l'Etat peut définir un certain nombre de conditions. S'est également posée la question de la sous-traitance du traitement des données étatiques; vous vous souvenez qu'en leur temps, les Verts avaient déposé un texte qu'on a appelé «projet de loi Google» sur les espaces numériques destinés aux élèves du DIP.
Tout à l'heure, le député Vanek a parlé du nouvel alinéa 3; il est vrai que le retour en commission s'est révélé intéressant de ce point de vue là, il faut mettre cela au crédit de notre collègue Pierre Vanek: cela nous a permis d'établir cette nouvelle disposition. Oui, je me dénonce pour le groupe socialiste, j'ai été un petit peu à l'origine de ce nouvel alinéa 3, avec des apports du département, que je remercie également d'avoir collaboré à cette formulation.
En fait, il s'agissait de faire remonter quelque chose qui est de rang réglementaire et qui garantit le respect de nos standards de protection des données - c'est quand même un truc de base. Par exemple, quand des informations étatiques comme celles concernant les élèves du DIP sont traitées par des entreprises étrangères, il convient d'assurer les mêmes standards de protection que ceux que nous connaissons en Suisse, ce qui n'est pas du tout évident dans tous les pays. Je pense que nous disposons de cette marge de manoeuvre, que nous sommes en droit d'attendre, que les citoyens et citoyennes sont en droit d'attendre, s'agissant du traitement de données dont la responsabilité incombe à l'Etat, le même niveau de sécurité, en tout cas un niveau similaire - «adéquat», dit le texte. Cela s'est traduit par l'introduction de cet alinéa 3, ce qui est tout à fait réjouissant pour le groupe socialiste.
Dès lors, Mesdames et Messieurs, nous approuverons ce projet de loi constitutionnelle largement amélioré au cours des travaux de commission. Je remercie mes collègues de la commission ainsi que les représentants du département et je vous invite à le voter également. Merci.
M. Yves de Matteis (Ve). Comme cela a été souligné, ce projet de loi constitue une plus-value de même qu'une véritable nouveauté dans l'arsenal juridique et constitutionnel genevois, et vient combler un manque. D'ailleurs, son entrée en matière a fait l'unanimité en commission. Plusieurs personnes l'ont relevé: suite à la crise du covid-19, les transmissions et échanges par le biais de réunions à distance et donc d'instruments numériques se sont généralisés; en témoignent les séances de commission sur cet objet qui ont toutes été effectuées par visioconférence.
L'utilisation accrue des outils digitaux rend indispensable, ou du moins très utile, cet ajout à notre constitution visant à protéger la vie et l'identité numériques de l'ensemble de la population genevoise. Il s'agit avant tout d'inscrire cette notion dans la constitution cantonale, et grâce à l'aide efficace des services de l'Etat, les commissaires ont abouti à un texte tout à fait convenable. Il faut néanmoins souligner qu'il n'est pas exclu, dans le futur, que cette modification constitutionnelle soit suivie par le dépôt d'un ou de plusieurs projets de lois sur le sujet en cas de besoin.
Notre groupe, qui ne s'était pas montré réfractaire à l'amendement déposé par Ensemble à Gauche en commission, n'est pas certain qu'il faille nécessairement aller plus loin dans les détails au niveau constitutionnel. La disposition votée en commission semble répondre aux besoins exprimés. Dès lors, nous adopterons ce projet de loi dans tous les cas de figure, que l'amendement à nouveau présenté par Ensemble à Gauche soit validé ou non. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Pierre Vanek pour une minute vingt-neuf.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, je serai très rapide. L'amendement que je présente, contrairement à ce que vient d'indiquer notre collègue Vert, ne consiste pas à aller dans le détail. Il ne comporte pas de détails, il est d'une généralité extrême, il stipule: «Toute personne a droit à l'information et au contrôle effectif sur ses données personnelles numériques.» C'est un principe général qui est posé dans l'article constitutionnel et qui matérialise un concept très abstrait, à savoir le droit à l'intégrité numérique.
Ce concept est partiellement matérialisé à l'alinéa 2 et je propose de le matérialiser encore plus sur un point très important, c'est-à-dire l'information et le contrôle sur nos données. Si vous n'êtes pas informés de vos données liées à la vie numérique, Mesdames et Messieurs les députés, comment pouvez-vous réagir en cas de traitement abusif ? Tout traitement abusif est proscrit à l'alinéa 2, mais encore faut-il que la personne concernée puisse intervenir.
Mesdames et Messieurs... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...je suis pour ce nouveau droit, pour cette modification de la constitution, mais je trouverais particulièrement choquant que des gens ici - enfin, des députés - se prononcent contre le droit de chaque personne à l'information et au contrôle sur les données qui la concernent. Par conséquent, j'invite ceux qui sont soucieux des droits individuels à voter...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pierre Vanek. Oui, oui, Monsieur le président, je suis en train de conclure avec une exhortation à voter, vous avez senti que j'arrivais à la fin de mon intervention.
Le président. Merci...
M. Pierre Vanek. Eh bien je termine: je vous exhorte, Mesdames et Messieurs...
Le président. Nous avons bien compris, Monsieur le rapporteur.
M. Pierre Vanek. ...à adopter cet amendement.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vais m'efforcer d'être aussi bref que sur l'avant-dernier point. D'abord, je souhaite remercier celles et ceux d'entre vous qui ont remercié nos collaboratrices et collaborateurs d'avoir largement oeuvré en commission avec vous pour faire évoluer la proposition initiale. J'aurais tendance à dire, devant toutes ces louanges à l'endroit des collaborateurs et collaboratrices, qu'il faudrait également les écouter, Monsieur Vanek, puisqu'ils ont souligné plus souvent qu'à leur tour, et tour à tour - ils étaient trois -, combien le texte perdrait de sa pertinence, de sa qualité, de sa concision s'il devait être chargé avec votre amendement supplémentaire. Suivons ainsi les personnes dont on a relevé l'excellent travail et abstenons-nous de modifier ce qui a, semble-t-il, conduit à un très vaste consensus.
Je tiens à saluer très sincèrement les auteurs de ce projet de loi, en particulier Jean-Pierre Pasquier, qui ont clairement identifié le besoin d'inscrire dans notre charte fondamentale ce droit supplémentaire; c'est une initiative que le Conseil d'Etat a rapidement jugée fort pertinente et c'est la raison pour laquelle il a suggéré - merci encore à la commission d'avoir suivi cette proposition - de vous accompagner dans ce travail, ce qui a été effectué de manière tout à fait adéquate.
Le retour en commission s'est en effet révélé judicieux, Monsieur Vanek, puisque, comme plusieurs d'entre vous l'ont relevé, des ajouts pertinents dans le domaine de la souveraineté numérique et des modalités de traitement des données ont été apportés, donc je pense que nous pouvons toutes et tous - et vous aussi, Monsieur Vanek - être satisfaits du résultat suite au second passage en commission - surtout vous, d'ailleurs, puisque vous l'aviez proposé.
J'aimerais rappeler encore un élément que Mme la rapporteuse de majorité n'a pas eu le temps de préciser, vu que son temps était limité: nous ne disposons pas de compétence cantonale pour régler les problèmes ou réglementer les relations entre particuliers. Ce point a été âprement débattu en commission, je souhaitais insister dessus devant la plénière.
En conclusion, il s'agit d'une avancée somme toute modeste - nécessaire, souhaitable évidemment, mais qui reste modeste. Cela ne permettra pas de résoudre toutes les difficultés liées à un domaine en forte mutation, nous ne savons pas encore ce que l'avenir nous réserve en matière numérique, mais nous avons assurément posé des bases très pertinentes, qui intéressent d'ailleurs d'autres personnes: vous savez que je préside la Conférence latine des directeurs du numérique, c'est-à-dire la conférence des cantons romands et du Tessin, la seule au niveau suisse à s'occuper du numérique, et celle-ci a trouvé cette inscription dans notre constitution extrêmement intéressante; nul doute que cela inspirera d'autres cantons, peut-être même la Confédération. Je vous invite dès lors, Mesdames et Messieurs, au nom du Conseil d'Etat, à voter ce texte tel qu'issu des travaux de commission et, même si cela ne fait pas plaisir à M. Vanek, à refuser son amendement. Merci.
Une voix. Il s'en remettra !
Une autre voix. Oh, je ne sais pas !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat...
Une voix. Je demande le vote nominal sur mon amendement, s'il vous plaît.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote sera nominal sur l'amendement, mais pour le moment, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12945 est adopté en premier débat par 88 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par M. Pierre Vanek:
«Art. 21A, al. 3 (nouveau, les al. 3 et 4 anciens devenant les al. 4 et 5)
3 Toute personne a droit à l'information et au contrôle effectif sur ses données personnelles numériques.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 37 oui et 1 abstention (vote nominal).
Mis aux voix, l'art. 21A (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12945 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 82 oui et 6 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous passons à l'urgence suivante... (Rires. Le président rit.) Mais non, je vais être bon prince ! Je vous souhaite une bonne nuit, Mesdames et Messieurs, et vous dis à demain, 14h !
La séance est levée à 23h05.